Le Declin de La Francafrique
Le Declin de La Francafrique
Le Declin de La Francafrique
du monde contemporain
Cette collection réunit sous un même label des travaux de spécialistes
centrés sur la question des Relations internationales en général envisagées
sous leurs différents aspects : juridiques et politiques mais aussi stratégiques
et économiques. L’histoire diplomatique et les questions militaires
trouveront ici également leur place.
Déjà parus
Farhat Othman, Francophonie : hymne ou requiem ? Pour un visa
francophone de circulation, 2022.
Gabriel Amvane, L’efficacité du maintien de la paix en Afrique par l’ONU
et l’Union africaine, 2020.
Sous la direction de Christophe Traisnel et Marielle Payaud, La
francophonie institutionnelle : 50 ans, 2020
Sous la direction de Jean-François Payette, Hong Khanh Dang, La
Francophonie comme facteur structurant dans les politiques étrangères :
regards croisés, 2020
Ahmed Iraqi, Géopolitique des investissements, marocains en Afrique,
Entre intérêt économique et usage politique, 2020.
Sinem Yargiç, Les conventions onusiennes des Droits de l’homme. Analyse
et perspectives, 2018.
Hassan Ouazzani Chahdi, Le Maroc et les traités internationaux. Tradition
et modernité, 2018.
Paul Elvic Batchom, Les parias de la scène internationale, A propos des
dynamiques inégalitaires de l’ordre mondial, 2017.
Frédéric Lejeal
Le déclin franco-africain
L’impossible rupture avec le pacte colonial
Du même auteur
Le Burkina Faso, Karthala, coll. « Méridiens », Paris, 2005.
© L’Harmattan, 2022
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.editions-harmattan.fr
EAN Epub : 978-2-14-020549-1
« Oui, Seigneur, pardonne à la France qui dit bien la voie droite et chemine
par les sentiers obliques. Qui m’invite à sa table et me dit d’apporter mon
pain. Qui me donne de la main droite, et de la main gauche enlève la
moitié »
Leopold Sédar Senghor
« France, dégage ! »
Ressentiments
Ce n’est pas tous les jours, a fortiori lorsqu’on est étudiant africain, qu’il
vous est donné la possibilité de parler au grand grand-chef blanc non sans
laisser percer de la rancœur. Malgré l’ambiance bon enfant qui se dégage au
final de l’amphithéâtre Joseph Ki-Zerbo, historien de renom contraint de
s’exiler durant la révolution sankariste, Emmanuel Macron est transformé
en réceptable à reproches et à frustrations. Pour cette jeunesse vindicative,
sa présence calculée a un effet catharsis. Enfin la France officielle peut être
directement prise à partie sur son interventionnisme, sa domination
économique, sa collusion avec des régimes ayant fait de la bonne
gouvernance une chimère. A Ouagadougou son plus haut représentant
affiche, comme tous ses prédécesseurs, l’ambition ressassée de réinventer le
rapport avec un continent « au destin partagé ». Ajoutées au relèvement de
l’Aide Publique au Développement (APD) à 0,7 % du Produit intérieur brut
(Pib) et à l’ouverture à toute l’Afrique, de nouvelles thématiques comme les
diasporas ou la restitution d’œuvres d’art spoliées sous la période coloniale
sont une nouvelle manière d’aborder le sujet. « Je serai du côté de ceux qui
portent un regard lucide », déclare-t-il. « Ceux qui considèrent que
l’Afrique n’est ni un continent perdu, ni un continent sauvé. Je considère
que l’Afrique est tout simplement le continent central, global
incontournable car c’est ici que se télescopent tous les défis
contemporains »1. Macron l’ignore encore. Le cap sera des plus difficiles à
tenir. Cinq ans après ce discours fondateur, la colère, non seulement n’est
pas retombée au terme de son mandat, mais a redoublé. La France est le
seul pays au monde à se retrouver sous le feu nourri des masses africaines.
Alors que les jeunes angolais, mozambicains, nigérians ou zambiens ne
ciblent aucunement le Portugal ou le Royaume-Uni pour leur passé ou les
modalités de leur présence, tous les États francophones sont, inversement,
gagnés par les protestations.
En mai 2021, à N’Djaména, Paris est pris pour cible pour la première fois
de l’histoire de ce pays lors de manifestations dénonçant le putsch de
Mahamat Idriss Déby au lendemain de la disparition de son père Idriss
Déby Itno. Au moment où Emmanuel Macron se précipite aux obsèques de
cet allié à l’antidémocratisme profond, les intérêts français sont inquiétés.
Ulcérés par cette caution diplomatique, des Tchadiens défilent au cri de
« La France, hors du Tchad ! ». Son président se voit traité de « marionnette
de la Françafrique ». Quelques semaines plus tôt au Sénégal, pays pourtant
réputé pour sa pondération, les symboles de la présence française sont
attaqués2. Dix magasins du groupe Auchan, vingt-quatre stations-services
de TotalEnergies ainsi que des infrastructures de l’opérateur Orange et du
groupe Eiffage sont sévèrement vandalisées lors d’une flambée de violence
née de la garde à vue du souverainiste Ousmane Sonko, impliqué dans une
histoire de mœurs. Plus qu’une affaire politico-judiciaire, cette actualité
souligne un désir d’affranchissement d’une frange de la population envers
l’ex-colonisateur jugé omnipotent3. « Il est temps que la France lève le
genou de notre cou ! », lance l’opposant sénégalais en conférence de presse,
le 2 juillet 2021, tout en saluant l’Allemagne qui « ne fait pas ingérence et
qui n’impose aucun dirigeant »4. Une partie de l’opinion sénégalaise affiche
son rejet de Paris. Sous l’intitulé « La France tue le Sénégal », un dessin sur
un mur de Dakar représente un homme enrubanné aux couleurs nationales
pendu au bout d’une corde baptisée « CFA ». Ces critiques virulentes sont
entendues au Mali depuis 2018 à l’occasion de manifestations contre
Barkhane, cette Opex de lutte antiterroriste montée dans la foulée de Serval,
à la fois perçue comme néfaste et contreproductive. Mobilisés par plusieurs
collectifs tels Yéré Wolo, les bamakois hurlent leur aversion aux cris de
« Barkhane dégage ! » ou « Stop au génocide de la France au Mali ! ».
Cette défiance n’est pas nouvelle. Elle est aussi vieille que la relation
franco-africaine elle-même. De la tomate jetée sur Georges Pompidou début
1972 au Niger, aux haines recuites des Ivoiriens regroupés sous le mot
d’ordre « A chacun son Français ! » durant la crise 2002-2011, en passant
par les émeutes contre l’ambassade de France à Lusaka en 1971, les
drapeaux piétinés à Niamey en 2004 en réaction à la loi contre le port de
signes religieux ostensibles dans les établissements scolaires ou les
quolibets essuyés par Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy aux obsèques
d’Omar Bongo en 2009, la France n’a jamais cessé de crisper sur fond de
procès en néocolonialisme. Depuis le début des années 90, ces critiques
débordent même au niveau national. A l’image des manifestations de
militants de l’association Survie hurlant « J’ai honte de la politique de la
France au Rwanda », organisées en marge des sommets France-Afrique, les
pratiques franco-africaines sont passées sur le gril, décryptées, mises à nues,
condamnées. Les journalistes enquêtent de plus en plus, qui publient des
brûlots sur un prétendu « génocide franco-africain » à l’instar de Pascal
Krop5. Portés par une abondante littérature sur le caractère criminogène de
la politique française, dont feu-François Xavier Verschave fut l’un des
porte-voix avisés depuis son bureau désordonné de l’Avenue du Maine à
Paris6, des artistes majeurs comme Alpha Blondy ou Tiken Jah Fakoly
n’hésitent plus à pourfendre l’Hexagone en place publique. Sociétés civiles
et ONG se mobilisent.
Depuis, ces tendances se sont densifiées. Les énergies contestataires ne
sont plus circonscrites aux cercles militants. Elles descendent dans la rue, se
globalisent, s’attaquent à tous les paramètres de la présence tricolore et à
tous ses modes d’expression. « La grande nouveauté de ces contestations
est qu’elles sont produites par les Africains eux-mêmes », explique
Ousmane Ndiaye, rédacteur en chef Afrique de la chaîne Tv5 Monde.
« Cette parole n’est plus déléguée aux sphères intellectuelles ou aux
diasporas. Elle innerve toutes les sociétés, et redescendent même jusqu’aux
couches rurales. C’est un vrai basculement »7. Donnant l’impression d’une
opinion majoritaire, cette amplification grâce à la caisse de résonance sans
égale des réseaux sociaux ne fait que décupler le sentiment de dépréciation.
« Il ne s’agit pas d’une impopularité de la France mais d’un sentiment de
frustration qui traduit des attentes très fortes de ce que nous faisons en
Afrique », tempère Franck Paris, le conseiller Afrique d’Emmanuel
Macron8.
Si l’Élysée relativise la lame de fond, les impressions n’en sont pas moins
très négatives. « Le président Macron est une immense déception pour la
jeunesse africaine », explique Guillaume Soro, qui avait érigé l’homme en
modèle au point d’assister à ses meetings de campagne. Et à l’ancien
président de l’Assemblée nationale ivoirienne, tombé en disgrâce dans son
pays, de préciser : « Son arrivée au pouvoir a soulevé un espoir immense,
mais il s’est avéré faible et velléitaire devant les vieux dictateurs sous la
pression des lobbies économiques hexagonaux. Sa politique a conduit à
redonner du champ aux présidences à vie. C’est un grave recul de la France
dans l’oubli affligeant des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité
qu’elle persiste à proclamer. »9 Puisant toute son inspiration dans les
chantiers engagés avant lui, Emmanuel Macron assume sa part de
continuité. La normalisation avec le Rwanda suit l’impulsion donnée par
Nicolas Sarkozy. Les ouvertures aux « autres Afriques » épousent le
mouvement initié dès le mandat de Valery Giscard d’Estaing, puis couronné
par François Hollande, seul invité occidental au centenaire de la fédération
du Nigéria en 2014. Le rapport à la mémoire ? Le même François Hollande
a tracé ce sillon sur les questions liées à l’esclavage, à la colonisation ou
aux sujets de diplomatie économique. Vissé sur les symboles, son
successeur préfère, comme au plan national, l’empilement des coups de
théâtre et des effets de surprise à une politique sur le long-terme. De la
même manière qu’il débauche un Nicolas Hulot ou un Éric Dupont-Moretti
pour compléter son gouvernement, il fait nommer Louise Mushikiwabo à la
tête de l’OIF, institution subitement instrumentalisée comme pour mieux
courtiser son homologue rwandais Paul Kagamé. Soudainement prises sous
son épaule, des personnalités parmi les plus critiques de la relation
bilatérale sont invitées à formuler des propositions constructives.
L’universitaire anticolonialiste et écrivain sénégalais, Felwine Sarr, reçoit
commande d’un rapport sur la restitution des œuvres d’art. De son côté, le
philosophe-essayiste camerounais, Achille Mbembé, est chargé de préparer
les débats du sommet Afrique-France organisé en octobre 2021 à
Montpellier, où il est programmé en guest-star. La volonté de rompre avec
l’ancien monde se heurte néanmoins au principe de réalité. Le militarisme,
la condescendance, la prédominance du fait migratoire dans le discours, les
appels du pied en direction de la coterie des chefs d’État indéfendables du
point de vue des droits humains dominent imperturbablement le récit
français. « Le principal grief que l’on peut formuler envers la France est
l’extraordinaire duperie historique du simulacre d’indépendance en 1960
destinée, dès le départ, à perpétuer à moindre frais le système colonial. Le
malentendu fondamental est là », explique le journaliste franco-béninois
Francis Kpatindé, enseignant à Sciences Po Paris. « Ce pays reste le seul
État non africain dont la présence est encore aussi prégnante et globale sur
ce continent. Cette présence est politique et s’accompagne de véritables
diktats. Elle est militaire. Elle est économique avec des chasses gardées
livrées au gré à gré. Elle reste monétaire avec un franc CFA détesté, appelé
à subir une réformette cosmétique. »10 L’incapacité à modifier cet ADN est
fustigée par de nombreux autres observateurs. « Cette animosité n’est pas
dirigée vers les Français en tant que tels, mais vers la politique de leur pays
dans sa continuité militaire, économique et diplomatique, trois domaines
entremêlés », juge, pour sa part, le politologue béninois Gilles Yabi,
fondateur du think tank Wathi basé à Dakar. « Il existe chez cette jeunesse
une prise de conscience que cette présence prolonge une politique
d’influence née sous la colonisation et qui s’est poursuivie après les
indépendances. Les nouvelles générations entendent la remettre en
cause. »11 Un constat que rejoint le philosophe congolais et ancien ministre
Charles Bowao, rallié à l’opposition dans son pays : « Le sentiment anti-
français est une réaction des élites et de la jeunesse africaine qui luttent
avec acharnement contre les régimes autoritaires, lesquels ont tous établis
des relations privilégiées avec la France. »12 Plus tranché est le sentiment
de l’ex-Premier ministre ivoirien Pascal Affi Nguessan, candidat à la
présidentielle de 2020 dans son pays : « Les élites africaines n’acceptent
plus l’attitude paternaliste de la France. Elles vivent mal la volonté de
domination et ses ingérences permanentes dans les affaires internes, soit à
travers le soutien à des autocrates, soit pour déstabiliser des régimes jugés
trop indépendants au nom d’intérêts économiques. Je pense à la Côte
d’Ivoire mais aussi au Tchad ou au Mali. »13
La relation franco-africaine dépasse les contingences, les circonstances,
les couleurs politiques. Consignée dans un temps long, elle agit par
capillarité en alimentant des sentiments ambivalents. Il serait en cela injuste
de faire endosser à Emmanuel Macron l’entière responsabilité de ce
phénomène. Les manifestations de colère restent néanmoins d’une
magnitude équivalente à la déception suscitée par ce président
quadragénaire ayant naïvement cru en sa capacité à renverser les calebasses
au seul prétexte de ne pas être né sous la colonisation. « Il est le plus décrié
de tous les présidents français car les Africains s’identifient précisément à
lui en raison d’une même jeunesse. Ils ne comprennent pas ses accointances
avec des présidents installés au pouvoir depuis des décennies, qui piétinent
l’idéal démocratique »14, explique le journaliste congolais Rodrigue
Fénelon Massala, observateur attentif de la vie politique africaine. Le sous-
continent noir apparait profondément renouvelé par l’émergence d’une
jeunesse ouverte sur le monde et prête à l’accueillir pour un futur meilleur.
Pour ne pas avoir anticipé cette réalité à partir des années 2000, les
exécutifs parisiens ont laissé à l’épigone de François Hollande un champ de
ruine sur fond de ressentiment de générations détachées de l’ère coloniale et
de la période des indépendances, mais qui réagissent à ce qu’ils perçoivent
comme la perpétuation de pratiques en vogue à cette époque. « Bien que la
génération issue de la colonisation ne soit plus aux manettes, la jeunesse
africaine reste convaincue que la France choisit toujours ses dirigeants et
fait en sorte de les maintenir au pouvoir dans une optique purement
utilitariste. Ce qui s’est passé au Tchad après la disparition d’Idriss Déby
Itno en est un exemple », déplore l’ancien Premier ministre centrafricain
Martin Ziguélé, président du Mouvement de Libération du Peuple
Centrafricaine (MLPC)15. De motivation multiple mais guidées par la
préservation d’intérêts géostratégiques, ces orientations traduisent la
survivance d’un pacte postcolonial avec lequel toute césure paraît des plus
ardues. Pour avoir sous-estimé les résistances de ce système de domination,
Emmanuel Macron s’aligne sur ses prédécesseurs par le conservatisme et
l’indécision. Il ferme le ban des illusions. « Malgré ses discours de rupture
et ceux de ses prédécesseurs immédiats, le soutien aux despotes africains
démontre, s’il en est besoin, la vitalité de la Françafrique », juge l’ex-
Premier ministre guinéen Cellou Dalein Diallo, patron de l’Union des
Forces Démocratiques de Guinée (UFDG)16.
Une série de non-choix façonne, en effet, chez le locataire de l’Élysée la
reproduction de schémas anciens à commencer par le militarisme, source
première de l’hostilité antifrançaise qu’il ne remet nullement en cause. Tant
du point de vue des dispositifs statiques (bases prépositionnées, accords de
défense…) que des Opex symbolisées par Barkhane ou son succédané,
Emmanuel Macron marche dans les traces laissées avant lui, ne voulant
courir le risque de fragiliser l’édifice franco-africain plus que de raison. Un
aggiornamento dans la posture intellectuelle n’est pas davantage encouragé.
Largement perçue comme hautaine, la tonalité de la France froisse toujours
autant les opinions publiques et les élites subsahariennes sans autre remise
en cause salutaire. Mais l’évidente absence d’évolution se niche dans le
rapport distancié avec la bonne gouvernance teinté de fascination inavouée
pour les pouvoirs « forts ». Depuis François Mitterrand, l’impératif
démocratique forme un véritable hiatus entre la théorie et la pratique.
Emmanuel Macron le perpétue en évitant de céder aux états d’âmes ou à
une quelconque empathie sur le sujet. Or, la colère africaine se nourrit de
ces soutiens inconditionnels à des régimes criminogènes et corrompus.
« Les reproches des Africains à la France sont récurrents depuis des
décennies », explique Francis Laloupo. Et au journaliste, professeur franco-
béninois de géopolitique de les égrener : « L’adoubement ou la promotion
de dirigeants plus soucieux de rendre des comptes à la France qu’à leurs
concitoyens ; le soutien à ces dirigeants, y compris militairement ; une
implication excessive dans les affaires intérieures ; l’aval ou une complicité
dans le maintien du statu quo au détriment d’une démocratisation des
espaces politiques. »17
Les exemples de cette permanence abondent. En août 2017, Emmanuel
Macron, à peine élu, adresse sans que rien ne l’y oblige ses chaleureuses
félicitations à Ali Bongo à l’occasion de l’anniversaire de l’indépendance
du Gabon alors que la communauté internationale peine encore à
reconnaître sa réélection, un an auparavant, sur fond de répression
généralisée. Vainqueur de tous les scrutins présidentiels depuis le retour du
« suffrage universel » dans son pays en 2000, avec à chaque fois plus de
95 % des voix, Paul Kagamé est porté aux nues. La raison économique
impose la même cécité sur le dessein absolutiste d’Alassane Ouattara
soucieux de régner en monarque, dusse-t-il pour cela mettre son pays à feu
et à sang pendant la présidentielle de 2020 à laquelle il se présente pour un
troisième mandat jugé anticonstitutionnel. Influencé par Jean-Yves Le
Drian, maître d’œuvre de la politique sécuritaire de François Hollande au
Sahel, le président Macron fait également d’Idriss Déby Itno son
interlocuteur privilégié dans la lutte antiterroriste avant de se ruer à ses
obsèques en oubliant de dénoncer la junte ayant pris le pouvoir quelques
heures seulement après cette disparition. Alors que les militaires ayant
déposé Roch Marc Christian Kaboré en janvier 2022 ne soulèvent aucune
réaction de Paris, la junte malienne subit toutes les avanies après son
accession au pouvoir, en août 2020, puis en mai 2021. Quant à
l’engagement formel pris dans le Journal du Dimanche « JDD » de ne pas
« rester aux côtés d’un pays africain où il n’y a pas de légitimité
démocratique »18, il s’efface devant la noria de présidents honnis de leurs
populations qui, de Denis Sassou Nguesso à Paul Biya en passant par Ismail
Omar Guelleh ou Faure Gnassingbé, défilent avec toujours autant d’aisance
à l’Élysée. Deux poids, quatre mesures.
D’un bout à l’autre du bloc francophone, les figures de l’opposition
militent, elles, au péril de leur vie au nom du pluralisme et des libertés.
Représentées par des Jean Ping, Ibni Oumar Mahamat Saleh, Maurice
Kamto, Agbéyomé Kodjo, Albert Toikeusse-Mabri, Guillaume Soro, Saleh
Kebzabo, Succès Masra, Cellou Dalein Diallo, Victoire Ingabire, Jean-
Marie Michel Mokoko, Akere Muna ou Martin Fayulu, elles se voient
écartées des consultations électorales, inquiétées par des dossiers judiciaires
montés de toutes pièces, emprisonnées, assassinées. La France ne
s’offusque guère de ces situations sinon à travers des condamnations aussi
sélectives que maladroites. Ces négligences sonnent de plus en plus mal aux
oreilles africaines. Elles enflent le sentiment d’indifférence, voire de mépris
dont ces responsables s’estiment être les victimes. D’autant que l’Exécutif
français ne se prive pas parallèlement de promouvoir une ingérence
vertueuse à propos d’autres actualités internationales. Concernant le
Venezuela, il croit utile d’affirmer que le démocrate Juan Gauido est
« habilité à provoquer une élection présidentielle » pour mieux défaire le
pouvoir de Nicolas Maduro19. Emmanuel Macron fait part de « sa grave
préoccupation » à Vladimir Poutine concernant la situation de l’opposant
Alexis Navalny20. La mort sous torture du journaliste saoudien Jamal
Kashoggi entraine des sanctions contre Ryad par l’exclusion de plusieurs
ressortissants du Royaume21. Depuis le discours de La Baule en 1990,
l’impératif démocratique est une pente éminemment savonneuse pour la
France. Elle amplifie la cacophonie. Alors que cette cause justifie
l’interruption de la coopération militaire au Mali et en Centrafrique sur un
coup de tête, ce dispositif est maintenu dans tous les autres pays où les
principes élémentaires de l’État de droit sont ostensiblement piétinés.
Ainsi va la relation franco-africaine dont les fondamentaux sont peu
modifiés d’un mandat à l’autre. Dans cette intemporalité où les réformes
annoncées sont rapidement mises sous le boisseau, les vecteurs de
crispation semblent immuables. L’affichage d’une nouvelle modernité aux
détours de l’évolution du franc CFA, la « normalisation » avec le Rwanda,
la tenue « d’événements business » comme le forum Ambition Africa ou la
déclassification d’archives ne suffisent pas à updater un logiciel suranné qui
exige de s’appuyer sur des régimes malfaisants pour préserver une
influence de plus en plus ténue. Selon Marc Ona Essangui, leader de la
société civile gabonaise et président de l’ONG Tournons La Page Gabon
(TLP) : « La France refuse trois évidences : l’immigration clandestine des
jeunes africains vers l’Europe du fait d’un environnement politique
caractérisé par la restriction de l’espace civique et la violation des droits des
citoyens ; son soutien visible et permanent aux dictateurs responsables de
ces restrictions ; sa complicité dans la neutralisation des forces
démocratiques, source du mal développement dans l’espace
francophone. »22
« Macron l’Africain » accumule les effets d’annonce, les engagements
passés par pertes et profits et les contradictions caractéristiques du passé.
Ces grands-écarts permanents grèvent toute compréhension. « Il n’y a plus
de politique africaine », lance-t-il dans la capitale burkinabè. Effectivement.
Ne subsiste qu’une rhétorique non disruptive dans les faits23. Aucun
principe, ni schéma directeur ne fonde sa méthode que rien ne permet de
détacher des méthodes antérieures. A une différence : jamais la France n’a
semblé si bousculée dans ses positions que sous son quinquennat. « Ce pays
doit comprenne qu’il est rejeté par des populations entières dans certains
pays », explique la journaliste franco-guinéo-malienne pour la Tribune-
Afrique, Marie-France Reveillard. « Le passé colonial, une présence
militaire controversée, la multiplication de propos antimusulmans dans le
débat public, le verrouillage des visas sans oublier l’interventionnisme qui a
conduit à la chute de Kadhafi sont durablement gravés dans les esprits. »24
Une analyse corroborée par Ousmane Ndiaye : « La nouvelle génération qui
se heurte à la France est très mature politiquement. Elle ouvre les yeux et
est lucide. Elle s’est fait les dents sur trois événements que Paris sous-
estime fondamentalement : la loi, qui en 2005, tente d’évoquer les effets
positifs de la colonisation ; l’arrestation de Laurent Gbagbo et la mort de
Kadhafi. »
Rayonnement international
Ingérences
1 BETI Mongo, Main Basse sur le Cameroun. Autopsie d’une décolonisation, La découverte, 2010 et
BETI Mongo, La France contre l’Afrique. Retour au Cameroun, La découverte, Paris, 2006.
2 Voir DELTOMBE Thomas, DOMERGUE Manuel, TATSITSA Jacob, La guerre du Cameroun,
L’invention de la Françafrique, La découverte, 2016.
3 A propos de son départ du Cameroun en 1958, Maurice Delauney écrit : « Je laissais derrière moi
une situation détendue. Nous avions fait la démonstration qu’avec de la volonté politique sans
défaillance et des techniques adaptées, il était possible de dominer et de réduire une rébellion
cependant bien organisée et qu’il n’existait aucune fatalité dans l’abandon et dans la résignation de la
défaite » in DELAUNEY Maurice, Kala-Kala, Robert Laffont, Paris, 1986, p.95.
4 Voir le témoignage du pilote d’hélicoptère Max Bardet qui aurait participé à ce type d’opérations in
La guerre du Cameroun, L’invention de la Françafrique, op.cit pp.16-21.
5 PEAN Pierre, L’homme de l’ombre, Fayard, Paris, 1990, p.284.
6 Expression du général Paul Grossin, patron des services secrets français, rapportée dans FALIGOT
Roger, GUISNEL Jean, KAUFFER Rémi, Histoire politique des services secrets français. De la
seconde guerre mondiale à nos jours, La découverte, Paris, 2013, p.233.
7 Conférence de presse, Luanda, le 30 juin 1998.
8 PEAN Pierre, L’homme de l’ombre. op.cit. p.307.
9 Service de renseignement extérieur de la France créé en avril 1982 sur les cendres du Service de
documentation extérieur et de contre-espionnage (Sdece), fondé le 28 décembre 1945.
10 Personnage central des services secrets sous les présidences Pompidou et Giscard d’Estaing, il
dirige le Sdece de 1970 à 1981 avant la transformation de ce service en DGSE, un an plus tard.
11 Qualifié de « proconsul », son influence devient considérable grâce à son rôle de conseiller du
président André Kolingba (1981-1993) et de patron de la Garde présidentielle.
12 DUCLERT Vincent, Commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et
au génocide des Tutsi, La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi (1990-1994), op.cit. p.50
6
1 Comment le chef de clan Deby verrouille son régime, La Lettre du Continent, 25 mai 2016.
2 Anne Guillemoles, La France happée par la crise au Tchad, La Croix, 12 avril 2006.
3 Philippe Bernard et Natalie Nougayrède, Tchad, l’Elysée était partagé sur l’intervention, Le
Monde, 7 février 2008.
4 ROLLEY Sonia, Retour du Tchad : carnet d’une correspondante, Acte Sud, Arles, 2010.
5 Christophe Châtelot et Nathalie Guibert, Tchad, la France vole au secours d’Idriss Deby en
bombardant des rebelles, Le Monde, 7 février 2019.
6 Paris répond à l’appel de Deby contre les rebelles, La Lettre du Continent, 2 janvier 2019.
7 MAGNANT Jean-Pierre, « Tchad, crise de l’État ou crise de gouvernement ? » in MEDARD Jean-
François, États d’Afrique noire, Formations mécanismes et crises, Karthala, 1991, pp.174-203.
7
Ensablement durable
1 Le coût d’une bavure devant les tribunaux, La Lettre du Continent, 28 octobre 2010.
2 Viols d’enfants en Centrafrique : non-lieu en faveur de soldats français, AFP, 15 janvier 2018.
3 Jean-Yves Le Drian sous le feu des projecteurs à Bamako, La Lettre du Continent, 18 janvier 2017.
4 Mali, une frappe française a tué 19 civils en janvier, selon une enquête de l’Onu, AFP, 30 mars
2021.
5 Philippe Leymarie, L’Afrique appauvrie dans la spirale des conflits, Le Monde diplomatique,
septembre 1994.
6 Achille Mbembe, Déconfiture de l’État et risque de la transition démocratique, Le Monde
diplomatique, mai 1993, voir aussi Daniel C. Bach, « La décompression démocratique de la fin des
années 90 a favorisé une instabilité politique », Interview par Frédéric Lejeal, Marchés Tropicaux et
Méditerranéens, 3 février 2006.
7 Entretien avec l’auteur.
8 Celles-ci sont actuellement au nombre de dix-sept.
9 Jacques Chirac, Discours d’ouverture sur le bilan du sommet de Ouagadougou sur la sécurité du
continent africain et la prévention des conflits armés, le financement et la coordination des initiatives
interafricaines de maintien de la paix et sur la proposition française de réunir une conférence de la
paix pour la région des grands lacs sous l’égide des Nations Unies et de l’OUA, Paris, le
27 novembre 1998.
10 Jacques Chirac, Discours d’ouverture du XXème sommet Afrique-France, Paris, 27 novembre 1998.
9
1 République centrafricaine (1960) ; Gabon (1960) ; Côte d’Ivoire (1961), Togo (1963) ; Sénégal
(1974) ; Cameroun (1974) ; Djibouti (1977) et Comores (1978).
2 BOURMAUD Daniel, « La nouvelle politique africaine de la France à l’épreuve » in Vues
d’Afrique, Revue Esprit, août-septembre 2003, pp.17-27.
