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Le choix du vide: L'histoire d'une star américaine de l'escalade
Le choix du vide: L'histoire d'une star américaine de l'escalade
Le choix du vide: L'histoire d'une star américaine de l'escalade
Livre électronique240 pages3 heures

Le choix du vide: L'histoire d'une star américaine de l'escalade

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À propos de ce livre électronique

Il suffit d’un déclic, d’un choix fait à un moment clef de sa vie pour la rendre complètement extraordinaire !

Steph Davis, une américaine hors limite, qui aime prendre des risques, se laissant guider par son instinct et agissant en fonction de ce qu’elle ressent au plus profond d’elle-même. Pour inégalée qu’elle soit, sa place dans le monde de l’alpinisme a quelque chose de profondément humain. Dans ce livre, elle raconte ses débuts dans le monde de l’escalade et quelques-unes des aventures qui ont forgé sa carrière, mais elle parle surtout des choses de la vie pour essayer de comprendre les moteurs qui la poussent à grimper, à sauter du haut des parois ou à voler en wingsuit. « Pour moi l’escalade a toujours été plus que le fait de grimper ». 

Largement salué aux États-Unis, cet ouvrage d’une totale franchise et d’une haute sensibilité se donne à lire comme un essai intime, à la tonalité très poétique. Il réconcilie le goût de l’extrême avec les valeurs universelles que sont l’amour, l’amitié, l’enrichissement personnel, l’intimité. Au-delà, il offre une généreuse leçon sur ce qu’est la force de l’esprit.

Un roman biographique qui saura vous faire voyager et retenir votre souffle en même temps que celui de Steph Davis !

EXTRAIT

J’ai commencé à grimper en 1991, le jour de la marmotte, sur une petite falaise au bord de la rivière Potomac, dans le Maryland. Je n’étais pas venue pour célébrer cette fête, mais, bien des années plus tard, un souvenir m’assaillit : j’étais assise dans la lumière tamisée du soleil, m’exclamant « C’est le Jour de la marmotte et il fait encore assez chaud pour être en T-shirt ! » À tout moment dans notre existence, nous prenons des décisions qui affectent le cours de notre vie. Parfois, l’une d’entre elles peut tout faire basculer. Comme celle que j’ai prise un jour de manquer mon cours de math de première année à l’université du Maryland et d’essayer pour la première fois cette chose mystérieuse qui s’appelle l’escalade.

A PROPOS DE L’AUTEUR

Steph Davis est une star américaine de l’escalade, de Base Jump et de sauts en wingsuit. Née en 1972 à Columbia, dans le Maryland, elle s’est fait connaître par ses escalades en Patagonie avec la première ascension en un jour de la Torre Egger en compagnie du célèbre grimpeur Dean Potter.

En 2003, elle réussi à gravir la paroi d’El Capitan, 900m, en un seul jour ; puis en 2005, elle réalise la première ascension féminine en libre du Salathé (Yosemite). Elle s’est aussi illustrée par de nombreuses ascensions en solo intégral comme le Diamond (Colorado). L’escalade n’est pas l’unique passion de Steph Davis, elle aime aussi sauter du haut des parois en wingsuit ou en base jump ; une discipline où elle excelle.
LangueFrançais
ÉditeurMontblanc
Date de sortie27 juin 2014
ISBN9782511023921
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    Le choix du vide - Steph Davis

    Rumi

    1. PASSION VERTICALE

    Risquez tout pour l’amour, Si vous êtes un être humain véritable.

    Rumi

    J’AI COMMENCÉ À GRIMPER en 1991, le jour de la marmotte¹, sur une petite falaise au bord de la rivière Potomac, dans le Maryland. Je n’étais pas venue pour célébrer cette fête, mais, bien des années plus tard, un souvenir m’assaillit : j’étais assise dans la lumière tamisée du soleil, m’exclamant « C’est le Jour de la marmotte et il fait encore assez chaud pour être en T-shirt ! »

    À tout moment dans notre existence, nous prenons des décisions qui affectent le cours de notre vie. Parfois, l’une d’entre elles peut tout faire basculer. Comme celle que j’ai prise un jour de manquer mon cours de math de première année à l’université du Maryland et d’essayer pour la première fois cette chose mystérieuse qui s’appelle l’escalade.

