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Libération
Reportage

Vide-dressing inédit à l’Opéra de Montpellier

L’Opéra Comédie de Montpellier organise ce week-end un vide-dressing d’exception, soit près de 2 000 vêtements et accessoires de scène proposés au grand public à des prix (très) accessibles. Ces pièces uniques confectionnées par des artisans costumiers somnolaient jusqu’ici dans les réserves.
par Sarah Finger, correspondante à Montpellier
publié le 27 janvier 2024 à 11h28

Envie de tout acheter. Les longues robes de soirée, les jupes à frou-frou, les bustiers en satin, les queues-de-pie en velours, les coiffes extravagantes, les chapeaux pointus, les corsets en paillettes, avec leurs plumes, leurs perles… Ces créations hors du temps, ô miracle, les voilà à portée de mains et de désir. Transformé le temps d’un week-end en vide-dressing géant, le grand foyer de l’Opéra Comédie de Montpellier les propose en effet à la vente au public (1) à des prix très raisonnables (de 3 à 200 euros). La plupart des vêtements n’excèdent pas 30 euros. Au rayon des fripes, des centaines de tenues tout aussi originales sont proposées à quelques euros seulement. Les professionnels – artistes, compagnies de théâtre, écoles de costumes, professionnels du spectacle vivant – ont fait leur marché vendredi soir, avant la foule des grands jours attendue dès samedi matin.

Cadeau et seconde vie

Il faut dire que les 2 000 pièces uniques réunies par l’Opéra offrent une part de rêve inédite. Toutes semblent encore habitées. Admirées par des milliers de paires d’yeux à chaque représentation, elles ont dansé sur scène, sublimé le corps de divas, habillé des ténors. Les mains moites d’artistes angoissés par une première les ont palpées, triturées, caressées pour se rassurer. Les enfiler, c’est épouser ce passé, partager ces émotions, revêtir un peu de leur prestige. D’ailleurs, nombre de ces vêtements portent une étiquette intérieure, manuscrite, indiquant le nom d’un soliste, d’un choriste, d’un rôle, d’un opéra… On s’y voit déjà : «Mon pantalon ? Oh, très chère, vous ne vous le trouverez dans aucune boutique… Il a été porté par Jeanne d’Arc.» Ou : «Oui, n’est-ce pas, vraiment exquise, cette robe… Elle a joué la Traviata

«Chacun de ces vêtements est particulier, et les voir ainsi rassemblés sur des portants pour être vendus provoque chez nous tous pas mal d’émotion, reconnaît Fatma Zemouli, cheffe costumière de l’Opéra. Nous avons opéré un choix dans nos réserves mais il nous reste encore des milliers de pièces. Nous conservons les plus classiques ; les autres, très spécifiques, sont plus difficiles à réutiliser.» Comme ces costumes du XVIIIe, confectionnés à l’aide de patrons de l’époque, mais entièrement réalisés en jeans. «Proposer ces créations, c’est un peu un cadeau que l’on fait aux gens, poursuit Fatma Zemouli, mais c’est aussi donner une seconde vie à tous ces vêtements.»

Un avis partagé par Valérie Chevalier, directrice générale de l’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie. A l’origine de cet événement, la directrice s’amuse de l’effervescence qui a gagné ses troupes depuis que les costumes se sont invités dans le grand foyer de l’Opéra. «C’est la première fois qu’un tel vide-dressing se tient chez nous. A l’heure du recyclage, cela n’aurait pas de sens que de si belles pièces continuent à prendre l’humidité dans notre hangar de stockage… Il faut aussi savoir qu’entretenir de tels costumes s’avère très compliqué : les matériaux employés sont parfois hors du commun, comme de la mousse, des perles… Malgré cette complexité, tous nos vêtements sont méticuleusement nettoyés après chaque représentation.»

Kimonos, robes de mariée...

Cette vente exceptionnelle invite à voyager dans tous les styles, toutes les époques. Sissi côtoie la mode médiévale, les uniformes révolutionnaires frôlent les pièces créées sur mesure pour des solistes. Au gré des rayons, on déniche un vaste échantillon d’impressionnants kimonos, une robe de chambre en soie moirée finition léopard, de longs manteaux royaux, des vestes rose bonbon et jaune citron… Adieu les aspects pratiques comme les poches intérieures ou extérieures, les conseils pour le lavage, la déclinaison dans toutes les tailles, la tenue qu’on traîne sans désir. Place au vêtement fou, inattendu, coloré, décalé, qui permet de s’inventer une dégaine ou juste de se déguiser.

Dans un registre plus sage, les futures épouses seraient inspirées de venir jeter un œil : ce vide-dressing propose une quarantaine de robes de mariée, toutes uniques, et à prix abordable (200 euros pour les plus chères). Les intéressées trouveront aussi ici des coiffes emplumées et des robes pour les demoiselles d’honneur. «La plupart de ces robes de mariée n’ont jamais été portées, précise Frederica Forte, chargée de communication de l’Opéra Comédie. Elles ont été utilisées pour un décor sur le thème du mariage.» L’occasion rêvée d’être la plus belle pour aller se marier, à condition de ne pas se rater : aucun essayage n’est possible sur place, et les vêtements ne sont ni repris ni échangés. Mais repartir avec une belle redingote qui porte à son col l’inscription la Flûte enchantée plutôt qu’une étiquette «Made in China», ça implique quand même quelques menus sacrifices.

(1) Samedi 27 janvier (de 9h30 à 17 heures) et dimanche 28 janvier (de 9h30 à 15 heures), place de la Comédie. Entrée libre.

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