Cette année, seules les deux meilleures plongeuses australiennes ont été qualifiées pour l’épreuve du plongeon à 3m des Jeux Olympiques. J’étais la troisième. Lorsque les résultats se sont affichés, mon rêve s'est effondré. Ce fut très douloureux. Quinze ans d'efforts acharnés, apparemment pour rien. Mon rêve – représenter l'Australie aux Jeux Olympiques pour la première fois – s’est envolé en une seconde.
Lorsque vos projets sont aussi grands que cette compétition, ils sont au cœur de votre vie, au même titre que votre respiration ou les battements de votre cœur. Recalée, j’ai donc intégré le club qu'aucun athlète ne veut rejoindre : le club des “presque olympiens”. Nous partageons tous le même parcours : nous nous sommes tellement entraînés et avons fait tellement de sacrifices mais sommes passés à deux doigts de décrocher notre billet pour les Jeux. La nouvelle est difficile à encaisser. La douleur d’avoir presque atteint ses rêves est particulière. Elle se niche au plus profond de votre poitrine et vous accompagne en permanence.
Le plongeoir
J’ai commencé à plonger à l'âge de neuf ans, après avoir vu Mathew Mitcham et Melissa Wu remporter des médailles pour l'Australie lors des Jeux de Pékin en 2008. J'étais fascinée, déterminée à devenir la prochaine grande star du tremplin. J’ai vite passé des essais et plongé tête la première dans une nouvelle vie en intégrant dans une équipe nationale d'élite pour athlètes juniors. Je travaillais 30 heures par semaine. Le matin, je me levais à 4h30. Exit les fêtes et les dates. Mon adolescence, organisée autour de séances d'entraînement épuisantes, avait l'odeur du chlore.
Pourtant autorisé par le règlement olympique depuis 2022, aucun nageur artistique n’a été qualifié pour les Jeux de Paris. Explications.
Si ma détermination m'a poussée à aller de l'avant, j'ai rapidement réalisé que je n'étais pas seule dans cette aventure. Les sacrifices immenses qui accompagnent le sport de haut niveau ne sont possibles que grâce un puissant réseau de soutien. Au cours des 15 dernières années, ma famille a beaucoup sacrifié. Nos finances, mais aussi nos réserves émotionnelles, ont été mises à rude épreuve, tout cela perturbant le cours normal de notre vie de famille. Tout ça pour mon rêve olympique. Un rêve qui – disons le – reste intact aujourd’hui.
Le rêve olympique
Les rêves fonctionnent ainsi : ils modèlent votre vie même s’ils finissent par se briser. Ces années de dévouement et de sacrifice ne se sont pas simplement évaporées quand j’ai appris que j’étais recalée ; elles ont tissé la trame de mon identité, me rendant plus forte, plus résistante et prête à affronter la suite.
Être recalée des JO invite bien sûr à se questionner. J'avais déjà flirté avec l'idée de prendre ma retraite juste après avoir remporté l'or aux Jeux du Commonwealth de 2018 avec Esther Qin, ma coéquipière. Après avoir atteint de tels sommets, j'ai eu un gros coup de mou. Tout jeune athlète faisant du sport à haut niveau pendant plus d'une décennie connaît ce sentiment : l'épuisement. C'est presque inévitable.
Cet épuisement n'est pas seulement physique ; il est aussi émotionnel et mental. Poursuivre son rêve est éreintant et cette lutte n'est pas propre aux athlètes, bien sûr. C'est une expérience universelle. Nous sommes tous confrontés à des moments où notre passion devient un fardeau et où ce que nous aimons le plus devient notre plus grande source de stress. Qu'il s'agisse d'un travail exigeant, d'un projet difficile ou même de son équilibre quotidien, nous avons tous déjà eu l’occasion de nous sentir dépassés et de nous demander si nous étions capables de continuer.
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Prendre sa retraite
Après les Jeux du Commonwealth de 2018, j'ai décidé de faire un break de 18 mois afin de découvrir qui j'étais en dehors du sport. C’était effrayant mais nécessaire. Quel genre d'athlète est-ce que j’avais envie de devenir si je décidais de remonter sur le plongeoir ? Avais-je vraiment envie d'y retourner ? J’ai eu une révélation lors d'un dîner un samedi soir avec mes amies les plus proches. Une d’entre elles m'a prise à part et m'a demandé si j'avais l'intention de plonger à nouveau. Sa franchise a touché une corde sensible. Ce sujet était tabou à l’époque. Beaucoup l’évitaient autour de moi. Elle m'a dit : “Essaie encore une fois. Tu ne t’en rends peut-être pas compte maintenant, mais tu as encore la possibilité de poursuivre. Mais si tu continues, assure-toi que tu le fais pour toi, et non pour quelqu'un d'autre.” Ses paroles ont résonné avec le sentiment qui s'était doucement installé en moi depuis des semaines : j'étais prête à enfiler à nouveau un maillot.
À la fin de l'année 2021, j'ai donc retrouvé le chemin du plongeoir, avec les Jeux Olympiques de Paris en ligne de mire. Je suis revenue avec un nouveau but et une meilleure compréhension de moi-même. J'étais convaincue que les choses allaient changer. J'ai cru en mon potentiel et je me suis entraînée avec une intensité folle pendant trois ans et demi. Rétrospectivement, je peux vous confirmer que j'ai mis toute mon énergie dans cette aventure. Et j'en suis fière.
Cependant, malgré un dévouement inébranlable, le parcours d'un athlète n’est jamais simple. Une routine manquée, une blessure malencontreuse… Un tas de petites choses peuvent faire dérailler des années de sacrifice. Dans mon cas, 0,5 point m'ont fait défaut. Ce chiffre est si petit qu'il en est presque risible, et pourtant c'est le gouffre qui me sépare des Jeux Olympiques.
Aux Jeux Olympiques, l'athlète star profitait d'un moment off pour tricoter un cardigan aux couleurs de la Grande-Bretagne.
Les Jeux de Los Angeles en 2028 ?
Aujourd’hui, je me retrouve à nouveau face un dilemme : prendre ma retraite non. Je ne suis pas seul à face cette décision. Je ne peux pas m'empêcher de penser à mes collègues athlètes, qui comme moi, ont donné le meilleur d'eux-mêmes et n'ont pas réussi à se qualifier.
Je souhaite à ceux qui prennent leur retraite de partir fiers, non seulement de ce qu'ils ont accompli, mais de la personne qu’ils sont devenus. La communauté sportive est solidaire. Les leçons qu’ils ont tirées de leur parcours ont plus de valeur que n'importe quelle médaille et ne manqueront pas de les guider quel que soit le chemin qu’ils décident d'emprunter par la suite.
Ceux qui poursuivent leur quête olympique, quant à elles, ont mon plus grand respect. Il faut être fort émotionnellement pour rester motivé quand on sent que son potentiel reste inexploité et à portée de main.
Quant à moi, alors que j'envisage mon futur dans le plongeon, une étincelle de détermination s’empare de moi et me suggère que je ne suis pas encore prête à tout lâcher. À mes collègues athlètes qui poursuivent encore leurs rêves : sachez que je vous vois. Vous n'êtes pas seuls. Dans ces moments difficiles, je trouve beaucoup de réconfort dans le fait de savoir que je fais partie d'une communauté d'athlètes de rêveurs à plein temps, unis par l'amour du sport.
Article publié initialement sur Vogue Australie
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