    Jusque-là, je n’avais jamais fait le moindre sport. Dès l’âge de trois ans, je passais mon temps à jouer du piano, de la flûte, à lire et à faire mes devoirs. Une enfant modèle ! J’aimais beaucoup fureter dans les bois, mais cela n’avait rien de sportif. Étrangement, pendant ma dernière année de lycée, j’ai commencé à m’intéresser au VTT, puis très vite je parcourais avec enthousiasme les bois et les environs du campus de l’université du Maryland. J’aimais littéralement chaque pièce de mon VTT, passant des heures à le démonter et à le remonter. C’était avant l’arrivée des suspensions antichoc et avant que les casques deviennent la norme. Évidemment, je tombais et me faisais mal régulièrement, dont une fois, à ma grande honte, en traversant une colline herbeuse entre les salles de classe.

    Je dois à cette nouvelle passion d’être devenue alpiniste. Par un jour ensoleillé, je prenais mon petit déjeuner à la terrasse d’un café, mon VTT posé à côté de moi. Mon université ne favorisait pas vraiment les activités de plein air. La plupart des étudiants se déplaçaient en chaussures de ville et restaient confinés le plus souvent à l’intérieur. Mon allure débraillée et mon VTT peint par mes soins seraient passés inaperçus à Boulder², mais à College Park, je dénotais ! Je crois que de tous les jeunes de dix-huit ans de l’université, j’étais la moins mondaine. Au cours des ans, j’ai nourri mon cerveau de milliers de livres, mais je ne m’intéressais guère aux rouages des hiérarchies sociales autour de moi. J’ai mis des années à comprendre ce qui s’était passé ce jour-là, mais le fait est qu’un jeune gars du Wyoming, athlétique et beau garçon, arrêta son VTT près de moi et engagea la conversation, me proposant d’aller grimper avec lui. Je ne connaissais strictement rien à l’escalade, pourtant j’eus le sentiment que grimper et faire du VTT étaient deux activités assez proches, et sans même me demander pourquoi un garçon voudrait grimper avec une fille qui n’en avait jamais entendu parler, j’acceptais immédiatement.

    Vous vous demandez certainement comment une personne qui passait son temps à lire s’est débrouillée pour tout ignorer de l’escalade ou même de l’alpinisme. Je n’en ai aucune idée. Tout ce que je peux dire est que j’ai grandi dans les faubourgs, que les sports de plein air n’étaient pas encore à la mode, et je ne lisais pratiquement que des classiques. Toute mon enfance, mon livre favori a été Le Meilleur des mondes³, qui traînait dans la maison, une relique d’un des cours de collège de ma mère. Chaque journée d’ennui, je le relisais, au point d’en connaître presque tout le contenu par cœur. Quand j’ai compris qu’il ne s’agissait pas simplement d’une histoire de science-fiction, j’étais déjà totalement et irrémédiablement imprégnée de sa critique sociale. Cela a sans doute profondément influencé ma vision de la vie et m’a transformée, très jeune, en anticonformiste. Quelque chose en a été la cause, aussi, autant en rendre Huxley responsable. Quoi qu’il en soit, je vivais déjà dans mon propre petit monde, comme aujourd’hui, et l’escalade ne faisait pas encore partie de ma vie.

    Lors de ce tout premier jour d’escalade, grimpant n’importe comment, glissant et gesticulant sur une dalle de dix mètres, je fus conquise sur-le-champ, et je décidai de tout changer dans ma vie pour me consacrer entièrement à l’escalade. Je ne savais pas que je venais de faire l’expérience du type d’escalade le plus sûr et le moins spectaculaire qui soit, avec une corde au-dessus de moi, m’assurant pour m’empêcher de tomber de plus de quinze centimètres. Pour moi, c’était comme une porte qui s’ouvrait sur un nouveau monde !

    Au cours des quinze années qui suivirent, ma passion pour l’escalade n’a pas diminué, mais s’est transformée en un amour profond. J’ai appris les joies et les limites des nombreuses disciplines qui composent l’escalade, l’intensité des courts problèmes de blocs, la complexité de l’escalade artificielle avec des cordes et tout un équipement permettant de vivre dans les grandes parois, la rapidité du style alpin sur les parois rocheuses et les pentes de neige dans les montagnes. J’ai appris à pousser mes propres limites dans des projets en solo intégral, sans corde ni protection, où l’esprit se vide vraiment, détaché de tout sauf du rocher.

