Droit Pénal Des Sociétés

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Introduction

I. Les composantes de la matière

C’est la combinaison de 2 matières. Est-ce que l’une des matières absorbe


l’autre? Est-ce qu’elles coexistent? Ou encore, est-ce que du rapprochement du droit
pénal avec le droit des affaires naît une autre matière autonome, spécifique, qu’est le
droit pénal des affaires? Question du mythe ou de la réalité du droit pénal des
affaires.

A. Les matières associées

1. Droit des affaires

L’expression est juridiquement consacrée. Quelles en sont les frontières? La


notion est floue, empirique. Alexandre Dumas disait « Les affaires ? C’est bien
simple, c’est l’argent des hommes. » Un autre disait « les affaires sont les affaires ».
On s’accorde à reconnaître que le domaine du droit des affaires est plus vaste que
celui du droit commercial (actes de commerce). Le droit des affaires englobe d’autres
matières. Le terme « affaires » englobe le commerce mais il inclut d’autres branches
du droit : fiscal, social, civil, droit de l’environnement…
Conclusion : c’est une branche du droit qui a un caractère pluridisciplinaire. Le
terme affaires est à la fois polymorphe et imprécis.

2. Droit pénal

C’est davantage délimité. C’est une branche du droit constituée par


l’ensemble des règles de fond et de forme qui organisent la réaction de l’Etat à
l’encontre des infractions et des délinquants. C’est ce que l’on appelle le droit
criminel. Le droit criminel qui lui-même se décompose avec d’un côté la procédure
pénale (règles de forme) et de l’autre le droit pénal stricto sensu (règles de fond). En
n’oubliant que ce droit pénal lui-même se subdivise à son tour en droit pénal général
et en droit pénal spécial. Tout est dans la terminologie : le droit pénal général est une
matière à vocation générale qui va traiter de l’ensemble des questions susceptibles
de se poser à propos de toute infraction et de toute sanction. Matière à vocation
abstraite. Droit pénal spécial : matière à vocation concrète. Il se livre à l’étude des
différentes infractions et des règles propres les régissant dans leur constitution et
dans leur répression.
Conclusion : on étudie le droit pénal des affaires ; on va donc étudier aussi
bien les règles de procédure pénale que les règles de fond régissant les infractions.

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B. La matière générale

2. L’objet de la matière

Que recouvre véritablement cette expression de droit pénal des affaires ? Ce


n’est pas droit pénal et droit des affaires. Il y a un rapport de sujet à objet. On va
faire d’abord et avant tout du droit pénal. C’est une matière de droit pénal. L’objet
de cette étude pénaliste va être les affaires, et plus précisément les infractions
d’affaires. Nous n’allons pas étudier le droit pénal dans sa globalité ni le droit des
affaires directement mais le droit pénal limité à la vie des affaires et le droit des
affaires indirectement à travers le prisme du droit pénal. Voilà toute la spécificité de
cette matière.
Concrètement, quel en est l’objet ? Nous allons retrouver les infractions
d’affaires, c'est-à-dire tout ce qui relève du droit commercial (actes de commerce) ;
mais le droit pénal des affaires n’est pas le droit pénal du commerce. On va aussi y
trouver les infractions économiques (infractions qui affectent le circuit de production,
de distribution ou de consommation des richesses) et financières (infractions qui
affectent les ressources pécuniaires d’autrui, autrui pouvant être une personne
physique ou morale, de droit privé ou public). Mais le droit pénal des affaires ne va
pas non plus se limiter aux infractions d’ordre économique et financier. Vont s’y
ajouter les infractions relatives à la vente, à la bourse, au droit du crédit, d’ordre
social (droit du travail, de la sécurité sociale), d’ordre environnemental (santé
publique, urbanisme…), etc. Le droit pénal des affaires va aussi englober dans son
étude les infractions portant atteinte aux valeurs sociales communes et non pas
simplement à une règlementation précise : la confiance publique (délit de faux, banal
dans la vie des affaires), les atteintes au patrimoine d’autrui (escroquerie, abus de
confiance). On pourrait très bien imaginer aussi les atteintes aux personnes
(accidents se produisant dans la vie des affaires). Le droit pénal des affaires englobe
ces infractions de droit commun qui relèvent normalement de l’étude du droit pénal
spécial.

On ne va pas étudier toutes ces infractions ; on va les étudier sous un angle


particulier. Elles ont un cadre commun : elles ont été commises dans la vie des
affaires. Elles vont avoir un cadre particulier : celui de l’entreprise au sens juridique
et au sens économique (établissement industriel ou commercial participant au
processus de production, de circulation, de distribution et de consommation des
richesses). Cette expression « dans le cadre de l’entreprise » se comprend non pas
dans un sens strictement géographique ; c’est l’entreprise dans l’exercice de son
activité qui nous intéresse, dans le respect de la règlementation régissant son
activité. Dans l’exercice de son activité, l’entreprise a été auteur ou victime d’une
infraction.

D’où définition du droit pénal des affaires : branche du droit pénal qui incrimine
et sanctionne les agissements accomplis soit pour le compte d’une entreprise ou de
l’Etat soit au détriment de celle-ci ou de celui-ci et cela par une personne qui aura
dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont confiés soit méconnu les normes édictées
pour régir l’activité professionnelle dont l’entreprise relève soit manqué aux valeurs
sociales communes juridiquement protégées.

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3. La question de l’autonomie de la matière

Les spécialistes parlent davantage de criminalité d’affaires que de droit


pénal des affaires. Lorsque l’on se centre sur le droit pénal des affaires, c’est plutôt
en termes de criminologie. La criminologie a réellement mis en exergue la spécificité
de la criminalité d’affaires. Est apparue dès le XIXe siècle dans la littérature
criminologique l’expression « criminalité en col blanc » (en gants blancs, pour les
Italiens). Pour montrer qu’il y aurait, en termes de criminologie, une originalité propre
à ceux qui commettent les infractions d’affaires. Il y a effectivement un
particularisme criminologique. Du côté de l’auteur, c’est un citoyen « au-dessus
de tout soupçon », un homme qui a des responsabilités, un statut socio-économique
respectable (ce n’est pas le délinquant primaire). Du côté de son intention coupable,
beaucoup de spécificités ; ce délinquant a pleinement conscience qu’il agit en
infraction, mais il y a pour lui un fait justificatif : la vie des affaires. Il y aurait une sorte
de code propre à la vie des affaires (et c’est tout le danger). D’un point de vue
criminologique, c’est incontestable. Du côté de la réaction sociale, il y a aussi des
particularismes ; il y a une ambigüité de la réaction sociale, une certaine tolérance
vis-à-vis de ces comportements. Même la société a conscience que ça fait partie de
la vie des affaires. Il y a une certaine permissivité, voire même parfois une solidarité.
Une certaine admiration aussi ; on est dans la criminalité astucieuse. Donc très réelle
spécificité criminologique, même du côté de la réaction judiciaire. Il y a des faits
incontournables. S’agissant de la délinquance d’affaires, c’est là où il y a le chiffre
noir le plus important (c'est-à-dire la différence entre le nombre des infractions
portées à la connaissance des autorités officielles et le nombre réel). Egalement, on
est en présence d’une criminalité astucieuse qui va passer par beaucoup de
dissimulations ; problèmes en termes de prescription. Voyant cela, on a travaillé sur
la prescription. Il a fallu tout un travail jurisprudentiel qui perturbe toute la vie
économique ; d’où une série de projets de lois pour casser cette jurisprudence. Enfin,
certaine réticence à engager des poursuites, certaine faiblesse dans la réaction
judiciaire. On est dans le monde politico-économique. D’où une certaine impunité,
pendant des années, concernant les infractions d’affaires. En termes d’enjeux
financiers, elles doivent représenter 100 fois plus que les infractions de droit
commun. Mais en termes de poursuites, elles ne représentent que 6% des
infractions poursuivies.
Dire qu’il existe une criminalité d’affaires (une spécificité au sens
criminologique) ne signifie pour autant qu’il existe un droit pénal des affaires. Mythe
ou réalité ? Existe-t-il véritablement un droit pénal des affaires ? Pour Hirsoux, c’est
un mythe. Il n’y a pas une autonomie de règles régissant les infractions d’affaires qui
permette d’ériger cette matière en matière autonome. La plupart des infractions
d’affaires peuvent aussi bien être commises par n’importe quel citoyen (abus de
confiance, escroquerie…). Il va s’agir de regrouper des infractions qui ont pour trait
commun d’avoir été commises dans la vie des affaires et qui vont être marquées,
pour certaines, d’une spécificité ; ça ne suffit pas à former une matière autonome.

Appliqué aux infractions d’affaires, le droit pénal remplit ses 2 fonctions


classiques sans originalité particulière : sa fonction sanctionnatrice directe et sa
fonction normative indirecte. Il prévoit les sanctions applicables aux
comportements répréhensibles ; dans cette fonction sanctionnatrice, le droit pénal va
faire un double travail : travail de sélection, d’abord, des comportements fautifs
(seuls les comportements fautifs les plus graves sont appréhendés) ; travail de
classement ensuite, qui se surajoute au premier. Il répartit entre contraventions (avec

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les 5 classes, les juges de proximité étant compétents pour les contraventions des 4
premières classes), délits et crimes. Pas de spécificité dans ce double travail.
La 2ème fonction du droit pénal, normative, est exercée de façon indirecte. En
disant ce qu’il ne faut pas faire, indirectement a contrario, le Code pénal dit ce qui
doit être fait dans une société donnée à un moment donné (règles de la bonne
conduite en société). Toute l’évolution de la société est dans le Code pénal. Cette
fonction normative s’applique sans originalité aux infractions d’affaires.

Il reste que, matière véritablement autonome ou pas, le droit pénal des


affaires est une matière relativement récente. Cette idée d’une pénalisation de la vie
des affaires est relativement neuve. Droit pénal et vie des affaires ne se sont jamais
totalement ignorés mais se sont rencontrés assez tardivement. Jusqu’alors, on
considérait que ça relevait d’autres sanctions que de la sanction pénale.
Première manifestation dans le droit pénal fiscal, en matière d’impôts, pour les
contributions indirectes : XVe siècle, règles de la ferme générale. Vint ensuite la
codification par Colbert par la Grande ordonnance de 1680. C’est la 1ère
manifestation de cette idée de sanctionner pénalement les infractions à la
réglementation de la vie des affaires.
Deuxième domaine : en matière de consommation, où il s’est agit de protéger
la loyauté des transactions, la santé publique. Lutte contre les fraudes en matière de
beurre, de lait, d’œufs. Sanction : mise au pilori. Surtout : loi de 1905 sur la
répression des fraudes et des falsifications, désormais intégrée dans le Code de la
consommation. En matière de vente, pénalisation pour assurer la libre circulation des
produits de 1ère nécessité (lutte contre l’accaparement). Toute cette règlementation
est peu à peu assortie de sanctions pénales. On assure le libre accès à ces produits
et services. Règlementation du prix de vent, prohibition du refus de vente.
Le mouvement de pénalisation est en marche avec la loi de 1905. Il va
s’amplifier, notamment sous un double impact : la crise économique de 1929 (souci
de protéger certaines activités, assurer la lutte contra la hausse des prix excessive)
et l’affaire du canal de Panama. La découverte que la moralité n’est pas forcément là
où on l’attend.
En 1935, la sanction pénale va pénétrer le droit des sociétés. C’est notamment
l’incrimination du délit de faux bilan.
Décret-loi du 8 août 1935 : incrimination du délit d’abus de biens sociaux. Le droit
pénal financier apparaît aussi (usure, démarchage, répression en matière de
chèques).
1945 : le droit pénal économique (ordonnance du 30 juin 1945 sur les prix et la
législation économique).
1958 – 1959 : législation de la sécurité sociale. Les sanctions pénales viennent
l’assortir.
Loi du 6 août 1975 : introduit dans le Code de procédure pénale un titre intitulé « De
la poursuite, de l’instruction et du jugement des infractions en matière économique et
financière ». C’est la consécration de la pénalisation sous l’angle procédural. Alors,
le droit pénal des affaires est-il une réalité ? Pas vraiment. Il ne s’agit pas d’édicter
des règles de fond ou de procédure propres mais de créer des juridictions
spécialisées pour en connaître. Création des pôles de lutte contre la grande
criminalité. Dans le ressort de chaque Cour d’appel, un ou plusieurs TGI sera
compétent pour connaître de cette poursuite, instruction ou jugement (art. 704 et 705
du CPP). C’est donc la reconnaissance de la nécessité d’une compétence
particulière. Mais ça n’inverse pas le constat ; le droit pénal des affaires n’est pas
une branche autonome.

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II. Les mouvements de la matière

La spécificité de cette matière est qu’elle va être influencée par les matières
qui la composent et les mouvements qui affectent cette matière. Sans compter les
mouvements qui lui sont propres.

A. Les mouvements par ricochet

1. En droit des affaires

Le droit des affaires évolue. Sous un angle contemporain : loi sur les
nouvelles régulations économiques du 25 mai 2001 (loi NRE), qui est la 1 ère
illustration d’un mouvement propre aux infractions d’affaires. Elle amorce un
mouvement de dépénalisation du droit des affaires mais surtout du droit des
sociétés.
Loi du 1er août 2003 sur la sécurité financière. Elle apporte des
aménagements importants en matière de transparence et de responsabilité. Elle
modifie un peu la loi NRE.
Le même jour, loi sur l’initiative économique. Dispositions intéressantes quant
au montant du capital social des SARL.
Loi du 2 juillet 2003 qui habilite le gouvernement à prendre des ordonnances.
Le gouvernement a pris des ordonnances, dont celle du 25 mars 2004 portant
simplification du droit et des formalités pour les entreprises. On substitue des
sanctions civiles aux sanctions pénales (notamment une injonction de faire).
Loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises en difficulté, dans le
cadre des procédures collectives.
Loi du 2 août 2005 en faveur des PME. Dispositions en droit des sociétés,
notamment en matière de SARL et d’EURL.

2. En droit pénal

Art. L111-1 : classification des infractions selon leur gravité (contraventions,


délits, crimes).
Peines applicables aux amendes prévues pour les contraventions des 5
premières classes ; conséquences en termes de procédure, de prescription. Le délai
de prescription de l’action publique en matière de contravention est d’1 an (différent
du délai de prescription relatif à la peine).
Art. 111-3 : principe de la légalité des délits et des peines. Principe
fondamental. Son corollaire et complément indispensable : principe de l’interprétation
stricte (art. 111-4) de la loi pénale.
Art. 111-5 : Les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les
actes administratifs réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité
lorsque de cet examen dépend la solution du procès pénal.
Art. 112-1 à 112-4 : règles régissant l’application de la loi pénale dans le
temps. Principe de la non rétroactivité de la loi pénale. Tempérament : rétroactivité in
mitius pour les lois pénales plus douces.
Art. 113-2 et s. : application de la loi pénale dans l’espace. Principe de la
territorialité de la loi pénale. Alinéa 2 : est réputé commise sur le territoire de la
République l’infraction dont l’un des faits constitutifs a eu lieu sur le territoire de la
République.

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Art. 121-1 : Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait. La
responsabilité pénale est personnelle. Il n’y a pas en principe de responsabilité
pénale du fait d’autrui, contrairement à la responsabilité civile.
Art. 121-1 : responsabilité pénale des personnes morales.
Art. 121-3 al. 1er : il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le
commettre (disposition qui ne figurait pas dans l’ancien Code pénal ; d’où disparition
des délits matériels sans intention, en matière de pollution, d’urbanisme, etc.). Mais
alinéa 3 : Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute
d’imprudence, de négligence ou de manquement à l’obligation de sécurité ou
de prudence imposée par la loi ou les règlements.
Alinéa 2 : réserve l’hypothèse de mise en danger délibérée de la personne d’autrui.

S’agissant des décideurs, cette incrimination pour délit d’imprudence pose


énormément de problèmes. On a manifesté contre la mise en cause trop facile de la
responsabilité pénale des décideurs publics ou des décideurs privés au titre de leur
faute d’imprudence. Pression des élus locaux et des chefs d’entreprise pour
aménager le régime de leur responsabilité pénale. On a fait une loi en 1996 pour
modifier l’alinéa 3 de l’art. 121-3. Cette réforme, heureusement, n’est pas spécifique
aux décideurs. Elle vaut pour l’ensemble des justiciables. On a ajouté à l’alinéa 3 :
« sauf si l’auteur des faits a accompli les diligences normales compte tenu, le
cas échéant, de la nature de ses missions, de ses fonctions ou de ses
compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. » C’est du
n’importe quoi législatif. Au fond, il s’agissait d’imposer aux magistrats de procéder à
une appréciation in concreto. L’idée est de déresponsabiliser pénalement ces
décideurs par le biais d’une appréciation in concreto de la faute. C’était le vœu de la
loi. Mais ce fut un échec ; ça s’est retourné contre l’esprit de la loi. La Cour de
cassation cassait systématiquement les décisions de relaxes au motif que les juges
du fond n’avaient pas vérifié si, compte tenu de leur mission et de leurs moyens, les
décideurs n’étaient pas véritablement à même d’empêcher la réalisation du
dommage. Echec donc il a fallu retravailler l’art. 121-3.
C’est la loi du 10 juillet 2000 (magnifique loi, dite loi Fauchon), 4 ans après
avoir réformé le Code pénal, qui a modifié l’art. 121-3 alinéa 3. Elle a ajouté un alinéa
4. Elle a été votée sous la pression des décideurs (élus publics et chefs d’entreprise).
Encore une fois et heureusement, elle ne leur est pas réservée. On a modifié l’alinéa
3 : au lieu de « sauf si » on a mis « à condition que l’auteur n’ait pas accompli les
diligences normales etc.». Au lieu de « imposée par la loi ou les règlements » on a
mis « le règlement ». Mais surtout, on a ajouté un alinéa 4 : « dans le cas prévu à
l’alinéa qui précède (fautes d’imprudence), les personnes physiques qui n’ont
pas causé directement le dommage mais qui ont créé ou contribué à créer la
situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les
mesures permettant de l’éviter seront pénalement responsables s’il est établi
qu’elles ont soit violé de façon manifestement délibérée une obligation
particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement soit
commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une
particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer. »
Bilan : la loi est très bonne. Désormais, s’agissant de ces délits d’imprudence,
on distingue selon que la faute d’imprudence est à l’origine directe ou indirecte du
dommage. Le mécanisme est le suivant : la loi a joué sur 2 terrains ; la faute et la
causalité. Elle distingue sur le terrain de la cause : la faute d’imprudence a-t-elle été
la cause directe du dommage ou la cause indirecte du dommage ? Si cause directe :
alinéa 3 ; si cause indirecte : on ne va pas se contenter d’une faute « simple » ; on

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exige une faute particulière qui consiste soit à avoir violé (…) soit à avoir commis une
faute caractérisée (…).
Ca ne veut pas dire pour autant que lorsque la causalité est indirecte il y a
irresponsabilité pénale. Lorsque la causalité est indirecte, la responsabilité pénale
subsiste mais sous des conditions plus sévères. Il faudra rapporter la preuve d’une
faute « particulière » (soit une faute délibérée soit une faute caractérisée…). La
réforme est d’importance. Jusqu’alors, s’agissant des fautes d’imprudence, on se
contentait de retenir la moindre faute (« des poussières de faute ») sur la base du
principe de l’autorité de la chose jugée du criminel sur le civil. Si le juge pénal ne
retient pas la responsabilité pénale en l’absence de faute, le juge civil ne pourra pas
accorder de réparation du dommage. Donc si le juge pénal voulait préserver le droit
à réparation de la victime, il se trouvait enfermé dans cette quasi obligation de retenir
la responsabilité pénale. C’est pour casser cette spirale qu’on a un peu modifié cet
art. 121-3. Dans l’hypothèse où la faute d’imprudence n’a été que la cause indirecte
du dommage, la responsabilité pénale ne pourra être retenue que s’il est établi soit
que la personne a violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière
de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement soit commis une faute
caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elle ne
pouvait ignorer.
On a donc 2 hypothèses : la 1ère est une formule propre au délit de mise en
danger délibérée de la personne d’autrui (art. 223-1 Code pénal ; délit de risque
causé à autrui). Elle trouve assez peu d’applications en jurisprudence. Beaucoup
plus intéressante est la 2ème hypothèse : la faute caractérisée. Mais ce n’est pas vrai ;
la formule légale est « faute caractérisée et qui exposait autrui ». En réalité, on ne
peut surtout pas dire que la faute caractérisée est celle qui expose autrui. Ce sont
des conditions cumulatives donc des exigences distinctes. Qu’est-ce que la faute
caractérisée ? Nouveau concept. Elle suppose d’autres conditions. 3ème condition :
risque qu’elle ne pouvait ignorer. Ce qui va renvoyer à une appréciation in concreto
(appréciation de la compétence, des fonctions et des moyens dont disposait l’auteur
de la faute).

Impacts de la loi du 10 juillet 2000 :


➢ 1er impact : lorsqu’il va s’agir d’apprécier la responsabilité pénale dans
l’hypothèse d’application de l’alinéa 4, le juge pénal ne pourra plus se contenter
d’une faute simple. Il faudra établir une faute soit délibérée soit « caractérisée… ».
Cette loi fait donc tomber un principe énorme du droit français dégagé par la Cour de
cassation en 1912 (crim. 18/12) : le principe de l’identité des fautes civiles et
pénales. L’imprudence a disparu dans notre paysage juridique. Ce fameux principe
qui interdisait au juge civil d’accorder des dommages et intérêts en réparation d’un
préjudice résultant d’une faute d’imprudence non retenue par le juge pénal. Puisqu’il
n’y avait pas de faute pénale, il ne pouvait pas y avoir de faute civile d’imprudence.
Le législateur le précise désormais : art. 4-1 Code de procédure pénale → l’absence
de faute pénale non intentionnelle au sens de l’art. 121-3 ne fait pas obstacle à
l’exercice d’une action civile afin d’obtenir réparation du dommage en ayant résulté
sur le fondement de l’art. 1383. La même solution est également précisée s’agissant
de la faute inexcusable (art. 452-1 Code de la sécurité sociale). Application très
remarquée par la Cour de cassation : civ. 2ème, 16/09/2003 qui évoque bien cette
dissociation de la faute civile et de la faute pénale, notamment pour ce qui a trait
à la faute inexcusable de l’employeur.
➢ 2ème impact : c’est une différenciation de traitement en termes de
responsabilité pénale entre les personnes physiques et les personnes morales
car l’art. 121-3 al. 4 ne vise que la personne physique. Autrement dit, cette réforme

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opérée par l’alinéa 4 ne vaut que pour la responsabilité pénale de la personne
physique. Pour la personne morale, il n’y a pas à distinguer selon que la causalité est
directe ou indirecte et la responsabilité pénale d’une personne morale peut être
engagée par toute faute. Il n’y a pas besoin à son égard qu’il y ait faute délibérée ou
caractérisée. Alors même que la responsabilité pénale de la personne physique
auteur de l’infraction n’aura pu être retenue en l’absence d’une faute délibérée ou
caractérisée. Quand on verra que la responsabilité pénale d’une personne morale
est engagée lorsque son dirigeant a commis une infraction pour son compte, on
pourra avoir absence de responsabilité pénale du dirigeant parce qu’il n’a pas
commis de faute délibérée ou caractérisée mais responsabilité pénale de la
personne morale qu’il dirige. On a ce jeu très intéressant de dissociation quant à la
responsabilité pénale entre la personne morale et la personne physique. On peut
avoir désormais une infraction commise par un dirigeant d’une société qui
n’engagera pas sa responsabilité pénale parce qu’il aura commis une faute
d’imprudence cause indirecte du dommage mais qui n’est ni délibérée ni
caractérisée ; mais ça n’empêchera pas de retenir la responsabilité de la personne
morale.
➢ 3ème impact : une certaine dépénalisation de la vie des affaires.
C’était le vœu de ceux qui ont demandé l’intervention législative. C’était notamment
pour les décideurs le souci que leur responsabilité pénale soit moins
systématiquement engagée en cas de faute d’imprudence.

Les 1ères applications de cette loi du 10/07/2000. Cette loi pose des
conditions plus strictes pour engager la responsabilité pénale d’une personne. Elle
est donc plus douce et d’application rétroactive. Les 1ères affaires symboliques
d’application : maire d’une commune poursuivi pour homicide involontaire après le
décès d’un enfant CA Poitiers 2001. Pas de responsabilité pénale du maire mais
responsabilité civile retenue.
Affaire du Drac : Cour de cassation crim. 12/12/2000 : application de la loi alors que
les faits avaient été commis avant l’entrée en vigueur de la loi.
Affaire du sang contaminé.

Par delà ces 1ères applications médiatiques et dans le domaine du droit des
affaires : a-t-elle vocation à s’appliquer ? Va-t-elle être effectivement efficace ?
Va-t-on considérer qu’il y a à la charge du chef d’entreprise des fautes
d’imprudence causes indirectes du dommage ? La loi aura le plus souvent vocation à
s’appliquer notamment dans son domaine privilégié des accidents du travail
(homicide involontaire ou atteinte à l’intégrité physique ou psychique involontaire). La
faute reprochée est de ne pas avoir fait respecter la règlementation applicable, donc
faute indirecte. Il a donc vocation à bénéficier de cette loi en raison le plus souvent
du caractère indirect de la faute qui lui est imputée. Même solution pour les élus
locaux : le plus souvent, ils ont vocation à bénéficier de l’art. 121-3 al. 4.
Notamment : crim. 9/10/2001 : le maire d’une commune de station de ski avait pris
un arrêté d’ouverture des pistes sans avoir vérifié le respect des règles de balisage.
Crim. Juin 2002 : maire qui n’avait pas pris les mesures de sécurité suffisantes lors
du défilé d’une fanfare. Une voiture avait percuté la fanfare.
Sont concernés aussi les enseignants. Crim. 6/09/2005 : chute mortelle d’un
enfant de 10 ans tombé du rebord de la fenêtre où il était assis. L’instituteur
connaissait la dangerosité de la situation résultant de l’ouverture des fenêtres ; il
n’avait pas pris les mesures nécessaires et il avait ainsi commis une faute
caractérisée (raisonnement inversé de la Cour de cassation). « La Cour d’appel a
ainsi justifié sa décision dès lors que le prévenu n’a pas accompli les diligences

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normales qui lui incombaient compte tenu de sa fonction, de ses compétences et des
moyens dont il disposait » (formule de l’alinéa 3 !). Certes, il faut une appréciation in
concreto ; mais aller chercher la formule de l’alinéa 3 qui vise l’hypothèse de la
cause directe, c’est une erreur sur le concept de faute caractérisée. Surprenant
mélange entre les 2 alinéas. Foutage de gueule.
Ca vise aussi les organisateurs d’activités, de loisirs, les techniciens, les
agents de surveillance ou de contrôle, médecins, personnel médical, etc.

Application effective : va-t-on considérer le plus souvent que la faute pénale


d’imprudence cause indirecte du dommage est caractérisée ou non ? Il y a de toute
évidence une différenciation entre décideurs publics et décideurs privés. On
aura beaucoup plus souvent tendance à considérer que s’agissant des décideurs
publics, la faute qu’on leur impute n’est pas une faute caractérisée. Ce n’est que
dans des circonstances particulières qu’on va retenir l’existence d’une faute
caractérisée ou délibérée. La loi produit donc un effet réel à leur égard. En revanche,
s’agissant des chefs d’entreprise, on ne peut pas dire que le changement soit réel.
Le plus souvent, le manquement à la règlementation régissant l’activité
professionnelle ou le manquement à leur obligation de veiller au respect des
prescriptions (notamment en matière d’hygiène et de sécurité), le plus souvent
considéré comme la cause indirecte du dommage, sera considéré comme constitutif
d’une faute soit délibérée soit, surtout, caractérisée et qui (…). Applications
notamment en matière d’accidents du travail.
Crim. 5/12/2000 : Dirigeant d’une société poursuivi pour homicide involontaire ; il
avait concédé à une filiale la licence d’exploitation d’un procédé de nettoyage des
canalisations d’évacuation d’eau. Il est établi qu’il n’avait pas prévenu le bénéficiaire
de cette concession du risque particulier de réaction chimique présenté par le
produit. On a considéré qu’il y avait faute caractérisée de sa part.
Crim. 05/2002 : un chef d’entreprise n’a pas visité ses installations, n’a donné que
des consignes verbales aux salariés pour la réalisation d’une opération dangereuse.
Défaut d’aménagement d e la zone. Il s’agissait de nettoyer un pressoir. Accident
mortel. Faute caractérisée.

Loi 9 mars 2004 dite Perben II. C’est la plus importante réforme de notre
procédure pénale depuis 1959. Elle nous intéressera à propos de la responsabilité
pénale des personnes morales. Comparution sur reconnaissance préalable de
culpabilité (le fameux plaider coupable qui nous vient, un peu adapté, du système
américain). Cette procédure va permettre au procureur de proposer à celui qui
reconnaît sa culpabilité d’éviter un véritable procès au sens classique du terme
contre une peine d’emprisonnement ou d’amende. Cela n’est possible que s’agissant
d’un délit exposant à une peine d’amende ou à une peine d’emprisonnement ne
dépassant pas 5 ans. Dans cette hypothèse, il suffit au prévenu d’adresser au
procureur une lettre recommandée avec AR dans laquelle il reconnaît les faits et
demande l’application de cette procédure, le procureur restant libre de refuser ou
d’accepter. Si on propose une peine d’emprisonnement, elle ne peut excéder un an
ni la moitié de la peine encourue. Si on propose une peine d’amende, celle-ci ne peut
être supérieure au maximum légal.
Circulaire de septembre 2004 : présence facultative du procureur de la
République à l’audience d’homologation. Problème : la Cour de cassation donne un
avis contraire ; présence obligatoire (avis d’avril 2005). Le 19 avril, la chancellerie
rend une 2ème circulaire pour maintenir que la présence n’est que facultative. Le
syndicat des avocats de France saisit le Conseil d’Etat qui décide de suspendre les 2

9
circulaires. Une loi du 26 juillet 2005 vient modifier l’article 495-9 du CPP et précise
que la procédure se déroule en audience publique et que la présence du procureur
de la République à cette audience n’est pas obligatoire.

Autre mouvement du droit pénal : loi de 1975 → création de formations


spécialisées dans la poursuite et le jugement des infractions d’ordre économique et
financier. Juridictions particulières ayant une compétence territoriale plus vaste que
les autres. Ces TGI spécialisés existent désormais dans le ressort de chaque Cour
d’appel pour connaître des infractions économiques et financières d’une grande
complexité. L’idée était de créer des juridictions spécialisées (≠ d’exception). Art. 704
et 705 CPP : liste des infractions.
Autre mouvement en 1999 : mouvement de pratique judiciaire (et non
législatif) avec la création de pôles économiques et financiers où il s’est agi de
regrouper dans des lieux géographiques les magistrats spécialisés dans la lutte
contre les infractions économiques et financières. La loi Perben II renforce cette
politique pénale en créant des juridictions interrégionales spécialisées pour connaître
des affaires économiques et financières qui sont ou qui apparaitraient d’une très
grande complexité. Leur compétence couvre le ressort de plusieurs Cours d’appel.
On en a profité pour allonger la liste des infractions visées à l’article 704.

B. Les mouvements propres de la matière

On peut en relever 2 : un mouvement d’internationalisation et un mouvement


de dépénalisation.

1. Mouvement d’internationalisation

Il ne peut pas surprendre ; les affaires s’internationalisent. Les infractions


d’affaires prennent de plus en plus un caractère international. Principes de droit
commun : application de la loi pénale dans l’espace (art. 113-1 à 113-8). Dire que le
droit pénal des affaires s’internationalise est une chose, dire qu’il existe un droit
pénal international des affaires en est une autre ; il n’existe pas de droit pénal
international des affaires. On pourrait presque être réticent quant à parler d’un droit
pénal européen des affaires. Même au moment du traité de Maastricht, on n’a pas du
tout appréhendé la dimension européenne des affaires et, partant, des infractions
d’affaires. Quelques signes nous viennent de la pratique judiciaire : coopération
(mais qui se fait plutôt au niveau de la répression et non pas au niveau de
l’appréhension des infractions).
Nuance : on relèvera tout au plus un domaine ou plutôt un champ de lutte où
notre droit dépasse la protection des seuls intérêts nationaux et va jusqu’à une
appréhension européenne et internationale du phénomène : la lutte contre la
corruption. Phénomène universel et intemporel. On citera par exemple la
convention de Merida des Nations Unies contre la corruption qui fut adoptée par
l’assemblée générale des Nations Unies le 31/10/1993. 1er instrument juridique
universel de lutte contre une infraction. Convention de l’OCDE sur la lutte contre la
corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales
internationales (17/10/1997, signée à Paris). Du point de vue européen, convention
de Bruxelles, 26/07/1995, relative à la protection des intérêts financiers des
communautés européennes. Convention du 26/05/1997 de Bruxelles, relative à la
lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des communautés
européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l’Union européenne. Ces
3 derniers textes ont été intégrés dans notre droit national, transposés par une loi du

1
0
30 juin 2000 qui a donné lieu aux articles 435-1 et suivants du nouveau Code pénal.
Une loi 11/02/2005 autorise la ratification des conventions civiles et pénales sur la
corruption telles que signées à Strasbourg en 1999. Cela a donné lieu notamment à
une loi du 4/07/2005.

1
1
2. Mouvement de dépénalisation

C’est un mouvement qui participe d’un débat plus général. N’abuse-t-on pas
du recours au répressif ? La sanction pénale n’a de valeur répressive que si elle est
réservée aux comportements les plus graves. Ce débat prend une importance
particulière. On peut noter un mouvement de dépénalisation de la vie des affaires.
Lorsqu’on fait disparaître la sanction pénale, c’est pour lui substituer des sanctions
d’autre nature (civile, disciplinaire, sociale, etc.). Ex : dépénalisation du refus de
vente entre professionnels (ordonnance de 1986), certaine dépénalisation, en deux
temps en matière de chèques sans provision (loi de 1975 et loi de 1991). Mais
surtout, ce mouvement de dépénalisation est sensible sur un aspect précis : le droit
des sociétés. Réel mouvement de dépénalisation du droit des sociétés amorcé par la
loi NRE, relayé par deux lois du 1er août 2003 et encore renforcé plus récemment par
une ordonnance du 25/03/2004 portant simplification du droit et des formalités pour
les entreprises. Attention, ce n’est pas pour autant qu’il n’y a plus de sanction. Dans
ce domaine, l’idée a été plutôt de faire disparaître la sanction pénale pour lui
substituer des sanctions d’ordre civil, voire même la mise en place de procédures
d’injonctions de faire éventuellement sous astreinte.

1
2
1ère partie
Le recours au droit pénal commun

Chapitre 1 : Les mécanismes adaptés du droit commun

Section 1 : La personne responsable

§1. La responsabilité pénale des personnes physiques

I. Les chefs de responsabilité

Art. L121-1 : nul n’est pénalement responsable que de son propre fait. Article
clé qui évoque le principe de la personnalité de la responsabilité pénale. A ne pas
confondre avec la responsabilité individuelle. Sous cet éclairage, quels peuvent être
les chefs de responsabilité pénale ? L’auteur, d’abord ; celui qui réunit sur sa tête
l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction. On lui assimilera celui qui tend
(art. 121-4) ; la tentative est toujours incriminée pour un crime ; pour un délit si la loi
le prévoit ; jamais pour les contraventions. Les coauteurs réunissent également sur
leur tête les éléments constitutifs de l’infraction. A ne pas confondre avec le
complice. La complicité est en principe incriminée pour les crimes et délits ; pour les
contraventions si le texte le prévoit. 2 formes de complicité : par instruction et par
fourniture de moyens (art. 121-7 Code pénal). Le complice est puni comme auteur
(≠ comme l’auteur). Arrêt du 8/01/2003 qui retient la culpabilité d’un complice alors
même qu’il y a eu relaxe de l’auteur principal (faute d’intention coupable) ; ms la
matérialité du fait était établie. La Cour de cassation a retenu la complicité.

II. La détermination du responsable

S’agissant des infractions d’affaires, le cadre privilégié de la commission de


l’infraction est l’entreprise. On a forcément 2 catégories de personnes ; des rapports
de force naissent. On a les salariés et les dirigeants.

A. Le salarié pénalement responsable

Le salarié peut commettre une infraction de droit commun dans


l’exécution de sa fonction. On peut penser notamment au délit de risque causé à
autrui (art. 223-1), le délit d’atteinte à la liberté du travail (liberté fondamentale ;
grève, entrave à la liberté du travail vis-à-vis des salariés non grévistes ; Code du
travail, art. 431-1). On trouvera aussi des délits plus spécifiques : harcèlement moral
ou sexuel. Les pratiques discriminatoires (art. L122-45 du Code du travail ; art. 225-1
Code pénal). Divulgation de secrets de fabrique (Code du travail, art. L152-7). La
tentative est incriminée (2 ans, 30000 euros).
Il y a aussi la corruption. Texte qui figurait dans le Code du travail (art. L532-6)
puis intervention de la loi du 4 juillet 2005 portant adaptation du droit pénal et qui a
créé un nouveau chapitre au sein du Code pénal intitulé « corruption privée active et
passive » ; cela a donné lieu aux articles 445-1 et 445-2 nouveaux, ces 2 nouveaux
articles ayant entraîné l’abrogation de l’article L532-6 du Code du travail.

1
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Il peut s’agir également d’infractions contre les biens : vol, escroquerie, abus
de confiance. Ces infractions peuvent être commises par un salarié ou par tout autre
citoyen (question de leur impact sur les relations de travail ; le licenciement pour
faute lourde suppose l’intention de nuire. L’élément intentionnel du vol ne se confond
pas avec l’intention de nuire du droit social). On peut avoir à connaître du vol commis
par le salarié lorsqu’il est commis au détriment de l’entreprise. La question s’est
surtout posée sous un angle particulier : vol commis par le salarié de documents
appartenant à l’entreprise pour assurer sa défense dans un contentieux prudhommal.
Problème au niveau de la preuve ; la preuve est-elle recevable lorsqu’elle résulte du
vol ? On avait une des plus belles oppositions entre chambre criminelle et chambre
sociale. La chambre criminelle était catégorique : le souci de vouloir assurer sa
défense dans un contentieux prudhommal ne vaut pas fait justificatif au sens du droit
pénal. Elle y voyait bien un vol ; Cour de cassation crim. 8/12/1998. Problème : la
chambre sociale (2/12/1998), au nom du droit du salarié à se défendre en justice,
déclarait recevable les documents de l’entreprise dont il avait eu connaissance dans
l’exercice de ses fonctions. Elle écarte le moyen de la preuve illicite. Problème : le
criminel tient le civil en l’état. La CA Paris a considéré en novembre 2000 que la
contradiction entre la chambre sociale et la chambre criminelle permettait au salarié
poursuivi pénalement pour vol de se prévaloir d’une erreur de droit, fait justificatif en
droit pénal. Cette contradiction appartient désormais au passé. Revirement de
jurisprudence, un des arrêts les plus importants de l’année dernière. La chambre
criminelle s’incline, privilégiant les droits de la défense, dans deus arrêts du
11/05/2004. La Cour de cassation admet désormais qu’un salarié poursuivi au pénal
pour avoir soustrait ou photocopié les documents de l’entreprise pour assurer sa
défense peut être relaxé dès lors qu’il justifie que les documents en question sont
des documents dont il a eu connaissance « à l’occasion de ses fonctions » et qu’il
avait appréhendés ou reproduits sans autorisation de son employeur et que ces
documents étaient « strictement nécessaires à l’exercice des droits de sa défense
dans le litige l’opposant à son employeur ».
Depuis un arrêt Costedoat du 25/02/2000 règne un principe d’irresponsabilité
civile du salarié vis-à-vis des tiers pour les dommages qu’il leur aura causés dans
l’exercice de ses fonctions sans excéder les limites de la mission impartie par
l’employeur. (NB : Vis-à-vis de l’employeur, il ne peut y avoir responsabilité du salarié
qu’en cas de faute lourde.)
Suivi d’un arrêt Cousin du 14/12/2001 : le préposé condamné pénalement
pour avoir intentionnellement commis, fût-ce sur ordre du commettant, une infraction
ayant porté préjudice à un tiers engage sa responsabilité civile à l’égard de celui-ci.
Notre principe Costedoat est donc aujourd'hui assorti d’une exception lorsque le fait
générateur du préjudice subi par le tiers est constitutif d’une infraction de caractère
intentionnel, même si le salarié a agi sur instruction du commettant. Pour la chambre
sociale, le fait de commettre une infraction, fût-ce sur l’ordre d’un supérieur
hiérarchique, ne fait pas obstacle à un licenciement pour faute grave (théorie des
baïonnettes intelligentes).

B. Le dirigeant pénalement responsable

1. L’identification du dirigeant

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4
Le pénal ne laisse place à aucun flou ; principe d’interprétation stricte de la loi
pénale. Dans le cadre d’une entreprise individuelle, la qualité de chef d’entreprise se
confond avec celle de dirigeant. Si l’entreprise est exploitée sous forme de personne
morale, la personne physique que l’on va désigner comme dirigeant pénalement
responsable va varier selon la forme de la société. D’où l’interférence droit des
sociétés/droit pénal des affaires. Il peut s’agir de SARL ou d’EURL (le dirigeant est
alors le gérant désigné par les statuts), de société en nom collectif ou en
commandite simple (gérant ou cogérant), de société anonyme…
Il y a deux types de société anonyme : société de type moniste, dotée d’un
conseil d’administration ; le dirigeant sera le président du CA ms aussi les
administrateurs, les directeurs généraux qui peuvent désormais exercer la direction
effective de la société. Il existe aussi les directeurs généraux délégués (loi NRE).
Pour ces derniers, art. L248-1 du Code de commerce qui nous dit que les
dispositions applicables aux directeurs généraux d’une société anonyme (y compris
les dispositions pénales) sont applicables selon leur attribution respective aux
directeurs généraux délégués. La société anonyme peut être également de type
dualiste, composée d’un directoire et d’un conseil de surveillance. Les textes (art.
L242-30 pour la constitution d’une société, art. L245-17 pour l’émission de valeurs
mobilières) disposent que les peines prévues pour ce type d’infractions sont
applicables selon leur attribution respective aux membres du directoire et aux
membres du conseil de surveillance (art. L247-9 Code de commerce). Appréciation
au cas par cas. « Primauté » aux membres du directoire dans la responsabilité
pénale par rapport aux membres du conseil de surveillance. On pourra plus
facilement poursuivre un membre du conseil de surveillance en qualité de complice,
voire même de coauteur. Le directeur a une spécificité par rapport au conseil
d’administration. Le président d’un CA, c’est primus inter pares. Le président du
directoire est pares inter pares. Normalement, le directoire est un organe collégial où
chacun est à égalité. La qualité de président n’a qu’une valeur symbolique. La Cour
de cassation a tranché la question et n’a pas suivi cette argumentation ; 21/06/2000
→ à défaut de délégation de pouvoir établie, la président du directoire d’une société
anonyme est responsable pénalement en tant que chef d’entreprise, auquel il
appartient de veiller au respect de la législation.
Il y a aussi les sociétés par actions simplifiées, avec là aussi une spécificité.
Liberté contractuelle ; quant aux organes, la seule obligation est d’avoir un président,
dont la désignation statutaire est imposée. Mais les statuts peuvent mettre en place
d’autres organes de direction qui peuvent exercer conjointement ou seuls certains
pouvoirs de direction de la SAS. L’article 227-1 alinéa 2 vise le président de la SAS
ou celui ou ceux des dirigeants de la société que ses statuts désignent.

Par delà la diversité de ces situations, on voit que la qualité de dirigeant


pénalement responsable va varier selon la forme de la société. Deux précisions,
cependant.
➢ 1ère précision de sens restrictif : on est au pénal donc principe
d’interprétation stricte de la loi pénale. Quand le texte incriminateur vise
telle ou telle catégorie de personnes spécifiquement, seules ces
personnes peuvent être poursuivies de ce chef. Ex : à propos de l’ABS
(abus de biens sociaux), le texte vise le président du CA, les
administrateurs ou les administrateurs généraux. Seuls ce président, un
administrateur, un DG ou un DGD peuvent être poursuivis du chef d’abus
de bien social.
➢ 2ème précision de sens extensif : ces textes incriminateurs visent les
dirigeants tels que désignés par les statuts de la société, c'est-à-dire ceux

1
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qui exercent officiellement ces fonctions, c'est-à-dire les dirigeants de droit.
Or, particularité du droit pénal des affaires : s’agissant du droit des affaires,
le droit pénal va au-delà des apparences pour aller chercher, par delà le
dirigeant de droit, le dirigeant de fait : celui qui, sans être désigné
officiellement dans les statuts comme dirigeant (soit parce qu’il ne le peut
pas soit parce qu’il ne veut pas apparaître), dirigeait en fait la société, par
le biais d’une immixtion dans la direction. Le droit pénal va cherche le
dirigeant de fait. Les textes le prévoient pour chacune des formes de
sociétés en assimilant le dirigeant de droit au dirigeant de fait. Ex : art.
246-2 pour la SA → les dispositions pénales visant les dirigeants seront
« applicables à toute personne qui, directement ou par personne
interposée, aura en fait exercé la direction, l’administration ou la gestion de
la société sous le couvert ou aux lieux et places de leurs
représentants légaux ».

