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Réchauffement climatique : certaines espèces tropicales pourraient être mieux adaptées que prévu

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En analysant 25 000 espèces terrestres et marines, animales et végétales, des chercheurs ont constaté de nombreuses espèces tropicales sont susceptible de supporter le réchauffement climatique, révèle une étude publiée ce mercredi 29 mai dans la revue Nature Ecology and Evolution.
par LIBERATION et AFP
publié le 29 mai 2024 à 15h05

Une bonne nouvelle sur le front de la biodiversité ? Certaines espèces pourraient être déjà naturellement capables de s’adapter à des conditions climatiques inconnues de l’Homme, selon une étude publiée ce mercredi 29 mai dans la revue Nature Ecology and Evolution. Un phénomène qui limiterait la perte de biodiversité massive engendrée par le réchauffement climatique.

Les chercheurs de l’Ifremer, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, et de l’Université de Lausanne, en Suisse, ont étudié la proportion d’espèces vivant dans des conditions proches des limites climatiques actuellement admises sur Terre, c’est-à-dire -70 °C en Antarctique et +48 °C à l’équateur. Mais celles-ci n’ont pas toujours été les mêmes. «Il y a 130 000 ans, la Terre était plus chaude, de 3 à 4 °C», souligne Mathieu Chevalier, chercheur en écologie marine à l’Ifremer.

Espèces préadaptées aux températures plus élevées

Or «ce que nous disent les études paléoécologiques, c’est que plein d’espèces sont probablement capables de survivre à des températures plus élevées que celles qui existent actuellement. Potentiellement, on a des espèces préadaptées à des températures plus chaudes», développe le chercheur. Selon lui, les limites actuelles ne seraient «pas de vraies limites écologiques» pour certaines espèces.

En analysant les niches écologiques, c’est-à-dire l’ensemble des conditions climatiques et environnementales qui déterminent l’habitat d’une espèce au sein d’un écosystème, de 25 000 espèces terrestres et marines, animales et végétales, les chercheurs ont constaté que 49 % de ces espèces vivaient dans des niches proches des limites climatiques actuelles. Mais parmi elles, beaucoup ont une niche susceptible de bénéficier du réchauffement climatique, à condition qu’elles soient bien préadaptées à des températures plus élevées.

«Lorsqu’une espèce est marquée par des conditions climatiques, elle garde une préadaptation à ces conditions qui peut perdurer sur des milliers voire des millions d’années. Si son habitat évolue vers un climat que l’espèce a déjà connu par le passé, cette préadaptation lui offrira alors une tolérance à ces nouvelles conditions climatiques», explique Antoine Guisan, professeur d’écologie spatiale à l’Université de Lausanne, cité dans un communiqué.

Grâce à cette préadaptation, la perte de biodiversité due au réchauffement climatique serait ainsi moins forte que prévu pour les espèces tropicales, dont la niche écologique serait potentiellement plus large que les limites climatiques actuelles. Dans les zones tropicales, les modèles statistiques traditionnels prédisent une disparition massive de la biodiversité, allant jusqu’à 54 % des espèces terrestres d’ici à 2041-2060. «Notre modèle relativise ce pronostic» en prédisant une diminution de 39 % de la biodiversité, relève Mathieu Chevalier.

Estimations «alarmantes»

Si cela vaut pour les espèces tropicales qui pourraient mieux tolérer le changement climatique que prévu, les anciennes estimations restent valides pour les espèces des régions froides, alpines et polaires, et dans une large mesure, pour les espèces des zones tempérées, précise Olivier Broennimann, lui aussi chercheur en écologie spatiale à l’Université de Lausanne. «Car le climat qui règne actuellement à ces endroits n’existera plus d’ici 2041. Ces espèces vivent déjà à la limite de leur niche climatique et ne seront pas en mesure de tolérer des températures significativement plus chaudes. Ça, c’est une certitude !» prévient-il encore.

Les auteurs soulignent aussi que les estimations restent «alarmantes» et que l’étude ne prend pas en compte de nombreux autres facteurs d’extinction des espèces, comme la perte d’habitats, la pollution, la surexploitation et les invasions biologiques.

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