Les de laVallée perdue
LES RÊVERIES ÉGYPTOMANIAQUES PERFUSENT TOUT L’IMAGINAIRE OCCIDENTAL DU XVIIIe SIÈCLE
e n’était plus qu’une vallée recroquevillée au pied d’une montagne réduite à l’os, calcinée par un soleil à faire claquer les pierres. Une vallée ensevelie sous les nuages de poussière soulevés par la conquête arabe du VIIe siècle et qui avait fini depuis par se dissoudre dans la mémoire des hommes. Il a fallu toute la sagacité d’un jésuite français pétri de culture antique et l’obstination d’un pasteur britannique habile du sextant pour ressusciter ses trésors au début du XVIIIe siècle. Le premier, le père Claude Sicard, parcourt la Haute-Égypte dans les années 1720 et reconnaît dans certaines ruines l’emplacement de l’antique Thèbes et de ses sépultures royales. Le second, Richard Pococke, s’attarde dans la vallée en 1743 et en dessine la première carte moderne où il dénombre dix-huit sépultures dont neuf seulement sont accessibles. Tous deux ouvrent la voie à une génération d’aventuriers qui trouvent ici le moyen de s’enrichir grâce à l’exploitation des antiquités. En dépit de ces regrettables trafics et de procédés pour le moins exotiques, l’archéologie n’étant pas encore vraiment à l’ordre du jour, leurs fouilles font revivre une civilisation prestigieuse et jettent les bases de pratiques moins vénales, plus scientifiques. Ces premiers coups de pioche destinés à dégager les hypogées des pharaons du Nouvel Empire ont fait de la vallée des Rois le berceau rocailleux de l’égyptologie… une discipline qui fait ses premiers pas dans un contexte d’âpres querelles coloniales.
DÉBUT D’UNE FASCINATION
L’expédition d’Égypte de Napoléon, en 1798, est déjà l’expression de conflits nationalistes. Après avoir siècle. Bientôt 38 000 soldats et 18 000 marins font voile vers l’Égypte, accompagnés de 167 savants, ingénieurs, érudits de toutes disciplines chargés d’étudier et d’inventorier le pays. La vallée des Rois n’échappe pas à leurs investigations. Deux ingénieurs des Ponts et Chaussées, Jean-Baptiste Prosper Jollois et Édouard de Villiers du Terrage, découvrent même quelques tombeaux comme celui d’Amenhotep III, mais l’histoire retient surtout le nom de Dominique-Vivant Denon, diplomate féru d’humanités gréco-latines, doté qui plus est d’un excellent coup de crayon. Un carnet dans une main, une toise dans l’autre, il explore les sombres sépulcres à la lueur des flambeaux portés par les soldats qui l’accompagnent pour sa sécurité, mesure portiques et panneaux hiéroglyphiques pour les reproduire à l’échelle, se fait descendre encordé dans les puits des souterrains et découvre en rampant dans des galeries ensablées de nouvelles chambres d’où il déloge même un jour un chacal paniqué. De retour en France en même temps que Bonaparte, il publie en 1802 son
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