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Cours LMD de Droit International Privé / 2020-2021

Pr. Thérèse Atangana-Malongue

Cours de Droit International


Privé 1 (Théorie générale)
Master 1

Faculté des Sciences Juridiques et politiques


Université de Yaoundé II-Soa

Professeur Thérèse Atangana-Malongue


Agrégée des Facultés de Droit
Cours LMD de Droit International Privé / 2020-2021

Bibliographie générale

- Dominique BUREAU et Horatia MUIR WATT, Droit international privé, Thémis droit PUF, 2 tomes, 2007.
- Yvon LOUSSOUARM, Pierre BOUREL et Pascal de VAREILLES-SOMMIERES, Droit international privé, 8e
éd. Précis Dalloz, 2004.
- Bernard AUDIT, Droit international privé, Economica, 5e éd., 2008.
- Daniel GUTMANN, Droit international privé, Cours, 5e éd. Dalloz, 2007
- Jean DERRUPPE et Jean-Pierre LABORDE, Droit international privé, Mementos 16e éd. Dalloz, 2008.
- Françoise MONEGER, Droit international privé, Objectif droit, 5e éd. Litec, 2009.
- Thierry VIGNAL, Droit international privé, Armand Colin, 2005.
- Hugues FULCHIRON et Cyril NOURISSAT, Travaux dirigé de Droit international privé, Objectif droit, 3e
éd. Litec, 2007.
- Sandrine CLAVEL, Droit international privé, HyperCours, Dalloz, 2009.
- Pierre MAYER et Vincent HEUZE, DIP, Domat, Montchrestien, 8e éd. 2004

Instruments juridiques pertinents


- Code civil camerounais et Jurisprudence camerounaise
- Traité de l’OHADA et les différentes Uniformes et Jurisprudence de la CCJA
- Les grands arrêts de la jurisprudence française de DIP, Dalloz, 2006.
- Conventions internationales (Convention de Rome, Convention de Vienne, etc..)
- Avant-projet de Code des personnes et de la famille (APCPF)

Principales locutions latines

Ad probationem à des fins de preuve


Ad validitatem pour la validité (formalités requises)
Auctor regit actum la loi de l’Etat ayant institué une autorité publique régit les actes de cette
autorité
De plano de plein droit
Electio juris choix de la loi
Forum actoris tribunal du domicile du demandeur
Forum non conveniens litt. Tribunal non adéquat ; désigne la faculté reconnue à certaines
juridictions, en particulier dans les pays de Common Law, de décliner
leur compétence aux motifs qu’elles ne sont pas les mieux placées pour
statuer.
Actes jure imperii actes de souveraineté
Jure sanguinis selon le droit du sang (nationalité fondée sur la filiation)
Jure soli selon le droit du sol (filiation fondée sur la naissance sur le territoire)
Lege causae selon la loi de la cause (c’est-à-dire la loi applicable à la question de droit
sur désignation de la règle de conflit)
Lege fori selon la loi du for c’est-à-dire du tribunal saisi
Lege rei sitae selon la loi du lieu de situation de la chose
Lex causae loi de la cause
Lex contractus loi du contrat (expression employée pour désigner la loi qui régit à titre
principal le contrat au fond)
Lex loci actum loi du lieu de conclusion de l’acte juridique
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loi du for c’est-à-dire du tribunal saisi


Lex loci quasi-contractus loi du lieu de réalisation du quasi-contrat
Lex loci celebrationis loi du lieu de célébration (en général d’un mariage)
Lex loci damni loi du lieu du dommage
Lex loci delicti loi du lieu du délit (le délit s’entend ici aussi bien du fait générateur que
du dommage)
Lex mercatoria loi des marchands
Lex rei sitae loi du lieu de situation de la chose
Locus régit actum l’acte juridique est régi par la loi du lieu de sa conclusion (s’applique à
la forme des actes juridiques, pas au fond)
Professio juris droit reconnu au défunt de désigner, de son vivant, la loi qui régira sa
succession
Ratione loci en fonction de la localisation (de la situation, du litige)
Rationae personae en fonction des personnes concernées (par la situation, par le litige)
Rationae materiae en fonction de la matière en cause
Summa divisio division principale ou axiomatique
Ut singuli pris individuellement
In favorem en faveur

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Introduction générale

L’expression de « DIP » a été forgée au 19e siècle et vulgarisée en France par le Traité de DIP de
FOELIX (1843). Le développement d’un droit propre aux relations privées internationales est apparu
comme une nécessité dès lors que malgré la division du monde en Etats, aucun peuple ne peut vivre en
autarcie. La curiosité, la satisfaction des besoins de la vie, la recherche du profit, les nécessités du
commerce ont fait naître des échanges inévitables entre les peuples. Cette vie internationale justifie la
création d’une branche de droit capable de résoudre les difficultés techniques suscitées.
Le DIP désigne l’ensemble des règles juridiques applicables aux personnes privées impliquées dans
les relations internationales. C’est le droit qui permet de régler la question des relations internationales
entre personnes privées. Le DIP confronte l’étudiant avec les problèmes soulevés par « la diversité
spatiale du droit » (P. Meyer, DIP burkinabé, Presses africaines, 2010). En réalité, le DIP est une
discipline qui recèle de nombreuses difficultés à la fois du point de vue de son objet, de ses méthodes
et de ses fonctions. Ces difficultés s’expliquent en partie par l’absence de « points de repères »
législatifs précis même si l’on observe ces dix dernières années un mouvement de codification du DIP
dans différents Etats (lire A. Ferrer-Correla, « Les problèmes de codification en DIP, RCADI, t. 145,
pp. 57-203 ; F. Rigaux, « La méthode du conflit de lois dans les codifications et projets de codification
de la dernière décennie », Rev. Crit. 1985, pp. 1 et s ; E. Vassilakakis, Orientations méthodologiques
dans les codifications récentes du DIP en Europe, LGDJ 1987).
On présentera son objet (I), son domaine (II), ses sources (III) et ses méthodes (IV).
I/ L’objet du DIP
Le DIP a pour objet les rapports de droit international et spécifiquement les relations entre personnes
privées.
Le caractère international du DIP. Il résulte de ce que cette discipline ne s’applique qu’aux relations
internationales. La spécificité du DIP réside dans son caractère hétérogène, mixte ; il est en effet
traversé par plusieurs ordres juridiques i.e. qu’il a des liens avec plusieurs systèmes de droit. Le DIP
permet d’apporter une réponse aux litiges présentant un élément d’extranéité qui peut être la
nationalité des intéressés, le domicile d’une, le lieu d’exécution ou de conclusion d’un contrat, le lieu
du fait générateur d’un délit, le lieu de situation d’une bien. Il s’agit d’un rapport de droit attaché à
plusieurs Etats. En gros, seules les situations internationales susceptibles d’être appréhendées par un
droit étatique (formellement interne) relèvent du DIP ; la présence d’un tel élément compliquant la
tâche du juriste.
L’application du DIP aux personnes privées. Les relations, objet du DIP, sont des rapports privés.
En effet, le DIP régit non pas les rapports entre les Etats ou sujets de droit international (ce qui relève
du droit international public) mais des rapports transfrontaliers de droit privé c’est-à-dire impliquant
des particuliers.
A ce niveau deux précisions s’imposent : D’abord du point de vue interne camerounais (pays où les
conflits internes ont un caractère interpersonnel), la relation mixte i.e. celle qui se rattache à plusieurs
droits internes, est en principe une relation familiale, personnelle ou à caractère patrimonial (en effet
seul le droit de la famille reflète encore une vision diversifiée de l’ordre social). Plus spécifiquement le
droit international privé camerounais est complexifié par l’existence en droit interne d’une pluralité de
droits en conflit mettant en jeu deux formes de dualisme. La première forme de dualité, appelée
conflits interpersonnels, oppose le droit coutumier au droit moderne. La seconde, qualifiée de conflits
interterritoriaux, oppose le système de la Common Law en vigueur dans la région anglophone du
Cameroun et le système civiliste de la région francophone. Cette complexité du système juridique
camerounais rend délicate la résolution des litiges internationaux (lire : B. Banamba, Les conflits de
droits et de lois dans le système juridique camerounais, Thèse Paris, 1993, p. 94 ; B. Djuidje,
Pluralisme législatif camerounais et droit international privé, L’Harmattan, 1999, p. 5. E. Mbah, “The
conflict of laws dilemma: divorce in the conflict of laws in Cameroon”, Juridis Périodique, 2000, p.
65). En effet, lorsque la règle de conflit désigne la loi camerounaise, se pose la question de savoir
laquelle des lois camerounaises doit être considérée comme lex fori. A l’évidence, et en l’état actuel

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du droit camerounais, une solution satisfaisante des conflits internationaux dépend en grande partie de
celle des conflits internes
Ensuite, s’agissant des relations internationales, la technique bilatéraliste dominante a conduit à limiter
l’objet du DIP aux seuls rapports de droit privé entendus dans un sens étroit i.e. un caractère privatiste
et individualiste (d’où notamment l’exclusion des situations fiscales ou pénales ici chaque Etat a une
compétence exclusive pour fixer le champ spatial d’application de ses lois).
II/ Le domaine du DIP
Pour mieux cerner le domaine du DIP, il faut partir des différents types de problèmes qui interpellent
la discipline et constituent autant de matières qui peuvent entrer dans le champ d’application du DIP :
Les premiers problèmes partent de la division du monde en Etats souverains et indépendants. Chaque
Etat possédant son propre droit interne, son administration, son système juridique. La question s’est
posée de savoir : en présence d’une relation privée internationale, au droit de quel pays faut-il
soumettre la résolution du litige ? C’est la question du conflit de lois (par exemple, quelle est la loi
applicable à un mariage entre un Grec orthodoxe et un Gabonais ?). Sa résolution fait apparaître une
autre question : quelle valeur reconnaître aux décisions rendues par les juridictions étrangères ? Et
surtout quel tribunal est compétent pour connaître d’un litige présentant des attaches avec deux pays
au moins ? C’est la question du conflit de juridictions (Par exemple, quel est le tribunal compétent
pour connaître d’un accident de circulation survenu au Cameroun entre deux Gabonais).
Les seconds problèmes posés découlent de la nécessité de fixer les règles relatives à la nationalité
(conditions d’acquisition, de perte, etc.) et celles relatives à la condition des étrangers (statut juridique
des étrangers au Cameroun : entrée, séjour, activités professionnelles, droits et obligations) que le
droit interne avait du mal à organiser.
En réalité, le domaine du DIP dépend de la conception retenue par le système en question. En effet, le
DIP peut faire l’objet de conceptions très diverses. Des conceptions plus restrictives qui limitent le
DIP aux seuls conflits (conflits de lois et conflits de juridictions ; C’est le cas du Cameroun, le Gabon
qui réduit le DIP à 2 matières). Des conceptions plus extensives qui y font entrer quatre matières
(conflits de lois, les conflits de juridictions, la nationalité et la condition des étrangers : C’est le cas
des pays latins : la France, Italie, Espagne). La plupart des pays notamment anglo-saxons, ont limité
leur DIP au droit des conflits. La doctrine majoritaire africaine va dans le même sens.
Au fond, en DIP camerounais, deux grandes questions préoccupent l’internationaliste et guident son
raisonnement juridique, le conflit de lois et le conflit de juridictions.
III/ Les sources DU DIP
Le DIP se démarque des autres branches du droit par un véritable paradoxe. En effet, l’adjectif
« international » pourrait laisser penser que ses sources sont essentiellement internationales. Pourtant
le DIP s’est longtemps manifesté par la relative pauvreté de ses sources internationales même si cette
affirmation doit de nos jours être relativisée : les sources internationales et communautaires du DIP
prennent une place grandissante, de sorte que certains parlent de « internationalisation du DIP» ou de
« communautarisation du DIP » (Jean Derruppé et Jean-Pierre Laborde, 2008, p. 4).
En réalité, si le DIP a un objet international, ses sources demeurent mixtes c’est-à-dire internes et
internationales. En conclusion, le DIP consacre à la fois les sources internes (A) et les sources
internationales (B) qui entretiennent des rapports (C).
A/ Les sources nationales
Ce sont, dans chaque pays, les sources ordinaires du droit : la loi, la coutume, la jurisprudence, la
doctrine. Leur importance est variable selon les matières et les pays. Au Cameroun, la jurisprudence a,
bien plus que la loi, contribué à l’élaboration du DIP. Mais, la doctrine, bien plus que dans toutes les
autres branches du droit, joue de manière importante la fonction de « source de droit ». A cet égard,
Ph. Francescakis notait que « quant à ses structures fondamentales, le DIP a été emprunté par tous
les Etats, à une tradition commune, celle qui commence dans l’Italie du Moyen-âge. Cette tradition
comprend un ensemble de raisonnements de méthodes ou de techniques juridiques qui ne
s’improvisent pas mais qui résulte de l’accumulation du travail de plusieurs générations de juristes de
toutes nationalités. Ce qui fait que le DIP, malgré des différences mêmes radicales, dans les solutions
de détail, affirmées dans les divers pays, présente dans le monde entier, des similitudes profondes »
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(« Problèmes de DIP de l’Afrique noire indépendante », p. 348). La particularité de cette discipline est
d’être, au Cameroun contrairement à certains pays africains (Gabon, Bénin, Sénégal, Burkina Faso,
etc.), très peu codifié. Le Code civil applicable au Cameroun ne proposant que quelques dispositions.
1- L’apport limité de la loi
Considérée par les juristes de tradition latine comme la source principale du droit, la loi n’a pas la
même importance en DIP. Si son rôle est central dans les parties de la matière que sont la nationalité,
le droit des étrangers, il est plutôt secondaire en matière de conflit de lois et de juridictions notamment
au Cameroun. Ainsi depuis fort longtemps, le seul texte de loi en matière de conflit de lois est l’article
3 du code civil qui se borne à indiquer les grandes lignes du règlement des conflits de lois à propos du
statut réel et du statut personnel.
La nécessité de codifier le DIP camerounais s’impose. L’Avant-projet de code camerounais des
personnes et de la famille s’y attèle (art. 10 à 33, APCPF).
En matière de conflit de juridictions, là encore les textes du code civil sont rares (art. 14 et 15 sur la
compétence des juges camerounais en présence d’une situation internationale (art. 34 à 39, APCPF).
2- L’apport prédominant de la jurisprudence
La jurisprudence, face à l’insuffisance de textes, a constitué la source majeure du DIP. C’est à elle que
l’on doit la plus grande partie des règles de DIP (à partir du seul art. 3 du c. civ.), le législateur n’étant
pas encore intervenu en droit camerounais. Il s’agit surtout en cette matière des décisions des
tribunaux judiciaires. Il est certes vrai que les juridictions administratives ont joué également un rôle
dans la construction du droit de la nationalité et de la condition des étrangers.
C’est en usant de son pouvoir d’interprétation et en assumant son obligation de juger malgré
l’absence de texte que la JP a crée l’essentiel des règles applicables en DIP. Il faut dire que cette
œuvre jurisprudentielle a été facilitée par une activité doctrinale importante.
3- L’influence considérable de la doctrine
Son influence est grande surtout dans le droit des conflits où les textes ont été peu nombreux. Sans être
une autorité directe de création des règles, la doctrine a inspiré plusieurs solutions jurisprudentielles.
De nombreux arrêts empruntent directement les théories doctrinales. On doit à la doctrine,
l’affinement des concepts fondamentaux tels que « l’effet atténué de l’ordre public », « la fraude à la
loi » ainsi que les réflexions sur « les conflits et qualifications » ou « les renvois » (V. la formule de la
localisation du contrat (pour déterminer la loi applicable à défaut de choix express d’une loi par les
parties) employé par la Cour de cassation est empruntée au doyen BATIFFOL)
Les principaux modes d’expression écrite de la doctrine sont actuellement : les Traités et Manuels
(Niboyet ; Batiffol et Paul Lagarde ; Yvan Loussouarm, Pierre Bourel et P. de Vareilles-Sommières ;
P. Mayer et Vincent Heuzé ; Dominique Bureau et Horatio Muir-watt ; Bernard Audit ; Daniel
Gutmann ; Pierre Courbe ; Françoise Monéger). Les encyclopédies et Juris-classeurs. Les
périodiques : Revue critique de DIP et le Journal du DIP.
B/ Les sources supranationales
L’article 45 de la Constitution du Cameroun en constitue le fondement textuel. L’existence des
sources internationales satisfait les universalistes. On y range les traités (1), la coutume internationale
(2) et la jurisprudence internationale (3).
1- Les Traités
Ce sont des accords conclus entre des Etats pour résoudre des difficultés nées des divergences entre les
législations. On les classe en deux catégories : les traités bilatéraux (entre deux Etats, plus facile à
négocier mais qui accentuent la division du droit d’où la tendance des juges à les considérer comme
des règles d’exception soumises à interprétation restrictive. Ils sont fréquents en matière de condition
des étrangers) et les traités multilatéraux (entre plusieurs Etats, difficile à conclure car ils visent à
des règles de valeur universelle ou pouvant être acceptées par le plus grand nombre.
L’unification qu’ils réalisent concerne soit les règles de fond (ou règles matérielles traitant
directement le fond du droit. Elle contribue ainsi au rapprochement des législations nationales et