S’agissant des décideurs publics, le plus souvent, le texte incriminateur


visera une certaine catégorie de personnes. Tel est le cas pour la corruption, la prise
illégale d’intérêt… Il n’y a pas de difficulté quand la délibération est prise par un seul
organe. La difficulté peut venir du caractère collégial de la délibération ; elle va
naître quand l’infraction résulte d’une décision à caractère collégial. Il a pu y avoir en
amont un rapporteur qui a proposé la délibération et il a pu y avoir une délibération à
caractère collégial. A qui va-t-on imputer ? Au maire ? Mais quid des conseillers
municipaux qui ont voté pour cette délibération ? La Cour de cassation a eu à
connaître de cette question : crim. 11/05/1999 à propos de la délibération du conseil
municipal de la ville de Vitrolles ; délibération qui relevait du délit de discrimination
raciale. Relaxe du maire de la commune ainsi que de plusieurs membres du conseil
municipal au motif que cette délibération prise par un organe collégial ne peut être
imputée spécifiquement à telle ou telle personne. Juridiquement, strictement
pénalement parlant, ce n’est pas faux. Nul n’est pénalement responsable que de son
propre fait. Le paradoxe est qu’une infraction dont les éléments constitutifs sont
incontestables n’a donné lieu à aucune condamnation.
Quelques années plus tard, la Cour de cassation opère plus ou moins un
revirement de jurisprudence ; elle a raisonné différemment et a trouvé le moyen de
retenir la responsabilité pénale des moteurs de la délibération en question sans pour
autant revenir sur sa jurisprudence. Les faits étaient assez voisins : la même
commune, présidée, en l’absence du maire, par son 1er adjoint, adopte le principe
d’une prime de naissance subordonnée à la nationalité française de l’un des parents
au moins. Une publicité accompagnait cette mesure dans la lettre mensuelle du
maire sous le titre « Priorité aux familles françaises ». Le maire et le 1er adjoint sont
poursuivis. Leur responsabilité pénale a été retenue dans cette affaire parce qu’on a
pu leur imputer des faits personnels. Le 1er adjoint avait été le rapporteur du projet et
l’avait soumis au vote. Le maire a été condamné à titre de complicité pour fourniture
d’instructions ; elle avait en outre publiquement revendiqué l’instauration de la
mesure. Ils avaient personnellement participé à l’infraction.
Les 2 décisions ne sont pas en conflit ; la Cour s’est saisie des données
propres de l’espèce.

2. Les hypothèses de responsabilité du dirigeant

a. Hypothèse de droit commun : le dirigeant, auteur matériel de


l’infraction

1
6
Pas de spécificité. Le dirigeant a commis une infraction (auteur, coauteur,
complice) de droit commun comme pourrait en commettre tout justiciable. Sa qualité
de dirigeant n’influe en rien. La seule spécificité réside dans le fait que certaines
infractions ne peuvent être commises que par le dirigeant (ex : abus de biens
sociaux).

b. Hypothèse dérogatoire : le dirigeant responsable de par sa


qualité de dirigeant

Il y a des hypothèses légalement édictées qui ne soulèvent pas de difficulté


parce que le dirigeant est désigné responsable en sa qualité de représentant légal
de la personne morale, laquelle est considérée comme auteur de l’infraction. La
personne morale est l’auteur de l’infraction et le texte désigne comme pénalement
responsable le mandataire, le dirigeant. Code de la consommation à propos du délit
de publicité mensongère (art. L121-5), manquement à la règlementation sur le crédit
à la consommation (art. L311-4). Si le contrevenant est une personne morale, la
responsabilité incombe à son dirigeant. Pénalement responsable en tant que
mandataire social.
Code de l’environnement : déversement de rejets polluants en mer (art. 212-20) : on
vise aussi bien le dirigeant de droit que le dirigeant de fait.

Création prétorienne dite de la « responsabilité pénale du fait d’autrui », qu’on


appelle également le risque pénal du dirigeant. Ce thème est à la mode. Sans
aucun texte, la jurisprudence a fait peser sur le dirigeant un risque pénal d’une
ampleur considérable. Enjeu pratique pour le dirigeant (sa responsabilité pénale) et
enjeu théorique (responsabilité pénale du fait d’autrui, or principe de personnalité de
la responsabilité pénale). Hypothèse véritablement dérogatoire bâtie en dehors de
tout texte. On est dans le dérogatoire parce que dans cette hypothèse, nous sommes
loin de nos principes. Une infraction de droit commun ou une infraction de droit
spécifique ne doit pouvoir être reprochée qu’à celui qui réunit sur sa tête l’ensemble
de ses éléments constitutifs. Or en droit pénal des affaires ce mécanisme de droit
commun va se doubler d’un mécanisme propre à la matière. Ici, le dirigeant va être
déclaré pénalement responsable du seul fait qu’il est dirigeant alors même qu’il n’a
pas commis matériellement le fait infractionnel. Il n’est pas l’auteur de l’infraction.
« Responsabilité pénale du fait d’autrui » ; on préfère parler de responsabilité
pénale du dirigeant ès qualité. Enorme spécificité qui se double d’une 2ème
spécificité. Normalement, le droit pénal ne connaît pas d’autre cause
d’irresponsabilité que celle que le Code édicte (faits justificatifs). Ici, la jurisprudence
a dégagé une autre cause d’irresponsabilité spécifique à cette hypothèse qui est
dans la logique de sa construction : la délégation de pouvoir.

 - La responsabilité de principe du dirigeant

27/09/1839, un arrêt de la chambre criminelle semble être le 1er à y faire


référence. Dans cette espèce, un boulanger avait été condamné pénalement alors
que pendant qu’il était encore en train de faire le pain, sa femme, qui vendait le pain,
avait vendu le pain à un prix supérieur au prix légalement autorisé. Le boulanger
n’est pas l’auteur de l’infraction et pourtant, il va être puni pénalement en tant que
chef d’entreprise au titre d’une infraction qu’il n’a pas lui-même commise. Les actes
ont été matériellement accomplis par une autre personne qui était son préposé dans
l’entreprise. La chambre criminelle a procédé à une construction jurisprudentielle
depuis cette 2ème moitié du XIXe siècle.

1
7
Application nombreuses : un employé qui déverse des produits polluants dans
une rivière. L’employeur est déclaré responsable, que l’infraction soit intentionnelle
ou non. Un employé qui remplit un silo de céréales alors qu’au autre employé est au
fond en train de nettoyer ; le chef d’entreprise est déclaré pénalement responsable
de l’acte d’homicide involontaire. Cette responsabilité pénale du chef d’entreprise est
énorme et elle a un champ d’application considérable : c’est notamment tout le
domaine des accidents du travail, des manquements aux règles de sécurité.
Jurisprudence ancienne mais aux applications de plus en plus nombreuses.
Notamment avec le développement des entreprises, des multinationales et du fait de
la règlementation des activités industrielles qui ne cesse de s’accroître.

Attention, hypothèse à différencier de celle où la loi permet au juge de mettre


le paiement de l’amende à la charge du commettant. Le chef d’entreprise joue le rôle
d’une sorte de garant solvable mais tenu seulement de la condamnation pécuniaire.
Il n’est pas pour autant déclaré pénalement responsable, il n’est pas poursuivi en
tant qu’auteur de l’infraction. Mais le paiement de l’amende sera mis à sa charge.
Ex : Code du Travail : art. 262-2-1 en matière de manquements à la règlementation
hygiène et sécurité.

Tout autre est donc notre hypothèse du risque pénal du fait d’autrui. Ici, le chef
d’entreprise est déclaré pénalement responsable comme s’il était lui-même l’auteur
de l’infraction. Travail jurisprudentiel entamé dès le XIXe siècle, il a été consacré par
d’autres arrêts. Notamment arrêt Cauvin du 26/08/1859, arrêt du 28/02/1956 avec un
attendu explicatif de la Cour de cassation : « si les deux principes que nul n’est
passible de peine qu’en raison de son fait personnel, il en est autrement, dans
certains cas, où des prescriptions légales engendrent l’obligation d’exercer une
action directe sur le fait d’autrui. » Expression lourde et maladroite. Solution
ancienne et prétorienne ; aucune assise légale à cette création qui s’est
essentiellement développée dans le domaine des accidents du travail et des
manquements aux règles relatives à l’hygiène et la sécurité dans les conditions de
travail.

Cette jurisprudence n’a fait qu’accroître son champ d’application. Ainsi, à


l’origine étaient spécifiquement visées les activités soumises à une règlementation
spécifique en matière de sécurité, de sûreté et de salubrité publiques (les industries
règlementées). Ce champ d’application tel qu’originellement réglementé a
aujourd'hui disparu ; ce sont toutes les activités industrielles et commerciales. Son
domaine d’application ne se limite pas davantage aux manquements à la
règlementation d’hygiène et de sécurité ; en matière d’environnement (pollution), de
législation économique (vente à perte, fausses factures), de droit des transports…
Enjeux essentiellement sur le terrain des accidents du travail.
Autre extension quant à son champ d’application : l’infraction commise par le
préposé peut être une contravention. Il s’agira le plus souvent d’une faute
d’imprudence. Normalement, il ne devrait pas s’agir de faute intentionnelle. Mais
cette jurisprudence s’applique aux délits matériels (qui sont constitués par le seul fait
de la réalisation du dommage). Les anciens délits matériels ont été rhabillés en délits
intentionnels mais la Cour de cassation a une définition très souple de l’intention
coupable au sens de l’art. 121-3. Il y a intention coupable au sens de l’art. 121-3 dès
qu’il y a violation en pleine connaissance de cause d’une prescription légale ou
règlementaire (Cour de cassation 12/07/1994). Cette responsabilité pénale du fait
d’autrui a été ainsi appliquée à des délits de fraude et falsification (1996), au travail
dissimulé.

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Imputation de la responsabilité pénale au dirigeant du seul fait de sa qualité.
On parle donc de responsabilité pénale du fait d’autrui. On en a cherché le
fondement. La Cour de cassation (chambre criminelle) a peu à peu donné son
explication. On la retrouve notamment dans des arrêts de 1956 et 1957 : « il lui
appartient [au dirigeant] de veiller personnellement à la stricte et constante exécution
des dispositions édictées par le Code du travail en vue d’assurer l’hygiène et la
sécurité des travailleurs ». Cette formule est devenue une véritable formule de style.
Notamment dans un arrêt du 10/02/1976 (que le prof aime beaucoup) : « le chef
d’entreprise commet une faute en ne veillant pas lui-même au strict et constant
respect des dispositions édictées par le Code du travail en vue d’assurer l’hygiène et
la sécurité ». Ca s’éclaire un peu. Idée que le chef d’entreprise a commis une faute :
il n’a pas veillé au strict et constant respect des dispositions légales et
règlementaires. Il a commis une faute. Ne serait-on pas alors tombé plutôt dans le
domaine d’une sorte de présomption du fait de l’homme ? Si une infraction fut
commise, si un manquement fut commis à la règlementation en matière d’hygiène et
de sécurité, c’est que le chef d’entreprise n’a pas veillé au strict et constant respect
(…). C’est donc qu’il a commis une faute. On n’est donc pas dans une hypothèse de
responsabilité pénale sans faute ; on est dans une hypothèse de responsabilité
pénale pour faute. Là où il y a spécificité, c’est que cette faute serait présumée du
fait de la survenance de l’accident.
Cette analyse nous ramène un peu dans le moins dérogatoire. Cette
présomption de faute est devenue une véritable règle de fond puisque la
jurisprudence en fait une présomption irréfragable. Elle n’autorise pas le chef
d’entreprise à s’exonérer en prouvant son absence de faute. Ce n’est que très
rarement que la Cour de cassation a admis que le dirigeant puisse s’exonérer en
prouvant son absence de faute. Seule application de cette preuve contraire : arrêt du
14/10/1987 où elle a retenu la faute exclusive de l’ouvrier.

C’est cette présomption irréfragable que la loi a tenté de briser : loi du


6/12/1976. Le législateur modifie l’alinéa 1er de l’art. L263-3 du Code du travail en
insérant dans le texte l’expression « faute personnelle ». Sont punissables les chefs
d’établissement, les dirigeants ou les gérants qui, par leur faute personnelle, ont
enfreint les dispositions relatives à l’hygiène et à la sécurité. Le législateur a voulu
imposer au juge la preuve à rapporter d’une faute personnelle du dirigeant. Vœu pieu
mais échec de cette intervention législative qui ne concernait que le domaine des
accidents du travail et des maladies professionnelles ; surtout, la jurisprudence n’a
pas modifié sa position. Elle continue de présumer que si l’accident ou le
manquement à la règlementation s’est produit, c’est que le dirigeant n’a pas veillé au
strict et constant respect des prescriptions légales et règlementaires applicables.

S’agit-il vraiment d’une responsabilité pénale du fait d’autrui ? Le débat est


ouvert. La jurisprudence réintroduit l’idée d’une faute du dirigeant. Or si la
jurisprudence déclare le dirigeant responsable, c’est parce qu’il a lui-même commis
une faute. De deux choses l’une. Présumer cette faute, c’est choquant (souvent, le
dirigeant n’est même pas sur les lieux ; il ne pouvait pas matériellement empêcher la
survenance de l’accident). Oui mais il lui incombait de désigner sur place quelqu’un
qui exerçait ses pouvoirs ; donc on lui reproche de ne pas avoir mise en place une
délégation de pouvoir. Bilan : la faute est soit de n’avoir pas veillé au strict respect de
la règlementation (si le dirigeant était sur les lieux) soit de n’avoir pas organisé une
délégation de pouvoir.

1
9
Donc est-ce vraiment une responsabilité pénale du fait d’autrui ? On lui
reproche une faute d’abstention. Or principe de non équivalence entre le faute
d’action et la faute d’omission. Si la loi dit qu’il faut un acte positif, ce n’est pas
l’abstention qui va permettre de caractériser la commission de l’infraction. Explication
aussi et surtout sur le terrain de la causalité car on est en droit pénal et la faute n’a
pas besoin d’être la cause exclusive du dommage. A côté, il y a une autre faute qui
est une faute de droit commun d’imprudence du salarié et qui a participé à la
réalisation du dommage (théorie de l’équivalence des conditions). On peut expliquer
cette jurisprudence sur le terrain de la causalité indirecte sans basculer pour autant
dans cette hérésie pénale qu’est la responsabilité pénale du fait d’autrui.

 - Le mécanisme exonératoire de la délégation de pouvoir

C’est la 2ème spécificité. C’est un instrument clé au sein de l’entreprise, il faut


bien le connaître. L’enjeu est considérable. Notamment dans le domaine des
accidents du travail. Elle va jouer dans les discriminations à l’embauche. Dans toutes
ces hypothèses où la responsabilité pénale du dirigeant peut être engagée, la
délégation de pouvoir est susceptible de constituer un mécanisme exonératoire. Là
aussi, construction prétorienne, encore une fois en matière d’hygiène et de sécurité,
en matière d’accidents du travail. La délégation de pouvoir est un mécanisme
exonératoire pour le dirigeant mais qui va désigner comme pénalement responsable
le délégataire. Ca ne débouche pas sur une immunité, sur une absence de
responsable. C’est un mécanisme qui va opérer transfert de responsabilité pénale.
C’est un transfert de pouvoir qui va entraîner transfert de responsabilité pénale
attachée à l’exercice de ces pouvoirs délégués. Ce fameux « bénéficiaire » de la
délégation de pouvoir n’est pas si bénéficiaire que ça ; c’est un peu un cadeau
empoisonné. C’est aussi ça la délégation de pouvoir. C’est une construction
prétorienne. Cette délégation de pouvoir est un enjeu considérable dans la vie de
l’entreprise. Soit elle et existante et efficace et le chef d’entreprise est exonéré
pénalement (il renvoie la responsabilité à quelqu’un d’autre). Pas un mot sur ce
mécanisme dans la loi. Mécanisme qui est dans la logique de la construction.

C’est dans cette même logique que la jurisprudence a elle-même posé les
conditions d’efficacité de cette construction. Du côté du délégant d’abord : il doit être
le chef d’entreprise. Nuance : la jurisprudence accepte la possibilité d’une
subdélégation, qui consiste pour le bénéficiaire d’une délégation de pouvoir à avoir à
son tour délégué. Le délégant est alors ici le 1er délégataire et non le chef
d’entreprise. La Cour de cassation l’accepte depuis un arrêt du 11/12/1996 ; elle
n’exige plus que cette subdélégation ait donné lieu à la rédaction d’un écrit.
Attention, ne pas confondre subdélégation et pluridélégation. Subdélégation : le
dirigeant donne une délégation, le délégataire donne à son tour délégation des
pouvoirs délégués. Pluridélégation : pour l’exercice des mêmes pouvoirs, on délègue
plusieurs personnes. Il y a plusieurs bénéficiaires de délégations alors qu’il s’agit des
mêmes pouvoirs. La pluridélégation n’est pas admise parce que ça aboutit à une
dilution des responsabilités dans l’exercice des pouvoirs. Cour de cassation
23/11/2004 (exemple).
2ème condition : le délégant doit être le chef d’une entreprise d’une taille ou
d’une complexité structurelle, fonctionnelle ou géographique telle que la délégation
de pouvoir se justifie. La délégation de pouvoir ne doit pas être une fuite des
responsabilités. Tout cela relèvera d’une appréciation au cas par cas. Ces
délégations de pouvoirs sont souvent utilisées dans les groupes de sociétés à raison
de la complexité de leur structure. Souvent utilisées aussi dans des entreprises ou

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des magasins dont la complexité justifie ce mécanisme (ex : dans un hypermarché,
délégation à des chefs de rayon). De même, le délégant doit être l’employeur du
délégataire. Il faut y faire attention car c’est un piège. Le délégataire doit être le
salarié du délégant ; il doit y avoir un lien de subordination juridique. C’est la
condition essentielle et première. Le chef d’entreprise ne saurait déléguer ses
pouvoirs à un tiers étranger au personnel de l’entreprise. Ex : ch. crim. 1989 (pas
possible de donner délégation de pouvoir à un bureau d’études chargé de réaliser
des travaux pour le compte de l’entreprise).
Reste qu’il faut faire une part à la réalité économique ; la chambre criminelle a
su faire preuve de pragmatisme et de réalisme face au marché. Notamment à propos
des groupes de société : arrêt du 26/05/1994 dans lequel la Cour s’est contentée
d’une autorité hiérarchique. Ici, c’était une délégation de pouvoir donnée par le
dirigeant de la société dominante (holding) au dirigeant d’une société filiale. Filiale :
entité juridique autonome. Pas de contrat de travail entre la mère et la filiale, l’un
n’est pas le préposé de l’autre, juridiquement. Mais en réalité, il y a bien une autorité
hiérarchique. Cet arrêt montre l’assouplissement. 2ème arrêt important : 14/12/1999.
Cinq sociétés avaient constitué entre elles une société en participation en vue de la
réalisation d’un chantier. Société qui n’a pas la personnalité morale. Or ces 5
sociétés étaient convenues de déléguer à un directeur de chantier unique salarié de
l’une des sociétés leurs pouvoirs en matière d’hygiène et de sécurité. Il y a donc 5
délégations de pouvoir (normalement, seule est valable celle donnée par la société
qui avait pour salarié le délégataire). La chambre criminelle a admis la validité d’une
telle délégation dans cette hypothèse là. Importance pratique : permet à des sociétés
qui ont des chantiers en commun de désigner un seul responsable pour réunir sur sa
tête l’ensemble des pouvoirs en matière d’hygiène et de sécurité.

En revanche, dans un domaine un peu plus restreint et après une


jurisprudence chaotique, la Cour de cassation a pris position dans un arrêt du
17/10/2000 pour décider que le président du conseil d’administration d’une SA ne
saurait s’exonérer de sa responsabilité pénale en invoquant la délégation de pouvoir
consentie au directeur général par le conseil d’administration, de par sa seule
désignation. C’est la délégation de pouvoir de l’art. 117 de la loi défunte de 1966 (art.
225-56 du Code de commerce aujourd'hui). La Cour de cassation rejette ce moyen ;
« il aurait fallu que le président du conseil d’administration ait délégué lui-même ses
pouvoirs au directeur général. »

✔ Conditions de la délégation

Conditions quant au délégataire, l’heureux bénéficiaire d’une délégation de


pouvoir. Il doit être le préposé du délégant. Mais surtout, il faut qu’il ait la
compétence, l’autorité et les moyens nécessaires (genre si c’est un préposé aux
cuisines, ça va pas le faire). C’est la formule consacrée par la Cour de cassation
dans 5 arrêts du 11 mars 1993. En réalité, ces arrêts n’ont fait qu’ajouter l’exigence
des moyens nécessaires.
Compétence : surtout à comprendre comme une compétence technique. C’est
la capacité à appréhender les textes qu’il s’agit de faire respecter. Cela ne doit pas
être pris comme une compétence générale mais une compétence appréciée au
regard des pouvoirs dévolus. Elle peut être présumée en fonction du rang
hiérarchique et des attributions du délégataire.
Autorité : ça implique le pouvoir de donner des ordres. Autorité vis-à-vis de
ceux à qui il s’agit de faire respecter les prescriptions. Pouvoir de donner des ordres

2
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et des instructions au personnel, voire même la possibilité de sanctionner le refus.
On retrouvera cette condition d’autorité vis-à-vis du personnel ; elle postule
également une certaine autonomie vis-à-vis du dirigeant. Le délégataire doit
bénéficier d’un minimum d’indépendance dans l’exécution de sa mission. Conseil
d’ordre pratique : cela peut par exemple inciter à doubler cette désignation spécifique
d’une information collective, une note de service informant l’ensemble du personnel
que le délégataire est doté d’une certaine autorité lui permettant de donner des
ordres.
Moyens nécessaires : l’entreprise doit mettre à la disposition du délégataire
les moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Moyens matériels et /
ou humains. Question des moyens financiers aussi ; il faut donner les moyens
financiers nécessaires pour faire respecter la sécurité. Possibilité de faire tomber
l’efficacité de la délégation.

Conditions quant à l’acte de délégation : la rédaction d’un écrit n’est pas


requise ad validitatem (c’était seulement pour la subdélégation jusqu’en 1996). Il est
bien évident que ad probationem, elle est fortement conseillée. De plus, la délégation
de pouvoir doit avoir été établie antérieurement à la réalisation de l’infraction. Quant
à son contenu, la délégation de pouvoir doit être limitée. Elle doit porter sur des
pouvoirs bien délimités. Jurisprudence très classique. Tout simplement parce que la
délégation de pouvoir ne doit pas être un abandon de l’ensemble de ses
responsabilités par le dirigeant. Le dirigeant ne saurait déléguer l’ensemble de ses
pouvoirs. Le délégataire ne devient pas dirigeant par substitution. La délégation ne
saurait donc être globale ni indéterminée. Elle ne doit pas être rédigée en des termes
vagues ni généraux.

✔ Champ d’application de la délégation

Infractions en matière d’hygiène et de sécurité dans les conditions de travail,


en matière d’environnement, etc. Jusqu’alors, une catégorie échappait au jeu de la
délégation de pouvoir. Ce n’est plus le cas aujourd'hui. Les 5 arrêts du 11 mars 1993
admettent que la délégation de pouvoir peut jouer en matière d’infractions d’ordre
économique (en l’espèce, ventes à perte, contrefaçon, fausse publicité). Ce sont des
arrêts de principe qui font de la délégation un mode normal de gestion de
l’entreprise. Attendu de principe : « sauf si la loi en dispose autrement, le chef
d’entreprise qui n’a pas personnellement pris part à la réalisation de l’infraction
(comment peut-on encore parler de responsabilité pénale du fait d’autrui dans les
manuels de référence ????) peut s’exonérer de sa responsabilité s’il rapporte la
preuve qu’il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de
l’autorité et des moyens nécessaires. »

✔ Effets de la délégation de pouvoir

Transfert de la responsabilité pénale que le dirigeant encourt en raison de sa


qualité, c'est-à-dire au titre d’une infraction qu’il n’a pas pourtant lui-même commise,
par un de ses préposé dans l’exercice de son activité professionnelle. Effet de
principe, pur et simple, avec quand même une nuance. La délégation de pouvoir

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peut être valable et se révéler être en l’espèce inefficace. Cet effet de principe peut
être écarté dans 2 hypothèses :
➢ Le dirigeant délégant s’est immiscé dans l’accomplissement de
la mission dévolue. La délégation est valable mais en fait, le délégant a continué à
interférer dans les pouvoirs confiés. En fait, il a continué d’exercer ses pouvoirs. En
fait, par delà le transfert officiel, il a continué d’exercer les pouvoirs qu’il est censé
avoir délégué. Le délégataire, dans ce cas là, cessera d’être pénalement
responsable. La délégation de pouvoir sera déclarée totalement inefficace. Le
délégataire ne peut même pas voir sa responsabilité pénale engagée puisqu’en
réalité, il n’a pas eu l’autonomie et l’autorité nécessaires pour accomplir sa mission.
Ce n’est pas une condition de validité de la délégation, c’est une condition
d’efficacité.
➢ Le délégant aura personnellement participé à la réalisation de
l’infraction. Autrement dit, chaque fois qu’on pourra lui reprocher une faute pénale
propre d’imprudence, d’abstention commise par lui-même, il restera pénalement
responsable malgré la délégation de pouvoir. Ex : il était sur les lieux au moment de
l’accident. Il était informé du danger et a laissé perduré. Ou n’a pas donné suite aux
mises en garde faites par le délégué. On considèrera alors qu’il a personnellement
pris part à la réalisation de l’infraction. Il ne s’est pas immiscé dans les pouvoirs,
mais on lui impute une faute personnelle dans la réalisation de l’infraction. Dans
cette hypothèse, on va pouvoir retenir la responsabilité pénale du délégant mais celle
du délégataire n’est pas forcément écartée. On aura des coauteurs, des
coresponsables pénalement.
Très perceptible à propos du délit d’entrave aux institutions représentatives du
personnel. Bien souvent, on a une délégation donnée pour représenter le chef
d’entreprise aux séances du comité d’entreprise. Mais la non consultation du comité
d’entreprise sur une question relevant de sa compétence n’exonère as le délégant de
sa responsabilité pénale. C’est à lui qu’il appartient de vérifier que la consultation
s’imposait. Cour de cassation 15/03/1994. Jurisprudence classique. Application très
intéressante : 20/05/2003 à propos du comité d’entreprise de la société Vivendi. Le
dirigeant faisait valoir une délégation de pouvoir. On n’en a pas nié l’existence mais
on a considéré qu’il avait continué d’exercer ses fonctions de président et que la non
consultation du comité d’entreprise relevait de son propre fait. S’agissant du délit
d’entrave, prudence ; les délégations de pouvoir ne sont pas toujours efficaces. Et la
non consultation du comité d’entreprise relève du dirigeant alors même qu’il a donné
une délégation de pouvoir.
A ne pas confondre avec un arrêt du 16/09/2003 : un DRH bénéficiaire d’une
délégation de pouvoir pour présider le comité d’entreprise. C’est lui qui a été
personnellement condamné pour non consultation du comité d’entreprise (il s’agissait
de passer à un horaire individualisé). Dans cette affaire, il y avait eu un fait personnel
de ce DRH qui avait refusé d’organiser une consultation. Seul le délégataire a été
condamné pénalement.

§2. La responsabilité pénale des personnes morales

C’est une nouveauté dans notre paysage français. En 1870, on retenait la


responsabilité des communautés. Peines d’amendes, confiscations, représailles.
Passé la Révolution de 1789 qui supprime les corporations, ce n’est plus d’actualité.
Individualisme ; le Code pénal de l810 ne retenait pas la responsabilité pénale de
personnes morales. Le débat est revenu à la fin du XIXe siècle. Une partie de la
doctrine a relancé le débat.

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Les objections à la responsabilité pénale des personnes morales : societas
delicere non potest (une société ne peut commettre d’infraction). En droit civil, s’il y a
responsabilité civile, c’est en considération de l’objet social de la société. On
reconnaît la personnalité juridique à un groupement en raison de son objet social, or
cet objet social ne peut tendre à la commission d’une infraction. De plus, le
groupement est une fiction juridique. Notamment, il est dénué de volonté
personnelle, condition de la responsabilité pénale. En outre, la responsabilité pénale
des personnes morales (RPPM) porterait atteinte au principe de la responsabilité
individuelle puisqu’elle revient à punir indistinctement tous ses membres, y compris
ceux qui n’ont pas voulu l’infraction. Enfin, un groupement ne peut pas faire l’objet
d’une peine. Les sanctions pénales ne peuvent s’appliquer qu’à des personnes
physiques.
Réponses : la théorie de la fiction juridique a été abandonnée (26/01/1954 qui
consacre la théorie de la réalité). La commission d’une infraction n’entre certes pas
dans l’objet social ; mais ça n’empêche pas qu’une infraction soit commise à
l’occasion de l’activité entrant dans l’objet social. Certes, on atteint indirectement les
membres d’une collectivité ; c’est classique, on l’admet pour la responsabilité civile.
Pourquoi ne l’admettrait-on pas pour la responsabilité pénale ? Enfin, qu’on ne
puisse pas emprisonner une personne morale, soit ; mais à partir du moment où on
reconnaît qu’une personne morale est dotée d’un patrimoine propre, des peines
peuvent être prononcées qui soient adaptées. Aucune des objections n’était
totalement dirimante.

Arguments en faveur de la reconnaissance de la responsabilité pénale des


personnes morales : une personne morale peut mettre en mouvement l’action
publique ; pourquoi l’action publique ne pourrait-elle pas être mise en mouvement à
leur encontre ? Cette responsabilité serait la contrepartie à la liberté d’association.
De plus, en pratique, les sociétés paient le plus souvent les amendes infligées à
leurs dirigeants. Donc on a déjà une responsabilité pénale indirecte en pratique. Le
débat était sur la place publique. Les projets ont été nombreux. On pourrait
considérer que ce sont plutôt des faits divers qui ont montré qu’il fallait basculer dans
cette reconnaissance de la responsabilité pénale des personnes morales.
Ex : accident ferroviaire en 1988 dans la gare de Lyon. Il fut établi qu’il y avait
eu défaillance du système de freins. Le dirigeant a reconnu la responsabilité de la
société. Seul le conducteur du train a été poursuivi, la personne morale ne pouvant
l’être. S’il n’avait pas survécu, on ne pouvait même pas mettre en mouvement
l’action publique. Affaire du sang contaminé ; Impossible de poursuivre le CNTS.
Aujourd'hui, on a consacré le principe de la responsabilité pénale des
personnes morales.

I. Champ d’application de la responsabilité pénale des


personnes morales

A. Quant aux personnes morales

Article clé du Code pénal : art. 121-2.sont concernées aussi bien les
personnes morales de droit privé, sans restriction, que les personnes morales de
droit public, avec quelques réserves.

1. Les personnes morales de droit privé

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Le projet originel visait tous les « groupements volontaires de droit privé ». Ce
terme est différent parce que cela incluait les groupements non dotés de la
personnalité juridique. A cette expression on a substitué celle de « personnes
morales ». Seuls aujourd'hui sont concernés les groupements dotés de la
personnalité morale. S’agissant des personnes morales de droit privé, on retrouve
toutes les sociétés commerciales, sous toutes les formes imaginables, les sociétés
civiles, les associations, les GIE, les fondations… Tous les groupements dotés de
la personnalité morale sont concernés, qu’ils soient d’origine légale ou non.
Syndicats de copropriétaires, partis politiques, institutions représentatives du
personnel, syndicats professionnels. Le débat n’est pas sur le principe de la
responsabilité pénale d’un parti politique ; il va être sur les peines applicables
(dissolution d’un parti politique → de la séparation des pouvoirs). Certaines peines
ne peuvent être prononcées à leur encontre.
Inversement, la société en participation ne peut être poursuivie. Une
association non déclarée à la préfecture non plus (sportive, religieuse). Les groupes
de société non plus. Les sociétés créées de fait non plus.

Problème des limites chronologiques de cette responsabilité pénale :


s’agissant des sociétés en formation, c’est une période où des actes vont être
accomplis par les fondateurs pour le compte de la société avant son immatriculation.
Ces actes sont le plus souvent repris par la société. Problème : que se passe-t-il
lorsqu’un des fondateurs accomplit un acte illicite pour le compte de la société en
formation alors qu’elle n’a pas encore la personnalité juridique ? Réponse de
principe : négative puisqu’on doit apprécier si la société est dotée de la personnalité
juridique au moment de l’accomplissement de l’acte. A ce moment, elle n’existait pas
juridiquement. De plus, à ce moment, le fondateur n’est pas vraiment l’organe
représentant la société. Tempéraments : si, une fois immatriculée, la reprise des
actes illicites accomplis par les fondateurs constitue en elle-même une nouvelle
infraction. Si par exemple il est évident que les locaux de la société ont été obtenus
d’une façon illicite, qu’il y a reprise de cet acte en pleine connaissance de cause, on
poursuivra la société pour recel.
S’agissant de la mort des personnes morales : elles ne meurent pas de
façon immédiate. Il y a souvent une période de liquidation pendant laquelle la
personnalité juridique du groupe va survivre pour les besoins de la liquidation. Quid
des actes accomplis pendant cette période ? Situation envisagée par l’art. 133-3 du
nouveau Code pénal : « la dissolution de la personne morale empêche ou arrête
l’exécution de la peine. Toutefois, il peut être procédé au recouvrement de l’amende
et des frais de justice ainsi qu’à l’exécution de la confiscation après la dissolution de
la personne morale et ce jusqu’à la clôture des opérations de liquidation. »
Autre spécificité : les personnes morales peuvent se réincarner. Ex :
opérations d’absorption, de fusion, de scission. Elle peut se réincarner dans une ou
plusieurs autres personnes morales. Question : quid si, avant cette opération, la
société absorbée se voit imputer un fait engageant sa responsabilité pénale avant
l’absorption ? Réponses différenciées : s’il y a déjà eu condamnation passée en
force de chose jugée, on a une condamnation pécuniaire. Or l’absorption va
entraîner transmission universelle du patrimoine. Donc la dette va peser sur la
société absorbante. La question est beaucoup plus délicate lorsqu’on n’a pas eu
encore une décision passée en force de chose jugée. Si la procédure est en cours,
voire pas encore entamée, peut-on poursuivre et peut-on condamner la société
absorbante ? Obstacle : le principe de la personnalité de la responsabilité pénale. Ce
principe a primé dans ce débat. Crim., deux arrêts du 20/06/2000 confirmés dans un
arrêt de principe du 14/10/2003. Arrêts de cassation. En droit pénal, nul n’est

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responsable pénalement que de son propre fait. L’absorption d’une société fait
perdre son existence juridique à la société absorbée donc la société ayant absorbé la
société qui était poursuivie du chef d’homicide involontaire à raison d’un accident du
travail ne peut être déclarée pénalement responsable ».
Solution adoptée aussi par la chambre commerciale, 15/06/1999. Mais sa
position est peut-être un peu moins nette, notamment au regard d’un arrêt du
28/01/2003. Dans cette affaire, la chambre commerciale avait considéré que la
société absorbante avait assuré la continuité juridique et économique de la société
absorbée.
Le Conseil d’Etat est encore un peu plus flou : 22/11/2000. Il consacre le
principe de la responsabilité pénale personnelle et suit donc la chambre criminelle
mais s’agissant de la sanction professionnelle (un blâme), il admet qu’elle puisse être
transférée à la société absorbante.

2. Les personnes morales de droit public

La responsabilité pénale des personnes morales de droit public fut la question


la plus âprement discutée lors de la réforme du Code pénal. A l’occasion de la loi
Fauchon, la question fut à nouveau discutée. C’est le principe de l’égalité devant la
loi qui l’a emporté. Avec une exception et une limite.
L’exception, c’est l’Etat. L’Etat ne peut être déclaré pénalement responsable.
Les limites (art. 121-2 alinéa 2) concernent les collectivités territoriales ou
leurs groupements (communes, communautés urbaines, etc.). Elles ne peuvent
voir leur responsabilité pénale engagée qu’au titre d’infractions commises dans
l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de
service public. A contrario, les communes ou leurs groupements ne peuvent être
poursuivies pénalement dans l’exercice d’activités relevant de la puissance publique
(police, gendarmerie, service d’état civil). Ces activités ne sont pas susceptibles de
faire l’objet de délégation de service public. Si on est dans le cadre d’activités
susceptibles de faire l’objet de délégation de service public : principe d’égalité devant
la loi. Ex : transport scolaire. Si on peut poursuivre la société de transport privé à qui
a été déléguée la mission de transport pour une faute qui lui est imputable, on doit
pouvoir poursuivre, pour la même activité, une collectivité n’ayant pas délégué la
mission de service public et ayant commis une faute dans l’exercice de cette
mission.
Ex : chambre criminelle, 3/04/2002. Exploitation d’un théâtre par une
municipalité. La Cour de cassation considère qu’il s’agit bien d’une activité
susceptible de faire l’objet d’une délégation de service public. De même pour la
gestion d’un domaine de ski (14/03/2000).
La définition qu’en donne la Cour de cassation est assez proche de celle
donnée par une loi du 11/12/2001 (MURCEF) : constitue une délégation de service
public un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion
d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé dont
la rémunération est substantiellement liée au résultat de l’exploitation du
service.
Ex : Cour de cassation, crim. 12/12/2001 : accident survenu à un élève d’un
lycée technique. Responsabilité pénale de la région. La Cour estime que l’obligation
de mettre des machines en conformité avec les prescriptions légales participe du
service public de l’enseignement. Donc ce n’est pas une activité susceptible de
délégation de service public. Donc irresponsabilité pénale de la région.

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B. Quant aux infractions

Jusqu’alors, la responsabilité pénale des personnes morales est régie par le


principe de spécialité. Il n’y a de responsabilité pénale des personnes morales que
dans l’hypothèse où le texte incriminateur le prévoit. Il faut systématiquement vérifier
si cette responsabilité pénale des personnes morales a été prévue par le législateur.
Il y a un danger à ce point de vue là. La Cour de cassation a toujours veillé avec
beaucoup de soin à ce que ce principe soit respecté. Ainsi, un arrêt du 18/04/2000 :
le texte incriminateur visait toute personne qui (…). Est-ce que « toute personne »
vise aussi bien les personnes physiques que les personnes morales ? La Cour de
cassation a décidé que l’expression ne permettait pas de retenir la responsabilité
pénale des personnes morales, faute de mention plus précise. Un arrêt d’avril 2003
était venu un peu jeter le trouble. Dans l’article incriminateur étaient visés « tous
ceux qui ». La Cour de cassation avait considéré que cela incluait les personnes
morales.
C’était l’essentiel des incriminations qui était susceptible d’être appliquée aux
personnes morales : quasi-totalité des infractions contre les personnes, contre les
biens et un bon nombre d’infractions du livre 4, notamment la banqueroute. La loi du
16/12/1992, d’adaptation, avait étendu la responsabilité pénale des personnes
morales à de nombreuses infractions situées en dehors du Code pénal. Toutes les
nouvelles incriminations étaient prévues aussi pour les personnes morales.
Puis loi du 12/06/2001 destinée à lutter contre la pratique des sectes qui
contenait un chapitre 2 spécifiquement consacré à l’extension de la responsabilité
pénale des personnes morales. L’extension était considérable. Notamment, les
personnes morales pouvaient se voir désormais reprocher des délits comme
l’exercice illégal de la médecine, les délits de fraude, de publicité mensongère, de
violence volontaire, d’agression sexuelle ou d’abandon de famille. Explication : des
personnes morales peuvent être poursuivies en qualité de complices (or les sectes
poussent à commettre de telles infractions). Si elles provoquent l’abandon de famille
des parents qu’elles ont endoctriné, elles pourront être poursuivies comme auteurs.

La loi Perben II est passée par là. On en venait à discuter de la réalité du


principe de spécialité, puisque tous les textes finissaient par prévoir cette
responsabilité. De façon très discrète, la loi Perben II a supprimé ce principe de
spécialité. La responsabilité pénale des personnes morales devient
systématiquement encourue, à l’image des personnes physiques. Il n’est plus besoin
de mention expresse dans le texte incriminateur. Seule réserve est faite pour les
infractions de presse et les infractions commises par un moyen de communication
audiovisuelle.
Impacts considérables par ricochet. Par prudence, la loi Perben II (mars 2004)
a prévu que cet abandon du principe de spécialité n’entrera en vigueur qu’à compter
du 31/12/2005. Pour le moment, nous sommes toujours régis par ce principe de
spécialité. On va donc pouvoir imputer à une personne morale un homicide
volontaire. De même le fait de faire des offres, des promesses afin qu’une personne
commette un meurtre ou un assassinat, y compris si l’acte ne fut ni tenté ni
consommé.

II. Mise en jeu de la responsabilité pénale

A. Les conditions de mise en jeu

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7
Ce sont des règles fondamentales. Conditions de fond. On est au cœur des
conditions pour qu’une personne morale puisse voir sa responsabilité pénale
engagée. Art. 121-2 : il faut qu’une infraction ait été commise pour son compte par
un de ses organes ou représentants.

1. Une infraction commise pour le compte de la personne morale

L’avant-projet de 1978 utilisait l’expression d’une infraction commise « dans


l’intérêt collectif ». Il y aurait eu énormément de débats sur ce qu’est l’intérêt collectif
d’un groupement. D’où l’expression « pour son compte » retenue par la loi de 1992.
Cette formule est plus claire quant à ce qu’elle exclut que quant à ce qu’elle inclut.
Elle exclut l’infraction commise par un organe ou un représentant dans son intérêt
personnel. Cela inclura sans difficulté les hypothèses où le dirigeant a agi dans
l’intérêt notamment financier de la société, de lui procurer un profit. Pas de difficulté.
Ex : article de presse qui porte atteinte à l’intimité de la vie privée. De même pour les
actes de corruption qui auront été accomplis pour permettre à la société de
bénéficier d’un marché. Ce qu’il faut surtout retenir, c’est qu’on s’accorde à retenir
une conception large de la formule. L’expression « pour son compte » inclut toutes
les infractions commises dans l’exercice de l’activité relevant de la fonction d’organe
ou de représentant, c'est-à-dire dans l’exercice d’activités ayant pour objet d’assurer
l’organisation, le fonctionnement ou les objectifs de la personne morale alors même
qu’il n’en serait résulté aucun profit d’ordre financier. Pas de difficulté sur cette
condition.

2. Une infraction commise par un organe ou un représentant de la


personne morale

La formule, là aussi, est riche par ce qu’elle exclut. Elle exclut le simple
salarié. Un salarié n’engage pas la responsabilité pénale de la société qui
l’emploie. Si un directeur des ventes salarié non mandataire social pratique la
corruption pour permettre à la société d’obtenir un marché, il n’engagera pas la
responsabilité pénale de la société.
Les organes sont les personnes chargées par la loi ou les statuts d’administrer
ou de gérer la personne morale. Ce sont les personnes qui vont participer au
processus d’élaboration de la « volonté » de la personne morale et ensuite qui vont
présider à l’exécution de la décision ainsi prise.
Les représentants sont plutôt les personnes chargées des rapports de la
personne morale avec les tiers. Il y a un aspect de rapports vis-à-vis de l’extérieur
alors que l’organe est plutôt centré sur l’interne. Le plus souvent, organes et
représentants se confondent. Mais tel n’est pas toujours le cas.

La Cour de cassation a une conception large du mandat de représentation


puisqu’elle inclut le mandataire ad litem (l’avocat de la société) : Cour de cassation,
21/03/2000. Elle a considéré que le représentant en justice de la société est un
représentant au sens de l’article L121-2 et peut donc engager la responsabilité
pénale de la personne morale. La Cour de cassation n’exige pas que l’organe ou le
représentant auteur matériel du fait de l’infraction soit nommément identifié. Il est
nécessaire qu’il soit établi qu’une infraction a bien été commise pour le compte de la
personne morale par un organe ou un représentant. Position large adoptée d’abord
pour les infractions non intentionnelles puis étendue aux infractions intentionnelles
(21/06/2000).

