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Jannettaz, Édouard (1832-1899). Diamant et pierres précieuses, cristallographie, descriptions, emplois, évaluation, commerce, bijoux, joyaux, orfèvreries...

par Éd. Jannettaz, Em.


Vanderheym,... E. Fontenay,... A. Coutance,.... 1881.

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DIAMANT

/
ET

PIERRES PRÉCIEUSES
PARIS

TYPOGRAPHIE GEORGES CHAMEROT

19, rue des Saints-Pères, 19


LEGENDE DE LA PLANCHE

1. — ÉMERAUDE.

2. — SAPHIR.

3. — AMÉTHYSTE.

4. — LAPIS-LAZULI.

5. — GRENAT.

6. — QUARTZ VERDATRE CHATOYANT.

7. — AGATE ONYX.

8. — TOPAZE.

9. — R UBIS.

10. — MALACHITE.

{{. — AMAZONITE.
DIAMANT

ET

PIERRES PRÉCIEUSES

— —
^-=-"--=C.a,I S T ALLO GRAPHIE DESCRIPTIONS EMPLOIS
"' s —
7v'!>Vi (/;À. ÉVALUATION COMMERCE

'
- -
JOYAUX ORFÈVRERIES
BJJJÉUX
. . ' , Vv." '''

4tu^iyr'DE VUE DE LEUR HISTOIRE ET DE LEUR TRAVAIL

Ouvrage orné de 350 Vignettes et d'une Planche en Couleur

PAR

Ed. JANNETTAZ E. FONTENAY


Maître de Conférences à la Faculté Joaillier-bijoutier
des Sciences Membre de la Chambre de Commerce.
Aide-Naturaliste au Muséum de Paris

Em. VANDERHEYM A. COUTANCE


Président de la Chambre syndicale des Professeur de Sciences naturelles aux
Diamants et des Pierres précieuses Écoles de Médecine de la Marine

PARIS

J. ROTHSCHILD, ÉDITEUR

13, RUE DES SAINTS-PÈRES, 13

1881
Tous Droits réservés
AVANT-PROPOS

Depuis bientôt huit ans que nous avons fondé le Journal Le

Bijou, on nous réclame sans cesse un livre sur les Pierres pré-
cieuses.

Si Von excepte le Traité scientifique d'Hauy, il n'existe

pas, en effet, d'ouvrage complet sur la matière; on ne saurait

évidemment donner ce nom à quelques publications modernes,

qui sont des Livres de vulgarisation ou des Précis de Minéra-

logie pure.
Le traité d'Hauy lui-même, qui a été tant de fois utilisé par
les auteurs, n'est plus aujourd'hui au niveau des progrès de

la science.

D'autre la découverte des Mines du Cap a modifié les


part,
conditions du marché; le grand nombre de diamants envoyés

en Europe, leur qualité, leur couleur, font l'objet des préoc-

cupations des intéressés.

Il devenait donc utile de fixer l'opinion sur l'influence de ce

nouveau gisement.
l'histoire et la fabrication du Bijou se rattachent
Enfin,
a
VI DIAMANT ET PIERRES PRECIEUSES.

naturellement CL la des Pierres précieuses et en


Monographie

forment comme le Complément indispensable.


Ce programme des connaissances profondes et mul-
exigeait
et nous avons été heureux d'obtenir le Concours de qua-
tiples,
tre spécialistes éminenls.

La scientifique a été rédigée par M. Jannettaz, qui


partie
comme Maître de conférences à la Sorbonne, et qui,
Venseigne

depuis vingt ans, s'occupe des riches collections minéralogi-

ques du Muséum.

Elle contient les principes de la Cristallographie:, des Pro-

chimiques et physiques des Gemmes, ainsi que l'Histori-


priétés
de la nomenclature, dont les résultats ont de l'importance
que
même au point de vue de l'Art technique. Une description com-

plète des Pierres précieuses avec des tableaux pjour faciliter


leur détermination, et un chapitre sur les principales Imita-

tions des pierres et sur les procédés de reproduction, forment


la 'première partie du livre. L'auteur a eu soin de vérifier tout

ce qui pouvait être sujet à discussion et il a contrôlé lui-même

les Données numériques.

Après l'origine, la composition, les caractères des gemmes,


venaient naturellement leur mise en oeuvre, leur estimation,
le côté technique dont a bien voulu se charger M. Emile
enfin

Vanderheym, Expert des Tribunaux et Président de la

Chambre des diamants et pierres précieuses.


M. Fontenay, Membre de la Chambre de Commerce de

Paris, a développé, dans un chapitre, orné de nombreuses

gravures, l'histoire de l'Art du Bijoutier.


Prenant le Métal à son point de départ, il fait suivre au

lecteur toutes les phases de la Fabrication d'un bijou ou d'un

joyau.
Vice-président du Jury de la classe 39 {Joaillerie, Bijoute-

rie), à l'Exposition universelle de Paris, et délégué à celle


AVANT-PROPOS DE L ÉDITEUR. VII

de Vienne, il pouvait mieux que tout autre présenter le ta-

bleau complet des Progrès accomplis jusqu'à nos jours.


Il ne fallait pas omettre, dans ce livre, le Corail et les

Perles, ces jolies productions inséparables des Pierres pré-


cieuses.

Nous devons à M. Coutance, Professeur à l'École de Mé-

decine à Brest, un résumé de documents peu connus sur le co-

rail et les perles fines, et des observations inédites, rassemblées

dans ses nombreux voyages.


Tel est, succinctement, dans ses grandes lignes, la publica-
tion nouvelle sur les Pie?*res précieuses.
On le voit, nous avons pu réunir ainsi à la fois des rensei-

gnements de valeur pour les personnes du métier, et de nom-

breux éléments de curiosité et d'instruction pour la généralité

des lecteurs.

Nous ne doutons pas, qu'ainsi compris, cet ouvrage ne puisse

rendre des services aux joailliers et aux bijoutiers, et même

être consulté avec profit par les artistes et par le public.

L'ÉDITEUR.-
ERRATA

P. 23, ligne 7 en remontant, au lieu de : huit faces, lisez : six faces.


P. 40, ligne 6 en remontant, au lieu de : égaux, lisez : égaux à 90°.
P. 43, ligne 1 en remontant, au lieu de : à six faces, lisez : à quatre
faces.
P. 45, ligne 9 en remontant au lieu de : et supplémentaires des pre-
miers, lisez : et aux dièdres latéraux du rhomboèdre primitif.
P. 58, ligne 2, au lieu de : s'accollent, lisez : s'accolent.
P. 68, ligne 6, au lieu de : IR, lisez : IB.
Id, ligne 11, au lieu de : r, lisez : r'.
P. 75, ligne 17, après : doué de la double réfraction, lisez : tel que le
spath d'Islande.
P. 84, ligne 2, en remontant, au lieu de : la lumière sort en faisceaux
parallèles, lisez : la lumière émanée de l'objet forme à son entrée dans
l'objectif des faisceaux presque parallèles.
P. 228, 14, au lieu de Bootius,
ligne lisez .-Boëtius.
P. 233 lignes 16 et 17, au lieu de : Vagra, lisez : Vajra.
P. 238, ligne 2, et ligne 11 en remontant, au lieu de : bruteur et
brutage, nous préférons dire : ébruteur, ébrutage.
P. 240, ligne 4, au lieu de : brutage, lisez : de même : ébrutage.
TABLE DES MATIÈRES

"""———r*"""" Pages.
INTRODUCTION. — Formes cristallines. Propriétés physiques
et chimiques. 1.

PREMIÈRE PARTIE

CHAPITRE PREMIER. — DES FORMES CRISTALLINES 5


§ 1er. — Cristallographie théorique . 5
Définitions. — Formes des faces. —
Angle dièdre.'— Mesure
des angles dièdres. — Angles solides. — Types cristallins.
—: Lois de symétrie. — De l'Hémiédrie. 8 à 19
l<?r Système..— Système cubique.. 21
Octaèdre régulier.•— Hexoctaèdre.— Formes à 24\faces.
.A 12 faces... 22 à 25
— Prisme droit à base carrée . 25
2me.Système.
Octaèdre quadratique, Dioctaèdre.— Prismes dérivés. 26 et 27
Modifications sur les arêtes basiques.. . 28
3me Système. — Prisme droit à base rectangle ou rhombique. 28
. Octaèdre droit à base rhombe. . 30
4™° Système. —Romboédrique, rhomboèdres.' 30
. Section.médiane du rhomboèdre . 33
5m 0 Système. — Klinorhombique 34
6me Système. — Prisme doublement oblique. . 36
1
§ 2. — Détermination, pratique des formes cristallines .... 36
Prismes. — Formes — Prismes pyramides. 37 à 50
pyramidales.
Appendice. Groupements des cristaux 58
i ' Déformations, 58
Stries 59
:.CHAPITRE II. —DU CLIVAGE. . . 60
CHAPITRE III. — DES PROPRIÉTÉS OPTIQUES.. ........ 63
I § 1er. -— Propriétés générales.- ................ 63
Des couleurs simples.. . . . 65
Réfraction. 66
: § 2. ^Double réfraction et .lumière polarisée ........ 71
- Tourmaline. „ . 7^
X DIAMANT ET PIERRES PRÉCIEUSES.

Pages.
Pince à tourmalines ^8
d'extinction. Axes d'élasticité optique 79
Lignes
Anneaux colorés des cristaux à un axe optique. ...... 81
Prismes de Nicol 82
à lumière convergente 84
Microscope polarisant
84
Microscope
Phénomènes des cristaux à 2 axes - 87
optiques
93
§ 3. — Polarisation rotatoire
§ 4. — Couleur des pierres 93
dichroscopique 96
Loupe
98
§ 5. — Éclat. ,
CHAPITPvE IV. — PROPRIÉTÉS THERMIQUES ET ÉLECTRIQUES DES
CRISTAUX 99
Aiguille aimantée 104
CHAPITRE V. — DURETÉ 105
CHAPITR.E VI. — DENSITÉ OU POIDS SPÉCIFIQUE 109
CHAPITRE VII. COMPOSITION CHIMIQUE DES PIERRES 118
Le chalumeau 128
CHAPITRE VIII. — DU GISEMENT DES PIERRES PRÉCIEUSES. . . 130
CHAPITRE IX. — DES DIVERSES TAILLES 134
CHAPITRE X.— DE L'EMPLOI DES GEMMES DANS LES ARTS ET DANS
L'INDUSTRIE '. 151

DEUXIÈME PARTIE — PREMIÈRE SECTION

CHAPITRE PREMIER. — HISTOIRE DE LA NOMENCLATURE DES


PIERRES PRÉCIEUSES .....'.„ 156
CHAPITRE II. — DE DIAMANT. — § 1. — Sa composition. . . 178
— Formes cristallines du diamant 182
§ 2.
§ 3. — Propriétés optiques 183
§ 4. — Phosphorescence; dureté, densité . 186
§ 5. -r-. Gisements 187
Usances du Commerce. Poids du Carat. . 207
§ 6. — .Valeur du.diamant ..
'
208
§ 7. — Histoire de quelques gros diamants 217
Taille du diamant 226
CHAPITRE III. —.CORINDON 243
CHAPITRE IV. — SPINELLE 254
CHAPITPvE V. — CHRYSOBÉRYL DE WERNEE 259
CHAPITRE VI. — ÉMERAIJDÉ ET BÉRYL 263
CHAPITRE •
VII..— PHÉNACITEET EUCLASE. 268
CHAPITRE VIII. — LES GRENATS , 270
Idocrase. .... ............ 277
.CHAPITRE IX. —.SAPHIR D'EAU, .CORDIÉRITE. . 278
CHAPITR.E X. — PIERRE DE LUNE , OBSIDIENNE ; AMAZONITE ; PIERRE
DE SOLEIL; LABRADOR 280
CHAPITRE XL — PÉRIDOT OU OLIVINE, . 284
;CHAPITRE XII— ZIRCON 285
•CHAPITRE XIII. — TOPAZE 988
CHAPITRE XIV. - TOURMALINE. . 294
TABLE DES MATIERES. XI

Pages.
CHAPITRE XV. — QUARTZ; AMÉTHYSTE; AGATES 300
CHAPITRE XVI. — TURQUOISE 312

DEUXIÈME PARTIE. — DEUXIÈME SECTION

Pierres d'un Rang inférieur

CHAPITRE PREMIER. — SILICATES, DIOPSIDE 316


Rhodonite; dioptase 317
Jade et jadéite. . . 318
Serpentine; garniérite ou nouméite . 320
Disthène 321
Andalousite ; épidote 322
Sphène; axLnite 323
Lapis-lazuli. . 324
Pagodites 325
CHAPITRE IL — CARBONATES '. . 326
Malachite 326
Calcaire onyx; marbres; lumachelles 327
CHAPITRE III.— SULFATES. .-.',' 333
Gypse 333
CHAPITRE IV. — FLUORURES 336
Fluorine 336
CHAPITRE V. — SULFURES : pyrite 339
CHAPITPJE VI. — MATIÈRES ORGANIQUES 341
Succin ou ambre > 341
Jais ou Jayet 344
Anthracite 345
Tableaux pour la détermination pratique des pierres taillées 346
Pierres Aiolettes, bleues, vertes, jaunes, de couleur orangée,
d'un rouge orangé, rouges, rouges ou roses, incolores,
irisées, chatoyantes, noires 346 à 363
Tableau général des espèces minérales qui fournissent les
principales pierres précieuses et Observations . . . 364 à 366
CHAPITRE VIL — P.EPRODUCTION ET IMITATION 375
Reproduction 375
Imitation 381
Pierres doublées 385
Autres contrefaçons 385

RTJOUX, JOYAUX ET ORFÈVRERIES

PREMIÈRE SECTION. — ORFÈVRERIE ANCIENNE 389


Temps préhistoriques : Égyptiens, Grecs, Romains,
Gaulois,
Gallo-Romains, Mérovingiens, Moyen âge, Renaissance,
xviie et xvme siècle. 389 à 432
DEUXIÈME SECTION. — ORFÈVRERIE MODERNE 446
Première moitié du xixe siècle 446
XII DIAMANT ET PIERRES PRECIEUSES.

EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878 A PARIS


Pages.
Les produits étrangers et nationaux • . 455 à 467
Considérations générales 500
SOCIÉTÉS ET FONDATIONS, STATISTIQUES 504 à 506

LA PERLE

Histoire naturelle 509


La Pintadine 510
Valeur 511
Variétés de la perle 513
Production des perles 515
Production anormale de perles 522
Contrées qui produisent les perles. Leur pêche 527
Pèches 530
Autres mollusques producteurs des perles 537
Histoire des perles 538
Perles célèbres 542
Fausses perles 543

LE CORAIL

Histoire naturelle du corail 546


Pèche du corail 560
Histoire de l'exploitation du corail 565
INTRODUCTION

Dans les temps les plus reculés dont l'histoire nous

ait conservé le souvenir, les peuples de l'Orient utili-

saient déjà les pierres précieuses dans leurs parures.


Les Chinois les ont recherchées de bonne heure.

Plus de dix siècles avant l'ère chrétienne, leurs géo-

graphes parlaient des tributs en pierres taillées ou

naturelles que les peuples de l'Asie payaient à l'em-

pereur.

Les poètes hindous ont souvent comparé les qual-

Jités des héros qu'ils célèbrent à celles des pierres

nobles. Les Égyptiens ont travaillé avec beaucoup

d'art un assez grand nombre de pierres. La robe du

grand des Israélites était ornée de gemmes aux


prêtre

épaules et sur la poitrine.

Les Phéniciens apportèrent en Europe ces jolies


PIERRES PRECIEUSES.

oeuvres de la nature en même temps que les produits


de l'industrie de l'antique Orient. Les chants d'Ho-

mère célèbrent déjà des pierres brillantes comme le

soleil.

Quelles doivent être les qualités d'une pierre pré-

cieuse? A la transparence du verre, qu'on nomme

une belle eau, elle doit réunir un éclat particulier, ce

que les anciens appelaient une splendeur quelquefois

semblable à celle de la flamme, et que nous désignons

par le mot feu; elle doit, en outre, posséder une dureté

qui conserve à ses faces leur poli naturel ou acquis par

les procédés de la taille; si elle est colorée, elle doit

offrir des couleurs franches et vives.

Etudier ces propriétés en elles-mêmes, leurs causes.

leurs connexions, leur utilité pour la connaissance et

la détermination des pierres précieuses, leur usage el

leur valeur commerciale, tel est le but des deux pre-


mières parties de cet ouvrage.
FORMES CRISTALLINES

PROPRIÉTÉS PHYSIQUES ET CHIMIQUES

CHAPITRE PREMIER

DES FORMES CRISTALLINES

§ 1. —
Cristallographie théorique

Nous décrirons théoriquement les formes cristallines


dans ce paragraphe. Dans le suivant, nous expliquerons
les moyens pratiques de les distinguer les unes des autres.
Les pierres employées en joaillerie sont, en général,
cristallisées. On ne connaît le diamant, le rubis, le saphir,
l'émeraude,les grenats et la topaze qu'à l'état de cristaux;
et cet état est celui sous lequel les corps réunissent le

mieux les propriétés de transparence et d'éclat qui les

distinguent. C'est celui vers lequel tendent toutes les ma-

tières qui ne doivent pas concourir à la constitution des

organes des êtres vivants, lorsque rien ne les gêne pen-


dant leur formation.

On appelle souvent cristaux des morceaux de verre tail-


6 DES FORMES CRISTALLINES.

à mais le verre ainsi travaillé n'est qu'une


lés facettes;
il n'offre avec eux au-
imitation des cristaux naturels;
la de sa forme exté-
cune autre analogie que régularité
n'est lui est
rieure; cette régularité, qui que superficielle,
au de elle n'a aucune re-
imposée; elle varie gré l'artiste;

avec la matière du verre ne change pas, tandis


lation qui

dans les cristaux d'eux-mêmes une forme


que qui prennent
forme avec leur et
régulière, cette change composition,

se trouve en avec une disposition relative


toujours rapport

de toutes les parties dont le cristal est composé ; en sorte

non seulement un cristal est revêtu extérieurement


que
forme mais même lorsqu'il a
d'une régulière, présente,
ses facettes extérieures par accident, une structure
perdu
interne comme nous le verrons
parfaitement régulière,
en étudiant les propriétés physiques des minéraux.

On s'en rend bien en faisant cristalliser un


compte
Pour qu'une substance cristallise, il faut qu'elle
corps.
soit divisée en d'une extrême ténuité. Le sel
parcelles
et les substances solubles clans l'eau cristallisent
gemme
facilement, se divisent à l'infini en se dis-
parce qu'elles
solvant, et qu'au moment où l'eau s'évapore, leurs parti-

cules, grâce à la mobilité due à leur état liquide, glissent


facilement les unes sur les autres; aussi, lorsqu'elles s'a-

grègent les unes aux autres pour constituer un ensemble

solide, elles prennent des orientations relatives particu-

lières, qui caractérisent l'état cristallin, qui déterminent

ce qu'on nomme la structure cristalline. Le sel gemme se

dépose en cubes dans les mines, et, lorsqu'on divise ces

cubes en fragments plus petits, au moyen du marteau, on

voit que tous les fragments sont aussi des parallélipipèdes


terminés par des faces rectangulaires entre elles.

Les faces, il est vrai, ne sont pas toujours d'égale éten-


CRISTALLOGRAPHIE THEORIQUE. 7

due; on en conçoit facilement la raison. Les éléments


dont se composent ces masses cristallines sont bien des

petits cubes; mais le morceau, se cassant là où on le

frappe, ne présente pas des faces égales. Deux faces adja-


centes n'en restent pas moins perpendiculaires l'une sur
l'autre.

Une substance peut acquérir aussi par voie de fusion


cette mobilité qui permet à ses plus petites particules de

prendre les positions nécessaires à la cristallisation. Il se

produit quelquefois dans les scories des hauts fourneaux


un silicate de fer de même composition et de même forme

que la fa3ralite naturelle des roches volcaniques de l'île

Payai, une des Açores.

Enfin, la volatilisation d'une substance qui vient se

condenser dans un espace froid la fait encore passer à

l'état cristallin. C'est ainsi que le chlorhydrate d'ammo-

niaque s'est déposé sur les parois des cratères de l'Etna,


du Vésuve, de Stromboli, etc.

Lorsqu'on observe les roches au microscope, on voit

que leurs éléments ont le plus souvent, avec des contours

réguliers, toutes les propriétés qui caractérisent les ma-


tières cristallisées. Certaines, cependant, sont composées
de particules orientées irrégulièrement et indistinctes les

unes des autres; elles ressemblent au verre.

En résumé, le verre ne peut offrir par lui-même des

contours réguliers ; les cristaux ont, au contraire, une

structure intérieurement régulière, et cette structure

interne se manifeste au dehors par des formes polyédri-

ques.
Les cristaux sont des polyèdres/c'est-à-dire des corps
terminés par des plans; on a remarqué de bonne heure

la disposition symétrique de ces plans. Raiiy a découvert


S DES FORMES CRISTALLINES.

les relations harmoniques des différentes formes qui en

résultent dans une même substance; il a montré que le

nombre et les inclinaisons de leurs faces planes obéissent


à des règles appelées lois de symétrie.

DÉFINITIONS

Avant de les exposer, pour en faciliter l'intelligence,


nous rappellerons d'abord la définition de quelques termes
de géométrie utiles à connaître. Les faces des polyèdres-
sont des polygones ayant pour côtés des lignes droites.

Lorsque deux droites ne sont pas paral-


lèles, elle se rencontrent en formant un

angle; leur intersection est appelée som-


met de l'angle (fig. 5). Supposons deux
droites AD, AC, couchées l'une sur l'au-
tre (fig. 6); la droite AD tournant autour
du point A, dans le sens CDB, s'écarte peu à peu de AC,
et se rapproche de AB. L'écart DAC est appelé dislance an-

gulaire de DA et de AC ; l'écart DAB r


distance angulaire de DA et de AB.
Pour une certaine position de
DA; par exemple pour la position
AD', les deux écarts ou distances

angulaires CAD', BAD', sont égaux,


et la ligne AD' ne penche pas plus-
à droite qu'à gauche sur la BC. On dit les
ligne que deux
droites AD', BC, sont l'une sur
perpendiculaires l'autre,
ou rectangulaires entre elles. Les angles D'AC, D'AB, sont
alors appelés angles droits. Dans toute autre position DA
CRISTALLOGRAPHIE THÉORIQUE.

(fig. 7), l'un des angles DAC est plus petit, l'autre DAB

plus grand que l'angle droit. Le premier est appelé aigu,


le second obtus. Il y a donc des angles droits, aigus, obtus.

11 faut apprécier un angle aigu ou obtus moins grossiè-


rement. Pour cela, on mène parle sommet A une circon-

férence d'un rayon quelconque (fig. 8). On divise la circon-

férence en 360 parties égales, qu'on appelle degrés. Si l'on

mène du point A à ces divisions des lignes droites, on

partage tout l'espace qui entoure le point A en autant d'an-

gles qu'il y a de degrés. On démontre en géométrie que les

arcs De, ef, fg... étant égaux, les angles DAe, ekf, fkg, le

sont aussi. Et par conséquent, autant de fois l'arc DC

compris entre les côtés de l'angle DAC, contiendra l'arc

de 1°, autant de fois l'angle DAC contiendra l'angle DAe,

qui correspond à l'arc de 1°, et qu'on peut prendre pour


unité d'angle. On divise l'arc de 1° en 60 parties, qu'on

appelle minutes, et chacune des minutes, en 60 parties,

appelées secondes. A chaque minute correspondrait un

angle égal au gT0- de l'angle DAe, à chaque seconde, un

angle égal au^du précédent. L'angle droit D'AC, égal


au quart de la circonférence, vaut 90°; cela veut dire que
D'AC comprend 90 angles, tous égaux à l'angle DAe,
l'angle

correspond à l'arc de 1°, pris comme unité.


lequel
10 DES FORMES CRISTALLINES.

Et de même un angle de 32° contient 32 angles égaux

à celui qui correspond à l'arc de 1°.

Formes des Faces. —Les faces être des trian-


peuvent

gles et avoir leurs trois côtés égaux (triangles équiangles,


soient (trian-
fig. 9) ; ou deux côtés seulement qui égaux

gles isocèles, fig. 10); ou leurs trois côtés différents (trian-

scalènes, Les peuvent avoir deux côtés


gles fig. 11). triangles

perpendiculaires l'un à l'autre (triangles rectangles, fig. 12j,


ou leurs trois côtés obliques (fig. 11).

Lorsque les faces ont quatre côtés {faces quadrilatères,

fig. 13), ces côtés peuvent devenir parallèles, ou égaux,


deux à deux, l'une de ces conditions entraînant l'autre

{parallélogrammes, fig. li). Ou bien, les quatre côtés sont

parallèles deux à deux, et tous égaux entre eux {rhombes


ou losanges, fig. 15). Dans ce cas, les diagonales AD et BC
CRISTALLOGRAPHIE THÉORIQUE. 11

sont rectangulaires entre elles, et partagent chacune le

rhombe en deux moitiés égales, et symétriquement placées


à droite et à gauche de la diagonale considérée. Si les

côtés du quadrilatère sont simplement égaux deux à

deux, mais perpendiculaires l'un sur l'autre, la figure est

un rectangle (fig. 16). Si les côtés sont à la fois égaux et

Figure 10. Figure 17. Figure 18.

entre eux, le quadrilatère est appelé carré


rectangulaires
Deux côtés seulement peuvent être parallèles,
(fig. 17).
les deux autres restant obliques l'un sur l'autre [trapèze,

Dans le cas où les deux côtés obliques du trapèze


fig. 18).
sont une qui joint les milieux des deux côtés
égaux, ligne

Figure 19. Figure 20.

divise la figure en deux moitiés symétriques


parallèles

(fig. 19).
Dans certains on voit que, si l'on mène
quadrilatères
une des le divisent en deux triangles, un
diagonales, qui
de ces est isocèle. On appelle ce quadrilatère un
triangles

trapézoïde (fig. 20).


les deux triangles sont isocèles chacun de leur
Lorsque
12 D ES F 0 R M ES CRIS T A L LINES.

sans être nécessairement le trapézo/de est


côté, égaux,
dit et se divise en deux moitiés égales sembla-
symétrique,
blement placées par à la bissectrice des angles
rapport
aux sommets des triangles isocèles (fig. 21).

Les faces des cristaux avoir cinq côtés; on les


peuvent
nomme Souvent le pentagone peut être
pentagones (fig. 22).

décomposé en deux moitiés symétriques par une per-

pendiculaire, menée d'un sommet au milieu du côté

opposé (fig. 23).


On appelle hexagones, les faces qui ont six côtés; hexa-

Figure 21. Figure 22. Figure 23.

gones réguliers, celles dont les côtés sont égaux, et font

entre eux des angles de 120°.

Les octogones sont des faces à huit côtés ; les décagones:


en ont dix; les dodécagones, douze, etc.

dièdres. — Deux faces se rencontrent for-


Angles qui
ment les angles saillants ou angles dièdres des cristaux;
les lignes suivant lesquelles se coupent les deux faces

sont appelées arêtes. En cristallographie, le mot arête est


souvent accompagné d'un adjectif, qui détermine le genre
de dièdre auquel elle correspond. Ainsi, Ton dit d'une
arête qu'elle est aiguë ou obtuse, suivant qu'elle appar-
tient à un angle dièdre de même genre.

L'angle dièdre est donc l'espace compris entre deux

plans qui se coupent. Mesurer un angle dièdre, c'est cher-


cher l'écart des deux plans qui le renferment entre eux.
CRISTALLOGRAPHIE THÉORIQUE. 13

Mesurons le dièdre formé par les deux plans «NP, RAP;


pour cela, par un point A de l'arête, menons-lui deux

perpendiculaires, l'une AM, dans le plan «NP, l'autre AM',


dans le plan RAP (fig. 24). L'angle MAM' est le plus petit
des angles que forment deux droites me-
nées par un même point de l'arête, l'une
dans le plan oNP, l'autre dans le plan RAP,
mais inclinées d'une manière quelconque
sur l'arête.

Mesure des Angles dièdres. — Le

moyen le plus simple consiste à appliquer


en un point quelconque de l'arête, sur les
deux faces du deux Figure 21.
cristal, règles d'acier,
mobiles autour d'un axe perpendiculaire à leur Il
plan.
faut maintenir les deux règles, appelées alidades, bien

perpendiculaires à l'arête. L'axe de rotation autour duquel


tournent les alidades est un bouton saillant (fig. 25).

Figure 25. Figure 26.

Le bouton se place dans un trou percé au centre d'un

cercle divisé, sur lequel on lit l'angle formé par les deux

alidades, l'une d'elles passant par le zéro (fig. 26).

L'angle dièdre formé par deux faces qui occupent la

même position dans des cristaux de même forme, est tou-

jours le même, lorsque ces cristaux appartiennent à la

même espèce, quelle que soit leur provenance.


14 DES FORMES CRISTALLINES.

le cristal de roche. Il a la forme


Prenons, par exemple,
de à six terminés des pyramides à six
prismes pans, par
faces. d'une face de avec la face
L'angle pyramide
située an-dessous dans le prisme est toujours de 111° 47',

le mesure dans les variétés incolores, dans les vio-


qu'on
lettes (améthyste), ou dans les brunes (quartz enfumé),

La mesure de ces angles est souvent utile dans la pra-

lorsqu'on veut déterminer une substance cristal-


tique,
lisée.

L'instrument que nous venons de décrire est appelé

goniomètre d'application. C'est le plus simple des gonio-

mètres, appareils destinés à la mesure des angles.


On a souvent besoin d'une plus grande précision. Dans

ce cas on a recours à des instruments fondés sur la ré-

flexion de la lumière. On reçoit sur une face du cristal

l'image d'une mire éloignée, celle de l'arête d'an toit par-

exemple, qui se détache nettement sur le ciel, ou celle

d'une flamme, quand on opère dans un lieu peu éclairé.

On fait coïncider l'image de la mire avec une seconde

mire parallèle à la première. On fait tourner le cristal au-

tour de son arête, jusqu'à ce que la seconde face de l'angle


dièdre prenne exactement la position de la face précé-
dente; on voit à quelles divisions du cercle correspond un

point de repère fixe pour les deux positions du cristal.

Un système de petites pièces articulées permet de placer


l'arête du cristal bien perpendiculaire au cercle divisé. Le

point de repère, c'est le zéro d'un vernier au trentième,


et comme le cercle est divisé en demi-degrés, le vernier

permet d'apprécier des trentièmes de demi-degré, c'est-à-


dire des minutes.

Le goniomètre à réflexion le plus usité en minéralogie


est celui de Wollaston.
CRISTALLOGRAPHIE THÉORIQUE. 15

Coins ou solides. -- Ils être formés


Angles peuvent
de trois faces.

Angles trièdres. L'angle triôdre ABCD est la portion de

l'espace comprise entre les faces ABD, ABC, ACD (fig. 27).
Si les trois angles BAD, CAD, BAC, sont égaux, on peut
mener par les trois arêtes BA, AC, AD, des plans de sy-

métrie, et les trois plans se coupent suivant une droite par

rapport à laquelle les faces du cristal et ses angles dièdres

sont disposés symétriquement. La ligne d'intersection est

appelée axe de symétrie AO (fig. 28).

Figure 27. Figure 28.

Un solide du concours de 4, de 6,.


angle peut provenir
de de ou même d'un grand nombre de faces en
8, 12, plus

cristallographie.
cristallins. — Les formes des cristaux peu-
Types
vent être toutes à six différents, au moyen
rapportées types

des lois de symétrie.

d'un et les formes qu'on peut en dé-


L'ensemble type

duire constitue un système cristallin.

des formes des différents systèmes, on


Comme types
des solides composés de
adopte en France parallélipipèdes,
de parallèles deux
quatre faces à forme parallélogrammes,
entre deux autres faces qui sont aussi
à deux, et comprises
des Les quatre premières, appelées
parallélogrammes.
se coupent suivant des lignes paral-
pans, ou faces latérales,
deux autres faces sont des bases.
lèles ; les
DES FORMES CRISTALLINES.

Etant donne un on mener trois droi-


prisme (fig.27), peut
tes allant chacune du milieu d'une face du prisme au milieu

de la face Ces trois droites sont appelées des axes,


opposée.
elles le centre m du cris-
passent par
tal. Leurs longueurs et leurs incli-

liaisons relatives restent les mêmes

dans la même espèce cristalline,

tout en variant d'une espèce à l'au-

tre ; elles peuvent donc être utilisées

comme caractéristiques des espèces.


De plus, comme les arêtes sont égales
Figure 29.
aux axes en longueurs, et comme

elles font entre elles des angles qui sont aussi égaux à

ceux des on au lieu des axes, considérer les


axes, peut,

arêtes, ce qui est souvent commode (fig. 29).

1er Système : CUBIQUE. — —Le cube, parallélipipède,


Type.
dont les faces sont toutes égales, et perpendiculaires l'une

sur l'autre.

Axes. — Trois axes et égaux.


rectangulaires
2mc — Le droit ù
système: QUADRATIQUE. Type. prisme
base carrée; quatre faces latérales, qui sont des rectangles ;

les deux bases sur les pans sont des


perpendiculaires
carrés.

Axes. — Trois axes dont deux, parallèles


rectangulaires,
aux côtés de la base, sont égaux, et dont le troisième, pa-
rallèle aux pans, est différent des deux autres.

3rae système: ORTHORUOMBIQUE. — Le droit <)


Type. prisme
base rhombe. Quatre faces latérales, qui sont des rectan-

gles; les deux bases perpendiculaires sur les pans sont des

rhombes ou losanges.
Axes. — Trois axes l'un des
rectangulaires, inégaux;
axes est parallèle aux pans; les deux autres axes sont pa-
CRISTALLOGRAPHIE THÉORIQUE. 17

rallèles, l'un à la petite, l'autre à la grande du


diagonale
rhombe.

4me : RHOMBOÉDRIQUE. — Le
système Type. rhomboèdre,
parallélipipède, dont les faces, toutes égales, et obliques
entre elles, ont toutes la forme de rhombes.
Axes. — Trois axes aux trois direc-
égaux, parallèles
tions des arêtes, et obliques entre eux.
5me : KLINORHOMBIQUE. — Quatre faces latérales
système

qui sont des parallélogrammes; les deux bases ontla forme


de rhombes.

Axes. — Trois axes dont deux sont


inégaux, obliques
entre eux, et le troisième perpendiculaire au plan des deux
autres. Nous verrons que la base est aussi perpendiculaire
au plan de ces deux derniers axes.

6me système : Type. Le prisme bioblique. Quatre faces

latérales, en forme de parallélogrammes ; deux bases.


Axes. — Trois axes inclinés l'un
inégaux, inégalement
sur l'autre; deux axes peuvent être rectangulaires entre

eux; mais aucun ne l'est au plan des deux autres, c'est-à-

dire aux deux autres axes à la fois.

Il n'y a plus de plan perpendiculaire au plan de ces

deux axes.

Lois de — Pour d'une forme


Symétrie. passer typique
à toutes celles du même système, il suffit de remplacer les

éléments d'une forme, faces, angles solides, ou arêtes,

par d'autres éléments de nature analogue ou différente,


en se conformant aux lois suivantes appelées lois de sy-

métrie :

1° Tous les éléments identiques doivent être remplacés à la

fois.
2° Un élément, qui en remplace un autre, doit reproduire la

symétrie de celui qu'il remplace.


18 DES FORMES CRISTALLINES.

Faces — Elles doivent avoir la même forme


identiques.
et la même étendue.

Arêtes identiques. —Elles doivent avoir la même lon-

gueur; elles doivent être les intersections d'angles dièdres

égaux.
solides — Ils doivent être du
Angles identiques. composés
même nombre d'angles dièdres égaux et seinblablement

disposés.
Telle a été longtemps la définition de l'identité cristal-

lographique. Elle était, comme on le voit, purement géo-

métrique.

Exemple d'une application de ces lois. Dans un cube les

éléments de même nature sont tous identiques ; les angles


solides ou coins de ce cube ne diffèrent en rien les uns des

autres.

On ne peut donc pas s'étonner de voir dans la même


substance minérale, dans la fluorine ou fluorure de cal-

cium (fig. 26), des cristaux qui ont

la forme de cubes, d'autres qui sont


évidemment des cubes, dont tous
les coins sont remplacés par des
faces (fig. 26) ; d'autres enfin, où ces

faces, substituées aux coins se sont


Figure 30.
assez développées pour faire dispa-
raître celles du cube. Cette substance se prête merveilleu-
sement à la reproduction artificielle de ces modifications.
Car il suffit de donner un léger coup de marteau sur
un angle d'un de ses cubes, pour y faire apparaître une

petite facette également inclinée sur les trois faces du


cube. Jamais, dans la nature, un des angles solides d'un
cube n'est ainsi remplacé par un plan, sans les
que
sept autres le soient. Quand on fait sauter les uns après
CRISTALLOGRAPHIE THÉORIQUE. 19

les autres les huit angles, et qu'on frappe peu à peu,

jusqu'à ce que les huit plans substitués aux angles, se

rencontrent, on obtient l'octaèdre régulier, une seconde

forme du système cubique (voy. p. 22, fig. 33).


De l'Hémiédrie. — Dans certaines dans
substances,
la boracite, borate de magnésie naturel, par exemple,
on voit quelquefois des cubes dont les angles ne sont

remplacés par des facettes planes, que de deux en deux, en

sorte que, sur les huit, il y en a quatre qui ne sont pas mo-

difiés, ceux qui sont modifiés alternant avec ceux qui ne le

sont pas. Les quatre plans substitués aux angles, étantpro-

longés jusqu'à ce qu'ils se rencontrent, donnent lieu par


leur ensemble à un polyèdre à quatre faces, à une pyra-
mide triangulaire, dont les trois faces et la base sont tou-

tes des triangles équilatéraux de même forme et de même

étendue. Cette forme est le trétraèdre régulier. Elle n'a

que la moitié des faces qu'elle aurait, si tous les angles


avaient été remplacés. On l'appelle forme hémiédrique.

Quoique étant une forme hémiédrique, le tétraèdre

n'en est moins une des formes du système cubique ;


pas
car en joignant deux à deux les milieux de ses six arêtes,

se dirigent perpendiculairement l'une à l'autre dans


qui
des plans différents, on retrouve les trois axes égaux et

rectangulaires du cube. Et de plus, en remplaçant les six

arêtes des plans également inclinés sur les faces du


par
tétraèdre, on revient au cube.

Le nom d'hémiédriques distingue les formes qui le por-

tent de celles qui, ayant leurs faces au complet, sont dites

et auxquelles les lois de symétrie convien-


holoêdriques,
nent dans toute leur extension géométrique. On peut, en

ces lois, passer du cube à l'octaèdre, en tron-


appliquant
les c'est-à-dire en remplaçant les angles
quant angles,
20 DES FORMES CRISTALLINES.

du cube par des plans, et de l'octaèdre régulier au cube,

en tronquant aussi les angles de l'octaèdre. On peut pas-


ser du tétraèdre régulier au cube en remplaçant par des

faces les arêtes du tétraèdre; mais on ne peut passer du

cube au tétraèdre, qu'en laissant intacts la moitié des

angles de ce cube, et en tronquant seulement l'autre

moitié.

Appliquons maintenant les lois de symétrie à l'étude

des formes principales des différents systèmes.

1er SYSTÈME. — SYSTÈME CUBIQUE

Nous avons déjà défini le cube. C'est un parallélipi-

pède, dont les six faces sont toutes égales, et font deux à

deux des angles dièdres de 90°. Si, après avoir posé un


cube sur une de ses faces prise pour base, on le retourne,
et qu'on prenne pour,base inférieure une quelconque des

cinq autres faces, on n'observe aucune différence. On ne

pourrait distinguer les unes des


autres les faces d'un dé à jouer, si
elles ne portaient pas des inscrip-
tions différentes.

Cube. — Soit un cube (fig. 31).


Prenons pour hase : ABCD face

supérieure, EFHI face inférieure.


Figure 31. Nous aurons pour faces latérales :
CDHI face antérieure, ABEF face postérieure, BDFH face
latérale de gauche, ACEI face latérale de droite. AB, CD,
EF, HI arêtes horizontales allant de droite à gauche; AC,
BD,FH, El, arêtes horizontales allant d'avant en arrière;
AE, BF, DH, CI, arêtes verticales.
CRISTALLOGRAPHIE THÉORIQUE. 21

Par les milieux 0, P, Q, R, des arêtes AB, CD, EF, HI,

je mène un plan OPQR; ce plan divise le cube en deux


moitiés égales, symétriquement disposées à droite et à

gauche ; c'est un plan de symétrie. Le second plan vertical

afgb, mené par les milieux des arêtes antéro-postérieu-


res, est aussi un plan de symétrie, qui divise le cube en
deux moitiés égales, semblablement placées, l'une en

avant, l'autre en arrière. Enfin, le plan horizontal mené

par les milieux S, T, U, Y, des arêtes verticales, divise


encore le cube en deux moitiés égales, symétriques, l'une

au-dessus, l'autre au-dessous de ce plan.


Il y a donc dans le cube trois plans de symétrie perpen-
diculaire, entre eux, et de même symétrie; car rien ne

distingue les uns des autres les demi-cubes qu'ils décou-

pent dans le solide primitif. Ces trois plans se coupent


suivant trois droites ag, bf, ed, qui se rencontrent au cen-

tre m, et qui sont parallèles aux arêtes du cristal. On

appelle axes, ces trois droites. Si l'on se place dans la di-

rection d'une de ces droites, de arn, par exemple, on ob-

serve autour de soi quatre arêtes horizontales supérieures,


et quatre arêtes horizontales inférieures, identiques entre

elles; huit angles solides A, B, C, D, E, F, H, I, également

identiques entre eux; enfin quatre arêtes verticales, pla-


cées symétriquement, ayant la même longueur que les

arêtes horizontales, et formées comme elles par des plans

qui se coupent à angle droit. Ici, comme on voit, les trois

axes sont égaux et rectangulaires entre eux. Les faces sont

identiques entre elles; il en est de même des arêtes et des an-

gles.
Les angles dièdres sont tous égaux à 90°.

Exemple de cristaux qui présentent la forme de cubes.

Diamant.
22 DES FORMES CRISTALLINES.

Octaèdre. — Soient trois axes ed, et rec-


ag, bf, égaux
entre eux, se en m (fig. 32); menons
tangulaires coupant
des par leurs extrémités, prises trois à trois; et, par
plans

exemple : par les points a, f, d, faisons passer un plan ;

menons un second plan par les points opposés g, b, e;

un troisième par a, b, d, etc.; la figure montre qu'on peut


avoir huit de ces plans; ces huit plans forment en se cou-

pant un solide à huit faces triangulaires, appelé octaèdre.

L'octaèdre ci-dessus inscrit dans le cube est appelé octaè-

dre régulier. Les trois plans de symétrie du cube se retrou-

Figure 32. Figure 33. Figure 3-1.

vent dans l'octaèdre (plan fabg , des fig. 31 et 33 ; plan adge

(fig. 33) ou OPQR, (fig. 31) ; plan febd ou STUY). Ces trois

plans divisent l'octaèdre en huit pyramides triangulaires :

amfd; mgfd; mgbd; mald, et en arrière leurs opposées. Ce


sont ces huit pyramides qui remplacent les huit régions
cubiques AOT edS ; Ted SIR; OBUedV ; Ved YHR, etc. A

chaque angle solide du cube se trouve donc ainsi substi-


tuée une face qui est cristallographiquement équivalente.
Hexoctaèdre. — Formes à quarante-huit, C'est un
faces.
exemple du cas le plus général de remplacement.
Soit AA', AA", AA'" trois arêtes du cube concourant au
sommet de l'angle A (fig. 31).
Une facette A"QR, du système qui remplacera l'angle A,
enlève, sur une arête AA", une à cette arête
longueur égale
CRISTALLOGRAPHIE THÉORIQUE 23

entière; sur l'arête AA', une longueur AM égale à la moitié


de AA' ; sur l'arête AA'", une longueur AN égale au quart
de AA'". Comme l'arête AA' ne
diffère pas de l'arête AA" il faut à

gauche de AA" une facette A"QR

qui coupe l'arête AA' au quart et


l'arête AA'" à la moitié de leur lon-

gueur; la symétrie est ainsi réta-


blie pour l'arête AxA";il y a sur
Figure 35.
cette arête une paire de faces.
Mais les trois arêtes AA', AA'", étant identiques à l'arête

AA", réclament chacune de leur côté une paire de faces

analogues à A"MN, A"QR. Il y aura donc, sur l'angle A,

Figure 36. Figure 37.

six facettes (fig. 36), et sur les huit angles quarante-huit


facettes, qui pourront se développer de plus en plus dans

certains cristaux, y faire disparaître le cube, et donner

une forme à quarante-huit faces appelée hexakisoctaèdre

(fig. 33). On voit comment les angles solides à huit faces

remplacent les angles solides à trois faces, sans que la

symétrie de ce coin du cube primitif en soit le moins du

monde altérée. Et il en sera de même pour les huit coins

ou angles solides du cube qui sont identiques.


On comprend maintenant que chaque angle solide du

cube ne soit remplacé que par trois facettes. Les solides


24 DES FORMES CRISTALLINES.

formés ces trois facettes substituées à chacun des an-


par
se ainsi de vingt-quatre faces.
gles composeront
Formes à vingt-quatre Faces. — Les huit cubes élé-

mentaires OBPDc/eYU, OPCAeTSeZ, etc., qui composent

Figure 38. Figure 39

le cube total sont remplacés chacun par un des


(fig. 31),
solides de la figure 38.

Ces quatre solides et leurs opposés composent ensem-

ble l'icositétraèdre ou trapézoèdre (fig. 35). Dans un autre

Figure 40. Figure 41.

genre de formes (fig. 36), les huit régions sont remplacées

par des pyramides trièdres (fig. 37).


On conçoit que chaque face du cube puisse être sur-

montée d'une pyramide à quatre faces; ce cube est dit

alors pyramide (fig. 42).


CRISTALLOGRAPHIE THÉORIQUE. 25

Les-six pyramides ont chacune pour base une face du


cube et leurs faces sont des triangles isocèles.

Figure 42. Figure 43.

Forme à douze Faces. — Soit côtés d'une


PM, PN,
face, égaux entre eux et aux côtés MP', NP' de la face ad-

jacente, à cause de la symétrie de ces faces par rapport à


l'axe PP; supposons que les deux triangles PMN, P'MN,
tournent autour de MN comme charnière, de façon à ne

plus former qu'un plan, les côtés MP, NP, MP', NP' res-

tent égaux et deviennent ceux d'un rhombe. Les vingt-

quatre triangles se réduisent donc à douze faces qui sont

toutes des rhombes ou losanges, et le solide est appelé


dodécaèdre rhomboidal (fig. 43).

2e SYSTÈME. — PRISME DROIT A BASE CARRÉE

C'est un cube, ou allongé, ou aplati, mais dont l'arête

verticale, dans le cas de l'allongement, comme dans celui

de l'aplatissement, n'a plus la même longueur que les

arêtes des bases (fig. 44).


Ici nous retrouvons encore nos trois plans de symétrie.
Deux sont verticaux : OPQR donne deux moitiés égales,
l'une à droite, l'autre à gauche; KLMN, deux moitiés

identiques entre elles et aux deux précédentes, l'une en


26 DES FORMES CRISTALLINES.

l'autre en STUY donne aussi deux demi-


avant, arrière;
l'un en l'autre en dessous; ceux-ci sont
prismes, dessus,
entre mais ils diffèrent de ceux qui donnent
égaux eux,
les deux autres plans de symétrie.

Les trois plans OPQR, KLMN, STVU,

se coupent suivant trois axes amgy

fmb, drue, et ceux-ci se rencontrent

au en m. les trois axes sont


centre,
aux arêtes du prisme, et
parallèles
l'un sur l'autre. Deux
perpendiculaires
sont ; de = Le troisième ag,
égaux fb.
Figure 44.
celui de la hauteur, diffère des deux

autres. Les faces latérales sont égales ; il en est de même

des arêtes verticales; les arêtes des bases sont identiques


entre elles, mais différentes des verticales. Les angles
solides sont identiques. Les dièdres sont tous égaux à 90°.

Octaèdre. — Chacun des huit dans on


prismes lesquels

a.décomposé le prisme total peut être remplacé par une

pyramide triangulaire. Par exemple, le

prisme aPDBUYrfé' est remplacé par la

pyramide amdb, dont la face adb peut


être prise comme base, et dont les trois

faces sont amd, amb, dmb, rectangulaires


entre elles, ainsi que leurs arêtes d'inter-

section ani, md, mb. Autour de l'axe ver-

tical og, il y a la même symétrie qu'au-


Figure 45. tour d'un des trois axes du
rectangulaires
cube; mais, tandis cpie dans le cube cette symétrie se

répète pour les trois axes, elle n'existe ici que pour l'axe

og (fig. 45). Cet octaèdre est placé dans le prisme primi-


tif, comme l'octaèdre régulier dans le cube (voy. fig. 33).
Dioctaèdre. — Au lieu d'une seule face il v
adb, peut
CRISTALLOGRAPHIE THÉORIQUE.

en avoir deux dans chaque région (fig. 46), et la forme de

vient une double pyramide à huit faces (dioctaèdre) (fig. 47).


PRISMES DÉRIVÉS. — Puisque dans ce système les arêtes

verticales n'ont pas la même longueur que celles des

bases, les unes peuvent être remplacées par des faces,


sans que les autres le soient. Les arêtes verticales étant

modifiées par des plans, ces plans devront être également,


inclinés sur les faces adjacentes m du prisme (on les ap-

Figure 46. Figure 47. Figure 48.

pelle h', parce qu'elles rencontrent les deux arêtes de la

base à la même distance du sommet de l'angle (fig. 46). Si le

plan penche plus à droite qu'à gauche de l'arête qu'il rem-

place, la symétrie propre à cette arête n'est rétablie que

par un second plan incliné à droite, comme le premier l'est

à gauche, et réciproquement, c'est-à-dire par un ensemble

de deux plans symétriquement placés par rapport à l'a-

rête, dont les deux côtés, le droit et le gauche, sont et

doivent rester identiques. De là résulte un prisme à huit

faces, ou octogonal. Il diffère du précédent en ce que les

dièdres verticaux ne sont plus égaux que deux à deux.

Arêtes — Les arêtes des bases être


basiques. peuvent

remplacées, au contraire, par un seul plan, quelles que


soient ses inclinaisons sur la base et sur les pans du
28 DES FORMES CRISTALLINES.

la base et les n'ont ni la même


prisme, parce que pans
ni la même étendue Comme il y a huit
forme, (fig. 49).
la forme mène à un octaèdre à
arêtes basiques identiques,

Figure -19. Figure 50.

hase carrée, ensemble de deux pyramides quadrangulaires,


hase commune un carré mené par le centre
ayant pour
du prisme parallèlement à ses deux hases (fig. 50).

3e SYSTÈME. PRISME DROIT A BASE RECTANGLE

OU RHOMBIQUE

1° La base ou section droite est un rectangle; les trois

faces qui concourent vers un même angle solide ont des

dimensions différentes. On en prend deux quelconques

pour bases; des quatre qui restent, on place les deux

plus étendues, l'une en avant, l'autre en arrière; les deux


autres se placent l'une à droite, l'autre à gauche. (Il n'est

pas nécessaire de rappeler que les six faces sont égales


deux à deux.)

Si nous considérons les cristaux du sulfate de baryte


[spath pesant des minéralogistes), nous en verrons dont
la forme est un prisme droit à base rectangle (fig. 51).
D'autres se présentent en prismes droits à base rhombe
CRISTALLOGRAPHIE THÉORIQUE. 29

(fig. 52); d'autres enfin ont huit faces latérales (fig. 53).
En mesurant les huit angles dièdres de ces dernières, on

voit que les faces g1 et A1 font entre elles des angles droits

et forment ensemble un prisme à section droite rectan-

gulaire ; les quatre autres forment aussi un prisme, mais

Figure ;il. Figure 52. Figure 53.

la section droite de ce prisme est un rhombe, dont les

diagonales perpendiculaires entre elles sont parallèles


aux faces du prisme à section de rectangle.
La figure 54 représente le prisme droit à base rhombe

ou orthorhombique inscrit clans le prisme droit à base rec-

tangle.
Le plan de symétrie KLMN, parallèle à la grande diago-
nale de la base rhombe, laisse en

avant le demi-prisme rectangle

KLCDIHMN, ou le demi-prisme

rhomhique KPLNRM, en arrière le

demi-prisme rectangle ABKLNMEF,

et le demi-prisme rhomhique K0-

LMNQ. A droite du plan de symé-


Figure 54.
trie OPQR, parallèle à la petite

diagonale, se trouve le demi-prisme rhombique OLPRMQ ;

à sa le demi-prisme rhombique OPKNR.Q. De


gauche,
même le plan STUY, parallèle aux deux bases, divise le

rhombique, aussi bien que le prisme rectangulaire,


prisme
en deux moitiés symétriques. Ainsi, trois plans perpendi-
30 DES FORMES CRISTALLINES.

eux chacun le prisme orthorhom-


culaires entre partagent
en deux moitiés égales. Les intersections ag, de, fb,
bique
le centre, et forment les
de ces trois plans passent par

trois axes rectangulaires et inégaux.


a donc soit un droit à
Ce système pour type, prisme

soit un droit à base rhombe; on


base rectangle, prisme

le reconnaît aux caractères suivants :

1° Trois plans de symétrie différente, rectangulaires;

axes et aussi l'un sur


2° trois inégaux, perpendiculaires

l'autre.

droit à base rhombe.—Soit un prisme droit


Octaèdre

à base mener les trois plans de symétrie


rhombe; je puis
Ces trois se coupent deux à deux sui-
rectangulaires. plans
vant les trois axes du prisme [ag, bf,

de), et au centre m (fig. 54). Joignons

deux à deux les extrémités des axes,

nous aurons deux pyramides à quatre

faces, ayant pour base commune la

section droite menée par le centre.

