Ken Wilber - Une Théorie de Tout
Ken Wilber - Une Théorie de Tout
.....
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....
UNE THEORIE
DE TOUT
KENWILBER
UNE THEORIE
DE TOUT
UNE VISION INTGRALE POUR LES AFFAIRES,
LA POLITIQ!)E, LA SCIENCE ET LA SPIRITUALIT
TRADUIT DE L'ANGlAIS PAR KEVIN DANCELME
SOMMAIRE
principes volutionnistes donnaient des explications du comportement humain beaucoup plus intressantes et convaincantes que la
position postmoderne classique selon laquelle tout comportement
est relatif et socialement construit. La psychologie volutionniste
montra clairement qu'il y avait bien des traits universels la
condition humaine, que l'volution ne pouvait tre nie qu'en
acceptant des incohrences et que, surtout, le post-modernisme
n'tait tout simplement plus trs intressant.
La psychologie volutionniste est en fait une branche d'une
approche radicalement nouvelle de l'volution elle-mme. La
synthse prcdente du no-darwinisme voyait l'volution comme
le rsultat de mutations gntiques alatoires, dont les plus favorables (en termes de valeur pour la survie) taient perptues
grce la slection naturelle. Cette thorie suscita ds le dbut
chez de nombreuses personnes un profond malaise : comment
toute l'extraordinaire vitalit et diversit de la vie pouvait-elle
natre d'un univers suppos n'tre gouvern que par les lois de
la physique, des lois qui affirment sans ambages que l'univers
s'puise? La seconde loi de la thermodynamique nous dit que dans
le monde rel, le dsordre ne peut que crotre. Et pourtant, une
simple observation nous rvle que dans le monde rel, partout
la vie engendre de l'ordre :l'univers, loin de s'puiser, chaque
instant se ralise.
Cette perspective radicalement nouvelle propose par les thories
du chaos et de la complexit nonce que l'univers physique
a en fait une tendance inhrente crer de l'ordre, l'image de
l'eau s'coulant chaotiquement dans le siphon d'un lavabo, pour
tout d'un coup former une belle spirale tourbillonnante. La vie biologique elle-mme est une srie de tourbillons qui crent chaque
instant de l'ordre partir du chaos, et ces structures nouvelles et
suprieurement ordonnes sont perptues par diffrents processus
de slection oprant tous les niveaux, du physique au culturel.
Dans le domaine de l'humain, cela se manifeste prcisment dans
les comportements tudis par la psychologie volutionniste : un
sujet brlant, s'il en est.
ll
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La nouvelle physique, nous dit-on, nous donne accs l'intelligence de Dieu. Peut-tre, mais alors seulement lorsque Dieu songe
un tas de sable. Sans aucunement chercher nier l'importance
d'une physique unifie, il nous faut aussi nous poser ces questions:
pouvons-nous avoir une thorie, non seulement du cosmos, mais
du Kosmos? Peut-on envisager une vritable Thorie de Tout?
Est-ce seulement raisonnable de se poser la question? Et par o
commencer?
Une vision intgrale , une authentique Thorie de Tout, tente
d'inclure la matire, le corps, le mental, l'me et l'Esprit tels qu'ils
se manifestent dans l'individu, la culture et la nature. C'est une
vision qui se veut exhaustive, quilibre et inclusive. Une thorie
qui, par consquent, embrasse la science, l'art et la morale ; qui
inclut quitablement aussi bien la physique que la spiritualit, la
biologie que l'esthtique, la sociologie que la prire contemplative;
qui se manifeste travers une politique intgrale, une mdecine
intgrale, un commerce intgraL une spiritualit intgrale ...
Ce livre est une brve prsentation de cette Thorie de Tout.
Bien sr, une telle entreprise, comme toute tentative de la sorte,
brillera par ses limitations et ses checs. Elle portera la marque de
ses insuffisances et de ses gnralisations non justifies, rendra
les spcialistes fous, et chouera globalement dans son objectif
annonc d'atteindre une comprhension holistique. Ce n'est pas
simplement qu'aucun cerveau humain n'est la hauteur de la
tche; la tche elle-mme est intrinsquement impossible :l'expansion de la connaissance est plus rapide que celle des moyens
de la classifier. La qute holistique est un rve inatteignable, un
horizon qui s'loigne mesure qu'on s'en approche, le pot d'or
au pied de l'arc-en-ciel jamais atteint.
Alors pourquoi tenter l'impossible ? Parce que je crois qu'une
compltude, mme partielle, vaut mieux que pas de compltude
du tout, et une vision intgrale offre considrablement plus de
compltude que les alternatives fragmentes. Nous pouvons tre
plus ou moins complets ; plus ou moins fragments ; plus ou
moins alins - une vision intgrale nous invite tre un petit
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peu plus entier, et moins fragment, dans notre travail, notre vie,
notre destine.
Certains bnfices sont immdiats, comme vous le verrez dans
les pages qui suivent. Les quatre premiers chapitres prsentent
une Thorie de Tout. Les trois suivants dtaillent ses applications
et sa pertinence dans le vrai monde .Nous y examinerons la
politique intgrale, le commerce intgral, l'ducation intgrale,
la mdecine intgrale, et la spiritualit intgrale, travers leurs
nombreuses applications enthousiastes dj existantes. Le dernier chapitre traite d'une pratique transformative intgrale ,
c'est--dire les moyens grce auxquels une approche intgrale
peut tre utilise comme outil de transformation psychologique
et spirituelle, si on le dsire.
(Les notes en fin d'ouvrage sont l'usage des tudiants avancs
ou pour une seconde lecture. Dans le dernier chapitre, je propose
une liste d'ouvrages pour ceux qui souhaitent approfondir l'tude
de la vision intgrale et de la Thorie de Tout.)
Surtout, prenez les ides proposes dans ce livre comme de
simples suggestions. Voyez si elles vous semblent pertinentes, si
vous pouvez les amliorer, et plus que tout, si elles vous aident
formuler vos propres ides et aspirations intgrales. Un de mes
enseignants dfinissait une bonne thorie comme << celle qui dure
assez longtemps pour nous mener une thorie meilleure .La
mme chose est vraie de toute bonne Thorie de Tout. Ce n'est pas
un systme fig et dfinitif, mais simplement une thorie qui aura
rempli son objectif si elle nous aide en trouver une meilleure.
Et entre-temps, il y a l'merveillement et la gloire de la recherche
elle-mme, baigne, ds le dbut, de la radiance de l'existence, et
toujours dj entire avant mme de commencer.
K. W.
Boulder, Colorado
Printemps 2000
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L'INCROYABLE SPIRALE
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Fragmentation de l'avant-garde
Intgral : le mot veut dire intgrer, rassembler, unir, relier,
englober. Pas dans le sens d'une uniformit ou d'un aplanissement des merveilleuses diffrences, couleurs, et variations d'une
humanit arc-en-ciel, mais dans celui d'une unit dans la diversit,
du partage de nos points communs comme de nos diffrences.
Et pas simplement au sein de l'humanit, mais du Kosmas dans
son ensemble : trouver une vision plus complte, une Thorie de
Tout (T.D.T), qui donne une place lgitime l'art, la morale,
la science et la religion, et qui n'essaye pas simplement de tout
rduire une part privilgie du gteau Kosmique.
Bien sr, si nous parvenons dvelopper une vision de la ralit
vritablement holistique ou intgrale, alors nous dvelopperons
galement une nouvelle forme de thorie critique. Une thorie
critique de l'tat actuel des choses la lumire d'une perspective
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La boomrite
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d'exprimenter de nouvelles ides au-del des valeurs traditionnelles. Certains observateurs sociaux ont vu chez les baby-boomer une
gnration en veil >>, perception renforce par leur extraordinaire
crativit dans tous les domaines, de la musique l'informatique,
de l'action politique aux modes de vie, de la sensibilit cologique
aux droits civiques. Je pense sincrement qu'il y a beaucoup de
vrit et de bienfaits dans ces efforts, leur grand mrite.
Une des faiblesses des baby-boomers, comme la plupart des
critiques s'accordent le reconnatre, rside en une dose inhabituelle d'gocentrisme et de narcissisme, tel point que la plupart
des gens, y compris les baby-boomers eux-mmes, comprennent
immdiatement ou se reconnaissent sans difficult lorsqu'on leur
parle de << la gnration du moi .
Il semblerait donc que ma gnration soit un mlange extraordinaire de grandeur et de narcissisme, et cet trange amalgame a
contamin presque tout ce que nous faisons. Nous ne paraissons
pas satisfaits de simplement avoir une belle ide, il faut que ce soit
un nouveau paradigme qui annonce l'une des plus grandes transformations de l'histoire du monde. Nous ne voulons pas<< juste
recycler les bouteilles et le papier ; nous voulons tre des hros
de l'cologie en train de sauver la plante Gaia, et de ressusciter
la Desse-mre que les gnrations prcdentes ont brutalement
rprim, mais que nous finirons par manciper. Nous ne savons
pas simplement prendre soin de notre jardin ; il nous faut transfigurer la surface de la plante, et participer au plus exceptionnel
veil plantaire de l'histoire. Il semblerait que nous ayons besoin
de nous voir comme l'avant-garde de quelque chose d'unique dans
l'histoire. L'extraordinaire merveille d'tre nous.
C'est un comportement qui peut paratre assez comique si l'on y
rflchit, et je dis cela sans animosit particulire. Chaque gnration a ses manies ; celle-ci semble tre la ntre, un degr ou un
autre. Mais je crois que rares sont les membres de ma gnration qui
chappent ce temprament narcissique. De nombreux critiques
sociaux se sont accords l-dessus, et pas seulement travers des
travaux brillants comme La culture du narcissisme de Christopher
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Bien sr, cela ne signifie pas que ces schmas expliquent tout,
ni mme la plus grande partie de l'histoire. Ce sont plutt des instantans ncessairement partiels de la grande rivire de l'existence,
tous utiles lorsque nous contemplons la rivire de leur point de
vue particulier. Cela n'empche pas d'autres reprsentations d'tre
galement utiles, et cela ne signifie pas que ces images ne peuvent
tre amliores et approfondies en les tudiant davantage. Mais
ce que cela signifie est que toute tentative de comprhension des luttes de
l'humanit pour atteindre une perspective intgrale se doit de prendre en
compte ces tudes.
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Ordre universel, vivant et conscient, et non plus fond sur des lois
externes (bleu) ou sur des affinits de groupe (vert). Une grande
unification [T.D.T] est possible en thorie et en pratique. Comprend
parfois l'mergence d'une nouvelle spiritualit, vue comme un
maillage de tout ce qui existe. La pense turquoise utilise la Spirale
dans sa totalit, peroit les multiples niveaux d'interaction, dtecte
les harmoniques, les forces mystiques, et les tats de flow prsents dans
toute organisation. 0, l % de la population, l % du pouvoir.
La conscience de second palier est donc relativement rare,
moins de 2 % de la population ( peine 0, l % turquoise), car
elle reprsente actuellement la pointe de l'volution collective
humaine. Nous pouvons citer en exemple, la suite de Beek et
Cowan, le concept de noosphre de Teilhard de Chardin, le dveloppement de la psychologie transpersonnelle, les thories du chaos
et de la complexit, les systmes de pense intgraux-holistiques,
les approches d'intgration pluraliste de Mandela et de Gandhi,
certainement amenes se rpandre, ainsi que d'autres mmes
plus levs en perspective.
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monde de faon relativiste. C'est une pense qui met une emphase
quasi radicale, compulsive sur le fait de tout inclure dans un cadre
de rfrence relativiste et subjectif.
Le problme est peut-tre vident : du fait de sa position profondment subjectiviste, le relativisme pluraliste est la proie du
narcissisme. Et c'est bien l le fond du problme : le pluralisme
attire irrsistiblement le narcissisme. Le pluralisme devient malgr lui
le thtre d'une Culture du Narcissisme, lequel narcissisme est le
grand destructeur de toute culture intgrale, et particulirement
d'une T.D.T. (car il refuse de sortir de sa propre orbite subjective et
il ne peut donc accepter d'autres vrits que la sienne). Ainsi, sur
notre liste des obstacles l'mergence d'une authentique Thorie
de Tout, il nous faut citer la Culture du Narcissisme.
Et c'est l que la boomrite entre en scne.
LA BOOMRITE
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peut, ainsi, tre dcrit comme une rduction progressive de l'gocentrisme. Le nouveau-n est dans une large mesure immerg dans
son monde propre, et inconscient d'une grande partie de ce qui
l'entoure et de la plupart des interactions humaines.1 mesure
que sa conscience se dveloppe en force et en capacit, il devient
capable d'tre conscient de lui-mme, des autres, et finalement de
se mettre la place d'autrui et de dvelopper l'empathie, la compassion et une attitude gnreuse et intgrale, autant de qualits
qu'il n'avait pas au dpart.
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La spirale de compassion
Ces trois grandes phases- gocentrique, ethnocentrique, mondecentrique - ne sont bien entendu qu'une simplification des
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Mme
Identification
du soi (qui je
suis)
archaque (instinctuel)
magique (animiste)
beige
violet
rouge
bleu
impulsif
gocentrique
orange
consciencieux
individualiste
autonome
mythique (appartenance)
formel (rationnel)
pluraliste (relatif)
intgral (holistique)
vert
second palier
conformiste
~
transpersonnel
Je me presse d'ajouter que cela ne signifie pas que ce dveloppement se fasse tout en douceur, ni ne soit une succession
d'avances merveilleuses sur une chelle linaire du progrs.
Chaque niveau de dveloppement apporte non seulement de
nouvelles capacits mais galement la possibilit de nouveaux
dsastres; de nouveaux potentiels mais aussi de nouvelles pathologies ; des nouvelles forces et des nouvelles faiblesses. Dans le
schma global de l'volution, les nouveaux systmes mergeants
font toujours face de nouveaux problmes : les chiens peuvent
avoir des cancers, pas les atomes. Il y a malheureusement un prix
payer chaque avance de la conscience, et cette dialectique
du progrs, (bonne nouvelle, mauvaise nouvelle), doit toujours
tre garde l'esprit. Ceci dit, retenons pour l'instant que chaque
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Combat le systme !
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Pluralisme, galitarisme, et multiculturalisme, dans leurs meilleures formes, drivent d'une position dveloppementale trs leve :
le mme vert. partir de cette position de sollicitude et de justice
pluraliste, le mme vert tente d'appliquer tous les autres mmes
cette sollicitude et cette compassion, une tentative en soi incontestablement noble. 5 Mais du fait mme de l'galitarisme intense
qu'il adopte, il choue reconnatre que sa perspective propre (la
premire capable d'galitarisme), est une perspective d' (( lite )) ,
relativement rare, qui concerne environ l 0 % de la population
mondiale comme nous l'avons vu. Pire, le mme vert renie violemment les niveaux qui l'ont gnr, car il souhaite voir tous
les mmes sur un pied d'galit et refuse de faire des jugements
valuatifs. Pourtant l'galitarisme vert est le produit, comme nous
l'avons vu, d'au moins six niveaux majeurs de dveloppement,
niveaux contre lesquels il se retourne et qu'il renie agressivement
au nom de l'galitarisme!