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8
Les questions se sont posées : lorsque la loi vise l’organe ou le représentant,
est-ce que cela inclut l’organe ou le représentant de fait ? Enorme débat doctrinal.
Aucune distinction n’est faite dans l’article L121-2. De plus, c’est conforme à
l’assimilation faite par le droit pénal entre le dirigeant de droit et le dirigeant de fait.
Dans le cas contraire, ce serait une façon facile d’éluder le dispositif légal. On peut le
nuancer l’objection : on irait chercher le dirigeant de droit comme complice. Pas de
réponse claire et précise en jurisprudence. La doctrine majoritaire est en faveur
d’une réponse positive. Peut-être le débat a-t-il tourné court depuis que la Cour de
cassation a considéré, dans un arrêt remarqué du 9/11/1999 qu’une personne
morale pouvait voir sa responsabilité retenue au titre des agissements commis par
un représentant apparent aux yeux du public, c'est-à-dire celui qui, aux yeux du
public, a pu être considéré comme ayant le pouvoir de décision au nom de la
personne morale. Des salariés d’une société exploitant des remontées mécaniques
avaient décidé d’ouvrir les pistes alors que l’état de celles-ci ne le permettait pas. La
Cour de cassation est donc allée chercher la notion de « représentant apparent ».
Dernière question : quid du salarié bénéficiaire d’une délégation de pouvoir ?
La doctrine s’est divisée, la Cour de cassation a tranché dans un arrêt très
important : Société Carrefour France du 26 juin 2001. Ont la qualité de représentants
au sens de l’article L121-2 les personnes pourvues de l’autorité, de la compétence et
des moyens nécessaires ayant reçu une délégation de pouvoir de la part des
organes de la personne morale. Il s’agissait d’une vente au déballage non autorisée
sur les parkings de l’hypermarché. Arrêt bigrement intéressant parce qu’il tranche le
débat. Qui plus est, dans cette affaire, il y avait eu subdélégation. Cour de
cassation : le titulaire d’une subdélégation est un représentant au sens de l’article
121-2. Impacts pratiques considérables notamment en matière d’accidents du travail.

La responsabilité pénale des personnes morales suppose que soient réunies


sur la personne de l’organe ou du représentant toutes les conditions de la
responsabilité personnelle de celui-ci : non seulement l’élément matériel de
l’infraction mais également l’élément intentionnel. C’est une précision importante
donnée dans un arrêt du 2/12/1997. La Cour de cassation censure une décision de
Cour d’appel qui avait condamné une société pour avoir produit devant le conseil des
prud’hommes une fausse attestation établie par un membre du personnel. Décision
de la Cour d’appel cassée au motif qu’elle aurait dû rechercher si ce membre du
personnel avait réellement connaissance de l’inexactitude des faits attestés. La Cour
de cassation l’avait également dit pour un délit d’imprudence (janvier 2000).

C’est une condition nécessaire. Infraction pour le compte de la personne


morale, commise par un organe ou un représentant. C’est une condition nécessaire
mais suffisante. Il suffira de vérifier qu’il y a eu infraction commise par un organe ou
un représentant pour le compte de la personne morale. Un débat énorme était né
entre commercialistes et pénalistes. L’idée fut développée qu’il faudrait également
prouver une faute personnelle de la personne morale qui répondrait ainsi de sa
propre politique : compression des coûts, pratique systématique du travail clandestin,
choix des procédés d’exploitation, des procédés de recrutement, décision générale
de dissimulation des revenus… Il fallait en plus que l’on puisse imputer une faute
personnelle relevant de la politique de la société. Cette politique n’aurait été
simplement que mise en œuvre par les organes ou les représentants. Mais cela n’a
rien à voir avec l’esprit de la loi (dont le but est d’alléger la responsabilité pénale des
personnes physiques pour retenir plus systématiquement celle des personnes
morales). Surtout, c’est rajouter une condition au texte de la loi qui ne la prévoit pas.

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9
Le débat a été tranché ; arrêt Société Carrefour France du 26 juin 2001. La
Cour de cassation énonce sans ambigüité la règle selon laquelle la personne morale
peut être condamnée même si elle n’a pas commis une faute pénale distincte de
celle de son représentant. On est sur le terrain de la criminalité d’emprunt, criminalité
par ricochet.

Une dernière difficulté est née avec la loi du 10 juillet 2000. Qu’est-ce qui se
passe lorsque l’organe ou le représentant s’est rendu coupable d’un délit
d’imprudence, cause indirecte du dommage ? S’il est établi qu’il n’a pas commis
cette faute qualifiée mais qu’il a commis une faute simple, il n’engage pas sa
responsabilité ; peut-on poursuivre quand même la responsabilité pénale de la
personne morale ? La loi du 10 juillet 2000 ne visait que les personnes physiques et
non pas les personnes morales. La responsabilité pénale de la personne morale peut
être engagée pour une faute simple. Oui mais on n’exige pas une faute personnelle
de la personne morale. Donc il faut simplement reconnaître qu’il y a un
aménagement s’agissant des délits d’imprudence causes indirectes du dommage
commis par l’organe ou le représentant. La responsabilité pénale de la personne
morale pourra être engagée et retenue alors même que celle de la personne
physique ne pourra pas l’être faute de remplir les conditions de l’art. 121-3 alinéa 4.
C’est une véritable exception.
C’est ce que dit aujourd'hui l’article 121-3 alinéa 3 : la responsabilité pénale
des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs des
mêmes faits, sous réserve des dispositions du 4ème alinéa de l’article 121-3. C’est très
très mal écrit. Art. 121-2 : la responsabilité pénale des personnes morales est
engagée quand un organe ou un représentant a commis une infraction pour le
compte de celles-ci. Or ici, il n’a pas commis d’infraction puisque c’est une faute
d’imprudence.

B. Les modalités de mise en jeu

1. Les différents chefs de responsabilité

Une personne morale peut être déclarée pénalement responsable aussi bien
en tant qu’auteur qu’en tant que complice. Simplement, elle ne pourra être déclarée
complice que si le texte prévoit qu’elle peut être déclarée auteur (cette précision ne
vaut que jusqu’au 31/12/2005). Elle sera déclarée complice chaque fois que l’organe
ou le représentant aura été lui-même complice de l’infraction. Quand le dirigeant
pourra être poursuivi comme complice, la personne morale sera poursuivie comme
complice. Elle peut être poursuivie comme coauteur avec d’autres personnes
morales. Tous les cas de figure sont concevables.

2. Les modalités procédurales

Le principe est celui d’une transposition des règles applicables aux personnes
physiques avec les limites inhérentes à l’anthropomorphisme. Art. 706-41 à 706-46
du Code de procédure pénale. Quelques adaptations : pour la compétence
territoriale, est également compétent le procureur de la République ou les juridictions
où se trouve le siège social. L’action publique est exercée contre la personne morale
prise en la personne de son représentant légal à l’époque des poursuites. Une même
personne peut être poursuivie en tant que personne physique auteur des faits et
personne physique représentant la personne morale. Dans cette hypothèse, art. 706-
43, on prévoit des possibilités d’adaptation : possibilité de désignation d’un

3
0
mandataire ad hoc par voie de justice pour représenter la personne morale.
Demande faite par le représentant de la personne morale. Cette désignation peut
être demandée (ce n’est plus une obligation ; loi 10/07/2000). C’est une faculté pour
le représentant lui même poursuivi en tant que personnes physique.

Les citations sont délivrées à la personne morale. Si le siège est inconnu, une
copie de l’exploit sera remise au parquet. Art. 706-44 : le représentant de la
personne morale poursuivi en tant que tel ne peut faire l’objet d’aucune mesure de
coercition. En particulier, il ne peut pas être mis en détention ou être placé sous
contrôle judiciaire. C’est la preuve parfaite qu’il n’est poursuivi qu’en tant que
représentant de la personne morale. Quant à la personne morale, elle peut être
placée sous contrôle judiciaire. Art. 706-45. Avec notamment dépôt d’un
cautionnement, constitution de sûreté, voire interdiction d’émettre des chèques ou
d’exercer certaines activités professionnelles. Ces dernières peines ne peuvent être
édictées que si elles sont prévues à titre de peines principales pour l’infraction
encourue.
Il existe également un casier judiciaire pour les personnes morales. Il ne
comporte que les bulletins n° 1 et 2. Il ne comporte pas de volet n° 3.

Section 2 : Les sanctions encourues

§1. Constatation et poursuite des infractions

I. La constatation des infractions

Rôle central de la police judiciaire dans la constatation des infractions.


Compétence de droit commun de la police nationale et de la gendarmerie. La
spécificité est dans le fait que dans cette tâche de constatation des infractions
interviennent également pour certaines infractions d’affaires des fonctionnaires et
agents d’administrations et de services publics auxquels des lois spéciales vont
attribuer certains pouvoirs de police judiciaire, notamment celui de constater les
infractions relevant de leur champ de compétence. Cette spécificité est notamment
évoquée à l’article 28 du Code de procédure pénale.
La police nationale et la gendarmerie disposent d’une compétence de droit
commun, les fonctionnaires et agents disposent d’une compétence d’exception. Ils
n’ont ce pouvoir qu’en vertu d’un texte spécifique. Leurs pouvoirs sont adaptés et
limités à la mission qui leur est dévolue, qui se limite le plus souvent à la simple
constatation de l’infraction. Ces fonctionnaires et agents spécialement habilités sont
relativement nombreux. Ainsi notamment, dans le domaine fiscal, (art. L213-13 et
suivants du LPF qui va habiliter les agents de l’administration fiscale à constater
certaines infractions), le domaine douanier (art. 60 à 67 du Code des douanes :
d’importants pouvoirs pour rechercher et constater des infractions en matière
douanière). L’air du temps est d’accroître considérablement les pouvoirs de ces
agents. Le domaine des fraudes aussi (art. L215-1 Code de la consommation :
DGCCRS direction générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes), domaine des prix et de la concurrence (art. L450-1 Code de
la concurrence).

La poursuite des infractions

3
1
A. L’exercice de l’action publique

1. Action publique déclenchée par le ministère public

Le ministère public est composé de magistrats amovibles et irrévocables qui


représentent la société lésée par l’infraction. Ils poursuivent dans l’intérêt général. Ils
requièrent l’application de la loi pénale et des principes fondamentaux de la
procédure. Ils disposent d’une compétence de droit commun dans l’initiation de
l’action publique (art. 1er alinéa 1er du CPP). Il existe au moins un magistrat du
ministère public auprès de chaque juridiction. Ils interviennent également auprès du
tribunal de police. Ils relèvent du ministre de la justice (art. 30 CPP : le ministre de la
justice conduit la politique d’action publique déterminée par le gouvernement, en
conséquence de quoi il adresse aux magistrats du ministère public des instructions
générales d’action publique). Principe fondamental de l’opportunité des poursuites,
sauf pour la partie civile à porter plainte en se constituant partie civile devant le
doyen des juges d’instruction.

Spécificités à propos de la criminalité d’affaires : il existe des magistrats du


parquet spécialisés en matière économique et financière (dans le sillage de la
création des juridictions spécialisées en matière économique et financière : art. 704
et 705 du CPP). Spécialisés pour la poursuite, l’instruction et le jugement des affaires
d’une grande complexité. Cela couvre le ressort de plusieurs TGI. On a également
crée au-delà des juridictions à champ territorial étendu qui peuvent couvrir le ressort
de plusieurs Cours d’appel pour les affaires d’une très grande complexité.
2ème spécificité : des textes spécifiques vont permettre à titre exceptionnel à
certaines administrations de jouer le rôle de ministères publics et de déclencher
l’action publique. Ce sont des administrations qui vont avoir le pouvoir de déclencher
l’action publique pour des infractions qui concernent leur domaine de compétences.
Cela suppose une disposition spéciale. A titre principal, les administrations
concernées sont notamment les eaux et forêts, les ponts et chaussées,
l’administration des contributions indirectes et l’administration des douanes. Dans
ces domaines, les administrations peuvent se substituer au ministère public pour
déclencher l’action publique. Distinction selon la nature de la peine dont on poursuit
le prononcé.

2. L’action publique déclenchée par la victime

Hypothèse où la commission d’une infraction a généré un préjudice. La


victime peut porter son action civile en réparation devant la juridiction civile
(principe). Mais cette action civile peut également être exercée devant le juge
répressif. On va à la fois demander la sanction pénale et la réparation du préjudice.
On se constitue partie civile, ce que l’on peut faire ab initio (ce qui provoque et
impose le déclenchement de l’action publique si c’est fait devant le doyen des juges
d’instruction), ou par voie d’intervention une fois que l’action publique a déjà été
lancée.
Mais cela doit se faire aux conditions de l’article 2 alinéa 2 du CPP. Pour aller
demander réparation devant la juridiction répressive, encore faut-il que la victime
justifie d’un préjudice personnel et surtout directement causé par l’infraction. Cela
peut soulever des difficultés s’agissant des infractions d’affaires. La victime peut être
non seulement une personne physique mais aussi une personne morale. Les
infractions d’affaires sont également le terrain d’élection des infractions d’intérêt
général (manquements à la règlementation économique : ordre public de direction,

3
2
protection de l’intérêt général). Peut-on se constituer partie civile. Arrêts de 1959 : il
ne pouvait y avoir lieu à action civile s’agissant des infractions en matière
économique et financière car elles ne tendent qu’à la protection de l’intérêt général.
Position de la Cour de cassation discutée, critiquée. En raisonnant comme ça, toutes
les incriminations défendent quand même peu ou prou un intérêt général. Ce n’est
pas parce qu’une infraction défend un intérêt général que l’infraction ne porte pas
atteinte à un intérêt particulier. Revirement : 22/01/1970 : si certaines incriminations
ont pour but la protection de l’intérêt général, elles tendent également à la protection
des intérêts individuels ou collectifs.

3ème spécificité : l’action civile est également parfois ouverte non pas
seulement à la personne physique atteinte dans son patrimoine personnel mais
également à des groupements. C’est donc un peu cette possibilité en droit français
d’action collective. Loi Royer de 1973 qui a créé dans le paysage français ces
actions collectives et qui va permettre aux associations de consommateurs agréées
de se constituer parties civiles devant toute juridiction pour solliciter réparation du
préjudice subi par les consommateurs. Les fonds perçus dans le cadre de ces
procédures reviennent exclusivement à l’association qui a introduit la procédure.
C’est le début d’un long processus et cette action est aujourd'hui ouverte à
bon nombre d’associations. Lorsqu’on a à se confronter aux infractions d’affaires,
d’autres entités sont susceptibles d’agir : action des syndicats (art. L 411-1 du Code
du travail), action du comité d’entreprise… Les associations de consommateurs
agréées peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits
portant préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des consommateurs. Arrêt
Carignon du 27/10/1997 : une société française avait « bien aidé » M. Carignon
lorsqu’il voulait se représenter comme maire de Grenoble en contrepartie de
l’attribution de la concession du service des eaux de la ville de Grenoble. Est-ce que
les habitants de la ville de Grenoble pouvaient se prévaloir d’un préjudice personnel
et direct du fait de la hausse des tarifs ? La Cour de cassation a accepté que
l’association de consommateurs agréée puisse exercer une telle action alors qu’il
s’agissait de délit de corruption active et passive. La CA avait refusé cette action,
donc arrêt de cassation. La Cour de cassation rappelle qu’aucune infraction ayant
porté un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des consommateurs n’est
exclu des textes (en l’occurrence, art. L 421-1 du Code de la consommation). Ici, ça
peut être une atteinte indirecte. Action également admise en 1997 dans l’affaire de la
catastrophe de Furiani.

B. L’extinction de l’action publique

1. La transaction

En principe, une transaction entre la victime et l’auteur de l’infraction est sans


incidence sur l’action publique, quand elle est déclenchée. Par dérogation, cette
possibilité de conclure une transaction est ouverte dans certaines hypothèses,
notamment au profit de certaines administrations (hypothèses où l’administration est
en droit de mettre en mouvement l’action publique). Ce seront principalement les
administrations fiscales et douanières. Si tel est le cas, l’action publique est éteinte.
Elles ont le monopole d’éteindre l’action publique par le biais de cette transaction.

2. La prescription

3
3
S’agissant des infractions d’affaires, on a parfois des règles particulières en
matière de prescription parce que les infractions d’affaires sont le terrain privilégié
d’une nouvelle catégorie d’infractions : les infractions clandestines ou occultes pour
lesquelles on ne modifie pas la durée du délai de prescription (1 an pour les
contraventions, 3 ans pour les délits et 10 ans pour les crimes, à titre de principe)
mais on diffère le point de départ du délai de prescription. C’est un mouvement qui
est né à partir du délit d’abus de confiance et qui a été prolongé avec le délit d’abus
de biens sociaux. Par la suite, on l’a appliqué à d’autres délits : délit d’altération de
preuves en vue de faire obstacle à la manifestation de la vérité. Ici, comme pour
l’abus de confiance, le point de départ de ce délai de prescription est retardé au jour
où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant
l’exercice de l’action publique. Elle fut également appliquée dans un arrêt de 1997 à
propos du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée : affaire des écoutes clandestines
de l’Elysées. « Infractions par nature clandestines », dit la Cour de cassation. Elle fut
également appliquée en 2004 pour le délit de favoritisme. La Cour de cassation l’a
aussi appliqué en 2005 à propos du délit de malversation. Elle vient encore de
l’appliquer à propos du délit de tromperie (mise sur le marché d’hormones de
croissance). On a donc là un mouvement purement jurisprudentiel de création d’une
nouvelle catégorie particulière d’infractions qui se singularise en termes de
prescription.
Il ne faut pas confondre une infraction ignorée de la victime et une infraction
dissimulée par l’auteur. La prescription peut courir contre quelqu'un qui ne savait
même pas qu’elle courait. On a un peu de bricolage jurisprudentiel parce qu’on a
beaucoup de problèmes de prescription en ce moment en droit pénal.

§2. La typologie des sanctions

I. Les sanctions pénales

A. Les sanctions applicables aux personnes physiques

Classification : peines criminelles. La peine de mort a été abolie. Peine


maximale : réclusion criminelle à perpétuité. A suivre : le débat sur la récidive.
Sous les peines criminelles : peines correctionnelles (art. 131-3). La peine
d’emprisonnement correctionnelle est de 10 ans maximum. L’amende correctionnelle
n’a pas de montant maximum.
D’autres peines sont prévues :
➢ Le jour-amende, qui ne peut pas se cumuler avec
l’amende ni avec une peine d’emprisonnement. Idée : pendant un certain
nombre de jours, on verse le montant d’une certaine amende. Le nombre de
jours ne peut excéder 360, et 180 pour un mineur. Le montant par jour ne peut
aujourd'hui excéder 1000 euros.
➢ Le travail d’intérêt général, applicable à tous. Cela
suppose que la peine encourue soit passible de peine d’emprisonnement.
Durée maximale fixée par le juge entre 40 heures et 210 heures. Le travail
n’est pas rémunéré. Au profit d’une personne morale de droit public ou d’une
association habilitée. Cette peine ne peut pas être prononcée si le prévenu la
refuse ni s’il n’est pas présent à l’audience.
➢ Le stage de citoyenneté, ajouté par la loi Perben II. Il doit
avoir pour objet de rappeler en cours d’année les valeurs républicaines de
tolérance et de respect de la dignité humaine. Cette peine ne peut être
prononcée contre le prévenu qui la refuse. Ce stage de citoyenneté peut être

3
4
prononcé à titre de peine principale ou à titre de peine complémentaire. Elle
ne peut être prononcée que pour certaines infractions (atteinte volontaire à
l’intégrité physique, discrimination…)
➢ Peines privatives ou restrictives de droits (art. 131-6) :
suppose qu’un emprisonnement soit encouru, voire même une simple
amende. Peine qui peut s’ajouter ou se substituer à la peine principale. Ex :
mesures qui affectent le permis de conduire (suspension pour 5 ans ou plus),
confiscation du véhicule… Ce qui vaut pour le véhicule vaut également pour
les armes, notamment en matière de chasse. Egalement, interdiction
d’émettre des chèques pour 5 ans ou plus, autres que des chèques de retrait
ou des chèques certifiés. Ca vaut aussi pour les cartes de paiement.
Confiscation de la chose qui a servi ou été destinée à commettre l’infraction ou
de la chose qui en est le produit (pas applicable aux infractions de presse).
Peut être prononcé à titre de peine principale ou de façon complémentaire. La
loi Perben II a complété la liste : interdiction provisoire de paraître en certains
lieux ou de fréquenter certaines personnes.
➢ Peines complémentaires (art. 131-10 C. pénal) : peines
d’interdiction, de déchéance ou de privation de certains droits (notamment
privation des droits civiques, civils et de famille), confiscation ou immobilisation
d’un objet, fermeture d’un établissement, affichage de la décision ou la
diffusion de celle-ci ou communication audiovisuelle. Ces peines
complémentaires accompagnent normalement une peine principale. Mais
depuis 1975, elles peuvent être prononcées à titre de peines principales.

Peines contraventionnelles : il y a 5 classes de contravention. Amendes : 38


euros (1ère classe), 150 (2ème classe), 450 (3ème classe), 750 (4ème classe) et 1500
(5ème classe), doublées en cas de récidive.

B. Les sanctions applicables aux personnes morales

Pas de peine d’emprisonnement.


Peines d’amende. Ici, s’agissant des peines applicables à une personne
morale, il n’y a pas de différence entre peine principale et peine complémentaire ni
entre peine correctionnelle et peine criminelle. Liste donnée à l’art. 131-39. Le
maximum de l’amende encourue par une personne morale est égal au quintuple de
la peine d’amende encourue pour les mêmes faits par les personnes physiques.
Pour un abus de biens sociaux, ça peut aller jusqu’à 12,5 millions d’euros. Il n’y a
aucune distinction selon la forme de la société, donc la peine de mort existe ! Le juge
bénéficie du pouvoir d’individualisation de la sanction.
Problème : aucune peine d’amende n’était prévue pour certains crimes. Loi Perben
II : dans cette hypothèse, la peine d’amende encourue sera égale à 1 million d’euros.
La peine d’amende est systématiquement encourue par les personnes morales.

La dissolution : sanction suprême. La peine n’est encourue que lorsque le


texte le prévoit. Elle n’est prévue que pour les infractions les plus graves. D’autres
conditions ont été posées : la dissolution (art. 131-39) ne peut être prononcée que
dans l’hypothèse où la personne morale a été créée pour commettre l’infraction ou,
s’il s’agit d’un crime ou d’un délit puni de plus de 3 ans, a été détournée de son objet
pour commettre l’infraction. Ainsi, alors même qu’elle est prévue par le texte, ça ne
suffira pas pour que le juge la prononce. Dernière exigence (condition négative) :
c’est parfois une sanction inconcevable ou trop grave pour certaines personnes
morales. Cette sanction ne peut être prononcée à l’encontre des personnes morales

3
5
de droit public, des partis ou groupements politiques, des syndicats professionnels
ou encore à l’encontre des institutions représentatives du personnel.

Interdiction d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités


professionnelles ou sociales dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle
l’infraction fut commise. Placement sous surveillance judiciaire (propre aux
personnes morales). Ne peut pas être appliquée aux partis politiques ni aux
syndicats professionnels mais applicables aux institutions représentatives du
personnel. Fermeture d’établissement (notamment les établissements ayant servi à
commettre l’infraction), exclusion des marchés publics. Elle peut être prononcée à
titre définitif ou temporaire, pour une durée de 5 ans au plus. Pareil pour l’interdiction
de faire appel public à l’épargne. Interdiction d’émettre des chèques (autres que
certifiés ou de retrait) ou d’utiliser les cartes de paiement. Confiscation de la chose
qui a permis de commettre l’infraction. Affichage ou diffusion de la décision.

Puis peines contraventionnelles.

II. Les sanctions administratives

A. Panorama des hypothèses

La spécificité de notre système est le suivant : à côté des sanctions, des


peines prononcées par les juridictions répressives, il existe également des sanctions
prononcées soit par des autorités administratives indépendantes soit par certaines
administrations elles-mêmes. La sanction administrative est une mesure que les
autorités administratives ont le pouvoir d’infliger elles-mêmes à des particuliers pour
sanctionner leur comportement fautif. Il s’agit de sanctionner un manquement à une
obligation particulière. Hétérogénéité de la répression en droit des affaires ; le droit
pénal stricto sensu ne suffit plus à la tâche. Les juridictions répressives n’ont pas le
monopole de la sanction.

Quelques exemples : la commission bancaire, chargée de sanctionner les


manquements commis par les établissements de crédit ou par les prestataires de
services d’investissement ou encore par les membres des marchés règlementés ;
manquements aux règles propres régissant leur activité spécifique. Cette
commission bancaire peut prononcer des sanctions de radiation de la liste des
établissements agréés et des sanctions pécuniaires.
De même, on évoquera l’autorité de marchés financiers (qui a succédé à la
COB, au conseil des marchés financiers et au conseil de discipline). C’est une
autorité publique indépendante dotée de la personnalité juridique. L’AMF peut donc
se constituer partie civile en cas de délit. Art. L621-1 du Code monétaire et financier.
Sa mission est forcément calquée sur celle de la COB : elle veille à la protection de
l’épargne investie dans les instruments financiers et tous autres placements donnant
lieu à l’appel public à l’épargne. Elle veille aussi à l’information des investisseurs et
au bon fonctionnement des marchés financiers. Pour mener à bien cette mission,
l’AMF est dotée d’un pouvoir règlementaire, un pouvoir de décision individuel, mais
aussi un pouvoir d’enquête et surtout un pouvoir de sanction administrative comme
disciplinaire (art. 621-14 et 15 du CMF).
Autre exemple : le conseil supérieur de l’audiovisuel qui a un pouvoir de mise
en demeure et un pouvoir de sanction en cas de manquement à la règlementation
dont il est chargé de veiller au respect. Ces sanctions pécuniaires peuvent aller

3
6
jusqu’à 1,5 million d’euros, voire au-delà si des profits ont été réalisé (peut aller
jusqu’au décuple des profits réalisés).
Le conseil de la concurrence, dont la compétence est née de la dépénalisation
des ententes et abus de position dominante, qui a un pouvoir d’injonction mais
surtout de sanction. Seule limite au montant de l’amende : peut aller jusqu’à 10% du
chiffre d’affaires.
Bilan : ce sont des amendes qui sont prononcées. C’est un véritable pouvoir
sanctionnateur qui est conféré à ces autorités administratives. Ce qui ne va quand
même pas de soi ; il n’y a aucune référence dans la Constitution à un tel pouvoir.
C’est un peu mettre à mal le principe de séparation des pouvoirs. Le conseil
constitutionnel (30/12/1982) a cependant accepté l’idée que ce pouvoir
sanctionnateur soit laissé par le législateur à une autorité de nature non
juridictionnelle. Il marque toute sa réticence en utilisant l’expression « le législateur a
cru devoir laisser… ». 7 ans plus tard, il affirme qu’il est « loisible au législateur de
confier à une autorité administrative indépendante des pouvoirs de sanction dans la
limite nécessaire à l’accomplissement de sa mission » (17/01/1989). La CEDH s’en
accommode également ; Engel, 1976. On s’en accommodera aussi. Mais
l’importance des sanctions prononcées leur donne un caractère quasi pénal.

B. Le caractère quasi pénal des sanctions

Ces sanctions sont prononcées non pas par des autorités juridictionnelles
mais par des autorités administratives indépendantes, voire même des
administrations. Ces sanctions sont très importantes ; n’est exclue que la peine
d’emprisonnement. Quid de leur coexistence avec des sanctions pénales
prononcées par les juridictions répressives si le même fait est constitutif d’une
infraction pénale ? Non bis in idem ; on ne peut être puni 2 fois pour le même fait.
Alors comment accepter cette coexistence ? Cet adage est consacré par le CEDH
(art. 4 du protocole n°7 additionnel). Peut-on cumuler à propos d’un même fait des
sanctions pénales prononcées par une autorité juridictionnel et des sanctions
administratives prononcées par des autorités administratives indépendantes mais qui
ont un caractère quasi pénal ? La réponse est aujourd'hui claire : Conseil
constitutionnel, 28/07/1989 : le principe selon lequel une même personne ne peut
être poursuivie et punie deux fois pour le même fait ne reçoit pas application en
cas de cumul entre des sanctions pénales et administratives. On peut donc
parfaitement cumuler pour un même fait le prononcé de sanctions pénales et
administratives ; elles ne sont pas de même nature.
N’empêche que les sanctions à caractère administratif ne sont pas loin, de par
leur gravité, d’être des sanctions pénales. Dans cette même décision, après avoir
accepté le principe d’un cumul, il pose quand même une limite : la règle de la
proportionnalité. Le cumul de ces sanctions pécuniaires prononcées ne peut
dépasser le montant le plus élevé de l’un des 2 sanctions encourues. Donc principe
de mise à l’écart de l’adage non bis in idem mais dans la limite d’une sanction qui
reste proportionnée.

En ce sens : Cour de cassation, crim., 7/09/2004, à propos de sanctions


disciplinaires. Arrêt qui avait été prononcé à l’encontre d’un vétérinaire qui avait
signé de faux documents officiels relatifs à la certification de bovins par tromperie sur
l’identité de ces bovins. Un arrêté préfectoral le suspend de ses fonctions à titre de
sanction disciplinaire. Ce à quoi s’ajoute, prononcée par le tribunal correctionnel, une

3
7
interdiction de l’exercice des fonctions pendant 2 ans. La Cour de cassation confirme
qu’il peut y avoir cumul. La France a assorti l’article 4 du protocole n°7 de réserves.
Justement, ces réserves concernaient l’hypothèse d’un cumul de sanctions
disciplinaires et pénales. De même, la chambre criminelle l’avait déjà dit auparavant :
arrêt de 1996 à propos de sanctions fiscales. Idem pour le Conseil d’Etat, dans un
avis du 4/04/1997 à propos des sanctions fiscales (avis Jamet).

D’autres questions se posent en raison de la gravité des sanctions. On arrive


à des sanctions de caractère quasi pénal. Quid de nos principes fondamentaux ? De
la présomption d’innocence, du droit à un procès équitable, du principe du
contradictoire… Tout ce qui fait les garanties fondamentales dans un procès pénal.
Est-ce qu’à ces procédures s’impose le respect de l’article 6 de la CEDH ? « Toute
personne a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement, équitablement et
dans un délai raisonnable par un tribunal impartial et indépendant établi par loi qui
décidera soit des contestations sur ces droits et obligations de caractère civil soit du
bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. » Un arrêt de la
CEDH du 24/02/1994 a considéré que cet article 6 était applicable au prononcé de
sanctions fiscales. Un contribuable doit être regardé comme pénalement accusé s’il
encourt des sanctions administratives qui ne visent pas la réparation d’un préjudice
mais vise pour l’essentiel à punir afin d’empêcher la réitération. Hypothèse de
majoration d’impôt.
Les juridictions nationales ont pris cette position également à propos des
sanctions fiscales (Cour de cassation, 29/04/1997, Ferara, à propos de la vignette
automobile). La Cour de cassation avait considéré que l’amende forfaitaire ne laissait
pas de place au pouvoir modérateur du juge (donc pas d’individualisation possible de
la peine) ; devait être écartée au regard des dispositions de l’article 6 de la CEDH.
Solution différente s’agissant des intérêts de retard en matière fiscale ; ici, il y a un
certain pouvoir d’appréciation et puis la modération a déjà été faite par le législateur.
Bilan : position dominante aujourd'hui : soumettre le prononcé de ces
sanctions administratives aux principes directeurs du procès pénal.

Application également à propos du respect de la présomption d’innocence :


Cour de cassation, 1/12/1998 : le président de la COB avait fait une déclaration
publique dans des journaux avant l’ouverture de la procédure pour évoquer des
acrobaties comptables imputées à une personne. Rappel au principe de la
présomption d’innocence.
Application générale de l’article 6 de la CEDH. Considération du caractère
d’intérêt général de la norme enfreinte et de la sévérité de la sanction encourue.
Très grandes conséquences, notamment à propos de la défunte COB : à
propos de la procédure interne de la COB. Ass. Plén. 5/02/1999, Oury : on a
considéré que la procédure (mise en place par le législateur depuis des années)
méconnaissait le droit à un procès équitable. Le rapporteur participait au délibéré, à
la formation du jugement. C’est comme si le juge d’instruction, après avoir rendu son
ordonnance de renvoi, faisait partie de la juridiction de jugement.
CA Paris, 7/03/2000, KPMG : dénonce les pouvoirs du collège de la COB. Ce
collège a la pouvoir de décider de la mise en accusation sur la base des faits
constatés, de formuler les griefs, de statuer sur la culpabilité et de prononcer les
sanctions. Il a fallu revoir tout le fonctionnement interne de la COB. Décrets pour la
réorganiser (2 août 2002). Toute l’organisation de l’AMF a été faite en tenant compte
de cela.

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Cour de cassation 1999 : droit à un procès équitable opposable au conseil de
la concurrence. C’était une des affaires les plus emblématiques du conseil de la
concurrence (toute l’affaire des ententes illicites dans le secteur du bâtiment).

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Chapitre 2 : Les infractions empruntées au droit commun

Section 1 : Les infractions contre les biens

§1. Les appropriations frauduleuses

I. L’escroquerie

Le droit romain ignorait la notion d’escroquerie. Les faits frauduleux étaient


plutôt qualifiés de faux ou de vol. Ce n’est que sous l’empereur Hadrien qu’est
apparu le crime stellionat qui couvrait tout acte déloyal commis au préjudice d’autrui.
Ces divers apports se sont trouvés dans l’ancien droit français où l’escroquerie se
confondait avec le vol et le faux. Ce n’est qu’en 1791 que l’escroquerie est devenue,
avec le Code pénal, un délit distinct et indépendant. Nuance : sa définition était alors
très large et vague. Tout dol constituait une escroquerie. On assimilait dol civil et dol
criminel. A tel point que pendant longtemps, la répression de l’escroquerie était
confiée à des tribunaux civils. Le travail de dissociation fut alors un travail
jurisprudentiel. Distinction du dol civil (simple abus de la crédulité d’autrui qui peut
prendre la forme d’une abstention) du dol criminel (qui suppose un acte positif visant
à provoquer l’erreur chez la victime). Art. 405 de l’ancien Code pénal dont le
successeur est aujourd'hui l’article 313-1 du nouveau Code pénal.

L e délit d’escroquerie est en bonne santé, en constante progression sous


l’impact de 2 facteurs : les délinquants deviennent de plus en plus imaginatifs, les
victimes ont de plus en plus besoin de croire. Le chiffre noir est très très important.
C’est un délit d’action, de commission (et non d’abstention). L’escroquerie doit
comporter l’accomplissement d’actes positifs. Une abstention, une omission, aussi
coupable soit-elle, ne saurait suffire. Une jurisprudence centenaire (1914) juge qu’il
ne saurait y avoir escroquerie quand le prévenu s’est contenté de garder le silence,
quand bien même on garde le silence sur un fait qui, s’il avait été connu de la
victime, l’aurait déterminée à ne pas remettre la chose convoitée. Arrêt de 1978 à
propos d’un assuré social bénéficiaire d’une rente d’invalidité à 100% pour cécité
totale. D’un seul coup, il voit beaucoup mieux. Mais il ne fait aucune déclaration.
Aucun acte positif ne lui est imputable. Abstention de déclarer l’amélioration de son
état. Mais en 1994, décision qui paraît contraire : escroquerie aux ASSEDIC. Le
bénéficiaire d’allocations chômage remplit des formulaires qu’il envoie aux ASSEDIC
sans, à l’occasion de cette déclaration, préciser qu’il a retrouvé une activité partielle.
Escroquerie. La différence est simple : abstention pure et simple (1978) / Abstention
dans l’action (1994). Cette position de 1994 n’est donc pas un revirement. Le délit
reste bien un délit de commission mais on accepte d’y inclure l’abstention dans
l’action.
C’est un délit complexe qui suppose la réunion de plusieurs éléments. L’enjeu
de ce caractère complexe est notamment l’application de la loi pénale dans l’espace.
C’est un délit instantané, qui se commet en un trait de temps qui est la remise de la
chose convoitée. Aspect criminologique : diversité criminologique, caractère
polymorphe. On a du mal à cerner la personnalité de l’escroc. Il y a l’escroc de
circonstances, l’escroc multirécidiviste professionnel. La proportion des hommes
mariés est plus élevée chez les escrocs que chez les voleurs. Plus de 50% des
escrocs appartiennent au monde des affaires. Le niveau intellectuel est un peu plus
élevé chez les escrocs que chez les autres délinquants. Etc.

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0
A. Les éléments constitutifs de l’infraction

Article incriminateur : 313-1 du Code pénal. Le délit est une infraction


complète qui suppose la réunion de 4 éléments : l’emploi de moyens frauduleux, la
remise ou la fourniture de la chose convoité, un préjudice et une intention de nuire.

1. L’emploi de moyens frauduleux

Par l’emploi de certains moyens frauduleux, une personne va provoquer la


remise d’une chose ou la fourniture d’un service au détriment de la victime. L’article
313-1 vise un certain nombre de moyens frauduleux (interprétation stricte).

a. Usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité

Ici, l’usage suffit. Le mensonge suffit. Il n’y a pas besoin d’élément extérieur
venant conforter le mensonge. Sous cet éclairage très important, reste à savoir ce
que cela recouvre. Usage d’un faux nom (on parle du nom de famille et non plus de
nom patronymique). Il faut ici un mensonge mais le mensonge suffit. Ce peut être
sous forme verbale ou écrite. Peu importe que le titulaire du nom ait donné son
accord. Affaire du docteur Duval de 1938 : un médecin avait une certaine notoriété et
a ouvert partout en France des cabinets au nom du docteur Duval. Peu importe que
cela soit fait avec son accord, il y a escroquerie et complicité d’escroquerie. Il peut
s’agir également d’une particule, d’un pseudonyme. Il ne suffit pas d’utiliser une
homonymie.
Usage d’une fausse qualité : deux conceptions : une conception restreinte où
il ne s’agirait que des éléments de l’état civil, notamment l’âge, la nationalité… et
puis une conception plus large qui engloberait tous les éléments relevant de la
situation sociale de la personne, tout ce qui serait de nature à donner crédit aux
allégations mensongères. Aujourd'hui, c’est une conception extensive de la qualité
qui prédomine. Suppose un acte positif, verbal ou écrit. On peut mentir sur sa
situation matrimoniale, son âge, ses liens de famille, sa situation professionnelle
(notaire, avocat, médecin…), ses titres (fonction ecclésiastique, titres nobiliaires,
légion d’honneur, titres universitaires, juridiques). Fausse qualité de commerçant, de
salarié, de représentant commercial…

Question : qu’en est-il de la qualité consistant à s’affirmer titulaire d’un droit ?


Qu’en est-il de celui qui se prétend faussement propriétaire ou faussement
créancier ? La jurisprudence est bien assise sur cette question : il n’y a pas usage de
fausse qualité à s’affirmer faussement titulaire d’un droit de créance ou de propriété
(crim., 6/10/1980 ; 23/02/2005).
Attention toutefois, la solution est différente lorsque l’on se prétend
faussement mandataire. Jurisprudence classique. Pourquoi cette différence ? Parce
qu’on fait intervenir un tiers : le faux mandant. Il y a des manœuvres frauduleuses
sous la forme de l’intervention d’un tiers, fût-il purement imaginaire.

b. L’abus de qualité vraie

C’est un apport de la réforme du Code pénal. Sous l’empire de l’ancien Code


pénal, la jurisprudence réprimait l’escroquerie par abus de qualité vraie au titre de
l’escroquerie par manœuvres frauduleuses. On ne pouvait pas y voir l’usage de
fausse qualité. La notion s’est d’abord développée à propos de l’usage abusif fait par
des professionnels d’une qualité comprise comme une profession à laquelle la

4
1
confiance est inhérente (confidents nécessaires). Peu à peu, la jurisprudence l’a
élargie pour atteindre toute relation particulière de confiance préexistante. La relation
de confiance n’est pas attachée aux professions elles-mêmes. Ex : 23/03/1978 à
propos du directeur comptable d’une entreprise qui avait abusé de sa qualité dans
ses relations avec le banquier de l’entreprise pour obtenir à titre personnel des prêts
avantageux.
Cour de cassation, crim, 1986 à propos d’un délégué syndical qui avait abusé de sa
qualité pour l’utilisation de ses heures de délégation. Mais à l’époque, on était
sanctionné au titre de manœuvres frauduleuses et non au titre d’abus de qualité
vraie.

Réforme du Code pénal qui vise désormais expressément et spécifiquement


l’abus de qualité vraie comme moyen frauduleux. Conséquence : l’abus de qualité
vraie se suffit à lui-même. Il n’est pas besoin d’un élément extérieur venant conforter
cet abus. C’est un moyen autonome.
Ex : Cour de cassation, crim., 6/04/1993 : Un avocat fait usage abusif de sa qualité
afin d’obtenir frauduleusement un désistement d’instance.
CA Pau : professeur d’université qui s’était fait verser des sommes d’argent en
paiement de frais de mission imaginaires.

c. Les manœuvres frauduleuses

C’est la forme la plus répandue d’escroquerie. Ici, tout de suite, l’éclairage le


plus important s’agissant des manœuvres frauduleuses : un simple mensonge ne
saurait suffire. Jurisprudence constante de la Cour de cassation : le mensonge écrit
ou verbal émanant de l’escroc ne suffit pas à réaliser une manœuvre frauduleuse
même si ce mensonge est déterminant de la remise. Il n’y a manœuvre que si le
mensonge est conforté, corroboré, étayé par des éléments matériels extérieurs qui
viennent lui donner force et crédit.
« Subtil hein, faut mentir mais faut savoir s’arrêter à temps ». Ces manœuvres
frauduleuses peuvent revêtir diverses formes.

➢ La production de pièces ou documents qui peuvent émaner


de l’autorité de tiers. Ce tiers peut être de mauvaise foi, auquel cas c’est un
complice, ou un tiers de bonne foi qui aura également été trompé.
Ex. de tiers de mauvaise foi : une entreprise tierce fictive (société taxi) émet des
factures fictives laissant croire à la fourniture de marchandises à l’escroc qui va lui
permettre de se constituer une créance sur le trésor public (escroquerie à la TVA).
Ou bien cabinet spécialisé dans les fausses attestations de sinistres, très utile pour
l’escroquerie aux assurances.
Ex. de tiers de mauvaise foi : certificat médical.
Les documents peuvent aussi émaner d’autorités publiques (production de
faux documents officiels).

En revanche, ces documents ne peuvent émaner de l’agent lui-même. Sinon,


il n’est que l’expression écrite du mensonge. Or il faut un élément extérieur qui
conforte le mensonge. Exception : l’escroquerie au bilan, la publicité mensongère (on
a égard ici à l’ampleur de la diffusion inhérente à la publicité). Mais ce ne sont que
des exceptions au principe.
Cour de cassation, 1er juin 2005 : le fait d’émettre en connaissance de cause
23 chèques sans provision ne constitue que de simples allégations mensongères de
l’escroc et cela ne constituer les manœuvres frauduleuses, peu importe que cela soit

4
2
fait par écrit et de manière réitérée. En revanche, le fait d’accompagner une
déclaration maladie de certificats médicaux émanant de tiers est susceptible de
constituer une manœuvre frauduleuse.
Cour de cassation 30/01/1992 : les juges du fond avaient condamné un chef
d’entrepris qui avait fait une demande d’indemnisation au titre du chômage partiel à
propos de salariés qu’il savait ne pas avoir droit au bénéfice de ces indemnités.
Condamné pour escroquerie. La Cour de cassation casse la décision car la liste
nominative de salariés ne constituait qu’un écrit émanant du prévenu. Il n’y avait pas
d’élément extérieur.

➢ L’intervention d’un tiers : ce tiers va conforter le mensonge de


l’escroc, lui donner force et crédit. Ce tiers peut être de bonne foi (il n’est lui-même
qu’un jouet entre les mains de l’escroc) ou de mauvaise foi (il est alors complice).
Cette intervention d’un tiers peut se faire par écrit : fausses factures établies par les
sociétés taxis (escroquerie à la TVA), faux états estimatifs d’un bien sinistré, la traite
de complaisance (le tireur n’est pas créancier du tiré mais celui-ci, par complaisance,
va signer l’acceptation qui permettra au tireur de faire escompter l’effet de
commerce). Pendant un certain temps, la Cour a considéré que cette traite de
complaisance n’était que l’expression écrite du mensonge. Elle n’y voyait pas une
modalité d’escroquerie. Revirement dans les années 1932 : l’acceptation par un tiré
de complaisance et insolvable constitue l’intervention d’un tiers établissant les
manœuvres frauduleuses.
L’intervention d’un tiers peut se faire par voie orale, par gestes, par attitude.
Ce tiers peut être fictif : on a fait croire à l’existence ou à l’intervention d’un tiers. Ex :
en matière de faux bilan, attestation soussignée d’un expert comptable qui n’existe
pas. Document qui émane de l’escroc. Mais il a fait croire à l’intervention d’un tiers
donc ça marche.

➢ La mise en scène : l’imagination et la crédulité au pouvoir. Ça


peut être un décor, un pseudo matériel scientifique, etc. L’expression se suffit à elle-
même. On le trouve dans l’escroquerie à l’assurance : trucage, falsification,
manipulations frauduleuses…

L’ancien article 405 de l’ancien Code pénal mentionnait le but poursuivi à


travers ces moyens frauduleux ; le nouveau code ne le mentionne plus. Il disait les
moyens frauduleux utilisés pour persuader de l’existence d’une fausse entreprise.
L’entreprise peut être totalement ou partiellement fictive. La loi visait aussi l’emploi
de moyens frauduleux pour persuader d’un pouvoir ou d’un crédit imaginaire. Pouvoir
auprès de l’autorité hiérarchique. Faire naître l’espérance ou la crainte d’un succès,
d’un accident ou de tout autre événement chimérique.