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excluent le conflit de lois : exemple, le Traité instituant une organisation et l’harmonisation en Afrique
du droit des affaires OHADA de 1993 (art 10 : « les Actes uniformes sont directement applicable et
obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne antérieure
ou postérieure » ; la Convention de Tananarive du 12 septembre 1961 sur la coopération en matière de
justice (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Côte-d’Ivoire, Dahomey, Haute-Volta, Mauritanie,
Niger, Sénégal et Tchad) ; la Convention de Vienne du 11 avril 1981 sur les contrats de vente
internationale de marchandises), soit les règles de conflit (on citera la Convention de Rome du 19 juin
1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, transformée en Règlement Rome I du 17 juin
2008). Historiquement, cette unification s’est opérée sous l’égide de la Conférence de la Haye de DIP
instituée en 1893, réunis à l’initiative du gouvernement des Pays-Bas, avec aujourd’hui 96 Etats, avec
des sessions plénières tous les 4 ans. Elle a élaboré un grand nombre de conventions relatives aux
conflits de lois de même qu’aux conflits de juridictions ou d’autorités.
2- La coutume internationale
C’est l’ensemble des règles non écrites de DIP que la plupart des Etats estiment devoir respecter. Elle
est parfois invoquée à l’appui de solutions largement retenue. On range également dans la coutume
internationale, l’ensemble des contrats types et les usages établis de façon spontanée par les auteurs du
commerce international. Cet ensemble de règles appelé lex mercatoria (la loi des marchands dont
l’origine remonte au Moyen âge) joue un rôle important dans la régulation des échanges
internationaux. Cependant, la nature de cette lex mercatoria est discutée en doctrine. Est-ce une
véritable source du DIP ? Sa portée reste limitée faute d’une réception par la loi ou la jurisprudence
internationale.
3- Les décisions de la Cour internationale de justice (CIJ) de la Haye et de la Cour
commune de justice et d’arbitrage (CCJA)
En ce qui concerne la CIJ, ces décisions sont peu nombreuses car elles impliquent une saisine de la
CIJ par les Etats, ce qui est rare en matière de droit privé. La CIJ s’est prononcée de manière
incidentes sur les questions suivantes : La nationalité (arrêt Nottebohm du 6 avril 1955, opposabilité
aux Etats tiers des actes de naturalisation) ; la condition des étrangers (arrêt du 25 mai 1926,
expropriation sans indemnité par la Pologne des usines allemandes en Silésie, arrêt Barcelona du 5
février 1971, protection diplomatique des actionnaires d’une société) ; le droit des conflits (arrêts du
12 juillet 1929, emprunts yougoslaves et brésiliens en France, arrêt Boll du 20 novembre 1958, tutelle
des mineurs ; cette affaire est à l’origine de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur la
protection des mineurs).
En ce qui concerne l’OHADA, le Traité prévoit dans son article 14 que « la CCJA assure dans les
Etats parties l’interprétation et l’application commune du présent traité, des règlements pris pour son
application et des Actes uniformes ». Il existe de nombreuses décisions rendues par la CCJA que vous
trouvez sur le portail de l’OHADA, Ohadata.
Quoi qu’il en soit qu’elles soient nationales ou internationales, les sources du DIP posent le problème
de leur coordination.
C/ La coordination des diverses sources du DIP
Pour présenter ces rapports, il est important de rappeler le conflit de tendances (1) et le conflit des
conceptions de l’ordre juridique (2) avant de dire précisément un mot sur la place du Traité et de la loi
au Cameroun (3).
1- Le conflit de tendances
Il existe deux attitudes face au problème de la valeur respective des sources internes et des sources
internationales.
a) Les universalistes affirment la primauté des sources internationale. Le plus célèbre des
universalistes est PILLET. Pour ces auteurs, les problèmes surgissant dans les relations
internationales concernent la société internationale dans son ensemble. Ils soutiennent qu’il est
non seulement souhaitable mais possible de leur trouver une solution internationale, commune

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à tous les Etats et donc de valeur universelle. Pour les auteurs de cette tendance, priorité doit
être accordée aux sources internationales.
b) Les particularistes privilégient les sources internes. Pour eux, le DIP a et ne doit avoir pour
objectif que de résoudre des problèmes propres à chaque pays en respectant les intérêts
propres à chaque Etat dans les rapports internationaux. Parmi les particularistes, on cite
BARTIN, NIBOYET, de VARIELLES-SOMMIERES. Pour les particularistes, le DIP est une
projection des droits internes sur un plan international et la discipline existe parce que les
solutions internes sont variées.
2- Le conflit des conceptions de l’ordre juridique
La conception de l’ordre juridique a une influence sur le problème de coordination et de la hiérarchie
des sources internes et internationales. Deux conceptions s’opposent :
a) la thèse moniste qui considère que l’ordre juridique internationale et l’ordre juridique interne
forment un ensemble unique de règles dans chaque pays. Dans cette unité, les règles
internationales sont hiérarchiquement supérieures aux règles internes (cas du Cameroun, art.
45, Const).
b) Dans la thèse dualiste, les ordres juridiques internes et l’ordre juridique international sont des
systèmes de droit indépendants, distinct et égaux.
3- Le rapport du Traité et de la loi au Cameroun
Le principe de la supériorité du Traité sur la loi est affirmé au Cameroun par la Constitution (art. 45,
Constitution de 1972, révisé en 1996 et en 2008). D’après ces textes, les Traités et accords
internationaux régulièrement approuvés et ratifiés ont dès leur publication une autorité supérieure à
celle des lois sous réserves de réciprocité.
En ce qui concerne l’interprétation des Traités par les juges camerounais, la question est de savoir si
les tribunaux peuvent interpréter un Traité régulièrement ratifié ? Ou alors ce pouvoir d’interprétation
est-il réservé à l’exécutif qui a négocié et ratifié le traité ? En France, la Cour de cassation et le Conseil
d’état n’ont pas toujours donné la même réponse à cette question.
Les chambres civiles de la Cour de cassation ont admis la compétence des tribunaux judiciaires pour
interpréter les traités « sauf lorsque les dispositions soumises à leur interprétation mettent en jeu les
questions de droit public international ». Ainsi, lorsque le traité mettait en présence des intérêts privés,
le juge judiciaire se déclarait compétent et le cas contraire renvoi était fait au gouvernement. Cette
position est celle toujours en vigueur au Cameroun. En droit français, la question a fait l’objet d’une
évolution puisque depuis l’arrêt Banque africaine de développement du 19 décembre 1995 (Rev. Crit.
DIP 1996, p. 468, note B. Oppetit), le juge judiciaire est apte pour interpréter les traités internationaux
invoqués dans la cause soumise à son examen sans qu’il soit nécessaire de solliciter l’avis d’une
autorité non juridictionnelle. En l’espèce, l’interprétation d’un accord portant création de la BAD.
Traditionnellement, le Conseil d’Etat estimait que l’interprétation des traités devait être demandée au
gouvernement (relevant de l’exécutif). Mais par l’arrêt Gristi du 29 juin 1990 (Rev. Crit. DIP 1991,
61, concl. Abraham, note P. Lagarde), le Conseil d’Etat a posé que le juge administratif le droit
d’interpréter lui-même les traités internationaux sans être lié par l’interprétation gouvernementale. En
l’espèce de l’interprétation d’un accord franco-algérien en matière de regroupement familial qui
accordait ce regroupement aux enfants mineurs. Il va même jusqu’à décider que l’Etat est tenu de
réparer le préjudice résultant de la méconnaissance d’une convention internationale (CE, 8 février
2007, arrêt Gardedieu).
Dès lors que le juge peut interpréter les traités, une autre question se pose : quelles méthodes
d’interprétation doit-il suivre ? Celle utilisée pour les lois internes ou au contraire suivre les règles du
droit international public énoncées dans les traités ? Le principe de la supériorité des traités sur les lois
invite à suivre la seconde méthode. Ce que l’on peut retenir c’est que les sources internes sont
nécessaires en DIP car il est impossible de faire totalement abstraction des particularismes et des
intérêts nationaux ; les sources internationales sont souhaitables car elles améliorent les relations
internationales.
La singularité du DIP se prolonge sur le terrain de la méthode.

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IV/ Les méthodes du DIP


Le pluralisme juridique constitue le postulat du DIP. Francescakis écrivait à ce sujet que le DIP est
« le droit de la diversité du droit ». Le respect du droit étranger, valeur essentielle sur laquelle repose
le DIP, conduit soit à l’application d’une loi étrangère, les droits en concurrence étant alors considérés
comme égaux, soit à l’élaboration d’une règle de droit qui tienne compte de l’hétérogénéité de la
relation internationale. Il y a donc deux manières d’appréhender une question de DIP : la méthode
directe et la méthode indirecte (lire, P. Arminjon, « L’objet et la méthode en DIP », RCADI, t. 21, pp.
429-512 ; H. Batiffol, « Le pluralisme des méthodes en DIP », RCADI, 1973, pp. 79 et s ; P. Louis
Lucas, « Conflits de méthodes en matière de conflit de lois », JDI, 1956, pp. 774 et s).
A/ La méthode directe (les règles substantielles)
Il s’agit ici de chercher à élaborer des règles matérielles ou substantielles qui vont donner directement
la solution. La méthode directe se rencontre dans le droit de la nationalité, de la condition des
étrangers, en matière de conflit de juridictions et d’effets des jugements étrangers. Elle se rencontre
également dans certains traités internationaux (Convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut
des réfugiés, Convention de Vienne du 11 avril 1980, l’ensemble des Actes uniformes de l’OHADA
notamment l’Acte uniforme du 11 mars 199 relatif au droit de l’arbitrage, l’Acte uniforme relatif au
droit commercial général, l’Acte uniforme du 17 mars 1997 relatif au droit des sociétés commerciales
et du groupement d’intérêt économique, l’Acte uniforme du 24 mars 2000 relatif au droit comptable,
l’Acte uniforme du 17 avril 1997 portant organisation des sûretés, l’Acte uniforme portant
organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, l’Acte uniforme du
22 mars 2003 relatif aux contrats de transport de marchandises par route). Elle se rencontre aussi en
jurisprudence lorsque le juge énonce des règles matérielles qui ne s’appliquent que dans les relations
internationales (Cf. arrêt Messageries maritimes du 21 juin 1950 qui a posé une règle matérielle en
validant les clauses valeur-or pour les contrats internationaux). Elle se rencontre enfin dans la théorie
des lois de police puisqu’il s’agit alors d’appliquer directement la loi du for dans certaines matières
sans se préoccuper de l’élément d’extranéité de la situation en cause.
B/ La méthode indirecte (les règles de conflit)
Il s’agit d’énoncer des règles de conflit de lois en fonction de la question posée, règles de conflit qui
permettront de désigner la loi applicable mais qui ne donneront pas directement la solution puisque
celle-ci dépendra de l’application de la loi désignée par la règle de conflit.
D’après celle-ci, chaque fois qu’une juridiction doit connaître d’un litige comportant un élément
extranéité, elle doit consulter son propre système précisément sa propre règle de conflit et déterminer
la loi applicable (P. Meyer, op. cit., p. 10).
La prise en compte de ces deux méthodes qui cohabitent oblige à procéder à des regroupements
permettant d’examiner d’abord la théorie générale du droit des conflits (conflits de lois et conflits de
juridictions), ensuite le droit spécial des conflits de lois. Mais seule la théorie générale du droit des
conflits fera l’objet de DIP I. Son domaine d’application est vaste car il couvre tous les rapports de
droit privé. Une véritable science des conflits a vu le jour. Elle a permis d’élaborer une théorie
générale du droit des conflits (conflits de lois et conflits de juridictions).
Plan :
Première partie : Les conflits de lois
Seconde partie : Les conflits de juridictions

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Première partie
Les conflits de lois
L’expression « conflits de lois » désigne en DIP la concurrence de deux ou plusieurs lois émanant
d’ordres juridiques différents pour régir une situation donnée. Et le moyen d’éviter une contrariété de
statuts consiste à résoudre le conflit de lois en soumettant la situation à l’une des lois en concurrence.
La méthode conflictuelle repose donc sur un instrument central : la règle de conflit de lois. Autrement
dit, la règle de conflit est instituée pour résoudre le conflit de lois.
Pour analyser les principes généraux des conflits de lois, il faut se préoccuper de ses fondements
(chapitre 1), des étapes du règlement des conflits (chapitre 2) et de la mise en œuvre de la règle de
conflit (chapitre 3).

Chapitre 1
Les fondements méthodologiques de la théorie des conflits de lois
Les fondements de la théorie des conflits de lois sont historiques et méthodologiques. En DIP
l’histoire tient une place essentielle (lire GUTZWILLER, « Le développement historique du DIP »,
RCADI 1029, IV, 348, H. BATIFFOL et P. LAGARDE, n° 9 et s. La matière résulte en effet d’une
construction doctrinale, puis jurisprudentielle qui remonte dans le temps. La doctrine distingue six
périodes dans la formation de la théorie des conflits de lois :
1- Une phase pré doctrinale. Cette phase signifie que le DIP existe bien avant d’être mis en théorie
mais également que le DIP suppose une pensée juridique élaborée pour admettre qu’un élément
d’extranéité puisse modifier l’application ordinaire de la loi. Or comme l’écrit Daniel Gutmann, « une
telle sophistication de la pensée juridique est assez récente » (D. Gutmann, DIP, Dalloz, 2007, p. 30).
Par conséquent le DIP n’existait, les étrangers n’étant pas considérés comme de véritables sujets de
droit.
2- Une phase médiévale. Le DIP prend naissance avec la reprise des échanges commerciaux dans
l’Europe de la seconde moitié du 9 e siècle notamment entre l’Europe du Nord et les cités
indépendantes de l’Italie du Nord, favorisant le déplacement des hommes. Pour faire face à ces
nouveaux problèmes juridiques liés à cette dense activité, les juristes ont du faire preuve d’imagination
et ont créé entre autre la « théorie des statuts ».
3- Une phase territorialiste insistant sur l’application systématique de la loi du for. On en distingue
généralement trois types : le territorialisme français, le territorialisme hollandais et le territorialisme
anglais et américain. Le territorialisme français est porté par deux grands juristes français :
DUMOULIN (1500-1566). On se souvient de sa célèbre consultation en 1525 aux époux Ganey qui
avaient des biens dans plusieurs lieux, il se prononça pour l’application d’une seule loi à l’ensemble
de leurs biens, en l’occurrence la coutume de Paris, Paris étant le lieu où les époux habitaient au
moment de leur mariage, l’on pouvait considérer qu’ils avaient choisi implicitement de soumettre leur
régime matrimonial à cette coutume. Il a ainsi contribué à l’avènement de « la loi d’autonomie ».
D’ARGENTRE (1519-1590) était un magistrat breton. Il est considéré comme le pur représentant de
la théorie territorialiste français. Il est, en effet, le premier à systématiser la distinction entre les
coutumes personnelles pour les personnes et les coutumes réelles pour les choses pour en déduire que
les coutumes personnelles suivent les personnes où qu’elles se trouvent. Et de ce point de vue, la
coutume d’un non-breton doit être respectée sur le sol de Bretagne tandis que la coutume de Bretagne
s’applique territorialement à tous les biens ; les coutumes ayant un domaine essentiellement territorial.
Cette théorie a pour but la défense du particularisme breton et la vocation de la coutume bretonne à
régir le plus grand nombre de situations possibles (D. Gutmann, DIP, Dalloz 2007, p. 33) c’est une
position à la fois dogmatique, politique et nationaliste » (J. Derruppé et J.P. Laborde, 73). Le
territorialisme hollandais avec ULRIC HUBER ou Paul VOET s’inspire du territorialisme de
d’Argentré (respect du particularisme local) tout en considérant que la loi doit être appliquée à tous
ceux se trouvent sur le territoire de l’Etat à titre permanent ou provisoire. De sorte que l’application
d’une loi étrangère n’intervient que par « courtoisie internationale (i.e. dans l’espoir que l’Etat

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étranger fera la même chose). Le territorialisme anglais et américain. Il est porté par Joseph STORY
(1779-1845) qui apportera la précision que la loi sur l’effet extraterritorial que si l’Etat étranger
accepte cette entorse à sa souveraineté.
4- Une phase universaliste (avec pour chef de fil MANCINI (1817-1898), prof de DIP et homme
politique italien qui propose « la nationalité comme fondement du droit des gens » en réaction contre
le territorialisme accusé d’être un résidu malheureux de la féodalité, accusé de ne pas tenir compte des
droits des individus). L’universalisme est porté en Allemagne par SAVIGNY et en France par PILLET
qui tenta de concilier application personnelle et application territoriale en recourant au critère « du but
social poursuivi par les lois en conflit ». De sorte que les mois ayant pour objet la protection des
individus s’appliquent au-delà des frontières (elles sont permanentes) tandis que celles ayant pour
objet la protection de l’ordre et la paix publics doivent s’appliquer de manière générale sur tout le
territoire.
La contestation particulariste se manifeste à la fin du 19e siècle en Allemagne (KAHN), en Italie
(ANZILOTTI) et en France BARTIN avec son particularisme à fondement juridique, NIBOYET avec
un particularisme à fondement politique).
5- Une phase dite moderne correspond à une aspiration à un règlement des conflits aussi homogène
que possible d’un pays à l’autre fondé sur le droit comparé et la recherche d’une coordination des
ordres juridiques (MAURY, LEREBOURS-PIGEONNIERES et BATIFFOL). Ils ont ainsi abandonné
toute démarche aprioriste et encouragent le développement des conventions internationales (règles
matérielles)
Si l’étude de cette évolution historique est importante pour cerner l’esprit général de la formation du
DIP, elle n’est pas déterminante pour saisir ses règles.
Par contre, on ne peut saisir le droit des conflits de lois que si on appréhende ses fondements
méthodologiques. Deux méthodes essentielles coexistent dans le DIP moderne : la méthode
bilatéraliste ou conflictualiste et la méthode unilatéraliste. Sans doute d’autres méthodes secondaires
existent-elles mais ces deux constituent la summa divisio de la matière. On parle de règle de conflit
bilatérale ou conflictuelle lorsque la règle de droit applicable ne se borne pas à définir le champ
d’application de la loi du for, mais désigne de manière générale plus neutre la loi applicable qui peut
être une loi étrangère. La règle de conflit unilatérale est celle qui délimite le champ d’application de la
loi du for sans permettre la désignation d’une loi étrangère (art. 24 code de trav. Cam).
On étudiera successivement la méthode bilatéraliste qui reste prédominante en DIP car elle permet
seule de résoudre les conflits (Section 1) et la méthode unilatérale qui tend ces dernières années à se
développer (section 2).

Section 1
La méthode bilatéraliste
Elle a été systématisée par SAVIGNY et consiste à partir de situation précise pour déterminer la loi
applicable. Elle ne s’applique que dans l’hypothèse où une situation peut a priori être régie par
plusieurs systèmes de droit au sens de conflit de lois mais aussi au sens de conflit de droits (ici le droit
est étendu à d’autres foyers non étatiques créateurs de droit). C’est elle qui permet à différentes lois
d’avoir vocation à s’appliquer. L’analyse classique de la règle de conflit commande d’examiner sa
structure (§1) et ses caractères (§2).
§1 : La structure de la règle de conflit bilatérale
La structure d’une règle de conflit bilatérale reflète « la fonction qu’elle remplit au sein d’un ordre
juridique » (Derruppé et Laborde, 2008), fonction qui elle-même commande ses éléments constitutifs.
La règle de conflit a pour objet de rattacher à un système juridique un rapport de droit identifié par une
catégorie de rattachement, rattachement opéré en vertu d’un critère localisateur appelé facteur ou
critère de rattachement. Constituent donc la structure de la règle de conflit :
- ce qui est rattaché i.e. l’objet du rattachement, la catégorie de rattachement ;
- ce qui opère le rattachement, le facteur de rattachement ;
- le système juridique auquel la catégorie de rattachement est rattachée.

