Roger Gicquel: Le parcours de ma vie
Par Roger Gicquel
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À propos de ce livre électronique
Amoureux de sa ville (Saint-Germain-en-Laye), Roger Gicquel crée une nouvelle course, la foulée royale, qui perdure dans le temps. En 2022, la ville inaugure pour les prochains Jeux olympiques sa nouvelle piste d'athlétisme et lui donne son nom.
Roger Gicquel
Roger Gicquel est un saint-germanois qui aime sa ville. Grand sportif, il créa la foulée royale, entraina de nombreux sportifs.
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Aperçu du livre
Roger Gicquel - Roger Gicquel
à mon épouse, Monique,
à mes enfants, Pascal et Isabelle,
à mes petites-filles, Magali, Coraline et Amandine,
à mes arrière-petits-enfants, Mahël, Loris, Marceau,
Eliott, Cléa et Aleyna,
pour tout l’amour et le bonheur qu’ils m’ont donné.
SOMMAIRE
LE PARCOURS DE MA VIE
PREFACE
ENFANCE A CHAMBOURCY
ENFANCE A SAINT-GERMAIN-EN-LAYE
SEPTEMBRE 1939 : LA GUERRE
ÉVACUATION EN NORMANDIE
RETOUR À SAINT-GERMAIN
LA LIBÉRATION
MON PREMIER EMPLOI AUX P.T.T.
LE RETOUR DE MES FRÈRES
MES DÉBUTS EN COMPÉTITION D’ATHLÉTISME
PREMIÈRES VICTOIRES
AIR FRANCE
L’ACCIDENT
RENCONTRE AVEC MONIQUE
DISPARITION DE MON PÈRE
MARIAGE
LA RÉSURRECTION
L’ENTRAÎNEMENT
NAISSANCE DE MES ENFANTS
STAGES D’ENTRAÎNEUR À L’INSTITUT
NATIONAL DES SPORTS
LA FLAMME OLYMPIQUE
DÉBUT DE MON FILS PASCAL
EN ATHLÉTISME
MES JEUNES ATHLÈTES
LES OPPOSITIONS ET LES DIFFICULTÉS
LA GRÈVE DE LA MUTUELLE GÉNÉRALE
DES P.T.T.
LE RETOUR EN FORME
LES RUGBYMEN
LE PARIS-MANTES À LA MARCHE
LA DISPARITION DE MARCELLIN
LES JEUX OLYMPIQUES DE MUNICH
LES PLUS DOUÉS
LES VÉTÉRANS
DISPARITION DE MA MÈRE
LA FOULÉE ROYALE 6 JUIN 1982
BERLIN 1978
RELAIS DE FRATERNITÉ ENTRE LES
VILLES DE SAINT-GERMAIN ET
D’ASCHAFFENBURG
LA RANDONNÉE
CE QUE L’ON EST CONTRIBUE PLUS
AU BONHEUR QUE CE QUE L’ON A
LA DISPARITION D’ÊTRES CHERS
LE POINT
POUR LA VIE....
ÉPILOGUE
20 ANS APRES…
Le parcours de ma vie
Il est des êtres qu’on rencontre avec plaisir, dont on garde un bon souvenir. D’autres, beaucoup plus rares, vous laissent une trace indélébile, parce que leur rapport à la vie est unique, parce qu’il faudrait les inventer s’ils n’existaient pas. Il en est ainsi de Roger Gicquel. « Je n’aime pas les gens graves, ils ne sont pas sérieux », disait le philosophe Alain. La réciproque est vraie. J’ai eu la chance de côtoyer Roger plusieurs années. Je ne suis pas sûr d’avoir jamais rencontré chez quelqu’un d’autre un tel mélange de gaieté et de générosité. Avec la même ferveur, il entraînait des athlètes doués et d’autres, d’un niveau modeste, dont je faisais partie.
Le Roger que j’ai rencontré au début des années 70 avait fière allure. Sportivement, il nous épatait avec ses cinquante-sept secondes aux quatre cents mètres, à plus de quarante ans. J’ai revu Roger récemment. Il a gardé la même classe, ce type d’élégance qui séduit particulièrement quand elle émane d’un homme né dans un milieu modeste ; on comprend alors qu’il s’agit d’une prestance morale, que le corps et le regard ne font que refléter. J’ai lu avec beaucoup d’émotion ce parcours d’une vie qui fut loin d’être facile, mais que la passion, le désintéressement et le désir de servir ont toujours illuminée. Je me rends compte en écrivant ces lignes que les noms propres ne pèsent pas tous du même poids. Celui que j’ai utilisé ici est chargé à jamais pour moi d’un mélange tout particulier d’estime et d’affection.
Merci, Roger.
Philippe Delerm
Préface
Il est souvent plus facile de se confier à une feuille de papier pour raconter ce que nous ressentons que de s’exprimer de vive voix.
En écrivant librement mes pensées et mes souvenirs, est-ce que j’éprouve le besoin de laisser aller mon cœur ou bien, tout simplement, est-ce pour que mes enfants et petits-enfants sachent comment je suis arrivé à m’élever dans la vie grâce, en partie, au sport ?