2. La remise de la fourniture convoitée

Tout est dans l’article 313-1 : il va sanctionner celui qui, par un des moyens
frauduleux, aura trompé une personne physique ou une personne morale et l’aura
déterminée ainsi à opérer cette remise ou cette fourniture. On est bien dans le dol
criminel (trompé ; erreur provoquée). La victime de l’escroquerie peut être une
personne morale.
« Déterminée » : c’est la condition fondamentale. Il faudra prouver
systématiquement un lien de causalité entre le moyen frauduleux et la remise de la
fourniture. C’est bien ce moyen frauduleux qui aura été déterminant. C’est une
exigence de causalité très forte.

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3
Remettre ou fournir. L’ancien article 405 : l’erreur provoquée consistait à avoir
remise des fonds, des meubles, obligations, dispositions, billets, promesses,
quittances ou décharges. Liste assez lourde. A travers le terme « décharge », la
chambre criminelle avait atteint des hypothèses intéressantes, notamment celles où
le créancier avait cru recevoir paiement des sommes qui lui étaient dues. On est
dans l’immatériel. On a abouti à la dématérialisation des infractions contre les biens
(illustration). Ex : escroquerie au parcmètre, aux communications téléphoniques. Le
créancier croit avoir reçu son dû. La victime de l’escroquerie ne m’a rien remis mais
j’ai obtenu un bien immatériel. Jurisprudence de 1970.
Aujourd'hui, la formule est beaucoup plus condensée. Ce qui est visé : la
remise de fonds, de valeurs ou d’un bien quelconque. Consentir un acte opérant
obligation ou décharge. Ce sont tous les titres qui créent, constatent, transmettent ou
étayent un droit. Reconnaissance de dette, contrat de prêt, de bail, quitus….
Dernière forme d’erreur provoquée : fournir un service. Un service est une
prestation immatérielle. Il y a ici consécration indirecte de la jurisprudence sur le
parcmètre. Il y a également escroquerie à la prestation de service.

3. Le préjudice (Cours 19.10.07)

La rédaction antérieure du texte avait pu générer des discussions sur cet


élément constitutif. Est-ce que le délit d’escroquerie requiert ou pas l’existence d’un
préjudice ? La Cour de cassation avait pris des positions qui ont varié dans le temps.
CA de Paris 1954 quelqu'un se présente comme étant envoyé par le
propriétaire pour ramoner une cheminée. Le ramoneur ramone. Je paye le
ramoneur puisqu’il a ramoné. Mais j’apprends que le propriétaire n’a jamais fait
appel à un ramoneur. Pas de préjudice dans cette affaire puisque ma cheminée a
été ramonée. La Cour de cassation considère d’abord que le délit
d’escroquerie existe indépendamment de tout préjudice.
Escroquerie existe sans préjudice !! 1954

Ainsi, dans un arrêt de 1949 : quelqu'un qui achète à la croix rouge 15 colis
pour les prisonniers d’une commune. Problème : la commune n’avait que 13
prisonniers. Mais la Croix rouge a bien été payée pour 15 colis. Donc pas de
préjudice. Mais le délit existe quand même. La Cour ajoutait : « dès lors que la
remise a été extorquée par des moyens frauduleux ». Or c’est con parce que sinon,
il n’y aurait pas d’escroquerie. Forcément, la question se pose si on a d’abord établi
que la remise a été provoquée par des moyens frauduleux.

Arrêt du 3/04/1991 chb. crim : quelqu'un est victime du bris d’un pare-brise. Il
demande réparation à son assurance. Le garagiste lui remet un pare-brise
d’occasion. L’assurance porte plainte. Or l’assurance n’était tenue que de remplir
son engagement contractuel : versement des sommes. Elle n’a pas à savoir ce que
l’assuré en fait. La Cour de cassation relève qu’elle n’a versé que ce qu’elle était
tenue de verser. Elle n’a pas subi de préjudice. Donc il n’y a pas d’escroquerie. A
contrario, le préjudice est donc bien un élément constitutif de l’escroquerie.
Donc revirement en 1991.
Si pas de préjudice il n’y a pas d’escroquerie !! 1991

Position confirmée 15/06/1992 : escroquerie au ASSEDIC : le préjudice est


un élément constitutif de l’escroquerie. Il est établi dès lors que les versements
n’ont pas été librement consentis mais obtenus par des manœuvres

4
4
frauduleuses. Si le préjudice est le préjudice moral, la condition est
systématiquement remplie ; il équivaut aux vices du consentement. C’est une
fausse condition ; elle sera forcément remplie sinon il n’y aurait pas d’action. Il faut
comprendre le préjudice au sens de préjudice d’ordre patrimonial. Se réduit aux
vices du consentement.

26 octobre 1994 : une escroquerie au titre de séjour (mariage simulé). C.cass.


dit pas de délit d’escroquerie car il n’est pas justifié que cela ait porté atteinte à la
fortune d’autrui. L’idée plaît plus à Hirsoux, même si la formule de C.cass est désuet
(fortune d’autrui : caractère patrimonial). Là il comprend mieux.

L’article 313-1 clôt le débat puisqu’il vise expressément le préjudice.


Problème : la condition de préjudice est requise par la loi mais qu’entend la Cour de
cassation ? Préjudice patrimonial (vraie condition) ou préjudice moral (fausse
condition) ?
On ne sait tjs pas si c’est une vraie condition ou pas.

4. L’intention coupable

Il est évident que l’escroquerie est un délit intentionnel qui suppose d’avoir
une pleine conscience des moyens frauduleux usés. Il faut que cette volonté se
dédouble,
Deux conditions : il faut non seulement avoir usé de ces moyens frauduleux mais
dans le but d’avoir provoqué la remise de la chose.
Pas de difficulté sur l’exigence d’une intention coupable. Parfois un peu plus de
difficulté sur la preuve. Hypothèse où des personnes font croire à un pouvoir. On
peut avoir une difficulté au pénal à faire cette part des choses entres celui qui
trompe sciemment et celui qui de bonne foi croit avoir un véritable pouvoir.

B. La répression de l’infraction

1. Les degrés de la répression

L’escroquerie simple : 5 ans d’emprisonnement (plafond), 375.000 euros..


Circonstances aggravantes :
- du côté de l’auteur, c’est une personne dépositaire de l’autorité publique ou
chargé d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice
de ses fonctions ou de sa mission. De même pour une personne qui prend indûment
cette qualité d’une personne dépositaire, etc. C’est l’escroquerie au vieillard. Du
côté de l’auteur elle est réalisée par une personne qui fait appel au public en vue de
l’émission de titres ou en vue de la collecte de fonds à des fins d’entraide
humanitaire ou sociale.

- Du côté de la victime : c’est une personne particulièrement vulnérable.


Personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, sa maladie, son infirmité, à
une déficience physique ou psychique ou un état de grossesse apparente ou connu
de son auteur.
Peine encourue : 7 ans de prison et 750.000 euros

4
5
- En cas d’infraction commise en bande organisée : depuis Perben II, c’est
10 ans de prison et 1 million d’euros d’amende.
De nombreuses peines complémentaires sont prévues.
Responsabilité pénale des personnes morales : maximum 1.875.000 euros
d’amende.

2. Les particularités de la répression

a. Complicité et tentative

 La complicité est punissable. Elle atteindra le tiers dès lors qu’il était
de mauvaise foi.

Arrêt 25/02/2004 : considère comme complice un commissaire aux comptes


qui avait certifié des comptes tout en ayant connaissance des infractions
commises. Complicité aussi de l’expert comptable de la société, qui avait attesté de
la sincérité des comptes. La CA avait relevé que le commissaire au compte n’avait
pas révélé au procureur les infractions constatées alors qu’il aurait du le faire. La
Cour de Cassation a considéré qu’en en dénonçant pas il s’est rendu
complice. Le même arrêt a retenu la complicité de l’expert comptable que la
CA avait relaxé, alors qu’il était établi qu’il avait lui-même établi des comptes
annuels et des déclarations mensuelles attestant de la sincérité de ce même
compte. Formule intéressante : « la fictivité des comptes ne pouvait échapper à un
professionnel de la comptabilité ». cette décision est une illustration d’une
Jurisprudence constante qui est très sévère vis-à-vis des professionnels pour
infractions commises ds le cadre de profession. Pour certaines professions de la
vie des affaires, il y a une sorte de renversement de la charge de la preuve. De par
leur qualité présupposée de bons professionnels, ils ne pouvaient ignorer la
fictivité. On présume la connaissance.→ « Vous ne pouviez pas ne pas savoir ».
Il n’y a pas de complicité postérieure, alors que le comptable intervient après.

 La tentative est incriminée : art. 313-3 (définition générale : art. 121-


5)
Toute la difficulté de la tentative punissable se situe dans l’iter criminel : faire la part
entre les actes simplement préparatoires et le commencement d’exécution.
Conception souple du concept, donc on l’applique parfois avec sévérité.
Ex : escroquerie à l’assurance. Décision C.Cass : Il y a tentative dès qu’il y a
sollicitation de la remise.

Cour de cassation 6/04/1994. Il y a commencement d’exécution dès qu’il y a


déclaration de sinistre faite à l’assureur et accompagnée de faits extérieurs
destinés à lui donner force et crédit. Ici, récépissé du dépôt de plainte et demande
de renseignement sur les modalités de remboursement. Donc jurisprudence
assez souple.

b. La prescription

L’escroquerie est un délit instantané réalisé par la remise ou la fourniture


convoitée. Il n’y a pas de dérogation ; le point de départ du délai de 3 ans n’est pas
reporté au jour de la découverte de l’emploi de manœuvres. Particularités :
hypothèses où la tromperie initiale va déterminer des remises successives ou la

4
6
délivrance d’un titre permettant des revenus répétés dans le temps. Si on applique le
droit commun, le point de départ de la prescription court à compter du jour de la 1ère
remise. On avait ici un risque d’irresponsabilité pénale par le jeu de la prescription.
Contourné par la Cour de cassation qui applique la théorie du tout indivisible :
dans cette hypothèse, la point de départ du délai de prescription doit être
reporté au jour du dernier versement si l’ensemble des manœuvres et des
remises forme un tout indivisible. Jurisprudence bien assise (1968). Pour une
application récente : 6/10/2004. Il s’agissait de 383 qui avaient été effectués par la
suite.

CONCLUSION : des formes d’escroquerie dans la vie des affaires.

Escroquerie et facturation : une entreprise adresse une facture pour


réclamer le paiement d’une somme non due. S’il n’y a que ça, c'est seulement
l’expression écrite du mensonge ; il n’y a pas escroquerie. Solution différente lorsque
cette facture mensongère est confortée par des éléments extérieurs et notamment
l’intervention d’un tiers.
Escroquerie et obtention de crédit : les documents produits à l’appui de
bordereaux Dailly peuvent servir de base à des poursuites de chefs d’escroquerie,
notamment lorsque ces documents affirment l’existence de créances fictives ou
devenues sans valeur. Cour de cassation, 6/04/1994, lorsque des factures fictives
sont jointes à l’appui de bordereaux Dailly donc leur utilisation en connaissance
de cause pour obtenir par leur escompte une ouverture de crédit constitue une
escroquerie. Aussi avec les factures pro-format quand une entreprise cherche à
obtenir un crédit c’est pas véritable facture, mais attestation de vendeur de
conditions et prix. Donc si l’entreprise l’a majoré, alors c’est une escroquerie (C.Cass
novembre 1997).
L’escroquerie à la TVA (pouvoir expliquer à l’exam) : elle consiste à
manœuvrer de façon telle que, par le mécanisme des déductions et crédits de TVA,
une entreprise va disposer vis-à-vis de l’administration fiscale d’un crédit de TVA ou
d’un droit à remboursement qui n’a pas lieu d’exister.
✔ Il y a tout d’abord l’escroquerie dans les ventes à exportation (exemption de
la taxe donc il est tentant de simuler des exportations soit pour obtenir le
remboursement de la TVA réglée à l’achat soit pour la déduire du montant dû
sur les ventes intérieures).
✔ Il y a aussi l’escroquerie dans les ventes internes : la TVA est due à l’Etat si le
commerçant vend un produit. Logiquement, lorsqu’il achète, le montant de la
TVA qu’il paye à son fournisseur va être reporté à son crédit. Donc
l’escroquerie va consister en la falsification de factures d’achats réels ou, le
plus souvent, l’établissement de factures d’achats fictifs. Cela va constituer un
montant de crédit de TVA récupérable.
✔ Le plus souvent, cela se fera à une ampleur telle que ça passera par la
complicité d’une société de façade qualifiée de société taxi (parce qu’elle
fabrique de la taxe). Concrètement, un commerçant va procéder à des achats
simulés auprès d’une société taxi en réglant par chèque. Le taxi encaisse le
chèque et en restitue le montant à l’acheteur fictif, déduction faite de sa
commission. Et il ne reste plus alors qu’à l’acheteur fictif à se faire rembourser
le montant de la TVA au moyen de la facture délivrée par le taxi. Cour de
cassation 19/10/1987 : dans un tel procédé, on a tout à la fois des faux (délit
de faux), le délit d’abus de biens sociaux et l’escroquerie.

4
7
Escroquerie au bilan : c'est un peu dérogatoire. Le simple mensonge ne
suffit pas donc en principe, la présentation d’un faux bilan ne s’analyse que comme
l’expression écrite d’un mensonge. En droit pénal des sociétés, le Code de
commerce réprime spécifiquement (art. 242-6, 2°) réprime le délit de présentation ou
publication de faux bilan. En réalité, cette présentation relève d’une incrimination
spécifique. Il n’empêche que la jurisprudence, depuis 1933, décide que la production
d’un bilan volontairement falsifié s’analyse également en escroquerie, notamment le
plus souvent parce qu’il y a l’intervention d’un tiers (comptable, de bonne ou
mauvaise foi). C'est un document auquel s’attache un crédit particulier.
Escroquerie au jugement : manœuvre qui consiste à tromper les juges
pour en obtenir une décision favorable, notamment par la production de faux
documents (crim. sept. 1996). Sur ce terrain, la chambre criminelle se montre très
stricte. Elle estime qu’il y a escroquerie au jugement par la simple production de
documents alors même qu’il incombait au juge d’en apprécier la portée et la valeur
(donc alors même qu’on produit une pièce soumise au contradictoire, qui ne fait pas
foi par elle-même).

Cour de cassation crim. 19/10/1993. Il s’agissait d’une affaire de


concurrence déloyale. Celui qui s’estimait victime d’une concurrence déloyale par
un ancien salarié avait considérablement majoré la liste de ses clients visités par
son ancien salarié. Est-ce que ça ne fait pas partie un peu du jeu du procès ? La
Cour de cassation, souple, y voit une tentative d’escroquerie au jugement.
Cour de cassation 30/06/2004 : applique également cette escroquerie au jugement
à une sentence arbitrale, ce qui nous fait donc dépasser le cadre de l’activité
judiciaire.

Escroquerie par la présentation à l’escompte de traites de complaisance.


Ex : un commerçant qui va être confronté à une échéance difficile va demander à un
« ami » de l’autoriser à tirer sur lui une lettre de change alors qu’il n’est titulaire
d’aucune créance à son égard. Cette opération peut être répétée pour permettre le
remboursement de la traite précédente ; c'est une opération infernale. Ça s’appelle
la cavalerie. Ici, c'est tout un système de traites de complaisance répétées et
pourtant appliquées à une seule livraison fictive.
Ex : A va acheter 1000 euros un bien auprès d’un fournisseur A’. Bien non livré
(sinon c'est pas drôle). A’ va émettre une traite à 3 mois sur A et se dépêche d’aller
la présenter à l’escompte auprès d’une banque. La banque va lui accorder 900 (elle
prélève sa commission). La traite arrive à échéance, la banque présente la traite à
A et en demande le paiement. Bien évidemment, au moment où elle présente la
traite à A, A n’existe plus, il a disparu. Mais entre temps, A avait revendu la
pseudo-marchandise 1200 euros à B. C'est A qui avait émis une traite payable à 3
mois sur B et avait présenté la traite à l’escompte. La banque avait versé 1080 sur
1200. Et quand la banque se présente à B, B n’est plus là. Et ainsi de suite. Affaire
du Sentier.
Jurisprudence 1932, l’acceptation par le tiré de complaisance constitue l’intervention
d’un tiers. Rappelé par arret du 5 avril 2006.
Escroquerie et fausse publicité : qualification classique d’escroquerie, sans
difficulté. Mais là aussi on a un délit spécifique dans le Code de la consommation, à
l’art. L121-1. On parle maintenant de publicité trompeuse depuis 1973. Cette
incrimination spécifique aurait pu chasser la qualification d’escroquerie, qui était par
ailleurs discutable (la publicité n’est que l’expression du mensonge). Mais non ; la
Cour de cassation n’hésite pas à continuer d’appliquer la qualification d’escroquerie,

4
8
notamment lorsque la publicité présente un caractère intensif (1968). Elle l’utilise
facilement pour les marchands de listes.

4
9
II. Les infractions voisines de l’escroquerie

Une infraction n’est plus aujourd'hui classée parmi les infractions voisines de
l’escroquerie : l’abus de faiblesse. Il y figurait mais il figure désormais parmi les
infractions contre les personnes et non plus contre les biens. Art. 223-15-2 à 223-15-
4 du Code pénal. Il a été déplacé par la loi du 15/06/2001 contre les sectes. Ce sont
les formes agressives de démarchage à domicile. Ce qu’incrimine cet article, c'est
l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse. Ça peut être soit d’un mineur
soit d’une personne particulièrement vulnérable. La loi vise également la personne
en état de sujétion psychologique ou physique (idée : atteindre les pratiques de
certaines sectes). 375000 euros d’amende, 3 ans de prison. Possibilité de
responsabilité pénale de la personne morale

A. Les filouteries

Forme principale : la filouterie d’aliments. Art. 313-5 qui donne une définition
générique pour en détailler les différentes formes. On l’appelle également la
grivèlerie. Principe de la légalité des délits et des peines. En 1810, ce délit n’était pas
incriminé. Principe de l’interprétation stricte de la loi pénale. Poursuite pour vol. Mais
il y a remise volontaire de la chose. Escroquerie : mais il n’y a pas de manœuvres
frauduleuses, ni usage de qualité vraie. Pas d’abus de confiance non plus (refus de
restituer une chose). Donc impunité. Ce qui fait que, devant les limites au pouvoir
d’interprétation du juge, il a fallu attendre une loi spécifique de 1873 pour incriminer
ce délit.
Le nouveau Code pénal a élargi l’approche de ce délit de filouterie.
Jusqu’alors, ce qui était visé était le fait d’avoir bénéficié de certains services tout en
sachant qu’on était dans l’impossibilité absolue de ne pas payer. La réforme du Code
pénal y a ajouté à l’impossibilité absolue de payer le fait d’être déterminé à ne pas
payer. S’agissant des aliments, il s’agit de s’être fait servir des boissons ou des
aliments dans un établissement vendant des boissons ou des aliments. Quid si
livraison à domicile ?
D’autres formes de filouterie sont visées : filouterie de transport (313-5, 4°) :
filouterie de taxi ou de voiture de classe. La Cour de cassation a jugé par exemple
que ne relevait pas de cette incrimination le fait pour une personne de se faire
transporter en ambulance de Laval à Marseille en se faisant passer par une
ambulance. On pourrait avoir ici l’escroquerie. CA Toulouse en octobre 2000 : un car
de transport en commun n’est pas une voiture de classe.
Filouterie de carburants ou lubrifiants (1966) : incrimine celui qui se sera fait
servir de tels produits dont il aura fait remplir en tout ou partie du réservoirs d’un
véhicule par un professionnel de la distribution. Quid dans un libre service ?
Filouterie d’hôtel (1937) : se faire attribuer et occuper effectivement une ou
plusieurs chambres dans un établissement louant des chambres quand l’occupation
n’a pas excédé 10 jours. Tous ces délits sont des délits intentionnels et désormais, la
peine est unifiée : 6 mois, 7500 euros. Pas de responsabilité pénale des personnes
morales jusqu’au 31/12/2005.

B. L’entrave à la liberté des enchères

Art. 313-6. C'est à titre principal le fait, dans une adjudication publique,
d’écarter un enchérisseur ou de limiter les enchères ou soumissions. Et cela par don,
promesse, entente ou tout autre moyen frauduleux. On peut avoir des problèmes de
voisinage : Cour de cassation, 30/03/2003. A propos de marchands de biens. La

5
0
Cour de cassation reproche à la CA de ne pas avoir recherché s’il n’y avait pas délit
d’escroquerie. Peine encourue : 22500 euros, 6 mois d’emprisonnement. Est puni de
la même peine celui qui aura accepté les dons ou promesses.
L’article assimile d’autres comportements qui en réalité ne sont pas des
atteintes à la liberté des enchères : fait d’entraver ou de troubler la liberté des
enchères ou soumissions par violence, voie de fait ou menaces ; fait de procéder ou
participer, après une adjudication publique, à une remise aux enchères sans le
concours d’un officier ministériel compétent ou d’une société agréée (atteinte à la
réalité des enchères).

Art. 313-6-1 (loi de 2003) : il s’agit ici de lutter contre l’insécurité résultant
d’opérations irrégulières de biens immobiliers. Ce qui est incriminé, c'est le fait de
mettre à disposition d’un tiers, en vue qu’il y établisse son habitation, moyennant le
versement d’une contribution ou la fourniture de tout avantage en nature, un bien
immobilier appartenant à autrui sans être en mesure de justifier de l’autorisation du
propriétaire ou de celle du titulaire du droit d’usage de ce bien. 1 an
d’emprisonnement, 15000 euros d’amende. C'est une sorte d’escroquerie au
logement. Il s’agit de protéger le bénéficiaire dupé. Illustration parfaite du répressif
pour faire plaisir, du fait divers érigé en loi et surtout de l’incompétence ; on peut très
bien réprimer ce droit commun avec les instruments du droit commun.

III. L’abus de confiance

L’abus de confiance rejoint le vol et l’escroquerie au titre de l’appropriation


frauduleuse de la chose d’autrui. Ils sont assimilés en termes de récidive. Pour tous
ces délits joue le bénéfice de l’immunité familiale (art. 311-12). Reste à les dissocier
entre eux. La summa divisio oppose d’une part le vol, d’autre part l’escroquerie et
l’abus de confiance.
Le vol suppose une remise involontaire de la chose, par opposition aux deux
autres qui supposent une remise volontaire de la chose. Dans l’escroquerie, le
comportement frauduleux se situe antérieurement à la remise de la chose. Puisqu’il
va y avoir emploi de moyens frauduleux pour déterminer cette remise ou cette
fourniture. Le comportement frauduleux se situe antérieurement à la remise à tel
point qu’il l’a déterminée. Dans l’abus de confiance, le comportement frauduleux se
situe postérieurement à la remise puisqu’il va y avoir détournement du bien remis.
Escroquerie : remise viciée (vice du consentement). Dans l’abus de confiance, la
remise n’est pas viciée.

A. Les éléments constitutifs

Art. 314-1 du nouveau Code pénal qui a succédé à l’article 408 de l’ancien
Code pénal. Ces éléments constitutifs sont nombreux.

1. Une remise préalable

Est-ce vraiment un élément constitutif ou est-ce une condition préalable ? Le


débat peut présenter un intérêt sous l’angle de l’application de la loi pénale dans
l’espace : quid si la remise préalable a lieu en France et que le détournement se
situe à l’étranger ?

a. L’objet de la remise

5
1
L’article 408 de l’ancien Code pénal utilisait une formule longue et lourde (cf à
propos de l’escroquerie). L’article 314-1 est plus condensé : il utilise la « remise de
fonds, valeurs ou un bien quelconque ». Sous l’empire de l’ancien Code pénal, la
formule de l’article 408 emportait 2 exclusions : l’exclusion des immeubles (fondée
sur l’incompatibilité entre l’abus de confiance et le bien immobilier ; comment peut-on
détourner un bien immobilier ?) et l’exclusion des biens incorporels, des biens
immatériels. Tout au plus avait-on une interprétation extensive du terme « écrits ».
Alors même qu’ils n’opéraient pas ou ne contenaient pas opération ou décharge, elle
incluait certains écrits ayant une valeur marchande ou commerciale particulière et
dont le détournement était préjudiciable. Ex : détournement d’un fichier de clientèle.
Cour de cassation 1968. De même pour des documents comptables en 1980.
Au sortir de la réforme du Code pénal, l’immeuble est toujours exclu.
L’exclusion de l’immeuble est maintenue. Confirmé par un arrêt du 10/10/2001.
Hypothèse d’un prêt d’une chambre pour un week-end. Refus de restituer les clés.
La cour d’appel avait condamné la personne au titre d’un abus de confiance portant
sur les clés. La Cour de cassation ne s’est pas montrée dupe et elle a cassé car elle
a relevé que la CA a en fait réprimé l’utilisation abusive d’un bien immobilier sous
couvert de la non-restitution des clés permettant d’y accéder. Confirme donc
l’exclusion des immeubles du champ de l’abus de confiance. « Fonds » : argent.
« Valeurs » : bijoux, lingots, valeurs mobilières. « Bien quelconque » : tout bien
mobilier ; écrits, même s’ils n’ont pas de valeur marchande. Aujourd'hui, il peut y
avoir abus de confiance si on refuse de restituer une lettre d’amour.
Quid de l’exclusion des biens immatériels ? Sous l’ancien Code pénal, la Cour
de cassation avait une position très claire : 9/03/1987. Coup d’arrêt dans le
processus de la dématérialisation des infractions contre les biens. La Cour de
cassation refuse d’appliquer l’abus de confiance à une chose immatérielle. Un salarié
avait quitté une entreprise pour créer la sienne. Il proposait à ses clients des contrats
absolument identiques à ceux qu’il proposait au titre de son ancien emploi. L’ancien
employeur porte plainte pour abus de confiance. Oui mais il fallait prouver qu’il avait
emporté un contrat, un écrit. La Cour de cassation a refusé. L’abus de confiance ne
peut porter que sur l’écrit qui constate le droit (instrumentum), pas sur le droit lui-
même (negotium). Il faut que la chose objet du détournement soit un bien matériel,
corporel. On a eu un léger infléchissement de la Cour de cassation : arrêt du
30/05/1996 à propos de la dématérialisation des valeurs mobilières, le transfert se
faisant désormais simplement par une inscription en compte courant. La Cour de
cassation a un peu contourné l’obstacle en considérant que l’inscription en compte
de valeurs incorporelles constitue un écrit qui entre dans la prévision tant que 408
que de 314-1. Les registres qui portent le nom des titulaires des valeurs mobilières,
ok. Mais le détournement a porté sur l’inscription d’un nom. La Cour de cassation se
cherche avec cet arrêt de 1996.
Elle ne se cherche plus ; elle a pris une autre position le 14/11/2002. Une
cliente d’une entreprise de vente par correspondance avait donné son numéro de
carte bancaire à l’occasion du paiement d’une commande assortie d’une autorisation
de prélèvement. La commande avait été annulée. L’entreprise avait gardé le numéro
de carte et l’autorisation de prélèvement et elle s’en est servie pour payer un sous-
traitant lors d’un nouvel envoi refusé par la cliente. Le numéro de carte bancaire n’est
pas la carte ; chose immatérielle. C'est une information. L’enjeu est de taille ici. La
Cour de cassation a rendu un arrêt de principe : les dispositions de l’article 314-1
s’appliquent à un bien quelconque et non pas seulement à un bien corporel.
Revirement ? Point du tout. Il y a juste une toute petite différence avec l’arrêt de
1996 : le texte incriminateur a changé. L’art. 314-1 vise un bien quelconque alors que
l’art. 408 visait un écrit.

5
2
Jurisprudence bien assise et bien acquise. Cour de cassation 20/10/2004 : un
directeur d’une association va employer les salariés de l’association pendant leur
temps de travail à des fins personnelles. Ce qui s’analyse comme un détournement
de fonds de l’association. Or ici, c'est la force de travail qui a été remise. Ce sont des
prestations.
Cour de cassation 19/05/2004 : un salarié qui utilise l’ordinateur et la connexion
internet mise à sa disposition pour aller visiter des sites à caractère pornographique.
Abus de confiance. La Cour de cassation vise qu’il utilise l’ordinateur et la connexion
internet.
Cour de cassation 22/09/2004 : commet un abus de confiance le salarié qui détourne
un projet. C'est un salarié qui avait été embauché par une entreprise en tant que chef
de projet et il devait élaborer une borne informatique de gestion de station
d’épuration et cela pour une société cliente A. Une fois la borne réalisée, le salarié
soumet, au nom de la société qui l’a embauché, une offre préliminaire à la société A.
Peu de temps après, il soumet une autre offre sur le même projet à la même société
cliente mais au nom d’une autre société avait qui il était entré en contact. Le dirigeant
de la société a porté plainte pour abus de confiance. La Cour de cassation a
considéré qu’il y avait abus de confiance parce qu’il y a eu détournement au profit
d’un tiers d’un projet qui, dès sa réalisation, était propriété de son employeur et dont
le salarié n’était que détenteur. Non seulement on applique l’abus de confiance à un
projet mais en plus la Cour de cassation dit qu’il fait l’objet d’un droit de propriété.
Arrêt très intéressant.

b. Les caractères de la remise

Cette remise doit être volontaire. Elle peut être matérielle mais aussi juridique
(c'est la traditio de brève main). Cette remise doit être précaire. C'est le caractère
fondamental, essentiel, inhérent à ce délit. Celui à qui la chose a été remise n’en est
que le détenteur précaire. Impact de la réforme du Code pénal : sous l’ancien code,
figurait à l’article 408 une liste limitative de 6 contrats causes de la remise : louage,
dépôt, mandat, nantissement, prêt à usage (commodat), travail salarié ou non salarié
sur la chose ou grâce à la chose. Ces contrats devaient avoir été la cause juridique
de la remise. D’où exclusions : le prêt de consommation (qui emporte transfert de
propriété), la vente, le contrat de société, l’échange, le contrat d’entreprise.
Hésitations aussi : pas d’hésitation pour la vente (qui emporte transfert de
propriété ; celui à qui la chose a été remise est non seulement détenteur mais aussi
possesseur), mais hésitation pour le crédit-bail. On met en avant le contrat de louage
(assorti d’une promesse unilatérale de vente) et qui va se transformer en vente au
moment de la levée d’option. On fait prévaloir la bail, donc il peut donner lieu à abus
de confiance (crim., 1979). Quid dans la location-vente ? Quel aspect l’emporte ? On
a mis en avant le caractère de contrat de louage. Difficulté face à des opérations
juridiques plus complexes : la convention de compte courant contient-elle ou non un
contrat de mandat ? Réponse de principe négative. Quid pour le contrat obsèques ?
Peut-on y voir un abus de confiance si les funérailles ne sont pas organisées comme
prévu ? Réponse négative. C'est une simple avance sur rémunération du travail à
fournir. Ça ne peut donner lieu à poursuites pour abus de confiance.

La réforme du Code pénal est passée par là. Elle a supprimé cette liste
limitative de 6 contrats pour lui substituer la formule suivante : elle vise les « biens
remis et acceptés à charge de les rendre, représenter ou d’en faire un usage
déterminé ». Attention, la formule est plus large donc c'est une loi pénale plus
sévère. Elle s’appliquera aux faits commis avant le 1er mars 1994. A propos de l’abus

5
3
de confiance, la jurisprudence retarde le point de départ du délai de prescription ; il
est possible que l’article 408 trouve encore à s’appliquer dans certains dossiers.
C'en est fini du travail de qualification d’un contrat sui generis ou innommé par
les juges pour savoir s’il relève ou pas de la liste. Egalement du travail de
déqualification. L’office du juge est désormais beaucoup plus simple :
indépendamment de la qualification donnée au schéma contractuel, ce travail va être
de rechercher les obligations générées par ce contrat pour apprécier si parmi ces
obligations générées il y a celle e rendre, représenter ou faire un usage déterminé.
Ça va être une analyse non pas de la qualification contractuelle mais des obligations
contractuelles. Ça va inclure les anciens contrats qui portent en eux une remise à
titre précaire. Mais on peut très bien aujourd'hui trouver une telle obligation dans un
contrat d’échange, de société ou d’entreprise.

« Rendre » : restituer la chose. Hypothèse d’une détention précaire.


« Représenter » : pouvoir la montrer à 1ère demande (cas du dépositaire).
« En faire un usage déterminé » : c'est plus flou.
En tout état de cause, reste l’exigence fondamentale d’une remis qui n’opère pas
transfert de propriété ou transfert de possession du bien. Celui qui en bénéficie n’est
que détenteur précaire, il n’a pas la libre disposition des biens.
Cour de cassation 26/01/2005 à propos des honoraires d’un avocat. Il avait fait
signer une note d’honoraires s’agissant de rédiger une plainte. Une certaine somme
est versée à titre de provision. Il avait encaissé ses sommes et finalement, son client
avait résilié le mandat. Refus de restituer les sommes. Plainte pour abus de
confiance contre l’avocat. Le Tribunal correctionnel l’a condamné pour abus de
confiance et cet arrêt est cassé parce que cette remise de provision était en quelque
sorte le paiement anticipé d’une prestation de travail à fournir. Il y avait bien eu
transfert de propriété des sommes. La non exécution du travail convenu renvoie à la
responsabilité civile contractuelle (mais pas de responsabilité pénale). Pourtant, la
Cour d’appel avait relevé que les sommes avaient été remise afin d’en faire un usage
déterminé. Les discussions sont là ; pas d’arrêt très clair.
Bilan : L’accipiens n’est qu’un détenteur précaire.

3 précision finales : la preuve de l’existence du contrat préalable, cause de la


remise, peut se faire pas tout moyen. C'est le droit commun de la preuve.
Cour de cassation 18/10/2000 : l’abus de confiance ne suppose pas
nécessairement que la chose détournée ait été remise en vertu d’un contrat. Elle
comprend qu’il puisse y avoir également abus de confiance alors que la chose a été
remise en vertu d’une décision de justice (ex : séquestre). On espère que c'est ça
qu’elle veut dire : que c'est de l’existence d’un contrat au sens de formalisation de
l’échange des consentements qu’il s’agit, et non pas de tous les échanges de
consentement au sens large. Pas de suites sur cet arrêt.
Question de l’autonomie du droit pénal : indifférence de la nullité ou de
l’illicéité du contrat, qui n’empêchent pas des poursuites pénales pour abus de
confiance. Celui qui est poursuivi ne peut se prévaloir de la nullité du contrat qui a
causé la remise pour justifier le refus de restitution. Est-ce que l’obligation de
restitution faisant suite à la résolution du contrat et le refus d’effectuer cette
restitution entraîne abus de confiance ? Ce serait aller trop loin ; on n’est plus dans
l’exécution du contrat, on est dans les suites de son anéantissement. La majorité de
la doctrine répond donc par la négative.

2. Le détournement du bien

5
4
L’ancien Code pénal visait « détournement » ou « dissipation ». Le nouveau
code ne vise que le détournement. Pas d’impact. La dissipation, c'est faire
disparaître l’objet. Mais ce n’est que la forme ultime d’un détournement. Cet élément
matériel consomme le délit d’abus de confiance. Il est ultimement et définitivement
consommé par le détournement. Les événements postérieurs sont indifférents.
Ex : 17/11/2004. Les parents d’un artiste décédé avaient confié l’exploitation
des œuvres de leur fils à une galerie d’art. L’exploitant de la galerie n’avait pas
reversé la portion qui revenait aux parents. Poursuite puis transaction. L’exploitant ne
verse pas les sommes dues au titre de la transaction. Poursuite. Relaxe au vu de la
transaction intervenue, qui a ôté le caractère délictueux. Cassation ; ce qui a
consommé le délit, c'est le détournement.
Le détournement peut prendre différentes formes : non-restitution ou usage
abusif.

a. Abus de confiance et non-restitution

1ère hypothèse : refus de restituer. Il y a bien entendu détournement. Il y a


volonté d’appropriation injuste qui renvoie à une interversion de possession, par
opposition au détenteur matériel pour qui c'est une usurpation de possession. C'est
toute la différence entre le voleur (détenteur matériel qui usurpe la possession s’il
refuse de la restituer) et celui qui commet un abus de confiance (il est détenteur
précaire ; il détend en vertu d’un titre mais il refuse de restituer).
Pas de difficulté sauf 2 hypothèses : quand le prévenu va, pour se défendre,
invoquer des mécanismes du droit civil. C'est tout d’abord le droit de rétention qui
l’autoriserait à conserver la chose entre ses mains. C'est ensuite le mécanisme de la
compensation avec une créance qu’il détiendrait sur le solvens. La chambre
criminelle se montre très réticente à admettre le jeu de ces deux mécanismes.

2ème hypothèse : l’impossibilité de restituer. Ex : hypothèses de dissipation


matérielle. La chose a été perdue ou détruite. Ça peut être aussi une dissipation
juridique, à titre onéreux (vente) ou gratuit (donation). Dans ces hypothèses,
s’agissant de la dissipation juridique, on y verra le plus souvent un détournement.
Les difficultés peuvent naître à propos d’une dissipation matérielle parce que tout
simplement, cette perte ou détérioration peut être fortuite. Cause étrangère de force
majeure qui fera perdre le caractère intentionnel, élément constitutif du délit. On aura
de la responsabilité contractuelle (question des risques) mais pas de responsabilité
pénale.
S’agissant de ce délit d’abus de confiance, il y a une très forte imbrication
entre l’élément matériel qu’est le détournement et l’élément intentionnel. Il y aura un
détournement coupable selon les circonstances de l’espèce et selon qu’il y a ou pas
intention coupable établie. La Cour de cassation va même assez loin sur ce terrain là
puisqu’elle considère que se placer dans l’impossibilité de restituer, voire même
prendre le risque de ne pouvoir représenter ou restituer, est constitutif du
détournement. Ex : crim. 3/07/1997. La compagnie Air France avait confié à une
société le soin de vendre des billets de transport, à charge d’en représenter
périodiquement le prix. Cette société avait sous-traité à une agence qui avait
finalement défailli (liquidation). Cette défaillance du sous-traitant l’avait donc
empêchée de représenter les sommes à Air France. La Cour de cassation considère
qu’il y a eu détournement parce que le directeur de l’agence n’avait en quelque sorte
pas vérifié la solvabilité du sous-traitant. L’agence a disposé (prérogative du
propriétaire) ; elle s’est comportée comme maître de la chose. Donc il y a
interversion de possession. « L’agence a disposé des titres de transport comme les

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siens propres dans des conditions dont elle devait prévoir qu’elles l’empêcheraient
de les rendre oud d’en restituer le prix ». La CA a ainsi « caractérisé le délit en ses
éléments aussi bien matériels qu’intentionnels ». D’où imbrication de l’élément
matériel et de l’élément intentionnel.

b. Abus de confiance et usage abusif

1ère hypothèse : l’usage non conforme. A titre de principe, l’usage du bien


non conforme aux stipulations contractuelles ne constitue pas en lui-même un fait de
détournement. Le simple fait de faire un usage non conforme à celui prévu ne suffit
pas à établir le détournement (énorme solution de principe). Tout usage abusif n’est
pas constitutif d’un détournement au sens de l’art. 314-1. Un usage non conforme
tout bête relève de la responsabilité contractuelle.
Il faut différencier l’usage simplement différent de celui prévu et l’usage qui
porte en lui la méconnaissance des droits du propriétaire. C'est une question
d’intensité. Il va falloir étudier au cas par cas l’usage qui en est fait. Est-ce que la
personne s’est comportée ou pas en maître de la chose ? Appréciation au cas par
cas du civiliste.

Dernière hypothèse : le retard à restituer. Le simple retard à restituer ne suffit


pas nécessairement à établir le détournement coupable. L’abus de confiance est un
délit intentionnel ; le simple retard peut tenir à une négligence. Donc pas d’abus de
confiance. Quid du rôle de la mise en demeure ? La Cour de cassation répète
constamment (17/11/2004 notamment) que la mise en demeure n’est ni une
condition nécessaire ni une condition suffisante du délit. Ça signifie qu’il peut y avoir
détournement coupable par retard même sans mise en demeure. Inversement, un
retard dans le paiement peut être punissable alors même qu’il n’y aura pas eu mise
en demeure. Précaution élémentaire : faire une mise en demeure parce qu’elle fera
plus facilement basculer de la simple négligence au retard volontaire. Mais il faudra
encore compter avec l’appréciation des autres éléments de l’espèce.

3. L’intention coupable

L’intention coupable est bien évidemment requise ; l’abus de confiance est un


délit intentionnel. Quant à la preuve de l’élément intentionnel, le plus souvent, elle se
déduira des circonstances de l’espèce. La Cour de cassation accepte que les juges
du fond fassent découler cette preuve de l’intention coupable des éléments de fait.
Ex : 6/09/2000 à propos du greffe d’un tribunal de commerce. Les sommes qui
transitent étaient restituées avec un retard excessif et systématique. La Cour de
cassation approuve les juges du fond d’avoir estimé que ce caractère excessif et
systématique caractérise un détournement (élément matériel) d’où se déduit
l’intention délictueuse.
On a une imbrication élément matériel / élément intentionnel. L’élément
intentionnel va être éclairé par les circonstances de fait qui caractérisent le
détournement. Or ci-dessus, on caractérise le détournement à parti de l’élément
intentionnel. D’où une totale imbrication, spécificité de ce délit.

4. Le préjudice

L’article 314-1 vise spécifiquement le détournement commis au préjudice


d’autrui. L’ancienne formule visait plutôt le propriétaire ou le possesseur. Donc cet
autrui peut être non seulement le propriétaire ou le possesseur légitime mais aussi

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(Cour de cassation 6/03/1997) celui qui était simple détenteur. En l’espèce, un
employé détournait des chèques établis par des clients du cabinet à l’ordre du Trésor
public. Est-ce que l’employeur peut se prévaloir d’un préjudice justifiant son action
civile ? La Cour de cassation a répondu par l’affirmative ; l’employeur pouvait se
constituer partie civile.

B. La répression

1. Les degrés de la répression

L’abus de confiance simple expose à une peine d’emprisonnement de 3 ans


(c'est moins que l’escroquerie ; c'est l’équivalent du vol) et une peine d’amende de
375000 euros. Il y a toute une série de peines complémentaires. La responsabilité
pénale des personnes morales est prévue (1,75 million).
L’abus de confiance aggravé. Du côté de l’auteur, les circonstances
aggravantes = personne faisant appel au public aux fins d’obtenir la remise de fonds
ou de valeurs soit pour son propre compte soit comme dirigeant de droit ou de fait
d’une entreprise industrielle ou commerciale. La peine passe à 7 ans
d’emprisonnement et 750000 euros d’amende. C'est la même peine pour une autre
circonstance aggravante : toute personne qui, de manière habituelle (à partir de 2),
se livre ou prête son concours, même à titre accessoire, à des opérations sur les
biens des tiers pour le compte desquels elle recouvre des fonds de valeur. C'est
l’abus de confiance commis par un agent d’affaires.
Toujours pareil pour 2 nouvelles circonstances aggravantes (loi Perben II), du
côté de la victime : elle peut être soit une association qui fait appel au public en vue
de collecte de fonds à des fins d’entraide humanitaire soit une personne
particulièrement vulnérable…
Dernière circonstance aggravante qui expose à 10 ans d’emprisonnement
(maximum de la peine correctionnelle) et 1,5 million d’euros : lorsque l’auteur est un
mandataire de justice ou un officier public ou ministériel ; délit commis dans
l’exercice de ses fonctions ou en raison de sa qualité. Avant, c'était un crime. Un
notaire qui faisait cela relevait de la Cour d’assises. L’infraction a été
correctionnalisée.

2. Les particularités de la répression

Il n’y a pas de tentative d’abus de confiance. C'est normal ; l’élément matériel


ne laisse pas de place pour le détournement.
La prescription : c'est à propos de l’abus de confiance qu’est née cette
classification purement prétorienne d’infractions occultes, clandestines. Retardement
du point de départ du délai de prescription du jour où l’infraction est apparue et a pu
être constaté dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique. L’idée
est très simple : qui dit abus de confiance dit confiance, qui justifie qu’on ne se
préoccupe pas de savoir si la personne avait toujours la chose entre les mains.
Adaptation de l’adage « contre ceux qui ne peuvent agir, la prescription ne court
pas ».
L’action civile est ouverte non seulement au propriétaire ou au possesseur du
bien détourné mais également au détenteur de ce bien, le détournement ayant été
commis par un de ses salariés. Arrêt confirmé : Cour de cassation 5/03/2003 :
« l’abus de confiance peut porter préjudice tant au détenteur qu’au propriétaire des
effets détournés ».

