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L'obsolète: Roman jeunesse
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L'obsolète: Roman jeunesse
Livre électronique170 pages2 heures

L'obsolète: Roman jeunesse

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À propos de ce livre électronique

Ilan est un enfant précoce de 16 ans, fils d’un juif et d’une chrétienne. Sa petite amie est musulmane. L’année du BAC sera décisive pour lui, avec, au-delà de l’enjeu des révisions, le magnifique chemin initiatique qu’il fera avec Zafira. 
L’univers des réseaux sociaux, le langage du chat sur l’écran de leur Iphone, seront pour eux des atouts supplémentaires de connaissance non dénués de poésie et d’humour.
Dans une quête assoiffée et pure, à la lisière du réel, de l’impalpable, face au Dieu de leur père, et donc, face à eux-mêmes, ils s’ouvriront à la vie.
« Les mots sont de formidables chapeaux, ils contiennent tout, dans l’illusion. Alors, je me méfie. Souvent je ne sais pas quoi dire, j’ai peur de me tromper, et utilise le silence comme on use du vent pour balayer la cour. Quand le désordre des paroles aura envahi le mur, quand nos cœurs auront trop pleuré et que nous serons las de nous lamenter, alors le silence y pourvoira. » Ilan Callman.

À PROPOS DE L'AUTEURE

Diplômée des beaux-arts, Anne FLEURY-VACHEYROUT a étudié avec Christian Boltanski. Tout en menant une carrière de journaliste, elle présente ses travaux à Londres, New-York, Barcelone, Paris et Norfolk (Virginie). Ses recherches plastiques la mènent naturellement de la page blanche à l’écran où elle manie l’image avec un réel plaisir. Aujourd’hui, conjointement à son activité de vidéaste, elle poursuit son travail d’écriture au milieu d’un atelier-bibliothèque qui reste sa source vive.
LangueFrançais
Date de sortie24 août 2020
ISBN9782889491865
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    Aperçu du livre

    L'obsolète - Anne Fleury Vacheyrout

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    Anne Fleury-Vacheyrout

    L’OBSOLÈTE

    Du même auteur

    – L’Adescendance, roman

    5 Sens Editions, 2018

    Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

    À Anastasia.

    En mémoire de Lola, Suzon, Mathias et tous les autres.

    « Pose-moi comme un sceau sur ton cœur,

    Comme un sceau sur ton bras.

    Car l’amour est fort comme la Mort,

    La passion inflexible comme le Shéol.

    Ses traits sont des traits de feu, une flamme de Yahvé. »

    Cantique des cantiques 8 :6

    « Tu prendras deux pierres d’onyx, et tu y graveras les noms des fils d’Israël, »

    Exode 28 :9

    « Ne tuez pas la personne humaine, car Allah l’a déclarée sacrée.

    (Coran, VI, 151)

    « Je vous donne un commandement nouveau :

    Aimez-vous les uns les autres ;

    Comme je vous ai aimés, vous aussi,

    Aimez-vous les uns les autres. »

    Jean 13 : 34

    Le I

    Trop lugubre le quai à cette heure-ci ; tout semble mort, on entend juste un chant d’abeille qui court le long des rails, on n’y voit rien sinon des percées de dentelle au carreau de la vitre. Un vieux néon abat deux ou trois peaux bleues gisant sur des fauteuils, plus loin, au bout du couloir, la fin d’une guerre étale ses soldats fatigués mais vivants. On passe. Je me fraie péniblement une route entre les corps couchés au sol de la gare, vitreux et humide, et saute dans le wagon, et m’affale sur le tapis.

    La fenêtre du wagon me glisse un sourire sombre ; je n’y comprends plus rien car rien n’est à sa place. Je fais un rêve lourd. Le cauchemar défile tranquillement sur l’écran plat et noir, et rayé de jaune fluo. Les lignes indiquent des arrivées. La plupart sont directes, les autres se cassent à trente. De petites vrilles sinueuses crachent des jets de lumières ocre et dorées ; les étincelles ont jailli par centaines du fond d’un vieux tender et la nuit remet tranquillement sa jupe noire. Les arrivées repartent.

    Je bâille. Ma gueule d’éveillé s’ouvre en deux ; j’ai trop dormi dans la misère et dans l’ennui. Soudain un Om puissant sort du ventre de la terre et me ranime ; je plaque mon nez au froid glacial du miroir des toilettes. La chasse d’eau a surpris mon chien – merde on va m’entendre, et je retourne au fardier dans ma chemise orange et en traînant la patte. Mon chien se tait enfin. Deux ou trois mantras plus tard, je suis toujours dans ma position fétiche ; en tailleur sur la moquette de ce monde sale mais toujours zen malgré le souffle court de mon bide creux, non morfal. La lévitation va bientôt me transporter à l’étage au-dessus, manque plus que le sourire pour y croire vraiment ! Pourtant, l’effet attendu n’est pas au rendez-vous ; rien ne bouge, j’ai dû me tromper d’icône car tout s’éteint, et la nuit remet son vêtement avec quelques fils argent qui pendent à la ceinture.