Les huit régions dans lesquelles se

décompose le prisme primitif sont

occupées chacune par une pyramide


Figure 55.
ayant pour hase la face de l'octaèdre,

et faces les trois plans rectangulaires entre eux


pour

(fig. 51). On voit que les faces de l'octaèdre sont symé-

triquement placées quatre à quatre par rapport aux trois

plans.

4e SYSTÈME. — SYSTÈME RHÛMBOÉDRIQUE

Le Rhomboèdre (fig. 56) est un parallélipipède dont les

quatre pans forment un prisme, et sont, comme les deux


CRISTALLOGRAPHIE THÉORIQUE. 31

bases, des rhombes égaux. Les douze arêtes ont donc la

même longueur, comme dans le cube; mais elles corres-

pondent à deux sortes d'angles dièdres.

Les deux bases sont inclinées sur les

pans, mais clans une seule direction, et

dans celle d'une de leurs diagonales, de

BC, par exemple. Elles restent égale-

ment à droite et à gauche du


penchées

plan BCIF, qui demeure par conséquent


Figure 56.
un plan de symétrie.
Dans rhombe et, par exemple, dans la base
chaque
il y a deux angles plans obtus , AGD, ABD, égaux;
ABGD,
deux aigus, supplémentaires des premiers,
angles plans
aussi entre eux, BDC, BAC. Comme les six faces du
égaux
rhomboèdre sont il y a en tout douze angles obtus
égales,

de même valeur, et douze angles aigus d'une valeur sup-

Ces vingt-quatre angles plans se répartissent


plémentaire.
trois trois entre les huit angles solides A, B, G, D,
par
I. Il a que deux modes de répartition pos-
E, F, 14^ n'y
sibles :

1° Deux solides B, T, comprennent chacun trois


angles
obtus ; les six autres étant formés d'un angle
angles plans
obtus et de deux aigus ;
plan
2° Deux solides sont composés chacun de trois
angles
les six autres, d'un aigu et de deux
angles plans aigus ;

obtus.
soit le mode suivi, deux angles solides présen-
Quel que
une seule obtus dans le premier cas;
tent espèce d'angles,

dans le on les appeler homogènes. Six


aigus, second; peut
au contraire, montrent deux espèces d'an-
angles solides,
et sont à ce point de vue hétérogènes.
gles plans,
dans la 57, l'angle solide CADI est com-
Ainsi, figure
M9 DES F 0 R M )-;S C RI S T A L L1 N luS.

DCI, ACD ; son opposé,


posé d'angles plans égaux AC1,

est de même formé de trois angles plans égaux


FEHB,
en que les trois
EFH, EFB, HFB. On démontre, géométrie,
d'un solide triè-
angles plans angle

dre étant les angles dièdres


égaux,
le sont aussi. Les angles dièdres

AC, CD, CI, sont égaux entre eux

et aux dièdres EF, FH, FB. Aussi la

CF, qui joint les deux angles


ligne
solides opposés, CF, se
homogènes
Figure 57.
distingue-t-elle des autres diago-

nales AH, DE, BI, du parallélipipède, en ce sens qu'autour

de cette on observe trois angles dièdres égaux,


ligne,
trois angles plans égaux.
La symétrie particulière à cet axe le fait placer vertica-

lement. On voit alors qu'autour de l'axe CF, et autour de

lui seulement, les arêtes, les faces ou les angles plans,


sont disposés symétriquement par trois. Les angles soli-

des C, F, sont identiques; ils sont, en effet, composés des

mêmes angles dièdres, et d'angles plans égaux, sembla-

blement disposés. Les angles A, D, B, I, E, H, sont aussi

semblables, comme composés d'angles plans ou d'angles


dièdres, de deux sortes il est vrai, mais respectivement

égaux, et semblablement placés.


Notre plan de symétrie GBFI est resté vertical ; on voit

facilement que les angles dièdres CD, AC, ne se distin-

guant pas du dièdre CI, ni les angles dièdres EF, FH, du


dièdre BF, on voit qu'on peut mener par les arêtes

CD, EF, un plan de symétrie CDEF, et par les arêtes AC,


FH, un troisième plan de symétrie ACFH. Les trois plans
de symétrie se coupent suivant l'axe CF, et sous des an-

gles de 60°.
CRISTALLOGRAPHIE THÉORIQUE. 33

Notre figure 57 représente un rhomboèdre dont les


angles solides homogènes C, F, sont composés d'angles
dièdres et d'angles plans obtus. Dans ce
cas, le rhomboèdre est obtus. La
appelé
figure 58 montre un rhomboèdre c'est-
aigu,
à-dire ayant ses deux solides
angles C, F,
composés d'angles plans aigus. L'angle
dièdre, qui se répète trois fois autour de
l'axe CF, caractérise une substance de ce

système. Dans le saphir, par 58.


exemple, Figure
cet angle est de 86°4'.
Dans la position que nous avons donnée au rhomboè-
dre (fig. 57), l'axe CF est de l'angle G partent les
vertical;
trois arêtes identiques CA, CI, CD ; de les trois
l'angle F,
arêtes FH, FB, FE. On appelle culminantes ces six arêtes.
Les six arêtes AE, El, IH, HD, DB, se en
BA, développent
zigzag autour de l'axe CF. On les nomme latérales.
Un plan mené par le milieu m de CF (fig. 50) passe par
les milieux des arêtes en à cause de la
zigzag; position

Figure 59. Figure 60.

symétrique de ces arêtes, la section du solide par le plan


a la forme d'un hexagone régulier abcdef[G.g. 60).
Les diagonales ad, cf, eb de cet hexagone peuvent être

regardées comme des axes. Le système rhomboédrique


est alors caractérisé par quatre axes, un vertical, et trois
axes horizontaux, qui se coupent sous des angles de 60°.
34 DES FORMES CRISTALLINES.

5° SYSTÈME. — SYSTÈME KL1N0RH0MBIQUE

Ici, le prisme à quatre pans a encore pour section

droite un rhombe; la base est inclinée sur les pans sui-

vant la direction d'une seule diagonale, de la diagonale

BC, que l'on place devant soi, montant d'avant en arrière ;

elle reste également inclinée à droite et à gauche, en

sorte que le plan BCFI, perpendiculaire à la hase, est un

plan de symétrie (fig. 61). Ce qui dis-

tingue ce système du rhomboèdre,

c'est que les pans CDHI, ...ABFE, sont

des parallélogrammes à côtés inégaux.


Les dièdres AC, CD, sont égaux entre

eux ; mais le dièdre CI diffère des deux


Figure 61.
précédents. Le plan BCFI est le seul

qui divise le solide en deux demi-prismes ayant leurs élé-

ments égaux symétriquement placés à droite et à gauche

du plan sécant. Aussi le moyen pratique de reconnaître

ce prisme consiste-t-il à constater l'égalité des dièdres AC.

CD, et de leurs opposés FH, EH; ou celle des dièdres AB,

BD, et de leurs opposés; cela signifie qu'en appliquant les

deux alidades du goniomètre sur la base et la face anté-

rieure située à gauche, puis sur la hase et la face anté-


rieure de droite, on constate l'égalité de ces deux angles :
on constate de même l'égalité de l'angle que la base forme
en arrière avec la face ABFE, et de celui qu'elle fait en
arrière également avec la face BDFH ; ces deux derniers

angles sont égaux entre eux; ils diffèrent des précédents,


sans quoi les uns et les autres seraient à 90°, et le
égaux
prisme serait orthorhombique.
Dans ce système comme dans le à un
troisième, prisme
CRISTALLOGRAPHIE THÉORIQUE. 35

oblique à base rhombe correspond un prisme oblique à


base rectangle, qui lui est circonscrit. Des trois arêtes de
ce dernier, l'une est verticale ; la seconde est la diagonale
BGde la base qui s'incline d'arrière en avant, c'est la ligne
de plus grande pente; la troisième, parallèle à la ligne
AD, reste horizontale, puisque la base ne penche pas
plus à droite qu'à gauche ; elle est perpendiculaire à la

diagonale BC, puisqu'elle fait partie du même rhombe, elle


est donc perpendiculaire à la fois aux deux lignes BG, CI,
c'est-à-dire à leur plan. C'est pourquoi on définit souvent

ce système en disant qu'il présente trois axes, dont deux

sont obliques entre eux, et dont le troisième est perpendicu-


laire au plan des deux autres. Le caractère pratique des

formes qui s'y rapportent est de posséder unplan de symé-

trie, et un seul, à droite et à gauche duquel se trouvent les

dièdres égaux.
Les dièdres AC, CD, étant égaux entre eux et aux diè-

dres opposés EF, FH; les arêtes AG, CD, EF, FH, corres-

F'igure 62. Figure 62 bis. Figure 62 ter.

à ces dièdres égaux, et elles ont de plus la même


pondent
elles peuvent donc être remplacées toutes les
longueur;
des plans, ce qui donne la moitié d'un octaèdre à
quatre par
base rhombe. L'autre moitié de ce solide serait engendrée
faces qui remplaceraient les arêtes AB, BD, El,
par quatre
forment un second groupe (fig. 62, 62 bis et ter).
IH, qui
36 DES FORMES CRISTALLINES.

6e SYSTÈME. — PRISME DOUBLEMENT OBLIQUE

La section droite du prisme peut être rhombique, tout

en étant, il est vrai, le plus souvent un parallélogramme;


mais ce qui le caractérise, c'est que
les bases, parallèles entre elles, sont
° en
toujours obliques : 1 d'arrière avant,

et, 2° de droite à gauche, ou de gauche


à droite (fig. 63).
On peut y observer des octaèdres,

des polyèdres à faces très nombreuses ;


Figure 63.
mais il n'y a plus de plan de symétrie,
à droite et à gauche duquel on observe des angles dièdres

égaux, semblablement placés.

— Détermination des Formes cristallines.


§ 2. pratique

Nous ne croyons pas utile au sujet principal de cet

ouvrage, de donner de plus amples développements à

l'exposition théorique des systèmes cristallins.

Nous pensons qu'il est indispensable, au contraire, de

montrer comment on peut rapidement distinguer les'unes

des autres les diverses matières minérales d'après leurs


formes. En nous plaçant à ce point de vue exclusivement

pratique, nous diviserons les formes en trois grands grou-


pes, où elles se trouveront réunies, non plus d'après leurs

analogies naturelles, mais d'après leurs ressemblances

extérieures, et nous indiquerons les caractères distinctifs


de chacune d'elles, et les moyens de les rapporter à leur
véritable système.
LEUR DÉTERMINATION PRATIQUE. 37

Ces trois groupes sont : 1° celui des prismes; 2° celui des

pyramides; 3° celui des prismes pyramides, solides formés


d'un prisme combiné à des pyramides.
Le procédé général de distinction consiste à chercher,

au moyen du goniomètre, quels sont les angles dièdres

égaux, et comment ces dièdres sont placés par rapport à

des plans ou à des lignes.


Observation. —Nous décrirons successivement les formes

importantes de chacun de ces trois groupes; dans les

figures qui représenteront les formes d'un même groupe,


nous désignerons toujours par la même lettre les parties
semblables. On pourra donc toujours embrasser d'un

coup d'oeil sur chaque figure les angles solides, ou les

dièdres cristallographiquement identiques; cette remar-

que est importante surtout pour les dièdres ; car ce sont,


comme nous l'avons dit, les seuls éléments du cristal

qu'on puisse mesurer avec précision, et c'est en étudiant

la disposition des dièdres égaux, qu'on parvient à bien

comprendre la vraie symétrie, et, par suite, à connaître

le système du cristal.

Prismes. — PRISMES A QUATRE PANS ou PARALLÉLIPIPÈDES.


— Dans les ci-contre, nous avons les lettres
figures adopté
conventionnelles employées en France pour désigner les

éléments de ces prismes, les mêmes lettres convenant,


comme nous venons de le dire, aux parties semblables.

PRISME DOUBLEMENT OBLIQUE.

— lettres des trois syllabes du mot


p, m, t, premières

s'appliquent aux trois faces du prisme (fig. 64) ;


primitif,
a, e, i, o, les premières voyelles, aux quatre angles de la
38 DES FORMES CRISTALLINES.

base supérieure, et à leurs opposés de la base inférieure;

bj c, d, f, g, h, les consonnes écrites dans leur ordre na-

turel, chacune à deux arêtes oppo-


sées du cristal.

On place ces lettres, comme on

écrit; les deux arêtes supérieures


étant regardées comme formant une

première ligne, celle de gauche est

notée b, celle de droite c; les deux

Figure 64. arêtes inférieures de la base forment

la seconde ligne, et sont notées d,

f; on note g, h, les arêtes verticales, qui forment une

troisième ligne. On écrit les voyelles d'après la même con-

vention.

Dans ce système, une même lettre ne se répète que sur

deux éléments opposés de la forme (faces, angles ou arê-

tes); les deux dièdres opposés seuls sont égaux; il n'y a

pas de plan de symétrie.

PRISME KLINORHOMBIQUE (5e système)

Deux bases — m (fig.


p. quatre pans 65).
Angles solides de trois sortes : deux

angles a,quatre angles e, deux angles o.


Les angles a et o restent différents,
parce que la base reste inclinée d'ar-
rière en avant; mais, comme elle
n'est pas plus inclinée à droite qu'à
gauche, i ne diffère de e:
plus par
convention encore, on deux
65. désigne
Figure
parties devenues semblables par la
lettre la plus élevée dans l'ordre alphabétique.
LEUR DÉTERMINATION PRATIQUE. 39

Arêtes. — Pour les arêtes b postérieures


bases, quatre ;
c devient semblable à 6; quatre arêtes d; f est semblable

ad.

Arêtes verticales : deux arêtes g ; deux arêtes h.

RHOMBOÈDRE (4e système)

1° Six faces identiques^ (fig. 6Q);


2° Angles solides : deux au sommet,
ou culminants, a;
six angles latéraux e;
3° Six arêtes culminantes b, six arêtes

latérales en zigzag d.
Figure 66.

ORTHORHOMBIQUE (3e système)

Deux bases p; quatre pans m (fig. 67).


Quatre angles a; quatre angles e.

Huit arêtes basiques b.

Deux arêtes latérales g.


Deux arêtes latérales h.

Figure 67.

QUADRATIQUE (2e système)

Deux bases p; quatre pans m (fig. 68).


Huit angles a.

Huit arêtes basiques b.

Quatre arêtes verticales m.

lMgure 68.
tO DES FORMES CRISTALLINES.

CUBE (1er système)

Six faces p (fig. 69).


Huit angles solides a.

Douze arêtes b.

Figure 69.

à six Pans. — Prismes à six faces terminés


Prismes

par deux bases.

ORTHORHOMBIQUE (3e système)

A droite et à gauche du plan de symétrie (fig. 70), on

observe quatre dièdres E, égaux à 90°, angles des bases p


et des faces latérales appelées g1 par
les cristallographes, parce qu'elles

remplacent les arêtes g du prisme pri-


mitif, et parce qu'elles rencontrent les

arêtes b à des distances égales à par-

tir du sommet e du prisme primitif.


Figure 70.
Les huit dièdres b, b... b, b, formés par
les quatre faces m du prisme, et par les deux hases p,
sont égaux.
Quatre dièdres verticaux égaux G, deux à droite, et deux

à gauche du plan de symétrie; deux dièdres verticaux

égaux h. (Ex. : Saphir d'eau.)

HEXAGONAL (4° système

Le prisme hexagonal (fig. 71) se rattache au système rhom-


LEUR DÉTERMINATION PRATIQUE. 41

boédrique, parce qu'il a, comme lui, un axe vertical ax ay et


trois axes horizontaux inclinés l'un sur l'autre à 60°;
et aussi parce qu'il peut d'un
provenir
rhomboèdre dont on remplace les
arêtes en zigzag d ou les angles laté-
raux e (fig. 67) par des plans parallèles
à l'axe aa, et les angles culminants a

par des faces perpendiculaires à cet


axe. (Ex. : Émeraude.)

KLINORHOMBIQUE (5° système)

Comme dans le 3e système (fig. 64), on trouve ici un

plan de symétrie aoao. Aussi les dièdres EE...E sont-ils


tous les quatre égaux à 90° (fig. 72). Les
dièdres formés par des faces parallèles à
l'axe vertical se groupent aussi de la même

façon : quatre dièdres égaux G. Mais le

groupe des huit angles égaux b, formés

par la base avec les pans du prisme ortho-

rhombique, se dédouble pour le klino-

rhombique en quatre angles b et quatre

angles d. (Ex. : Feldspath.)

Le prisme klinorhombique, modifié sur ses angles a ou

sur ses angles o, donne un solide à huit faces. (Y. Oc-

taèdres.)

KLINOÉDRIQUE (6e système)

Le prisme (fig. 64) dont deux arêtes opposées sont rem-

placées par des plans. (Ex. : Feldspaths du


6e système.)

Prismes à huit Pans. — SYSTÈME QUADRATIQUE. — l°Les


42 DES FORMES CRISTALLINES.

huit dièdres verticaux sont tous à 135°; les seize


égaux
dièdres A, la même composition, sont
quoique n'ayant pas
tous à 90° 73). Cette forme
égaux (fig.

provient d'un prisme à hase carrée,

dont les arêtes latérales sont rem-

des faces également incli-


placées par
nées à droite et à gauche de ces arêtes.

2° Les arêtes H se subdivisent en .

deux groupes; mais chacun de ces

groupes se compose de quatre dièdres

égaux, les dièdres de l'un des groupes alternant avec ceux

de l'autre. Les dièdres de la base restent tous égaux à 90°.

(Ex. : Idocrase.) Cette forme provient du remplacement de

chaque arête verticale du prisme primitif (fig. 68) par une

paire de plans verticaux.

SYSTÈME ORTHORHOMBIQUE. — Les à huit faces


prismes
de ce système sont composés de deux prismes élémen-

taires, qui ont, pour section droite, le premier, un rhombe,


et le second, un autre rhombe ou un rectangle.
En mesurant un nombre suffisant d'angles dièdres, il

est toujours facile de trouver deux plans perpendiculaires


entre eux, passant par l'axe, à droite et à gauche desquels
sont placés symétriquement des dièdres égaux. (Ex. : La

partie prismatique des cristaux de topaze.)


SYSTÈME KLINORHOMBIQUE. — Un montre des dièdres
plan
égaux à sa droite et à sa gauche. On le dirige d'avant en
arrière. Le plan perpendiculaire au précédent n'est plus
un plan de symétrie, (Ex. : Beaucoup de pyroxènes dans leur

partie prismatique).
SYSTÈME DOUBLEMENT OBLIQUE. — Il n'y a plus de de
plan
symétrie.
Prismes à neuf Pans. — Ils ne se rencontrent que
LEUR DÉTERMINATION PRATIQUE. 43

dans les cristaux de tourmaline, où l'on voit souvent com-

binés un prisme hexagonal et un prisme à trois faces. On

y observe alternativement deux angles dièdres à arête ver-

ticale de 150°, puis un angle de 120°.

Les prismes qui ont un plus grand nombre de faces ré-

sultent de la combinaison de plusieurs prismes plus sim-

ples. La mesure de leurs dièdres verticaux permet toujours


de trouver, soit trois plans de même symétrie, faisant en-

tre eux un angle de 120° [système rhomboédrique), soit

deux plans ayant la même symétrie et rectangulaires en-

tre eux [système quadratique); ou bien, deux plans de sy-


métrie rectangulaires entre eux, mais offrant des symé-
tries différentes [système orthorhombique) ; ou un seul plan
de symétrie [système klinorhombique);
ou enfin, aucun plan de symétrie

[système à base doublement oblique).


Formes — TÉ-
pyramidales.
TRAÈDRES. —
Pyramides composées
d'une base triangulaire et de trois

faces de forme également triangu-

laire, qui se coupent en un sommet commun.

TÉTRAÈDRE RÉGULIER. — Six arêtes B semblables. Les

dièdres B sont égaux à 70°32' (fig. 74).

TÉTRAÈDRE A SECTION DROITE CARRÉE. — Deux dièdres B,

à deux diagonales ou à deux arêtes


égaux, correspondant
croisées des bases du prisme quadratique primitif; quatre

dièdres D autour d'une droite BB, perpendiculaire aux

arêtes B, et qui est l'axe vertical du prisme primitif (fig. 75).

tétraèdres à considérer en
Il y a d'autres cristallogra-

mais ils ne se rencontrent pas parmi les formes des


phie,

pierres précieuses.
Doubles à six Faces, OCTAÈDRES. Ce sont
Pyramides
44 DES FORMES CRISTALLINES.

deux accolées l'une à l'autre suivant leur base


pyramides

quadrangulaire.
— Tous
OCTAÈDRE RÉGULIER (fig. 76) [système cubique).
les angles dièdres sont égaux à 109°28'.

OCTAÈDRES A BASE CARRÉE — Les


(2me système) (fig. 73).
huit faces sont semblables; les angles solides sont de deux

espèces : deux angles culminants P; quatre basiques.


— Les dièdres se divi-
Caractéristique pratique. angles
sent en deux groupes : Quatre dièdres C, correspondant
aux arêtes basiques, sont égaux.— Huit dièdres B, corres-

pondant aux arêtes des deux pyramides, le sont aussi. Au-

tour de l'axe PP, on voit ces huit arêtes B distribuées sy-

métriquement. L'axe PP est appelé Y axe de figure, ou de

principale symétrie.
1° OCTAÈDRES DROITS A BASE RECTAÈGLE

(3me système) (fig. 78). Caractéristique
— Huit dièdres
pratique. égaux B,B,....B,

appartenant à deux pyramides accolées

par leur base qui est rectangulaire. A la

hase, deux dièdres A ayant la même

valeur, et différents des deux dièdres E,


qui sont aussi égaux entre eux.
LEUR DÉTERMINATION PRATIQUE. 45

2° OCTAÈDRES DROITS A BASE RHOMBE. —


Caractéristique prati-
— Quatre dièdres Quatre dièdres
gue. égaux D,...D.—
c.c. — dièdres F...F. Les arêtes cor-
égaux Quatre égaux

respondant à ces angles dièdres dessinent nettement les in-

tersections du cristal et de ses trois plans de symétrie.

RHOMBOÉDRiQUE(4me système) (fig. 80).—On voit quelquefois


les deux angles a du rhomboèdre remplacés chacun par un

plan horizontal. Ces deux faces, que les cristallographes no-

tent a 1, et les six faces// du rhomboèdre, forment en se combi-

nant un octaèdre, qu'on reconnaît facilement à ce qu'au-


tour de l'axe vertical on a trois dièdres égaux B, B, B,
au sommet supérieur, et trois dièdres égaux de même notation

au sommet inférieur. Les six autres dièdres d sont aussi égaux


entre eux, et supplémentaires des pjremiers.

KLINORHOMBIQUE (5me système).


1° Octaèdre oblique à base rectangle

(fig. 81).
— Dièdres
Caractéristique pratique.
de quatre espèces : (a) Quatre dièdres

égaux L, L (arêtes montantes en avant

et en dessus), et leurs opposés en arrière

et en bas. — dièdres deux en arrière et


((3) Quatre M, M,
46 DES FORMES CRISTALLINES.

et en bas. —
en haut, et leurs opposés F3, F4 en avant

Deux dièdres A, A, dièdres de la base, hori-


(y) égaux
allant de droite à — Deux dièdres
zontaux, gauche. (8)
dièdres de la base, descendant d'arrière en
égaux E, E,
avant.

2° Octaèdre oblique à base rhombe (fig. 82).


Caractères pratiques. —Quatre sortes

de dièdres.—(a) Quatre dièdres F dans le

plan vertical mené de droite à gauche.


— l'un en avant et
((3) Deux dièdres H,

en l'autre — Deux
dessus, opposé. (y)
dièdres K, l'un en dessus et en arrière,

l'autre — dièdres
opposé. (S) quatre B,

B, égaux à la base; deux en arrière:

deux en avant de la base. Les arêtes H,

K, H, K, montrent bien la position du plan qui divise le

cristal en deux moitiés symétriques.


DOUBLEMENT OBLIQUE (6me système)
— Il a de de
(fig. 83). n'y plus plan

symétrie, analogue à PAP de la figure

précédente, ni d'angles dièdres égaux


situés à droite et à gauche de ce

plan.
Les seuls dièdres qu'on peut trou-

ver égaux sont opposés.


DOUBLES PYRAMIDES A SIX FACES. — SYSTÈME HEXAGONAL ou

RHOMBOÉDRIQUE (4me système).


2° Les dihexaèdres. — Deux à six faces sont
pyramides
accolées par leur base, qui est un hexagone régulier. Les

faces sont des triangles isocèles égaux (fig. 84).


L'axe PP est entouré de six dièdres égaux F, F... F,

correspondant aux.arêtes basiques, celles qui dessinent


LEUR DÉTERMINATION PRATIQUE. 47

l'hexagone régulier. H est entouré encore de douze dièdres

égaux B, B.... B, dont six montent des angles de la base


vers le sommet P supérieur, et
six descendent des mêmes an-

gles vers le sommet P inférieur.

En cristallographie, on divise

les dihexaèdres en deux groupes

appelés les uns isocéloèdres, dont

les faces appartiennent tous à

la même forme, et les autres

pseudoisocéloèdres, dont les faces

appartiennent à deux rhomboè-

dres de même angle, tournés à 60° l'un de l'autre. Si nous


ne craignions pas de dépasser les limites et le but de ce cha-

pitre, nous démontrerions que beaucoup de dihexaèdres,


celui du cristal de roche, par exemple, doivent être considé-

rés comme formés d'un rhomboèdre appelé primitif, et

d'un autre rhomboèdre dont les faces alternent avec celles

du primitif.

Exemples de dihexaèdres : Corindon,

Emeraude.

SCALÉNOÈDRES — Doubles
(fig. 85). py-
ramides formées chacune de six triangles
scalènes. Dans chacune d'elles, les faces

vont se rencontrer à l'une des extrémi-

tés d'un axe vertical; mais, leurs faces

étant placées de biais par rapport au

plan horizontal, elles se croisent et ont

pour surface d'intersection un polygone

gauche, à contour en zigzag.


Un scalénoèdre comprend : douze

triangles scalènes disposés symétriquement autour d'un


"
48 DES FORMES CRISTALLINES.

axe PP. Autour de cet axe on trouve à chaque extrémité

deux de dièdres différents entre eux (B et D) ;


systèmes
mais les dièdres d'un alternent avec ceux
égaux système
de l'autre. En outre, il y a six dièdres égaux correspon-

dant aux arêtes en Ex. Le calcaire ou carbonate


zigzag.
de chaux certains cristaux de tourmaline.
rhomhoédrique;
DlDODÉCAÈDRES OU DOUBLES PYRAMIDES A DOUZE FACES [Sys-

tème — Douze dièdres aux arêtes horizontales.


hexagonal).

Vingt-quatre dièdres égaux, douze à chaque pyramide

Ces solides sont des combinaisons de deux dihexaè-

dres.

Dans d'autres didodécaèdres du même système les an-

gles C se dédoublent en deux groupes de dièdre C et B ai

ternes les uns avec les autres (fig. 86).


Cube — Cube dont toutes les faces sont sur-
pyramide.
montées chacune d'une pyramide quadrangulaire.

Vingt-quatre dièdres G aux arêtes des faces montantes

des pyramides, douze dièdres B aux arêtes des bases des

pyramides (fig. 87). Ex. : Le Diamant.

OCTOTRIÈDRE ou OCTAÈDRE PYRAMIDE : — Chaque face de

l'octaèdre régulier est surmontée d'une pyramide trian-

gulaire (fig. 88).


LEUR DÉTERMINATION PRATIQUE. 49

Chacune des extrémités des trois axesPP est entourée de

quatre dièdres égaux B, correspondant aux arêtes de l'oc-

taèdre régulier, et de quatre dièdres égaux D alternes : Ex.

Diamant.

ICOSITÉTRAÈDRE ou TRAPÉZOÈDRE — Au-


[Système cubique).
tour de chaque extrémité des trois axes P rectangulaires et

égaux, on observe quatre angles dièdres égaux B ; ils for-

ment les sommets P à quatre faces. Les sommets A triè-

dres correspondant aux coins du cube sont formés chacun

de trois dièdres égaux G: Ex. Grenat (fig. 89).


SOLIDES A QUARANTE-HUIT FACES. — Le le in-
genre plus
téressant est celui que donne le

système cubique. Autour des deux

extrémités opposées P de trois axes

perpendiculaires entre eux, on ob-

serve un angle solide~à huit faces,


où l'on peut constater l'égalité de

quatre angles dièdres B, B, B,


formant un système, et d'un se-

cond système de quatre dièdres D, ... D, alternes avec les

premiers (fig. 90). Ex. : Diamant.


50 DES FORMES CRISTALLINES.

PRISMES PYRAMIDES

P R E MIE R E SECTION

Les faces du prisme gardent leur forme de parallélo-

gramme, et celles de la pyramide leur forme triangulaire.


Prismes et Pyramides à quatre Faces. — SYSTÈME

— Prisme à base à ses deux


QUADRATIQUE. carrée, portant
extrémités des pyramides quadrangulaires de section

droite semblable.

Vingt angles dièdres ainsi partagés : huit dièdres égaux

B...B, quatre à chaque pja-amide; huit dièdres égaux A...-A


aux arêtes horizontales; quatre dièdres de 90°, aux arêtes
verticales (fig. 91).
SYSTÈME DU PRISME DROIT A BASE RECTANGULAIRE OU RHOM-
BIQUE :— 1° Prisme à section rectangulaire, portant à ses
deux extrémités des pyramides quadrangulaires de section
droite semblable (fig. 92).
Les huit dièdres aux arêtes horizontales se dédoublent
en deux groupes; quatre dièdres situés deux à deux
G...C,
LEUR DÉTERMINATION PRATIQUE. 51

à droite et à gauche d'un plan vertical de symétrie per-

pendiculaire au papier (en tenant le papier verticalement

devant soi) ; quatre dièdres A...A, situés deux en avant,


deux en arrière d'un plan de symétrie parallèle au plan
du papier. Il y a symétrie également, comme on voit, par

rapport au plan horizontal TUVS (fig. 54, p. 29), perpen-


diculaire à celui du papier.
2° Prisme droit à section droite rhombique, combiné à un

octaèdre de section également rhomhique.


Les trois plans de symétrie sont déterminés : 1° par

les quatre arêtes D...D dont les dièdres sont égaux; 2°par

les quatre arêtes à dièdres égaux F...F; 3° le troisième

plan de symétrie, horizontal, est parallèle aux deux sec-

tions droites C...C. Les huit dièdres C...C sont égaux

(fig. 93).
SYSTÈME KLINORHOMBIQUE. — 1° Combinaison du prisme
et d'un octaèdre ayant une section de même
rhombique
forme (fig. 94).
A droite et à du plan de symétrie on observe :
gauche
Quatre dièdres C aux arêtes des pyramides ; deux dièdres

B en arrière et en haut; deux dièdres égaux B, opposés,


52 DES FORMES CRISTALLINES.

et en un second de quatre
en avant bas; puis, système
en haut et en avant, deux en bas
dièdres égaux D, deux

dièdres H...H dans la section P H...P.


et en arrière; quatre
verticaux deux dièdres verticaux h.
Deux dièdres g,
de les arêtes F, K, est
Le plan symétrie qui passe par
les formes de ce aussi les
le seul que présentent système;
dissemblables ; car elles ne
arêtes basiques,B, D, sont-elles
au formé par les
sont plus symétriques par rapport plan

arêtes C, comme dans le système précédent.


G, C, C,
2° Combinaison du rectangulaire et d'un octaèdre
prisme
de section droite semblable (fig. 95).

Symétrie à droite et à gauche du

vertical perpendiculaire au pa-


plan

pier tenu verticalement et à la face

PAA' ; mais il n'y a pas symétrie par

rapport au plan du papier. Aussi,

quatre dièdres égaux F, F, quatre

dièdres égaux C, G, aux pyramides ;

quatre dièdres égaux D, D, deux à

droite et deux à gauche du plan de

symétrie. Les dièdres aux arêtes hori-

zontales sont un dièdre B, un diè-

dre K, et deux dièdres D, différents des premiers, parce

qu'il n'y a pas dans ce système un second plan de symé-


trie.

SYSTÈME DU PRISME DOUBLEMENT OBLIQUE. — Les diè-


vingt
dres d'une forme analogue à celles qui précèdent n'y sont

égaux que deux à deux (dièdres opposés), et forment


dix groupes différents.

COMBINAISON D'UN PRISME ET D'UNE SEULE PYRAMIDE. —Dans

certaines espèces minérales, dans le silicate de zinc (cala-

mine), par exemple, le prisme ne porte une pyramide qu'à


LEUR DETERMINATION PRATIQUE. 53

une seule extrémité. Il y a ce qu'on appelle hémimor-

phisme; mais cette substance n'entre pas dans le groupe


des pierres précieuses.
Prismes à six Faces combinés à des Pyramides
également à six Faces. —SYSTÈME HEXAGONAL. —Douze
dièdres égaux B, six à chacpie pyramide.
Douze dièdres égaux F, aux arêtes horizontales (fig. 96).

SYSTÈME ORTHORHOMBIQUE. — Forme résultant


complexe
de la combinaison : 1° d'un prisme orthorhombique dont
les deux arêtes verticales sont remplacées par des plans

parallèles au plan de symétrie antéro-postérieur, 2° d'un

octaèdre à base rhombe combiné à deux faces obliques

placées sur les angles latéraux du prisme. Les lettres qui


se répètent indiquent les dièdres égaux (fig. 97).
On peut trouver des formes analogues dans les deux

derniers systèmes; l'observation des angles dièdres égaux


permettra toujours de trouver un plan de symétrie, et un

seul (système klinorhombique) ; ou bien l'on se convain-


cra de l'absence d'un plan de symétrie (système doublement

oblique).
COMBINAISON D'UN PRISME ET D'UNE DOUBLE PYRAMIDE A
54 DES FORMES CRISTALLINES.

DOUZE FACES. — Elle n'a chance d'être observée


guère
dans le : Émeraude.) Ordinai-
que système hexagonal. (Ex.
la double n'est accusée que par des
rement, pyramide
facettes naissantes de biais, deux par deux, sur
placées
chacun des angles du prisme hexagonal.

PRISMES PYRAMIDES

DEUXIÈME SECTION

Les faces de la pyramide rencontrant la hase du prisme

obliquement par rapport aux intersections de la base et

des pans, les faces du prisme et celles de la pyramide ne

sont plus parallèles à leurs intersections, et les faces de la

combinaison ne renferment plus de triangles; ce sont

des polygones en général quadrilatères, et quelquefois


d'un plus grand nombre de côtés.

Prismes à quatre Pans combinés à des Octaèdres,


ou doubles Pyramides à quatre Faces placées de

biais. — Posons un cube sur une de ses faces p prise


comme base inférieure; la face opposée sera la base supé-
rieure; les quatre autres faces semblables seront les pans.
Remplaçons les quatre arêtes b verticales par des pans
également inclinés à droite et à gauche sur les faces adja-
centes de ces arêtes. Nous aurons quatre faces que les

cristallographes appellent b 1. Comme les huit arêtes des


hases sont semblables aux verticales, il faut les remplacer
aussi par des faces posées symétriquement comme les pré-
cédentes par rapport à ces arêtes. On a donc douze faces

qui se coupent trois par trois vis-à-vis des solides


angles
du cube, aux points A (fig. 98).
D'une part, les quatre faces sur les
placées quatre
LEUR DÉTERMINATION PRATIQUE. 55

arêtes d'une même face vont se couper en formant un

angle solide à quatre faces sur les axes du cube pro-

longés pp. D'autre part, à cause de la symétrie propre au

système cubique, les trois dièdres correspondant aux trois

arêtes qui forment les angles soli-

des A sont égaux entre eux. Lors-

que les faces b' sont assez étendues

pour envelopper le cube primitif,


les facettes b' prennent la forme de

quadrilatères ; les quatre arêtes qui


en constituent les côtés restent

égales ; on a douze facettes en for-


me de le solide est appelé à cause de cela dodé-
losanges;
caèdre rhomboïdal. Les angles dièdres B sont
vingt-quatre

égaux à i20° (fig. 99).

— Quatre dièdres égaux


SYSTÈME QUADRATIQUE (fig. 100).

à l'extrémité dièdres de même valeur


supérieure ; quatre

à l'extrémité inférieure; ils entourent comme les précé-

dents l'axe de PP ; seize dièdres D intermédiaires


symétrie
entre les et inférieur des dièdres B.
systèmes supérieur
56 DES FORMES CRISTALLINES.

Dodécaèdre pentagonal faces en


(fig. 101).—Douze
forme de pentagones, six angles
dièdres P; vingt-quatre angles diè-

dres B égaux entre eux.

Cette forme provient d'un cube

pyramide, où douze faces se déve-

lopperaient assez pour faire dispa-


raître les douze autres. Les faces

qui persistent alternent avec celles

qui disparaissent. Les angles dièdres P correspondent à

des droites menées parallèlement aux trois arêtes du

cube; à chaque face du cube correspond une seule de ces

arêtes P.

Nous n'étudierons pas un plus grand nombre de for-

mes ; nous avons montré leurs combinaisons les plus


ordinaires ; i! y en a de bien plus compliquées ; mais les

nombreux exemples que nous venons d'analyser suffiront

pour mettre le lecteur au courant de la méthode à suivre

pour la détermination du système cristallin des espèces


minérales. Cette méthode se résume ainsi :

1° Observer les angles dièdres égaux ; 2° chercher les

plans par rapport auxquels ces angles se trouvent symé-


triquement placés; constater les inclinaisons relatives et
le nombre de ces plans.
Premier — On trouve trois de
Groupe. plans symétrie
rectangulaires : 1° la symétrie, c'est-à-dire le nombre et la

disposition des angles dièdres égaux, ne change pas d'un

plan à l'autre ; le cristal appartient au système cubique.


2° la symétrie est la même pour deux seulement de ces
plans, le cristal appartient au 3° la
système quadratique.
symétrie est différente pour les trois la forme est
plans,
orthorhombique.
LEUR DÉTERMINATION PRATIOUE. 57

Deuxième Groupe. — Il a qu'un de


n'y plan symétrie,
le système cristallin de la substance est le klinorhombique.
Troisième — Le est celui du
Groupe. système prisme
doublement oblique, s'il n'y a pas de plan de symétrie du

tout.

Quatrième Groupe. —Enfin, si l'on découvre dans le

cristal trois plans verticaux de symétrie qui se coupent


suivant une même droite, et un plan de symétrie hori-

zontal, perpendiculaire aux trois qui précèdent, on a

affaire au système hexagonal ou rhomboédrique. Il est plus


commode dans ce cas, d'observer la symétrie par trois ou

par six, c'est-à-dire la répétition des angles dièdres égaux,

par trois ou par un multiple de trois, autour d'un axe,


c'est-à-dire autour de l'intersection des trois plans verti-

caux. On peut aussi résoudre le même problème par


l'examen des axes de sjmiétrie. Un axe autour duquel les

parties semblables se reproduisent symétriquement par


trois ou par six, conduit au système rhomboédrique, quand
il est unique. Si l'on observe quatre de ces axes, qui ne

sont autre chose que les quatre grandes diagonales du

cube, les solides opposés a, on est dans le


joignant angles

système Il n'y a pas d'axe ayant ce degré de sy-


cubique.
métrie dans les autres systèmes.
Le système cubique présente, comme nous l'avons vu,

trois axes entre eux, autour desquels les


rectangulaires
arêtes semblables sont au nombre de quatre.
58 DES FORMES CRISTALLINES.

APPENDICE

GROUPEMENT DES CRISTAUX

Des cristaux qui se forment les uns auprès des autres

se touchent et s'accolent souvent d'une manière quelcon-

que. Dans un assez grand nombre de cas, cependant, on

observe que deux ou plusieurs cristaux se touchent par


une face plane, tantôt par une des faces qu'ils présentent

d'habitude, et tantôt par une des faces qu'ils pourraient

offrir, et que le calcul permet de prévoir, sans qu'on l'ait

observée. Nous ne donnerons qu'un

exemple de groupement régulier; il

se rencontre dans certains cristaux

de rubis spinelle. Deux cristaux de

cette substance de forme octaédrique


se touchent par une de leurs faces au

moment de leur formation; ils sont

l'un par rapport à l'autre dans la

même position qu'un objet et son image vue dans un

miroir. Les secondes faces du dièdre, dont les deux pre-


mières sont au contact, forment entre elles un angle ren-

trant. Cet octaèdre est appelé transposé (fig. 102).

DÉFORMATIONS

Un cristal est l'assemblage d'un grand nombre d'indi-

vidus élémentaires juxtaposés. Pendant cette formation


de la masse cristalline, beaucoup de causes extérieures,
l'action des parois, celle du milieu dissolvant et d'autres

auxquelles il serait difficile de faire leur part, font sou-


GROUPEMENT DES CRISTAUX. 59

vent déposer les matériaux du petit édifice sur un point

plulôt que sur un autre. Il en résulte que les cubes et les

prismes à base carrée prennent l'apparence de prismes


droits à base rectangle, que les dodécaèdres rhomboïdaux

s'allongent dans une direction, que les octaèdres régu-


liers cessent d'avoir des points pour sommets. Quelque-
fois quatre faces opposées deux à deux de l'octaèdre régu-
lier sont plus développées que les autres faces, et se ren-

contrent suivant une ligne droite (octaèdre cunéiforme.

Ou ce seront des cristaux de quartz, dans lesquels se

développeront aux dépens des autres une ou plusieurs


des faces de la pyramide hexagonale qui les terminent.

La mesure des angles dièdres redresse les erreurs où

pourraient entraîner ces irrégularités de développement


des faces ou des arêtes. Dans l'octaèdre régulier, l'angle
dièdre des deux faces adjacentes est toujours de 109°28',

quelle que soit leur étendue relative.

STRIES

Les faces de certains cristaux portent des sillons, des

lignes creuses, tantôt assez larges, tantôt très fines. Ces

lignes indiquent ordinairement des cristaux fibreux, c'est-

à-dire d'éléments très étroits, allongés dans une


composés
direction et accolés suivant cette même direction. L'ob-

servation des stries aide quelquefois à la détermination

des minérales. Les hexagonaux de cristal


espèces prismes
de roche ont leurs faces marquées de stries
fréquemment
fines à leurs arêtes. Le tourmaline est
perpendiculaires
souvent fibreuse, et les stries qui résultent de cette texture

sont aux arêtes du prisme. Il en est de même


parallèles
dans l'émeraude, et surtout dans le béryl ouaigue-marine.
<i0 PIERRES PRÉCIEUSES.

CHAPITRE II

DU CLIYAGE

Quelques espèces minérales, comme le jade, présentent


une résistance à la rupture, et se cassent difficile-
grande
ment, même sous le choc violent d'un marteau. On ap-

pelle cette résistance de la ténacité. Un grand nombre de

pierres sont assez faciles à broyer. On les appelle friables.


Souvent la surface de cassure est inégale ; tantôt elle

est arrondie, plus ou moins conique, ressemblant à cer-

taines coquilles, ce qui la fait appeler conchoïdale; telle

est celle du verre. Tantôt la cassure offre l'aspect du bois

mal raboté plus ou moins hérissé d'échardes; telle est

celle qu'on nomme esquilleuse dans beaucoup d'agates.

Beaucoup de matières cristallisées ont une cassure très

régulière. Que l'on frappe avec un marteau sur un cristal

de calcaire, quelle qu'en soit la forme extérieure, on le

voit se casser en prismes, dont les six faces sont inclinées

l'une sur l'autre d'un angle constamment égal à 105° 5',


ou à son supplément. On connaît des cristaux de calcaire

des formes les plus variées; tous peuvent être rattachés,


au moyen des lois cristallographiques, à un rhomboèdre,
dont l'angle culminant est de 105° 5'. C'est ce rhomboèdre

qu'on obtient par le choc. Toutes les faces des fragments


CLIVAGE. 61

sont planes, lisses, souvent plus brillantes que celles

qu'on pourrait produire par un poli artificiel. C'est à cette

opération qu'on donne le nom de clivage.


Les cristaux de fluorine se clivent tous aussi, à quel-

que forme qu'ils appartiennent, en octaèdres, dont les

faces font deux à deux l'angle de 109° 28'30", celui de

l'octaèdre régulier. Il en est de même de ceux de diamant.

Le sel gemme, sel marin, se clive en prismes à faces rectan-

gulaires conduisant à un cube.

Les cristaux de saphir, de rubis, se divisent assez nette-

ment, parallèlement aux faces d'un rhomboèdre de 86° 5';


ceux de topaze, suivant une face qu'on a prise pour base

de leurs formes prismatiques.


Ces exemples montrent que la résistance à la sépara-
tion varie avec la direction dans les cristaux. On produit
des clivages autrement que par le choc, en y faisant péné-

trer, par exemple, une lame tranchante dans la direction

de certains plans indiqués à l'avance par les formes habi-

tuelles de la matière. Souvent' on pose dans la direc-

tion voulue le tranchant d'une lame, dont on frappe le dos

à l'aide d'un marteau. C'est ainsi qu'on obtient des octaè-

dres dans les cristaux de diamant; cette pro-


réguliers
a été mise à dans la préparation qu'on fait
priété profit
subir à cette pierre pour la tailler.

on obtient fentes qui révèlent des


Quelquefois plusieurs
en la d'une aiguille sur la face
clivages, appliquant pointe
d'un et en sur la tête de l'aiguille. Reusch
cristal, frappant
a observé de cette directions de cassure
façon plusieurs
sur des cristaux de gypse.
régulière
du tient évidemment à la diffé-
Cette propriété clivage

de cohésion des éléments du cristal dans les diffé-


rence

directions. Un cristal est comme un réseau, dont


rentes
62 PIERRES PRÉCIEUSES.

la maille serrée dans une direction que dans une au-


plus

tre, s'y déchire aussi plus facilement.

On a pu démontrer cette variation de la cohésion par

une bien Les des cristaux du


expérience simple. clivages
d'en faire des prismes obliques à base
gypse permettent
le facile est au de
rectangle ; le clivage plus parallèle plan
à ce plan, il y a deux au-
symétrie; perpendiculairement
tres cassures faciles, quoique moins nettes, dont l'une à

vitreux, l'autre l'aspect fibreux ou soyeux. En en-


l'aspect

fonçant une aiguille fixée au bout d'un manche, et main-

tenue bien perpendiculaire à la lame de gypse, de manière

à un trou dans une partie de son épaisseur, en


percer
tournant bien légèrement, pour éviter les fentes, on par-

vient à écarter l'un de l'autre deux feuillets situés à une

ou moins grande profondeur dans la masse. Il se dé-


plus

veloppe entre ces feuillets des courbes colorées analogues


à celles qu'on nomme anneaux: colorés de Neiuton; ces cour-

bes ont la forme d'ellipses, dont le grand axe est situé

à 17° du clivage vitreux, à 49° du clivage fibreux; le rap-

port des deux axes de l'ellipse est de 1,247. Ce décollement

inégal des lames autour du point où s'exerce faction mé-

canique prouve bien la variation de la cohésion suivant

les différentes directions (1).


Les chapitres suivants vont montrer l'influence que ces

variations exercent sur toutes les propriétés physiques des

cristaux.

(I) JANMETTAZ, Bulletin soc. minéralogique de France, t. II, n° ).


Annales de physique et de chimie, 4e série, t. XXIX, p. 69.
PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES. 63

CHAPITRE III

PROPRIÉTÉS OPTIQUES

§ 1. — Propriétés générales.

Les propriétés les plus faciles à constater, celles qui


fournissent le plus vite des renseignements, ce sont les

propriétés optiques, et au premier rang parmi elles se

place évidemment la couleur des corps, ces colorations

qu'ils présentent, soit lorsqu'ils réfléchissent, soit lors-

qu'ils transmettent la lumière qu'ils reçoivent.


La lumière est produite par les mouvements d'un fluide

appelé éther. L'éther remplit non seulement le vide céleste,


c'est-à-dire les espaces qui séparent les astres les uns des

autres, mais le vide moléculaire, c'est-à-dire les interstices

que laissent entre elles les parties matérielles constituan-

tes des corps. La matière est divisible ; on peut poursuivre

par la pensée la division d'un corps bien au-delà de ce

que les instruments les plus délicats permettent de réali-

ser; mais on conçoit en même temps qu'il existe une

limite à cette divisibilité. On appelle atomes les parties

matérielles, indivisibles par aucun moyen que ce soit,

qui sont les premiers éléments d'un corps. Ces atomes se

groupent pour former des éléments appelés molécules.


64 PROPRIÉTÉS OPTIQUES.

Les atomes, les molécules ne sont pas immédiatement en

contact, et leurs formes, sans doute, ne leur permettraient

pas de combler sans lacune l'espace occupé par les corps

qu'ils composent. Admettons que d'un corps- éclairant, de

l'éther qu'il renferme, partent des mouvements vibra-

toires. Ce mouvement se transmet de proche en proche


dans l'éther de l'espace, suivant toutes les directions pos-
sibles autour de son point de départ. Au bout d'un cer-

tain temps il est parvenu, sur chaque direction, en un

point situé à une certaine distance de l'origine. Tous ces

points atteints par le même mouvement au même mo-

ment forment la surface d'onde. Ce nom de surface d'onde

rappelle les ondes analogues qui se forment sur l'eau,

quand on l'agite en un point quelconque.


La théorie de l'optique amène à regarder le mouvement

lumineux comme ayantlieu perpendiculairement au rayon

suivant lequel il se propage.


De la lumière qui tombe sur un corps, une partie est

renvoyée ou réfléchie par ce corps ; le reste y pénètre, et

s'y éteint, ou le traverse. Lorsque toute la lumière s'y


éteint, le corps est dit opaque. Un corps est appelé trans-

parent, s'il permet de voir distinctement au travers de sa


masse les contours des objets; translucide, s'il ne les laisse

apercevoir que vaguement, si, par exemple, tout en lais-


sant tamiser la lumière, il ne permet pas de lire les ca-
ractères d'un livre placé par derrière.

L'opacité absolue est rare; la plupart des corps opaques


deviennent transparents, ou au moins translucides, lors-

qu'ils sont vus en lames très minces.


Pour faciliter l'intelligence de ce qui va nous
suivre,
rappellerons encore les lois fondamentales de la lumière :
Lois de la réflexion. — Si un rayon lumineux tombe sur
PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES. 65

un miroir, et en général sur une surface polie, il fait avec,

la perpendiculaire à cette surface un certain angle qui

peut avoir toutes les valeurs comprises entre 0° et 90°, et

qu'on appelle angle à'incidence; la partie de ce rayon qui


est renvoyée par le corps, forme un nouveau rayon, qui
fait avec la perpendiculaire à sa surface un angle appelé
de réflexion. Les lois sont les plus simples possibles :

1° Les deux angles d'incidence et de réflexion sont dans le

même plan; 2° ils sont égaux.


Des couleurs — La lumière du
simples. jour, appelée

blanche, est composée de lumières de différentes couleurs,

dont l'ensemble produit du blanc. Si on lui fait traverser

un de verre, elle s'étale au sortir de ce prisme, et


prisme
se divise en lumières différemment colorées.

ab (fig, 103), faisceau de lumière qui tombe sur un

prisme ABC. Le faisceau est décom-

posé au sortir du prisme et donne

le spectre wibvjovr.
La lumière la plus éloignée de la

direction primitive du faisceau aba!

est violette ; la moins déviée est

Entre ces deux couleurs ex-


rouge.

trêmes, il y en a une infinité d'autres. Toutes ont été

ramenées à sept types principaux, qu'on appelle :

Violet, indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge.

Le violet est plus dévié que le rouge; on le dit plus

rêfrangible.
les écrit dans l'ordre de réfrangibilité des
Lorsqu'on
couleurs représentent, ces noms forment un vers
qu'ils
alexandrin.

Si on reçoit sur un second prisme la portion rouge et la

violette du faisceau décomposé par le premier en inter-


5
66 PROPRIÉTÉS OPTIQUES.

médiane au d'un écran, on les


ceptant la partie moyen
mais elles ne se plus à
voit déviées de nouveau; prêtent
Elles méritent donc le
aucune nouvelle décomposition.

nom de couleurs simples.


tous ensemble sur un A' B' C
Si on les reçoit prisme

de même le premier, mais inversement placé,


angle que
les côtés A' G', B' A', soient aux
de façon que parallèles

côtés ils reprennent leurs directions primitives,


AG, BA,
redonne de la
et sortent parallèles ; leur superposition

lumière blanche (fig. 104).