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IV. Les infractions voisines de l’abus de confiance

Art. 314-5 : détournement de gage ou d’objet saisi. L’auteur du


détournement est le propriétaire de la chose qui est gagée ou qui a été saisie par un
tiers. Alors que cet objet est gagé ou a été saisie, le propriétaire va le garder ou le
détruire. Pour le reste, pas de grande difficulté. S’agissant du gage, l’infraction jouera
que le gage soit avec dépossession ou sans dépossession (ex : gage d’un véhicule
automobile). Il peut y avoir abus de confiance alors qu’il est propriétaire est que la
chose est entre ses mains, dès lorsque le propriétaire accomplira sur la chose un
acte portant négation des droits du créancier gagiste (ex : abandon du véhicule sur la
voie publique ou destruction). Peu importe ici la validité ou non du gage (autonomie
du pénal).
Et la solution est la même s’agissant du détournement de l’objet saisi. Mais la
saisie peut porter sur un bien mobilier comme immobilier, corporel comme incorporel
(contrairement au gage, qui ne peut porter que sur un bien corporel). Cour de
cassation 24/09/1997 : il y a détournement d’objet sais s’agissant d’une vente de
parts sociales rendues indisponibles par une saisie-arrêt effectuées entre les mains
de la société. La nullité de la saisie est indifférente. La tentative est incriminée. La
peine encourue est de 3 ans et 375000 euros d’amende.

L’organisation frauduleuse de l’insolvabilité : infraction fréquente dans la


vie des affaires. Au civil, il y a déjà l’action paulienne ; alors pourquoi ce délit ?
Spécificité : la dette à laquelle on va tenter d’échapper est une dette d’origine
judicaire. Infraction d’origine assez récente : 1983. C'était une loi destinée à renforcer
la protection des victimes d’infractions. Art. 314-7 du Code pénal. Cela suppose une
condamnation judiciaire de nature patrimoniale. Fait de se soustraire à l’exécution de
certaines condamnations : celles prononcées par une juridiction répressive ou par
des juridictions civiles en matière délictuelle, quasi délictuelle ou d’aliments. Et le
Code pénal assimile les décisions judiciaires et les conventions homologuées portant
obligation de verser des prestations, des subsides ou des contributions aux charges
du mariage. Ce texte exclut de ses prévisions les condamnations civiles en matière
contractuelle.
Quant aux éléments constitutifs proprement dits, c'est l’organisation ou
l’aggravation de l’insolvabilité. L’art. 314-7 incrimine dans les mêmes termes tous les
actes destinés à se soustraire à cette exécution, qu’ils soient le fait du débiteur lui-
même ou le fait d’un dirigeant de droit ou de fait d’un débiteur personne morale. Le
texte va plus loin encore : il vise le fait d’organiser ou d’aggraver son insolvabilité
mais il précise de quelle manière : soit en augmentant le passif ou en diminuant
l’actif de son patrimoine soit en diminuant ou dissimulant tout ou partie de ses
revenus. Cela va se réaliser lorsqu’il y aura des actes à titre gratuit mais aussi les
actes à titre onéreux (ventes à prix dérisoire, cessions fictives). Là où on va peut-être
trop loin : Cour de cassation 1/02/1990 : acte de démission d’un emploi salarié. Il faut
espérer que les circonstances de l’espèce le justifiaient, sinon on peut se demander
jusqu’où on va aller.
Autre point commun avec l’abus de confiance : imbrication entre l’élément
matériel et l’élément intentionnel. C'est un délit intentionnel qui suppose l’intention
coupable (frauduleux). Connaissance par le débiteur de la condamnation pécuniaire
le frappant et dol spécial : intention de se soustraire à l’exécution de cette
condamnation. Logiquement, cette fraude ne devrait concerner que des actes
accomplis postérieurement à la décision de condamnation. Mais parfois, il y a des
anticipations ; ils n’attendent pas forcément la décision. Le législateur appréhende

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donc également les actes accomplis antérieurement à la décision de condamnation ;
l’exigence sur l’intention coupable devra alors être renforcée : il faudra établir la
prévision frauduleuse du débiteur potentiel qui va mettre à profit la procédure pour
organiser son insolvabilité.
La répression : que le débiteur soit une personne physique ou le dirigeant
d’une personne morale, la peine est la même : 3 ans, 45000 euros d’amende. Toute
une série de peines complémentaires, notamment confiscation et affichage. La
responsabilité pénale des personnes morales est prévue.

3 précisions à propos de ce délit :


➢ Quant à la prescription : elle ne court qu’à compter de la condamnation
à l’exécution de laquelle on a tenté de se soustraire, même si les agissements
délictueux lui sont antérieurs. Même idée dans l’alinéa 3 de l’art. 314-8 : la
prescription ne court qu’à compter du dernier agissement lorsque celui-ci est
postérieur à la condamnation. Om l’on voit également le souci répressif.
➢ Quant au jeu cumulé des peines : quand la condamnation de nature
patrimoniale est prononcée par une juridiction répressive, le tribunal statuant sur le
délit d’organisation frauduleuse peut décider que la peine qu’il prononce ne se
confondra pas avec celle qui a déjà été prononcée. Il y aura cumul des peines. La
juridiction peut décider que le complice de l’organisation sera tenu solidairement aux
obligations pécuniaires auxquelles l’auteur a voulu se soustraire dans la limite des faux
ou valeurs qu’il aura reçus à titre gratuit ou onéreux dans cette organisation.

§2. De quelques autres atteintes aux biens

I. Le recel

Infraction très intéressante à étudier et important à connaître parce que c'est


une incrimination clé dans l’arsenal répressif. Infraction à visages multiples ; on peut
être receleur par faiblesse, par sympathie, par hostilité foncière aux institutions, aux
autorités publiques, mais aussi par esprit de lutte, par appât du gain. Il y a le recel
occasionnel et le professionnel receleur. C'est surtout lui que l’on veut atteindre.
Adage : c'est le receleur qui fait le voleur. Idée : frapper en aval. Dans cette idée est
intervenue une loi du 30/11/1987 qui est venue frapper plus sévèrement non
seulement les receleurs professionnels mais aussi les professionnels receleurs,
c'est-à-dire ceux qui, par l’exercice de leurs fonctions, ont des facilités pour receler
(écouler, dissimuler des produits d’infractions). Cette loi comporte un volet préventif
en matière de vente ou d’échange de certains biens mobiliers, pour ceux qui en font
leur activité professionnelle (notamment tenue d’un registre obligatoire).
Le recel est également intéressant par l’évolution de son incrimination. Très
longtemps, il ne fut pas un délit autonome. Le receleur était poursuivi et puni comme
complice du voleur. Idée : l’associer dans la répression à celui avec qui il était
associé dans le délit. Cette solution avait plus d’inconvénients que d’avantages. Le
complice intervient antérieurement, voire concomitamment à la réalisation de
l’infraction. Le receleur intervient postérieurement, et le plus souvent il ne sait même
pas que le vol a été commis. Autres inconvénients pratiques : l’amende était
dérisoire par rapport au profit escompté ou réalisé. Puisqu’il était complice du voleur,
le receleur ne pouvait plus être puni quand l’infraction d’origine était prescrite (3 ans).
Une loi de 1915 est venue donner son autonomie au délit de recel. Incriminé à
l’ancien art. 460 ; aujourd'hui, art. 321-1 et suivants du nouveau Code pénal.

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Ce délit est donc un instrument clé de l’arsenal répressif, pour 2 raisons :
d’abord parce qu’il élargit le champ des personnes susceptibles d’être poursuivies à
raison d’une infraction (et non pas pour une infraction). Par delà l’auteur et le
complice, il pourrait y avoir un tiers à l’infraction : le receleur. Personne n’est à l’abri.
Ensuite, pendant longtemps on n’est pas à l’abri ; la spécificité du recel est que c'est
un délit continu. C'est toutes les conséquences de son autonomie.

A. Les éléments constitutifs

1. L’élément matériel

a. Les formes du recel

L’article 460 de l’ancien Code pénal disait qu’est receleur celui qui recèle. Ce
qui aidait beaucoup à la compréhension de cet élément matériel.
Art. 321-1, alinéa 1er : conception traditionnelle mais déjà élargie : le recel
détention. Conception matérielle du recel. La 1ère forme : fait de détenir (avoir la
chose entre les mains), peu importe qu’on la détienne à titre onéreux ou à titre
gratuit. Autre forme : fait de dissimuler. La détention peut être secrète, cachée. On
ne détient pas au vu et au su. L’alinéa 1 er est allé plus loin : il vise également
l’hypothèse où la détention est très fugitive et instantanée : fait de transmettre la
chose. Ce qui ouvre des perspectives importantes. Un banquier peut ne faire qu’une
simple transmission (ou même toute personne physique qui transmet la chose).
L’article vise aussi le fait de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre. Là
aussi, c'est énorme. Personne qui ne fait que mettre en contact, même si elle n’a pas
vu la chose. La détention matérielle n’est donc pas toujours requise ; ce n’est qu’une
des formes visées par l’alinéa 1er.
L’agissement en question suffit ; il n’est pas nécessaire qu’il y ait eu recherche
d’un profit personnel. Cour de cassation 27/10/1997, affaire Carignon : certaines des
sommes dont il avait bénéficié avaient servi à éponger le passif d’une société dont il
n’était ni dirigeant de droit ni dirigeant de fait. Il n’était pas intéressé à la société. Ça
n’a pas empêché qu’il soit condamné pour avoir fait office d’intermédiaire afin de la
transmettre. La Cour de cassation a rappelé que le profit personnel n’était pas
nécessaire.
Cour de cassation 16/12/1997, affaire Emmanuelli : même chose : recel de
trafic d’influence en sa qualité de trésorier d’un parti politique, alors qu’il n’avait tiré
aucun profit personnel.

Sous l’empire de l’ancien Code pénal et au motif que l’article 460 était rédigé
en termes généraux (c'est un euphémisme), on a pu assister à une interprétation
extensive de ce délit par la Cour de cassation. Là aussi, c'est une illustration parfaite
de l’interprétation extensive par dérogation au principe de l’interprétation stricte de la
loi pénale. Car la jurisprudence, dans les années 1970, a donné une interprétation
large de l’incrimination de recel et consacrant le recel profit. (crim. 9/07/1970) La
Chambre criminelle sanctionne tous ceux qui, en connaissance de cause, ont, par un
moyen quelconque, bénéficié du produit d’un crime ou d’un délit. Arrêt de référence.
On a condamné pour recel une personne qui avait pris place dans une voiture qu’elle
savait avoir été volée. On a donc là une interprétation très large. Autres applications,
notamment en 1974 à propos du mari qui profite du train de vie luxueux que son
épouse lui assure par des détournements frauduleux ou encore en 1979 à propos du
mari d’une antiquaire.

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Cette forme de recel profit ouvre des perspectives énormes. C'est de
l’immatériel. Notamment perspective du recel d’usage ou du recel de consommation
(24/10/1979). Contrefaçons, piratages… le recel a des perspectives immenses. Cour
de cassation 1987 : celui qui va améliorer un bien grâce à des fonds provenant d’un
délit (le beau-fils du maire d’Aix-en-Provence avait amélioré sa résidence secondaire
avec les fonds fournis).
Cette jurisprudence a été consacrée à l’occasion de la réforme du Code
pénal : art. 321-1, alinéa 2 qui consacre le recel profit : « constitue également un
recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier par tout moyen du produit d’un
crime ou d’un délit ».

b. La chose objet du recel

Eclairage 1er : la chose est d’origine frauduleuse. Elle provient d’un crime ou
d’un délit. Il n’y a pas de précision d’un point de vue positif ; donc tout crime et tout
délit. On a l’habitude de parler de recel à propos du vol, mais tout délit (émission de
chèque sans provision, contrefaçon, violation du secret de l’instruction, violation du
secret des correspondances…). Tous les crimes, tous les délits, mais pas les
contraventions.
Sous cet éclairage fondamental, la condition est que cette infraction d’origine
soit antérieure à l’agissement constitutif du recel. Ex : recel de filouterie de
carburant : un passager savait parfaitement que le véhicule dans lequel il montait
allait circuler avec du carburant frauduleusement obtenu.
Quelle doit être la nature de la chose ? Il s’agira le plus souvent d’un bien
matériel : argent, bijoux, tableaux… et le plus souvent du bien matériel objet même
de l’infraction d’origine. Mais le droit pénal fait ici application d’un mécanisme du droit
civil : la subrogation réelle : le recel peut porter sur la chose qui a été substituée,
qui a remplacé la chose objet même de l’infraction d’origine. Je vole une voiture, le
receleur la vend ; il détient les fonds correspondant au prix de vente. Il sera receleur
du bien substitué à la chose objet de l’infraction d’origine.
Ça participe du débat récurrent : peut-il s’agir d’un bien immatériel
(dématérialisation des infractions contre les biens). Réponse de référence :
3/04/1995, affaire du Canard enchaîné. Les salariés de Peugeot, en grève,
réclamaient une augmentation et le dirigeant refusait. Le journal sort le duplicata de
sa feuille d’imposition qui révèle qu’il s’est accordé une augmentation de salaire
importante. On a poursuivi les journalistes pour recel de violation du secret
professionnel (même si on n’a jamais su qui avait violé le secret professionnel). Si
recel de photocopie, la photocopie est un document matériel. Si recel d’information,
peut-il y avoir recel d’information ? En 2005, à l’ère de l’immatériel, question centrale.
La Cour de cassation rend un arrêt de principe en 1995 : « une information, quelle
qu’en soit la nature ou l’origine, échappe aux prévisions tant de l’article 460 que de
l’article 321-1 du nouveau Code pénal ». On a retenu le recel de photocopie de
documents mais pas le recel d’informations.

2. L’élément intentionnel du délit

a. La preuve de l’intention coupable

Le recel est un délit intentionnel. C'est l’élément clé du recel. Le receleur


n’ignorait rien de l’origine frauduleuse de la chose. C'est la connaissance de l’origine
frauduleuse de la chose. La preuve se déduira la plus souvent des circonstances de

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l’espèce. Où l’on retrouve l’imbrication entre élément matériel et élément
intentionnel. Ex : la dissimulation, l’achat à vil prix supposent souvent l’intention
coupable. La Cour de cassation se montre souple sur ce point : il suffit que le
prévenu ait eu des doutes sur l’origine frauduleuse ou pas du bien. Pouvoir
souverain d’appréciation des juges du fond.
Mais il n’y a pas de recel par imprudence ou par négligence.

b. L’époque de l’intention coupable

Si je possède un bien matériel et que je suis de bonne foi au moment où


j’entre en possession : article 2279. Ultérieurement, j’en apprends l’origine
frauduleuse. Je suis propriétaire du point de vue civil. Je suis receleur du point de
vue pénal. Je suis receleur de la chose dont je suis propriétaire. Qu’est-ce qui va
l’emporter ? Un des plus grandes heurts entre le pénal et le civil. Arrêt de Ch. crim.
1936 : une logeuse accepte un tapis pour paiement et on lui annonce finalement que
ce tapis est volé. Dès lors qu’elle connaît l’origine de son propre tapis, c'est du recel.
Condamnation pour recel.
24/11/1977 : ne saurait être coupable de recel l’acquéreur d’un bien mobilier
lorsque la régularité de la possession et la bonne foi de cet acquéreur impliquent la
réunion des conditions d’application de 2279 alinéa 1er. Le civil l’emporte sur le pénal.
Attention, on lira que la Cour de cassation est revenue sur cette position.
Notamment 3/12/1984. Mais ici, les conditions d’application de 2279 du Code civil
n’étaient pas réunies. Divergence d’analyse.

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B. La répression de l’infraction

1. Les degrés de la répression

Le recel simple est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 375000 euros


d’amende. NB : le vol simple n’est puni que de 3 ans d’amende et de 45000 euros
d’amende. Les profits attachés à un recel peuvent être considérables. D’où la
disposition selon laquelle la peine d’amende peut dépasser ce plafond pour atteindre
la moitié de la valeur des biens recelés (art. 321-3). Peines complémentaires :
privation de droits civils, civiques et de famille, interdiction d’exercer, fermeture des
établissements, exclusion des marchés publics, interdiction d’émettre des chèques,
confiscation de la chose, interdiction de séjour, affichage, etc. Les personnes
morales sont d’ores et déjà visées (avant le 1er janvier 2006).

Recel aggravé : il peut être aggravé par lui-même, en tant que délit autonome.
Circonstances propres à lui-même. Il en sera ainsi lorsque le recel a un caractère
d’habitude. Quand il est commis en utilisant les facilités que procure l’exercice d’une
activité professionnelle. Où l’on retrouve l’impact de la loi de 1987 (professionnel
receleur). Recel en bande organisée. 10 ans de prisons, 750000 euros d’amende.
Circonstances aggravantes tenant à l’infraction d’origine : si elle expose à une
peine d’emprisonnement supérieure à celle encourue au titre du recel, le receleur
encourt cette même peine d’emprisonnement. Si l’infraction d’origine comporte des
circonstances aggravantes, le receleur encourt les peines attachées aux
circonstances dont il aura eu connaissance. Le receleur est ici mieux traité que le
complice. Donc le recel peut parfois être une infraction criminelle, au regard des
circonstances d’origine (ex : enlèvement d’enfant avec demande de rançon ; vol avec
port d’armes). On parle alors de recel qualifié.

2. Les particularités de la répression

Infraction autonome mais aussi connexe. Le recel est assimilé à l’infraction


d’origine en termes de récidive. La complicité de recel est punissable. Le nouveau
Code pénal a tranché un point qui faisait controverse : il n’y a pas de bénéfice de
l’immunité familiale pour le recel. La tentative n’est pas punissable. Mais elle peut
être atteinte au titre des différentes formes de recel.
Caractère de délit connexe qui explique d’autres particularités, parfois
défavorables au prévenu. Jonction des procédures (infraction d’origine et recel),
paiement de dommages et intérêts. En principe, la solidarité quant au paiement des
dommages et intérêts au profit de la victime est réservée aux personnes
condamnées pour un même crime ou un même délit. La jurisprudence a étendu cette
solidarité en cas d’infractions connexes, donc au recel. Le receleur peut être tenu
d’indemniser la victime du vol. Peu importe qu’il n’y ait pas eu d’entente préalable
entre l’auteur du vol et le receleur. En cas de recel partiel (le receleur n’a reçu ou ne
détient qu’une partie des objets dérobés), la jurisprudence va distinguer selon que
l’auteur de l’infraction d’origine a été identifié ou non. Si l’auteur de l’infraction
d’origine a été identifié, le receleur est tenu de réparer l’intégralité du dommage.
Sinon, le receleur ne doit indemniser qu’à proportion des objets détenus. Cette
connexité peut avoir des conséquences plus favorables pour le prévenu, notamment
si un texte supprime l’infraction d’origine. De même, si l’infraction d’origine bénéficie
d’une amnistie de caractère réel et non pas personnel.

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Particularités attachées au caractère autonome de ce délit : il importe peu que
l’auteur de l’infraction d’origine n’ait pas été poursuivi ou n’ait pas encore été
condamné ou ait été relaxé (pour des raisons subjectives). Le recel est punissable
même si l’auteur de l’infraction d’origine est inconnu. Problèmes notamment lorsque
la personne auteur de l’infraction d’origine est déterminante (ex : recel de violation de
secret professionnel). Mais surtout, conséquence quant à la prescription : il importe
peu que l’infraction d’origine soit prescrite. Le recel a donc son propre régime de
prescription : le recel est l’archétype du délit continu. Le délai de prescription, qui est
en principe de 3 ans (10 ans si recel qualifié), court à compter du jour où l’infraction a
cessé. Ce sera donc notamment du jour où la détention a cessé. C'est facile pour un
fait matériel comme la détention ; c'est plus difficile en cas de recel profit, qui peut
être très immatériel.
Attention, dérogation à cette autonomie : la jurisprudence a redonné une
certaine place à la connexité sur ce terrain : hypothèse où l’infraction d’origine est un
abus de bien social. Cour de cassation, affaire Michel Noir (6/02/1997) et affaire
Carignon : le recel du produit d’un abus de bien social ne saurait commencer à se
prescrire avant que l’infraction dont il procède soit apparue et ait pu être constatée
dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique. La prescription du
recel ne peut commencer à courir, dans cette hypothèse, avant que ne commence à
courir la prescription de l’infraction d’origine. Peut-être solution limitée au recel profit
dont vient l’abus de bien sociaux. Ceci dit, la Cour de cassation a persisté dans un
arrêt du 7/05/2002 à propos du produit d’un abus de confiance (mêmes règles de
prescriptions).

II. La fraude informatique

Ce sont les atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données


(STAD). Intrusion frauduleuse dans un système informatique d’une entreprise, actes
de piratage ou de sabotage de données informatiques… de tels agissements sont
très fréquents, courants et préjudiciables pour les entreprises. On ne peut les
ignorer. La création de délits spécifiques est récente : loi Godfrain de 1988. Elle
figure aujourd'hui aux articles 323-1 et suivants. Pas de modification profonde à
l’occasion de la réforme du Code pénal.

A. La notion commune de « système de traitement automatisé de


données »

Pas de définition légale. On a tendance à se référer à une définition


sénatoriale (travaux préparatoires) qui évoquait un ensemble automatisé d’éléments
de natures diverses (unités de traitement, mémoires, logiciels, données…) dont les
relations entre les éléments résulte de la participation à un résultat déterminé. Le
résultat en question est le traitement de données. C'est donc un système informatisé
composé d’éléments de natures diverses et qui tendent à assurer le traitement de
données. C'est ce qu’on appelle couramment un système informatique. Ex : le
système de cartes bancaires est un STAD.
Cela réunit des éléments de natures diverses, aussi bien matériels
(ordinateur, câbles de communication) qu’immatériels (algorithmes, informations
codées). A travers la notion de STAD, le législateur a consacré une nouvelle
universalité de fait. Conséquence de la relation entre ces différents éléments, qui
sont reliés entre eux afin d’obtenir un résultat déterminé : le traitement de données.
Dans les universalités de droit, il y a un actif et un passif indissolublement liés

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4
(patrimoine), ce qu’on ne retrouve pas dans une universalité de fait (c'est un
ensemble). Chacun des éléments qui composent le STAD n’est pas protégé en tant
que tel. Il n’est protégé qu’en tant qu’élément de cet ensemble. Le délit pénal n’est
donc encouru qu’en cas d’atteinte à un élément intégré au STAD. Pas de protection
ut singuli des éléments composant le STAD.
La définition sénatoriale avait été complétée par une autre exigence : que cet
ensemble soit protégé par un dispositif de sécurité. La jurisprudence (notamment CA
Paris, 1994) a écarté cette condition et il n’est pas nécessaire que l’accès soit limité
ou protégé par un dispositif de sécurité. Il suffit que le maître du système
informatique ait manifesté l’intention d’en restreindre l’accès à certaines personnes.
Cette idée explique un arrêt CA Paris 30/10/2002, affaire Kitekoa. Un journaliste
spécialisé dans les technologies de l’information avait décidé de déceler les failles
des systèmes informatiques pour qu’elles soient corrigées. Par Netscape, il est
parvenu à accéder au site internet de la société Tati et puis il a pu accéder à des
données à caractère nominatif conservées par cette société. Il s’est rendu compte
que n’importe qui pouvait accéder à des données à caractère personnel sur ce site. Il
signale cela à la société et puis le divulgue dans un article. Poursuivi. Condamné en
1ère instance mais la CA de Paris a infirmé la condamnation en constatant qu’il ne
peut être reproché à un internaute d’accéder aux données ou de se maintenir dans
les parties d’un site qui peuvent être atteintes par la simple utilisation d’un logiciel
grand public de navigation, ces parties de sites ne faisant l’objet d’aucune protection
et de tout obstacle à l’accès. Arrêt discuté d’un point de vue juridique. Peut-être
avons-nous là l’explication sur l’élément intentionnel (présence ou non d’un dispositif
de sécurité).

B. Le détail des incriminations

Le délit principal est le délit de l’article 323-1, alinéa 1 qui incrimine l’accès OU
le maintien frauduleux dans un STAD. La loi vise l’accès frauduleux. Ce sont tous les
modes irréguliers de pénétration dans un système informatique. Dès lors qu’il y a
pénétration irrégulière, que l’accédant travaille déjà sur la même machine mais à un
autre système ou qu’il procède à distance, la loi s’applique. Elle vise aussi le
maintien frauduleux. Le simple fait d’accéder suffit. Il peut y avoir délit par accès
sans maintien. Mais surtout, le délit existera en l’absence d’un accès frauduleux mais
en présence d’un maintien frauduleux. Ce qui est surtout intéressant, c'est
notamment l’hypothèse où il y aura eu accès par négligence, par mauvaise
manipulation, à un système auquel je n’ai pas voulu accéder. Cette incrimination du
seul maintien frauduleux permet d’atteindre cette hypothèse d’accès involontaire
suivi d’un maintien volontaire à une partie du système dans laquelle je sais que je ne
dois pas me maintenir.
C'est l’incrimination de base. Peut-il y avoir vol d’information ? Magnifique
débat. La question est de savoir si l’information peut faire l’objet d’une propriété. On
a peut-être un délit obstacle en pénal. Pour ce délit, peu importe ce que l’on fait
après l’accès ou le maintien. Captation d’information, visualisation d’information ; peu
importe. Hirsoux y verrait bien un bon délit obstacle à la question du vol
d’information.
La loi sur la confiance dans l’économie numérique (LEN), 21/06/2004 a
aggravé les sanctions encourues : 2 ans d’emprisonnement, 30000 euros d’amende.
La peine passe à 3 ans et à 45000 euros quand de cet accès ou maintien frauduleux
il sera résulté soit la suppression ou la modification des données contenues dans ce
système soit une altération du fonctionnement de ce système. Ici, ce n’est pas

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volontaire. Lorsque c'était volontaire, des délits spécifiques sont prévus. Donc ce
n’est pas du piratage ou du sabotage. C'est le curieux maladroit.

Les autres incriminations résultent du sabotage informatique. On retrouve :


➢ Art. 323-2 : atteinte volontaire au fonctionnement du système. Incrimine
le fait d’entraver ou de fausse le fonctionnement d’un STAD (virus informatiques). La
peine a été aggravée : 5 ans d’emprisonnement, 75000 euros d’amende.
➢ Art. 323-3 : atteinte volontaire aux données contenues dans le
système. Fait d’introduire frauduleusement des données dans un STAD, d’en
supprimer ou de les modifier. Même peine. Responsabilité pénale des personnes
morales.
➢ Art. 323-4 : application particulière du délit d’association de malfaiteurs
pour les délits de fraude informatique. Incrimine la participation à un groupement ou
à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits
matériels, d’une ou plusieurs des infractions de fraude informatique précédemment
étudiées. Délit très important dans la lutte contre le terrorisme, contre le
blanchissement d’argent. Condamnation alors qu’on n’a pas commis le délit ; on a
seulement participé. Il est indifférent qu’on ait soi-même commis l’acte ou pas. Les
peines encourues sont celles applicables au délit en question.
➢ La LEN est passée par là : art. 323-3-1 qui incrimine la fait, sans motif
légitime, d’importer, de détenir, d’offrir, de céder ou de mettre à disposition un
équipement, un instrument, un programme informatique ou toute donnée conçue ou
spécialement adaptée pour commettre une ou plusieurs des infractions prévues aux
articles 323-1 à 323-3. Foutage de gueule ; ça existe déjà et ça s’appelle la
complicité par fourniture de moyens. On a tout ce qu’il faut dans l’arsenal répressif :
en amont, la complicité par fourniture de moyens ; en aval, le recel.

Section 2 : Les atteintes à la confiance publique et à la probité

Livre IV du Code pénal.

Les atteintes à la confiance publique

Le délit de faux : moyen classique de commission d’une autre infraction :


l’escroquerie. Sous l’ancien Code pénal, on distinguait les faux en écriture privée et
de commerce et les faux dans les écritures publiques. Cette distinction n’est plus
reprise dans le nouveau Code pénal.

I. Le faux de droit commun

Il est visé à l’article 441-1 du Code pénal. Héritier des articles 150 et 151 de
l’ancien Code pénal, à ceci près qu’on a donné une définition générale du faux dans
le nouveau code (ce qui est assez rare).

A. Les éléments constitutifs

Art. 441-1 : Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité de


nature à cause un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit dans un
écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut
avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences

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juridiques. On voit dans cette définition les éléments constitutifs et l’idée que le faux,
au sens pénal du terme, est très lié au régime de la preuve.

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1. Une altération de la vérité

a. Les caractères de l’altération

Cette altération peut-elle résulter d’une simple abstention ? Le faux est


normalement un délit d’action. La jurisprudence sanctionne à titre de faux l’omission
ou l’abstention, notamment l’omission d’écritures dans la comptabilité d’entreprise
(Cour de cassation, 25/01/1982).
Cette altération doit porter sur la substance de l’acte, c'est-à-dire sur des
mentions essentielles que le document avait pour objet de constater ou de prouver. Il
n’en serait pas ainsi de fausses déclarations qui n’appartiendraient pas à la
substance de l’acte. Ex : ce n’est pas le cas pour la déclaration d’un décès qui se
prétend faussement époux du défunt (ça n’altère pas la substance de l’acte). De
même le fait pour l’un des futurs époux de se présenter comme faussement veuf
dans un contrat de mariage.

b. Les formes de l’altération

La loi ne détaille plus les formes de cette altération. Aujourd'hui, on fait une
classification d’origine doctrinale et consacrée en jurisprudence. Distinction entre le
faux matériel et le faux intellectuel. Le faux matériel est la forme grossière
d’altération de la vérité. Cela touche à l’aspect physique du document. L’altération va
affecter physiquement le document et cela va donc se faire le plus souvent par
intervention postérieure à la rédaction de l’acte. On va en transformer le sens ou
rajouter. Dans cette hypothèse d’un faux matériel, le document va souffrir d’un défaut
d’authenticité. Ce faux matériel peut être aisément constatable par les techniques
d’expertise. Ce sera le fait d’une imitation de la signature d’une personne, existante
ou imaginaire .L’infraction existe même si on a utilisé un faux nom, une signature
illisible. Autre forme de commission du faux matériel : imitation de l’écriture d’un tiers,
altération de cette écriture (raturage, suppression, ajout), plastification d’un
document (ce qui va rendre effaçable l’oblitération, par exemple d’un ticket
d’autobus), par contrefaçon sur support information d’un tampon du tribunal de
commerce par exemple. Fabrication entière d’un document, contrefaçon de
documents (fausse reconnaissance de dette, fausse promesse de vente…).
Précision : qu’il s’agisse de rédiger l’acte ou d’ajouter un mot, il y a faux alors
même que le document ainsi modifié ou rédigé exprime la vérité. Cour de cassation,
1948, confirmé en 1994 ou encore le 3/06/2000 : un ancien syndic, à l’époque où il
représentait un syndicat de copropriétaires, avait signé un contrat de travail rédigé
par son successeur. Nul ne peut se constituer de preuve à soi-même. Peu importe
que je fabrique une pièce conforme à l’original qu’on ne retrouve plus. Ou que je
rectifie une erreur.

Le faux intellectuel est la forme plus subtile du faux. Il s’agit de mentions


inexactes qui vont être incluses dans un écrit au moment même de sa rédaction. Il
n’y a pas eu d’altération ultérieure. Ce n’est pas l’instrumentum qui est affecté ; c'est
le négotium. Défaut de véracité et non plus d’authenticité. Ce qui est dit dans l’acte
n’est pas conforme à la vérité. L’expertise ne peut le déceler ; il faudra des
déclarations et témoignages extérieurs. Formes : supposition de personne (mention
mensongère de la présence d’un individu dans un acte). Ex : notaire qui affirme
faussement dans un acte authentique que des créanciers ont comparu devant lui.
Entre également dans l’hypothèse la personne qui trompe sur son identité en prenant
un faux nom dans un acte de déclaration. Autre forme : constatation de faits faux.

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Ex : Cour de cassation 1966 : un avocat, pour étoffer le dossier d’un de ses clients
dans une affaire de divorce, fait écrire par sa secrétaire de fausses attestations.
Dans cette affaire, c'est encore plus subtil car l’auteur du faux pourrait être la
secrétaire (c'est alors un faux matériel) et on pourrait poursuivre l’avocat comme
complice du faux matériel. Mais on peut aussi le poursuivre comme auteur du faux
intellectuel. Autre forme : document dont le contenu ne correspond pas à la volonté
réelle de son rédacteur ou de son signataire. Ex : hypothèses de testament à main
guidée, fausse déclaration de vol.

2. Altération de nature à causer un préjudice

Il a toujours été admis que le faux suppose un préjudice. Mais si l’exigence est
classique, la souplesse dans cette exigence l’est tout autant et la formule du
nouveau Code pénal le montre très clairement puisqu’elle évoque « un faux de
nature à cause un préjudice ». Il n’y a donc pas besoin que le préjudice soit né et
actuel. Il n’est pas requis qu’un préjudice en soit effectivement réalisé. Il suffit qu’il ait
pu en résulter. Le faux est une atteinte à la confiance que l’on doit avoir dans les
documents, notamment les documents à valeur probatoire. C'est un délit-obstacle.
Le préjudice éventuel suffit.
La Cour de cassation parle même d’un préjudice virtuel en ce sens qu’il est
certaines hypothèses où le préjudice est réellement présumé. La Cour de cassation
va dispenser les juges du fond de vérifier l’existence d’un préjudice, fût-il éventuel,
dans certaines hypothèses où le préjudice découle nécessairement de la nature de
l’écrit falsifié. C'est une sorte de présomption irréfragable de préjudice. On glisse
alors vers un délit formel.
Question : dans quelle hypothèse va-t-on considérer que la nature particulière
du document porte en elle la présomption d’un préjudice ? Toutes les hypothèses
d’un faux en écriture publique ou authentique. Ex : falsification d’un permis de
conduire (Cour de cassation nov. 1998). La Cour de cassation s’éloigne peu à peu
de ce socle et notamment, elle va élargir le champ d’application de cette
jurisprudence souple. Elle applique la même solution à des procès verbaux de
conseils d’administration. Faux dans les écritures de commerce, dans les documents
administratifs. Pour certains documents des feuilles de présence à des assemblées
générales, etc.
Pour tout autre faux (ex : simple lettre missive, constat amiable…), l’exigence
de la preuve d’un préjudice subsiste, mais il suffit qu’il soit éventuel.

3. L’intention coupable

Elle ne fait pas de doute ; c'est un délit intentionnel. Même si le texte ne le


prévoit pas, c'est imposé indirectement par l’article 121-3. Mais ici, le texte parle
d’une altération frauduleuse de la vérité. Pas de faux par imprudence ou par
négligence. Notamment, Cour de cassation, crim., à propos d’un notaire qui avait
manqué à ses obligations de vérification d’identité des parties. Ce seul manquement
à une obligation professionnelle ne saurait constituer l’intention coupable. Le mobile
est indifférent (droit commun) ; mais ici, peu importe qu’il se soit agi de rétablir la
vérité. L’élaboration d’un faux document (même conforme à l’original qu’on a perdu)
est quand même un faux. Nul ne peut se constituer de preuve à soi-même. Cour de
cassation 6/02/2001 rappelle ce caractère intentionnel, à propos d’un médecin
vétérinaire qui a été complice d’un pharmacien spécialisé et qui prescrivait des
examens à des animaux qu’il n’avait même pas auscultés, ce qui permettait d’obtenir
la délivrance de certaines substances. La Cour de cassation rappel que « constitue

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9
un faux l’acte fabriqué par une ou plusieurs personnes à seule fin d’éluder la loi et de
créer l’apparence d’une situation juridique de nature à porter préjudice à autrui.

4. Le document falsifié

La nature du document : le nouveau Code pénal vise l’écrit mais aussi tout
autre support d’expression de la pensée. Cet écrit peut être manuscrit,
dactylographié, sténographié ou imprimé ; peu importe. Sous l’ancien Code pénal,
seul l’écrit était visé (d’où les expressions de « faux en écriture ». Aujourd'hui, tout
support est accepté. On a même supprimé l’incrimination spécifique de faux
informatique.

La portée juridique du document : l’article 441-1 se situe dans le prolongement


de l’exigence ancienne, c'est-à-dire un écrit ayant une valeur ou une fonction
probatoire. Le lien est étroit entre l’incrimination de faux et le système juridique de la
preuve. La formule de l’article 441-1 est un écrit (ou autre support) qui doit avoir pour
objet ou pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences
juridiques. C'est l’idée que l’on exprime à travers l’expression consacrée qu’il doit
s’agir d’un « document valant titre ». Il doit constituer un titre (au sens probatoire du
terme) sur la base duquel on fera valoir un droit ou exercer une action en justice. Le
document doit faire foi.
Applications : jurisprudence sinueuse. Il ressort de l’étude de la jurisprudence
que n’est pas un écrit valant titre le document établi par le déclarant en sa propre
faveur (nul ne peut se constituer une preuve à soi-même). De même pour l’altération
d’un document n’ayant pas de valeur probatoire, qui ne crée pas d’obligation à la
charge de quiconque. Ex : une lettre de change ayant pour débiteur un tiers
imaginaire, un télégramme signé d’un faux nom, acceptation d’un effet de commerce
non accepté par le tiré (Cour de cassation 5/11/1998). Il a de même été admis en
1988 qu’une reconnaissance mensongère d’un enfant naturel dans un acte de
naissance ne constitue pas un faux parce que cette reconnaissance de paternité
peut être contestée par certaines personnes, y compris l’auteur lui-même (art. 339
Code civil). Ne tombe pas non plus sous le coup de l’incrimination de faux la
production en justice de conclusions contenant des allégations mensongères, ces
conclusions étant soumise au principe du contradictoire et à la libre appréciation du
juge. Il en va autrement pour l’altération d’un document émanant de l’adversaire.
De façon plus générale, doivent être exclus de la catégorie des titres dont la
falsification est punissable les écrits qui ne constituent que des déclarations
unilatérales sujettes à vérification ; ces déclarations ne créent pas de droits et
n’ont en elles-mêmes aucune valeur probatoire (conclusions, mémoires, décomptes,
factures). Une facture que l’on reçoit, même si elle majore le coût horaire, n’est pas
un faux au sens de l’article 441-4. La Cour de cassation fait parfois une nuance,
notamment entre commerçants (preuve libre) : lorsque le débiteur lui donne suite et
après paiement l’inscrit en comptabilité comme justification de la sortie d’argent. La
facture devient alors un écrit valant titre. Ce n’est qu’à cette condition que cette
fausse facture pourra être considérée comme un faux (Cour de cassation,
19/09/1995). Même solution de principe pour la note d’honoraires : ce n’est pas un
écrit valant titre. Même nuance aussi ; Cour de cassation 9/03/2005. Dans cette
hypothèse, une note d’honoraires présentée par un commissaire priseur était fondée
sur l’application des tarifs minimaux prévus par la loi, ce qui la rendait indiscutable
(en tous cas en apparence). C'était alors devenu un écrit valant titre.

7
0
Cour de cassation, crim. 7/09/2005 : la Cour de cassation érige en écrit valant
titre un bulletin de paye. Un employeur avait mentionné sur le bulletin de paye que le
salarié se trouvait en congé payé alors qu’il était en congé maladie. Pourvoi : le
bulletin de paye n’est pas un écrit qui vaut preuve. La Chambre sociale avait procédé
à un revirement en 1999 à propos de la valeur probatoire du bulletin de paye. Avant,
il emportait présomption de paiement des sommes y figurant. Depuis 1999, cette
présomption a disparu. Valeur probatoire aux yeux de la Chambre criminelle mais
pas aux yeux de la Chambre sociale.
S’agissant de cette portée probatoire de cet écrit valant titre, la Cour de
cassation se montre beaucoup moins exigeante lorsqu’on est en présence d’un faux
matériel : elle écarte (1964, 1968) plus ou moins cette exigence d’un écrit valant titre.
1964 : pour obtenir le droit d’installer une enseigne lumineuse, quelqu'un avait imité
la signature du syndic de copropriété sur un document. La solution n’est plus
certaine sous l’empire du nouveau Code pénal.

NB : le faux est souvent un moyen de commission d’une autre infraction


(infraction but / infraction moyen).

B. La répression

3 ans, 45000 euros. Toute une série de peines complémentaires (article 441-
10), notamment privation de droits civiques, civils et de famille, interdiction d’exercer,
exclusion des marchés publics. La responsabilité pénale des personnes morales est
d’ores et déjà prévue. La tentative est incriminée.
La prescription : le faux est un délit instantané qui se consomme au jour de
l’altération de la vérité. Passé le délai de 3 ans, le faussaire ne peut plus être
poursuivi. Mais avec le faux, il y a la répression de l’usage de faux. L’usage de faux
peut prendre le relais pour poursuivre le faussaire ou celui qui utilise le document.
L’enjeu est de taille. Faux et usage de faux sont des délits distincts. Pour le faux, il
suffit qu’il y ait eu altération, même si le faussaire n’en a pas fait usage. La faux
existe indépendamment de l’usage qu’on en fait. S’agissant du délit d’usage de faux,
c'est un délit continu. La prescription ne commencera à courir que du jour où l’usage
cessera. Peines identiques pour l’usage de faux.

II. Les faux légalement qualifiés

Ce sont des faux spécifiquement visés par la loi.

A. Les faux documents

1. Le faux commis dans un document administratif

Article 441-2 du Code pénal. Document particulier. La loi vise un faux commis
dans un document délivré par une administration publique. L’article 441-2 reprend la
formule de l’article 441-1 quant à la finalité du document : il a été délivré aux fins de
constater un droit, une identité ou une qualité ou accorder une autorisation. Ex :
passeports, cartes d’identité, permis de conduire, certificat de naissance, permis de
conduire… Cour de cassation décembre 2004.
Ce n’est pas n’importe quel document ; la sanction est plus sévère : 5 ans,
75000 euros. Circonstances aggravantes : commis de manière habituelle ; aux fins
de faciliter la commission d’un crime ou de procurer l’impunité à son auteur ;
lorsqu’elle aura été commise par un agent public.

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1
A cette incrimination principale se greffent un certain nombre d’incriminations
spécifiques : l’art. 441-3 vise spécifiquement la détention frauduleuse d’un tel
document. On pourrait se contenter du recel, mais intérêt : lorsque le détenteur est
celui qui a falsifié lui-même le document. L’art. 441-5 incrimine spécifiquement vise le
fait de procurer frauduleusement un tel document à autrui. Un autre délit
complémentaire : l’art. 441-6 incrimine spécifiquement le fait de se faire délivrer un
tel document par un moyen frauduleux. Joue notamment dans les hypothèses de
mariage fictif (pour obtenir un titre de séjour).
2. Le faux commis dans une écriture publique ou authentique

C'est plus grave encore que le faux délivré par l’administration. Les écritures
publiques sont les écritures gouvernementales et judiciaires (jugement, sentence,
assignation, actes d’état civil). Art. 441-4. 10 ans, 150000 euros.
Cour de cassation 30/04/2003 : on a appliqué ce délit à une hypothèse de
rectification opérée sur les notes destinées à l’établissement du registre des
délibérations du conseil municipal (et non pas sur le registre lui-même).
Cour de cassation 28/10/2003 : un policier qui altère la vérité d’un procès
verbal commet le délit.
L’article 441-4 vise également les faux commis dans les enregistrements
ordonnés par l’autorité publique (notamment écoutes). C'est criminalisé si ça a été
commis par une personne exerçant une fonction publique (dépositaire de l’autorité
publique).

B. Les faux certificats

Articles 441-7 à 441-9.

1. Etablissement et usage de faux certificats

1 an, 15000 euros. L’art. 441-7 incrimine le fait d’établir une fausse attestation
ou un faux certificat faisant état de faits matériellement inexacts. Ex : l’avocat faisait
établir de fausses attestations par sa secrétaire pour un contentieux. Est visé le fait
d’établir une telle attestation ou un tel certificat, mais également le fait de les falsifier.
De même le fait d’user d’un tel certificat ou attestation falsifié.

2. La délivrance de faux certificats par corruption

Art. 441-8 alinéas 1 et 2 : 2 ans d’emprisonnement, 30000 euros d’amende.


L’alinéa 3 de l’article vise spécifiquement le faux certificat médical.

7
2
2ème partie
Le recours à des incriminations spécifiques

Chapitre 1 : Les infractions commises par des personnes exerçant une


fonction publique

Changement de figure radical mais on est toujours dans le Code pénal. Titre
III du livre IV, qui vise les crimes et délits contre la nation, l’Etat et la paix publique.
Le titre III vise les atteintes à l’autorité de l’Etat. Chapitre 2 : les atteintes à
l’administration publique commises par une personne exerçant une fonction
publique. Section 3 : Des manquements au devoir de probité. Nous sommes en plein
dans la vie des affaires.

Section 1 : Les agents concernés

C'est un passage obligé car ici, les infractions vont toutes avoir un point
commun : la qualité particulière de leur auteur. Sous l’empire de l’ancien Code pénal,
de multiples appellations étaient utilisées : fonctionnaire public, agents préposés du
gouvernement… elles ont disparu. Dans le nouveau Code pénal, on trouve des
formules plus claires et condensées.
Cette qualité particulière est ici un élément constitutif de l’infraction ou à tout le
moins une condition préalable de celle-ci. On la retrouve dans d’autres articles, y
compris des infractions de droit commun, mais elle est alors une circonstance
aggravante et non un élément constitutif.
Il y a une trilogie. Trois formules sont utilisées quasi systématiquement dans
les articles : les personnes dépositaires de l’autorité publique, les personnes
chargées d’une mission de service public et les personnes munies d’un mandat
électif (public).