    Facebook, à cette heure triste et noire, ressemble à un hall de gare, quand seulement gisent ceux qui dorment dehors, ou ne dorment pas avant le jour. Je suis de ceux-là, moi, l’éveillé qui n’a pas dormi et se trainera d’un wagon à l’autre jusqu’au bout d’un quai irréel. J’écris quai, car dans les gares, il y a des quais d’où viennent et partent les trains. Mais dans les ports aussi, il y a des quais sauf que le bruit n’est pas le même. Il n’y a pas le crissement acier contre acier des rails et bandes de roulement mais le cliquetis du vent dans les haubans. Subrepticement, monte la mélopée fantastique du chant des sirènes tel un serpent sur mon bâton de marche. Je me sens appelé à de longs et périlleux voyages, loin devant, quand le cri du départ sonne l’heure du bac, vous savez ce bateau à fond plat qui sert aux petites traversées.

    Soudain, je vois ma mère. C’est pas terrible comme vision, car à cet endroit et à cette heure, elle n’est pas censée être là où je vais. Je me tais, je ne respire plus, j’entends une porte claquer, puis se taire, j’entends encore un tuyau crier un bruit étrange et l’eau surgit à l’autre bout du couloir ; elle a tiré la chasse et repart, pieds nus, le long du couloir. J’ai eu peur ! Je cherche une autre pensée, quelque chose de calme ou d’amusant afin de faire tomber ma pression sanguine. Je vois une image, c’est encore maman, elle est toujours là, collée à la nuit, qui défait sa jupe, pour aller dormir.

    Quand maman sort ses dernières tenues hors-ligne, elle dit qu’elle est à la page. Le matin ça lui prend trois plombes ; elle met toute sa garde-robe sur le lit, et, en deux ou trois mouvements, décide qu’elle n’a rien à se mettre. Du coup, elle s’en va faire les soldes et ne revient qu’après la fermeture. Toute autre. C’est à cet instant qu’elle dit à mon père d’un ton faussement léger ; « regarde chéri, je suis à la page et ça n’a rien coûté du tout ! »

    En bas de page, le mec sur la moquette, look Rinpotché¹, chuintant des sons énergisants, c’est moi ! Je sors de mon corps. Le train n’a pas sifflé ; HIjol², à la dernière minute, le wagon s’ébranle ; HIjol, il me prend au vol, en marche, et je me retrouve le cul entre deux chaises !

    Changement de tactique ; je décide tout de go de passer en mode émoticône. Quelques guillemets plus loin, une foule de petits parasites envahissent la vitre, des dizaines de moucherons « démonotonisent » la nuit. Je suis bien fier de ce mot-là ; il a fait mouche, si je puis dire !

    – Tu dors !

    – Ben oui, tu vois !

    – Troll.

    – Triton.

    – Stop j’ai un truc à te dire.

    – Vas-y démarre !

    – Quand le train partira, et qu’il y aura du bruit, on pourra parler tranquille.

    – Ok Dac.

    Je fourre ma main au fond du sac, au milieu des dossiers et tombe sur une photo. Mon chum³ est assis en face de moi, sur la banquette transparente de ce monde virtuel. Il joue du piano sur le rebord de son jean, sans doute. Pas d’énervement mon gars, ça va venir. Le train démarre dans une cacophonie d’enfer, ça sent l’acier brûlé, un truc du genre. Je crois. Mais c’est plutôt ma tête qui fulmine. C’est pas la bonne. J’en cherche une autre, plus récente, avec un sourire à tomber raide. Tout le monde essaye d’en placer une au moment où je la tends à mon pote au travers de l’écran. Ça n’a pas tardé, je ne sais pas comment cela s’est produit mais tout le monde a vu la photo. Je suis furax ; c’est un kidnapping. Facebook = FaceKidnappeur.

    – Bon, vous retirez ça tout de suite.

    – Bazinga⁴.

    – J’ai dit tout de suite.

    – T’énerve pas : mon gars, t’as pas le bon geste. Fallait faire ça en MP⁵.

    – Elle va me lourder si elle voit ça, enlève-moi ça tout de suite.

    – Heghlu’meH QaQ jajvam⁶.

    – T’es con.

    – C’est bon, t’as qu’à le faire toi-même.

    Une question de « ricochet » me dit-il. Je tente le coup. Qapla⁷, j’ai réussi la manip, j’ai squeezé la photo. Je suis sauvé.

    Je retourne vers mon chum.

    – Elle t’a rapté⁸ mon gars ?

    – Ouais, le tcharaf⁹ dans ma caisse !

    – Prends du recul.

    – Re-cul que tu dis !

    – Zen ! Au fait, pour la philo, t’as le polype ?

