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Défonce verticale: Confessions d’une légende de l’escalade
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Défonce verticale: Confessions d’une légende de l’escalade
Livre électronique223 pages3 heures

Défonce verticale: Confessions d’une légende de l’escalade

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À propos de ce livre électronique

« Aucun grimpeur de rocher n’a été aussi visionnaire, hardi et inébranlable. Ou ne s’est fait autant plaisir. »

Californie, années 70. L’escalade libre est en plein essor et s’imprègne des idéaux de la culture hippie, baignée de rock et de substances illicites.
À la croisée de ces mondes, Jim Bridwell déboule au Yosemite et révolutionne l’escalade de grandes parois. Son ascension en un jour de l’immense face du Nose, en 1975, marque l’histoire de l’escalade libre. Ses exploits en Patagonie et en Alaska le font entrer dans la légende mondiale de l’alpinisme.

La marque de Bridwell, c’est une quête d’aventure et un style audacieux qui lui ont permis de réussir là où d’autres avaient échoué. Faire la seconde ascension d’une voie Bridwell était souvent plus recherché par les grimpeurs que réaliser une véritable première.

Un récit intense et haut en couleur, à l’image d’un homme passionné et attachant. Reinhold Messner dit de lui qu’il est bien plus qu’un grimpeur de l’extrême. « C’est un homme sauvage, qui nous raconte enfin sa vie de sauvage. »

Un roman de faits réels captivant qui nous entraîne à l’aventure !

EXTRAIT

Un avion. Oui, c’était un avion à réaction, j’en étais sûr. Le roulement sourd était légèrement différent, mais à peine, de celui des avalanches que l’on entendait dégringoler autour de nous et dont je venais de voir certaines se décrocher et glisser de leur base comme de gigantesques langues de neige pulvérulente. L’avion allait probablement vers Oslo ou ses environs, et arriverait au matin, ou peut-être le soir. Impossible d’être plus précis, les avions à réaction sont comme ça : vous n’êtes jamais sûr de l’heure qu’il est. Je commençais à élaborer des théories vertigineuses sur les relations espace/temps lorsque je m’interrompis brusquement en réalisant que ce que je voyais, neuf cents mètres plus bas, c’était notre tente. Une spacieuse tente dôme qui ressemblait au paradis. Et nous, nous étions en enfer.

À PROPOS DE L’AUTEUR

Jim Bridwell (1944) est un grimpeur et alpiniste américain, figure marquante depuis les années 1960 de l’escalade dans la vallée du Yosemite, où il a ouvert une centaine de voies. Son influence s’exerça également par ses techiques d’escalade audacieuses et innovantes. Il réside actuellement en Californie.
LangueFrançais
ÉditeurNevicata
Date de sortie16 août 2016
ISBN9782511040874
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    Aperçu du livre

    Défonce verticale - Jim Bridwell

    amour.

    Chapitre 1

    Dance of the Woo-Li Masters

    La folie sur la face est de la Moose’s Tooth, Alaska

    (1981)

    Un avion. Oui, c’était un avion à réaction, j’en étais sûr. Le roulement sourd était légèrement différent, mais à peine, de celui des avalanches que l’on entendait dégringoler autour de nous et dont je venais de voir certaines se décrocher et glisser de leur base comme de gigantesques langues de neige pulvérulente. L’avion allait probablement vers Oslo ou ses environs, et arriverait au matin, ou peut-être le soir. Impossible d’être plus précis, les avions à réaction sont comme ça : vous n’êtes jamais sûr de l’heure qu’il est. Je commençais à élaborer des théories vertigineuses sur les relations espace/temps lorsque je m’interrompis brusquement en réalisant que ce que je voyais, neuf cents mètres plus bas, c’était notre tente. Une spacieuse tente dôme qui ressemblait au paradis. Et nous, nous étions en enfer.