Personne dépositaire de l’autorité publique : personne qui est titulaire d’un


pouvoir de décision et de contrainte sur les individus et les choses qu’elle manifeste
dans l’exercice de ses fonctions permanentes ou temporaires dont elle est investie
par délégation de la puissance publique (définition VITU).
Il s’agit des représentants de l’Etat au plus haut niveau (chef de l’Etat,
ministres, secrétaires publics, préfets, représentants de la France à l’étranger :
ambassadeurs, consuls), des fonctionnaires de l’Etat. On exige quand même qu’ils
disposent d’un certain pouvoir d’autorité (membres de l’administration fiscale,
fonctionnaires de la police et de la gendarmerie, des douanes, commissaire de
police, enseignants, inspecteurs du permis de conduire, fonctionnaires des
collectivités territoriales…).

Personne investie d’un mandat électif public : nos élus (députés nationaux,
européens, membres des conseils régionaux), élus de certains établissements
publics et administratifs (chambres de commerce et de l’industrie).

Personne chargée d’une mission de service public : personnes qui, de par leur
statut légal ou règlementaire, sans disposer de pouvoir d’autorité publique, vont être
chargées, à titre temporaire ou permanent, d’exercer une fonction ou d’accomplir des
actes ayant pour but de satisfaire un intérêt général.

7
3
L’ancien article 177 qui visait les préposés et agents des administrations
placées sous le contrôle de la puissance publique. On y retrouve les auxiliaires de
justice, un syndic de faillite, un administrateur judiciaire (17/12/2003), les membres
de certaines commissions instituées pour donner un avis aux autorités publiques
dans le cadre d’octroi d’habilitations, d’agrément ou d’autorisations officielles. Ex :
membres des commissions départementales d’équipement commercial, agent de la
RATP. On a de façon générale une application souple en ce domaine. Ex :
27/02/2002 : la Cour de cassation reconnaît cette qualité à un ingénieur du
commissariat à l’énergie atomique qui avait été mis à la disposition d’une agence
(EPIC) pour y instruire des dossiers d’aide publique. 19/03/2003 : un rédacteur en
chef et deux journalistes pigistes engagés par une chaîne du service public avaient
reçu des sommes d’argent en exécution de pactes corrupteurs pour assurer la
couverture médiatique d’événements sportifs. Dans cette affaire, ils ont été
considérés comme des personnes chargées d’une mission de service public alors
que les actes incriminés n’entraient pas dans une mission de service public.

Section 2 : Les manquements au devoir de probité

On emploie parfois le terme de forfaiture ; il n’a pas de signification juridique


précise. C'est un manquement grave commis par un fonctionnaire dans l’exercice de
ses fonctions. La forfaiture était un crime sous l’ancien Code pénal. Aujourd'hui, la
forfaiture n’est pas un délit spécifique existant dans le nouveau Code pénal.
On parle aussi de malversations. Idée de faute grave dans l’exercice de
fonctions, s’agissant notamment des sommes utilisées ou détournées. Attention, ce
terme correspond à un délit spécifique : délit qui figure à l’article 626-12 du Code de
commerce et qui est propre aux organes d’une procédure collective, et notamment
aux mandataires liquidateurs et administrateurs judiciaires.
On entend également le terme de prévarication. Il n’a pas de sens juridique
précis. Actes de mauvaise gestion volontaire. Manquement aux devoirs de sa
charge.

§1. La corruption

I. Présentation générale

La corruption est un fléau dramatique, une plaie endémique, un mal social.


Elle a un caractère intemporel et universel. Ce sont des affaires complexes ; elles
mêlent beaucoup de données politiques, juridiques, économiques et sociales.
Procédures complexe qui révèlent l’existence de véritables réseaux de type mafieux
dans lesquels s’enchevêtrent des délits de corruption mais aussi d’abus de biens
sociaux, faux, escroquerie, sociétés de façade, falsification de comptabilité. On
retrouvera la compétence des formations spécialisées (art. 704 CPP avec les
formations interrégionales pour les affaires d’une très grande complexité). Au
premier rang des pays les plus corrompus : Bengladesh, Tchad, Nigeria, Haïti,
Birmanie, Turkménistan, Côte d’Ivoire. Les moins corrompus : Finlande, Islande,
Danemark, Nouvelle Zélande. Les Etats-Unis sont 18ème et la France au 23ème rang
des pays les moins corrompus. Rapport de l’ONG qui fait référence est qui est étudié
chaque année.

7
4
Face à ce fléau, réaction nationale : arsenal répressif qu’on va étudier,
notamment art. 432-11 : corruption des personnes exerçant une fonction publique.
Mais il y a d’autres textes spécifiques lorsque le corrompu exerce des fonctions
particulières. Ex : art. 434-9 alinéa 1er : hypothèse où le corrompu est un magistrat.
Art. 441-8 : professions chargées d’établir des certificats ou attestations (médecin
notamment). Loi du 30 juin 2000 qui prévoit également la corruption des
fonctionnaires des Etats membres de l’Union Européenne, des membres de la
Commission des Communautés Européennes ou du Parlement, de la CJCE, de la
Cour des comptes (art. 435-1 du nouveau Code pénal). Création par une loi du
4/07/2005 (d’adaptation au droit communautaire) d’un nouveau chapitre au sein du
Code pénal intitulé « De la corruption des personnes n’exerçant pas une fonction
publique ». On a donc aujourd'hui un arsenal complet.
Articles 445-1 pour la corruption privée active et 445-2 pour la corruption
privée passive. La spécificité de ces nouveaux articles est la qualité de l’auteur. Qui
peut être corrompu ou corrupteur ? Est visée une personne qui, sans être dépositaire
de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, exerce, dans le
cadre d’une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un travail
pour une personne physique ou morale ou un organisme quelconque. 5 ans, 75000
euros. Depuis la loi du 4/07/2005, l’article visant spécifiquement la corruption du
salarié dans le Code du travail est abrogé.

Aspect préventif aussi. Vaste programme : prévenir les dévoiements possibles


et la conclusion d’opérations suspectes en imposant des contrôles plus stricts et une
transparence dans les principaux secteurs de la vie politique, administrative et
économique. Cour des comptes, conseil de la concurrence, commission
interministérielle d’enquêtes sur les marchés publics. Transparence et
moralisation. Loi du 29/01/1993 relative à la prévention de la corruption et à la
transparence de la vie économique et des procédures publiques. C'est une des lois
qui est intervenue sur le financement des campagnes et partis politiques. Création du
service Tracfin, spécialisé dans la lutte contre le blanchiment des capitaux.

Lutte au niveau internationale : en 1999, la conférence internationale de lutte


contre la corruption. 1400 participants, 35 pays ; signal fort. Mais symbolique. En
1996, l’appel de Genève, lancé par les magistrats européens pour une plus grande
coopération judiciaire. Renvoi aux textes internationaux, conventions de l’OCDE
(Paris, 1997), convention de Bruxelles (1995) qui donnent une dimension
communautaire, européenne à la lutte contre la corruption. La loi du 30 juin 2000 en
a fait la transposition.

Précision finale : la corruption est une infraction qui suppose 2 intervenants :


un corrupteur et un corrompu. Ce qui ne signifie pas forcément qu’on aura deux
infractions. Mais il faut à tout le moins deux personnes. Or dans la lutte contre la
corruption, il y a toujours deux incriminations : la loi, reprenant une distinction
classique, différencie corruption active et corruption passive.
Cette appellation est trompeuse. Corruption passive et corruption active, ces
appellations laissent croire que cela correspond au rôle actif ou passif pris dans le
processus corrupteur, selon que la personne a pris ou n’a pas pris l’initiative. Que
nenni ! La corruption passive désigne le corrompu ; la corruption active désigne le
corrupteur, indépendamment du rôle actif ou pas, de l’initiative prise ou pas dans
le processus corrupteur. S’agissant de l’étude des personnes exerçant une fonction
publique, on va surtout étudier la corruption passive.

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II. Le délit de corruption passive

A. Les éléments constitutifs

Art. 432-11 du nouveau Code pénal. La qualité de l’auteur : le dépositaire de


l’autorité publique, la personne chargée d’une mission de service public, personne
investie d’un mandat électif public. On des textes spécifiques pour certaines
personnes exerçant des fonctions particulières (ex : magistrats, art. 432-9).
On va reprocher à cette personne d’avoir sollicité ou agréé sans droit à tout
moment, directement ou indirectement des offres, dons, promesses, présents ou
avantages quelconques pour accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte de sa
fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou
son mandat. C'est le délit de corruption passive.

Sollicitation ou agrément : la personne peut avoir eu le rôle actif, elle sollicite ;


elle prend l’initiative. C'est quand même de la corruption passive. Les deux verbes
renvoient aux 2 attitudes possibles. La sollicitation implique une démarche, une
initiative de l’agent public qui va « inviter » à verser de l’argent en contrepartie d’un
acte de sa fonction. Le terme est intéressant ; ce qui va constituer l’élément matériel
de ce délit de corruption passive, c'est la simple sollicitation. La sollicitation suffit à
constituer ce délit de corruption passive, peu importe que la personne ait refusé. Ce
qui montre bien que corruption passive et corruption active sont des délits distincts.
On va très en amont dans l’incrimination. Peu importe même que le corrupteur ait
accepté et n’ait finalement pas versé l’argent.
Agréé : dans le déclanchement du processus corrupteur, le corrompu a eu un
rôle passif. Il y a eu rencontre des volontés. On est en présence d’un pacte
corrupteur. Là aussi, le terme est intéressant. L’agrément suffit. Ce qui signifie qu’il
importe peu qu’au final, rien ne soit versé. On remonte très haut dans le devoir de
probité. Peu importe aussi que par la suite, le corrompu renonce à exécuter l’accord.
Ce qui va consommer le délit, c’est le moment où les volontés se rencontrent. Le
délit existe par ce seul échange des volontés. On est au cœur des difficultés de
répression de la corruption. Finalement, est-ce que ce n’est pas dangereux de dire
que le délit est consommé dès le jour du pacte corrupteur ? On fait remonter le
moment où le délit est consommé très haut dans le temps. D’où problème en termes
de prescription. C'est dès ce moment-là que court le délai de prescription. La Cour
de cassation a essayé de contourner cet obstacle et elle donne une interprétation
extensive au terme agrément. Elle considère que les termes de sollicitation et
agrément incluent la réception des dons et sommes d’argents, la perception des
commissions, l’encaissement des sommes (ce qui peut se faire plus tard). Elle va
considérer qu’au jour de la réception des fonds, le délit est renouvelé, ce qui va faire
partir à nouveau le délai de prescription.

Directement ou indirectement : on va poursuivre toutes les formes de


corruption. Indirectement : tous les artifices ou intermédiaires (personnes
interposées).

Objet promis : le texte vise les offres, dons, promesses, présents ou


avantages quelconques. Choses matérielles ; cela pouvait-il consister en un
avantage moral ? La Cour de cassation a pris une position assez restrictive en 1975 :
elle a refusé de considérer qu’en relevait l’assouvissement d’une haine. Un

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fonctionnaire des ponts et chaussées avait menacé un entrepreneur de l’exclure de
tous les marchés de travaux publics de cette administration s’il ne procédait pas au
licenciement d’un de ses employés envers qui il avait une haine profonde. La Cour
de cassation l’a refusé en matière de promesses de faveurs sexuelles. Le nouveau
Code pénal utilise l’expression « avantages quelconques ». Sous l’empire du
nouveau Code pénal, on peut imaginer que l’avantage non strictement pécuniaire
pourrait être visé. Affaire Carignon, 22/10/1997 : maire de la ville de Grenoble qui
avait, pour favoriser l’octroi du service des eaux de sa commune à la compagnie
lyonnaise des eaux, avait bénéficié de voyages avec d’autres personnes, de
croisières en Méditerranée.

Contrepartie promise : accomplissement ou abstention d’accomplir un acte de


sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission
ou son mandat. Voisin du trafic d’influence, mais ici on trafique de sa fonction et non
de son influence. Ici prévaut une interprétation large ; on ne se contente pas des
actes relevant d’une attribution expresse de l’agent public. On y inclut également les
obligations inhérentes à sa fonction, mission ou mandat (ex : obligation au secret,
obligation de confidentialité). Tout ce qui impose la discipline de sa fonction. Devoir
d’obéissance, de probité. Ex : inspecteur du permis de conduire, employés d’une
morgue, affaire Carignon, administrateur judiciaire, rédacteur en chef et ses
journalistes pigistes qui assuraient la retransmission d’un événement sportif contre
rémunération (or ces prestations devaient être gratuites).
Cela peut soulever une difficulté particulière lorsqu’il s’agit d’actes né d’un
mandat, donc d’un élu, parce que celui-ci peut avoir simplement participé à un vote
collectif, voire même préparé un rapport destiné au vote d’une assemblée ou d’une
commission. Ex : faciliter l’obtention de subventions publiques, corruption d’un
député pour déposer un rapport favorable.
La loi ne se contente pas de viser l’accomplissement d’un acte de sa fonction ;
elle vise également l’abstention d’accomplir un acte de sa fonction. Abstention
fautive. Ex : fonctionnaire de police qui ne dressera pas procès verbal. Le texte vise
aussi l’acte facilité par la fonction (para-corruption). Ex : un planton dans un ministère
plantait à côté de la porte un service où se trouvent les cachets officiels et rentrait
dans le bureau pour apposer les cachets officiels auxquels il avait accès grâce à sa
fonction de planton. Cour de cassation 16/11/1999 à propos d’un conseiller à la
chambre régionale des comptes qui est sollicité par le dirigeant d’une association
contrôlée par la chambre régionale des comptes en vue d’obtenir quelques
renseignements, notamment sur l’état du dossier contre promesse d’embauche d’un
ami. Ce conseiller avait remis les copies du rapport et de l’avis confidentiel du
magistrat en charge du dossier. Il n’était pas de ses fonctions de communiquer ces
rapports. Acte facilité par la fonction. Arrêt intéressant parce que la Cour d’appel a
considéré que c'était un acte facilité par la fonction. Or la spécificité en cette
hypothèse est que, s’agissant d’un conseiller à la chambre régionale des comptes
(magistrats), c'est l’article 434-9 qui s’appliquait. Or cet article ne vise pas l’acte
facilité par la fonction. Donc la Cour d’appel avait relaxé. La Cour de cassation casse
car elle va considérer que c'est s’abstenir d’un acte de sa fonction : avoir respecté
son travail. Il s’est abstenu de respecter le secret professionnel auquel il était tenu.

Question de la chronologie : question de l’antériorité de la sollicitation ou de


l’agrément par rapport à l’accomplissement de l’acte. Faut-il avoir sollicité avant
d’accomplir pour qu’il y ait corruption ? Réponse classique du droit français : il doit y
avoir antériorité du pacte corrupteur ou de la sollicitation par rapport à
l’accomplissement ou le non-accomplissement de l’acte de la fonction. Pourquoi

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cette exigence d’antériorité propre au droit français ? Le texte di solliciter ou agréer
« pour accomplir ». Jurisprudence classique : 1966, 1986. Conséquences
paradoxales : le fonctionnaire qui sollicite et qui finalement n’accomplit pas est
coupable de corruption. Si le fonctionnaire accomplit l’acte puis sollicite, il n’est pas
coupable. La jurisprudence a atténué cette solution, notamment chaque fois que la
remise postérieure à l’accomplissement de l’acte pouvait être considérée comme
l’exécution d’un pacte antérieurement conclu. Le pacte corrupteur aura bien été
conclu antérieurement, et le versement postérieur n’est que son exécution tardive.
Problème de preuve. Quand l’agent public a accompli plusieurs actes successifs au
profit d’un particulier et que chacun était suivi de la remise d’argent, on va considérer
qu’on a un véritable circuit frauduleux qui fait que chaque remise postérieure est
destinée à provoquer un autre acte de corruption. Les sommes remises pour
récompenser les actes passés sont une incitation à l’accomplissement d’actes futurs.
Hypothèse où on a une succession entre les mêmes personnes. Cour de cassation
1998.
Le problème semble aujourd'hui tranché par la loi : « à tout moment », ajouté
par la loi du 30 juin 2000. Cette adjonction concerne tous les articles incriminant la
corruption passive et la corruption active. Mais ce qui justifiait la condition
d’antériorité est toujours dans la loi (« pour »). Est-ce que ça supprime l’exigence
d’un pacte corrupteur antérieur ? Je peux être corrompu alors que je n’ai rien sollicité
ni accepté.

B. La répression

Peine encourue : maximum de la peine correctionnelle (10 ans, 150000


euros). Toute une panoplie de peines complémentaires : interdiction d’exercer une
fonction publique, une activité professionnelle ou sociale à l’occasion de l’exercice de
laquelle l’infraction fut commise, privation des droits civiques, civils et de famille,
confiscation des sommes ou objets irrégulièrement reçus par le corrompu, affichage
de la diffusion prononcée (art. 432-17 Code pénal).
On retrouve ces mêmes peines à propos de la corruption des fonctionnaires
européens. Lorsque l’agent corrompu est un étranger, on peut également prévoir à
titre de peine complémentaire l’interdiction du territoire français (à titre définitif ou
pour 10 ans au plus.
La complicité : complicité active et complicité passive sont des délits distincts.
Le corrupteur n’est pas le complice du corrompu. La complicité est punissable, ce qui
va notamment viser ceux qui seront intervenus pour faire écran entre le corrupteur et
le corrompu (ex : avocat qui intervient comme intermédiaire dans un processus de
corruption, femme d’un gardien de prison qui recevait les sommes versées par la
famille du détenu…).
La tentative n’est pas punissable puisque la corruption passive est
consommée dès la sollicitation. Il est difficile de remonter plus haut en amont.
Les juridictions compétentes : juridictions spécialisées (art. 704 et 705 CPP).
Affaire d’une grande complexité.

Question de la prescription de l’action publique. Le délit de corruption est un


délit instantané qui est consommé soit dès la sollicitation (du côté passif) soit dès
l’agrément. Ce qui se conçoit bien mais va poser un problème : on va remonter très
haut dans le processus corrupteur et c'est donc très haut que va commencer à courir
le délai de prescription, ce qui peut poser des problèmes en termes répressifs. Une
jurisprudence consiste à englober la réception des dons, présents, promesses ou
avantages quelconques dans les éléments constitutifs.

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Problème aussi quand le pacte corrupteur s’accompagne d’une remise pour
générer des actes de la fonction qui vont s’échelonner dans le temps. Pour tous les
actes de corruption qui dépasseront le délai de 3 ans : prescription. Pour cette
hypothèse, la Cour de cassation a également trouvé la parade : jurisprudence bien
assise selon laquelle « l’accomplissement par le corrompu d’un acte de sa fonction
ou facilité par elle constitue un acte d’exécution du pacte conclu entre le corrupteur
et le corrompu qui renouvelle le délit de corruption ». Application de la théorie
appliquée aux délits successifs. Nouveau délit pour chaque acte d’exécution, donc
nouveau délai de prescription. Souci répressif qui l’emporte sur la rigueur théorique.
Ex : Cour de cassation 8/10/2003 qui a retenu que chaque échéance d’un crédit
accordé illicitement à un taux avantageux constitue un acte d’exécution du pacte de
corruption. Solution rappelée dans un arrêt du 29/06/2005. Une banque corruptrice
avait cédé à un mandataire liquidateur, corrompu, une créance qu’elle détenait sur
une société à un prix avantageux afin qu’il agisse dans les intérêts de la banque
dans deux autres procédures de liquidation judiciaire. La banque avait fait valoir la
prescription ; la Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir retenu la date
du dernier acte corrupteur. Dans cet arrêt, la Chambre criminelle ajoute qu’il importe
peu que le corrompu n’ait pas accompli lui-même ledit acte, dès lors qu’il entrait dans
ses fonctions d’en proposer ou préparer la réalisation. L’inscription de la créance de
la banque au passif de la liquidation judiciaire d’une des sociétés n’avait pas été faite
par le mandataire liquidateur, mais par le juge commissaire.

Autre précision à propos de l’exercice de l’action civile. Ça semble être plutôt


un délit « d’intérêt général ». Quel est l’intérêt particulier en jeu ? Une action civile
serait-elle recevable ? La Cour de cassation considère qu’un tiers peut demander
réparation du préjudice notamment dans un arrêt de mai 1997 à propos d’une
corruption en matière d’office public d’HLM. Le directeur de cet office public avait été
corrompu et la Cour de cassation a admis l’action civile exercée par l’office lui-même
à l’encontre de son directeur. Surtout, arrêt du 27/10/1997 (affaire Carignon,
corruption de l’attribution du service des eaux) : recevabilité de la constitution de
partie civile par les associations de consommateurs, sur la base de l’article 421-1 du
Code de la consommation qui reconnaît ce droit aux associations de
consommateurs, et cela, sans exclure aucune infraction.
La question est plus surprenante lorsqu’elle se pose vis-à-vis d’un des
participants au pacte de corruption. Ex : le corrupteur qui aurait versé les fonds pour
que le corrompu accomplisse un acte de sa fonction et que le corrompu ne l’ai pas
fait. Le corrupteur peut-il exercer l’action civile en réparation du préjudice résultant de
la méconnaissance d’un pacte corrupteur ? A propos d’une affaire de trafic
d’influence en vue de l’attribution de logement municipaux et de kiosques à journaux
(domaine voisin), la Cour de cassation l’a éclaré irrecevable à se constituer partie
civile (7/02/2001). Tempérament : Cour de cassation, 1er décembre 1992, où elle a
admis l’action civile qui émanait d’un contribuable qui avait versé à un receveur
principal une somme d’argent en contrepartie d’une réduction des majorations de
retard dont il était redevable. Dans cette affaire, le contribuable avait été victime de
très fortes pressions de la part de l’agent des impôts ; il n’avait pas librement
consenti au pacte corrupteur (solution qui tient aux circonstances de l’espèce).

III. Le délit de corruption active

Texte incriminateur : article 433-1 (à propos des personnes exerçant une


fonction publique). On parle ici des corrupteurs d’une personne exerçant une fonction
publique. S’agissant de la corruption privée, on a désormais un article spécifique :

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art. 445-1. Termes quasiment identiques, sauf pour les agissements de l’auteur de
ce délit. Ce qui va être reproché, c'est de proposer sans droit, directement ou
indirectement, des offres (…) pour que la personne exerçant une fonction publique
accomplisse un acte de sa fonction, etc. Ou alors on va lui reprocher d’avoir cédé
aux sollicitations. Pour le reste, renvoi à la corruption passive.
Pas de place ici pour l’incrimination de la tentative. Expression « à tout
moment » ajoutée par la loi du 30/06/2000.
On a l’équivalent à propos des fonctionnaires communautaires ou des
fonctionnaires nationaux d’un autre Etat membre ; art. 435-2.
Même chose à propos de la corruption des magistrats, jurée ou membres de
l’autorité judiciaire (art. 434-9).
Peines applicables : les mêmes (article 433-2) : 10 ans, 150000 euros. Ici, on
a aussi la responsabilité pénale des personnes morales.
Conclusion : délit de corruption ≠ délit de concussion.
Délit de concussion incriminé à l’article 432-10. Ce qui est ici incriminé est le fait de
recevoir, exiger ou ordonner de percevoir, par une personne dépositaire de l’autorité
publique ou chargée d’une mission de service public, à titre de droits, contributions,
impôts ou taxes publiques, une somme qu’elle sait ne pas être due ou excéder ce qui
est dû.
Différence assez simple : dans la corruption, on a deux délinquants qui ne sont pas
complices. Je verse en plein connaissance de cause une somme qui n’est pas due
pour qu’on fasse quelque chose d’illégitime en contrepartie. Dans la concussion, on
a un délinquant et une victime. 5 ans, 75000 euros.
Illustrations : arrêts de 1995 à propos d’un fonctionnaire des impôts (contributions
indues dans le cadre d’un redressement), du maire d’une commue (indemnités
cumulées de maire et de député), d’un directeur d’hôpital public (n’avait exigé
aucune somme d’argent mais s’était fait livrer par l’hôpital du fuel domestique et du
carburant pour ses besoins personnels et des denrées alimentaires et des
boissons) ; la Cour de cassation a estimé que s’il ne s’était fait remettre aucune
somme d’argent pour simplement percevoir des prestations en nature, celles-ci
étaient illicites parce qu’elles n’avaient pas été déduites de son traitement. Donc la
concussion ne consistait pas ici à percevoir une somme d’argent, mais à éviter d’en
dépenser. C'est un peu étrange. Quid du principe de l’interprétation stricte ?
Arrêt du 24 octobre 2001 : des salaires et traitements sont des droits au sens de
l’article 432-10. Texte applicable à une perception indue de salaire (travail fictif), qui
constitue un délit de concussion.

§2. Le trafic d’influence

Délit voisin de la corruption, de création assez tardive (1889). A la suite de


quelques scandales politiques (affaire Wilson, député et gendre du Président Grévy ;
trafic de décorations). On l’a poursuivi pour corruption, mais il n’est pas de la fonction
d’un député d’attribuer des médailles. Donc les poursuites ont échoué. Lacunes donc
création d’un nouveau texte. Ici, la personne ne trafique pas de sa fonction ; elle
trafique de son influence. C'était un crime, on l’a correctionnalisé en 1943.
Beaucoup de points communs avec la corruption. On a un trafic d’influence
passif (article 432-11) qui va consister, pour une personne chargée, dépositaire ou
investie (…), de solliciter ou d’agréer des promesses, dons ou avantages
quelconques à tout moment, directement ou indirectement, pour abuser de son
influence réelle ou supposée auprès d’une autorité ou d’une administration publique,
et cela en vue d’obtenir au profit du remettant certaines faveurs.

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On a aussi le trafic d’influence actif : celui propose d’abuser de son influence
ou accepte d’abuser de son influence.
Trafic d’influence passif : on a toujours conçu qu’il puisse être commis par un
particulier, une personne n’exerçant pas une fonction publique. Même chose du côté
du trafic d’influence actif.
Le point de divergence entre les deux délits va être le fait qu’ici, l’auteur du
trafic d’influence passif (commis par une personne exerçant une fonction publique,
dans notre hypothèse ; art. 432-11, comme pour la corruption passive) a pour but un
trafic de l’influence (et non de la fonction) que la personne exerçant une fonction
publique a ou prétend avoir auprès d’une autorité ou d’une administration publique et
dont elle entend abuser moyennant dons, promesses (…) en vue d’obtenir un
avantage ou une faveur non pas à son propre profit mais au profit du remettant des
dons, promesses, etc.

Ce trafic d’influence peut concerner une influence réelle ou supposée : celle


que l’on croit avoir, ou même celle que l’on prétend avoir auprès d’autres
fonctionnaires d’autres administrations publiques. On n’est pas loin, ici, de
l’escroquerie. Quant à la contrepartie promise, elle consiste à obtenir pour le
remettant des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision
favorable. Il peut s’agir du classement sans suite d’un PV d’infraction, de la
délivrance d’un permis de construire, de l’obtention d’un avancement, d’un
passeport, d’une naturalisation, l’octroi d’une autorisation d’exploiter des jeux ou
l’obtention d’un abandon de poursuites.
Il importe peu que l’acte sollicité soit légitime ou régulier. Peu importe qu’on
obtienne ce qu’on devait obtenir. C'est une sorte de délit obstacle ; c'est le procédé
utilisé pour l’obtenir qu’on incrimine. Cour de cassation, crim. 20/03/1997 : un
particulier qui, croyant à tort avoir commis une infraction à la règlementation des
changes, verse à un représentant de l’administration une somme pour qu’il
intervienne auprès des autorités judiciaires pour obtenir l’arrêt des poursuites.

Quant aux autorités ou administrations publique auprès desquelles l’agent a


ou prétend avoir une influence et en abuser, le texte vise une autorité ou
administration publique. Une autorité peut désigner une personne physique.
Question : cela pouvait-il être réservé aux autorités et administrations françaises ou
cela inclue-t-il l’influence qu’on a ou prétend avoir auprès des autorités étrangères ?
Seule décision : CA Paris 1941 avait répondu par la négative. Un Français était
ancien chef de police à Haïti promettait à des Hongrois contre argent de leur faciliter
l’acquisition de la nationalité haïtienne. La CA de Paris a considéré que ce trafic
d’influence auprès d’autorités étrangères n’entrait pas dans le champ du texte. Mais
référence ancienne, et qui ne provient pas de la Cour de cassation. On peut penser
qu’il y aurait une réponse différente aujourd'hui (ubi lex non distinguit…).

Qu’il s’agisse du trafic d’influence actif ou passif, mêmes peines que pour la
corruption : 10 ans, 150000 euros. Entre personnes privées, sanction moindre : 5
ans, 75000 euros.

Prescription de l’action publique : même solution, qu’il s’agisse du point de


départ (sollicitation ou agrément du côté passif, mais aussi la perception). La Cour
de cassation (15/03/2000) considère là aussi que l’infraction se renouvelle à chaque
acte d’exécution du pacte illicite antérieurement conclu.

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§3. Le délit de prise illégale d’intérêt

Il monte également en puissance, de plus en plus. Il présente deux visages. Il


va atteindre les agents publics en activité (art. 432-12) et puis, depuis 1919, lorsque
des faits voisins sont commis par un ancien fonctionnaire qui n’est plus en activité
(432-13). Le 1er est le délit d’ingérence ; le 2ème est le délit de pantouflage.
Ces deux formes d’incrimination ont un esprit commun : souci de moraliser la
vie publique : faire une cloison étanche entre le pouvoir, les affaires et l’argent. Ici, on
ne veut pas que des personnes exerçant une fonction publique aient des intérêts
dans des entreprises privées ou assignées alors que, dans l’exercice de ses
fonctions publiques ou de ses anciennes fonctions publiques, il a pu avoir ou il a à
administrer, surveiller ou contrôler cette même entreprise privée. On est allé très en
amont dans ce souci. A travers les incriminations, on ne va pas sanctionner le fait
d’avoir mélangé les intérêts ou d’avoir manqué à la probité en prenant en compte
l’intérêt qu’on a dans l’entreprise privée ; on va prendre le processus très en amont
en empêchant qu’il y ait même ce risque, cette tentation. Caricature du délit
obstacle. Au fil de la jurisprudence, il est aujourd'hui acquis qu’il n’est pas
nécessaire que l’agent en ait tiré un profit personnel. On veut éviter la
tentation.la loi va ériger en délit le seul fait de prendre un intérêt ; elle n’exige pas
que derrière, il y ait eu confusion entre les intérêts.

I. La prise illégale d’intérêt par un fonctionnaire ou un agent


public en activité : article 432-12

C'est un délit que l’on qualifie très souvent de délit d’ingérence. Qui est
concerné ? Personnes dépositaires de l’autorité publique (ex : directeur des services
techniques d’une commune, inspecteur des impôts), personnes chargées d’une
mission de service public (président d’une chambre de commerce et de l’industrie
chargée de gérer le service public de gestion d’un corps, directeur général d’un
service d’une agence de développement rural, qui a pour fonction d’attribuer des
subventions au nom des pouvoirs publics). Application souple (14/06/2000) à propos
d’un architecte investi d’une mission de maîtrise d’œuvre par une collectivité : il
devait être compris comme une personne chargée d’une mission de service public.
De même s’agissant d’un mandataire intervenant dans le cadre d’une procédure
collective (26/09/2001) ; il dispose d’un pouvoir de décision au nom de la puissance
publique.
Surtout, son également visées les personnes investies d’un mandat électif
public (maires de communes, leurs adjoints et les élus municipaux ; présidents des
conseils régionaux et généraux). Ex : 27/11/2002 à propos d’un président de conseil
général qui avait ordonnancé les dépenses de communication de son département
au profit d’une société qui avait apporté son soutien financier à deux autres sociétés
dont le président du conseil général était actionnaire et administrateur. Autre
illustration : un maire qui reçoit, en qualité de mandataire d’une société de
construction une rémunération pour son intervention dans la vente à cette société
d’un terrain qui était précédemment frappé d’une servitude au profit de la commune
(1966). Ca peut être aussi le président d’une commission d’appel d’offre qui
intervient dans l’attribution de plusieurs marchés de travaux publics, notamment au
profit de sociétés gérées par ses enfants (2000).

Ce que la loi incrimine à l’égard de ces agents concernés, c'est le fait de


prendre, recevoir ou conserver un intérêt quelconque. Cela peut se faire directement
ou indirectement. La formule est large. Le terme de « conserver » a été ajouté

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ultérieurement. Or cet ajout n’est pas indifférent ; impact en termes de qualification,
notamment au regard de la prescription. Le délit devient un délit continu. Telle est la
condition, étant relevé que cette condition est nécessaire mais suffisante ; il n’est pas
nécessaire qu’il en soit résulté un gain ou un avantage patrimonial pour l’agent. C'est
une position qui éclaire ce délit : on remonte très en amont. Position confirmée
récemment par la Cour de cassation, crim. 9/02/2005. il n’est pas nécessaire que
l’agent en ait retiré un avantage personnel ou matériel ; il suffit qu’il en ait retiré un
intérêt simplement moral (en l’espèce, avantage concédé à une entreprise gérée par
les enfants de l’agent public). Ce qui est incriminé, c'est le fait de prendre un intérêt
quelconque dans une entreprise ou une opération dont l’agent public a, au moment
de l’acte, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le
paiement. Ex : un élu municipal qui participe aux délibérations du conseil lorsqu’elles
portent sur une affaire, une entreprise ou un marché dans lequel il a un intérêt
(24/10/2001). Ca montre que la jurisprudence fait entrer dans la notion de
surveillance la participation à l’élaboration d’un projet soumis à l’approbation d’un
organe. De même la formulation de propositions adressée à une autorité chargé de
prendre des décisions.
C'est un délit intentionnel. Longtemps, on a exigé un dol spécial en plus du dol
général, qui aurait été la recherche d’un profit illicite. Mais on se contente aujourd'hui
d’un dol général.

Les personnes les plus concernées sont les personnes investies d’un mandat
électif public qui vont être exposées à ce genre de délit et ça peut poser un problème
de fonctionnement des institutions publiques, notamment pour les petites collectivités
territoriales. Ce délit peut paralyser le fonctionnement de certaines de nos institutions
(ex : chambres de commerce et de l’industrie). Il y a donc des exonérations légales :
le législateur a exclu de ce délit certaines situations qui ont pour but de permettre de
conclure certains contrats entre une petite commune (3500 habitants ou moins) et
ses élus, concernant le transfert de biens mobilier ou immobiliers ou la fourniture de
services dans la limite d’un plafond de 16000 euros par an (qui doit s’entendre du
montant global du contrat soumis à la délibération du conseil municipal, ce qui
interdit à un élu de sous-traiter, même pour une somme inférieure à ce plafond). Ces
mêmes élus peuvent acquérir une parcelle ou un lotissement communal pour y
construire leur habitation personnelle ou y conclure leurs baux d’habitation. Ces
opérations doivent être autorisées par délibération spéciale et motivée du conseil
municipal après estimation des biens par le service des domaines.
29/06/2005 : le maire d’une commune a été condamné. Il avait attribué à son beau-
frère un contrat de maîtrise d’œuvre d’un montant de 70000 francs payables en 5
échéances et dont il avait assuré lui-même le paiement pour le compte de la
commune.

Répression : 5 ans, 75000 euros. Peines complémentaires. Tentative non


réprimée. Prescription de l’action publique : c'est un délit instantané lorsqu’il s’agit
d’avoir pris ou reçu et un délit continu lorsqu’il s’agit d’avoir conservé. On retrouve
des jurisprudences connues lorsqu’il y aura des actes administratifs successifs : la
prescription ne commencera à courir qu’à compter de l’accomplissement du dernier
de ces actes. Solution réaffirmée le 29/06/2005. Payable en 5 échéances. Action non
prescrite.

Action civile : la prise illégale d’intérêt est un délit qui porte atteinte à l’intérêt
de la commune, qui est la seule victime directe. Le maire peut se constituer partie
civile au nom de la commune (autorisation du conseil municipal). La jurisprudence

8
3
refuse au contribuable le droit de se constituer partie civile, et elle le refuse aussi aux
conseillers municipaux.
Tempéraments : Code général des collectivités territoriales (art. S 2132-5). Un
contribuable peut exercer l’action en cas de passivité ou de refus de sa commune,
mais pour cela, il faut qu’il obtienne préalablement l’autorisation du tribunal
administratif.

II. La prise illégale d’intérêt par un ancien agent public

Le délit 432-13 connu sous le nom de délit de pantouflage. L’idée est la


même. La crainte est que, parce qu’il sait qu’il va passer dans une entreprise privée,
il se montre moins rigoureux dans l’exercice de sa fonction publique, voire même
que, ayant cessé ses fonctions et ayant pris une participation dans une entreprise
privée, il fasse jouer son réseau auprès de ses anciens collègues de la fonction
publique. Ces délits sont aussi des délits obstacles.
Le CE (assemblée plénière) a donné toute sa portée à la disposition pénale : 6
décembre 1996. Arrêt Beaufret : annulation d’un décret nommant haut-fonctionnaire
de la direction du Trésor un fonctionnaire qui a été nommé sous-gouverneur du
Crédit foncier de France par le chef de l’Etat lui-même. L’initiative ne venait pas du
fonctionnaire lui-même. Mais le texte s’impose également aux plus hautes autorités.
2 ans, 30000 euros. Mêmes peines complémentaires que pour 432-12.
Qui est concerné ? Du côté de l’agent concerné, c'est une personne ayant été
chargée, en tant que fonctionnaire public ou agent ou préposé d’une administration
publique, à raison même de sa fonction, soit d’assurer la surveillance ou le contrôle
d’entreprises privées, soit de conclure des contrats de toute nature avec une
entreprise privée, soit d’exprimer son avis sur une opération effectuée par une
entreprise privée. Du côté des agents publics, leur sont assimilés les agents des
établissements publics de la Poste et des télécommunications, et les agents des
établissements publics des entreprises nationalisées et des SEM dans lesquelles
l’Etat ou les collectivités publiques détiennent directement ou indirectement plus de
50% du capital.
Du côté de l’entreprise privée, est assimilée à une entreprise privée une
entreprise qui possèderait au moins 30% de capital commun avec cette entreprise
privée ou encore qui aurait conclu un contrat comportant une exclusivité de fait ou de
droit avec cette entreprise privée. Est également assimilé à une entreprise privée
toute entreprise publique exerçant son activité dans un secteur concurrentiel et
conformément au droit privé.
Ici, on parlera plutôt de prise de participation. Ce qui consommera le délit,
c'est que cette entreprise privée ou assimilée va prendre ou recevoir une
participation par travail, conseil ou capitaux. C'est donc une collaboration qui peut se
prolonger un certain temps, étant entendu que si le texte vise prendre ou recevoir
une participation, si cette participation s’étale dans le temps, ça confère au délit le
caractère d’un délit continu. Conséquences en termes de point de départ du délai de
prescription.
Ex : Cour de cassation 1984 : un ancien inspecteur des impôts chargé du
contrôle des compagnies d’assurance, après avoir quitté son administration, a conclu
un contrat de formation avec un certain nombre de compagnies d’assurance, ce qui
a débouché sur une collaboration s’étalant dans le temps.

Délai pendant lequel la prise de participation est interdite : 5 ans à compter de


la cessation de ses fonctions d’agent public.

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4
Exception : cette infraction n’est pas constituée en cas de participation au
capital d’une société cotée en bourse ou lorsque les capitaux sont reçus par
dévolution successorale.

§4. L’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les


marchés publics

Art. 432-14, également très connu sous l’appellation du délit de favoritisme ou


délit d’octroi d’avantages injustifiés. Pour connaître ce délit, il faut connaître la
règlementation des marchés publics. Il se situe en aval d’une règlementation très
fluctuante. Il est incriminé depuis la loi du 3 janvier 1991 relative à la transparence et
à la régularité des procédures de marché public. Modifiée par une loi du 29 janvier
1993 relative à la prévention de la corruption (transparence de la vie économique)
puis la loi du 8 février 1995 relative à la délégation de service public.
Personnes concernées : dépositaires de l’autorité publique. Ne sont pas
concernés les agents ou représentants de l’Etat qui exercent un contrôle a posteriori
sur le marché. La loi vise également les personnes chargées (…) et les personnes
munies (…). La liste est plus large : sont également concernées certaines personnes
exerçant certaines fonctions spécifiques : représentants, administrateurs ou agents
de l’Etat, mais aussi des établissements publics et de certaines SEM.
Cour de cassation 20/04/2005 : secrétaire général d’une commune, à propos
d’un marché public quant à l’aménagement du stade de football de la ville de Lens
pour la coupe du monde de football de 1998. Le maire de la ville voulait confier les
travaux au maître d’œuvre qui avait déjà réalisé certains travaux d’aménagement du
stade pour le championnat d’Europe des nations en 1984. Travaux présentés comme
de simples réhabilitations qui avaient été proposés par une note rédigée par le
secrétaire général de la commune. Par la suite, on s’est rendu compte que les
travaux nécessaires et les travaux effectués ne pouvaient pas relever de la simple
qualification de réhabilitation. Secrétaire général poursuivi. Défense : il ne figure pas
parmi les personnes visées par le texte (ni dépositaire ni chargé ni investi ni agent
représentant la ville). La Cour de cassation écarte l’argument ; le secrétaire général
de la commune a agi en tant que représentant de la collectivité territoriale. Elle
applique la même conception extensive : peu importe que l’agent n’ai fait que
préparer une note en vue d’une décision prise par d’autres. Il a participé à la
procédure d’attribution par la préparation ou la proposition de la décision.
Ce qui est incriminé, c'est le fait de procurer ou tenter de procurer à autrui un
avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou
règlementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des
candidats dans les marchés publics et les délégations de service public. C'est l’octroi
d’un avantage injustifié qui est incriminé. Cela peut consister dans l’octroi même d’un
marché public (le texte vise autrui, donc ça peut dépasser le bénéficiaire même du
marché ; ex : parti politique qui recevrait une somme d’argent par l’attributaire du
marché) mais aussi dans la fourniture d’informations privilégiées (sur la consistance
ou le coût d’une opération projetée ; indications sur le nombre et la qualité des
concurrents). L’avantage en question peut ne pas être un avantage pécuniaire. Il
peut s’agir d’un renseignement ou d’une information qui va fausser l’égalité entre les
candidats.
« Par la méconnaissance d’un texte garantissant la liberté d’accès et l’égalité
des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public ». Le
texte ne fait référence à aucune loi particulière. C'est l’ensemble du code des
marchés publics qui va servir de référence. Ce sont des atteintes à la concurrence,
imposées à partir d’un certain seuil. Ces atteintes peuvent provenir notamment du

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non-respect du seuil à partir duquel l’Etat ou les collectivités publiques doivent
procéder par voie d’un marché. Ce qui condamne par exemple les pratiques de
fractionnement ou saucissonnage.

C'est un délit intentionnel. On relèvera simplement que la Cour de cassation


se montre très souple quant à l’exigence de cet élément. Elle peut notamment le
déduire de la réitération des irrégularités (24/10/2001). On n’est pas loin d’une sorte
de présomption, notamment dans l’hypothèse où les prévenus font valoir leur
ignorance des règles applicables et se prévalent de fait justificatif de l’erreur de droit ;
les juges rejettent quasi systématiquement cette argumentation. Arrêt de référence :
Cour de cassation 15/09/1999 à propos d’un maire qui prétendait ignorer la
procédure d’appel d’offre. La Cour de cassation relève qu’il était maire depuis
plusieurs années après avoir été conseiller municipal.
Répression : 2 ans, 30000 euros. Toute une série de peines complémentaires.
La tentative est expressément incriminée. Notamment, par exemple, lorsqu’un
marché a ensuite été annulé par l’intervention a posteriori du préfet. Pour le moment,
ne sont pas visées les personnes morales. Les complicités sont largement
envisageables ; toutes les personnes intervenues en pleine connaissance de cause
avant la signature de la convention ou de l’acte méconnaissant les dispositions du
Code des marchés publics. En revanche, ce n’est pas le cas d’un comptable public
qui paierait l’attributaire d’un marché obtenu régulièrement (car il intervient
postérieurement à la consommation du délit).
Prescription : le point de départ est le jour de la signature de la convention ou
de l’acte conclu en violation du Code des marchés publics. C'est une infraction
instantanée. Là aussi, énorme travail jurisprudentiel : lorsque les actes irréguliers ont
été dissimulés, alors le point de départ du délai de prescription est reporté au jour
où l’infraction est apparue et a pu être découverte dans des conditions permettant
l’exercice de l’action publique (formule de l’abus de confiance). Mais cette solution
dérogatoire ne joue que dans l’hypothèse où il y a eu dissimulation. Ce n’est pas un
délit continu ; il ne dure pas tant que dure le bénéfice du marché.