Le sport a été pour moi une source d’immense richesse où, bien souvent, je suis allé puiser de l’énergie et des forces nouvelles.
Peu importe ce qui me pousse à écrire, le principal est de partager mon expérience avec ma famille et mes amis, en résumant les principaux événements de mon existence, tels que je les ai vécus et ressentis, et qui ont fait de moi ce que je suis devenu.
L’authenticité de mon récit permettra peut-être d’instruire mes petitesfilles. Ainsi, elles sauront qui je suis et ce que j’ai fait. Elles sauront également qu’au cours d’une vie il y a non seulement du positif et du négatif, mais aussi un enseignement à tirer.
Dans les lignes qui vont suivre, je n’ai nullement l’intention de faire de la littérature. Je veux seulement dire que c’est à grands coups d’efforts et de souffrances, mais aussi d’événements heureux, que je suis arrivé à acquérir une certaine philosophie.
C’est pour cette raison que je tiens à dire à ceux qui, à un moment de leur vie, rencontrent la maladie, la solitude ou le désespoir que notre existence est faite aussi de passion, d’enthousiasme et de joie. Les souvenirs que je vais résumer constituent pour moi un héritage précieux que je veux absolument préserver, car ils sont le résultat de toute une vie de sportif. Avec les années ces souvenirs se sont accumulés et je peux, maintenant, les recueillir en abondance. Cependant, je me demande comment je vais m’organiser pour construire ce récit et rassembler toutes ces idées qui me viennent en grand nombre.
Cette étrange impression, je l’ai souvent ressentie au départ d’un marathon ; la distance m’inquiétait, j’avais peur de ne pas tenir la longueur. Puis, foulée après foulée, kilomètre après kilomètre, je finissais par atteindre le but.
Eh bien, ces mémoires, je vais les écrire ainsi : mot après mot, phrase après phrase. C’est peut-être le moyen de savoir jusqu’où je tiendrai.
Je vous invite donc à prendre le départ avec moi, car je suis persuadé que vous me suivrez jusqu’au bout. Le voyage en vaut la peine, il vous permettra de connaître comment j’ai trouvé un véritable sens à ma vie.
Vous constaterez alors qu’avec des pensées et des actes on peut construire une vie, et qu’il est terriblement bon de se sentir utile.
ENFANCE à CHAMBOURCY
Je suis né le 14 octobre 1931 à Chambourcy, petit village dans les Yvelines (anciennement Seine-et-Oise).
Au fil des années, j’ai vu mon village natal se transformer. Pour moi, il évoque toute mon enfance perdue et l’étranger qui arrive dans Chambourcy est loin de se douter que ce village a connu autrefois une activité intense.
Le village était surtout célèbre par la culture de ses choux-fleurs : les plus beaux de France.
Chambourcy était aussi réputé pour la récolte des poires et des framboises. Chaque soir, des tonnes de fruits et de légumes étaient acheminées vers les Halles de Paris, par le petit train ou par de nombreux tombereaux tirés par des chevaux.
Pour effectuer les travaux des champs, il fallait beaucoup de main-d’œuvre. C’est ainsi que mon père avait quitté sa Bretagne à l’âge de 17 ans pour venir à Chambourcy comme journalier.
Durant la guerre de 14-18, il épousa ma mère et ils eurent cinq enfants : quatre garçons et une fille. J’étais le quatrième des garçons, ma sœur étant la plus jeune.
Cinq enfants à élever, cela n’était pas toujours facile pour mes parents. Mes frères aînés manquaient quelquefois l’école pour effectuer de petits travaux aux champs : sarcler, biner la terre ou bien cueillir les fruits.
À cette époque bien des parents pensaient que l’instruction n’était pas importante pour travailler.
Mon frère Marcellin avait souvent la charge de me garder. Non seulement il me servait de nourrice, mais il était pour moi le grand frère-gâteau qui cédait à tous mes caprices.
J’adorais ce frère qui m’emmenait faire de grandes virées dans la charrette qu’il s’était confectionnée avec quelques planches et deux roues de vélo. Cette charrette nous servait pour aller chercher à Saint-Germain les journaux et quelques commissions pour les gens du village, ce qui nous permettait de gagner un peu d’argent pour la famille. Nous descendions le chemin neuf à toute vitesse et j’en éprouvais un grand plaisir jusqu’au jour où la charrette a basculé dans le fossé.
Heureusement je m’en suis sorti indemne. Une autre fois, il avait failli me noyer dans l’abreuvoir de la rue Chaude en me fabriquant un bateau avec une caisse en bois qui avait rapidement coulé.
Ma mère connaissait l’intrépidité de Marcellin et elle me donnait à garder le plus souvent possible, aux religieuses de Chambourcy. Les deux sœurs apprenaient non seulement les prières aux enfants, mais elles avaient aussi d’autres activités dans le village : piqûres et soins pour les malades.
Je devais avoir environ cinq ans lorsque le peintre André Derain est venu habiter près de chez nous, à La Roseraie.
