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Hôpital pour enfants bombardé : la Russie tente de blâmer la défense aérienne ukrainienne

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Le ministère de la Défense et le porte-parole du Kremlin ont tenté de rejeter la responsabilité du tir qui a détruit l’hôpital Okhmatdyt de Kyiv sur la défense aérienne ukrainienne. Une version contredite par les images du bombardement, qui témoignent d’un tir russe.
publié le 9 juillet 2024 à 21h52

Lundi 8 juillet, la Russie a lancé une énième salve de missiles sur la capitale ukrainienne, ciblant notamment l’hôpital Okhmatdyt à Kyiv, plus grand centre de santé du pays. Une clinique privée et d’autres bâtiments ont été touchés par le bombardement, alors que le bilan est dorénavant de 32 morts dont 4 enfants et plus d’une centaine de blessés, d’après le service d’urgence de l’Etat ukrainien.

Depuis la diffusion des premières images d’enfants blessés au milieu des décombres, le ministère de la Défense russe et le porte-parole du Kremlin Dmitry Peskov réfutent la responsabilité de la Russie dans la frappe sur l’hôpital. Selon Moscou, il s’agirait d’un raté de la défense antiaérienne ukrainienne. Une version contredite par les images du tir, qui attestent d’un tir de missile russe.

Des tirs de missiles sur différents sites de la capitale, dont l’hôpital

Très vite, lundi matin, les canaux Telegram ukrainiens sont inondés d’images montrant des missiles russes survoler la capitale. D’autres montrent de grosses explosions sur les sites frappés, d’où s’élèvent rapidement des volutes de fumées et de poussières. Différentes zones ont été touchées : des zones résidentielles, des transformateurs électriques (au cœur de la campagne de bombardements russes visant à détruire les infrastructures énergétiques de Kyiv depuis deux ans), mais aussi les locaux d’Artem, déjà frappé ces derniers mois. A plus d’un kilomètre au sud des locaux d’Artem, de nombreuses vidéos montrent le tir et la destruction de l’hôpital pour enfants de Okhmatdyt, directement touché. D’après les forces aériennes ukrainiennes, la salve de missiles était composée de 38 projectiles, dont 30 ont été interceptés.

«Il est très important que le monde ne reste pas silencieux et que chacun voie ce que fait la Russie», a réagi le président ukrainien Volodymyr Zelensky, appelant à «tenir la Russie pour comptable de ses actes de terreur» et demandant la convocation d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU. Tandis que la représentante du Haut-commissariat des droits de l’homme des Nations unies en Ukraine a déclaré ce mardi qu’il était «fort probable» que l’hôpital pour enfants de Kyiv ait été touché par un tir direct de missile russe.

Une salve revendiquée par Moscou, qui nie avoir touché des cibles civiles

De son côté, le ministère de la Défense russe a rapidement réagi en revendiquant des tirs sur «des sites industriels militaires ukrainiens et sur des bases aériennes des forces armées ukrainiennes», ajoutant que les «cibles désignées ont été touchées». Le communiqué s’empresse néanmoins de préciser que «les déclarations des représentants du régime de Kiev à propos d’une frappe de missile prétendument intentionnelle de la Russie sur des cibles civiles sont absolument fausses», faisant ici implicitement référence au tir sur l’hôpital. «De nombreuses photos et séquences vidéo publiées à Kiev confirment clairement la destruction due à la chute d’un missile de défense aérienne ukrainienne lancé depuis un système de missiles antiaériens dans la ville.» Une version martelée le lendemain par le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, interrogé sur le sujet en conférence de presse.

Les images en question sont brandies par de nombreux comptes pro-Kremlin sur X et Telegram, de Jackson Hinkle (compte de désinformation à répétition) à «WarOnFakes», canal de propagande reprenant les codes du fact-checking (sur lequel CheckNews avait écrit un article en 2022). D’après ceux qui les partagent, elles prouvent (comparaison visuelle à l’appui) que la silhouette du projectile est celle d’un missile de défense aérien Patriot ou encore d’un missile antimissile air-air ukrainien AIM-120. Et non d’un projectile russe.

Une version contredite par l’analyse des images

La capture d’écran très pixélisée brandie par ces comptes est tirée d’une séquence filmée d’un immeuble proche du centre de santé. Plusieurs vidéos, prises depuis ce même immeuble, ont capté le bombardement. Les habitants filment au début de celles-ci les volutes de fumée et de poussière s’élevant d’un autre site qui venait d’être frappé, quand un missile vient s’abattre sur l’hôpital.

Ces images montrent bien la chute d’un projectile sur l’hôpital pour enfants de Okhmatdyt. Mais comme différents analystes (ici, ici et ici) l’ont noté, les versions de bonne qualité de la vidéo (comme cette séquence partagée par le journaliste ukrainien Andriy Tsaplienko) montrent clairement une silhouette cohérente avec un missile de croisière russe Kh-101, tombant de profil. Notamment grâce à la forme et au nez du missile, aux ailes visibles au milieu ainsi qu’au moteur singulier visible à l’arrière du projectile.

Ce que confirme notamment Fabian Hoffmann, chercheur à l’université d’Oslo spécialisé dans les technologies de missiles, sur X (ici et ici) et au New York Times. Interrogé par le quotidien américain, le spécialiste ajoute que la trajectoire du missile «apparaît contrôlée», témoignant d’un tir intentionnel, et que le missile n’a pas été touché par la défense anti-aérienne ukrainienne, ce dernier étant «complètement intact, sans dommage visible sur le fuselage».

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