3 Utilisée lors de la conférence de presse ponctuant le sommet France-Afrique de La Baule, le 21 juin
1990.
4 Notamment le Mouvement Patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), le Mouvement populaire du grand
ouest (Mpigo), le Mouvement pour la Justice et la Paix (MJP).
5 Vincent Jauvert, Mali, histoire secrète d’une guerre surprise, L’Obs, 10 février 2013.
6 BANGOURA Dominique, « Les nouveaux enjeux de la coopération militaire en Afrique » in La
politique africaine au Parlement français, Observatoire Permanent de la Coopération Française
(OPCF), Karthala, Paris, 1998, pp.28-43.
7 Marc Antoine Pérouse de Montclos, Sahel : l’armée française s’ensable, Jeune Afrique, 13 janvier
2021.
11
1 Jacques Chirac, Discours sur la présence militaire en Afrique pour le maintien de la paix, Dakar,
3 février 2005.
2 FROMION Yves et ROUILLARD Gwandal. Rapport d’information sur l’évolution du dispositif
militaire français en Afrique, Assemblée nationale, Paris, 9 juillet 2014, p.32.
3 Philippe Bernard, L’image très dégradée de la France en Afrique, Le Monde, 26 avril 2008.
4 SARKOZY Nicolas, « Mes objectifs en matière de politique internationale » in France-Afrique,
Sortir du pacte colonial », Politique Africaine, n°105, Karthala, Paris, mars 2007, pp.149-152.
5 MELONIO Thomas, Quelle politique africaine pour la France en 2012 ? Collection Les Essais,
Fondation Jean Jaurès, juin 2011, 53p.
6 BOCKEL Jean-Marie et LORGEOUX Jeanny, op.cit p.261.
7 Entretien avec l’auteur.
8 PENNE Guy, Mémoires d’Afrique (1981-1988), Entretien avec Claude Wauthier. Fayard, Paris,
1999.
12
Repli à Djibouti
1 Tokyo possède une base depuis 2011, la seule depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
2 Sébastien Le Belzic, A Djibouti, la Chine commence à déchanter, Le Monde-Afrique, 5 février
2018.
3 FROMION Yves et ROUILLARD Gwendal, L’évolution du dispositif militaire français en Afrique,
op.cit, p.87 et suiv.
13
1 COT Jean-Pierre, A l’épreuve du pouvoir, Le Tiers-Mondisme, pour quoi faire ? Le Seuil, Paris,
1984.
2 « La sécurité du continent africain relève avant tout de la responsabilité individuelle et collective
des États africains (…) La quête de la sécurité et de la stabilité exige un élan consensuel pour un
mécanisme de règlement des conflits », affirme Blaise Compaoré, alors président en exercice de
l’organisation continentale à l’ouverture du XXème sommet Afrique-France à Paris, en 1998.
3 Marie-Laure Colson et Stephen Smith, A Paris, Grand-messe franco-africaine. Au menu : tentative
de médiation des conflits en cours, Libération, 27 novembre 1998.
4 Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ; Communauté des États
d’Afrique centrale (Cemac) ; East African Community (EAC) et Southern African Dévelopment
Community (SADC) et Union du Maghreb Arabe (UMA).
5 Charlotte Bozonnet, Union Africaine : une dizaine d’États volontaires pour une force de réaction
rapide, Le Monde, 1er février 2014.
6 La France appelle l’Afrique à prendre en charge sa sécurité lors du sommet de Paris, AFP,
6 décembre 2013.
7 Jean-François Julliard, Hollande, justicier solitaire en Afrique, Le Canard Enchaîné, 30 juillet 2014.
8 La France est au Mali pour longtemps, Éditorial, Le Monde, 5 février 2013.
9 Pour exemple le Dahomey, futur Bénin, enregistre des coups d’État en 1963, 1965, 1967 et 1969 ;
le Congo-Brazzaville en 1963 ; la Haute-Volta en 1966 ; le Congo-Kinshasa en 1960 et 1965.
10 SOUKA Souka, L’Afrique malade de ses militaires, L’Harmattan, Collection Études africaines,
Paris, 2020.
11 Chiffres extraits de BONIFACE Pascal (dir), L’Année Stratégique 2020, Analyse des enjeux
internationaux, Armand Colin, Paris, 2019.
12 Entretien avec l’auteur.
13 CHATAIGNER Jean-Marc, L’Onu dans la crise en Sierra Leone, Les méandres d’une négociation,
Céan-Karthala, Paris, 2005. Voir aussi GAULME François, Intervenir en Afrique, le dilemme franco-
britannique, Ifri, Paris, 2001.
14
Isolement
1 Pourquoi le Ghana n’est pas touché par le djihadisme, Georges Ibrahim Tounkara et Martina
Schwikowski, Deutsch Welle, 23 juillet 2021.
2 Entretien avec l’auteur.
3 Laurent Lagneau, Barkhane, Le détachement danois d’hélicoptères de transport lourd a atteint sa
capacité opérationnelle, Site Opex360.com, 20 décembre 2019.
4 Entretien avec l’auteur.
5 Nathalie Guibert, La très lente éclosion de la force européenne Takuba au Mali, Le Monde, le
3 août 2020.
6 Entretien avec l’auteur.
7 Vincent Lamigeon, Otan, Barkhane, Russie : l’audition explosive du chef d’État-major des armées,
Challenges, 22 janvier 2020.
8 Barkhane : le Pentagone ne promet rien à Paris, AFP, 29 janvier 2021.
9 Human Rights Watch, « Le jour nous avons peur de l’armée et la nuit des djihadistes », Abus
commis par des islamistes armés et par des membres des forces de sécurité au Burkina Faso, Rapport,
2018.
10 Drissa Traoré, Sahel : en 2020, plus de civils ou suspects non armés ont été tués par des forces de
sécurité que par les groupes extrémistes, Tribune, Le Monde, 14 février.
11 Voir Sipri Yearbook 2019 : Armaments, Disarmament and International Security, Oxford
University Press, 2018.
12 France : les ventes d’armes françaises progressent, mais pas en Afrique. RFI, 11 mars 2019.
15
La force de l’abandon
Il n’y aurait meilleure voie pour Paris que de revoir en profondeur ses
modes d’intervention par l’abandon de toute présence armée directe sur le
modèle d’autres anciennes puissances coloniales. Imagine-t-on des
parachutistes portugais plonger sur Luanda, Bissau ou Maputo ? Est-il
envisageable que le Royaume-Uni se déploie sur plusieurs années au
Nigéria, au Ghana, au Kenya ou en Tanzanie ? Confrontés aux mêmes
menaces que leurs voisins francophones, ces pays acceptent-ils une force
étrangère durablement installée sur leur sol ? La réponse vient du
Mozambique, pays fragilisé par le groupe djihadiste Ahlu Sunna wal Jamaa
(« Les adeptes de la tradition du Prophète ») dans la province de Cabo
Delgado à l’extrême-nord. En mars 2021, lors de la terrible attaque de la
ville de Palma, le président Filipe Nyusi ne demande aucune intervention
internationale préférant, dans un premier temps, laisser agir les Sociétés
Militaires Privées (SMP) comme le sud-africain Dyck Advisory. La France,
qui dispose de troupes à Mayotte, à 1.200 km, fait des propositions
d’intervention sans être entendue au grand dam du président Macron.
L’implication des Américains et des Européens, Portugais en tête, se limite
à la formation de l’armée nationale. Au printemps 2021, seul un millier de
soldats rwandais et les troupes des pays-membres de la Southern African
Development Community (SADC) qui chapote l’Afrique australe sont
autorisés à s’engager1. Cette sécurisation 100 % africaine obtient des
résultats quasi immédiats comme en témoigne la reprise de la ville portuaire
de Mocimboa da Praia, bastion des islamistes et cible de leur première
attaque, en 2017.
Lors d’un débat sans vote concernant Barkhane au Sénat, début 2021, le
président de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des
forces armées Christian Cambon s’inquiète : « Un retrait brutal de nos
armées ne serait pas conforme à nos intérêts. »2 Soit. Mais un maintien sans
résultats probants enracine l’image négative d’un pays uniquement animé
par une logique conquérante et raidi sur ses positions. Quel que soit
l’ampleur du danger, rien ne justifie plus que la France continue de
guerroyer sur les cendres de son Empire comme au temps béni des colonies
et de la mise en coupe réglée de ses territoires. Et tous les arguments
franco-français à l’appui de ses interventions ou de la perpétuation aveugle
de sa présence sont des leurres.
Le premier ‒ la protection des ressortissants ‒ ne nécessite plus du point
de vue opérationnel l’existence de hubs ou de portes d’entrée immobiles en
Afrique. A supposer qu’elle soit rendue indispensable, une opération
d’évacuation peut être anticipée et organisée à l’aide de dispositifs
aéroportés projetés depuis le territoire français et pouvant, le cas échéant,
s’appuyer sur les navires mouillant aux larges des côtes africaines. « Les
ressortissants sont un argument spécieux. Une tarte à la crème sécuritaire
pour maintenir nos bases. Leur fermeture ne changerait rien à notre relation.
Celle-ci restera dense du fait de la réalité des liens humains. », estime un
ambassadeur de France en poste en Afrique de l’Est.
Le second argument qui est d’invoquer des raisons humanitaires pour
légitimer une intervention n’est pas plus recevable. Si de nombreuses
opérations ont été montées pour stopper une crise, cet objectif reste
aléatoire et varie au gré des intérêts clairs de Paris. L’altruisme humaniste
joue comme un paravent. La France se mobilise en Côte d’Ivoire, au Mali
ou en Centrafrique et pas au Libéria, où la guerre civile de 1989 à 1997 fait
plus de 200.000 victimes alors que ce pays se situe à quelques enjambées de
ses bases de Dakar et d’Abidjan. Pour angélique qu’il soit, le concept
d’intervention armée à vocation humanitaire relève du mythe, du lexique
pour communicant en herbe. Toute armée défend d’abord l’intérêt supérieur
de la Nation dont elle porte les couleurs, le drapeau, les valeurs. Le reste
n’est que diversion. Certes, la France ne dispose pas d’intérêts au Sahel qui
puissent conforter les accusations de « pillage ». Ses échanges avec cette
zone sont insignifiants, y compris du point de vue uranifère. Il y a bien
longtemps que la multinationale Orano (ex-Areva), elle-même victime du
terrorisme dans cette zone, ne mise plus exclusivement sur le Niger pour
son approvisionnement. Non contente d’avoir abandonné l’ambitieux projet
d’exploitation du site d’Imouraren (nord), présenté comme le gisement le
plus prometteur au monde3, sa filiale Cominak (Compagnie minière
d’Akouta) stoppe ses activités en 2021. Elle opérait dans le pays depuis
1978. Comment expliquer, dans ces conditions, la permanence de
l’engagement militaire français ? Par l’irrépressible besoin de peser sur les
affaires du monde à travers la défense messianique d’un modèle de
démocratie-laïque dans une zone qui ne l’est plus depuis belle lurette.
Autre argument et non des moindres, l’évocation obsessionnelle de la
menace que feraient peser les djihadistes sahéliens sur le territoire national
pour motiver le bruit des armes est trompeur compte tenu du profil des
individus ayant frappé la France ces dernières années. Reprenant un narratif
présidentiel et ministériel convenu, Christophe Bigot, le directeur Afrique
du Quai d’Orsay, explique que « La paix et la sécurité du continent
déterminent notre stabilité. C’est le sens notamment de notre engagement
au Sahel. »4 Les faits tordent le cou à ces fausses croyances. Aucun
subsaharien n’est mêlé au flot de clandestins franchissant la Méditerranée
sur des embarcations de fortune dégonflées. Les rares cas proviennent
d’Afrique du Nord. Brahim Aissaoui, l’auteur de l’attentat de la Basilique
Notre-Dame de Nice en novembre 2020, a rejoint la France après avoir
quitté sa ville natale de Sfax, en Tunisie, en passant préalablement par
l’Italie. Jamel Gorchane, l’assassin d’une agente administrative dans le
commissariat de Rambouillet, en banlieue parisienne, en avril 2021, est
originaire du même pays. Appelé à s’exprimer sur la provenance des
terroristes ayant ensanglanté le sol français, le ministre de l’Intérieur,
Gérard Darmanin, explique sur France-Inter, en février 2021, que « notre
ennemi est idéologique et ne relève pas de l’immigration. Les trois-quarts
des attentats ont été commis par des Français »5. Même si la France reste
une cible de choix pour la nébuleuse islamiste, ses gouvernants et
commentateurs oublient volontiers que le terrorisme frappe prioritairement
l’Afrique et ses populations avant d’envisager se télétransporter à des
milliers de kilomètres. Emprunter les canaux de l’immigration, légale ou
non, n’est pas a priori la pensée première d’un membre d’AQMI ou de
l’EIGS localisé à Gao, Tombouctou, Zinder ou Fada-Ngourma. La logique
de ces groupes est d’abord de chasser toute présence occidentale des zones
où ils prospèrent.
Quant aux inquiétudes sur l’émergence d’un vaste proto-État islamiste
recouvrant tout le Sahel brandi par certains responsables, experts ou
éditorialistes comme un effroyable scénario en cas de départ définitif des
soldats français, il ne convainc pas. Quand bien même elle serait réaliste,
cette perspective imposerait à l’Afrique de se mobiliser, de prendre
l’initiative, de se réinventer rapidement en s’appuyant sur des mécanismes
endogènes de pacification et de négociation. Figure morale au Mali à
l’origine des mobilisations contre Ibrahim Boubacar Keita après l’avoir
soutenu en 2013, l’Imam Mahmoud Dicko n’a-t-il pas obtenu un temps un
cessez-le-feu d’Iyad Ag Ghali, fondateur d’Ansar Dine et futur dirigeant du
Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM) affilié à Al-Qaïda
grâce à ses entrées au sein de la mouvance djihadiste ? Début 2020, « IBK »
ne confie-il pas sur France 24 avoir engagé des pourparlers avec cet émir et
son coreligionnaire, Amadou Diallo alias « Amadou Koufa », fondateur de
la katiba Macina présente dans le centre du pays, et dont la France annonce
la mort par erreur ?6
En octobre 2020, plus de deux-cents djihadistes ne sont-ils pas libérés de
la prison centrale de Bamako sans qu’aucun juge ne prononce leur relaxe en
échange de la libération ‒ entre autres ‒ de la Française Sophie Pétronin et
du chef de l’opposition malienne Soumaïla Cissé, enlevé quelques mois
plus tôt aux alentours de Tombouctou ?7 Des libérations obtenues grâce aux
canaux maliens via le touareg Ahmada Ag Bibi, ex-lieutenant d’Ag Ghali et
notable de Kidal. Fin 2020, le Premier ministre malien de la transition,
Moctar Ouane, n’exprime-t-il pas sur France 24 sa disponibilité pour de tels
pourparlers en rappelant que le « dialogue avec les terroristes est une
volonté des Maliens »8 ? Au Burkina Faso, le chef du gouvernement
Christophe Joseph Marie Dabiré n’envisage-t-il pas dans son discours de
politique générale, début 2021, « la possibilité d’engager éventuellement
des discussions » avec les djihadistes ? « On ne négocie pas avec AQMI »
avançait Idriss Déby Itno en 20139. La preuve que si. Une volonté partagée
par une frange majoritaire de sahéliens10. Non seulement la France ne voit
rien venir au Mali malgré ses relais dont on ne peut que constater la
porosité, mais la libération de Sophie Petronin vaut un regain de popularité
à son pire ennemi. Traqué depuis des années, le patron du GSIM profite de
cette opération pour festoyer avec ses hommes ramenés au bercail dans la
région de Tessalit. Passé maître es-dissimulation, ce dernier apparaît
narquois sur des vidéos après cet épisode tout en « faisant bombance »
comme le note avec l’humour qui le caractérise le journaliste-caricaturiste
franco-burkinabè Damien Glez11.
Par-delà la réjouissance suscitée par la libération d’otages, cette opération
est riche d’enseignements12. Elle montre d’abord combien les performances
des services de renseignement français s’étiolent dans cette Afrique
autrefois terre de prédilection. « Nous avons été informés de la libération de
Sophie Pétronin par la partie malienne. Nous n’avons absolument pas été à
la manœuvre », confesse Franck Paris13. Des tuyaux percés qui soulèvent,
de surcroît, la sidération de l’armée française. Alors que cette dernière a
bien du mal à cerner le sens de son rôle au Sahel, la liberté accordée à des
dizaines d’hommes qu’elle a contribué à arrêter, dont certains ont participé
aux attentats de 2016 à Ouagadougou, brouille définitivement les pistes14.
Demain d’autres Occidentaux ou personnalités locales seront enlevés puis
libérés moyennant de vider de nouveau les prisons de Bamako ou de
Niamey. Il faudra aux autorités françaises beaucoup de tact et
d’argumentations pour expliquer aux familles des soldats tués dans cette
lutte incertaine que leur sacrifice apparaît comme une somme nulle.
La concorde civile esquissée au Mali entre les nouvelles autorités issues
du coup d’État d’août 2020 et les mouvements armés, signataires ou non de
l’Accord d’Alger, renforce l’idée d’un nécessaire désengagement15. Mais la
France trouve encore le moyen de verser dans le paternalisme et l’invective.
Dans sa prétention ethnocentrique à vouloir tout régenter au nom de son
implication sur le terrain, elle tente de déposséder les autorités maliennes de
toutes initiatives en imposant parallèlement le respect d’un sacro-saint cycle
électoral. Alors que Bamako est tenté d’établir un début de dialogue avec
certains groupes sur le modèle Afghan, Paris met son veto en bornant toutes
discussions16. Une telle option permet pourtant de sceller début 2020, au
Qatar, la paix entre les autorités afghanes et les Talibans sous l’égide
américaine après dix-huit ans de conflit. Certaines voix comme celle du très
françafricain ambassadeur Nicolas Normand, en poste à Bamako de 2012 à
2016, vont jusqu’à vouloir soumettre l’engagement sur le terrain à la
réforme complète de l’appareil administratif malien, transformant ce pays
en sous-préfecture française17. Que dire des sommations macroniennes
adressées aux autorités de Bamako pour qu’elles organisent mordicus une
présidentielle en 2022 ? Au lendemain de l’intervention Serval, François
Hollande avait usé du même ton comminatoire pour la tenue de l’élection
de septembre 2013 dont « IBK » sortira vainqueur. On connait la suite.
Après le temps des conditionnalités démocratiques, celui des
conditionnalités militaires.
Malhabile, cette ingérence se veut également outrancière. Non contente
de circonscrire la démocratie à une simple consultation électorale, elle
braque les opinions. « Au Mali, ce n’est pas à la France d’imposer ses
solutions », assène l’Imam Mahmoud Dicko18. A rebours des perceptions
françaises, les perspectives de voir émerger de grands ensembles appliquant
un islam rigoriste dans les pays du champ ne dissuadent d’ailleurs pas les
voix expertes de plaider pour un repli définitif. Dans « Une Guerre perdue »
Marc-Antoine Pérouse de Montclos défend cette option pour conjurer
l’enlisement19. Serge Michailof voit dans la chute d’« IBK » l’occasion
inespérée de plier les gaules, de sortir du piège de devoir travailler avec des
régimes minés de l’intérieur20.
En avril 2021, l’annonce par le nouveau président américain Joe Biden de
retirer le reste de troupes américaines d’Afghanistan aurait dû conduire
Emmanuel Macron à une réflexion globale sur un retrait définitif du
Sahel21. Pas plus que les États-Unis ne sont parvenus à ériger un État et une
armée prometteuse à Kaboul après vingt ans d’engagement, la bataille
contre le terrorisme est ingagnable dans cette région. Au lieu de cela la voie
médiane est empruntée, ce « en même temps » fatidique qui lui sert de ligne
de conduite depuis les premières heures de son mandat. Que n’a-t-on lu ou
entendu sur Barkhane, cette opération soi-disant vitale pour la stabilité de la
France elle-même ? Ces considérations ne sont plus suffisantes pour
empêcher d’annoncer brutalement, en juin 2021, la fin de cette Opex sans
que les diplomates et les militaires n’en aient été informés. « Nous ne
savions plus comment nous situer par rapport aux décisions maliennes,
notamment de négocier la paix avec certains groupes djihadistes », estime
le général Bruno Clément Bollée. « Il y avait globalement une absence de
résultats malgré l’excellence du travail réalisé sur le terrain. Cette décision
est une opportunité pour reconfigurer le dispositif. »22 Cette inflexion n’en
demeure pas moins un échec. Certes, cette issue était attendue. Quelques
mois plus tôt le général Lecointre affirmait avoir fait « le tour du cadran »23.
Mais pas de façon aussi expéditive et unilatérale. Impliqués à différents
échelons, les partenaires européens n’ont pas été prévenus en amont. Quant
aux pays africains, ils ont tout bonnement été ignorés. A l’instar de ses
autres homologues du G5 Sahel, le président burkinabè Roch Marc
Christian Kaboré a appris la fin de Barkhane en regardant la télévision.
Donnant le sentiment d’une improvisation en réaction à un climat de plus
en plus dégradé, le président français accélère le mouvement. Le délitement
de l’État malien et le décès brutal d’Idriss Déby Itno ne font qu’accentuer
les menaces dans un contexte hautement volatile. Au-delà de cette réalité
dégradée, la fin de cette opération répond avant tout à des considérations de
politique intérieure24. A l’approche de la présidentielle de 2022, Emmanuel
Macron entend marquer les esprits en s’alignant sur son opinion publique,
laquelle n’a jamais clairement compris la finalité d’un combat mené contre
le djihadisme à plus de 4.000 km. Les effets dévastateurs de la mort d’un ou
plusieurs soldats en pleine campagne électorale hantant l’Exécutif, une
réduction d’effectif et du nombre d’hommes au sol est recherchée par tous
les moyens possibles. Barkhane disparue, ce qui doit lui survivre n’en
demeure pas moins flou et inabouti. Quoiqu’il en soit : « La fin de cette
opération ouvre la boîte à Pandore. En tout état de cause, elle oblige les
Sahéliens à la recherche d’une solution locale », explique Peer De Jong. Il
s’agirait là d’un des rares points positifs de la bérézina française dans cette
zone.
Mais grand est le saut dans l’inconnu. Conformément au communiqué
ponctuant le sommet du G5 Sahel du 9 juillet 2021 à Paris, la France
affirme « maintenir l’effort sous une forme rénovée » alors même que les
armées nationales et la force G5 Sahel, censées gagner en puissance, ne
sont pas plus opérationnelles qu’avant et n’ont pas gagné en technicité. Si
une meilleure implication de la Cédéao sur le terrain est souhaitée, cette
organisation reste fortement divisée tandis que la lutte contre Boko Haram
accapare le Nigéria, son membre le plus puissant. Pour sa part, la force
Takuba ne peut atteindre son rythme de croisière, malgré la forte publicité
dont elle bénéficie. A la mi-2021, seulement neuf pays la composent dont
certains comme le Portugal à un niveau insipide. Sur les 700 soldats de
cette force, la moitié sont Français. Takuba, c’est une démonstration en
temps réel de la difficulté de l’Europe à défendre collectivement des intérêts
non partagés par ses États-membres.
Au terme de cette refonte, plus de 3.000 soldats doivent rester sur le
terrain pour concentrer les frappes chirurgicales dans la zone des trois
frontières. Ils seront basés pour l’essentiel au Tchad et au Niger. Au même
instant, les relations avec le Mali entourent la stratégie française d’un épais
brouillard. Alors que le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga évoque à
la tribune des Nations Unies, le 25 septembre 2021, « un lâchage en plein
vol » de la France après l’irruption de la junte à Bamako, la réduction de la
voilure Barkhane pousse les autorités de ce pays à se tourner vers d’autres
puissances comme la Russie, singulièrement la société paramilitaire
Wagner, pour assurer sa défense25. Une option jugée inacceptable par Paris
qui actionne tous ses connexions européennes et africaines pour que
Bamako puisse rendre gorge26. Autrement dit, Paris jette son partenaire
entre les mains de Moscou tout en lui déniant le droit de le faire au risque
d’attiser la haine anti-française27. « Cette position devient complètement
incohérente. (Elle) affirme diminuer sa présence au Mali, puis dit vouloir se
retirer complètement en cas de contrat avec Wagner avant de réaffirmer sa
présence. Nous ne savons plus sur quel pied danser », juge le général
Honoré Traoré, ancien chef d’État-major de l’armée burkinabè28.
Neuf ans après sa création que laisse Barkhane ? Un revers militaire, plus
de 10 milliards € engloutis, des « vœux pieux en pagaille » selon Le Canard
Enchaîné29, des diktats creux pour que le Mali ne tombe pas dans les bras
russes, qu’il organise une élection et qu’il demeure formellement un pays
laïc. Face à la décomposition progressive du Sahel, la mobilisation de 5.100
soldats s’avérait insuffisante. Amputé de 2.000, ce nombre devient
insignifiant pour une mission aux objectifs encore plus confus, si ce n’est de
s’emparer d’Iyad Ag Ghali comme d’un trophée après la neutralisation
d’Adnane Abou Walid al-Sahraoui, en août 2021, ou de maintenir coûte que
coûte la survivance du drapeau tricolore dans la région comme pour mieux
stopper les ambitions d’autres nations. Malgré un changement de braquet, la
France ne profite pas de la fin de cette Opex pour revoir son militarisme de
fond en combles et ouvrir un nouveau chapitre de sa relation. Le Mali la
renvoie irrémédiablement à ses errements. Pris en étau entre la nécessité de
quitter ce pays au regard de la crise diplomatique qui s’y joue, début 2022,
et la volonté de maintenir une présence stratégique en Afrique, l’Elysée est
incapable de couper le cordon ombilical. Si elle ne peut rester dans des pays
contre leur gré, il est tout aussi inconcevable pour la France de livrer une
zone d’emprise historique à l’avidité de la concurrence. Ce postulat justifie
un repli vers Niamey ou N’Djaména en laissant un embryon de force qui,
au-delà du dispositif militaire, relève désormais de la seule politique
d’influence au grand regret de parlementaires comme Aurélien Taché, ex-
député LREM, membre de la commission de la Défense nationale et des
forces armées : « Cette opération doit nous remettre profondément en
question sur la manière d’être dans une coopération avec un certain nombre
d’États africains. »30
Dans cette Afrique qui lui échappe de plus en plus, l’Hexagone ne semble
pas avoir saisi correctement le message fondamental de la grave crise avec
Bamako. Il se braque contre une junte, vocifère contre la non-organisation
d’un scrutin, menace face à l’arrivée de Wagner, mais ne croit pas devoir
s’attarder plus longuement sur l’essentiel : aujourd’hui mondialisés, les
pays africains, y compris les moins fréquentables, n’ont que l’embarras du
choix pour établir de nouveaux partenariats, tisser des alliances et
sélectionner leurs interlocuteurs. Ils peuvent même s’autoriser ‒ luxe
suprême ‒ à expulser sèchement un ambassadeur de France comme ce fut le
cas de Joël Meyer, début 2022, à Bamako. « Nous n’avons pas démérité
militairement, mais nous n’avons pas perçu les évolutions qui imposent une
empreinte de terrain minimale, surtout quand on est Français », juge Peer
De Jong. En fait d’empreinte minimale, une clarification passerait par la
fermeture des bases prépositionnées, une relecture rigoureuse des accords
de défense et une sélection draconnienne des pays sous coopération
militaire. A supposer qu’un déploiement en Afrique s’avère indispensable
au regard de ses liens historiques, Paris gagnerait à refuser tout engagement
solitaire et à susciter une mobilisation internationale sur le modèle de la
coalition anti-État Islamique élaborée, en 2014, en Syrie et en Irak. Un arc
de cercle qui irait des Emirats à la Chine en passant par les autres
puissances intéressées à la pacification du continent africain. Encore
faudrait-il accepter de s’afficher avec des pays dont la finalité est
précisément de rogner sa position dans cette partie du monde, pour ne pas
dire l’en chasser.
Reste que l’armée française n’est pas, au Sahel, incontournable au point
de devoir y rester des années sans perspective, ni horizon, y compris à
travers un dispositif post-Barkhane recomposé. Le cas afghan montre
combien la réponse militaire est inopérante dans des pays où les
dynamiques à l’œuvre se révèlent aussi complexes qu’hasardeuses. Si l’on
subordonne la stabilité de cette zone à son développement, toute présence
devient même caduque. Comme le fait remarquer l’eurodéputé spécialiste
des questions de défense Arnaud Danjean, il était demandé à Barkhane
d’endosser la responsabilité d’enjeux politico-sociétaux qui ne sont pas de
son ressort. « Prétendre aller au-delà de ces missions, déjà admirablement
conduites par de grands professionnels (…) c’est se fourvoyer
dangereusement sur la nature des opérations militaires et sur la
responsabilité qui incombe à chacun des acteurs, international ou local,
politique ou militaire. »31
A défaut de pouvoir s’exprimer dans une coalition élargie, y compris par
délégation aux Sociétés Militaires Privées (SMP), Paris pourrait par son
retrait réécrire son récit africain. Cette réorientation drastique contribuerait
à éloigner les critiques les plus virulentes. Elle placerait les
commandements et autres instances du continent face à leur responsabilité
en les poussant à créer des outils efficaces de sécurisation. « Les Africains
sont tout à fait capables de se défendre eux-mêmes contre le fléau
djihadiste. Ce ne sont ni les hommes, ni le courage, ni l’intelligence au
combat qui manquent. Seules sont requises l’aide matérielle et logistique
indispensables », admet Mahamat Idriss Déby dans une interview à Jeune
Afrique32. Nul ne connait mieux le terrain, les enjeux, les risques, les
logiques sous-jacentes des contextes africains que les Africains eux-mêmes.