Ils sortent car la lumière qui traverse un


parallèles;
de direction. Soit une plaque de
corps transparent y change
diamant à faces parallèles (fig. 105) ; AB, CD, intersections

de cette avec le plan du papier, sont parallèles.


plaque
Un rayon de lumière RI tombe

sur AB. Menons PI perpendicu-


laire à AB (fig. 106). RIP est l'angle
d'incidence. Le rayon entre par
AB dans le cristal; il s'y rapproche
de la perpendiculaire PI (c'est une

loi constante dans tous les cris-

taux) ; il prend à la sortie la direc-

tion I'R', et fait avec la perpendiculaire I'P' un angle

P'I'R' appelé angle de réfraction, égal à celui d'incidence.


PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES. 67

Lois de la — 1° L'angle d'incidence et


réfraction. l'angle
de réfraction sont dans un même plan.
2° Le sinus de l'angle d'incidence et le sinus de l'angle
de réfraction sont dans un rapport constant. Le sinus de

l'angle RIP, c'est RS, perpendiculaire abaissée de l'extré-


mité R. de l'arc RP, qui mesure l'angle PIR, sur le diamè-
tre P'IP qui passe par l'autre extrémité du même arc. .Le
sinus de l'angle de réfraction PTR' est de même R'S'. Dans
le diamant, le rapport de RS à R'S' est de 2,419 pour les

rayons jaunes; si le rayon, au lieu d'avoir la direction

RI, se dirigeait suivant ri, il se réfracterait en \r', et


l'on aurait rs environ deux fois et demie plus grand

que r's'.

est ce qu'on nomme Yindice de infraction du diamant. Il


varie d'une couleur à l'autre. M. Descloizeaux a trouvé

n = 2,4135 pour les rayons rouges; 2,4278 pour les

rayons verts dans cette matière (on représente l'indice

par la lettre n).


Étant connu cet indice dans une matière, il est facile

de trouver la direction que [doit y suivre après sa réfrac-

tion un rayon de lumière arrivé à la surface dans une

direction connue.

Soit RI le rayon incident ; AB la surface du corps. Avec

I comme centre, et une longueur IB quelconque comme

je mène un cercle. La perpendiculaire PR, abaissée


rayon,
de R sur IP,est le sinus de l'angle d'incidence (fig. 107).

On connaît sin i; c est PR.

n = 2,4, indice approché du diamant; on


Supposons
68 PROPRIÉTÉS OPTIQUES.

prendra Kl =PR ; on mènera Kr perpendiculaire à AB.

On joindra Ir; ce sera la direction du rayon réfracté.

Supposons que l'angle PIR aug-


mente et devienne même égal à

90°, PR à cette limite devient le

rayon IR ; pour une substance où n

= 2,4, IK devient égal au rayon


divisé par 2,4, c'est-à-dire à IM.

Menons par le point M une per-

pendiculaire à AI, laquelle rencon-

tre la circonférence en r, Ir est le rayon réfracté.

RÉFLEXION TOTALE. — maintenant le


Supposons que

rayon, au lieu de passer de l'air dans un cristal, suive une

marche inverse. Ayant par exemple dans le cristal une

direction ri, il sort suivant RI ; à mesure que l'angle


rID augmente, l'angle extérieur RIP augmente aussi, et

celui-ci est toujours plus grand que l'intérieur ; il arrive

un moment où l'angle intérieur prend le nom d'an-

gle limite ; à ce moment il est tel que l'angle extérieur

devient égal à 90°, à BIP. Si l'angle intérieur continue à

croître et devient plus grand que l'angle limite, le rayon


ne sort plus du cristal, il se réfléchit suivant les lois ordi-

naires de la réflexion; IL, dans notre figure, représente un

rayon de ce genre qui se réfléchit en IL', au lieu de sortir


du cristal (fig. 103).
Gomme toute la lumière du rayon IL se réfléchit au lieu
de se réfracter partiellement, c'est-à-dire de sortir en

partie du cristal, on dit qu'il y a réflexion totale.


Plus l'indice de réfraction est considérable, et est
plus
petit l'angle de réflexion totale, celui que la lumière ne
doit pas dépasser dans son incidence sur la face intérieure
PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES. 69

du cristal, pour en pouvoir sortir. La taille des pierres


a pour but précisément d'amener le nombre
plus grand
possible de leurs facettes à la direction où elles font subir
à la lumière cette réflexion totale.

Indices
de réfraction.
Crown-glass 1.5
Cornaline 1.534
Strass incolore 1.58
Flint-glass ordinaire 1.576
Flint-glass, jaune, de Guinaud, avec acide borique. 1.777
Verre composé de 1 p. plomb, 1 p. silice 1.724
— 1 — 1 — 1.787
— 2 — 1 — 1.987
— 3 — 1 — 2.028
Borate de plomb 1.825
Silicate de plomb. . 2.123
Diamant environ 2.42

Ces indices correspondent aux rayons jaunes. L'indice

de réfraction est un caractère sinon très pratique, au

moins très certain. La mesure ne peut en être obtenue

que par des procédés fort délicats. Comme elle peut ren-

dre des services dans la détermination des pierres taillées,


nous allons en indiquer le principe.
Soit un prisme taillé dans une matière quelconque

transparente ; de la lumière jaune de direction RI tombe

dans la section droite ABC de ce prisme sur sa face AB.

Cette lumière est fournie par une fente éclairée par une

à alcool salé. La lumière RI traverse le prisme et


lampe
sort en RT. La direction RT change en même temps que
la direction RI. Lorsqu'on fait tourner le prisme ABC

autour de l'arête qui passe en A, on voit la lumière réfrac-

tée I'R' changer de place. On remarque que pendant quel-

instants, à mesure qu'on tourne le prisme, cette


ques
70 PROPRIÉTÉS OPTIQUES.

réfractée semble marcher dans un certain sens ;


lumière
reste et finit même par rétro-
puis, qu'elle stationnaire,
s'en aller dans un sens
grader, par
contraire de celui avait suivi
qu'elle

d'abord, bien garde le même


qu'on
sens la rotation du prisme. On
pour
voit qu'au moment où elle demeure

stationnaire, la déviation de la lu-

mière réfractée atteint sa plus petite

valeur, et qu'en même temps les angles d'incidence (RIP)


et |d'émergence (R'IP') sont égaux (fig. 108).
On mesure l'angle de la normale à la face avec le rayon
incident pour cette déviation minimum; soit D cet angle.
On mesure l'angle dièdre A du prisme. On introduit ces

valeurs dans la formule ;

Le calcul du second membre de cette équation fait con-

naître la valeur de l'indice de réfraction n.

L'indice de réfraction est constant pour la même cou-


leur dans la même espèce. Il varie légèrement pour les
couleurs différentes.

On appelle coefficient de dispersion la différence des in-


dices extrêmes correspondant au violet et au rouge; plus
cette différence est grande, plus le spectre est long, plus
les couleurs sont étalées. Le diamant est une des sub-
stances qui possèdent le plus fort coefficient de disper-
sion.
LUMIÈRE POLARISÉE. 71

SUBSTANCES Coefficients
de dispersion.
Diamant. environ 0.044
Flint-glass, jaune, de Guinaud avec acide borique 0.049
Flint-glass ordinaire 0.036
Saphir, corindon bleu 0.029
Grenat. 0.027
Tourmaline 0.019
CroAvn-glass 0.019
Emeraude 0.015
Cristal de roche 0.014

— Double
§ 2. Réfraction et Lumière polarisée.

DOUBLE RÉFRACTION. — d'une couleur


Lorsqu'un rayon

quelconque passe au travers d'un prisme de verre, il sort

dévié, comme nous l'avons dit précédemment; mais il


reste simple. Il en est de même lorsqu'il traverse un cris-
tal du système cubique, un octaèdre de spinelle, par

exemple, où les particules constituantes sont disposées

symétriquement autour d'un point, où les axes géométri-

ques sont tous entourés de facettes ou d'arêtes de même

longueur, de même inclinaison, et de position semblable.

Dans l'éther des cristaux cubiques, aucune direction ne

se distingue des autres. On les appelle isotropes.


Mais lorsqu'un rayon de lumière pénètre dans les sub-

stances où les distances des particules élémentaires chan-

gent d'une direction à l'autre, au moment où il entre dans

le cristal, le mouvement vibratoire trouve deux directions

rectangulaires, où l'éther offre des différences extrêmes

de constitution; il se décompose suivant ces deux direc-

tions, et donne lieu à deux rayons réfractés. En regardant

par exemple un objet au travers d'un rhomboèdre de

spath (variété pure de calcaire) obtenu par clivage, on

voit cet objet double (fig. 109).


72 PROPRIÉTÉS OPTIQUES.

On ce la double réfraction, et biré-


appelle phénomène

fringentes les substances qui peuvent y donner.lieu.


Il est souvent utile de savoir si une substance est biré-

ou non ; cela peut servir en particulier à distin-


fringente
un grand nombre de pierres précieuses naturelles
guer
d'avec leurs imitations ; celles-ci sont des verres plus ou

moins durs, et ne possèdent que la réfraction simple. Voici

un des moyens les plus commodes et les plus pratiques de

faire cette observation. Il suffit de prendre un prisme formé

de la matière soumise à l'examen (fig. 110). Les cristaux na-

turels, les pierres taillées, offrent des faces qui se rencon-

trent de manière que leur arête d'intersection peut fonc-

tionner comme une arête de prisme. On regarde un objet


au travers d'une des faces; on le voit double derrière l'au-

tre face, lorsque le cristal est doué de la double réfraction.

II faut choisir un objet éclairé, fin, éloigné. On peut viser

pour cela l'extrémité de la flamme d'une bougie placée à


une assez grande distance, à quatre ou cinq mètres. Cette

flamme, en général, est rejetée un peu loin sur le côté ;


mais elle se termine par deux pointes, si le prisme est bi-

réfringent. Lorsque la matière présente un grand nombre


de faces, on voit un grand nombre d'images, mais les plus
vives sont dédoublées vers la pointe ; les autres, plus pâles,
proviennent de réflexions intérieures. On peut couvrir de
LUMIÈRE POLARISÉE. 73

cire toutes les facettes à l'exception de deux formant

prisme. Quelquefois, outre une image transmise à travers

deux faces obliques entre elles, dans une substance uni-

réfringente, on en aperçoit une seconde réfléchie intérieu-

rement par la seconde face, et l'on peut croire que la sub-

stance est douée de la double réfraction; mais, en regar-


dant ces deux images à travers une tourmaline parallèle
à l'axe, ou à travers un nicol, on voit que les deux images
conservent la même intensité, lorsqu'on tourne la tour-

maline sur elle-même, tandis qu'en opérant de la même

façon sur une substance biréfringente, on voit les deux

images provenant de la double réfraction s'éteindre ou du

moins diminuer d'intensité tour à tour, et au contraire

briller l'une après l'autre d'un éclat maximum, et cela

quatre fois pour une rotation de la tourmaline égale à un

tour entier. Pour le comprendre, étudions de plus près ce

phénomène de la double réfraction.


1° Un rayon RI entre dans un spath (fig. 111), dont l'axe

principal est aa'; il donne à la sortie deux rayons R,<?R'

et R0R".
2° Ces deux rayons ont acquis des propriétés particulières.
Prenons, en effet, une tourmaline. La tourmaline est un

silicoborate d'alumine, de magnésie, et de quelques autres

bases, qui cristallise dans le système hexagonal (fig. 112).


74 PROPRIÉTÉS OPTIQUES.

Taillons dans un cristal de cette matière une plaque


la forme d'un rectangle, dont les deux longs côtés
ayant
sont parallèles à l'axe de principale symétrie cristallogra-

phique AA'. Les deux faces de la plaque sont aussi paral-

lèles à cet axe.

Au d'un écran, M, nous interceptons le rayon


moyen
sorti du spath aa '(fig. 107) ; nous mettons maintenant
ReR'
la tourmaline en travers du rayon si l'axe AA'
R^Ft";
est dans le plan de la feuille de papier, qui contient les

deux rayons R,,R', le rayon ne traverse pas la


R-0R", RrR"
tourmaline; il s'y éteint. Si nous tournons la tourmaline

dans un plan perpendiculaire au rayon nous ver-


R0R",
rons peu à peu la lumière passer de nouveau, et acquérir-
son maximum d'intensité, lorsque l'axe de la tourmaline

AA' sera perpendiculaire au plan du papier.

Interceptons à son tour le rayon au moyen de


R0R"
l'écran M, et recevons le rayon R R' sur notre tourmaline.

Lorsque celle-ci est dans la position de la figure, lorsque


son axe est dans le plan du papier, le rayon passe. Il

s'éteint peu à peu, lorsqu'on tourne la tourmaline dans le

plan perpendiculaire au rayon ; et lorsque l'axe AA


RgR'
de cette dernière fait un angle droit avec le plan du pa-

pier, il ne la traverse plus.


Si l'on place enfin la tourmaline sur le trajet du

rayon RI avant son passage dans le spath, quelle que soit

la position de la tourmaline, le rayon RI ne s'éteint pas.


Les deux rayons de lumière qui sortent du spath ne sont

donc pas identiques au rayon incident. Leur lumière est

<\\ie, polarisée.

La théorie de l'optique supérieure explique aujourd'hui


tous ces faits.

Dans le cas d'un rayon de lumière naturelle, les oscilla-


LUMIÈRE POLARISÉE. 75

tions exécutées par l'éther prennent indistinctement et


tour à tour toutes les directions perpendiculaires à celle
de ce rayon. Dans d'un rayon de lumière
le^cas polarisée,
toutes les oscillations s'effectuent à droite et à gauche du

rayon dans un plan toujours le même, et suivent cons-


tamment cette direction unique. De plus, lorsqu'un rayon
de lumière naturelle ou polarisée traverse soit un milieu

transparent, dépourvu de structure cristalline, tel que le

verre, soit un cristal du système cubique, tel que le gre-


nat, il y garde une vitesse constante de propagation,
quelle qu'y soit sa direction.

Or, dans les cristaux biréfringents, la distance des par-


ticules matérielles variant avec la direction qu'on envisage,
les vibrations de l'éther s'y propagent aussi avec des vi-

tesses variables.

Lorsqu'un rayon de lumière naturelle pénètre dans un

cristal doué de la double réfraction, toutes ses oscillations

fournissent chacune deux composantes suivant deux di-

rections .

1° Bayon ordinaire. — L'une des directions dont nous

venons de parler est perpendiculaire à l'axe optique et au

plan d'incidence; les mouvements vibratoires qui leur sont

parallèles s'effectuant dans un'planperpendiculaire àl'axe

aa' même autour duquel tout est symétrique, donnent


figure,
lieu à un rayon qui se propage avec une vitesse constante,

quelle que soit la direction des vibrations dans le plan


Le rayon engendré par ces mouve-
perpendiculaire. R0R"
ments est ordinaire, parce qu'ayant toujours la
appelé
même vitesse, il suit toujours les lois de la réfraction.

2° Rayon extraordinaire. — Les vibrations de la seconde

série sont perpendiculaires aussi au rayon, mais elles le

sont en même temps aux précédentes; elles fournissent


76 PROPRIÉTÉS OPTIQUES.

un rayon qu'on appelle extraordinaire, parce que ses vibra-

tions étant plus ou moins obliques par rapport à l'axe de

principale symétrie, le rayon auquel elles donnent lieu se

propage avec plus ou moins de vitesse, tantôt quand il se

rapproche, tantôt lorsqu'il s'éloigne de l'axe : sa vitesse

changeant, il n'obéit plus aux lois de réfraction.


Ainsi prennent naissance deux rayons R R', qui
RrR",
suivent des chemins différents. On dit qu'ils sont polarisés
à angle droit, parce que leurs vibrations sont rectangu-
laires.

CAS OU LE RAYON RESTE SIMPLE DANS LE CRISTAL


BIRÉFRINGENT

1° Axe Cristaux uniaxes. — Un de


optique; rayon
lumière naturelle ne se décompose pas toujours ainsi en

deux polarisés à angle droit, même dans les cristaux biré-

fringents des systèmes hexagonaux et quadratiques. Car,


dans ces cristaux, l'axe de principale symétrie, et celui-
là seulement, il est vrai, se retrouve dans les mêmes con-

ditions que les différents axes du système cubique ; le

rayon de lumière naturelle qui lui est" parallèle ne se dé-

double pas, et reste ce qu'il était avant de pénétrer dans

la masse cristalline.

de lumière — Si un de ce
Bayon polarisé. rayon genre
entre dans un cristal à un axe optique, il s'y décompose
comme un rayon de lumière naturelle en deux réfractés,

lorsque ses vibrations sont obliques sur cet axe; mais, si la


direction unique de ses vibrations est parallèle à l'axe, le

mouvement, comme on le démontre en mécanique, ne

peut se décomposer suivant sa direction et celle qui lui


serait perpendiculaire : il reste simple ; il a
n'y qu'un
LUMIÈRE POLARISÉE. 77

rayon réfracté. Il en serait de même, si les vibrations

étaient perpendiculaires au lieu d'être parallèles à l'axe

optique.
Nous sommes en mesure maintenant de comprendre le

rôle et l'usage des instruments de polarisation.


Tourmaline. — Nous avons dit haut cette ma-
plus que
tière cristallise dans le système rhomboédrique; elle se

comporte donc comme le spath, et divise chaque rayon de

lumière qui la traverse en deux autres, qui ont des vitesses

différentes, qui vibrent dans des plans rectangulaires; elle

exerce en même temps sur ces rayons des absorptions


très inégales. Prenons, par exemple, une lame de tourma-

line verte du Brésil, parallèle à l'axe de principale symé-


trie AA' (fig. 113). Un rayon de lumière

tombe sur cette lame perpendiculaire-


ment à sa face BGDE, en un point quel-

conque. Tous les mouvements vibratoires

de l'éther, qui ont lieu, comme nous

l'avons dit, dans tous les sens autour de

ce rayon, et dans le plan perpendiculaire


à sa direction, par conséquent clans le

BGDE lui-même, tous ces mouvements se ras-


plan
semblent en deux les uns parallèles, et les
groupes,
autres à l'axe AA'. Les mouvements
perpendiculaires
AA' à l'axe, passent, ils donnent lieu au
parallèles

rayon RR'; les vibrations HH', perpendiculaires, qui

le rayon sont éteintes.


produisent R^R",
Pince à tourmalines. —Il résulte de ce qui précède, que, si

nous croisons deux tourmalines taillées parallèlement à

leurs axes AA', BB', il y aura obscurité dans la


optiques,
où elles se recouvrent (fig. 114); car les vibrations
région
sortent de la sont parallèles à son axe AA ;
qui première
78 PROPRIÉTÉS OPTIQUES.

elles entrent dans la seconde, elles sont perpendi-


quand
culaires à l'axe BB' de celle-ci; elles sont donc éteintes.

Si on l'axe BB' sur l'axe AA', les vibrations sor-


applique
ties de la étant à l'axe de la seconde ,
première parallèles

la traversent; l'obscurité est dissipée.

Ordinairement, les deux tourmalines sont enchâssées

dans des de liège, et ceux-ci dans des anneaux de


disques
laiton. Ces derniers à leur tour sont entourés à frottement

doux les extrémités façonnées convenablement d'un


par

fil de laiton un peu fort qui se contourne en 8 (fig. 115). La

boucle inférieure plus petite se tient avec la main gauche,


celle-ci en pressant un peu sur les deux branches de la

boucle supérieure en rapproche les extrémités, de manière

à placer les deux tourmalines en regard l'une de l'autre.

Avec la main droite on fait tourner l'une des tourmalines

sur elle-même, pour lui donner une position voulue par

rapport à la seconde.

Si entre les deux tourmalines croisées, comme le montre

la figure 110, on interpose une lame cristalline du système

cubique, l'obscurité persiste; mais une lame d'un système


cristallin biréfringent, placée dans les mêmes conditions,
LUMIÈRE POLARISÉE. 79

dissipe l'obscurité ; car les vibrations sorties de la pre-


mière tourmaline sont parallèles à son axe AA'; cela posé,
soit AA' la direction de ces vibrations ; aa', celle de l'axe

optique de la lame ; les vibrations AA' se décomposent dans

cette lame et donnent des composantes, les unes parallèles,


les autres perpendiculaires kaa'. Ces deux

groupes de vibrations pénètrent dans la

seconde tourmaline à axe BB' ; ils y don-


nent chacun deux nouveaux groupes de

mouvements vibratoires, les uns paral-


lèles et les autres perpendiculaires à BB'

(fig. 116). Les derniers sont annihilés.

Les premiers parallèles àBB' subsistent,


et se hors de la tourmaline, après avoir rétabli
propagent
la lumière dans la région du croisement.

d'Extinction. — Axes d'Élasticité optique.


Ligne
— fait tourner sur elle-même la lame en-
Lorsqu'on
tre les deux tourmalines, on voit que l'obscurité se re-

deux rectangulaires de cette lame.


produit pour positions
Cette observation est de la plus grande importance au point

de vue Nous insisterons sur ce point.


pratique.
notre lame ou plaque taillée à faces parallèles
Supposons
entre elles et à l'axe aa', nous l'interposons entre
optique
les deux tourmalines croisées AA', BB'.

Les vibrations sorties de la première tourmaline paral-

lèlement à son axe dans la plaque et


AA', pénètrent
avons-nous dit, en vibrations, les unes
s'y décomposent,
à les autres à cet axe.
parallèles aa', perpendiculaires

si cet axe aa'a la même direction que les vibrations


Mais,
celles-ci ne plus donner de com-
lumineuses AA', peuvent

perpendiculaires
à leur propre direction ; elles
posantes
et elles entrent dans la seconde
restent simples, quand
80 PROPRIÉTÉS OPTIQUES.

elles sont à son axe BB', et


tourmaline, perpendiculaires

s'éteignent.
L'axe nous avons axe est donc une
que appelé optique
d'extinction. Mais ce n'est la seule. Dans un
direction pas

cristal ou (fig. 117), menons par


quadratique hexagonal
o du cristal un à l'axe ad'.
le centre plan perpendiculaire

Les de ce sont toutes à l'axe


lignes plan perpendiculaires

toutes si ad est vertical (fig. 118). Si l'on


ad, horizontales,

taille une de manière ses deux faces soient


plaque, que

à l'axe ad, et à l'une quelconque des lignes


parallèles
horizontales HH', une vibration parallèle à [cette horizon-

tale ne se décompose pas plus qu'une parallèle à l'axe ad.

La différence entre l'axe ad et la direction HH', c'est qu'un

rayon de lumière naturelle, parallèle au premier, ne se

divise pas, tandis que, s'il est parallèle à la seconde, il se

divise, mais en deux rayons, qui, malgré la différence

de leurs vitesses de propagation, restent superposés dans

le cristal. On appelle axes d'élasticité optique, ces directions

où se propagent deux rayons de vitesses différentes prove-


nant du même rayon incident. Elles ont pour caractères

de rétablir l'obscurité, lorsqu'elles sont parallèles à l'axe

d'une des tourmalines.

En résumé, toute substance biréfringente dissipe l'obscurité

lorsqu'on la place entre deux tourmalines croisées; mais elle


LUMIÈRE POLARISÉE. 81

la rétablit, lorsqu'elle occupe deux positions déterminées par


le moment où l'axe d'élasticité optique qu'elle contient, passe
devant l'une des deux tourmalines.

Anneaux colorés des Cristaux à un Axe optique.


— entre les deux tourmalines croisées
Lorsqu'on interpose
une plaque, non plus parallèle ou oblique, mais perpendicu-
laire à son axe ad, on observe un phénomène aussi j oli qu'im-

portant (fig. 119). Autour du centre de la région obscure,


on aperçoit des anneaux circulaires irisés comme l'arc-en-

ciel, traversés par une croix noire,


dont les branches rectangulaires se

coupent en leur centre commun, et

sont parallèles, l'une à l'axe AA',

l'autre à l'axe BB' des tourmalines.

Si, au lieu de mettre les tourma-

lines à angle droit, on les place pa-

rallèlement, des anneaux irisés se

montrent encore, mais leurs couleurs et celle des précé-

dents sont le vert, par exemple, s'y est


complémentaires;
contre du rose; la croix noire est remplacée par
échangé
une blanche. L'axe ad est appelé axe optique.

Avant d'étudier les cristallins suivants au


systèmes
de vue nous devons décrire, au moins en
point optique,
les instruments dont on se sert, la pince
quelques mots,

à tourmalines ne pouvant plus y suffire.


— Prismes de Nicol. —La tourmaline rend.de
Spath.
mais elle a besoin d'être colorée pour
grands services,
sur la lumière l'absorption qui la rend précisé-
exercer
et elle jette sur les phénomè-
ment utile, par conséquent
ce est quelquefois un inconvé-
nes sa propre couleur, qui

nient grave.
il est à une tourmaline brune en marier
On peut, vrai,
fi
82 PROPRIÉTÉS OPTIQUES.

une de couleur et obtenir, lorsqu'elles sont


différente,
un colore très peu, tout en ab-
accouplées, système qui
sorbant beaucoup. Mais, ce que la tourmaline donne, après

c'est de la lumière polarisée. On peut se la procurer


tout,
de bien des manières.

On souvent un simple rhomboèdre de spath


emploie
d'Islande du clivage, comme nous l'avons fait
provenant
dans l'expérience décrite plus haut (fig. 107).
Il donne deux rayons, mais on n'en laisse passer qu'un,
en interceptant l'autre au moyen d'un écran.

On emploie aussi un spath en lui faisant subir la pré-


suivante : on le taille en rhomboèdre un peu al-
paration

longé. On le coupe en deux moitiés par un plan ab mené

de l'un de ses angles obtus à l'autre, légèrement incliné

sur son axe ad, et perpendiculaire à la section qui passe

par cet axe et par la diagonale inclinée ae des faces du


rhomboèdre. On colle sur les deux faces obtenues par le

sciage, après les avoir dressées et polies, un peu de baume

du Canada ; puis on les remet au contact, et on les enveloppe


dans une monture. On a ce qu'on appelle un prisme deNicol,
du nom de son inventeur (fig. 120).
Soit (fig. 121) a e2 b ex la section du prisme de la 120
fig.
LUMIÈRE POLARISÉE. 83

par le plan du papier, parallèlement à l'axe ab et aux

diagonales a e' e b, des de deux faces Si un


opposées
rayon tombe sur la face a e2 suivant RI, il se divise en
deux dans le cristal; l'un, IRE, extraordinaire
rayon qui
suit à l'émergence la direction parallèle à RI; l'au-
R£R',
tre, I rayon ordinaire qui tombe sur le baume de Ca-
Ru,
nada sous un angle supérieur à l'angle de réflexion totale,
et qui est renvoyé suivant ; il y a, en effet, assez de
RWR"
différence entre les deux indices de réfraction des rayons
ordinaire et extraordinaire, pour que l'un subisse avant
l'autre la réflexion totale. C'est le rayon extraordinaire

qui passe; il vibre dans le plan e2ej)a, appelé section

principale. Si on place un second nicol, de façon que sa


section principale soit en croix avec la précédente, la

région où ces deux sections se croisent est obscure,


comme dans le système des deux tourmalines. En inter-

posant les plaques cristallines entre les niçois, on observe

les mêmes phénomènes qu'avec les tourmalines; il suffit

de mettre partout à la place des axes des tourmalines

AA', BB'(fig. 110), le plan ou section principale e2abei de

l'un des niçois, et la section principale analogue de l'au-

tre. Ce sont ces deux sections qu'il faut placer en croix,

l'une par rapport à l'autre pour avoir l'obscurité, etc.

Glace noire. — On encore obtenir de la lumière


peut
en faisant réfléchir de la lumière naturelle sur
polarisée
une noire, sous un angle de 35° 25' avec sa surface.
glace
à lumière — Le défaut
Microscope polarisant convergente.

de tous ces appareils et surtout des prismes de Nicol,

c'est d'avoir de champ. Amici a inventé des combi-


peu
naisons de lentilles qui remédient à cela; voici en quel-
mots la description de son instrument appelé micro-
ques

scope d''Amici"(fig. 122).


S4 PROPRIÉTÉS OPTIQUES.

Une glace noire AB reçoit de la lumière sous l'angle de

polarisation; elle est inclinée de façon qu'elle renvoie

cette lumière une fois pola-


risée sur des lentilles cpii la

rassemblent et l'amènent au

porte-objet CD. Un corps de-

microscope renferme un sys-


tème de lentilles très con-

vergentes, dont le champ a

une envergure de plus de

120°. Les rayons sortis de ce

système traversent ensuite

un nicol et arrivent enfin à

l'oeil de l'observateur placé

près du nicol. On peut tourner le nicol sur lui-même, de

façon à amener sa section principale soit perpendiculaire,


soit parallèle au plan d'incidence formé par les rayons R

et la perpendiculaire PI au miroir AB. C'est un instrument

à lumière convergente. Quand la section principale du

nicol est parallèle au plan d'incidence PRI, l'instrument

ne laisse plus passer de lumière. Le microscope primitif


d'Amici a reçu de M. Des Gloizeaux, et plus tard de MM. No-

dot et Em. Bertrand, des modifications importantes. Notre

dessin représente un modèle courant de M. Bertrand.

à lumière — On
Microscopte jjolarisanl, parallèle. peut
munir un microscope proprement dit de deux niçois ou

de deux autres appareils de polarisation. C'est un moyen


de voir les phénomènes propres à la lumière polarisée
dans les très petits objets, ou bien un moyen de grossir
les phénomènes dans des objets de grandeur ordinaire.
On sait que dans les microscopes, la lumière sort en fais-

ceaux parallèles. Au moyen de ces divers instruments, on


LUMIÈRE POLARISÉE. 85

observe des faits qui aident beaucoup à la détermination


des substances cristallines. Un cristal d'un système quel-
conque autre que le cubique, placé sur le porte-objet
d'un microscope polarisant à. lumière parallèle, rétablit
la lumière, lorsqu'on l'éteint, en mettant des niçois en

croix; si, en posant le cristal observé sur une face, on


voit l'obscurité persister, il est bon de le poser sur une

seconde face non perpendiculaire à la première; si l'obs-

curité cesse, la matière n'est pas cubique.


Cristaux à un Axe — les cristaux
optique. Lorsque
des systèmes rhomboédriques ou quadratique sont taillés

en plaques à faces perpendiculaires à leur axe de symé-

trie, et qu'on les place sur le porte-objet du microscope


d'Amici, on voit les anneaux colorés de la fig. 119 et les

mêmes phénomènes qu'avec la pince à tourmalines.

Cristaux à deux Axes optiques.— Dans les cristaux

des systèmes orthorhombique, klinorhombique et du

prisme doublement oblique, on retrouve des faits du

même genre.
Il y avait, dans les cristaux biréfringents des systèmes

quadratique et rhomboédrique, une infinité de lignes


d'extinction situées dans un même plan, et un axe optique

ad, perpendiculaire à ce plan, qui était aussi une ligne

d'extinction, mais qui en même temps ne dédoublait pas


les rayons parallèles à sa propre direction.

Ici, l'on trouve trois axes d'élasticité optique, trois di-

rections rectangulaires entre elles, où les deux rayons


réfractés issus d'un même incident marchent côte à côte

avec des vitesses différentes, et ce sont trois lignes d'ex-

tinction. Si une plaque d'un de ces cristaux contient une de

ces en la plaçant entre deux tourmalines croisées,


lignes,
on voit qu'elle rétablit la lumière en général, excepté
86 PROPRIÉTÉS OPTIQUES.

lorsque son axe d'élasticité optique est parallèle à l'une

des tourmalines. Sur une plaque d'une orientation quel-

conque ces axes se projettent suivant deux directions

rectangulaires entre elles qui laissent persister l'obscu-


rité de la région où les tourmalines se croisent.
Cristaux — Ils trois axes
orthorhombiques. possèdent
rectangulaires par rapport auxquels les facettes cristal-
lines sont orientées avec une trois
symétrie spéciale ; ces
lignes sont les axes d'élasticité ou d'extinction.
optique
Taillons trois plaques perpendiculaires chacune à un de ces
trois axes et contenant, par chacune les deux
conséquent,
autres axes (fig. 123). Mettons-les
l'une après l'autre entre deux tour-
malines en croix, ou mieux sur le

porte-objet du microscope d'Amici,


en amenant le nicol supérieur à la

position d'obscurité; l'une d'entre

elles au moins montrera toujours les phénomènes suivants :

les deux axes d'élasticité optique que renferme le plan


de la plaque étant, l'un

parallèle, l'autre perpen-


diculaire à l'axe de la
tourmaline placée près
de l'oeil, ou à la section

principale du nicol, on
observe parallèlement à
ces axes deux lignes
noires, bb', ce', une de
ces lignes, ce', sert de diamètre à des courbes analogues
à celles qu'on appelle lemniscates. Les
(fig. 124). lignes
noires bb', ce divisent l'ensemble de la en
figure quatre
quadrants, entièrement symétriques.
LUMIERE POLARISEE. 87

Examinons, par exemple, les anneaux les plus inté-


rieurs rb. Ils sont très symétriques par rapport à bb' et
à ce', non seulement au point de vue de leur forme, mais
encore à celui des couleurs qui les composent; par exem-

ple, les deux couleurs rouges en r et r', les deux violettes


en v, v', sont très symétriques par rapport à bb'. La posi-
tion des couleurs, rouge et bleue ou violette, par rapport
au point de croisement des lignes noires, ou centre de la

figure, n'est pas la mpme pour toutes les espèces minéra-

les à deux axes optiques. Dans le Péridot, le rouge est

plus près, le bleu plus loin du centre, comme sur la figure.


Dans la topaze, le bleu est en dedans, le rouge en dehors.

Dans ce cas, l'angle des axes optiques (voir page suivante,

ligne 14) est plus grand pour le rouge que pour le bleu.

On écrit r >> v. Dans le premier cas, on écrit r <iv.

Si l'on tourne la plaque cristalline de 45° sur le porte-

on voit la figure se modifier considérablement. En


objet,
effet la ligne ce' qui passait par
les centres ou foyers de cha-

que courbe a tourné de 45°,

comme l'indiquent les cou-

leurs r, r', v, v', qui subsistent,

mais qui ont changé de dis-

tances par rapport au centre

de la figure ; les couleurs v et

v' sont ici plus rapprochées;


les r et r', plus éloignées. Les

deux noires occupaient les positions a et d, b


lignes qui
et b', ont disparu ; mais les foyers des courbes sont les

sommets de branches d'hyperbole hh', hh', qui sont

bordées en dedans par du violet ou du bleu, en dehors

du Les courbes, d'ailleurs, sont toujours ana-


par rouge.
88 PROPRIÉTÉS OPTIQUES.

aux et irisées, quand on éclaire l'in-


logues précédentes
strument avec de la lumière blanche, telle que celle du

jour.
les des courbes au centre du cristal,
Joignons foyers

par des droites ow, ow' (fig. 126),

on voit que ces lignes jouent cha-

cune, par rapport à un des systèmes


des anneaux ovales, le même rôle

que l'axe optique par rapport aux

anneaux circulaires irisés dans les

systèmes quadratique et hexagonal.


Nous avons • ces derniers
appelé
cristaux à un axe.

Par analogie, nous appellerons axes optiques proprement

dits, les ow, ow', et nous dirons que les cristaux du


lignes

orthorhombique sont à deux axes, quand on les


système
considère à ce point de vue. Le plan des deux axes optiques
est un des plans de symétrie du cristal. Les deux axes

font l'un avec l'autre dans ce plan un angle aigu, et un

obtus supplémentaire. Les bissectrices de ces deux


angle

angles Oa et Ob, sont rectangulaires entre elles. La bis-

sectrice de l'angle aigu est appelée bissectrice aiguë. C'est

perpendiculairement à cette ligne Oa que doit être taillée

la plaque pour montrer les anneaux colorés caractéristi-

ques. Quant à l'angle des axes, il varie beaucoup d'une

espèce minérale à une autre.

Les trois axes d'élasticité optique sont la bissectrice de

l'angle aigu ag, celle de l'angle obtus des axes optiques

bf et la ligne perpendiculaire aux deux autres, ligne cd.

Elles sont parallèles aux trois axes cristallographiques.


Nous en avons défini plus haut le caractère.
— On retrouve ces
Système klinorhombique. y lignes,
LUMIÈRE POLARISÉE.' 89

deux axes optiques proprement dits, trois d'élasticité opti-


que. Les trois axes d'élasticité optique sont : l'un paral-
lèle à la diagonale horizontale ee (fig. 65, p. 39), les deux
autres dans le plan de symétrie aoao, perpendiculaire à
cette ligne. Ces deux derniers, bb', ce' (fig. 127), sont per-
pendiculaires l'un à l'autre en même temps
qu'à la droite ee'; mais ils occupent, dans
le plan de symétrie, des positions que rien

n'indique à l'avance. Aussi, le plus souvent


font-ils avec les arêtes verticales oa, a, du

prisme, des angles plus ou moins consi-

dérables, tandis que, dans le système or-

thorhombique, ils étaient parallèles à ces

arêtes. C'est là un des meilleurs caractères quJon possède


pour distinguer optiquement une espèce minérale klino-

rhombique d'une orthorhombique. On place sur le porte-

objet d'un microscope polarisant la plaque à examiner.


On dispose le microscope, on tourne son nicol, de façon
à produire l'obscurité ; on interpose la plaque, on la

tourne sur elle-même, jusqu'à ce que l'obscurité soit réta-

blie. A ce moment, la plaque a un de ses axes d'élasticité

optique parallèle à la section principale du nicol. On re-

garde si cette dernière est parallèle ou non à l'arête verti-

cale du prisme qu'on a marquée sur la plaque. Dans les mi-

croscopes modernes, la platine (porte-objet) est divisée en

degrés, qui permettent d'évaluer la rotation. Si, par exem-

on met le diamètre 0°—180° parallèle à la section


ple,

principale du nicol, au moment où l'obscurité est établie,

et qu'ensuite on place dans cette même direction l'arête

verticale d'un prisme, on voit ou non la lumière passer.


Si l'obscurité persiste, on a probablement affaire à un

cristal orthorhombique; sinon, il faut la rétablir en tour-


90 PROPRIÉTÉS OPTIQUES.

nant la platine qui emporte la plaque avec elle; on lit sur

cette platine la division correspondante au diamètre pa-


rallèle à la section principale du nicol; l'angle de rotation

aide souvent à reconnaître une espèce.


Quant aux axes optiques proprement dits, on les trouve

tantôt dans le plan de symétrie, tantôt dans un plan per-

pendiculaire. Ils sont entourés de courbes irisées analo-

gues à celles du système orthorhombique; mais les quatre

quadrants ne sont plus symétriques que deux par deux

par rapport à l'une des lignes bb', ce' de la figure 1201.

La dissymétrie se manifeste par des formes différentes


dans les deux systèmes de courbes, ou par des grandeurs
inégales de leurs anneaux, par des différences dans leur

éclat, dans leurs couleurs à droite et à gauche de l'un

des axes bb', ou ce'.

Nous ne nous étendrons pas davantage sur la recher-


che de la position de ces axes.
— On
Système klinoédrique. y retrouve des lignes opti-
ques analogues; mais la distribution des couleurs y varie
généralement d'un quadrant à l'autre, comme l'ont mon-
tré les observations de M. Des Cloizeaux.
En résumé, les caractères optiques permettent d'éta-
blir les divisions suivantes dans les systèmes cristal-
lins :

I. CRISTAUX ISOTROPES, A RÉFRACTION SIMPLE. — Ils agissent


de la même façon dans tous les sens sur la
possibles
lumière. Ils ont la réfraction simple, et ne modifient pas
la direction des vibrations lumineuses. Ils comprennent
les cristaux du système cubique.
II. CRISTAUX ANISOTROPES, A RÉFRACTION DOUBLE. — Ils
ramènent les vibrations lumineuses à deux directions rec-

tangulaires entre elles, et donnent naissance à deux


LUMIÈRE POLARISÉE. 91

rayons réfractés et polarisés à angle droit. Ils se subdivi-

sent en :

1° Cristaux à un axe — Ceux-ci un axe


optique. possèdent
autour duquel on observe des anneaux irisés traversés par
une croix noire dans la lumière polarisée convergente

(microscope d'Amici), et parallèlement auquel le rayon


réfracté reste simple ; une infinité d'axes d'élasticité op-

tique. Ce groupe comprend le système quadratique et le

système rhomboédrique ou hexagonal.)


2° Cristaux à deux axes — On trouve deux
optiques. y

axes, autour de chacun desquels on observe des anneaux

irisés de forme ovale traversés par une bande noire dans

la lumière polarisée convergente ; trois axes d'élasticité op-

(Systèmes orthorhombique, klinorhom-


tique rectangulaires.

bique, du prisme doublement oblique.

Remarques sur l'emploi de la Lumière polarisée


— delà lumière rend comme
parallèle. L'emploi polarisée
on voit de services pour la détermination des sys-
grands
tèmes cristallins, d'autant mieux qu'il ne faut pas un long
manier un microscope composé, ordi-
apprentissage pour

naire, ou microscope proprement dit, à lumière parallèle,

même est muni de deux niçois. On met la pierre


lorsqu'il
examine sur le porte-objet; au moyen du bouton
qu'on
le constructeur, on élève on l'on abaisse le
indiqué par
de l'instrument, ce que la pierre soit au
corps jusqu'à
c'est-à-dire ce qu'on la voie le plus nette-
foyer, jusqu'à
ment les niçois gênent pour bien
possible.' Quelquefois
mettre au on retire l'un des deux, et on le re-
foyer;
une fois la mise au foyer obtenue ; ou bien l'on
place
introduire le nicol inférieur dans une monture qui
peut
tourne autour d'un axe excentrique, de façon à être éloi-

momentanément du champ de vision, et à être ra-


gnée
92 PROPRIÉTÉS OPTIQUES.

menée ensuite dans l'axe de la lunette. Ou enfin


optique
on tourne un des niçois sur lui-même, sans
simplement
le de ce laisse passer le plus
changer place, jusqu'à qu'il
de lumière Quand on a bien mis au point, on re-
possible.
tire ordinairement la plaque ; on tourne le nicol de nouveau

sur lui-même, jusqu'à ce qu'on obtienne la plus grande

obscurité possible. On remet la plaque; on voit qu'elle ne

diminue pas l'obscurité, si elle est cubique. On peut ainsi

le almandin du rubis oriental, dont il a


distinguer grenat
souvent la couleur et la densité.

Souvent la lumière polarisée colore les lames très min-

ces ; à cause de cela elle est fort utile pour distinguer les

impuretés dans une pierre.


— Un assez nombre.de
Exceptions importantes. grand
substances cubiques , et par conséquent isotropes, se co-

lorent dans la lumière polarisée, ou dissipent l'obscurité

produite par deux niçois en croix; elles présentent même,

comme les substances réfringentes, des directions qui


laissent passer, d'autres qui éteignent la lumière quand
on les tourne sur elles-mêmes entre les niçois. On a ima-

giné plusieurs hypothèses pour expliquer ce fait. Quelle

qu'en soit la cause, il est bon d'en être prévenu. Certains

grenats, par exemple, agissent avec énergie dans ce sens;


l'almandin est inerte. Le diamant agit souvent, tout en

étant quelquefois inactif. Nos observations nous portent


à croire que cette action tient le plus généralement à

des matières étrangères incluses, qui exercent une ten-

sion intérieure sur les lamelles composantes des cristaux,


et qui leur donnent accidentellement les propriétés biré-

fringentes. Mais, le plus ordinairement, ce pouvoir de la

pierre est très local; avec de l'habitude, on en


distingue
général facilement cette double réfraction très faible , ou
COULEUR DES PIERRES. 93

locale, produite par des mélanges, par des tensions inté-


rieures , par la trempe, ou même par des en
pressions,
dernière analyse par un dérangement intérieur, de la
double réfraction ordinairement beaucoup plus énergi-
que, dont les pierres biréfringentes par leur essence même
sont douées dans leur masse tout entière. Heureusement,
les pierres précieuses isotropes n'agissent que acci-
par
dent, à la manière des substances biréfringentes.

§ 3. — Polarisation rotatoire.

On appelle ainsi une action particulière que certaines


substances exercent sur la lumière polarisée. Le cristal de

roche, qui appartient au système hexagonal, lorsqu'il est


traversé par des rayons parallèles à son axe, change
la direction de leurs vibrations. L'angle dont ces vibra-
tions tournent dans le plan perpendiculaire à l'axe, varie
avec la couleur, et il est proportionnel à l'épaisseur de

quartz traversée. Le résultat de cette action, lorsqu'on


observe une plaque de cette substance, taillée perpendi-
culairement à son axe, est de faire disparaître la croix

noire au milieu des anneaux colorés, lorsqu'on se sert de

lumière blanche, et que l'épaisseur de la lame est suffi-

sante. Les cristaux de quartz portent sur leurs angles des

facettes dont l'ensemble mène à des formes dépourvues


de plan de symétrie; ces facettes dissymétriques sont en

relation avec le phénomène dont nous parlons.

§4. — Couleur des Pierres.

En général, les corps ne renvoient pas ou ne laissent


94 PROPRIÉTÉS OPTIQUES.

indistinctement toutes les lumières, des di-


pas passer
verses couleurs.

Couleurs essentielles. — La malachite de


(hydrocarbonate
est verte, et cette couleur lui appartient en propre.
cuivre)
La moindre et surtout lorsqu'elle est pure, est
parcelle,
colorée en vert. Une couleur qui provient ainsi dans un

de la matière même qui le constitue est appelée


corps
couleur propre ou essentielle.

Assez souvent une matière minérale est colorée de

nuances assez différentes, suivant qu'on la regarde en

masse cristalline ou réduite en poussière. Ce sont autant

de caractères différentiels. La pierre d'aimant (fer oxy-

dulé), par exemple, est noire et a une poussière fran-

chement noire aussi. Le fer oligiste (sesquioxyde de fer)


est noir en cristaux ; mais la poussière en est d'un rouge
violacé. La couleur de la poussière s'observe surtout par
réflexion.

On en tient grand compte dans la détermination des

minerais. On a plus rarement à l'observer dans les pierres

précieuses.
Couleurs accidentelles. — La des
plupart pierres pré-
cieuses ne doivent leur couleur qu'à des matières étran-

gères, dont elles sont teintes, pour ainsi dire. On le voit


bien dans le quartz, dont les cristaux quelquefois incolo-
res et transparents (variété dite cristal de roche) sont co-

lorés, tantôt en rouge par du peroxyde de fer [Q. hyacinthe


de Compostelle), ou en jaune par du de fer
sesquioxyde
hydraté [Q. rubigineux) ; en violet par une substance

manganésifère [Q. améthyste); en brun plus ou moins

clair, par des matières charbonneuses [Q. etc.


enfumé),
Ces couleurs sont appelées accidentelles.
Elles sont du plus haut intérêt pour le commerce des
COULEUR DES PIERRES. 95

pierres précieuses, car les noms des pierres y désignent

plutôt leur couleur que leur nature.

Le tableau suivant indique les noms principaux adoptés

pour les différentes couleurs :

Noms des couleurs. Noms des pierres.

Violet. Améthyste.
Bleu. Saphir.
Vert. Émeraude.
Jaune. Topaze.
Rouge orangé. Hyacinthe.
Rouge. Rubis.

On est obligé d'ajouter une épithète à ces noms pour

distinguer les pierres les plus estimées de celles qui ont

une moindre valeur. Celle d'orientale représente, en gé-

néral, les variétés que le corindon fournit à tous ces grou-

pes. Le corindon violet est appelé améthyste orientale; le

jaune, topaze orientale, etc.

Un tableau général à la fin de ce livre fera mieux


plus
et l'importance du caractère de la couleur,
comprendre
et les méprises auxquelles on serait cependant entraîné

si on ne consultait que ce caractère.

Dichroïsme. — Un certain nombre des cristal-


pierres

lisées dans un des systèmes autres que le cubique mon-

trent différentes couleurs qui varient principalement

avec les directions où elles sont vues. La cordiérite ou

d'eau offre un type bien net de pierre dichroïque.


saphir
La d'abord iolithe, a reçu de Cordier
cordiérite, appelée
le nom de dichroïte, parce qu'il y avait observé deux cou-

leurs différentes suivant la direction où il la regardait.

Plus tard on a vu qu'en réalité elle en offre trois, et l'on

a changé le nom de dichroïte en l'honneur du professeur


96 PROPRIÉTÉS OPTIQUES.

du Muséum qui avait découvert ce remarquable phéno-


mène. La cordiérite, comme nous le dirons plus tard,
est un silicate d'alumine, de magnésie et de fer, contenant

souvent un peu d'oxyde manganeux; ses formes cristalli-

nes peuvent être rapportées à un prisme droit à hase rec-

tangle ayant, par conséquent, trois "plans de symétrie

rectangulaires, et trois axes inégaux qui sont aussi per-

pendiculaires l'un sur l'autre.

Certaines variétés paraissent d'un bleu foncé, lorsqu'on


les regarde le long d'un axe ag, d'un blanc jaunâtre, le

long d'un axe bf, et d'un blanc grisâtre, le long de l'axe de

(fig. 123).
On s'explique facilement ce fait. Les trois axes du cris-

tal étant trois axes d'élasticité optique, où la vitesse de

propagation de la lumière atteint ses deux valeurs ex-


trêmes et la valeur intermédiaire, il n'est pas étonnant

que les lumières des différentes couleurs y subissent aussi


des absorptions ou extinctions inégales. La lumière bleue,
par exemple, y passe de préférence aux autres dans la
direction ag.
— Souvent les ne
Loupe dichroscopique. pierres sont pas
taillées dans la direction de ces axes on
d'élasticité; y ob-
serve alors un mélange des différentes couleurs carac-
qui
térisent chacune de ces direc-
tions en particulier. On doit à

Haidinger un instrument qui


permet d'analyser ce mélange

(fig. 128). En interposant en-


tre l'oeil et la pierre un rhomboèdre de S pro-
spath
duit par clivage, et dont on a poli la face tournée vers
l'oeil et la face opposée, on voit deux de la
images
lumière qui traverse la pierre P soumise à l'examen;
COULEUR DES PIERRES. 97

ou plutôt, comme le spath est enchâssé dans un petit


tube de laiton percé à un bout A d'une ouver-
petite
ture carrée, on reçoit, dans l'oeil placé à l'autre bout B,
deux images de l'ouverture A, éclairée par la lumière qui
a traversé le cristal P. Ces deux images sont teintes des
deux couleurs propres à deux axes différents du cristal P.
Elles empiètent en un coin un peu l'une sur l'autre, pour
montrer la couleur qui résulte de leur mélange.
Le spath S est ramené à la forme d'un parallélipipède
rectangle au moyen de deux prismes de verre d'environ 18°.
En L est une petite lentille qui fonctionne comme

loupe. Nous indiquerons, dans le tableau général des cou-

leurs, les variations que cet instrument leur fait subir dans

les principales pierres précieuses.


Irisations. —Parmi les couleurs accidentelles, on range
encore celles qui sont dues à des accidents de texture.

Les belles irisations de Yopale proviennent de jeux de lu-

mière déterminés par des vides capillaires alternes avec

des parties pleines très fines, plus petites que les plus

petits fragments qu'on puisse obtenir en broyant la pierre.

Ce sont des phénomènes du genre de ceux que les physi-


ciens appellent des réseaux, et qu'on observe, lorsqu'on

regarde une vive lumière au travers d'un corps formé de

fibres très peu espacées, tel que le tissu d'un rideau à

mailles fines ou celui de la soie d'un parapluie. Dans

certaines variétés de cristal de roche on observe des fis-

sures assez étendues, qui donnent lieu à des irisations

à celles que les physiciens appellent anneaux


analogues
colorés de Newton. On explique de même les couleurs chan-

du Labrador. Le chatoiement de la va-


geantes feldspath
riété de appelée oeil de cAgMient à ce que la ma-
quartz
tière siliceuse est comme imprégnéej-de.fibres d'asbeste.
--y 7
'<-.\
9^> PROPRIÉTÉS OPTIQUES.

— Éclat.
§ 5.

Les expressions éclat soyeux, nacré, se définissent d'el-

les-mêmes. L'éclat adamantin caractérise le diamant, et se

retrouve au plus haut degré dans le zircon, à un degré


moindre dans le corindon, etc. Il provient du grand pou-
voir réflecteur de ces corps, qui donne à leur éclat quelque
chose de métallique sous certaines incidences. On appelle
éclat vitreux celui du verre, qui ne parvient pas à celui

du diamant. Les différents genres d'éclats des pierres peu-


vent être vifs ou ternes.
PROPRIÉTÉS ' 99
THERMIQUES.

CHAPITRE IV

PROPRIÉTÉS THERMIQUES ET ÉLECTRIQUES

DES CRISTAUX

La lumière n'est pas la seule force de la nature qui puisse


être utilisée pour l'étude des espèces minérales cristalli-

sées. La chaleur donne également lieu dans les masses

cristallines à des observations d'une haute importance.