Une grande partie de cette confusion pluraliste vient d'un
malentendu sur la notion de hirarchie et la place de celle-ci dans
un dveloppement et une croissance naturels.
Remarquez que chaque mme aborde la notion de hirarchie
d'une faon qui lui est propre. Violet (magique) admet peu de
hirarchies, principalement du fait, comme nous le verrons, qu'il
est prforme! et prconventionnel. Rouge (pouvoir gocentrique) reconnat uniquement la hirarchie issue de la force brutale
(le fondement des empires fodaux). On trouve en bleu (ordre
mythique) des hirarchies sociales nombreuses et rigides, telles
que le systme hrditaire des castes, les hirarchies de l'glise
mdivale, et l'intense stratification sociale des empires fodaux et
des premires nations. Orange (accomplissement individuel) rode
rsolument les hirarchies bleues au nom de la libert individuelle
et de l'galit des opportunits (les hirarchies oranges se distinguent des hirarchies bleues en cela que l'hrdit et les privilges
sont remplacs par la mritocratie et l'excellence).
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La boomrite
Nous voyons donc comment la perspective trs leve du pluralisme vert. laquelle est le produit d'au moins six niveaux majeurs
de transformations hirarchiques, combat et rejette la totalit des
hirarchies, et ainsi renie le processus mme qui a engendr sa noble
position. Il tend par consquent son approche galitariste toutes
les positions, quels que soient leur narcissisme ou leurs faiblesses.
Or, plus cet galitarisme est affirm, plus il invite, et mme encourage, la Culture du Narcissisme. Et la Culture du Narcissisme est
l'antithse d'une culture intgrale.
(Nous avons vu que le narcissisme exige que : Personne
ne me dit ce que j'ai faire ! Le narcissisme refusera donc de
reconnatre quoi que ce soit d'universel, car cela impliquerait
des devoirs et des obligations qu'il s'efforcerait de dconstruire,
car. .. personne ne me dis ce que j'ai faire. Cette position
gocentrique peut aisment tre soutenue par les principes du
relativisme pluraliste.)
En rsum, la vague relativement leve du pluralisme devient
un super-aimant pour l'tat relativement primitif du narcissisme
motionnel. Ce qui nous amne la boomrite.
La boomrite est cet trange mlange de capacits cognitives
leves (le mme vert et un noble pluralisme) infect par un narcissisme motionnel relativement primitif; une mixture remarque
par de nombreux critiques sociaux. Autrement dit, le mme dveloppemental lev du pluralisme devient un foyer de ractivation
de certains des mmes primitifs et profondment gocentriques
(notamment, violet et rouge). Dans la tentative louable du mme
vert de transcender les rgles conformistes (dont beaucoup sont en
effet injustes et abusives), et son dsir authentique de dconstruire
une rationalit rigide (qui peut tre oppressante et paralysante)
-autrement dit, dans sa tentative admirable de devenir postconventionnel- il a souvent, par inadvertance, adopt la premire position
non-conventionnelle venue, quand bien mme la plupart sont
clairement prconventionnelles, rgressives et narcissiques.
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Au-del du pluralisme
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La culture intgrale
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UNE VISION INTGRALE
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conomiques, aux dveloppements phylogntiques, aux ralisations superconscientes ... Toutes ces hirarchies refusaient de
s'accorder les unes avec les autres.
G. Spencer Brown, dans son livre remarquable, Laws of Form,
dit que la connaissance vient lorsque l'on ne garde l'esprit que
ce qu'on a besoin de savoir. Examinez le problme suffisamment
longtemps, et il se rendra. L'histoire humaine, sans aucun doute,
atteste de cela. Une personne rencontre un problme et, obsde
par celui-ci, finit par le rsoudre. Et ce qui est fascinant, c'est que
le problme finit toujours par tre rsolu. Tt ou tard, il cde. Cela
peut prendre une semaine, un mois, une anne, une dcennie,
un sicle ou un millnaire, mais il semblerait que le Kosmas soit
tel que les solutions finissent toujours par merger. Durant des
millions d'annes, les hommes ont observ la lune et rv d'y
marcher un jour ...
Je crois que toute personne suffisamment comptente est
capable de sonder un problme jusqu' ce que celui-ci livre ses
secrets ; les qualits ncessaires que tout le monde n'a pas sont
la volont, la passion, l'obsession insense qui leur permettront
d'examiner le problme suffisamment longtemps, ou avec suffisamment de fougue. J'avais pour ma part la folie ncessaire pour
ce problme particulier, et vers la fin de cette priode de trois ans,
tout cela commena devenir plus clair pour moi. Il devint bientt
vident que toutes ces hirarchies s'organisaient autour de quatre
catgories principales (ce que j'appellerai les quatre quadrants [voir
ci-dessous]) : certaines hirarchies se rfraient l'individuel,
d'autres au collectif ; certaines taient des ralits extrieures,
d'autres des ralits intrieures, mais toutes concordaient entre
elles harmonieusement.
Les ingrdients de ces hirarchies sont les halons. Un holan est
un tout qui est galement une partie d'autres touts. Par exemple,
le tout atome est une partie du tout molcule ; le tout
molcule fait partie du tout cellule ; le tout cellule est une partie
du tout organisme. Ou pour prendre un autre exemple, une lettre (le tout lettre ) est une partie d'un mot, qui est une partie
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acadmiques renient-elles cette possibilit avec autant d'nergie ? Si le monde est un tout, pourquoi tant de gens le voient-ils
fragment? Et pourquoi, d'une certaine manire, le monde est-il
effectivement fragment, disloqu, alin, divis ?
La seconde partie du livre examine donc ce qui nous empche
de voir le Kosmos holistique. J'y examine ce que j'appelle flat/and*.
D'une certaine faon, flatland rsulte simplement de l'chec
reconnatre la spirale entire du dveloppement, ou la totalit
du spectre de la conscience ; l'antidote au flatland est une vision
intgrale, ce que prcisment SES tente de proposer.
Lorsque le livre fut conu, le processus d'criture suivit rapidement. Il fut publi en 1995. Il reut la fois des critiques trs
positives ( Sex, Eco/ogy, Spirituality de Ken Wilber est l'un des quatre
grands livres de ce sicle, avec La vie divine d'Aurobindo, tre et
temps de Heidegger, et Procs et ralit de Whitehead. 3 ), et d'autres
parfois teintes de perplexit, de confusion ou de colre ( L'un
des livres les plus nervants de l'anne, ampoul et pompeux).
Mais la rception gnrale fut ce que j'appellerais de la joie. J'tais
submerg de courrier dans lequel des lecteurs me faisaient part de
l'influence libratrice que SES avait eu sur leur vision du monde,
de la ralit, et sur leur conscience elle-mme. SES, aprs tout, est
un rcit des exploits du Soi en chacun de nous, et de nombreux
lecteurs se rjouirent de cette vocation. Les femmes me pardonnrent les passages dans lesquels le ton tait un peu trop patriarcal, et
des hommes me confirent avoir sanglot tout au long du dernier
chapitre. part pour Grce et courage, je n'avais jamais reu autant
de lettres si personnelles et si profondment touchantes, des lettres
qui me firent penser que les trois annes difficiles de son criture
en avaient largement valu la peine.
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Un critique dit du livre qu' il honore et incorpore plus de vrits qu'aucune autre approche dans l'histoire. J'aimerais bien sr
croire cette affirmation, mais je sais aussi que chaque lendemain
apporte de nouvelles vrits, ouvre de nouveaux horizons, et
exige des approches encore plus englobantes. SES est simplement
la dernire vision holistique d'une longue srie, qui devra son
tour laisser la place des lendemains plus vastes, en marge de
visions plus glorieuses.
En attendant, je crois sincrement que SES (avec les dveloppements des livres subsquents) 4 propose une vision intgrale utile.
Une brve histoire de tout en est une version simplifie, un bon point
de dpart pour le lecteur intress. Bien sr, il n'est pas ncessaire
que vous soyez d'accord avec la totalit, ni mme la majeure partie
de cette vision, et il se peut tout fait que vous l'amlioriez, ce
qui serait fantastique. Il s'agit simplement d'une version possible
d'une vision intgrale, une tentative de T.D.T., utile seulement dans
la mesure o elle permet chacun de prendre conscience de son
propre potentiel intgral. Prts pour un tour d'horizon ?
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Figure 3-1. Quelques exemples des quatre quadrants chez l'tre humain
(vagues transpersonnelles)
JE
le soi et la conscience
A
cerveau et organisme
vert
rouge
Communaut~s
"''1-.
c.ol"(-
,.
~~
TOUT CELA/EUX
NOUS
culture et vison du monde
systme social
et environnement
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de valeurs
.
Communes mtgrales
,,.8
'{./.7
~
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Maillages holistiques
73
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ce
causal
subtil
psychique
turquoise
jaune
vert
orange
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rouge
violet
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~
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Vl
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'(!)
;:::!
.<;:::::
~
a
Vl
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pourtant manifester un dveloppement faible, voire mme pathologique, dans d'autres courants (psychosexuel ou interpersonnel,
par exemple).
Cela nous permet galement de constater que les diffrentes
traditions spirituelles (du shamanisme au bouddhisme au christianisme aux religions indignes) peuvent exceller entraner certaines
lignes ou capacits, tout en tant dficientes, voire pathologiques
dans d'autres. Une pratique transformative intgrale cherchera par
consquent une approche de la transformation la plus quilibre
possible, tous quadrants, tous niveaux >> (voir ci-dessous).
En ce qui concerne les types, voir la figure 3-5, qui utilise l'ennagramme comme exemple. Ici, j'ai pris une seule ligne de dveloppement (qui peut tre n'importe laquelle : morale, cognitive,
etc.) et la liste des niveaux ou vagues de dveloppement travers
lesquels ce courant en particulier aura tendance se dployer
(j'utilise la Spirale Dynamique comme exemple des vagues de
dveloppement).
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chaque niveau, j'ai dessin l'ennagramme comme exemple de ce que l'on pourrait appeler une typologie horizontale, ou
typologie des types de personnalit qui peuvent exister presque
tous les niveaux verticaux de dveloppement. Ceci montre qu'une
personne peut avoir un type de personnalit particulier (selon la
typologie jungienne, celle de Myers-Briggs, l'ennagramme, etc.)
chacun des niveaux. Ainsi, si une personne a une personnalit
de type 5 selon l'ennagramme, alors au cours de son dveloppement elle sera un 5 violet, un 5 rouge, un 5 bleu, et ainsi de suite
(encore une fois, pas d'une faon linaire et rigide mais selon un
maillage fluide). 9
Pour de nombreux fministes, les orientations masculines et fminines constituent galement des types. L'ide, principalement
fonde sur les travaux de Carol Gilligan et de Deborah Tannen,
est qu'une orientation typiquement masculine aura tendance
tre plus agen tique, autonome, abstraite et indpendante, fonde
sur les notions de droits et de justice ; tandis qu'une orientation
fminine aura tendance tre plus permable, relationnelle et
sentimentale, fonde sur les notions de sollicitude/empathie (care)
et de responsabilit. Gilligan, souvenez-vous, reconnat que les
femmes voluent travers trois (ou quatre) stades hirarchiques
de dveloppement, qui sont essentiellement les mmes trois (ou
quatre) stades ou vagues hirarchiques de dveloppement par
lesquels passent les hommes ( savoir, prconventionnel, conventionnel, postconventionnel, et intgr).
La raison pour laquelle il est encore communment admis (
tort), notamment chez certains fministes, que Gilligan rfute
l'existence d'une hirarchie de dveloppement fminine est que
Gilligan dcouvrit que les hommes avaient tendance prononcer
leurs jugements sur la base d'un mode de pense hirarchique ou
valuatif, tandis que les femmes tendaient laborer leurs jugements partir d'un mode de pense relationnel (ce que je rsume
avec, respectivement, les termes agentivit*et communion). Mais
*. Agency. galement traduit par capacit d'agir, <<puissance d'agir>>. [NdT]
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Tous quadrants
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82
Conscience
Quadrants droits
Monologique
Empirique, positiviste
Forme
Freud
C.G.Jung
Piaget
Aurobindo
Plotin
Gautama Bouddha
B.F. Skinner
John Watson
John Locke
Empirisme
Behaviorisme
Physique, biologie,
neurologie, etc.
Je
Nous
Thomas Kuhn
Wilhelm Dilthey
Jean Gebser
Max Weber
Hans-Georg Gadamer
Tout Cela/
Eux
Thorie des systmes
Talcott Parsons
Auguste Comte
Karl Mark
Gerhard Lenski
La toile du vivant
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85
Que peut-on dire, alors, d'un modle plus intgral des possibilits
humaines ? Avant de parler des applications d'une vision intgrale
(dans l'ducation, la politique, l'entreprise, la sant, etc.), il nous
faut une ide gnrale de ce que nous cherchons appliquer. En
passant du relativisme pluraliste l'intgralisme universel, quelle
sorte de carte avons-nous disposition? Nous avons vu qu'une
cartographie plus intgrale pourra comprendre :
De multiples niveaux ou vagues d 'existence, une grande
holarchie balayant le spectre entier de la conscience, de la
matire au corps au mental l'me l'Esprit (ou encore, de
beige violet rouge bleu orange ... subtil, causal, nonduel). Dans chacun de ces niveaux, il y a:
De nombreux courants, modules ou lignes de dveloppement,
notamment cognitif, moral, spirituel, esthtique, somatique,
interpersonnel, de l'imagination (quelqu'un peut par exemple,
tre en orange sur le plan cognitif, motionnellement en violet,
moralement en bleu, etc.). De plus, pratiquement tous les
niveaux de dveloppement, nous pouvons avoir accs :
Diffrents tats de conscience, dont les tats de veille, de rve,
de sommeil, des tats altrs, non-ordinaires et mditatifs
(beaucoup de ces tats altrs peuvent se manifester n'importe quel niveau; on peut ainsi, par exemple, accder une
grande varit d'expriences religieuses peu prs n'importe
quel niveau de dveloppement)Y
Diffrents types de conscience, dont les types sexuels, les types
de personnalit (ennagramme, Myers-Briggs, types jungiens),
etc. Ces types peuvent se manifester dans les niveaux, les
lignes et les tats.
De multiples facteurs physiologiques et tats crbraux (le
quadrant suprieur droit, qui reoit aujourd'hui la majorit de
l'attention de la part de la psychiatrie, des sciences cognitives
et de la neurobiologie, mais qui, aussi important soit-il, n 'en
reste pas moins qu'un quart>> de la ralit).
86
87
Transformer le cartographe
88
La directive premire
89
90
qui n'y ont pas accs. Une vision intgrale est par consquent l'un
des enjeux les moins urgent d'un point de vue plantaire.