    Qu’étais-je venu faire dans cette « zone inhumaine » ? Était-ce suite à un choix délibéré, par un coup de dés du destin, ou une combinaison des deux, que j’avais rencontré Mugs Stump ? À peine quatre mois plus tôt, nous étions totalement étrangers l’un à l’autre lorsque nous nous sommes croisés pour la première fois à la terrasse d’un café de Grindelwald, en Suisse. Nous avons bu du café corsé et bavassé en échangeant nos expériences jumelles sur la face nord de l’Eiger. Pour chaque tasse de café, une heure de bavardage. Avant la troisième tasse, nous en étions à évoquer l’ascension de la face est de la Moose’s Tooth, 1500 mètres qui nous avaient dans le passé tous les deux mis en échec. Au moins nous étions en bonne compagnie : nous pensions que la face avait dû être tentée une bonne dizaine de fois par plusieurs cordées, toutes très fortes. Nous avons fait des projets – pas pour la Moose’s Tooth, mais peut-être que c’est là où le destin ou la coïncidence entrent en jeu.

    Début mars, Doug Geeting, le propriétaire de la compagnie Talkeetna Air Taxi, nous amena, à bord de son puissant Cessna 185, vers la grande gorge de Ruth. Mais arrivés en vue de notre terrain d’atterrissage, nous avons constaté qu’il n’existait plus : aucune couche de glace ne s’était formée à l’endroit prévu. Au contraire, toutes les faces présentaient les pires conditions imaginables, recouvertes d’un mince verglas saupoudré de neige fraîche, qui s’était aussi accumulée jusque sous les surplombs en saillie. Les conditions n’étaient pas seulement mauvaises, elles étaient carrément inhumaines. Devant ce constat, que faire ? Il nous fallait réfléchir vite. Doug était sympa, mais il ne pouvait pas voler en rond indéfiniment. La Moose’s Tooth était là, tout près, qui nous faisait signe. Sa face est, elle aussi, était épouvantable, mais nous ne pouvions pas mettre la patience de Doug à l’épreuve plus longtemps. Il fallait que ça aille. Voilà, les cartes étaient tirées, à nous de jouer.

    Après un atterrissage parfait, nous nous sommes coltinés une séance de pelletage et une bonne poussée pour permettre à Geeting de redécoller. Pendant que l’avion s’éloignait en prenant de la vitesse, nous observâmes avec effroi le spectre blanchi qui nous dominait. Rien que d’y penser, je sentis mes os s’entrechoquer et ma cervelle se ramollir. Mon imagination refusa d’en savoir plus et je me mis à installer notre belle tente dôme North Star. Au moins, nous aurions sur le glacier un abri luxueux. L’ogre, au-dessus, attendrait que j’aie repris courage pour que j’en poursuive l’examen.

    Le lendemain, le temps était clair et carrément glacial. Au mois de mars, en Alaska, on ne voit pas encore le soleil ; il frôle, mais n’émerge pas. La veille, lorsque j’avais posé les mains sur la carlingue métallique du Cessna, j’avais senti le froid commencer à les geler. J’eus la même sensation de brûlure lorsque j’ajustai la bague de focalisation de mon télescope. Il n’y avait pas d’autre mot : c’était un froid à crever. La face semblait imprenable et nous montions à l’assaut armés de lance-pierres.

    Mais nous nous sommes dit que nous pouvions refaire le sketch de David et Goliath en optant pour un autre itinéraire, sur la droite de nos précédentes tentatives – des voies techniques, en artif, horriblement plâtrées de glace : hors de question. Ce nouvel itinéraire impliquait un passage plus périlleux, mais on ne voyait aucune autre possibilité. La clé résiderait dans une approche en style léger et alpin, et nous tromperions l’adversaire en n’étant que deux. Nous avions attrapé le tigre par la queue, pas question de lâcher prise sous peine d’être dévorés. La moitié inférieure de la voie était faite de zones avalancheuses et de ressauts, sous la menace de toute la paroi supérieure. Si une tempête survenait au cours de l’ascension, toute retraite serait suicidaire. La seule sortie était par le haut. Conquérir ou mourir, pour ainsi dire. Ça paraît ridiculement grandiloquent, mais c’était l’exacte vérité. À la rigueur, une retraite par beau temps, ce serait au mieux très difficile, mais nous ne redescendrions pas s’il faisait beau, évidemment, à moins de rencontrer une zone impossible à franchir.

