Tout autour de nous: Hymne au sport et aux valeurs humaines
Par Jacques Ickx, Jacky Ickx et Pascal Ickx
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À propos de ce livre électronique
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le quotidien belge Les Sports compte, parmi ses grandes plumes, un passionné de mécanique et de sports moteurs.
Jacques Ickx, journaliste freelance de ce journal très pointu, rédige, entre 1948 et 1951, un billet quasi quotidien consacré au sport et aux sportifs, mais aussi à d’autres sujets, sous un titre générique Tout autour de nous.
Né en 1910, Jacques Ickx collabore déjà au Bulletin de la Fédération Motocycliste de Belgique dès ses 18 ans. Il entre au journal Les Sports en 1933.
Coureur motocycliste à partir de 1934 pour les trois grandes marques belges et mondiales Gillet, FN et Saroléa, il fut le tout premier champion de Belgique senior de motocross, en 1939.
Pilote aviateur à ses heures et passé à l’automobile, il fut notamment vainqueur, en 1951, du Marathon de la route Liège-Rome-Liège, la plus dure des épreuves d’endurance automobile, avec son compatriote John Claes.
Sociétaire à part entière de la presse internationale, Jacques Ickx est triplement réputé pour sa conception humaniste du phénomène automobile, pour l’universalité des angles sous lesquels il l’approche et pour un style sans pareil qui lui valait d’être désigné en France comme le journaliste-écrivain. Ce cofondateur du Moniteur de l’Automobile fut l’un des cinq journalistes européens de l’automobile de l’après-guerre.
Passionné de la vie, il croyait avec Pierre Teilhard de Chardin à l’ascension de l’humanité et au devoir individuel d’y collaborer. Ses célèbres billets « Tout autour de nous », textes brefs rédigés entre 1948 et 1951, bourrés d’informations mais aussi riches d’aventures, d’exploits et de moments inattendus, dont le livre propose une sélection, restent, pour ces raisons, si vivants, si actuels, si intemporels.
L’analyse extraordinaire de la motivation des héros qu’il met en scène – parfois personnages discrets hors du commun –, et des défis auxquels ils ont fait face, permet au lecteur de leur donner une nouvelle vie à laquelle aucun d’eux sans doute n’aurait songé.
Plusieurs pages sont en outre consacrées à la famille de Jacques Ickx, son épouse, ses enfants, Pascal et Jacky, et à leurs exploits respectifs.
N'hésitez pas à faire un tour sur la page Facebook consacrée à l'ouvrage : facebook.com/JacquesIckx.Toutautourdenous
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
"La plume de Jacques Ickx : acérée, il y a près de trois quarts de siècle et pourtant encore tellement actuelle." - Thierry Wilmotte - Le Soir
"ll n'y a pas de petit journalisme. C'est ce que démontre ce recueil de billets." - Martin Boonen - L'Eventail
"De telles phrases font de cet album bien illustré un bouquin épatant." - The Brussels Magazine
À PROPOS DE L'AUTEUR
Jacques Ickx – Passionné de la vie, il croyait avec Pierre Teilhard de Chardin à l’ascension de l’humanité et au devoir individuel d’y collaborer. Ces célèbres billets « Tout autour de nous », textes brefs rédigés entre 1948 et 1951, bourrés d’informations mais aussi riches d’aventures, d’exploits et de moments inattendus, restent pour ces raisons si vivants, si actuels, si intemporels.
Il fut à la fois et successivement champion motocycliste, pilote automobile, auteur et journaliste. Il est le père de Pascal et Jacky Ickx.
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Aperçu du livre
Tout autour de nous - Jacques Ickx
Préface
Les billets « Tout autour de nous » de notre père ne nous ont jamais quittés. Ils analysent et condensent tant de situations et de sentiments humains, de l’audace à l’espoir, de la modération à la satisfaction, du courage à l’abnégation, qu’il ne se passe pas de jour où nous ne rencontrions des personnes ou des événements qui nous font penser à lui et à ses célèbres billets de l’époque.
Tous étaient écrits dans l’univers du sport et de la vie sportive, bel exemple pour la vie tout court. Et tous ont paru dans le journal Les Sports, source d’information inégalée de cette partie de notre vie.
Pour avoir été compétiteur lui-même et avoir été à ce titre constamment à la recherche des défis et des obstacles les plus redoutés à surmonter, notre père connaissait tous les mouvements de l’âme qui motivent le sportif, voire le champion, et les émotions qui pouvaient balayer son cœur.