91
SCIENCE ET RELIGION
93
94
1. La science rejette la religion. C'est encore l'une des positions les plus
courantes parmi les sdentifiques contemporains, reprsente de
faon vhmente par des penseurs tels que Richard Dawkins,
Francis Crick et Steven Pinker. Ici, la religion est, purement et
simplement, soit une relique superstitieuse hrite du pass,
soit, dans le meilleur des cas, un stratagme de survie, que la
nature utilise pour reproduire les espces.
2. La religion rejette la science. La riposte fondamentaliste typique
est que la science fait partie du monde dchu, et que de ce
fait, elle n'a pas accs aux vrits authentiques. Dieu a cr le
monde (avec tous ses fossiles) en six jours, fin de l'histoire. La
Bible nonce des vrits littrales, et c'est d'autant plus funeste
pour la science si elle les rejette.
3. La science et la religion s'occupent de champs d'existence diffrents, et
peuvent donc cohabiter pacifiquement. C'est une des positions les
plus sophistiques, dont on trouve deux versions, une forte
et une faible :
95
4.
96
97
mais aucune n'inclut suffisamment le cur de la religion, essentielle mon avis toute approche intgrale, savoir: l'exprience
spirituelle directe. Et lorsque certains thoriciens (comme Barbour) 5
reconnaissent l'exprience spirituelle, ils ne disent rien des rvolutions dans les domaines des sciences cognitives, des sciences du
cerveau et de la phnomnologie contemplative qui, prises ensemble, mnent une intgration bien plus spectaculaire de la science
et de la religion que ce qui a t suggr jusqu' prsent.
J'ai rsum cette approche plus intgrale par l'expression tous
quadrants, tous niveaux >>, et je vais prsent brivement dcrire
ses principales caractristiques dans leurs applications la science
et la religion.
98
99
100
101
Commenons avec un exemple simple. Un mditant est branch sur une machine de type EEG*. Lorsque le mditant entre
dans un tat de contemplation profonde, l'EEG fait apparatre une
toute nouvelle srie d'ondes crbrales (comme par exemple des
ondes delta, qui apparaissent habituellement uniquement dans le
sommeil profond sans rve). De plus, le mditant affirme que son
exprience directe de cet tat delta reflte ce que l'on entend
habituellement par le mot spirituel : il fait l'exprience d'une
conscience plus vaste, d'une augmentation de l'amour et de la
compassion, d'une impression de rentrer en contact avec le sacr
et le numineux, en lui-mme et dans le monde. D'autres mditants
expriments, en faisant l'exprience du mme tat, manifestent
la mme srie de schmas d'ondes crbrales et rapportent des
tats subjectifs d'expriences spirituelles similaires. Que faire de
ces donnes ?
Il existe dj un important corpus de recherche indiquant que
le scnario ci-dessus est assez frquent. 9 Supposons un instant,
pour les besoins de l'argument, que ce scnario est gnralement
valide. Avant toute autre chose, cela montre immdiatement que
les champs de la science et de la religion, bien que souvent considrs comme des magistres non recouvrant , se recouvrent
en fait allgrement.
Ce que l'argument standard du non-recouvrement des magistres
(catgorie 3, dans ses formes faibles et fortes) tend oublier est que,
mme si les valeurs et les faits appartiennent d' une certaine faon
des champs spars, lorsqu'une personne fait l'exprience de
valeurs subjectives, ces valeurs ont des corrlatifs factuels objectifs
dans le cerveau. Cela ne veut absolument pas dire que ces valeurs
puissent tre rduites des ondes crbrales, ou des expriences
spirituelles des vnements naturels. Cela veut dire que les ralits
spirituelles (le magistre de la religion) et les ralits empiriques
*.
Electroencphalogramme (NDT).
l02
103
INFINI
1
>Q)
:<:::::
;l
-~
.g
Q)
~-
1:).
c:t
G
s
G
104
JUDASME
Niveaux de ralit
BOUDDHISME
BOUDDHISTE
Niveaux d'identit
JUIF
CHINOIS
105
Esprit
(non duel)
106
La science moderne assna plusieurs coups fatals cette conception traditionnelle. Par exemple, la recherche moderne dmontra
clairement que la conscience (l'esprit), loin d'tre simplement un
noumne transcendantaL tait en ralit ancr de bien des faons
dans le cerveau biologique- matriel- (ce qui d'ailleurs amena
de nombreux scientifiques modernes rduire la conscience un
simple jeu de systmes neuronaux). Nul n'est besoin cependant
d'emboter le pas au matrialisme scientifique pour raliser que la
conscience n'est pas l'essence dsincarne imagine par la plupart
des traditions religieuses. La conscience est au minimum intimement
lie au cerveau organique et l'organisme empirique de telle sorte
que, quelles que soient leurs autres relations, la science et la religion
ne sont pas simplement des magistres non recouvrant .
Il s'avre que l'mergence de la science moderne (particulirement au dix-huitime sicle) s'inscrit dans une srie d'vnements qui a t dcrite par le terme << modernit , lequel peut
tre rsum par la formule de Max Weber : une << diffrenciation
des sphres de valeurs culturelles (les sphres de valeurs faisant
essentiellement rfrence aux domaines de l'art de la morale et
de la science). Alors que la plupart des cultures pr-modernes
ne surent diffrencier clairement ces sphres grande chelle, la
modernit, elle, diffrencia l'art, la morale et la science, permettant chacun de poursuivre ses vrits propres, selon ses termes,
libre des intrusions et violations des autres domaines. (Galile, par
exemple, dans l'Europe pr-moderne, ne put rapporter librement
ce qu'il avait observ dans son tlescope, car la science et le dogme
de l'glise n'taient pas encore spars. La modernit diffrencia
ces sphres et laissa chacune suivre sa voie propre.) Il en rsulta
un dveloppement spectaculaire de la connaissance scientifique,
un foisonnement de nouvelles approches sur l'art, et une pense
morale profonde teinte de naturalisme, autant de dveloppements
que nous appelons aujourd'hui << modernes >>.
Ces<< trois grandes sphres (l'art, la morale et la science) font
essentiellement rfrence aux domaines du je, du nous et du a.
L'art reprsente la sphre esthtique/expressive, le domaine subjectif
107
Suprieur droit
Extrieur-individuel
(Comportemental)
JE
organismes neurones
eucariotes
procaryotes
molcules
TOUT
CELA/
EUX
NOUS
Infrieur gauche
Intrieur-collectif
(Culturel)
infonnationnel13
In.rieur droit
Extrieur-Collectif
(Social)
108
109
A
comportemental
(objectif)
intentionnel
(subjectif)
TOUT
NOUS
CELA/EUX
social
(interobjectif)
culturel
(intersubjectif)
110
les ides mentales, les expriences spirituelles) et les domaines extrieurs, matriels (tudis par la science objective).
"
'
'
'
\
\
matire
'
/
/
/
/
/
/
Si le modle prsent dans les figures 4-5 et 4-6 est valide, alors
nous avons dj fait un pas important vers une intgration de la
perspective religieuse pr-moderne et de la perspective scientifique
moderne en intgrant le Grand Nid de l'tre avec les diffrenciations
de la modernit. L'un des bnfices immdiat d'une telle ralisation
rside en une intgration cohrente des visions du monde et des
domaines religieux et scientifiques, dans une forme respectueuse
des canons de chacun.
Cette approche intgrale permet galement de rendre compte
d'une ralit qui n'avait jusque-l pas t pleinement reconnue,
savoir que la science (les ralits extrieures) et la religion (les ralits intrieures) se dveloppent, non pas l'une au-dessus de l'autre
(comme dans la figure 4-3 ), mais cte cte (tels les aspects intrieurs
et extrieurs d'une approche tous quadrants, tous niveaux; comme
Ill
illustr dans les figures 4-5 et 4-6). Ainsi, la figure 4-6 permet de
comprendre simplement le scnario dlicat du mditant branch
sur l'EEG. Le mditant fait l'exprience de ralits intrieures, subjectives, spirituelles tout fait relles (quadrant suprieur gauche),
et les signaux fidlement enregistrs par l'EEG en sont les corrlats
empiriques, objectifs, extrieurs, et eux aussi parfaitement rels
(quadrant suprieur droit). La science et la religion nous informent
donc sur des facettes complmentaires (l'intrieur et l'extrieur)
des ralits spirituelles; c'est l un lment cl de leur intgration
dans une Thorie de Tout plus vaste et englobante.
La bonne science
112
113
II.
114
III.
115
La religion profonde
116
La rvlation intgrale
La spiritualit profonde ne peut se rduire cette seule dfinition (comme nous le verrons), mais c'en est nanmoins un aspect
essentiel qui n'a pas encore reu l'attention qu'il mrite. Si vous
observez la figure 4-3, la reprsentation de la Grande Chane de
l'tre traditionnelle, vous remarquerez qu'il y a un dploiement
continu de la matire au corps au mental l'me l'Esprit. Ces
niveaux sont traditionnellement interprts (chez Plotin, par
exemple), la fois comme des niveaux d'tre ontologiques et
comme des niveaux chronologiques du dveloppement individuel.
Si vous observez maintenant la figure 4-4, vous remarquerez que
les niveaux individuels de dveloppement s'arrtent aux stades
de la logique visionnaire et du centaure (jaune/turquoise). La
raison pour laquelle les vagues de conscience suprieures, transpersonnelles, supra-mentales (telle que l'me et l'Esprit) n'apparaissent pas sur cette figure est que celle-ci reprsente seulement
l'volution moyenne qui s'est manifeste jusqu' aujourd'hui, et
n'inclut donc pas les vagues mergentes super-conscientes (bien
que certains individus puissent dvelopper ces vagues titre personnel) . Les grandes traditions de sagesse affirment qu'il existe
bien des niveaux suprieurs du dveloppement de la conscience,
de telle faon que nous n'avons pas seulement accs la matire,
au corps et au mental, mais galement l'me et l'Esprit. J'ai
indiqu ces vagues suprieures dans les figures 4-5 et 4-6 (ainsi
que dans la figure 3-2, p. 74, pour le quadrant suprieur gauche
uniquement, l'important tant de retenir que ces niveaux ont des
corrlats dans tous les quadrants).
Mon propos est simple : une spiritualit profonde implique
une investigation directe de la preuve exprientielle rvle aux niveaux
suprieurs du dveloppement de la conscience. (J'ai appel ces niveaux
psychique, subtil, causal, et non-duel, lesquels sont simplement
rsums par me et Esprit )) dans les illustrations). Ces
investigations spirituelles profondes suivent les trois phases de la
mthodologie propre toute bonne science (pas la science troite,
117
118
Vive la diffrence !
Cette approche intgrale respecte galement les diffrences vitales propres chaque forme de science et de religion. Dire qu'une
investigation suit les dispositions de la bonne science ne dit rien
du contenu ni de la mthodologie de cette investigation. Cela nous
informe simplement sur le fait que cette investigation s'inscrit
dans un engagement au monde (injonction) donnant accs des
expriences (donnes) qui seront ensuite vrifies aussi rigoureusement que possible (confirmation). Mais la forme particulire de
l'investigation (ses mthodes et son contenu) pourra varier considrablement d'un niveau l'autre, et d'un quadrant l'autre.
la diffrence du positivisme, qui n'autorise qu'une seule mthode
(empirique) dans un seul domaine de ralit (sensorimoteur),
cette approche autorise autant de mthodes qu'il y a de niveaux
et de quadrants.
En rsum, les phnomnes intituls A, B, C, D et E (Fig. 4-3)
reprsentent des entits trs diffrentes, pour lesquelles des mthodologies propres aux conditions de chacune ont t labores.
Dans The Eye of Spirit, j'explique pourquoi aucune de ces formes
d'investigation ne peut tre rduite une autre (j'y dfinis les
modes d'investigation correspondants aux expriences sensorimotrices, empirico-analytiques, hermneutiques/phnomnologiques,
mandalas )) et gnostiques). Dans la mesure o ces mthodes
d'examen s'efforcent de rpondre aux injonctions (ou engagements pragmatiques), d'appuyer leurs affirmations sur des preuves
exprientielles, et de vrifier ces affirmations aussi rigoureusement
119
La religion troite
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Spiritualit et libralisme
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5
LE VRAI MONDE
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*.
mythic-membership.
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La gouvernance intgrale
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La mdecine intgrale
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Le commerce intgral
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141
L'ducation intgrale
142
La recherche sur la conscience est encore, du moins aux tatsUnis, largement domine par la science troite (notamment la science
cognitive fonde essentiellement sur le quadrant suprieur droit).
Comme je le suggre dans Integral Psycho/ogy, une approche plus
complte des tudes de la conscience doit commencer par intgrer
les quatre quadrants, ou plus simplement les Trois Grands -je,
nous, a (les tmoignages de la conscience et les comptes rendus
phnomnologiques de la premire personne; les structures intersubjectives de la deuxime personne; et les systmes scientifiques
de la troisime personne). Cette approche 1-2-3 >> de la recherche
sur la conscience existe dj, comme le prouvent des publications
telles que The View From Within de Francisco Varela et Jonathan
Schear, et les nombreux articles rgulirement publis dans The
Journal ofConsciousness Studies. La prochaine grande tape vers une
approche encore plus inclusive consistera en l'intgration, non
seulement des quadrants, mais des niveaux de dveloppement, et
je propose plusieurs pistes en ce sens dans Integral Psycho/ogy.
Plusieurs thoriciens intresss par une approche plus complte et plus quilibre de la psychologie ont form l'Institut de
143
144
145
146
147
Ils prcisent ensuite : De faon approfondir notre comprhension de la nature complexe et interconnecte du monde- une
cartographie du dveloppement de la conscience en volution sociale
et culturelle permanente -est cruciale. Une approche intgrale
est ncessaire afin d'assurer que l'volution, et par consquent les
conditions d'existence des enfants, de l'humanit, de la culture et
de la socit prennent part un processus durable. >> Ils ajoutent
que cela suppose un cadre de travail qui permette d'apprhender
une vision plus profonde qu'une simple comprhension des systmes objectifs (de surfaces), et plus vaste qu'une simple approche
culturelle de la diversit. Autrement dit, il faut aller plus loin
que la toile du vivant et l'analyse classique de la thorie des
systmes (qui ne couvre que le quadrant ID), et plus loin qu'une
philosophie du libralisme et de la diversit (confine au mme
vert). Il faut, insistent les auteurs, une approche tous quadrants,
tous niveaux, toutes lignes. Ils laborent partir de l une critique
des performances passes de l'UNICEF et de l'ONU.
