« A quoi sert le management? », interrogeait la Une de L’Express le 10 novembre 1969, alors que « le mot et la chose arrivés d’Amérique après la guerre » en étaient à leurs balbutiements dans les entreprises françaises. Cinquante-cinq ans plus tard, le management, son enseignement et sa pratique sont partout. Dans les open spaces, le sport, l’administration, les écoles de commerce, les librairies et parfois même dans des endroits improbables, comme ces formations qui proposent « le travail à pied avec un cheval pour renforcer la cohésion d’équipe et la prise de décision rapide ». Coaching à gogo, outils gadgets prisés des RH, livres de développement personnel… Jamais les cadres n’ont été autant inondés de discours et pseudo-techniques censés leur faciliter la tâche. Et pourtant, cela fait des années que leur malaise est profond: 1 cadre français sur 2 a le sentiment d’avoir une charge de travail insurmontable (ils sont 65 % chez les managers) et 39 % placent les délais à respecter parmi les principales sources de stress (étude de l’Apec, 2023). Dans le secteur privé, 66 % trouvent qu’il y a trop de « paperasse et d’administratif » (rapport Projet Sens, 2023). Quant aux jeunes cols blancs, ils sont 20 % à ne plus vouloir exercer des fonctions d’encadrement. Le management, pourtant essentiel à la réussite des entreprises, semble s’être égaré. Et avec lui la question du sens au travail.
Comment en sommes-nous arrivés là? Le management est une discipline encore très jeune, où la connaissance se construit. Il y a des savoirs validés, mais beaucoup d’inconnus. « De nombreux outils utilisés par les RH ne reposent sur aucun fondement scientifique. Des techniques tellement simples que tout le monde va se sentir intelligent », se lamente un professeur en management chevronné. Pourtant, un autre chemin est possible. Il passe par le réel, l’observation rigoureuse, l’évaluation de l’efficacité et une bonne dose d’intention scientifique. « La raison d’être d’une organisation est de permettre à des gens ordinaires de faire des choses extraordinaires », disait Peter Drucker, le père du management moderne. Si on pouvait déjà leur offrir les conditions de faire tourner la boutique au quotidien… Comme toutes les sciences humaines et sociales, le management ne se prête pas forcément aux sciences dures. Mais les recherches, publiées depuis un demi-siècle – et trop souvent ignorées des entreprises – nous éclairent sur les méthodes qui ont fait leurs preuves ou pas. L’Express en passe quelques-unes en revue. L. B.
Le brainstorming, générateur d’idées ou simple bavardage?
« Je nous cale une réunion brainstorming avec toute l’équipe mercredi matin. » Se réunir autour d’une table, à quatre, six, huit voire une dizaine de personnes pendant une heure. Réfléchir collectivement autour d’un sujet