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Libération
L'édito de Dov Alfon

Pavel Dourov, l’homme qui en cachait trop

L’arrestation à Paris de l’homme d’affaires franco-russe, créateur de la messagerie Telegram, a provoqué une onde de choc planétaire. Révélations sur les coulisses de l’enquête et sur sa surprenante audition.
publié le 30 août 2024 à 20h47

L’arrestation à Paris de Pavel Dourov, fondateur et directeur de la messagerie en ligne Telegram, a envoyé des ondes de choc dans le monde entier et poussé le président de la République, Emmanuel Macron, à préciser par deux fois qu’il n’y était pour rien. Selon l’enquête édifiante que nous publions aujourd’hui, un échange sur l’arrestation a même eu lieu dimanche entre Macron et le président des Emirats arabes unis, Mohammed ben Zayed al Nahyane. Dourov, citoyen russe devenu français par une procédure rarissime, est en passe de devenir la cause célèbre des libertaires de la Silicon Valley, qui voit en lui un héros de la liberté de parole. La justice française le voit plutôt en sauveur de pédocriminels, trafiquants d’armes et criminels en tous genres qui bénéficient de son refus – documenté dans des milliers de cas, d’après notre article – de coopérer avec toute autorité gouvernementale.

Doit-on protéger l’anonymat d’opposants à des régimes meurtriers si cela protège aussi des pédocriminels de la pire espèce ? Quelque 900 millions de personnes utilisent Telegram, application qui serait à la fois un canal de diffusion illimitée et une messagerie présentée comme imperméables aux écoutes gouvernementales car cryptée de bout en bout. Cette supposée immunité est mensongère, mais toute l’affaire regorge de contre-vérités. Ainsi, Dourov s’est targué devant les enquêteurs de bénéficier de la protection du chef de l’Etat, puis de celle de la DGSI. Sa mise en examen complique sérieusement son intention d’introduire Telegram en Bourse (pour une évaluation de 30 milliards de dollars), surtout si les annonceurs soucieux de leur réputation quittent l’appli. De toute façon, d’après le Financial Times, Telegram perd toujours 170 millions de dollars par an et son intérêt est surtout lié aux transactions en cryptomonnaie opérées elles aussi exclusivement par Dourov, qui en tire directement des milliards de bénéfices.

Dans ce contexte, protéger Dourov pour protéger l’anonymat de ses utilisateurs n’a aucun sens : la démocratie ne se limite pas à la liberté d’expression sur messagerie, elle est aussi dépendante du respect des lois qui garantissent tous les droits humains, y compris ceux des enfants. Il appartient donc au système judiciaire français de déterminer si Pavel Dourov a enfreint l’une de ces lois. N’en déplaise aux chantres de Telegram.

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