Chapitre 2 : Le droit pénal des sociétés commerciales

Section 1 : Présentation générale du droit pénal des sociétés


commerciales

§1. Les mouvements de la matière

Les sociétés commerciales sont un terrain fertile pour la délinquance.


L’arsenal répressif s’est construit progressivement. 1ère étape : loi du 17/07/1856 : on
créa des délits, notamment le délit d’émission ou de négociations illicites d’actions.
Entre autres, le délit de distribution de dividendes fictifs.
2ème étape : loi du 24/07/1867 : création des sociétés anonymes. Nouvelles
incriminations. Entre autres, les délits concernant les votes frauduleux ou abusifs
dans les assemblées générales ordinaires (AGO) ; sanction pénale des règles
relatives à l’indication sur les documents sociaux de la forme et du capital de la
société. Cette loi marque donc la pénalisation du droit des sociétés commerciales.
Se constitue un véritable embryon de Code pénal des sociétés commerciales.
Défilé de petites lois, notam. mars 1919 : délits relatifs à l’immatriculation au
RCS ; nov. 1993 : délits relatifs au droit de vote dans las AGO.

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7/03/1925 : apparaît, importée d’Allemagne, la SARL. Toute une série
d’incriminations : fausse déclaration quant à la répartition des parts sociales,
transposition à la SARL de certains délits déjà retenus pour la SA (distribution de
dividendes fictifs).
Décret-loi du 8/08/1935 : suite à quelques scandales retentissants, création du
délit d’abus de biens sociaux. Délit de présentation, publication de faux bilan. Délits
en matière de droits préférentiels de souscription. De même, tout ce qui a trait à la
profession de commissaire aux comptes.
31/08/1937 : majoration frauduleuse des apports en nature, pour les SA.
Multiplication des délits concernant les commissaires aux comptes : information
mensongère, non révélation de faits délictueux et violation du secret professionnel.
Loi du 24/07/1966 : grande loi sur les sociétés commerciales qui va regrouper
les dispositions répressives jusqu’alors réparties selon le type de sociétés. C'est un
titre entier de la loi nouvelle qui est consacré aux dispositions pénales (art. 423 à
489). Consécration d’un droit pénal des sociétés commerciales. Mini Code pénal des
sociétés commerciales. On crée également de nouveaux délits, notamment en
matière de liquidation des sociétés. 9 articles relatifs aux SARL, 37 aux sociétés
anonymes.
Décret du 23/07/1967 qui contenait de nombreuses incriminations
contraventionnelles.

C'est à partir de 1966 que l’on a commencé à s’interroger sur le bien-fondé de


cet arsenal répressif. Est-ce la meilleure sanction ? Convenait-il de maintenir un tel
arsenal répressif ? On a très vite relevé qu’on avait un nombre important
d’incriminations. Or à l’arrivée, nombre très faible de condamnations : 500 à 600
condamnations par an sur la base de ces textes, dont les ¾ ont trait au seul délit
d’abus de biens sociaux. On s’est donc demandé si on ne devait pas alléger cet
arsenal répressif et s’il n’y avait pas certaines incriminations inutiles ou obsolètes. Loi
de 1966 abrogée par le Code de commerce en 2000. Ainsi s’est amorcé le
mouvement de dépénalisation du droit des sociétés. On a constaté que plus d’une
centaine d’incriminations n’ont jamais été mises en œuvre.
Loi NRE du 15/05/2001 qui a supprimé une quinzaine d’incriminations.
Certains comportements ont cessé de donner lieu à des sanctions, mais d’autres ont
été soumis à d’autres sanctions, civiles (ex : nullité des délibérations) ou à une
procédure d’injonction de faire, qui va permettre aux personnes intéressées
(notamment en cas de non communication de documents) de demander au président
du tribunal de commerce statuant en référé soit d’enjoindre sous astreinte au
dirigeant de communiquer ces documents, soit de désigner un mandataire chargé de
procéder à cette communication. Art. L 238-1 du Code de commerce.
Mouvement relayé en 2003 : lois du 1er août 2003 pour l’initiative économique.
Abrogation de 3 infractions : une infraction concernant la SARL (art. 241-1 du Code
de commerce, quant à la constitution des SARL). Suppression du fait de faire dans
l’acte de société une fausse déclaration concernant la répartition des parts sociales
entre associés.
NB : L’abrogation d’un tel délit ne signifie par pour autant un vide répressif car reste
l’éventualité d’un délit de droit commun (ici, délit de faux ; article 441-1). Jusqu’alors,
la peine était de 6 mois dans l’article 241-1. S’agissant du faux, la peine
d’emprisonnement est de 3 ans.
Abrogation d’une infraction concernant les SAS. S’agissant des SAS,
prédomine le principe de liberté contractuelle. Mais la loi a réservé certaines
décisions importantes à la compétence de la collectivité des associés. Ce qui signifie
que le président ou le dirigeant d’une SAS doit consulter les associés sur certaines

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7
questions à peine de sanctions pénales (6 mois, 7500 euros). C'était l’article 254-2
du Code de commerce. La loi du 1er août 2003 a supprimé certaines hypothèses où
ce défaut de consultation est pénalement sanctionné : ce n’est plus un délit pénal
lorsqu’il concerne la nomination des commissaires aux comptes, l’approbation des
comptes annuels et la répartition des bénéfices. Dans cette hypothèse, le relais est
pris par la sanction civile. Les décisions prises en violation de cette obligation de
consultation encourent la nullité ; art. L227-9, alinéas 2 et 4 du Code de commerce. Il
reste certaines hypothèses où le défaut de consultation est toujours pénalement
répréhensible : s’agissant du capital social (augmentation, réduction, amortissement)
ou s’agissant des décisions relatives aux évolutions de la société (fusion, scission,
dissolution, transformation).
Abrogation d’une infraction concernant diverses formes sociales ; elles
concernent à la fois la SARL, les SAS, mais aussi les SA, la SCA. Fait pour le
dirigeant de ne pas mentionner sur les documents sociaux (notamment destinés aux
tiers) la dénomination sociale, la forme sociale, le montant du capital social
(mentions obligatoires). Substitution : le ministère public ou tout intéressé peut agir
en référé aux fins d’injonction, sous astreinte, de faire porter ces mentions sur les
documents et actes émanant de la société (art. 238-3).

Même jour : 1er août 2003, loi de sécurité financière. Une dizaine d’infractions
est supprimée. Ce sont notamment les infractions relatives aux assemblées
d’actionnaires. Par exemple : défaut des feuilles de présence aux assemblées
(sanction civile : nullité des délibérations). Abrogation de deux délits relatifs à
l’exercice du droit de vote, notamment la participation au vote en se présentant
faussement actionnaire (délit de droit commun : escroquerie). Ce ne sont que des
exemples. On a également supprimé les infractions relatives aux droits des titulaires
d’actions ou d’obligations en cas d’augmentation de capital. Cela concerne les
sociétés par actions (SA, SCA, SAS). Notamment fait de porter atteinte au droit
préférentiel de souscription des actions. A la place de ces délits, la loi met en place
des nouveaux cas de nullité : article L 225-149-3 → sont nulles les décisions prises
en violation de cette règlementation. Ça veut donc dire que la décision
d’augmentation de capital va être nulle. Or auparavant, une telle décision n’encourait
la nullité que dans 4 cas particuliers. Aujourd'hui, c'est l’ensemble des dispositions
dont le manquement expose à la nullité. Elargissement des hypothèses de nullité. Or
la nullité d’une décision d’augmentation de capital est très lourde de conséquences
(opération complexe et coûteuse). Donc l’abrogation de la sanction pénale n’entraîne
pas l’absence de toute sanction. L’insécurité juridique attachée au risque d’une telle
nullité va subsister pendant 3 ans car l’action doit être exercée dans les 3 ans à
compter du jour où la nullité est encourue.

Ordonnance du 25/03/2004 portant simplification du droit. 3 infractions


relatives à l’établissement de procès verbaux ont supprimées au modifiées. Ainsi est
supprimé le fait pour le président ou l’administrateur président de séance de ne pas
constater les délibérations du conseil d’administration (≠ assemblées) d’une SA par
des procès verbaux formant un registre spécial tenu au siège de la société (SA,
SCA). Délit supprimé. A la place : sanction civile de nullité des délibérations. Mais en
plus, offre d’une procédure d’injonction de faire sous astreinte (art. L238-4 nouveau).
Attention, l’action est limitée dans le temps ; elle ne peut être exercée que jusqu’à
l’approbation du procès verbal de la 2ème réunion de l’organe qui suit celle dont les
délibérations sont susceptibles d’être annulées. Abrogation du délit de défaut de
conservation au siège social des décisions des assemblées d’actionnaires.

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Remplacé par la procédure d’injonction de faire. Ici, ce qui est supprimé, c'est le
défaut de conservation au siège social dans un recueil spécial de ces décisions.
2ème volet de l’ordonnance : sont également supprimées les dispositions
pénales relatives au défaut de communication des documents en vue de la tenu des
assemblées d’actionnaires. Une injonction de faire est substituée.

La dernière étape en date : ordonnance du 24/06/2004 portant réforme du


régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales. Pour ce qui
nous concerne, disparaît le délit de participation à la négociation illicite de promesse
d’actions. Autres délits supprimés : délits concernant les actions à dividende
prioritaire au-delà du pourcentage légal.

§2. Les caractéristiques principales de la matière

Quelques traits dominants : on sort du Code pénal. On est dans le Code de


commerce. Il en est ainsi y compris du délit d’abus de biens sociaux. L’existence de
textes spécifiques ne doit pas masquer le fait que les qualifications de droit commun
ont vocation à prendre le relais quand les conditions d’application de l’incrimination
spécifique ne sont pas toutes remplies. Notamment, les des sociétés civiles vont
relever des incriminations de droit commun. De même, il existe des législations
propres à certaines formes de sociétés (notam. pour les SCI, les sociétés faisant
appel public à l’épargne). La défunte loi de 1966 n’avait pas pris parti sur la question
de la responsabilité pénale des personnes morales. Principe de spécialité. Donc si la
loi ne dit rien, il n’y a pas de responsabilité pénale des personnes morales. On ne
pouvait pas poursuivre une société à raison de la responsabilité pénale des
personnes morales des sociétés commerciales. C'était un faux débat. C'est un débat
qui appartiendra bientôt au passé, avec le principe de généralité.
Quant aux personnes susceptibles d’être poursuivies au titre des infractions
du droit pénal des sociétés commerciales, on a un aspect restrictif et un aspect
extensif. Aspect restrictif : la plus souvent, le texte incriminateur vise une personne
d’une qualité particulière. Enumération des personnes à raison de leur qualité
particulière (présidents, directeurs généraux, directeurs généraux délégués,
administrateurs). Seules ces personnes étant visées, seules ces personnes peuvent
être poursuivies de ce chef. Aspect extensif : concerne le dirigeant de fait. Possibilité
d’aller chercher celui qui s’immisce dans la gestion courante de la société.
Quant à l’imputation de l’infraction, s’agissant des délits intentionnels, il faudra
vérifier expressément l’existence d’une intention coupable. Et cela en la personne
d’un des auteurs susceptibles d’être poursuivis (personne ayant la qualité visée par
le texte incriminateur). La personne qui aura participé à la commission d’une telle
infraction sans avoir la qualité requise pourra être poursuivie comme complice.
S’agissant des infractions non intentionnelles : en droit pénal des sociétés
commerciales, on a de très nombreux délits matériels, qui ne requièrent pas la
preuve d’une faute quelconque, ni intentionnelle, ni d’imprudence (délits matériels
établis par la seule constatation du dommage). Question : qui va être responsable ?
Va-t-on déboucher sur la responsabilité collective de tous les administrateurs ou va-t-
on mettre en exergue le dirigeant principal ? C'est la seconde option qui est retenue
en jurisprudence : celui qui exerce la juridiction quotidienne au rang le plus élevé
(crim., 1983). Dans cette hypothèse, une délégation de pouvoir est concevable, mais
encore faut-il que la délégation de pouvoir soit faite au profit d’une personne ayant la
qualité visée par le texte incriminateur puisque seule une telle personne peut
commettre ce délit. Donc on ne peut pas faire la délégation de pouvoir à une

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personne non visée. Ex : ne peut être délégué à un préposé, le plus souvent. Mais
par exemple, l’art. L263-2 du Code du travail vise les préposés (non respect des
règles en matière d’hygiène et de sécurité), donc on peut lui déléguer le pouvoir.

Le plus souvent, ces délits vont relever de la compétence des juridictions


spécialisées (art. 704 et 705 CPP).
Quant à l’exercice de l’action civile, une infraction va porter atteinte à la
société (entité juridique autonome, personne morale distincte de celle de ses
membres) et au patrimoine des associés. On a des préjudices multiples susceptibles
de résulter de ce genre de comportements. Il faudra bien distinguer deux types
d’actions : l’action sociale et l’action individuelle. L’action sociale va être exercée au
nom et pour le compte de la société. Normalement, c'est le dirigeant social qui
exerce les actions au nom et pour le compte de la société. Dans cette hypothèse, on
est dans l’action sociale exercée ut universi, par le dirigeant, au nom et pour le
compte de la société. Mais si le dirigeant reste passif, on admet qu’un actionnaire
isolément ou plusieurs agissant collectivement prennent le relais face à cette
passivité. Mais il s’agit toujours d’exercer l’action sociale, au nom et pour le compte
de la société. C'est alors l’action sociale ut singuli. A côté de l’action sociale, il y a
l’action individuelle. Différence énorme : action exercée par un associé agissant en
son nom et pour son compte. Il agit en réparation de son préjudice personnel, lequel
doit être, et à lui d’en justifier, distinct du préjudice subi par la société en tant
qu’entité juridique autonome. Dès que l’on va avoir une infraction au droit pénal des
sociétés commerciales, la question va être de savoir quelles sont les actions
recevables. L’action civile exercée devant les juridictions civiles ne pose pas de
problème. Problème : l’action civile exercée devant les juridictions répressives, qui
est une hypothèse exceptionnelle, dérogatoire (art. 2 alinéa 2 CPP) : il faut justifier
d’un préjudice personnel directement causé par l’infraction.

Quant aux éléments constitutifs de l’infraction : s’agissant de l’élément


matériel, on peut relever qu’il y a de très nombreux délits d’abstention (mais
beaucoup de dépénalisation sur ces délits aussi) ; une place originale est faite à des
délits d’abstention. Quant à l’élément moral, de nombreux délits étaient des délits
matériels (délits dits papiers). Impact : la transformation du nouveau Code pénal.
Notamment, la loi d’adaptation (16/12/1992) transforme automatiquement ces délits
matériels en délits d’imprudence. Mais attention, lorsque l’infraction est une infraction
d’abstention, la Cour de cassation, depuis 1994, va considérer ces délits comme des
délits intentionnels avec une particularité : l’intention est présumée de par la qualité
de l’auteur.

Section 2 : Les principales incriminations

§1. Les infractions commises lors de la formation de la société.

Ce fut le terrain privilégié de la dépénalisation, notamment avec la loi NRE.


S’agissant de la SA, on a supprimé l’incrimination de la déclaration mensongère (art.
242-2). Aujourd'hui, reste seulement, propre aux SARL, l’article 241-1 (lui-même
allégé en 2003) : omission, dans l’acte de société, de la déclaration concernant la
répartition des parts sociales entre tous les associés, la libération des parts ou le
dépôt des fonds. Restent finalement aujourd'hui deux délits principaux.

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I. La majoration frauduleuse des apports en nature

Ce délit reste incriminé aussi bien pour les SARL (art. 241-3 1°) que pour les
sociétés anonymes (art. 242-2 4°). L’appellation se suffit à elle-même. Fait de faire
attribuer frauduleusement à un apport en nature une évaluation supérieure à sa
valeur réelle. Sanction : 5 ans, 9000 euros. Existe aussi pour la SAS et la SCA.

La tentative n’est pas incriminée (faire attribuer). Apport en nature : fonds de


commerce, immeuble, invention… Evaluation supérieure à sa valeur réelle : pratique
du mouillage (watering) des apports en nature. Ce fait peut être commis par toute
personne. Qui sera cette personne ? Les apporteurs, les fondateurs, les
administrateurs, les gérants. On retrouvera les commissaires aux apports en tant que
complices. Un arrêt de la Chambre criminelle (22/01/1990) a appliqué le texte
s’agissant de la dissimulation d’une sûreté grevant le fonds de commerce apporté.
En pratique, c'est un délit très complexe à mettre en œuvre. La loi dit « donner
une évaluation supérieure à sa valeur réelle ». Mais elle ne dit pas ce qu’est la valeur
de référence ou même la méthode d’évaluation de référence. Or chacun a sa
méthode d’évaluation ; querelles d’experts. La notion d’évaluation et de surévaluation
est très floue. D’où pour ce délit un recours quasi systématique à des experts et à
des contre-experts. Quelle va être la valeur réelle. Est-ce la valeur
marchande (objective) ? Les textes ne le précisent nullement. Comment savoir qu’il y
a surévaluation coupable ? Tribunal correctionnel de Paris, 16/05/1974, affaire des
frères Willot : il semblerait que le tribunal a retenu une approche un peu plus
subjective, plus souple. Ici, c'était la valeur d’actions apportées. Le tribunal a intégré
dans cette approche la valeur que sont susceptibles de prendre dans le futur les
actions apportées. Donc appréhendées dans une perspective d’avenir.
Survie de l’adverbe « frauduleusement ». Appréciation en fonction des
compétences de la personne poursuivie. Encore une fois, cette dissimulation peut
prendre la forme d’un mensonge, d’une omission, d’une dissimulation.

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1
II. Les délits d’émission et de négociation illicites d’actions

A. Le délit d’émission illicite d’actions

Ce délit va concerner les formes de société susceptibles d’émettre des


actions : les sociétés par actions (SA, SCA, SAS). Ne sont pas concernées les
SARL. Elles ne peuvent émettre des valeurs mobilières. Depuis une ordonnance du
25/03/2004, la SARL peut émettre des obligations nominatives (mais toujours pas
des actions), sous certaines conditions. L’article L241-2 a été modifié en
conséquence : il sanctionne le gérant d’une SARL qui émettrait directement ou par
personne interposée des valeurs mobilières quelconques (6 mois, 9000 euros).
L’article réserve l’hypothèse d’une émission d’obligations nominatives dans les
conditions légales. S’agissant les SARL, c'est l’émission d’actions qui est incriminée
(???).
S’agissant d’une société par actions, qui peuvent émettre des actions, en quoi
va consister le délit ? L’article ne va pas sanctionner l’émission d’actions. Ce qu’elle
va sanctionner, c'est indirectement un manquement aux règles de constitution de la
société qui émet les actions. L’irrégularité n’affecte pas l’émission d’actions. Elle
affecte ou a affecté la constitution de la société qui émet des actions. Ici, le droit
pénal va prendre le relais du droit commercial. Le droit français des sociétés
commerciales n’a pas choisi la voie du contrôle a priori de la régularité de la
constitution de la société. Alors le pénal vient en relais. Alors même qu’elle prend la
forme d’une société capable d’émettre des actions, la société se voit interdire
d’émettre des actions si sa constitution n’est pas conforme. De plus, le droit
commercial français a une conception très restrictive de la nullité d’une société (art.
L235-1) : ne sont visées que les dispositions expresses de la loi ou celles régissant
le droit commun des contrats. La nullité de la société ne peut résulter d’un vice du
consentement ou d’une incapacité que si elle a atteint l’ensemble des fondateurs. La
nullité ne peut résulter de la seule présence d’une clause léonine. Idée : le droit
pénal prend le relais plutôt qu’un contrôle judiciaire, plutôt qu’une nullité trop
largement encourue. On va ériger en délit le fait pour une société irrégulièrement
constitué d’émettre des actions.

L’article L242-1 vise un certain nombre de situations qui font obstacle à


l’émission d’actions : irrégularités relatives à l’immatriculation de la société : émission
faite avant l’immatriculation de la société, immatriculation obtenue par fraude (à toute
époque), ou émission sans que les formalités de constitution de la société aient été
accomplies. Bien entendu, ces formalités seront encore plus lourdes s’agissant de
sociétés faisant appel public à l’épargne. Dans cette hypothèse, une simple peine
d’amende est encourue : 9000 euros. Sont concernés les dirigeants des différentes
formes de sociétés. La sanction est plus sévère : une peine d’emprisonnement d’un
an est encourue en plus de la peine d’amende lorsqu’il s’agit d’une violation des
conditions de libération des actions, si les actions ou coupures d’actions sont émises
sans que les actions de numéraire aient été libérées à la souscription d’¼ au moins
de leur valeur ou sans que les actions d’apports aient été intégralement libérées
avant l’immatriculation. L’article L225-3 al. 2 du Code de commerce exige la
libération d’au moins la moitié de la valeur. On n’a pas transposé dans le texte
répressif.
Ces dispositions spécifiques ne jouent pas en cas d’augmentation de capital ;
il s’agit simplement de la souscription.
L’alinéa 3 punit des mêmes peines le fait pour les personnes visées de
manquer à une règle relative à la libération des actions, c'est-à-dire le fait de ne pas

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maintenir les actions de numéraire en la forme nominative jusqu’à leur entière
libération. Toutes ces peines sont doublées lorsqu’il s’agit de sociétés faisant appel
public à l’épargne.

Pour le reste, s’agissant des éléments constitutif, on relèvera simplement que


le terme d’émission a perdu l’acception matérielle qui était la sienne jusqu’en 1981
(loi opérant dématérialisation des titres). L’émission doit donc désormais s’entendre
de l’attribution définitive des actions telle que résultant de la prise de possession des
fonds déposés et de l’inscription en compte au nom du propriétaire sur les livres de
l’intermédiaire ayant réalisé l’opération. C'est un délit intentionnel (principe général
de l’article L121-3). Ce n’est pas un simple délit d’imprudence. Mais la Cour de
cassation se montre très souple sur cette intention coupable et elle sera le plus
souvent déduite de la qualité du prévenu.

B. Les délits relatifs à la négociation des actions

Articles 242-3 et 242-4. L’article 242-3 va sanctionner le fait de négocier des


actions de numéraire qui ne sont pas restées sous une forme nominative jusqu’à
leur entière libération (on sanctionne ceux qui vont négocier de telles actions, et non
plus la société qui émet). De même pour la négociation d’actions de numéraire non
libérées de leur valeur du quart au moment de la souscription. 1 an, 9000 euros.
Sont concernés les fondateurs et les dirigeants.
Même sanction (art. 242-4) pour le fait, pour toute personne, d’avoir établi ou
publié la valeur des actions visées à l’article précédent.

§2. Les infractions commises dans le fonctionnement de la société

I. La participation à la gestion

On raisonne ici en termes de sociétés. Il faut que les associés (SARL), les
actionnaires (sociétés par actions) soient informés de ce qui se passe dans la
société. Du côté des dirigeants, on va avoir de nombreuses obligations de
communiquer, de convoquer ; obligations de faire posées par le droit des sociétés
commerciales. Ce sont donc des obligations de faire. Du point de vue du droit pénal,
on va sanctionner des abstentions. On va être sur le terrain privilégié de la
dépénalisation.
Que nous reste-t-il aujourd'hui sur ces délits ? Article 242-10 : on va dérouler
le fil de la vie démocratique. C'est tout d’abord la réunion de l’assemblée. Il faut
convoquer les associés aux assemblées, notamment à l’assemblé générale annuelle
portant approbation des comptes. Elle doit se tenir dans les 6 mois de la clôture de
l’exercice, sauf prolongation du délai par décision de justice. On va tout simplement
sanctionner le fait pour les dirigeants de ne pas réunir dans les délais légaux cette
AGO d’approbation des comptes. C'est un délit qui subsiste : art. 242-10 (SA), art.
241-5 (SARL). Mais le délit n’existe pas pour la SAS.
Peine encourue : 6 mois, 9000 euros. La Cour de cassation se montre très
sévère. 1995 : le dirigeant avait obtenu le report du délai. Il a obtenu le report mais il
avait fait cette demande après les mois. Il a été condamné. Arrêt remarqué du
21/06/2000 qui a condamné de ce chef l’administrateur judiciaire. Confusion ici de
l’entreprise et de la société qui exploite. L’administrateur judiciaire gère l’entreprise
mais ne se substitue pas aux organes sociaux.

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Même peine pour le gérant d’une SARL. L’art. 242-10 vise également le fait de
ne pas soumettre à l’approbation de l’assemblée les comptes annuels et le rapport
de gestion.

L’assemblée doit donc se tenir. Encore faut-il que les associés soient
convoqués. Quant à la convocation aux assemblées, le manquement aux règles en
la matière ne donne plus lieu à sanction pénale (abrogation de l’article 242-11) par la
loi du 1er août 2003 sur la sécurité financière (substitution de la procédure d’injonction
de faire sous astreinte).
Il ne subsiste plus qu’une hypothèse : article 242-29. 6 mois, 4500 euros. Ne
pas convoquer une assemblée particulière lorsque les capitaux propres de la société,
du fait des pertes constatées dans les documents comptables, deviennent inférieurs
à la moitié du capital social. Dans cette hypothèse, le dirigeant doit, dans les 4 mois
qui suivent l’approbation des comptes ayant fait apparaître ces pertes, convoquer
l’assemblée pour décider s’il y a lieu à dissolution de la société ou pas.

Il ne suffit pas de convoquer. Il faut informer, pour que les associés y


participent en connaissance de cause. Il faut leur communiquer les informations
nécessaires à un vote éclairé. Droit d’information des associés. Il y a un accès
permanent et un accès renforcé dans les 15 jours avant la tenue des assemblées.
Sanction abrogée en cas de manquement (loi NRE). S’agissant de la communication
d’information, substitution de la procédure d’injonction.

Il faut encore que chacun participe effectivement à l’assemblée. On protège


l’accès à l’assemblée et la régularité de sa tenue. Art. 242-9. Les sanctions pénales
ont disparu (loi de sécurité financière). Reste une seule hypothèse d’incrimination :
art. 242-9 3° → atteinte à la liberté d’exercice du droit de vote. Fait de se faire
accorder (idée de corruption), garantir ou promettre des avantages pour voter dans
un sens ou ne pas participer au vote. Fait de consentir ces avantages incriminés
aussi. 2 ans, 9000 euros. Le fait de ne pas tenir une feuille de présence n’est plus un
délit pénal mais la sanction de remplacement est sévère : nullité des délibérations
prises. L’article L235-2-1 qui vise cette nullité vise la nullité des délibérations prises
en violation des dispositions régissant le droit de vote. Est-ce que la non-tenue d’une
feuille de présence a trait aux dispositions régissant le droit de vote ?
Quant à l’établissement d’un procès verbal, n’est plus incriminé (depuis
l’ordonnance de mars 2004) le fait de ne pas conserver au siège social un recueil
spécial des procès verbaux des délibérations d’assemblées. Mais c'est seulement ce
qui est supprimé. Reste sanctionné (3750 euros) le fait pour le président ou
l’administrateur de ne pas procéder à la constatation des décisions de l’assemblée
par un procès verbal signé par les membres. Donc reste incriminé le défaut
d’établissement d’un procès verbal.
Enfin, il faut s’assurer que l’exercice du droit de vote soit conforme aux règles
y présidant. Il n’y a plus de sanctions pénales. Sanction civile de nullité des
délibérations lorsqu’il n’y a pas eu respect des dispositions régissant le droit de vote
attaché aux actions.

II. Le contrôle de la gestion

Personnage clé dans ce contrôle de la gestion : le commissaire aux comptes,


qui est chargé du contrôle de la SA (article 225-218 et suivants). Depuis la loi NRE,
on a regroupé les dispositions relatives aux commissaires aux comptes dans les
articles L820-1 et suivants du Code de commerce. Le commissaire aux comptes est

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chargé de contrôler la comptabilité de la société et son bon fonctionnement. Il peut
s’agir d’une personne physique ou d’une personne morale. C'est une profession à
part, un véritable marché. Ce n’est pas une profession facile. Le commissaire aux
comptes contrôle les comptes de la société, il est payé par elle. Contrôler les
comptes de celui qui le paye, ce n’est pas évident. Il doit approuver les comptes avec
ou sans réserve, ou même les refuser. Situation très délicate. Profession dont
l’exercice est strictement règlementé, avec toute une série d’interdictions et
d’incompatibilités. Tout manquement à ces incompatibilités ou interdictions légales
expose à des sanctions légales : 6 mois, 7500 euros.

A. Le commissaire aux comptes victime de l’infraction

Que peut-on craindre pour lui ? Qu’on l’empêche d’exercer sa mission. C'est
l’obstacle à l’exercice de la mission qui est sanctionné par l’article L820-4 :
sanctionne le fait pour tout dirigeant d’une personne morale tenue d’avoir un
commissaire aux comptes de ne pas en provoquer sa désignation ou de ne pas le
convoquer à l’assemblée générale. 2 ans, 30000 euros. Sanctionne aussi (2ème
forme) le fait de faire obstacle aux vérifications ou contrôles ou encore leur refuser la
communication sur place de toutes les pièces utiles à l’exercice de leur mission. 5
ans, 75000 euros.

B. Le commissaire aux comptes auteur de l’infraction

Que peut-on craindre de lui ? Qu’il donne des informations mensongères sur
la situation de la société (art. 820-7). 5 ans, 75000 euros.sa mission étant de certifier
que les comptes annuels sont réguliers, sincères et donnent une image fidèle des
résultats des opérations de l’exercice écoulé. Ce qui peut se passer : au cours de sa
mission, le commissaire aux comptes peut découvrir des faits délictueux. 1er aspect :
en principe, il est tenu au secret professionnel pour les faits et actes dont il peut avoir
connaissance à raison de ses fonctions (art. 822-15). Mais 2ème aspect : il est aussi
un relais des autorités publiques dans le souci de moralisation et de poursuite des
faits délictueux. La loi fait obligation au commissaire aux comptes de révéler au
procureur de la république les faits délictueux dont il a connaissance dans l’exercice
de sa fonction (art. 820-7). La fameuse obligation de révélation des faits délictueux
dont il a connaissance. Par exception, en le faisant, il ne s’expose pas à des
poursuites pour violation du secret professionnel. Cette obligation est mise à la
charge du commissaire aux comptes. Enorme éclairage sur son statut hybride. En ne
dénonçant pas, il commet un délit de non-révélation. 5 ans, 75000 euros. L’obligation
ne porte que sur les faits délictueux. Le commissaire ne doit pas se tromper : il ne
doit révéler que des faits susceptibles de qualification pénale, sous peine d’être
poursuivi pour violation du secret professionnel.

C. L’exercice de la gestion par les dirigeants

Le délit d’abus de biens sociaux est un délit voisin de l’abus de confiance. Il


en est assez proche dans le concept. On retrouve à la base du contrat de société
l’affectio societatis : volonté d’œuvrer dans le même sens et de partager les
bénéfices. Le dirigeant va être investi d’un mandat : le mandat social. La passerelle
est ainsi faite avec le délit de droit commun (abus de confiance). Dans l’abus de
confiance, on se préoccupait des détenteurs précaires (y compris choses remises en
vertu d’un mandat social). Ceci dit, pourquoi cette incrimination spécifique et

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pourquoi pas se contenter de l’incrimination de droit commun ? On s’est rendu
compte que les conditions d’application de l’abus de confiance n’étaient pas
forcément toujours remplies ; limites d’application de l’abus de confiance au
comportement délictueux du mandataire social. L’abus de confiance visait les actes
de détournement et de dissipation (à l’époque). Or le comportement délictueux d’un
mandataire social pouvait prendre la forme d’une abstention ; l’abus de confiance
supposait un acte positif. Bien plus, les actes indélicats pouvaient prendre d’autres
formes que des détournements ou des dissipations. D’où la nécessité de créer une
incrimination spécifique. Le délit d’abus de biens sociaux fut créé par le décret-loi du
8 août 1935, à la suite de scandales financiers retentissants. Textes incriminateurs
dans la loi de 1966 ; figurent aujourd'hui dans le Code de commerce. Ensuite, toute
une série de textes propres aux différentes formes de sociétés commerciales : art.
L242-6 pour les SA et art. L241-3 pour les SARL.

1. Les éléments constitutifs de l’infraction

a. L’élément matériel

Il faut raisonner en termes d’abus. On parle d’abus de biens sociaux mais


c'est l’appellation commune ; les termes sont un peu plus précis. Ce qui est
incriminé, c'est de faire, et cela dans tous les textes, un usage des biens, du crédit,
des pouvoirs ou des voix dont il dispose contraires à l’intérêt de la société. Donc tout
se résume en deux composantes : un usage contraire à l’intérêt de la société.

 - Le concept d’usage

La forme de l’usage. On ne parle pas ici de détournement ni de dissipation ;


on utilise un terme vague qui renvoie à des actes de natures diverses. Cas de figure
le plus classique : le détournement de fonds. Mais l’usage ne requiert pas
l’appropriation définitive des biens de la société par le dirigeant. Il n’est pas besoin
qu’il y ait appropriation définitive des biens de la société ; il peut y avoir usage alors
même qu’il y avait intention de restitution. Ce qui permet par exemple d’atteindre le
dirigeant qui se fait consentir un prêt à des conditions très avantageuses par la
société qu’il dirige et à son propre profit. Ça peut être l’usage à des fins personnelles
d’un véhicule de la société. De même l’utilisation d’un logement de la société, du
personnel de la société à des fins personnelles. Pas d’intention d’appropriation ;
seulement usage. Un simple usage temporaire peut suffire à caractériser l’abus de
biens sociaux (si les autres conditions sont remplies). Autre ex : le paiement des
honoraires d’un avocat par la société pour un dossier personnel.
Le terme est également flou et entraîne d’autres conséquences. Il peut s’agir
d’un acte positif, aussi bien d’administration que de disposition : consentir un bail un
immeuble de la société dans un intérêt personnel du dirigeant. Mais il peut aussi
s’agir d’un acte d’abstention, d’omission : Cour de cassation 1997, fait pour le
dirigeant social de ne pas réclamer le paiement d’une créance que la société détient
vis-à-vis d’une autre société dans laquelle le dirigeant a également un intérêt. La
Cour de cassation l’a rappelé dans un arrêt du 28/01/2004. L’abus de biens sociaux
peut résulter d’une abstention volontaire (non réintégration dans l’actif d’une SARL
d’une somme qui avait été perçue par erreur par une SCI dont les dirigeants de la
SARL étaient également associés.

L’objet de l’usage. On parle tous d’abus de biens sociaux, mais en fait ce n’est
qu’une des formes de ce délit car l’usage incriminé peut porter sur les biens de la

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société mais aussi sur les pouvoirs dont le dirigeant dispose ou encore le crédit de la
société ou encore les voix dont le dirigeant dispose. Il vaudrait donc mieux parler de
l’usage des pouvoirs sociaux. Tout abus de pouvoir englobe un abus de biens ; mais
l’abus de biens n’englobe pas nécessairement l’abus de pouvoir. Abus de pouvoir.
Aujourd'hui, l’abus de pouvoir est en train de monter en puissance par rapport à
l’abus de biens. La formule d’abus de biens sociaux est donc réductrice ; elle ne
donne qu’un des 4 visages de l’incrimination.
Ce qui est incriminé : l’usage abusif des biens de la société (concerne tous les
actifs de la société, corporels, incorporels, meubles ou immeubles ; les fonds
sociaux, les biens meubles, les biens immeubles ; les baux, les brevets, les
créances, le personnel de la société).
L’usage abusif du crédit de la société. Le crédit doit être compris au sens large
et économique : capacité d’emprunt, capacité à se faire garantir, à se faire
cautionner. Ici sera visé par exemple l’usage de la signature sociale pour
l’acceptation d’effets de complaisance. Usage de la garantie de la société (la société
se porte caution) pour des dettes personnelles du dirigeant. Conception large de ce
crédit de la société : le crédit doit également être compris comme la réputation, la
renommée de la société, sa bonne image. Ce qui ouvre des portes immenses.
Les articles visent également l’usage abusif des pouvoirs conférés par le
mandat social qui lui a été donné. Encore une fois, cette appellation peut englober
les autres. Mais l’abus de pouvoir présente un autre intérêt : il va permettre
d’atteindre des tentatives d’abus de biens sociaux qui ne sont pas incriminées. Car la
tentative d’abus de biens sociaux (stricto sensu) n’est pas incriminée ; mais on va
pouvoir poursuivre au titre de l’abus de pouvoir.
Dernière forme d’usage abusif : usage abusif des voix dont le dirigeant
dispose. Usage détourné des procurations de vote qui ont été données au dirigeant
dans la perspective d’une assemblée générale. Derrière cette appellation commune,
c'est une incrimination à 4 branches qui est visée.

 - L’usage abusif

L’abus consiste dans un usage contraire à l’intérêt de la société. C'est


l’élément matériel du délit. L’appréciation se fait au regard de l’intérêt social, qui peut
être distinct de celui des membres qui la composent. Le dirigeant d’une EURL peut
commettre un abus de biens sociaux, peu importe qu’il soit le seul associé. La
société a un intérêt social distinct de celui de son seul associé. Les patrimoines et les
entités juridiques sont distincts ; les intérêts aussi. Les créanciers de la société sont
intéressés parce qu’ils se heurtent à l’écran social de l’EURL. Le dirigeant n’est
responsabilité des dettes sociales qu’à hauteur de ses apports. C'est l’explication. La
Cour de cassation l’a consacré.
L’appréciation se fait par rapport à l’intérêt social et non par rapport à l’objet
social. Des dépenses étrangères à l’objet social ne sont pas nécessairement ipso
facto contraires à l’intérêt social. La Cour de cassation l’a dit dans un arrêt du
24/10/1996. Une SA dont l’objet était le négoce de dentelle avait participé à la
création d’une SCI qui avait acquis un appartement. Cet appartement était destiné au
logement personnel du président de la société. Peu de temps après, la SA avait
racheté 90% des parts d’une autre société immobilière qui était propriétaire de
l’appartement occupé par la maman du président de la société anonyme. Les juges
du fond avaient condamné le dirigeant de la SA pour abus de biens sociaux. La
décision est cassée au motif que la CA n’avait pas précisé en quoi cette acquisition
était contraire à l’intérêt social. Il appartiendra à la Cour de renvoi d’établir que cette

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acquisition est contraire à l’intérêt de la société. L’assimilation n’est pas
systématique.

En quoi peut consister un usage contraire à l’intérêt de la société. Cas non


douteux : prélèvement de fonds sociaux dans la caisse pour payer des dépenses
personnelles, paiement par la société d’amendes pénales personnelles, bénéfice de
la jouissance des biens de la société, rémunérations excessives. Si cette
rémunération est excessive ou disproportionnée par rapport aux capacités
financières, il importe peu qu’il y ait eu approbation par l’assemblée. Si la
rémunération n’est pas excessive mais raisonnable, encore faut-il qu’elle ait été fixée
dans des conditions régulières (sinon, peut-être pas abus de biens sociaux mais au
moins abus de pouvoirs).

Cas délicats : l’usage abusif suffit. Condition nécessaire et suffisante. 1 er cas


délicat : prise excessive de risques par le dirigeant. Il n’est pas nécessaire qu’un
préjudice en soit effectivement résulté pour la société ou se soit ultérieurement
révélé. Que finalement l’acte ne se soit pas révélé contraire à l’intérêt de la société
quelques mois plus tard importe peu ; l’appréciation se fait au moment de l’usage et
non en fonction du résultat final. Elle va se faire au moment de la prise de risque ;
n’était-elle pas excessive par rapport aux capacités financières de la société ?
L’appréciation doit se faire au moment de l’usage des biens et des pouvoirs du
dirigeant. Ex : le dirigeant joue en bourse tous les fonds sociaux. Pas d’impact au
final, mais au moment où il l’a fait, c'était dangereux. Appréciation au moment de
l’acte et non en fonction du résultat final. Le fait d’exposer la société à des risques
disproportionnés excessifs non justifiés par la rationalité ou la logique économique
ou financière constitue un abus de pouvoirs sociaux (même si pas forcément de
biens). Inversement, si on fait une opération qui s’avère a posteriori catastrophique
pour la société mais qui, au moment où elle a été décidée, relevait d’une certaine
logique, d’une certaine normalité, le délit pénal n’est pas constitué. Au moment de
l’usage, ce n’était pas forcément contraire à l’intérêt de la société. Eventuellement
responsabilité civile pour faute de gestion, mais délit pénal non constitué.
Appréciation parfois très délicate pour le juge. Cour de cassation 12/09/2001
qui va retenir comme constitutif de ce délit l’acte économiquement inutile accompli
par le dirigeant. Bien donné à bail à la société par le dirigeant qui en était
propriétaire. Acte économiquement inutile, alors même que les conditions de loyer
aient été conformes au marché. Délit constitué. Limite : 7/05/2002 : on ne saurait se
contenter, pour condamner pour abus de biens sociaux, des indices de mauvaise
gestion révélés par des contrôles ou des audits financiers, qui n’impliquent pas
forcément à eux seuls que les dirigeants ont accompli des actes constitutifs d’abus
de biens sociaux. Immixtion du juge dans la gestion de la société.
2ème cas délicat : actes illicites accomplis pour le compte de la société. Acte
accompli pour le compte de la société or le délit suppose un acte contraire à l’intérêt
de la société. Affaires de corruption pour que la société emporte un marché ;
Carignon et compagnie. Affaire Carpaye, 27/04/1992 (on l’aime beaucoup) : les
gérants de deux SARL cherchaient à obtenir un marché de transport scolaire et qui
corrompent un élu local. Ils sont condamnés pour corruption et abus de biens
sociaux. Cour de cassation : « L’usage des biens d’une société est
nécessairement abusif quand il est fait dans un but illicite ».
Aujourd'hui, qu’en est-il de l’arrêt Carpaye ? Est-il mort ou ressuscité ? La
suite : arrêts de caisse noire. Arrêt Rosemain, 11/01/1996 : il avait été établi qu’une
partie des recettes d’un bar restaurant d’une société avait été soustraite de la

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comptabilité ; il y avait une caisse noire. L’expertise avait pu établir que le quart de
ces sommes avait servi à rémunérer du travail dissimulé. L’utilisation des ¾ restants
était restée inconnue. Dirigeants condamnés pour abus de biens sociaux par les
juges du fond. La Cour de cassation confirme la condamnation. Or cette
condamnation n’est confirmée qu’au regard de la partie des fonds dont l’affectation
était restée inconnue. Alors on s’est dit abandon de l’arrêt Carpaye !! Pas de
condamnation pour la partie des fonds ayant servi à des fins illicites (payer tu travail
au noir). Implicitement, la Cour de cassation considère que l’utilisation à des fins
illicites n’est pas nécessairement un usage abusif. Cet arrêt du 11/01/1996 fut suivi
par un arrêt Parigot du 20/06/1996. Même affaire : caisse noire, une partie à des fins
illicite, une autre partie destination inconnue. Condamnation seulement pour la partie
correspondant à l’utilisation inconnu. Moult abandon de Carpaye.
Ce dans ces conditions qu’est intervenue l’affaire Noir (ministre du commerce
extérieur) Botton (son gendre). Cour de cassation, 6/02/1997. Il y avait eu paiement
de facture fictives, sans contrepartie réelle. M. K avait été condamné puisque,
dirigeant de la société, il avait accepté de payer des factures fictives. La CA l’avait
condamné pour abus de biens sociaux. Mais la même CA avait relevé que les
versements en question avaient permis d’obtenir du gendre du ministre qu’il
intervienne auprès du ministre pour obtenir une réduction d’une dette fiscale. Affaires
de trafic d’influence. La Chambre criminelle de la Cour de cassation va d’abord
rappeler que tout jugement ou arrêt doit contenir des motifs propres à justifier la
décision. Elle ajoute que l’insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur
absence. Et sous ce chapeau, la Cour de cassation va constater que la CA n’a pas
mis la Cour de cassation en mesure de s’assurer de la légalité de la décision en
constatant d’une part que l’acte était contraire à l’intérêt de la société, d’autre part
qu’il avait permis une réduction de la dette fiscale. La Cour de cassation admet
implicitement mais de façon nette que l’acte, certes implicite, n’est pas
nécessairement contraire à l’intérêt de la société. Il fallait prouver que l’acte, alors
même qu’il était illicite, était aussi contraire à l’intérêt de la société. La Cour de
cassation abandonne l’idée de l’adverbe « nécessairement » ; c'est là la différence
avec Carpaye. Pas d’abandon ; atténuation.
Arrêt qui est venu clore le débat. Dans le débat autour de l’arrêt de 1997, on
se demandait aussi si cette portée ne pouvait pas être analysée au regard d’une
donné nouvelle : accessoirement était intervenu le nouveau Code pénal qui prévoit la
responsabilité pénale de la personne morale. Ne retombe-t-on pas dans la 1ère
hypothèse de prise de risque excessive ? Intervention de l’arrêt Carignon
27/10/1997. Cour de cassation : « Quel que soit l’avantage à court terme qu’elle
peut procurer, l’utilisation des fonds sociaux ayant pour seul objet de
commettre un délit tel que la corruption est contraire à l’intérêt social en ce
qu’elle expose la personne morale au risque anormal de sanctions pénales ou
fiscales contre elle-même ou ses dirigeants et porte atteinte à son crédit et à sa
réputation ». Avec Carpaye, ce qui est à des fins illicites est nécessairement abusif.
L’illicéité est le but poursuivi ; la contrariété s’apprécie par rapport aux intérêts de la
société. On a là la justification du rapport entre l’usage abusif et le but poursuivi : le
lien est le risque anormal, le risque disproportionné de condamnation pénale. C'est
bien au moment de l’accomplissement de l’acte que le jugement doit se faire. On fait
le lien avec la prise excessive de risque ; risque pénal cette fois-ci, et non
économique. On est bien dans la valeur sociale protégée, à savoir l’intérêt de l’entité
juridique autonome. On est bien dans l’objet de l’usage visé : « crédit ou réputation ».
Solution réaffirmée depuis : 14/05/2003 : un député européen fait effectuer
des travaux de rénovation dans sa maison de campagne. Il fait appel à une société
qui ne va pas lui facturer l’intégralité des travaux parce que les dirigeants veulent

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s’attirer sa bienveillance. Cour de cassation : « l’usage des biens sociaux a eu pour
effet d’exposer la personne morale et ses dirigeants à des poursuites pénales et
fiscales ». Donc contraire à l’intérêt de la société. Le qualificatif anormal, par rapport
à Carignon, n’apparaît plus ici.
Arrêt du 22/09/2004 : le corrompu n’était pas un dépositaire de l’autorité
publique. C'était un salarié d’une entreprise cliente de la société. Art. L152-6 du
Code du travail, qui ne prévoit pas la responsabilité pénale des personnes morales.
La Cour de cassation a quand même retenu le délit d’abus de biens sociaux. Usage
contraire à l’intérêt de la société en ce qu’il expose le dirigeant à un risque anormal
de sanctions pénales, ce qui porte atteinte au crédit et à la réputation de la société.
Contournement subtil : ce qui porte atteinte au crédit et à la réputation de la société.

b. L’élément intentionnel

Elément important. Il paraît essentiel. C'est lui qui doit faire la bascule entre le
délit civil de faute de gestion et le délit pénal d’abus de biens sociaux. La faute de
gestion va engager la responsabilité civile (art. L225-251 du Code de commerce),
elle suppose un préjudice. La loi semble exiger tout à la fois un dol général et un dol
spécial.