    En dépit de la hausse du baromètre, la tempête nous tomba dessus sans ménagement. C’était sans importance : nous en étions à la préparation psychologique et au tri du matériel. Nous nous étions fixé une règle drastique : quatre jours de vivres et de combustible, à faire durer six à sept jours si nécessaire. Donc céréales, café et sucre ainsi que deux paquets de soupe. Quant au jeu de pitons, il était squelettique. Nous avions éliminé le kit de pitons à expansion, trop lourd, et un deuxième jeu de friends, pour ne conserver que l’essentiel : dix broches à glace, quinze pitons, six coinceurs câblés, un jeu de friends et l’indispensable crochet à gouttes d’eau de Chouinard.

    Nous avons déterminé la voie de descente, technique, mais rapide – enfin, pas trop, nous l’espérions – sur une face rocheuse de cinq cents mètres passant par le couloir est, avec des rappels essentiellement sur anneaux, placés sur les saillies du rocher. C’était une voie suicidaire en cas de tempête, car le couloir était encadré par deux énormes parois qui y enverraient de la neige en doses létales. Mais elle nous ramènerait directement à notre tente, alors qu’une descente le long de l’arête nord serait une véritable retraite de Russie et ne nous ferait parvenir qu’à l’impasse de l’amphithéâtre du glacier de Ruth. Nous choisirions selon ce que le sort aurait décidé.

    Le premier jour, sous un ciel clair, nous avons chronométré le déclenchement des avalanches dans l’espoir de décrypter le secret de leur rythme. La nuit suivante, nous nous sommes demandé si nous devions attendre encore un jour, tout en consommant de grandes quantités de whisky. Quelque chose en moi me dit que nous devions tenter le coup le lendemain. Peut-être fut-ce le whisky – un indéniable facteur décisionnel.

    Nous sommes tombés d’accord et au matin nous nous mettions en route pour rejoindre le pied de la paroi, avançant avec peine sous le poids de nos sacs et de notre mal de crâne. Je ne voulais rien savoir avant qu’il soit trop tard. Inutile de dire que Mugs prit la tête pendant que je me chargeais de la motivation.

    D’abord une pente de neige à 55°, puis une goulotte de 80 mètres, raide et étroite, où dégringolaient toutes les minutes des coulées de poudreuse qui la transformaient en un torrent glacial et aveuglant. Effaré et admiratif, je vis Mugs gravir en tête une pente de glace de 75 à 80°, sans protection, sous des déferlantes de poudreuse, tiré en arrière par son sac de 16 kg. Lorsque ce fut mon tour, j’espérai secrètement que les avalanches allaient s’interrompre, mais je savais que je subirais le même sort (mon sort, je l’ai déjà choisi, comme nous tous). Au début, je pensais pouvoir attendre les intervalles entre deux douches, mais je compris vite, comme Mugs, que c’était sans espoir et je continuai à grimper. J’atteignis le haut de la goulotte, frigorifié. Tout en faisant filer la corde, j’essayai de prendre des photos, les doigts gourds, durs comme du bois.

    Après une longueur, nous avons grimpé ensemble jusqu’à la première traversée. Le rocher (quelconque, pour ne pas dire plus), recouvert d’une épaisse couche de neige à la consistance de sucre en poudre, fit s’évanouir notre espoir d’établir un relais sur ancre. En fait, premier ou second de cordée, nous étions tous les deux en tête : sans assurance, chacun de nous était responsable de la vie de l’autre. Nous n’avions aucun droit à l’erreur. Une première traversée, sur trois longueurs, nous conduisit à trois nouvelles longueurs, sur une paroi glaciaire mortelle pour les mollets, et à une autre traversée, horrible, encore pire que la première et plus longue.

    À peine engagés, nous avons entendu un appel. Étions-nous devenus marteaux ? Mais non, ce n’était pas une illusion due à l’alcool : d’autres montagnards remontaient en ski de randonnée le glacier de Buckskin en direction de l’amphithéâtre de Ruth. Nous avons répondu à leurs cris par des cris et nous avons poursuivi notre ascension.

