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La littérature en question

Sujet : A quoi bon la poésie?

Bien qu’elle soit un sujet énigmatique, la remise en question du bien-fondé de la poésie


était souvent le sujet de prédilection de plusieurs poètes et critiques littéraires. Le poète
Hölderlin a reformulé cette problématique dans une strophe célèbre : « à quoi bon des poètes
en un temps de détresse ». Pourrions-nous assimiler aujourd’hui « le temps de détresse » au
monde de l’économie de marché et la marginalisation médiatique dans lesquels la poésie
cherche continuellement sa place ? Nous essaierons à partir de cette brève présentation de
donner quelques pistes de réflexion à travers les éléments vus en cours ainsi que certaines
prises de position concernant la question.

Il existe des événements marquants au fil de l’histoire de la poésie française, on peut


souligner parmi ces événements majeurs ; l’avènement du surréalisme en France et son
aspiration à libérer l’homme de l’emprise de la raison avec des concepts proches à la
psychanalyse, tels que l’écriture automatique qui cherche à mobiliser l’inconscient afin de
produire un langage poétique nouveau. La date 1924 sera un acte inaugural pour le
mouvement, avec Manifeste du surréalisme d’André Breton. Le surréalisme voit le jour dans
un contexte de l’entre-deux guerres, le mouvement est également le reflet d’un contexte
politique dans lequel l’idéologie marxiste évolue en Europe. Le mouvement a cherché a
renoué ses relations avec le parti communiste français ; bien qu’ils aient des rapprochements,
ils sont tous les deux des mouvements d’avant-garde, mais la parti communiste avait des
préoccupations politiques et le surréalisme avait des considérations littéraires.

Le débat sur la place du poète dans la cité remonte à l’antiquité, avec la réflexion de
Platon dans la République, en effet Platon prétend bannir le poète de la cité, par conséquent,
la poésie est assimilée a une forme de délire, ou bien de la folie, elle est non seulement
distincte des activités rationnelles dans la cite, mais aussi incompatible avec la démarche
dialectique. Platon distingue entre deux modes de connaissance à savoir : un mode de
connaissance enthousiaste, et un mode de connaissance rationnel. Baudelaire a réfléchi avec
son « spleen » sur la place du poète dans un contexte politique et social dans lequel le poète
est maudit, il est question d’un siècle de désenchantement ; une situation définie selon
l’expression le « Mal du siècle ». De fil en aiguille, on commence à réfléchir sur la dimension
éthique de la poésie comme exercice spirituel après la seconde guerre mondiale, il s’agit
d’étudier les rapports entre la mystique et la poésie. Dans le numéro spécial 19-20, de la
revue « Fontaine » paru en Mars-avril 1942 et intitulé « De la poésie comme exercice
spirituel », Max-Pol Fouchet ajoute que :

La poésie ainsi conçue se pourrait définir, dans une large acception, comme celle qui se refuse
au divertissement. S’il est vrai que les hommes, pour parler comme Pascal, n’ayant pu guérir
la mort, la misère, l’ignorance, se sont avisés, afin de se rendre heureux, de n’y point penser,
l’exercice spirituel est justement d’y penser, de rejeter leur oubli, de chercher à les connaître

Par ailleurs, avec le contexte de la montée des totalitarismes en Europe ; la littérature et


engagement ont entretenu des liens étroits surtout avec l’apparition de Littérature et
engagement de Benoît Denis ; il est question « d’une pratique littéraire associée étroitement à
la littérature, aux débats qu’elle génère et aux combats qu’elle implique (un écrivain engagé,
ce serait somme toute un auteur qui «fait de la politique» dans ses livres) ». Plusieurs penseurs
et écrivains ont mobilisé le principe de l’engagement dans leurs écrits, à savoir : Jean-Paul
Sartre et Simone de Beauvoir. En conséquence, la littérature doit intervenir, il s’agit de relier
l’intention esthétique de la littérature à un impératif d’ordre éthique. Pour Sartre, il faut non
seulement que le message soit transparent mais aussi il faut écrire pour un public bien défini,
ensuite, Sartre considère la poésie comme inengageable dans Qu’est-ce que la littérature ?,
puisque selon lui la littérature est faite pour communiquer, en effet la prose poétique vise
essentiellement la communication.

