La porte condamnée: Recueil de nouvelles
Par Max Alhau et Michel Lamart
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À propos de ce livre électronique
Le quotidien, parfois, nous joue des tours. En témoignent ces nouvelles insolites dans lesquelles on croise des personnages surpris par la vie. La tonalité « réaliste fantastique » de l'écriture s'inscrit dans une tradition d'inspiration latino-américaine. Ces textes illustrent bien l'idée que Julio Cortázar se faisait du récit bref : un jeu magique. Il ne tient au lecteur, pour s'en convaincre, que de pousser la porte. À ses risques et périls...
Une expérience d'écriture originale, riche en jeux de langage.
EXTRAIT DE LE CIMETIÈRE DES LOCOMOTIVES
Il pensa aux réfugiés. À tous les laissés pour compte qui fuyaient la misère, la mort et la guerre. Ils auraient pu trouver, dans ce cimetière de locomotives aux flancs gros de voyages avortés, un asile sûr. Il y avait bien longtemps qu’aucune correspondance ne laissait plus à quiconque le loisir de caresser des rêves de destinations heureuses...
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
Le lecteur est invité à voguer par-delà d'authentiques sentiments alors même que des notes fantastiques se dispersent au gré de l'imagination fertile des deux amis. Leur amour de la langue et de la poésie est ici réellement palpable. - Ange77, Babelio
À PROPOS DES AUTEURS
Max Alhau est nouvelliste, poète et traducteur de l’espagnol. Il collabore à plusieurs revues littéraires et poétiques.
Romancier, nouvelliste, essayiste et poète, Michel Lamart se consacre entièrement à l'écriture après avoir enseigné les lettres et la philosophie en Classes Préparatoires scientifiques et commerciales.
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Aperçu du livre
La porte condamnée - Max Alhau
Table des matières
Résumé
Avant-propos
Le cimetière des locomotives
Anonyme
Il y avait une fois…
Échange standard
Ce vice impuni…
La cible
La porte condamnée
L’appartement
Un invité
Un peu d’ombre dans la mémoire
D’où vient cet appel ?
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Résumé
Le quotidien, parfois, nous joue des tours.
En témoignent ces nouvelles insolites dans lesquelles on croise des personnages surpris par la vie. La tonalité « réaliste fantastique » de l'écriture s'inscrit dans une tradition d'inspiration latino-américaine. Ces textes illustrent bien l'idée que Julio Cortázar se faisait du récit bref : un jeu magique. Il ne tient au lecteur, pour s'en convaincre, que de pousser la porte. À ses risques et périls...
Max Alhau est nouvelliste, poète et traducteur de l’espagnol. Il collabore à plusieurs revues littéraires et poétiques.
Romancier, nouvelliste, essayiste et poète, Michel Lamart se consacre entièrement à l'écriture après avoir enseigné les lettres et la philosophie en Classes Préparatoires scientifiques et commerciales.
Michel Lamart & Max Alhau
La porte condamnée
Nouvelles
ISBN : 978-2-35962-997-2
Collection Blanche
ISSN : 2416-4259
Dépôt légal décembre 2017
© couverture : Alain Margotton
© 2017 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays.
Toute modification interdite.
Éditions Ex Aequo
6 rue des Sybilles
88370 Plombières les bains
www.editions-exaequo.fr
Pour Annie Garnarat
Avant-propos
C’est Michel Lamart qui est à l’origine de ce projet. Il voulait rendre hommage à mon épouse, Annie, décédée au mois de septembre 2015, et il m’a proposé que nous écrivions ensemble une suite de nouvelles. L’un commencerait le texte, l’autre continuerait ou conclurait, tandis que le premier prendrait le dernier relais et terminerait. Nous sommes tous deux nouvellistes et c’était un genre qu’affectionnait Annie. Quoi de mieux pour la saluer, par le biais des mots et de l’imaginaire, que ces textes ? Notre univers littéraire est à peu près identique, nous sommes attirés par un certain réalisme fantastique et nous nous dirigerions donc de ce côté. Notre écriture, certes différente, ne l’était pas trop pour risquer d’échouer sur l’écueil d’un manque d’unité.