On voit, par exemple, que dans les cristaux cubiques,
les dimensions varient de la même quantité clans tous les

sens pour la même élévation ou le même abaissement de

température; que dans les cristaux du système quadrati-

que et des systèmes hexagonaux, cette variation est con-

stante aussi dans le plan perpendiculaire à l'axe de prin-

cipale symétrie, mais prend une valeur différente suivant

cet axe, lorsque la température du cristal change du même

nombre de degrés dans toute sa masse ; que dans les cris-

taux du prisme droit à base rhombe, la variation change


d'une direction à une autre ; mais que l'arête verticale du

et les deux diagonales de sa base forment trois


prisme
axes, dont deux sont toujours parallèles aux directions de

plus grande et de plus petite variation linéaire ; qu'enfin,


dans les cristaux des deux derniers systèmes, il reste en-

core trois directions rectangulaires où les variations de


' THERMIQUES.
100 PROPRIÉTÉS

la la plus petite valeur


longueur atteignent plus grande,

et une valeur intermédiaire. Le vrai caractère de ces direc-

c'est si on un de leurs points à la source


tions, que, joint
de chaleur, par une ligne droite, le déplacement produit

la dilatation a lieu sur cette droite. Le procédé de


par
constatation est très délicat; aussi les résultats obtenus par

Neumann, et M. Fizeau, tout en étant


Mitscherlich, par
classés les intéressants au point de vue scien-
parmi plus
ont-ils peu d'applications pour la détermination
tifique,

pratique des espèces minérales.

La recherche de la manière dont la chaleur se propage

au travers des masses cristallines peut, dans certains cas,

donner des renseignements utiles même aux praticiens.


En recouvrant de graisse, à la manière de de Senarmont,

une face naturelle ou artificielle d'un cristal (1), en appli-

quant sur cette face (2), une petite sphère, un petit cône

de platine, auxquels sont soudées les deux extrémités

de deux fils du même métal, reliés par leurs deux au-

tres bouts aux conducteurs d'une pile électrique, on

voit, si l'on ferme le courant de la pile, la petite sphère


ou le petit cône de platine s'échauffer, rougir, et faire

fondre la graisse autour d'eux. Lorsqu'on est parvenu


à faire fondre la graisse à une certaine distance autour

du point échauffé, on ouvre le courant; toute action ca-

lorifique cesse; la graisse refroidit, mais sur le contour

de la région où elle avait fondu, elle laisse un bourrelet

(1) i° DE SENARMONT : Mémoires sur la conductibilité des corps


cristallisés pour la chaleur. (Ann. Ch. etPhys., 3e série, tomes XXI,
XXII et XXIII.)
2° JANNETTAZ, Mémoires sur la propagation de la chaleur dans les
corps cristallisés (Ann. Ch. et Ph., 4e série, t. XXIX, p. 5; et Bulletin
Société géologique de France, 3e série, t. 1er et suiv.).
PROPRIÉTÉS THERMIQUES. 101

saillant, même quand elle est figée. Si le bourrelet sail-


lant est circulaire, c'est que la température nécessaire à
la fusion de la graisse est parvenue au bout d'un même

temps à des distances égales de la source de chaleur, et

que toutes les directions de la face conduisent la chaleur

avec la même facilité. Lorsque le contour n'est pas cir-

culaire, il est elliptique; le grand axe de J'ellipse montre

la direction où la chaleur se propagé le plus facilement.

On peut constater ainsi que toutes les directions d'une

masse ayant la symétrie cristalline du cube conduisent

également la chaleur; que toutes celles d'un plan perpen-


diculaire à l'axe principal des cristaux appartenant aux

systèmes quadratique et hexagonal (cristaux à un axe opti-

que) conduisent aussi la chaleur de la même façon; mais

que, suivant l'axe, une température déterminée parvient à

une distance différente de celle qu'elle atteint dans le même

temps sur le plan perpendiculaire. En résumé, la graisse

figée dessine un cercle sur la base des prismes, une ellipse


dans les autres directions. Dans les cristaux des derniers

systèmes, les courbes de fusion de la matière grasse sont,

en des ellipses, dont l'ensemble, si on pouvait le


général,
voir d'un seul coup d'oeil dans le cristal, y formerait une

surface appelée ellipsoïde. Le plus grand et le plus petit


diamètre de cette surface sont parallèles à deux axes cris-

tallographiques des formes qui appartiennent au système

orthorhombique. M. Jannettaz a montré que la chaleur se

propage plus facilement suivant un plan de clivage que

perpendiculairement à ce plan; que, d'une manière géné-

rale, elle se propage le mieux suivant les directions de

plus grande élasticité. (Voy. Mém. cité plus haut.)

Supposons maintenant qu'on hésite sur la nature d'une

pierre rouge. Si par un des procédés indiqués ci-dessus, on


102 PROPRIÉTÉS THERMIQUES.

obtient pour courbe de fusion une ellipse, on est certain

que ce n'est ni un spinelle ni un grenat.


Une propriété qui se rattache à la conductibilité des

corps pour la chaleur est celle de paraître plus ou moins

froids, lorsqu'on les tient à la main. Le cristal de roche

paraît dans ces circonstances plus froid que le verre.

Électricité — L'électricité être


peut invoquée quelque-
fois avec fruit. Nous ne parlerons ici que des faits capa-
bles de fournir des distinctions rapides entre des matières

semblables au premier abord.

Nous avons dit, dans notre chapitre sur les formes des

cristaux, que certains d'entre eux ont des extrémités dis-

semblables, et qu'on a donné à ce phénomène le nom

d'hémiédrie polaire. Ce nom vient précisément des proprié-


tés qu'ils présentent lorsqu'on les chauffe. La tourmaline

en offre le type le plus célèbre. Elle cristallise en prismes


hexagonaux, dont les sommets opposés sont chargés de

facettes différentes. Lorsqu'un de ces cristaux, allongés


d'habitude en forme de baguettes, est abandonné au re-

froidissement, après avoir été porté à une température


un peu élevée, les extrémités en deviennent électriques et
offrent des pôles contraires pendant le refroidissement.

On le constate facilement, soit au moyen d'une aiguille


aimantée, soit au moyen d'un autre cristal de tourmaline,

qu'on laisse aussi refroidir après l'avoir chauffé. On pour-


rait faire une observation analogue pendant que les tour-
malines s'échauffent; il est à noter toutefois que les pôles
qui caractérisent le mouvement de la chaleur pendant
l'élévation et pendant l'abaissement de la température
sont inverses les uns des autres.
La topaze présente un phénomène comme
analogue,
l'a établi définitivement M. Friedel. Bien ces observa-
que
PROPRIÉTÉS ÉLECTRIQUES. 103

tions exigent des moyens de mesure sensibles, on pourrait


dans certains cas en tirer un bon parti.
On appelle pyroélectricité cette propriété que possèdent
certains cristaux de montrer à deux extrémités d'une
même direction passant par le centre, des pôles électri-

ques contraires, lorsque la température de leur masse


vient à changer.

Electricité — Toutes les matières miné-


par frottement.
rales s'électrisent par le frottement. On peut fixer au

bout d'un bâton de résine ou de verre celles qui condui-

sent l'électricité. Comme les pierres conduisent générale-


ment mal, on peut les tenir à la main. En les frottant sur

du drap, on voit qu'elles acquièrent le pouvoir d'attirer

les corps légers. L'ambre en est un exemple célèbre. Pour

constater facilement l'électrisation d'une pierre, on la

présente au moment où on vient de la frotter à un poil de

chat fixé avec de la cire à cacheter sur un bâton de verre.

On a ainsi un petit électroscope aussi simple que sensible.

En frottant légèrement entre les doigts le poil de chat, on

l'électrise négativement. Yient-on à en approcher une

pierre frottée avec du drap, on la voit en général attirer le

poil de chat; on en conclut qu'elle est électrisée positive-

ment, c'est-à-dire que son électricité est de sens contraire

à celle du petit électroscope. Si la pierre repoussait le

poil de chat, elle serait électrisée positivement.


Certaines conservent leur électricité pendant un
pierres
assez Pour mesurer ce temps, on les pose sur
long temps.
une lame placée elle-même sur une table. La
métallique
donne encore des signes d'électricité 32 heures
topaze
a été frottée. Le péridot frotté en étant tenu
après qu'elle
à la main ne donne pas signe d'électricité.
— On aussi utiliser dans certains cas
Magnétisme. peut
104 PROPRIÉTÉS THERMIQUES.

l'action de quelques pierres sur l'aiguille aimantée (fig 125).


Si on suspend à un fil de cocon, sans torsion, une paille
bien droite, et qu'on passe au travers de la paille à une de

ses extrémités deux aiguilles à coudre, ou deux fragments


d'une aiguille à tricoter, après les

avoir aimantées sur un aimant quel-

conque, et en opposant leurs pôles,

puis qu'on place à l'autre extrémité

de l'aiguille un peu de cire molle,


pour que la paille reste en équilibre, on ensuite en
peut
approchant des aiguilles aimantées des grenats almandins,
constater qu'ils exercent une action manifeste sur l'ai-

guille.
DURETÉ DES PIERRES PRÉCIEUSES. 105

CHAPITRE V

DURETÉ

On est porté à rejeter loin de soi ce caractère, quand il

s'agit des pierres précieuses. Mais on ne peut hésiter à n'en


faire usage que pour des pierres taillées; car on n'a pour
l'étudier, ni à casser, ni à détruire.

Une pierre est dite plus dure qu'une autre, lorsqu'elle


la raie, et qu'au contraire elle n'en est pas rayée. Le dia-

ment est plus dur que la topaze. Pour le constater, on

frotte un petite facette d'un diamant avec le sommet d'une

des pyramides qui terminent les cristaux de topaze ; on


voit que ce sommet devient mousse, et, si la face de dia-

mant se couvre d'une petite traînée blanchâtre, en passant

le doigt sur cette poussière laissée par la topaze, on l'en-

lève. Vient-on à frotter au contraire une face d'un cristal

de topaze avec la pointe d'un diamant, celle-ci entre dans

le cristal, et y trace un sillon que le frottement du doigt


ne fait plus disparaître. Il est facile d'effacer ce sillon en

polissant de nouveau la face qui n'a pu résister à cette

épreuve.
Mohs a choisi dix substances cristallisées, qu'il prend
comme termes de comparaison, et dont l'ensemble a reçu

le nom à'échelle des duretés. Voici cette échelle :


106 PIERRES PRÉCIEUSES.

10 Diamant (carbone).
9 Corindon (alumine).
8 Topaze (silicofluate d'alumine).
7 Quartz hyalin ou cristal de roche (acide silicique).

6 Orthose (silicate d'alumine et de potasse).


5 Apatite (phosphate de chaux).
4 Fluorine (fluorure de calcium).
3 Calcaire (carbonate de chaux rhomboédrique).
2 Gypse (sulfate de chaux hydraté).
1 Graphite (carbone).
Le diamant et le graphite en occupent les deux degrés

extrêmes. Ce n'est pas ici le moment de faire ressortir

cette propriété singulière que possède la matière appelée


carbone de se présenter avec des aspects et des caractères

si distincts dans le graphite et dans le diamant. Nous appel-


lerons plutôt l'attention sur ce fait que les degrés de l'é-

chelle précédente ne sont pas proportionnels aux dure-

tés ; ils en indiquent simplement les dégradations succes-

sives.

Les pierres les plus précieuses, celles qui ont été de

tout temps les plus estimées, le diamant, le corindon ou

télésie, dont les variétés s'appellent rubis, saphir, éme-

raude orientale, améthyste orientale, sont les matières les

plus dures qu'on connaisse.

Pour déterminer la dureté d'un corps, on frotte un

point de sa surface avec une partie aiguë, telle que le

sommet d'un angle solide, d'une des matières comprises


dans l'échelle des duretés. Si l'on frotte ainsi la surface
d'un cristal d'émeraude, successivement avec l'une des
substances dont le rang va s'élevant de 2 à 7, on

n'obtient aucune raie ; si l'on prend pour corps frottant


un cristal de topaze, il n'en est plus de même; on voit que
LEUR DURETÉ RELATIVE. 107

la topaze raie nettement l'émeraude. Il faut avoir soin,


comme nous l'avons dit plus haut, de passer le doigt,
même légèrement mouillé , sur la raie, pour ne pas s'ex-

poser à confondre la poussière abandonnée par un corps


frottant avec la raie produite en réalité dans un corps
frotté. L'émeraude est plus dure que le numéro 7 ; elle

l'est moins que le numéro 8 ; on représente cette dureté


intermédiaire entre les deux numéros 7 et 8 par le nu-

méro 7,5. Ordinairement, au lieu d'essayer ainsi tous les


termes de l'échelle, on fait un premier essai avec la pointe
d'un burin, ou avec celle d'un canif. Tout ce qui est rayé

par une pointe d'acier est au plus aussi dur que l'apatite
(n° 5) et ne peut être rangé parmi les pierres précieuses.
Puis on essaye d'une pointe de cristal de roche, du som-

met d'un de ses cristaux; toutes les substances rayées

par le quartz sont des gemmes demi-dures ; à l'exception


de l'opale, elles n'ont qu'une médiocre valeur.

L'emploi de ce caractère rencontre quelquefois des dif-

ficultés. Souvent il arrive que la dureté varie dans une

pierre d'une direction à l'autre. Dans le disthène, ou sap-

pare, elle ne dépasse pas celle de l'apatite sur la face de

clivage facile; elle atteint celle du quartz dans d'autres

directions. Il n'en est pas moins utile de chercher les dif-

férences que présentent au point du vue de la dureté deux

pierres qui se ressembleraient à d'autres égards. Au

d'une simple pointe d'acier, par exemple, on dis-


moyen
immédiatement l'améthyste , variété violette du
tinguera

quartz, d'une variété de fluorine, qui a la même couleur,

et cette même améthyste et celle qu'on nomme améthyste

orientale, se confondent facilement l'une avec l'autre

au abord ; mais la première a pour dureté 7 ;


premier
la seconde, plus précieuse, comme le rappelle l'épi-
108 PIERRES PRÉCIEUSES.

thète orientale, est un corindon; elle a 9 pour dureté.

La dureté peut encore être employée avec beaucoup

d'avantage, quand il s'agit de savoir si une pierre est vrai-

ment fine, ou, pour mieux dire, si elle n'est pas artifi-

cielle, si ce n'est pas un simple morceau de verre, coloré,

puis taillé à facettes. Ces imitations, quelquefois fort ha-

biles, sont, en général,, faciles à rayer, au moins avec le

cristal de roche. (Voyez à la fin du volume les Tableaux

de détermination où la dureté joue un assez grand rôle.)


POIDS SPÉCIFIQUE. 109

CHAPITRE VI

DENSITÉ OU POIDS SPÉCIFIQUE

On appelle poids spécifique d'une pierre le nombre qui


exprime combien de fois le poids d'un certain volume de
cette pierre contient celui d'un égal volume d'eau. Le mot
densité convient plutôt au rapport des masses ou quan-
tités de matière contenues dans la pierre et dans

l'eau, considérées toutes les deux sous le même volume;

mais, comme ces quantités de matière sont précisément


mesurées par leurs poids, le même nombre exprime le

poids spécifique et la densité.

Dans les ouvrages modernes, on emploie en général


l'expression densité.

Détermination des densités. — On cela un


emploie pour
assez grand nombre de procédés. Nous laisserons aux

livres assez étendus pour contenir l'histoire de la science,


la description de ce vieil instrument, appelé aréomètre, qui
fournit des évaluations trop grossières.
1. Méthode — C'est le meilleur
hydrostatique. pro-
cédé. On se une bonne balance, qui n'a pas be-
procure
soin d'être bien grande, mais qui doit être sensible au

On peut donner à la colonne qui sup-


demi-milligramme.
porte le fléau une plus grande hauteur que dans les trébu-
110 PIERRES PRECIEUSES.

chets ordinaires (fig. 130). On remplace l'un des plateaux

par un petit disque plat et mince, A, muni en dessous d'un

crochet. Dans ce crochet on passe la boucle d'un fil de

platine ab, qu'on choisit

aussi fin que possible, et

dont l'extrémité inférieure

est nouée à trois autres

fils du môme métal; ceux-

ci s'attachent à un petit

panier e, formé d'un treillis

de platine ou d'un métal inaltérable et tenace, à mailles très

étroites. On pose sur le disque Ala pierre dont on cherche

la densité. On plonge le panier qui est attaché au crochet

a, dans un verre rempli aux deux tiers d'eau distillée.

Première — Elle consiste à mettre la balance en


opération.

équilibre. Pour y parvenir, on introduit dans le plateau B

des poids ou de la grenaille de plomb , en quantité telle,

que le fléau EF reste horizontal, lorsqu'on le soulève au

moyen du bouton D. On voit que le fléau est horizontal,

lorsque l'extrémité de l'aiguille, perpendiculaire au fléau,


se trouve vis-à-vis du zéro d'un arc divisé IK.

Deuxième — La est retirée du A.


opération. pierre disque
Le fléau penche du côté B, quand on tourne le bouton D.
On met sur le disque A des poids marqués, en quantité
suffisante pour établir de nouveau l'équilibre. Ceux-ci se
trouvent exactement dans les mêmes conditions la
que
pierre qu'ils remplacent, et ils en représentent rigoureu-
sement le poids. Soit lsr048, ce poids.
Troisième — On enlève les
opération. poids du disque
A. La pierre est remise dans la balance, mais cette
fois dans le panier c; elle est par conséquent plongée
dans l'eau. En vertu du principe elle
d'Archimède, perd
POIDS SPÉCIFIQUE. 111

une partie de son poids égale au poids de l'eau déplacée;


le fléau n'est donc plus horizontal; il incline du côté du

plateau B, lorsqu'on tourne le bouton D. On remet sur le

disque les poids marqués nécessaires au nouveau rétablis-


sement de l'équilibre. Ces poids qu'on ajoute, c'est ce que

la pierre a perdu dans l'eau.

Supposons qu'on ait été obligé de mettre sur le

disque 0sr,298 ; c'est le poids de l'eau déplacée, celui d'un

volume d'eau égal à celui de la pierre ; car il est évident

que celle-ci déplace un volume d'eau égal au sien. On n'a

donc plus qu'à diviser ier,05 par 0er,298.

—1,05 = 3,52
0/298

En substituant au panier c un godet de platine, dont il

chasse l'eau en le chauffant à siccité, M. Damour a fait de

ce procédé un des plus exacts qu'on connaisse.

Deuxième Méthode du Flacon. — On aussi


peut

employer le procédé qu'on appelle méthode du flacon.

Le bouchon B d'un flacon de verre est lui-même en

verre, et creux (fig. 131) ; il est soudé à un petit


tube en verre, qui est marqué en t
également
d'un trait. On remplit d'eau le flacon,
petit
on le bouche, en s'arrangeant de façon
puis
l'eau monte jusqu'au point t du bou-
que y
le bien dans l'un des
chon ; on pose essuyé pla-

teaux d'une bonne balance de précision, ne

différant de celle que nous venons de décrire qu'en ce

à droite comme à gauche un plateau propre-


qu'elle porte
ment dit semblable au plateau B.

Première — On met à côté l'un de l'autre,


opération.
dans le de droite, le flacon et le corps dont on
plateau
112 PIERRES PRÉCIEUSES.

cherche la densité. On met le plateau de gauche en équili-

bre au moyen de poids, ou d'une tare quelconque.


Deuxième — On retire le ; on rompt
opération. corps
ainsi l'équilibre ; on le rétablit, en mettant à la place du

corps des poids marqués.


Cette opération est précisément celle que nous avons

appelée la deuxième dans l'expérience précédente. Soit,

comme tout à l'heure, lgr 05, le poids du corps, celui

qu'on ajoute.
Troisième — Le flacon est retiré ; on le débou-
opération.
che ; on y introduit le corps, qui fait sortir un volume

d'eau égal au sien. S'il est sorti trop d'eau, on en remet,


de façon qu'elle reprenne son niveau t dans le tube. Le

flacon essuyé avec un linge chaud est replacé dans le pla-


teau de droite, et l'on y ajoute les poids marqués néces-

saires au nouveau rétablissement de l'équilibre, soit

0er,298, le poids de l'eau déplacée. Comme précédemment,

~— = 3,52,
' ' densité cherchée.
0,298
On peut avoir recours à des appareils moins coûteux,
ou d'un transport plus facile qu'une balance de préci-
sion.

3. Balance de Brard. — L'un des


hydrostatique
bras du fléau porte deux godets superposés fixés à deux

montants. Le godet inférieur plonge dans un verre. Sur


l'autre bras du fléau, qui a la forme d'une règle, sont
inscrites des divisions égales ; on y promène un curseur
mobile :

Première — Le curseur étant en


opération. placé regard
du zéro de la règle, on met dans le verre la quantité d'eau
nécessaire pour obtenir l'horizontalité du fléau, celle-ci
étant indiquée comme toujours par un index , qui doit
POIDS SPÉCIFIQUE. 113

se placer vis-à-vis d'un point de repère fixe. Le godet


inférieur plonge dans l'eau du verre.

Deuxième — On met le dans le


opération. corps godet
supérieur. On le pèse, non plus au moyen de poids, puis-
qu'il n'y a plus de plateau pour les recevoir, mais au

moyen du curseur, qu'on met en mouvement, jusqu'à ce

que le fléau reprenne son horizontalité. On sait, en effet,


que les poids qui agissent à droite et à gauche sur le fléau

pour le maintenir horizontal, sont en raison inverse des


distances de leurs points d'application au point d'appui du
fléau. Les divisions inscrites sur le fléau dispensent de

tout calcul à cet égard. Supposons le curseur amené

devant la division 90. Ce nombre signifie qu'il faut mettre

90 grammes dans le godet supérieur pour faire équilibre


au poids delà règle de gauche augmenté de l'action du cur-

seur, lorsqu'il se trouve devant la division que nous avons

indiquée plus haut.

Troisième — On retire le corps du


opération. godet supé-
rieur. ; on le met dans le godet inférieur; il y déplace de

l'eau; il perd une partie de son poids égale à celui de

l'eau qu'il chasse ; le fléau penche à droite du côté des

divisions ; pour lui rendre son horizontalité, il faut reculer

le curseur vers le point de suspension ; le curseur est

amené, je suppose, devant la division 60; dans ce cas, la

perte de poids subie par le corps, égale au poids de l'eau

déplacée, correspond à la différence entre 90 et 60, c'est-à-

dire à 30 grammes, si ces divisions mesurent des gram-


mes. On a donc 30 grammes pour poids de l'eau déplacée.
Calcul. — Le 90 ; un volume
corps pesait grammes égal
90
—- =
d'eau pèse 30 grammes ; donc, 3, telle est la densité
ôU

dn corps.
114 PIERRES PRECIEUSES.

à de — Une de
3. Balance spirale Jolly. spirale

laiton CD est en face d'une longue baguette AB


suspendue
de verre étamé, consolidée par
un cadre de bois de dimensions

convenables (fig. 132).


Sur le verre sont inscrites des

divisions de longueur égale.


A l'extrémité inférieure du fil de

laiton s'attache un petit appareil

composé de deux petits godets fort

légers, l'un en fer-blanc, E, celui

qui est en dessus, l'autre en verre,

F, celui qui est en dessous. Comme dans les autres procé-


dés, il faut mettre l'appareil en équilibre, et peser le

corps dans l'air et clans l'eau.


Première — Un curseur en bois, le
opération. G, glisse
long de la règle. C'est un support sur lequel on place un

verre ordinaire, un peu haut et cylindrique. On y met

assez d'eau pour qu'elle s'arrête au niveau b du point de

croisement des trois fils qui maintiennent suspendu le

godet inférieur F. On regarde d'une certaine distance la

règle de verre, en se mettant bien en face d'un de


point
repère , un trait au rouge, un anneau de pa-
pier placé en a (fig. 132 et 131). On vise l'image
du point a dans cette règle qui, étant étamée,
fonctionne comme miroir; on lit sur cette même

règle, qui est divisée, la division par où passe le

rayon visuel mené par le repère a et par son

image. Nous serons, par exemple, entre les deux


divisions il et 42, nous inscrirons 41,5.
N. B. — Il est facile de faire affleurer l'eau du verre
exactement en b. On regarde en se baissant la surface de
POIDS SPÉCIFIQUE. 115

Feau ; on voit d'en dessous l'image renversée du godet et


de ses trois fils de suspension ; il suffit d'amener au con-
tact le point de croisement de ces fils et son image.
Deuxième — Nous mettons dans le E
opération. godet
le corps dont nous cherchons la densité. Nous abaisserons
le curseur, jusqu'à ce que l'eau affleure de nouveau en b.
Nous viserons ensuite, comme précédemment, du
l'image
point a, et nous serons par exemple en face de la divi-
sion 160.

Nous retrancherons 41,5 de 160; la différence, 118,5,


mesure le poids du corps en divisions delà règle, qu'il est

inutile d'évaluer en grammes, comme nous allons le voir.

Troisième — Nous retirons le corps du godet


opération. ET
nous le plaçons dans le godet F. Il y perd kune partie de
son poids égal au poids de l'eau qu'il déplace. Nous met-

tons le curseur en mouvement, pour ramener l'affleure-

ment de l'eau en b, où notre petit appareil est remonté.


Nous sommes en regard d'une certaine division qui tombe,

je suppose, entre 113 et 114. Admettons 113,5. La diffé-

rence entre 160 et 113,5 = 46,5, mesure en divi-


toujours
sions de la règle la perte de poids subie par le système,
celle que subit le corps, quand il est plongé dans l'eau.

Ce même nombre 46,5 mesure donc le poids d'un volume

d'eau égal au volume du corps.

Calcul : = 2,55
^l
46,5

On trouve ainsi, sans se servir de balance, ni de poids,


la densité d'une substance. Cet appareil est un peu encom-

brant, et doit être tenu dans un endroit sec ; mais il est

commode à cause de la rapidité de ses indications ; avec


116 PIERRES PRÉCIEUSES.

de l'habitude, on est certain des dixièmes ; dans beaucoup

de cas, c'est une approximation suffisante.

de M. Pisani. — M. Pisani le
5. Balance prend poids

du au moyen d'une bonne petite balance, facile à


corps
tenir à la main ; il mesure le volume de l'eau déplacée par

le' corps en centimètres cubes, et par conséquent son

en grammes, au moyen d'un tube divisé, qui ren-


poids
ferme une quantité d'eau, dont le volume est mesuré par
la division du tube en regard de laquelle se trouve son

niveau supérieur. Le corps étant introduit dans le tube

fait remonter le niveau de Feau. La nouvelle division indi-

que le nombre de centimètres cubes occupés par l'eau

que le corps a repoussée autour de lui. La balance et le

tube gradué se logent ensemble dans une boîte qui permet

d'emporter l'instrument avec soi en voyage.


On doit à M. Thoulet un procédé ingénieux de sépara-
tion de matières inégalement denses ; mais il intéresse

plutôt l'analyse minérale que la mesure même des densités.

Remarques sur Vemploi du caractère de la densité.—Comme

il faut souvent obtenir une densité avec une très grande


approximation, les résultats fournis parles deux premières
méthodes sont les seuls qui puissent faire foi. La pre-
mière est la plus pratique des deux.

La densité est un des meilleurs caractères dont on

puisse faire usage dans la détermination des pierres pré-


cieuses. Il n'exige aucune préparation de la matière qu'on
essaye. Joint à la couleur, il peut rendre d'énormes servi-

ces, comme le montrent les tables insérées à la fin de ce


volume. Il n'est pourtant pas toujours suffisant. Car plu-
sieurs pierres ont la même densité, tout en étant fort
différentes l'une de l'autre. Plusieurs même ont à la fois
la même couleur et la même densité. La blanche
topaze a
POIDS SPÉCIFIQUE. 117

pour densité 3,54. Le diamant a une densité un peu varia-

ble, mais qui atteint quelquefois la valeur précédente.


Il serait difficile aussi de distinguer par leurs densités

le rubis oriental et l'almandine ; mais le rubis a la réfrac-

tion double, et l'almandine la réfraction simple. On voit

qu'il faut avoir recours au plus grand nombre de carac-

tères possibles, les uns venant suppléer a l'insuffisance

des autres, et tous donnant par leur ensemble plus de

sécurité aux déterminations.


118 PIERRES PRÉCIEUSES.

CHAPITRE VII

COMPOSITION CHIMIQUE DES PIERRES

On sait que les corps peuvent être divisés en corps sim-

et en corps Les premiers sont ceux dont on


ples composés.
n'a jamais rien pu extraire qui diffère d'eux-mêmes. Le

diamant, qui ne renferme rien que du carbone, en est un

exemple.
Les corps simples se subdivisent en 1° métalloïdes, qui
sont souvent gazeux ou liquides (oxygène, azote, brome),
souvent d'aspect pierreux (soufre), qui conduisent mal la

chaleur et l'électricité ; 2° métaux, tous solides, excepté le

mercure, qui est liquide, et l'hydrogène qu'on peut regar-


der maintenant comme un métal, et qui est gazeux ; tous

ayant l'éclat métallique, excepté l'hydrogène ; tous con-

duisant assez ou très facilement la chaleur et l'électricité

(argent, or, cuivre, fer, etc.).


Les corps composés se définissent d'eux-mêmes ; on

peut en retirer deux ou plusieurs éléments chimiques


différents.

Lorsque les corps simples s'unissent pour former un

composé, ils le font suivant des proportions définies ,


c'est-à-dire constantes pour le même composé.
La silice, dont les variétés minérales cristal
s'appellent
COMPOSITION CHIMIQUE. 119

déroche, calcédoine, etc., est toujours formée de 14 de sili-


cium pour 16 d'oxygène, en poids. C'est une matière pier-
reuse, insoluble dans l'eau et clans tous les acides excepté
dans l'acide fluorhydrique, fusible mais seulement à la

température élevée d'un mélange d'oxygène et d'hydro-


gène, non volatile, même à cette température. La magné-
sie est composée de 12 de magnésium pour 8 d'oxygène.
La silice et la magnésie diffèrent soit du silicium ou
du magnésium, soit de l'oxygène, aussi bien qu'entre elles

par leurs propriétés. A ce point de vue encore, l'union du

magnésium ou du silicium avec l'oxygène diffère du mé-

lange du magnésium et du silicium, qui peut se faire en

proportions quelconques, et sans que les éléments perdent


aucune de leurs propriétés. Aussi la silice et la magnésie
sont-elles appelées des combinaisons. L'argent, dont tout

le monde connaît l'éclat métallique, la ténacité, la malléa-

bilité, se transforme, quand on l'expose à des vapeurs


contenant du soufre, telles que celle des oeufs pourris, en

une matière noire, le sulfure d'argent, qui renferme ar-

gent 108 et soufre 16.


— On sait chacun des
Équivalents. que corps simples
entre toujours dans une combinaison suivant une propor-
tion constante, s'il n'y en a qu'une, ou suivant des pro-

portions qui sont entre elles dans des rapports simples,


s'il y en a plusieurs. 8 parties d'oxygène s'unissent, par

exemple, à 1 partie d'hydrogène pour former de l'eau ;


à 35,5 de chlore sont associées 8 parties d'oxygène dans

l'acide hypochloreux ; 24, dans l'acide chloreux ; 32, dans

l'acide hypochlorique ; 40, dans l'acide chlorique; enfin,

56, dans l'acide perchlorique. Le chlore et l'hydrogène


forment un composé appelé acide chlorhydrique, où ils

entrent dans la proportion de 35,5 de chlore pour 1 d'hy-


120 PIERRES PRÉCIEUSES.

drogène. Ainsi 35,5 de chlore ou 8 d'oxygène se combinent

à 1 d'hydrogène; on dit qu'ils s'équivalent vis-à-vis de

1 d'hydrogène; de même ils s'équivalent entre eux, puis-

qu'ils se combinent ensemble. On appelle équivalents ces

nombres qui représentent les proportions les plus simples


d'un corps propres à entrer en combinaisons. On est con-

venu de représenter par un symbole unique le nom d'un

corps simple et son équivalent ; ce symbole est ordinaire-

ment la première lettre du nom du corps ; quand il y a

plusieurs corps dont les noms commencent par la même

lettre, à la première on en ajoute une autre. Les excep-


tions ne sont qu'apparentes. Le symbole du potassium
est K; celui du sodium, Na; mais ces lettres sont les pre-
mières des mots kalium et natrium, vieilles dénomina-

tions abandonnées maintenant.

Table des — Elle ne renferme les


Équivalents. que

corps simples qui entrent dans la composition des pierres

précieuses ou passent quelquefois pour telles.

Éléments. Symboles. Équivalents


Aluminium Al 13,75
Baryum Ba 68,5
Bore Bo 11
Calcium Ca 20
Carbone C G
Chlore Cl 35,5
Chrome Cr 26,24
Cobalt Co 29,5
Cuivre Cu 31,7
Fer Fe 28
Fluor FI 19
H '
Hydrogène 1
Magnésium Mg 12 5
Manganèse Mn 27 5
Nickel Ni 29 5
COMPOSITION CHIMIQUE. 121

Éléments. Symboles. Equivalents.


Oxygène 0 8
Potassium K 39,11
Silicium Si 14
Sodium Na -23
Soufre S 16

Gela posé, rien n'est plus facile que de représenter la

composition d'un corps. Celle de l'eau , par exemple ,


s'écrira : HO ; celle de la potasse : KO ; celle de la soude :

NaO , celle de la magnésie : MgO.

De même que H signifie 1 partie d'hydrogène en poids;


0 représente 8 parties d'oxygène ; K, 39,1 de potassium;
Na, 23 de sodium; Mg, 12,5 de magnésium ; de même HO

équivaut en poids à 9 d'eau; KO à 47,1 d'oxyde de po-


tassium ou potasse ; NaO à 31 de soude, oxyde de so-

dium, etc.

TABLE DES ÉQUIVALENTS DES OXYDES

QUI ENTRENT DANS LA COMPOSITION DES PIERRES PRÉCIEUSES

Oxydes. Symboles. Équivalents.


Alumine A1203 51,5
Acide borique BoO 3 35
— carbonique Co 2 22
Chaux CaO 28
Acide chromique CrO 3 50,24
Sesquioxyde de chrome Cr 203 76,48
Cobalt protoxyde CoO 37,5
Cuivre (suboxyde) Cu 20 71,4
— (protoxyde) CuO 39,7
Eau HO 9
Fer (protoxyde) FeO 36
— (sesquioxyde) Fe 203 80
Magnésie MgO 20,5
Manganèse (protoxyde) MnO 35,5
— (sesquioxyde) Mn 203 79
122 PIERRES PRÉCIEUSES.

Oxydes. Symboles. Équivalents.


Nickel (protoxyde) NiO 37,5
Potasse KO 47,11
Silice SiO 2 30
Soude NaO 31
Acide sulfurique SO 3 40

Les oxydes peuvent se combiner les uns aux autres pour


former des composés plus complexes, qu'on nomme sels.

Les oxydes métalliques s'unissent aux oxydes produits

les métalloïdes. La KO et la soude NaO, et


par potasse
du soufre SO 3, forment ensemble un sel
l'oxyde principal
KOSO 3. La et la soude s'unissent de même à plu-
potasse
sieurs oxydes du carbone, entre autres à CIO 5, pour donner

les composés NaO G10% KO CIO 3. La potasse et la soude

ne se combinent pas ensemble, pas plus que les oxydes


3 entre
SO et CIO 5. Il y a donc une différence essentielle

ces deux ordres d'oxydes. D'un autre côté, si on fait pas-


ser le courant d'une pile électrique dans des dissolutions
5 sont solubles
de KO SO 3, NaOSO 3, KOCIO NaOCIO 5, qui
dans l'eau, on voit les sels se décomposer, K, Na, vont au

pôle négatif; S030, C1050, au pôle positif. S03,C10% dissous

dans l'eau, rougissent le papier de tournesol, onlesappelle


des acides. KO, NaO, ramènent au bleu le papier de tour-

nesol rougi par les acides; on les appelle des bases, et l'on

dit qu'un sel est composé d'un acide et d'une base. Les acides

CIO 5, SO 3, ne sont pas les seuls qui s'unissent aux bases

NaO, KO. On connaît des sels KOCIO, KOCIO 3, KOC10\

KOCIO 5, KOCIO 7.

Les notations précédentes sont celles qu'emploient le

plus grand nombre des auteurs. Mais une nouvelle école

chimique réunit tous les équivalents d'oxygène, et les


formules KOCIO, KOCIO 3, KOCIO 4, KOCIO 5, KOCLO 7. de-
COMPOSITION CHIMIQUE. 123

viennent KCIO 2, KCIO 4, KCIO 5, KCIO 6, KCIO 8. Nous ne

pourrions discuter dans ce livre les avantages relatifs des


deux théories. Nous emploierons la manière d'écrire qui
est encore la plus habituelle.
On distingue les acides et les sels par des et
préfixes
des suffixes, comme il suit :

Acide hypo chlor eux CIO Hijpo chlor


ite de potasse KOCIO
— chlor eux CIO 3 Chlor ite de — KOCIO 3
— CIO 4 — KOCIO 4
hypo chlor ique Hypo chlor a te de
— chlor ique CIO 3 Chlor aie de — KOCIO*
— CIO 7 — KOCIO 7
per chlor ique Per chlor aie de

Lorsqu'un corps ne forme qu'un acide avec l'oxygène, le


nom de cet acide est terminé en ique; par exemple, l'acide

silicique. Les combinaisons de cet acide et des bases sont

des silicates. L'acide silicique est capable de se combiner

avec des proportions différentes des mêmes bases.

Ces bases sont appelées oxyde ferreux ou protoxyde


c'est-à-dire premier oxyde de fer, FeO; oxyde ferrique

Fe 203; celui-ci porte aussi le nom de sesquioxyde de fer

(ce qui signifie 1 équivalent 1/2 d'oxygène pour 1 de métal).

On connaît, dans la série du manganèse, un oxyde man-

ganeux MnO, un oxyde manganique Mn 2 O 3. Il y a dans


cette série des acides, et un bioxyde MnO 2; mais nous

n'avons pas à nous en occuper. Il y a deux oxydes de


2 et le
cuivre, le cuivreux ou suboxyde, Cu O, cuivrique,
ou protoxyde, CuO. Ce sont ces oxydes du chrome, du man-

ganèse, du fer, du cuivre, qui jouent un si grand rôle

dans la coloration des pierres. Quant aux bases énergi-

ques, appelées potasse, soude, baryte, chaux, strontiane,

magnésie, ce sont des protoxydes KO, NaO,BaO, CaO,


SrO MgO.
124 PIERRES PRÉCIEUSES.

Enfin, nous avons à mentionner l'oxyde unique formé

par l'aluminium, APO 3. En présence des acides , il joue le

rôle de base ; il donne avec la silice des silicates d'alu-

mine; mais, en présence des bases, il se comporte comme

un acide. Le spinelle est un aluminate de magnésie.

MgO APO 3.

Souvent un acide se combine avec plusieurs proportions


différentes de bases ; mais celles-ci sont en rapport sim-

ple entre elles. 2 équivalents de magnésie et 1 de silice

donnent les 2 Si 1 de et de
péridots (MgO) O 2; magnésie

chaux, associé à 1 de silice, les pyroxènes MgO SiO 2.

Un équivalent de silice et deux équivalents d'une base

protoxyde forment ce qu'on nomme les protosilicates.


2 2
(MgO) SiO 2; (FeO) SiO 2. Dans ces silicates l'acide et la

base contiennent des nombres égaux d'équivalents d'oxy-

gène. Chez d'autres silicates, il y a deux fois plus d'équi-


valents d'oxygène dans l'acide que dans la base MgO SiO 2,
FeO SiO 2, MnO SiO 2. On peut les appeler bisilicates. Il est

souvent avantageux, surtout lorsqu'il s'agit des silicates,


de comparer ainsi les nombres d'équivalents d'oxygènes
contenus dans leurs deux éléments essentiels.

Les combinaisons de silice et d'alumine manifestent

une autre loi de composition. A/ 2 O3 S?'02, telle est la for-

mule du disthène et de l'andalousite ; on y trouve 2 d'oxy-

gène dans la silice et 3 dans l'alumine.

Les silicates sont souvent bien plus complexes que ces

formules ne l'indiquent. Dans un grand nombre on trouve

à la fois des bases protoxydes et des bases sesquioxydes.


Dans le grenat grossulaire de Schischimskaja Gora, il y a,
outre la silice, de l'alumine et de la chaux. Les nombres

d'équivalents d'oxygène sont 6 dans la silice, 3 dans l'alu-

mine, 3 dans la chaux. Dans les deux bases réunies, il y


COMPOSITION CHIMIQUE. 125

en a donc autant que dans l'acide silicique. Le du


type
feldspath orthose, ce serait KO AP O3 6 SiO 2, c'est-à-dire en

équivalents d'oxygène :

KO : AP O3 : 6 SiO 2

1:3: 12

Ici la silice renferme quatre fois plus d'oxygène que les


deux bases réunies. Souvent les formules des silicates se-
raient beaucoup plus complexes que les dernières elles-
mêmes ne le montrent déjà, si on ne parvenait pas à les

simplifier à l'aide d'un principe, qui a été découvert par


Mitscherlich, et qu'on appelle isomorp/iisme.
On trouve dans un grenat noble de Zillerthal, pour 100

parties :

Silice 39,62
Alumine 19,30
Oxyde ferrique 1,5
Oxyde ferreux 33
Oxyde manganeux 0,85
Chaux 3,28
Magnésie 2

Total 99,55

En regardant l'alumine et l'oxyde ferrique comme équi-


valents et complétant ensemble un sesquioxyde M 203,
formé de 3 équivalents d'oxygène, et de 2 équivalents
d'un métal quelconque; en admettant de même que oxyde
ferreux et oxyde manganeux puissent se remplacer pour
donner ensemble un équivalent d'un protoxyde MO, la

formule reste simple, elle devient :

3 SiO 2
3 MO, M 203,
126 PIERRES PRÉCIEUSES.

sera la cette hypothèse est admissi-


Quelle preuve que
ble? Additionnons les d'oxygène contenues
proportions
dans les éléments du grenat noble.

39,62 silice contiennent 18,489 oxygène. Soit 18,489


alumine — 8,994 — )
19,30 _ g m
— 0,2 —
1,5 oxyde ferrique \
33 ferreux — 7,39 — )
oxyde
ox. manganeux — 0,191 — f
0,85 ~
— — i
3,28 chaux 0,937
1 — 0,78 — ]
magnésie

On voit qu'en réunissant les quantités d'oxygène des

bases protoxydes, et celles des bases sesquioxydes, on

obtient des sommes sensiblement égales : 9,194 et 9,298;

et qu'enfin, chacune de ces sommes est, à peu de chose

près, la moitié de l'oxygène de l'acide silicique.


Dans les silicates, l'alumine, APO 3, le sesquioxyde de
2
fer Fe O 3, celui de chrome, Cr 2 O 3, celui de manganèse,

Mn 203, tiennent souvent ainsi la place les uns des autres,


et se substituent l'un à l'autre, équivalents à équivalents ;
il en est de même de beaucoup de protoxydes : potasse

KO; soude, NaO; chaux, CaO, magnésie, MgO; oxyde

ferreux, FeO ; oxyde manganeux MnO, pour ne parler

que des oxydes qu'on rencontre dans les pierres pré-


cieuses.

des — Ce n'est ordinairement au


Analyse pierres. pas

moyen de procédés chimiques qui les détruisent, qu'on


détermine les pierres précieuses. Mais il a fallu les ana-

lyser pour en connaître une première fois la composition;


il est, en outre, tel cas litigieux où la composition chimi-

que seule pourrait faire définitivement foi.

L'ambre est une combinaison de carbone avec l'hy-


COMPOSITION CHIMIQUE. 127

drogène et l'oxygène (voir au chapitre de Y Ambre).


Le saphir et le rubis sont composés d'oxyde d'aluminium,
ou alumine. Les spinelles renferment aussi de l'alumine,
mais combinée à de la magnésie.
Silicates. — Les autres sont de la silice
gemmes ou des
silicates. La silice du cristal de roche, celle du des
jaspe,
agates, ne sont solubles que clans l'acide fiuorhydrique,
dans la potasse caustique fondue au creuset d'argent, et à
une température beaucoup plus élevée, dans les carbonates

alcalins, au creuset de platine, lorsqu'ils ont été très fine-


ment pulvérisés. La silice de l'opale est plus facilement

soluble dans les carbonates alcalins; elle l'est même en

partie dans les dissolutions alcalines bouillantes.

Le calcaire et ses variétés sont formés de carbonate

de chaux; la fluorine, de fluor et de calcium. Nous indi-

querons les caractères chimiques utiles à connaître pour


chaque espèce, dans les divers chapitres de la IIe partie qui
leur seront consacrés.

Le Chalumeau. — Il est un instrument rend de


'qui

grands services pour des essais chimiques rapides, dont

nous ne pouvons donner ici qu'une courte description ;


nous voulons parler du chalumeau. Il consiste en un

tube conique de laiton, ou d'argentan, appelé tuyère,


d'environ 20 centimètres de longueur. Il est muni à l'une

de ses extrémités d'une embouchure en corne [b) de 10 à

12 millimètres de diamètre. A l'autre bout, le tube s'em-

boîte dans un réservoir à air (c). L'air insufflé par la tuyère


sort par un ajutage latéral, dont l'extrémité est coiffé d'une

pointe conique de platine (<?). La pointe de platine est per-


cée d'un orifice de 0,4 millimètres de large.
Pendant l'insufflation, il est bon de tenir solidement les

deux doigts du milieu de la main, le médius et l'index,


128 PIERRES PRÉCIEUSES.

autour du réservoir à air, qui repose sur l'annulaire et le

petit doigt, de façon que le pouce reste libre; la main doit

être fixe et le coude lui offrir un point d'appui. L'on aspire


l'air par le nez, on le comprime entre les muscles tendus

de la bouche, et le palais sert de sou-

pape (fig. 133).


Position de la flamme du chalumeau.—

Si l'on insuffle de l'air dans une flamme au

moyen du chalumeau tenu horizontalement, on

active la combustion, et l'on détermine dans la

flamme des réactions plus énergiques que si cette

flamme était laissée dans des conditions ordi-

naires. En général, on dirige la flamme un peu

obliquement vers le bas.

Flamme réductrice. — Si le cône de platine (e)


ne pénètre que légèrement dans la flamme,
celle-ci est enveloppée à son extrémité par une

langue d'un jaune pâle, éclairante. C'est un peu


en dedans de l'extrémité de cette région que
l'on réduit les corps, c'est-à-dire qu'on fait apparaître sous
leur forme de corps simples les métaux que les matières
minérales renferment, surtout lorsqu'on mêle intimement
à ces matières du carbonate de soude.

Flamme — On enfonce le cône de


oxydante. petit pla-
tine (e) de façon que son extrémité parvienne au bord de
la mèche; le cône bleu intérieur se rétrécit, mais il occupe
à peu près toute la flamme à lui seul; c'est à une petite
distance de son extrémité, mais en dehors, dans la région

peu lumineuse, que la combustion est la plus vive;


là on oxyde les métaux, ce qui est peu utile en général
dans la détermination des pierres précieuses ; mais on fond
les corps qui peuvent être fondus au et ce ca-
chalumeau,
COMPOSITION CHIMIQUE. 129

ractère est d'un grand intérêt. C'est un moyen de recon-

naître, par exemple, les grenats almandins.

Pour plus de détails, nous renverrons le lecteur au Traité

du Chalumeau, Analyses qualitatives et quantitatives, guide

pratique, traduction libre du Traité de Kerl, avec additions,


etc. — 1 vol. in-18 avec Prix : 3 fr. 50.
jésus figures. Paris,
J. ROTHSCHILD, éditeur, 1876.
J 30 PIERRES PRÉCIEUSES.

CHAPITRE VIII

DU GISEMENT DES PIERRES PRÉCIEUSES

Le globe terrestre provient de la condensation et du

refroidissement d'une masse primitivement gazeuse, qui,


en tournant sur elle-même, a pris la forme d'un sphéroïde

aplati vers les pôles et renflé vers Féquateur. Il est com-

posé d'une croûte solide et d'une partie centrale. La partie


centrale ou noyau intérieur n'a pas encore acquis la con-

sistance de son enveloppe.

Lorsqu'on examine cette enveloppe, on s'aperçoit que


les masses nommées roches, dont elle est composée, peu-
vent être divisées en deux grands groupes. Les unes sont
formées d'éléments qui brillent, qui ont des contours ré-

guliers, l'aspect cristallin; elles sont appelées roches cris-


tallines. Les autres sont ternes, analogues à la terre de nos

champs ; on les appelle terreuses ; elles sont ordinaire-


ment superposées en strates, ou couches; dans ce cas
elles sont dites stratifiées; ce sont généralement des argi-
les et des calcaires. On peut y joindre les formés
sables,
le plus souvent de petits grains arrondis.
Parmi les roches cristallines, les plus anciennes sont
celles de refroidissement, produites dès le début la con-
par
GISEMENT. 131

solidation des parties extérieures du globe. Ce sont les

gneiss traversés par les granités.


Les gneiss sont enveloppés de roches plus extérieures,
en partie contemporaines, qui ont souvent conservé quel-
ques traces d'une origine aqueuse; celles-ci, au moment
où elles étaient déposées par les eaux, subissaient encore
l'influence d'une température élevée, celle de l'action chi-

mique de matières minérales, celle d'actions mécaniques,


qui leur ont imprimé, outre leur faciès cristallin, une tex-
ture schisteuse ou feuilletée. Les travaux anciens de Sorby,
les études récentes de M. Daubrée sur la production de la
schistosité par pression dans les matières pâteuses, ne

permettent pas de douter que les roches appelées schistes,


micacés, talqueux, salines, luisants, et les ardoises pro-
prement dites, soient devenues schisteuses, c'est-à-dire
divisées en couches parallèles d'une ténuité plus que mi-

croscopique, souvent séparables, sous l'influence des pres-


sions, des pincements, auxquels la matière qui les formait
dans le principe a été soumise par les mouvements de
l'écorce terrestre. Des expériences également nouvelles
ont montré que les matières rendues schisteuses par des

actions mécaniques et les roches naturellement schisteuses


se comportent exactement de la même façon vis-à-vis de

la chaleur (1). La chaleur s'y propage plus facilement

dans les directions parallèles au plan de schistosité, celui


de séparation facile, que suivant la direction perpendicu-
laire. La schistosité joue ici le même rôle que le clivage
dans les minéraux (voy. plus haut, p. 101). On appelle ces

roches métamorphiques, afin de rappeler les modifications

(1) Voir JANNETTAZ, Bulletin Soc. géol. de France, 3e série, t. I et


suivants, passim.
132 PIERRES PRÉCIEUSES.

ont subies leur formation. Les gneiss, les


qu'elles après
roches cristallines schisteuses, et les granités qui les per-

cent, forment le terrain primitif.


Toutes les roches précédentes sont çà et là traversées

d'autres cristallines, qui ont comblé de gran-


par également
des crevasses de l'écorce produites par ses plissements,

ses mouvements, et qu'on appelle roches éruplives, parce


sont sorties de l'intérieur du globe. Tels sont les
qu'elles

porphyres, et, enfin, les roches volcaniques proprement


dites : laves, basaltes, trachytes, etc.

Autour des roches éruptives on observe souvent des fen-

tes plus ou moins étroites, appelées filons et remplies de

matières minérales.

Ces matières sont de deux sortes; les unes métalliques,


constituant des minerais ; les autres pierreuses, formant

ce qu'on nomme la gangue. Dans les filons d'étain, on

trouve souvent de la topaze ; dans presque tous les filons ,


du cristal de roche, de la topaze, de la fluorine, etc.

Les principaux gisements des pierres précieuses appar-


tiennent : 1° à l'époque des roches métamorphiques, 2° à

celle du diluvium. Le diluvium consiste en grands dépôts


de sable et de cailloux roulés, apportés par les eaux à

l'époque quaternaire dans les vallées qui venaient d'ac-

quérir leur relief définitif. Les matériaux dont se compo-


sent ces dépôts proviennent de la démolition des roches

cristallines, primitives ou métamorphiques ; ils renferment

souvent, triés et concentrés par des lavages naturels, en

certains lieux vraiment favorisés, un plus ou moins grand


nombre des pierres les plus recherchées. L'île de Ceylan
est à ce point de vue en quelque sorte la plus riche con-

trée du monde. Ces masses de sable et de cailloux déposés


en couches parallèles ne sont pourtant pas spéciales à
GISEMENT. 133

cette époque diluvienne. Depuis les premiers temps de


son évolution, jusqu'au jour où il a acquis définitivement
son relief et son faciès actuel, le globe a été recouvert de

dépôts, entraînés de ses cimes élevées vers ses parties


plus basses par les eaux des torrents et des rivières.