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La structure de la règle de conflit permet au fond de préciser de manière générale le raisonnement


suivi en DIP : d’abord l’on vérifie que le rapport juridique est de droit privée et qu’il est hétérogène
(mixte) ; ensuite, on le classe dans une catégorie juridique de rattachement propre au DIP, et une fois
le rapport qualifié, on utilise le facteur de rattachement approprié désignant le droit applicable.
§2 : Les caractères de la règle de conflit bilatérale
La méthode bilatéraliste est construite sur le modèle savignien du rattachement d’un rapport de droit à
un système juridique. Elle est indirecte (A) et neutre (B).
A- Le caractère indirect de la méthode bilatéraliste
La méthode bilatérale est indirecte dans la mesure où elle ne se préoccupe nullement de la résolution
des problèmes de fond ; mais se contente de désigner la loi qui régira le rapport et dans laquelle par
conséquent on recherchera la solution à la question posée. Elle s’oppose ainsi aux règles matérielles
lesquelles déterminent directement les conséquences de l’hypothèse qu’elles prennent. Ce caractère
résulte de l’impossibilité qu’il y a à uniformiser les droits substantiels des différents Etats. Dès lors
que les règles demeurent différentes, la méthode bilatéraliste des règlements des conflits de lois oblige
à désigner parmi les lois concurrentes celle qui a vocation à s’appliquer.
Toutefois, dans un certain nombre d’hypothèses, ce caractère bilatéral a pu sembler inadapté. On a
estimé que les intérêts en cause pouvaient justifier une réglemention directe du rapport de droit en
tentant de passer par le canal de la méthode bilatérale encore appelée méthode conflictualiste. Cette
dérogation permet de désigner la loi directement applicable, on se trouve alors en présence d’une règle
plutôt unilatéraliste.
B- Le caractère neutre de la méthode bilatéraliste
La neutralité ne se conçoit que pour les règles de conflits bilatérales. D’après ce caractère, la règle de
conflit ne prend pas position pour l’une des solutions substantielles auxquelles elle est susceptible de
mener. Elle désigne la loi applicable uniquement en fonction de ses liens avec le rapport de droit.
La règle de conflit bilatérale part de la situation ou rapport de droit et désigne le droit qui lui est
rationnellement applicable et puisque le rattachement se veut rationnel ou objectif, il peut désigner
aussi bien le droit du for qu’un droit étranger. Ce caractère de neutralité est de l’essence des règles des
conflits de lois. Ainsi la règle de conflit est bilatérale car elle désigne indifféremment selon les
données de l’espèce une loi étrangère ou la loi du for. Par exemple… En outre, même si la règle de
conflit a une formulation unilatérale (i.e. qu’elle n’exprime que les conditions d’applicabilité de la lex
fori), il est possible de la bilatéraliser. Par exemple…
La neutralité de la règle de conflit bilatérale lui a valu de vives critiques. On a notamment fait valoir
que cette indifférence au résultat produit par la loi applicable apparaît comme un véritable saut vers
l’inconnu pouvait être considéré comme de l’aveuglement.
Ces critiques ont mis en lumière la nécessité d’introduire dans certains cas des considérations de lois
substantielles dans le raisonnement conflictualiste. Cela peut se produire en particulier lorsqu’une
législation cherche à atteindre un résultat. Cette méthode qui déroge à la neutralité de principe de la
règle de conflit peut se manifester de deux manières : soit par des options de législation (1), soit par
des règles de rattachement multiple (2).
1- Les options de législations
L’option de législation consiste à laisser aux parties le choix de la loi applicable entre un nombre
limité de lois. Cette place laissée à l’autonomie de la volonté est à l’origine de la matière des contrats
dans laquelle la volonté des parties a toujours joué un rôle important. Les parties ont ainsi le choix de
la loi applicable à leur contrat. C’est la consécration de la validité de la loi d’autonomie.
L’intervention de la volonté des parties dans le choix de la loi applicable ne cesse de s’étendre. On la
retrouve aujourd’hui dans les successions, les obligations extra contractuelles et même dans le statut
personnel. On est ainsi en présence d’un recul de la neutralité.

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2- Les règles à rattachement multiple


En DIP, il existe trois types de règles à rattachement multiples : les rattachements distributifs,
cumulatifs et alternatifs.
Il y a rattachement distributif lorsque les aspects d’un même rapport de droit sont susceptibles d’être
régis par plusieurs lois différentes. Par exemple, le mariage : ses conditions de fond et de forme
peuvent être appréciées selon les lois différentes. Les conditions de fond peuvent dépendre de la loi
nationale (droit francophone) ou de la lex domicili loi du domicile (en droit anglophone) alors que les
conditions de forme dépendent de la loi du lieu de célébration, lex loci celebrationnis.
Le rattachement cumulatif consiste à soumettre une situation ou un rapport de droit à deux lois
différentes, ce qui revient à exiger que cette situation soit validée par les deux lois. Au final, il s’agit
d’appliquer la loi la plus stricte (par exemple le mariage est proscrit entre parents au 6° par la loi
gabonaise alors qu’il l’est par la loi française jusqu’au 4°, cela revient à vérifier que la condition plus
sévère de la loi gabonaise est remplie). Certains pays prévoient que le divorce n’est juridiquement
admis que s’il est autorisé à la fois par la loi personnelle du mari et celle de la femme. En droit
prospectif, l’article 18, al. 2 de l’APCPF : « Les conditions de fond du mariage sont régies par la loi
nationale de chacun des époux, laquelle est également applicable pour son annulation ».
Le rattachement alternatif consiste à envisager pour une situation juridique ou un rapport de droit
l’application de plusieurs lois mises sur un pied d’égalité en partant du principe qu’il suffit qu’une de
ces lois valide l’acte ou le rapport de droit pour que cette validité soit reconnue. L’exemple type de
rattachement alternatif est donné par la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits de
lois en matière de formes des dispositions testamentaires qui prévoient que le testament est valable si
cette validité est reconnue soit par la loi du lieu de validation, soit par la loi nationale du testateur,
soit par la loi du domicile de celui-ci ; l’objectif ici est de favoriser la validité du testament. Le
rattachement alternatif porte directement atteinte à la neutralité de la règle de conflit dans la mesure où
le législateur tout en conservant la technique de rattachement oriente celle-ci vers un résultat
substantiel.
Il découle de ce qui procède que la règle de conflit est indissociable d’une politique législative. Elle
n’a pas seulement une fonction de répartition mais aussi celle de régulation des intérêts. Cela met en
évidence la relativité de l’objectivité du DIP. Il possède également une dimension politique qui
d’ailleurs explique la présence d’une méthode unilatéraliste à côté de la méthode bilatéraliste.

Section 2
La méthode unilatéraliste
La méthode unilatéraliste de règlement de conflit de lois est née de l’impossible usage de la méthode
bilatéraliste dans certaines hypothèses prolongeant la tradition territorialiste. Elle se propose de
corriger les faiblesses du bilatéralisme. Des auteurs allemands tels que SCHNELL, puis NIEDLER ont
entrepris au moment de l’élaboration du BGB (code civil allemand) à la fin du 19e siècle de démontrer
l’atteinte à leurs yeux inacceptables que le bilatéralisme portait à la souveraineté étrangère. En France
NIBOYET fut sensible à l’unilatéralisme tout en faisant observer qu’il ne pouvait être envisagé que de
lege ferenda.
Pour cerner l’unilatéralisme, il est important de comprendre la notion (§1), puis d’envisager sa
réception par le droit positif (§2)
§1 : La notion d’unilatéralisme
L’unilatéralisme est la doctrine qui prône une réglementation directe du rapport de droit, en évitant de
passer par le canal de la méthode bilatérale ou conflictuelle. Ainsi attribuer à la règle de conflit un
caractère unilatéral c’est considérer que l’objet de cette règle est de déterminer le champ d’application
dans l’espace d’une loi et par conséquent limiter son objet à la seule désignation de la loi du for. En
fait, la règle de conflit unilatérale est selon GOTHOT « celle par laquelle le législateur détermine le
domaine d’application de la loi qu’il édicte ou désigne les rapports tombant sous l’empire de sa propre
législation (« le renouveau de la tendance unilatéraliste en DIP », Rev. Crit. DIP, 1971, I, 209). C’est
QUADRI qui a systématisé une théorie de conflit des lois fondée sur l’idée que chaque Etat détermine

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tacitement le champ d’application de ces lois dans l’espace. Ce champ variant en fonction du contenu
de sa loi (lire D. Gutmann, op. cit., p. 54).
Le problème majeur de l’unilatéralisme vient de ce que cette méthode s’appuie sur le postulat que les
Etats peuvent naturellement se coordonner dans l’espace international. Cela est contredit par
l’expérience ; les Etats se considérant parfois cumulativement compétents pour appréhender une
situation juridique, c’est l’hypothèse où deux pays réclament l’application de leur loi au rapport
juridique. Pourtant le juge saisi doit trancher sur la base de ces éléments de la coordination nationale.
On comprend que cette méthode de règlement de conflit ait eu un succès limité en droit positif qui ne
l’a réceptionné que pour résoudre des cas très précis.
§2 : La réception de l’unilatéralisme par le droit positif
L’unilatéralisme n’a connu qu’une influence limité en droit positif. Au Cameroun, il connait deux
formes principales : les règles de conflit unilatérales (A) et les lois de polices (B)
A- Les règles de conflit unilatérales
On distingue deux types de règles de conflit unilatérales : les fausses et les vraies (exclusivement
unilatérale).
L’article 3, alinéa 3 du Code civil applicable au Cameroun qui dispose que : « Les lois concernant
l’état et la capacité des personnes régissent les Français(Camerounais) même résidant en pays
étrangers » est classiquement citer comme faussement unilatérale. En apparence, il s’agit d’une règle
de conflit unilatérale puisqu’elle ne fait explicitement que fixer le domaine d’application de la loi
française (camerounaise). En réalité, cette règle est aisément « bilatéralisable » car elle permet de
dégager une règle générale d’après laquelle l’état et la capacité d’une personne sont régis par la loi du
pays dont cette personne a la nationalité.
En revanche, certaines règles sont véritablement des règles de conflit unilatéral. Il en est ainsi de
l’article 310 du code civil français. Son alinéa 1er soumet le divorce et la séparation de corps des époux
de nationalité française à la loi française. Peut-on en déduire que le divorce est régi par la loi commune
des époux ? La réponse est négative puisque le second alinéa prévoit que la loi française s’applique
également lorsque les deux époux ont l’un et l’autre leur domicile sur le territoire français. Ce faisant,
le législateur a cumulé deux facteurs de rattachement, l’un s’appliquant à défaut de l’autre : au
rattachement bilatéral, il adjoint un critère unilatéral et ce faisant étend la compétence de la lex fori.
Par conséquent, deux époux de nationalité camerounaise domiciliés en France sont soumis aux règles
françaises sur le divorce. Il n’est donc pas possible de bilatéraliser l’alinéa premier : il s’agit donc
d’une vraie règle de conflit unilatérale. En conjuguant les deux premiers critères, on constate que la
règle n’est pas bilatéralisable puisqu’elle soumet à la loi française aussi bien les Français hors de
France que les étrangers domiciliés en France.
On voit bien que la différence entre les vraies et les fausses règles de conflit unilatérale réside dans la
forme mais également sur le fond. C’est qu’en effet, le législateur qui pose une vraie règle unilatérale
manifeste le souci d’étendre le domaine d’application de sa propre loi. C’est un mécanisme semblable
mais de portée juridique plus radicale qui opère dans les lois de police.
B- Les lois de police
La notion de lois de police est ancienne. On la retrouve dès 1804 dans l’article 3 du code civil
applicable au Cameroun qui dispose : « Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent
le territoire national ». Pourtant, la définition de la notion reste l’œuvre de la doctrine et de la
jurisprudence. La notion mérite d’être cernée (1) avant que ne soit envisagé sa mise en œuvre (2).
1- La notion de lois de police
C’est FRANCESCAKIS qui le premier a étudié, en France, les lois de police qu’il appelait encore lois
d’application immédiate. La définition qu’il en donne est fondée sur le contenu de ces lois : Ce sont
des lois « dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale et
économique du pays » (Rep. Dr. Int. Dalloz, 1re éd., V. conflit de lois). Elles se caractérisent par leur
fonction d’organisation politique, sociale ou économique. Il s’agit donc de dispositions impératives
qui vont s’appliquer à une situation donnée, même si cette situation présente des liens avec un autre
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Etat. En effet, la loi de police s’applique sur le fond de façon prioritaire, quelle que soit la loi
applicable aux rapports de droit. Un exemple de loi de police nous est fourni par le Code de travail
camerounais en son article 24. Selon ce texte, « Tout contrat de travail conclu pour être exécuté au
Cameroun, est soumis au Code de travail ». C’est encore le cas du bail d’un immeuble situé au France
qui est impérativement soumis à la réglementation française concernant les loyers indépendamment de
l’élément d’extranéité. De même, l’arrêt Cie internationale des Wagons-lits du 29 juin 1973 (CE, GA
n° 53) a énoncé qu’une entreprise ayant son siège à l’étranger mais employant en France plus de 50
salariés ne saurait échapper à la législation française sur les comités d’entreprise.
La Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles met en
œuvre la catégorie des lois de police dans son article 7, à la fois les lois de police du for (al.2) et les
lois de police étrangères (al. 1re). Le Règlement Rome I du 17 juin 2008 qui remplace cette
convention a donné une définition très stricte des lois de police inspirée de la jurisprudence de la
CJCE, dans son article 9§1 : « Une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé
crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique,
sociale ou économique, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ
d’application quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d’après le présent règlement ».
Il faut souligner que la qualification de loi de police n’a d’intérêt que si la loi applicable au fond est
une loi étrangère. Comme en matière d’ordre public ou de bonnes mœurs, il n’est pas aisé de donner
une définition des lois de police. Pour avoir une vue exhaustive des lois de police, il convient de les
situer par rapport aux lois d’application territoriale et immédiate et par rapport aux règles de conflit.
a) Distinction entre lois de police, lois d’application territoriale et lois d’application
immédiate
La notion de « loi de police » ne se confond pas totalement avec celle de « loi d’application
territoriale ». On entend par loi d’application territoriale, une loi qui doit être appliquée par toutes les
autorités du territoire. Sur cette base, les tribunaux ont parfois assimilé loi de police et loi territoriale.
Cette assimilation n’est pas toujours justifiée car il existe des lois territoriales qui ne sont pas des lois
de police. Par exemple, dans la plupart des pays, le statut réel relève de la lex rei sitae ; pourtant le
statut réel constitue une catégorie de rattachement. En revanche une loi de police est toujours
d’application territoriale ; même si par ailleurs elle peut s’appliquer à raison d’un critère personnel. Tel
est le cas d’une interdiction d’exporter visant tous les ressortissants de l’Etat qui l’édicte. De sorte
qu’une loi de police, devant être appliquée uniformément par toutes les autorités sur le territoire du
pays qui l’émet, peut ne pas concerner tous les individus se trouvant sur ledit territoire.
En revanche, la notion de « loi de police » est synonyme de la notion de « loi d’application
immédiate ». Il s’agit en réalité d’une même idée présentée de façon différente dans chaque
expression. Tandis que la notion de loi de police renvoie à des considérations tenant à son contenu
particulièrement contraignant, la notion de « loi d’application immédiate » fait mieux apparaître le fait
que ladite loi s’impose sans considération pour les lois étrangères. Comme le rappelle Pierre Meyer,
« une loi est d’application immédiate parce qu’elle est du point de vue de sa fonction, une loi de
police » (p. 157). On rencontre aussi en doctrine l’expression « règles d’application nécessaires » (cf.
P. Mayer et V. Heuzé, n° 120).
b) Distinction entre lois de police et règles de conflit
Les lois de police s’opposent à la règle de conflit pour au moins trois raisons : D’abord la loi de police
est d’application spontanée. On ne passe pas par l’intermédiaire de la règle de conflit pour désigner la
loi compétente. La présence d’une loi de police supprime purement et simplement la nécessité de
rechercher à quelle loi la règle de conflit aurait donné compétence. Ensuite, l’approche du problème
n’est pas la même dans les deux procédés. Dans la méthode conflictuelle, on part d’une situation
concrète qu’on tente de rattacher à une loi en mesurant l’intensité de ses liens avec les différents pays
en concours. En présence d’une loi de police, le processus est inversé, on part du champ d’application
de la loi dans l’espace, à partir de là, on recherche l’existence d’une loi locale qui revendique
impérativement irrésistiblement son application. Ici, c’est la loi de police qui fixe elle-même son
domaine d’intervention. Enfin, la loi de police n’écarte pas l’application de la loi étrangère
normalement compétente en vertu de la règle de conflit en raison de son caractère choquant comme en
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matière d’exception d’ordre public international. La loi d’application immédiate se fait sentir avant, le
contenu de la loi étrangère est totalement indifférent.
Malgré tous les efforts visant à clarifier la notion de loi de police, un seul point est acquis :
l’impossibilité de découvrir un critère suffisant et précis pour la caractériser. Les lois de police sont
finalement une série de dispositions éparses et sans homogénéité dans les différents domaines du droit.
Il reste cependant que cette notion est réelle et qu’il faut se préoccuper de sa mise en œuvre.
2- Les procédés d’application des lois de police
Ils varient selon qu’on se trouve en présence d’une loi de police du for (a) ou d’une loi de police
étrangère (b).
a) Les lois de police du for
En présence d’un litige international, si le juge compétent identifie dans le droit du for une loi de
police, il a l’obligation de l’appliquer et s’abstenir de faire appel à la méthode conflictualiste. Le cas le
plus simple est celui où le législateur a expressément précisé le champ d’application territorial de la
règle impérative qu’il pose. On peut ici reprendre l’exemple de l’article 24 du code de travail
camerounais. Dans une telle hypothèse, le juge ne peut qu’appliquer cette loi de police même si la
solution lui semble excessive. Il n’a pas d’autre choix que de respecter la volonté de son ordre
juridique qui les a instituées.
La difficulté s’accroît parfois lorsque le législateur est resté silencieux et que l’une des parties invoque
une loi de police sur le point envisagé. C’est l’hypothèse de l’arrêt Cie des wagons-lits. Le principe
général est celui de la primauté des lois de police du for sur les lois normalement applicables. Il a reçu
une consécration textuelle à l’article 7 de la Convention de Rome.
Le droit communautaire européen intervient pour contrôler la légitimité des lois de police dans
l’espace européen afin d’éviter que certaines de ces dispositions impératives constituent des entraves à
la libre circulation des personnes, des marchandises ou des services. Deux test permettent ce contrôle
de légitimité : Le test de compatibilité ou de proportionnalité consiste à vérifier que la loi de police est
non-discriminatoire, poursuit un but d’intérêt général, est nécessaire et proportionnée à l’objectif
recherché. Le test d’équivalence a pour objet de vérifier l’utilité réelle de la loi de police de sorte que
s’il existe dans l’Etat d’origine une disposition équivalente à celle prévue par la loi de police de l’Etat
de destination et qui a déjà été respectée, la loi de police de l’Etat destinataire doit s’effacer. Ici, le for
doit donc renoncer à l’application de sa propre loi de police. Par conséquent, le for ne retrouve sa
marge de manœuvre que dans les relations avec les Etats tiers à l’Union européenne.
b) L’application des lois de police étrangère
Le problème peut se poser de la manière suivante : un juge doit résoudre un litige à caractère
international, une loi a été désignée par la règle de conflit en occurrence la loi du juge du for ; mais
une autre loi étrangère revendique son application en tant que loi de police.
Pendant longtemps la doctrine a opposé un refus de principe à la possibilité d’appliquer une loi de
police étrangère sur la base de plusieurs arguments. La solution a été consacrée par la JP qui suggère
de respecter autant que possible les objectifs jugés essentiels par un législateur étranger (Ch. Soc. 31
décembre 1972, arrêt Thuillier). Mais comment appliquer les lois de police étrangère ?
Deux hypothèses sont à envisager. D’une part, la loi de police étrangère est issue de l’Etat dont la loi
est désignée comme compétente par le jeu de la règle de conflit. Sa mise en œuvre ne soulève aucun
problème particulier, la loi de police s’applique alors en vertu de la règle de conflit (i.e. en vertu de la
règle générale de rattachement bilatérale). Ici, la loi de police ne reçoit pas une application immédiate,
puisqu’elle n’intervient que par le truchement d’une règle de conflit. D’autre part, la loi désignée
comme compétente par la règle de conflit entre en concourt avec la loi de police d’un Etat tiers, tout le
problème est de choisir entre les deux. Aucune directive n’est donnée au juge, l’application des lois de
police étrangère n’est que facultative. La possibilité pour le juge du for d’appliquer une loi de police
étrangère a été consacrée dans la Convention de Rome de 1980 en ces termes : « il pourra être donné
effet aux dispositions impératives de la loi d’un autre pays avec lequel la situation présente un lien
étroit si et dans la mesure où selon le droit de ce dernier pays, ces dispositions sont applicables quelle
que soit la loi régissant le contrat ». Le juge du for n’est pas tenu d’appliquer les lois de police
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étrangère, il a simplement le loisir de le faire s’il juge que cette application est justifiée (son contenu
ne doit pas être en contradiction avec la politique du for).
De ce qui précède, il ressort que même si la méthode unilatéraliste a reçu des applications en droit
positif, sa place reste marginale car le raisonnement conflictualiste inspiré par les travaux de
SAVIGNY demeure le plus largement appliqué. C’est donc en référence à lui qu’il est possible
d’envisager les étapes de règlement de conflit de lois.