    De l’escalade délicate sur des plaques de glace, dissimulées par une fine poudreuse, et sur du rocher abrupt. Pour ainsi dire aucune protection entre les relais, tous semblables. Nous devions avoir confiance l’un en l’autre : une retraite serait désastreuse pour nos nerfs. Par endroits, nous tombions sur une couche de neige d’à peine dix à quinze centimètres sur un rocher incliné à 60-65°. Souvent, à mon désespoir, les longueurs commençaient par une traversée descendante de dix à quinze mètres avant de redevenir horizontales ou montantes. Vers le soir, nous avons atteint une pente de neige raide, où il était possible de creuser une plateforme. Mugs plaça un relais au-dessus sur de meilleurs ancrages et nous nous sommes installés de manière rudimentaire. Le fabricant de matériel d’escalade North Face nous avait fourni pour dormir un nouvel équipement digne de l’ère spatiale, afin de l’expérimenter. C’était une belle réussite, il offrait confort et chaleur en dépit de la température négative, la poudreuse et tout.

    Au petit matin, proche du zéro absolu, nous sommes restés tapis dans notre cocon jusqu’à ce que les rayons du soleil réveillent notre espérance de vie. Nous risquions des gelures imminentes si nous nous écartions des règles en vigueur, et nous avons donc adapté nos aspirations en conséquence.

    Nous étions au pied d’une cheminée raide et remplie de glace, dont le sommet se perdait hors de notre vue. Un bon champ d’expérience pour le reste de la journée. Vue d’en bas, je l’estimai à cinq longueurs, mais il en fallut sept. Apparemment, cette cheminée ainsi que le mur sommital qui la surmontait représentaient les principales difficultés de notre voie.

    Je passai en tête la première longueur, la moins raide, avant que la coulée blanche se redresse brutalement et nous empêche de voir la suite. Mugs poursuivit notre assaut au creux de la cheminée verglacée, inclinée à 80 ou 85°. Par endroits, il se heurtait à des bombements surplombants, auxquels l’hiver froid et sec avait donné une consistance de flocons d’avoine, et qui donnèrent lieu à une lutte désespérée. Les piolets et les marteaux étaient inopérants devant ces fortifications. Contraint de me servir de rebords minuscules pour les pointes de mes crampons et de pitons branlants comme prises de main, j’en vins à utiliser les têtes de mes piolets comme des crochets à gouttes d’eau sur les bords rocheux, ou coincés dans les fissures, comme avec des coinceurs. Particulièrement utile dans ce cas de figure, mon marteau-piolet Forrest devint mon engin préféré sur ces longueurs.

    L’assaut se poursuivit dans la pénombre du soir. Je me sentais faiblir et au bord de la nausée du fait de la déshydratation – notre consommation hydrique était inférieure à six tasses par homme et par jour. Sous des températures aussi extrêmes, les appareils cessent de fonctionner et de produire ce pour quoi ils ont été conçus. Nous devions secouer et cajoler le réchaud pendant une heure avant qu’il consente de nouveau à faire fondre de la glace. Nous étions dans la zone inhumaine et nous en subissions les conséquences.

    Mugs avait grimpé une dernière longueur et en contournant un dièdre, j’étais parvenu à une petite pente de glace à 65°, la seule possibilité pour installer un bivouac. Il nous fallut des heures pour y tailler un perchoir précaire, si bien que nous nous sommes endormis tard. Un peu avant une heure du matin, nous reprenions notre bagarre fastidieuse contre le réchaud en vue de nous préparer quelque chose à boire, avant de remonter la corde fixe jusqu’à notre point le plus haut. Le couloir était devenu vertical, mais une fois de plus, Mugs releva vaillamment le défi, réalisant en tête deux longueurs sur le serpent de glace. Le couloir continuait en lacets jusqu’à une pente de neige facile qui conduisait au colossal mur terminal. Même avec le télescope, nous n’avions pu forcer les secrets de cette section de la voie. Notre intuition nous fit tirer sur la droite, au sommet d’une cannelure de glace, sur une épaule neigeuse. En sortant la tête de l’angle du dièdre, je me heurtai à un mur rocheux raide, aux fissures imperceptibles très bien défendues par la glace. Tout cela annonçait un cauchemar d’une extrême difficulté.