On a pu raccorder les unes aux autres les roches ainsi

formées par les océans, les lacs et les fleuves. On a con-

staté, ce qui est évident à priori, qu'à moins de boulever-

sements postérieurs, leur ordre de formation est indiqué

par celui de leur superposition, les plus récentes étant au-

dessus des plus anciennes. Les êtres animés qui ont vécu

pendant qu'elles se déposaient, ont varié de forme d'une

époque à l'autre ; et leurs dépouilles, appelées fossiles,


nous permettent de retrouver la date relative des couches

qui les ont enfouies et conservées. On a pu, par ce moyen,

établir, et la succession d'un nombre infini de dépôts,


et leur synchronisme à la surface de la terre. On a pu

ensuite en partager l'ensemble en plusieurs grands grou-

pes appelés primaires, secondaires, tertiaires, quaternaires,


et comprenant chacun plusieurs divisions, appelées ter-

rains, qui se subdivisent elles-mêmes en étages.


Pour une étude plus détaillée des terrains et des ro-

ches, nous indiquerons au lecteur un traité spécial que

nous avons publié à cet égard il y a très peu d'années (1),


et les traités de géologie de MM. Stanislas Meunier, Con-

tejean, Raulin, etc (2).

— J. ROTHSCHILD, éditeur, J874.


(1) Les Roches, guide pratique.
(2) Géologie technologique par STANISLAS MEUNIER, 1877. — J. ROTH-
SCHILD, éditeur.
134 PIERRES PRÉCIEUSES.

CHAPITRE IX

DE LA TAILLE DES PIERRES PRÉCIEUSES

Les pierres ne réunissent pas souvent les qualités d'éclat

et de dureté, de transparence et d'uniformité dans la co-

loration, qui leur méritent le nom de précieuses. Aussi en

est-il peu qui vaillent la peine d'être travaillées. La pre-


mière opération consiste à leur enlever l'enduit terreux

qui les ternit d'habitude.

Les peuples de l'Orient ont dû de bonne heure graver


sur les pierres. Cet art, nommé la glyptique, paraît avoir
r
été inventé par les Egyptiens.
Les musées et les collections modernes possèdent un

assez grand nombre de pierres taillées, représentant un

scarabée, animal sacré de l'Egypte, et couvertes d'hiéro-

glyphes. Les Éthiopiens gravaient aussi sur pierre. Chez

les Israélites on a toujours cité les douze pierres qui or-

naient le rational du grand-prêtre des Hébreux, et sur

lesquelles étaient inscrits les noms des douze tribus. Les

Babyloniens, les Persans, les Phéniciens, étaient habiles

dans cet art. Comme les Égyptiens, les Étrusques ont taillé

les pierres en forme de scarabées; mais les inscriptions

y sont placées de droite à gauche, et, de plus, elles sont

percées de part en part.


DES DIVERSES TAILLES. 135

Les Grecs, ces inimitables sculpteurs, perfectionnèrent


la glyptique; la plus ancienne pierre qu'on connaisse
comme gravée par eux est une cornaline où l'artiste a re-

présenté la mort d'Othryadès, héros Spartiate du vime siè-


cle avant J.-C. Les collections des musées conservent des
oeuvres de ce genre d'autant plus remarquables que les
anciens n'avaient pas nos connaissances scientifiques, et
ne pouvaient disposer des mêmes moyens que nous. Sans
décrire en détail tous les procédés mis en usage, nous di-
rons que l'artiste s'attache à faire tourner au profit de son

ouvrage les divers accidents de couleur qui se rencon-

trent dans la pierre.


S'il a, par exemple, une onyx dont la première couche

soit brune, la seconde blanche, et la troisième noire, il se

servira de la couche brune pour faire les cheveux et les

draperies ; de la couche blanche, il tirera la figure, et le

tout se détachera sur la couche noire qui formera le fond.

Les Grecs savaient admirablement choisir des matières

dont la couleur était d'accord avec le sujet qu'ils devaient

y figurer ; ils signaient leurs oeuvres, ce qui nous a trans-

mis les noms des Théodore de Samos, des Apollonide, etc.

Les dames usaient avec profusion dans leurs parures de

ces chefs-d'oeuvre si recherchés aujourd'hui. Les belles

pierres où sont gravées des figures romaines sont dues


en grande partie à des artistes grecs, bien que plusieurs
artistes romains aient laissé un nom honorable dans l'his-

toire de la lithoglyptique.

Après avoir longtemps langui pendant le moyen âge,


Fart du camaïeu se ranima au xvi° siècle, sous deux maî-

tres, l'un appela Jean des Cornalines, et l'autre, Do-


qu'on
des Camées. Depuis, un grand nombre d'hom-
minique
mes habiles s'y sont distingués à toutes les époques,
136 PIERRES PRÉCIEUSES.

en Italie, en Allemagne, en France, en Angleterre.


A l'Exposition universelle de 1878, nous avons admiré

les camées de M. Bissinger, aini que les


remarquables

coupes et les vases taillés par M. Gareau.

Pour graver sur pierre, l'artiste fait donner d'abord à la

matière une forme ovale ou ronde. La pierre est appelée

intaille, lorsqu'elle est gravée en creux, camée (autrefois ca-

lorsqu'elle l'est en relief. Un tour à pédale ou à


maïeu)
archet imprime un rapide mouvement de rotation à de pe-
tits forets d'acier continuellement garnis de poudre de

diamant détrempée dans de l'huile d'olive. La pierre est

présentée à ce mordant selon les contours du dessin tracé

à l'avance. On se sert également de tours à reproduire

montés spécialement pour ce genre de gravure. Les outils

principaux sont les bouterolles, terminées par une petite


tête ronde, et les scies, qui ont à leur extrémité la forme

d'une tête de clou tranchante sur les bords ; ils sont d'une

petitesse extrême, et faits de laiton ou de fer non trempé.


L'artiste applique sur l'outil avec la main gauche la pierre
cimentée au moyen d'un mastic au bout d'une petite poi-

gnée de bois, dans la direction convenable, en ayant soin

d'humecter l'outil avec la pâte d'égrisée, contenue dans

une petite spatule qu'il tient avec la main droite.

Les anciens faisaient leur pâte avec de Yèmeri pulvérisé,


ou de la poudre de grès du Levant. Pour polir ils em-

ployaient de la poudre d'os de sèche {ostracité). Aujour-


d'hui on se sert de tripoli.
Les pierres gravées devaient leur valeur beaucoup

plus au travail de l'artiste, au génie déployé dans

son oeuvre, qu'au prix de la matière elle-même. Les

pierres employées pour cela étaient des béryls, des

jaspes, des agates, différentes variétés de cristal de


DES DIVERSES TAILLES. 137

roche, du lapis, rarement le ou le rubis.


saphir
Dans les temps modernes, bien camée d'un
qu'un
beau travail soit encore très estimé, c'est la matière elle-
même qui sert de parure, et le prix de l'une fait celui de
l'autre. La taille ajoute à ce prix, en tant sert à
qu'elle
faire ressortir toutes les qualités de la Cette
pierre. opé-
ration peut être ramenée à un petit nombre de règles.
Formes principales données par la taille, ou tailles prin-
— En il faut conserver
cipales. règle générale, toujours
des rapports déterminés entre l'épaisseur et la largeur
dans les pierres incolores, limpides. A celles qui sont fai-
blement colorées on laisse plus d'épaisseur qu'à celles qui
le sont fortement. L'ouvrier doit en examiner avec soin la

nature, l'éclat, la dureté, la couleur. Il en est qu'on chauffe,


et qu'on trempe dans l'eau froide, surtout celles
parmi
qui sont incolores, pour rendre plus apparents leurs dé-

fauts, et particulièrement leurs fentes intérieures. Le dia-

mant, le corindon, le quartz, la topaze, résistent bien à


cette épreuve. Souvent aussi on porte certaines substances
colorées à une température plus ou moins élevée, pour en

affaiblir la couleur, pour en changer quelquefois complè-


tement la nuance (topaze brûlée, topaze d'Espagne, etc.).
Toutes ces considérations, et d'autres encore, telles que
la quantité de matière perdue dans la taille, le prix de

revient du travail par rapport à celui du bijou, dirigent


le choix qu'on fait des formes.

Ces formes peuvent être ramenées à deux groupes dis-

tincts.

Les tailles à facettes, en brillants, à degrés, en tables, en

roses, et celles qui en dérivent, brillonettes, etc. ; elles sont

caractérisées par des facettes planes.


2° Tailles à surfaces courbes. — Elles varient à l'infini, si
138 PIERRES PRECIEUSES.

l'on tient compte du rayon de courbure, mais elles don-

nent lieu à des formes dont la partie supérieure en dehors

de la monture, plus ou moins convexe, est toujours


courbe.

TAILLES A FACETTES. En brillants. —Le nom de Mazarins

donné aux douze premiers brillants en l'honneur de

l'homme d'État célèbre qui les avait commandés, fixe l'épo-

que où cette taille fut inventée. Elle est réservée aux pier-
res incolores d'un grand prix, et surtout au diamant. Le

Régent en est un type parfait. Il pesait 410 karats avant la

taille; il en pèse 136 3/4. Pour faire un brillant, on com-

mence par donner au cristal, au

moyen du clivage, s'il estclivable,


en le sciant, s'il ne se clive pas,
la forme d'un octaèdre régulier,
ou double pyramide quadrangu-

laire, dont les huit faces sont des

triangles équilatéraux (voyez le

chapitre du Diamant). La base

commune des deux pyramides est un carré, dont le côté

a une longueur double de celle de chaque pyramide. Elle

deviendra la ceinture et montrera toute l'étendue de la

pierre.
On scie l'octaèdre suivant un plan GHIK, également
incliné sur ses faces, parallèle à sa base, de façon à enle-
ver une pyramide AGHIK, dont la hauteur = 4/9 de celle
de la pyramide ABCDE. La face GHIKestlataô/eT(fig. 134).
La pyramide tronquée GHIKBDCE sera la couronne, ou par-
tie supérieure, oudessus. A l'extrémité on enlève
opposée
également une petite pyramide FMNPQ dont la hauteur
= 1/9 de la ou de son ABCDE.
pyramide inférieure, égale
La petite face MNPQ sera la culasse, et la tron-
pyramide
DES DIVERSES TAILLES. 139

quée BDCEMNPQ, la partie inférieure, ou dessous. A la partie

supérieure, les faces de l'octaèdre B, forment les grands

biseaux, ou bazelles (fig. 135) ; on en taille d'autres b sur les

angles inclinés aussi à 45° sur la base, en raccourcissant les

diagonales quiles joignent de 1/20.On les appelle les coins.

Autrefois on formait sur chacun des grands biseaux un

en taillant du côté de la table comme du côté de


losange,
la ceinture des facettes t, e. Celles e, qui bordaient la ta-

étaient dites à étoiles; Celles t, qui bordaient la


ble, facettes

ceinture, de traverse. Des petites facettes c,c...c,


facettes

appelait clôtures, achevaient de


qu'on
donner aux faces à étoile ou de tra-

verse une forme triangulaire, aux bi-

seaux celle de losanges. Les facettes

de traverse et de clôture étaient éga-


lement appelées demi-facettes.

Depuis près d'un siècle on donne

aux biseaux et aux coins la même forme et la


grands
même de façon le dessus a la forme d'une
étendue, que
étoile à huit divisions (fig. 135 bis).
Pour le on taille, en entamant les arêtes de la
dessous,
des facettes vont des coins de la culasse à
pyramide, qui
ceux de la ceinture On a ainsi en dessous les qua-
(fig. 136).
tre faces P, les quatre faces
primitives appelées pavillons,
140 PIERRES PRÉCIEUSES.

alternes nommés coins, p. Ces facettes, alternativement plus


et plus étroites, sont réunies près de la ceinture par
larges
seize demi-facettes, huit de la traverse l, et huit de clôture c.

Tel est le brillant recoupé à ceinture carrée.

La hauteur de la partie supérieure est le 1/3, et celle de

la partie inférieure les 2/3 de la hauteur totale du brillant;

le diamètre de la culasse est le 1/5, et celui de la table

les du diamètre de la ceinture. Lorsque la pierre man-


4/9

que un peu d'épaisseur, Caire conseille de raccourcir un

peu le dessous. Il ne faut pourtant pas abuser de cette to-

lérance; car il vaut mieux faire une bonne rose qu'un


mauvais brillant. On donne quelquefois une forme un peu
courbe à la table des pierres colorées. Dans ces dernières

années on a laissé un peu plus de hauteur à la couronne,


afin de perdre moins de matière, sans que la pierre ait

perdu de son éclat.

La ceinture n'a pas toujours ses quatre côtés égaux;


elle est quelquefois simplement rectangulaire; elle ne

doit pas être trop mince, parce que la pierre casserait trop
facilement dans la monture, ni trop épaisse, parce que le

bijou mal serti pourrait être perdu. Le nombre des facet-

tes ne doit pas être trop multiplié, parce qu'elles papillo-


teraient aux yeux.
Dans quelques cas on réduit beaucoup le nombre des

lacettes, et le brillant est dit simple taille; il a dans ce cas


huit facettes en dessus et huit, ou même quatre en des-

sous, sans compter la table ni la culasse.


Taille à étoile. — Inventée Caire utiliser des
par pour
parties de diamants bruts, qu'on n'aurait pu employer
qu'en perdant beaucoup de la matière. Elle présente au
centre une table hexagone, dont le diamètre doit être à
très peu près le quart de la grandeur de la Des six
pierre.
DES DIVERSES TAILLES. 141

côtés de l'hexagone partent autant de faces triangulaires


inclinées vers les bords de la ceinture, sont
qui coupées
par d'autres de façon à former une sorte d'étoile (1).
Taille à — Elle est en
degrés. grand usage pour les

pierres colorées. Elle diffère de la taille en brillants la


par
forme et la disposition de ses facettes, qui sont toutes des

trapèzes parallèles aux côtés de la ceinture (fig. 137), et


s'échelonnant depuis la ceinture jusqu'à la table sur deux

gradins dans la partie supérieure, sur quatre ou cinq jus-


qu'à la culasse dans la partie inférieure (fig. 138). Le nom-
bre des rangées pour cette, dernière est d'autant plus

grand que la couleur est plus faible. La ceinture est un

polygone de quatre, six ou huit côtés (fig. 139 et 140).


Taille à dessus. — Combinaison d'un dessous
facettes
taillé à degrés et d'une couronne en brillant. Elle con-

vient aux pierres colorées (fig. 141). Une variété, appelée

(1) CAIRE, la Science des pierres précieuses appliquée aux arts.


PaTis, 1826.
142 PIERRES PRÉCIEUSES.

taille à dentelle en dessus (fig. 142 et 143), où les facettes du

brillant sont étirées en longueur, est avantageuse aux

pierres allongées ou trop peu épaisses.

Demi-brillants. — Ce sont des brillants n'ont la


qui que
couronne, et qui manquent de dessous.

Taille à table. — Une table entourée d'une ou deux sé-

ries de facettes. Propre aux pierres qui servent de cachet.


Taille à roses. — Une rosette est formée d'une couronne
et d'une culasse; cette dernière est la surface plane qu'on
obtient par le clivage, quand il s'agit du diamant; elle n'a

besoin, dans ce cas, que d'être polie.


La couronne, selon la grandeur et le
fini de la pierre, se compose de six à
trente-deux facettes triangulaires.
Dans celle de Hollande, le dessous est
une base large, plate, enfermée dans
la monture; le dessus présente vingt-
quatre faces (fig. 144) ; six à trois côtés, faces à étoiles e,

qui forment une pyramide hexagonale très surbaissée,


appelée couronne; les bases des six faces de cette pyra-
mide sont celles aussi d'un même nombre de b,
triangles
qui de là vont rejoindre la ceinture, et laissent entre eux
un espace rempli par douze facettes de traverse, t. L'en-
semble des dix-huit facettes b, t, situées au-dessous de
DES DIVERSES TAILLES. 143

la couronne constitue la dentelle. On donne pour condi-


tions d'une rose bien faite, que la hauteur y soit la
moitié exacte, et le diamètre de la

couronne les trois cinquièmes de

celui de la ceinture ou base (fig. 145).


La ceinture est ordinairement

ronde, lorsque la matière se pré-


sente avec la configuration d'un triangle à peu près

régulier, elle devient allongée dans le cas d'une forme

irrégulière. On fabrique des roses généralement avec les

pierres dites nates; ce sont des cristaux aplatis, souvent

composés de deux individus qui sont accolés suivant une

face de l'octaèdre, et dont l'aspect est triangulaire.


La séparation des deux cristaux élémentaires se fait

facilement au moyen du clivage, et l'on en tire deux mor-

ceaux, qui présentent après l'abattage de leurs coins des

formes qu'on n'a plus qu'à facetter pour obtenir deux

roses. On se sert aussi, pour faire des roses, des déchets

que produit le clivage des cristaux qu'on taille en bril-

lants.

Dans les roses de Brabant, la couronne est plate. Ces

roses n'ont que dix-huit, douze ou même six facettes.

Cette fabrication se fait à Anvers. Ces roses sont très min-

ces, mais on n'y emploie que des diamants de qualité in-

férieure.

Parfois la rosette est taillée des deux côtés; elle a deux

couronnes ; on l'appelle rosette double.

On nomme brioletles des diamants taillés en forme de

poires, et généralement percés. Cette taille est principale-


ment usitée aux Indes.

Les sont des brillants ou des roses taillés en


pendeloques
forme de poires.
144 PIERRES PRÉCIEUSES.

On monte généralement les roses à fond. On peut dissi-

muler très souvent les couleurs ou des défauts en intro-

duisant en dessous entre la pierre et la monture des


lamelles de métaux à vif éclat.

La rose exige la monture à fond. Pour les pierres colo-

rées, on use souvent de l'artifice dont nous avons parlé


plus haut pour les roses; mais, ici, on introduit entre la

pierre et la monture des lamelles de métaux colorés éga-


lement, tels que le clinquant, etc.

Formes à surfaces courbes. — On y a recours afin de faire

converger vers l'oeil de l'observateur les feux irisés de

l'opale, l'astérie du corindon, le chatoiement des cymo-


phanes, du quartz, les effets de lumière produits par des
matières qui ne sont qu'à demi transparentes. On donne

également cette forme aux substances opaques estimées

pour la beauté de leurs couleurs. On appelle cabochons les

pierres bombées en dessus. Si le cabochon est plan en

dessous, il est dit simple; s'il est convexe en


également
dessous, il est double. S'il est concave en dessous, c'est un
cabochon chevé ou évidé. On évide le cabochon la
lorsque
matière est trop chargée en couleur, comme le de
grenat
Bohême. Vu la rareté des corindons fins, on les retaille à
facettes aujourd'hui. La courbure varie avec l'effet qu'on
veut produire. Plus forte, elle avive mieux; plus faible,
elle dissémine davantage la qualité veut montrer
qu'on
aux yeux. Les formes surbaissées sont de
appelées gouttes
suif. On taille de cette façon les opales.
Du travail de la taille. — avoir
Ebauchage. Après fait
choix de la forme qui peut rehausser le mieux l'éclat de
la pierre et lui faire renvoyer le plus de lumière possible,
on l'ébauche. On clive la se
pierre, lorsqu'elle prête au
clivage, comme le diamant; si la matière ne s'y prête pas,
DES DIVERSES TAILLES. 145

on la scie ou on l'use. Il faut s'aider pour cela de matières

au moins aussi dures que celle qu'on veut façonner.


La taille du diamant peut servir de modèle à celle des

autres pierres précieuses. Elle sera décrite au chapitre du

Diamant. Pour éviter les répétitions, nous indiquerons


seulement ici ce qui est spécial aux autres pierres.
Le sciage s'exécute au moyen de disques en acier ou

même en tôle. On appuie la pierre contre ce disque en

arrosant celui-ci continuellement avec une pâte formée

d'eau et d'émeri. On use les pierres au moyen de pâtes

analogues, formées de substances dures réduites en pou-


dre : l'égrisée, pour le diamant et les différentes variétés

de corindon, l'émeri pour les autres gemmes. Ces poudres

délayées dans l'huile, et plus souvent dans l'eau, sont éta-

lées à la surface de disques ordinairement métalliques,


animés d'un mouvement rapide de rotation. Cette opéra-
tion produit des facettes planes, mais ternes et mates,

faut polir, pour leur faire rendre les effets de lumière


qu'il
voulus.

Le — Cette nouvelle phase du travail est ana-


polissage.
à la précédente; elle exige aussi des supports ap-
logue
des poudres délayées dans des liquides convena-
propriés,

bles, et capables d'user de la même manière les surfaces;

celles-ci, leur frottement contre les matières dures


pendant
dont les sont enduits, se recouvrent de stries in-
supports

visibles, et deviennent parfaitement lisses et brillantes.

Substances très dures. — On taille le rubis et le saphir


sur des de fonte de fer ou même de laiton, au
disques

poudre de diamant boort; le spinelle et


moyen d'égrisée,
la sur des disques de laiton, au moyen
cymophane,
d'émeri. Le est donné à toutes ces matières sur des
poli
de laiton recouverts de tripoli. La topaze peut être
disques
10
H6 PlERRliS PRÉCIEUSES.

travaillée dans les mêmes conditions; mais la taille se fait

plutôt sur des disques d'étain.

Substances d'une dureté voisine de celle du cristal de roche.


— Pour la c'est encore l'émeri mais on
taille, qui use,

l'applique sur des disques d'étain ou de plomb. Le polis-


sage est obtenu sur des disques d'étain ou de zinc, au

moyen de tripoli ou de potée d'étain (béryl, émeraude,


zircon, tourmaline, quartz et ses variétés, améthyste, aga-
tes, jaspes, grenats). Souvent on use le grenat au moyen
de sa propre poussière et on le polit sur le disque d'étain,
avec du tripoli délayé dans de l'huile de vitriol.

Substances moins dures le cristal de roche. —


que Opale,
pierre de lune, pierre de soleil, turquoise, lapis, obsi-
dienne ou verre des volcans. On les taille aussi sur des

disques d'étain ou de plomb avec de l'émeri; le polissage


a lieu sur des disques d'étain ou de bois dur, au moyen
de tripoli ou de pierre ponce réduite en poudre.
On emploie souvent aussi pour polir la potée d'étain, le
colcothar ou rouge d'Angleterre, dont on enduit des lisiè-

res, du drap, du velours, de la soie, tendus sur des sup-


ports'en bois ou en verre; les substances trop tendres

peuvent même être polies sur la main.

POUDRES A TAILLER, A POLIR

Uégrisée ou poudre de diamant, délayée dans de l'huile.


Wémeri. — L'émeri est une variété de corindon, le corps
le plus dur après le diamant. Quelquefois translucide,
souvent impur et compacte, mêlé de 10 à 50 0/0 d'oxyde
de fer, il forme des bancs d'une grande puissance, à
Naxos, Nicaria et Samos, îles de et de la Tur-
l'Archipel
DES DIVERSES TAILLES. 147

quie d'Asie; à Éphèse, Asie Mineure; à Ghester, dans le

Massachusetts, Amérique du Nord; en Hongrie, en Chine,


etc. On le broie à l'aide de pilons et de mortiers ou de
moulins en acier. La poudre est placée dans un vase et
recouverte de 8 ou 10 pouces d'eau. On la remue violem-

ment, on la laisse déposer pendant «ne heure /on décante,


au moyen d'un siphon, le liquide qui surnage et qu'on fait
couler dans un vase plus large. Ce liquide est encore

trouble, parce qu'il contient en suspension les parcelles


les plus fines d'émeri ; lorsque celles-ci tomberont de nou-

veau, elles fourniront Yémeri d'une heure. On remet de


l'eau dans le premier vase; on agite derechef la masse

qui en occupe le fond; puis on laisse le tout reposer pen-


dant une demi-heure seulement; on décante de nouveau

après ce temps, au moyen d'un siphon, et la nouvelle liqueur

déposera de l'émeri d'une demi-heure, à grains déjà moins

fins que celui que donnait l'intervalle d'une heure entière.


Le premier résidu étendu d'eau une troisième fois, remué

fortement, abandonné à lui-même pendant vingt minutes,


laisse surnager une liqueur qui est décantée à son tour,
et d'où se précipite de l'émeri de 20 minutes. Par des

décantations analogues opérées sur les résidus successifs

après des agitations suivies de repos, dont la durée va di-

minuant de plus en plus, on se procure des émeris de 15,


de 10, de 5, de 3, de 2, de 1 minute, et même d'une demi-

minute. Les derniers sont les plus grossiers, ceux qui ser-

vent à tailler rapidement les matières dont on ne craint

d'arracher des morceaux trop volumineux. Les émeris


pas
de 20 minutes, d'une demi-heure, donnent des surfaces

déjà douces au toucher, prêtes à recevoir le poli.


planes
Souvent l'émeri est falsifié au moyen de poussière de

ou d'autres pierres dures, et, ce qui est plus nui-


grenat,
148 PIERRES PRÉCIEUSES.

sible encore, au moyen de sable et de fer oligiste. C'est

une fraude coupable, qui fait perdre beaucoup de temps


aux lapidaires.
On doit à M. Lawrence Smith un moyen très précis
d'estimer la dureté des émeris. En frottant l'un contre

l'autre des morceaux à faces planes ou rendues planes,


d'émeri en roche, on obtient une certaine quantité de

poussière qu'on pèse. En comparant les poids de poudre


donnés dans le même temps par des surfaces égales des

matières essayées, on mesure exactement leurs duretés

relatives.

Schiste à polir. — Il a pour densité à 2,08. Il


Tripoli. 1,9
est formé de débris de carapaces d'infusoires, de nature

siliceuse, agrégés en masses schisteuses, fragiles. On le


rencontre en couches en Bohême, en Bavière, en Angle-
terre, en France, à Tripoli. A Randan, département du

Puy-de-Dôme, on trouve sous la terre végétale des masses


assez considérables d'une matière de ce genre.
à polir. — C'est du de fer
Bouge sesquioxyde naturel,
contenant souvent un peu d'alumine et de silice; on en

fabrique d'artificiel en calcinant fortement à l'air du sul-


fate de fer, jusqu'à ce qu'on ait chassé l'acide sulfurique
et l'eau. Il se forme dans plusieurs opérations chimiques
industrielles.

Potée d'étain. —
Bioxyde d'étain, qu'on obtient en calci-
nant à l'air de rétain jusqu'à ce qu'il soit devenu presque
blanc. Il ne reste ensuite qu'à le à le laver
pulvériser, par-
décantation pour en retirer les les et
parties plus ténues,
débarrassées du métal qui n'aurait subi
pas l'oxydation.
Les liquides qu'on ces
emploie pour délayer poudres
sont l'eau, l'huile, l'alcool, l'acide
quelquefois sulfurique
(huile de vitriol).
DES DIVERSES TAILL1ÎS. 149

Partie — Les à tailler, à


mécanique. disques polir, sont
vissés sur des axes verticaux mis en mouvement des
par
courroies sans fin; celles-ci, en effet, s'enroulent d'une

part sur une noix traversée par l'axe vertical qui supporte
les disques, et de l'autre sur la gorge d'une roue horizon-
tale emmenée par une manivelle qu'on fait tourner avec
la main, ou au moyen de bielles qui reçoivent leurs mou-
vements de machines Un établi la
quelconques. sépare
manivelle et le disque des pièces destinées à engendrer la
rotation. Pendant qu'il dirige la manivelle avec la main

gauche, s'il n'a pas de machines à sa disposition, l'ouvrier

appuie la pierre, rendue adhérente à un manche de bois


au moyen du ciment de ciseleur, sur le disque enduit
d'une des pâtes que nous avons indiquées plus haut.

Quelquefois il tient la pierre à la main entre le pouce


et les deux doigts qui le suivent. Dans les appareils per-
fectionnés, au contraire, le manche de bois parcourt un

axe vertical divisé en 90°, et peut être incliné sous l'angle

qui convient à la direction où l'on veut tailler la fa-

cette.

Enfin, on a quelquefois aussi à forer une pierre. A Ober-

stein, où se polissent à si bon marché ces jolis bijoux que


la mode rejette un peu trop dédaigneusement aujourd'hui,
les tailleurs d'agate forent ces matières avec un petit
diamant enchâssé dans de l'étain, au bout d'une tige de

fer. Le diamant repose directement sur l'agate, et la tige


de fer bute par son extrémité supérieure contre une pièce
fixée par un bout, de manière à garder à peu près la di-

rection horizontale, mais flexible, de telle façon que l'ou-

vrier la prenant par son extrémité sous le bras gauche,

peut, en l'infléchissant plus ou moins, exercer à son aide

la pression qu'il veut sur la pierre, tout en faisant tourner


150 PIERRES PRECIEUSES.

la tige de fer au moyen d'une sorte d'archet qui s'enroule

autour d'elle.

La taille des agates est exécutée sur une assez grande-


échelle à Oberstein, et mérite d'être au moins indiquée.
Cette petite ville d'Oberstein, si connue par sa vieille in-

dustrie, est située dans l'Oldenbourg, sur le flanc d'une

montagne, et resserrée par la Nàhe, qui coule à ses pieds.

Autrefois, ses environs et en particulier Galgenberg, fouil-

lés au moyen de puits ou même de galeries souterraines,

Figure 1-16. — Polissage des agates à Oberstein.

fournissaient presque toutes les pierres. Aujourd'hui le

sol en est à peu près épuisé ; mais un grand nombre de

pays, jusqu'à l'Uruguay, fournissent à ses ateliers les ma-

tériaux de leur travail. Les eaux de la Nahe en font comme

jadis tourner les meules. Les ouvriers sont littéralement

couchés; ils ont le ventre et l'estomac soutenus par un

siège de forme convenable, et leurs pieds butent contre


deux piquets. Ils maintiennent les agates cimentées au
bout d'un manche contre les meules, tournent devant
qui
eux de haut en bas à une distance et ils
commode, peu-
vent sans trop de fatigue exercer sur la la
pierre pression
indispensable au frottement et à l'usure qui en résulte.
EMPLOIS DIVERS. 151

CHAPITRE X

DE L'EMPLOI DES GEMMES

DANS LES ARTS ET DANS L'INDUSTRIE

Le nombre des industries qui se servent de pierres pré-


cieuses est assez restreint, et, de plus, elles n'en utilisent

guère qu'une douzaine. Nous ne parlons bien entendu

que des pierres dures; malgré leur prix élevé, les quelques

pierres tendres qui entrent dans le travail et l'ornementa-

tion des bijoux ne peuvent être considérées comme des

pierres précieuses, et nous sortirions du sujet de notre

livre, si nous décrivions leur usage dans l'art décoratif et

l'architecture.

L'UORLOGERIE

C'est vers l'année 1700 que pour la première fois les hor-

logers se servirent des pierres précieuses pour les trous

destinés à recevoir les pivots des derniers mobiles des

chronomètres et des montres.

L'art de les percer pour cet usage est attribué au Gene-

vois Flatio.

On atténue ainsi les inconvénients qu'entraîne l'emploi


152 PIERRES PRÉCIEUSES.

de l'huile; car leur grande dureté permet de leur donner

un poli irréprochable, et les garantit de l'usure produite

par les frottements des pivots d'acier trempé.


Il est hors de cloute que le diamant donnerait les meil-

leurs résultats ; mais, outre sa grande valeur intrinsèque, le

prix élevé du forage le fait rejeter; on ne l'emploie que


comme contre-pivot, parce qu'alors on n'est point obligé
de le percer et qu'on peut se servir de roses de peu de

prix.
On se contente du rubis et parfois du grenat, que quel-
ques fabricants peu scrupuleux remplacent même tout

simplement par du verre de couleur.


Dans les montres, on emploie aussi le rubis, et parfois,
mais rarement, le saphir pour les levées et le doigt de l'é-

chappement à ancre; on a fait aussi des tuiles de cylindres


en rubis, mais la difficulté d'exécution et son prix élevé y
ont fait renoncer; en rubis également on a fait des palettes
d'échappement à verge, genre d'échappement aujourd'hui
abandonné. Mentionnons aussi les pignons en rubis d'un

horloger distingué, M. Ingold; l'usage ne s'en est point


répandu, on comprend pourquoi.
Dans les pendules on fait des levées à
d'échappement
ancre de Graham en saphir, en en cornaline et
agate,
même en silex ; bien entendu c'est la plus dure et la plus
homogène de ces pierres qui doit être préférée.
Dans l'échappement à rouleaux de M. Brocot les levées
qui se composent de deux demi-cylindres sont ordinaire-
ment en acier, mais dans la plupart des dites à
pendules
échappement visible, ces demi-cylindres sont en rubis ou
plus communément en cornaline.
EMPLOIS DIVERS. 153

VITRERIE

Les vitriers se servent, pour couper le verre, de diamants

bruts dont les formes vigoureuses présentent des pointes


très arrêtées, dites pointes naïves.

Ces pointes doivent présenter une surface curviligne,


mais leur tranchant ne doit point être produit artificielle-

ment; il doit provenir d'une cassure naturelle. Les gran-


des seulement servent à couper les glaces ; elles sont très

recherchées.

GRAVURE ET FORAGE

Les emploient pour le tracé de leurs dessins


graveurs
sur fines des diamants nommés pointes. Ces dia-
pierres
mants sortent des déchets du clivage et doivent être natu-

rellement pointus.
On se sert du diamant et particulièrement du diamant

opaque ou carbonado pour le percement des tunnels.

TRÉFILERIE

Les filières d'acier employées dans la tréfilerie des fils

de cuivre et de cuivre argenté et doré, et d'ar-


d'argent,
doré la broderie et la passementerie, s'usent et
gent pour
se déforment avec une telle rapidité, qu'on a dû y substi-

tuer des filières en pierres dures telles que diamants, sa-

rubis, chrysolith.es, etc.


phirs,
On affecte à cet usage des rubis que leurs
généralement
couleurs souillées font rejeter par les lapidaires; mais le
154 PIERRES PRÉCIEUSES.

diamant, à cause de sa dureté, est préférable, puisqu'il ré-

siste presque indéfiniment aux frottements exercés par

l'étirage des fils.

Son prix excessif fait qu'on ne l'emploie que pour don-


ner au fil sa dernière passe ; on obtient ainsi un fil dont la

longueur atteint parfois plusieurs kilomètres, et qui prend


dans toutes ses parties un diamètre uniforme et un poli
brillant comparable au bruni.

Les trous de ces filières, percés et polis selon les procé-


dés ordinaires des lapidaires, sont de forme conique avec

des bords légèrement arrondis pour faciliter l'entrée et la


sortie du fil.

En 1819 un industriel anglais, M. Brokedo, prit à Londres


un brevet pour la fabrication de ces filières.

OUTILS A BRUNIR LES MÉTAUX

Certains outils à brunir les métaux sont en pierres


dures (agate, silex, Nous en à ces dif-
hématite). parlerons
férentes espèces de pierres.
PREMIÈRE SECTION

CHAPITRE PREMIER

HISTOIRE DE LA NOMENCLATURE DES PIERRES

PRÉCIEUSES


§ 1. Chez les Hindous.

On trouve dans la langue sanskrite quelques noms de

pierres précieuses. Le met Vajra y désigne à la fois le


diamant et la foudre.

Le nom de l'émeraude clans cette langue est Mârakata :


« Crichna resplendissait comme une émeraude entre cha-

que couple de pierreries jaunes » (tiré des Amours de

Crichna avec les Gobîs, traduit du sanskrit par M. Hauvette-

Besnault). Crichna est toujours représenté avec le corps


bleu; mais il est vêtu de jaune.

Nilamani est le nom sanskrit du saphir. iW/veut dire

bleu, comme on le voit dans le mot Nilguerries, monta-

gnes Bleues.

Malheureusement, ces mots se trouvent surtout dans

des oeuvres littéraires, sans doute fort anciennes, mais


158 PIERRES PRÉCIEUSES.

remaniées par des écrivains qui, eux, ne datent peut-être


pas de plus de dix siècles.

Un mot sanskrit, Açmagarbha, paraît à M. Littré l'ori-

gine des mots smaragdos et smaragdus.


§ 2. Chez les Hébreux.

VExode, traduction des Septante, chapitre xxvm, décrit


les vêtements que devra porter le grand-prêtre. Au ver-
set 9, Dieu dit à Moïse : « Et tu prendras deux pierres,
deux pierres d'émeraude, et tu y graveras les noms des
fils d'Israël ». Outre ces deux pierres sur les
placées épau-
les du superhuméral ou éphod, Y Exode en nomme encore
douze autres, aux versets 15 et suivants : « Et tu feras le
rational des jugements,
comme le superhumé-
ral, tu le feras d'or,
d'hyacinthe, de pour-
pre, de coccus tordu,
et de lin tordu; tu le
feras carré... et tu feras
entrer dans le tissu
douze pierres sur qua-
tre rangs (fig. 150).
Au premier :
rang
Sardios, Topazion, et

Smaragdos; d.u deuxième


Anthrax, Sappheiros et Japsis; au troisième
Luggourion,
Achates, Amelhuson; au quatrième Chrusolithos, Bèrullos, et
Onuchios.

Sur ces douze étaient


pierres gravés les noms des
HISTOIRE ÉTYMOLOGIQUE. 459

douze tribus d'Israël par ordre d'ancienneté. Dans l'An-

cien Testament, il est enfin souvent parlé du saphir.


On a beaucoup discuté à différentes époques sur la ques-
tion de savoir si ces noms s'appliquaient aux pierres qui
les portaient encore. Flavius Josèphe, dans ses Antiquités

juives, les cite toutes, mais en intervertissant l'ordre des

deux dernières aux trois derniers rangs.


Yoici les noms en hébreu avec leur traduction en fran-

çais , de ces douze pierres, d'après les auteurs d'antiquités

juives, et en particulier d'après Keil, Bibl. archéologie,

1875, p. 179.

Odém Sardoine ou anthrax.

Pidtah Topaze.
Baréket Emeraude.

Nofékh Rubis.

Saphir Saphir.
Iahlom Diamant ou onyx.
Lésom Hyacinthe ou opale.
Sebo Agate.
Aldemu Améthyste.
Tarsis Chrysolithe.
Soham Béryl.

laschcfah Jaspe.

Les deux mots inscrits sur la plaque au-dessus du ca-

Ourim ive loummim, signifient : lumière et perfection,


dre,
c'est-à-dire intégrité.
saint la première pierre était d'un
D'après Épiphane,
de la seconde verte; la troisième était l'éme-
rouge sang,
la de couleur grenade; la cinquième
raude; quatrième
d'un noir; la sixième d'un vert sombre; la sep-
pourpre
160 PIERRES PRÉCIEUSES.

tième, de couleur hvacinthe; la huitième d'un bleu foncé;

la neuvième violette; la dixième d'un jaune d'or; la

onzième d'un vert d'eau; la douzième jaune.


Il n'y a pas à ce sujet d'opinion officielle chez les Juifs.

— les
§ 3. Chez Égyptiens.

Les Égyptiens connurent évidemment de bonne heure un

assez grand nombre de pierres. Au milieu d'un grand nom-

bre d'objets de toilette tirés des tombeaux ou de fouilles

exécutées dans des lieux antiques, on remarque avant tout

le lapis-lazuli et l'albâtre; puis, la cornaline employée en

chaton pour des bagues, des grains d'ambre, d'améthyste,


et surtout des imitations en verre de différentes pierres

précieuses et des fameux vases murrhins. Il est certain

qu'à leur sortie d'Egypte, les Israélites, comme les Égyp-


tiens, connaissaient beaucoup de matières précieuses,
ainsi que l'art de les travailler.

§ 4. — Chez les les les


Grecs, Latins, Arabes,
et pendant le Moyen Age.

L'étude de cette nomenclature est des intéres-


plus
santes, et fait connaître l'origine de la des noms
plupart
qui sont encore usités de nos jours, mais avoir bien
après
souvent passé d'une pierre à une elle nous montre
autre;
que nous appelons lapis-lazuli le de toute l'anti-
saphir
quité, topaze ce que Pline appelait et
chrysolithe, péridot
ce qu'il nommait topaze.
Dans les premiers temps de la on a employé sans
Grèce,
UISTOIRE ÉTYMOLOGIQUE. 161

doute les pierres comme parures ; les épopées d'Homère

les mentionnent plus d'une fois ; mais on n'y trouve ni une

désignation particulière, ni une description de propriétés

spéciales. Homère mentionne en passant un collier d'am-

bre clair, brillant comme le soleil, donné à Pénélope par

Eurymachus, une parure pour les oreilles. Vers le vu 0, siè-

cle avant Jésus-Christ Théodose le Jeune, de Samos, s'il-

lustre comme tailleur-sculpteur de pierres fines; mais il

faut arriver à Théophraste pour trouver un premier clas-

sement général.
Pour faciliter l'intelligence de ce qui va suivre, nous

rapprocherons les unes des autres les pierres de couleurs

voisines.

PIERRES VERTES

1° Les Émeraudes. — : L'émeraude a la


Théophraste
même couleur que l'eau... Elle plaît beaucoup aux yeux.
Elle de masse... C'est dans une île située en face de
a,peu

Carthage qu'on trouve les plus précieuses... On leur at-

tribue la même valeur qu'aux chrysocolles ; car elles ont

la même couleur. Mais les chrysocolles abondent même

dans les mines d'or, et surtout dans celles de cuivre.

L'émeraude est rare; elle paraît naître du jaspe; on en

trouve à qui sont en partie jaspes, en partie


Cypre,
les travailler leur donner de la
émeraudes ; il faut pour

clarté.

Strabon. — Les Hindous promenaient dans les pompes


outre les éléphants ornés d'or et d'argent,
solennelles,
des vases à boire, des coupes, etc., la plupart ornés d'éme-

raudes, de béryls, d'anthrax.

Pline. — Il n'est point de pierre dont l'aspect soit plus


M
162 PIERRES PRÉCIEUSES.

agréable... Aussi avait-on posé en loi qu'on ne les grave-


rait pas...
Les plus belles sont les scythiques (celles de Sibérie?) ;

puis d'autres qui ont le défaut d'être ou obscures (ceeci).


ou massives, traversées par des nuages, ou blanchâtres

sur "certains points : celles de la Bactriane (Turkestan),

qu'on retire des fentes des rochers; celles d'Egypte, qu'on


trouve aux environs de Coptos, ville de la Thébaïde...

celles des mines de cuivre, émeraudes de Cypre... celles

d'Ethiopie, les Attiques, celles de Thorique, celles des


mines de cuivre de Chalcédoine, toujours très petites, sans

valeur, semblables à la queue verte des paons, aux plu-


mes du cou des colombes. Il cite enfin quelques-unes des
émeraudes connues de son temps, celle entre autres dont
était formé le Sérapis, haut de 9 coudées, mais en fai-

sant remarquer qu'il pouvait y avoir là-dedans des pierres


fausses.

Héliodore. —- Dans les il les mines


Ethiopiques, place
d'émeraude d'Egypte aux confins de ce pays et de l'Ethio-

pie, au N.-E. de Syène et de Phila?, près de la mer Rouge.


La couleur verte de l'émeraude n'a été contestée par
personne; bien plus, elle a servi chez tous les de
peuples
terme de comparaison. C'est un des noms de pierres qui
changent le moins avec les différents peuples.
Qu'est-ce que sont devenus ces noms chez les mo-
dernes?

Au temps de Pline, on appelait émeraudes toutes les


pierres d'un beau vert pré. Celles connues de
d'Egypte,
toute l'antiquité, ont gardé leur nom. Les de
scythiques
Pline sont sans doute celles de Sibérie.
Le tanos est-il notre turquoise? sont évidem-
Beaucoup
ment des matières cuprifères (dioptase? chrysocolle),
HISTOIRE ÉTYMOLOGIQUE. 165

comme Théophraste nous en a prévenus. Les pyrites de

cuivre irisées sont encore souvent qualifiées des épithètes

gorge de pigeon, queue de paon. Enfin, un certain nombre

des émeraudes des anciens devaient être des jaspes ou des-

verres colorés.

2° Béryl. — Le bêrullos des des


Grecs, beryllus Latins,,
est bien notre béryl. Pline le décrit fort bien : aux yeux
de beaucoup, les béryls ont la même nature que les éme-

raudes, ou leur ressemblent... Ils viennent presque tous

de l'Inde... Les plus estimés imitent le vert d'une mer

Au dire de quelques-uns, ils ont naturelle-


transparente...
ment leur forme hexaédrique...
Il est que dès les temps anciens on ait si
remarquable
bien l'un de l'autre le béryl et l'émeraude.
rapproché
3° Topaze des Anciens. — Un des écrivains qui ont pris

le d'Orphée et, plus tard, Agatharchide, ont


pseudonyme
dit des sont semblables au verre. Diodore
topazes qu'elles
en outre un reflet d'or étonnant.
ajoute qu'on y remarque
Strabon les décrit comme pierres transparentes, ayant

et l'éclat de l'or. Elles provenaient, suivant le


l'aspect
de l'île infestée de serpents et
grand géographe, Ophiode,

derrière le Immundus, non loin des mines


située golfe
sur la côte d'Ethiopie. Les rois d'Egypte en-
d'émeraude,
une d'hommes destinés les uns à re-
tretenaient troupe
autres à les topazes. Pline attribue
chercher, les garder

aussi à cette pierre une couleur verte ; il nous apprend

n'était habilement contrefaite au moyen


qu'aucune plus
seule les pierres nobles, elle se
du verre, et que, parmi
la lime et user par le frottement.
laisse entamer par
les écrivains ont copié Pline à.
Pendant de longs siècles,

cette observation fort juste dans son


l'envi. Cardan fait
; Tout ce qu'on trouve dans Pline sur la
traité de Subtilitate
16-4 PIERRES PRÉCIEUSES.

est vrai de notre chrysolithe; car ce dernier ne résiste


topaze
à la lime ; il a un certain éclat d'or, mais d'or impur ; il
pas
tire sur le vert, et peut se polir sur la roue d'étain à cause de

son peu de dureté. On l'appelle pirodotus, et les lapidaires


cet adage : c'est avoir trop de pirodot, que d'en avoir
répètent
un (1).
Dès l'an 1200, on appelait peritot une pierre qui se mon-

tait en bague. En 1416, l'inventaire du duc de Berry men-

tionne une pierre appelée peridon.


Si on prend Pline et les anciens au pied de la lettre,

leur topaze est notre péridot, car notre topaze n'a rien de

vert. Plus tard, ce nom a passé à la pierre à laquelle nous

le donnons aujourd'hui. Dès 680 , saint Isidore, évêque de

Séville, disait que cette pierre a la même couleur que le vin

des Gaules, celui qui n'est pas rouge; en 1580, Bernard

Palissy écrivait : le comprens entre les pnerres jaunes les

pierres rares aussi bien que les communes, comme la to-

passe (2).
4° Prase. — dit la Prasitis est une
Théophraste que

pierre de peu de valeur, dont la couleur ressemble ci la rouille

de Vairain. Pline distingue dans le prasius une variété qui

repousse à cause de ses taches sanguinolentes, et place


au-dessus de lui la chrysoprase qui rappelle aussi le suc
du poireau, mais qui tire en même temps sur la couleur
de l'or. Ces définitions s'appliquent aux pierres actuelles
du même nom.

5° Jaspe. — Ce mot est d'origine orientale. En hébreu,


on trouve le mot jaschcfah. Pline donne ce nom à des

(1) CARDAN, de Subtilitate, caput de Lapidibus, 1550.


(2) BERNARD PALISSY, OEuvres réunies par CAP, p. 285, dans le Dis-
tours admiro.ble.
11IST0IRE ÉTYMOLOGIQUE. 165

matières plus ou moins vertes ou d'une


transparentes,
autre couleur, qui sont nos agates.
6° Molochites. — La d'un vert
molochite, plus épais,
plus foncé que l'émeraude, a la couleur de la mauve (mo-
lochè, en grec). On l'appelle aujourd'hui malachite.
7° Callaïs. — on citer la de
Enfin, pourrait callaïs

Pline, pierre d'un vert pâle, très grande, spon-


fragile,
gieuse, pleine d'impuretés, sans valeur. On ne sait trop à

quoi elle correspond. Est-ce à notre turquoise?

PIERRES JAUNES

1° — c'est une
Chrysolithe. D'après Pline, pierre

transparente, dure, qui a l'éclat de l'or. Saint Épiphane y


reconnaît le même éclat. Pline reconnaît dans certains
une teinte verdâtre, et les place dans le groupe des

béryls.
2° Xanthes. — la le
D'après Théophraste, pierre porte
nom de la couleur appelée xanthos (jaune) par les Doriens.

Cette dernière description est trop courte pour être

utile. Les chrysolithes purement jaunes peuvent être la

chrysolithe orientale et la topaze des modernes.

Les variétés de chrysolithes dans lesquelles les anciens

reconnaissaient une teinte verdâtre, représenteraient bien

notre chrysobéryl ou cymophane.


Quant au lyncurion, serait-ce une tourmaline?

PIERRES BLEUES

Nos belles pierres bleues sont : le diamant bleu, exces-

sivement rare; le saphir, qui n'est rayé que par le dia-


166 PIERRES PRÉCIEUSES.

mant, et qui est transparent; le lapis-lazuli, beaucoup

moins et traversé souvent de veines de pyrites


dur, opaque,
d'un d'or. Le mot se retrouve dans toutes les
jaune saphir
et dans celles des peuples de l'Orient.
langues européennes
chez les Grecs, chez les Latins, safir
Sappheiros saphirus
ou chez les Hébreux, et, d'après Abraham Ecchel-
saphir

lensis, safilo en Syrie, safir chez les Arabes.

Pierres bleues de Théophraste : Le SAPHIR et le CYANUS

natif. Le saphir est ponctué en quelque sorte d'étincelles

d'or; il n'est pas très éloigné du cyanus mâle, le plus


noir. Quant au il renferme du chrysocolle. Le
cyanus,
meilleur est l'égyptien... un roi d'Egypte l'a imité au

moyen du verre.

Yoici les pierres bleues de Pline :

Le Diamant de — Il tire sur l'azur, ou cou-


Cypre.
leur aérienne (1).
Les Cyanos, dont le charme est dû à leur couleur

d'azur. Ils viennent de Scythie, de Cypre ou d'Egypte. Quel-

ques-uns renferment une poussière d'or différente de celle

des saphirs.
Les — Dans les c'est sur un fond d'or
Saphirs. saphirs,

que brillent des points à couleur d'azur. Les plus beaux,

qui ont du pourpre dans leur teinte, viennent de la Médie ;


nulle part ils ne sont transparents. Les noeuds cristallins

qu'ils renferment les rendent impropres à la taille. On

regarde comme mâles ceux qui sont de couleur bleue.


Les bleus. — De couleur semblable à l'air en
Jaspes

Perse, c'est l'aérizuse; bleu aux alentours du fleuve Ther-

modoon; en Cappadoce, il est d'un bleu d'azur purpurin,


mais mat... On donne le quatrième à celui
rang qu'on ap-

(1) Couleur du ciel d'Italie, plus bleu que le nôtre.


HISTOIRE ÉTYMOLOGIQUE. 167

pelle borée; il ressemble au ciel d'une matinée d'au-

tomne; il ressemble aussi au sarde; il imite en même

temps les violettes.

La définition vague donnée du saphir par Théophraste


a été un peu étendue par Pline, et copiée par saint Épi-
phane au ive siècle, par Macer ou Marbodus, vers
l'an 1000, et même par Agricola au milieu du xve siècle.

D'après cette définition, le saphir des anciens est sans au-


cun doute notre lapis-lazuli, semblable à un ciel d'azur,
semé d'étoiles d'or. Notre saphir est-il le cyanus de Théo-

phraste, et le diamant à couleur aérienne ou l'un des

jaspes transparents de Pline?

De Laët a émis l'opinion que le saphir des modernes


était l'hyacinthe de saint Épiphane. Pline assignait à

l'hyacinthe une couleur vi&lette, comme à la fleur dont

elle porte le nom. Nous ne pouvons répéter tout ce que


les poètes ont dit de cette fleur, où les uns lisaient la let-

tre T, la première du nom du malheureux fils d'Amyclas

(fàxivGoç), les autres les syllabes AI, AI, qui rappelaient la

métamorphose de ce jeune prince, ou, suivant une autre

légende, l'infortune d'Ajax (Al'aç). Quant'à sa couleur, elle

était rouge pour Virgile etDioscoride; violette pour Pline.

Un contemporain de Pline, Columelle, reconnaissait

qu'outre les rouges, il y en a de blanches et de bleues.

Cette fleur était bleue d'après saint Isidore de Séville. D'un

autre côté, dans la Bible, il est souvent question de l'hya-

cinthe, comme de l'une des couleurs qui ornaient les

vêtements des prêtres israélites. L'historien Josèphe en

fait le symbole de l'air à cause de sa nuance; mais il y a

lieu de croire que le tissu d'hyacinthe était en fils d'or.

La fleur et la matière colorante n'indiquent donc rien de

bien net.
168 PIERRES PRÉCIEUSES.

Revenons à notre pierre. Solin, au milieu du 111e, du

iv° siècle, comme pierre,parmi les choses


peut-être, signalait,
une bleue, et disait à ce propos qu'il y
d'Ethiopie hyacinthe
en a d'un violet lavé. Saint Épiphane divisait les hyacinthes

en thalassites ou marines, roses... rouges.


Notre être bleue de Solin ,
saphir pouvait l'hyacinthe
ou marine de saint Épiphane; mais non pas l'hyacinthe

de Pline.