Ces derniers ont déjà montré par le passé leur capacité à éteindre une
menace, une crise ou un conflit en recourant à la force, aux médiations ou
en faisant appel à ces « rites de réconciliation » si caractéristiques33.
Plusieurs conflits et guerres civiles de dimension régionale (Libéria, Guinée
Bissau, Soudan, Casamance, conflits Touaregs…) ont trouvé une issue
favorable loin du drapeau français, preuve du caractère non-exclusif de ce
rôle de « gendarme » assumé dans les années 60 avant que celui-ci ne se
transforme en fardeau.
Malgré l’impact d’une telle décision sur son rayonnement, un
désengagement aurait pour la France le mérite de nettoyer sa politique de
toutes ses scories. Il ouvrirait le chapitre d’une relation avec l’Afrique
assainie, enfin parvenue à l’âge adulte sans pour autant renier son riche
héritage. L’affaiblissement du sentiment de puissance accompagnant ce
repli, puissance du vide au regard de son recul économique, lui imposerait
du même coup de revoir son message tant sa condescendance constitue
l’autre dynamique de son rejet.
1 Cabo Delgado : alors que la SADC s’agite, les militaires rwandais bouclent leur deuxième mission
à Pemba, Africa Intelligence, 12 juillet 2021.
2 Opération Barkhane, Bilan et perspectives, Débat en séance publique, Sénat, 9 février 2021.
3 Pourquoi Areva se replie, Dossier La Lettre du Continent, 7 mai 2015 et Imouraren le cauchemar
définitif d’Areva, La Lettre du Continent, 10 février 2016.
4 Christophe Bigot, Les enjeux de la diplomatie française en Afrique, site du MEAE.
www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/afrique/les-enjeux-de-la-diplomatie-francaise-en-afrique/
5 Gérard Darmanin, Invité du Grand Entretien, France Inter, 1er février 2021.
6 Charlotte Bozonnet et Nathalie Guibert, Un important chef djihadiste « probablement » tué par
l’armée française au Mali, Le Monde, 23 novembre 2018 et Amadou Koufa, chef djihadiste peul,
dément sa mort, AFP, 28 février 2019.
7 Célian Macé, Au Mali, un vaste échange de prisonniers se dessine, Libération, 5 octobre 2020.
8 https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/l-entretien/20201203-le-dialogue-avec-les-
terroristes-est-une-volont%C3%A9-des-maliens-assure-le-premier-ministre-du-mali
9 Idriss Deby, Interview par Patrick Forestier, Paris-Match, 27 décembre 2012-2 janvier 2013.
10 Modibo Seydou Sidibe, On ne discute pas avec les terroristes. En êtes-vous si sûr ? Tribune, Jeune
Afrique, 14 février 2021.
11 Damien Glez, Mali, autour de Iyad Ag Ghaly, les djihadistes à la fête, Jeune Afrique, 13 octobre
2020.
12 Mali : une longue et bien tortueuse négociation, Olivier Dubois, Le Point, 12 octobre 2020.
13 Entretien avec l’auteur.
14 Bruno Clément-Bollée, Plus de 200 islamistes relâchés… Comment poursuivre la lutte contre le
terrorisme au Mali ? Tribune, Le Monde, 13 octobre 2020.
15 Le gouvernement de la transition dirigée par Bah N’Daw est composé pour la première fois de
ministres issus de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), coalition de mouvements
rebelles.
16 Cyril Bensimon, Paris s’oppose au dialogue avec les chefs djihadistes au Sahel, Le Monde,
17 décembre 2020.
17 Serge Michailof et Nicolas Normand, Au Mali, la France doit conditionner ses efforts militaires à
une réforme de l’État, Le Figaro, 15 février 2020.
18 Interview par Fatoumata Diallo et Manon Laplace, Jeune Afrique, 16 juin 2021.
19 PEROUSE DE MONTCLOS Marc-Antoine, La Guerre perdue, JC Lattès, Paris, 2019.
20 Serge Michailof, L’Imam Dicko peut offrir une porte de sortie à la France au Mali, Tribune, Le
Monde, 10 juillet 2020.
21 Gérard Araud, La France devrait s’inspirer de l’Amérique et quitter le Sahel, Le Point, 18 avril
2021.
22 Entretien avec l’auteur.
23 Elise Vincent, « On a fait le tour du cadran » : la France cherche une stratégie de sortie pour
l’opération Barkhane au Sahel, Interview de François Lecointre, Le Monde, 17 décembre 2020.
24 Caroline Roussy, Fin de l’opération Barkhane : « un coup politique avant la présidentielle de
2022 », Interview par Pierre Coudurier, Marianne, 11 juin 2021.
25 Barkhane, Wagner… le ton monte entre la France et le Mali, Manon Laplace, Jeune Afrique,
25 septembre 2021.
26 Paris menace Bamako d’un retrait militaire en cas d’accord avec la société militaire privée russe
Wagner, Laurent Lagneau, opex360.com, 15 septembre 2021 et Le Mali « perdra le soutien
international s’il fait appel aux mercenaires de Wagner », selon Florence Parly, AFP, 30 septembre
2021.
27 Comment le souverainisme est devenu le fer de lance de la politique au Mali, David Rich,
29 septembre 2021, France 24 et Mali : après les sanctions de la Cédéao, le sentiment anti-français
exacerbé, Fatoumata Diallo, Jeune Afrique, 11 janvier 2022.
28 Entretien avec l’auteur le 30 septembre 2021 à Ouagadougou.
29 Claude Angeli, Les chefs maliens sous surveillance françaises, Le Canard Enchaîné, 7 juillet
2021.
30 Fin de l’opération Barkhane : « Cette stratégie d’ingérence ne fonctionne pas », Aurélien Taché,
Interview de Jean-François Achilli, France Info, 10 juin 2021.
31 Arnaud Danjean, Mali : « Barkhane a remporté des succès tactiques remarquables, mais une
victoire stratégique n’est pas de son ressort », Interview par Guillaume Perrault, Le Figaro, 20 août
2020.
32 François Soudan, Tchad : Mahamat Idriss Deby : « Mon père aurait été fier de moi », Interview,
Jeune Afrique, 27 juin 2021.
33 KABONGO-MBAYA Philippe B, « Conflits et paix, Les rites de réconciliation en Afrique »,
Revue Esprit n°466, juillet-août 2020, pp.69-78.
Partie II
Condescendance
1
1 « La volonté qui s’est manifestée dans un passé récent de soumettre l’aide publique internationale à
des conditions politiques, a conduit certains pays à se parer d’un masque pour répondre à cette
expérience. Il s’en suivit une démocratie de façade, mais sans adhésion de l’esprit et du cœur. (…)
Ces échecs nous parlent d’eux-mêmes. Ils nous imposent aujourd’hui de repenser, dans un esprit de
tolérance et d’humilité, nos liens à l’Afrique », Jacques Chirac, Intervention devant l’Assemblée
nationale congolaise, 18 juillet 1996.
2 Voir sur ce point Philipe Marchesin, Démocratie et développement, Revue Tiers Monde, n°179,
automne 2004, pp.487-513.
3 Stéphane Dupont, Démocratie : Chirac met en garde l’Afrique contre tout retour en arrière, Les
Échos, 19 juillet 1996.
4 « Une véritable prévention des conflits exige un environnement institutionnel stable. Il faut des
États guidés par les principes de la bonne gouvernance, respectueux des libertés publiques, soucieux
de l’intérêt général et du bien-être collectif », affirme-t-il en ouverture du 20ème sommet Afrique-
France à Paris, le 27 novembre 1998.
5 Selon le leader ivoirien, « le luxe du pluralisme » dans le cadre d’une démocratie occidentale ne
peut qu’accroître les forces centrifuges d’un État tribal. Voir Jacques Baulin, La politique africaine de
Félix Houphouët-Boigny, op.cit, p. 91.
6 « L’Afrique est un continent libre, riche d’anciennes et puissantes traditions, de fécondes valeurs de
civilisation. (…) Nous n’avons pas à lui donner de leçon de démocratie. Tout au plus, pouvons-nous
lui inspirer, lorsque c’est nécessaire, un désir de démocratie, lui montrer les voies qui s’ouvrent à elle
et les progrès qu’entraine naturellement l’ouverture démocratique. Nous pouvons alors, par notre
soutien et nos encouragements, l’accompagner partout où les Africains ont fait eux-mêmes le choix
de la démocratie ». Jacques Chirac, Discours sur l’Histoire de l’Afrique et son accession à la
démocratie, Brazzaville, 18 juillet 1996.
7 « Vous poursuivez la construction d’un État au service du bien commun, respectueux des libertés,
sans cesse plus juste, plus équitable, plus soucieux de partager entre tous les fruits de la croissance »,
Jacques Chirac, Yaoundé, 24 juillet 1999.
8 Entretien avec l’auteur.
3
1 « Le défi de l’Afrique, c’est d’entrer davantage dans l’histoire », Nicolas Sarkozy, Déclaration sur
la conception de l’Afrique et de son développement, Dakar, 26 juillet 2007.
2 Philippe Bernard, Des intellectuels africains en colère, Le Monde, 28 février 2008.
3 « Le colonisateur a aussi donné. Il a construit des ponts, des routes, des hôpitaux, des dispensaires,
des écoles », Nicolas Sarkozy, Déclaration sur la conception et le de l’Afrique et son développement,
Dakar, 26 juillet 2007.
4 M’BOKOLO Elikia, Afrique Noire, Histoire et Civilisations, Jusqu’au XVIIIème siècle, Tome 1,
Hatier-Aupelf-Uref, Paris, 1995 et Tome 2, XIXème et XXème siècle, Hatier-Aupelf-Uref, Paris, 1992.
5 « L’Asie a son histoire, l’Amérique a son histoire, l’Australie elle-même a son histoire ; l’Afrique
n’a pas d’Histoire. Une sorte de légende vague et obscure l’enveloppe », Propos tenus le 18 mai 1879
lors d’une réception en l’honneur de l’anniversaire de l’abolition de l’esclavage.
6 Jacques Chirac, Yaoundé, 24 juillet 1999.
7 Entretien avec l’auteur.
8 Le faux-pas de Nicolas Sarkozy, Le Monde, 24 août 2007.
9 L’Afrique répond à Sarkozy : contre le discours de Dakar, REY Philippe (Ed), 2008.
10 CHRETIEN Jean-Pierre (dir), L’Afrique de Sarkozy, le déni de l’Histoire, Karthala, Paris, 2008.
11 BA KONARE Adame (dir), Petit précis de remise à niveau sur l’histoire africaine à l’usage de
Nicolas Sarkozy, La Découverte, 2009.
12 « Un certain Doudou Diène, rapporteur spécial de l’Onu sur les formes contemporaines du
racisme, déclara à la tribune des Nations Unies : « Dire que les Africains ne sont pas assez entrés
dans l’Histoire est un stéréotype fondateur des discours racistes des XVIIème, XVIIIème et XIXème
siècles ». J’échappais in extremis à l’assimilation avec les racistes du XXème. J’étais soulagé de cette
soudaine indulgence », SARKOZY Nicolas, Le Temps des Tempêtes, Tome 1, L’Observatoire, Paris,
2020, p.106.
4
1 « La démocratie vaut pour elle-même partout. Aucun pays, aucun continent ne peut en être privé
(…) Il n’y a pas de vrai développement économique, ni de vrai progrès social sans démocratie »,
François Hollande, Assemblée nationale du Sénégal, Dakar, 12 octobre 2012.
2 Tintin au Congo ? Hollande, Sarkozy, les discours de Dakar comparés, Jean-François Mattei,
Atlantico, 13 octobre 2012.
3 Jugée « impudique » et « contre nature » selon la loi sénégalaise, l’homosexualité est punissable
d’un à cinq ans d’emprisonnement et d’une forte amende au terme de l’article 319 du Code pénal.
4 Il compte alors plus de 80 millions d’habitants.
5 Entretien avec l’auteur.
6 https://www.youtube.com/watch?v=mFl9i9pbpeE
7 Hollande tance Kabila avant son voyage au Congo, Tanguy Berthemet, Le Figaro, 9 octobre 2012
et Hollande : des réalités inacceptables en République Démocratique du Congo, Agence Sipa,
13 octobre 2012.
8 Entretien avec l’auteur.
9 PEAN Pierre, Mémoires impubliables, Albin Michel, Paris, 2020, p.609
10 Kinshasa à François Hollande : « la RDC n’est pas un département d’Outre-mer », AFP,
22 septembre 2016.
11 Hollande en Arabie saoudite pour parler crises régionales et économie, Le Parisien, 29 décembre
2013.
12 En Chine, Hollande dit admirer la « vision longue » des dirigeants communistes, Challenges,
24 mai 2018 et L’escapade chinoise de Hollande, entre littérature et diplomatie, Brice Pedroletti, Le
Monde, 26 mai 2018.
13 En Chine, les preuves d’un nettoyage ethnique visant les Ouïgours, Dorian Malovic, La Croix,
17 novembre 2019 ; Chine : des documents révèlent le fonctionnement des camps d’internement des
Ouïghours, L’Express, 25 novembre 2019 ; Ouïghours, le travail à marque forcée, Laurence
Defranoux, Libération, 26 juillet 2020.
14 Entretien avec l’auteur.
5
Submersion démographique
1 « Dire : tout va bien Madame la Marquise, c’est formidable, il n’y a pas de problème, on va
continuer ensemble comme on a toujours fait et on va s’apercevoir qu’il y a une démographie
extrêmement dynamique mais dans nombre de pays qui n’ont déjà pas la croissance pour faire vivre
une génération, une démographie qui fait basculer encore de l’autre côté, c’est ne pas partager une
préoccupation que nous devons avoir en commun », Emmanuel Macron, Ouagadougou, 28 novembre
2017.
2 « Africa has no civilizational problems, only assets » (L’Afrique n’a pas de problèmes
civilisationnels, seulement des atouts) rétorque Paul Kagamé dans son discours d’investiture, le
21 août 2017.
3 CELINE Louis Ferdinand, Voyage au bout de la nuit, Gallimard, Paris, 1932, p.142.
4 « La réalité de l’Afrique, c’est une démographie trop forte pour une croissance économique trop
faible », Nicolas Sarkozy, Dakar, 26 juillet 2007.
5 Adrien Gaboulaud, Sept ou huit enfants par femme : le refrain de Macron, Paris-Match, 5 juillet
2018 et Stéphane Madaule, Le jeu des sept infox sur la démographie en Afrique, Alternatives
économiques n°84, 19 novembre 2019.
6 SACHS Jeffrey, The end of poverty : Economic Possibilities for Our Time, Penguin Books, New
York, 2005.
7 Voir COOPER Barbara M, « De quoi la crise démographique au Sahel est-elle le nom ? » in
Politique Africaine, n°130, juin 2013, Karthala, Paris, pp.69-88.
8 Gilles Olakundé Yabi, Baby-boom et croissance démographique : y a-t-il trop de bébés africains ?
Tribune, Jeune Afrique, 3 octobre 2018.
9 Ce continent compte 42 habitants/km² (17 au Niger, 27 en RDC, 87 en Ethiopie, 232 au Nigéria…)
contre 64 au Mexique ; 117 en France ; 140 en l’Indonésie ; 146 en Chine ; 336 au Japon ; 413 en
Inde et 1.251 au Bengladesh.
10 What to do about Africa’s dangerous baby-boom ? The Economist, 22 septembre 2018.
11 Emission « Internationales », RFI, Le Monde et Tv5 Monde, 10 septembre 2017.
12 Nicolas Sarkozy, Interview, Bourdin Direct, BFM-TV-RMC, 27 octobre 2016. Et Réchauffement
climatique : pour Sarkozy, c’est la faute à l’Afrique ! Thomas Vampouille, Marianne, 27 octobre
2016.
13 « Nous ne voulons pas intervenir dans les affaires intérieures. Pour nous, cette forme subtile de
colonialisme qui consisterait à faire la leçon en permanence aux États africains et à ceux qui les
dirigent, c’est une forme de colonialisme aussi perverse que toute autre », François Mitterrand,
Allocution sur la situation économique de l’Afrique, La Baule, 20 juin 1990.
14 Macron tient Biya à bout de gaffe, La Lettre du Continent, 6 décembre 2017.
15 Vidéo consultable sur le site YouTube.
16 Cameroun, l’État stationnaire, Politique Africaine, n°150, juin 2018, Karthala, Paris.
17 Macron explique pourquoi il refuse de « donner des leçons » à la Chine sur les droits de l’homme,
Huffington, 10 janvier 2018.
18 Cameroun : la présidence rejette les « propos surprenants » d’Emmanuel Macron », AFP,
22 février 2020. Human Rights Watch établit la responsabilité des forces gouvernementales et des
membres armés de l’ethnie Peule dans l’assassinat de plus de vingt civils, dont des enfants. Des
conclusions rejetées par le gouvernement. Une commission d’enquête mixte évoque, toutefois, la
volonté manifeste des forces gouvernementales d’occulter les circonstances de l’événement.
19 Syrie : l’Onu accuse la Russie d’un possible crime de guerre, AFP, 6 mars 2018.
20 Emma Bonino, Décoration d’Al-Sissi : « Monsieur le Président, vous avez commis une erreur »,
Tribune, Le Monde, 16 décembre 2020.
21 Egypte : Macron scelle dans l’armement son alliance avec Sissi, Africa Intelligence, 27 avril
2021.
22 Morgane Le Cam, Quand la blague d’Emmanuel Macron sur un président africain passe mal, Le
Monde, 29 novembre 2017.
23 Sahel : la convocation de Macron passe mal en Afrique, Wakat Séra, 6 décembre 2019.
24 Entretien avec l’auteur.
25 MACHET Luc (pseudonyme du journaliste et futur diplomate Laurent D’Ersu), Quelle politique
pour la France en Afrique en 2012 ? Étude de la Fondation Terra Nova, 30 janvier 2012, p.3.
6
Dédain
Servilités africaines
Cette morgue aura toutes les peines à s’atténuer tant qu’elle restera elle-
même abreuvée par l’emphase protocolaire des gouvernants africains.
Contrairement à leurs homologues anglophones ou lusophones, dont l’art
est de savoir garder l’ex-colonisateur à bonne distance, les leaders du pré
carré ont développé un goût de l’accueil qui confine au pathos, à
l’obséquiosité, à ce « fardeau mental » dépeint avec réalisme par Achille
Mbembe1. « Lorsqu’un francophone prend la parole dans une assemblée,
j’ai souvent entendu des ricanements et des échanges de regard entre
anglophones signifiant en quelle que sorte que les valets sont de sortie. Une
fois, un responsable kényan m’a fait cette réflexion : les francophones ont
tendance à choisir la France avant l’Afrique », affirme Marie-Roger Biloa,
éditorialiste et productrice TV camerounaise2.
Tous les signes d’une supériorité se retrouvent dans le cérémonial qu’est
la visite officielle d’un président français en terre africaine, cette « tournée
d’inspection du grand patron qui vient jeter un coup d’œil sur l’état de ses
propriétés », comme la définit avec sarcasmes le juriste-écrivain Thierno
Diallo3. Parcours en limousine décapotable, pagnes à l’effigie des
présidents, foule agitant des petits drapeaux et hurlant sa joie souvent feinte,
car souvent monnayée, le long d’un convoi hollywoodien de sirènes
stridentes et de motards maladroitement juchés sur leurs repose-pieds. Rien
ne manque à ce décorum rythmé par les danses enfiévrées au son des
youyous, des djabaras et des djembés. Portés en trophée, tous les locataires
de l’Elysée ont droit à ces marques ‒ masques ? ‒ débordant d’affection. Un
vertige. En amont, la dimension exceptionnelle de ces visites suscite
toujours un nettoyage de fond. On rebadigeonne les trottoirs. On recouvre
les murs de blanc. On refait les routes. On comble les nids de poule. Des
brigades de balayeurs s’activent à astiquer les principales artères appelées à
être empruntées. La fête tourne même à la parodie lorsque décision est prise
de fermer les classes pour honorer l’événement. Fin 2017, les élèves de
toutes les écoles ouagalaises ont été priés de rester chez eux pour la venue
d’Emmanuel Macron. Pour eux c’était jour férié. Day off ! Quel ressort
psychologique a-t-il bien pu pousser les autorités burkinabè à décréter un
jour de relâche en hommage à la venue du « grand patron » ? Mystère. Dans
le registre quelque peu incongru de cette conception africaine de l’accueil
les exemples peuvent se décliner à l’infini. Sous peine d’inventaire retenons
ce vibrant « joyeux anniversaire » entonné au micro, fin 2019, par le
septuagénaire vice-président ivoirien Daniel Kablan-Duncan sur le parvis
du palais présidentiel d’Abidjan pour célébrer l’anniversaire d’Emmanuel
Macron, en visite en terre d’Eburnie. En prime le président français, qui fête
ses 42 ans, a droit à une reprise en chœur de tous les autres officiels
ivoiriens. C’est cadeau ! Fort heureusement, ce dernier fait preuve de
suffisamment de lucidité pour ne pas enfiler la panoplie complète du chef
Akan-Baoulé destinée à la photo de famille.
Loin de se limiter au sommet de l’État, ce relationnel hors du temps
décrié par les jeunes africains et les Afro-Français éberlués, s’étend à tous
les autres émissaires tricolores. Qu’il soit en déplacement officiel ou
informel n’importe quel ministre, sous-ministre, secrétaire d’État, sous-
secrétaire d’État, conseiller, parlementaire, ex-ministre, ancien
ambassadeur, militaire ou lobbyiste de tout-poils bénéficie à sa descente
d’avion d’un accueil digne d’un chef d’État : réception au pavillon VIP des
aéroports par un aéropage de personnalités locales, véhicules banalisés,
protection rapprochée, séjour en palace, audience avec les membres du
gouvernement, voire le président lorsque son agenda le lui permet.
Coutumière de sorties médiatiques musclées sur l’Afrique, Nadine Morano
est reçue en grande pompe à Abidjan, en septembre 2013, pour participer au
3ème forum du Réseau international femmes de Métropolis (Rif). Ce
déplacement sur invitation du gouverneur du district de la capitale
économique n’aurait revêtu aucun intérêt s’il n’avait permis à l’ex-ministre
déléguée de Nicolas Sarkozy, logée dans une suite de l’hôtel Sofitel-Ivoire,
de prendre un petit-déjeuner avec l’ambassadeur de France, Georges Serre,
de s’entretenir avec Daniel Kablan Duncan et Hamed Bakayoko,
respectivement Premier ministre et ministre de l’Intérieur, ou d’organiser
une petite fête avec la communauté française au restaurant La Boule Bleue,
situé dans le quartier Marcory.4 Connue pour ses envolées anti-
immigrationistes5 celle qui préside le groupe Union pour la Majorité
Présidentielle (futur Les Républicains) au conseil régional de Lorraine joint
l’utile à l’agréable en « vendant » aux autorités locales la société française
Spallian spécialisée dans le conseil en sécurité. Avant elle, Rachida Dati,
autre ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, était reçue à Brazzaville par
Denis Sasssou Nguesso en personne, président avec lequel l’étroitesse des
liens ne se démentira pas par la suite. Et il suffit à l’ancien ministre Jean-
Louis Borloo d’avoir l’irrépressible envie d’électriser l’Afrique entière pour
que tous ses responsables lui ouvrent grand les bras. Ces mondanités
théâtrales valent à droite comme à gauche. Profitant de sa venue à
Libreville, en février 2012, pour intervenir dans une conférence de l’école
des Hautes Etudes Commerciales (HEC) Laurent Fabius est reçu ‒ sans
retard ‒ par Ali Bongo à la fin de l’événement. En pleine campagne
présidentielle en France, cette audience équivaut à reconnaître un président
dont l’élection en septembre 2009, quelques semaines après le décès de son
père, demeure associée à un coup de force.6 La colère du Parti socialiste est
immédiate. Loin d’ignorer qu’Ali Bongo se trouve dans la ligne de mire de
la rue de Solferino, l’ancien ministre de l’Économie et des finances, alors
sans attribution officielle, renchéri en évoquant « l’excellence » de la
relation franco-gabonaise tout en espérant « son développement dans le
futur ». François Hollande n’est pas encore élu qu’un futur poids lourd de
son gouvernement encense un pouvoir décrié par une majorité de Gabonais
et conspué par la société civile de ce pays. Cette visite a un avantage : elle
donne du baume au cœur des adversaires de François Hollande quant au
caractère inaltérable de la politique africaine de la France en cas de victoire
socialiste. « Quand je vois Monsieur Fabius proclamer ses bonnes
intentions avec le Gabon et ne remettre en question aucun de nos arbitrages,
cela me rassure un peu », se réjouit le ministre des Affaires étrangères,
Alain Juppé, dans les colonnes de Jeune Afrique7. La capacité de cette
politique à faire consensus est effectivement sans égale.
Pendant que les Français recherchent la lumière des palais tropicaux, les
dignitaires africains ne craignent pas, de leur côté, de se décrédibiliser en
accueillant chaleureusement cette clientèle, y compris la plus inattendue
quel que soit son pedigree. En mars 2017, Idriss Déby Itno n’hésite pas à
faire rouler les tambours pour Marine Le Pen venue au-devant du dispositif
Barkhane à N’Djaména. L’empressement des autorités tchadiennes à nier un
quelconque soutien à la patronne du Front national (futur Rassemblement
national) n’empêche pas la fille de Jean-Marie Le Pen de sabrer le
champagne à Amdjarass, fief du chef de l’État situé à 900 km de la capitale
où elle a été acheminée en jet privé. Relativement bien réseautée en Afrique
grâce à des personnalités comme Michel Alliot ou l’avocat Marcel
Ceccaldi, la candidate à la présidentielle française est également reçue à
l’Assemblée nationale de ce pays ‒ on se demande bien à quel titre ‒ pour
parler lutte antiterroriste, immigration et dénoncer sans ambages la
Françafrique. Une visite pour le moins étrange qu’Emmanuel Macron ne
manque pas de critiquer une fois élu à l’occasion de son premier tête-à-tête
avec son homologue tchadien, à Bamako, le 2 juillet de la même année. Il
reproche à ce dernier comme à un enfant d’avoir fait « une sacrée bêtise ».8
Le n°1 tchadien vante au contraire « l’authentique amour » de son invitée
pour l’Afrique.
Tout ce faste protocolaire semblerait désuet face aux enjeux
géostratégiques s’il n’entretenait pas la « souveraineté assujettie » évoquée
par le jeune philosophe Amadou Sadjo Barry.9 A l’image d’un Jean-Yves
Ollivier décoré, début 2021, de l’Ordre national du Niger des mains de
Mahamadou Issoufou, l’Afrique francophone demeure la seule zone du
monde où responsables politiques, hommes d’affaires et lobbyistes es-
cupidité croient encore pouvoir influer sur les événements sous prétexte de
fendre une Garde Républicaine pour échanger avec un chef d’État. Il se
dégage de la disponibilité des autorités d’un pays indépendant pour ces
personnalités aux motivations multiples un statut d’obligé. Rien ne justifie
ces régimes de faveur, si ce n’est pour renforcer la vassalisation des
interlocuteurs africains tout en maintenant la France dans un rôle de
suzerain.
1 Achille Mbembe et Felwine Sarr, « Africains, il n’y a rien à attendre de la France que nous ne
puissions nous offrir à nous-mêmes », Le Monde, 27 novembre 2017.
2 Entretien avec l’auteur.
3 DIALLO Thierno, « La consolidation d’un domaine d’évolution privilégié : l’Afrique
francophone » in La politique étrangère de Georges Pompidou, op.ci pp.121-161.
4 La Sarko-girl Nadine Morano à Abidjan et Morano, VIP d’une société de sécurité à Abidjan, La
Lettre du Continent, 26 septembre 2013.
5 Elle compare la Gare du nord à l’Afrique dans l’émission de Canal +, Supplément, du 22 mai 2016.
En février 2020, elle suggère à l’actrice Aïssa Maïga, qui avait évoqué le manque de diversité dans le
cinéma français lors de la 45ème cérémonie des Césars, de « repartir en Afrique ».
6 Philippe Bernard, Gabon, Ali Bongo élu, Le Monde, 3 septembre 2009.
7 Alain Juppé, « Pour l’Afrique comme pour le monde arabe François Hollande n’a rien à proposer »,
Interview par François Soudan, Jeune Afrique, 5 mars 2012.
8 Marine Le Pen s’invite au tête-à-tête Deby et Macron, La Lettre du Continent, 12 juillet 2017.
9 Si l’Afrique veut se décoloniser, elle doit sortir de la tutelle dans laquelle elle est installée, Amadou
Sadjo Barry, Tribune, Le Monde, 16 février 2020.
8
Bévues protocolaires
1 Sénégal, l’offense de la France au poète Senghor, Tshitenge Lubabu M.K, Jeune Afrique,
20 décembre 2011.