C’est ce qui, sans doute, rend les billets « Tout autour de nous » si vivants, si actuels, si intemporels.
Les nombreuses figures que l’on y rencontre, célèbres ou anonymes, l’analyse de leur motivation et des défis auxquels ont fait face ces personnages, les événements historiques ou plus personnels qui y sont analysés de manière extraordinaire ont motivé, d’une manière croissante, Michel Vanderveken, ancien correspondant sportif de l’Agence France-Presse.
Dès lors, les nombreux héros de la saga des « Tout autour de nous » vont pouvoir mener, sous les yeux du lecteur, une nouvelle vie à laquelle aucun d’eux sans doute n’avait songé.
Désormais, Joseph Cugnot, Teddy Franchomme, Luc Varenne, mais aussi les événements marquants que sont le Tour de France et les Jeux olympiques, les indiscutable vedettes comme Géo Chavez et le franchissement des Alpes en avion, Gino Bartali, Marcel Cerdan et des centaines d'autres, héros ou personnages discrets hors du commun, pourront revivre sous nos yeux, voire dans notre cœur.
Nous voulons vous faire partager ce patrimoine que nous a laissé Jacques Ickx en vous souhaitant une agréable lecture de ces textes brefs, non seulement bourrés d’informations mais aussi riches d’aventures, d’exploits et de moments inattendus.
Pascal et Jacky Ickx
Jacques Ickx de A à Z
Né le 22 février 1910 à Courtrai (Kortrijk) au sein d’une famille de la bourgeoisie, Jacques Ickx est le benjamin d’un foyer de huit enfants. Entré dès l’âge de 15 ans à l’Université catholique de Louvain (Leuven) pour y poursuivre des études d’ingénieur pendant lesquelles il assure le reportage annuel du Salon de l’Automobile pour La Gazette, il débute en 1933 au journal Les Sports. Ce quotidien avait la particularité d’être imprimé sur papier de couleur rose, comme son alter ego italien La Gazzetta dello Sport, choisi afin de se démarquer sur les présentoirs des vendeurs. Jacques Ickx deviendra l’un des cinq journalistes européens de l’automobile de l’après-guerre. « Le journaliste automobile le plus influent, non seulement en Belgique mais probablement en Europe, à la fois apprécié et craint des plus grands constructeurs d’automobiles », écrira son confrère et ami Paul Frère.
Coureur motocycliste professionnel dès 1934 pour la firme Gillet, il sera en même temps et par la suite pilote d’usine au sein de la Fabrique nationale d’armes de guerre (la FN), en 1935 et 1936, puis pour Saroléa, la doyenne des marques belges, de 1937 à 1939.
Il deviendra aussi le premier champion de Belgique de motocross, une discipline dont il est l’un des pionniers en Belgique et le principal propagandiste. « C’est encore lui qui, à l’occasion d’un séjour en Angleterre, découvrit le trial, qu’il lança en Belgique avec une poignée d’amis, dont notamment le regretté Pierre van Maldeghem, tombé pendant la guerre, et Albert Moorkens, auquel il était lié par une amitié qui, jusqu’à la fin, résista à toutes les tempêtes qui ponctuèrent la carrière de Jacques*. »
Devant la tribune presse au circuit de Francorchamps.
« Le père de Jacky, tel que le connaissaient les jeunes générations, eût été un brillant journaliste dans n’importe quel domaine. Sa réussite prodigieuse qui connut son apogée au cours des années 50 prouve à quel point et avec quelle rapidité il sut assimiler les problèmes de l’automobile, qu’ils fussent techniques, économiques ou commerciaux. Son jugement, dans lequel entrait une bonne part d’intuition, fit de lui une des personnalités les plus écoutées des grands de l’automobile. Gian-Battista Pinin Farina ** l’invita notamment à l’accompagner dans un voyage d’affaires et d’études aux États-Unis et au Japon, dont il fit des reportages remarquables.* »
*In Pourquoi Pas? du 25 mai 1978, n° 3104.
**Giovanni-Battista Farina, souvent appelé Gian-Battista, puis Pinin. Le jeune artiste piémontais en fit une marque de son surnom avec son nom de famille : Pininfarina.