Le nom de notre chez les orientaux fait


saphir peuples
saint Épiphane faisait de cette pierre
comprendre pourquoi
une hyacinthe (1).
En 1647, un des du Collège de France,
professeurs
Abraham Ecchellensis, a montré que les Arabes donnaient

le nom d'iaeut à tout un de pierres, et qu'ils les


groupe

distinguaient les unes des autres au moyen d'adjectifs

leurs couleurs. Il citait entre autres exemples


désignant
une épigramme du poète Abuphal Zohair : « Yois le nar-

cisse luxuriant dans les prés; ses rameaux sont couverts

de belles fleurs. Au milieu est imprimé Hacut jaune orné

de six anneaux l'entourent » Ben Mansur nous a


qui (2).
transmis les divisions du groupe des
plus complètement

iacut, à très peu près à celui de nos


qui correspondrait
corindons. Ces pierres ne sont rayées que par le diamant

la Elles n'ont d'égal pour l'éclat que le


(et par cornaline?).
laal de Dedaschan : elles sont plus pesantes que les autres.

Quant au laal, on ne sait trop ce que c'était. L'iacut bleu

est donc notre saphir.

(1) DE LAET, de Lnpidilms, chap. VI : de Saphiro, 1647.


(2) ABRAHAM ECCHELLENSIS, traduction latine du livre manuscrit :
De proprietatUnes et virtutibus animalium... ac gemmarum, par HAU-
DARRHAMAN, JEgyptius nsiuntensis, 1647. Ce manuscrit provenait de la
bibliothèque de Mazarin.
HISTOIRE ÉTYMOLOGIQUE. 169

Quel rapport y a-t-il au point de vue philologique en-


tre le mot lacut de l'Orient, et le mot hyacinthos ou hya-
cinthus des Grecs et des Romains ? C'est là une question
d'histoire des races et des langues, dont la solution ne

nous paraît pas encore trouvée, et dont la discussion ne

pourrait pas être abordée dans ce livre.


— de nos dénominations lazu-
Lapis-lazuli. L'origine
lite, lapis-lazuli, pierre d'Azul, est parfaitement établie.

Toutes dérivent du mot arabe lazoud. Les Persans disent

lâzur.

En résumé, il est surprenant que les peuples orientaux,

sans connaître la composition chimique de ces matières,


les aient si bien classées. Ils appelaient saphir, comme les

Grecs et les Romains, la pierre opaque à couleur de lazoud

ou de lâzur.

Ils appelaient iacut bleu notre saphir; mais comment

étaient-ils parvenus à réunir cette pierre aux autres varié-

tés de notre corindon? L'éclat et la dureté sans doute les

avaient heureusement guidés. Cette classification anti-

cipée date probablement de loin; c'est d'elle évidemment

que se sont inspirés Solin et saint Épiphane.

PIERRES VIOLETTES

— de Pline était de cette cou-


Hyacinthe. L'hyacinthe
leur, comme nous venons de le dire, mais d'un violet plus
lavé que celui de l'améthyste. Plusieurs des variétés du

groupe appelé hyacinthe par les autres auteurs anciens

avaient aussi des nuances analogues. Le nom de ce groupe


est resté dans la langue des lapidaires et dans la minéra-

logie. Marbodus disait encore vers le xie siècle : «L'hyacin-


70 PIERRES PRÉCIEUSES.

the comprend trois espèces : les grenati, de couleur rousse,

les citrini, et les veneti de couleur d'azur. Camillus

Lenoardus, en 1509, admet les trois espèces : rouge, bleue,

couleur d'or, en ajoutant que toutes ont quelque chose

de jaune.

Aujourd'hui le nom d'hyacinthe, écrit par quelques-uns

jacinthe, est donné à des pierres d'un rouge orangé.

Améthyste.—L'Améthuston de Théophraste présente la

couleur du vin ou mieux celle du raisin mûr. Cette pierre


doit son nom, d'après Pline, à ce que le foncé de sa nuance

ne va pas jusqu'à reproduire celle du vin. Son feu s'arrête

au violet... La couleur d'une variété s'abaisse à celle de

l'hyacinthe.
Une améthyste de premier rang doit, lorsqu'on la re-

garde d'en dessous, offrir un léger éclat rosé au milieu


d'une couleur pourpre.

Evidemment, les belles améthystes des anciens étaient

plutôt en général des corindons violets, nos améthystes


orientales, que des améthystes proprement dites ou quartz
violets.

PIERRES ROUGES

D'après Théophraste : —Y?Anthrax, engendré de prin-

cipes en quelque sorte contraires au spinus. On en fait


des cachets... Exposé au soleil, il a la couleur du charbon

embrasé; c'est le genre le plus précieux... On l'apporte


de Carthage et de Marseille. Celui des environs de Milet
n'est pas ardent; il est on en trouve
anguleux; d'hexago-
naux; on l'appelle aussi ce est il a
anthrax, qui étonnant;
quelque chose du diamant. Ici on reconnaît l'éclat et la
forme du rubis oriental des modernes.
HISTOIRE ÉTYMOLOGIQUE. 171

Le Sardion. — Il est Le sardion femelle est


transparent.

plus rouge ; le mâle, d'un rouge plus noir.


Le Luncourion est plus jaune et plus pâle. On en fait des
cachets. Il est très solide; il attire, dit-on, l'airain et le

fer; il est léger.


D'après Pline : j— Le Lyncurion, très solide, attire
comme le succin, non seulement des fétus, mais aussi de
la limaille de fer, suivant Dioclès. Il est transparent et a

beaucoup de feu.

Le Carbunculus. —H y a douze genres de Carbunculi. Au

premier rang les escarboucles, ainsi appelées à cause de

leur ressemblance avec la flamme, dont elles ne sentent

pas l'atteinte. Ils comprennent les indiques et les garaman-

tiques ou carchédoniens, dont le nom rappelle l'opulence


de la grande Garthage. On y réunit les oethiopiques et les

alabandiques, nés sur les roches orthosiennes et travaillés

à Alabanda. Dans tous on trouve des mâles, à feu plus vif,


des femelles, dont le feu est plus languissant... Ceux des

Indes, à éclat plus languissant et plus livide, sont appelés


Lithizontes. Ceux de Carthage sont plus petits... Les alaban-

diques sont plus noirs et plus raboteux. Il y en a en Thrace

qui ne ressentent pas les atteintes du feu... Ceux de Trézène

montrent des taches blanches au milieu de leurs couleurs

variées. Il en est de même de ceux de Corinthe, plus pâles


et plus blancs. Au dire de Bocchus, on en importe ici de

Marseille et aussi de Lisbonne. On est souvent trompé par


les matières qui sont placées sous ces pierres et qu'on

aperçoit au travers de leur masse... On contrefait les escar-

boucles à s'y méprendre avec du verre. On reconnaît les

imitations comme toutes les pierres fausses sur la pierre


à rasoir. On les reconnaît aussi à la limaille qu'elles ren-

ferment, à leur poids qui est faible comme dans le verre.


172 PIERRES PRÉCIEUSES.

Anthracilis. — Matières semblables à du charbon. Leur

couleur est aussi celle de la flamme.


— de celui des lam-
J^y chûtes. Son éclat se rapproche

pes. Elle est cependant plus belle; des environs d'Orthosie

et de Carie... la plus estimée vient de l'Inde. C'est un car-

bunculus d'un genre moins relevé. Échauffée par le soleil

ou le contact des doigts, elle attire la paille et les feuilles

de papier.
Chalcédoine. — veinée, semblable à un charbon
Fragile,

qui s'éteint, elle naît chez les Nasamons et en Egypte...


On en fait des vases à boire, comme avec les lychnites.
Toutes ces pierres résistent à la gravure et emportent une

partie de la cire, quand elles servent de cachets.

Sarcla. — La sarde, au contraire, est très utile la


pour
fabrication des cachets. Trouvée d'abord à Sardes... Celles

de l'Inde sont transparentes; il en est de plus grossières


en Arabie... Aucune pierre n'a été plus employée par les

anciens. On dédaigne celles qui ont la couleur du miel,


et plus encore celles qui ont la couleur de la terre cuite.
— Cette dénomination le blanc
Sardonyx. implique
de l'onyx et le rouge de la sarde. Elle imite l'ongle sur la
chair du doigt humain. Le sardonyx est transparent. Il en
est où il n'y a pas trace de rouge (les La
arabiques).
couleur associée au blanc est noire, imitant le bleu...
Dans quelques sardonyx, les couleurs sont en
disposées
cercles.

Pline rappelle, en parlant de a emprunté


l'onyx, qu'elle
son nom à la pierre de Carmanie de
(alabastrite). L'onyx
l'Inde décrit par Zénothème offre bien des celle
couleurs,
du feu, celle de la corne, la couleur noire, qui peuvent
être entourées de cercles blancs comme clans l'oeil...
Macer. — Au Marbodus
moyen âge, ou Macer em-
HISTOIRE ÉTYMOLOGIQUE. 173

ployait déjà vers l'an 1000 le mot de grenat pour désigner


une hyacinthe de couleur rousse.

D'après Cornarius. —Lescarbunculus de Pline, disait


Janus Cornarius en 1540, comprennent : 1° le Carbunculus;

2° le rubis; 3° le Balaustium (1), dont le nom rappelle la res-

semblance de sa couleur avec celles des fleurs de grenade


champêtre, et a donné naissance par corruption au mot

Balasius; -4° le Bubithites, ou spinelle; 5° le grenat.

Garcias ab Horto. — Dans inti-


D'après l'ouvrage
tulé Aromatum et simplicium aliquot medicamentorum apud
Indos nascentium historia, a Garcias ab Horto, Proregis Indix

medico, nous lisons que dans l'Inde les grenats et les hya-
cinthes se vendaient à vil prix, bien qu'on les ait placés
dans le groupe des rubis. Le grenat venait du royaume
de Cambaye et de Balaguate; Y hyacinthe, d'un rouge

orangé, venait de Gananor et de Galicut. Le spinelle est

plus rouge que le rubis, mais il n'a pas la splendeur du

rubis. Le rubis, appelé iacut (rouge) par les Arabes et les

Persans (2), est nommé Manica dans l'Inde. On en trouve

qui sont à moitié rubis, à moitié saphirs, que les Hindous

désignent par le mot Nilacandi. Ce mot a le sens de saphir-


rubis.

Boetius de Boot. — Dans son livre des


D'après
Pierres et Pierreries, l'auteur divise les pierres rouges en

escarboucles et grenats. Les escarboucles vraies, dit-il, bril-

lent la nuit. A la vérité, ni Garcias ab Horto, ni moi, n'en

avons vu, mais ce n'est pas une raison pour qu'il n'en

existe pas. Le rubis vrai a une couleur écarlate, ou d'un

(1) Ce nom de Balauste est, en effet, celui des fleurs rouges du


Punica granatum.
(2) Non pas simplement V Iacut, mais YIacut rouge, comme Ta fait
observer Abraham Ecchellensis, loc. cit.
174 PIERRES PRÉCIEUSES.

rouge carmin, peu de couleur azurée au bout de son feu.

Dans le balais, un peu de bleu se mêle au rouge; le spi-

nelle, plus rouge que le balais, n'a pas la splendeur du vrai

rubis... Les rubaces ou rubicelles se placent entre les spinel-


les et les hyacinthes.
Dans les grenats on distingue les orientaux et les occi-

dentaux. Les orientaux: portent, disait-il, un jour rouge

jaune comme le feu, et semblent avoir la couleur du ver-

millon naturel, ce qui les a fait appeler VERMEILLES par les

Français. Il y en a de trois genres, les uns de la couleur

d'un sang noir, les autres passant aux hyacinthes et devenant

même ce que les Italiens nommaient Iacinta la bella, lors-

qu'à leur rouge se mêle trop de jaune; enfin, ceux où le

rouge est mêlé de la couleur violette de mars, formant le

genre Bubino délia roc ha des joailliers italiens.

Des occidentaux, quelques-uns, de couleur plus délavée,


comme ceux d'Espagne, portent la couleur d'un grain de

grenade, et imitent une flamme brillante. Quelques autres

portent un jour rouge jaune de couleur forte, qu'ils ne

peuvent pas perdre au feu {grenats de Bohème). Us sont

d'un rouge tellement foncé, qu'on est obligé de les creu-


ser et de mettre en dessous une feuille d'argent. Ils se
trouvent auprès de Balnea Teplicentia et de Bilina (Toeplitz
et Bilin). Ils sont semblables à des charbons ardents... En

outre, il y en a qu'on nomme isérins, d'Iser en Silésie;


ceux-ci sont raboteux, rarement d'une transparence par-
faite. Telle est la division établie dans les au temps
grenats
de Boëtius.
Nous n'avons pas suivi clans un les
paragraphe spécial
noms employés au moyen âge, la sont
parce que plupart
ceux des anciens, accompagnés de définitions copiées gé-
néralement dans Pline ; nous avons montré chemin faisant
les progrès, bien peu rapides, se sont
qui accomplis pen-
HISTOIRE ÉTYMOLOGIQUE. 175

dant cette longue période. Il est inutile d'énumérer les

propriétés secrètes que tant d'alchimistes et même de


savants ou plutôt d'érudits attribuaient aux pierres. Il
nous suffira de signaler les sympathies qu'on prétendait
exister entre les pierres, les métaux et les sept planètes.
La turquoise et le plomb étaient consacrés à Saturne; la
cornaline et l'étain à Jupiter; l'émeraude et le fer à Mars;
le diamant ou le saphir et l'or au Soleil ; l'améthyste et le
cuivre à Vénus ; l'aimant et le vif-argent à Mercure ; le
cristal et l'argent à la Lune.


§ 5. Chez les Modernes.

L'histoire de la nomenclature développée dans les para-

graphes précédents montre que les noms des pierres se sont

multipliés au fur et à mesure qu'on a commencé à observer

mieux leurs qualités. Déjà, au temps de Boëtius, on divi-

sait les pierres rouges en rubis et grenats. On distinguait


le spinelle et le rubis balais du rubis proprement dit. Mais

tout ce classement ne reposait que sur des caractères sou-

vent difficiles à saisir.

L'observation des couleurs seules avait amené Pline et

les anciens à confondre sous le nom d'émeraudes ou de

jaspes une foule de pierres vertes qui n'ont rien de com-

mun les unes avec les autres.

Il fallait, pour débrouiller tout ce chaos, la connaissance

des principes scientifiques, dont la découverte


grands
était réservée à la fin du siècle dernier et au commence-

ment du nôtre. Il fallait connaître la composition chimi-

des corps et leurs formes cristallines.


que
Nous ne pouvons plus aujourd'hui, malgré la ressem-
176 PIERRES PRÉCIEUSES.

blance de leurs couleurs, réunir l'émeraude du Pérou, qui

silicate d'alumine et à l'émeraude orien-


est un deglucine,

tale d'alumine, aux chrysocolles,


composée uniquement
renferment de l'alumine et du cuivre, à des
dioptases, qui
ne sont des variétés de silice.
jaspes qui que
On ne non laisser dans un même groupe le
peut plus

rubis où il n'entre de l'alumine et les grenats à


guère que
si ; de même, quelles différences
composition complexe
entre le rubis composé d'alumine, cristallisé en pris-

mes et celui qui est formé d'alumine, de


hexagonaux,
et cristallise en solides à huit faces, dont
magnésie, qui
les faces sont.toutes des équilatéraux! Combien
triangles
de ne pas appeler des rubis? Que
pierres rouges peut-on
en soit appelée rubis, du
faut-il, effet, pour qu'une pierre
moment ce mot représente une couleur? Il suffit
que
même colorant, celui de chrome, ou même
qu'un oxyde
d'autres matières, colorent d'un certain rouge une sub-

stance un aluminate, un silicate, de l'alumine


quelconque,
ou de la silice pures. Il suffit même que ce principe colo-

rant se mêle à la matière en proportions tellement petites,


a beaucoup de peine aie reconnaître, et
que l'analyse
ne peut assurément pas le considérer comme en-
qu'on
trant dans la composition essentielle de la matière. Certes,

des qualités telles que celle de l'éclat ou de la dureté vien-

nent se joindre à la coloration pour distinguer les pierres

rouges les unes des autres, et c'est ce qui a permis aux an-

ciens ces distinctions heureuses que nous avons signalées


dans le chapitre précédent. Mais ce n'est pas suffisant; on

confondrait encore plus d'une fois au moyen de ces seuls

caractères un certain nombre de ces substances. On peut


y ajouter la densité; mais on sera obligé de faire interve-

nir, en outre, dans un grand nombre de cas, les proprié-


HISTOIRE ÉTYMOLOGIQUE. 177

tés physiques. Enfin, il faut quelquefois en arriver à l'ana-

lyse chimique. Tel est l'ordre qu'on suit pour reconnaître

une pierre précieuse.

Si, au lieu de ce problème essentiellement pratique, on

veut connaître la vraie nature et les propriétés essen-


tielles d'une matière minérale, c'est l'ordre inverse qu'il
faut suivre. On en cherche d'abord la composition chimi-

que; mais cela ne suffit pas. Car, deux êtres naturels ne

peuvent être regardés comme appartenant à la même

espèce, qu'à la condition de réaliser le même type, d'être

organisés de même. Il y a plus de différence entre le dis-


thène qui cristallise en prismes doublement obliques, et

l'andalousite, dont les cristaux sont des prismes droits à

base rhombe, malgré l'identité de leur composition chi-

mique, qu'il n'y en a entre les différents Pyroxènes, dont

toutes les propriétés, géométriques, optiques, thermi-

ques , sont semblables, bien que les uns ne contiennent

pas de fer, et que les autres en renferment une forte pro-

portion.
Deux matières minérales sont de la même espèce, lors-

qu'elles ont la même composition chimique et la même

structure, ce qui entraîne l'identité des formes et des pro-

priétés physiques.
C'est à l'étude de ces propriétés essentielles des pierres

que nous allons consacrer la seconde partie. Elle sera sui-

vie de tableaux où nous réunirons de nouveau les pierres


de même couleur pour les distinguer les unes des autres à

la manière moderne, tout en usant du plus petit nombre

possible de caractères, et des plus faciles à observer. Mais

la détermination rapide obtenue par ce tableau ne dispense

pas des notions que nous donnons sur chaque pierre en la

décrivant à sa place.
12
178 . PIERRES PRÉCIEUSES.

CHAPITRE II

LE DIAMANT

§ 1. —Dans l'Inde, les plus belles de ces pierres étaient

réservées à la parure des rois et des idoles; le pillage des

temples et des trésors des souverains accumula dans les

mains des Mogols des quantités si considérables de dia-

mants, perles et pierres de couleurs, queTavernier estimait

à plus de 160,000,000 de francs le plus riche des sept trônes

d'Aureng-Zeyb (1).
La chute rapide du vaste empire des descendants de Ti-

mour-Leng explique la diffusion de toutes ces jolies ma-

tières parmi les peuples occidentaux.

Le diamant est appelé îraa dans l'Inde, Vajra, dans la

langue sanscrite, où ce mot désigne tout ce qui est dur :

» Le coeur des est dur le ». — « Le


grands plus que Vajra

Vajra n'est taillé par aucune pierre, il les coupe toutes. » —

<( Le est coupé par le Vajra. »


Vajra
Les noms que le diamant a reçus dans les langues de

l'Europe viennent d'un mot grec, dérivé lui-même de a

privatif, et Satxàco, je dompte, qu'on rencontre déjà chez

(1) ÏAYERNIER, Voyages des Indes, 1665, livre second, chap. X :


Joyaux du grand mogol Aureng-Zèbe.
LE DIAMANT. 179

Hésiode; mais ce mot A8àp.aç représente pour le poète de

la Théogonie le métal indomptable employé par les dieux

pour la fabrication de leurs armes, pour celle du casque


d'Hercule (Hésiode); des chaînes de Prométhée (Eschyle).

Théophraste s'en est servi le premier pour désigner la

pierre précieuse, qui est encore appelée diamant par les

Français; diamond, par les Anglais, diamant ou demant par


les Allemands; diamante, parles Italiens. Les Arabes l'ap-

pelaient Aimas. Dès le temps de Platon, les Grecs appré-


ciaient cette belle matière. Denys le Périégète lui attribuait

une patrie qui nous paraît fort douteuse. Pline l'Ancien en

a exagéré même les qualités les plus vraies. Il lui prête des

vertus merveilleuses démenties parl'observation, lors même

qu'elles ne l'auraient pas été par le simple bon sens. Il le

divise en plusieurs sortes, parmi lesquelles on reconnaît

avec certitude celle qui constitue le diamant de l'Inde,


sans qu'on puisse dire toutefois à quelle espèce minérale se

rapportent les autres. Prenant au propre le sens du mot

à8à[xac, il affirme crue la dureté de la matière est telle que,

frappée sur une enclume, elle fait voler en éclats l'enclume

et le marteau.

Anselme Boëtius de Boot, tout en combattant la plupart


de ces vieilles erreurs, en adoptait encore un bon nombre ;.
il rappelle au moins les vertus magiques du diamant con-

tre la peste, l'ensorcellement, celle de réconcilier la femme

avec son mari; celle-ci au moins peut s'expliquer. Aujour-


d'hui ces vains préjugés sont tout simplement ridicules ;
mais la connaissance des véritables qualités de cette

pierre n'a fait que lui assurer la première place parmi les

plus parfaites.
COMPOSITION CHIMIQUE. — Au de vue le
point chimique,
diamant n'est composé que d'une seule substance, de
PIERRES PRÉCIEUSES.
180

Il brûle à une haute tem-


carbone. C'est un corps simple.
Boëtius de
en donnant de l'acide carbonique.
pérature
devait avoir de la res-
que sa matière
Boot soupçonnait
de des matières huileuses,
semblance avec celles l'ambre,

de carbone combiné à de l'hydrogène;


qui sont composées
combustible ; mais Boë-
en avait la nature
Newton prévu
à dire : « Que celui que mon opinion
tius était le premier
une meilleure ». Quant à l'opi-
ne satisfera pas en apporte
sur la haute valeur de
de Newton, elle était basée
nion

l'indice de réfraction.
l'Académie del Cimento, à Florence,
Ce fut en 1694 que
Cosmo III, exposa un dia-
sur la demande du grand-duc
miroir ardent, et que les aca-
mant à l'action d'un grand
Averoni et Targiani observèrent qu'il disparais-
démiciens
à peu sans fondre. Plus tard quelques expérimen-
sait peu
à le qu'ils le
tateurs ne réussirent pas brûler, parce
de l'air. C'est ce que Lavoi-
chauffaient à l'abri du contact

montrant le diamant est du


sier en 1776, en que
expliqua
brûlant dans l'oxygène également
carbone pur, puisqu'en
d'acide carbonique, et
il donne lieu à la production
pur,
La obtenue en frottant deux
seulement de ce gaz. poudre
l'autre aussi bien que celle
diamants l'un contre disparaît
lame de au rouge. De
de charbon sur une platine portée
facilement sous l'action du
très éclats se consument
petits
chalumeau.
de Morveau, et plusieurs des
Lavoisier, Gu3^ton Fourcroy
ont étudié la manière dont il
chimistes les plus célèbres,
à une certaine température un
brûle. Sa surface prend
une teinte Si la combustion est
éclat métallique, plombée.

arêtes et les du cristal disparaissent; lors-


dve, les angles
est on sur la matière refroi-
qu'elle interrompue, aperçoit

lie un enduit de tacher le doigt et le papier


noir, capable
LE DIAMANT. 181

blanc. M. Morren a constaté que cet enduit, à faciès cris-

tallin, est entièrement «superficiel. Il est permis d'en con-

clure que le diamant se transforme en une autre variété

de carbone, au moment de brûler. C'est ce que confirme

l'expérience due à M. Jacquelain. Un cristal soumis par


ce savant à une pile de cent éléments Bunsen, est devenu

semblable à du charbon, et sa densité s'est abaissée de

3,336 à 2, 678.

Si le diamant ne contient que du carbone lorsqu'il est

pur, il renferme souvent à l'état de mélange un assez

grand nombre de substances étrangères. Dans un trop

grand nombre de cristaux on observe des taches, des pail-


lettes, des fentes, qui enferment des petites masses noires

ou brunes. Petzholdt et Gôppert ont cru y reconnaître la

structure de matières organiques, ressemblant à une algue,


le protococcus fluvialis. Brewster attribue un grand nom-

bre de ces taches à l'aspect que prennent souvent les

cavités dans les corps transparents, particulièrement sous

le microscope. On y a vu aussi des filaments de pyrite de

fer (sir John Herschell) ; des cavités contenant des liqui-


des ou des gaz très fortement comprimés (Sorby et Baker) ;
de l'or (M. Damour); des masses cristallines verdâtres

rapportées au clinochlore (M. Des Gloizeaux). On y a

observé aussi des cristaux qui appartiennent sans doute

au cristal de roche. Dans le diamant noir, on a constaté,

au moyen de l'eau régale, la présence du fer, de la

chaux, etc.

Est-ce à des matières comprimées qu'il faut attribuer

l'éclatement spontané signalé il y a plusieurs années déjà

par M. Des Demaines Hugon dans certains diamants des

nouvelles mines découvertes en Afrique? Cette observation

ne paraît pas heureusement avoir été confirmée depuis. En


182 PIERRES PRÉCIEUSES.

tout l'éclatement ne se manifestait dans la pierre,


cas,
avait lieu, que peu après son extraction.
lorsqu'il

— cristallines.
§ 2. Formes

A peu toutes celles qu'on peut observer dans le


près
: le cube simple, ou modifié sur chacune
système cubique
de ses arêtes un biseau 151) (passage à un cube
par (fig.

par une seule face symétrique sur l'arête


pyramide),

(fig. 152) Y octaèdre régulier (fig. 153) simple, passant quel-

quefois au tétraèdre, ou portant sur toutes ses faces

des pyramides trièdres très surbaissées, et appelé dans ce

cas octotrièdre ; des scalénoèdres (fig. 154), qui offrent qua-


rante-huit faces en forme de triangles scalènes, un cube

pyramide (fig. 155). Souvent les faces sont arrondies,


LE DIAMANT. 183

striées, comme bossuées, leurs arêtes sont curvilignes;


dans quelques cristaux, les stries extérieures ou profondes
le sont aussi, ce qui légitime l'épithète de sphéro'idales ap-

pliquée à beaucoup de formes.

Certains octotrièdres se développent plus particulière-


ment suivant une face de l'octaèdre régulier, en s'aplatis-
sant dans la direction perpendiculaire; on les nomme

triangulaires. D'autres montrent dans leur intérieur une

matière étrangère disposée suivant trois droites qui se

coupent sous des angles de 60°. Quelquefois deux cristaux

se groupent et s'accollent parallèlement à une face dé

l'octaèdre. Parfois un cristal d'une forme est comme en-

châssé dans un autre de forme différente; ou bien un

nombre de cristaux se trouvent juxtaposés, sans


grand
formant un ensemble confus dans une partie de la
ordre,

masse, dont le reste appartient à un cristal régulièrement


Tels les rencontre dans la nature, ils
développé. qu'on
ont souvent des surfaces et plus ou moins con-
rugueuses,
vexes ; quelquefois au contraire ils présentent un éclat

gras particulier.
— C'est aux faces de l'octaè-
Clivages. parallèlement
dre se divisent sous le choc du marteau les cristaux
que
Ceux ont la forme octaédrique sont appelés
réguliers. qui

naïves; ceux où domine la forme dodécaédrique,


pointes
diamants bruts ou Les irréguliers se
ingénus. groupements
clivent mal, ou ne se clivent pas du tout; ils sont impro-

à la taille. On les appelle diamants de nature.


pres


§ 3. Propriétés optiques.

Couleurs. — Diamants incolores, très limpides, de la

belle ce sont les plus estimés, ceux qui donnent


plus eau;
184 PIERRES PRÉCIEUSES.

les de haut — D. des rares ; on en


pierres prix. bleus, plus

cite un de la collection de M. Hope, et celui qui


toujours
a disparu lors du vol des de la couronne de France.
pierres
— D. — abondants. —
roses, recherchés. D. verts, assez

D. jaunes, assez communs.

L'influence de la coloration sur l'éclat est un peu capri-

cieuse. la teinte exemple, est faible et


Lorsque jaune, par
bien uniforme, elle n'est sensible que le jour, à la lumière

elle n'est discernable en face d'une lu-


diffuse; plus guère
mière elle semble même donner plus d'éclat à la
vive;
Certains cristaux d'un dû sans doute à
pierre. jaune
des substances perdent beaucoup de leur éclat,
étrangères
et partant de leur valeur.

D'autres, tout en restant transparents, sont bruns; on

peut suivre toutes les nuances du blanc au brun foncé,

en passant par le jaune. Quelquefois même on voit de ces

passages sur un même cristal.

Il arrive fréquemment que la teinte n'est pas uniforme ;

qu'elle forme de simples taches, qu'elle occupe seulement

des fissures. Un grand nombre de diamants verts ont de

l'analogie à ce point de vue avec des agates mousseuses.

Tous ces cristaux sont teints par des matières étrangères,

peut-être bien par des carbures qui ont échappé jusqu'ici


à l'analyse chimique, à cause du prix élevé de la pierre
et de la faible proportion suivant laquelle il est présuma-
ble qu'elles y sont mêlées.

Une variété noire, ou d'un noir pointillé de blanc, sans

forme cristalline, sans trace de cristallisation intérieure

complètement amorphe, est appelée carbonado, ou carbo-

nate.
— Le diamant a un indice de réfraction con-
Liefraction.

sidérable, en moyenne 2,42. L'angle limite n'est que de


LE DIAMANT. 185

24° 24'. Lorsqu'on fait passer par un trou pratiqué dans un

écran un faisceau lumineux qui va tomber sur un bril-

lant, la lumière entre dans la pierre par la table et les

biseaux qui l'entourent; mais, au lieu d'en sortir, elle su-

bit sur le pavillon une réflexion totale, et revient former

un anneau blanchâtre sur l'écran. C'est encore la petitesse


de cet angle limite qui explique l'éclat que prend la pierre

lorsqu'on la regarde un peu obliquement. En l'inclinant

légèrement devant l'oeil,^on la voit briller d'un éclat mé-

tallique , aussi blanc et aussi vif que celui de l'argent le

mieux poli, tout en gardant ce faciès qui n'appartient

qu'aux matières transparentes. Les alchimistes l'appe-


laient souvent demi-métal à cause de son éclat.

Les cristaux naturels, lorsqu'ils ne sont pas recouverts

d'un enduit qui en ternit la surface, ont un éclat gras,

particulier, appelé adamantin, qu'on retrouve dans les sels

de plomb.
La différence des indices extrêmes de réfraction ou lon-

gueur du spectre produit par les rayons réfractés est

assez grande aussi : elle est d'environ 0,04.


De la Beauté du Diamant. — C'est à la réflexion to-

tale des riches couleurs produites par la réfraction et lar-

gement étalées, crue cette pierre doit sa beauté merveil-

leuse, ses feux de toutes nuances qui étincellent dans

toutes les directions, lorsqu'elle est frappée par une vive

lumière.

Action sur la lumière — Elle devrait être con-


pjolarisée.
stamment nulle dans les cristaux de la matière qui nous

occupe, puisqu'ils appartiennent au système cubique.


Elle l'est en effet dans un certain nombre. Chez quelques-
uns cependant, on voit l'obscurité se dissiper dans des ré-

gions en général peu étendues, lorsqu'on les re^rde sous


186 PIERRES PRÉCIEUSES.

un entre deux niçois croisés. Si le grossisse-


microscope
ment est suffisant, on se convaincre que la colora-
peut
tion n'est essentielle au cristal. On aperçoit en effet
pas
souvent une fente, entourant une petite masse noirâtre,

invisible ordinairement à l'oeil nu, ou bien un cristal d'une

matière peut donner lieu à une colora-


étrangère, qui
soit à l'un des systèmes ani-
tion, parce que, appartenant

sotropes, il se colore lui-même; soit parce que, exerçant

une tension intérieure sur la masse cristalline qui l'enve-

il la de leurs éléments. Dans


loppe, dérange symétrie
cristaux fort rares on a vu la coloration de la
quelques
lumière polarisée produite par toute la masse cristalline;

c'est qu'ici le dérangement des lames cristallines était plus

considérable; il y est évidemment encore occasionné par


des substances renfermées accidentellement, peut-être

par des gaz comprimés (1).


— Un assez nombre de mor-
Phosphorescence. grand
ceaux naturels ou taillés jettent pendant un certain temps
une lueur plus ou moins vive dans l'obscurité, lorsqu'ils
ont été exposés à l'action de la lumière solaire, surtout

à celle de la région bleue du spectre. Il suffit souvent

d'en placer un sur le trajet d'un faisceau de lumière élec-

trique pour le voir répandre une lueur violacée. Lorsqu'on


fait le vide à 1/1,000,000 d'atmosphère dans un tube, ana-

logue à ceux de Geisler, où l'on a mis un diamant, sous


l'action du courant électrique, la pierre s'illumine et jette
des feux extraordinaires (Crookes).
Electricité. — Le diamant conduit mal il
l'électricité;
s'électrise par le frottement.
Dureté. — 10. Elle est à celle des
supérieure autres

(1) JANNETTAZ, Bulletin Soc. min. de France, année 1879, t. II, p. 124.
LE DIAMANT. 187

gemmes, et conserve à celle-ci le poli lui donne


qu'on
après l'avoir taillée. Le diamant ne être usé
peut que par
sa propre poussière.
Densité. — En : 3,52. En avec soin la
moyenne prenant
densité, on voit qu'elle n'est tout à fait la même dans
pas
toutes les variétés. Dans les pierres bien elle oscille
pures,
de 3,5173 à 3,5206. Dans un bord blanc du
sphéroïdal Cap,
on n'a trouvé que 3,5033; dans un carbonado noir verdâ-
tre du Brésil : 3,293, et dans un autre : 3,151 ;
spécimen
enfin, dans une masse cristalline noire, teintée de violet,
du Brésil, 3,50329.

§ o. — Gisements.

Mines de l'Inde. — Elles sont entre 14° et


comprises
25° lat. N. ; elles ne s'y trouvent qu'en bandes isolées les
unes des autres, sur la pente orientale du Dekhan et du

plateau d'Amarakantaka, au bord du pays élevé. On les

divise en cinq groupes :

1° Au nord du fleuve Penar, particulièrement à Kudda-

pah, et dans la vallée haute, on a exploité des couches dia-

mantifères pendant des siècles. A Kuddapah, à quatre cent

soixante-quinze pieds au-dessus de la mer, sur le flanc

de la montagne, qui s'élève à mille pieds plus haut, on

observe des lits assez minces de sables renfermant des

galets isolés, et d'une épaisseur d'un pied et demi environ,

et, en allant de haut en bas, un banc de quatre pieds de

puissance, qui ressemble à une boue solidifiée d'un bleu

noirâtre ; enfin une couche composée d'un ciment, en par-


tie calcaire, en partie argileux, qui empâte des cailloux

arrondis, assez volumineux, de quartz transparent et jau-


188 PIERRES PRÉCIEUSES.

des de fer, de
nâtre, de jaspe, de silex colorés par oxydes
C'est la couche diamanti-
grès, avec corindon, épidote.
deux Sur les rives du
fère, épaisse d'un peu plusde pieds.
nombre de mines ; celle d'O-
Penar, il y a eu un grand
des trous de seize mètres de
valumpally, où l'on creusait

fournissait des arron-


et qui ne que pierres
profondeur,
celle de Gandicotta, etc.
dies et sans forme cristalline;
des environs de
2° On connaît aussi les gisements
monts Nalla-Malla, à quinze mil-
Nandial, à l'ouest des

au nord des Làétaitle districtdiamantifère


les précédents.
entouré de montagnes dont la crête plate
de Banganpally,
au sud et au nord à des chaînes plus éle-
va se rattacher
revêtent la forme d'octaèdres ou
vées. Les diamants y
ou moins lenticulaires ; ils sont
celle de dodécaèdres plus

petits.
Vers le milieu du à Raolkonde, à l'ouest de
3° Kistna,

et dans la inférieure du cours du fleuve ;


Golconde, partie
à Gani, à l'O. de la même ville, se trouvaient des mines

très abandonnées. Au temps de Ta-


fécondes, aujourd'hui
une des célèbres sur le Kistna inférieur
vernier, plus
était située à milles au nord-ouest de Mésulipa-
quinze
a fourni tant de fameux diamants, et
tam ; c'est elle qui
entre autres celui du trésor du Grand-Mogol, trouvé à

et 297 karats 9/10. Tavernier a vu


Coulour, qui pesait
aussi les mines des environs de Golconde, de Yisapour et du

royaume du Grand-Mogol, exploitées depuis deux siècles.

Celles qu'on exploite maintenant sont sur le bord septen-


trional du Kistna, à l'O.-S.-O. d'Ellore. En 1795, Heyne

put voir encore celles de Mallavilly, percées à une profon-


deur de 15 à 20 pieds, dans une plaine d'alluvion, qui est

entourée clans toutes les directions de roches granitiques.


Dans la plaine, sous une espèce de boue noirâtre, s'étend
LE DIAMANT. 189

la couche à gros galets de quartz, jaspe, silex, de débris

de roches granitiques encaissantes , qui enveloppe les

diamants et d'autres pierres précieuses.


4° Aux environs de Sumbhulpur, plaine d'alluvion, à

trois cent quatre-vingt-cinq pieds au-dessus de la mer, par


21° lat. N., entre les fleuves Mahanada et Brahmini, coule

la rivière à Diamants. Quatre ou cinq cents personnes sont

occupées dans cette petite région à fouiller le lit du Maha-

nada, de Chunderpore à Sonapur.


5° Sur la rive méridionale du Gange, vers le milieu de son

cours, jusqu'au Yamuna inférieur, un de ses affluents, s'é-

tend une chaîne de hauteurs qui va s'élevant de plus en plus

jusqu'au plateau central du Dekhan. Ce sont des montagnes


de grès, dont la base est granitique. Autemps de Tavernier,
on y cherchait les pierres précieuses à Sumelpour, sur le

fleuve Gouel. Depuis les Ptolémées jusqu'à nos jours, les

mines des environs de Panna ont gardé leur réputation.


A Rang, à Bagin, le Dr Adams a relevé des profils géo-

gnostiques utiles pour l'intelligence des gisements dia-

mantifères. De bas en haut on trouve le granité, puis une

formation trappéenne ; là-dessus un étage de grès (nouveau

grès rouge) ; plus haut encore la couche à cailloux rouges

ferrifères, ou brèche de grès à diamants. Le nouveau grès

rouge et le conglomérat qui lui est superposé rappellent


les grès et le cascalho des rivières du Brésil. C'est ce qu'on
est en droit de déduire surtout des observations précises
de Jacquemont. Ce voyageur savant et éclairé décrit la

terre diamantifère comme formée de fragments de corna-

line, de de grès, englobés dans une argile rouge


jaspe,
en même temps que les diamants eux-mêmes.
ferrugineuse
Quant au grès, celui du district de Panna est visiblement

stratifié, disposé en couches horizontales; près de l'une et


190 PIERRES PRÉCIEUSES.

de l'autre de ses deux surfaces, il se divise en feuillets

schisteux, légèrement micacés.

Newbold et Heyne ont vu des diamants enchâssés


Enfin,
dans ce même, dans des mines du district de Kud-
grès

dapah.
Le d'extraction est des plus simples. Aux mines
procédé
de Gouel, exemple, après les grandes pluies de décem-
par

bre, on laisse écouler un mois; dès le mois de février la

rivière découvre beaucoup, Dans les endroits où l'on pense

a des diamants, on extrait le sable à quelques


qu'il y
de on le lave, on le brasse dans des
pieds profondeur;
tamis.

Le des pierres est exprimé suivant la région de


poids

plusieurs manières différentes. L'unité la plus communé-

ment adoptée est le Rati, 2 grains 1/4, suivant Baber

1,9375 grain ; on paie en or.

Tavernier estimait le prix d'un [brillant de 1 carat à

150 livres de France ; Jeffries, à 8 louis.

Mines du Brésil. — Les mines de l'Inde perdirent

beaucoup lorsqu'elles eurent à supporter la concurrence

de celles du Brésil. Au Brésil, le premier diamant fut

trouvé en 1725, dans le Ribeiro Manso, affluent du Jiqui-


tinhonha, par Sebastiano Leme do Prado; en 1727, Ber-

nardino Fonseca Lobo fit connaître le diamant de la pro-


vince de Minas Geraes au commerce européen, qui accueillit

fort mal cette découverte. Il faut voir dans le Traité des dia-
mants et des perles par David Jeffries, joaillier [Y), la peine que
l'auteur anglais se donne pour démontrer que les préten-
dus diamants du Brésil venaient en réalité de l'Inde. En

réalité, l'inverse avait lieu. Un certain nombre de mar-

(1) Treatisc on Diamonds, London, 1750.


LE DIAMANT. 191

chands portugais tiraient parti du de leur


préjugé temps ;
ils achetaient à bon marché des diamants au Brésil, et les
faisaient passer dans l'Inde, où les anciens prix se main-
tenaient.

Mais la quantité de diamants jetés dans le commerce

par le Brésil fut bientôt trop considérable pour se


qu'on
refusât indéfiniment à en nier la provenance. Dans les

vingt premières années , elle atteignit 144,000 karats ;

presque aussitôt après les premières mines, on en avait


ouvert d'autres dans les affluents du Paraguay. Dans la

province de Minas Geraes ou province des Mines, l'exploi-


tation a été longtemps considérable; elle couvrait un

grand espace à peu près circulaire d'environ 12 lieues de

tour dans le Gerro do Frio, appelé aussi à Minas, arrayol


Diamantino, ou district Diamantin. Cette portion du pays
se distingue du reste par l'aridité de ses pics élevés, de

ses vallées profondes, où coulent des ruisseaux diamanti-

fères, le Rio Arrasuhay, et le Rio Jequitinhonha qui sort

de la Serra de Antonio. La capitale de ce district est Tijuco.


Les bords du San Francisco ont mérité de nombreux lava-

vages maintenant épuisés. Une des rivières du Matto-

Grosso était tellement productive, qu'elle a recule nom de

Diamantino. Le Paraguay et ses affluents, le Diamantino,


le Rio Ouro, y roulent de l'or et des gemmes. Le Rio

Santa-Anna est aussi fort riche.

Le diamant se trouve au Brésil dans des terrains tout à

fait semblables à ceux de l'Iude, La terre appelée Cascalho

est une sorte de vase, quelquefois blanche, ordinairement

ou jaunâtre, rouge (province de Minas Geraes), où


grise,
sont empâtés des galets de quartz limpide, d'oligiste dur

et d'une noire en fragments de la grosseur d'une


pierre
noisette, qu'on appelle Feijâo. Dans le Gurgulho, les cail-
192 PIERRES PRÉCIEUSES.

loux sont anguleux. On nomme encore Canga une variété

de ce conglomérat, dont les, cailloux anguleux sont des

débris à'itabirite (roche schisteuse formée de quartz en

grains et de lamelles de fer oligiste), d'itacolumite, roche

également schisteuse, composée de grains de quartz en lits

séparés par des lamelles de mica, ou plutôt de talc, mêlé de


chlorite. Le Barro est une roche également diamantifère,

qui est exploitée au lavage de San Jofio, à 5 lieues au nord


de Diamantina, sur une plaine élevée, et qui provient de
la décomposition de schistes amphiboliques et ferrifères.

Gomme minéraux qui forment le cortège du diamant


dans la province de Minas Geraes, on peut citer le quartz
limpide, l'améthyste, la staurotide, l'andalousite, le grenat,
la topaze, la cymophane, le corindon, le spinelle et le

feijâo, qui n'est autre chose qu'une variété de tourmaline,


comme l'ont démontré les analyses de M. Damour.
Dans les mines de Bahia, le sable contient, outre les

espèces mentionnées plus haut, de l'orthose, des zircons,


du diaspore, des oxydes de titane, du fer de
magnétique,
l'or, du platine et du carbonado. Le carbonado trouve
s'y
en morceaux qui atteignent quelquefois la d'un
grosseur
oeuf, pesant jusqu'à 1,000 carats, dans les sables de la

Chapada, aux mines de Baranco, de de Gruna de


Grupiara,
Mosquitos, de Sincora. Le sable de la Chapada renferme,
outre le carbonado, des de de
fragments feijâo, grenat,
de zircon rouge, de staurotide, etc.
Le procédé d'extraction dans toutes ces mines est des
plus simples. Elles sont superficielles. Il suffit donc de
creuser des excavations dans le sol, comme on le fait dans
l'Inde, et de laver les masses de terre en retire.
qu'on
Pour exploiter le lit des et c'est le cas le
rivières, plus
général, on en détourne le cours la saison
pendant sèche
LE DIAMANT. 193

au moyen de canaux, et l'on dirige de la même manière


l'extraction. Lorsque le Feijâo domine dans la terre qu'on
va soumettre au lavage, on peut présumer qu'elle est riche
en pierres précieuses; si, au contraire, les galets qu'on y
rencontre sont du quartz blanc, mêlé à des micaschistes
ferrifères ou itabirites, le poudingue prend le nom de

Tapanhoacanga ; c'est le plus pauvre en diamants. Tout le

temps de la saison sèche (d'avril à la mi-octobre) on puisé


sans relâche du cascalho. Pendant la saison humide, on

remplit de terre diamantifère des espèces dé bassins, sur

lesquels on fait arriver de l'eau ; on brasse le tout, afin de

délayer la terre et d'en isoler les gemmes ; on renouvelle

l'eau jusqu'à ce qu'elle devienne claire ; on recueille en-

suite les diamants au milieu des fragments de pierres que


l'eau n'a pas emmenés. Les parties plus fines emportées

par l'eau dans cette première opération sont soumises à

de nouveaux lavages, qu'on répète jusqu'à douze fois,

pour ne pas laisser échapper les petits diamants. Cette

recherche, très fatigante pour la vue, est parfaitement


exécutée par les enfants.

Il serait inutile de décrire la surveillance active exercée

par l'inspecteur sur les nègres qui l'entourent fouillant

chacun leur auget, l'escorte qui accompagne les convois,

les récompenses accordées à ceux qui trouvent de gros

diamants, enfin toutes les précautions qui sont prises

empêcher la contrebande, et qui ne l'empêchent


pour
d'une manière suffisante. :
pas, paraît-il,
Nous ne au contraire, oublier de décrire au;
pouvons,
moins en mots un second ordre de gisements,
quelques
moins que ceux dont nous venons de parler
importants
au de vue commercial, mais fort intéressants au
point
de vue de l'origine du diamant.
point
13
194 PIERRES PRÉCIEUSES.

Le Rio Pardo, le Rio Velhas, et les autres affluents dia-

mantifères du San Francisco y descendent des pentes

orientales de la Serra de Matta da Corda, emportant des

fragments de la roche qui domine dans ces montagnes,


et qui est l'Itacolumite.

Les conglomérats et les gemmes qui leur donnent tant

de valeur ne sont que les débris de roches désagrégées,

que les eaux des rivières ont entraînés du haut des mon-

tagnes sur leurs pentes, et dans le fond des vallées. Claus-

sen a observé au mont Grammagoa, à 43,000 portugais


au nord de Diamantina, des couches puissantes et peu
inclinées degrés appeléspsammites(grès argileux, micacés)

passant à des roches analogues aux micaschistes, qu'on


Uacolumiles. Les Itacolumites sont formées de
appelle

grains de quartz blanc ou blanc jaunâtre, en lits parallè-

les, séparés par du mica, par du talc suivant Eschwegge,


en lamelles, blanc ou d'un gris verdâtre, auquel se trou-

vent mêlées des paillettes de chlorite. Souvent elles sont

douées d'une certaine élasticité. Elles alternent fréquem-


ment avec des couches minces d'une autre roche également

schisteuse, l'itabirite, essentiellement composée de fer oli-

giste et de quartz. Toutes ces roches sont traversées par


des diorites, d'origine éruptive. Elles contiennent çà et là

de l'or natif. Il est à remarquer que, dans les lavages des

dépôts d'alluvion, le diamant est souvent associé à l'or, en

même temps qu'au platine et au palladium. Enfin, on a ob-

servé des diamants enchâssés dans l'itacolumite du Cerro


di Grao Mogor, dans la province de Minas Geraes. On avait

même tenté une exploitation en règle de ces gîtes ; bien


que les résultats ne s'en soient pas trouvés rémunérateurs,
on s'accorde à regarder l'itacolumite comme étant la roche

qui contenait d'abord les diamants, ce qui explique la com


LE DIAMANT. 195

position des dépôts d'alluvion auxquels cette roche a


fourni leurs principaux éléments.

Le musée de Rio Janeiro possède de beaux exemplaires


de diamant dans sa gangue primitive ; quant à ceux qui
ont circulé dans le commerce, plusieurs étaient factices ;
la haute importance qu'on attachait à ces échantillons en
a fait fabriquer d'artificiels, où la gemme a été introduite
fort habilement après coup dans l'itacolumite.

Gisements de l'Oural. — Le 5 juillet Frédéric


1829,

Schmidt, de Weimar, directeur des lavages aurifères de

la mine Adolphsk, à Kresdowosdwischenk, y trouva un

diamant, à la grande satisfaction de Humboldt, qui avait

montré dans son ouvrage célèbre sur « le Gisement des ro-

ches dans les deux hémisphères », l'analogie de composition


des terrains du Brésil et de ceux de l'Oural. La mine

Adolphsk est ouverte sur la pente européenne de l'Oural,

par48°45' lat. N., et77°20' long. E. comptée du méridien

de Greenwich. La montagne est formée d'itacolumite, de

schiste argileux, superposés à des talcschistes et associés

à des serpentines. Les environs de cette mine procurèrent,

dit-on, une soixantaine de diamants; on a contesté ce gise-


ment ; on a parlé tout bas de supercherie ; cependant on

aurait, il est vrai, retrouvé quelques cristaux de cette

pierre précieuse dans les lavages aurifères d'Uspensk, à

Werchneuralsk, et de Kuschwa ; les recherches tentées en

vue d'une exploitation régulière sont restées sans ré-

sultat.

du Nord. — Sur la côte occidentale se dé-


Amérique
les célèbres gisements aurifères de la Californie.
veloppent

Quelques diamants ont été trouvés, paraît-il, à Franch-

Corral, àForest Hill, comté d'Eldorado; puisàFiddletown,

comté d'Amador.
196 PIERRES PRÉCIEUSES.

Il y a quelques années, on a bruyamment annoncé la

découverte de diamants qui provenaient de la Caroline du

Nord. Mais il résulte d'un procès criminel resté célèbre

que ces gisements diamantifères n'existaient que dans

l'imagination de spéculateurs coupables ; ce qui avait pu


donner créance à leurs assertions, c'est que les couches

alluviales aurifères de cette contrée ressemblent au cas-

calho du Brésil.

Australie. — Deux diamants de la Nouvelle-Galles du

sud figuraient à l'Exposition universelle de 1878, à Paris.

Le premier qu'on ait eu de cette région provenait de la

rivière Macquarie ; il était en octotrièdre. Un assez grand


nombre ont été extraits des fouilles qu'on a faites dans

les alluvions aurifères de Mudgée, sables argileux qui


renferment des cailloux de quartz, d'agate, de grès, de

quartzite, et de l'or, des grenats, des ox3^des de titane, de

fer, d'étain, des tourmalines, des zircons, des topazes, des

saphirs, du corindon, provenant sans doute en partie de


la démolition de roches basaltiques. On en a aussi re-
cueilli un certain nombre dans les champs aurifères de

Bingera. Dans ces alluvions subordonnées à des nappes


de basalte, les diamants se rencontrent surtout dans les

parties superficielles. On peut en rapprocher ceux qui ont


été recueillis dans les mines d'or de dans la
Beechworth,
colonie Victoria. Les mines du Cudgegond, le le
gisement
plus riche d'Australie, se trouvent dans des alluvions an-
ciennes, à 10 ou 15 mètres au-dessus du niveau actuel de
la rivière. On les regarde comme pliocènes.
Bornéo. — Dans l'île de
Sumatra; Sumatra, district
de Doladoula; dans celle de Bornéo, au et au
nord-est,
sud-est de celle île, la terre une
végétale, puis argile rouge
sous-jacente recouvrent un dépôt qui est formé là encore
LE DIAMANT. 197

de fragments de roches dures, et dio-


serpentine, quartz
rite, et qui renferme aussi des paillettes d'or, de et
platine
des galets de quartz noir. Le plus diamant de Bornéo
gros
vient de la mine de Landak; il est brut, et pèse 367 karats.
C'est le plus gros des diamants connus ; il au
appartient

Rajah.
Chine. — Récemment on a avoir trouvé des
prétendu
diamants en Chine à Chin-Kan-Gling, soit à environ
15 milles au sud-est de Yichow-Foo; mais rien n'est venu
confirmer cette nouvelle.

Mines du Cap de Bonne-Espérance. — Les mines


du Brésil et des Indes fournissaient trop peu pour satis-

faire aux besoins toujours croissants delà joaillerie, lors-

qu'heureusement, en 1867, on découvrit les mines du Cap.


Les premières pierres que l'on présenta étaient jaunes,

imparfaites, impures, ce qui fit naître l'opinion que l'on

a vainement cherché à imposer au public, que tous les dia-

mants du Cap étaient de mauvaise qualité.


Tout diamant jaune venant du Brésil ou des Indes était

immédiatement réputé diamant du Cap.