2 Entretien avec l’auteur.
3 Entretien avec l’auteur.
4 Entretien avec l’auteur.
Partie III
Mirage à La Baule
1 « Je considère que les pays qui ont une « bonne gouvernance » et les pays qui s’orientent
délibérément vers la démocratie (…) doivent effectivement être privilégiés. C’est évident. Cela, c’est
le principe. Dans la pratique, il faut nuancer cela parce qu’on ne peut pas, non plus, condamner des
peuples à la misère au prétexte qu’ils ne sont pas bien gouvernés », Jacques Chirac, Conférence de
presse sur le bilan de son voyage en Afrique australe, Luanda, le 30 juin 1998.
2 Sylvie Brunel, Il faut moraliser la politique africaine de la France, L’Hebdo des socialistes, n°43,
5 décembre 1997.
3 Hollande et l’Afrique, Des guerres et la fin d’une certaine Françafrique, AFP, le 12 janvier 2017.
4 Entretien avec l’auteur.
5 Les vieilles ficelles de Nicolas l’Africain, Le Canard Enchaîné, le 1er août 2007.
6 Interview de Nicolas Sarkozy, L’Union, 27 juillet 2007.
7 Successeur de Mohamed Ould Abdel Aziz, il est porté à la magistrature suprême en août 2019.
8 François Hollande à Dakar : « Le temps de la Françafrique est révolu », AFP, 12 octobre 2012.
9 France-Afrique, la rupture inachevée du pacte colonial, Frédéric Lejeal, Tribune, Libération,
5 décembre 2013.
10 La realpolitik s’invite à l’Élysée avec Bongo, La Lettre du Continent, 12 juillet 2012.
11 Néologisme de l’économiste suisse Max Liniger-Goumaz, spécialiste de la Guinée Équatoriale.
Voir LINIGER-GOUMAZ Max, La démocrature, Afrique subsaharienne, Généralités, L’Harmattan,
Paris, 1992.
12 Entretien avec l’auteur.
13 LEBŒUF Aline et QUENOT-SUAREZ Hélène, La politique africaine de la France sous François
Hollande, Renouvellement et impensé stratégique, Institut français de recherches internationales
(Ifri), 2014.
14 Christophe Châtelot, Coup de grâce pour la Françafrique, Le Monde, 27 janvier 2013.
15 La Françafrique ressuscitée de François Hollande l’Africain, Abdourahman Waberi, Le Monde,
7 septembre 2016.
16 BAYART Jean-François, « Réflexions sur la politique africaine de la France » in Politique
africaine n°58, juin 1995, Karthala, Paris, pp.41-50.
17 Entretien avec l’auteur.
18 Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid), Relevé de
conclusions, 8 février 2018, p.5.
19 Entretien avec l’auteur.
2
1 Jean-Philippe Rémy, L’élection présidentielle au Rwanda doit clore la « transition » engagée après
le génocide de 1994, Le Monde, 23 août 2003.
2 Candidat à sa propre succession depuis la présidentielle de 2003, Paul Kagamé, au pouvoir depuis
1994, obtient 98,5 % des voix à la présidentielle d’août 2017 après avoir pu se présenter à la suite
d’une modification de la Constitution.
3 Le Rwanda vote la révision de la Constitution permettant un nouveau mandat pour Kagame, Le
Monde avec AFP, 19 décembre 2015 et Cyril Bensimon, Paul Kagame s’ouvre la voie d’une
présidence à vie, Le Monde, 19 novembre 2015.
4 Doyen des chefs d’État africains en longévité il cumule, en 2020, 41 ans de pouvoir depuis son
putsch du 3 août 1979 contre son oncle Francisco Macias Nguema.
5 Entretien avec l’auteur.
6 Afrique du Sud, Nigéria, Egypte, Algérie, Ethiopie, RDC et Kenya.
7 Philippe Bernard, Les assassinats d’opposants rwandais inquiètent les États-Unis « au plus haut
point », Le Monde, 23 janvier 2014.
8 Eric Topona, Un nouvel opposant assassiné au Rwanda, Deutsche Welle, 25 septembre 2019.
9 Clément Boursin, Responsable Afrique, Acat-France, La mort suspecte du chanteur rwandais
Kizito Mihigo, Tribune, La Croix, 6 juin 2020.
10 Voir sur ce point l’enquête de la journaliste britannique Michela Wrong sur les conditions de la
disparition de Patrick Karegeya, Do not disturb : the story of a political murder and an African
regime gone bad, HarperCollins, Perseus Books Group, Londres, 2021.
11 Désigné pour mener une enquête à partir de la plainte de l’épouse de l’un des deux pilotes du
Falcon, Jean-Louis Bruguière conclue à la responsabilité du FPR dans les tirs de missiles sur l’avion.
En 2006, il lance neuf mandats d’arrêts à l’encontre des membres de l’entourage direct de Paul
Kagamé. Ce dernier rompt les relations diplomatiques et contre-attaque avec la commission Mucyo.
Successeurs de Bruguière, les juges Marc Trévidic et Nathalie Poux rendent des conclusions
opposées en pointant la responsabilité des extrémistes Hutus dans la mort d’Habyarimana. En juillet
2020, un non-lieu de la Cour d’Appel de Paris lève les poursuites contre les proches du président
rwandais.
12 Portrait de Paul Kagamé, Président de la République du Rwanda, Gérard Prunier, Institut
Montaigne, 21 décembre 2018.
13 Hamidou Anne, Pour M. Macron, faire revenir le Rwanda dans le giron de la Francophonie est un
coup de poker, Le Monde, 11 octobre 2018.
14 Cette initiative est relatée dans la brochure « Les députés et sénateurs francophones avec Louise
Mushikiwabo », publiée en octobre 2018.
15 Evacué du Rwanda avec son frère par des militaires français durant le drame de 1994 alors qu’il
avait 4 ans, Hervé Berville est adopté par une famille bretonne.
16 Laurent Larcher, Louise Mushikiwabo prend la tête de la Francophonie, La Croix, 12 octobre
2018 et Vincent Hugeux, France-Rwanda : le faux pas de Macron, L’Express, 5 avril 2019.
17 Sur fond de rupture des relations diplomatiques après les conclusions de Jean-Louis Bruguière,
ces « preuves » sont consignées dans le rapport Mucyo paru en août 2008, lequel met en cause treize
personnalités françaises dont Hubert Védrine, Alain Juppé et Dominique de Villepin ainsi que vingt
militaires.
18 Pierre Lepidi et Piotr Smolar, Avant le génocide des Tutsis au Rwanda, la France a reçu des
alertes claires et régulières, Le Monde, 16 janvier 2021.
19 DUCLERT Vincent, op.cit p.831.
20 Patrick de Saint-Exupéry, France-Rwanda : un génocide sans importance, Le Figaro, 12 janvier
1998.
21 DUCLERT Vincent, op.cit, p.972
22 Rwanda, l’opposition dénonce le silence de Macron sur les droits humains, AFP, 25 mai 2021.
9
1 Marc Semo, Emmanuel Macron en visite à Djibouti, où l’influence de la France recule face à la
Chine, Le Monde, 12 mars 2019.
2 Macron adoube prudemment IOG, Africa Intelligence, 10 mai 2021.
3 Source : MEAE, Direction de la diplomatie économique et Minefi, Direction générale du Trésor.
4 Les sociétés françaises n’ont plus la cote, La Lettre de l’Océan Indien, 31 janvier 2020.
10
« Je veux que vous, journalistes, fassiez connaître aux Français la vraie
histoire de la Guinée et la responsabilité de la France qui a voulu nous
anéantir. A l’indépendance on s’est retrouvé à zéro. C’est une chose qui ne
relève pas seulement de la mémoire (…) Vous ne connaissez rien de mon
pays. Je suis choqué. C’est scandaleux ». La colère du président Alpha
Condé envers la « condescendance »1 de trois journalistes venus de Paris
pour l’interviewer à Conakry, en septembre 2018, en dit long sur la
fraîcheur du souvenir laissé par les pratiques françafricaines dont ce pays
forme un autre épicentre.
Dès son indépendance acquise le menton levé, la Guinée subit la
vengeance inavouée du général de Gaulle visant à lui faire rendre gorge
après le « non » de Sékou Touré à sa proposition d’emmener l’Empire dans
un destin partagé au sein d’une communauté franco-africaine. La position
du leader charismatique, ancien député à l’Assemblée nationale française et
maire de Conakry, rend ce projet impossible. Dans son discours à
Brazzaville le 24 août 1958, le héraut de la France libre avait pourtant
garanti une chose : « L’indépendance, quiconque la voudra, pourra la
prendre aussitôt ». Après sa décision de ne pas adhérer à ce projet, le
« Château d’eau de l’Afrique », nom donné à la Guinée en référence à son
potentiel hydraulique, connaît une violente vague de déstabilisations dont
l’objectif est d’ébranler son économie. Entrée dans les annales, l’opération
Persil approuvée par Jacques Foccart et applaudie à tout rompre par
Léopold Sédar Senghor et Félix Houphouët-Boigny, porte le fer contre
Conakry par l’injection de lots de fausse monnaie afin d’asphyxier
l’appareil productif national. Les faux-francs guinéens sont imprimés dans
les enceintes même du Sdece alors dirigé par le général Paul Grossin.
« Cette opération a été une véritable réussite et l’économie guinéenne, déjà
bien malade, a eu du mal à s’en remettre », se réjouit Maurice Robert2. « Il
ne faut pas s’attendrir sur la Guinée », renchérit froidement Foccart3. En
plus de la non-reconnaissance de la Guinée lors de son adhésion à l’Onu en
1959, de l’instauration d’un embargo, du rappel de toute la coopération
technique et du bannissement des responsables de ce pays, l’Hexagone tente
de créer une insurrection en armant des opposants basés à Dakar.
Démasquée par les autorités sénégalaises en avril 1960, cette autre
opération au nom de code Alby est dénoncée auprès du général de Gaulle
par le Premier ministre sénégalais, Mamadou Dia. « Dommage que vous
n’ayez pas réussi », confiera après coup le président français à son fidèle
secrétaire général aux Affaires africaines et malgaches4. Avortées grâce aux
services secrets guinéens renforcés par les soviétiques, ces initiatives ne
font que grossir la paranoïa avancée de Sékou Touré. Plus la France échoue
à se débarrasser de leaders antinomiques, plus elle fait naître le dictateur qui
sommeille en eux. En ce sens, ses actions portent une lourde responsabilité
dans la fabrication des régimes autoritaires au sortir de la période coloniale.
Habité par une vision hermétique du monde née de ces complots bien réels,
celui-ci mue progressivement en dictateur implacable, responsable de la
mort de 50.000 de ses compatriotes parmi lesquels Diallo Telli, qui fut
secrétaire général de l’Organisation de l’Union Africaine (OUA). Pour
couronner le tout, il rompt les relations avec Paris de 1965 à 1974. La suite
est à l’avenant. Valery Giscard d’Estaing pose les bases d’un rapprochement
en se rendant à Conakry fin 1978. Bien qu’il se déplace en France, en
septembre 1982, Sékou Touré entretient des rapports ambigus avec le
gouvernement socialiste lequel a bien du mal à composer avec les violations
à échelle industrielle des droits de l’homme dans ce pays. La veille de sa
visite, le patron du Parti Démocratique de Guinée (PDG), parti unique,
confirme d’ailleurs l’exécution de sept prisonniers politiques mariés à des
Françaises. La visite de Jacques Chirac en décembre 1999, quinze ans après
le décès du Père de l’Indépendance, rétablit un semblant de confiance.
Auprès de son homologue Lansana Conté, au pouvoir depuis 1984 à la suite
d’un putsch, il se borne surtout à évoquer les perspectives économiques
avec ce pays, leader mondial de production de bauxite.
Beaucoup moins prolixe est Jacques Chirac sur l’emprisonnement de
personnalités comme l’opposant Alpha Condé. L’ancien leader de la
Fédération des Etudiants d’Afrique noire en France (FEANF) et candidat
aux deux scrutins organisés depuis l’instauration du multipartisme, croupit
depuis un an dans une geôle insalubre, car suspecté d’avoir fomenté une
tentative de renversement. « J’ai compris que l’intention des autorités
guinéennes était de faire en sorte que l’instruction soit menée le plus
rapidement possible, et dans le sérieux et la sérénité de la justice, et
qu’ensuite le procès soit un procès tout à fait transparent », commente le
président français en saluant un pays « sur la voie de la démocratisation »5.
Le procès n’est organisé qu’en 2000 par une cour spéciale. Condamné à
cinq ans de prison pour « atteinte à la sureté de l’État », le patron du
Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG) est gracié puis libéré l’année
suivante.
La disparition de Lansana Conté, en 2008, suivie du coup d’État de
Moussa Dadis Camara permet à Paris de s’illustrer de nouveau.
Autoproclamé président d’un Conseil National pour la Démocratie et le
Développement (CNDD), ce capitaine cristallise une énième dérive
autoritaire. En 2009, le massacre de 150 civils au stade du 28 septembre de
Conakry, principale enceinte sportive de la capitale, pousse la France à
vouloir remplacer ce chef d’État aussi fantasque qu’imprévisible. En
d’autres termes à organiser son renversement. Comme dans les années
1960, la prétention des intrigues en moins, l’ancien colonisateur profite de
l’évacuation médicale de Dadis Camara vers le Maroc après une tentative
d’assassinat pour entrer en piste. « C’était le vide politique à Conakry. Il
fallait un militaire capable de faire repartir ce pays, le remettre sur les rails
et rendre le processus à un civil. Nous voulions la reprise d’un processus
constitutionnel classique », se souvient un diplomate français proche du
dossier6. Conseiller Afrique de Nicolas Sarkozy, André Parant se rend alors
à Rabat pour mener les négociations. Il convainc le n°2 de la junte militaire,
le général Sékouba Konaté dit « Le Tigre », de reprendre les rênes. La
proposition est assortie d’une promesse de poste à l’UA. L’entregent et les
relais de le France sont tels qu’on ne peut lui refuser une nomination au sein
même de l’organisation censée incarnée l’Afrique souveraine. L’officier
formé à l’Académie Royale de Meknès hésite longuement avant d’accepter.
Son mandat de président par intérim en 2010 permet à la Guinée de repartir
sur des bases plus saines avec, en point d’orgue, l’élection d’Alpha Condé
au terme du premier scrutin réellement ouvert de l’histoire du pays.
Sekouba Konaté se voit aussitôt nommé chef des opérations de maintien de
la paix de l’UA.
De son côté, Blaise Compaoré est sollicité par Paris pour prendre le
capitaine Dadis Camara sous son épaule, le Royaume chérifien refusant de
garder plus longtemps cet officier éruptif, ancien responsable des
hydrocarbures de l’armée guinéenne. Bien qu’il bénéficie de soutiens
inconditionnels comme celui du maire de Levallois-Perret Patrick Balkany,
ami personnel de Nicolas Sarkozy pour lequel les analyses du Quai d’Orsay
sur la Guinée lui paraissent « à côté de la plaque »7, le putschiste Camara
tombe rapidement dans l’oubli. La proximité entre Alpha Condé et François
Hollande radoucit la relation. A la demande pressante de son complice
politique, le président français fait escale à Conakry en novembre 2014
pour évoquer la lutte contre l’épidémie Ebola avant de se rendre au Sénégal.
Mais l’autoritarisme ascensionnel de son homologue refroidit de nouveau le
lien. Un an avant cette visite, des élections législatives se sont tenues dans
un climat de tensions maximales. On déplore plus de cinquante morts.
L’opposition hurle à la fraude massive. La France se sait en terrain miné.
Les rapports s’enveniment nettement en 2019 lorsque le président
octogénaire, grisé par le pouvoir et inspiré par ses pairs francophones,
entend à son tour réformer la Constitution de son pays pour briguer un
troisième mandat. A cette annonce, la levée de bouclier s’étend à tout le
pays et embrase l’opposition rassemblée dans le Front National pour la
Défense de la Constitution (FNDC). Les manifestations suivies de morts
s’accumulent8. L’OIF retire ses observateurs après le refus du régime de
nettoyer le fichier électoral dans lequel elle relève des irrégularités
rédhibitoires (doublon, absence de pièces biométriques, électeur décédé…).
Pour sa part, Emmanuel Macron pense judicieux de demander à son
homologue de ne pas poursuivre dans cette voie. Réputé pour sa
susceptibilité, Alpha Condé n’a que faire de ces conseils. Son réflexe est de
se rapprocher de la Turquie et de la Russie, partenaires de longue date. Peu
avant le scrutin, l’ambassadeur de Moscou à Conakry et doyen du corps
diplomatique, Alexandre Bregadzé, prend d’ailleurs publiquement fait et
cause pour un nouveau mandat. Reportée à plusieurs reprises, la
consultation référendaire tronquée valide le projet présidentiel à 89 %. En
octobre 2020, l’ex-opposant et défenseur patenté de la démocratie est réélu
par KO liberticide dans un effroyable contexte répressif9. Plus de 400
prisonniers politiques arrêtés pendant la consultation sont regroupés dans
des geôles sans perspective de procès10. Amnesty International dénonce des
dizaines de tués11. Marquant son désaccord tout au long de ce processus
Paris adopte néanmoins la même attitude qu’en RDC : rentrer dans le rang.
Dans une interview accordée à Jeune Afrique en novembre 2020, le
président Macron prétend comme à l’accoutumée que « la France n’a pas à
donner de leçons » tout en s’inquiétant de la situation. « Je pense que la
situation est grave pour la jeunesse de ce pays, pour sa vitalité démocratique
et pour son avancée », déclare-t-il en regrettant le passage en force de son
homologue « uniquement pour garder le pouvoir »12.
Beaucoup aimeraient que cette analyse puisse s’étendre à Djibouti, à la
Côte d’Ivoire, au Rwanda, au Gabon, au Congo, au Tchad, mais le désordre
guinéen ne suffit pas à déclencher des mesures coercitives plus concrètes.
La France coupe sa coopération militaire à Bangui sur la base de
campagnes acrimonieuses. Elle la maintient à Conakry, où les morts
s’entassent. Mieux : après quelques jours de fâcherie le président Macron se
plie aux usages. Tout en évitant de féliciter son homologue, il lui adresse
néanmoins des « vœux de succès » et évoque les « défis » que celui-ci devra
affronter. L’ampleur inédite de la répression pousse néanmoins Jean-Yves
Le Drian à interpeller timidement Alpha Condé depuis le Sénat, début 2021,
à propos de la mort de deux personnes en détention et d’une requête du
parquet guinéen appelant à condamner un opposant à dix ans de prison.
Reconduit sans coup férir, l’ancien professeur de droit public jadis
condamné à mort par contumace se love d’autant plus aisément dans
l’indifférence qu’il est toujours soutenu par François Hollande. Ce nouveau
mandat rouge-sang est pour lui l’occasion d’adresser à son ami guinéen ses
« félicitations sincères » et « ses vœux les plus chaleureux » pour la réussite
de sa mission. Dans un pays où le président mange désormais la même
sauce de feuilles de lalo que feu-Sékou Touré, la France n’en est plus à une
dissonance près13. « Il est stupéfiant qu’elle ne s’engage pas davantage dans
la défense des valeurs démocratiques et des droits humains en dénonçant
toute violation de ces valeurs, sans attendre, au nom du principe de
subsidiarité que l’Union africaine ou les instances sous-régionales
africaines le fassent d’abord », déplore Cellou Dalein Diallo, par trois fois
candidat malheureux à une présidentielle, violenté avec d’autres membres
de son staff durant la dernière14. Cette impassibilité ne surprend plus les
Guinéens15.
Fin 2020, la parodie théâtrale de l’investiture de l’ancien opposant
réincarné en gérontocrate se joue au Palais Mohamed V de Conakry devant
une salle comble en présence de Bernard Kouchner et du préposé Jean-
Baptiste Lemoyne. Certains inaugurent les chrysanthèmes, le secrétaire
d’État délégué au Tourisme, aux Français de l’Etranger et à la Francophonie
préfère ce type de cérémoniaux guindés. Une fois investi par la Cour
constitutionnelle, Alpha Condé se déclare disposé au dialogue avec ses
adversaires. Tout comme Alassane Ouattara en somme à une différence
près : son virage autoritaire lui vaut d’être renversé le 5 septembre 2021 à la
suite d’un coup d’État rondement mené par Mamadi Doumbouya,
commandant des Forces spéciales, l’unité d’élite de l’armée. Les Guinées se
massent dans les rues et crient leur joie. Des vidéos postées sur les réseaux
sociaux en montrent certains se ruant sur le 4x4 exfiltrant Alpha Condé de
la Sékhoutoureya aux cris de « assassin de liberté ! ». En reconnaissant un
pouvoir voué d’avance à cet épilogue et en évitant de se ranger plus
franchement du côté des démocrates de ce pays, la France a perdu une
nouvelle occasion de faire entrer sa politique dans la modernité.
1 Yacouba Konate, « Côte d’Ivoire : le canari d’eau de Jacques Chirac » in Politique Africaine, n°97,
mars 2005, Karthala, Paris, pp.117-132.
2 Mathieu Olivier et Vincent Duhem, Bombardement de Bouaké : de Paris à Abidjan, qui était aux
commandes ? Jeune Afrique, 4 août 2017.
3 Jean-Dominique Merchet et Thomas Hofnung, Des morts ivoiriens sous le feu de Licorne,
Libération, 26 novembre 2004.
4 Voir Côte d’Ivoire, quatre jours de feu, Canal Plus, Enquête 90 minutes, 30 novembre 2004 et Le
mardi noir de l’armée française, Canal Plus, Enquête 90 minutes, 8 février 2005. Voir aussi Côte
d’Ivoire : l’armée française a « tiré sur la foule », AFP, 29 novembre 2004.
5 Thomas Hofnung, « Pour l’honneur de mes hommes », Libération, 10 décembre 2004.
6 L’armée française mise en cause, La Croix, 1er décembre 2004.
7 La situation est de plus en plus tendue à Abidjan où au moins sept morts sont mortes lors de heurts
avec l’armée française, Le Monde, 9 novembre 2004.
8 Entretien avec l’auteur.
9 Entretien avec l’auteur.
10 SCHUCK Nathalie et GERSCHEL Frédéric, Ca reste entre nous, hein ? Deux ans de confidences
de Nicolas Sarkozy, Flammarion, Paris, 2014, p.102.
11 Côte d’Ivoire : le jackpot du grand frère Sarko sur la lagune, La Lettre du Continent, 23 juin 2011.
12 Comment Ouattara a marabouté Hollande, La Lettre du Continent, 23 juillet 2014.
13 L’Élysée enterre le dossier Arci, La Lettre du Continent, 26 février 2014.
14 La Côte d’Ivoire « moins solide et démocratique qu’on pourrait le penser selon l’Onu », Le
Monde, 2 août 2018.
15 En 2019, la Côte d’Ivoire occupe la 106ème sur 180 dans le rapport de Transparency International.
16 Frédéric Lejeal, Côte d’Ivoire : une « guerre de trente ans » qui tire à sa fin ? Institut de relations
internationales et stratégiques (Iris), 14 novembre 2020.
17 Léa Masseguin, Face au président ivoirien, le « silence assourdissant » d’Emmanuel Macron,
Libération, le 4 septembre 2020.
18 Pourquoi Macron n’a pas félicité Alpha Condé pour sa réélection, Jeune Afrique, 1er décembre
2020.
19 Haby Niakaté, Un député ivoirien condamné à un an de prison ferme pour un tweet, Le Monde,
30 janvier 2020.
20 Entretien avec l’auteur.
21 Source : Banque de France et MEAE, Direction de la diplomatie économique.
22 COT Jean-Pierre, A l’épreuve du pouvoir, op.cit., p.79
Partie IV
Françafrique revival
1
1 Laurent Valdiguié, « Bourgi : j’ai vu Chirac et Villepin compter les billets », Le Journal du
Dimanche, 11 septembre 2011.
2 Journaliste au « JDD », Laurent Valdiguié consigne les confidences de Robert Bourgi durant
plusieurs années dans le cadre de la rédaction de ses Mémoires. Annoncées chez Robert Lafont,
celles-ci ne sont finalement pas publiées.
3 Agir Ici et Survie, L’Afrique à Biarritz, Mise en examen de la politique française, Karthala, Paris,
1995, p.12.
4 Universitaire, Pierre Dabezies est ambassadeur de France au Gabon de 1982 à 1986.
5 Entretien avec l’auteur. Haut fonctionnaire et ambassadeur d’origine arménienne, Georges Ouegnin
est l’inamovible directeur du protocole de la présidence ivoirienne de 1962 à 2001.
6 Philippe Bernard, Deux mois après avoir dénoncé la « Françafrique », Jean-Marie Bockel est
débarqué de la coopération, Le Monde, 20 mars 2008.
7 « Il y a de bons et de mauvais réseaux ! », La Lettre du Continent, 6 mars 2008.
8 Bourgi vs Bockel, la grande réconciliation ! La Lettre du Continent, 8 octobre 2009.
9 Etudiante française et enseignante à Ispahan, Clothilde Reiss est arrêtée et emprisonnée en Iran du
1er juillet 2009 au 15 mai 2010. Elle est accusée d’espionnage par les autorités de Téhéran pour avoir
pris des photos d’une manifestation hostile au président Mahmoud Ahmadinejad.
10 OLLIVIER Jean-Yves, Ni vu, ni connu, Ma vie de négociant en politique de Chirac et Foccart à
Mandela, Fayard, Paris, 2014, p.242.
11 Mohamed Ould Ghazouani succède à Mohamed Ould Abdelaziz comme président de la
Mauritanie en août 2019.
12 Robert Bourgi, l’homme de l’ombre françafricaine, de nouveau en pleine lumière, AFP, le 18 mars
2017.
13 L’AFD prend son nom actuel en 1998 avec la réforme de la coopération française.
14 Nicolas Normand choyé par Wade, La Lettre du Continent, 2 septembre 2010.
15 Guéant met Foucher hors-jeu pour le Quai, La Lettre du Continent, 9 décembre 2010.
16 Pourquoi Bourgi brûle sa case à fétiches, La Lettre du Continent, 22 septembre 2011
17 Voir Robert Bourgi, l’homme qui fait trembler la République, VSD du 14 septembre 2011 et
Robert Bourgi fait trembler la République, Paris-Match, 16 septembre 2011.
18 « Il ne sert à rien de parler d’autorité quand on n’est pas soi-même irréprochable (…) Qui imagine
un seul instant le général de Gaulle mis en examen ? », déclare François Fillon, le 28 août 2016, lors
d’un meeting dans son fief de Sablé-sur-Sarthe. Nicolas Sarkozy est alors mis en examen pour
« financement illégal de campagne électorale » dans l’affaire Bygmalion et pour « corruption active,
trafic d’influence et recel de violation du secret professionnel » dans l’affaire Azibert.
19 Entretien avec l’auteur.
20 Office Central de Lutte contre la Corruption et les Infractions Financières et Fiscales (OCLCIFF).
21 Entretien avec l’auteur.
2
1 MBEMBE Achille, « Du gouvernement privé indirect » in L’État en voie de privatisation, Politique
Africaine n°73, mars 1999, Karthala, Paris, pp.103-123.
2 ADO sous l’influence de ses sorciers blancs, La Lettre du Continent, 8 septembre 2011.
3 Entretien avec l’auteur.
4 Claude Guéant, un VIP chinois à Abidjan, La Lettre du Continent, 14 juin 2017.
5 Arcode-Europe prospecte à Kinshasa avec Claude Guéant, Africa Intelligence, 4 mars 2020.
6 Voir Partie VI, chapitre 3.
7 Dominique de Villepin et Pascale Perez, premiers à se positionner auprès de Félix Tshisekedi, La
Lettre du Continent, 9 mai 2019.
8 Blackout de Borloo sur le financement de son hold-up énergétique, La Lettre du Continent, 1er avril
2015.
9 Laurence Caramel, Coupure de courant entre Borloo et les Africains, Le Monde, 12 mai 2016.
10 « Electricité : clap de fin pour les ambitions africaines de Jean-Louis Borloo », Marion Douet,
Jeune Afrique, 16 février 2017.
11 « La République islamique de Mauritanie est aujourd’hui, comme de très nombreux pays,
confrontée à une situation financière complexe, en grande partie liée aux conséquences de la crise
sanitaire sur l’économie mondiale », peut-on lire en conclusion. Voir Une dette extérieure soutenable,
une gestion de la dette publique dynamique et maîtrisée pour financer le développement économique
et social de la République Islamique de Mauritanie, Franklin, Finexem, 26 juillet 2021.
12 Sécurité : Sicpa soupçonnée de corruption, Yves Genier, Le Nouvelliste, 24 juin 2021 et L’enquête
du MPC visant Sicpa élargie au directeur général, Zonebourse, 14 juin 2021.
13 PEAN Pierre, Le monde selon K, Fayard, Paris, 2009.
14 LUNVEN Michel, Ambassadeur en Françafrique, Guena, Paris, 2011, p.98 et suiv.
15 Bernard Kouchner reprend du service auprès de Sassou, La Lettre du Continent, 27 mars 2019.
3
Sarkozy « l’Africain »
Diplomatie-business
Bien que tenus à bout de gaffe par l’Elysée, les « intermédiaires » de tout
acabit n’en sont pas moins bien vivants, affichant leur dynamisme dans les
capitales subsahariennes. Leur permanence dans cette Françafrique revival
se traduit moins dans la reconversion des anciens membres de l’Exécutif
que dans celle des diplomates, des communicants ou des avocats. Pour ce
qui est des ambassadeurs, ce phénomène de pantouflage venu tout-droit des
pays anglosaxons est circonscrit, dans les années 90, à Yvon Omnès, en
poste au Cameroun avant de devenir le conseiller de Paul Biya ou à Michel
Lunven, conseiller « foccartien » de Jacques Chirac à Matignon avant de
devenir en fin de carrière le « Monsieur Afrique » du groupe Bouygues.