Baudelaire précise que la poésie est ainsi un acte spirituel qui transcende le réel brut et
qui affirme la dimension spirituelle de l’homme. Il affirme que l’imagination est non
seulement « la reine des facultés » car elle lie analyse et synthèse mais aussi elle est la reine
du vrai. Rimbaud quant à lui renoue avec la tradition de la voyance dans Les lettres du voyant.
Mallarmé associe l’emploi ordinaire de la parole à une communication de l’échange
monétaire, en effet le poète appelle à une rupture avec le langage courant qui s’échange
comme la monnaie. La question de l’opposition entre la poésie et le discours rationnel s’avère
une question centrale dans l’histoire de la poésie française. L’abbé Bremond souligne la
dimension mystique de la poésie avec ses recherches sur la poésie contemporaine, en effet le
poète assimile la poésie à une forme de prière, il consacre ses recherches à l’étude du
« sentiment religieux » depuis la fin des guerres de religion jusqu’à nos jours. Selon Bremond
le poète pur c’est celui qui se rapproche de l’intensité spirituelle et la prière, en effet la poésie
pure se définit par son caractère musical : un vers pur, c’est un vers débarrassé de l’éthique,
du social, du propos, du sens même, mais qui, par sa seule musique, vaut comme une unité
autonome et charme le lecteur, le transportant vers un ailleurs tout mystique.
Jean Onimus confère à la poésie une fonction libératrice dans une société contemporaine
de consommation, il considère la poésie comme une connaissance concrète qui s’oppose à une
connaissance abstraite, scientifique et rationnelle. Onimus insiste sur la dimension
existentielle de la poésie, il prête à tous les arts une nature poétique, il souligne également que
la connaissance scientifique exile l’homme de monde et transforme le monde en un objet de
connaissance abstraite. Le rôle de la poésie dans la société était abordé par plusieurs revues
littéraires pendant les années d’occupation1, ces revues aspirent à une poésie qui va de pair
avec un acte de résistance. L’écrivain ou bien le poète doit être contemporain de son siècle
selon le premier numéro de la revue « Confluences ». À l’encontre de la théorie de « l’art pour
l’art », ces revues littéraires assignent à la littérature une dimension engagée.

A l’instar de plusieurs autres poètes, André Rolland de Réneville a cherché à établir un


lien entre les poètes et les mystiques, il note qu’il existe une différence entre les deux : les
poètes sont du côté de la parole alors que les mystiques sont du côté du silence, il a mis
également un parallèle entre les poètes et le surréalisme. Pierre Emmanuel ; grand poète de la
Résistance, refuse quant à lui l’étiquette de poète-chrétien, le poète considère la poésie
comme un langage de la libération, il souligne que : « Être poète, c’est d’abord être un
homme. C’est assez dire que la poésie, comme tout effort humain véritable, doit être progrès
de l’homme dans son futur, donc prophétie ». Il note également qu’il faut éviter de prendre le
langage comme un mode d’activité spirituelle.

Nous avons vu que la poésie dépend du contexte dans lequel elle émerge, en effet le
débat sur la poésie ne date pas d’hier ; il faut remonter à l’antiquité pour découvrir les
prémices de cette question, en outre la poésie était traversée par plusieurs questions au 20ème
siècle. Plusieurs poètes ont interrogé non seulement le rapport de l’homme au monde mais
aussi la fonction du langage poétique, plusieurs autres ont interrogé la question de
l’inspiration poétique.

1
Jehl Florian, Résistance de la poésie : les revues littéraires durant la Seconde Guerre mondiale[en ligne],
Université Paris-Sorbonne, disponible sur : www.ejournals.eu/pliki/art/8592/ (consulté le 18 juin 2019).

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