C'est une erreur dont justice fut bientôt faite. Nous ne

pouvons dans un ouvrage scientifique discuter les qualités


relatives des diamants de l'Afrique australe et de ceux du

Brésil ou de l'Inde. Il y a trop de personnes intéressées

en ce moment à déprécier les uns, à exalter les autres.

Nous pouvons affirmer que parmi les diamants extraits au

sud de l'Afrique, il y en a de qualité inférieure sans

doute, mais qu'il y en a aussi dans les mêmes proportions


d'excellente qualité.
Le cap de Bonne-Espérance (cape of Good Hope) se

trouve à la pointe sud de l'Afrique par 16° 10 de longitude.


Il a été découvert en 1455 par les Portugais.
198 PIERRES PRÉCIEUSES.

En la hollandaise des Indes racheta la


1650, Compagnie
colonie au de objets de menue valeur. Jean
prix quelques
Yan Recbeck, médecin de la flotte qu'elle envoya, fut

nommé gouverneur.
Puis les Hollandais abandonné le Cap, les An-
ayant
en 1793 ; on était loin à cette époque de
glais l'occupèrent
les richesses son sol renfermait; on ne se
prévoir que
doutait le diamant crue l'on devait découvrir
guère que
sur une infime de son territoire produirait un jour
partie
des centaines de millions.

Le de Bonne-Espérance, du mois de mai au mois


cap
est inondé de pluies. C'est l'hiver des terres aus-
d'août,
trales.

Pendant le reste de l'année, il y règne des chaleurs tor-

rides et un vent brûlant détruit toute végétation.


Sa population se compose d'un tiers de blancs pour
deux tiers de nègres ou Hottentots.

La base de la montagne, qui domine la baie de la Table,

au fond de laquelle se trouvera ville du Cap, est composée


de granité percé par des filons de diorite. Ce granité va tra-

verser dans le nord des schistes dévoniens. Sur les schistes

s'étendent les grès de la montagne de la Table surmontés

eux-mêmes par la formation de Karoo, série énorme de

grès ou de schistes de nature talqueuse, et riche en restes

de reptiles caractéristiques de la période de trias , croco-


diliens, lacertiens, labyrinthodon, dinosauriens à grandes

vertèbres, et enfin dicynodon, espèces de tortues à dents

de chien, dont la mâchoire est armée de deux défenses

comme celle des morses. MM. Owen, Hooker, Sharpe, en

Angleterre; Paul Gervais, Albert Gaudry, Fischer, ont pu-


blié des études importantes sur cette faune aussi curieuse

que variée. Tous ces débris du monde triasique témoi-


LE DIAMANT. 199

gnent d'une formation d'eau douce, et l'ensemble des ro-


ches qui les renferment atteint de mètres d'é-
plus 1,000
paisseur, et peut être suivi depuis la pointe méridionale
de l'Afrique jusque bien au-delà de la rivière Orange,
entrecoupé souvent par des dykes de mélaphyre. La série
des terrains géologiques n'offre plus de connus
dépôts
dans cette contrée jusqu'aux terrains d'âlluvion où se
trouvent les diamants. C'est à! une petite distance, à peu

près à 1,200 kilomètres"cui Gap, sûr là.limite de la colonie


de ce nom et des Etats libres du fleuveOrange 1, que s'é-
tendent les champs' diamantifères, à 6,000'-pieds anglais
environ au-dessus du niveau de la mer. Il y a deux caté, 1

gories de mines : celles de rivière,sur les bords du fleuve,


et les mines sèches, situées au milieu des plaines. Ces

plaines incultes, à sol meuble, formé de bancs de sable,


mêlé de calcaire et de conglomérats, dont les éléments

proviennent des roches voisines, portent des élévations à


constitution pétrologique différente de celle de leur en-
ceinte qui est composée de couches schisteuses recou-

vertes par des sables. Dans toute la vallée du Yaal, on

remarque des couches de blocs anguleux ou arrondis, dont

le ciment dense empâte des fragments de roches trap-


péennes altérées. En plusieurs points, les dépôts du val

de Yaal sont formés d'une terre onctueuse, mêlée à du

gravier ferrugineux, à des fragments de calcédoine, de

quartz, de grenats, à du fer titane, à de la pyrite, et sur-

tout à une sorte cle Mica hydraté appelé Yâalite. C'est au

milieu de tous ces débris qu'on rencontre les diamants,


souvent enchâssés dans une gangue un peu bleuâtre,
onctueuse. MM. Maskelyne et Flight ont déterminé la ro-

che diamantifère comme une sorte de bronzite accompa-

gnée d'un silicate de magnésie hydraté. MM. Stow etDunn


MINES DU CAP

Fig. 156. — Triage des Terres diamantifères à Kimberley.

Fig. 157. —Route n° 8 des Mines de Kimberley.


MINES DU CAP

Fig. 158. — Vue générale des Mines en Exploitation à Kimberley.

— Vue intérieure des Mines de Kimberley.


Fig. 159.
202 PIERRES PRÉCIEUSES.

ont émis le diamant était venu au jour avec


l'opinion que
une roche du des euphotides, et que cette roche
genre
dans le schiste à feuillets horizontaux de véritables
occupe
ont 60 mètres de profondeur. M. Sta-
puits qui jusqu'à
nislas Meunier a reconnu dans les sables provenant de la

mine Dutoit's Pan une roche formée de grenat et


appelée
d'un minéral vert, qui est une variété de pyroxène

un chromifère, comme l'a montré M. Des


diopside peu

Cloizeaux; une roche formée de bronzite et de feldspath ;

une un talcschiste, une roche formée de


pegmatite;
et de fer titane. Comme minéraux isolés, il a
pyroxène
: le diamant, le zircon, la vaalite, l'amphibole, des
signalé
zéolithes, dû calcaire, de l'opale, des agates, des jaspes.
M. Cohen a décrit des fragments d'éclogite (roche formée

de grenat, pyroxène et disthène).


A l'Exposition des sciences appliquées à l'industrie,

en 1879, dans la vitrine de M. Sandoz, parmi des échan-

tillons de gangue, on remarquait un assez gros cristal

de diamant empâté dans du calcaire fibreux.

Les géologues sont d'accord pour donner aux sables à

diamants du Cap une origine profonde; leur disposition


en amas verticaux n'autorise guère une hypothèse diffé-

rente.

M. Stanislas Meunier les regarde comme des alluvions

verticales, venues de bas en haut.


« En laissant de côté les minéraux proprement dits

qu'on peut toujours supposer avoir été engendrés clans la

masse par des procédés métamorphiques, il reste un cer-

tain nombre de roches complexes qui n'ont pu se produire

avec des éléments si divers dans des conditions identi-

ques pour toutes. La serpentine, la grenatite à sablite, la

pegmatite, le talcschiste, etc., en fragments distincts, si


LE DIAMANT. 203

bien caractérisés, ne sauraient s'être formés ainsi d'un


seul coup à l'état de mélange sous l'action des mêmes
causes. Il faut de toute nécessité que chacune de ces ro-
ches ait été arrachée à un gisement spécial, charriée
puis
jusqu'à un certain point où le actuel a eu lieu.
mélange
a Or, admettre d'un côté des sables à
l'origine profonde
diamants et d'autre part y reconnaître le produit d'un

transport, c'est les ranger parmi les alluvions verticales ,


dont ils représentent un des types les mieux caractérisés. »

(Comptes-i*endus de l'Académie des sciences, tome LXXXIV,


p. 250, 1877.)
M. Ghaper, qui vient de visiter ces mines, les regarde
comme des éjaculations boueuses.

C'est en 1867 que le fils d'un fermier hollandais,


nommé Jacobs, trouva le premier diamant; c'était une

belle pierre de 21 carats 3/16, avec laquelle l'enfant joua


d'abord comme avec une bille. Le docteur Atherstone en

reconnut enfin la nature. On fouilla les lits du Yaal, de


l'Haart et de l'Orange; on trouva peu à peu vingt beaux

diamants. Les territoires où l'on avait fait ces précieuses


découvertes furent déclarés colonie delà couronne britan-

nique en 1871, et incorporés en 1877 à la colonie du Cap.


Yues à vol d'oiseau, les mines de Kimberley et de Du-

toit's Pan présentent la forme d'une ellipse ; comme au-

tant de tuyaux, les puits viennent en percer la surface

(fig. 156, 157, 158, 159 et 160).

Lorsqu'on les découvrit en même temps que celles de

Old de Beer's et Bultfountein nommées les mines sèches,


on abandonna le travail des rivières.

Pourtant, en suivant le cours du Yaal et de l'Orange, on

trouve des diamants de la plus belle eau, mêlés dans le

sable à une foule de jolies pierres, telles que l'agate, le


LE DIAMANT. 205

jaspe, la calcédoine, la cornaline, l'olivine, le quartz blanc,


les grenats, etc.

La plus riche de toutes les mines est celle de Kimberley


qui produit à elle seule les 3/4 de tous les diamants de

l'Afrique du Sud. Dans certaines de ses parties le diamant

jaune domine, mais dans d'autres on trouve de magnifi-

ques pierres parfaitement cristallisées.

Les rendements ont été estimés, pour les années 1872-

1873-1874, à environ 50 millions de francs; ceux de 1875 à

1879 à 25 millions.

Les mineurs appellent ref le grès et l'ardoise formant

le roc qui entoure la mine ; il est complètement dépourvu


de diamants; c'est dans l'intérieur de la mine seulement

qu'on le trouve mêlé à une grande quantité de minéraux

et de fragments de roches cristallines, comme nous l'avons

dit plus haut.

L'extraction s'est faite d'abord par les moyens les plus

primitifs. On étendait sur un tamis le sable diamantifère,

et on l'agitait jusqu'à ce que le diamant se dégageât. Au-

jourd'hui on se sert de dragueurs.


A l'origine les règlements donnaient à chaque individu

la possession d'un terrain mesurant 900 pieds carrés,

qui prit le nom de Claim.

Les exploitèrent la surface de leurs


premiers possesseurs
claims et, satisfaits la plupart du temps du résultat, les re-

vendirent soit en entier, soit par parcelles qui souvent

n'avaient pas plus de 100 pieds carrés.

Cela de mille à douze cents propriétaires. C'est


produisit
un terrain de la du parc Monceau partagé en
grandeur
200 lots!

Tout d'abord on ne connaissait pas l'étendue des gise-

ments diamantifères que l'on désignait par le terme im-


206 PIERRES PRÉCIEUSES.

propre de champs de diamants, plus tard seulement on

constata que les diamants se trouvaient exclusivement

dans un cercle entouré de rochers.

On se mit à creuser dans ce cercle sans précaution,


sans étayement : on voulait arriver vite.

Les rochers s'écroulaient et couvraient une partie de la

mine, l'extraction devenait un travail improductif.


C'est alors que se formèrent des sociétés qui exploitè-
rent d'une façon plus régulière, à l'aide de puissantes ma-

chines à vapeur.

En ce moment même on construit des tramways qui


circuleront dans l'intérieur de la mine.

Malgré cela les difficultés du travail augmentent chaque


jour à cause de la profondeur de la mine et des écroule-
ments du rocher.

Les sociétés diverses commencent à se fusionner, et,


avant peu, la compagnie française des diamants du Cap,
qui s'est formée sous la direction de M. Jules aura
Porges,
le monopole de cette immense exploitation diamantifère.
Pour le moment, cette société a déjà groupé autour d'elle
un bon tiers des meilleurs claims, et fixera en France un
commerce qui se chiffre par 50 millions par an.
Actuellement l'extraction se fait de la manière suivante :
La terre est retirée à l'aide de seaux dont le contenu,

après avoir été trempé, est vidé sur une série de cribles de
différentes grandeurs superposés, dont le fin est en
plus
dessous.

L'eau jetée sur le premier crible dans tous les


passe
autres; c'est dans le dernier le dia-
qu'on aperçoit
mant.

La terre est soumise à une seconde : on


opération l'agite
dans de grands réceptacles en cuivre et remplis d'eau;
LE DIAMANT. 207

l'eau devient limpide, et le diamant, complètement dégagé


de la terre qui l'enveloppe, est recueilli.

L'usage du diamant se vulgarise d'une façon surpre-


nante ; il s'en vend par année pour plus de 100 mil-

lions.

Le commerce des diamants se fait principalement à

Paris, Londres et Amsterdam.

Les pertes considérables que le commerce de Paris a

faites à la suite d'infidélités nombreuses commises dans

le courant de l'année 1878, ont engagé la chambre syndi-


cale à réglementer le système des intermédiaires.

Elle a établi une liste des courtiers admis qui est revisée

plusieurs fois par an par son comité.

Pour être inscrit sur cette liste, il faut être présenté par
six marchands de diamants ou lapidaires dont un au

moins doit être membre du comité.

Usances du Commerce. Poids du Carat.—On pèse


les pierres précieuses avec un poids spécial, le carat, qui

emprunte son nom à un fruit indien, le Kouara.

L'uniformité du poids de sa graine, quand elle est sèche,


l'avait depuis longtemps fait choisir pour peser l'or.

Le carat a quatre grains.

Dans l'Inde, il équivaut à 207 milligr. 3/10


En Hollande — à 205 — 1/10
En — à 203 — 8/10
Portugal
En Angleterre — à 205 — 3/10

Le poids du carat, d'un usage universel pour le pesage


des diamants et pierres précieuses, n'ayant pas une

base déterminée, était établi suivant des étalons diffé-

rents :
208 PIERRES PRÉCIEUSES.

En 1870, le carat à Amsterdam correspondait à 0sr,206


— — à Leipzig — 0 2055
— — à Londres — 0 2053
„ . \ 0 205
— — a Pans — <
0 2055

A Paris, de grandes différences existaient même entre

les fabricants de balances à carats.

Sur la proposition faite à cette époque par M. Exupère,


fabricant de balances de précision à Paris, la chambre syn-
dicale de la bijouterie, de la joaillerie, de l'orfèvrerie et de

l'horlogerie, sous la présidence de M. Falize, et, d'après le

rapport de M. Beaugrand, a décidé, dans sa séance du

19 juillet 1871, que le poids du carat correspondant désor-

mais exactement à 205 milligrammes, servirait d'étalon

en cas de contestation.

La chambre syndicale des négociants en diamants et

pierres fines a confirmé cette décision dans sa séance du

23 octobre 1877. Ces décisions ont déjà grandement mo-

difié l'ancien état des choses, et .Amsterdam, Londres et

Paris, ont adopté ce poids.


Nous faisons figurer la balance à carats, la pince et la

passoire, servant à classer les diamants par grandeurs,


instruments fabriqués par M. Exupère (ïig. 161 à 163).


§ 6. Valeur du Diamant.

Lorsqu'on veut estimer la valeur d'un diamant, il faut

toujours avoir la pierre parfaite présente à l'esprit. On


tient compte de sa limpidité, de la pureté de son eau, des
taches qu'elle présente, de sa forme et de ses bonnes pro-
portions. Quand il est brut, il faut apprécier la perte qu'il
LE DIAMANT. 209

subira pendant le travail. Les diamants taillés en brillants

sont ceux qui atteignent la plus grande valeur. Au xue siè-

Fig. 161. — Balance à Carats.

cle, l'Arabe Teifaschius évaluait à environ 150 francs le

Fig. 162.— Précelle. Fig. 163. —Passoire.

d'un carat de diamant. Au xvie siècle, le prix en était


prix
de de 400 fr. (Benvenuto Gellini, Traité del Ori-
plus
u
210 PIERRES PRÉCIEUSES.

Dans une note ajoutée à sa traduction latine de


fico C.-J.).
YHistoire des aromates et médicaments simples, de Garcias ab

Horto 1583), Carolus Clausius raconte que


(Antwerpice,
II, sur le point d'épouser Elisabeth, fille aînée de
Philippe
Henri II, acheta de Charles d'Affetan d'Anvers, en 1559,

pour 80,000 couronnes (240,000 fr.), un diamant de

47 carats ou 190 grains. Au commencement du


1/2
xvnc siècle, Boëtius de Boot fixait le prix du premier carat

à 130 florins, 285 francs (le florin valait à cette époque


2 fr. 20); un brillant de 2 carats valait 430 florins; un de

3 carats, 890 florins; un de 4 carats, 1,510 florins; un de

5 carats, 2,290 florins; un de 10 carats, 9,590 florins. Il

n'admettait que pour les pierres de poids inférieur la règle

indienne, connue sous le nom de règle de Tavernier.

Tavernier, célèbre voyageur qui fit une fortune immense

dans le trafic des pierreries, avait publié une règle adop-


tée dans l'Inde, que Jeffries, un grand joaillier du siècle

dernier, a ensuite appuyée de toute son autorité dans le

commerce. On élève au carré le nombre de carats que

pèse la pierre; on multiplie ce produit par le prix du pre-


mier carat.

Tavernier, en 1676, prenait 150 livres comme prix du

premier carat (Tavernier, Voyages en Turquie, Perse et

Indes, Paris, 1676).

Exemple : Le prix normal du diamant étant pour Jeffries


de 8 livres sterling, chaque carat, soit 200 francs, le prix
d'un brillant de 4 carats résultait du calcul suivant :

4 X 4 X 200 = 16 X 200 = 3200

Cette règle des carrés avait été déjà discutée par Boëtius
de Boot, il y a près de trois siècles. De plus , on trouve
clans un livre publié en 1718 (Haudiquet de Blancourt,
LE DIAMANT. 211

Traité des pierres précieuses, à Paris, chez Claude Jombert,

page 10) l'évaluation suivante des diamants parfaits de

1 à 24 grains.

Poids en grains. Prix.


1 15 à 18 livres.
2 40 à 50 —
3 75 à 100 —
4 120 à 150 —
5 230 à 300- —
6 , 300 à 400 —
7 450 à 600 —
8 600 à 800 —
9 800 à 900 —
10 1000 à 1200 -
11 1200 à 1300 —
12 à 14 1500 à 2000 —
15 à 18 1700 à 2200 —
19 à 20 2500 à 3000 —
21 à 24 3000 à 4000 —

La règle des carrés est encore bien moins applicable


les diamants au-dessus de 5 karats sont
aujourd'hui que
devenus moins rares. A cause des différences de qualité et

de il n'est pas possible d'établir une règle absolue


poids
d'évaluation des diamants. Il faut faire la part du caprice

des amateurs ; on peut parfaitement vendre une pierre

d'un carat 600 francs, si elle atteint un degré de perfec-

tion par sa limpidité, son éclat et sa taille.


supérieure
Aussi d'un tarif général les pierres qui
exceptons-nous
réalisent les qualités précédentes.

Yoici le auquel s'est arrêté


système d'appréciation

M. Il a base la division des dia-


Yanderheym. pris pour

mants taillés en Ce principe admis, il a


quatre qualités.
dressé le tableau suivant d'évaluation, qui a figuré dans la

vitrine de la chambre à l'Exposition universelle


syndicale,

de 1878. Il était accompagné de quatre-vingt-douze paires

de de cette classification.
diamants, spécimens
212 PIERRES PRÉCIEUSES.

TABLEAUX DU PRIX DES BRILLANTS PAR PAIRES

i
POIDS I -1°SÉRIE 3° SÉRIE 2e SÉRIE 1,C SÉRIE
Nos ,
en carats I 2e eau 2e blanc courant 1er blanc

1 1 la paire 120 » 150 » 130 », 220 »

2 1 1/2 » 200 »» 250 » 300 » 400 »,

3 2 » 400 » 480 »> 600 » 700 »

4 2 1/2 » 525 » 025 >. 800 ». 950 »

o 3 •. 6G0 » 780 », 1020 >» 1250 „

6 3 l'2 » 770 » 945 » 1225 » 1600 >»

7 4 », 960 » 1120 » 1440 »» 1950 »

8 4 1/2 >» 1080 » 1305 >» 1642 », 2'J50 «

9 5 » 1250 » 1500 », 1900 » 2750 »

10 o 1/2 », 1430 » 1705 » 2117 », 3250 »»

11 6 » 1620 » 1920 » 2340 » 3700 »


12 6 1/2 »> 1820 »> 2112 »> 2567 » 4250 »,
13 7 » 1995 „ 2310 >, 2765 », 5000 »
14 7 1/2 » 2175 » 2550 » 3000 » 5800 »
15 8 » 2360 » 2800 » 3240 », 6700 »
16 8 1/2 » 2550 >» 3060 » 3485 » 7600 »
!7 9 » 2700 »» 3330 », 3735 »> 8500 »
18 9 1/2 », 2897 » 3562 ,» 3990 »» 9400 »
19 10 » 3050 » 3800 » 4250 » 10300 »
20 10 1/2 » 3255 » 4042 » 4515 » 11400 »
21 11 » 3465 » 4290 »> 4840 » 12500 »
22 11 l/ 2 » 3737 »> 4600 », 5175 » »
13700
23 12 » 3900 »» 4800 » 5400 » 15G00 »
'
LE DIAMANT. 213

Il importe de ne pas oublier que le diamant doit son

prix non seulement à sa valeur intrinsèque, les diffi-


que
cultés et les frais d'exploitation rendent considérable,
mais encore au travail du lapidaire.
Par conséquent, toutes les estimations faites ce
jusqu'à
jour des pierres historiques doivent être modifiées.
Devant les propositions diverses qui sont faites actuel-
lement pour l'aliénation, du reste peu probable, des dia-
mants de la couronne de France, nous crovons devoir
nous abstenir de donner pour le moment une apprécia-
tion, qui s'éloignerait de la dernière estimation faite.

Celle-ci, en effet, date de 1791 ; elle a été publiée à cette

époque par Bion, Christin et Delattre, députés à l'Assem-


blée nationale, Delattre rapporteur (à Paris, Imprimerie
nationale, 1791).
Nous nous contenterons d'y relever les prix de quelques-
unes des pierres les plus remarquables.

DÉSIGNATION POIDS ESTIMATION

1 superbe diamant, blanc, appelé le


Régent, forme carrée, les coins arron-
dis, ayant une petite glace dans le
flletis, et une autre à coin dans le
dessous 136*3 12.000.000 fr.

1 très grand brillant bleu, de la plus


riche couleur, forme triangle, parfait
dans sa proportion 67k -=% 3.000.000
1 très grand diamant fort épais, taillé
à-facettes des deux côtés, avec deux
petites tables des deux côtés, forme
pendeloque, vif et net, monté en
j épingle, reconnu pour le Sancy. . . 33k f£ 1.000.000(1)

;': (i) Ce diamant n'a pu-être vérifié sur le poids, étant monté. (Note de l'in-
'ventaire.)
214 PIERRES PRECIEUSES.

DÉSIGNATION POIDS ESTIMATION

1 très grand brillant, carré arrondi;


deux petites égrisures au bord; d'eau
un peu céleste ; ce diamant n'est point
au-dessus 31k -^ 300.000
recoupé

1 grand diamant, forme poire, tirant


sur la fleur de pèche 24k -^ £ 200.000

1 grand diamant, forme poire, eau


cristalline 22k -^ 160.000

1 grand diamant brillant, forme en


bateau, d'eau cristalline, vif et net. . 14k ^ 150.000

1 grand diamant, forme poire, rose


des deux côtés, percé d'un bout, d'eau
cristalline, vif, ayant une petite gla-
cure sur les flancs 19k fj 140.000

1 diamant, forme olive, blanc, percé


d'un bout, glace noire près du percé. 18k || TÏ 85.000

1 grand diamant, carré arrondi, d'eau


un peu vineuse. . 18k -^ 75.000

1 grand diamant, forme poire, un peu


jaune et mal net 20k ^ ^ 65.000

1 brillant, carré arrondi 17k £s 60.000

1 grand diamant, 10me de Mazarin, re-


connu très épais, bonne eau, vif et
mal net 50.000

1 grand diamant, carré losange, peu


d'eau, vif, fort épais, mal net. ... 17k ~ 50.000

1 diamant brillant, forme longue, d'eau


brune, et net 13k Tç6- 35.000

1 diamant brillant, forme pendelocpie,


d'eau fleur de pécher, avec glace sur
l'un des flancs I4k fi 25.000

1 diamant brillant, forme ronde, blanc


et net 3k -^ 5.000

1 brillant, carré long arrondi, de bonne


eau, vif et net 2k — 1.500
LE DIAMANT. 215

DÉSIGNATION POIDS ESTIMATION

1 brillant d'étendue, carré arrondi, d'eau


un peu céleste 2k 1.000
1 brillant carré long arrondi, de bonne
eau, vif et net lk ^ 500
32 brillants en partie sur papier, jaunes,
qualité médiocre 22k ±| 3.867f10
117 diamants de bonne eau; quelques-
uns ont des glaces et points noirs, sur
papier 57k ^ 11.475
156 brillants, bonne eau, sur papier. . 52k 8.440
123 petits brillants de bonne eau, re-
coupés, sur papier 26k \\ 4.837f 10
1 '

Les poids sont ceux qu'on à cette


employait époque;
/ 12 1 \
on ne dit plus, par exemple f -—- et —— mais
j, 25/32.

La lettre K représente le mot carat, écrivait alors


qu'on
karat.

Le total de l'estimation des pierreries dans l'inventaire


de 1791 est de :

DiamIults i6-730- 403


Parures de diamants. . . . 5.646.206 J 22.316.609
}
Rubis et pierres de couleur 360.604
Perles 996.700

Total 23.733.913

M. Alfred Bapst, joaillier de la liste civile, nous a com-

muniqué les renseignements suivants :

L'inventaire du 6 juin 1818 accusait au trésor de la


couronne 59,067 pierres estimées 20,318,551 fr. 80.
Le 15 mai 1875, la commission instituée pour recon-
naître les diamants de la couronne que les représentants
216 PIERRES PRÉCIEUSES.

de la liste civile devaient remettre à l'État, faisait dresser

un nouvel inventaire, dont a été chargé M. Alfred Bapst,

membre de la commission, qui représentait la liste civile,

comme ancien de la couronne. Cet inventaire a


joaillier
fourni comme données générales :

Brillants. . 51,403 pesant 9,910 carats.


Roses . . . 21,119 — 471 —
Perles.. . . — 7,034 —
2,963
Rubis ... 507 — 587 —
. 136 — 912 —
Saphirs..
Émeraudes 312 — 226 —
528 —
Turquoises
22 — —
Opales...
Divers . . . 496 — —

Total. . . . 77,486 pesant 19,141 carats.

Les mazarins ne sont pas authentiques; il est impossi-


ble de certifier que les gros brillants, si beaux, inscrits

sous ce nom, soient en réalité ceux qui ont été légués

par le célèbre cardinal.

Au dernier inventaire , il n'a été fait aucune évaluation

nouvelle.

Au milieu du XVIII 0 siècle, on évaluait à plus de 1,200,000,000

les joyaux du trésor de Nadir Shah.

A la vente des collections du marquis de Drée, on a pu

remarquer des diamants de couleur, vendus aux prix sui-


vants :

Un beau diamant vert de 2 carats. . 900 fr.


— jaune d'or de 2k 1/2 .. . 600
— rose de 2
rouge 3/4 . . . 2000
— de 3 1560
hyacinthe 3/4 ...

Les principaux diamants historiques sont :


LE DIAMANT. 217

Le Régent pesant 136k 1/4


le Schah — 95
le Grand-Mogol — 279 1/2
le Koh-i-noor — 103 -j-i
le Nassack — 82 3/4
l'Étoile d'Afrique — 128 1/2
l'Étoile polaire — 40
le grand-duc de Toscane. ... — 139 1/2
le Pacha — 49
le diamant bleu de Hope — 44 1/2
l'Orlow - 194
le Sancy — 55
l'Étoile du Sud — 125 ^g-
le Piggot - 78 |

§ 7. — Histoire de Diamants.
quelques gros

Le — De tous les
Régent. gros diamants, le Pitt ou

Régent est le plus estimé. Il réunit à un poids relativement

Fig. 164. — Le Régent vu d'en dessus. Fig. 165. — Le Régent vu de côté.

considérable, 136 carats 1/4, une taille parfaite, celle d'un


brillant carré tout à fait régulier. Il est d'une belle eau, sans

taches, sans défaut; il n'est pas complètement incolore;


la teinte en est très légèrement jaunâtre. Il provient des
mines de Purteal, situées entre Hyderabad et Mazulipa-
tam (fig. 164 et 165). On lui a fabriqué une histoire pleine
de sang et de crimes. On sait aujourd'hui qu'elle est beau-
218 PIERRES PRÉCIEUSES.

coup moins tragique. Pitt l'aurait tout bonnement acheté

à Golconde, au plus fort marchand de l'Inde, Jamchund,

et revendu 3,125,000 fr. au régent de France, pour


Louis XV, en 1702.

Pendant la Terreur, le 17 septembre 1792, Sergent et

deux autres commissaires de la Commune vinrent déclarer

que les serrures du garde-meuble avaient été forcées, que


les pierreries avaient été enlevées par d'audacieux voleurs.

Peu de temps après, une lettre anonyme prévint qu'on

pouvait retrouver la plupart des objets volés dans un

fossé de l'allée des Yeuves, aux Champs-Elysées. Douze

ans plus tard, un individu arrêté dans une bande de faus-

saires demanda, pour obtenir sa grâce, à faire des révéla-

tions au sujet du vol du garde-meuble. Il avoua qu'il avait

été l'un des complices ; il mourut à Bicêtre.

Un peu plus tard, le Régent fut employé à couvrir un

emprunt fait par le gouvernement d'alors au banquier


Trescow, de Berlin. C'est encore aujourd'hui la plus belle

pierrerie du trésor français. Brut, il pesait 410 carats; il


n'en pèse plus que 136 1/4 depuis la taille; il a donc perdu
plus de la moitié de son poids dans cette opération qui a
duré près de deux ans, et coûté 600,000 fr.
Le Koh-i-noor. — Un des diamants connus
plus gros
est celui qu'on appelait le Koh-i-noor, c'est-à-dire Monta-

gne de lumière. Il provient des mines de Purteal.


Les Indiens en faisaient remonter la découverte aux

temps fabuleux de Krischna; il resta longtemps la pro-


priété des rajahs de Mjayin ; au commencement du xvie siè-

cle, il faisait partie du trésor de Delhi. d'Ibra-


Vainqueur
him à Panipat, en 1525, Baber se rendit maître de la ville
et de ses richesses. Dans ses Mémoires, le fondateur de

l'empire mogol nous apprend que cette belle pierre pesait


LE DIAMANT. 219

8 mischkal (poids persan), ou 320 ratis, et que la moitié


,de l'argent dépensé par le monde entier sa nourri-
pour
ture quotidienne aurait à peine suffi à la payer.
Au commencement de ce siècle, elle était au premier

rang des joyaux de la couronne de Lahore. En 1850, les

troupes anglaises, dont elle fut déclarée la possession par


droit de conquête, l'offrirent à la reine Victoria. Elle pe-
sait 186 carats 1/16 ; elle avait une formé ovale irrégulière,
une structure octaédrique, et se colorait suivant certaines

lignes dans la lumière polarisée. Brewster, auquel le prince

Fig. 166 et 167. — Le Koh-i-noor.

Albert l'a confiée, l'a soumise à un examen microscopique.


Il y a vu un nombre de cavités dont il attribue l'ori-
grand

gine à la force expansive d'un gaz comprimé ou d'un li-

trouvait emprisonné pendant la formation


quide qui s'y
du cristal encore mou.

Gomme la taille de ce cristal était à peine ébauchée, et

offrait défauts, la reine d'Angleterre le fit


qu'il plusieurs
retailler. M. Voorsanger, un des plus habiles artistes de

la taillerie de M. Goster à Amsterdam, exécuta cette déli-

cate à Londres sous les yeux de MM. Garrards,


opération
de la reine, en 38 journées de 12 heures, au
joailliers
d'un disque animé d'un mouvement de rotation
moyen
220 PIERRES PRÉCIEUSES.

de 3,000 tours par minute. Le poids de la pierre transformée

en brillant parfait est resté de 103 carats 3/4 (fig. 166 et 167).
Le Mogol.— Tavernier raconte que Mirgimola, attaché

d'abord au service du roi de Golconde, trahit son maître,

et, pour se concilier les bonnes grâces de Schah Jehan, lui

fit présent d'un diamant de 787 karats 1/2. Bernier ap-

pelle Emir-Jemla ce rusé personnage, qui poussa et aida

Aureng-Zeyb à détrôner Schah Jehan, son père. Schah

Jehan confia le gros diamant à un Vénitien, Hortensio

Borgis, lequel était, à ce qu'il paraît, peu au courant de

son art, et rendit au Schah une pierre taillée, en effet,


mais réduite à 319 ratis 1/2, soit 280 karats. L'empereur
du Mogol, furieux, fit prendre au maladroit lapidaire

10,000 roupies au lieu de le récompenser; il lui aurait fait

prendre davantage, s'il en eût eu au delà. Tavernier recon-

naît que si le sieur Hortensio avait bien su son métier, il au-

rait pu tirer de cette grande pierre (par le clivage, sans

doute) quelque bon morceau, sans faire tort au roi, et sans


avoir tant de peine à régriser.

Le grand voyageur français raconte aussi qu'en 1665, il


a vu cette pierre taillée clans le trésor d'Aureng-Zeyb, de-
venu le maître de l'empire, en maintenant son père pri-
sonnier dans ses domaines. Le diamant taillé par Borgis
avait une forme semblable à celle d'un o^uf coupé par le

milieu, celle d'une rose ronde, très haute, ayant en bas

un petit cran, et en dedans une petite glace; il était de


fort belle eau. Tavernier l'a examiné à son aise, en pré-
sence d'Aureng-Zeyb lui-même, qui aimait beaucoup
moins les parures que ses ancêtres, mais qui était flatté
de montrer ses magnifiques trésors à un célèbre connais-
seur. Qu'est devenue cette pierre? On l'ignore.
On a pensé que c'était peut-être le Koh-i-noor. Il y a, en
LE DIAMANT. 221

effet, une singulière coïncidence entre le de 320 ra-


poids
tis attribué à ce dernier par Baber, et celui de 319 ratis 1/2
que Tavernier donne au diamant En outre,
d'Aureng-Zeyb.
Tavernier ne parle pas du Koh-i-noor. Evidemment, Baber
ne donnait pas au ratis la même évaluation Tavernier,
que
puisque le Koh-i-noor, pesé avant sa taille, n'était que de
186 carats, tandis que la pierre d'Aureng-Zeyb, d'après
Tavernier, en pesait 280.

Ceux qui n'admettent pas l'identité des deux pierres


disent que le Koh-i-noor n'était pas dans le trésor de l'em-

pereur, parce qu'Aureng-

Zeyb avait laissé à Schah

Jehan ses pierreries ;

qu'il y avait deux ratis

de poids différents, l'un

pour les perles et l'autre

pour les joyaux; en outre,

ils font remarquer que


Fig. 168. — Le Mogol.
Tavernier a décrit très

complètement la taille du diamant d'Aureng-Zeyb, tout à

fait semblable à celle de l'Orloff, et que le Koh-i-noor avait

la forme d'une ellipse irrégulière, à facettes mal défi-

nies (fig. 168) (1).


L'Orlow. — Nommé aussi Diamant d'Amsterdam, il est

hémisphérique, porte dans le dessus deux séries superpo-


sées de facettes; il a 10 lignes de hauteur et 15 lignes 1/3
de diamètre en dessous. Il est d'eau très pure. C'était jadis

un des d'une idole à Sheringam. Suivant les uns, il


yeux
aurait été volé par un Français, qui serait parvenu à se

The natural of precious stones, London, BELL et


(1) KING, hystory
DALDY, 1867, p. 76 et suivantes.
222 PIERRES PRÉCIEUSES.

faire agréer comme prêtre de l'idole en prétextant une

passion irrésistible pour ses beaux yeux. Suivant d'autres,


la pierre ornait le trône de Nadir-Chah, qui l'avait empor-
tée de Delhi. Après le meurtre

de ce prince, un grenadier
français à son service la vola,
la vendit 30,000 fr. à un capi-
taine de vaisseau. Celui-ci l'au-

rait revendue 190,000 fr. à un

usurier de bas étage, et l'usu-


Fig. 169. — L'Orlow.
rier pour un prix encore plus
considérable à un marchand arménien, nommé Safras.

Enfin, le prince Orloff l'acheta pour Catherine II, moyen-


nant 2,250,000 fr., une rente annuelle de 100,000 fr., et

des lettres de noblesse pour Safras (fig. 169).


Le Schah. — Moitié plus petit que l'Orlow, pesant
95 carats, ce diamant célèbre appartient également à la

couronne de Russie. On l'appelle Schah, en souvenir du

prince persan Cosrhoës, jeune fils d'Abbas-Mirza, qui en

fit présent à l'empereur. Il est de belle eau, exempt de

toute espèce de tache; il a plus de la moitié de ses faces

naturelles, et n'est taillé que dans l'autre partie. Il a sans


doute subi un clivage.
Le — On ne connaît d'une manière
Sancy. certaine

qu'une partie de l'histoire de deux beaux diamants appe-


lés, l'un le Sancy, et l'autre le Florentin. On a dit qu'ils
avaient été taillés par Louis de Berquem, qu'ils avaient

appartenu à Charles le Téméraire, que ce prince avait

perdu le dernier à la bataille de Granson, et que son ca-


davre couvert de boue et défiguré fut reconnu, sa
après
défaite et sa mort devant les murs de au
Nancy, grâce
premier de ces diamants qu'il avait gardé à son Ces
doigt.
LE DIAMANT. 223

deux pierres ressemblent pour la forme à l'Orlow et au

Koh-i-noor; elles sont bien plutôt taillées à la façon in-


dienne, qui se borne à facetter le cristal naturel, en

perdant le moins de matière possible, qu'à la manière

européenne, où l'on sacrifie au besoin la matière-à


l'éclat (fig. 170 et 171).
Le Sancy pèse 11 grammes 0,28, ou 53 carats ^ ; il est
d'une transparence parfaite. Il doit son nom à son pre-
mier propriétaire connu, Nicolas de Harlay, seigneur de

Sancy, lequel l'avait rapporté de son ambassade du Le-

Fig. 170.— Le Sancy vu de côté. Fig. 171. —Le Sancy vu d'en dessus.

vant. Il appartint plus tard au roi d'Angleterre, Jacques II,

qui, forcé de se réfugier en France, en 1688, le céda au

roi Louis XIV pour 625,000 fr. En 1792, il disparut du

Trésor. Il a été acheté, dit-on, en 1838, par la princesse


Paul Demidoff, pour un prix énorme, 500,000 roubles. Il

a été vendu par cette princesse 500,000 fr. en 1865, à

MM. Garrards, chargés eux-mêmes de cette commission

par Sir Jamsetjee Jeejeebhoy, de Bombay (Inde).


Le Florentin. — M. conservateur du Musée
Schrauf,

impérial de Vienne, a donné une descrip-


minéralogique
tion du Florentin. Ce diamant a la forme d'un oeuf un peu
il pèse 133 carats 1/5 (carats de Vienne), 139 ca-
allongé;
rats de Florence, ou 27 grammes 457; il a pour
1/2
densité 3,521. Il est de la plus belle eau, tirant sur le

mais la couleur en est si faible, qu'elle disparaît à


jaune;
224 PIERRES PRÉCIEUSES.

la lumière. La forme qui s'en rapprocherait le plus


les modernes, serait celle d'une double rose
parmi

(fig. 172 et 173).


Il a été longtemps la propriété des grands-ducs de

Fig. 172.—Le Florentin vu de côté. Fig. 173.—Le Florentin vu d'en dessus.

Toscane; il appartient maintenant à la couronne d'Au-

triche.

L'Étoile du Sud. — Le diamant trouvé au


plus gros
Brésil pesait brut 254 carats 5. Il a été trouvé en juillet

Fig. 171 et 175. — L'Étoile du Sud.

1853 à Bagagem, province de Minas Geraes. Sa forme était


celle d'un dodécaèdre rhomboïdal dont les arêtes étaient
modifiées par des biseaux. Les faces en étaient comme

chagrinées. Il montrait plusieurs cavités dues à des em-

preintes d'autres diamants. La densité en est de Il


3,529.
LE DIAMANT. 225

est taillé en brillant; il ne pèse plus depuis la taille que


125 karats -^; il a la forme d'un brillant ovale, de 35 mil-

limètres de long, 29 millimètres de large sur 19 milli-

mètres d'épaisseur; la couleur en est faiblement rosée,


sans être désagréable (fig. 174 et 175).
Diamants divers. — Le roi de un
Portugal possède

gros diamant, dont Petzholdt a évalué le poids à 205 ca-

Fig. 176. — Le Pacha d'Egypte. Fig. 177. — Le Piggot.

rats. Le sultan turc en a deux pesant, l'un 147, et l'autre

84 carats. On cite encore la belle pierre appelée Pacha

(fig. taillée à huit faces, du poids de 49 carats,


cïEgypte 176),

Fig. 178. — Le Nassak. Fig. 179. — Diamant de M. Hope.

a coûté 700,000 fr. ; le Piggot, apporté de l'Inde en


qui
le comte de ce nom, qui pèse 82 carats 1/4,
Angleterre par
et a été mis en loterie en 1801 pour 750,000 fr. (fig. 177).
qui
Le Nassak qu'il est taillé 82 carats 3/4, et vaut
pèse, depuis

de 7 à fr. 178); le fameux diamant bleu de


800,000 (fig.
M. Hope, membre du Parlement anglais ; ce dernier pèse
15
226 PIERRES PRÉCIEUSES.

44 carats la couleur est d'un beau bleu de saphir,


1/4;
l'éclat en est extraordinaire; aussi se vendrait-il plus

cher s'il était incolore; il a été estimé 850,000 fr.


que
On ajouter à cette liste un beau diamant
(fig. 179). peut
vert du musée de Dresde, qui pèse 48 carats et qu'on estime

à 450,000 fr.

Taille du Diamant. — On attribue à Louis de Berquem

la découverte de ce fait, que deux diamants s'usent et se

mutuellement, lorsqu'on les frotte l'un contre


polissent
l'autre; on ajoute qu'il a trouvé ainsi le moyen d'obtenir

sans laquelle la taille est impossible, et, par con-


l'égrisée
le principe même de la taille.
séquent,
Tout cela est fondé sur le récit de Robert de Berquem,

un de ses descendants, qui était orfèvre.

On lit dans l'ouvrage intitulé : les Merveilles des Indes,

Traité des précieuses, par Robert de Berquem, Paris,


pierres

in-4°, 1669, p. 12 : Louis de Berquem, l'un de mes ayeuls...


le premier a trouvé l'invention, en mil quatre cens soixante et

seize, de les tailler avec la poudre de diamant mesme... Aupa-


ravant on fut contraint de les mettre en oeuvre (les diamants)
les rencontrait aux Indes, c'est à savoir des pointes
telsjqu'on
naïves..., tout à fait bruts, sans ordre et sans grâce, sinon

faces au hazard, irrégulières et mal polies, tels enfin


quelques
la nature les produit, et qu'ils se voyent encores aujour-
que
sur les vieilles châsses et reliquaires de nos églises. Le
aVhuy
ciel doua ce Louis de Berquem, qui était natif de Bruges,
comme un autre Bezellée, de cet esprit singulier ou génie...

Charles, dernier duc de Bourgogne, luy mit trois grands dia-

mants entre les mains pour les tailler advantageusemenl seion

son adresse. Il les tailla dès aussitôt, l'un espais, l'autre faible,
et le troisième en triangle, et il y réussit si bien le duc,
que

ravy d'un 0, invention si surprenante, lui donna 3,000 ducats


LE DIAMANT. 227

de récompense... Le prince aurait fait présent de l'un (le


faible) au pape Sixte-Quint, de l'autre (celui en forme

d'un triangle et d'un coeur) au roi Louis XI ; il gardait tou-

jours le troisième au doigt. Il l'avait encore quand il fut

tué devant Nancy.


M. de Laborde objecte à cela que la marche suivie par
la taille du diamant a été progressive (1). Il fut débité

d'abord en tables, à faces bien dressées, à tranches taillées en

biseau, ou à pans et à facettes. Puis on comprit mieux l'im-

portance de la régularité des facettes, et, quand it avait plus

d'épaisseur, on en tailla la partie la plus large en table à bi-

seau et la partie opposée en prisme régulier formant culasse.

C'est ainsi qu'on les trouve ornant encore quelques joyaux

d'église. C'est ainsi qu'ils sont décrits dans les documents...

Il existait un corjjs de métier tout formé en France, connu

dans les Flandres, par les tailleurs de diamants... avec certi-

tude dès le xive siècle.

En effet, la Description de Paris, en 1407, de Guillebert

de Metz, parlait de plusieurs artificieux ouvriers, comme

Herman, qui polissoient dyamans de diverses fomies.


En 1465, dans une contestation relative à une amé-

thyste, à Bruges, figurent comme arbitres experts des dia-

mantslypers (tailleurs de diamants).


De dans les descriptions des joyaux du xive siècle,
plus,
il est déjà question de diamants à huit côtés, en écusson,
en coeur, opposés aux diamants non faits ou naïfs, c'est-

à-dire non taillés.

Gitons-en quelques exemples empruntés au livre de

M. de Laborde :

(1) DE LABORDE, Notice des émaux, bijoux, etc., exposés dans les

galeries du musée du Louvre, IIe partie, p. 249. Vinchon, Paris, 1853.


228 PIERRES PRÉCIEUSES.

Année 1372. Un reliquaire d'or auquel a au dessus un

diamant en façon d'escusson (Compte du test, de la royne

Jehanne d'Évreux).
1412. Un annel d'un dyamant gros, de 4 losenges en la

face dudit dyamant et de 4 demies losenges par les costez

dudit — l'autre de six


dyamant, dyamant plus petit, plat
— l'autre est en façon d'une fleur de sou-
costés, dyamant

viengne vous de moy, et est de quatre pièces (Ducs de

Bourgogne, 131).
1420, Un g petit diamant plat, rond, en façon de mirouer

(D. deB., 4190).


1439. Un dyamant à trois fasses (D. de B., 5131).
1467. Un grand dyamant à huit costez (D. de B., 2982).
M. de Laborde fait remarquer aussi que Bootius de

Boot, qui était de Bruges, n'a pas dit un mot de son com-

patriote.
M. King, clans son Histoire naturelle des pierres 'précieuses

publiée à Londres en 1867, a combattu ces objections.


Nous partageons l'opinion de M. de Laborde. Il nous

paraît certain que la possibilité de diviser le diamant a été

connue de bonne heure. Sans doute, les anciens répé-


taient à satiété que cette pierre est indomptable. Aussi

Sénèque compare-t-il le sage impassible au diamant que


rien ne peut vaincre. Il empruntait, sans doute, à Pline la

base de sa comparaison.
Les auteurs du moyen âge n'ont pas manqué de répéter
ce qu'avait dit Pline. Cela venait surtout de cette habitude

que nous avons conservée nous-mêmes de donner aux

objets des noms significatifs.


Une fois les noms acceptés par tous ; on veut trouver
dans l'objet le type de la- propriété que son nom repré-
sente. Mais, tout en nous léguant le tableau des connais-
LE DIAMANT. 229

sances vraies en même temps que des préjugés du monde

ancien dans ses livres qu'il n'a pas eu le temps de revoir,

Pline, qui se laissait trop souvent aller à l'exagération et à

l'emphase, reconnaissait pourtant lui-même que certains

diamants, les Adamas siderites, peuvent être percés par un

autre de leur nature, et que tous indistinctement peuvent


être brisés, à la condition d'être trempés dans du sang
tiède. C'était, disait-il, le seul moyen dont se servaient les

graveurs sur pierre pour obtenir les éclats dont ils fai-

saient leurs burins. Les graveurs de cette époque riaient,


sans doute, de cette condition parfaitement inutile.

Les Hindous savaient encore plus nettement que le dia-

mant est divisible.

Nous avons cité plus haut cette phrase d'un livre sans-

krit, fort ancien, remanié sans doute, mais à coup sûr,


antérieurement au xm° siècle. « Le Vajra (diamant) n'est

le Vajra. »
coupé que par
Dès le milieu du xvie siècle, Garcias ab Horto, médecin

du vice-roi des Indes, s'élève contre le vieux préjugé euro-

péen de la résistance du diamant au choc, et il dit positi-


vement le réduit en poudre en le broyant au
qu'on
de mortiers et de pilons en fer. C'est le procédé
moyen

emploie encore pour obtenir l'égrisée. Garcias ab


qu'on
Horto le donne comme courant, et n'en signale pas l'in-

venteur, dont le nom se perdait sans doute dans la nuit des

temps.
Il est donc évident que Louis de Berquem n'a pas le

obtenu l'égrisée. Il a dû, sans doute, contribuer


premier
aux de l'art de tailler le diamant, qui ont été con-
progrès
sidérables au xve siècle.

C'est au xve siècle que la taille européenne semble com-

mencer à se dessiner, à comprendre la coordination des fa-


230 PIERRES PRÉCIEUSES.

cettes, les inclinaisons relatives qu'elles doivent avoir pour

que la pierre taillée réfléchisse le plus de lumière possible,

jette ses feux étincelants, atteigne à son plus opulent


éclat. C'est en sacrifiant tout à l'éclat qu'elle se distingue

de la taille des Indes, qui cherche avant tout à perdre le

moins de matière possible. Le type de la taille indienne

est représenté par l'Orlow ou le Grand-Mogol. A quel dia-

mant connu rapporter les débuts de la taille européenne?


On a donné longtemps le Sancy et le Florentin comme

représentant les premiers essais dus à Louis de Berquem.


Ils tiennent du brillant double, il est vrai, mais on ne

dit pas pourquoi on les a regardés comme ayant appar-


tenu au duc de Bourgogne, et comme étant de la main de

son célèbre lapidaire. On a mis sur le compte du Sancy


une partie de l'histoire d'un joyau précieux que le duc a,
en effet, perdu à la bataille de Granson. Ce bijou était

composé d'un diamant entouré de trois rubis et de quatre


perles. Les rubis étaient taillés en pyramides surbaissées.

Le diamant était aussi taillé. Il avait la forme d'une pyra-


mide ayant pour base un carré d'environ 1 cent. 6 de
côté. Le sommet de cette pyramide était remplacé par
une autre plus surbaissée, semblable à une étoile, dont les

rayons coïncidaient avec les hauteurs ou lignes de plus


grandes pentes des faces de la première. Ce diamant est

représenté dans un manuscrit de J.-J. Fugger qui te-


(1),
nait ce joyau tout entier du gouvernement de Berne. Le
diamant si célèbre du duc de Bourgogne n'a certes pas
inspiré les tailles actuelles. C'est lui, et non le Sancy,
qu'on a trouvé sous une voiture après la bataille de Gran-

(1) Ce manuscrit et le dessin sont exactement reproduits dans la


Ooesaroea Bibliotheca de Lambeccias. (Voy. KING, loc. cit.)
LE DIAMANT. 231

son ; qui a été vendu à un prêtre, puis à des magistrats


d'un canton suisse.

Avant de mettre en tête d'un progrès commun dans la


taille le nom de Louis de Berquem, il nous semble qu'il
faudrait mieux établir ses droits; comme nous venons de
le voir, cette opinion ne repose en réalité sur aucune

preuve sérieuse, malgré le grand nombre des auteurs qui


l'ont admise les uns après les autres, sans remonter aux
sources.

C'est en 1526 qu'un orfèvre et lapidaire florentin, Matteo

del Nessaro, construisit à Paris, sur la Seine, le premier


moulin à polir les pierres précieuses.
La taille en brillant, la plus parfaite qu'on connaisse, a

débuté sous Mazarin. L'intelligent cardinal, presque roi,

joignait à une grande connaissance des moyens de réussir

le goût des lettres et des arts. Il encouragea des lapidaires

qui obtinrent la taille en seize. L'inventaire de la cou-

ronne de France tant de fois cité, mentionne au n° 349

un grand brillant, épais et mal net, sous le nom de 10e Ma-

zarin.

C'est à Amsterdam surtout que se taille le diamant.

Pourtant de grands efforts ont été tentés pour importer


cette industrie en France.

A l'Exposition de 1878, on pouvait voir, dans la galerie


du Travail, deux tailleries, celle de M. Roulina et celle de

M. Goudard. L'initiative de ces essais est due à M. Ber-

nard. M. Bernard avait fondé, en 1850, un établissement

qui prit à cette époque le nom de Taillerie impériale.

Espérons qu'un légitime succès récompensera ces en-

treprises coûteuses, mais destinées à rendre à la France

une industrie presque nationale, à permettre à nos ou-

vriers de profiter d'un salaire qui est très élevé en Hol-


232 PIERRES PRÉCIEUSES.

lande. C'est un résultat déjà obtenu par M. Roulina, qui


a établi une fabrique remarquable à Paris, et qui emploie

des ouvriers des deux sexes en formant des apprentis

adultes. De son côté, M. Goudard emploie dans le Jura

des lapidaires qui ne taillaient autrefois que des pierres


de couleur, et qui taillent maintenant le diamant.

La forme qu'on donnait au diamant n'a pas changé;


mais les progrès de l'industrie ont fait subir d'importantes
modifications au mode de travail.

Jadis, on faisait tourner les meules par de jeunes gar-

çons ou même par des femmes qui, pour un prix modi-

que, se livraient toute la journée à ce travail monotone.

