GRÈVE - La colère gronde dans les couloirs de Météo France. En grève ce mardi 19 mars, au même titre qu’une bonne partie de la fonction publique, l’établissement public en charge du suivi météorologique du territoire français traverse une profonde crise. Une situation qui le conduit d’ailleurs à poursuivre symboliquement la grève jusqu’à samedi, date de la Journée météorologique mondiale.
Et ce ne sont pas les coupes budgétaires annoncées par Bruno Le Maire mi-février pour faire des économies dans les caisses de l’État qui devraient arranger le sort de Météo France, sous tutelle du ministère de la Transition écologique.
Car au sein de Météo France, la récente mise en place d’un outil d’automatisation des prévisions a fait basculer l’agence publique dans une crise existentielle. Celle de trop pour de nombreux agents initialement passionnés par leur travail, mais aujourd’hui confronté à la honte dans les conditions actuelles.
Plus de missions mais moins d’effectifs
Comme le pointe Libération ce mardi, Météo France a perdu 23 % de ses effectifs en 10 ans, passant de 3 409 postes en 2012 à 2 581 en 2022. Cette baisse inéluctable des effectifs est en quelque sorte devenue le nerf de la guerre des équipes de Météo France, plus sollicitées que jamais dans leur travail avec l’accélération des conséquences du changement climatique.
« Depuis 2008 et le début de la restructuration de Météo France, il y a une intensification des missions et une détérioration des conditions de travail », résume en introduction François Giroux, représentant du personnel pour la CGT Météo France. Une restructuration qui avait d’ailleurs débuté avec la suppression des centres météos en France, « passés de 110 à une trentaine », comme le regrette Jérôme Lartisant de FO-Météo France interrogé lui aussi par Le HuffPost.
François Giroux se souvient aussi des 95 départs à la retraite non remplacés en 2022. Car ce ne sont pas les 23 postes créés en 2023 ou les 25 annoncés pour 2024 qui suffiront à combler les brèches. D’autant plus que les nouvelles recrues (bien souvent des contractuels plutôt que des fonctionnaires) se voient attribuer des missions supplémentaires, comme l’extension de la surveillance des feux de forêt.
« Certains ont même honte de dire qu’ils bossent à Météo France. » Jérôme Lartisant, délégué FO
Mais les ennuis ne se cantonnent pas seulement à une baisse d’effectif. Évoquée plus tôt, l’arrivée de l’outil d’automatisation « Alpha » a changé la donne. Depuis le 13 novembre 2023, le « Programme prévision production » automatise les prévisions grâce à une base de données. Désormais, c’est une machine qui prévoit la météo que l’on peut consulter chaque jour sur le site de Météo France. Et en interne, on attend avec inquiétude la période estivale. « On ne sait pas comment il va réagir avec les orages », admet non sans inquiétude Jérôme Lartisant.
Plus symbolique que celles de février, cette nouvelle grève a quand même pour but de tirer la sonnette d’alarme. Car d’un côté, l’image des prévisionnistes est largement dégradée par l’instauration d’un outil à l’efficacité douteuse -et sur lequel ils n’ont qu’une petite marge de manœuvre pour corriger les erreurs- et de l’autre, ce sont les agents « de l’ombre » qui trinquent.
Tout le monde trinque
Les commerciaux sont noyés sous les réclamations des clients de Météo France, remontés contre les prévisions erronées. Les chercheurs sont « découragés car leur travail n’est pas mis à contribution correctement par l’automatisation en bout de chaîne », ajoute François Giroux, également prévisionniste à Lyon. Les développeurs sont, eux, sous pression constante pour améliorer Alpha. Quant aux modélisateurs, Jérôme Lartisant glisse qu’ils comparent leur travail sur les modèles de prévision au fait de produire une « une belle patate aux formes arrondies qui devient une purée, une fois automatisée ».
Le représentant FO prolonge ce triste constat en confirmant le mal-être des agents, frustrés de ne pas pouvoir fournir un service public de qualité. « Certains ont même honte de dire qu’ils bossent à Météo France », ajoute-t-il.
« La baisse d’effectif a été plus rapide que l’automatisation. Les outils ou les formations, rien n’était prêt », finit-il par conclure, avant d’ajouter que ce basculement vers l’automatisation a été largement favorisé et accéléré par le manque d’effectifs. « Une partie visible de la détérioration des conditions de travail a émergé avec l’automatisation », ajoute amèrement François Giroux.
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