 - Dol général

Exigence d’une mauvaise foi, d’avoir agi en connaissance de cause. La loi va


sanctionner « celui qui, de mauvaise foi, a fait un usage qu’il savait contraire à
l’intérêt de la société ». Redondance. La loi exige une faute volontaire. Le délit
d’abus de biens sociaux est un délit intentionnel, ce n’est pas un délit d’imprudence.
L’exigence est donc incontestable. Quant à la preuve de cette intention coupable,
une certaine souplesse. Notamment, le caractère intentionnel et la pleine
connaissance sont souvent déduites de la qualité professionnelles des dirigeants. On
passe de « vous saviez » à « vous ne pouviez pas ne pas savoir ».

 - Dol spécial

L’exigence d’un dol spécial est requise par les textes incriminateurs. L’usage
contraire à l’intérêt de la société doit avoir été accompli à des fins personnelles ou
pour favoriser une entreprise dans laquelle le dirigeant est directement ou
indirectement intéressé. C'est important ; cette exigence est fondamentale. La
rigueur de l’exigence sur l’élément intentionnel est le contrepoids de la
souplesse sur l’élément matériel. C'est l’équilibre du délit. La loi pose cette
exigence et se montre souple dans l’exigence. Elle vise « à des fins personnelles ou
de façon indirecte pour favoriser l’entreprise dans laquelle il est intéressé,
directement ou indirectement ». Elle vise même l’indirect dans l’indirect.
Jurisprudence : l’exigence est bien requise par la Cour de cassation.
19/02/1973 : à défaut de l’intention frauduleuse, le délit n’est pas constitué.
1er mars 2000 : le dirigeant d’une société avait réglé des factures fictives. Condamné
pour abus de biens sociaux. La Cour de cassation casse : le juges du fonds devaient
caractériser en quoi le dirigeant avait poursuivi un intérêt personnel en payant ces
trois factures fictives. Elle montre bien qu’il faut vérifier l’existence de ce dol spécial.
5 mai 2004 : condamne l’arrêt de la CA Paris. A propos d’un emploi fictif, elle
reproche aux juges du fond de n’avoir pas recherché et établi l’intérêt personnel
poursuivi.

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0
Nuance : quant à la nature de cet intérêt poursuivi, il peut s’agir d’un intérêt
matériel, financier, pécuniaire. Mais il est aujourd'hui acquis en jurisprudence que
l’intérêt moral suffit. Condition nécessaire. Mais très facilement remplie puisqu’un
intérêt même simplement moral suffit. L’intérêt personnel peut être un simple intérêt
moral : préserver sa réputation, sauvegarder la réputation de sa famille (Cour de
cassation 1967). Ça peut être aussi l’intérêt électoral (Cour de cassation 1971). En
1978, pour le maintien de relations d’amitié. 1987 : maintien des relations
avantageuses avec des personnages influents. La souplesse dans la nature de
l’intérêt poursuivi affecte considérablement l’exigence d’un élément intentionnel. La
condition sera systématiquement remplie. Confusion du dol spécial avec le mobile ?
2ème assouplissement : quant à la preuve de l’intérêt personnel poursuivi. Il est
une hypothèse où ce dol spécial est présumé. On va alors présumer que le dirigeant
poursuit un intérêt personnel. Jurisprudence issue des arrêts de caisses noires
(1996). Caisses noires : un quart pour payer le travail au noir, ¾ d’affectation
inconnue. Or dans ces mêmes arrêts, la Cour de cassation donne un autre attendu
de principe : « la poursuite d’un intérêt personnel est présumée dès lors que les
fonds sociaux dont l’affectation est restée inconnue ont été prélevés
clandestinement ». 2ème arrêt : « à moins qu’il ne soit justifié de leur utilisation dans le
seul intérêt de la société, les fonds sociaux prélevés de manière occulte l’ont
nécessairement été dans l’intérêt personnel direct ou indirect du dirigeant ». Donc
présomption simple. Jurisprudence rappelée régulièrement, notamment 7/03/2002.
Quid de Carpaye : utilisation à des fins illicites. Dans ces hypothèses, il y avait
2 questions : l’élément matériel d’une part, l’élément intentionnel d’autre part. Il est
où l’intérêt personnel ? L’intérêt personnel est distinct de l’intérêt de la société. Pas
un mot dans l’attendu de principe de l’arrêt Carpaye. C'est un peu embêtant.
Problème parce que l’exigence subsiste dans ces affaires d’utilisation illicite dans
l’intérêt de la société. Pour ces affaires là, l’élément disparaît-il ? 11 ans d’incertitude,
puis Cour de cassation 2003 (le député européen) : il n’est pas exigé, pour qu’il y ait
abus de biens sociaux que l’utilisation des fonds sociaux contraire à l’intérêt de la
société ait eu lieu à des fins exclusivement personnelles. La condition peut être
satisfaite alors même que l’acte a également été dans l’intérêt de la société. Certes,
mais il faut quand même prouver l’intérêt personnel, même s’il n’est pas exclusif.
Etape suivante : 22/07/2004 (corruption du salarié d’une entreprise cliente) :
l’utilisation des fonds sociaux a eu pour seul but de maintenir la situation personnelle
de son dirigeant au sein de la société. Est-ce que ça veut dire que pour la Cour de
cassation, pour ces affaires d’actes illicites accomplis pour le compte de la société,
l’exigence d’une intérêt personnel est maintenue mais satisfaite dans la mesure où
l’acte a permis au dirigeant de maintenir sa situation au sein de la société ? La
condition sera toujours satisfaite ; ce qui veut dire que c'est une fausse condition.
En tout état de cause, le principe de l’exigence subsiste : Cour de cassation,
4/11/2004 : affaire concernant le président d’une SEM qui avait procédé à
l’embauche fictive d’un chargé de mission pendant 7 ans. Le salarié pendant 7 ans
n’avait écrit aucune ligne. Le seul rapport produit en 7 ans n’était même pas de lui.
La Cade Grenoble condamne. Cassé faute d’avoir recherché l’intérêt personnel
poursuivi par le dirigeant à travers cette embauche fictive. On en est là ; mais il
suffira à la Cour de renvoi de constater qu’il s’agissait de préserver des liens
d’amitié.

2. La répression

a. Les peines encourues

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5 ans, 375000 euros. Délit important du droit pénal des affaires. En principe, le
coupable n’encourt pas la peine d’interdiction de gérer, notamment au titre de peines
accessoires, par référence au décret de 1935. Mais attention, une ordonnance est
intervenue en mai 2005. Elle revoit le régime des incapacités en matière
commerciale. Ce texte abroge le décret du 8 août 1935, instituant l’interdiction
d’exercer la direction et d’administrer une société. Abroge aussi la loi du 30 août
1947 relative à l’assainissement des professions commerciales et industrielles.
Textes remplacés par un chapitre nouveau dans le Code de commerce qui va
regrouper l’ensemble interdictions d’exercer une profession commerciale ou
industrielle. Art. L128-1 à 6 nouveaux du Code de commerce. Nul ne peut,
directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui,
entreprendre l’exercice d’une profession commerciale ou industrielle, diriger,
administrer, gérer ou contrôler à un titre quelconque une entreprise commerciale ou
industrielle ou une société commerciale s’il a fait l’objet depuis moins de 10 ans
d’une condamnation définitive pour un crime et pour certains délits ayant donné lieu
à une peine d’emprisonnement ferme d’au moins 3 ans (vol, escroquerie, abus de
confiance, banqueroute, prêt usuraire, blanchiment, corruption, recel, faux ; certaines
infractions fiscales, infractions au Code du travail et infractions à la législation sur les
sociétés commerciales, y compris le délit d’abus de biens sociaux).

b. Les auteurs punissables

Les dirigeants de droit des sociétés pour lesquelles le délit est édicté (SA,
SCA, SARL, EURL, coopératives). En revanche, ne peuvent être poursuivis les
dirigeants de droit d’une SNC ou d’une SCS (société en commandite simple) ; seuls
pourraient être poursuivis les liquidateurs de cette société. Le délit n’est pas prévu
pour les sociétés de personnes. Application stricte de la loi pénale, principe de
légalité. Application intéressante à propos d’une société étrangère : la Cour de
cassation (3/06/2004) a constaté que l’incrimination ne saurait être étendue aux
sociétés de droit étranger. Comme pour une SNC, une société civile. Et la Cour de
cassation précise : les dirigeants de ces sociétés pour lesquelles l’incrimination
spécifique d’abus de biens sociaux n’est pas prévue pourront être poursuivis pour
abus de confiance ; « pour lesquels seul l’abus de confiance peut être retenu ».
Seules les personnes ayant la qualité visée par le texte incriminateur pourront
être poursuivies. Au dirigeant de droit va s’ajouter le dirigeant de fait. On n’oubliera
pas, même si on sort du délit d’abus de biens sociaux, que celui-ci pourra atteindre le
recel. Recel d’abus de biens sociaux (on en a parlé sur le terrain de la prescription,
où on a porté atteinte à l’autonomie du délit de recel, dont la prescription ne peut
courir tant que la prescription de l’abus de biens sociaux n’a pas commencé à
courir). Il n’y a pas ici le bénéfice de l’immunité familiale (puisqu’on est dans le
domaine des infractions à la législation sur les sociétés commerciales). Quid des
personnes morales ? La loi de 1966 n’a pas pris parti. Donc, en application du
principe de spécialité, de lege lata, pas de responsabilité pénale des personnes
morales (jusqu’en janvier 2006, où on appliquera le principe de généralité). Ce n’est
pas forcément inconcevable en matière d’abus de biens sociaux : on pourrait le
croire, vu que le dirigeant doit agir pour le compte de la société pour que la
responsabilité de la société soit engagée. Mais hypothèse où la société
administrateur d’une autre société, l’administrateur pouvant être une personne
morale. Ou encore, personne morale complice de l’abus de biens sociaux.

c. La tentative

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La tentative n’est pas punissable (pas de texte l’incriminant). Tempérament :
on atteindra des tentatives d’abus de biens sociaux par le biais de l’abus de pouvoirs
sociaux. Ex : se faire octroyer une rémunération excessive qu’on aura finalement
jamais perçue.
La complicité est punissable.

d. La prescription de l’action publique

Quel est l’élément matériel qui consomme l’infraction ? C'est l’usage. C'est un
délit instantané puisqu’il est consommé par l’usage. C'est à partir de l’usage que
court le délai de prescription de 3 ans.
Travail jurisprudentiel sur le délit d’abus de biens sociaux : c'est le dirigeant
qui va commettre le délit et le plus souvent, les faits ne seront découverts qu’à
l’occasion d’un changement de dirigeant, à l’occasion d’un dépôt de bilan. Cela peut
se produire plus de 3 ans après l’usage abusif, à une époque où normalement le délit
serait prescrit. D’où travail jurisprudentiel : la Cour de cassation retarde le point de
départ du délai de prescription au jour où l’infraction a pu être découverte dans des
conditions permettant l’exercice de l’action publique (expertise, dénonciation au
procureur de la République, notamment). Le délit est-il imprescriptible ? NON !!!!!!!
Retarder le point de départ d’un délai ne signifie pas qu’il n’y a pas de délai. Il y a
quand même toujours un délai de 3 ans à partir de a découverte. Et pourtant, « moult
propositions » (il l’a dit !!!) de lois pour modifier la prescription du délit d’abus de
biens sociaux. Dans l’esprit des députés, qui n’en est pas un, il fallait briser une
jurisprudence qui existait par ailleurs identiquement, mais ils s’en foutaient, pour un
autre délit de droit commun (l’abus de confiance).

Jurisprudence d’apaisement de la Cour de cassation : arrêt Schmidt du 13/10/1999.


Dirigeant d’une société qui avait engagé pendant 5 ans par contrat de travail fictif un
élu local et sa secrétaire. Tous les deux avaient versé des reçus assez conséquents.
Question de la prescription car un des dirigeants poursuivis pour abus de biens
sociaux fait valoir que les dépenses en question figuraient dans les comptes sociaux.
Donc la prescription a en réalité commencé à courir dès la présentation des comptes
en assemblée. L’arrêt fait droit à cette argumentation. Jurisprudence d’apaisement.
Avec une réserve dans son attendu : la prescription de l’action publique du chef
d’abus de biens sociaux court, sauf dissimulation, à compter de la date de
présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont mises
indument à la charge de la société. Jurisprudence de 1999 confirmée
systématiquement depuis. Donc réserve l’exception de la dissimulation ; tout dépend
de la façon dont les comptes ont été présentés. Si dissimulation il y a, ça nous
renvoie à la jurisprudence établissant le point de départ au jour où l’infraction a pu
être découverte dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique.
La Cour de cassation s’est montrée stricte sur la conception d’une
dissimulation, en exigeant de véritables manœuvres comptables, notamment dans
l’arrêt Schmidt. Dans cette affaire, elle a considéré qu’il n’y avait pas dissimulation.
De même, le 27/06/2001, elle casse l’arrêt de la CA car elle considère qu’on ne
saurait se contenter, pour dire qu’il y a dissimulation et renvoyer à la jurisprudence
retardant le point de départ, du fait que les charges indues figurant dans les comptes
annuels étaient noyés dans la masse des frais divers ou des charges salariales. Ne
suffit pas à établir une dissimulation.
On note aujourd'hui un très perceptible assouplissement quant au concept de
dissimulation. Notamment, Cour de cassation 28/01/2004, où la présentation dans
les comptes était quasiment identique à celle de 2001. Or en 2004, elle y voit une

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forme de dissimulation, ce qui renvoie au retard du point de départ. Dans une affaire
similaire à celle de 2001, elle prend une position différente. Arrêt du 25/02/2004 : la
Cour de cassation considère que cela relève de l’appréciation souveraine des juges
du fond (mais c'est un peu factice). C'est un peu comme Carpaye : il y avait une
jurisprudence dénoncé et une jurisprudence d’apaisement qui prévoit une exception
renvoyant à la jurisprudence dénoncée. L’exception est de plus en plus facilement
admise.

Autre travail jurisprudentiel quant à la prescription : quid s’agissant de


paiements successifs en vertu d’un acte unique ? Magnifique affaire (il en a rédigé
les conclusions). Affaire Lagardère : une convention avait été conclue par laquelle
les sociétés Matra Hachette s’étaient engagées à verser à une société tierce,
Lagardère, une redevance forfaitaire annuelle correspondant à 0,20% de leur chiffre
d’affaires, en contrepartie de prestations d’animations, de relations, d’assistance. La
convention fixant cette redevance avaient été approuvées par les assemblées
générales des deux sociétés. Elle devait être chaque année soumise à ce vote et
donner lieu à un rapport spécial du commissaire au compte. Question de la
prescription de l’abus de biens sociaux : quel est le point de départ du délai de
prescription ? Le délit est-il constitué à chaque versement ou par la convention qui
prévoit l’obligation de verser chaque année ? La CA de Paris, 25/01/2002, a
considéré que l’usage abusif était constitué par la convention (champagne pour
Hirsoux). L’affaire a donné lieu à un pourvoi. Chambre criminelle, magnifique arrêt du
8/10/2003 : casse (heureusement, Hirsoux ne suivait plus l’affaire). Elle estime que le
délit d’abus de biens sociaux étant une infraction instantanée consommée lors de
chaque usage abusif des biens de la société, l’usage contraire à l’intérêt social qui
résulte d’une convention à exécution successive se déduit non pas de l’engagement
contractuel mais du paiement des obligations contractuelles. Le délit se renouvelle à
chaque acte d’exécution de l’engagement. C'est à chaque exercice que l’exécution
de la convention donnait lieu à un usage abusif des biens de la société.
Corrélativement, à chaque présentation des comptes annuels dans lesquels
figuraient les dépenses courait un nouveau point de départ du délai de prescription.
En cas de convention à durée indéterminée, peut-être n’est-on pas loin d’un délit
imprescriptible, quand elle est renouvelable par tacite reconduction.

Le délit d’abus de biens sociaux, par cette jurisprudence détournée, fait partie
des infractions clandestines. Récemment, la Cour de cassation a allongé la liste des
infractions clandestines : 7/07/2005. C'est un revirement. A propos du délit de
tromperie (sur les qualités substantielles de la chose). A propos de l’affaire
d’hormones de croissance extraites d’hypophyses humains administrées à des
enfants depuis 1988. Le traitement a été un des grands scandales de santé publique
et avait débouché sur la maladie de Creutzfeld-Jacob. Depuis 1980-1985, certains
pays avaient arrêté mais la distribution en France avait continué et il avait fallu
écouler des stocks. Poursuite pour délit de tromperie. Cour de cassation : recourt à
cette qualification et classe la tromperie dans les délits clandestins, comme le délit
de publicité trompeuse. La Cour de cassation précise que ce délit de tromperie est
un délit clandestin par nature. La clandestinité est inhérente à ce délit. C'est le cas
par exemple de l’abus de confiance. Est-ce le cas de l’abus de biens sociaux ?
S’agissant de l’abus de biens sociaux, ce n’est pas un délit clandestin par nature,
puisqu’on réserve l’hypothèse de dissimulation. Subtilité doctrinale.

e. La question de l’action civile

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Qui peut se prévaloir d’un préjudice personnel qui va pouvoir se prévaloir d’un
préjudice personnel directement cause par l’infraction ? La société qui va exercer
l’action sociale en son nom et pour son compte. L’indemnisation va aller dans les
comptes de la société. Action au bénéfice du patrimoine social. Mais l’abus de biens
sociaux a été commis par le dirigeant. On risque de se heurter à son inertie. C'est
pourquoi l’action sociale ne lui est pas réservée exclusivement. A côté de l’action
sociale ut universi, la loi offre la possibilité d’une action sociale (au nom et pour le
compte de la société) qui sera exercée par des actionnaires agissant
individuellement ou collectivement. C'est une action sociale exercée ut singuli. Pas
de difficulté ; c'est toujours au nom et pour le compte de la société qu’est exercée
cette action. Question : qui d’autre que la société peut se constituer partie civile ? De
ce point de vue, la jurisprudence se montre très stricte. Cette action est notamment
refusée, faute de pouvoir se prévaloir d’un préjudice personnel directement causé
par l’infraction, aux créanciers de la société. C'est un préjudice indirect. Cette action
est donc refusée aux créanciers de la société (1989, 1995), à celui qui s’est porté
caution de la société, au comité d’entreprise, aux salariés (1999). 28/01/2004 : dans
cette affaire, les salariés devaient percevoir une prime calculée sur les bénéfices
d’une société. Or du fait des abus de biens sociaux, pas de bénéfice donc pas de
prime. Le préjudice personnel est incontestable mais il reste indirect. Refusée aussi
aux syndicats. Quid des actionnaires ou des associés ? Jurisprudence se montrait
plus souple et acceptait cette exception pour les actionnaires et associés qui
pouvaient se prévaloir d’un préjudice personnel. Ils étaient admis à exercer non pas
l’action sociale mais l’action individuelle en réparation de leur propre préjudice, en
leur nom et pour leur compte.
Revirement de jurisprudence remarquable et très remarqué : 12 et 13
décembre 2000 : abus de biens et abus de pouvoirs. La Cour de cassation énonce
que la dépréciation des titres d’une société ou la dévalorisation du capital social
découlant des agissements des dirigeants constitue non pas un préjudice propre à
chaque associé mais un préjudice subi par la société elle-même. Une action en
réparation du chef de ce préjudice relève de l’action sociale ; les associés peuvent le
demander, mais alors c'est une action sociale exercée ut singuli. Le préjudice va
dans le patrimoine social. On lira parfois que les actionnaires ne peuvent plus
exercer d’action individuelle. On n’est pas d’accord ; le droit d’exercer une action
individuelle subsiste. Simplement, il faudra justifier d’un préjudice personnel et
distinct de la dépréciation ou de la dévalorisation. Cette jurisprudence de 2000 est
aujourd'hui confirmée, à tel point que la Cour de cassation, 8/10/2003, a précisé
qu’un appel de l’actionnaire agissant ut singuli est recevable même si les dirigeants
de la société victime ne s’associent pas à cet appel. Autant la voie sociale de l’action
ut singuli reste ouverte, autant, de facto, l’action individuelle leur est fermée.
f. Les moyens de défense

29/03/2005. [Le capital de la société] constitue non pas un dommage propre à


chaque associé mais un préjudice subi par la société elle-même. La rigueur juridique
peut s’en féliciter.
A propos de l’abus de biens sociaux, plusieurs moyens de défense sont
invoqués :
Approbation ou autorisation ou ratification par les organes sociaux des actes
constitutifs d’abus de biens sociaux ou d’abus de pouvoirs sociaux. Pour faire échec
aux poursuites, il faut respecter toutes les formalités légales. C'est un moyen de
défense inopérant. Jurisprudence très classique également. Cour de cassation
22/09/2004 : cette approbation n’empêche pas que l’acte soit constitutif d’un abus de
biens sociaux. Quant à la ratification ultérieure, pas davantage. C'est un 1 er moyen

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de défense. Nuance de taille : la question peut se poser vis-à-vis du conseil
d’administration. De deux choses l’une : ou leur consentement a été surpris ou il a
été donné en pleine connaissance de cause, et reste à se demander s’ils ne sont pas
des complices.
2ème moyen de défense spécifique : hypothèse où la société appartient à un
groupe de sociétés et on se demande s’il n’y a pas un fait justificatif tiré de l’intérêt
de groupe auquel appartient l’entreprise. Est-ce que ce qui, pour une société isolée,
est d’évidence un abus de biens sociaux, ne peut pas cesser d’en être un parce que
le fait a été accompli dans l’intérêt du groupe auquel appartient l’entreprise ? Sorte
de fait justificatif tiré de l’appartenance à un groupe et qui ferait perdre à l’acte son
caractère normalement délictueux. C'est la question de l’excuse de groupe.
Réponse : oui, c'est un moyen de défense admis. Mais à des conditions
extrêmement strictes. La 1ère décision à l’admettre : T Correctionnel Paris
16/05/1974. Sa prise de position a été reprise et précisée dans un arrêt de la Cour
de cassation 4/02/1985 Rosenblum. Et là, on a bien le « oui, mais ». Oui, en son
principe, un tel fait justificatif est recevable. Mais l’acte contraire à l’intérêt d’une
société va cesser d’être constitutif du délit sous réserve qu’il (aide financière à une
autre société du groupe) soit dicté par un intérêt financier social commun (1ère
condition), lequel doit être apprécié au regard d’une politique élaborée pour
l’ensemble de ce groupe (2ème condition), et que ce concours financier d’une part ne
soit pas démuni de contrepartie ou encore ne vienne pas rompre l’équilibre entre les
engagements respectifs des différentes sociétés concernées (3ème condition), d’autre
part, n’excède pas les possibilités financières de celle qui en supporte la charge (4 ème
condition). Arrêt confirmé par un autre arrêt du 13/02/1989. Le « mais » affecte
considérable le « oui » de principe. Sans compter qu’il y a en outre une condition
préalable pour que joue l’excuse de groupe : encore faut-il qu’il existe d’abord un
groupe. C'est la condition préalable que les juges répressifs estiment les plus
souvent non remplie. Un groupe de sociétés ne se limite pas à l’existence de
dirigeants communs. On va vérifier l’existence d’un réel groupe ayant un intérêt
commun aux sociétés qui le composent. C'est sur cette condition préalable que le fait
justificatif se trouve le plus souvent écarté.

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§3. Les infractions relatives aux comptes de la société

I. La tenue des comptes sociaux

Cela relève d’incriminations anciennes. C'était dans la loi de 1966.


Codification à droit constant. C'est désormais dans le Code de commerce. Art. 241-4
et 242-8. C'est une infraction d’omission. Vont être sanctionnés les dirigeants qui,
pour chaque exercice, ont manqué à leur obligation d’établir l’inventaire, les comptes
annuels et un rapport de gestion. Parmi les comptes annuels, on retrouve à titre
principal le bilan. Mais y figure également le compte de résultat. Et également
l’annexe. Le rapport de gestion aussi.
Délit d’omission. Il ne se limite pas à l’absence de bilan. Les comptes sociaux
dépassent le seul bilan. Selon les juges du fond, le délit est constitué sans qu’il soit
nécessaire que l’ensemble des comptes fassent défaut (CA Paris 1988). C'étaient
d’anciens délits matériels. Aujourd'hui, la faut du dirigeant sera le plus souvent
présumée. De facto, ces délits intentionnels ont été transformés en délits
d’imprudence.

Répression : amende 9000 euros. Tentative non incriminée. Sont susceptibles


d’être poursuivis les dirigeants de droit et de fait. Prescription : le délit est-il
consommé à compter du jour où les documents auraient dû être présentés à
l’assemblée générale ou est-ce à compte du jour où les documents comptables
auraient dû être tenus à la disposition du commissaire aux comptes (1 mois avant la
convocation à l’assemblée générale) ? Avantage de la 1ère analyse : retarde le point
de départ du délai de prescription. Querelle non tranchée en jurisprudence pour le
moment. Doctrine partagée sur cette question.

Les comptes annuels doivent être déposés au greffe du Tribunal de


commerce. Arrêt récent du 1er juin 2005 : une bijoutière n’avait pas rempli son
obligation de déposer les comptes sociaux au greffe du tribunal de commerce. SARL
exploitant une bijouterie. Elle se défendait en faisant valoir l’état de nécessité dans
lequel elle se trouvait du fait que son activité est particulièrement exposée aux vols et
agressions, qu’elle en a subis de nombreuses et que le dépôt des comptes informe
les malfaiteurs potentiels sur l’intérêt qu’il y avait à la braquer. L’art. 122-7 du Code
pénal exige que l’acte présenté comme nécessaire réponde à un danger actuel et
imminent. Autre intérêt de l’affaire : la question se posait même de savoir i le délit
subsistait. Y a-t-il une obligation pénalement sanctionnée de déposer les comptes
sociaux. La question se pose parce que cette obligation, par le jeu de la codification,
pose la question de son existence. L’article 44-1 du décret de 1957 qui prévoit cette
obligation a été abrogé et replacé dans la partie législative du Code de commerce.
Autre problème : la sanction pénale attachée à l’obligation figure à l’article 53 du
décret du 3 mars 1957, qui vise l’obligation édictée par l’article 44-1 (abrogé ;
remplacé, mais figure dans le Code de commerce). L’arrêt du 1 er juin 2005 : la Cour
de cassation a repoussé le fait justificatif sans constater que le délit n’existe plus.
Implicitement, elle considère donc que le délit existe.

II. La présentation de comptes inexacts

Ce délit existe autant pour les SARL que pour les SA (242-6), les SCA et la
SAS. Qui est incriminé pour ce type de délit ? Ce sont les dirigeants de droit ou de
fait qui auront présenté ou publié (formule propre aux SA), en vue de dissimuler la
véritable situation de la société, des comptes annuels ne donnant pas pour chaque

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exercice une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice. Ça renvoie à
l’obligation d’établir des comptes annuels fidèles et sincères. Délit de faux bilan.

A. Les éléments constitutifs

L’élément matériel : présentation des comptes ou publication (pour les SA).


S’agissant d’une SARL, le texte ne vise que le terme de présentation. La
présentation doit être comprise comme celle faite aux associés ou aux actionnaires
par renvoi ou par mise à disposition. Quant à la publication : diffusion au BALO.
Arrêt 19/11/2000 : le délit existe pour une SA aussi bien du fait de la
présentation que du fait ultérieur de la publication. Quant aux comptes mensongers,
ce sont les comptes annuels : bilan, compte de résultat, annexe. Quant au
mensonge lui-même, il consiste à dissimuler la véritable situation de la société et ne
pas donner une image fidèle etc.
Délit qui va nécessiter le recours à des experts comptables. On peut s’amuser
à faire des classifications. Il y a les erreurs matérielles : majoration de l’actif ou
minoration du passif. Cela peut résulter d’erreurs matérielles grossières, d’erreurs
d’écriture, d’erreurs d’affectation, d’erreurs d’évaluation (relève de la science de la
comptabilité et de la difficulté de valoriser ; expertise et contre-expertise).

L’élément intentionnel : il ne fait pas de doute. Exigence d’un dol général et


d’un dol spécial. Dol général : avoir agi en connaissance de cause. La personne
poursuivie savait que les comptes annuels publiés ou présentés étaient inexacts. Le
plus souvent, cette intention coupable sera présumée de fait à partir soit de la gravité
des inexactitudes soit du procédé utilisé et notamment quand il y a dissimulation ou
artifice.
Dol spécial : « en vue de dissimuler la véritable situation de la société ». C'est
un dol spécial et non un mobile car l’exigence est requise pour tout agent.

B. La répression

5 ans, 375000 euros. Dirigeant de droit ou de fait des sociétés visées par les
textes. Donc attention, pour les dirigeants des autres tés, pas de poursuite possible
de ce chef. Mais le faux bilan, on pourra le retrouver au soutien de la poursuite de
l’escroquerie. Il y a des textes spécifiques pour des formes particulières de société :
société d’assurance, société coopérative. La complicité est souvent recherchée et
notamment la complicité des comptables de la société, des commissaires au
comptes. La prescription : on n’a pas de retard du point de départ. On aurait pu
imaginer transposer notre jurisprudence en matière d’abus de biens sociaux ou
d’abus de confiance mais ce n’est pas le cas. La Cour de cassation continue de
rappeler (notamment 20/02/1997) que ce délit est instantané et qu’il est donc
consommé au jour du fait matériel de la publication ou de la présentation.
Arrêt du 31/10/2000. Le texte vise à la fois la présentation et la publication
pour les SA. La Cour de cassation a considéré que ce sont deux délits distincts.
Donc un nouveau délit est réalisé au jour plus tardif de la publication. Nouveau délit
consommé au jour de la publication ; nouveau délai qui court.
Quant à l’action civile, exigence d’un préjudice personnel et directement causé
par l’infraction. Alors même qu’il y a eu ce revirement sur l’abus de biens sociaux à
propos des actionnaires et associés, la Cour de cassation (30/01/2002) admet la
recevabilité de la constitution de partie civile d’un actionnaire dès lors qu’il a acheté
ses titres avant la publication des comptes sociaux. Donc position plus souple de la
Cour de cassation pour l’actionnaire mais aussi par exemple pour le commissaire à

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l’exécution du plan (procédure collective). En revanche, 29/11/2000 : déclare
irrecevable la constitution de partie civile d’un syndicat.

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§4. Le délit de répartition de dividendes fictifs

Idée de partager les bénéfices entre les associés. On va incriminer qu’il y ait
eu distribution de dividendes alors qu’il n’y avait pas de bénéfice distribuable. Donc
l’expression n’est pas parfaite ; les dividendes ne sont pas fictifs. Ce qui est fictif,
c'est l’existence d’un bénéfice distribuable. Fait pour les dirigeants d’opérer entre les
associés la répartition de dividendes en l’absence d’inventaire ou au moyen
d’inventaires frauduleux.

I. Les éléments constitutifs

La loi réprime le fait soit en l’absence d’inventaire soit en présence d’un


inventaire frauduleux. Inventaire : relevé des éléments du patrimoine, tableau des
différents éléments de l’actif et du passif social. Absence d’inventaire : l’hypothèse
est très rare. Plus courante est l’hypothèse d’un inventaire frauduleux. Majoration de
l’actif, minoration du passif. Majoration de l’actif : surévaluation des actifs existants
(stocks ou titre en portefeuille), simulation d’éléments d’actif en réalité inexistants).
Minoration du passif : sous-évaluation de la dette ou dissimulation de celle-ci.
On entendra systématiquement parler du délit de distribution de dividendes
fictifs. La loi utilise le terme de répartition. 2 thèses : thèse minimaliste → si on met
en exergue la distribution, on suppose que l’actionnaire a effectivement reçu les
sommes. On va très loin en aval. Thèse maximaliste → si on remonte très haut en
amont, le délit serait constitué au jour du vote de l’assemblée générale. La 1ère thèse
n’est pas conforme à l’appellation du texte, qui parle de répartition et non de
distribution. La 2ème thèse pose problème : il y aura incrimination ; le délit sera
constitué alors que l’actionnaire ne jouit à ce moment là d’aucun droit privatif.
Jurisprudence et doctrine s’accordent pour la thèse intermédiaire conforme à la lettre
et à l’esprit de la loi : l’idée de répartition. Le fait sera réalisé dès que les actionnaires
auront acquis un droit privatif présentant un caractère ferme et non précaire qui leur
confère un droit de créance vis-à-vis de la société. Cour de cassation 28/03/1936.
Le droit privatif doit être entré dans leur patrimoine, c'est-à-dire au moment de la
décision de l’assemblée générale, dans l’hypothèse où elle vote elle-même non
seulement le principe mais aussi les modalités de mise en paiement des dividendes,
ce qui se fait assez rarement. Si elle se contente de voter le principe, le droit privatif
naîtra au jour de la décision du conseil d’administration de mettre en distribution les
dividendes tels que votés par l’AG.

Reste à préciser ce qu’on entend par dividendes. Répartition de dividendes


fictifs. Dividendes : partage des bénéfices attribué à chaque action. Il est payé à la
date fixée par l’assemblée, dans un délai maximum de 9 mois après clôture de
l’exercice. En cas d’acompte sur dividende avant approbation des comptes de
l’exercice (cela suppose qu’un bilan ait été établi au cours de l’exercice et certifié par
un commissaire aux comptes). L’art. 232-12 décide des règles de calcul à observer
pour la détermination du bénéfice.
Sous cette précision, il y aura dividende fictif lorsqu’il s’avère qu’il n’y avait pas
de bénéfice distribuable, ce qui signifie que les dividendes qui ont été effectivement
versés ont été prélevés soit sur le capital soit sur les réserves. Il y a les réserves
légales, les réserves statutaires et les réserves libres. Un prélèvement sur la réserve
légale et sur les réserves statutaires constituent le délit de répartition des dividendes
fictifs. Ne reste plus que l’hypothèse de la distribution d’un prélèvement sur les
réserves libres. Qui veut-on protéger ? La société, mais aussi les tiers on trompe les
tiers sur la bonne santé financière de la société. Mais la Cour de cassation a précisé

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que dans cette hypothèse (prélèvement sur la réserve libre), une telle distribution
suppose une information selon laquelle ce prélèvement sur les réserves libres de la
société. L’AG doit l’indiquer expressément lors de sa décision.
L’élément intentionnel : on parle de dividendes fictifs, d’inventaires frauduleux.
Ce sont des délits intentionnels (1962).

II. La répression

5 ans, 375000 euros. Souvent recherche de complice (comptable et


commissaire aux comptes).

Chapitre 3 : Le droit pénal des entreprises en difficulté

Section 1 : Le délit de banqueroute

Loi du 13/07/1967 et du 25/01/1985 relativement au redressement à la


liquidation judiciaire des entreprises. Modifiée par une loi de juin 1994. Aujourd'hui,
tout est regroupé dans le Code de commerce. Loi du 26/07/2005 relative à la
sauvegarde des entreprises en difficulté (idée : prendre les difficultés de l’entreprise
le plus tôt possible pour éviter la liquidation judiciaire ou même la procédure de
redressement judiciaire ; on essaie que dès qu’il y a des clignotants de difficultés
économiques, on puisse prendre des mesures de prévention). Ces dispositions
entrent en vigueur au 1er janvier 2006. L’ensemble des dispositions pénales ont été
déplacées dans le Code de commerce. La banqueroute et autres infractions donnent
lieu à un chapitre IV spécifique dans le Code de commerce. Articles L654 et
suivants.

§1. Les conditions de l’infraction

I. Les conditions préalables

Qui peut commettre le délit ? Sont visés le commerçant, l’agriculteur, les


personnes immatriculées au registre des métiers. Est également visée toute
personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris
une profession libérale soumise à un statut législatif ou règlementaire ou dont le titre
est protégé. Ajout important qui va permettre d’atteindre tous ceux qui auront ce
genre d’activité, toute activité quelconque exercée dans un but lucratif. Ex : un
conseil d’entreprise peut désormais être banqueroutier. D’autre part, est désormais
également exposée à la banqueroute toute personne qui a directement ou
indirectement, en droit ou en fait, dirigé ou liquidé une personne morale de droit
privé. Avec cette nouvelle loi a disparu l’exigence traditionnelle la personne aie eu
une activité économique. Sont également visées les personnes physiques,
représentants permanents de personnes morales dirigeantes des personnes morales
définies au cas précédent. Loi pénale plus sévère, donc applicable seulement aux
délits commis à compter du 1er janvier 2006.

2ème condition : ouverture d’une procédure collective, d’une procédure de


redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. Ce délit de banqueroute suppose
une personne morale ou physique qui soit en état de cessation de paiement,

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situation constatée par un jugement d’ouverture d’une procédure collective. N’est pas
concernée la nouvelle procédure de sauvegarde (la personne n’est pas encore en
état de cessation des paiements). Selon la formule légale, dans cette hypothèse, le
débiteur justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter et de nature à le
conduire à la cessation des paiements. Pour qu’il y ait banqueroute, il faut un état de
cessation des paiements constaté ayant donné lieu à ouverture d’une procédure de
redressement ou liquidation judiciaire. Sur cette notion de cessation des paiements,
on avait une sorte de manifestation d’autonomie du droit pénal : on parlait de
faillite virtuelle. On pénal, on se contentait d’une faillite virtuelle. Le juge pénal avait
une conception de l’état de cessation des paiements distincte de celle du juge
consulaire. Conception conservée jusqu’en 1985 par le juge répressif. Aujourd'hui,
conception légale unique, mais la Chambre criminelle conserve une certaine liberté
d’appréciation : elle reconnaît au juge pénal le pouvoir de retenir au regard des
éléments soumis à son appréciation une date de cessation des paiements autre que
celle déjà fixée par la juridiction consulaire. Il va pouvoir retenir au titre du délit de
banqueroute des faits commis antérieurement à la date de cessation des paiements
retenue par le juge consulaire.

Certaines formes de banqueroute, notamment par détournement d’actifs, sont


très proches du délit d’abus de biens sociaux. C'est aujourd'hui clair : la qualification
d’abus de biens sociaux ne peut être appliquée au détournement commis après la
date de cessation des paiements par le dirigeant d’une société en redressement
judiciaire.

II. Les éléments constitutifs proprement dits

Art. L654-2. La banqueroute peut revêtir plusieurs formes : le maintien artificiel


d’une entreprise défaillante (déficitaire). Le texte vise plus précisément le fait d’avoir,
dans l’intention de retarder l’ouverture de la procédure, soit fait des achats en vue
d’une revente au-dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se
procurer des fonds. Parmi ces moyens ruineux pour se procurer des fonds, on
trouve souvent le recours au prêt bancaire, soit à des taux excessifs, soit à des taux
normaux mais qui, au final, entraînent des frais financiers dépassant les capacités de
la société. Nous sommes en plein cœur du problème ; derrière, se pose l’énorme
problème de la complicité ou pas des établissements bancaires. Contentieux à
profusion. C'est énorme ! Entre la rupture abusive de soutien et le maintien artificiel
de soutien, la frontière n’est pas évidente.

2ème forme : le détournement ou la dissimulation d’actifs. Avoir détourné ou


dissimulé tout à ou partie de l’actif du débiteur. Le détournement renvoie à un
élément matériel déjà étudié spécifiquement à propos de l’abus de confiance ;
renvoie à des comportements très proches du délit d’abus de biens sociaux,
notamment versement de rémunérations excessives, cession d’actifs. Depuis un
arrêt de 1998 confirmé en 1999, dans les rapports entre banqueroute et abus de
biens sociaux, les deux délits sont exclusifs l’un de l’autre. On ne peut être poursuivi
à la fois pour abus de biens sociaux et banqueroute, et on distingue selon que les
faits sont antérieurs ou postérieurs à la date de cessation des paiements. On
relèvera que, s’agissant du délit de banqueroute, il n’y a pas l’exigence d’un intérêt
personnel poursuivi par le dirigeant. Et la Cour de cassation (12/01/2005) a précisé
que la banqueroute par dissimulation ou détournement ne peut pas résulter d’une
abstention. Elle suppose l’accomplissement d’un acte positif (différence avec l’abus
de pouvoirs sociaux).

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3ème forme de banqueroute : augmentation frauduleuse du passif. Fait de se
reconnaître faussement débitrice au profit de créanciers fictifs au détriment des
véritables créanciers.

4ème forme de banqueroute : comportements liés à la comptabilité. Sont visées


l’hypothèse d’une comptabilité fictive (comptes non sincères avec un élément
intentionnel), la disparition de la comptabilité. Cour de cassation, 25/02/2004 : le
refus de remettre au liquidateur une comptabilité conservée dans des lieux
difficilement accessibles constitue une banqueroute par disparition. Est également
visée l’absence de toute comptabilité lorsque les textes applicables font obligation
d’en tenir une. Impact de la loi de juillet 2005 sur ce point : on parle des textes
applicables (avant, on parlait de la loi applicables). Donc sont applicables les
règlements fiscaux, sociaux ou de police. Impact sur des professions non
commerciales ou règlementées.
Dernière hypothèse : comptabilité irrégulière, c'est-à-dire manifestement
incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales.

L’élément intentionnel : sous toutes ses formes, la banqueroute est un délit


intentionnel (CA Paris février 2000). L’intention sera le plus souvent déduite de
l’élément matériel (dissimulation, disparition…). S’agissant du délit de banqueroute,
le fait justificatif de groupe est refusé. La Cour de cassation n’admet pas que l’intérêt
du groupe puisse justifier des faits constitutifs de banqueroute (Cour de cassation,
27/04/2001).

II. La répression

5 ans, 75000 euros. Peine portée à 7 ans et 100000 euros quand l’auteur est
le dirigeant d’une entreprise prestataire de service d’investissement. Art. 654-5 :
privation des droits civiques, interdiction, pour 5 ans ou plus, d’exercer une fonction
publique ou l’activité professionnelle dans l’exercice de laquelle l’infraction fut
commise, l’interdiction d’émettre des chèques, l’exclusion des marchés publics. Il est
possible de prononcer la faillite personnelle du dirigeant, de même que l’interdiction
de gérer ou d’administrer une société. Ces peines peuvent être prononcées soit à
titre définitif soit, si ce n’est pas le cas, pour 5 ans au plus. La responsabilité pénale
des personnes morales est prévue. La prescription commence à courir du jour
prononçant l’ouverture s’agissant des agissements commis antérieurement à cette
ouverture. Si les faits ont été accomplis après l’ouverture, c'est à compter du jour de
leur accomplissement que court le délai. La tentative n’est pas incriminée. La
complicité est souvent recherchée, notamment du côté des banquiers. Quant à
l’action civile, on a une liste limitative des personnes susceptibles de l’exercer (sont
exclus les créanciers, puisqu’ils sont fondus dans la masse) à l’article 654-17.

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