Chapitre 2
Les étapes du règlement du conflit de lois
Une règle de conflit s’applique à un rapport de droit ou à une situation désignée par un point de
rattachement. Le règlement bilatéraliste du conflit de lois suppose franchies plusieurs étapes. C’est
qu’en effet, pour connaître la loi applicable à une question juridique, il faut d’abord passer l’épreuve
de la qualification (qui consiste dans la détermination de la catégorie pertinente section 1) avant de
rattacher la situation à un ordre juridique donné (section 2).

Section 1
La qualification
De manière générale, la qualification est une opération qui consiste à déterminer la nature d’un rapport
de droit en la classant dans l’une des catégories juridiques existantes. C’est au fond une phase usuelle
de tout raisonnement juridique. Elle a pour objet de traduire dans le langage juridique une situation
afin de pouvoir lui appliquer une règle de droit (P. Meyer, p. 178).
En DIP, l’opération est plus déterminante encore car elle permet d’identifier la règle de conflit qui doit
être mise en œuvre afin de déterminer la loi applicable. Or pour pouvoir classer une question de droit
dans une catégorie, il est impératif de l’analyser, ce qui peut s’avérer simple ou complexe. Quoi qu’il
en soit, il s’agit d’identifier la situation d’un point de vue juridique et d’apprécier sa nature.
Le problème de la qualification qui nait d’un conflit de qualifications a été posé en doctrine à la fin du
19e siècle par KAHN (Allemagne, 1891) et par BARTIN (France, 1897).
Exposé du problème : Comment qualifier le rapport de droit qui fait l’objet de la règle de conflit
lorsque les systèmes juridiques en conflit adoptent des qualifications différentes ?
Le mécanisme et les enjeux (le choix de la règle de conflit et donc de la loi applicable en dépendent)
de la qualification sont illustrés par trois exemples classiques :
Premier exemple : la quarte du conjoint pauvre. Cet exemple a été exposé par BARTIN à partir
d’un arrêt de la Cour d’appel d’Alger du 24 décembre 1889, arrêt Bartholo (GA, n° 9). Deux conjoints
anglo-maltais, mariés à Malte, avaient émigré en Algérie, où le mari avait acheté des immeubles. Au
décès du mari, la veuve réclama sur les immeubles un droit d’origine romaine connu dans la loi anglo-
maltaise sous le nom de quarte du conjoint pauvre, et qui permettait à la veuve d’obtenir en usufruit le
quart des biens propres du mari. Deux questions se posaient : ce droit faisait-il partie de la catégorie
régimes matrimoniaux ou de la catégorie successions ? A quelle loi fallait-il demander la réponse à
cette question ? On peut aussi citer le cas du trust, concept inconnu du droit gabonais. Si une personne
revendique au Gabon un meuble en sa qualité de trustee contre les héritiers du défunt propriétaire se
pose la question du régime juridique du trust.
Deuxième exemple : le testament olographe du Hollandais. Un Hollandais rédige en France un
testament dans la forme olographe. Selon le droit hollandais (de l’époque), seul un testament en la
forme authentique est possible, même lorsqu’il est rédigé à l’étranger. En droit français, le testament
olographe est permis. La loi applicable dépend de la qualification attribuée à « la possibilité de tester
en la forme olographe ». Si c’est une question de forme, loi du lieu de rédaction, loi française ; si c’est
une question de capacité, loi nationale, loi hollandaise. Ici la qualification française et hollandaise
différant. À quelle catégorie va-t-on rattacher la question de la forme d’un testament ? Est-ce une
question de fond liée au statut personnel, ce qui conduirait à l’application de la loi personnelle ici la loi
hollandaise ? Est-ce une question de forme d’un acte juridique d’où application de la loi du lieu de
rédaction ici la loi française ? Quelle loi doit décider de cette qualification ?

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Troisième exemple : le mariage civil en France d’un Grec orthodoxe. Le mariage entre un Grec
orthodoxe et une Française avait été célébré en France devant un officier d’état civil français. Lors de
la demande en divorce de la femme, le mari soutenait que ce mariage était nul parce qu’il n’avait pas
été célébré par un prêtre orthodoxe comme l’exigeait la loi grecque applicable. Il fallait déterminer si
la célébration du mariage (civile ou religieuse) était une question de forme (application de la loi du
lieu de célébration, loi française) ou une question de fond (application de la loi personnelle, loi
grecque). La validité du mariage dépend de la loi applicable et celle-ci de la qualification de la
célébration religieuse : sui question de forme, loi du lieu de célébration, loi française ; si question de
fond, loi nationale, loi grecque.
Ces exemples permettent de comprendre le problème des conflits de qualification : selon quelle loi le
juge doit-il qualifier l’objet du litige pour déterminer la loi applicable lorsque les lois en présence
adoptent des qualifications différentes. Le choix qui ne pose problème qu’en présence d’un conflit de
qualifications, c’est-à-dire que lorsque les systèmes juridiques en présence retiennent une qualification
différente de la question juridique. La réponse a été donnée dans l’arrêt Caraslanis du 22 juin 1955
(GA, n° 27 pour la qualification lege fori (§1) et son domaine est limité (§2). La qualification pose
également le problème du choix de la catégorie interne (§3).
§1 : Le principe de la qualification lege fori
Prenant parti entre qualification selon le droit grec ou selon le droit français, la Cour de cassation
énonce que : « la question de savoir si un élément de la célébration du mariage appartient à la
catégorie des règles de forme ou à celle de fond devrait être tranchée par les juges suivant les
conceptions du droit français » (arrêt Caraslanis du 22 juin 1955).
C’est la solution proposée par KAHN et BARTIN.
Le droit positif prend donc position en faveur de la qualification lege fori, par la loi du juge saisi :
c’est la loi du for qui doit qualifier après une analyse préalable de la règle de droit ou de l’institution
considérée. Plus concrètement cela signifie que le juge doit qualifier en utilisant les concepts et
classifications de son droit interne. Ainsi dans l’exemple de la quarte du conjoint pauvre, l’institution
doit être analysée selon le droit maltais et qualifiée selon le droit français. On a en mémoire
l’expression de MELCHIOR, « il faut placer l’étoffe juridique étrangère dans les tiroirs du système
national ». Si la qualification lege fori se justifie par plusieurs arguments (A), elle présente certains
inconvénients (B).
A/ Les arguments en faveur de la qualification lege fori
Trois arguments essentiels peuvent être retenus.
D’abord, la règle de conflit a un caractère national. Il s’agit donc de choisir et d’interpréter une règle
de conflit du for et il est normal de demander à la loi du juge (la lex fori) saisi d’interpréter cette règle.
Et selon l’adage ejus est interpretari cujus est condere, il revient à celui qui édicte la règle de
l’interpréter.
Ensuite, la règle de conflit délimite la souveraineté législative nationale. Il est dans ce cas naturel de ne
pas abandonner aux autres Etats la portée de cette délimitation (Derruppé et Laborde, p. 86)
Enfin, la qualification est préalable au choix de la loi. En effet, le processus de qualification permet de
déterminer la règle de conflit, donc la loi applicable. La qualification apparaît ainsi comme le
relevaient BATIFOL et LAGARDE (T. I. n° 293) comme un préalable au choix de la loi. Ce préalable
ne peut être demandé qu’à la loi du juge saisi puisque, par hypothèse, on ne sait pas encore la loi qui
sera appliquée.
Si ces arguments ont emporté la conviction de la JP et l’ensemble de la doctrine, ils ne suppriment pas
les inconvénients de la qualification lege fori.
B/ Les inconvénients de la qualification lege fori (qualification lex causae)
Les partisans de la qualification lege causae (qualification par la loi étrangère) ont mis en exergue
plusieurs inconvénients majeurs notamment, la qualification lege fori ne respecte pas le droit étranger.
En privilégiant la qualification selon la loi du for, on néglige bien la qualification retenue par la loi
étrangère.

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La qualification par la lex causae a été présentée par DESPAGNET. Par exemple, si l’on reprend le
cas du testament hollandais, puisque le droit hollandais est compétent pour régir la capacité d’un
Hollandais, c’est à lui qu’il faut demander ce que sont les règles de capacité.
§2 : Le domaine limité de la qualification lege fori
Le reproche adressé à la qualification lege fori serait sans doute fondé si dans sa mise en œuvre, le
juge utilisant ce procédé devait tout mesurer à la lumière de son propre droit interne. Or il n’en est
rien. D’abord au sein même de la qualification lege fori, la référence au droit interne du for n’est pas
exclusive, elle connaît des limitations (A) ; ensuite le principe de la qualification lege fori ne recouvre
pas toutes les qualifications, il souffre des exceptions (B).
A/La désignation de la règle de conflit applicable
La qualification selon la loi du for est limitée à la désignation de la loi applicable. On parle alors de
qualification « en sous ordre » i.e. celles qui ne commandent pas la désignation de la loi applicable. Ce
principe conduit à deux conséquences :
D’abord, les qualifications de la loi étrangère (lex causae) sont compétentes lorsque cette loi a été
désignée par la règle de conflit du for. Exemple : un accident de la circulation a lieu au Tchad. La
règle de conflit camerounaise désigne la loi tchadienne, loi du lieu du délit. Une fois que la loi
tchadienne est désignée, elle est appliquée avec ses propres qualifications. Toutefois, si la loi
étrangère désignée avait une autre qualification de la question posée, donc une autre règle de conflit, la
question du renvoi opéré par la loi désignée à une autre loi peut se poser comme il se pose en cas de
conflit de rattachement. Par exemple, si la loi allemande du lieu du délit qualifie le cas de
responsabilité, de responsabilité contractuelle, faut-il opérer le renvoi à la loi du contrat déterminée
selon la loi allemande ? (lire Y Lequette, Le renvoi de qualification, Mélanges Holleaux, 1990, p.
249). La Cour de cassation française a semblé écarter le renvoi de qualification dans un arrêt du 11
mars 1997, mais il s’agissait ici de la mise en œuvre de la loi d’autonomie exclusive de tout renvoi.
Ensuite, pour la distinction entre les meubles et les immeuble, la qualification est faite soit par la loi du
for, soit par la loi de la situation des biens selon qu’il s’agit ou non de déterminer la règle de conflit.
Ainsi en matière, successorale, il y a deux règles de conflit différentes pour les meubles et les
immeubles. Les meubles sont soumis à la loi du dernier domicile du défunt, les immeubles à la loi de
leur situation. S’agissant des biens en général, et non des biens successoraux, il y a une règle de conflit
unique qui désigne la loi du lieu de situation. De sorte qu’en matière successorale, ce sera la loi du for,
loi camerounaise, qui devra qualifier les biens en meubles ou immeubles pour leur appliquer la loi
correspondante. En revanche, en matière de biens, ce sera la loi de situation du bien (lex rei sitae) donc
éventuellement la loi étrangère si les biens sont à l’étranger, qui qualifiera les biens en meubles ou en
immeubles (TGI Seine, 2 janvier 1966, affaire Stroganoff : Rev. Crit. DIP 1967, p. 120, note Y.
Loussouarm).
B/ L’intervention des traités internationaux
Certains traités peuvent donner des qualifications uniformes qu’il convient de respecter et qui écartent
par là même la qualification lege fori. La Convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits de
lois en matière de forme testamentaire donne dans son article 5 une très large acception des questions
de forme. « Aux fins de la présente convention, les prescriptions limitant les formes des dispositions
testamentaires admises et se rattachant à l’âge, à la nationalité ou à d’autres qualités personnelles du
testateur sont considérées comme appartenant au droit de la forme ». Le problème du testament du
Hollandais ne pose plus, depuis la mise en œuvre de cette convention.
§3 : Le choix de la catégorie interne
A/ Les grandes catégories
Le contenu des règles de conflit varie en fonction de la nature de la question de droit considérée. Il
existe plusieurs catégories de DIP i.e. « des ensembles accueillant plusieurs questions de droit unies
par une communauté de nature » (S. Clavel, p. 29). Il faut préciser qu’à chaque catégorie correspond
une règle de conflit spécifique. Les principales catégories sont :

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- le statut personnel qui recouvre les questions concernant la personne (nom, domicile,
capacité, les relations extrapatrimoniales) ; soumis en principe à la loi personnelle (loi de la
nationalité ou loi du domicile).
- le statut réel recouvrant les biens, les droits réels et les successions ; soumis en principe à la
loi de la situation du bien.
- les contrats et les actes juridiques ; soumis en principe à la loi choisie par les parties
- les délits et quasi-délits ; soumis à la loi du lieu de leur survenance.
B/ Les problèmes liés au choix de la catégorie
Il n’en demeure pas moins que le choix de la catégorie pose des difficultés notamment lorsque l’on est
en présence d’un conflit des catégories (ici la question considérée peut être accueillie dans plusieurs
catégories. Tel fut le cas de l’arrêt Silvia du 25 juin 1957: Mme Sylvia, de nationalité italienne
alléguait que son consentement avait été vicié lors de la conclusion d’un contrat. Pour rechercher la loi
applicable à la question posée (annulation d’un acte conclu sous l’empire de la démence), il fallait
d’abord classer la question soit dans le statut personnel (loi nationale italienne pour défaut de capacité
mais dans le cas d’espèce, l’action était prescrite) ; soit dans les actes juridiques (loi de l’acte, loi
française pour vice de consentement. Pourtant la Cour de cassation française décidera que « l’insanité
d’esprit et la démence constituent en réalité des cas d’incapacité naturelle soumises à la loi personnelle
et non à la loi régissant les actes juridiques incriminés comme les vices du consentement ») ou
lorsqu’aucune de ces catégories ne semble en capacité d’appréhender la question de droit (Ici,
l’institution mis en jeu par la question de droit est étrangère, inconnu du droit du for : la quarte du
conjoint pauvre, le trust, etc. : dans cette hypothèse, il est recommandé au juge, obligé de trancher
(art. 4, C. civ) d’élargir les catégories internes pour les adapter à la spécificité de la question posée
(D. Gutmann, p. 67). Ainsi en paraphrasant MELCHIOR, pour recevoir l’étoffe étrangère, il faudra ici
déformer ou agrandir les tiroirs nationaux. Par exemple, le concept de mariage est ainsi appliqué aux
unions polygamiques

