L’OMBRE D’ELLE-MEME
‘‘LA DN5 EST LA PREMIÈRE MONOPLACE DONT L’AÉRO A ÉTÉ DÉVELOPPÉE DANS UNE SOUFFLERIE À TAPIS ROULANT. ELLE ÉTAIT BIEN MIEUX ÉQUILIBRÉE SUR LE PLAN AÉRODYNAMIQUE QUE SES CONCURRENTES.’’
Tony Southgate, ingénieur
Les ingénieurs ont souvent la faculté de prendre une décision de manière rationnelle sans se brider par l’affect. Prenez l’Anglais Tony Southgate. En 1972, cela fait trois ans qu’il oeuvre en tant qu’ingénieur en chef de la fameuse équipe British Racing Motors, un joyau de la couronne britannique auréolé par le titre de champion du monde 1962. Même si elles ne sont plus dominatrices, les BRM marchent encore fort et gagnent des grands prix (un en 1970 et 1972, deux en 1971). Toutefois, Southgate sent que la formation anglaise est en perte de vitesse: « Le V12 BRM était en fin de course. Il aurait fallu investir massivement un argent que l’équipe n’avait pas pour développer un nouveau moteur. En fait, elle n’avait aucune perspective. »
Fin 1972, le pilote Jackie Oliver contacte Southgate et lui propose de rejoindre Shadow, une équipe américaine en cours de création. « Cette équipe prévoyait d’utiliser le moteur Cosworth qui était clairement celui à avoir. J’ai dit banco! » Ne craignant pas de lâcher la proie pour l’ombre, Tony Southgate n’hésite pas à tenter ce pari pour le moins osé. Cette équipe américaine est en fait la création d’un drôle d’oiseau dénommé Don Nichols. Survivant enfant à une tornade qui a emporté sa mère, Nichols est un ancien militaire de carrière (il a été en service actif pendant la Seconde Guerre mondiale en Normandie et lors de la guerre de Corée). Il aurait même travaillé pour les services secrets militaires, voire la CIA. Rompant – au moins officiellement – avec l’armée, il s’installe ensuite au Japon (dont il parle la langue), où il laisse libre cours à sa passion pour le sport automobile. Tour à tour représentant des fédérations américaines, importateur de pneus de course et promoteur du circuit de Fuji (de simples couvertures pour un agent du renseignement?), il revient dans la mère patrie en 1968 pour y créer Advanced Vehicle Systems.