Cette tendance s’impose aujourd’hui avec plus de vigueur. Une
palanquée de personnalités venues des Affaires étrangères plébiscite les
groupes maritimes. L’ambassadeur Michel de Bonnecorse conseille
temporairement CMA-CGM avant d’être relayé par Georges Serre au terme
de sa mission d’ambassadeur en Côte d’Ivoire (2012-2017). Africaniste pur
jus, titulaire d’un doctorat d’études africaines de l’Ecole des Hautes Etudes
en Sciences Sociales (EHESS), cet ancien conseiller d’Hubert Védrine et
membre de la « cellule » élyséenne promeut les activités de ce groupe
maritime où Thomas Le Drian, le fils de Jean-Yves Le Drian, officia
brièvement. Le marché ivoirien est privilégié. A chacun de ses séjours à
Abidjan, Georges Serre a droit à une voiture banalisée de la présidence
ivoirienne avec escorte. Pratiques beaucoup moins répandues en Afrique
non-francophone, cet accès direct au Palais lui vaut d’introduire Rodolphe
Saadé, le fils de Jacques Saadé, fondateur de CMA-CGM, auprès
d’Alassane Ouattara. Réputé dans les milieux initiés pour son esprit empli
de déférence, Georges Serre n’a jamais cessé de porter sur ce pays une
image dithyrambique comme il le fit au Cameroun ou à Madagascar, deux
autres pays d’affectation. Dans son allocution à la résidence de France, le
14 juillet 2016, ne dit-il pas que la Côte d’Ivoire est « une grande
démocratie où chacun peut dire ce qu’il veut » ?1
Grisées par cette seconde vie, ces « excellences » se croisent et
s’entrecroisent. A Abidjan, Georges Serre peut rencontrer son prédécesseur
Jean-Marc Simon. Médaillé d’or de la reconversion, ce dernier était en
poste pendant la crise post-électorale. Quelques mois après la fin de sa
mission, il crée le cabinet Eurafrique-Stratégies non sans avoir été
préalablement élevé à la dignité d’Ambassadeur de France pour « services
rendus à la République ». Une distinction honorifique à vie rarissime pour
un diplomate. Membre du cabinet de Michel Roussin, directeur de cabinet
des ministres de la Coopération Jacques Godfrain (1994-1995), puis
Bernard Debré (1995-1996), ambassadeur « africain » par excellence
(Centrafrique, Nigéria, Gabon) celui qui, enfant, se rêvait en gouverneur
colonial, arpente la présidence ivoirienne une fois sa carrière achevée pour
y pousser les projets de groupes hexagonaux. Dans son portefeuille-client
figurent TotalEnergies, la Compagnie Fruitière, Matière SAS. Sans être
illégales, ces activités monnayées dans un pays où il représentait la France à
un moment capital soulèvent bien des questions. Le lobbying de celui qui
passe comme un « adepte de la diplomatie parallèle »2 auprès d’Alassane
Ouattara, lequel l’a élevé au rang de commandeur de l’ordre national du
Mérite ivoirien, interroge quant à la neutralité exigée de tout diplomate
lorsqu’il officiait à la chancellerie surplombant la baie de Cocody. Ses
Mémoires ne font d’ailleurs aucun mystère d’un parti pris. Celui-ci est
contenu dans cette seule phrase relative à la crise post-électorale de 2010-
2011 : « Il n’y aucun regret à avoir, la France a fait ce qu’elle avait à faire et
le peuple ivoirien le sait. »3 Laurent Gbagbo ayant enregistré 38 % de
suffrages au premier tour de la présidentielle de 2010, une part non
négligeable de ce peuple ne saurait avoir une analyse aussi tranchée. Malgré
un feu-vert de la commission de déontologie du Quai d’Orsay, l’activisme
de ce diplomate considéré par ses contempteurs comme une « barbouze »
passe mal chez certains anciens collègues4. « Ce cas ne doit pas déteindre »,
estime un ambassadeur en poste en Afrique. « La commission est d’ailleurs
devenue plus ferme. Elle tend désormais à instaurer une période de latence
entre le départ à la retraite et la reprise d’une activité privée. »
Autre manifestation de ce principe de revolving doors cher aux
anglosaxons l’ambassadeur, Bruno Delaye (Athènes, Madrid, Lomé,
Mexico…), ancien conseiller Afrique de François Mitterrand, dirige depuis
2014 la société Entreprises & Diplomatie (E&D), filiale du groupe ADIT au
sein de laquelle sévit Jean-Félix Paganon. Cet ancien ambassadeur au
Sénégal (2013-2016) avait auparavant travaillé pour la société Tasiast
Mauritanie, filiale de la compagnie minière Kinross Gold. D’autres
personnalités font plusieurs fois la navette public/privé au cours de leur
carrière5. Ambassadeur au Gabon après avoir travaillé auprès de Yamina
Benguigui comme directeur de cabinet, Dominique Renaux sévit un temps
chez TotalEnergies comme directeur adjoint des relations internationales.
Militaire de formation, Gilles Huberson dirige les Affaires générales de
LVMH de 2007 à 2009 avant d’être nommé ambassadeur au Mali puis en
Côte d’Ivoire, pays d’où il est rappelé précipitamment dans le cadre d’une
enquête administrative liée à des accusations d’agression à caractère sexiste
et sexuel6. Conseillère Afrique de trois ministre des Affaires étrangères de
2002 à 2007, Nathalie Delapalme intègre le conseil d’administration du
groupe CFAO en 2012 et celui de la société pétrolière Maurel & Prom
active au Gabon et au Congo. Cette ancienne inspectrice générale des
finances au carnet d’adresse convoité fait son entrée à la Fondation Mo
Ibrahim du tycoon égyptien des télécommunications Mohamed « Mo »
Ibrahim. Elle en devient la directrice exécutive. Les figures des cercles
macronniens ne sont pas épargnées. Ami de promotion d’Emmanuel
Macron à l’Ena, le franco-béninois Jules-Armand Aniambossou est
administrateur de la filiale française Eoles-RES du Britannique RES, puis
« Monsieur Afrique » du groupe Duval avant de coordonner le Conseil
Présidentiel pour l’Afrique (CPA) et de prendre le poste d’ambassadeur de
France en Ouganda.
Bien vivants, ces réseaux étendent leurs ramifications à d’autres
personnages, à l’exemple du professeur en droit public Jean-François
Prévost, très présent au Congo, ou de Jean-Louis Bruguière. L’ancien juge
antiterroriste prodigue ses conseils aux autorités mauritaniennes. Membre
de la Fondation Brazzaville, créée en 2014 par l’homme d’affaires Jean-
Yves Ollivier, il est également sollicité par les autorités congolaises pour la
mise en place d’un dispositif de neutralisation de milices proches de
l’opposant Frédéric « Pasteur Ntoumi » Bintsamou. Jean-Christophe
Mitterrand continue lui aussi d’arpenter le continent à la recherche de
contrats. En juin 2018, il joue les intermédiaires à Abidjan pour le compte
de la société spécialisée dans l’adduction d’eau Swiss Power Water
International7. Cinq ans plus tôt, le président-rebelle de Centrafrique,
Michel Djotodia, le recevait à dîner à Bangui pour évoquer la conjoncture
dans ce pays et les conditions de sa relance économique. « Papa m’a dit »
est à bonne école. Une fois son mandat terminé son adjoint à l’Elysée, Guy
Penne, avait créé le cabinet Guy Penne Conseils situé non loin de la place
d’Iéna, à Paris. Ces conversions, véritables leviers d’influence, se
manifestent récemment avec le déplacement d’Alexandre Benalla au Tchad,
fin 2018. Tombé dans le consulting après son limogeage pour violences
volontaires lors d’une manifestation à Paris, le Garde du corps d’Emmanuel
Macron transforme ses contacts en marchepied de nouvelles activités.
Proche de Vincent Miclet et de Guillaume Soro qui lui est présenté par la
lobbyiste Pascale Jeannin Perez8, il séjourne à N’Djaména après une escale
au Congo-Brazzaville et au Cameroun, en passant par le Qatar. La rencontre
avec Idriss Déby Itno intervient quelques jours avant une visite du président
français. Alexandre Benalla agite ses nouveaux galons aux côtés de
l’homme d’affaires franco-israélien Philippe Hababou Solomon, très proche
président sud-africain Jacob Zuma, pour défendre des intérêts qataris dans
le secteur aurifère. Paniqué en apprenant la présence de son ancien
collaborateur dans le pays symbole de la Françafrique vert-kaki9, l’Elysée
s’empresse de préciser qu’il n’est revêtu d’aucun mandat officiel10. Y avait-
il des doutes ?
Chers communicants
1 Ces masques blancs qui enjolivent l’image du chef, La Lettre du Continent, 14 octobre 2015.
2 Entretien avec l’auteur.
3 Voir HUGEUX Vincent, Les sorciers blancs, Enquête sur les faux amis français de l’Afrique,
Fayard, Paris, 2007.
4 Entretien avec l’auteur.
5 L’ancien président lui remet les insignes d’Officier dans l’Ordre de la Légion d’honneur le 22 mars
2022 au Sénat, à Paris.
6 Présidentielle : de Paris à Washington, parade de lobbyistes et communicants pour Denis Sassou
Nguesso, Africa Intelligence, 12 mars 2021.
7 Aziz s’achète se rachète une image auprès de la presse étrangère, La Lettre du Continent, 11 mai
2016.
8 Le journal Libération veut exporter ses forums en Afrique, La Lettre du Continent du 17 juin 2015.
9 Richard Attias attendu de pied ferme au Gabon, La Lettre du Continent, 30 avril 2014.
10 Richard Attias presse Ali Bongo de passer à la caisse, La Lettre du Continent, 12 juillet 2017.
7
1 Bisbilles chez les avocats de Laurent Gbagbo, La Lettre du Continent, 26 mai 2011.
2 Dumas/Vergès en petite forme littéraire, La Lettre du Continent, 11 mai 2011.
3 Entretien avec l’auteur.
4 Héritage immobilier empoisonné pour ADO, La lettre du Continent, 11 avril 2012.
5 Entretien avec l’auteur.
6 Cet arrêt est définitivement confirmé par la Cour de cassation le 28 juillet 2021, qui rejette le
pourvoi formulé par le vice-président de Guinée Equatoriale.
7 Les défenseurs de Djibril Bassolé s’embrouillent, La Lettre du Continent, 23 mars 2016.
8 Mohamed Ould Bouamatou, un self-made man devenu premier homme d’affaires de Mauritanie,
Collection Insiders, La Lettre du Continent, 21 septembre 2016.
9 Entretien avec l’auteur.
10 Voir Les dix avocats qui conseillent ‒ et confessent ! ‒ les présidents africains, Dossier spécial La
Lettre du Continent, collection Insiders, 5 mai 2016.
11 Culture de la violence : le groupe Castel, géant du sucre et des boissons lié au financement de
milices armées en Centrafrique, The Sentry, août 2021, 49p.
12 L’opposition guinéenne fait appel aux avocats français Klugman et Terel, Africa Intelligence,
13 janvier 2021.
13 Christophe Boisbouvier, Affaire Bourgi : le raz-le-bol des avocats africains, Jeune Afrique, 1er
novembre 2011.
14 Jean-Marie Bockel : « Les accusations de Bourgi sont le chant du cygne de la Françafrique »,
Jeune Afrique, 30 septembre 2011.
Partie V
La décennie perdue
Plus nombreux, plus méthodiques, plus agressifs sur des marchés étroits
ces nouveaux acteurs profitent, de surcroît, du repli de la France de 1990 à
2000 ‒ une décennie perdue ‒ pour rafler ses parts de marché. Par leur
présence et la prodigalité de leur offre, ils dotent les États africains
d’infrastructures et de biens de consommation que Paris n’est plus en
mesure de satisfaire. Une situation que subodorait Jean-Pierre Cot, en 1982,
alors que la globalisation n’était pas encore une réalité : « L’incapacité de
l’appareil productif français à répondre aux besoins exprimés par le Tiers-
Monde risque de nous coûter cher. Si, comme nous le pensons, la sortie de
la crise mondiale passe par le développement du Sud, nous risquons de
rester sur la rive, faute d’avoir su adapter notre production à temps. »1
En 2018, l’Afrique ne représente plus que 2,4 % du commerce extérieur
français contre 35 % au lendemain des indépendances, chiffre longtemps
stabilisé autour de 15 % avant de décliner. L’impact de décisions
dévastatrices a préparé le terrain tout en affaiblissant la compétitivité. La
dévaluation du franc CFA représente un point de bascule. Les autorités
françaises, qui voulaient prendre cette mesure depuis des mois, ont la
décence d’attendre le décès, en décembre 1993, de Félix Houphouët-
Boigny, farouchement opposé à toute modification de cette monnaie, pour
entériner cette décision. Une fois les choses actées le 12 janvier 1994, les
opérateurs tricolores sont aussitôt inquiétés et marginalisés par leurs
partenaires pris soudain d’hésitation, pour ne pas dire indignés. « A partir
de cette année, tous mes clients sont devenus réticents à éplucher nos offres.
Ils me répondaient clairement : écoute, ça devient difficile pour nous. Tu
comprends, tu nous as dévalué ! », se remémore Philippe Belin, patron de
l’équipementier Marck2.
A cette décision s’ajoute la volonté du Premier ministre Édouard
Balladur de couper les appuis budgétaires directs permettant aux
fonctionnaires de certains États de boucler leur fin de mois. La France n’a
plus rien à offrir, ni à proposer. A ces pays de montrer patte blanche en se
rapprochant du FMI pour signer un programme. En 1997, la réforme
inachevée de la coopération française et le délitement des outils d’aide aux
entreprises renforcent l’impression d’un désengagement. Vient ensuite se
greffer la crise ivoirienne et le paroxysme antifrançais de 2004. Pour les
patrons, c’est un choc. Bousculés sur des marchés réservés, ces derniers
commencent à perdre des marges. Ils ne les regagneront pas. Certes, les
exportations françaises doublent en valeur de 2000 à 2017, mais dans une
Afrique qui quadruple ses échanges (de 100 à 400 milliards €). Malgré une
hausse apparente des échanges de 13 à 28 milliards €, les parts de marché
de la France sont donc arithmétiquement divisées de moitié sur cette
période. Une peau de chagrin. De 11 % en 2000, elles tombent à 5,5 % en
2017 derrière la Chine, les États-Unis, l’Inde et l’Allemagne. Elles
affichaient encore un taux honorable de 25 % en moyenne en Afrique
francophone et de 10 % en Afrique non francophone de 1990 à 2000. Les
pertes sont plus marquées que n’importe quel autre pays industrialisé. De
1990 à 2011 Paris abandonne 4 % au Kenya ; 6 % au Nigéria ; 17 % en
Côte d’Ivoire et 22 % au Cameroun. Le décrochage s’accélère partout à
partir de 2000.
La Chine observe le mouvement inverse. Insignifiantes au début de la
décennie 1990, ses parts grimpent à 20 % sur la même période dans les pays
subsahariens avec des pointes au Nigéria (de 2,3 % à 19 %) ; au Cameroun
(de 3 % à 15 %) ; en Afrique du Sud (de 1 % à 15 %) ou encore au Kenya
(de 0,6 % à 17,6 %). Le recul français se fait au détriment de ce pays mais
aussi de ceux du Moyen-Orient et des voisins européens. Signe évident de
cette régression : en 2017, Berlin devient le premier exportateur européen
vers l’Afrique, une performance qui doit servir d’alerte. Pour le spécialiste
en relations internationales et ancien « Monsieur Afrique » de l’UMP,
Pascal Drouhaud, ce désastre ne se résume pas à cette seule fringale
mondialisée : « La France pense sa politique africaine comme un élément
de politique intérieure. La gauche s’est constamment positionnée en
réaction à la Françafrique, la droite comme le prolongement d’une volonté
de rayonnement international. Et la classe politique dans son ensemble a
passé son temps à jouer sur les peurs migratoires. Or, même si l’émergence
de nouveaux acteurs ou le rétrécissement des réseaux d’influence rend la
perception des évolutions de l’Afrique plus difficile, ces seules analyses
sont dangereuses et réductrices. Si elle ne reconstruit rapidement pas une
ambition partagée avec ce continent, la France risque d’en être réduite à
sauver ce qui peut encore l’être. »3
Et il reste de moins en moins de choses. En juin 2018, la Compagnie
française d’assurance pour le commerce extérieure (Coface) jette une
lumière crue sur ce contexte, s’alarmant du recul dans la plupart des
secteurs phares. « L’ampleur de la chute interpelle », note-t-elle4. Si le
commerce extérieur avec l’Afrique demeure excédentaire à l’exception des
destinations pétrolières (Nigéria, Angola…), les autres volumes plongent.
Une tendance d’autant plus préoccupante que les États-Unis et l’Allemagne
résistent mieux face à la Chine et l’Inde. « La Chine n’a pas colonisé
l’Afrique et a développé son influence lorsque la France s’est détournée du
continent », constate l’éditorialiste Marie-Roger Biloa. « Parce que l’est
européen semblait plus attrayant la France, pourtant si prompte à évoquer
des relations privilégiées, n’a pas résisté à la tentation du désengagement
tout en brûlant ses vaisseaux. N’oublions pas que le concept d’« afro-
pessimisme » est apparu dans l’Hexagone ». Bien qu’un millier de groupes
tricolores sont implantés, aucun secteur n’est épargné par ce recul à
l’exception de l’aéronautique. A la période post-indépendance un tissu
dense de sociétés et une poignée de groupes, ancêtres des comptoirs
coloniaux soutenus par un dispositif solide d’accompagnement via les
banques et la Coface, accaparent plus de la moitié des marchés sénégalais,
gabonais, congolais ou ivoiriens. Le désinvestissement de ces acteurs
échaudés par l’insécurité s’installe. « En Afrique francophone, notre
problème n’est pas d’identifier de nouveaux investisseurs privés, mais
d’empêcher ceux qui sont là de partir »5, explique alors le vice-président du
Cian, Anthony Bouthelier, ancien cadre-dirigeant de Pechiney.
Dès 2006, la France perd son leadership dans l’exportation d’appareils
électriques et électroniques. Ses parts de marché ne représentent plus que
3 % en 2017 (16 % en 2001). Idem dans l’automobile où la montée des
BRICS, de la Turquie et de l’Espagne sont plus remarquables. La part de
marché n’est plus que 5 % en 2017 (15 % en 2001). Après avoir longtemps
figuré dans le trio de tête des fournisseurs sur ce secteur, Paris se trouve
relégué à la 7ème position derrière la Chine, la Turquie, l’Espagne ou
l’Allemagne. L’affaissement est plus significatif dans l’industrie
pharmaceutique du fait de l’explosion concomitante des médicaments
génériques indiens bon marché. Les exportations françaises représentent
19 % du marché africain en 2017 contre 33 % en 2001. Autrefois leader sur
ce segment, Paris subit les concurrences allemande et britannique. La part
de ses exportations de machines-outils et autres équipements est elle aussi
victime des assauts combinés de Pékin et d’Ankara. En 2017, elle se situe à
6 % (12 % en 2001). Autre fait notable : ce recul est plus prononcé en zone
francophone.
Si les partenaires africains s’éloignent, les entreprises françaises ne sont
pas non plus avares en récriminations. Dans l’édition 2020 de son enquête
annuelle auprès de ses adhérents, le Conseil français des investisseurs en
Afrique (Cian) dresse un bilan mitigé de leurs activités. Les entreprises
interrogées dressent une moyenne de 2,5 sur 5. « Les sociétés
internationales conduisent leurs affaires dans un environnement complexe
qu’elles ne trouvent pas optimal », affirme le rapport6. Un constat souligné
vingt-deux ans plus tôt dans une étude réalisée, en 1998, par l’antenne
internationale du Conseil national du patronat français International
(CNPF), ancêtre du Medef International, auprès de deux cents entreprises
représentatives. Selon ses résultats, les réticences à investir ou à s’implanter
en Afrique sont nombreuses, que ce soit au niveau réglementaire, juridique
ou fiscal. Pour les entreprises ne générant pas de chiffre d’affaires avec
l’Afrique mais dont l’activité est tournée vers l’international, les freins sont
la faiblesse des marchés, un environnement dégradé, le manque
d’informations ou encore la difficulté à trouver un partenaire fiable7. La
perception varie légèrement pour celles qui travaillent avec ce continent ou
qui disposent d’une filiale. Avec la proximité culturelle et linguistique, la
croissance de certains marchés est perçue comme un atout. Reste cinq
inconvénients pour ces entreprises et non des moindres : l’insécurité
juridique, l’illisibilité des politiques gouvernementales, la corruption, les
barrières douanières et la difficulté à accéder aux financements. « De
nombreuses entreprises ne pensent pas l’Afrique sur le long terme », juge
Patrice Fonlladosa, ex-patron Afrique du Medef International. « Sauf
exception, elles montent des projets et se retirent. La prise de risque est
encore trop faible. Les règles de compliance, la rigidité des banques, la
désorganisation des structures d’accompagnement à l’exportation ne sont
pas des facteurs encourageants. »
De fait, il ne se dégage pas une volonté ferme d’engagement de la part
des opérateurs hexagonaux malgré l’amélioration du cadre des affaires via
le traité Ohada8 ou le foisonnement de projets visant à muscler l’intégration
régionale. Entrée en vigueur en 2019, à Niamey, lors du sommet de l’UA la
Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) doit dynamiser le
commerce intracontinental par la création d’un marché commun intégré
libéré des entraves des systèmes douaniers. Mais il y a loin de la coupe aux
lèvres. Ce projet, composante de l’agenda 2063 de l’organisation
panafricaine, mettra plusieurs décennies avant d’aboutir.
État d’alerte
Investissements chahutés
1 Idriss Linge, En 2019, l’Afrique abritait seulement 4 % des IDE de la France, Agence Ecofin,
2 septembre 2020.
2 La dynamique des IDE français en Afrique centrale, Direction générale du Trésor, ministère de
l’économie et des finances, Paris, 22 novembre 2018.
3 Thibaut Bidet, les IDE français au Cameroun, Service Economique Régional (SER), Ambassade de
France au Cameroun, novembre 2018.
4 Volume des IDE, Agence Nationale pour la Promotion des Investissements, Anapi. République
démocratique du Congo, 2 mai 2020.
5 CORDIER Pierre, MASSEGLIA Denis, La Diplomatie économique, op.cit, p. 34.
7
1 Dominique Cettour-Rose, Ligne Congo-Océan : 100 ans après, les morts toujours présents, Site
France Télévisions, Rédaction Afrique, 26 février 2014.
2 Julien Bouissou, La traite négrière, passé occulté par les entreprises françaises, Le Monde, 9 août
2020.
3 ADO-Sarko : amitié, médailles et business ! La Lettre du Continent, 2 février 2012.
4 Déby aux patrons français : « N’ayez pas peur ! », La Lettre du Continent, 13 septembre 2017.
5 Franck Paris sur l’Afrique : « Sortons de la tétanisation ! », La Lettre du Continent, 25 avril 2018.
6 Entretien avec l’auteur.
7 Maryline Baumard, Parmi les leaders d’opinion d’Afrique francophone, l’Allemagne détrône la
France, Le Monde Afrique, 7 février 2019.
8 Entretien avec l’auteur.
9 Entretien avec l’auteur.
10 Marie Toulemonde, Olivier Marbot, En Afrique, l’image de la France se dégrade, celle de la
Turquie, du Qatar et des Émirats s’améliore, Jeune Afrique, 17 mars 2021.
11 Entretien avec l’auteur.
12 Caroline Perkins, Britain’s Goulag, The brutal end of empire in Kenya, Pimlico, Londres, 2005.
13 Sierra Leone, Le Royaume-Uni colonise à nouveau Freetown, Mail & Guardian Johannesburg,
23 novembre 2004.
14 Sébastien Le Belzic, Les Africains ont une opinion positive de la Chine, Le Monde Afrique,
7 novembre 2016.
8
1 Ce secteur représente plus de 98 % des exportations. L’Angola occupe la 146ème place sur 180 dans
l’indice 2019 de perception de la corruption de Transparency International.
2 World Bank Group, Doing Business 2020, Comparing Business Regulations in 190 economies,
2020. Rapport annuel de la Banque Mondiale, le Doing Business classe les économies nationales en
fonction d’une série de critères, réglementations et réformes mises en œuvre pour améliorer
l’environnement des affaires et des opérateurs.
3 Mis en exploitation en 2011 ce champ, le premier dans l’off-shore profond situé à 150 km au large
des côtes, fait de la major française le premier producteur du pays.
4 Karl Laske, L’Élysée pompier de l’affaire Falcone, Libération, 8 juillet 2004.
5 Rare pays à reconnaître la victoire de Laurent Gbagbo, l’Angola est représenté à l’investiture du
président-sortant à Abidjan, le 4 décembre 2010. Au plus fort de la crise, José Eduardo Dos Santos
envoie 130 soldats en soutien au patron du Front Populaire Ivoirien (FPI) contre les forces pro-
Ouattara. Il rappelle ses troupes sous la pression de ses pairs africains.
6 Alain Guillou demande par la suite une mise en disponibilité pour occuper le poste de conseiller
auprès du président gabonais, Ali Bongo Ondimba. Voir Pascale Robert-Diard, Tentative de
conversion d’un magistrat en conseiller du Gabon, Le Monde, 1er août 2012.
7 Hollande en Angola, l’économie plutôt que les sujets qui fâchent, RFI, 3 juillet 2015.
8 Afrique : en tournée Hollande s’offre un billard à trois bandes, La Lettre du Continent, 1er juillet
2015.
9 En 2008, Nicolas Sarkozy propose une alliance stratégique franco-angolaise pour soutenir Joseph
Kabila.
10 Source : MEAE, Direction de la diplomatie économique, septembre 2020.
11
1 CNUCED, Rapport sur l’investissement dans le monde 2019, Nations Unies, 2019.
2 Source : MEAE, Direction de la diplomatie économique, septembre 2020.
3 Voir BACH Daniel C, « Le Général de Gaulle et la guerre civile au Nigéria » in La politique
africaine du Général de Gaulle de 1958 à 1969, Cean/IEP Bordeaux, Pedone, 1981, pp.330-345 et
Michel Arseneault, Quand la France espérait affaiblir le Nigéria en armant le Biafra libre, RFI,
23 mai 2017.
4 La capitale fédérale Abuja est officialisée en décembre 1991.
5 BAULIN Jacques (Jacques Batmanian), « La hantise de l’unité nigériane » in La politique africaine
de Félix Houphouët-Boigny, Editions Eurafor-Press, Paris, 1985, pp.87-126.
6 Le colonel René Bichelot alias « Ray » devient par la suite le conseiller de Félix Houphouët-
Boigny chargé de la sécurité et du renseignement.
7 Odumegwu Ojukwu annonce sa reddition le 15 janvier 1970. Il est exfiltré par la France dans un
DC-4 Constellation au terme d’une opération menée par René Bichelot.
8 ROBERT MAURICE, « ministre de l’Afrique », op.cit p.186
9 Voir DE KONING Ruben et MBAGA Jean, « Conflits pour les ressources naturelles de la
péninsule de Bakassi : du global au local », Presses de Sciences Po, janvier 2007, n°34, pp.93-103
10 Olusegun Obasanjo en visite à Paris, Libération, 19 mars 1999.
11 Il est remplacé par Bakura Modu, lequel annonce la mort du chef terroriste en juin 2021.
12 Nigéria : le général Hollande, VRP du business militaire français, La Lettre du Continent, 11 mai
2016.
13 Nigéria : les patrons français tentent de reprendre la main, La Lettre du Continent, 30 septembre
2015.
12
Les difficultés à peser dans les pays hors champ sont corroborées en
Afrique du Sud premier client de la France au sud du Sahara, mais soumis
aux mêmes lois de la globalisation. Le « partenariat stratégique » voulu par
Emmanuel Macron, qui n’est que la continuité d’un partenariat vu
historiquement comme des plus « fiables » sur le continent1, semble sinon
triste du moins à l’arrêt. Ce n’est pas faute d’essayer de l’entretenir. Mimant
ses prédécesseurs le président français a naturellement fait de la 84ème
économie sur 190 du rapport Doing Business un réservoir de débouchés
pour les entreprises2. Au pouvoir depuis 2018 Cyril Ramaphosa est invité
en août 2019 à se joindre au G7 organisé à Biarritz. La visite officielle
d’Emmanuel Macron en Afrique du Sud, en mai 2021, permet à la France
de se positionner sur les investissements massifs que Pretoria prévoit
d’engager pour lutter contre les effets nocifs de la pandémie Covid. Dans sa
tentative de fidéliser la première place financière africaine, il souhaite tirer
profit de l’initiative Covax lancée conjointement avec son homologue, qui a
alors pris la tête de l’UA, pour permettre la recherche et le préachat de
vaccins destinés aux pays vulnérables. Cette dépense d’initiatives sur l’axe
Paris-Pretoria ne trouve pas l’écho souhaité. Présent au Cap, en novembre
2020, pour l’un de ses rares déplacements sur le continent, le ministre du
Commerce extérieur et de l’attractivité, Franck Riester, annonce vouloir
accompagner les autorités dans leur plan de relance. La France entend y
retirer des bienfaits. Des investissements dans les infrastructures, la santé,
l’agroalimentaire sont prévus. Accompagné d’une douzaine d’hommes
d’affaires, l’envoyé spécial de l’Élysée annonce vouloir franchir la barre de
3 milliards € d’échanges bilatéraux d’ici 2021. Si cet objectif est bien
atteint, il n’y a pas de quoi exulter. Depuis vingt ans la structure des
échanges est défavorable avec une érosion continue des exportations
françaises. A l’image des autres pays anglophones, la concurrence est
vigoureuse et le fait que Nelson Mandela, à peine sorti des griffes de la
prison de Robben Island, ait réservé sa première visite à l’étranger à la
France, en juin 1990, avec tous les honneurs dus à un chef d’État, n’est plus
le gage d’une relation privilégiée. Pas plus que la visite historique que
François Mitterrand effectue au Cap en juillet 1994, trois mois après
l’accession de « Madiba » au pouvoir.