Section 2
Le rattachement
Le rattachement constitue la seconde étape du règlement du conflit de lois. En effet, une fois la
qualification effectuée, l’on s’attèlera à rattacher le problème de droit à un ordre juridique donné. En
réalité, pas de problème en présence d’une règle bilatérale classique. Comme l’écrit la doctrine, une
fois classé dans une catégorie de DIP du for, la question de droit est automatiquement soumise, grâce à
l’élément de rattachement correspondant à cette catégorie, à un ordre juridique donné (D. Gutmann,
p.69). Mais trois facteurs sont susceptibles de gêner l’application de ce principe : les conflits de
rattachements (§1), l’évolution du facteur de rattachement (§2) et les questions préalables (§3).
§1 : Le conflit de rattachements (le renvoi)
Ce conflit peut être illustré par trois exemples. Premier exemple : le statut personnel. En matière de
statut personnel, les pays se répartissent entre ceux qui soumettent ce statut à la loi nationale, comme
le Cameroun anglophone, le Gabon, la France et ceux qui soumettent le statut personnel à la loi du
domicile comme le Cameroun anglophone, l’Angleterre, le Canada. Deuxième exemple : les
successions. En droit français, en droit gabonais, les successions font partie du statut réel, les
immeubles sont soumis à la loi de situation, les meubles à la loi du lieu du dernier domicile de défunt.
Dans d’autres pays notamment l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne), les successions sont rattachées au
statut personnel et soumis à la loi nationale du défunt. Troisième exemple : la nationalité des sociétés
commerciales. En droit français, il y a rattachement à la loi du pays du siège social réel de la société,
en droit anglais, à la loi du pays d’incorporation de la société (loi du pays selon laquelle la société a été
constituée), en droit hollandais, à la loi du pays du siège social statutaire.
Comment régler le conflit de rattachement ? S’agissant par exemple du statut personnel d’un Anglais
domicilié au Gabon, la règle de conflit gabonaise désigne la loi anglaise. Faut-il s’arrêter à cette
désignation et appliquer la loi interne gabonaise ou prendre en considération le rattachement anglais à
la loi du domicile, donc la règle de conflit anglaise ? Cette prise en considération va opérer un renvoi à

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la loi française. C’est pourquoi la question du conflit de rattachement est désignée par la question du
renvoi.
Il existe deux types de conflit de rattachements : le conflit positif et le conflit négatif.
Il y a conflit positif lorsque plusieurs Etats en raison des rattachements adoptés par leurs règles de
conflit de lois affirment la compétence de leur propre loi. Chaque règle de rattachement en présence
donne compétence à sa propre loi. Il n’y a pas harmonie des solutions du fait de la différence du
rattachement, mais la question du renvoi ne se pose pas.
Le conflit négatif par contre soulève d’immenses difficultés. Il y a conflit négatif lorsqu’aucun des
Etats ne retient sa compétence pour trancher le problème de droit en cause. Chaque règle de
rattachement attribue compétence à l’autre loi. On voit bien que la question du renvoi ne se pose que
pour les conflits négatifs. Elle est restée controversée en doctrine (A) mais a reçu en droit positif une
réponse claire (B).
A/ La controverse doctrinale sur le renvoi
La question du renvoi fait intervenir toute conception d’ensemble du DIP d’où le débat doctrinal
qu’elle a suscité. Aux thèses développées par les auteurs hostiles au renvoi (1), on opposera la thèse de
leurs contradicteurs (2)
1- Les thèses hostiles au renvoi
Comme en matière de qualification, les successeurs de BARTIN ont eu tendance à envisager le renvoi
en termes de conflit de souveraineté. L’hostilité au renvoi se fonde sur l’idée que l’Etat ne peut
abandonner sa souveraineté en cédant devant les règles de conflit étrangères. L’argument n’a pas
convaincu. On a pu observer que le respect de la souveraineté nationale peut certes expliquer que le
règlement national du conflit ait un caractère définitif, l’impératif du souverain étranger peut en sens
inverse justifier le renvoi.
D’un autre côté, le renvoi devait être exclu parce qu’il pouvait conduire à un cercle vicieux du fait
d’une succession de renvois (de « va et vient », de « tennis international »). Ainsi pour cette doctrine
classique, de même que le conflit de qualification devait être réglé par la lex fori, le conflit de
rattachement devait également être réglé par le respect de la règle de conflit du for. Dans le
prolongement de cette critique, s’est développé un courant favorable au renvoi.
2- Les thèses favorables au renvoi
Les auteurs favorables au renvoi ont d’abord mis en avant ses intérêts d’opportunité et de
simplification. L’idée communément partagé par ces auteurs est que l’on ne doit pas appliquer une loi
étrangère contre la volonté de l’Etat qui l’a édictée (Derruppé et Laborde, p. 90). Il faut observer que
lorsque la loi étrangère renvoi au juge du for (cas du renvoi au premier degré), celui-ci est bien
heureux d’appliquer sa propre loi plutôt que celle d’une Etat étranger. Cette approche pragmatique a
été exprimée par la Cour de cassation dans l’arrêt Soulié du 9 mars 1910 dans lequel la cour a
annoncé : « qu’il n’ya qu’avantage à ce que tout conflit se trouve supprimé et à ce que la loi française
régisse, d’après ses propres vues, des intérêts qui naissent sur son territoire » (cass. Req. 9 mars
1910, DP. 1. 1912, p. 262, rapp. Denis).
Au-delà de l’intérêt du juge, c’est l’intérêt des parties qui se trouve respecté puisqu’elles ont la
garantie que le juge du for tranchera selon les mêmes règles que celles qui auraient été appliquées dans
le pays qui opère le renvoi, ce qui peut favoriser la circulation internationale des décisions. C’est enfin
la sécurité juridique qui gagne car l’application du droit français par les juges est contrôlée par la Cour
de cassation.
Acceptant le renvoi à la suite de la JP, la doctrine moderne l’a justifié par trois conceptions : le renvoi-
délégation (a), le renvoi-coordination (b) et le renvoi-règlement subsidiaire (c).
a) Le renvoi-délégation
Selon cette théorie, le renvoi est la conséquence d’une application directe et nécessaire de la règle de
conflit étrangère, règle qui forme un tout indivisible avec le droit interne. Le renvoi relèverait ici d’une
délégation de compétence accordée au système étranger.

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b) Le renvoi-règlement subsidiaire
Cette théorie encore appelé technique du renvoi désistement a été faite par LEREBOURS-
PIGEONNIERE. Elle repose sur l’idée que le refus de la loi étrangère désignée de se déclarer
compétente traduit une imperfection de la règle de conflit du for. Plus précisément, ce refus de
compétence du droit étranger oblige le for à élaborer une nouvelle règle de conflit que l’on peut
qualifié de subsidiaire en ce qu’elle ne joue que si le système étranger désigné par la règle de conflit
ordinaire refuse sa compétence. Cette thèse encourt trois principaux griefs : en premier lieu, elle reste
très incertaine sur le contenu du règlement subsidiaire que le DIP du for doit mettre en place après que
le droit étranger a décliné sa compétence. En deuxième lieu, s’il fallait pour chaque règle de conflit
existante en prévoir une subsidiaire en cas de désistement cela accroitrait la complexité du système de
DIP. En troisième lieu, cette théorie est démentie par le droit positif. Il existe une règle de conflit
unitaire. Ces observations expliquent le succès de la théorie du renvoi-coordination.
c) Le renvoi-coordination
Cette thèse développée par BATIFOL repose sur l’idée que le renvoi procède de la règle de conflit
française elle-même, laquelle prévoit l’éventualité de sa coordination avec les règles de conflit de
l’ordre juridique étranger désigné. Elle met en avant la nécessité de coordonner les différents systèmes
de DIP grâce à l’harmonisation des règles du for et étrangères de conflit. La thèse du renvoi-
coordination est la seule à ne pas être démentie par la JP. Elle est par ailleurs la plus apte à expliquer le
renvoi au second degré en tant qu’il permet de combiner les règles de conflit du for et étrangères.
B/ Le renvoi en droit positif
La Jurisprudence s’est toujours montrée favorable au renvoi depuis les arrêts Forgo du 24 juin 1878 et
du 22 février 1882 (GA n° 7 et 8) et l’est restée en dépit des critiques de la doctrine (1). C’est
seulement son domaine qui a été réduit (2).
1- L’admission du renvoi
Il existe deux types de renvoi : le renvoi au premier degré et le renvoi au second degré.
Le renvoi au premier degré : renvoi à la loi du for. Il y a renvoi au premier degré lorsque la loi
désignée par la règle de conflit camerounaise renvoie à la loi du for. Exemple : Le cas d’un Anglais
domicilié au Cameroun francophone. Le juge camerounais devant régler une question de capacité
concernant cet anglais, appliquera la règle de conflit camerounaise (loi nationale) et désignera donc la
loi anglaise. La loi anglaise ayant un autre rattachement (la loi du domicile) renverra à loi
camerounaise, loi du for.
Le renvoi au second degré : renvoi à une loi d’un pays tiers. Il y a renvoi au second degré lorsque
la loi désignée par la règle de conflit gabonaise revoie à une autre loi que celle du for. Exemple : le cas
d’un Anglais domicilié au Danemark. Le Danemark a la même règle de conflit que la loi anglaise,
application de la loi du domicile en matière de statut personnel. Le juge camerounais, qui devra régler
une question de capacité concernant un Anglais domicilié au Danemark, appliquera la règle de conflit
camerounaise (loi nationale, donc loi anglaise) ; la loi anglaise désigne la loi du domicile, loi danoise.
Cette loi ayant le même rattachement, il n’y aura pas d’autre renvoi.
a) L’admission du renvoi en jurisprudence
L’admission par la cour de cassation du renvoi au premier degré eut lieu dans l’affaire Forgo. En
l’espèce un Bavarois domicilié de fait en France y était décédé et y laissait une succession mobilière.
Le DIP français donnait compétence à la loi bavaroise. Or celle-ci retenait comme rattachement le
domicile de fait et renvoyait donc à la loi française. Ce qu’admit la Cour. La solution de l’arrêt Forgo
a été réitérée en matière successorale en 1910 (arrêt Soulié du 1er mars 1910, DP 1912, 1, 262), 1913,
1938.
Le renvoi a ensuite été appliqué en matière de statut personnel : en matière de divorce (cass. Req.
Arrêt Birchall, 10 mai 1939, S. 1942, 1. P.3, note Niboyet et arrêt Bradford du 1er avril 1954, divorce
d’époux anglais domicilié en France ; arrêt Patino, cass. Civ. 15 mai 1963, JCP 1963. II. 13365, note
Motulsky, renvoi au second degré) ; en matière de mariage (arrêt Zagha, cass. Civ. 15 juin 1982,

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Rev. Crit. DIP 1983, p. 300, note Bischoff. En l’espèce, il s’agissait de la validité d’un mariage
célébré en Italie en 1924 en la forme rabbinique entre deux Syriens. Le mariage a été reconnu valable
par renvoi de la loi italienne du lieu de célébration à la loi syrienne de la nationalité commune. C’est
un renvoi au second degré) ; en matière de filiation (arrêt Sommer, cass. Civ. 8 décembre 1953, D.
1954, p. 167). Il vient d’être admis en matière d’incapacité (cass. Civ. 21 septembre 2005, Bull. civ. I.
n° 336 en l’espèce renvoi de la loi nationale canadienne à la loi française de la résidence de la
personne à protéger).
Le renvoi au second degré a été mis en œuvre en JP en matière de sociétés dans l’affaire de la Banque
ottomane (Paris 19 mars 1965, JDI 1966, p. 118, note B. Goldman. En l’espèce, renvoi de la loi du
siège réel de la société à la loi du siège statutaire, renvoi au second degré).
La cour de cassation vient d’admettre le renvoi au premier degré en matière de succession immobilière
(arrêt Ballestero, cass. Civ. 21 mars 2000, D. 2000, p. 539, note F. Boulanger, renvoi de la loi
successorale, loi italienne de situation des immeubles à la loi française loi nationale du défunt). La
solution a été réitérée de manière plus claire dans l’arrêt Wildenstein du 20 juin 2006 (JDI 2007, p.
125, note H. Gaudemet-Tallon). Plus récemment, dans un arrêt du 11 février 2009, la cour de cassation
a circonscrit le renvoi en ces termes : « en matière de succession immobilière, le renvoi opéré par la
loi de situation de l’immeuble ne peut être admis que s’il assure l’unité successorale et l’application
d’une même loi aux meubles et aux immeubles ».
Le renvoi permet ainsi l’harmonie des solutions puisque tous les Etats concernés par le renvoi
appliqueront la même loi. Relativement au renvoi au second degré soit le pays tiers accepte sa
compétence ; soit le pays tiers n’accepte pas sa compétence et la renvoie à un droit étranger déjà
consulté.
b) L’admission du renvoi dans les conventions internationales
Une convention de La Haye du 15 juin 1955 pour régler les conflits de lois entre la loi nationale et la
loi du domicile, donc pour régler le problème du renvoi n’a été signée que par 5 Etats et n’est jamais
entrée en application.
Les conventions de La Haye conclues depuis 1951 excluent le renvoi en désignant comme loi
applicable « la loi interne de l’Etat signataire » ou en excluant expressément les règles de conflit de
lois (cf. article 21 de la convention du 19 octobre 1996 sur la protection des enfants.
Seule la Convention de La Haye du 1er août 1989 sur la loi applicable aux successions à cause de
mort fait une place au renvoi dans son article 4 afin de coordonner le système mis en place par la
convention avec le système des autres droits.
2- Les restrictions au domaine du renvoi
Elles dépendent à la fois des matières (a) et de la nature des règles de conflit de lois en cause (b).
a) Exclusion du renvoi en raison de la matière
Le renvoi a été exclu dans les hypothèses où les parties peuvent influer sur le choix de la loi
applicable. Il en est ainsi dans les matières où s’applique la loi d’autonomie. Lorsque les parties ont
choisi de soumettre leur contrat à une loi, ce choix désigne la loi interne du pays et non la règle de
conflit qui renverrait à une autre loi. C’est la solution posée en matière de régimes matrimoniaux par
l’arrêt Lardans du 27 janvier 1969 (Rev. Crit. DIP, 1969, note J. Derruppé) ; l’arrêt Gouthertz du 1er
février 1972 (GA n° 51) ; l’arrêt Mari-Magni du 24 janvier 1984 (JDI 1984, p. 868 note J. Derruppé)
et généralisée par l’arrêt Mobil North Sea Ltd du 11 mars 1997 dans lequel la Cour de cassation
énonce que : « la mise en œuvre de la loi d’autonomie de la volonté est exclusive de tout renvoi ».
De même en ce qui concerne la forme des actes, ce principe est qu’un acte est valable quant à la
forme, s’il respecte la loi du lieu de conclusion (locus regit actum), il ne peut donc y avoir renvoi à
une autre loi. L’exclusion est sans réserve depuis la Convention de Rome (art. 15).
b) Exclusion du renvoi en raison de la nature de la règle de conflit
Les règles de conflit unilatérales excluent par hypothèse tout renvoi puisqu’elles se contentent
d’énoncer les cas d’application de la loi camerounaise sans mettre en œuvre la loi étrangère