Nous avons ainsi entrepris, il y a quelques mois, d’écrire ces nouvelles. Chacun proposait à l’autre un début sur lequel nous nous mettions d’accord, sans imaginer de plan à l’avance ni prévoir de fin. Au fur et à mesure qu’une nouvelle était achevée, nous la relisions pour en améliorer la forme. Ainsi sont venues au jour ces onze nouvelles, assez proches par leur thématique. Parmi ces onze titres, neuf sont collectifs deux ont été rédigés entièrement par le même auteur. Nous laisserons au lecteur perspicace le soin de les identifier…
Très vite, nous avons été pris à notre propre jeu. Chacun s’efforçait de faire rebondir l’action dans une direction que l’autre n’avait pas prévue. Il fallait déjouer l’attente du partenaire, le surprendre, ménager des coups de théâtre, devenir, en somme, à la fois le lecteur et l’écrivain, puisque l’unité d’ensemble (action, style) restait une priorité.
Ce fut un bon moment. Nous voudrions le partager. Cette collaboration inédite nous a montré que l’attention à l’autre, l’envie de le surprendre et le plaisir d’une création commune constituent un moyen efficace de progresser en comblant le vide douloureux de l’absence.
Détail symbolique : nous avons terminé ce recueil le jour de la Saint Valentin…
Finalement, lorsqu’on écrit, c’est toujours en pensant à celui ou à celle qui manque : la lectrice, le lecteur, sans qui le livre n’existerait pas.
Max Alhau
Le cimetière des locomotives
Il était parvenu à s’introduire sans trop de difficultés dans l’immense enclos. À trop se déchirer sur les barbelés, la lune ensanglantait l’horizon. Les masses imposantes des motrices créaient un curieux embouteillage fantomatique. On en avait oublié là des dizaines. La SNCF les laissait pourrir sur des rails qui ne luisaient plus depuis bien longtemps, parmi les ronces, hautes herbes et détritus divers. Car l’endroit servait aussi de décharge.
Il pensa aux réfugiés. À tous les laissés pour compte qui fuyaient la misère, la mort et la guerre. Ils auraient pu trouver, dans ce cimetière de locomotives aux flancs gros de voyages avortés, un asile sûr. Il y avait bien longtemps qu’aucune correspondance ne laissait plus à quiconque le loisir de caresser des rêves de destinations heureuses…
Certainement l’endroit devait recéler quelque cachette secrète. Aucun feu ne montait dans le crépuscule de plomb qui pesait sur la ville. Les rondes, si elles existaient, devaient s’entendre de très loin. On percevait, pour l’heure, un halètement sourd de machine que le vent apportait de la cité voisine endormie.
Aucun wagon. Seulement des géantes aux roues entravées par une végétation envahissante. La nature reprenait ses droits. Elle dévorait ces monstres d’acier avec un insatiable appétit. La SNCF ne cherchait même pas à revendre ces ferrailles glorieuses, dont les cadavres achevaient de pourrir dans les ruines d’une société jadis enrichie par la vapeur et l’électricité. À présent que la mode sacrifiait à la vitesse, ces dinosaures déchus se prosternaient devant le dieu TGV.
Il avait du mal à progresser à travers cet amas rubigineux qui semait des ferrailles, tels des membres tordus, des roues énormes et des moteurs diesels éventrés, sous ses pas. Des senteurs ferroviaires épicées d’odeurs d’urine créaient de traîtres îlots où stagnaient de grasses fragrances de graisse d’essieux. Il reconnaissait des BB 67000, des mono-cabines bleues. Mais aussi des locotracteurs verts et jaunes, des Y 7100 et 8000. On avait mis également au rebut des modèles plus récents, sans doute encore capables de rouler. Il pensa au gâchis généralisé. Il caractérisait notre société vendue à la consommation. Ce matériel roulant était souvent tagué. On eût dit d’une gigantesque installation à ciel ouvert, conçue par un artiste fou.
Cet univers dédié au voyage immobile créait un malaise. Un chef de gare dément avait dû donner en même temps rendez-vous à des convois sans wagons. C’était comme si tous ces trains piégés n’avaient jamais pu s’arracher aux quais, et mouraient sur des voies de garage. Les locomotives étaient victimes de leur ponctualité et de la dictature de l’heure. Jamais plus elles ne reprendraient leur course folle à travers champs pour échapper aux villes tentaculaires.
Il se figea soudain.
Il lui sembla que quelque chose avait bougé dans les hautes herbes. Là-bas, sous les rayons d’argent de la lune. Un vent d’est chahutait des nuages de poussière de charbon et de suie. Une atmosphère orageuse, électrique, affolait ses sens en alerte. Une silhouette, peut-être ? À moins que ce ne fût quelque illusion d’optique créée par l’environnement dévasté. Son imagination abusée lui imposait des images de nécropoles antiques.
Son cœur se mit à rythmer le tac-à-tac halluciné des bandages d’acier sur les rails.
Lancinant staccato.
Un animal ?
Un chien errant.