Il nous parat vident que le processus de dveloppement, pour
tre durable, doit tenir compte de ces quatre quadrants de faon
intgrative. Mais il est galement clair, lorsque l'on tudie l'volution de l'implication de l'UNICEF dans ce processus, le contexte
plus vaste du dveloppement humain et leurs interactions
mutuelles, que les progrs raliss jusqu' prsent n'ont, pour
la plupart, pas produit de changement durable. Une tentative de
comprhension des processus de changement, de transformation
et de dveloppement a peu de chances de russir sans une comprhension de la nature de l'volution et du dploiement de la
conscience (humaine). 20
Ils mettent ensuite le doigt sur une des causes principales des
checs passs de l'UNICEF et de l'ONU. Les actions de l'UNICEF
ont, dans une large mesure, t menes dans les quadrants SD et
ID, c'est--dire les quadrants objectifs et extrieurs (individuel et
soda!), et ont ignor une grande partie des quadrants intrieurs
148
Les annes 1950 furent l're des campagnes lies aux maladies :
clairement inscrite dans le quadrant suprieur droit, me surable, observable et objectif. >>
Les annes 1960 furent la dcennie du dveloppement: l'accent
est prsent mis sur le quadrant infrieur droit l'adquation
fonctionnelle. >>
Les annes 1970 furent l're des alternatives: mais uniquement
des alternatives relatives aux quadrants droits. >>
Les annes 1980 furent l're de la survie des enfants : mais
aucune mention n'est faite des ralits ou du dveloppement
intrieurs.
Les annes 1990 furent la dcennie des droits de l'enfant (tous
abords en termes comportementaux), qui gnra rapidement
149
une re de la fatigue des donateurs : Les donateurs et les gouvernements retournrent [ rgressrent )) ] un tat de nationalisme antrieur aux engagements internationaux, motiv
par des problmes intrieurs et un manque de comprhension
li la notion errone que toutes les perspectives sont gales
[la folie aperspectiviste )) du relativisme pluraliste]. )) J'ai
souvent insist sur le fait que tout holon doit, pour survivre,
trouver un quilibre entre la justice et les droits (agentivit)
et l'empathie et les responsabilits (communion), ce que les
auteurs de ces documents reprennent en affirmant que les
efforts de l'UNICEF et de l'ONU n'ont jusque-l pas t en
mesure de juxtaposer les droits (la justice) et la jurisprudence
(empathie et responsabilit) un niveau mondial. ))
Au vu de tous ces facteurs, ils concluent en disant que les annes
2000 sont l're de l'approche intgrale: L o un processus durable
de changement est abord d'un point de vue intgral, explorant
plus profondment les quadrants gauches de l'intention et de
la culture. Bien entendu, cela impliquera, pour l'UNICEF, une
attention particulire l'enfance, la jeunesse et aux femmes. ))
Le problme jusqu' prsent est que les ides de ces cinquante
dernires annes ont t monologiques un degr qui empcha de
prendre conscience de la ncessit d'un dveloppement intrieur/
subjectif individuel et collectif (aux niveaux des individus et des
socits) permettant de rendre durable le processus de changement,
et particulirement le processus de transformation. ))
Ils concluent en disant que pour assurer que les actions
entreprises ou les programmes/ides/mtaphores proposes aient
une chance de contribuer un processus de changement durable,
directionnel et transformatif )), il faudra adopter une approche
tous quadrants, tous niveaux, toutes lignes )) , soigneusement
adapte chaque situation particulire.
J'insiste (comme iSchaik Associates) sur le fait qu'une telle
approche intgrale doit tre mise en uvre avec la plus grande
prudence et la plus grande empathie. Les quadrants, les niveaux
150
et les lignes ne doivent pas tre utiliss d'une faon rigide, prdtermine, prompte au jugement. La recherche dveloppementale
n'a pas pour objectif de cataloguer les gens ou de les juger en
termes d'infriorit ou de supriorit, mais d'offrir un aperu des
potentiels possibles qui ne sont pas encore raliss. La directive premire
nous demande d'honorer et d'apprcier les contributions vitales,
uniques et ncessaires apportes par chaque vague de conscience,
et ainsi de protger et promouvoir la sant globale de la spirale entire
(et non un seul domaine privilgi). En mme temps, elle nous
invite accueillir une conception plus complte du spectre de la
conscience, une spirale entire de dveloppement de faon ce
que les individus et les cultures (y compris les ntres) qui ne sont
pas encore conscients des dimensions les plus profondes, les plus
leves du potentiel humain puissent choisir d'agir selon leurs
extraordinaires ressources, et nous permettre ainsi de dsamorcer certains des problmes rcalcitrants que des approches moins
intgrales ne sont pas parvenues rsoudre.
La terreur de demain
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L'institut intgral
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CARTES DU KOSMOS
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Visions du monde
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Profondeur verticale
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Trois des analystes contemporains les plus influents sur les questions d'ordre mondial sont Francis Fukuyama, Samuel Huntington
et l'auteur grand public Thomas Friedman. Leurs diffrences
sont reprsentatives des diffrents quadrants, niveaux et lignes
sur lesquels ils insistent. Fukuyama (La fin de l'histoire et le dernier
homme) met l'accent sur le niveau goque-rationnel (orange) et
son besoin de reconnaissance de soi (les besoins d'estime de soi dans
la hirarchie des besoins de Maslow). Il souligne que l'tat libralconomique a russi procurer cette reconnaissance mutuelle plus
efficacement que n'importe quel autre systme dans l'histoire. Il en
dduit qu'aucune grande transformation historique n'aura ou ne
peut avoir lieu dans ce domaine, et que par consquent l'Occident
libral a, en quelque sorte, mis fin l'histoire >>.
Il y a de nombreuses vrits importantes dans les propos de
Fukuyama. Le problme est que son analyse se fonde uniquement sur les niveaux monde-centriques, postconventionnels,
goque-rationnels (orange et vert) qui, comme nous l'avons
vu, ne constituent qu'environ 30 % de la population mondiale.
De plus, chaque personne dans le monde - y compris celles qui
naissent dans un environnement postconventionnel, libral, goque-rationnel- commence son existence au premier niveau
(archaque, beige). et doit migrer travers les diffrents niveaux
de la spirale de dveloppement pour ventuellement atteindre la
conscience postconventionnelle (orange), cinq ou six niveaux plus
168
169
Occidental
LatinaIll Amricain
.
Africain
~ Islamique
Sinique
ffil
Hindou
O Orthodoxe
0 Bouddhiste
.
Japonais
Figure 6-1.
Blocs de civilisations. Adapt avec la permission de Samuel P. Huntington, Le choc des civilisations et la refondation de l'ordre mondial
(The Clash of Civilization and the Remaking of World Order. New York: Simon & Schuster, 1996, pp. 26-27).
Il s'agit l, en quelque sorte, des plaques tectoniques horizontales de la culture humaine, dont il est absolument crucial de tenir
compte. Huntington soutient de faon tout fait convaincante que
ces plaques ont une influence majeure dans les dcisions relatives
la politique internationale, au commerce, la diplomatie et
la guerre. 10
Comme nous le verrons, bien qu'Huntington donne une dfinition assez large de ce qu'est une civilisation, il dcrit nanmoins
essentiellement le quadrant infrieur gauche, ou la culture, dans
un sens bien particulier. 11 Et ses recommandations sont largement
issues du mme bleu, d'une position conservative-rpublicaine (ce
qui n'est pas forcment une mauvaise chose, comme de nombreux
libraux voudraient le laisser entendre ; souvenez-vous, 70 % de
la population mondiale est en bleu ou en de) . De plus, comme
nous l'avons vu, les conservateurs -du fait qu'ils reconnaissent
une causalit intrieure et les niveaux intrieurs jusqu' bleu sont bien souvent, en ce qui concerne ces domaines intrieurs,
des juges plus fiables et plus ralistes que les libraux, qui ne les
reconnaissent en gnral pas, et s'en vont donc littralement
l'aveuglette travers les territoires intrieurs tout en exigeant des
changements extrieurs.)
Le fait est que tout au long de l'histoire de l'humanit, les quadrants droits et gauches se sont dvelopps de faon troitement
lie. Dans le quadrant infrieur gauche, l'volution d'archaque
(beige) magique (violet) mythique (rouge/bleu) rationnel
(orange) fut accompagne dans le quadrant infrieur droit par
un dveloppement technologique qui progressa, respectivement,
des chasseurs/cueilleurs au monde horticole au monde agraire
au monde industriel (voir figure 4-4). Les perceptions du monde
magiques mergrent au sein d'un monde de chasseurs/cueilleurs,
les perceptions du monde mythique ont un fondement agraire,
les perceptions du monde rationnelles ont une base industrielle,
etc.
Mais avec l'mergence de la modernit (rationnelle-industrielle), la mondialisation croissante des changes conomiques
171
172
Vertical et horizontal
173
orange, vert, jaune) qui font pourtant partie des strates archologiques essentielles de ces blocs. Il nous propose une lecture de
surface des territoires tout fait rels prsents aujourd'hui, mais
il ne nous propose pas l'analyse dveloppementale profonde des
infrastructures de ces blocs. En ajoutant cette dimension verticale
son analyse horizontale -en reconnaissant, en plus des plaques
tectoniques, les strates archologiques qui les constituent- nous
obtenons une perspective bien plus intgrale qui permet de formuler des jugements politiques plus adquats.
Examinons quelques exemples des implications d'un modle
tous quadrants, tous niveaux. La figure 6-2 est un diagramme
tir du livre The Crucible : Forging South Africa 's Future de Don
Beek et Graham Linscott. Il montre les compositions mmtiques
moyennes parmi les populations adultes des tats-Unis, d'Europe, d'Afrique sub-saharienne et d'Afrique du Sud. En ajoutant
l'analyse horizontale de Huntington ce type d'analyse verticale,
nous obtenons un index plus tridimensionnel et plus intgral des
phnomnes l'intrieur de diffrentes populations : politiques,
militaires, culturels, etc.
(Beek effectua plus de soixante visites en Afrique du Sud afin
de collaborer avec celles et ceux qui dmantelrent l'apartheid.
Les libraux, bien entendu, maintiennent habituellement que les
notions de niveaux >> ou de stades >> de dveloppement sont
porteuses de marginalisation et d'oppression, mais cela n'est vrai
que lorsqu'elles sont mal employes et par des personnes qui
souhaitent oppresser les autres de toute faon, que cela soit au
moyen de stades hirarchiques ou d'une pense politiquement
correcte antihirarchique. Beek n'a cess de nous dmontrer qu'une
conception intgrant les niveaux de faon approprie peut librer
les peuples des strotypes raciaux : << Il n'y a pas des individus
blancs et des individus noirs ; il y a des individus violets, bleus,
oranges, verts ... >>Il n'est donc pas tonnant qu'il ait t lou par
Nelson Mandela comme par le chef Zulu Mongosuthu Buthelezi
pour son travail innovant dans ce domaine.)
174
Afrique
du Sud
~ ~r----
v
--
Etats-Unis
.......
-v
Europe
Afrique subsaharienne
/
beige
"'""
!'----
v ~!'----
1--
1---
violet
rouge
bleu
orange
vert
accompli..
lien
instinct esprit de dieux de force de
sement/
puissance la vrit ~omptltlvltl humain
de survie
clan
jaune
turquoise
flexibilit vision
/fluidit globale
(flexflow)
175
L'Afrique du Sud est un cas particulirement dlicat prcisment cause d'un choc de civilisation la fois horizontal (Europe
et Afrique sub-saharienne) et vertical (violet/rouge et bleu/orange).
L'apartheid est en soi un dispositif typique de la structure bleue.
(Les hirarchies sociales de domination, de l'apartheid aux systmes de castes, existent presque exclusivement au sein de structures mythiques bleues.) Sur cette base bleue, les blancs d'Afrique
du Sud ont fond un tat capitaliste orange. Lorsque l'apartheid
fut aboli- de faon abrupte, et peut-tre sans assez de rflexion
quant ce qui allait le remplacer -l'Afrique du Sud fut jet dans
la tourmente. L'apartheid, bien sr, devait tre aboli, mais les
Sud-africains auraient eu besoin d'un peu plus de temps afin
d'laborer leur propre structure bleue capable de remplacer la
version europenne. Beek, qui est rest proche des dirigeants
sud-africains, affirme que la situation continue se dvelopper de
faon hsitante et par -coups difficiles. (Elle n'a pas t aide par
l'attitude librale verte qui, avec son habituel manque de croyance
dans les niveaux intrieurs, simplement insist pour que toutes
les structures bleues soient dmanteles, ce qui a eu pour effet de
paralyser la spirale dans son ensemble).
Comme avec l'Afrique du Sud, beaucoup des situations internationales vraiment difficiles sont le rsultat la fois d'un choc de
civilisations (sur l'chelle horizontale) et d'une guerre entre mmes
(sur l'chelle verticale). Le Vietnam fut un conflit interminable
entre deux blocs de civilisation en conflit (chinois et occidental)
diffrents niveaux de dveloppement (rouge/bleu et orange/
vert), avec comme rsultat l'intervention dsastreuse de l'tat
moderne amricain dans un chaos opposant anciennes nations
et empires fodaux.
Les guerres de Yougoslavie furent un cauchemar pouvantable,
d en particulier au choc violent entre au moins trois civilisations
(orthodoxe, islamique et occidental) et concernant au moins
quatre niveaux de dveloppement (des tribus ethniques violettes,
des empires fodaux rouges, des anciennes nations bleues et des
tats orange/verts). Slobodan Milosevic, partir de l'ancienne
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Bien que l'analyse de Huntington soit dpourvue de profondeur verticale, elle nous montre de faon dtaille l'influence
primordiale des blocs de civilisation horizontaux sur les politiques
internationales, l'conomie, les changes culturels et les conflits
arms dans le monde. Toute son analyse - que je recommande
vivement- tmoigne du fait que, au sein de la grande spirale du
dveloppement qui se dploie depuis les stades gocentriques vers
les stades ethnocentriques et enfin monde-centrique, la majorit
de la population mondiale est un niveau de conscience ethnocentrique, et qu'elle y restera probablement encore pour une
priode indtermine (comme cela a t le cas durant des millnaires). Cela ne signifie pas que des cultures monde-centriques
ne peuvent merger- en fait, Huntington relve dj les signes de
ces mergences (comme nous le verrons)- mais simplement que
le centre de gravit des diffrents blocs de civilisation est essentiellement ethnocentrique et que, compte tenu de la pyramide
de dveloppement, ces influences ethnocentriques demeureront
toujours des facteurs puissants (et souvent dominants) dans les
consciences individuelles et collectives.
Huntington poursuit par des recommandations politiques qui
sont, aucun doute l-dessus, profondment ancres dans le mme
bleu (une conception du monde globalement conservatrice et
rpublicaine), qui ont frquemment exaspr les libraux (et le
mme vert), car elles dfient leur objectif annonc fait de diversit,
de multiculturalisme et de sensibilit. Mais ici encore, comme avec
l'analyse de Fukuyama, l'analyse librale verte ne concerne qu'une
*.Au sens amricain du terme. par opposition dmocrate [NdT].