    Je taillai dans la roche un emplacement pour un coinceur et tâtai la paroi du bout des doigts, recouverts de gants fins, à la recherche de rugosités, pendant que mes crampons, telles des griffes, raclaient le granite. Je remontai une écaille en opposition, pour constater que son sommet était fermé par un verrou de glace. Agrippé sur une main, j’attaquai la glace au marteau-piolet, avec l’énergie du désespoir, à la recherche d’un endroit sûr. Je me rétablis sur une vire glacée et repris mon souffle en examinant le mur au-dessus de moi. Je tirai sur la droite vers une cannelure et la remontai en artif et en libre avant d’arriver, à gauche, sur une petite vire en glace. Je sécurisai le relais et fis monter Mugs.

    On ne voyait qu’une partie de la longueur suivante, qui semblait ne rien promettre de bon. Mugs renonça à ses crochets à gouttes d’eau au vu de la minceur et de la fragilité de la pente de glace. Après quinze mètres de difficultés franchies laborieusement et sans enthousiasme, il me cria que tout était bouché au-dessus. Le ciel avait viré au gris et la neige commençait à tomber. Un retour en arrière nous conduirait au désastre. Nous avions besoin de trouver un site de bivouac et il n’y en avait aucun, au-dessous de nous, sur une kyrielle de longueurs. Passer la nuit en plein vent, suspendus à nos étriers, serait dévastateur alors que nous étions déjà affaiblis et déshydratés. Nous devions trouver un passage vers le haut – et vite !

    — Mugs, il n’y a vraiment aucune possibilité ?

    — Je vais voir, il faut trouver une solution.

    Il progressait de manière irrégulière, mais au moins il progressait. Que faisait-il ? J’imaginais le pire. Il me demanda un friend no 3. Je montai, retirai le friend qui servait de relais et le lui envoyai à la corde. Suspendu sur des anneaux accrochés à une protubérance de la paroi, je poursuivis ma veille glaciale.

    Au-dessus, Mugs avait placé le friend dans une cavité peu profonde, puis, après un mouvement sur un crochet à gouttes d’eau, il avait enfoncé un piton rasoir derrière une écaille de moins de deux centimètres. Plusieurs mouvements techniques en artif et deux heures d’une escalade éprouvante pour les nerfs plus tard, Mugs parvint à une langue de glace qui ouvrait sur une zone moins raide. Je rejoignis son relais à la hâte et commençai la longueur suivante, aussi vite que possible. L’obscurité s’épaississait, nous devions trouver au plus tôt un endroit pour bivouaquer. La neige qui tombait maintenant en abondance provoquait des coulées de poudreuse qui nous dégringolaient dessus de plus en plus souvent. Une séquence d’escalade limite m’amena en traversée sur une dalle recouverte de quinze centimètres de neige. J’espérais trouver de la glace sous la neige, mais pas de bol… !

    J’écartai mes pieds en canard pour avoir la meilleure prise possible. À ma grande surprise, ils tinrent bon sur la surface pourtant lisse comme un toit en ardoise recouvert de neige. La dalle une fois franchie, je me trouvai devant une rigole remplie de glace d’une dureté d’acier trempé. J’étais alors dans un état pitoyable. Lorsque Mugs me rejoignit, j’étais effondré, affaibli et nauséeux de déshydratation. Il passa en tête les deux longueurs suivantes en mixte. Mes forces diminuaient, je gravis la dernière longueur à la lumière de ma frontale. Heureusement, il avait trouvé un endroit où creuser une grotte dans la neige – un don du ciel.

    Deux heures plus tard, la grotte était prête. Nous avons fait du thé et du café, deux des boissons les moins recommandées pour la réhydratation. À une heure et demie du matin, nous nous sommes enfouis dans nos

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