Les chiffres attestent d’un effritement. La perte de vitesse depuis les
années 2000 est nette et profonde. 50ème partenaire commercial, la Nation
Arc-en-ciel ne représente plus que 2,5 % de part de marché contre 4 % en
1976. Les exportations françaises ne pèsent que pour 0,3 % des exportations
globales de l’Afrique du Sud, un chiffre qui tranche avec l’idée que ce pays
remplit les patrons français d’allégresse. Elles étaient deux fois plus
importantes en 2001. En 2015 elles s’établissent en valeur à 1,8 milliard €
puis à 1,6 milliard € en 2019, soit à peine 500 millions € de plus que les
exportations vers la Côte d’Ivoire. Quoique positif, le solde est divisé par
deux sur la même période (de 874 millions € en 2016 à 454 millions € en
2020) après avoir dégringolé à 211 millions € en 20183. Malgré la poussée
de nouveaux groupes comme Decathlon ou Leroy Merlin, Paris n’est plus
que le 11ème fournisseur derrière le Royaume-Uni, les Pays-Bas ou la Chine,
et très loin des scénarios échafaudés depuis le second mandat de François
Mitterrand, au lendemain de l’Apartheid et des premières élections
générales, pour en refaire une destination de référence.
Pays à part du fait de son tissu industriel et de son PIB (370 milliards $
en 2020), l’Afrique du Sud attire les intérêts hexagonaux (400 filiales
présentes) sans réellement garantir une embellie malgré les efforts déployés
par Business France et l’AFD. Si l’amitié nouée entre Nelson Mandela et
François Mitterrand, puis Jacques Chirac a pesé favorablement après un
repli lié à l’embargo onusien du 4 novembre 1977 et les sanctions anti-
Apartheid, l’économie a rapidement réimposé sa loi. « La demande sud-
africaine est forte en investissements. Sur ce point, la présence française
n’est pas assez vibrante. Il y a une absence de curiosité avec une perte de
substance ces dernières années. Nous avons raté plusieurs marches et il y a
bien longtemps que l’effet Mandela ne joue plus », estime Henri de
Villeneuve, observateur averti du pays pour y vivre depuis 1976, mais
également sceptique quant à l’intérêt véritable de la France pour l’Afrique4.
« Elle prend le risque de sortir des écrans-radars. Elle est en télétravail
pendant que les autres pays, l’Inde ou la Chine, sont à l’offensive dans le
cadre de la relance post-Covid », ajoute le fondateur de la société de conseil
Cobasa.
Comme dans les autres sphères anglophones du continent, Paris se
montre moins réactif que ses rivaux et donne le sentiment de faire du
surplace. L’approche macronienne ne se démarque pas de celle de François
Hollande qui reprend elle-même les traits saillants de celle de Nicolas
Sarkozy. La politique franco-africaine ne déborde pas d’une imagination
fertile. En Afrique du Sud encore moins. « La phase que nous devons ouvrir
n’est plus simplement celle de notre combat commun pour les libertés, mais
une période qui doit ouvrir de nouvelles relations économiques et
commerciales », explique François Hollande à Prétoria en octobre 20135.
La réception de Jacob Zuma à Paris en juillet 2011 entend « continuer à
développer ce partenariat stratégique global, confiant et responsable »6.
Qu’y a-t-il de fondamentalement différent à l’heure actuelle ? Le
lancement, en 2019, du French Tech Hub à Johannesburg et au Cap, le plus
vaste campus africain pour start-ups. Ce projet ambitionne de dynamiser le
marché français du digital ou de l’intelligence artificielle, mais il ne
remplace pas les investissements industriels devant accompagner les ventes
de trains, de centrales nucléaires, d’armements ou les nouvelles
implantations de groupes du CAC 40. Bien qu’en hausse de 74 % par
rapport à 2014, le stock d’investissements français représente à peine trois
milliards € en 2019 pour un stock global de 151 milliards €. Il est à des
années lumières de celui du Royaume-Uni (40 milliards €), des Pays-Bas
(26 milliards €) et même de la Belgique (9 milliards €). Alors qu’il
s’exprime devant la communauté française à Prétoria le 27 juin 1998, le
visage de Jacques Chirac laisse percer une déception : « Les relations entre
la France et l’Afrique du Sud, dans tous les domaines, sont bonnes, et
néanmoins elles sont insuffisantes (…) Il y a une coopération qui n’est pas
ce qu’elle devrait être »7. Depuis, la situation s’est ankylosée.
Repli
1
L’épisode Veolia est instructif à plus d’un titre. Bien sûr malgré tous ces
aléas la communication ministérielle de la France demeure imperturbable et
toujours aussi dithyrambe. On magnifie, on embellit, on positive sur une
relation « historiquement ancrée dans le paysage économique africain »1 et
sur le volume d’emplois directs et indirects qui en est retiré pour Paris.
Celui-ci n’est pas négligeable. Selon le MEAE, il s’établirait à 470.000
personnes, même si l’on peut s’interroger sur la méthodologie de recueil
d’un tel chiffre. Si les réactions se multiplient pour reprendre l’initiative,
elles ne peuvent toutefois empêcher certains fleurons incapables d’affronter
la bourrasque mondialisée de tomber les uns après les autres, loin de l’appel
enfiévré du ministre de la Coopération, Henri de Raincourt, qui durant la
visite de François Fillon à Libreville, en juillet 2011, intime aux patrons :
« Allez, allez les privés ! On vous ouvre les portes mais il faut ramener du
pognon ! »2.
Outre sa présence dans les industries du sous-sol et le secteur
énergétique, la concurrence s’engouffre dans les tous secteurs porteurs
comme le commerce, l’aérien, les infrastructures ou l’agriculture. La France
est frappé de plein fouet. A partir de 2000, reventes et dépôts de bilan
s’enchaînent, qui témoignent de la difficile adaptation de son tissu
économique. Début 2006, l’État annonce la finalisation de la revente de sa
part majoritaire dans la société Dagris (64 %), symbole de l’industrie
cotonnière dont le chiffre d’affaires est plombé par la chute des cours de
« l’or blanc » et l’endettement de ses filiales (Mali, Burkina Faso, Tchad,
Bénin…). Après des mois de négociation, l’ex-Compagnie Française de
Développement du Textile (CFDT) tombe dans l’escarcelle de la Société de
développement africain du coton et des oléagineux (Sodaco) emmenée
paritairement par Sofiprotéol, gestionnaire de fonds dans les secteurs des
oléagineux, et la société de capital-risque IDI. Un bradage. L’opération se
monte à 7,7 millions € pour une entreprise valorisée à 100 millions €. Face
à l’activisme du personnel et au caractère jugé opaque de la cession, le
ministère de l’Économie et des finances annule tout bonnement l’opération.
Début 2008, Bercy annonce la revente au terme d’une procédure de gré à
gré à la société Advens, rivale de Sofiprotéol dirigée par Abbas Jabber.
Pour cette opération, l’homme d’affaires libanais s’est allié au groupe
maritime CMA-CGM. Les deux acteurs déboursent 25 millions € pour une
valorisation ramenée à 24 millions € par la banque d’affaires Rothschild qui
pilote le dossier. Que dire de l’emblématique Compagnie Française de
l’Afrique Occidentale (CFAO), fondée en 1852, et vendue aux intérêts
nippons sans qu’un seul consortium français ou européen ne manifeste une
offre de reprise ?
En 2012, Toyota Tsuho Corp. (TTC) prend le contrôle du groupe de
distribution pour 2,3 milliards €. Bien que le repreneur fût l’actionnaire de
référence, cette vente par Pinault Printemps Redoute (PPR, devenu Kering
en 2013) aurait mérité une mobilisation minimale des pouvoirs publics.
Lorsqu’il revend ses parts pour se recentrer sur le segment du luxe, le
groupe de François Pinault ne trouve aucune autre entité intéressée par ce
rachat. Cette opération permet au groupe japonais, déjà fortement implanté
en Afrique de l’Est, d’étendre son emprise à tout le continent avec une
ouverture sur l’Afrique francophone et le Maghreb.
Les difficultés s’amoncèlent sur d’autres entreprises. Le temps où les
acteurs hexagonaux régnaient en maîtres au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au
Gabon et au Sénégal, en contrôlant plus de la moitié de ces marchés avec de
considérables profits appartient aux oubliettes de l’Histoire. Place forte
traditionnelle, les pays francophones subissent une succession de crises et
de soubresauts marquants (Côte d’Ivoire, Centrafrique, Sahel…) de nature à
les fragiliser. Les incertitudes pesant sur les climats d’affaires (corruption,
créances non recouvrées, insécurité juridique) grèvent les stratégies de long
terme. En 2017, une chute d’activité et une créance non recouvrée de
13 millions € pousse Bouygues à interrompre 70 ans de présence au Gabon
avec la fermeture de sa filiale Bouygues Énergies & Services. La cessation
d’activité accompagnée de trois cents licenciements est annoncée aux
personnels locaux par visioconférence juste après le retour du staff dirigeant
en France, par un vol de nuit, en catimini. De quoi redorer le blason de l’ex-
puissance coloniale. Des sociétés comme Veritas ou Sodexo désertent à leur
tour ce pays. Poussé par la concurrence asiatique, les contraintes
logistiques, l’engorgement des ports et plusieurs réformes imposant une
transformation primaire du bois, Rougier Afrique International dépose le
bilan, en 2018, au Cameroun et en Centrafrique. Alors qu’il était présent en
Afrique depuis les années 50, le groupe forestier se débarrasse de ses
filiales dans ces pays3. La même année, le groupe Thanry cède l’ensemble
de ses concessions hormis celles au Gabon.
Plus criant est le mouvement des banques. Pressés par des ratios de plus
en plus draconiens, la baisse des résultats nets et la concurrence de groupes
panafricains (Ecobank, UBA, BGFI…), plusieurs établissements réduisent
la voilure ou mettent la clef sous la porte. Première banque de la zone euro
et premier groupe bancaire français, BNP-Paribas se déleste de ses filiales
commerciales en 2019. Sa condamnation quatre ans plus tôt, par les États-
Unis, à verser 8,5 milliards € pour avoir participé aux financements
d’opérations au Soudan, à Cuba et en Iran sous embargo n’arrange rien.
Avant lui, le Crédit Agricole s’était retiré d’Afrique du Sud en 2011 après
60 ans de présence tout en se séparant des filiales africaines du Crédit
Lyonnais acquises à la fin des années 90. Des établissements comme le
Crédit du Sénégal ; l’Union gabonaise de Banque (UGB) ou le Crédit du
Congo tombent dans l’escarcelle du marocain Attijariwafa Bank. Autre
exemple avec le groupe Banque Populaire-Caisse d’Epargne (BPCE), qui se
désengage de Maurice (Banque des Mascareignes), de Madagascar
(BMOI), de Tunisie (BTK), du Cameroun (Bicec) et du Congo-Brazzaville
(BCI). Alors que le financement du commerce en Afrique constituait le
cœur historique du métier bancaire français, ces replis menacent le soutien
aux opérateurs hexagonaux et les privent de relais d’accompagnement. « La
faiblesse de la capacité de projection financière française va peser sur la
possibilité d’entretenir une relation profitable avec le continent africain »,
prédit le rapport Védrine en 20134. Le secteur est aujourd’hui régi par les
établissements africains dominés par le Maroc, le Nigéria et l’Afrique du
Sud. En 2015, les banques françaises ne représentent plus que 15 % des
parts du marché bancaire ouest-africain contre 37 % dix ans auparavant.
Nonobstant ses déboires en Guinée Équatoriale, Société Générale reste le
seul groupe ayant maintenu un ancrage.
Rien ne semble plus du tout garanti en matière de business. Par delà les
environnements difficiles, les acteurs économiques sont confrontés à de
nombreux ressacs. Localement, les écosystèmes juridiques et fiscaux se
compliquent. Les dossiers avancent selon le bon vouloir de tel ou tel
ministre pétrifié à l’idée de prendre une mauvaise décision sans l’aval du
Palais. Le modèle du capitalisme français postcolonial assis sur des rentes
et des économies de comptoirs se désagrège. Le problème se pose même
lorsque des négociations aboutissent à un feu-vert présidentiel. Alstom
l’apprend à ses dépens pour la centrale thermique d’Azito, en banlieue
d’Abidjan, un marché très convoité en raison des besoins en turbines. En
2013, le groupe industriel reçoit l’assurance de l’ambassadeur de France,
Jean-Marc Simon, de l’attribution de ce contrat après confirmation de la
bouche même du président Ouattara. Une décision ferme. « L’ambassadeur
m’a directement prévenu par téléphone. J’ai annoncé moi-même la nouvelle
à Patrick Kron avec qui je me trouvais au Brésil », se souvient Pascal
Drouhaud, alors directeur Afrique-Amérique Latine du groupe avant de
passer chez Bombardier5. En proposant 182 millions €, Alstom est le moins
disant de l’appel d’offres. Quelques heures plus tard, coup de théâtre ! Le
diplomate préféré d’ADO apprend que le sud-coréen Hyundai emporte
finalement la mise avec une offre étonnamment supérieure. « Le choc a été
rude pour tous, la déception à la hauteur de l’engagement et du projet porté
par l’entreprise pendant des années », ajoute Pascal Drouhaud. A ces
difficultés s’ajoute l’incertitude dans laquelle les entreprises évoluent.
Chacune est guettée par l’insécurité juridique. Veolia et Necotrans en font
l’amère expérience respectivement au Gabon et en Guinée. Du jour au
lendemain, les contrats peuvent être dénoncés sans aucun respect des
clauses de rupture. Au Togo, Accor est poussé à saisir les tribunaux pour
exiger une indemnité d’éviction à la suite d’une décision, non notifiée par
les autorités de ce pays, de ne pas renouveler le contrat de gestion du
Sarakawa, élégant établissement du front de mer de Lomé. En 2014, le
premier groupe hôtelier européen se voit expulsé sans ménagement de ce
pays. Fort de deux sentences arbitrales de la Cour Commune de Justice et
d’Arbitrage (CCJA) et de la Chambre de Commerce Internationale (CCI)
obtenues par la suite, il réclame plus de 4 millions € au Togo. Accor quitte
par ailleurs la Guinée après l’échec des négociations avec l’État concernant
la réhabilitation du Novotel GHI de Conakry. Même TotalEnergies, las
d’être utilisé comme une variable d’ajustement fiscal et de subir les
habituels petits arrangements en vigueur en Françafrique, se surprend à
vouloir gagner d’autres rives comme le Mozambique ou l’Ouganda. En
2014, la major essuie un redressement de 800 millions € du fisc gabonais
sur fond de contestations sociales. Président du groupe, Christophe De
Margerie tente de s’extirper du piège en intercédant directement auprès
d’Ali Bongo. « Aujourd’hui plus que jamais, TotalEnergies veut être un
pétrolier international. Il n’est plus disposé à subir les tracasseries des pays
francophones d’Afrique. S’il le pouvait, il se retirerait même volontiers de
cette zone. D’autant qu’il y a de moins en moins d’exploitation », note Loïc
Le Floch-Prigent6. Présent dans ce même pays à travers la Comilog, le
groupe Eramet se voit réclamer 245 millions € dans le cadre du même
redressement. D’autres sociétés perdent d’importants marchés souvent sans
sommation. En 2013, l’État ivoirien met fin au contrat de la société de
vérification Bivac-Véritas sur le Port Autonome d’Abidjan (PAA) avant de
le rétrocéder en gré à gré à Webb Fontaine. Cette société sortie de nulle part
ne dispose pas même d’une filiale locale. Une fois cette entité créée,
Benedic Senger en prend les rênes. Ce dernier n’est autre que l’ex-époux de
Fanta Ouattara, la fille du président ivoirien7.
Les Français se bercent d’illusions : l’Afrique n’est plus un eldorado
pacifique et doré, mais un terrain sinueux aux aspérités profondes.
« Lorsqu’il a lancé ses activités au Gabon, le singapourien Olam a organisé
une vaste conférence de presse pour présenter ses activités au cours de
laquelle il a surtout insisté sur un objectif : apprendre des Gabonais et les
comprendre. La France n’est plus dans cette dynamique. Elle a abandonné
toute culture de l’écoute », explique Bruno Delaye. Pire : dans un geste
bravache, certains patrons n’hésitent pas à convoquer les réflexes du passé
en remontant jusqu’à l’Élysée pour défendre un dossier. Le groupe Vicat
utilise cette méthode pour sortir d’un guêpier au Sénégal face au magnat
nigérian Aliko Dangote. Le cimentier français conteste vigoureusement à
son concurrent Dangote Cement, les conditions d’attribution d’un projet de
construction d’une cimenterie en banlieue de Dakar. Vicat se tourne vers
François Hollande pour tenter de lui soutirer une intervention. Depuis le
début de son mandat le président socialiste assure mordicus que les temps
ont changé. Visiblement pas pour les intermédiations comme à la belle
époque des tractations finalisées sur un bout de guéridon. De manière assez
surprenante, il décide d’aider personnellement ce groupe auquel « il doit
bien cela » selon son expression, en référence à l’aide qui lui a apporté
Vicat durant sa campagne électorale. Le dossier est discuté, début 2014, lors
d’une entrevue réunissant le PDG du groupe familial, Jacques Merceron ; le
DG, Guy Sidos et un certain Emmanuel Macron, secrétaire général adjoint
du cabinet du chef de l’État. De façon tout aussi inattendue François
Hollande se joint à l’échange8. L’Élysée décide d’adresser un courrier à
Macky Sall afin de le sensibiliser aux « difficultés » du cimentier. Dans sa
réponse, le président sénégalais estime, au contraire, que l’attribution du
marché n’est entachée d’aucune irrégularité. Dossier classé. Mais une
plainte pour distorsion de concurrence portée par Vicat devant le Cirdi
menace de plomber l’idylle franco-sénégalaise, le magnat nigérian
s’engageant même auprès de Macky Sall à prendre à sa charge tous les frais
de la procédure. Un règlement amiable met fin à ce contentieux en 2016.
Il suffisait autrefois de mobiliser des réseaux ou de passer un simple
appel téléphonique pour débloquer une situation. Ces chemins sont devenus
inopérants. Bien qu’investi sur ce dossier, François Hollande avait averti à
l’ouverture du Forum économique de Paris en décembre 2013 : « être une
entreprise française en Afrique ne donne pas tous les droits ». Il aurait pu
compléter qu’être une entreprise française ne donne « plus » tous les droits.
Ces évolutions rappellent à la France qu’elle n’est plus en mesure d’influer.
Pas même Vincent Bolloré, héraut de l’affairisme franco-africain dont le
seul nom suffit à braquer les ONG et les sociétés civiles. Les quelque
25.000 emplois générés par ses activités ne valent même plus circonstances
atténuantes. En position dominante dans une majorité de ports souvent
obtenue en gré à gré, l’homme d’affaires irrite les cercles intellectuels au
plus haut point. Son hégémonie est contestée, ses pratiques critiquées. A
l’image des transferts d’argent liquide à l’Elysée, celles-ci ne s’imposent
pas à première vue. On les subodore, on les suppute. Puis, la vérité éclate au
grand jour de la bouche même de l’intéressé. En 2018, Vincent Bolloré est
placé en garde à vue et interrogé sur les conditions d’attribution de la
gestion du Port autonome de Lomé (Pal), peu après la réélection de Faure
Gnassingbé en 2010, et de celle du Port autonome de Conakry (Pac) la
même année, quelques semaines après la première victoire d’Alpha Condé.
Piqué aux vifs, l’homme d’affaires se fend d’une tribune dans le Journal du
Dimanche pour savoir s’il ne serait pas plus préférable d’abandonner
l’Afrique devant l’adversité que les entreprises françaises doivent
affronter9. Cette seule interrogation résume les mœurs économiques de
certains opérateurs français. L’industriel breton ferait presque croire que la
corruption serait l’unique point de salut pour décrocher des contrats, et les
pratiques illicites un passage obligé imposé par les autorités africaines, ce
que les juges rechigneraient à ne pas comprendre.
1 Source : MEAE.
2 Initiation afro-économique pour Fillon, La Lettre du Continent, 20 juillet 2011.
3 Société Forestière et Industrielle de la Doumé (SFID), Société Cambois, Société Sud Participation
et, en Centrafrique, la société Rougier Sangha-Mbaéré (RSM).
4 Ibid. p.55
5 Entretien avec l’auteur.
6 Entretien avec l’auteur.
7 Webb Fontaine cadeauté à Abidjan, La Lettre du Continent, 20 mars 2013.
8 Pourquoi Hollande intervient pour Vicat, La Lettre du Continent, 29 janvier 2014.
9 Faut-il abandonner l’Afrique ? Vincent Bolloré, Tribune, Journal du Dimanche, 29 avril 2018.
3
1 Marie-Roger Biloa, Faut-il abandonner Vincent Bolloré ? Tribune, Le Monde Afrique, 2 mai 2018.
2 Une demande d’entretien a été adressée à Vincent Bolloré via son avocat Olivier Baratelli, qui n’a
pas répondu. Voir « Notre méthode, c’est plutôt du commando que de l’armée régulière », Interview
de Vincent Bolloré par Jean-Philippe Rémy, Joan Tilouine et Serge Michel, Le Monde, 11 aout 2015.
3 Bolloré sonne la charge au port, La lettre du Continent, 10 mars 2011.
4 Voir le dossier spécial Necotrans : la descente aux enfers d’un acteur majeur des ports africains, La
Lettre du Continent, 24 janvier 2017.
5 Entretien avec l’auteur.
6 Entretien avec l’auteur.
7 Necotrans, le naufrage d’un empire français en Afrique, Joan Tilouine et Xavier Monnier, Le
Monde, 25 mars 2018. Voir aussi Necotrans aiguise les appétits pétroliers d’Iskandar Safa, La Lettre
du Continent, 27 septembre 2017.
8 Bolloré et Dupuydauby, deux requins dans les ports africains, Renaud Lecadre, Libération, 3 juin
2009.
9 Port d’Abidjan : l’UEMOA met en cause l’abus de position dominante de Bolloré, Jeune Afrique,
8 septembre 2014. Lancée en 1994, l’UEMOA englobe huit pays : Sénégal, Côte d’Ivoire, Guinée
Bissau, Mali, Niger, Burkina Faso, Togo et Bénin.
10 Maureen Grisot, Le monopole de Bolloré sur le port d’Abidjan est de plus en plus contesté, Le
Monde, 6 septembre 2014.
11 Entretien avec l’auteur.
12 Entretien avec l’auteur.
13 « Bolloré doit sortir du projet de boucle ferroviaire », Interview de Patrice Talon par Thierry
Fabre, Challenges, 19 mars 2018.
14 Émeline Wuibercq et Emilienne Malfatto, En Éthiopie, dernier train français pour le désert avant
les convois chinois, Le Monde, 14 octobre 2016.
15 Bolloré a reçu une offre de MSC pour l’achat de Bolloré Africa Logistics et lui a accordé une
exclusivité, Communiqué de presse du 20 décembre 2021, www.bollore-transport-logistics.com
16 Simon Piel et Joan Tilouine, Biens Mal Acquis, les « facilitateurs » français dans le viseur de la
justice, Le Monde, 19 décembre 2019.
17 Jérémie Baruch, Comment Total a aidé le Congo à berner le FMI, Le Monde, 11 avril 2018.
4
« Nos efforts n’ont pas servi à redresser la situation », écrit dans les
années 60 René Dumont, père de l’écologie politique, dans son plus
retentissant ouvrage : « L’Afrique noire est mal partie ». Le sont-ils
davantage aujourd’hui ? Chaque année la France consacre plusieurs
milliards d’euros à son aide internationale dont le plus gros volume est
dirigé vers l’Afrique, principalement sous forme bilatérale. Au-delà de la
notion de modernisation attachée au concept d’aide, l’appui à ces pays est
indissociable de la dimension politique qu’elle sous-tend : maintenir une
diplomatie d’influence sous couvert d’un soutien aux États et aux sociétés
récipiendaires.
Tout comme les interventions militaires effectuées « à la demande » des
alliés africains, les contributions financières françaises au titre de sa
solidarité internationale ne sont qu’une des multiples variantes de son
clientélisme. « De même que l’aide américaine, l’aide française a toujours
été utilisée à des fins de politique étrangère. De ce point de vue, elle
constitue un investissement plus politique qu’économique », rappellent
Jacques Adda et Marie-Claude Smouts1. Une assertion confirmée très tôt
par les tenants du gaullisme comme le Premier ministre Maurice Couve de
Murville pour qui la coopération établit une transition entre les anciens
territoires colonisés nouvellement indépendants. « En cela, elle apparaît
comme un instrument important de la politique extérieure française. »2
Parce qu’il dessine son ambition et son désir de créer des Africains à son
image, la France assume un niveau d’APD parmi le plus ancien de tous les
pays industrialisés, en dépit de courants hostiles qui en dénoncent
régulièrement le coût et l’inutilité. L’actuel dépérissement avancé du Sahel
donnerait presque raison à ces « cartiéristes » protestataires3.
Malgré les milliards engouffrés depuis des décennies pour chercher à la
faire émerger économiquement, cette région, la plus déshéritée au monde,
cherche toujours le début du commencement de son essor. Il faut une crise
majeure rattachée au terrorisme pour mobiliser un programme global sous
l’égide de l’Alliance G5 Sahel, sans que l’on sache s’il parviendra à
inverser la tendance tant les mécanismes d’opacité jouent à plein régime4.
En 2018, la France est d’ailleurs interpellée par l’OCDE quant à la
clarification nécessaire à apporter à ses actions dans cette région5. Sur le
même registre humaniste utilisé pour justifier ses opérations militaires, les
gouvernants français ont constamment légitimé un niveau de solidarité
soutenu envers les pays africains, tentant au même instant de réduire la voix
des partisans d’un repli nationaliste regroupés sous le mot d’ordre cher au
député-maire de Tulle, Jean Montalat : « La Corrèze avant le Zambèze ! ».
La nécessité et l’utilité de la coopération sont constamment rappelées dans
les discours. En filigrane, cet effort financier est largement déterminé par
l’héritage colonial et la nécessité de soigner une rente économique. En la
résumant par la phrase « Aider le tiers-monde, c’est s’aider soi-même à
sortir de la crise », François Mitterrand la justifie aux yeux de l’opinion
publique pour les bénéfices que l’économie nationale pourrait en retirer.
Politique d’influence et rentabilité de l’aide expliquent le consensus dégagé
chaque année du vote des crédits « Aide au développement » de la Loi de
Finances approuvée pour l’exercice à venir. Ce budget est validé sans
accrocs nonobstant des critiques récurrentes. Car, en dépit de son
engagement, Paris a rarement su donner une ligne claire à sa politique. « Où
allons-nous ? Que cherchons-nous ? Par quels moyens ? Il convenait en
somme, d’injecter une dose de lisibilité et de visibilité pour tous. Il
importait aussi de redonner du sens politique à notre coopération, de la
resituer dans le contexte d’aujourd’hui avec une vision globale et à long
terme des défis de notre siècle », annonce le ministre de la Coopération
Henri de Raincourt lors de la présentation de son rapport « Coopération au
développement, une vision française », en 2011.