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vnements des quadrants gauches des adquations fonctionnelles des quadrants droits- et ils proposent un holisme flatland (ne
prenant en compte que les quadrants droits) et non un holisme
intgral (intgrant la fois les ralits des quadrants droits et des
quadrants gauches) .12
Le holisme flatland et le concept d'une toile du vivant cologique
doivent tre complts par la dimension de la profondeur verticale
et une comprhension de la pyramide du vivant: les deux dimensions sont profondment importantes. Une analyse dpourvue de
la dimension verticale du dploiement des vagues de la conscience
volue dans un monde plat (flatland) et non dans un monde tridimensionnel (or il se trouve que le monde est tridimensionnel) ;
les perspectives de hauteur et de profondeur lui chappent tant
et si bien que, par dfaut, l'analyse est mene travers le niveau de
dveloppement subjectifde l'analyste. Cela signifie gnralement qu'un
mme bleu ou orange ou vert essaie de comprendre la totalit de
la spirale du dveloppement travers le prisme de son altitude
propre, avec des rsultats moins que satisfaisants.
Alors, bien que j'applaudisse les interconnexions rvles par
l'ide d'une (( toile du vivant)) (deux quadrants, pas de niveaux)
que ces analystes proposent, je suggre de mon ct qu'une approche plus complte (tous quadrants, tous niveaux) peut offrir une
stratgie permettant de limiter la drive dont ils parlent. 13
Pour en revenir Friedman, le titre de son rcent ouvrage,
The Lexus and the Olive Tree [La Lexus et l'olivier), a pour vocation
d'illustrer ce qu'il peroit comme l'un des conflits fondamentaux
du monde d'aujourd'hui: la tension entre des cultures spcifiques
(similaires aux (( civilisations )) de Huntington), qui sont locales,
et une mondialisation croissante, qui ne l'est pas. La mondialisation techno-conomique (symbolise par la Lexus) tendance
perturber, voire dtruire, les traditions et les cultures locales
(symbolises par l'olivier), et ce conflit est un facteur essentiel
dans le monde d'aujourd'hui. Friedman prsente six domaines
et leurs rles dans ce conflit fondamentaL mais il privilgie dans
sa narration ce qu'il considre comme une des principales forces
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pas, mais c'est une discussion part entire). Friedman est donc
dans le juste : la technologie pousse dans la direction d'une vague
mondiale 1intgrale.
En fait, cette vague technologique mondiale est l'quivalent
dans le quadrant infrieur droit de ce que Huntington dsigne par
Civilisation plantaire dans le quadrant infrieur gauche. Chacun
apporte une pice du puzzle dcrivant la lente mergence d'une
civilisation plantaire. Comme c'est souvent le cas, la base technoconomique (quadrant ID) ouvre la voie, et transforme les socits
humaines l'intrieur desquelles les individus se dveloppent. La
technologie se diffuse gnralement trs rapidement puis, lentement,
au cours de nombreuses gnrations, elle remodle les cultures
qui mergent dans sa sphre d'influence. Ce fut le cas pour les
chasseurs-cueilleurs, aux tournants horticole, agraire, industriel,
et aujourd'hui, l're de l'information.
Mais ces structures techno-conomiques des quadrants droits
(agraire, industrielle, informationnelle, ... ) contiennent nanmoins
les plaques tectoniques horizontales et les mmes de dveloppement
verticaux des quadrants gauches, et c'est bien l qu' lieu, et qu'aura
toujours lieu, l'essentiel de cette volution. 15 Car, je le rpte, tout
le monde (mme dans une Civilisation plantaire) nat la base
de la grande spirale de dveloppement, et doit traverser celle-ci
partir de ce commencement, de telle sorte qu'il y aura toujours,
dans toute civilisation humaine, des sous-ensembles culturels (tout
comme on retrouve dans chaque civilisation - par exemple dans
la civilisation occidentale - des gangs de rue violets, des tribus
d'athltes rouges, des institutions bleues, des associations vertes
-et ce sera le cas tant que les tres humains natront la base de
la spirale). C'est pourquoi une technologie monde-centrique ne
peut imposer aussi simplement une culture unique l'ensemble
de la population humaine. C'est ce qui chappe aux analyses du
seul quadrant infrieur droit qui ne tiennent compte que de la
mondialisation technologique de surface.
D'un autre ct, une perspective tous quadrants, tous niveaux
nous permet de prendre le meilleur de chaque analyse et de les
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inscrire dans un contexte plus large o leurs contributions importantes (et leurs limitations) pourront tre mieux apprcies. Tous
quadrants, tous niveaux, toutes lignes: il est temps d'lever l'analyse politique mondiale un niveau intgral.
Voyons, afin de complter cette prsentation d'ensemblequi a pour thme l'intgration des diffrentes comprhensions
du monde (ou cartes du Kosmos) -quelques exemples issus des
sphres suprieures du dveloppement de la conscience et des
expriences spirituelles. J'ai dvelopp dans plusieurs livres une
tude approfondie de trs nombreuses cultures qui montre qu'il
existe au minimum quatre formes d'exprience spirituelle : un
mysticisme de la nature (psychique), un mysticisme du divin (subtil), un mysticisme sans forme (causal), et un mysticisme non-duel
(non-duel); chacune correspondant une profondeur (ou vague)
d'exprience particulire 16 Je parle ici des vagues transpersonnelles
et transrationnelles, bien distinctes des vagues magique/violet et
mythique/rouge .17
Les rsultats des recherches transculturelles (prenant en compte
les ralits de nombreuses cultures diffrentes) confirmant ces
vagues suprieures sont dsormais si probants que cela les place
au-dessus de toute contestation srieuse. Pour prendre un seul
exemple, Evelyn Underhill, dont le livre Mysticisme est regard
juste titre comme un texte de rfrence sur les traditions spirituelles
de l'Occident, conclut son essai en affirmant que les expriences
spirituelles (telles qu'en tmoignent l'ensemble des traditions
occidentales) apparaissent selon un continuum dveloppemental
allant d'un mysticisme de la nature (qui reprsente une forme d'union
avec la toile du vivant) un mysticisme mtaphysique (qui comprend
des formes d'illumination subtiles et d'absorption sans forme) un
mysticisme divin (et des tats d'union non-duelle)- un continuum
tout fait similaire celui que je propose.
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Ce spectre gnral- de la matire au corps au mental l'me (psychique et subtile) l'Esprit (causal et non-duel)- n'est rien d'autre
que le Grand Nid de l'tre. Vous pouvez en voir diffrentes variations
dans les figures 4-l, 4-2 et 4-3; et, comme l'ont dmontr Huston
Smith et bien d'autres, les attestations du Grand Nid apparaissent
dans toutes les cultures du monde en nombre crasant. 18 Bien sr,
je recommande une intgration des rvlations du Grand Nid en
l'enrichissant des quadrants et des lignes (comme je le suggre
dans les figures 3-2, 4-5 et 5-l): ainsi nous unissons le meilleur
des anciennes sagesses et la connaissance moderne la plus avance,
et ouvrons alors la voie une authentique thorie de tout.
La reconnaissance du spectre entier de la conscience (tel qu'il
est reprsent dans la figure 3-2) permet galement d'amorcer une
analyse croise partir des diffrents niveaux (ou analyse transniveaux), qui est d'une importance cruciale, et dont je rserve les
explications techniques pour une note de fin 19 . L'ide gnrale
est cependant assez simple: un individu, n'importe quel niveau
de dveloppement (violet, rouge, bleu, orange, vert, jaune) peut
faire l'exprience d'un tat altr de conscience, d'une exprience
paroxystique et accder momentanment n'importe quel vague
suprieure (psychique, subtile, causale, non-duelle). La personne
interprte ensuite ces expriences momentanes en fonction du
niveau auquel il se trouve. Ce type de situation requiert une analyse
combinatoire croisant plusieurs niveaux : par exemple, une personne en bleu peut avoir une exprience paroxystique psychique,
subtile, causale ou non-duelle ; une personne en orange, ou en
vert peut avoir une exprience paroxystique psychique, subtile,
causale, non-duelle; etc. Cela nous donne un tableau d'environ
une vingtaine de formes d'expriences spirituelles diffrentes, et
pourtant toutes aussi relles les unes que les autres. 20
Il peut paratre que ces expriences religieuses sortent du cadre
des analyses plus conventionnelles de Fukuyama, Friedman,
Huntington, Kaplan, Kennedy et consorts. Mais, en ralit, bien
que souvent marginalises, ces expriences sont parfois dcisives.
De nombreux leaders politiques d'envergure ont rapport avoir
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Un tre humain est une partie d'un tout que nous appelons
<<univers, une partie limite dans le temps et dans l'espace. Il
fait l'exprience de lui-mme, de ses penses et de ses sentiments
comme s'il tait spar du reste, pris dans une sorte d'illusion
d'optique de sa conscience. Cette illusion est pour nous telle
une prison, qui nous enferme dans nos dsirs personnels et
limite notre affection aux quelques personnes les plus proches
de nous. Notre tche doit tre de nous librer de cette prison
en largissant notre cercle de compassion toutes les cratures
vivantes et la totalit de la nature dans sa magnificence.
Albert Einstein
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Recommandations
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NOTES
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Le prsent ouvrage est probablement la meilleure introduction mon travail dans son ensemble (bien qu'il puisse tre enrichi par la lecture d'Une brve histoire de tout, d'Integral Psycho/ogy
et de One Taste) . Le texte principal pour cette TDT demeure la
seconde version rvise de Sex, Eco/ogy, Spirituality, disponible
la fois en grand format, et dans le volume 6 des uvres Compltes. [Les uvres Compltes de Ken Wilber (Collected Works of Ken
Wilber en anglais), publies partir de 1999, rassemblent, en
huit volumes, l'ensemble de ses crits ce jour. Ils sont catalogus CWl (pour Collected Works, Volume 1) CW8 (Collected
Works, Volume 8). NdT]
2. D'une survaluation de la construction sociale de la ralit ( le soi culturel omnipotent cre toutes les ralits ), au
relativisme appliqu la connaissance ( toute connaissance est
culturellement relative, sauf ma propre connaissance omnisciente qui affirme cela ), l'extrme dconstruction (je peux
dmonter n'importe quel texte ! ), la thorie de la rception
et de la lecture ( lorsque je regarde une uvre d'art, c'est en
fait moi, et non l'artiste, qui cre l'uvre d'art ), aux thories qui visent ressusciter Gaia, la Desse, l'Esprit (alors qu'on
considre habituellement que c'est l'Esprit qui nous sauvera, et
non pas le contraire}, l'ide new-age comme quoi l'on cre
notre propre ralit (ce sont les psychotiques qui crent leur
propre ralit) , aux enlvements extra-terrestres ( une intelligence suprieure extraordinaire tient, plus que tout, m'tudier de plus prs , aux centaines d'affirmations de nouveaux
paradigmes (je dtiens le nouveau paradigme qui va transformer le monde). Dans un nombre impressionnant de domaines,
nous attribuons au soi fini une importance dmesure, vous ne
trouvez pas ? Les critiques sociaux qui voient l une hypertrophie de l'ego mettent, il me semble, le doigt sur quelque chose
d'important.
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longue explication (comme ce qui suit). En physique, on considre gnralement qu'il y a quatre dimensions dans le macromonde : trois dimensions spatiales (longueur, hauteur et largeur) plus la dimension du temps, soit les quatre dimensions
de l'espace-temps physique. En revanche, dans la thorie des
cordes ou thorie M, on considre que le domaine physique est
compos de neuf ou dix dimensions micro-spatiales, plus la dimension temporelle, pour un total de dix ou onze dimensions.
Mais toutes ces dimensions ne couvrent que la sphre physique. Du point de vue du matrialisme scientifique, il n'y en a
pas d'autres. Mais si nous considrons qu'il existe des dimensions motionnelles, mentales et spirituelles l'existence, alors
nous nous trouvons confronts des problmes terminologiques, le nombre de mots disponibles tant assez limit.
La plupart du temps, comme je l'explique dans The Marriage
ofSense and Sou! (CW8), j'emploie niveaux et dimensions de la manire suivante : les niveaux dcrivent les structures, ou vagues,
verticales, et les dimensions font rfrence aux aspects horizontaux que l'on trouve chaque niveau. Les dimensions les plus
importantes que l'on trouve chaque niveau sont simplement
les quatre quadrants (je, nous, cela-individuel et cela-collectif;
autrement dit les espaces subjectif, intersubjectif, objectif et interobjectif). Les deux dernires catgories tant des dimensions
objectives, je ramne souvent ces quatre dimensions aux Trois
Grands (je, nous et cela; l'art, la morale et la science; le Beau,
le Bon et le Vrai, etc.).
Ainsi, dans cette terminologie, chaque niveau d'tre possde
au minimum ces quatre dimensions. Si nous considrons par
exemple cinq niveaux principaux d'existence (matire, corps,
mental, me et Esprit), chacune ayant quatre dimensions ou quatre quadrants, alors nous aurons vingt niveaux/dimensions d'tre
Ue physique, je motionnel, je mental, je spirituel, je ultime ; nous
physique, nous motionnel, nous mental, et ainsi de suite).
chaque niveau correspond une exprience du temps particulire.
Par exemple, il y a le temps physique (tel qu'on le mesure sur
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une horloge), le temps motionnel (ou comment nous ressentons un instant aprs l'autre), le temps mental (celui dans lequel s'crit l'histoire :lorsque que vous pensez au droulement
de votre vie, vous utilisez un temps narratif, le temps des histoires, des mythes, des fictions, du thtre, un temps tout fait
rel, le temps de la narration symbolique), et le temps spirituel
(dans lequel l'ternit peut tre reconnue chaque instant intemporel). Ce sont tous des niveaux de temps rels, diffrentes
voies par lesquelles le Kosmos se dploie diffrents niveaux
d'tre. (Voir The Atman Project et Up from Eden pour une discussion complte sur les nombreux niveaux temporels ; ces deux
livres sont regroups dans CW2) .
Il est courant de considrer que le temps est une dimension
en soi, bien qu'indissociable des autres. Dans ce cas, nous nous
trouvons avec au minimum cinq dimensions, savoir les quatre
quadrants tels qu'ils se manifestent dans le temps correspondant ce niveau). Avec cinq niveaux principaux, chacun ayant
quatre dimensions spatiales (je, nous, cela-individuel et cela -collectif) et une dimension temporelle correspondante, nous
avons donc vingt-cinq niveaux/dimensions d'tre.
Bien qu'on accorde la dimension physique (cela) 9 ou l
dimensions microphysiques, je la considre comme une unique
dimension (sans pour autant renier ses 9 ou l 0 sous-dimensions). Le plan physique contient galement, bien que sous une
forme rudimentaire, les dimensions du je, du nous et du cela.
Vous pouvez voir comme toute cette affaire de dimensions peut
commencer donner le tournis !
Comme je l'ai dit, sans de longues dfinitions, il est difficile
d'tre cohrent avec un terme comme << dimensions , alors
parfois, par souci de commodit, je l'emploie dans un sens technique quivalent aux<< quadrants (ou tout aspect horizontal
de n'importe quel niveau), et parfois j'emploie le terme pour
dcrire aussi bien un niveau vertical qu'une dimension horizontale. Le contexte devrait permettre de clarifier le sens.
