Série : « Dispatches from Elsewhere », un mystère n’arrive jamais seul

Quatre étrangers s'engagent dans une quête captivante aux allures de miroir aux alouettes. « Dispatches from Elsewhere », disponible sur Prime Video depuis le 24 juillet, a tout d'une grande série – sauf une conclusion digne de ce nom.
Dispatches from Elsewhere sur Prime Video  Un mystère narrive jamais seul
« Dispatches from Elsewhere » / AMC / 2020

En 2008, un jeu de piste est organisé à San Francisco : plus de dix-mille participants traquent pendant trois ans des indices, censés leur révéler les conditions de la disparition d’une jeune fille, vingt ans auparavant. L’énigme à taille humaine est racontée dans un documentaire de Spencer McCall, The Institute, sorti en 2013.

Nous voilà désormais en 2020 avec Jason Segel, connu de ce côté de l'Atlantique principalement pour son rôle sympathique de Marshall dans How I Met Your Mother, et quelques comédies US type En cloque, mode d'emploi. L’acteur s’est intéressé à cette expérience menée quelques années plus tôt, finalement annoncée comme un « projet artistique », et en tire l’une des séries les plus étonnantes de l’année, Dispatches from Elsewhere.

Le projet, porté par une grande chaîne américaine (AMC, à qui l’on doit des succès comme Mad Men ou Breaking Bad), surprend dès le départ par la liberté dont semble incomber son créateur. On y suit un groupe d’individus, inconnus les uns des autres, forcés de coopérer pour découvrir ce qui a bien pu arriver à Clara, une jeune fille disparue depuis des années. Toutes et tous ont fait le choix de participer à une expérience complètement loufoque, et se sont laissés embarqués dans une aventure douteuse, à mi-chemin entre le cluedo géant et l’opération commerciale de trop grande envergure. Le but : déchiffrer des indices, découvrir des plans, des instructions, afin d’avancer toujours un peu plus loin dans ce jeu de société à taille humaine.

Les premiers épisodes, s’intéressant tous à un membre différent du groupe, exigent tous du spectateur qu’il se mette à la place du personnage – effaçant au passage la notion d’un protagoniste principal, même si celui campé par Jason Segel s’impose malgré lui au premier plan. Sorte de grand dadet complètement perdu, plongé dans une dépression qui annihile toute passion, qui n’aime ni son job, ni les plats à réchauffer qu’il déguste tous les soirs devant des rediffusions de New York Unité Spéciale. Au sein du groupe, il rencontre Simone, une jeune femme trans intrépide (l’incroyable Eve Lindley, qui crève l’écran à chaque instant), un homme un brin parano sur les bords, campé par le rappeur André 3000, et une femme plus âgée, jouée par la toujours impeccable Sally Field. Un groupe excellent de bout en bout, jonglant entre mystère et émotion avec une précision déroutante, et qui contribue énormément à la qualité de la série.

Difficile d’en dire plus sans gâcher le plaisir qu’offrent ces épisodes, où chaque balade dans les rues de Philadelphie devient une chasse au trésor, et où l’on déplie peu à peu les névroses et autres traumatismes indicibles des membres du groupe. On dira simplement que jusqu’à son ultime volet, Dispatches From Elsewhere est surprenante, bouleversante et euphorisante, que dès lors que l’on choisit de s’accrocher, il est difficile de s’arrêter. Seul bémol, ce dernier épisode pourtant bien parti, mais qui surexplique les intentions de la série, lui imposant une morale finalement plutôt banale (le paradis, c’est les autres), qui surprendra seulement par sa forme, à défaut de convaincre. Un très beau voyage, une destination pas terrible : reste à savoir ce qui importe.

Dispatches from Elsewhere, saison 1 sur Prime Video depuis le 24 juillet.