L’allocution prononcée fait foi

 

Allocution concernant le projet de loi C-59

Devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense (SECD)

Pierre Blais, président du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS)

Chantelle Bowers, directrice exécutive intérimaire, CSARS

2 mai 2019

Bonjour et merci de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui pour parler du projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale. En février 2018, j’ai comparu devant le Parlement afin de discuter du projet de loi C-59 avec vos collègues du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.

J’avais alors affirmé, et je le réitère, que le projet de loi C-59 est un projet de loi complexe, mais extrêmement important, qui donnera une nouvelle orientation à la sécurité nationale au Canada, et à la reddition des comptes à cet égard, dans un avenir prévisible. Je suis heureux de voir que le projet de loi suit les étapes du processus parlementaire.

J’aimerais commencer par vous décrire le mandat et les responsabilités du CSARS.

Le CSARS a été créé en 1984, en même temps que le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et aux termes de la même législation. Le CSARS est un organe d’examen externe indépendant, c’est-à-dire indépendant du gouvernement. Le CSARS ne relève pas d’un ministre, il rend directement compte au Parlement. Le CSARS procède par l’intermédiaire d’un comité « d’éminents » Canadiens qui viennent d’horizons politiques et régionaux divers. Je suis le président de ce comité.

Le CSARS aide à assurer que le SCRS s’acquitte de son mandat comme il se doit, d’une façon efficace et conforme à la loi, tant au pays qu’à l’étranger. Essentiellement, le CSARS a pour mandat de fournir au Parlement et, par extension, aux Canadiens, l’assurance que le SCRS mène des enquêtes, signale les menaces pour la sécurité nationale et recueille du renseignement étranger dans le respect de la primauté du droit et des droits des Canadiens.

Le mandat du CSARS se décline en trois responsabilités principales. La première consiste à effectuer des examens approfondis des activités du SCRS. Ensuite, le CSARS doit certifier le rapport annuel du directeur du SCRS présenté au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Enfin, le CSARS fait enquête sur les plaintes concernant les activités du SCRS et les refus d’habilitations de sécurité.

Dans l’ensemble, le système a toujours bien fonctionné et il continue de le faire. Toutefois, le CSARS et d’autres intervenants remettent de plus en plus en question l’efficacité du processus cloisonné de reddition de comptes des activités de renseignement au Canada. Cette question a été soulevée pour la première fois dans le contexte des événements du 11 septembre, alors que les activités de sécurité nationale de plusieurs entités fédérales semblaient s’entrelacer dans la foulée de ces attentats, tandis que les organismes d’examen en place demeuraient cloisonnés.

Dans son rapport annuel 2010-2011, le CSARS indiquait qu’« [a]u Canada, pourtant, le système de freins et contrepoids, qui a été instauré il y a plus de deux décennies pour assurer la reddition de comptes de ces divers organismes, n’a pas suivi le rythme de ces changements. Les mécanismes de surveillance existants, dont le CSARS, ne sont ni conçus ni outillés pour examiner à fond les activités de plus en plus intégrées du Canada en matière de sécurité nationale ». Il s’agit d’une lacune importante de la reddition de compte relative à ces activités.

Dans l’ensemble, le projet de loi qui vous est soumis permet de corriger le problème. Il donne à l’OSSNR le mandat d’examiner toute activité du SCRS ou du CST, toute activité menée par un autre ministère ou une autre agence portant sur la sécurité nationale ou le renseignement, et toute autre question liée à la sécurité nationale qu’un ministre porterait à son attention. L’examen spécial de la sécurité nationale du type que le CSARS effectue depuis plus de 30 ans est ainsi élargi à un grand nombre d’autres ministères et organismes, notamment l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Le CSARS appuie ces propositions de changements qui corrigeront les lacunes du système de reddition de comptes que nous, comme bien d’autres groupes, soulignons depuis des années.

Les délibérations du Canada sur la responsabilisation se déroulent à un moment où la réflexion sur la reddition de comptes des organismes du renseignement a évolué, ce qui se traduit par des attentes de transparence accrues chez le public. À cette fin, l’une des grandes forces du projet de loi est la disposition qui permet au nouvel organisme de publier des rapports spéciaux aux termes du paragraphe 40(1) de la Loi lorsqu’il estime qu’il est dans l’intérêt public de le faire. Le nouvel organisme transmettra ces rapports au ministre compétent, qui devra ensuite les faire déposer devant chaque chambre du Parlement.

Ce mécanisme permettra au nouvel organisme d’examen de signaler un problème important aux parlementaires et au public en temps opportun. En ce moment, le CSARS n’est pas en mesure de le faire, son seul moyen étant le rapport public annuel qui doit être présenté le 30 septembre de chaque exercice financier, ce qui limite sa capacité à présenter les résultats de ses activités de façon plus opportune. À la lumière des récents engagements du gouvernement en matière de transparence, il s’agit là d’une disposition importante.

Au cours de sa comparution précédente, le CSARS a remis au SECU un certain nombre de propositions de modifications qui, à son avis, amélioreraient et préciseraient certains éléments du projet de loi. Au cours de mon témoignage, j’ai insisté sur la plus importante, soit le principe selon lequel l’Office devrait déterminer lui-même sa procédure. Cette proposition a été retenue et figure dans l’ébauche qui se trouve devant vous au paragraphe 7(1). Nous sommes heureux de ce changement.

Même si nos propositions de modifications n’ont pas toutes été acceptées, dans l’ensemble nous sommes satisfaits du projet de loi tel qu’il est présenté. Je profite tout de même de l’occasion pour souligner l’importante question du titre français proposé, soit « Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement » (OSSNR). Plus particulièrement, il semble clair que l’intention du projet de loi C-59 est d’établir une distinction entre « examen » et « surveillance », et que le mandat de l’OSSNR en serait un d’examen. Par conséquent, la traduction, « Office de surveillance… » qui renvoie à « oversight » en anglais, devrait être modifiée pour « Office d’examen... » ce qui traduit mieux le sens de « review ». J’ai indiqué cette proposition dans une lettre au ministre, je vous laisse le soin de l’examiner.

Je terminerai simplement en réaffirmant le soutien du CSARS à l’orientation du projet de loi C-59 en ce qui concerne la création de l’OSSNR. Cela représente un pas en avant important dans les domaines de l’examen et de la responsabilisation.

Je vous remercie.

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