    Mes choix d’escalade ont toujours été dictés par l’instinct. En vérité, ce n’était pas un choix, mais plutôt un abandon devant l’inévitable. Même aujourd’hui, alors que je suis censée être adulte et plus sage, je prends les décisions les plus fondamentales de ma vie de manière impétueuse, ne me fiant qu’à ce que je ressens en moi, et je ne regarde jamais en arrière. Je ne sais pas faire autrement.

    Bien qu’ayant réorganisé ma vie pour assouvir ma nouvelle passion pour l’escalade, j’ai quand même terminé mes études universitaires, et j’ai même obtenu un master. J’ai profité d’un programme d’échanges d’étudiants pour passer ma deuxième année d’études à l’université de l’État du Colorado. J’y revins pour mon master, et bien sûr, je choisis la littérature alpine comme sujet de thèse. À cette époque, le département de lettres n’acceptait pas cette branche de la littérature, mais grâce à l’appui et à l’ouverture d’esprit de mon comité de thèse, je fus autorisée à continuer dans cette voie. Je suis sûre que ces très sages professeurs avaient compris que si je choisissais n’importe quel autre domaine dans la littérature, ce serait peine perdue et que, outre un résultat désastreux, nous nous serions tous ennuyés à mourir. De fait, j’étais si enthousiaste que je terminais ma thèse avec une année d’avance, ce qui est un peu embarrassant même pour un étudiant de premier cycle.

    La coexistence heureuse de ma vie universitaire et de l’escalade se termina brutalement lorsque j’obtins mon diplôme. Je partis habiter à Estes Park, au Colorado, avec mon ami Dean⁴, pour être proche du Longs Peak Diamond et pour gagner de l’argent comme serveuse pendant l’été. Je pensais aller à l’université de l’Utah, à Salt Lake, et poursuivre avec un doctorat en automne. Mes professeurs du Colorado m’avaient encouragée à suivre le programme d’études américaines, pensant que cela pourrait satisfaire mes intérêts quelque peu éclectiques en alpinisme, sciences naturelles, sociologie et littérature. Pourtant, quand je me rendis à l’université, je fus atterrée de découvrir l’ampleur de la partie théorique. Je faisais partie des étudiants en littérature qui aspiraient à lire des romans et des livres d’histoire pour en tirer des enseignements sur notre monde. La nouvelle tendance était la théorie littéraire, que tous les intellectuels branchés étudiaient. Ils semblaient même ne lire aucun livre digne de ce nom. À la place, ils lisaient des livres et des articles qu’écrivaient les théoriciens, puis développaient leurs propres théories sur les théories de ces mêmes théoriciens. Cela me semblait prétentieux et sans intérêt, et ce n’était même pas de la littérature. À l’université de l’État du Colorado, quelques professeurs, les plus anciens et les plus pragmatiques, pensaient comme moi, et m’avaient dispensée de la plupart des cours théoriques. Charge à moi d’en suivre néanmoins quelques-uns et d’être en mesure de démontrer, si on me le demandait, que ma thèse, bien que n’ayant aucune base théorique, en possédait certains fondements. À l’université de l’Utah, c’est ce qui arriva. En fait, tous ceux que je rencontrais dans la section d’anglais semblaient obsédés par la théorie. Par réflexe, je tentais de donner les bonnes réponses avant de m’enfuir de là. Mais lorsque je reçus un courrier avec un avis favorable pour participer à une thèse, ainsi que la proposition d’un poste de maître-assistant, je le jetai.

    Je revins pourtant sur ma décision à la fin de l’été, à Estes. Être serveuse dans un bar mexicain n’était pas spécialement agréable. Dean et moi étions emportés par notre passion l’un pour l’autre et par l’escalade, et cela rendait notre vie chaotique et hors norme. Mes parents détestaient tout ce que je faisais et me prédisaient un avenir d’assistée, de pénurie et de misère. À la date limite, je m’inscrivis à la faculté de droit de Boulder, craignant que mes droits d’admission ne soient plus valables et pensant que je pouvais au moins essayer. Il ne me fallut qu’une semaine pour comprendre que c’était une mauvaise idée. L’idylle était terminée. Je ne pouvais plus continuer la vie tranquille et respectable d’universitaire. Très vite, j’allais faire partie de la confrérie des SDF⁵ de la grimpe.