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Il en est de même des règles de conflit de lois alternatives ou à option comme celle énoncée dans du
code civil gabonais en matière de filiation (art. 38). En effet, la volonté du législateur a été de favoriser
la légitimation, la reconnaissance d’un enfant. Le choix fait en faveur d’un rattachement pour atteindre
le résultat recherché doit exclure le renvoi. En revanche, lorsque la règle de conflit est bilatérale et
neutre, le renvoi est admis.
§2 L’évolution du rattachement (problème du conflit mobile)
L’élément de rattachement retenu par une règle de conflit peut se modifier avec le temps. C’est ce
qu’on appelle depuis BARTIN, le conflit mobile. C’est le cas lorsqu’après la naissance d’une situation
juridique, le facteur de rattachement de la loi compétente évolue. Il en est ainsi lorsque la personne
dont le statut personnel est en cause a changé de nationalité, de domicile ou de résidence. La situation
juridique est donc soumise successivement à deux règles substantielles différentes.
Les conflits mobiles ne peuvent apparaître qu’en présence d’un facteur de rattachement s’appuyant sur
une circonstance susceptible de mobilité. Par exemple : un meuble quitte le Cameroun pour être
acheminé en Tunisie. La loi de situation du bien sera compétente mais laquelle ? L’ancienne loi (loi
camerounaise) ou la nouvelle (loi tunisienne) ? C’est aussi le cas de deux époux espagnols qui se
naturalisent Camerounais, quelle est la loi qui va régir leur statut personnel ?
Pour trancher, il faut choisir le moment où l’on prend en considération l’élément de rattachement. Il
existe trois méthodes de résolution du conflit mobil : l’application de la théorie des droits acquis (A),
l’application des règles internes relatives au conflit de lois dans le temps (B) et l’interprétation propre
à chaque règle de conflit (C).
A/ L’application de la théorie des droits acquis
C’est à PILLET que l’on doit l’idée de résoudre les conflits mobiles en utilisant la théorie des droits
acquis ou « vested rights » en anglais. Elle signifie que chaque Etat souverain doit respecter les droits
acquis sur le territoire d’un autre. Ce respect est dû en vertu de la courtoisie internationale. Cela
aboutit à décider que la situation juridique litigieuse restera soumise à la législation applicable à
l’époque où elle a pris naissance. Ce qui aboutit à écarter l’emprise immédiate de la nouvelle loi. Cette
théorie se recommande de la sécurité juridique et de la stabilité des droits dans l’ordre international.
La théorie a connu un relatif succès dans la doctrine française alors que sa réception est très importante
dans la doctrine anglo-saxonne. En JP, elle a connu une consécration limitée. Dans un arrêt Banque
Ottomane du 19 mars 1965 (Rev. Crit. DIP 1967, 85, note P. Lagarde), la CA de Paris s’est fondé sur
la théorie des droits acquis pour refuser de faire application de la règle de conflit française à la
question de la validité de résolutions prises en Turquie par l’Assemblée générale d’une société. Selon
la Cour, « le système de conflit du for n’a pas à intervenir à l’égard de situations qui se sont établies à
l’étranger, s’y sont développées et y ont épuisé leurs effets alors qu’elles ne présentaient aucune
attache avec le for ». Elle en a déduit que « le fait de la validité des résolutions votées en Turquie
imposait leur reconnaissance en France ».
Cependant, cette conception a fait l’objet de critiques : on lui a reproché de figer une situation
juridique sous l’empire de la loi qui a présidé à sa naissance quelle que soient les modifications
intervenues par la suite. Ensuite, il lui est fait grief d’accorder une trop grande importance à la
souveraineté des Etats dans les litiges qui opposent essentiellement des particuliers entre eux. Enfin,
elle ne protège nullement la sécurité des relations entre l’intéressé et les personnes qui sont entrées en
relation avec lui postérieurement à la modification du rattachement, ces personnes ignorant le plus
souvent l’existence de la situation passée. Une deuxième tentative de résolution du conflit mobile a
donc été proposée.
B/ L’application des règles du droit transitoire interne
Cette seconde théorie retient une analogie entre le conflit mobile et le conflit dans le temps ; le conflit
mobile provoquant un conflit entre lois successives. Pour les tenants de cette théorie, le conflit mobile
ne serait rien d’autre qu’un conflit de lois dans le temps. De sorte qu’il convient de lui transposer les
règles du droit transitoire interne issues de l’article 2 du code civil applicable au Cameroun :
- application immédiate de la loi nouvelle aux effets à venir des situations en cours
- maintien de la loi ancienne pour juger les conditions de validité et les effets passés de ces situations.
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Si l’on reprend l’exemple des époux espagnols, la validité de leur mariage sera appréciée selon la loi
espagnole, mais ils pourront divorcer selon les dispositions de la loi camerounaise.
Toutefois, des reproches ont été faits à cette théorie : elle néglige le caractère international du conflit
mobile pour deux raisons au moins. D’abord les lois en concurrence émanent de législateurs différents,
ensuite, les deux lois en conflit devant le juge ne sont pas ancienne et nouvelle puisqu’elles demeurent
simultanément en vigueur.
C/ L’interprétation propre à chaque règle de conflit
Selon cette conception, il n’y a de solution apte à régler tous les cas de conflits mobiles. Il faut alors
rechercher une solution propre au problème posé par la modification de la circonstance de
rattachement. Il n’y aurait dont pas selon l’idée déjà présente chez BARTIN, de solution générale
valable pour tous cas de conflits mobiles.
Le droit positif semble favorable à une telle méthode. La conduite à tenir est dictée par les facteurs qui
ont présidés à l’élaboration de règles de conflits en fonction de ses objectifs et des intérêts qu’elle met
en jeu. De sorte qu’il est plus logique de se référer à la loi de la situation actuelle du bien mobilier.
§3 Le rattachement des questions préalables
Le troisième facteur de complication est le rattachement des questions dites préalables. Le conflit de
rattachement peut se poser lorsqu’il y a une question principale, par exemple une question de
succession, et que pour résoudre cette question principale, il faut résoudre d’autres questions dites
questions préalables, comme celle de savoir qui est le conjoint, ou le descendant du défunt.
Se pose alors la question de déterminer la loi qui doit résoudre la question préalable (la qualité de
conjoint), est-ce comme à l’ordinaire la loi désignée par la règle de conflit du for applicable à la
question préalable elle-même ? Ou est-ce plutôt la loi désignée par la règle de conflit du pays dont la
loi a été déclarée applicable pour régler la question principale (loi successorale) ? Faut-il se référer à la
règle de conflit de la loi qui régit la question principale ?
A/ La controverse doctrinale
Le problème est de choisir entre le DIP du for et le DIP de l’Etat dont la loi matérielle régit la question
principale. Or si les deux règles ont des rattachements différents, il pourra y avoir, dans une telle
hypothèse conflit de rattachement.
La question a divisé la doctrine. Pour les partisans de la théorie des questions préalables, il appartient
au système juridique applicable à la question principale de régler par la même occasion la question
préalable. Il s’agit ici de respecter l’unité du système appelé à trancher la question principale :
concrètement cela signifie que le droit applicable à la dévolution successorale doit naturellement
désigner la loi qui dira quels sont les héritiers. Il reste que la grande majorité de la doctrine considère
que chaque question qu’elle soit principale ou préalable doit être réglée par la règle de conflit du for.
Ainsi, par exemple la qualité de conjoint est une question de statut personnel rattaché à la loi
nationale.
B/ La solution jurisprudentielle
La jurisprudence après l’avoir admis dans un arrêt isolé du 21 avril 1931, arrêt Ponnoucanamale
(Rev. Crit. DIP 1932, 526, note Niboyet), a rejeté la théorie des questions préalables. D’abord dans
l’arrêt Dame Bendeddouche du 3 janvier 1980 (GA n° 61) en énonçant que « si la loi française régit
la dévolution successorale des immeubles sis en France, la qualité de conjoint et l’établissement de la
parenté nécessaire pour le jeu de la dévolution successorale relèvent de la loi personnelle ». La même
solution a été énoncée dans un arrêt Djenanji du 11 mars 1986 (Rev. Crit. DIP 1988, 302, note
Bischoff) en ces termes : « S’il appartient à la loi successorale de désigner les personnes appelées à
la succession et de dire notamment si le conjoint figure parmi elles et pour quelle part, il ne lui
appartient pas de dire si une personne a la qualité de conjoint ni de définir selon quelle loi cette
qualité doit être appréciée ».

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Chapitre 3
La mise en œuvre de la règle de conflit
Mettre en œuvre la règle de conflit, c’est l’appliquer. Parfois cette application n’est pas possible car
elle se heurte à un obstacle insurmontable (la loi est introuvable, inconnue). Dans une telle hypothèse,
le juge fera application de sa propre loi au nom du principe de compétence ou de la vocation
subsidiaire de la lex fori.
Si la mise en œuvre de la règle de conflit est le résultat normal du raisonnement conflictualiste, elle
n’est pourtant pas systématique. On étudiera l’application de la règle de conflit (Section1) et l’éviction
de la loi étrangère désignée par la règle de conflit (Section2).

Section 1
L’application de la règle de conflit
La loi compétente est soit la loi camerounaise, loi du for, soit la loi étrangère. En réalité, lorsque la
règle de conflit désigne la loi du for, la loi camerounaise est appliquée sans difficulté particulière par
le juge camerounais saisi, le juge du for. En revanche, dans le second cas, des difficultés tenant au
caractère étranger de la règle de droit peuvent se présenter. Et de ce point de vue, deux questions se
posent: Le juge saisi a-t-il l’obligation d’appliquer les règles de conflit de lois ? Ces règles sont-elles
des règles de droit comme les autres ? Lorsque la règle de conflit désigne une loi étrangère, quelle est
la condition de cette loi étrangère ? Peut-on assimiler la loi étrangère et la loi du for ? Ces questions
soulèvent le problème du statut procédural de la loi étrangère (§1) et celui de sa réalisation (§2).
§1 Le statut procédural de la règle de conflit
C’est aujourd’hui l’une des questions les plus discutées en doctrine du fait de l’évolution des solutions
jurisprudentielles. Le juge peut-il ou doit-il appliquer d’office la loi étrangère désignée par la règle de
conflit ? Les parties peuvent-elles s’accorder pour l’écarter ? Pour répondre à ces questions, il faut
distinguer la situation du juge (A) et celle des parties (B).
A/ L’autorité des règles de conflit de lois à l’égard du juge
L’autorité des règles de conflit est relative (1) et admet des tempéraments (2).
1- Une autorité relative d’appliquer la règle de conflit
La question de l’autorité de la règle de conflit a évolué certes lentement en jurisprudence.
Première étape : la jurisprudence Bisbal ou l’application facultative pour le juge des règles de
conflit de lois. Il est important de souligner ici que c’est la règle en vigueur au Cameroun. Dans l’arrêt
Bisbal du 12 mai 1959, la Cour de cassation a décidé que : « les règles de conflit de lois, en tant du
moins qu’elles prescrivent l’application d’une loi étrangère, n’ont pas un caractère d’ordre public, en
ce sens qu’il appartient aux parties d’en réclamer l’application et qu’on ne peut reprocher aux juges du
fond de n’avoir pas appliqué d’office la loi étrangère » (GA n° 32). En l’espèce la séparation de corps
de deux Espagnols avait été convertie en divorce, conformément à la loi française, alors que la règle de
conflit française désignait la loi espagnole, loi nationale des époux qui prohibait le divorce. Ainsi dans
le silence des parties, l’application de la loi étrangère par le juge est une simple faculté. Pourtant
l’arrêt Compagnie algérienne de Crédit de Banque du 2 mars 1960 (GA n° 33) rappelant que
l’application de la règle de conflit n’est obligatoire que lorsqu’elle conduisait à l’application de la loi
du for (et ce quelle que soit la nature des droits en cause) confirmera cette solution.
Cette JP a été critiquée en doctrine en ce qu’elle faisait varier la règle de conflit selon que la loi
désignée était française ou étrangère mais aussi qu’elle permet aux parties de s’entendre sur la loi
applicable dans des matières où leur volonté n’a pas ce pouvoir. Elle sera d’ailleurs tempérée dès
l’année suivante par l’arrêt époux Bertoncini du 11 juillet 1961 (Rev. Crit. DIP 1962, 124, note
Batiffol, nationalité italienne ignorée des juges), l’arrêt Alay c. Jouandeau du 25 janvier 1967 (Rev.
Crit. DIP 1968, 74, teneur de la loi étrangère ignorée du juge). Son abandon se fera lentement et en
dents de scie.
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Deuxième étape : les arrêts Rebouh et Schule, application obligatoire des règles de conflit de lois.
Les arrêts Rebouh du 11 octobre 1988 (GA n° 74) et Schule du 18 octobre 1988 (GA n° 75)
constituent le revirement de la JP Bisbal. Dans l’arrêt Rebouh, il s’agissait d’une action en recherche
de paternité naturelle qui avait été intentée par une mère de nationalité algérienne selon le droit
français. La Cour de cassation reproche aux juges de fond de ne pas avoir appliqué la règle de conflit
de lois énoncée à l’article 311-14 du Code civil, aux termes de laquelle la filiation est régie par la loi
personnelle de la mère. Dans l’arrêt Schule, il s’agissait d’une question successorale. La Cour de
cassation reproche aux juges de fond de n’avoir pas mis en œuvre la règle de conflit qui désigne la loi
du dernier domicile du défunt, la loi suisse en l’espèce. Mais ce revirement qui paraissait en 1988
avoir une portée générale (le juge avait l’obligation d’appliquer la règle de conflit de lois) a lui-même
fait l’objet d’un nouveau revirement partiel.
Troisième étape : l’arrêt Coveco, restriction du domaine de l’application d’office des règles de conflit
de lois avec distinction des droits disponibles et les droits indisponibles. Deux ans plus tard, la cour de
cassation a apporté une limitation au caractère systématique de l’application d’office des règles de
conflit dans l’arrêt Coveco du 4 décembre 1990 (GA n° 76). La Cour de cassation a rejeté le pouvoir
contre une décision qui avait appliqué la loi française en énonçant que les parties (ici la société auteur
du pourvoi) n’avaient pas invoqué l’application de la loi étrangère « en une matière qui n’était
soumise à aucune convention internationale et où la société Coveco avait la libre disposition de ses
droits ». De cet attendu, il fallait donc déduire que l’obligation pour le juge d’appliquer d’office la loi
étrangère ne s’impose que si la matière du litige est soumise à une convention internationale ou est
indisponible (essentiellement l’état et la capacité des personnes).
Quatrième étape : les arrêts Mutuelles du Mans et M. Belaid, l’obligation d’appliquer d’office les
règles de conflit limitée aux seuls droits indisponibles. La Cour de cassation française ne vise plus les
règles de conflit conventionnelles mais seulement les droits indisponibles pour lesquels le juge devait
mettre en application les règles de conflit de lois. Les droits indisponibles, faut-ils le rappeler sont
qualifier comme tels par le juge du for selon la lex fori. On constate que l’obligation pour le juge
d’appliquer d’office la règle de conflit posée par l’arrêt Rebouh en matière de droits indisponibles n’a
jamais été remise en cause. Certes dans trois décisions, la Cour de cassation française semble
favorable à un principe général d’obligation pour le juge d’appliquer d’office la loi étrangère désignée
par la règle de conflit mais elle ne remet pas en cause la summa divisio autour de laquelle s’organise le
régime procédural entre les droits disponibles et les droits indisponibles : arrêt Fonds de garantie
automobile du 8 juin 2002, arrêt D. et J. Sporting Ltd du 18 septembre 2002 et arrêt M. Mazouk
Ahidar du 22 octobre 2002).
2- Un régime procédural admettant des tempéraments
Premier tempérament : l’accord procédural en présence de droits disponibles. Il est prévu par le code
de procédure civile (art. 12, al. 3). En DIP, l’accord procédural consiste pour les parties à interdire au
juge d’appliquer la loi normalement compétente. La Cour de cassation française a affirmé le droit pour
les partie de conclure un accord « pour les droits dont elles ont la libre disposition, et donc demander
l’application de la loi compétente » dans l’arrêt Hannover International du 6 mai 1997 (GA n° 84) et
a par la suite été confirmé dans un arrêt Société Deltay du 26 mai 1999 (Gaz. Pal. 2002, p. 39). Cet
accord peut même figurer dans les conclusions des parties invoquant une autre loi que celle désignée
par la Convention internationale. L’accord procédural est limité aux droits dont les parties ont la libre
disposition. Il semble qu’il faille appliquer ici la loi du for pour savoir si un droit est disponible ou
indisponible.
Second tempérament : l’équivalence des lois en présence de droits indisponibles. La Cour de
cassation française a admis dans un arrêt Bao-Daï du 11 juillet 1988 (Rev. Crit. DIP 1989, 81, note
P.-Y. Gauthier) ce tempérament à l’obligation faite au juge d’appliquer la règle de conflit en matière
de droits indisponible. Ainsi lorsque le juge applique une loi autre que celle normalement compétente,
il ne sera pas sanctionné s’il existe entre les deux lois (loi appliquée et loi désignée par la règle de
conflit) une équivalence i.e. que « la situation de fait constatée par le juge aurait les mêmes
conséquences juridiques en vertu de ces deux lois » et dans l’arrêt Cie Royale Belge du 11 janvier

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2005, elle va plus loin en décidant que ayant relevé l’existence du conflit de lois, le juge renonce à le
trancher s’il apparaît que les deux lois en conflits sont équivalentes.
B/ L’autorité des règles de conflit de lois à l’égard des parties
Les parties peuvent-elles s’accorder pour demander au juge d’appliquer une loi différente de celle
désignée par la règle de conflit ? C’est la question de l’accord procédural. Les juges camerounais
n’ont pas eu à se prononcer sur cette question. Les solutions étrangères sont sans doute inspiratrices.
Sous l’empire de la JP Bisbal, la question ne se posait pas. Les arrêts Rebouh et Schule, en faisant
obligation au juge de juger selon la loi étrangère ont renouvelé la question. La cour de cassation l’a
d’abord admis dans le domaine délictuel avec l’arrêt Roho du 1er avril 1988 (Rev. Crit. DIP 1989, p.
69, note Batiffol). Elle l’a ensuite admis en matière contractuelle, de façon implicite. La difficulté ici
est de distinguer l’accord sur la loi applicable constitutif de la règle de conflit et l’accord procédural
qui intervient après le litige et qui permet aux parties d’écarter la loi désignée par la règle de conflit
applicable.
§2 : La réalisation de la règle de conflit
Pour que la loi étrangère désignée par la règle de conflit s’applique effectivement, il faut connaître son
contenu (A) et l’interpréter (B)
A/ La connaissance du contenu de la loi étrangère
L’application de la loi étrangère met en relief deux difficultés : Qui a la charge d’établir la teneur de la
loi étrangère (1) ? Et comment, par quels modes, celle-ci peut être établie (2).
1- La charge de la preuve de la loi étrangère