Le dispositif n’est pas plus compréhensible de nos jours. A l’image de la
diplomatie, la solidarité internationale est une formidable machine à
produire de l’incohérence tant ses rouages semblent rouillés. En 2018, les
députés Poletti et Kokouendo en sont encore à déplorer que « la mise en
œuvre de l’aide française n’a jamais pu trouver une organisation pleinement
satisfaisante ». Et de préciser : « Les différentes réformes engagées depuis
la suppression du ministère de la coopération, en 1998, n’ont jamais mis fin
à la dualité ministérielle qui n’est qu’un aspect de l’atomisation
administrative de l’aide française »6. Ce constat est dressé la même année
par Hervé Berville dans son rapport à Édouard Philippe. Dans un diagnostic
peu complaisant le député LREM, ex-économiste à l’AFD, déplore une
architecture budgétaire « peu lisible » qui limite le contrôle du parlement et
la capacité de l’État à encadrer de manière rationnelle les dispositifs
d’attribution de l’aide. Le caractère évanescent du Cicid ajouté à la
disparition progressive de la Conférence d’Orientation Stratégique et de
Programmation (COSP) et à la faiblesse structurelle du secrétaire d’État au
Développement nuisent au pilotage efficace de l’aide. « Il n’existe plus
d’instance politique formelle décidant de l’allocation annuelle des moyens
budgétaires de l’APD, en particulier pour décider de la répartition des
moyens entre les canaux bilatéraux et multilatéraux », déplore le député
appuyé par sa collègue Bérengère Polleti : « Même avec la meilleure
volonté, en se référant aux documents budgétaires, je ne sais pas si l’un
d’entre nous est capable de dire combien la France souhaite consacrer à son
aide publique au développement. C’est vraiment abominable ! », lâche-t-
elle en commission7. Cette faiblesse conjuguée à la prédominance de deux
ministères gestionnaires des moyens alloués à la solidarité internationale
aboutit logiquement à la montée en puissance de l’AFD comme acteur
pivot. Or, celle-ci n’est pas forcément la mieux outillée pour cette mission.
Entre le rapport d’Hervé Berville et celui de Jean-Marcel Jeanneney au
début des années 60, les réflexions sur les dysfonctionnements de la
coopération se sont amoncelées, constatant à l’unisson un manque
d’harmonisation, donc d’efficacité, voire de transparence, dans la définition
des politiques et le foisonnement des canaux de diffusion de l’aide. Ces
défauts sont si prégnants qu’ils poussent au début des années 90 chercheurs
et acteurs de la société civile à créer un Observatoire Permanent de la
Coopération Française (OPCF) chargé de se pencher de plus près sur ces
avatars.
Le volume d’aide est le premier écueil. Evolutive, en fonction des
capacités budgétaires, l’APD n’a jamais atteint la norme impérieuse de
0,7 % du Revenu national brut (RNB), jauge de référence définie par l’Onu
dans les années 70 pour espérer obtenir un renversement de tendance dans
les pays nécessiteux. Ce cap est rappelé sans arrête dans le cadre des huit
Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) adoptés par l’Onu,
en 2000, puis des Objectifs de Développement Durable (ODD) au nombre
de dix-sept, approuvés en 2015 dans le cadre du Programme de
développement durable fixé à l’horizon 2030. Or, il n’a jamais été franchi.
D’où la question reprise comme une antienne par de nombreux spécialistes
tels Hervé Gaymard, alors député UMP, qui s’interroge sur la pertinence
« de continuer d’afficher un objectif que l’on sait inatteignable »8. La
question n’est pas résiduelle. Tous les présidents font de ce pourcentage un
objectif de leur mandat. Aucun n’a réussi à dépasser 0,55 %. Chaque
examen de la Loi de Finances donne l’occasion de rappeler, sur un ton
alarmiste, la baisse des contributions. Porté à 1 % du RNB au sortir des
indépendances, cet effort s’est imperturbablement perdu dans le mensonge
de promesses électoralistes. Il se situe à 0,44 % en 1972 puis à 0,37 % en
1981 avant de remonter à 0,54 % en 1985 sous l’impulsion du
gouvernement socialiste. Malgré son statut de principal bailleur d’APD de
l’Afrique, le rang de la France reste modeste en volume comparé aux autres
pays de l’OCDE. La crise de confiance des années 90 à l’égard de ce
continent et le balancement vers la construction européenne font
dégringoler les chiffres. L’aide ne représente plus que 0,45 % du RNB en
1997 puis 0,31 % en 2000 et 0,32 % en 2001 correspondant à 4,4 milliards
€. Une chute vertigineuse. Sous le vernis des discours expansifs sur la
nécessité de soutenir les pays pauvres pour que cette pauvreté ne s’enracine
pas un jour chez elle, la France a divisé son aide par trois en quarante ans
même si en valeur le RNB n’a cessé de croître la plaçant parmi les cinq
premiers contributeurs mondiaux.
A l’aune de son second mandat, Jacques Chirac entend modifier la
cadence. A la conférence sur le développement de Monterrey au Mexique
en 2002, il fait la promesse de parvenir à 0,5 % en 2007 avec des
projections à 0,7 % en 2012 afin de réaliser les OMD. Cet engagement
confirmé lors du Cicid de décembre 2002 ne sera pas tenu. Comme
beaucoup d’autres. Certes l’APD remonte à 0,41 % en 2003 (5,5 milliards
€) et à 0,46 % en 2004, soit 6,8 milliards € dont 4, 9 milliards € d’aide
bilatérale. Avec 0,47 % en 2005, l’hémorragie semble stoppée. L’Afrique
capte toujours la majeure partie de l’aide même si celle-ci accuse une
baisse. Pour ce faire, Paris use d’artifices en intégrant dans ce volume ce
qui ne ressort pas des critères internationaux dans l’attribution de l’APD
comme les annulations ou reconversions de dette, les frais d’écolage, les
bourses aux étudiants ou le budget de prise en charge des réfugiés, ce qui
permet de gonfler les statistiques tout en évitant d’accompagner le vrai
développement.
En 2004, les Contrats-Désendettement-Développement (C2D), nouvel
outil de remise de dette permettant aux Pays Pauvres Très Endettés (PPTE)
de convertir leurs remboursements en projets structurants, dépasse les deux
milliards €9. L’organisation Oxfam, qui fédère plusieurs dizaines d’ONG à
travers le monde, tire à boulets rouges : « La France est devenue experte
dans l’art de gonfler les chiffres sur la contribution réelle de l’APD. »10 Ces
reconversions représentent alors 34 % de l’aide globale contre 12,1 % en
2000. L’APD est donc établie en trompe-l’œil, ce qui ne manque pas
d’ulcérer les observateurs les plus exigeants. Le sénateur Michel Charasse
est de ceux-là. Non content de déplorer « un essoufflement », l’ancien
ministre du budget et rapporteur spécial des crédits de l’APD dénonce un
dispositif peu compréhensible. « Une part importante de l’aide (annulations
de dettes, contributions aux banques multilatérales…) apparaît artificielle,
mal expliquée dans les documents budgétaires ou ne rend pas l’action de la
France suffisamment visible »11. Alors que le seuil des 0,7 % sonne comme
le leitmotiv des gouvernants français, la chute se poursuit inexorablement
avec Nicolas Sarkozy, ce dernier ne se sentant aucunement lié par les
engagements de son prédécesseur. Etablie à 0,39 % à partir de 2007
(9,94 milliards €), la contribution de la France montre de sérieux signes de
faiblesse. Elle s’établissait à 0,47 % l’année précédente (10,6 milliards €).
Pour Oxfam, « l’aide française est aujourd’hui moins prévisible que jamais
(…) et n’offre aucune réelle lisibilité sur les engagements sectoriels ou
géographiques de la France ». Malgré de timides amorces de rattrapage à
partir de 2010, cette tendance s’explique principalement par la baisse du
volume d’annulations de dette qui fait mécaniquement chuter les
performances globales. Sur fond de crise financière, la descente se confirme
en 2008 à 0,42 % (7,8 milliards €) avec un repli très net de l’aide bilatérale.
Acteurs de terrain par excellence, les ONG ne captent plus que 1 % de ce
budget. Elles manquent de s’étouffer. Pour le député socialiste Henri
Emmanuelli, autre rapporteur spécial du budget coopération et
développement, l’aide au développement n’apparait clairement plus comme
« une priorité gouvernementale »12. Analyse des plus pertinentes lorsque
l’on sait que le volume continue de s’affaisser en passant à 0,41 % en 2013
et 0,37 % en 2015 contre 0,45 en 2012. Un recul « d’ampleur historique »
selon Hervé Gaymard, rapporteur de la Loi de finances 2014. En 2016,
l’APD ne correspond plus qu’à 0,38 % du RNB.
Pour combler ce gap, Emmanuel Macron s’engage dans une énième
« rénovation » de la politique de développement et de la solidarité
internationale. Définie lors du Cicid de février 2018 et de la présidence du
G7 en 2019, cette réorientation entend relever graduellement la contribution
de la France à 0,55 % à l’horizon 2022, ce qui constitue une inflexion sans
précédent correspondant à une hausse de plus de 3,6 milliards €
(10,5 milliards à 14,2 milliards €). Réaliste, le nouveau chef de l’État n’a
pas fixé pas de date butoir pour parvenir à 0,7 %. Le vote le 2 mars 2021 de
la loi sur le développement solidaire et la lutte contre les inégalités
mondiales inscrit à la demande des députés ‒ hors Rassemblement national
(RN) ‒ impose néanmoins à la France d’atteindre ce cap en 2025. Fait
nouveau, qui garantit un meilleur respect de la parole donnée, cette
ambition vieille de cinquante ans est encadrée par une loi d’orientation et de
programmation. Cette ambition va dans le bon sens, mais il s’agit tout au
plus d’un rattrapage après l’effondrement observé depuis 2000,
particulièrement sur la période 2012-2016 au cours de laquelle l’aide
internationale perd plus d’un milliard €, passant de 0,45 % (10,6 milliards
€) à 0,38 % (9,6 milliards €). « Il s’agit juste d’une remise à niveau »,
explique la députée Poletti, qui n’a pas de mots assez durs pour dénoncer
« une politique opaque et peu compréhensible »13. A 0,55 % le volume
d’APD rejoint celui de 1985 ou de 1994. Quant au cap de 0,7 %, la crise
Covid 19 risque de modifier la donne. « L’engagement historique est encore
loin d’être honoré par un grand nombre de pays, dont la France », conclut
Oxfam14.
Dispersion géographique
1 Emmanuel Macron et Alassane Ouattara plaident la cause du franc CFA, RFI, 1er septembre 2017.
2 Côte d’Ivoire, Ouattara défend le franc CFA, « une monnaie solide », AFP, 15 février 2019.
3 Franc CFA, Discours du président Pompidou et du Général Eyadema, novembre 1972, www.ina.fr
4 Albert Ondo Ossa, Faut-il réformer la Zone franc ? La Documentation française, n°1-864, Paris,
mars 1984, pp.19-24.
5 TCHUNGJANG POUEMI Joseph, Monnaie, servitude et liberté, la répression monétaire en
Afrique, Éditions Afro-Canadiennes, 1980.
6 Michael Pauron, Dévaluation du franc CFA, le spectre de 1994, Jeune Afrique, 9 novembre 2016.
7 Entretien avec l’auteur.
8 Alain Faujas, Développement, pourquoi les pays d’Afrique francophone sont à la traîne, Jeune
Afrique, 3 janvier 2012.
9 Entretien avec l’auteur.
10 Benjamin Polle, Franc CFA : Lionel Zinsou tacle les « populistes » en préambule aux rencontres
Africa 2017, Jeune Afrique, 4 septembre 2017.
11 Hamidou Anne, La fin du franc CFA mérite de meilleurs avocats qu’une tribu de farceurs, Le
Monde, 22 aout 2017.
12 Alassane Ouattara, Entretien avec Marc Perelmann, France 24, 27 novembre 2017.
13 VEDRINE Hubert, ZINSOU Lionel, SEVERINO Jean-Michel, EL KAROUI Hakim, Un
partenariat pour l’avenir, op.cit, p.8.
14 Le Trésor français s’oppose à la nomination de Kako Nubukpo, La Lettre du Continent, 23 mars
2016.
15 NUBUKPO Kako, Franc CFA : les propos de M. Macron sont déshonorants pour les dirigeants
africains, Tribune, Le Monde, 29 novembre 2017.
16 NUBUKPO Kako, TINEL Bruno, BELINGA Martial-Ze (dir.), Sortir de la servitude monétaire, A
qui profite le franc CFA ? La Dispute, Paris, 2016.
17 MBAYE Jean-François Mbaye, Rapport n°3602 sur le projet de loi autorisant la ratification de
l’accord de coopération entre le gouvernement de la République française et les gouvernements des
États membres de l’Union monétaire ouest-africaine, Commission des Affaires étrangères,
Assemblée nationale, 27 novembre 2020.
18 Entretien avec l’auteur.
19 Nadoum Coulibaly, Alain Faujas et Nelly Fualdes, La monnaie unique de la Cédéao a-t-elle
encore une chance ? Jeune Afrique, 26 juin 2020.
20 Créée en 1975, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) comprend
quinze pays dont les huit de l’UEMOA auxquels s’ajoutent la Guinée, le Nigéria, le Cap-Vert, le
Ghana, le Libéria, le Sierra Leone, la Gambie. Cette organisation sous-régionale a pour vocation de
promouvoir une union économique entre ses membres. Son siège se situe à Abuja.
21 François Clemenceau, Macron, confidences en Afrique, Journal du Dimanche, 30 mai 2021.
22 MBAYE Jean-François, Rapport n°3602 sur le projet de loi autorisant la ratification de l’accord de
coopération entre le gouvernement de la République française et les gouvernements des États
membres de l’Union monétaire ouest-africaine, op.cit, p.50.
23 Entretien avec l’auteur le 30 septembre 2021 à Ouagadougou.
24 Banque Centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
25 Des intellectuels africains réagissent aux réformes du F CFA, Seneplus, 7 janvier 2020.
8
1 Violette Lazard, Biens mal acquis, au tour du Congo, Libération, 16 décembre 2013.
2 Simon Piel et Joan Tilouine, « Willy » Nguesso, une histoire ordinaire de prédation congolaise et
de voitures de luxe, Le Monde, 29 mars 2017.
3 Biens mal acquis : la fille et le gendre du président congolais Sassou Nguesso à leur tour mis en
examen, AFP, 25 juin 2017.
4 Pas de vacances pour Bongo ! La Lettre du Continent, 4 septembre 2008.
5 Thomas Hofnung et Xavier Harel, Le scandale des Biens mal acquis, Enquête sur les milliards
volés de la Françafrique, La Découverte, Paris, 2011, p.94 et suiv.
6 Agnès Faivre, La réconciliation est-elle possible entre l’Afrique et la Cour pénale internationale ?
Le Point, 21 janvier 2019.
7 Les vrais dessous de la libération d’Air Obiang, La Lettre du Continent, 19 octobre 2016.
8 L’hôtel Pozzo di Borgo : cible des opposants… et des créanciers privés ! La Lettre du Continent,
24 janvier 2018.
9 Paris frôle l’incident diplomatique avec Obiang, La Lettre du Continent, 15 avril 2015.
10 Guéant démine l’incident du Bourget, La Lettre du Continent, 27 janvier 2011.
11 Voir par exemple Complément d’enquête. Le clan Bongo, une histoire française, France
Télévisions, 29 juin 2017.
12 Renaud Lecadre et Thomas Hofnung, la Justice fait fuir les leaders africains, Libération, 12 août
2004.
13 Source : MEAE, Direction de la diplomatie économique, septembre 2020 et Minefi, Direction
générale du Trésor.
14 Etienne Giros met les pieds dans le plat gabonais, La Lettre du Continent, 10 septembre 2014.
15 Marceau Ndong Ossa, Au lendemain de la décision du Gabon d’adhérer au Commonwealth, Paris
relance l’affaire des Biens Mal Acquis, La Libreville, 21 mai 2021.
16 Une première loi défendue par Michel Sapin a été adoptée en 1993.
Partie VII
Afrique bouillonnante,
France évanescente
1
Oublieuse mémoire
1 Par Afro-Français, nous entendons les Français descendants d’un ou de deux parents ayant migré
dans l’Hexagone à partir de l’Afrique subsaharienne.
2 CAMARA Sikhé, Clairière dans le ciel, Présence Africaine, Paris, 1973.
3 L’article 4 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale
en faveur des Français rapatriés, dispose que « les programmes scolaires reconnaissent en particulier
le rôle positif de la présence française Outre-mer, notamment en Afrique du Nord ». Il sera abrogé
par décret présidentiel.
4 Jacques Chirac, Discours sur l’histoire de l’abolition de l’esclavage, le rôle de Victor Schoelcher et
contre les formes modernes de l’asservissement, Paris, 23 avril 1998.
5 Pour la genèse voir TAUBIRA-DELANNON Christiane, Rapport n°1378 du 16 février 1999
tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crimes contre l’humanité,
Assemblée nationale, 1999.
6 Jacques Chirac, Déclaration sur la première journée commémorative en métropole du souvenir de
l’esclavage et de son abolition, Paris, 10 mai 2006.
7 « Nous devons regarder en face notre histoire, ses pages de gloire et ses réalisations, mais aussi ses
erreurs et même ses fautes », Nicolas Sarkozy, Déclaration sur les relations franco-algériennes, Alger,
4 décembre 2007.
8 Hollande reconnaît les « souffrances » infligées à l’Algérie par la colonisation, AFP, 19 décembre
2012.
9 Patrick Roger, Colonisation : les propos inédits d’Emmanuel Macron font polémique, Le Monde,
16 février 2017.
10 « Le moment est venu de confier à des historiens algériens et français la tâche d’écrire ensemble
cette page d’histoire tourmentée », Nicolas Sarkozy, Alger, 4 décembre 2007 et « Connaître, établir la
vérité, c’est une obligation, et elle lie les Algériens et les Français. Et c’est pourquoi il est nécessaire
que les historiens aient accès aux archives et qu’une coopération dans ce domaine puisse être
engagée, poursuivie, et que progressivement, cette vérité puisse être connue de tous », François
Hollande, Alger, 20 décembre 2012.
11 STORA Benjamin, Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie,
Rapport au président de la République, janvier 2021, vie-publique.fr
12 Amine Kadi, France-Algérie : pourquoi le chantier mémoriel incommode Alger, La Croix, 9 avril
2021.
13 Emmanuel Macron, Discours à l’Université d’Ouagadougou, novembre 2017.
14 Jacques Chirac, déclaration sur la première journée commémorative en métropole du souvenir de
l’esclavage et de son abolition, Paris, 10 mai 2006.
15 35 « mutins » sont recensés. Il y en aurait en réalité plusieurs centaines selon l’historienne
Armelle Mabon. Voir Elsa Mourgues, Tirailleurs africains : un scandale historique, France Culture,
22 juin 2018.
16 François Hollande, Déclaration sur les relations franco-camerounaises et sur la coopération avec
l’Afrique, Yaoundé, 3 juillet 2015.
17 Notamment celle du 10 juin 2011 et du 5 octobre 2012.
18 Entretien avec l’auteur. « J’ai pris la décision que tous les documents produits par des
administrations françaises pendant le régime Sankara et après son assassinat couvert par secret
défense nationale soient déclassifiés pour être consultés », annonce Emmanuel Macron à
Ouagadougou, en 2017.
19 Biram Senghor, Massacre de Thiaroye : « Monsieur Macron, réhabilitez la mémoire des tirailleurs
sénégalais », Tribune, Le Monde, 6 novembre 2018.
20 Voir les actualités du 10 juillet 1934, Gaumont-Pathé, www.youtube.com
21 LONDRES Albert, Terre d’ébène, op.cit., p.247.
22 TRONCHON Jacques, L’insurrection malgache de 1947, Karthala, Paris, 1986.
23 PESNOT Patrick, « Cameroun, silence on tue ! » in Les dessous de la Françafrique, Nouveau
monde Poche, Paris, 2010, pp.59-89.
24 Éric Albert, Justice pour les Mau Mau, Le Monde, 10 juin 2013.
25 L’association de rescapés Ibuka regrette l’absence d’excuses de Macron, Ouest-France avec AFP,
27 mai 2021.
26 Génocide des Héréros : la Namibie attend toujours les excuses de l’Allemagne, Jeune Afrique,
29 août 2018.
27 https://www.vincennes.fr/agenda/un-jardin-dagronomie-tropicale-paris
28 Le Bois de Vincennes abrite les vestiges d’un zoo humain du XXème, Reportage et Interview de
Seph Lawless par Laura Woods, Vice, 2018.
29 https://exploreparis.com/fr/1132-visite-exposition-coloniale-permaculture-jardin-agronomie-
tropicale.html
2
Du racisme ordinaire
1 Anne-Charlotte Dusseaulx, « Tu vas mourir ! » : un député LREM reçoit une lettre raciste qui lui
promet « une balle dans la tête », Journal du Dimanche, 5 janvier 2019.
2 Hugo Septier, A Paris, un homme victime d’insultes racistes après une location pour une demande
en mariage, bfmtv.com, 2 juin 2021.
3 Yassine Bnou Marzouk et Samuel Laurent, Après une agression raciste sur un livreur à Cergy,
chasse à l’homme sur les réseaux sociaux, Le Monde, 2 juin 2021.
3
Multiculturalisme
Déshumanisation
1 Tags racistes à l’Insep : « On est au XXIème siècle, ce n’est pas normal que des choses comme ça
arrive », s’insurge Teddy Riner, France Info Sport, 10 juillet 2020.
2 Par leur influence sur l’histoire de France, certaines figures échappent à l’enfermement stylistique
du Noir. C’est le cas de Jean-Baptiste Belley, député de Saint-Domingue à la Convention (1747-
1805) et premier député noir, peint par Anne-Louis Girodet en 1798.
3 Cette représentation se retrouve dans la photographie naissante à cette époque. Contrairement à son
cliché « Nu Debout » (1855) où le modèle blanc se barre le visage avec le bras, Félix Nadar tirera des
clichés dénudés et le visage parfaitement reconnaissable de son modèle antillais, Maria, entre 1856 et
1859.
4 Femme des Antilles françaises née d’un homme noir et d’une « mulâtre ».
5 Fin 2015, le Musée Royal d’Amsterdam, aux Pays-Bas, a renommé l’ensemble des œuvres jugées
offensantes en relation avec les périodes esclavagiste et coloniale.
6 www.musees-occitanie.fr
7 https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeune_Femme_aux_pivoines
8 https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeune_N%C3%A8gre_tenant_un_arc
9 https://fr.wikipedia.org/wiki/La_N%C3%A9gresse_(Manet)
6
1 SARR Felwine et SAVOYE Bénédicte, Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain,
Vers une nouvelle éthique relationnelle, novembre 2018.
2 www.culture.gouv.fr/Espace-documentation/Missions/Reflexion-sur-la-possibilite-pour-les-
operateurs-publics-d-aliener-des-œuvres-de-leurs-collections-Jacques-Rigaud.
3 LEIRIS Michel, l’Afrique fantôme, Gallimard, Paris, 1996, p.105 et suiv.
4 Julien Volper, Patrimoine africain, le mythe des 90 %, La tribune de l’Art, 20 janvier 2020.
5 SARR Felwine et SAVOYE Bénédicte, Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain,
p.41
6 SARR Felwine et SAVOYE Bénédicte Savoye, op.cit p.50
7 Général français né à Saint-Louis du Sénégal et commandant des troupes françaises du Sénégal,
Alfred Amédée Dodds (1842-1922) est chargé de la conquête du Dahomey. Celle-ci s’effectue de
1892 à 1894.
8 SARR Felwine et SAVOYE Bénédicte, op.cit, p.11. Voir aussi « Nos biens culturels ont une valeur
spirituelle importante », Interview d’Aurélien Abbénonci, RFI, 4 avril 2017.
9 Loi n°2020-1673 du 24 décembre 2020 relative à la restitution de biens culturels à la République
du Bénin et la République du Sénégal, www.legifrance.gouv.fr
10 Entretien avec l’auteur.
11 La première œuvre qui est « restituée » à l’Afrique est un objet européen, Tribune Francis
Simonis, Le Monde, 24 novembre 2019.
12 Bénin, le dieu manquant à l’appel, Vincent Noce, La Gazette Drouot, 15 avril 2021.
13 Restitutions : Face à Emmanuel Macron l’enthousiasme mitigé de Patrice Talon, Matthieu
Millecamps, Jeune Afrique, 9 novembre 2021.
14 Martine Robert, La restitution d’œuvres d’art africaines affole le marché des arts premiers, Les
Echos, 4 novembre 2020.
15 L’ex-patron du Quai Branly dénonce un rapport prônant des restitutions massives d’œuvres à
l’Afrique, AFP, 20 février 2020.
16 Philippe Baqué, Polémique sur la restitution des objets d’art africains, Le Monde diplomatique,
août 2020, p.14-15.
17 Restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal (procédure accélérée), Compte rendu
analytique officiel, Assemblée nationale, 4 novembre 2020.
18 Restitution de 26 objets au Bénin, la France conserve la statue du Dieu Gou, Le Quotidien,
11 septembre 2020.
19 Martin Mateso, Jacques Chirac : « Nous avons saigné l’Afrique pendant quatre siècles et demi »,
France Info Afrique, 26 septembre 2019.
20 Restitution d’objets spoliés en Afrique : la Belgique dévoile sa méthode, Le Monde avec AFP,
7 juillet 2021.
8
1 Guillaume Descours, Omar Sy devient la personnalité préférée des Français, Le Figaro, 14 août
2016.
2 Agence française de développement, Les Français et la politique d’aide au développement, CSA
Research, Paris, 10 avril 2019. 28 p.
3 LAULAN Yves-Marie, Afrique, cauchemar démographique, Actes du colloque du 21 mai 2015 de
l’Institut de géopolitique des populations, Paris, L’AEncre, 2015.
4 « Parce que le sujet des migrations en Afrique me concerne, parce qu’il finit aussi en Europe, et
donc ça concerne mes concitoyens donc j’ai le droit d’en parler », Emmanuel Macron, Discours à
l’Université d’Ouagadougou, 28 novembre 2017.
5 Vidéo consultable sur YouTube.
6 Une plaisanterie de Macron sur les Comoriens suscite l’indignation, Le Figaro avec AFP, 3 juin
2017.
7 SMITH Stephen, Négrologie, pourquoi l’Afrique meurt, Fayard, Paris, 2004.
8 Point de presse conjoint de Jacques Chirac et Amadou Toumani Touré sur la démocratisation du
Mali, le développement des ressources en eau, le nouveau partenariat pour le développement de
l’Afrique (Nepad) et le meurtre du journaliste Jean Hélène, Tombouctou, 24 octobre 2003.
9 Loi n°2008-569 du 19 juin 2008 autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la
République française et le gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée
des flux migratoires et au développement, www.legifrance.gouv.fr
10 François Hollande, Déclaration sur les relations entre la France et l’Afrique, Dakar, le 12 octobre
2012.
11 HERAN François, « l’Europe et le spectre des migrations subsahariennes », Population &
Sociétés, n°558, Institut national d’études démographiques (Ined), septembre 2018.
12 Laurence Caramel, « Le Sahel est une bombe démographique », Entretien avec Michel Garenne,
Le Monde, 16 janvier 2017.
13 Selon le Haut Conseil à l’Intégration (HCI), est considérée comme immigrée une personne née
étrangère à l’étranger et résidant en France.
14 A raison de 4,2 millions d’immigrés de nationalité étrangère et 2,5 millions d’immigrés
naturalisés français.
15 Source : Ined.
16 En 1962, les immigrés subsahariens en France n’étaient que 20.000 contre 570.000 en 2004.
LESSAULT David et BEAUCHEMIN Cris, Les migrations d’Afrique subsaharienne en Europe, un
essor encore limité, Population et Sociétés, n°452, Ined, janvier 2009.
17 OCDE/Agence française de développement, Quelles évolutions des migrations africaines vers les
pays de l’OCDE, Note d’information sur les données migratoires, n°5, juin 2019.
18 Trafic de crack à Paris : sur la piste des « modous » à Stalingrad, Stéphane Johany, Journal du
Dimanche, 22 décembre 2020.
19 Entretien avec l’auteur.
20 Fadwa Islah, « Les hommes noirs et les arabes ne sont pas en sécurité en France », Interview
d’Assa Traoré, Jeune Afrique, 5 février 2021.
21 LOMBARDO Philippe et PUJOL Jérôme, « Le niveau de vie des descendants d’immigrés » in Le
revenu et le patrimoine des ménages, Edition 2011, mai 2011, Insee, p.73-81.
22 GOSSELIN Anne, DESGREES DU LOU Annabel, LELIEVRE Eva, LERT France, DRAY-
SPIRA Rosemary, LYDIE Nathalie, Migrants subsahariens : combien de temps leur faut-il pour
s’installer en France ? Institut national des études démographiques (Ined), Population & Sociétés,
n°533, mai 2016.
23 JUGNOT Stéphane, « L’accès à l’emploi à la sortie du système éducatif des descendants
d’immigrés » in Dossier, Immigrés et descendants d’immigrés, Edition 2012, Insee, pp.61-71
24 TIMERA Mahamet, « La migration africaine en France » in La France et les migrants africains,
Politique Africaine, n°67, Karthala, juillet 2013, pp.41-47.
25 Décès en 2020 : hausse plus forte pour les personnes nées à l’étranger que celles nées en France,
surtout en mars-avril, Insee Focus n°231, avril 2021. Voir aussi : Une hausse des décès deux fois plus
forte pour les personnes nées à l’étranger que pour celles nées en France en mars-avril 2020, Insee
Focus n°198, juillet 2020.
26 Entretien avec l’auteur.
27 Tel que défini par l’Unesco et l’OCDE, un étudiant en mobilité internationale a traversé une
frontière afin de poursuivre ses études ou s’inscrire à un programme d’enseignement en dehors de
son pays d’origine.
28 CAMPUS FRANCE, La mobilité des étudiants dans le monde, Étude, février 2020.
29 En 2018-2019, étudiaient sur le sol français 12.415 Sénégalais, soit 3 % des étudiants étrangers,
8.418 Ivoiriens (2 %), 7.445 Camerounais (2 %), 5.546 Congolais (2 %), 4.970 Gabonais (1 %),
4.383 Malgaches (1 %) et 4.199 Guinéens (1 %).
30 Mélany Procolam, Hausse des frais universitaires en France : quel impact sur les étudiants
africains ? Jeune Afrique, 30 juillet 2020.