    Pendant les sept années qui suivirent, je vécus d’abord dans la vieille Oldsmobile de ma grand-mère dont les sièges arrière avaient été enlevés, puis dans une camionnette Ford Ranger, usagée certes, mais un vrai luxe pour moi. Je travaillais parfois comme serveuse, d’autres fois comme instructeur d’escalade. Dean et moi vivions ensemble par intermittence. Je me consacrais entièrement à l’escalade et, quand mes horizons s’élargirent, à l’alpinisme. Chemin faisant, je succombais au charme de Moab, en Utah, et m’y installais en louant une unité de stockage pour mes affaires et prenant une carte de la bibliothèque locale. À Moab, je tombais amoureuse d’un petit bouvier australien de races croisées du nom de Fletcher et elle réussit parfaitement à s’adapter à ma vie nomade.

    Je m’inquiétais constamment de la tournure que prenait ma vie et qui semblait me conduire droit vers l’indigence. Mais les années passant, je devins moins angoissée. Vivre dans une camionnette demande peu de moyens, et bien que je fusse scandaleusement pauvre, ce n’était pas différent de ma vie d’étudiante, sauf que je devais payer pour avoir une assurance-santé. Je pouvais m’acheter de quoi manger, des vêtements dans un magasin de bienfaisance, et parfois un livre s’il n’y avait pas de bibliothèque dans les environs. Le reste de mon argent et les faibles subventions de clubs d’alpinisme servaient à payer mes expéditions en Patagonie et en Asie. Je réalisais que s’inquiéter de l’avenir ne servait à rien.

    Le fait est que je suis totalement incapable de faire quoi que ce soit sans passion, sauf par nécessité temporaire (comme d’être serveuse). Paradoxalement, jusque-là, cette façon d’être m’a offert une vie plus satisfaisante que je n’aurais pu imaginer. J’ai toujours un Ford Ranger et j’ai facilement tendance à y vivre. Dean et moi nous sommes mariés, puis séparés définitivement sept ans plus tard, et Fletch est mort de vieillesse en 2009. Mon premier et bien-aimé sponsor a été remplacé par d’autres, et je suis maintenant heureusement mariée à Mario, un Québécois pratiquant le Base jump. Nous vivons à Moab avec un autre petit chien abandonné dans une réserve indienne et, un jour, un petit chat noir nous a adoptés. Ma vie ne cesse de changer et d’évoluer, mais d’une certaine manière elle est toujours la même.

    Au cours de ces années qui ont passé si vite, j’ai rempli d’innombrables carnets personnels, écrit des articles et de courts poèmes en prose quand je me sentais inspirée. Souvent, après une escalade difficile ou une aventure particulièrement forte, je me sens obligée d’écrire. Certains de mes textes sont parus dans diverses publications de montagne, d’autres ont été écrits pour moi seule, et d’autres encore pour ce livre. Ensemble ils forment une petite histoire de ma vie d’alpiniste.


    1. Fête d’Amérique du Nord célébrée le jour de la Chandeleur.

    2. Boulder, ville des Montagnes rocheuses (à 1665 m) où se trouve la plus grande université du Colorado à côté du parc national des Rocheuses.

    3. Aldous Huxley, 1932.

    4. Dean Potter.

    5. Traduction de Dirtbag climber : aux États-Unis, ce terme désigne les grimpeurs vivant dans la nature, souvent en communauté, sous la tente ou à l’arrière d’une voiture, ne travaillant que pour subvenir à leurs besoins minimum, souvent comme serveur dans un restaurant pendant la saison touristique, avec un but précis : grimper le plus souvent possible, changeant de lieux selon les saisons, au Yosemite, Joshua Tree, dans les Rocheuses ou partant en expédition dans les massifs lointains.

    2. DES LIEUX SÛRS

    Se libérer de la peur est donné à ceux qui mènent une vie de pureté. Le yogi sait qu’il est différent de son corps, qui est l’habitation temporaire de son esprit. Pour le yogi, la mort apporte du piquant à la vie. Lorsqu’il a lié tout son être à Dieu, de quoi devrait-il alors avoir peur ?