Jacques Ickx fut aussi pilote aviateur, lui qui avait souhaité s’engager par le passé dans l’aviation militaire. « Il avait la passion du journalisme et la passion de tout ce qui se passait dans les coulisses de l’automobile mais le virus du sport continuait à le hanter. Il l’aimait, s’y intéressait et aurait aimé en être un des acteurs. Mais il dut se rendre à l’évidence que, venu relativement tard à la voiture, il ne pourrait pas réitérer dans ce domaine les succès qu’il avait acquis sur deux roues*. »
Au volant d’une Jaguar XK 120, il remporta pourtant Liège-Rome-Liège, la plus dure des épreuves d’endurance automobile, avec son valeureux compatriote John Claes, en 1951. Cette victoire, acquise de surcroît sans le moindre point de pénalisation, leur valut de se voir décerner la même année le Trophée national du Mérite sportif. « Un marathon
dont Jacques Ickx fit, une fois encore, des reportages qui mériteraient d’être relus aujourd’hui.
Mais c’est surtout comme conseiller qu’il laissa son empreinte dans le sport automobile: conseiller de Maurice Garot, secrétaire général du Royal Motor Union de Liège, dans l’organisation de Liège-Rome-Liège, puis de Liège-Sofia-Liège et du Marathon de la route sur le Nürburgring; conseiller aussi de Léon Sven dans l’établissement des fameux Grands Prix des voitures de série de 1952 et 1953 pour lesquels les voitures participantes étaient sélectionnées par huissier sur la chaîne de montage ou dans un magasin d’exportation.
Et s’il n’eut pas la satisfaction de s’illustrer lui-même au volant d’une voiture, il l’eut par le truchement de ses deux fils : Pascal qui, après avoir piloté un avion de tourisme à l’âge de 13 ans, remporta entre autres les 24 Heures de Francorchamps de 1965 avec Gérald Langlois van Ophem et Jacky dont nous connaissons tous la brillante carrière qui le porta au sommet du sport de compétition*. »
Professionnel exemplaire, doté d’une grande capacité de travail au vu de ses abondantes collaborations à des journaux et des revues belges et internationales, Jacques Ickx, conscient que l’écriture ne s’improvise pas et qu’elle obéit à des règles, trouvait son bonheur en écrivant inlassablement des centaines de papiers formidablement ciselés et truffés de maints détails sur les sujets les plus divers. Il était bien épaulé par son épouse, Mariette, qui s’est révélée une remarquable et fidèle collaboratrice.
Sorte de brève chronique apparue à la fin du XIXe siècle, le « billet » constitue à chaque fois un exercice de style.
Son intitulé, donné par le quotidien, renvoie soit à son rythme de production soit surtout au rôle prépondérant du rédacteur, à son opinion.
Cet aspect subjectif est renforcé par l’emploi du caractère italique.
Le billet représente aussi un genre humoristique ou moral par sa conclusion, souvent les deux.
Avant-propos
Quel regret! Je n’ai pas connu Jacques Ickx senior. Des quelques personnes que j’ai questionnées, j’ai reçu pour toute réponse les remarques suivantes : « Il n’hésitait pas un seul instant à tremper sa plume dans le vitriol! » ou encore « Il avait des idées bien arrêtées! »… Bref, à la suite de ces considérations, j’ai préféré arrêter là mes investigations.
Je connaissais des bribes de son passé : il avait été un sportif accompli.
Le jour où Pascal Ickx me montra une série de billets de son père, j’ai entrepris des recherches jusqu’à me transformer en rat fureteur à la Bibliothèque royale de Belgique, digne conservatrice d’un riche héritage culturel, désormais dénommée KBR (Koninklijke Bibliotheek Bibliothèque royale).
Le présent recueil compte 106 billets « Tout autour de nous », sélectionnés sur pas moins de 265 rédigés entre 1948 et l’entame de l’année 1951* dans le quotidien Les Sports, soit au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. À l’époque, la télévision effectuait ses premiers balbutiements et la radio, elle, ne suffisait à personne. Les gens achetaient les journaux.
Comme le papier était encore contingenté, il fallait faire court, mais il n’était pas interdit, au risque de déranger, de faire original. Sans originalité, il n’y a pas de vrai talent. C’est ce que nous démontre Jacques Ickx tout au long de ses billets d’humeur. En plus de se montrer brillant chroniqueur, il était aussi journaliste de terrain et chassait l’information. Comme jadis Albert Londres, Jacques Ickx porte la plume dans la plaie. Il prend le risque d’irriter.