    – Plein le cul.

    – Dans le sac, tu veux dire.

    – Lol.

    – N’empêche que le jour où tu prendras tes cours, t’auras plus besoin de chercher des copies.

    – Marre.

    – Calme, cool, t’as eu combien ?

    – Miracle, 15,25.

    – T’as trouvé où le 25 ?

    – Mes beaux yeux, espèce de nase.

    – Bon, et la meuf ?

    – Mes beaux yeux toujours.

    Avec tout ça, j’ai pas fermé l’œil de la nuit et va falloir le tenir ouvert toute la matinée. Si j’arrive en cours. J’ai trop de choses à dire encore, à graver sur mon mur comme un tag désespéré quand t’as faim. Et j’ai faim. J’sais pas de quoi, mais j’ai faim tout le temps. Mon ventre hurle un truc incompréhensible ; un chant étrange qui ressemble à l’avalement des eaux par le petit trou de l’évier. Glurpssss.

    On peut mettre d’autres S, vous savez ; ces petits sons qui glissent et font de la phrase une chanson inspirante. Aspirante ; en ce cas précis, c’est mieux.

    Je ne peux jamais finir mes phrases. Une idée me saute dessus, trop vite et le train stoppe. Une sirène hurle dans mes oreilles. Le flash de la petite fenêtre facebookinenne m’hypnotise encore quelques secondes et devant moi, les wagons s’empilent les uns sur les autres tandis que la sirène reprend de plus belle. La fenêtre clignote et puis se ferme. Arrêt total. Le calme revient ; les quelques fourmis qui passaient là s’évanouissent d’un coup et je troque ma chemise orange contre un sweat bleu. J’enfile mon jean à l’envers. En bas, au ras des muguets, le café fume et m’aspire dans ses volutes aériennes. Je suis presque léger. Enfin, pas vraiment car mon sac pèse un poids assez rude sur mon épaule et me plombe d’impressions redoutables, comme tous les matins.

    Quoique ; ça dépend des matins. Justement, celui-là précisément, j’ai du mal à quitter le mouvement. J’ai la photo de la fille collée sur le front. J’ai surtout une brûlante envie de la rejoindre dans son wagon. Je cherche longtemps, traînant mes Nike d’une banquette à l’autre ; rien, elle a dû rater le train. Peut-être même qu’elle dort profondément. Ou alors, son réveil n’a pas sonné. Ou encore elle ne l’a pas entendu. Je tergiverse. Je tergiverse tout le temps en ce moment.

    Si elle se trouve dans le train, je me demande où elle a bien pu se cacher. Je ne dois pas avoir les yeux en face des trous. Elle était peut-être à côté de moi et je n’ai pas tilté. Impossible, tout simplement pas possible. Dans le domaine de la vision, j’ai un œil de lynx. Donc, là, pas de doute, elle n’est pas dans le train. Même quand je suis à l’ouest, ma boussole s’active. Il suffit de savoir ce que l’on cherche pour finir par trouver. C’est juste une question de temps. Je suis un tatillon de seize ans un peu répétitif ; je n’hésite pas à harceler ma petite tête pour l’ouvrir au maximum. Donc, j’ai passé une bonne partie du voyage à essayer de la trouver – la bella bien sûr, et quand la cloche a sonné l’heure, c’était plus l’heure. J’irai chercher ailleurs, mais pour l’heure, c’est plus l’heure, déjà dit, déjà écrit, tagué ; j’ai tué mon Mac. Le temps est un foutu assassin d’heures.

    Je l’ai reconnue tout de suite. Pourtant, de là où je me trouvais, il n’était pas facile de la voir. Une foule dense et bruyante nous séparait, et sur les murs, des miroirs chargés de signes mouvants multipliaient les corps et les visages. Sous mes yeux, un nombre fini de créatures s’étalait en un nombre indéfini de propositions nouvelles comme dans le tube d’un kaléidoscope. Les têtes perdaient l’une après l’autre leur corps, qu’elles retrouvaient éparpillés un peu plus loin sur la glace. Je ne bougeai pas, attendant que le jeu se calme. J’étais assis à l’entrée du café, observant le manège enchanté où elle tournait sans me voir. Finalement, elle s’arrêta.

    Je voulus la rejoindre mais j’étais saoulé par tout ce raffut et j’eus un mal fou à me lever de ma chaise. Soudain, un doute freina mon élan ; et si ce n’était pas elle, car après tout, je n’étais sûr de rien, elle avait l’air de, mais était-elle bien « elle », la fille que je cherchais ? Celle à qui elle ressemblait, trait esquissé dans un carré d’écran, celle-là même que j’avais fixée durant la nuit, collé à un profil en deux mots hachés, n’était peut-être pas la bonne personne. Faut suivre !

    Je suis donc resté assis, comme un con, paralysé par ma gaucherie et mes doutes. Son visage ressemblait au portrait que

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