Politique : Valéry Giscard d'Estaing, le premier président moderne

L’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing est décédé ce mercredi 2 décembre 2020 à l'âge de 94 ans. Président de mai 1974 à mai 1984, il était également membre de l’Académie française.
Valry Giscard d'Estaing le premier prsident moderne
Eric Fougere/VIP Images/Corbis via Getty Images

Né en 1926 à Coblence, en Allemagne, Valéry Giscard d’Estaing part vivre à Paris avec sa famille quelques mois seulement après sa naissance. Il fait ses études durant l’Occupation au lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, puis au lycée Janson-de-Sailly et Louis-le-Grand, à Paris. En 1942, alors âgé de 16 ans, il obtient son baccalauréat en philosophie et mathématiques élémentaires. Le jeune homme enchaîne avec une classe préparatoire, toujours au lycée Louis-le-Grand.

En août 1944, il a 18 ans et participe à la libération de Paris en intégrant le service d’ordre chargé de la protection du représentant civil du général de Gaulle en zone occupée, Alexandre Parodi. C’est là que son éveil patriotique se fait : il refuse ensuite de retourner à ses études pour préparer l’École polytechnique, comme prévu, et s’engage dans la 1ère armée française. Son calme et son sang-froid lui permettent d’être élevé au grade de brigadier. Après plusieurs mois de service, il reçoit la croix de guerre 1939-1945, et participe au défilé du 14 juillet 1945, devant le général de Gaulle. Une fois la guerre terminée, il réintègre Louis-le-Grand et réussit le concours de l’École Polytechnique. Il en sort en juin 1948, et commence ses études dans la toute nouvelle École nationale d’administration (ENA), dont il sort sixième avec, en prime, la note de 19/20 à son mémoire sur Le rattachement économique de la Sarre à la France.

Le monopole du cœur

Valéry Giscard d’Estaing fait ses débuts en politique dès 1955, lorsqu’il intègre, à 29 ans, le cabinet du président du Conseil, Edgar Faure, dont il est le directeur adjoint. En 1958, il est nommé conseiller général du Puy-de-Dôme — mandat qu’il exercera jusqu’en 1974.

En 1959, Valéry Giscard d’Estaing accède aux portefeuilles ministériels : il est nommé secrétaire d’État aux Finances, et assiste le ministre des Finances et des Affaires économiques de l’époque, Antoine Pinay. Cette fonction lui permet également de travailler avec le Premier ministre Michel Debré. « En réalité, ce n’était pas le bon M. Pinay qui travaillait le plus, mais son secrétaire d’État, Valéry Giscard d’Estaing », explique un jour le président de Gaulle à son fils Philippe. Ses efforts sont d’ailleurs récompensés, puisqu’il devient ministre des Finances et des Affaires économiques en janvier 1962 — fonction qu’il conservera sous le gouvernement Pompidou, qui se formera trois mois plus tard. Grand partisan de l’Algérie française, il refuse de travailler avec la délégation chargée des négociations avec le Front de libération nationale (FLN). Avec son ministère, Valéry Giscard d’Estaing instaure une politique de rigueur, qui comprend des mesures d’encadrement des prix et plusieurs dispositions budgétaires pour contrer l’inflation. Ces décisions lui valent de vives critiques : en 1966, il est remplacé par Michel Debré, peu après la réélection du général de Gaulle.

Il retrouve son poste en 1969, lorsque Georges Pompidou est élu président de la République. Il contribue, dans le secret, au succès de la première dévaluation du franc depuis 1958. Le franc est « amaigri mais guéri » selon lui. Lorsque Pompidou meurt, deux ans avant la fin de son mandat, quatre candidats issus de la majorité sont pressentis pour reprendre son poste : Pierre Messmer, Jacques Chaban-Delmas, Edgar Faure et Valéry Giscard d’Estaing. Loin d’être favori, ce dernier profite des maladresses de Chaban-Delmas pour grimer dans les sondages. La campagne novatrice de Giscard d’Estaing porte ses fruits. Il remporte la présidence avec 50,81% des suffrages, et seulement 424 599 voix d’avance sur son adversaire, François Mitterrand, à qui il assène lors du débat de l’entre-deux tours la fameuse réplique « Vous n’avez pas le monopole du cœur ».C’est, encore aujourd’hui, l’élection la plus serrée de l’histoire de la Ve République, et celle avec le plus haut taux de participation : 87,33% des inscrits.

Un président moderne

Valéry Giscard d’Estaing devient, le 27 mai 1974, le troisième président de la Ve République ; à seulement 48 ans, il est alors le plus jeune président élu. Refusant de dissoudre une Assemblée nationale principalement gaulliste, il nomme Jacques Chirac Premier ministre. Il apporte un vent de fraîcheur et de modernisation à l’Élysée, notamment avec des ministres plus jeunes, une simplification des protocoles et une volonté de se rapprocher des Français. Il fait voter la loi du divorce par consentement mutuel en 1975, l’abaissement de la majorité à 18 ans, la généralisation de la mixité dans les écoles et il confie à Simone Veil la mission de défendre l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) devant le Parlement. Il est également le premier à inaugurer une journée « portes ouvertes » au palais de l’Élysée en 1977, et les premières Journées du patrimoine font leur apparition en 1980. En 1981, il se représente mais se fait devancer par François Mitterrand, qui récolte 51,76% des suffrages.

Durant les années 90, Valéry Giscard d’Estaing se concentre sur l’Europe et la construction européenne. Son travail lui vaut en 2001 la médaille d’or de la Fondation Jean-Monnet pour l’Europe, ainsi que le prix international Charlemagne d’Aix-la-Chapelle en 2002.