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Chapitre 2 : La boomrite
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6. L'argumentation pour chacun de ces modules est dveloppe dans The Eye of Spirit (CW7) et Integral Psycho/ogy.
8. Les mots intgral , intgratif et intgr ont plusieurs sens lorsqu'ils sont appliqus un stade de dveloppement humain.
Pour commencer, il y a au moins deux significations gnrales distinctes selon qu'on considre l'intgration du point de
vue horizontal ou vertical. L'intgration horizontale signifie que
les lments d'un niveau donn (violet, bleu, jaune, etc.) sont
relativement bien intgrs ce niveau. Un niveau bien intgr
est un niveau sain, un niveau optimum tant donnes ses structures et ses limitations inhrentes. Une intgration horizontale
implique par consquent une intgration des quatre quadrants
un niveau donn. Rciproquement, un dsquilibre ou manque
d'intgration des quatre quadrants un niveau (par exemple,
une accentuation excessive du domaine du Je, du Nous ou du
a) a pour consquence un dsquilibre pathologique ce niveau. Restaurer la sant ce niveau ncessite que l'on restaure
un quilibre ou une intgration des lments et des quadrants
ce niveau (par exemple, en voluant d'un stade bleu dsquilibr un stade bleu quilibr, sain). C'est ce que j'appelle
l'intgration horizontale.
L'intgration verticale, quant elle, implique de se dplacer vers un niveau d'intgration suprieur. partir de l, les
interprtations du mot intgral commencent diverger
considrablement, en fonction du niveau le plus lev reconnu
par chaque thoricien. Le fait est que chaque niveau de dveloppement a la capacit d'tre relativement plus intgratif que
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11. La conclusion de The Bye of Spirit est que, lors des mouvements de translation, les hommes ont tendance mettre l'accent sur l'agentivit, les femmes sur la communion ; lors des
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Griffin l'ont fait remarquer, les seuls halons qui possdent une
conscience sont les halons individuels. Autrement dit, seuls les
individus composs possdent une conscience. Les socits et
entits collectives ne possdent pas en elles-mmes de conscience (bien qu'elles contiennent des individus qui possdent une
conscience). Ou pour l'exprimer encore plus simplement, les
thories des systmes sont toutes fondes sur le langage du
a , alors que la conscience utilise le langage du je . Les
diffrentes tentatives de modliser la conscience avec le langage
des thories des systmes (chaos, complexit, autopose) sont
donc totalement hors sujet.
Cela ne veut pas dire que les approches systmiques ne sont
pas importantes. Dans mon modle, le quadrant infrieur-droit
est un aspect important de l'histoire gnrale de la conscience, puisque chaque holan contient quatre quadrants. Les approches systmiques sont importantes dans la mesure o elles
mettent en lumire les aspects extrieurs de la conscience qui
se manifestent dans les systmes collectifs. Mais les approches
systmiques doivent tre compltes par les modles et mthodes du je et du nous . Voir An Integral Theory of
Consciousness , (CW7).
16. Techniquement parlant, nous est une premire personne du pluriel ( vous tant la deuxime personne). Mais
j'inclue la premire personne du pluriel ( nous ) et la deuxime personne ( tu/vous ) dans le quadrant infrieur gauche,
que je dsigne en gnral par nous . La raison pour cela est
qu'il n'y a, en anglais, pas de deuxime personne du pluriel
(c'est pourquoi, aux tats-Unis, les gens du sud disent you
all et les gens du nord you guys pour rendre le ~~ vous
de la deuxime personne du pluriel). Autrement dit, lorsque
qu'une relation du nous est tablie dans le respect, elle inclut implicitement une relation je-tu : je ne peux pas pleinement te comprendre tant que nous ne partageons pas un ensemble de perceptions communes .
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C'est pourquoi je crois que les thoriciens du je-tu tudient en ralit un sous-ensemble, une facette du quadrant infrieur gauche, du << nous>> au sens large. C'est en tous cas ainsi
que la plupart des thoriciens du nous , notamment Habermas, peroivent le domaine intersubjectif ( savoir, l'espace du
je-tu est un sous-ensemble de l'espace du nous ). Sans
cela, la deuxime personne, tu/vous, peut dgnrer en une
relation qui voit l'autre en tant qu'objet, en tant que a .
Ainsi, toute recherche authentique de la deuxime personne est
implicitement la premire personne du pluriel, celle du nous
intersubjectif (au moins en partie, mme si le tu est diffrenci
du nous). En ne mettant l'accent que sur une recherche la
deuxime personne, je-tu , nous prenons le risque de l'objectivation et de l'avilissement. De mon ct, j'ai toujours t
un fervent partisan de la recherche intersubjective nous/tu ,
comme d'ailleurs la plupart des grands philosophes hermneutiques. Et je suis tout fait d'accord sur le fait que ce domaine
intersubjectif (du nous comme du tu) a t excessivement nglig par la science du a et le subjectivisme du je. Une approche tous quadrants, tous niveaux, une approche l-2-3 ,
prends en considration les recherches du je, du nous et du a.
17. En ce qui concerne les relations entre les tats de
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paradigme, engendre la donne (elle ne se contente pas de la rvler). C'est en concordance avec de nombreuses positions postkantiennes et postmodemes qui rfutent le mythe du donn >>.
C'est galement en accord avec le paradigme de l'naction chez
Varela. En mme temps, comme je l'explique dans Sense and
Sou!, rfuter le mythe du donn, dans quelque domaine que ce
soit, n'quivaut pas nier l'existence de certains paramtres objectivement rels ou intrinsques de ces domaines. L'ide qu'il
existe de purs objets qui ne sont pas affects par la perception, et
celle que toutes les ralits sont des constructions sociales, sont
deux notions incompltes et peu satisfaisantes. Une pistmologie qui tient compte des quatre quadrants vitera les cueils
du subjectivisme pur comme celui de l'objectivisme pur en incluant les vrits partielles de chacun. Cependant, tant donne
la prdominance des pistmologies constructivistes radicales,
j'ai tendance mettre l'accent sur les composantes objectivement relles des diffrentes formes de connaissance, puisque ce
sont elles qui vhiculent la vrit partielle mais importante la
plus souvent conteste, malheureusement. Voir John Searle, La
construction de la ralit sociale (en rponse une construction
sociale de la ralit ), l'introduction de The Eye of Spirit (CW7),
et Boomeritis.
15. Mais la science, qu'elle soit large ou troite, ne suffit pas,
comme je l'ai dit, dfinir la spiritualit profonde. La science
large des domaines intrieurs nous donne seulement les donnes immdiates et les expriences immdiates concernant ces
domaines intrieurs. Ces expriences constituent les ingrdients
pour les laborations subsquentes qui mnent aux jugements
esthtiques (expressifs) et thiques (normatifs). Il n'est en aucun
cas question de rduire les quadrants intrieurs leurs seuls aspects scientifiques, quand bien mme nous parlons de science
large. La science, large ou troite, n'est que l'un des Trois Grands,
et elle permet uniquement d'tudier les donnes et les expriences immdiates qui sont la matire brute des expriences
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Remarquez galement que dans ce chapitre, je fais uniquement rfrence l'individuel. La science large peut galement
participer l'tude du quadrant infrieur gauche et de ses ralits. Cependant, dans tous les domaines intrieurs, la science
large sera dialogique (et translogique), et non pas simplement
monologique : nous sommes ici en prsence des sciences larges
de la phnomnologie, des mthodologies de recherche qualitative, des sciences interprtatives, etc. La science troite, quant
elle, qu'elle tudie l'individuel (physique, chimie, biologie, ... )
ou le collectif (thorie des systmes, thories de la complexit
et du chaos) est essentiellement monologique : elle examine la
ralit du a >> et non les caractristiques non-rductionnistes du je et du nous . Voir Les trois yeux de la connaissance
(CW3 ), chap. 1 et 2; The Eye of Spirit (CW7) ; et les nombreuses
notes sur le sujet dans SES (CW6).
16. Page 204. Certains critiques ont attaqus Sense and Sou/
car ils l'ont assimil la philosophie prenne , dont ils pensent le plus grand mal. Le relativisme pluraliste et certaines approches spirituelles profondment ancres dans le mme vert
(voir l'introduction du Volume 7 des uvres Compltes ; CW7)
ont depuis trois dcennies violemment attaqu la notion m me
de philosophie prenne. Ce courant de pense affirme qu'il n'y
a pas de vrits universelles (hormis ses propres ides pluralistes, universellement vraies pour toutes les cultures), et que la
philosophie prenne, si tant est qu'elle existe, est un modle
rigide et autoritaire (aprs quoi ils s'empressent en gnral de la
remplacer par leur propre idologie autoritaire et politiquement
correcte) . Nanmoins, j'approuve un bon nombre des critiques
concernant la philosophie prenne. Pour plus de dtails sur mes
critiques de la philosophie prenne, voir The Eye of Spirit (CW7),
The Marriage of Sense and Sou/ (CW8), Integral Psycho/ogy (CW4),
One Taste (CW8). SES (CW6), ainsi que les introductions des volumes 2, 3 et 4 des uvres Compltes.
2 33
Les critiques qui assimilent mon travail la philosophie prenne devraient donc remarquer que le seul lment de cette
philosophie que je dfends effectivement est la notion de domaines d'tre et de connaissance. Et encore, bien que j'tende
parfois cette reprsentation cinq domaines (matire, corps,
mental, me, esprit), je n'en approuve vritablement que trois:
la matire, le mental et l'esprit (ou le grossier, le subtil, et le
causal). Autrement dit, j'affirme que chaque culture humaine,
au moins partir d'Homo sapiens, a reconnu ces trois domaines principaux d'existence (tels qu'ils se manifestent galement
dans les tats de veille, de rve et de sommeil). C'est, peu de
choses prs, le seul lment de la philosophie prenne que j'aie
soutenu. Pour le reste, j'ai clairement pris mes distances vis--vis
de la plupart des autres aspects de la philosophie prenne dans
sa forme traditionnelle et de ses thoriciens tels que Frithjof
Schuon, Ananda Coomaraswamy, Henry Corbin, Seyyed Nasr,
Huston Smith, Marco Pallis, Ren Guon, etc., notamment sur
les notions d'archtypes universels, d'involution et d'volution
comme dynamiques rigides et prdtermines, d'une nature de
la ralit strictement hirarchique (par opposition une ralit
holonique/quadratique), entre autres. Je ne crois pas que ces
notions soient ncessairement vraies ni universelles.
Mais malgr mes critiques profondes de la philosophie prenne, je la considre toujours, particulirement dans ses formes les plus sophistiques, comme une source de sagesse insurpasse, mme s'il faut parfois un peu la dpoussirer. Une
authentique Thorie de Tout se doit d'intgrer judicieusement
le meille ur des sagesses pr-modernes, modernes et post-modernes, et c'est prcisment la tche explicite de SES et de tous
les livres subsquents.
17. La religion troite peut tre interprte comme la vision
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empiristes (Locke, Berkeley, Hume) ; et ensemble, elles favorisrent l'mergence des thories politiques du libralisme. James
Mill et son fils John Stuart Mill embrassrent cette ide pour une
raison simple : En psychologie, crit John propos de son
pre, sa doctrine fondamentale a t la formation de la totalit
du caractre humain par les circonstances [causalit objective],
grce au principe universel de l'association, et la perfectibilit
illimite qui en dcoule aux niveaux moral et intellectuel...
Cette perfectibilit, cette amlioration de l'humain, est accessible grce une ducation comportementaliste ou, notamment
dans ses formes tardives, grce une ingnierie sociale plus aggressive (ce qui explique pourquoi le behaviorisme, en dpit de
ses approximations et de ses erreurs, demeura la psychologie
d'tat de l'Union Sovitique, et celle, implicite, de nombreuses
formes de libralisme traditionnel.)
Comme le souligne John Passmore (A Hundred years of Philosophy): Dans l'un de ses premiers discours, [John Stuart] Mill annonce dj qu'il partage la croyance de son pre en une perfectibilit de l'homme ; on retrouve cette mme foi, inchange, dans
ses derniers crits. Il rejette ds le dbut la notion de diffrences
innes, et proclame, dans son livre The Subjection ofWomen (1869)
que 'les diffrences les moins contestables' entre les hommes et
les femmes sont telles 'qu'elles peuvent trs bien avoir t produites par les circonstances [causalit objective] sans qu'il n'y ait
ncessairement de diffrences de capacits naturelles [causalit
subjective].' On retrouve ici la table rase, sur laquelle un monde
extrieur plus parfait peut tre engrav, sans aucune considration pour d'ventuelles ralits intrieures. Une table rase>>qui
implique une orientation sociale radicale. L'associationnisme
chez Mill n'est pas une simple hypothse psychologique : c'est la
prsomption centrale d'une politique sociale radicale. >>
On retrouve la mme chose avec l'empirisme : non pas une
simple pistmologie, mais un modle d'action sociale, fond
presque entirement sur une causalit objective (et un dni implicite de toute causalit subjective), qui a constitu l'une des
240
justifications principales son adoption. L'empirisme, galement, est plus qu'une analyse pistmologique : ne pas tre
empiriste revient adhrer aux valeurs, aux doctrines sacres
et aux institutions de l'establishment Croire en autre chose
qu'en l'empirisme est, selon Mill, le vritable soutien intellectuel derrire les fausses doctrines et les mauvaises institutions.
L'empirisme devient la voie royale (et la seule) pour faonner
les individus l'infini (d'o la perfectibilit >> comme grand
programme d'ingnierie sociale).
D'un ct, comme nous le verrons, l'empirisme a t une
noble tentative de faire voluer les notions ethnocentriques de
diffrences >> innes et souvent discriminatoires ( les paens
sont dpourvus d'me >>) vers une moralit monde-centrique,
postconventionnelle, libre autant que possible des prjugs
(une motivation que je partage). Le fait est que l'establishment
- qui au temps de Mills reprsentait les doctrines mythiques
et ethnocentriques de l'glise (les institutions sacres ) demande effectivement tre examin avec un il critique,
ce que l'empirisme, en mettant l'preuve les revendications
empiriques de la religion troite, contribue sans aucun doute
accomplir. Cependant, en ignorant que les intrieurs possdent
leurs propres ralits, niveaux et tats (en les rduisant des
impressions du monde sensorimoteur), la philosophie et la psychologie librales ont profondment sabot leurs propres objectifs. Leur allgeance l'empirisme sensoriel et la table rase
contribua grandement au matrialisme scientifique, flatland,
vision aplatie de l'univers, qui sape et entrave tout authentique
dveloppement intrieur. Si une perfectibilit illimite >> des
tre humains est effectivement possible, elle ne peut reposer
sur les seuls dveloppements extrieurs, mais doit galement
inclure la comprhension de la spirale du dveloppement intrieur. Comme nous le verrons tout au long de ce chapitre, la
table rase >> librale est apparue pour permettre l'mergence
d'une conscience morale monde-centrique, mais elle en sabota
simultanment l'accs.