a) Les parties
Pendant longtemps, la charge d’établir le contenu de la loi étrangère désignée par la règle de conflit a
reposé exclusivement sur les parties. La position du droit positif en ce sens a été fixé par l’arrêt
Lautour du 25 mai 1948 (GA n° 19, 168); lequel avait, d’ailleurs, ajouté que cette charge repose sur
« le demandeur en réparation » et non sur le défendeur. Cette solution, toujours en vigueur en DIP
camerounais, en vertu de l’article 68 de la Constitution, est toutefois apparue critiquable en DIP
français. Elle paraissait d’une part excessivement sévère dans les hypothèses où l’impossibilité dans
laquelle l’auteur de la prétention s’était trouvé d’établir le contenu de la loi étrangère n’était pas
imputable à sa négligence ou sa passivité. Pour répondre à cette critique, la Cour de cassation dans
l’arrêt Thinet du 24 janvier 1984 retient que s’il est « exact que la charge de la preuve de la loi
étrangère pèse sur la partie dont la prétention est soumise à cette loi, et non sur celle qui l’invoque fut-
ce à l’appui d’un moyen de défense » (Rev. crit. DIP 1985, 89, note P. Lagarde, GA n° 61). Cette
approche faisait encore de la loi étrangère un fait puisque selon l’article 9 du code de procédure civile,
les parties doivent prouver les faits nécessaires à leurs prétentions.
Elle sera abandonnée dans l’arrêt Amerford du 16 novembre 1993 (Rev. Crit. DIP 1994, 332, note P.
Lagarde, GA n° 82-83, 1er arrêt, 734). La Cour de cassation énonce une nouvelle règle applicable dans
« les matières où les parties ont la libre disposition de leurs droits » puisqu’il incombe à la partie qui
prétend que la mise en œuvre du droit étranger conduira à un résultat différent de celui obtenu par
l’application du droit français de démontrer l’existence de cette différence par la preuve de la loi
étrangère qu’elle invoque. Plus spécifiquement en matière de contrat, « il appartient à la partie qui
prétend qu’un contrat est soumis à une loi étrangère d’établir le contenu de celle-ci » (arrêt Masson du
5 novembre 1991, Rev. crit. DIP 1992, 314, note H. Muir-Watt, GA n° 74).
b) Le juge
Pour le juge, il convient de se référer à la distinction concernant l’application d’office de la règle de
conflit par le juge. En effet, lorsque le juge doit appliquer d’office la loi étrangère n’a-t-il pas aussi
l’obligation d’en rechercher le contenu ? La réponse positive est apparue logique. Ainsi, l’arrêt Driss
Abdou du 27 janvier 1998 (Rev. Crit. DIP 1998, 60, note P. Mayer), puis les arrêts Ababou du 27
juillet 1997 (JCP 1998. II. 10098, note H. Muir-Watt) et Cie Rhin et Moselle du 19 octobre 1999 (JCP
2000. II. 1043, note H. Muir-Watt) affirment que l’application de la loi étrangère désignée pour régir
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les droits dont les parties n’ont pas la libre disposition impose au juge français de rechercher la teneur
de cette loi.
La position de principe actuelle a été clairement énoncée par deux arrêts rendus le 28 juin 2005 l’un en
matière de droits indisponibles (arrêt Aubin), l’autre en matière de droits disponibles (arrêt Itraco). Il
incombe au juge français qui reconnait applicable un droit étranger d’en rechercher soit d’office soit à
la demande d’une partie qui l’invoque, la teneur avec le concours des parties et personnellement s’il y
a lieu et ce quelle que soit la nature des droits en cause. Simplement l’on s’interrogera sue la portée
réelle de cette obligation (obligation de moyens ou obligation de résultat ?). La doctrine pense plutôt
qu’il s’agit d’une obligation de collaboration entre les parties et le juge. Au fond, il s’agira de censurer
le juge doit user de toutes les diligences pour parvenir à la connaissance de la loi étrangère, de rejeter
la demande de celui qui sur l’injonction du juge à le faire ne rapporte pas la preuve de la loi étrangère
qui fonde sa prétention et de recourir à la compétence subsidiaire de la loi du for en cas
d’empêchement justifié de connaitre la loi étrangère.
2- Les modes d’établissement de la loi étrangère
Même si la charge de la teneur de la loi étrangère repose finalement sur le juge, les parties sont
invitées à concourir à cette recherche.
Les parties y ont d’ailleurs intérêt ne serait-ce que pour convaincre le juge du bien-fondé de leurs
prétentions. Elles peuvent pour ce faire utiliser tous les moyens de preuve. A cet égard, les parties
produisent souvent des attestations ou consultations dites certificats de coutume fournies par des
juristes compétents. Elles peuvent aussi avoir recours à un expert (arrêt Darmouni du 19 octobre
1971, D. 1972, 633, note Ph. Malaurie). Il existe également une Convention du conseil de l’Europe du
7 juin 1968 qui permet de consulter les autorités de l’Etat étranger.
Toutefois, aucun de ces documents ne s’impose au juge, qui peut toujours vérifier le sens et la portée
de la loi étrangère. Il faut souligner que dans le cadre de l’Union européenne, une décision
2001/470/Ce du 28 mai 2001 relative à la création d’un Réseau judiciaire européen en matière civile et
commerciale a institué un Réseau de renseignement institutionnel. Mais l’expérience révèle que ce
canal est peu utilisé.
L’intérêt pour le juge d’obtenir toutes les informations sur la loi étrangère est d’autant plus nécessaire
que, confronté aux dispositions de ce droit, le juge du for est contraint de l’interpréter.
B/ L’interprétation de la loi étrangère
Le régime appliqué à la loi étrangère sur le terrain de l’interprétation rappelle celui réservé aux
stipulations contractuelles. L’interprétation de la loi étrangère est en effet soumise au pouvoir
souverain des juges du fond (1) sous la seule limite d’un contrôle de dénaturation par la cour de
cassation (2).
1- Le pouvoir d’interprétation souverain des juges de fond
L’interprétation est un processus intellectuel dont l’objet est de révéler le sens réel d’une règle
ambigüe. Le droit français recourt au processus d’interprétation aussi bien en ce qui concerne la norme
juridique que la norme contractuelle. En droit positif, les juges de fond d’interprètent souverainement
la loi étrangère.
Mais la portée de cette affirmation doit être relativisée dans la mesure où les juges du fond ne sont
appelés à interpréter la loi étrangère que lorsque son sens n’est pas connu. A l’inverse, lorsque le sens
de cette règle a été clairement donné dans l’ordre juridique étranger (par exemple par la JP), le juge
du for doit s’aligner sur cette interprétation dès lors qu’elle est connue.
La Cour suprême veille toutefois à ce que la motivation soit suffisante. Concrètement cela signifie
qu’une décision ne peut être sanctionnée pour fausse interprétation. Il existe une exception : le
contrôle de la dénaturation de la loi étrangère.
2- Le contrôle de dénaturation de la loi étrangère
Depuis l’arrêt Montefiore du 21 novembre 1961 (GA n° 36), la solution est constante : « l’application
que fait le juge du droit étranger quel qu’en soit la source légale ou jurisprudentielle échappe sauf

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dénaturation au contrôle de la cour de cassation ». Cette JP est approuvée par la doctrine. La Cour de
cassation est une cour régulatrice pour le droit français et non pour le droit étranger (.
Mais si la cour de cassation ne contrôle pas l’interprétation faite du droit étranger, elle contrôle les
motifs. Il faut que la motivation fondée sur la loi étrangère soit suffisante.
Il n’est pas toujours aisé de distinguer dénaturation et interprétation. La cour de cassation admet dans
l’arrêt Société Africatours du 1er juillet 1997 (Rev. Crit. DIP 1998, p. 292, note Muir-Watt), que le
juge du fond puisse s’éloigner du sens littéral de la règle de doit étranger s’il justifie par référence à
d’autres sources du droit positif étranger la pertinence de sa position. Dun autre côté, elle censure dans
l’arrêt Briaoti du 14 février 2006 (Rev. Crit. DIP 2006, p. 833, note S. Bollée) pour dénaturation la
décision des juges du fond qui auraient omis de prendre en compte l’interprétation d’une disposition
du droit étranger déjà donnée par la JP étrangère.

Section 2
L’éviction de la loi étrangère désignée par la règle de conflit
La loi étrangère désignée par la règle de conflit peut être évincée soit lorsque son application heurte
l’ordre public du juge du for (§1), soit lorsque les circonstances de l’espèce font apparaître une fraude
à la loi (§2).
§1 L’ordre public
L’un des apports de l’arrêt Lautour suscité réside dans son approche de la notion d’ordre public
international. Il s’agit de contrôler in concreto que l’application de la loi étrangère désignée par la
règle de conflit ne conduit pas à un résultat incompatible avec les valeurs fondamentales du for.
Cependant, l’éviction de la loi étrangère doit demeurer exceptionnelle. Elle constitue en effet une
entorse au principe de la neutralité de la règle de conflit qui veut qu’une loi étrangère soit déclarée
applicable indépendamment de son contenu. Le respect nécessaire de l’ordre public international
conduit à mettre en œuvre un mécanisme d’exception dont on précisera les conditions (B) après avoir
défini le contenu (A).
A/ Le contenu de l’ordre public en DIP
Le contenu de l’ordre public en DIP sera mieux cerné en envisageant la notion (1), ses caractères (2) et
en la distinguant des notions voisines (3).
1- La notion d’ordre public international
La notion n’a pas, à juste titre, reçu de définition légale dans la mesure qu’il s’agit davantage d’une
notion fonctionnelle permettant une appréciation in concreto par le juge. Toutefois, l’ordre public en
DIP est défini par la doctrine et la jurisprudence comme un correctif exceptionnel permettant d’écarter
la loi étrangère normalement compétente, lorsque cette dernière contient des dispositions dont
l’application est jugée inadmissible par le tribunal saisi. De sorte que c’est au juge de dire à chaque
fois si la loi étrangère est ou non contraire à l’ordre public. C’est lui qui appréciera à un moment
donné l’état de l’opinion dans l’ordre du for afin de déterminer si oui ou non la loi étrangère doit être
évincée.
2- Les caractères de l’ordre public international

L’ordre public international est national. Le terme « ordre public international » est discuté. De fait,
l’ordre public tel qu’on l’envisage en DIP n’est pas un véritable ordre public international c’est-à-dire
commun à toutes les nations. C’est plutôt un ordre public du for autrement dit de source interne. C’est
pourquoi certains auteurs suggèrent de parler « d’ordre public au sens du DIP ».
Il est imprécis dans la mesure où l’intervention de l’ordre public international est laissée à la
discrétion des juges et liée à leur jugement sur la valeur du contenu de la loi étrangère. Néanmoins les
Nations et les Etats s’accordent à ranger dans l’ordre public un ensemble de principes considérés
comme universels tels que l’interdiction de l’esclavage, la prohibition des discriminations raciales,
sexuelles.

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Il est variable. L’ordre public varie dans l’espace et dans le temps. Il s’agit d’un jugement de valeurs
porté sur la loi étrangère par le juge et s’appuyant sur sa législation. C’est une représentation des
valeurs fondamentales que se fait à un moment donné un ordre juridique particulier. Ceci explique par
exemple que la monogamie soit considérée comme un principe fondamental dans de nombreux pays
occidentaux et qu’elle ne le soit pas dans certains pays africains comme le Cameroun, le Sénégal ou
inversement que l’hétérosexualité soit un principe fondamental dans certains pays africains et n’en
soit pas dans les pays occidentaux où le mariage homosexuelle est consacré.
3- Distinction ordre public en DIP, ordre public interne et lois de police
L’ordre public international doit être distingué de certaines notions voisines : l’ordre public et les lois
de police.
L’ordre public interne recouvre l’ensemble des dispositions qui revêtent un caractère impératif dans le
sens de l’article 6 du code civil applicable au Cameroun puisque ceux qui s’y trouvent soumis ne
peuvent en écarter l’application par convention. Il renvoie donc à la distinction traditionnelle entre
règles supplétives de volonté et règles impératives ou d’ordre public. Mais cet ordre public n’entretient
de relation qu’avec l’ordre interne. Dès lors qu’une situation est internationale, c’est à l’ordre public
international qu’il convient de recourir. Et l’ordre public international n’inclut pas toutes les
dispositions impératives du droit interne. Il ne vise selon la formule de l’arrêt Lautour que « les
principes de justice universelles considérés dans l’opinion française comme de valeur internationale
absolue ». Il s’ensuit que le domaine de l’ordre public international est plus limité que celui de l’ordre
public interne.
L’ordre public international s’oppose également aux lois de police qui elles interviennent en amont
avant le déclenchement de la méthode conflictuelle. Le juge doit l’appliquer sans prendre en
considération l’élément d’extranéité du litige et sans mettre en œuvre la règle de conflit.
B/ Les conditions de mise en œuvre de l’exception d’ordre public
L’OPI fonctionne sur la base d’un mécanisme d’exception et son application est circonstanciée. Il est
utilisé comme un moyen de défense (Derruppé et Laborde, p. 101). Le terme exception indique que
l’intervention de l’ordre public international ne joue que pour faire échec à l’application de la loi
étrangère dont la compétence de principe n’est pas mise en cause. Le contrôle de la conformité à
l’ordre public international n’intervient donc qu’à posteriori. Il s’opère in concreto. Par exemple, la
loi étrangère qui autorise un mariage entre personnes de même sexes ou si elle empêche un mariage
pour des raisons raciales ou religieuses sera écartée. Il en est de même de la loi étrangère qui
refuserait à la victime d’un accident une action directe contre l’assureur.
Première condition, il faut une incompatibilité importante entre les effets de la loi étrangère et les
principes essentiels de l’ordre du for. C’est le critère du résultat concret. Il faut en effet que
l’application de la loi étrangère soit de nature à produire un résultat particulièrement choquant dans le
cas d’espèce (D. Gutmann, p. 107).
Deuxième condition est liée à l’étroitesse des liens qu’entretient la situation juridique avec le for.
C’est le critère de proximité. Si les liens sont étroits, les exigences imposées au titre de l’ordre public
peuvent être renforcées : c’est l’ordre public de proximité ou ordre public plein. Et de ce point on
peut dire que l’ordre public jouera plus fermement si c’est un national du for qui sera directement
concerné par une situation présentant un caractère choquant.
En revanche, si les liens sont lâches, les exigences imposées au titre de l’ordre public peuvent être
assouplies : c’est l’effet atténué de l’ordre public. Cette solution a été consacrée par l’arrêt Rivière
du 17 avril 1953 (GA n° 26). Il s’agissait d’un divorce prononcé selon la loi étrangère qui admettait le
divorce par consentement mutuel. Un tel divorce n’aurait pas pu être prononcé en France, la loi
étrangère aurait été déclaré contraire à l’ordre public mais cet ordre public était atténué s’agissant de la
reconnaissance en France du divorce : « en effet, la réaction à l’encontre d’une disposition contraire à
l’ordre public n’est pas la même suivant qu’elle met obstacle à l’acquisition d’un droit en France ou
suivant qu’il s’agit de laisser se produire en France les effets d’un droit acquis, sans fraude, à
l’étranger et en conformité de la loi ayant compétence en vertu du DIP français ». Mais, c’est surtout
dans l’arrêt Munzer du 7 janvier 1964 que la formule « effet atténué de l’ordre public » a été
consacré.
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Mais un autre danger s’est vite signalé à la doctrine qui a vu le risque d’application erronée de l’effet
atténué de l’ordre public, notamment lorsque les intéressés domiciliés en France ne se rendaient dans
leur pays d’origine dans le seul but de faire naître la situation à l’étranger. La Cour de cassation
invoque très souvent la fraude pour s’opposer à la reconnaissance de telles situations. La fraude est
l’autre forme d’éviction de la loi étrangère désignée par la règle de conflit.
C/ Les effets de l’intervention de l’ordre public
L’effet principal de la mise en œuvre de l’exception d’ordre public est l’exclusion des effets des droits
réclamés en vertu de la loi étrangère (P. Meyer, p. 197). Mais, l’éviction est limitée aux seules
dispositions de la loi étrangère contraires à l’ordre public. L’autre effet à l’exception d’ordre public est
la substitution de la lex fori à la loi évincée. La loi du for est appliquée en vertu de sa vocation
subsidiaire.
§2 La fraude à la loi
En DIP, la théorie de la fraude à la loi tend à écarter par une manipulation artificielle la règle de conflit
du for et ce faisant rejoint l’adage « fraus omnia corrumpit ». C’est l’arrêt Bauffremont du 18 mars
1878 (GA n° 6) qui a fondé en JP la théorie de la fraude à la loi. En l’espèce, la princesse de
Bauffremont devenue française par son mariage, s’était fait naturalisé allemande pour faire convertir la
séparation de corps obtenue devant une juridiction française en divorce et se remarier avec un autre
prince. La cour de cassation décida que : « la demanderesse avait sollicité et obtenu cette nationalité
nouvelle non pas pour exercer les droits et accomplir les devoirs mais dans le seul but d’échapper aux
prohibitions de la loi française ».
La constitution de la fraude à la loi implique la réunion de certains éléments (A) et entraîne des
sanctions (B).
A/ Les éléments de la fraude à la loi
Il existe deux éléments : un élément matériel (1) et un élément psychologique (2).
1- L’élément matériel : l’utilisation volontaire des règles de conflit
L’élément matériel résulte en général d’un changement volontaire du facteur de rattachement. C’est le
cas des matières du statut réel, le statut personnel, le rattachement étant soit la nationalité soit le
domicile. L’affaire princesse de Bauffremont est l’exemple type d’une fraude à la loi réalisée par
changement de nationalité. Quant à la loi du domicile, la fraude est encore plus facile, déménager étant
plus simple que changer de nationalité. C’est le cas également du statut réel mobilier dans lequel la
fraude peut consister dans le déplacement d’un meuble (transport d’un meuble d’un pays à un autre
modifie la compétence législative), ou le changement de la qualification du bien en transformant un
immeuble en meuble.
En revanche, la fraude est moins aisée dans les matières contractuelles en raison du libre choix par les
parties de la loi applicable, et sauf l’hypothèse susmentionnée, elle est impossible en matière
immobilière dans la mesure où la volonté des parties est sans influence sur le lieu de situation du bien,
inamovible par définition.
2- L’élément moral : l’intention frauduleuse
Toute personne qui change l’élément de rattachement ne commet pas nécessairement une fraude A
l’intention matériel doit s’ajouter un élément intentionnel Il n’y aura fraude que si la modification
apportée au facteur de rattachement est destinée à écarter la loi normalement applicable. Dans l’affaire
princesse de Bauffremont le changement de nationalité apparaît frauduleux car il a été réalisé « dans
le seul but d’échapper aux prohibitions (du divorce) et de la loi française ».
L’existence de l’intention frauduleuse est laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond.
Pendant longtemps, seules les fraudes à la loi française ont été sanctionnées. Mais aujourd’hui les
juges français n’hésitent pas à sanctionner la fraude à la loi étrangère. Par exemple, lorsqu’un époux
québécois se rend à Reno au Nevada pour obtenir un divorce qu’il n’aurait pas pu obtenir à Québec,
le juge français saisi peut constater la fraude (arrêt Giroux c/ Dame Chatrand du 11 juillet 1977, Rev.
Crit. DIP 1978, p. 149, note B. Audit).

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B/ La sanction de la fraude à la loi


En doctrine, la question se pose de savoir quelle est la portée exacte de la sanction devant frapper la
fraude lorsque celle-ci se réalise par un acte juridique : l’acte doit-il être simplement déclaré
inopposable au juge français ou doit-il être annulé ? La naturalisation de la princesse de Bauffremont
est-elle nulle ou simplement inopposable ? En DIP, la réponse n’est pas évidente puisqu’il convient de
en considération l’Etat étranger concerné. La sanction de la fraude à la loi étrangère est donc en
principe l’inopposabilité.
Autre question : faut-il admettre que l’inopposabilité s’applique à l’ensemble de l’acte frauduleux ou
seulement à la conséquence frauduleuse qui était le but de l’acte ? Dans l’exemple de la princesse de
Bauffremont, est-ce la naturalisation en entier qui est inopposable ou uniquement le divorce et le
remariage, le changement de nationalité produisant ses autres effets ? La cour de cassation estime que
l’inopposabilité concernait la totalité de l’acte.

