Depuis une dizaine d’années, le Centre Primo Levi (Paris 11e) constate une évolution préoccupante de la santé mentale des personnes exilées, aggravée par les violences désormais omniprésentes et inéluctables qu’elles subissent sur le chemin de l’exil. Torturées, emprisonnées, violées, ces personnes fuient leur pays et vont accumuler les traumatismes tout au long de leur parcours jusqu’en France, de la simple humiliation à la torture, en passant par les violences sexuelles.
Cela n’implique pas seulement une addition de la violence, mais une potentialité traumatique aiguë, d’autant plus qu’elle survient sur des personnes déjà fragilisées et éprouvées par la violence subie dans leur pays d’origine. Cette nouvelle configuration, structurelle aujourd’hui, en premier lieu chez les femmes, éprouve considérablement les ressources personnelles et les capacités de résilience des personnes, exerce une pression considérable sur les dispositifs d’aide et de soins, tout en rallongeant le temps de traitement.
La France est l’un des trois principaux pays d’accueil de demandeurs d’asile en Europe. Elle est appelée à être de plus en plus sollicitée par des personnes qui fuient les conflits armés et la violence, malgré les barrières physiques ou législatives mises en place ces dernières années. Ces personnes, qui demandent la protection de notre pays et dont la santé mentale se détériore, ont besoin d’être soignées.
Le recours au secteur associatif devient incontournable
Au vu de la gravité de leurs troubles psychiques et de leur spécificité, du nombre de personnes concernées et de leurs fortes interactions avec la société, leur souffrance constitue une réalité incontournable et un véritable enjeu de santé publique. Il s’agit aussi plus largement d’un enjeu de société, car la majorité des personnes exilées arrivées en France ont vocation à y rester et à y travailler.
La prise en compte de la souffrance psychique fait donc partie de l’accueil et des étapes vers l’intégration. Pourtant, comme nous le soulignions déjà en 2018 dans notre rapport « La souffrance psychique des exilés, une urgence de santé publique », le système de santé actuel ne répond pas à cet enjeu. L’offre de soins en santé mentale pour les personnes exilées demeure largement sous-dimensionnée, notamment au niveau des prises en charge dites « avancées », seule condition pour diminuer les troubles, les risques de décompensation et le coût à long terme pour la société.
Les équipes des structures d’hébergement sont en première ligne pour accueillir ces publics, mais repérer et accompagner la souffrance psychique est difficile en l’absence de formation. Même lorsque le trouble est identifié, les possibilités d’orientation vers les structures de droit commun sont minces : celles-ci sont saturées, sous-dotées et en majorité concentrées dans les grandes villes, particulièrement en Ile-de-France. Le recours au secteur associatif devient ainsi incontournable.
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