241
3. C'est pourquoi plus une socit devient librale et permissive , moins le libralisme peut s'panouir. Lorsque toutes
les ides, tous les discours sont considrs comme gaux, et
qu'aucun jugement n'est impos sur certaines positions (pour ne
pas marginaliser), les stades gocentriques et ethnocentriques
peuvent s'panouir, mais l'existence mme d'un libralisme monde-centrique est srieusement menace. Le libralisme traditionnel s'applique saboter les fondations du libralisme traditionnel.
Voir One Taste, 3 et 15 octobre, 10 dcembre ; et Boomeritis.
4. La vague de dveloppement mythique (le mme bleu)
tant un stade de dveloppement humain normal et ncessaire,
toute politique authentiquement intgrale fonde sur la directive premire devra reconnatre le rle absolument ncessaire
(bien que limit) du mme bleu dans la socit (et pas simplement essayer de la dissoudre, ce que le mme vert libral s'obstine faire ds qu'il en a l'occasion). La tentative d'radication
du mme bleu par le mme vert est l'un des cauchemars politique, aux tats-Unis comme dans d'autres pays.
5. Une politique intgrale cherchera ainsi intgrer les dif-
242
243
2) Individuel/collectif Doit-on, pour favoriser une socit juste, accorder plus d'importance l'individuel ou au collectif ?
Ce dilemme, bien que trs ancien, est devenu central partir
du Sicle des Lumires et de l'individualisation du soi (voir Up
from Eden). Lawrence Chickering, dans son ouvrage Beyond Left
and Right [Au-del de la gauche et de la droite], les appelle les
ailes de la libert et de l'ordre >> de tout parti politique. Combine
aux dfinitions du libralisme (gauche politique) et du conservatisme (droite politique) donnes plus haut, cette distinction
nous donne quatre orientations : gauche-libert, gauche-ordre,
droite-libert, droite-ordre. (Voir note 8 pour plus de dtails sur
la matrice Chickering/Sprecher).
Ainsi, le libralisme conomique et le libertarianisme sont
plutt des doctrines droite-libert : libert, car elles insistent sur les liberts individuelles; droite car elles croient en une
causalit interne. Vous tes pauvres car vous ne travaillez pas
assez. Le gouvernement doit par consquent se dsengager des
affaires conomiques et laisser le march rcompenser l'initiative individuelle. Le conservatisme traditionnel est une (( droite-ordre :ordre car elle met l'accent sur les valeurs collectives
et familiales, les vertus civiques, etc. ; droite car elle croit en
une causalit interne. Le vrai problme de socit rside dans
le manque de valeurs traditionnelles inculques aux individus.
Il faut donc rinstaurer la prire l'cole, muler l'thique du
travail, soutenir les valeurs familiales, etc.
Le libralisme classique issu du Sicle des Lumires tait une
(( gauche-libert : libert, car les liberts individuelles taient
dfendues contre la mentalit grgaire et la religion ethnocentrique environnantes ; gauche, car il cherchait les causes de la
souffrance humaine dans les institutions sociales corrompues
et oppressantes. Tous les tres humains naissent gaux, mais
la socit gnre des injustices. Cette orientation conduisit par
consquent souvent des politiques rvolutionnaires ( (( si lasocit est injuste, renversons-la, ce que la France et l'Amrique
firent avec leurs rvolutions). Le libertarianisme civil poursuit
244
245
246
247
interne et des stades de dveloppement intrieurs mais uniquement jusqu'aux altitudes mythiques ou bleues/oranges), l'tape
I consiste reconnatre la validit relle bien que partielle de
la causalit extrieure et de s'ouvrir ainsi une attitude plus
compatissante envers les plus dfavoriss (vers un conservatisme compassionnel ). L'tape II, qui n'a pas encore t
engage, implique un dplacement des valeurs mythiques vers
des valeurs monde-centriques, non pas en abandonnant les
premires mais en les enrichissant, en les compltant par les
perspectives offertes par les stades post-bleus .
Pour la majorit des libraux (ancrs dans la croyance en une
causalit externe et un dni des ralits intrieures), l'tape I
implique tout d'abord d'admettre une causalit intrieure. C'est
prcisment ce que la loi intitule opportunit et responsabilit (concernant les rformes sociales), passe sous Bill Clinton, tenta de faire : un cart novateur par rapport au libralisme
traditionnel car le volet responsabilit reconnat la causalit
intrieure (les individus eux-mmes, et pas seulement les institutions, sont partiellement responsables de leurs insuffisances).
Le rapprochement des notions de responsabilit (dpendante de
la personne) et d'opportunit (apporte par le gouvernement)
reprsente ainsi une tentative d'unifier les dimensions intrieures et extrieures. L'tape II, qui n'a pas encore t engage de
ce ct non plus, implique de reconnatre, non seulement les
intrieurs, mais les stades de dveloppement intrieur (l'ironie,
l encore, est que la position librale traditionnelle elle-mme
est dj une altitude monde-centrique ; tout ce qui est ncessaire, dans ce cas-l, est, pour les libraux, d'accder une comprhension plus claire de leur propre position et de l'histoire
dveloppementale qui l'a produite).
l'heure o j'cris ces lignes, en 2000, les deux tendances
politiques ont amorc une transformation travers la premire
tape; aucune n'a rellement initi la deuxime tape vers une
politique intgrale, bien que toutes deux semblent s'y diriger.
Il s'agit prsent d'une course politique qui dterminera qui,
248
du libralisme ou du conservatisme, sera en mesure de reconnatre en premier ses dficiences traditionnelles propres, afin
de pouvoir accder une authentique politique intgrale. Serat-il plus difficile pour les conservateurs traditionnels d'voluer
d'une vision du monde mythique vers une perspective mondecentrique, ou pour les libraux de prendre conscience et d'intgrer les stades de dveloppement intrieurs ? Le rassemblement
politique qui sera le mieux capable de reconnatre ses lacunes
accdera la deuxime tape vers une conception politique intgrale, et sera plus mme de comprendre et de mettre en
uvre la directive premire (capable d'appliquer la plus grande profondeur pour la plus grande tendue), bnficiant ainsi
d'une position favorable sur l'chiquier politique des annes
venir.
7. Quelques mots au sujet de l'intgration de la libert (autonomie) et de l'ordre (communion) : Autonomie >> est un mot
malencontreux bien des gards. D'abord, il ne peut y avoir de
soi fini absolument autonome, mais seulement un soi relativement autonome (bien que cette autonomie relative augmente
chaque vague de dveloppement). D'autre part, le soi relativement autonome de chaque niveau est inscrit dans un vaste
rseau de relations et de processus (naturels, objectifs, culturels,
sociaux). Autrement dit, l'agentivit est toujours une agentivit-en-communion , ce qui relativise srieusement la notion
d'autonomie ou d'agentivit isole en gnral. Enfin, le soi relativement autonome de chaque niveau existe galement dans
un systme d 'changes avec d'autres sois relativement autonomes
un niveau de dveloppement similaire.
Ce dernier point est particulirement important. Le soi violet existe dans un systme d'changes mutuels avec d'autres
sois violets, le soi bleu existe dans un systme d'changes avec
d'autres sois bleus, le soi orange avec d'autres sois oranges, le
soi vert avec d'autres sois verts, et ainsi de suite. (Bien sr, bleu
interagit galement avec violet rouge, orange, vert, jaune, etc.
249
Mais chaque niveau de soi se reconnat particulirement travers les changes tablis avec d'autres sois de profondeur similaire.) En rsum, le soi, quelque niveau qu'il soit, est un soi
en relation avec d'autres sois (agentivit en communion).
Il s'agit l d'un lment important pour comprendre le dbat politique qui oppose libraux et communautariens : chacun possde une pice du puzzle importante, mais partielle.
Les communautariens ont raison d'affirmer que l'individu est
toujours un soi situ ou satur, un soi en contexte (une agentivit en communion, une autonomie en relation). Les libraux,
quant eux, peroivent avec justesse que le soi orange est relativement plus autonome que le soi bleu, et que cette plus grande
autonomie relative doit tre protge de la mentalit grgaire
bleue (d'o les droits libraux). Mais ce soi libral (orange) relativement autonome n'en reste pas moins un soi en relation qui
ne peut se reconnatre que grce aux changes avec d'autres
sois relativement autonomes. Ainsi, l'autonomie d'une niveau
donn est relativement plus grande que celle du niveau qui
le prcde, mais demeure toujours une autonomie en relation
(l'agentivit est toujours une agentivit en communion >> ).
Mme le soi autonome du niveau intgral (voir fig. 2-l) est
en recherche de relations avec d'autres sois autonomes. Autrement dit, l'agentivit recherche l'agentivit (une agentivit de
mme profondeur) et dpend de cette relation pour satisfaire
la reconnaissance mutuelle ncessaire au soi quel que soit son
niveau de dveloppement. Durant les premiers stades du dveloppement, ces relations sont fondamentales pour la formation
du soi; chez l'adulte, ces relations sont ncessaires pour le bientre et le bonheur du soi, et pour son existence travers une
reconnaissance mutuelle. Bien sr, le soi adulte peut vivre sans
ces relations (si il choue sur une ile dserte, par exemple), mais
il dprit rapidement dans une telle aridit.
La notion librale traditionnelle d'autonomie reconnait donc
correctement la relative augmentation d'autonomie du soi orange
par rapport au soi bleu (et elle exige juste titre un systme
250
de droits permettant de protger l'individualit orange de l'oppression bleue), mais elle interprte incorrectement cette plus
grande autonomie comme une libert atomiste. La thorie librale confond autonomie et atomisme (ou agentivit isole) et
ce faisant, elle se mprend fondamentalement sur la nature du
soi, qui est toujours une agentivit en communion >>, et sur la
nature de la socit, laquelle n'est pas un contrat entre des sois
atomiss, mais l'inluctable manifestation d'une agentivit en
communion.
Dans Sex, Eco/ogy, Spirituality ainsi que dans Une brve histoire
de tout, j'associe l'agentivit avec les droits et la communion avec
les responsabilits. L'agentivit en communion signifie alors que
chaque individu, chaque soi, quelque soit l'altitude de dveloppement laquelle il se trouve, est toujours le vhicule d'un ensemble de devoirs et de responsabilits, de liberts et de devoirs.
Mais le soi libral du Sicle des Lumires (orange) se reconnat
uniquement dans les droits et les liberts, et identifie l'altitude
bleue avec les devoirs et les responsabilits. Dans sa noble tentative de protger l'individu orange de la multitude bleue (ou plus
exactement l'agentivit en communion orange de l'agentivit
en communion bleue ; ou encore les droits et les responsabilits oranges des droits et responsabilits bleues), le soi orange
a artificiellement spar les droits (auxquels il s'est identifi)
des responsabilits (auxquelles il a identifi le paradigme bleu),
en se persuadant qu'il tait possible d'avoir les droits sans les
responsabilits, l'agentivit sans la communion, la libert sans
les obligations et les devoirs. C'est en cela que la notion librale
d'autonomie contribua une rgression narcissique et gocentrique, et la dsintgration des valeurs sociales de communion, d'obligation et responsabilit mutuelle.
L'une des tches primordiales pour accder une vritable
politique intgrale est donc de reconnecter les droits et les responsabilits un niveau postconventionnel (altitudes orange
et suivantes), sans rgresser vers les structures autoritaires
bleues. Car le soi autonome libral n'existe que dans un rseau
251
252
253
254
12. John Astin, The Integral Philosophy of Ken Wilber : Contributions to the study of CAM (Complementary
and Alternative Medicine] and Conventional Medicine , en
prparation.
13. Sensorimotor Sequencing , travail prsent la Psychological Trauma conference, et soutenu par les coles de mdecine des Universits de Boston et de Harvard.
14. G. Schwartz et L. Russek, The Challenge of One Medi-
cine: Theories of Health and Eight World Hypotheses , Advances: The Journal of Mind-Body Health.
15. Voir L. Dossey, The Great Chain of Healing : Toward an
Integral Vision of Medicine (With a Bow to Ken Wilber) , Crittenden et al., Kindred Visions (Kindred Visions est un recueil de
textes de plus de 80 philosophes, psychologues et enseignants
spirituels sur le thme de la pense intgrale. Cette anthologie
n'a, ce jour (2014), pas t publie. NdT.]
255
256
257
20. Notez les deux tapes vers une politique plus intgrale :
reconnatre l'existence des ralits intrieures, puis intgrer les
niveaux de dveloppement intrieur.
21. Le problme avec l'intelligence artificielle (lA) et la robotique est que la majorit de ceux qui les dfendent sont empreints
de psychologie nave et ont une comprhension tonnamment
pauvre de la conscience, de sa nature et de la faon dont elle se
dveloppe. Si vous observez le quadrant suprieur gauche sur
la figure 4-4, vous avez un aperu de l'histoire de la conscience
humaine (avec ses halons constitutifs) : la prhension des atomes et des molcules est transcende en une irritabilit des cellules, laquelle devient une composante des sensations propres
aux organismes neuronaux, qui volue en des perceptions chez
les organismes neurones, puis en des impulsions chez les animaux dots d'un tronc crbral reptilien, puis en des motions
chez les animaux ayant un systme limbique, puis en symboles
et concepts chez les animaux nocortex, partir duquel le nocortex complexe, dans certains cerveaux humains, devient capable de produire une pense formelle rflexive, ou logique. Mais
chacun de ces halons, tant constitutif des suivants, est un lment essentiel du rsultat finaL savoir la conscience humaine.
Les programmateurs en informatique ont la fcheuse tendance ne prendre en compte que la forme de conscience qu'ils
connaissent le mieux - la conscience logique et mathmatique
-, l'crmer de la fine pellicule de conscience qui l'entoure
et modliser informatiquement certaines rgles et certains algorithmes qui lui sont propres, en s'imaginant que cette intelligence artificielle, dissocie, abstraite, dsincarne et superfidelle est la mme chose que la conscience humaine. Et ils se
disent videmment que d'ici dix ou vingt ans, il sera possible de
tlcharger la conscience humaine dans un microprocesseur
de silicone et ainsi d'accder la vie ternelle, alors que tout
ce qu'ils tlchargeront sera leur propre conscience dissocie,
abstraite et inconsistante.
258
259
260
261
la
place du terme holonique que j'utilise habituellement. Les
critiques en question reconnaissent comme moi que la plupart
des formes de holisme- qui insistent sur le tout -ont certains
inconvnients majeurs qu'une approche holonique- qui insiste
la fois sur le tout et sur la partie, sur le tout/partie, sur les halons
-permet de rsoudre. C'est vrai. Cependant, bien qu'il s'agisse l
de diffrences importantes entre les modles holistiques et haloniques, j'utilise frquemment ces mots de faon interchangeable,
car holonique n'est pas un terme trs courant.