    B.K.S. Iyengar

    AYANT GRANDI PRÈS DE WASHINGTON, DC, je connaissais très bien le chiffre des meurtres perpétrés dans la ville. Lors de ma première année de collège à l’université du Maryland, il était officiellement demandé aux femmes de ne pas sortir seules le soir. J’appris donc à éviter le regard des étrangers dans la rue et à ne pas adresser la parole aux inconnus. Ce comportement antisocial n’est pas toujours apprécié dans l’Ouest, où je vis désormais. Mais la peur est récurrente.

    Lorsque j’ai commencé à grimper, je me sentais parfaitement en sécurité loin des foules. Je crois que l’absence de peur a été une des raisons qui m’ont poussée vers l’escalade. J’aime la solitude, beaucoup plus que la plupart des gens que je connais. J’aime courir seule, grimper seule, me promener seule. J’ai passé mes jeunes années à voyager et à vivre à l’arrière d’une camionnette, la plupart du temps en compagnie d’un chien de dix-huit kilos. Le fait d’avoir survécu aussi longtemps tient du miracle. J’ai probablement fortement entamé mon crédit chance.

    L’escalade m’a conduit du Maryland à Fort Collins, Colorado. Entre les cours de l’université de l’État de Colorado, j’ai fait du VTT dans la région du lac de barrage de Horsetooth et passé des heures, seule, sur des blocs, essayant de déchiffrer les anciens et très difficiles problèmes gravis par John Gill qu’il avait marqués par de petites flèches blanches, dans les années 1960, avant même que l’escalade de blocs soit considérée comme un sport à part entière. Je suis encore étonnée de constater à quel point John Gill était un grimpeur en avance sur son temps. Cinquante ans plus tard, ses voies de blocs les plus difficiles sont encore des voies tests, malgré toutes les avancées réalisées en escalade. J’adorais les après-midi calmes à Horsetooth, observant son lac, caressant le grès granuleux, imaginant les grimpeurs venus en ce même lieu, touchant ces mêmes rochers.

    Pendant les trois années que j’ai passées à Fort Collins, je ne suis allée que quatre fois sur les falaises réputées d’Eldorado et de Boulder Canyons. Instinctivement, je m’éloignais de la foule et de l’activité urbaine de Boulder, et me passionnais pour le Wyoming. Avec des amis de Fort Collins, je suis allée très souvent au canyon de Fremont, un site d’escalade magnifique et isolé. J’appris à grimper en tête sur Devils Tower, un paisible monolithe en basalte qui surgit au milieu de la plaine. Je me sentais bien dans les grands espaces ouverts du Wyoming, un lieu où la vie semble simple et pure. Et lorsque je découvris les canyons rouges de Moab, Utah, et leur tranquillité, je sus que j’étais chez moi.

    Pendant des années, j’ai cru sottement qu’en restant loin des villes et des autoroutes, je serais en sécurité. La triste vérité est que tout endroit éloigné trop facile d’accès n’est pas sûr pour une femme. Pour moi, être blessée par une chute de glace ou en tombant d’une paroi rocheuse est un risque parfaitement acceptable. Être blessée par un être humain ne l’est pas. Les gens parlent souvent de l’escalade comme d’une activité dangereuse ; moi, je me suis toujours sentie en sécurité sur une paroi difficile ou sur une montagne. Même si j’ai conscience que je peux mourir en montagne, j’ai confiance en la main de la Nature, et je sais qu’elle ne me fera aucun mal.

    Les êtres humains sont changeants et agissent de manière déroutante. La nature, quant à elle, je peux lui faire confiance.

    LA CHUTE

    Le voyage en voiture jusqu’au Wyoming m’a fatiguée. La lumière des phares éclaire les armoises, puis soudain, un cerf, au bord de la route. J’essaie d’apercevoir le paysage, dont j’ai gardé la beauté en mémoire, mais c’est encore la nouvelle lune, et je ne suis venue ici qu’une fois. Mon compagnon de cordée et moi sursautons quand notre voiture franchit en cahotant le pont qui enjambe le canyon, d’environ trente mètres de large et de trente mètres de haut. Je me souviens de l’eau stagnante du barrage, endiguée par les parois, couvrant à peine les blocs rocheux ombragés au fond.

    Gravir les parois du canyon peut-être impressionnant. Une fois descendu en

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