Ou un SDF…
Il laissa filer un peu de temps.
Peut-être avait-il rêvé. Après tout, il ne risquait pas grand-chose.
Sauf si…
Un peu plus tard, rassuré, il reprit sa marche hasardeuse.
Il faillit s’étaler bientôt de tout son long. Son pied avait buté contre un aiguillage traîtreusement dissimulé parmi des arbustes rabougris. Il laissa échapper un juron. Autour de lui, les ombres s’allongeaient, resserrant leur cercle menaçant. Il prit peur et se mit à courir le long des machines aux yeux morts. C’était comme si les fantômes des conducteurs de ces monstres étaient à ses trousses…
À bout de souffle, il se hissa dans la première locomotive qu’il trouva ouverte. Autour de lui, le silence planait. Pesait. Métallique. Malsain. Le calme revint. Et la paix avec lui. L’air tiédissait. Le temps s’écoulait à nouveau.
La fuite l’avait épuisé, vidé de ses forces. Elle le confondait à cette mécanique usée qu’on avait réformée. Une loque humaine dans un écrin de rouille. Il plongea dans le tunnel noir du sommeil.
Le sifflet strident d’un invisible chef de gare le tira de ses rêves de départ. Que s’était-il passé ? Avait-il rêvé ?
Pourtant il était certain que quelqu’un s’était manifesté et que sa frayeur n’était pas vaine. Il demeura longtemps encore à l’intérieur de cette locomotive d’un autre âge. Il se sentait protégé par cette carapace de fer et n’éprouvait nulle envie de s’en extraire. Au dehors le ciel s’était éclairci. Il était temps de déguerpir, mais pour aller où ? Son corps lui pesait. Il se sentait comme prisonnier dans cette cabine et ne se décidait pas à la quitter. Soudain il vit une ombre le long de la voie ferrée, celle d’un homme, sans doute. Cette apparition le terrifia. Non, il n’avait pas rêvé, c’était bien cette silhouette qu’il avait aperçue. Elle se faufila parmi les arbustes puis reparut à quelques mètres de son abri. Il distingua un individu de haute taille, vêtu d’un bourgeron bleu de mécanicien. D’où venait-il ? Les environs semblaient déserts. Sans doute connaissait-il ces lieux. Peut-être était-ce un habitué, un nostalgique de ces chemins de fer antédiluviens.
Face à l’inconnu qui progressait, il retenait son souffle. Que craignait-il ? Le nouveau venu ne paraissait pas redoutable : il avançait tranquillement, d’un pas assuré. Bientôt il distingua son visage : assez maigre, les joues creuses, une petite moustache grise. Il s’arrêta à quelques mètres de la motrice, comme s’il la contemplait avec curiosité. Avait-il aperçu le passager ? Celui-ci s’accroupit de façon à ne pas être vu. Quelques secondes s’écoulèrent, interminables.
Soudain il perçut un bruit de pas. L’homme avait agrippé la petite rampe de fer, gravissait les quelques degrés et pénétrait dans l’habitacle. Le passager, terrifié, ne chercha pas à se dissimuler. Il se leva d’un bond. L’inconnu ne lui adressa même pas un regard, comme s’il ne l’avait pas remarqué. Il regarda devant lui à travers la vitre poussiéreuse. Soudain il crut entendre ronfler le feu, s’élever une lumière et voir des jets de vapeur. La locomotive démarrait. Il n’en revenait pas. L’homme ne semblait pas faire cas de sa présence. Où allait-on sur ces voies disloquées ? La vitesse était moindre, la loco crachait sa fumée avec entrain. Impassible, le conducteur actionnait les commandes. Sans doute un ancien mécano à la retraite qui ne pouvait s’empêcher de monter à bord de sa vieille bécane dont il ne voulait pas se séparer. À moins qu’il ne soit encore en activité. Derrière le conducteur, il ne bougeait pas, de crainte d’une réaction trop vive de sa part. Il s’étonnait que cela puisse encore rouler sur des voies rouillées, voire sectionnées à certains endroits. L’homme en connaissait-il l’état ? Sans doute.
La locomotive progressait à allure constante, parfois avec des pointes surprenantes. Elle traversait des terres en friche, un paysage qu’il ne connaissait guère. Soudain l’homme se tourna vers lui : Tu aurais pu vérifier qu’on avait suffisamment de charbon, grogna-t-il. On ne va pas aller très loin. Pourtant il faut bien qu’on atteigne la prochaine gare : Sainte-Madeleine. Il se demandait qui était cet homme étrange. Il ne sut que répondre. Il bredouilla : Oui, bien entendu. L’autre haussa les