Il m’appelait « Gégé » et quelquefois il me prenait par la main pour m’emmener dans son atelier. Je savais que la boîte de bonbons se trouvait dans un grand tiroir, parmi les tubes de peinture multicolores et les nombreux pinceaux. Je me souviens aussi d’un autre personnage que j’aimais bien : Francis, le bedeau du village. Lorsque je le voyais passer, je savais que c’était l’heure de l’Angelus et que cela signifiait le retour des champs de mes parents. J’aimais sonner les cloches de l’église avec Francis, car en prenant la corde trop haut, j’étais soulevé de terre et cela était mon jeu préféré.
Dans le village, tout le monde se connaissait, nous n’étions que quelques centaines d’habitants. Parmi eux certains avaient des surnoms : Papoute, la Mouillette, le cul de panier ou bien la science. Quant à ma famille, on nous appelait « La bigusse ». Je n’ai jamais su ce que cela voulait dire.
L’été, le soir, les gens sortaient des chaises et papotaient sur le bord de leurs portes. Les notables étaient facilement reconnaissables à leurs tenues élégantes. Quant aux paysans, ils portaient leur éternelle casquette, ainsi qu’une flanelle enroulée autour des reins. Beaucoup d’entre eux fumaient, roulant leurs cigarettes qu’ils laissaient ensuite se consumer au coin des lèvres. D’autres prisaient ou chiquaient ; mon père avait appris à chiquer dans les tranchées durant la guerre 14-18. De temps en temps il expulsait un jus noir qui répugnait ma mère. Quant aux femmes, elles étaient coiffées d’un foulard, appelé fanchon, et elles travaillaient comme les hommes.
Les jours de fête, on s’endimanchait, et les hommes se retrouvaient dans les six cafés du village. Ils jouaient au billard ou à la belote jusqu’à des heures tardives, car il arrivait souvent que les femmes soient obligées d’aller chercher leurs hommes dans les cafés.
Lorsque la fête foraine venait à Chambourcy, ou qu’un événement avait lieu, le garde champêtre diffusait l’information en battant du tambour.
À la fête du village était dressé un mât de cocagne sur la place de l’église ; enduit de graisse ou de savon noir, il n’était pas facile de décrocher le jambon ou les objets suspendus. Mes frères participaient à la course en sac, une épreuve qui amusait tout le monde.
Le jour du Mardi gras, j’avais une grande frayeur des masques et du mannequin que l’on brûlait sur la place du village.
La semaine pascale mes frères, enfants de chœur, allaient de ferme en ferme avec les enfants du catéchisme pour distribuer de l’eau bénite. Munis de criquets et de crécelles, ils se rendaient à la ferme de Retz pour recevoir quelques œufs. L’eau bénite épuisée, ils allaient remplir leurs bidons dans le Ru de Buzot ! Chaque année, les conscrits fêtaient leur Conseil de révision. Parés de rubans multicolores, ils allaient de maison en maison et on leur offrait à boire ou on leur donnait quelque monnaie. Bien souvent, hélas, la fête se terminait en beuverie !
De cette époque je me souviens aussi des fêtes organisées dans les belles propriétés de Chambourcy. Le Manoir de Georges Thill, le chanteur d’Opéra, était très animé. Les fiacres arrivaient de Saint-Germain transportant des personnalités. Je montais alors sur les murs du parc pour admirer les belles toilettes.
De ma petite enfance, je garde peu de souvenirs des loisirs passés avec ma mère. Le peu de temps passé avec nous était pour se promener au Désert de Retz, un lieu magique et mystérieux qu’elle aimait beaucoup. Souvent, elle nous parlait de la famille Passy qui l’autorisait à traverser leur propriété dans les années 1910, une époque où mon grand-père travaillait en forêt de Marly. Elle apportait à son père le panier-repas sur son lieu de travail et la gentillesse des Passy lui évitait un grand détour.
Chambourcy était, autrefois, un village très animé. Les femmes allaient chercher l’eau aux pompes ; c’était un endroit idéal pour se rencontrer et papoter. Elles se rencontraient également dans les lavoirs de la rue Chaude. Transportant leur linge dans des brouettes, elles le lavaient dans l’eau de source qui alimentait le lavoir. Je me souviens de ces femmes à genoux dans leur baquet, rinçant leur linge à coups de battoir. Elles allaient ensuite l’étaler dans le « perché » qui se trouvait derrière la mairie. Toute la nuit le linge restait là à sécher sans que personne ne cherche à le dérober.
C’était le midi ou le soir qu’il y avait le plus d’animation dans notre village. Souvent, des colporteurs et des marchands de linge de maison passaient. Je garde le souvenir d’une charrette bâchée, tirée par un cheval ; à l’intérieur un véritable trésor et des jouets pour les enfants. Je revois la voiturette du rémouleur poussant sa petite voiture en criant : « couteaux, ciseaux ». Il y avait aussi le chiffonnier qui collectait le vieux fer. Les rempailleurs de chaises, bien souvent des gitans, me faisaient peur, car ils avaient la réputation d’enlever les enfants… Je redoutais aussi le marchand de peaux de lapin qui