31 Vincent Ledoux, « Nous devons assumer une large part d’Afrique ! », Tribune, Le Point, 2 juin
2021.
32 La présentation de ce programme est consultable sur le site de l’Agence Nationale de la
Recherche (ANR), www.anr.fr
33 Amaëlle Brignoli, Avec la hausse des frais universitaires, les étudiants africains moins attirés par
la France, Le Monde, 7 juin 2019.
34 GAYMARD Hervé, Relancer la présence économique, op.cit. p.157.
9
1 François Hollande : « le regard français sur l’Afrique doit changer », Entretien avec le candidat du
parti socialiste à la présidentielle de 2012, Afrik.com, 27 mars 2012.
2 Emmanuel Macron, discours à l’Université d’Ouagadougou, 28 novembre 2017.
3 Olivia Gesbert, Soustraire l’Afrique de la pensée coloniale, La grande table des idées, Entretien
avec Eric Fottorino et Mamadou Diouf, France Culture, 27 mai 2021.
www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-idees/soustraire-lafrique-de-la-pensee-coloniale
4 LEVI-STRAUSS Claude, Race et Histoire, Folio, Essais, Paris, 1991.
5 « Historiquement, de tous les peuples conquérants, nous avons été les plus dignes. Nous sommes
ceux qui avons le moins maltraités les populations devant lesquelles on arrivait. Les Anglais se
comportaient de façon immonde (…) Les Belges avec Léopold II de façon ignominieuse. Donc, il
faut arrêter. Des gens ont été beaucoup plus atroces dans leurs comportements », Face à l’Info, C-
News, 27 mai 2021.
6 L’article 2 de la loi du 21 mai 2001 dispose : « les programmes scolaires et les programmes de
recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l’esclavage la place
conséquence qu’ils méritent ».
7 Fondation pour la Mémoire de l’esclavage, L’esclavage dans les manuels et les programmes
scolaires : 7 propositions, n°1, septembre 2020.
8 COTE Sébastien (dir), Histoire/Géographie, 3ème, Nouveau programme 2016, Nathan. p.82
9 COTE Sébastien (dir), Histoire/géographie 2nde, Nouveau programme 2019, Nathan, pp.214-215.
10 COTE Sébastien (dir), Histoire 1re (dir), pp.222-247
11 COTE Sébastien, Histoire 1re, (dir) Sébastien Cote, pp.42-43 et 92-93.
12 Valérie Le houx, L’esclavage, un déni français, Télérama, 10 mai 2021.
13 L’Harmattan va-t-elle récupérer la documentation de la coopération française ? La Lettre du
Continent, 26 juillet 2011.
14 CARRIER Cécile, Le Fonds Afrique Outre-mer de la bibliothèque de la Documentation française,
École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèque, 2002, p.18.
10
Pris entre deux feux, indexé par les opinions africaines et afro-françaises,
le pouvoir macronien croit utile de se tourner vers les diasporas pour donner
du sens à son action. Ce virage doit offrir une meilleure perception du
continent et coller au plus près des aspirations de ses populations.
L’approche se veut innovante. Ces acteurs forment une passerelle utile au
rapprochement des cultures. « Elles amplifient l’aspiration des peuples
africains à une relation plus respectueuse de la dignité et de leurs intérêts »1,
estime Pascal Affi Nguessan. Outre la présence de milliers de binationaux
parmi les 123.000 ressortissants français vivant en Afrique qui, par leur
activisme, agissent comme autant de porte-voix pour réduire le fossé des
incompréhensions et des démarquages culturels, les Africains de l’extérieur
représentent également un formidable enjeu économique. En 2019, ils
envoient l’équivalent de 48 milliards $ de fonds vers le continent, chiffre
qui dépasse le niveau d’APD et celui des investissements directs. « Sur
cette question Emmanuel Macron agit avec une certaine habileté », estime
Ousmane Ndiaye. « Contrairement à ses prédécesseurs il n’est pas dans le
déni. Il comprend ce qu’il se passe. Mais faute de moyens, il reste dans le
champ du symbolique pour tenter de marquer les esprits car il ne peut faire
autrement. Le rapprochement avec les diasporas en fait partie. Il existe aussi
une dimension purement électoraliste derrière tout cela. »2
Le Conseil Présidentiel pour l’Afrique (CPA) est censé répondre à la
nécessité d’une compréhension objective de ce continent et de ses
dynamiques. Alors qu’il n’existe en France aucun organe spécifique lié aux
diasporas asiatiques, latino-américaine ou arabes, une nouvelle structure
singularise de nouveau cette région du Globe au sommet de l’État français.
Le sous-continent subsaharien demeure le laboratoire intemporel des
curiosités. A telle enseigne que l’Exécutif pousse à la création d’une chaire
spécialisée sur les diasporas africaines au sein de L’Afrique dans le monde
(LAM, ex-Centre d’études de l’Afrique noire) de Science Po Bordeaux et
de l’Université Bordeaux Montaigne. Lancé en août 2017, le CPA est
investi d’une mission de conseil et d’aide à la décision auprès de la
présidence de la République. Listés au Journal Officiel, ses onze membres
posent fièrement sur la photo de famille à l’issue de leur première rencontre
avec le chef de l’État. Alors que l’Élysée dit vouloir installer « le renouveau
des relations » entre Paris et les capitales africaines grâce à cette structure,
la toute première décision de ce conseil emprunte des schémas éculés de
cooptation à partir de réseaux existants. La désignation du franco-béninois
Jules Armand Aniambossou dit « J2A » comme coordinateur répond même
au copinage. Le CPA n’est pas un fan-club de courtisans », affirme ce
dernier, en 20183. Il en est pourtant le vibrant exemple. Loin de se résoudre
à la neutralité attendue d’un haut-fonctionnaire au service de son pays ‒ à
supposer de savoir lequel ‒ cet ancien élève de l’Ena est issu de la même
promotion 2002-2004 dont sont sortis Emmanuel Macron, Franck Paris et
Aurélien Lechevallier, conseiller diplomatique à l’Élysée. Sa nomination
doit à son intense lobbying ainsi qu’à plusieurs entretiens impromptus avec
le président français dont un à Bamako, en mai 2017. Alors salarié du
groupe immobilier Duval, Jules-Armand Aniambossou n’hésite pas à
approcher son ex-condisciple de passage au Mali.
Depuis l’accession du candidat de LREM au pouvoir en mai 2017,
« J2A », soucieux de soigner son plan de carrière, vise un poste prestigieux
comme celui de conseiller Afrique à la présidence de la République4. Que
récupère-t-il ? La tête du CPA, une fonction éloignée de ses ambitions. Le
parcours singulier de cet ingénieur issu de l’École nationale supérieure des
mines de Douai dans le nord de la France, ne laisse deviner aucun penchant
pour la diplomatie, encore moins pour la relation franco-africaine. Après
son cursus, ce natif de Cotonou intègre la fonction publique au sein du
département du Loir-et-Cher, puis du ministère de l’Industrie. Une fois
énarque, il officie comme secrétaire général adjoint de la préfecture du nord
avant d’évoluer dans le corps préfectoral. Il bascule par la suite dans le
privé pour le compte des opérateurs Poweo ou Eoles-Res, spécialisés dans
les énergies renouvelables. En 2013, ses réseaux autour du président
Thomas Boni Yayi facilitent sa nomination comme ambassadeur du Bénin
en France. Une position originale, mais exposée. En poste jusqu’en 2016,
« J2A » déclenche la fronde du personnel de la chancellerie en réaction à un
management jugé brutal. Ces salariés vont même jusqu’à se rendre en
délégation dans les locaux de La Lettre du Continent, publication sur
l’Afrique basée dans le quartier de la Bourse, à Paris, pour se plaindre de
leur traitement. Aniambossou, pour qui son pays d’origine est tout sauf une
sinécure, se trouve par la suite accusé de mener une croisade en faveur de
Lionel Zinsou. Dernier Premier ministre de Thomas Boni Yayi, le banquier
d’affaires est candidat à la présidentielle organisée au Bénin au printemps
2016. Un positionnement que le diplomate paiera chèrement. Après avoir
misé sur le mauvais cheval, il est le premier ambassadeur à être débarqué de
son poste par Patrice Talon, vainqueur du scrutin haut la main. Il retourne
ensuite dans le privé comme directeur Afrique-Outre-mer du groupe Duval
avant d’être nommé auprès d’Emmanuel Macron. Toutefois, les signes de
lassitude à la tête du CPA se manifestent rapidement. Se plaignant
fréquemment, en privé, d’un manque de moyens, visé par la presse pour de
pseudo accointances élyséennes, se sentant trop à l’étroit dans son costume,
l’ex-directeur de cabinet du préfet de la région Champagne-Ardenne réussit
à se faire nommer ambassadeur de France en Ouganda au printemps 2019.
Abonné aux navettes public/privé, un jour ambassadeur d’un pays étranger,
le lendemain ambassadeur de France, Jules Armand Aniambossou
s’accommode à toutes les sauces. En Afrique, ce type de personnalité porte
un nom : un « cube Maggie ». Il prouve en tous les cas le caractère bien
huilé et la vivacité des logiques françafricaines. Moins de dix-huit mois à la
tête de ce conseil, puis s’en va après une nomination parfaitement fléchée.
Cette décision, énième fait du Prince, ne va pas sans tumultes. Au Quai
d’Orsay, les antécédents de l’intéressé soulèvent l’incrédulité. Le nouveau
représentant de la France à Kampala a servi les intérêts d’un pays tiers.
Bien que le Bénin appartienne à la sphère francophone, n’y a-t-il pas là une
tentation de jouer sur plusieurs tableaux ?5
La composition même de ce conseil laisse dubitatif. S’il doit, comme le
suggère sa brochure de présentation, apporter « un éclairage de la relation
entre la France et l’Afrique » au chef de l’État et « formuler des
propositions concrètes d’actions »6, on comprend mal la quasi-absence de
personnalités vivant pleinement en Afrique, au plus près des réalités des
populations « en bas, d’en bas ». Bien qu’il se présente en contradicteur le
plus crédible d’Ali Bongo Ondimba, un Marc Ona Essangui, lauréat du
Goldman Environnemental Prize en 2009, l’équivalent du Prix Nobel pour
la défense de l’environnement, n’y avait-il pas toute sa place tout comme le
Nigérien Moussa Tchangari, secrétaire général remarqué de l’association
Alternatives Espaces Citoyens (AEC) ou l’artiste burkinabè Martin
« Smockey » Bambara, le mieux à même de s’exprimer sur les attentes de la
jeunesse africaine ? Aucun membre de ce conseil hétéroclite ne peut
revendiquer son appartenance réelle à la société civile africaine
contrairement à ce qu’avance la forte publicité autour de cette
caractéristique7. Le CPA ne compte aucun leader d’opinion ou fondateurs
d’ONG thématiques (défense du droit des femmes, des libertés, protection
de l’environnement) reconnus pour leurs projets, leurs actions, leur
influence ou leur impact bénéfique sur les populations locales. Selon Martin
Ziguélé : « Ce conseil s’apparente à un club feutré. Or, il faut concevoir
l’Afrique avec des hommes et des femmes qui vivent et travaillent sur ce
continent à la fois en zone rurale, en brousse et dans les centres urbains, et
qui sont les mieux placés pour proposer les voies et moyens d’améliorer les
contextes locaux. Etre Noir et intellectuellement brillant ne suffit
absolument pas pour parler des problématiques africaines. Il faut être noir,
brillant et en prise constante avec ce continent. »8 Les profils issus des
secteurs privés et publics dominent beaucoup plus nettement cette structure.
Un agencement non modifié depuis son apparition. Sous la coordination de
« J2A » et de son successeur à partir de juillet 2019, le franco-béninois
Wilfrid Lauriano do Rego, elle se répartit pour l’essentiel entre journalistes
(Liz Gomis, Florelle Manda, Patrick Fandio…), entrepreneurs (Karim Sy,
Sarah Toumi, Jean-Marc Adjovi-Boco, Nomaza Nongqunga Coupez, Aché
Ahmat Moustapha, Bourry Ndao…) et membres d’institutions à l’image de
la franco-tchadienne Vanessa Moungar, directrice du département Femmes,
genres et société civile de la Banque africaine de développement (Bad).
Quant à Wilfrid Lauriano do Rego, coopté par Aniambossou, il a accompli
sa carrière dans l’audit au sein du cabinet KPMG France. Les représentants
des diasporas économiques n’y siègent pas plus.
La désignation des membres non africains répond également à une
logique de réseaux. L’économiste Jérémy Hadjenberg est le DGA
d’Investisseurs & Partenaires (I&P), société de gestion de fonds dédiée à
l’Afrique subsaharienne créée par l’ancien patron de l’AFD Jean-Michel
Severino, expert écouté d’Emmanuel Macron. Diane Binder dirige
Regenopolis, société encourageant l’émergence de villes durables. Moins
connues sont les relations à la ville de cette ancienne secrétaire générale de
l’Institut IPEMed, think tank présidé par Jean-Louis Guigou, le mari de
l’ex-ministre Elizabeth Guigou. Or, elle se trouve être la compagne du
banquier d’affaires Cyril Benoit, ex-membre du cabinet de Laurent Fabius
et fils de Jean-Paul Benoit, l’avocat d’Alassane Ouattara et l’illustration
parfaite de la survivance des réseaux. Avant d’intégrer le CPA, tous ses
membres ont signé une charte de déontologie tant la question des conflits
d’intérêts se posait. Dans ce panel choisi, seul le professeur d’Université
franco-sénégalais Mbaye Fall Diallo sort du lot. Prônée dès la création du
conseil, l’ouverture aux autres Afriques est un autre engagement non
respecté. Une anomalie. Après son départ, la sud-africaine Nomaza
Nongqunga Coupez n’est pas remplacée par une ressortissante d’Afrique
anglophone ou lusophone, de sorte que cette structure est redevenue grosso
modo une caisse de résonance franco-africaine. La diversité géographique
ne se résume plus qu’à la présence de la chercheuse kényane Yvonne
Mburu.
Cinq ans après son lancement, cette instance de consultation fonctionnant
sur la base du bénévolat a bien du mal à s’imposer dans le paysage
institutionnel. Français et Africains ignorent son existence, ses objectifs, ses
projets. « Le nouveau monde qu’Emmanuel Macron a prétendument
insufflé à la relation franco-africaine n’est en fait composé que d’anciens
réseaux qui n’ont pas changé hormis son Conseil Présidentiel pour
l’Afrique dont on compte les actions », estime l’homme politique tchadien
Abakar Tollimi, chef du Conseil National de la Résistance pour la
Démocratie (CNRD)9.
La présentation du bilan de la première année d’action est un catalogue
de généralités et de bonnes intentions. Le conseil se targue, entre autres,
d’avoir participé à des événements « structurants » (One Planet Summit,
Vivatech…) ; de « démultiplier le discours du renouveau » ou de
« multiplier les rencontres avec les diasporas »10. Il se vante également
d’avoir accompagné le lancement d’entités emblématiques de la rupture
dans la relation franco-africaine telle Digital Africa. On sait ce qu’il est
advenu de ce projet-phare de la Macronie chargé de mobiliser les start-ups
africaines. Miné par les problèmes d’égos et de gouvernance, il implose au
printemps 202111. Emmanuel Macron le sauve in extremis en raccrochant
ce dispositif à Proparco, filiale de l’AFD pour le secteur privé. Derrière les
murs lisses de ses bureaux logés dans la même agence faute de moyens, le
CPA n’est pas à l’abri de tels dysfonctionnements. Une des premières
personnalités devant y siéger, l’avocat Yves-Justice Djimi, est discrètement
mis sur la touche dès les premières semaines d’activité. Ce membre du
cabinet sud-africain Webber Wentzel est tenu à l’écart de plusieurs réunions
et de la délégation qui accompagne Emmanuel Macron, à Ouagadougou.
Un évincement prêté à Jules Armand Aniambossou12 lequel trouve le
moyen, lors de son départ pour Kampala, de laisser une ardoise en
souffrance auprès du think tank Land of African Business (LAB) fondé par
Eric Bazin, recruté pour des actions de communication13.
Comme hier avec le Haut Conseil pour la Coopération Internationale
(HCCI), la politique macronienne croit judicieux de se jeter à corps perdu
vers les acteurs diasporiques ou issus de soit-disant « sociétés civiles » sans
réellement cerner leur influence ou leur envergure. Cooptés et suggérés par
des réseaux de connaissances ‒ pourquoi les deux coordinateurs successifs
sont-ils franco-béninois ? ‒ les membres de ce conseil ne reflètent que
partiellement ces mondes œuvrant au rapprochement des peuples et à
l’instauration d’une démarche didactique sur l’Afrique. Il existe mille et une
diasporas afro-françaises. Entre le franco-béninois Kémi Seba, fondateur du
groupuscule Tribu Ka dissout en France, et le franco-camerounais Elie
Nkamgueu, président-fondateur du club élitiste Efficience, des centaines de
personnalités revendiquent cette double-culture en réponse à une mode
ultra-tendance. « Les Africains de France ayant du mal à trouver leur place
ou s’estimant marginalisés de différentes manières, on voit remonter une
revendication à occuper ce créneau de la relation entre la France et leur
continent originel », explique Marie-Roger Biloa14. De cette prétention à
s’ériger en porte-parolat de l’Afrique, en lieu et place des Africains eux-
mêmes, un constat s’impose : les figures de cette planisphère ne sont pas
forcément, paradoxalement, les plus légitimes à restituer fidèlement les
revendications des populations du continent. Situés entre deux cultures,
redécouvrant l’Afrique de leur enfance au gré de séjours temporaires ou de
retours sporadiques, elles se trouvent souvent éloignées de réalités qu’elles
interprètent plus qu’elles ne les vivent. « Il convient de relativiser leur
capacité à penser la relation future avec la France », estime Francis
Laloupo. « Les diasporas constituent une sociologie spécifique et sont
perçues comme tel dans les pays d’origine. En Afrique, elles sont vues
comme une part de France éloignée des réalités. »
Les Africains d’Afrique se représentent le monde très différemment que
les Afro-Français. Ils affichent une moindre sensibilité sur tout un tas de
sujets, en tête desquels les questions mémorielles ou la restitution d’œuvres
d’art. Enferrés dans un quotidien rugueux et pesant, ils attendent surtout de
Paris un assouplissement de la politique migratoire ou une remise à plat
ambitieuse de sa présence miliaire. « La France s’appuie sur les diasporas
pour amortir sa disgrâce. Mais si ses représentants ont l’Afrique dans le
sang, il existe une grande différence d’approche avec les Africains qui ont
décidé de regagner leur continent pour y construire des démocraties »,
estime, pour sa part, Succès Masra. « Ayant longtemps côtoyé les diasporas
africaines depuis mon arrivée en France, je reste persuadé qu’il est tout
autant primordial de nouer le dialogue avec leurs élites qu’avec les
associations de travailleurs migrants qui sont beaucoup plus
pragmatiques. », explique l’écrivain franco-burundais, David Gakunzi15 Un
avis partagé : « Les diasporas forment la sixième région naturelle de
l’Union Africaine. Elles sont autant d’ambassadeurs appelés à plaider la
cause du continent et pouvant apporter leur pierre à une refondation de la
relation bilatérale », estime Francis Kpatindé. « Mais les figures
intellectuelles ne peuvent pas avoir, seules, le monopole de cette mission.
En France, ces dernières vivent bien souvent en vase clos, dans une coterie
philosophique fort éloignée des réalités concrètes de l’Afrique. Les
diasporas ouvrières sont bien plus conscientes des vrais besoins des
populations africaines. Leurs actions en direction du continent sont
mesurables en termes d’apports financiers et d’investissements. Elles
pourraient donc servir d’inspiration dans la recherche des voies et moyens
d’améliorer la relation avec la France. »16
Cultivant à l’envi leur statut privilégié, revendiquant leur africanité tout
en se délectant des plaisirs d’une vie occidentale, les diasporas africaines de
l’Hexagone ne se résume-t-elle pas finalement à la personnalité d’Arthur
Banga ? Retenu, avec d’autres condisciples, pour échanger et porter la
contradiction à Emmanuel Macron lors du « nouveau » sommet Afrique-
France organisé à Montpellier, le 8 octobre 2021, ce franco-ivoirien poste
des photos de lui sur son compte LinkedIN, trois jours avant cet événement.
On le voit, tout sourire, depuis une salle de l’Élysée avec, en toile de fond,
le président français et Achille Mbembe en train de régler les derniers
détails de la rencontre. Se présentant comme docteur en philosophie, Arthur
Banga se trouve surtout rattaché au ministère français des Armées depuis
bientôt dix ans. Un curriculum vitae et un profil qui ne pouvaient mieux
définir l’état d’esprit dans lequel ce rendez-vous a été pensé.
La France évolue nettement moins vite que l’Afrique. Elle est, en tout
cas, loin du rendez-vous que lui fixent les attentes de ce continent et de sa
jeunesse. « L’Afrique doit être une ambition nationale, mais les Français
sont-ils prêts à cela ? », s’interroge Étienne Giros1. A défaut, Paris choisit
de se déporter sur le terrain de l’affect. « Entre la France et l’Afrique, ce
doit être une histoire d’amour », prétend Emmanuel Macron dans les
colonnes de Jeune Afrique2. Louable attention, qui omet l’essentiel :
l’Afrique, cette épouse morganatique, veut-elle encore de cet amour-là ? A
force de réprimandes, de mauvais traitements, de discours répétitifs
humiliants, de fausses étreintes, d’attentat à sa dignité et d’incalculables
fossés entre les déclamations et les actions, elle cède à d’autres sirènes.
Celles-ci sont allemandes, russes, qataries, brésiliennes, indiennes,
chinoises, turques. Il n’y a pas d’amour, mais des preuves d’amour. Tel un
couple essoufflé, cette relation arrive au bout d’un cycle funéraire alors
qu’un nouveau contrat moral tarde à se préciser du côté français. Pour
Charles Bowao : « Il n’est absolument pas dans l’intérêt de la France de
poursuivre dans cette voie et de raffermir le sentiment diffus de rejet. Il est
grand temps qu’elle décloisonne l’universel. Elle doit promouvoir, sans
esprit hypocrite, ce qui compte le plus pour l’humanité : la démocratie, la
liberté, le développement. Il lui faut déconstruire la raison d’État qui
l’oblige à cautionner des régimes détestés. L’éthique impose une realpolitik
qui puisse satisfaire les attentes des peuples. »
Malgré l’influence linguistique qui s’y exerce encore, l’Afrique
francophone, cette guetteuse mélancolique ayant trop attendu les signes
d’une remise à plat de sa relation, se refaçonne loin de l’ancien
colonisateur. A la recherche d’un électrochoc, Paris tente de forcer le destin
en organisant un sommet Afrique-France sous un nouveau format. Fin
2021, cet événement dépoussiéré accueille 3.000 jeunes artistes, sportifs,
entrepreneurs et acteurs du monde diasporique. Gardant à l’esprit la
continuelle réinvention de la politique franco-africaine, Emmanuel Macron
écoute leurs doléances. Exit donc la photo de famille ronflante des chefs
d’État africains, alignés en rang parfait autour de leur hôte depuis 1973. Sur
le fond comme sur la forme, ce rendez-vous ressemble à s’y méprendre à
celui d’Ouagadougou lorsque le même hôte s’adressa à la jeunesse
burkinabè enfiévrée. La réitération de ce type d’événement quasiment à
l’identique, à quatre ans d’intervalle, permet de mesurer la non-évolution,
voire l’échec cuisant de la France au sud du Sahara. « Emmanuel Macron
maîtrise parfaitement la communication politique. Il ponctue son mandat,
comme il l’a débuté, par le même exercice de style. Aucun africain
vraiment engagé, comme ceux du Balai Citoyen au Burkina Faso ou du
mouvement Y’en a marre au Sénégal, n’a été associé à cet événement, qui
s’est contenté de mettre en lumière une société civile cosmétique », note
Marc Ona.
Qualifié de « terriblement ringard » par le politologue Jean-François
Bayart3, ce sommet faussement rajeuni est le énième syndrome d’un Titanic
idéologique que Paris essaie de renflouer vaille que vaille. Outre de
ménager les présidents africains, le fait d’avoir pensé cette rencontre en
ignorant superbement les opposants traduit la perpétuation d’un
paternalisme dont les Africains veulent plus que jamais se départir. « Réunir
des milliers de jeunes en France pour parler de l’avenir de tout un continent
a quelque chose de profondément anachronique, de dépasser, voire de
grotesque. Un réel changement aurait consisté en l’organisation de ce
sommet en terre africaine, là où celles et ceux qui y sont retournés luttent
pour la démocratie et l’État de droit », explique le tchadien Succès Masra
qui, quelques jours avant ce raout, avait déploré des dizaines de blessés
chez ses partisans après la répression d’une manifestation de l’opposition, à
N’Djaména. Un événement passé sous silence à Paris. En quoi a consisté la
« rupture » promise dans la capitale de l’Hérault ? En la création d’un
« fonds d’innovation pour la démocratie » abondé de 30 millions € pour
soutenir la bonne gouvernance. Cette mesure est l’une des treize
propositions d’Achille Mbembe, chargé de préparer l’événement. Le
principe de la création d’une « Maison des mondes africains et des
diasporas » est également arrêté tout comme le changement de nom de
l’Agence Française de Développement, l’actuel étant jugé dévalorisant. Une
bien maigre moisson.
Sur les autres points, la France en déshérence n’entend pas abandonner ce
qui fonde le « pacte colonial » en vogue depuis les indépendances. Pas
question, comme le demande la jeunesse africaine, de revoir son maillage
militaire unique en son genre. Sur le plan monétaire, elle ne compte pas
davantage délaisser définitivement son attachement au franc CFA, malgré le
faux-semblant d’une réforme entérinée fin 2019. Emmanuel Macron
continue également d’assumer son soutien à un ensemble de régimes
notoirement antirépublicains. Face à l’incapacité de faire bouger les lignes,
notamment en cessant de nourrir ces autocraties utiles, que reste-t-il ? Un
travail mémoriel des plus modestes, la panthéonisation de Joséphine Baker,
une déclassification timide d’archives, des changements de sigles ou la
restitution d’une trentaine d’œuvres d’art, lorsque la Belgique s’engage à en
retourner 40.000. Il faudra beaucoup plus pour changer les perceptions.
Un renouveau africain suppose une normalisation sous la forme
paradoxale d’une banalisation constructive. Un soft-power discret, policé,
libéré de tout engagement symptomatique de l’esprit néocolonial, de ses
familiarités, de ses dévoiements. Cette « dépaternalisation » va de pair avec
la dilution de la politique française dans une approche plus européanisée et
multilatéralisée qu’elle ne l’est. Il doit s’accompagner d’un dépoussiérage
urgent du personnel diplomatique et de l’expurgation des motifs ‒
économique, militaire, monétaire, mémoriel, culturel ‒ qui valident le
ressentiment africain.
Ce nouveau chapitre impose, par-dessus tout, de renoncer aux prises de
positions bipolaires, vecteur de discrédit chez les populations africaines,
tendant à exiger le respect de libertés fondamentales dans un pays pour
mieux les oublier dans un autre. En révolutionnant l’affirmation de sa
puissance par une nouvelle doctrine reposant concrètement sur le reflux de
son militarisme ou sur la sélectivité rigoureuse de ses partenaires, en
fonction de principes imprescriptibles et quelques soient les intérêts du
moment, la France pourrait tirer un tout autre parti de son histoire avec
l’Afrique. Elle serait enfin perçue comme neutre. Cela requiert lucidité,
courage dans le renoncement, humilité et créativité afin de réadapter tous
ces mécanismes aux réalités actuelles, sans pour autant empiéter sur le
devenir d’États qu’elle tente toujours, assez désespérément, de maintenir
sous sa coupe. Il lui appartient d’apporter la preuve de cette audace sans
oublier cette maxime de Georges Balandier : « Une ceinture de feu flambe
tout au long des Tropiques et, dans ce feu, l’Afrique se forge un avenir
original. »4
ADDA Jacques ; SMOUTS Marie-Claude, La France face au Sud, Le miroir brisé, Karthala/CNRS,
Pairs, 1989, 363p.
ADE AJANI Jacob Festus (dir), L’Afrique au XXIème siècle jusque vers les années 1880, Histoire
générale de l’Afrique, vol. VI, Présence Africaine-Edicef-Unesco, Paris, 1997, 447p.
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Introduction
Partie II - Condescendance
1. Décoloniser le discours et les postures
2. L’Afrique rétive à la démocratie
3. Une Afrique sans Histoire
4. Grands écarts de François Hollande
5. Submersion démographique
6. Dédain
7. Servilités africaines
8. Bévues protocolaires
Partie VI - Repli
1. Peur sur Libreville
2. Tout doit disparaitre !
3. Guerre franco-française sous les tropiques
4. Clap de fin à la « Coopé »
5. L’aide au développement : pour quoi faire ?
6. Dispersion géographique
7. La réforme non anticipée et inaboutie du franc CFA
8. Pressions judicaires et médiatiques