Les billets de ce recueil prouvent que Jacques Ickx avait le sens de l’information. Avec une clarté absolue, il écrivait très simplement et excellait dans l’art de mettre en scène les sportifs comme les non-sportifs. Il leur donnait vie, puis les laissait s’exprimer.
Reproduction à la taille réelle.
À cette époque, le papier était encore contingenté, les photos rares et les caractères typographiques volontairement petits.
Au terme du billet, il reprenait la situation en main et réservait au lecteur sa réflexion finale. Il avait une grande acuité de regard et d’esprit. Connaisseur de la valeur des choses et des mots, il faisait mouche avec une ou deux phrases. On sent qu’il écrit exactement ce qu’il a envie d’écrire. C’est assez rare.
Je ne peux que reprendre les termes dans lesquels il présentait les deux volumes du livre Ainsi naquit l’automobile dont il est l’auteur et qui, bien que discuté par certains et malheureusement quasi épuisé, fait toujours autorité : « Sociétaire à part entière de la presse internationale, il est triplement réputé pour sa conception humaniste du phénomène automobile, pour l’universalité des angles sous lesquels il l’approche et pour un style sans pareil qui lui vaut d’être désigné à Paris comme le journaliste-écrivain. Il aime passionnément la vie et croit avec Pierre Teilhard de Chardin à l’ascension de l’humanité et au devoir individuel d’y collaborer**. »
On ne saurait mieux dire combien Jacques Ickx mérite la confiance du lecteur. C’est un Journaliste rare, on me permettra de l’écrire avec une majuscule. Il agit en sage, comme une mémoire collective. Il est devenu une source d’inspiration.
Il mériterait d’être donné en exemple dans les écoles de journalisme. Il serait même souhaitable de consacrer une thèse à son travail, à son œuvre.
Outre son œuvre, Jacques Ickx nous a laissé deux fils, Pascal et Jacky.
Michel Vanderveken
*L’essentiel des billets « Tout autour de nous » a été écrit en 1948 et 1949. Jacques Ickx a signé un seul billet au tout début de l'année 1950, puis deux autres billets dans le courant du mois de janvier 1951.
**Éditions Edita, Lausanne, 1961.
Cet ouvrage auquel, pendant quatre ans, il a consacré tout son temps libre, démontre que l’histoire admise est inexacte à 80%.
Il l’a complétée par plus de 300 faits inédits, de l’Europe entière. Ledit ouvrage l’a fait honnir dans le monde entier, sauf en Angleterre où il reçut, l’année suivante, le Pemberton Trophy***.
***Le Pemberton Trophy lui a été décerné par la Guild of Motoring Writers « pour avoir donné à chacun de ceux qui ont participé à l’histoire de la gestation de l’automobile la juste part qu’il mérite ».
Histoire des routes belges
Léopold Génicot, professeur à l’Université catholique de Louvain, nous la trace dans une plaquette remarquablement documentée, dans le cadre de la Collection nationale.
À y lire son résumé de la situation au début du XVIIIe siècle : « Ce bref tableau dit assez l’indigence lamentable de notre réseau routier à ce moment et l’indifférence des pouvoirs publics à l’égard des travaux publics », on pourrait croire au caractère éternel de cette carence…
Mais ce n’est pas exact. Les Pays-Bas étaient alors sous le régime espagnol, dominateur lointain, et l’État moderne s’annonçait à peine.
Sitôt que cette évolution s’étendit jusqu’à nous, tous les gouvernements étrangers aux mains desquels nous sommes tombés, français, autrichien et même hollandais, ont poursuivi une politique heureuse de développement routier.
Une politique intéressée, sans doute, mais dont nous avons profité et qui indiquait une conception juste du problème: sans de bonnes routes sillonnant le pays, une économie nationale n’est même pas concevable.
Plus que tout autre, le jeune royaume de Belgique, dont les premiers gouvernants montrèrent tant d’à-propos, allait se créer un réseau routier. De 1837 à 1853, le kilométrage des grandes routes passe de 3.900 à 6.900 km, et l’on pave ou empierre, au surplus, 6.000 km de chemins vicinaux.
Mais l’œuvre s’arrête brusquement. Et rien n’est plus logique: le chemin de fer qui atteint sa phase de développement pratique révolutionne le domaine du transport. Jusqu’en 1885, il n’y en aura que pour lui…
De 1885 à 1900, les chemins de fer vicinaux étendent son action plus loin.
