Au sommet pour Staline
Du sommet de la pyramide glacée du Khan Tengri (7 010 mètres), la montagne sacrée des nomades kirghizes, les frères Abalakov contemplent la mer de nuages qui monte à l’assaut des monts célestes du Tian Shan. Ils sont vêtus de laine et de feutre, portent de simples chaussures de cuir, un couvre-chef soulevé par le vent ; des équipements sommaires, avec lesquels aucun alpiniste d’aujourd’hui n’oserait braver ce pic légendaire d’Asie centrale. Ils n’ont pas de tente, mais des grottes de neige creusées à la main pour seul abri. Nous sommes en 1936. Vitali et Evgueni Abalakov sont en train d’écrire la légende qui fera d’eux les plus grands alpinistes du monde communiste, tandis que la main de fer stalinienne commence à broyer l’Union soviétique.
Pouvaient-ils alors savoir quelles voies tragiques leur destin s’apprêtait à emprunter ? Comment deviner, derrière ces regards d’un bleu intense, sérieux pour l’aîné, mutin pour le cadet, que Vitali laisserait une partie de son corps à la montagne les jours suivants, avant de connaître les geôles de la Grande Terreur à venir ? Comment imaginer qu’Evgueni, funambule des cimes, ne survivrait pas douze ans, victime ordinaire d’une mort mystérieuse ? Pour remonter cet entrelacs de prouesses et de drames, l’écrivain voyageur Cédric Gras a mené une enquête de deux ans. Il en a tiré un livre, Alpinistes de Staline*, saisissante ascension, historique et géographique, dans un monde révolu.
Dans les pas des frères Abalakov, il a emprunté le Transsibérien jusqu’à leur ville natale de Krasnoïarsk ; randonné parmi le dédale rocheux des
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