Seconde partie
Les conflits de juridictions
La notion de « conflit de juridictions » est ambigüe en ce qu’elle induit l’existence des règles de
conflit identiques aux règles de conflits de lois c’est-à-dire des règles neutres et bilatérales de
répartition internationale des compétences juridictionnelles permettant par exemple à un juge
camerounais de déclarer la compétence d’un juge étranger pour trancher le litige dont il est saisi.
Traditionnellement, c’est aux Etats non à un juge étranger qu’il n’appartient de déterminer si leurs
tribunaux sont compétents et d’adopter en la matière des règles qui ne sont ni neutres ni bilatérales.
Chaque Etat délimite unilatéralement (P. Mayer et V. Heuzé, pp. 10 à 12) ou substantiellement (Y.
Loussouarm, P. Bourel et P. de Vareilles-Sommières, pp. 597 et 598) les conditions de compétences
de ses propres tribunaux.
Ainsi entendue, la notion de « conflit de juridictions » permet d’aborder trois types de règles : les
règles de compétence directe (règles permettant au juge camerounais de savoir s’il est compétent
pour trancher le litige que les parties lui soumettent) et les règles de compétence indirecte (règles
déterminant si et à quelle conditions un jugement rendu à l’étranger peut produire ses effets au
Cameroun).
Deux questions seront envisagées : la compétence judiciaire internationale (chapitre 1) et les effets
internationaux des jugements (chapitre 2).

Chapitre 1
La compétence judiciaire internationale
Le droit de la compétence judiciaire internationale est régi par des sources à la fois d’origine nationale
et d’origine conventionnelle. L’analyse du droit camerounais nécessite de s’intéresser successivement
aux règles de compétence (section 1) et au régime de la compétence (section 2).

Section 1
Les règles de compétence judiciaire internationale
L’étude des fondements du dispositif camerounais de compétence judiciaire (§1) permettra de
comprendre au mieux le contenu (§2).
§1 : Les fondements des règles de compétence judiciaire internationale
Ces fondements sont théoriques (A) et historiques (B).
A/ Les fondements théoriques
Les fondements théoriques sont doubles : la dissociation entre la compétence juridictionnelle et la
compétence législative d’une part (1) et la nature de la compétence judiciaire internationale (2).
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1- La dissociation entre compétence juridictionnelle et compétence législative


Les objets de ces deux compétences sont très différents. Dans la compétence juridictionnelle, le
juge se demande s’il est compétent pour régler le litige. Dans la compétence législative, il recherche la
loi applicable au contentieux qui est déféré. De même, les critères mis en œuvre sont distincts.
D’une part, en matière de conflit de loi, un critère unique par catégorie est retenu car il est impossible
de soumettre la résolution du problème à plus d’une loi. À l’inverse, il n’y a aucun inconvénient à
donner compétence à plusieurs ordres juridictionnels en laissant aux plaideurs le soin de faire leur
choix. D’autres part, la nationalité constitue toujours un critère de compétence juridictionnelle tandis
qu’elle n’est admise comme élément de rattachement dans la compétence législative que dans le
domaine du statut personnel. C’est donc à tort qu’un arrêt de la Cour d’appel du Tchad du 27
novembre 1970 pose le principe de l’incompétence des juridictions tchadienne dans une affaire d’état
des personnes parce que « le statut personnel des Français sur le territoire du Tchad est régi par la
loi française » (Rec. Penant 1971, p. 398).
Cette dissociation entre la compétence juridictionnelle et la compétence législative signifie en pratique
que le juge camerounais peut valablement appliquer une loi étrangère, et qu’un juge étranger peut
valablement appliquer le droit camerounais.
2- La nature de la compétence judiciaire internationale
Cette question se pose à la lumière des catégories du droit interne. En droit judiciaire interne, il existe
deux catégories de règles de compétence : les règles de compétence d’attribution (déterminent la
compétence des juridictions en fonction de la nature de l’affaire, par exemple juridictions civiles pour
les litiges à caractère civil, juridictions administratives pour le contentieux administratifs) et les règles
de compétence territoriale (déterminent le lieu où sera tenu le procès, par exemple domicile du
défendeur). Qu’en est-il pour un litige comportant un élément extranéité ? Les règles qui déterminent
la compétence internationale doivent-elles être assimilées à des règles de compétence d’attribution ou
à des règles de compétence territoriale ?
Une partie de la doctrine représentée par BARTIN proposa de traiter la compétence judiciaire
internationale comme se rapportant à la compétence d’attribution. En effet, il s’agit de déterminer si,
en général, les juridictions d’un pays sont compétentes pour connaître d’un problème international
donné. Par exemple, un choix doit être effectué entre l’ordre juridictionnel camerounais et les
tribunaux étrangers. Ce n’est qu’en second temps, une fois connu l’ordre juridique compétent, que se
pose un problème similaire à celui de la compétence territoriale interne puisqu’il faudra alors dire
quelle juridiction camerounaise est spécialement compétente, s’il s’agit du tribunal de Buea, de
Maroua ou de Yaoundé. Malgré ses qualités, cette approche n’a pas été retenue en doctrine et en
jurisprudence. Deux objections ont été avancées : d’une part, la compétence d’attribution se fonde sur
la nature du litige. Or, le fait de savoir qu’il s’agit d’un procès en filiation plutôt qu’un procès
commercial est sans incidence pour déterminer l’ordre juridictionnel compétent ; d’autre part, les seuls
critères de compétence qu’il est possible de retenir à l’échelon international sont ceux qui permettent
une localisation du litige tel que le domicile de défendeur, le lieu de situation d’un immeuble. C’est
pourquoi, il est admis que la compétence judiciaire internationale se détermine par transposition des
règles de compétence territoriale interne.
B/ Les fondements historiques
La difficulté d’élaborer une réglementation internationale des conflits de juridictions tient de
l’omniprésence des considérations de souveraineté et d’intérêt général. De sorte qu’il revient à chaque
Etat souverain d’aborde la question sur son territoire. Pendant longtemps, le règlement camerounais de
la compétence internationale a reposé sue deux articles du Code civil : les articles 14 et 15 du code
civil qui donnent compétence aux tribunaux camerounais lorsqu’un Camerounais est demandeur ou
défendeur. Pareille conception influait sur le sort réservé aux étrangers. Si ceux-ci peuvent saisir les
tribunaux camerounais, ils doivent verser une caution appelée caution judicatum solvi, destinée à
garantir le paiement d’éventuels dépens et dommages-intérêts. Cette pratique encore en vigueur au
Cameroun, a été sévèrement condamnée par la Cour de cassation française dans un arrêt du 16 mars
1999 comme contrevenant au droit de chacun d’accéder au juge de l’article 6.1 de la CEDH.
Accordant un véritable privilège de juridiction au plaideur camerounais, ces dispositions ne
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constituent plus aujourd’hui que des règles spéciales de compétences. A leur coté sont apparues au
terme d’une évolution des règles ordinaires de compétence juridictionnelle, d’origine prétorienne.
§2 : Le contenu des règles de compétence judiciaire internationale
Le droit camerounais combine une règle ordinaire de compétence (A) et des règles exorbitantes de
compétence inscrites aux articles 14 et 15 du Code civil (B) auxquelles il faut ajouter les règles
limitant cette compétence (C).
A/ La règle ordinaire de compétence
Elle a été forgé par la jurisprudence au cours d’un long processus : de l’abandon du principe
d’incompétence des juridictions camerounaises dans les litiges entre étrangers à l’extension des règles
de compétence territoriale interne avec une nécessaire adaptation face à la spécificité du caractère
international du conflit.
1- L’abandon du principe d’incompétence des juridictions camerounaises dans les litiges
entre étrangers
Pendant longtemps la JP s’est déclarée incompétente pour régler les litiges entre étrangers.
Ce principe d’incompétence est apparu illogique et peu commode en ce qu’il exigeait que deux
étrangers ayant un litige sur le sol camerounais soient contraints d’aller régler leur différend dans le
pays dont l’un d’eux est le ressortissant. Ce d’autant plus que l’accès à la justice est un droit naturel
qui ne peut être refusé aux individus, même étrangers, résidant sur le sol camerounais.
L’abandon du principe d’incompétence a d’abord eu lieu en matière réelle immobilière et dans le
domaine de la responsabilité délictuelle pour finalement se consolidé lors de l’important arrêt Patino
du 21 juin 1948.
2- L’extension des règles de compétence territoriale interne
Lorsqu’il existe une règle interne retenant la compétence d’un tribunal camerounais, celle-ci doit être
appliquée. Exemple tribunal du lieu du fait dommageable. La règle implique une extension à la
compétence internationale les règles qui régissent la compétence territoriale interne. Ce principe,
énoncé d’abord dans un arrêt Pelasa du 10 octobre 1959, a été consacré dans l’arrêt scheffel du 30
octobre 1962 en ces termes : « l’extranéité des parties n’est pas une cause d’incompétence des
juridictions françaises, dont la compétence internationale se détermine par extension des règles de
compétence territoriale interne ». Ainsi la JP a choisi d’appliquer aux litiges internationaux, les
principes qui sont à la base de la compétence territoriale dans l’ordre interne précisément la
compétence de principe du tribunal du lieu où demeure le défendeur (actor sequitur forum rei). Par
exemple, si le domicile du défendeur est au Cameroun, le tribunal camerounais est compétent, quelle
que soit la nationalité du défendeur. La règle s’applique donc même si les deux parties demandeur et
défenseur sont étrangers ; l’extranéité des parties n’étant pas une cause d’incompétence des tribunaux
camerounais. S’il y a plusieurs défendeurs, il suffit que l’un soit domicilié au Cameroun pour que le
tribunal camerounais soit compétent.
De la même façon, le tribunal compétent en matière d’actions réelles immobilières est celui du lieu de
situation de l’immeuble, même si l’immeuble est la propriété d’une personne de nationalité étrangère
ou d’une société étrangère.
3- L’adaptation des règles de compétence territoriale interne
Certaines règles de compétence territoriale doivent être adaptées au caractère international de la
situation. Le principe de l’extension devra alors être écarté chaque fois que le critère de compétence
territoriale ne convient pas à un litige international Deux cas permettent d’illustrer ces nécessités
d’adaptation : les successions (a), les saisies et les mesures conservatoires (b)
a) Les successions
Le droit processuel prévoit que le tribunal compétent en matière successorale est celui où la succession
est ouverte : au lieu du domicile du défunt. Appliqué à une succession internationale, ce principe
nécessite une adaptation en ce qui concerne les tribunaux. En matière de succession immobilière,
l’ordre juridictionnel dans le ressort duquel est situé l’immeuble est seul compétent pour les demandes
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entre héritiers, les demandes formées par les créanciers du défunt et les demandes relatives à
l’exécution des dispositions à cause de mort, jusqu’au partage inclusivement. Il y a ici concordance
entre la compétence juridictionnelle et la compétence législative.
b) Les saisies et les mesures conservatoires
Ici encore l’adaptation est nécessaire. Certaines règles de compétence territoriale interne doivent faire
l’objet d’une adaptation pour les procédures d’exécution, celles-ci étant entendues comme les mesures
conservatoires et d’exécution. Alors qu’en droit interne le demandeur peut en principe saisir le tribunal
du domicile de défendeur ou le juge du lieu d’exécution de la mesure, en matière internationale, le seul
juge compétent est celui du lieu d’exécution de la mesure. Le juge camerounais n’est compétent que
pour les biens situés au Cameroun, il ne peut ordonner une saisie sur un bien à l’étranger.
L’explication se trouve dans le fait que les mesures d’exécution ne peuvent être effectuées que par les
organes de l’Etat sur le territoire duquel la mesure est exécutée sous le contrôle des autorités
judiciaires de cet Etat (P. Meyer, p. 93).
B/ Les règles inscrites dans les articles 14 et 15 du code civil
L’analyse de ces règles suppose que l’on s’intéresse à leur domaine (1) et leur caractère (2)
1- Le domaine d’application
On distinguera les personnes et les actions concernées. Sur les personnes, les articles 14 et 15
instaurent une compétence internationale des tribunaux camerounais fondée sur la nationalité des
parties. Ainsi, les articles 14 et 15 du code civil applicable au Cameroun s’appliquent chaque fois
qu’une personne camerounaise (physique ou morale) est partie au litige comme demanderesse (art. 14)
ou défenderesse (art. 15).
Il s’agit bien d’une compétence privilégiée exorbitante du droit commun puisque l’ordre juridictionnel
camerounais ne serait pas sollicité si l’on prenait seulement en considération les droits nés des faits
litigieux. La nationalité camerounaise s’apprécie au jour de l’introduction de l’instance. Peu importe la
nationalité de l’intéressé à l’époque où la situation litigieuse est née.
Quant aux actions, les articles 14 et 15 du Code civil applicable au Cameroun font état des
obligations contractées par ou envers des camerounais. Cela signifie que toutes les actions
patrimoniales et extrapatrimoniales sont concernées et ce même si les textes visent les « obligations
contractées ». Il faut néanmoins exclure les actions réelles immobilières et les actions en partage
d’immeubles sis à l’étranger.
2- Une compétence exclusive
La JP qualifie d’exclusive la compétence fondée sur l’article 15 du code civil. Il en résulte qu’une
décision étrangère méconnaissant ce privilège de juridiction ne peut être efficace au Cameroun (Cass.
Req. 17 mars 1830), sauf s’il y a eu renonciation à ce privilège ou s’il a été écarté par un Traité
international. Cela signifie que les articles 14 et 15 ne sont pas d’ordre public ; s’ils instituent un
privilège de juridiction en faveur du plaideur camerounais, celui-ci peut toujours y renoncer (Derruppé
et Laborde, p. 109). Cette renonciation peut être expresse ou tacite. Par exemple le seul fait de porter
une action devant une juridiction étrangère peut être considéré comme renonciation.
En DIP français, la JP a opéré un revirement dans l’arrêt Prieur du 23 mai 2006 en déclarant que
« l’article 15 du code civil ne consacre qu’une compétence facultative de la juridiction française
impropre à exclure la compétence indirecte d’un tribunal étranger dès lors que le litige se rattache de
manière caractérisée à l’Etat dont la juridiction est saisie et que le choix de la juridiction n’est pas
frauduleux ».

Section 2
Le régime de la compétence judiciaire internationale
Le principe est celui de l’extension des règles de compétence interne à la compétence internationale.
Toutefois, le régime de la compétence internationale pose trois séries de questions : la possibilité pour
les parties de déroger aux règles de compétence (§1), les conditions dans lesquelles l’incompétence
peut être soulevée (§2), et les conflits de procédures (§3).
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§1 : Les clauses dérogatoires aux règles de compétence internationale


Les règles de compétence judiciaire internationale n’ont pas un caractère obligatoire. Les parties ont la
possibilité d’y déroger par les clauses d’attribution de juridiction (A) ou par une clause
compromissoire (B).
A/ Les clauses attributives de juridiction (l’élection de for)
Dans les relations internationales, les clauses attributive de juridiction encore appelées « élection de
for », sont très fréquentes. Les parties choisissent ainsi la juridiction qui leur semblent la plus adéquate
pour trancher un éventuel différend. La licéité de ces clauses est admise mais assortie de certaines
conditions.
B/ Les conventions d’arbitrage
Il en existe deux types : la clause compromissoire qui est incluse dans le contrat et prévoit le recours
à l’arbitrage au cas où un différend existerait entre les partie. Le compromis qui intervient après un
différend, les parties se mettent alors d’accord pour soumettre celui-ci à un arbitre et non à un juge.
Comme pour les clauses attributives de juridiction, la liberté des parties n’est pas totale, il faut que
soient respectées les règles impératives du droit camerounais et l’ordre public international. C’est à
propos de l’arbitrage que la cour de cassation a énoncé plusieurs règles matérielles.
§2 : Les conditions de mise en œuvre de l’incompétence des tribunaux
La sanction de l’incompétence du juge saisi peut avoir de lieu de deux façons distinctes : soit le juge
use de la faculté de relever d’office son incompétence, soit le défendeur oppose lui-même une
exception d’incompétence. Et lorsque le juge camerounais se déclare incompétent, il n’attribue pas la
compétence aux tribunaux étrangers, il n’a pas le pouvoir de le faire. Il constate simplement qu’il n’est
pas compétent et renvoie les parties à mieux se pourvoir.
L’exception d’incompétence formulée par le défendeur doit l’être in limine litis c’est-à-dire avant tout
défense au fond.
§3 : Les conflits de procédures
Il y a conflit de procédures lorsqu’un juge camerounais est saisi d’un litige qui fait déjà l’objet d’une
procédure à l’étranger. Concrètement c’est le règlement des conflits de compétence internationale.
Deux de problèmes peuvent se présenter : la litispendance (A) et la connexité (B).
A/ La litispendance
Il peut arriver qu’au moment où une juridiction camerounaise est saisie, qu’un autre procès soit
pendant à l’étranger entre les mêmes parties. En droit interne, l’exception de litispendance oblige le
juge saisi en second de se dessaisir au profit du premier.
En DIP, l’exception de litispendance a été pendant longtemps refusée au motif qu’il n’y avait pas de
règlement au niveau international (réticence du juge national à renoncer à la souveraineté de son
ordre juridique au profit d’une règle étrangère attribuant compétence à un autre ordre). Mais la
solution a connu une évolution. Depuis 1974, la Cour de cassation retient que l’exception de
litispendance peut être reçue devant le juge français en vertu du droit commun français en raison d’une
instance engagée devant un tribunal étranger également compétent (arrêt Miniera di Fragne du 26
novembre 1974, GA n° 54) sauf si la décision à intervenir à l’étranger n’est pas susceptible d’être
reconnue en France. Concrètement cela signifie que le juge doit contrôler que la décision rendue à
l’étranger respecte, à ce stade de la procédure, les conditions de reconnaissance des jugements.
Le régime de la litispendance
Mais cela reste pour le juge non pas une obligation mais une faculté de recevoir l’exception de
litispendance internationale.
B/ La connexité
La connexité suppose deux juridictions saisies de deux litiges différents mais entre lesquels il existe
des liens tels qu’il est de l’intérêt d’une bonne administration de la justice d’instruire et de juger
ensemble les deux litiges. En droit interne, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir, soit
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Professeur Thérèse Atangana-Malongue


Agrégée des Facultés de Droit
Cours LMD de Droit International Privé / 2020-2021

d’office, soit à la demande de l’une des parties. En DIP, l’exception de connexité aurait pour résultat
de laisser à une juridiction étrangère le soin de régler la question connexe posée au juge camerounais,
la JP a été plus réticente à l’admettre en matière internationale. En droit français, la Cour de cassation
vient d’admettre que le juge français pouvait se dessaisir « aux seules conditions que deux juridictions
relevant de deux Etats différents soient également et compétemment saisies de deux instances en
cours, faisant ressortir un lien de nature à créer une contrariété.

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