Dans ce monde en perpétuelle gestation, une révolution en chasse une autre. Avec l’an 1900 apparaît la révolution du moteur. Et avec lui, la route désertée revient à l’ordre du jour. En 25 ans, de 1908 à 1933, le trafic routier – évalué en tonnage – voit son importance multipliée par cinq.
Il n’y a pas à en chercher la raison : le moteur en est seul responsable, car il couvre 90 pour cent du trafic de 1933 contre 6 pour cent de celui de 1908.
Mais le moteur a ses exigences. C’est toute une adaptation du réseau routier qui s’impose. La Belgique, pays progressiste, va-t-elle se laisser distancer par les autres ?
Il y a trente ans, un Belge se penchant sur son histoire n’eût pas douté du contraire. Mais celui d’aujourd’hui doit bien constater, non sans amertume, que les leçons du passé ont été perdues.
Benoîte
Rien qu’un prénom… Mais de le voir imprimé, plus d’un lecteur sans doute ressentira un petit choc. Oui, il s’agit bien de la même Benoîte.
Celle qui, chaque soir, durant une brève absence de la sentinelle, répétait à haute voix le communiqué de Londres sous les fenêtres des cellules de Forest. Celle qui évacuait les messages qu’on lui jetait dans quelque boîte de conserve et venait lire les réponses qu’elle avait pu obtenir.
Prisonnière politique transférée à l’infirmerie, elle risquait tout à ce jeu. La supérieure des religieuses qui l’aidait ne risquait pas moins d’ailleurs. Mais Benoîte prenait sur elle la partie sportive – si l’on peut dire – du programme.
Il y avait du sport dans ces coups d’audace quotidiens, car pour tirer parti des brèves occasions qui s’offraient et accomplir un travail effectif, il fallait la tête froide, le jugement éclair, la volonté plus forte que le réflexe humain, la précision qui, dans le sport, font les championnes.
Parfois, le caractère sportif s’accentuait encore.
Une boîte d’allumettes contenant un message tomba un jour en deçà du réseau barbelé qui faisait un no man’s land autour de la prison. Une vieille religieuse aidée d’une servante chercha à la récupérer en attachant un râteau au bout d’une tête-de-loup.
Le râteau à son tour resta derrière les fils.
« Il faut aller chercher Benoîte! » Conclusion toute logique en ce lieu.
La jeune femme accourut, escalada la clôture barbelée haute de deux mètres, sauta de l’autre côté, recommença son escalade et son saut… La situation était sauvée.
Vous, sportifs, si vous en avez l’occasion, essayez d’en faire autant, en toute tranquillité et en prenant bien votre temps. Vous direz alors si Benoîte n’était pas une sportive. Et pour elle les secondes comptaient et plusieurs vies, à commencer par la sienne, dépendaient de sa réussite…
Par Benoîte, plusieurs centaines d’isolés gardaient le contact avec la vie et entretenaient un optimisme rayonnant.
Après la guerre, disait-on dans les cellules, ceux d’ici offriront à Benoîte une boîte de conserve en or…
Mais beaucoup d’entre eux ne comptent plus au nombre des vivants. Les autres ont enfermé ce passé derrière un mur de silence. Benoîte ellemême vit dans une retraite endeuillée.
Elle n’aura jamais sa boîte de conserve en or. Mais des pensées – en or aussi – continuent à monter vers elle chaque fois qu’un de ces hommes se souvient.
Benoîte… un simple prénom. Une vraie Belge. Une vraie sportive aussi.
Dans le même panier
Je connais un monsieur qui débarquait en Belgique, il y a vingt-cinq ans, avec une connaissance imparfaite du français, neuf cent trente-cinq francs dans sa poche et une seule valise contenant tous ses biens. Les trois quarts étaient des livres.
Il était riche encore d’une ferme intention de réussir…
Il a atteint son but, car il est aujourd’hui ce qu’on appelle un homme arrivé. Il est arrivé en technicien de la réussite, en homme qui a étudié et exercé cette efficience chère aux peuples anglosaxons.
S’il lui arrive de se pencher sur son passé, ce n’est pas pour vous ennuyer du récit de son dur périple, mais simplement pour vous communiquer la leçon que lui a apportée la vie.
Cherchant le secret de la réussite, il a étudié les biographies de toutes les célébrités en la matière pour en découvrir les points communs.
Il n’en a trouvé qu’un seul, qu’il s’autorise depuis à considérer comme essentiel : toutes ces personnes, à l’un ou l’autre moment de leur vie, ont mis tous leurs œufs dans le même panier.
Sans