>>
262
263
264
265
266
plusieurs units politiques )) ). Je crois que tout cela est essentiellement correct, mais j'ajouterais certains points. Selon moi,
les civilisations sont des amalgames de diverses lignes, divers
courants (valeurs, styles cognitifs, langage, morale, thique,
traditions, coutumes, ... ) tels qu'ils se manifestent travers diffrentes vagues, ou niveaux (violet, rouge, bleu, orange, vert)
et dans chacun des quadrants (individuel, comportemental,
culturel et social). Il est plus facile de tenir compte de toutes ces
ralits lorsqu'on commence utiliser un systme d'indexation
holonique.
12. Pour une discussion sur le rductionnisme subtil, voir
note 1 du chapitre 5.
13. Lorsque je dis que ces analystes, notamment Friedman,
Gaddis et Kennedy, proposent une interprtation deux quadrants, zro niveau >> fonde sur la toile du vivant, je veux dire
que bien qu'ils reconnaissent l'importance des quadrants intrieurs (par ex., les diffrentes cultures, valeurs et perceptions du
monde), ils ne distinguent pas les nombreux niveaux de ces intrieurs et par consquent ils les rduisent une seule entit indiffrencie (sous l'appellation du mot culture)) ou d'un concept
quivalent), qu'ils subordonnent presque immdiatement aux
quadrants droits tels que la finance, les marchs, la scurit nationale, les pratiques bancaires internationales, la mondialisation technologique, ou la notion cologique de toile du vivant.
Leur conception - et celle des thoriciens de la toile du vivant
-comporte par consquent deux quadrants, mais aucun niveau
(c'est un rductionnisme subtil, comme indiqu dans le texte
principal). Certains thoriciens des systmes reconnaissent les
niveaux hirarchiques (et s'en font mme les champions), mais
uniquement dans les ralits des quadrants droits ( deux quadrants, tous niveaux )) ), demeurant ainsi fermement enracins
dans une approche rductionniste subtile (flatland). Cependant,
en prenant en compte cinq ou six courants de dveloppement
267
l'intrieur des quadrants droits (tels que finance, marchs mondiaux, facteurs environnementaux, avances technologiques, et
scurit militaire), et en les considrant de faon holistique et
interconnecte (ce qui reflte la ralit), ils avancent lentement
vers une perspective plus intgrale.
Il en va de mme dans le domaine des tudes prospectives
(futurologie), domine par les quadrants droits, et des schmas
flatland cherchant prvoir les futurs possibles sur la base de
diffrents scnarios. tant donn qu'il manque ces scnarios
les donnes des domaines intrieurs (et puisque la spirale entire des domaines intrieurs opre nanmoins dans le monde
rel), les scnarios prospectifs sont srieusement biaiss ds le
dpart par cette absence de repres et d'informations au sein des
quatre quadrants. C'est l'une des raisons principales pour lesquelles les scnarios futuristes s'avrent gnralement inexacts
lorsqu'il s'agit de prdire les comportements de populations de
vrais tres humains. Un modle tous quadrants, tous niveaux,
toutes lignes offre une approximation beaucoup plus fiable
des comportements d'agents rels dans un monde rel.
14. Voir One taste, entre du 15 dcembre, pour une discussion sur la ncessit d'quilibrer les dveloppements intrieurs
et extrieurs.
15. On peut imaginer que dans un futur lointain, plusieurs
sicles peut-tre, l'humanit, dans sa croissance vers une culture
intgrale, atteindra une Civilisation plantaire unique qui aura
effac les contours des plaques tectoniques horizontales que
Huntington dcrit : une fusion complte des cultures, mme
au niveau gntique. Cela ne changerait pas de faon significative les niveaux de dveloppement travers lesquels chaque
individu doit voluer. On peut supposer que les cultures auront
alors des centres de gravit jaune, turquoise ou au-del (ainsi
que des institutions et des modes de gouvernance correspondants), mais chaque tre humain continuera naitre en beige
268
et continuera devoir traverser la spirale entire de dveloppement. Par consquent, des populations humaines continueront
exister travers tout le spectre des mmes verticaux. L'tre
humain est une entit compose (un holon), contenant tous les
sub-holons passs (les tres humains contiennent des atomes, des
molcules, des cellules, un tronc crbral reptilien, un systme
limbique palo-mammalien, etc.), et ces sub-holons ne sont pas
abandonns lorsque des holons suprieurs apparaissent. Il en va
de mme pour les quadrants intrieurs. Mme si nous sommes
au niveau intgral, les niveaux archaque, magique, mythique,
et rationnel sont toujours en nous.
16. Voir The Atman Project ; Up from Eden ; Les trois yeux de la
269
L'une des versions les plus communes de la Grande Chaine, en Orient et souvent en Occident, est illustre par les sept
chakras, qui reprsentent les diffrents niveaux d'tre et de
connaissance accessibles aux tres humains. Les chakras euxmmes sont dits reprsenter dans le corps humain des centres
d'nergies subtiles attachs aux modes d'tre et de connaissance
auxquels ils correspondent. Ils sont gnralement au nombre de
sept et situs : la base du corps ; dans la rgion gnitale ; dans
l'abdomen; dans la rgion du cur; dans la gorge; au niveau
du front; au niveau de la fontanelle. Il y a galement de nombreux chakras auxiliaires au dessus et en dessous de ceux-l (les
mridiens d'acupuncture sont notamment des variations de ces
courants d'nergie subtile).
Bien sr, certaines personnes considrent les chakras comme de simples superstitions ; prenons ici une perspective plus
authentiquement multiculturelle, en partant du principe qu'une
ide que l'on retrouve dans la quasi-totalit des civilisations
orientales peut tre autre chose qu'une nave superstition qui
peut tre carte d'un revers ddaigneux de rationalit occidentale, et explorons au contraire la sagesse qu'elle contient. Car les
chakras reprsentent essentiellement une version lgrement
plus sophistique de la Grande Chaine : matire ( l ), corps (2),
mental (3-4), me (5-6) et Esprit (7).
J'utiliserai dans le cadre de cette discussion, les corrlations
gnrales ci-dessous (mais vous pouvez tout fait utiliser une
autre version des chakras si vous le souhaitez, cet exemple dpendant seulement de la notion de sept modes structurels de
conscience). Les chakras sont trs difficiles dfinir, car ils remplissent diffrentes fonctions lorsqu'ils sont ouverts et lorsqu'ils
sont ferms. Avec cette mise en garde l'esprit, je dfinis globalement les chakras-niveaux ainsi : ( l) matire (et la vision
du monde archaque, beige) ; (2) la force de vie biologique, le
pra na, l'nergie motionnelle et sexuelle, la libido, l'lan vital, niveau magique (violet) ; (3) l'esprit infrieur, puissance
et conformisme, niveau mythique (bleu) ; (4) l'esprit mdian,
270
;::::
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271
19. Afin de clarifier la notion d'analyse croise partir des diffrents niveaux, ou analyse trans-niveaux [cross-leve! analysis], et
de faon viter tout eurocentrisme, j'utiliserai le systme des
chakras (voir note 18). Mais cette analyse est applicable tous
les modles dveloppementaux, qu'il s'agisse de la Spirale Dynamique, ou des modles de Jane Loevinger, Robert Kegan, Jenny
Wade ou Carol Gilligan. Et du fait que ces vagues de conscience
sont universelles, elles s'appliquent sans problme aux occidentaux comme aux orientaux.
Comme nous l'avons suggr, les sept chakras, qui reprsentent des niveaux de ralit, peuvent tre utiliss pour classifier
les visions du monde en fonction du chakra partir duquel elles
sont perues, ce que de nombreux thoriciens ont fait. Pour
donner quelques exemples, nous avons : les visions du monde
matrialistes du premier chakra, dcrites par des thoriciens tels
que Hobbes et Marx ; des visions du monde fondes sur le prana
et l'lan vital (Freud, Bergson), deuxime chakra ; des visions
du monde fondes sur la notion de puissance (Nietzsche), troisime chakra ; des visions du monde rationnelles (Descartes),
quatrime chakra; des mysticismes de la nature (Thoreau), cinquime chakra; des mysticismes du divin (Ste Thrse d'Avila),
sixime chakra ; des mysticismes sans forme (Maitre Eckhart),
septime cha kra.
Aussi utiles soient ces classifications par niveau de conscience, elles soulvent immdiatement un certain nombre de problmes qui ne peuvent tre compris qu'en introduisant ce que
l'on peut appeler une analyse croise partir des diffrents niveaux
(ou analyse trans-niveaux). Car il nous faut en effet distinguer le
niveau partir duquel mane une vision du monde du niveau
qu'elle reprsente. Par exemple, Marx est souvent cit comme reprsentant d'une forme de matrialisme (chakra l ), mais Marx
lui-mme n'mane pas du premier chakra. Tout ce qui existe au
niveau que reprsente le premier chakra est la matire inerte,
la dimension physique du monde (et le niveau de conscience
le plus bas qui s'en rapproche, savoir beige/archaque). Marx
272
273
objet tout autre chakra (ou tout autre niveau de ralit); il peut
les penser, formuler des thories les concernant, les reprsenter
sous forme d'art. Mme si nous disons que seuls les chakras
intermdiaires peuvent participer ces pratiques transversales
(les cha kras les plus bas, comme la matire inerte en tant incapable ; et les chakras suprieurs ont tendance transcender
le mental, bien qu'ils soient parfaitement capables de concevoir
des thories rationnelles, mais nous les laissons de ct ici, pour
simplifier), cela signifie que les chakras 3, 4 et 5 peuvent porter
leur attention sur chacun des sept chakras, crant chaque fois
une vision du monde diffrente ; ce qui nous donne vingt-cinq
visions du monde fondamentales des sept niveaux structurels de
conscience de l'tre humain. (Sept pour les trois chakras mdians, et une pour chacun des autres chakras). Sept niveaux
peuvent concevoir plusieurs dizaines de visions du monde !
Et, bien sr, ce n'est qu'un dbut. Si nous voulons tenir
compte de tous les quadrants, niveaux, lignes, types, tats et
domaines , ce que tente une approche holonique, alors nous
avons seulement voqu brivement les niveaux du soi (du sujet) et les niveaux ou domaines de ralit (ou objets). En ce qui
concerne le nombre de ces niveaux, je prends en compte habituellement entre sept (comme les chakras) et douze niveaux
(comme dans les figures 3-2 et 6-l ). Le nombre exacte importe
moins que la reconnaissance qu'il existe une vritable holarchie
d'tre et de connaissance.
Mais il nous faut encore inclure les quadrants dans chacun de
ces niveaux; les diffrentes lignes ou courants qui traversent ces
diffrents niveaux ; les diffrents types d'orientation existant
chaque niveau; et les nombreux tats altrs qui donnent accs
temporairement diffrents domaines. De plus, les individus, les
groupes, les organisations, les nations, et les civilisations connaissent tous diffrentes formes de dveloppement travers toutes ces
variables. Tous les facteurs mentionns ci-dessus contribuent
former diffrentes conceptions du monde, et toutes doivent tre
prises en compte si l'on veut tre en mesure de proposer une
274
275
INDEX
A
Achterberg, Jeanne, 139, 2 55
Afrique du Sud, 23, 174, 175,
176
Albrecht, Simon, 141
Ali, Hameed, 156
Allemagne, 177
Anderson, Bob, 141, 256
A Sociable God, (Wilber), 112,
230, 235, 273
c
B
Barbour, lanG., 94, 96, 97, lOI,
228, 229
Beek, Don, 22, 24, 55, 125, 13 3,
141, 144, 156, 174, 175,
210, 211, 212, 213, 220,
221, 257
Bellah, Robert, 19, 162, 165,
166,265
Bercholz, Sam, 142
Beyond Individualism
(Crittenden), 133
277
cologie, 28, 64
ducation, 143
Eisler, Riane, 48
Empirisme, 84
Engler, Jack, 64
Ensign, James, 139
Essential Spirituality (Walsh),
202,270
tats, 134
199,209,265,276
Galile, 107
Gardner, Howard, 38
Garrison, Jim, 133, 156
Gautama Bouddha, fig., 84
Gebser, Jean, fig., 53, 84, 142,
162,223
278
1
Ingrasci, Raz, 144
J
James, William, 114
JMJ Associates, 141
Jones, Wanda, 139
Joy, BilL 153
279
Levant, Oscar, 19
Libralisme, 131
lingua fran ca - The Review
of Academie Life
(Lentricchia), 19
Linscott, Graham, 174, 175
Locke, John, 84, 127
Loehr, Jim, 142
Loevinger, Jane, 21, 53, 56,
128, 163, 223, 256, 272
M
Mandela, Nelson, 174
Marx, Karl, 161
Mbeki, Thabo, 126
McGuinn, Colin, 34
McNab, Peter, 221
Me- The Narcissistic American
(Stern), 19
Mendieta, Eduardo, 156
Mill, James, 240
Mill, John Stuart, 159, 240
Milosevic, Slobodan, 176
Minton, Kekuni, 139
Morrow, Lance, 243
Murphy, Michael, 144, 156,
201, 221
280
Quadrants, 84
Quigley, Carroll, 162
(Barbour), 228
Religion, Voir galement
Science et religion, 228
Richards, Bob, 142
Richards, F., 21 0
Rothberg, Donald, 144
Russek, Linda, 162, 255, 262
Russell, Bertrand, 161
s
Santerre, C., 262
Schachter-Shalomi, Rabbi
Zalman, 156
Schlitz, Marilyn, 139, 156
Schroeder, Gerhard, 126
Schwartz, Gary 139
Schwartz, Tony, 142, 156, 202
Scott, Eugenie, 95, 228
Searle, John, 156, 231, 2 59
Self Seekers (Restak), 19
Sex, Eco/ogy, Spiritua!ity (SES)
(Wilber), 64, 66, 69, 70,
144, 205, 209, 225, 229,
2 5 1, 252, 265, 269
Shakespeare, William, 93
281
T
Tannen, Deborah, 77
Taylor, Charles, 156, 239
The Atman Project (Wilber), 74,
215,269
The Chalice and the Blade (Eisler),
48
The Eye of Spirit (Wilber), 79, 81,
119, 201, 210, 220, 221,
222, 225, 229, 231, 233,
238, 269
Transformations of Consciousness
(Wilber et al.), 64
Troisime Voie, 126, 252
u
Underhill, Evelyn, 167, 191
Une brve histoire de tout (Wilber),
71, 81, 202, 209, 218,
221 , 224,225,229, 238,
251, 252, 262
282
v
van den Daele, Leland, 156
Varela, Francisco, 143, 144, 156,
231
Vaughan, Frances, 144, 156
Velmans, Max, 156
w
Wade, Jenny, 20, 144, 156, 212,
220,272
Walsh, Roger, 66, 144, 156, 202,
270
Watson, John, 84
Weber, Max, 84, l 07
z
Zimmerman, Michael, 156, 256