En 1824, un joaillier d'Amsterdam avait, dans la rue ap-

pelée Weesperstraat, une taillerie de diamant où, pour la

première fois, la force motrice fut fournie par des chevaux.

Pourtant, dans un grand nombre de petites maisons, on

continua à user de l'ancien système.


Chose curieuse, les ouvriers qui travaillaient une ma-

tière si précieuse étaient, pour la plupart, mal rétribués

et vivaient souvent dans la plus grande misère. Pendant

des mois entiers ils restaient sans travail et par consé-

quent sans salaire.

Au commencement du siècle, il y eut une période de

sept années pendant laquelle aucun ouvrier diamantaire

ne put trouver à s'employer.

Ils cherchèrent dans d'autres industries le moyen de

gagner leur pain, et l'art de la taille eût été perdu pour


la Hollande sans l'intervention de l'un de ses plus riches

banquiers et de ses plus grands importateurs de diamants,


M. Hope.

Sept jeunes gens furent instruits à ses frais; on en con-


naît cinq, ce sont : MM. Hulden, H. de Vriès, Workum,
LE DIAMANT. 233

S. Bol, et Kluytenaar; à leur tour, ils transmirent les


secrets de leur profession à leurs enfants, et leurs petits-
enfants sont encore réputés parmi les meilleurs diaman-
taires.

Cette généreuse initiative devait porter ses fruits; les

gens du métier reprirent courage, et, en 1842, M. P.

de Houdt sollicita et obtint une concession pour l'éta-


blissement d'une taillerie de diamants à vapeur.
Il céda peu de temps après ses droits à une société de

joailliers et marchands de diamants d'Amsterdam,qui firent

bâtir dans les rues dites Zwanenburgerstraat etBoeteisuland

deux grandes tailleries à vapeur encore en pleine activité.

En 1852, la maison E. Coster dans la Zwanenburger-


straat installa sa grande taillerie à vapeur qui fonctionne

toujours.

Cependant, et malgré la découverte en 1844 de la mine

de Bahia, le nombre des ouvriers était très restreint.

En 1870 et 1871, l'industrie de la taille prit tout à coup


un essor considérable.

On venait de découvrir les riches gisements du Gap de

Bonne-Espérance, et leur production était si considérable

que l'on se trouva à court, les ouvriers manquaient ; une

foule d'individus apprirent alors à tailler le diamant, des

tailleries et petites furent bâties; aujourd'hui il


grandes
ne se passe guère de temps sans qu'on en voie ouvrir une

nouvelle ; en ce moment on en achève une des plus im-

aient existé et qui est la propriété de


portantes qui jamais
MM. Boas frères.

Avant 1870, il y avait à Amsterdam quatre tailleries qui

occupaient environ 1,500 ouvriers (cliveurs, ébruteurs et

lapidaires); aujourd'hui 6 ou 7,000 personnes travaillent

dans dix-neuf tailleries.


234 PIERRES PRÉCIEUSES.

Si l'on que 2,000 ouvriers sont encore employés


ajoute
les industries se rattachent à celle du diamant,
par qui
on arrive au total de 8 ou 9,000.

Ces chiffres donneront une idée du développement qu'a

en années, la découverte des mines du


pris quelques par
l'industrie de la taille; c'est une source d'importants
Cap,
non seulement ceux qui s'en occupent, mais
profits pour
encore ceux qui les entourent et, en général, pour
pour
toute la ville d'Amsterdam. En même temps, on cherchait

à donner an diamant des formes nouvelles.

On savait tailler, en dehors du brillant et de la ro-


déjà
la la briollette, la pierre CLportrait; on fit
sette, pendeloque,
des diamants en forme d'amandes, de poires, en boule,

en pyramide. Un des plus remarquables est celui qui a si

fortement attiré l'attention des hommes du métier à l'Ex-

position de 1878. Il a la forme d'une lanterne, et il a été

taillé sous la direction de M. Jac. S. Metz, d'Amsterdam.

En résumé, l'on peut dire que l'art diamantaire est ar-

rivé à un degré de perfection que l'on ne pourra proba-


blement pas dépasser. Parmi ceux qui l'exercent il y a de

véritables artistes.

Il nous reste maintenant à décrire les différentes mani-

pulations que le diamant subit avant d'avoir cet éclat qui


le caractérise parmi les autres pierres fines et qui lui
donne sa grande valeur.

Ce sont : le clivage, Yégrisage ou ébrutage et la taille ou

polissage.
On leur donne un nom général, la taille (fig. 180).
Le — Le diamant sans se
Clivage. pur, défaut, pré-
sente sous la forme d'un octaèdre (quatre ou d'un
pointes)
dodécaèdre (deuxpointes).
Mais il est rare qu'on le rencontre en cet état.
— servant
Fig. Outils
180. duDiamant.
auPolissage
236 PIERRES PRÉCIEUSES.

comme il a été dit haut, p. 180, la pierre


Souvent, plus
renferme des c'est-à-dire des taches et des
impuretés,

points noirs et colorés que l'on appelle grains.


Il trouver'aussi des fissures ou gerçures qui re-
s'y peut
tireraient au taillé sa essentiellement réfrac-
bijou qualité
tai re.

Le cliveur a pour fonction de ramener la pierre à la forme

régulière et de la délivrer de ses impuretés.


Voici comment il opère.
Le diamant se laisse fendre assez facilement dans la

direction de l'octaèdre. Pour y parvenir, on doit d'abord

une entaille à l'aide du bord tranchant d'un


y pratiquer
diamant déjà clivé.

Le cliveur prend un bâton terminé par une virole de

cuivre. Il y introduit une certaine quantité d'un ciment

composé de colophane, de mastic et de sable fin.

Sous l'action d'une chaleur douce, ce mastic s'amollit

de façon qu'on puisse y enchâsser la pierre qui va servir

à faire l'entaille; en se refroidissant il la maintient très

solidement.

Il monte de même sur un bâton semblable la pierre

qu'il doit cliver.

Devant lui se trouve, solidement vissée à sa table de tra-

vail, une boîte ou bac en cuivre munie de deux chevilles

en fer.

Le fond de cette boîte est percé de petits trous qui per-


mettent de recueillir dans un double fond la poussière de

diamant qui tombe pendant le clivage.


L'ouvrier prend de la main gauche le bâton qui contient

la pierre à cliver, dans la droite celui qui contient la pierre

tranchante, et, se servant comme point d'appui des deux

chevilles de fer fixées à la boîte, il les frotte fortement jus-


LE DIAMANT. 237

qu'à ce qu'avec la.pierre tranchante il ait fait à l'autre une


entaille assez profonde.
Il fixe alors le bâton de la pierre entaillée dans un trou

fait dans un morceau de plomb qui se trouve à l'avant de


la boite, et, saisissant de la main gauche un couteau d'a-

cier, il en place le côté affilé dans l'entaille de la pierre,

Fig. 181. — Clivage du Diamant.

avec une baguette de fer il donne un coup sec sur le


puis
dos du couteau ; le diamant se fend.

Par ce et en ayant soin de faire l'entaille dans


procédé,
le sens de la cristallisation, on peut continuer à l'infini et

diviser le diamant en autant de parcelles que l'on veut

(fig. 181).
Le cliveur obtient deux formes, la principale, celle qu'il
recherche le plus, est le parfait octaèdre, désigné sous le

nom de kap brillant. L'autre, plate et triangulaire, se nomme


238 PIERRES PRÉCIEUSES.

enden, il la produit en fendant un des côtés de l'octaèdre.

Les parties impures ou celles qui ne peuvent être rame-

nées à Tune de ces deux formes constituent le rebut.

Pour poser ses outils et surtout pour éviter pendant


son travail de perdre des diamants ou des parcelles de

diamant, le cliveur se sert d'un tablier de cuir lié d'un

côté à ses reins et attaché de l'autre à sa table.

Le clivage est sans contredit la partie la plus difficile de

l'art diamantaire.

Le cliveur doit connaître à fond la critallisation du dia-

mant,, afin de perdre le moins possible en rebut, et de pro-

duire les octaèdres les plus grands et les plus nombreux.

On apprendra donc sans étonnement que l'apprentissage


du cliveur dure trois ans; il lui faut encore le même es-

pace de temps pour acquérir l'expérience et l'adresse

voulues.
— Le nous l'avons se
L'ébrutage. diamant, dit, peut
trouver sans défaut et avec la forme octaédrïque ; dans ce

cas, fort rare d'ailleurs, il n'est point soumis au clivage,


la première manipulation qu'on lui fait subir est Yégrisage
ou brutage.
C'est le bruteur qui lui donne, avant la taille proprement
dite, la forme du brillant ou de la rosette.

Comme le cliveur, il a devant lui une boîte à peu de

chose près semblable à celle dont nous avons donné la

description; ainsi que lui, il se sert de deux bâtons, garnis


de ciment, mais plus gros et d'un bois plus résistant;
il n'a point à frapper comme le cliveur avec un couteau ;
c'est pourquoi ses bâtons ne sont point pourvus de la
virole en cuivre.

Le travail du bruteur est pénible et il exige de


l'emploi
toutes ses forces; aussi, tant pour protéger ses mains que
LE DIAMANT. 239

pour maintenir les articulations des doigts, les couvre-t-il

de gants d'un cuir très peu souple, exactement adaptés et

coupés au milieu de la main à peu près comme des mi-

taines (fig. 182).


Il garnit chacun de ses bâtons d'une pierre, et, prenant
comme les chevilles de fer de sa boîte, il
point d'appui

Fig. 182. — Ébrutage du Diamant.

frotte et avec force la pierre à bruter contre


longuement
l'autre jusqu'à ce qu'il ait obtenu la forme désirée.

Le bruteur doit connaître admirablement la cristallisa-

tion du diamant; c'est lui qui prépare la voie au lapidaire;

il dépend de lui que la taille soit plus ou moins avanta-

et, conséquent, que le profit du propriétaire


geuse par
soit plus ou moins grand.
L'autre du clivage, les bouts dont on fait les
produit
sont soumis au brutage; mais, si la manipula-
rosettes,
240 PIERRES PRÉCIEUSES.

tion et les outils sont les mêmes, la tâche est beaucoup


moins pénible, puisqu'il s'agit seulement d'arrondir les

angles du bout pour lui donner la forme de la rosette.

Aussi le brûlage de la rosette est-il généralement confié à

des jeunes filles.

La Taille ou Polissage. —La partie la plus impor-


tante de l'art diamantaire est sans contredit la taille ; c'est
elle qui donne à la pierre sa haute valeur, et l'on peut
dire que par son invention le diamant a été découvert une

seconde fois.

Voici comment on monte la pierre pour cette opération.


La force nécessaire dépasse de beaucoup celle qu'il faut

pour le clivage ou le brutage; puis, la meule ayant une


vitesse de rotation de 2,000 tours par minute, il se dégage
une chaleur qui rend impossible l'usage du ciment.
C'est donc dans la soudure, mélange de plomb et d'étain,

que l'on enchâsse la pierre à tailler.

Le sertisseur, aide du lapidaire, chauffe cette soudure

jusqu'à ce qu'elle soit maniable; il la dépose dans une co-

quille, sorte de demi-sphère en cuivre ajustée à une tige


également en cuivre. Avec des pinces et le plus souvent
avec ses doigts, il place adroitement la pierre dans la direc-
tion voulue, au milieu de la soudure, de le côté
façon que
à polir la dépasse un peu.
La tige en cuivre doit pouvoir être courbée le
pour que
lapidaire ajuste bien la facette qu'il veut et la
polir place
parallèlement à la meule.
Il saisit cette tige au moyen de tenailles moitié en fer,
moitié en bois ; dans la partie en fer se trouve une vis à
pression qui permet de maintenir la tige d'une iné-
façon
branlable.

Sur le moulin sont adaptées des chevilles en fer qui


LE DIAMANT. 241

retiennent les tenailles et les empêchent de dévier; d'autre

part, des morceaux de plomb, posés sur elles, augmentent


la pression de la pierre sur la meule.
Le diamant, on le sait, ne se laissant travailler que par
lui-même, on garnit la meule de poudre de diamant dé-

trempée dans de l'huile d'olive très fine; la meule est avi-


vée de rayures obliques ; elle ne doit être ni dure,
trop
sans cela la poudre ne s'y incrusterait pas assez, ni trop
molle, car la poudre, s'y enfonçant trop, ne serait plus
d'aucun secours.

Quant à la poudre de diamant, elle est fournie par le

cliveur et le bruteur qui la recueillent pendant leur tra-

vail ; elle s'obtient encore en pilant dans un mortier en

fer le diamant boort.

Nous avons décrit les formes au chapitre de la Taille;


nous rappellerons seulement ici que l'art du lapidaire
consiste à donner à ces cinquante-huit facettes leurs justes
dimensions respectives, leur place exacte et leurs propor-
tions ; il doit les polir avec la plus grande finesse, et par
son extrême dureté le diamant s'y prête plus qu'aucune
autre matière.

La taille des petites roses, bien que très différente de

celle du brillant, s'opère de la même manière, mais avec

des tenailles plus petites et plus légères.


Le percement du diamant est un art connu seulement

d'un très petit nombre de personnes, qui le tiennent en

grand secret. La première ouverture se fait avec des

pointes de diamants excessivement aiguës, le percement


s'achève au moyen d'un foret enduit de poudre de dia-

mant.

ou Diamant concrétionné. — Le boort se


Boort

trouve dans tous les gisements diamantifères ; c'est bien


16
242 PIERRES PRÉCIEUSES.

réellement le diamant indomptable, il résiste au clivage,


sa matière est nouée.

Sa densité est de 3-(5.

Réduit en poudre dans les mortiers spéciaux, il sert

ainsi que le carbone pour le polissage des pierres.


On l'emploie également dans l'industrie.

Au moment de mettre sous presse, nous trouvons les

renseignements suivants adressés par M. Gorceix à la

Société minéralogique de France, sur les gisements du

Brésil (voy. Bull. Soc. min., 12 février 1880).


Les terrains à la fois diamantifères et aurifères s'é-
tendent depuis la ville de Conceicào bien au-delà de
Diamantina. Il en existe d'ailleurs en d'autres points de
la province... Les dépôts d'aliuvion se trouvent placés,
soit au milieu des cours d'eau actuels (servicios de Rio),
soit sur les berges de ces cours d'eau qui coulent quelque-
fois dans de petites plaines (servicios de Campjo), soit, enfin,
au milieu des montagnes, mais seulement clans le fond
des ravins (servicios de Serra).

M. Gorceix a visité une des exploitations appelées servi-


cios de Rio; elle est installée dans le lit du Jequitinonha,
à 2 lieues de Diamantina, et cents ouvriers.
occupe cinq
Dans les couches supérieures du on recueille
gravier,
l'émeraude, le béryl, l'andalousite. Le diamant se ren-
contre surtout dans les parties basses. On observe dans
les alluvions des espèces de semblables
grandes poches
aux Marmites des géants de la Suède et de la Norvège.
C'est là que les diamants sont concentrés. Ils ont pour
satellites les oxydes de titane.
RUBIS ET SAPHIR. 243

CHAPITRE III

CORINDON

Korund, ail; Corundum, angl.


Karund des Hindous ; Adamas siderites (Pline) ;

Spath adamantin (Delaméthrie); Télésie : APO 3,


(Hatiy)
sesquioxyde d'aluminium, alumine, contenant 46,6 pour
cent d'oxygène et 53,4 d'aluminium; cristallisé dans le

système rhomboédrique, ayant pour densité 4, pour du-


reté 9, un éclat adamantin des plus vifs.

Cette espèce comprend des pierres de plusieurs couleurs :

COULEURS. Noms des pierres.

Incolore Saphir blanc.


\ Saphir 'qirasol ou étoile;
A fond blanc, laiteux, à reflets mobiles. <

Violet. Améthyste orientale.


Bleu indigo Saphir indigo.
Bleu verdâtre Saphir.
Bleu Aiguë marine orientale.
Vert, ordinairement teinté de jaune . Èmeraude orientale.
Jaune d'or orientale.
Topaze
i Hyacinthe )
Rouge aurore . . . orientales.
| yermeiUe \
Rouge écarlate ou carmin; cochenille \
avec teinte de violet ; rouge de sang Rubis oriental. •
artériel • • /
244 PIERRES PRECIEUSES.

— Le corindon cristallise
Propriétés géométriques.
sous la forme de prismes à six faces, dont les arêtes verti-

cales portent à une seule de leurs extrémités des facettes

ordinairement petites, mais intéressantes pour la cristallo-

graphie (fig. 183).Ces facettes, n'affectant qu'une seule extré-

mité de l'arête suivant une loi d'alternance, font compren-


dre pourquoi le corindon se présente souvent sous la forme

de rhomboèdres aigus, solides, dont six faces parallèles


deux à deux sont des losanges. L'angle dièdre de 2 faces

adjacentes est de 86°4' (fig. 184). C'est l'angle caractéristique


du rhomboèdre qu'on a choisi comme forme primitive. C'est
le rhomboèdre qu'on obtient quand on clive les cristaux.
Cette forme combinée à un prisme hexagonal, ou encore
à une base qui tronque ses sommets, se rencontre souvent
dans le rubis.

Le saphir affecte aussi la forme de prismes, ou bien


celle de doubles pyramides hexagonales étagées les unes
sur les autres, cas particuliers de formes appelées scalé-
noèdres dont les faces deviennent des isocèles
triangles
(fig. 185). En général, ces cristaux sont arrondis de ma-
nière à ressembler à des fuseaux.
— mais
Clivages. Difficiles, nets, parallèlement aux
RUBIS ET SAPHIR. 245

faces du rhomboèdre de 86°4'. Dans certaines variétés on


observe une séparation facile suivant la base des cristaux;
mais des expériences récentes autorisent à penser que les
cristaux ne se divisent parallèlement à cette direction

plane, que parce qu'ils sont formés de lames hexagonales


très minces empilées les unes sur les autres (1).
Propriétés — Le corindon est infusible
chimiques.
aux feux les plus violents de l'industrie. Insoluble dans les

acides, et même dans le carbonate de soude, il est désa-

grégé à une haute température, celle du chalumeau, par

exemple, par le borax ou le sel de phosphore. Il se dissout


en verre clair dans ces fondants.

Pour l'analyser, on le réduit


en poudre très fine dans un mortier
d'acier (mortier d'Abich) ; on le lave ensuite par l'acide chlorhydrique
étendu d'eau. On le traite par six fois son poids de bisulfate de potasse
dans un creuset de platine ; il devient soluble dans l'acide chlorhydri-
que, d'où on le précipite par le sulfure d'ammonium, après avoir saturé
la dissolution par de l'ammoniaque. Le précipité floconneux d'alumine
est abandonné à lui-même ; quand il est à moitié sec, on le lave ; on
le dessèche; on le calcine, puis on le pèse. (Pour reconnaître la pré-
sence du fer ou du chrome dans le précipité, voyez l'analyse du spi-
nelle, p. 255.) Voici les résultats de quelques analyses :

Alumine. Magnésie. Silice.


Rubis de l'Inde. . . 97,32 1,09 1,21
Saphir de l'Inde . . 97,51 1,89 0,80

La magnésie et la silice ne se trouvent ici qu'à l'état de

mélange.
Matières colorantes. — Le d'un blanc bien
saphir

pur ne contient que de l'alumine.

Les corindons colorés doivent leur couleur à des quan-

(1) Voy. Bull. Soc. gêol. de France, 3e série, 3, p. 503, sur la propa-
gation de la chaleur dans les cristaux.
246 PIERRES PRÉCIEUSES.

tités tellement de matière, qu'on ne les retrouve


petites
dans les des chimistes, et que les
pas toujours analyses
meilleurs éclaircissements sur la cause de la coloration

nous sont donnés la c'est-à-dire par la re-


par synthèse,
des substances naturelles.
production
Le rubis doit sa couleur à une très petite quantité
de chrome. Lorsqu'il est porté à une haute tempé-
d'oxyde
rature, il devient vert; mais, en se refroidissant, il reprend

sa couleur Il cette propriété avec le rubis


rouge. partage
et le grenat pyrope, qui renferment aussi tous
spininelle
les deux de l'oxyde de chrome.

Dans toutes les reproductions du rubis, on n'a jamais


à l'alumine un composé de chrome ca-
manqué d'ajouter
de la colorer. Les rubis artificiels de M. Gaudin,
pable
d'Ebelmen, de MM. Sainte-Claire Deville et Caron, de

MM. Frémy et Feil, colorés de cette manière deviennent

aussi verts à une température élevée, mais reprennent à

froid leur coloration primitive. La matière colorante du

est plus douteuse. On serait tenté au premier abord


saphir
de la rapporter au cobalt, à cause de l'analogie de sa

nuance avec celle des verres colorés par l'oxyde de cobalt;


mais on n'y trouve pas même de traces de cette matière,
et l'on n'a rien qui confirme cette opinion purement

hypothétique. Plusieurs saphirs contiennent un peu de

fer, qui joue peut-être un certain rôle. MM. Sainte-Claire

Deville et Caron, comme on le verra au chapitre de la re-

production des pierres précieuses, ont montré que la cou-

leur rouge et la couleur bleue se développent dans l'alumine

en présence du chrome à des températures différentes. La

couleur bleue paraît donc provenir de l'oxyde de chrome,


ce vrai caméléon, qui teint puissamment beaucoup de
matières minérales diverses, et probablement de plusieurs
RUBIS ET SAPHIR. 247

nuances très variées, suivant son état dans les combinai-

sons. Les verriers instruits savent que le chrome colore

les fondants de couleurs différentes, suivant des condi-

tions de température difficiles à analyser. Voyez à Repro-


duction des minéraux celle du rubis par MM. Sainte-

Glaire Deville et Caron. Beaucoup de saphirs se décolo-

rent quand on les chauffe.

Celui de l'Inde devient assez vite incolore. Celui duPuy,


d'un bleu très foncé, s'éclaircit un peu quand on le porte
A une haute température. Les corindons jaunes devien-

nent blancs aussi, lorsqu'on les soumet à cette influence.

Les plus vieux auteurs qui ont parlé des pierres ont tous

signalé ce moyen d'obtenir des corindons blancs, dont

l'éclat est si voisin de celui du diamant.


— L'éclat est en effet considé-
Propriétés physiques.
rable dans cette espèce minérale, dont l'indice de réfrac-

tion est de 1,76. On a cru longtemps que les rubis renfer-

maient des étoiles ardentes, et luisaient pendant la nuit;


ils n'ont en eux-mêmes aucun foyer lumineux ; mais ils

décomposent la lumière, dont ils renvoient les rayons

rouges avec une vivacité sans égale. Traversés par un cou-

rant électrique dans le vide, ils s'illuminent d'un feu

rouge des plus intenses. L'éclat des corindons de toutes

couleurs aide beaucoup à les reconnaître.

Le corindon possède en outre un dichroïsme souvent

assez accentué, à un degré moindre cependant que le sa-

phir d'eau. Un certain nombre des saphirs duPuy, dépar-


tement de la Haute-Loire, en France, du royaume de

Siani et d'autres localités sont verts, lorsqu'on les regarde

perpendiculairement aux faces de leurs prismes, ou à la

hauteur de leurs pyramides; ils sont bleus quand on les

regarde dans la direction même de cette hauteur. Quand


248 PIERRES PRÉCIEUSES.

on observe un de ces cristaux perpendiculairement à une

des faces du prisme au moyen de la loupe dichroscopique,

on voit deux l'une bleue, l'autre verte, qui de-


images,
viennent toutes les deux, lorsque la pierre est por-
jaunes
tée à une un peu élevée; pendant le refroi-
température

dissement, les images deviennent vertes, puis elles repren-


nent leur couleur primitive. Il semble qu'ici la couleur

bleue soit un phénomène de phosphorescence (1), sem-

blable à celui de certaines fluorines.

Enfin, quelques cristaux présentent sur leurs bases

trois systèmes de stries qui rayonnent à partir du centre en

formant ensemble des angles de 60°. Les cristaux de l'Inde

qui offrent cette particularité sont souvent taillés en cabo-

chon. En les plaçant vis-à-vis du soleil ou d'une flamme

vive, on y observe une étoile lumineuse à six branches,

qui semble se promener à leur surface lorsqu'on en

change la direction. Ces variétés portent les noms de sa-

phirs astéries, sternsaphirs, en allemand.

Lorsqu'on regarde un cristal de corindon sur le porte-

objet d'un microscope muni de deux niçois, et que l'on

croise les niçois, la lumière est rétablie par toutes les di-

rections du cristal, excepté pour celle où son axe de figure


est parallèle à l'axe optique de la lunette. Il suffit donc de

lui donner deux positions successives différentes, pour que,


dans l'une au moins, il dissipe l'obscurité produite par le

croisement des niçois, et cela que le cristal soit naturel,


ou taillé à la façon des pierres précieuses.
Si l'on a une plaque de corindon à faces perpendicu-
laires à l'axe de figure, on peut y observer les anneaux
colorés circulaires traversés par une croix noire, qui ca-

(1) JANNETTAZ, Bull. Soc. géol. de France, 2° série, t. XXIX, p. 300.


RUBIS ET SAPHIR. 249

ractérisent les substances à un axe optique, en regardant


cette plaque entre deux tourmalines, ou bien avec le mi-

croscope d'Amici.

On peut aussi faire les expériences relatives à la double


réfraction indiquées à la page 72.
Densité. — Elle a un intérêt de
grand pratique ; elle est

4; c'est une des plus fortes parmi celles des pierres pré-
cieuses; elle est souvent consultée, lorsqu'il s'agit de dis-

tinguer le rubis oriental d'avec un spinelle, ou certaines


tourmalines rouges.
Dureté. — Elle est de 9. C'est souvent le caractère le

plus sûr pour distinguer le rubis oriental de certains rubis

qui ont la même densité , mais qui ne sont que des gre-
nats. La dureté du saphir de l'Inde est, au dire des lapi-
daires, un peu plus grande que celle du rubis.

Gisements. — Le corindon est ordinairement


hyalin
disséminé en cristaux roulés dans le gravier des rivières

avec d'autres gemmes et avec de l'oxyde de fer magnéti-

que. La plupart des rubis et des saphirs les plus beaux

sont recueillis autour de Mo-gaot et de Kyot-pyan, à

cinq jours de marche vers l'E.-S.-E. d'Ava, royaume des Bir-

mans, ou dans les environs de Syrian, ville du Pégu, dans

les monts Capellan, contrée dont l'abord est rendu fort

difficile par les bêtes féroces ou venimeuses. De Ceylan

proviennent aussi des rubis d'un rouge tirant sur le rose,

ordinairement un peu pâle. Il y a des mines célèbres de

rubis à Bakschan, dans l'Usbetistan , partie de la Tartarie

appelée d'abord Mawarelnahar.

L'Amérique fournit de gros saphirs associés à de l'am-

phibole, du feldspath, du mica, des tourmalines, des py-

rites, dans des calcaires grenus, à Newton, New-Jersey; à

Warwick, dans le New-York. Dans le Massachusetts, le


250 PIERRES PRÉCIEUSES.

corindon accompagne le béryl, le zircon et le mica lépi-


dolithe. L'Australie du Sud a fourni également des saphirs
blancs et bleus.
— En Bohême à l'état
Europe. , on rencontre des saphirs
de galets ou de cristaux arrondis sur les hauteurs du mont

Iser, aux environs de Bilin et de Meronitz. En France, on

trouve du saphir à Croustet, dans le basalte et les laves

basaltiques, ainsi que dans les alluvions du ruisseau d'Ex-

pailly, près du Puy en Velay.


Taille des Corindons. — Les rubis, les saphirs, sontgen

général taillés en brillants. On donne souvent à la cein-

ture des saphirs des contours un peu plus fantaisistes. On

les taille en octogones, à degrés, en cabochons. On retaille

aujourd'hui en brillants, à cause du prix élevé qu'ils

atteignent maintenant, les rubis elles saphirs, qui vien-

nent de l'Orient, et qui sont taillés imparfaitement, d'ha-


bitude en cabochon.

Valeur commerciale. — Un rubis d'une belle de cou-


eau,
leur agréable, vive et bien homogène, a souvent une

énorme valeur. Un rubis parfait de 5 à 10 carats (1 à


2 grammes) se vendrait deux ou trois fois cher
plus qu'un
diamant de même grosseur. Voici les prix de quelques-
uns de ceux qui sont estimés dans l'inventaire des pierres
de couleurs delà couronne de France en 1791 :

Un grand rubis d'Orient, forme de lyre, cou-


leur rose, plusieurs glaces et bouillons; un
cran dans le dessous 25e -fc 25.0001ivres.
Un grand rubis
d'Orient, forme d'oeuf de
poule, deux crans dans le dessous, couleur
pourpre, une calcédoine au milieu 7e 8.000 —
Un rubis d'Orient de première couleur, mais
inégal, forme à huit pans (deux forts
crans dans le dessous) 3° ^ 3.000 —
RUBIS ET SAPHIR. 251

Un rubis d'Orient, de bonne couleur (2 bouil-


lons) 3c fg 1.000 —
66 rubis de différentes formes et grosseurs
à 100 francs le karat.

Un saphir parfait ne doit pas être trop foncé, il doit


avoir une limpidité parfaite. La couleur la plus agréable
est le bleu d'azur, rehaussé par un velouté qui est dû au

grand pouvoir réflecteur de la pierre.

Un défaut commun à beaucoup de cristaux consiste


dans le peu d'uniformité de leurs couleurs. Souvent une

moitié d'un corindon est bleue, l'autre blanche, jaunâtre


ou rouge.
Dans l'inventaire de 1791 déjà cité, on lit :

Un gros morceau de saphir, forme losange


à six pans, poli à plat sur toutes les faces,
deux vives arêtes arrondies, vif et net . . 132° fj lOO.OOOlivres.
Un saphir d'Orient, riche en couleur, vif,
avec égrisure, forme à huit pans 27e xz 12.000 —
Un saphir d'Orient, ovale allongé, saphir des
deux bouts, topaze au milieu 19e ^ 6.000 —
Une topaze d'Orient, de belle couleur, carré
long, grand cran au-dessous, glace et fumée. 27e -j-f 6.000 —
Une améthyste orientale, émoussée, faible en
couleur, vive et nette 13° 7\- 6.000 —

Quant au corindon d'un véritable vert émeraude, tous

les auteurs en parlent. En existe-t-il?

Le Muséum d'histoire naturelle possède un beau saphir


taillé et poli parallèlement aux faces du rhomboèdre pri-
mitif. Ce saphir, des mieux caractérisés au point de vue de

la forme et de la couleur, est la plus belle pierre de notre

collection nationale, que le haut prix de ces matières em-

pêche d'être aussi complète qu'on pourrait le désirer.

Dans ces dernières années, on a parlé d'un saphir valant


252 PIERRES PRÉCIEUSES.

d'un million de par Haiiy, au nom


plus francs, échangé

de la France, avec un minéralogiste célèbre d'Allemagne,

Weiss. La vérité est a eu lieu entre la


qu'un échange
France et à la fin du siècle dernier, sous les
l'Allemagne
de deux commissions nommés par les
auspices d'experts
des deux nations. Un à l'état de
gouvernements saphir

cristal naturel faisait de la collection offerte par la


partie
France. Les cristaux de surtout ceux qui ont la
saphir,
forme de doubles cachent quelquefois sous
pyramides,

une croûte plus ou moins pâle et laide un noyau capable


de fournir après la taille une fort belle pierre. Telle est

sans cloute l'origine de ce conte trop de fois répété. Si le

noyau du cristal donné à Weiss avait la valeur qu'on lui

attribue, on saurait en quelles mains il se trouve, d'au-

tant mieux que l'erreur commise ne serait pas une faute ;


ceux qui ont propagé cette anecdote n'ont jamais dit le

nom du propriétaire actuel de ce saphir unique.


Les auteurs se sont du reste complu à enrichir la col-

lection du Muséum de saphirs qui ne lui appartiennent

pas. C'est ainsi que dans quelques livres, même récents,


on peut voir représentée une pierre de cette espèce, dont
RUBIS ET SAPHIR. 253

le Muséum ne possède qu'un modèle en verre coloré; c'est


un saphir appartenant au ducdeDevonshire(fig.l86 et 187).

Appendice Emeri.

Pierre à aiguiser d'Arménie (Théophraste).


Smuris (Dioscoride), Naxium d'Arménie (Pline).

Smyris, Smiris d'Agricola; Smergel, Smirgel, Schmirgel,


Emeril (Haiiy).
C'est de l'alumine cristallisée compacte, ordinairement

mêlée d'une plus ou moins grande quantité d'oxyde de

fer.

Analyses de quelques émeris.

Sesquioxyde
Alumine, de fer. Chaux. Silice. Eau. Total.
Émeri de Gumuch. 77,82 8,62 1,80 8,13 3,11 99,48
— Naxos. . 68,53 24,10 0,86 3,10 4,72 101,31
,
— Chester /
( 44,01 50,21 3,13
(Massachussetts) \

La dureté de l'émeri est d'autant plus grande qu'il con-

tient plus d'alumine (voir p. 1-48).


254 PIERRES PRÉCIEUSES.

CHAPITRE IV

S PIN ELLE

Rubis spinelle; Rubis balais; Almandine, ancien français

espinelle.
On ne connaît pas l'époque où le mot espinelle s'est in-

troduit pour la première fois dans la langue. Quant aux

mots rubis et balais, ils étaient employés dès le xme siècle.

Les rubis spinelle et balais rentrent dans les Anthrax des

Grecs, et les Carbunculi de Pline, sans cloute parmi ceux

que Pline appelait femelles.

Le spinelle est un aluminate de magnésie, MgOAPO 3,


combinaison de 28 de magnésie et 72 d'alumine pour
100 parties, cristallisé en octaèdres réguliers, ayant pour
densité 3,575, et pour dureté 8. Souvent une certaine

quantité de protoxyde de fer remplace une quantité

équivalente de magnésie, et l'espèce passe au pléonaste


en prenant une couleur noire.

COULEURS. Noms des pierres.

R.ouge de feu, rouge avec points de carmin. . . . Rubis spinelle.


Rouge rose, avec points de bleu, souvent un peu
laiteux Rubis balai.
Rouge jaunâtre ou orange. Rubicelle.
Rouge de vinaigre Spinelle vinaigre.
RUBIS SPINELLE. 255

Rouge cochenille mêlé de bleu (violacé) Almandine.


Noir en masse, à éclat très vif Pléonaste.
Bleu, sans usage Sjmîelle bleu.

Formes — L'octaèdre
géométriques. régulier simple,

(fig. 188); l'octaèdre transposé.


Les octaèdres sont souvent allongés ou aplatis dans une

direction au détriment des autres (voyez, Déformations,


p. 58) (fig. 189).

— Sans action sur la lumière


Propriétés physiques.

polarisée.
Éclat des plus vifs. L'indice de réfraction est de 1,81.
Les pléonastes de Haute-Loire ont souvent un éclat super-
ficiel gras, semblable à celui des diamants.

Composition et Propriétés chimiques

— d'un rubis de
Composition. Analyse spinelle Ceylan,

par Abich.

Alumine 69,01 ; magnésie 26,21 ; protoxyde de fer, 0,71 ;

sesquioxyde de chrome 1,10 ; silice 2,02.


Le protoxyde de fer renferme une partie de la magnésie

à titre d'isomorphe ; le sexquioxyde de chrome et la silice

ne sont que mélangés ; le chrome qu'on en retire par l'ana-


256 PIERRES PRÉCIEUSES.

à l'état de n'existe pas à ce degré d'oxy-


lyse sesquioxyde
dans ce il entre probablement à l'état
dation mélange;
sous il donne une belle couleur
d'acide chromique lequel
On sait cet chauffé devient noir, et qu'il
rouge. que oxyde
sa couleur à froid. Le rubis spinelle porté à une
reprend
haute se comporte de même ; il devient comme
température
rubis oriental, d'un vert tirant sur le noir à chaud, et
le
à sa couleur en se refroidissant. Il ne
reprend peu peu
faut le chauffer trop brusquement, ni à une tempéra-
pas
ture trop élevée.

Le des spinelles comprend beau-


groupe minéralogique

qui ne jouent aucun rôle à titre de pierres


coup d'espèces

précieuses.
Nous nous contenterons de rappeler que. d'après les

de M. Pisani, le spinelle noir ou pléonaste d'Au-


analyses
contient 10,72 de sesquioxyde de fer remplaçant
vergne
de l'alumine, et 13,60 de protoxyde du même métal, qui
de la magnésie proportionnellement à leurs
remplacent
respectifs. Lorsqu'on examine toutes les espè-
équivalents
ces du on voit que les deux oxydes de fer rempla-
groupe,
cent ainsi chacun de leur côté les deux éléments du rubis

et l'on arrive à la magnétite FeOFe 203, qui est le


spinelle,
meilleur minerai de fer, appelé pierre d'aimant, mais

aussi éloigné que possible des pierres précieuses, bien que


dans l'antiquité on l'ait quelquefois employé comme

pierre d'ornementation, ou plutôt peut-être comme amu-

lette.

Analyse des Spinelles

A cause de leur composition souvent très complexe, l'analyse des


spinelles est longue, lorsqu'on veut en doser tous les éléments. On en
broie un fragment, environ 1 gramme, en poudre aussi fine que possi-
RUBIS SPINELLE. 257

ble ; on l'attaque par le bisulfate de potasse, comme nousTavons dit


plus haut pour le rubis ; on le maintient en fusion au rouge sombre
dans un creuset de platine. On laisse refroidir; on ajoute un peu de
carbonate de soude et de nitre, on amène le tout à fusion tranquille,
jusqu'à ce que la masse se boursoufle. Il se forme du chromate de
potasse, qu'on enlève par l'eau bouillante, lorsque le creuset est froid,
ou à peu près. On filtre, et il reste sur le filtre alumine, magnésie,
oxyde de fer. La dissolution de chromate qui traverse le filtre est
traitée avec précaution par de l'acide chlorhydrique, puis portée à
Fébullition avec un peu
d'alcool, et l'acide chromique ramené à l'état
de sesquioxyde de chrome est précipité au moyen de l'ammoniaque et
jeté sur un filtre. Le filtre lavé, séché, calciné, pesé, on calcule le
poids du chrome.
Le résidu d'alumine, magnésie et oxyde de fer resté sur le filtre, est
dissous dans l'acide chlorhydrique, et la dissolution traitée par l'am-
moniaque, puis par du sulfure d'ammonium qui précipite l'alumine t
le fer à l'état de sesquioxyde; on jette sur un filtre qui retient ces
deux oxydes et laisse passer la magnésie. On lave l'alumine quand
elle est à moitié sèche, et, lorsqu'une goutte de la liqueur du lavage
ne précipite plus par l'azotate d'argent, on y précipite la magnésie au
moyen du phosphate de soude additionné d'un peu d'ammoniaque. Le

précipité de phosphate ammoniaco-magnésien est lent à se former. Il


fait connaître la quantité de magnésie.
Quant au mélange d'alumine et de sesquioxyde de fer, il est mis, une
fois sec, dans une nacelle de porcelaine, tarée d'avance, qu'on intro-
duit dans un tube de porcelaine. Le poids de la nacelle chargée des

•oxydes, comparé à celui qu'elle avait quand elle était vide, fait
con-
naître le poids de ces oxydes. Le tube de porcelaine est placé dans un
four à réverbère; on y fait passer un courant d'hydrogène sec, lequel
réduit l'oxyde de fer seul, puis un courant d'acide
chlorhydrique sec,
le fer à l'état de chlorure volatil; enfin, un nouveau cou-
qui emporte
rant d'hydrogène sec pour laver l'appareil. La nacelle j)esée a perdu
de son poids, et la perte est le poids du sesquioxyde de fer disparu. Le
résidu est de Yalumine.

Propriétés chimiques. —Les spinelles sont infusibles

au chalumeau, difficilement attaqués par le borax, ou par


l'acide concentré. Celui de couleur rouge subit
sulfurique
à chaud des modifications dont nous avons parlé plus

haut.
17
258 PIERRES PRECIEUSES.

Gisements. Il est disséminé dans des calcaires, ou dans

des schistes cristallins, parfois dans des roches volca-

niques.
A Ceylan, à Siam, on le rencontre en cristaux roulés

dans le gravier des rivières. 11 accompagne ordinairement

le corindon.

Taille. — On le taille en brillant à la partie supérieure

(couronne et table), à degrés dans le dessous.

Quand il est d'une rare beauté, on donne également au-

dessous la forme de brillant. Quelquefois dans la monture

on le pose sur une feuille d'or ou de cuivre, pour en avi-

ver la couleur. On en fait quelquefois disparaître les nua-

ges et les taches en le chauffant ; mais c'est un essai dan-

gereux.
Valeur commerciale. — l'inventaire de la cou-
D'après
ronne :

Un grand rubis spinelle, carré long, vif et


'
net 56° if 50.000livres.
Un spinelle à huit pans allongés, grand cran
sur un des flancs, vif et net 3e j| 300 —
Un grand rubis balais,belle couleur, vif, net,
carré, peu de dessous 20e -^ 10.000 —
Un rubis balais, bonne couleur, vif et net, à
huit
pans 5<^ -^ 400 —
Un rubis balais, couleur vinaigre, huit pans,
vif et net /±c -i_ 200
CHRYSOBÉRYL ET ALEXANDRITE. 259

CHAPITRE V

CHRYSOBÉRYL DE WERNER

De Chrusos, or et Berullos, béryl.


,, Cymophane (Haiiy), de Cumos, flottant, et Phainô, je-
parais, sans doute la chrysolithe, que Pline range parmi
les topazes.
Crissolite est une pierre de reluist comme or et
Ethiopie qui
estincelle comme feu et a la couleur de la mer décline à
qui
verdure. {Le Propriétaire des choses, en 1372.)
C'est un aluminate de glucine, G103AP03, théo-
composé
riquement de 80,2 alumine, 19,8 glucine.

L'analyse de celle du Brésil a donné à M. Damour

78,1 d'alumine, 17,94 de glucine et 4,47 de de


protoxyde
fer. La densité en est de 3,734. La dureté est 8,5, un peu
supérieure à celle du spinelle.
Elle cristallise en prismes droits à base rhombe, dont
les pans font entre eux un angle
de 120° 9'. Les prismes sont modi-

fiés sur les arêtes et les angles ai-

gus de leurs bases. Les cristaux du

Brésil sont souvent groupés par


deux parallèlement aux faces du

prisme. Les bases des cristaux sont striées (fig. 190) paral-
lèlement à leurs diagonales aiguës.
260 PIERRES PRÉCIEUSES.

trois groupes formés chacun de deux cris-


Quelquefois,
taux comme nous venons de le dire s'acco-
déjà groupés
lent autour d'une ligne perpendicu-
laire à leurs bases, et l'on a six cris-

taux autour de cette ligne. Les fa-

cettes qui modifient les arêtes de

leurs bases sont le plus ordinaire-

ment seules visibles dans ces cris-

taux, outre les bases elles-mêmes,

et l'ensemble à l'aspect d'une double pyramide à douze

faces tronquée aux deux bouts. Trois directions de stries

qui s'entre-croisent sur les bases témoignent de cette

structure (fig. 191).


La couleur varie du jaune d'or vif au vert asperge, au

vert olive dans les chrysobéryls du Brésil et des Etats-

Unis.

L'éclat des cristaux est vitreux, mais un peu gras ; cer-


taines variétés ont des reflets opalescents, laiteux, d'un
effet agréable, qui ont fait donner par Haiiy le nom de

cymophane à l'espèce tout entière. Brewster a observé


dans ces variétés chatoyantes un nombre infini de très
fines cavités.

Propriétés — Au le
chimiques. chalumeau, chryso-
béryl est infusible, insoluble dans les acides. En versant
sur la matière une ou deux gouttes d'une dissolution éten-
due d'azotate de cobalt, et chauffant fortement, on obtient
une coloration bleue. En ajoutant à la matière finement

pulvérisée du borax, on obtient une masse fondue, vi-


treuse et limpide.
— Pour on le
Analyse. l'analyser, décompose par le
bisulfate de potasse ; on dissout la masse fondue on
;
ajoute à la liqueur une dissolution concentrée de carbo-
CHRYSOBÉRYL ET. ALEXANDRITE. 261

nate d'ammoniaque ; on ferme le vase ; on laisse reposer


le tout pendant un temps assez long, en fréquem-
agitant
ment. On ajoute un excès de carbonate d'ammoniaque,
ce qu'il en fant pour empêcher la glucine de se précipiter,

pas assez cependant pour dissoudre de l'alumine ; on jette


sur un filtre, on lave, on dessèche, on calcine, on pèse,
on connaît le poids de l'alumine.

Gisements. — Le se recueille en cristaux


chrysobéryl
souvent cassés, roulés , dans les sables des rivières du

Pégu, ou sur la côte occidentale de l'île de Bornéo, avec


le diamant, l'or, la topaze, le béryl ; au Brésil, dans les

sables diamantifères. Dans l'Amérique du Nord, il est dis-

séminé avec le grenat, la tourmaline et le zircon, dans des

filons granitiques, à Haddam, Connecticut.

Taille et Valeur. — Les d'un beau


chrysobéryls jaune
d'or vif se taillent comme les diamants, au moins dans le

dessus. Ceux qui sont opalescents, chatoyants, se taillent

en cabochons. On les travaille avec l'émeri sur la roue de

laiton ; le tripoli sert à les polir. Ils sont en général moins

appréciés en Europe qu'au Brésil. Ils atteignent à peine


la valeur du rubis balais.

Alexandrite.— Une variété d'un beau vertémeraude,

appelée alexandrite, se rencontre en gros cristaux dans les

mines d'émeraude de Takowaja, à 180 verstes à l'est de

Katharinenbourg. Elle est engagée dans un micaschiste

qui renferme en même temps des spinelles et des tourma-

lines. Elle est à.moitié opaque, d'un assez beau vert foncé

à la lumière diffuse du jour; au soleil, ou le soir, à la

flamme d'une bougie, elle est d'un rouge gorge de pigeon,

quand on la regarde par transparence. C'est une pierre


d'un assez grand prix, quand elle est suffisamment trans-

parente.
262 PIERRES PRÉCIEUSES.

CHAPITRE VI

EMERAUDE

Smaragdos grec; smaragdus latin ; zarnarrut des anciens


Arabes ; pachec des Hindous, au temps de Garcias ab

Horto, marakata, sanscrit; Smaragd, allemand; Emerald,

anglais, Esmeralda, espagnol.


Le nom d'émeraude est donné, par les à
minéralogistes,
un silicate d'alumine et de glucine, cristallisé dans le sys-
tème hexagonal. Cette espèce comprend : l'émeraude

proprement dite et le béryl. Les anciens, qui n'avaient


aucune notion de chimie, et qui en avaient de bien vagues
en avaient
cristallographie, compris qu'il y avait des liens
de parenté entre le béryl et l'émeraude. on
Aujourd'hui,
ne peut admettre aucune différence essentielle entre ces
deux variétés d'une même espèce, que les uns appellent
émeraude, et les autres béryl.
Toutes les deux sont composées de trois équivalents
de un d'alumine
glucine (GIO), (APO 3) et six de silice
en sorte la formule est
(SiO-), que (G10)3AP03 (SiO 2) 6.
La composition en centièmes correspond à : Silice 66,8 ;
alumine 19,1 ; glucine 14,1.
Formes cristallines. — Elles cristallisent aussi toutes
les deux en prismes dont les
hexagonaux angles (fig. 192),
EMERAUDE ET BÉRYL. 263

ou les arêtes basiques sont un ou


remplacés ,par plu-
sieurs étages de facettes (fig. 193 et fig. 194), qui prolon-
gées suffisamment formeraient des pyramides hexago-
nales. Les angles des facettes de ces avec la
pyramides
base sont les mêmes dans le et dans l'émeraude.
béryl
Pour une des pyramides cet angle est de 130°57', pour
une autre il est de 150°3'. Beaucoup de surtout
cristaux,

ceux de béryl, ont leurs faces striées, cannelées dans le


sens de la longueur, et paraissent cylindroïdes.
dureté. — Les deux variétés ont
Densité, grandes aussi la
même dureté 7,5, plus grande celle du
que quartz, plus
petite que celle de la topaze, et la même densité, ou à peu

près; cette densité est : 2,67 dans l'émeraude verte de


Muso ; 2,71 à 2,76 dans celle de l'Oural; 2,68 dans le béryl
de Donegal.
Couleurs. — L'émeraude les sui-
comprend variétés
vantes :

rmTrFnR<ï
COULEURS. Noms des pierres
dans la joaillerie.
Vert émeraude ; vert d'herbe Émeraude.
Vert de mer (couleur d'eau de mer) Aigue-marine.
Vert pomme, vert mêlé de jaune (chrysobéryl \
des anciens joailliers) ; bleu pâle (aeroïdes de Béryl.
j
Pline), violacée, roussâtre /
Jaune verdâtre, très vif , Chrysolithe.
264 PIERRES PRÉCIEUSES.

L'indice de réfraction est en moyenne de 1,572 dans

le 1,58 dans l'émeraude de Muso, pour les rayons


béryl,

verts, les observations de M. Des Cloizeaux.


d'après
avait cru attribuer la coloration en vert
Lewy pouvoir
de l'émeraude à un hydrogène carboné ; l'analyse lui avait

fait reconnaître en effet dans celle de Muso la présence du

carbone et de Mais cette coloration est due à


l'hydrogène.
du chrome, comme l'a montré "Wohler; il suffit de quel-
millièmes de sesquioxyde de chrome pour colorer en
ques
vert un silicate fusible. Les matières charbonneuses nous

jouer cependant un rôle dans'la coloration des


paraissent
émeraudes ; mais c'est en y produisant ce ton noir, qui
se joue au milieu du fond vert, en lui donnant un velouté

de l'effet le plus agréable. L'émeraude de Muso est accom-

pagnée d'anthracite, et toutes les belles émeraudes sont

disséminées clans des micaschistes noirs (1).

— Pour
l'analyser, on la réduit en poudre aussi fine que
Anrdyse.
possible; on la dessèche, on la traite par qua.tre fois son poids de car-
bonate de potasse et de soude dans un creuset de platine, ce qui désa-
grège la matière; on laisse la masse fondue en digestion avec un
excès d'acide chlorhydrique jusqu'à dissolution complète; on évapore
à siccité. La silice rendue insoluble se dépose. On humecte le résidu
avec de l'acide chlorhydrique mêlé d'eau chaude; on jette sur un filtre;
on lave, dessèche, et pèse ce qui ne passe
calcine pas à la filtration,
et qui se compose de silice. La liqueur filtrée contenant l'alumine et
la glucine est versée après concentration dans un excès de dissolu-
tion chaude et concentrée de carbonate d'ammoniaque; on laisse le
tout digérer dans un vase fermé; on jette sur un filtre qui retient
l'alumine et l'oxyde de fer, s'il y en a ; on fait bouillir la solution fil-
trée, en sursaturant au moyen d'acide chlorhydrique; on laisse l'acide
carbonique se dégager quelque temps; on précipite la glucine par
l'ammoniaque.

(1) JANNETTAZ, Bull. Soc. géol. de France, 2e série, t. XXIX, p. 300.


ÉMERAUDE ET BÉRYL. 265

ANALYSES D'ÉMERATJDES :

Oxyde
Oxyde de
Silice. Alumine. Glucine. de fer. Magnésie. Soude, chrome.

Emeraude)
verte de 67,85 17,95 12,40 1 0,90 0,7 traces.
Muso. )

67' 34 17> 63 13' 51 ~ °' 90 °> 7 id-


BL?moges|

La première analyse est due à Levvy; la seconde à Gmelin. — On


voit que les différences sont insignifiantes, et que les deux variétés ont
bien la même composition chimique.

Caractères au Chalumeau. — Difficilement fusible

sur les bords en scorie huileuse. Avec le borax sur le fil de

platine on obtient une perle limpide, incolore (béryl), un

peu verdâtre (émeraude).


On la matière sur le fil de platine au
peut désagréger
du sel de phosphore ; on obtient ainsi une perle
moyen
où la silice tournoie sur elle-même, tant que la perle reste

en fusion. Les acides chlorhydrique et azotique sont sans

action.
r f
Gisements. — Emeraude verte : En à sept ou
Egypte,
huit lieues de la mer Rouge, à quarante lieues au sud de

Cosséir, au mont Zabarah, on retrouve des traces des ex-

des anciens. La roche est un micaschiste noir.


ploitations
Dans l'Oural, sur le flanc oriental, près de Katharinen-

un charbonnier découvrit la première en 1830. La


bourg,
collection du corps des Mines, à Saint-Pétersbourg, pos-

sède un cristal de 8 pouces de long et de 15 pouces d'épais-

seur. La des émeraudes consiste en granités et


région
schistes cristallisés serpentineux, parallèles les uns aux

autres, et courant de N.-O. à S.-E. La mine de Takowaja

est une des plus fécondes.


266 PIERRES PRÉCIEUSES.

L'émeraude de l'Oural était peut-être la scythique de

Pline.

Cette jolie pierre se rencontre aussi dans un micaschiste

noir de la vallée d'Habach, dans le Salzbourg, en Autriche ;


en France, aux environs de Nantes, mais en échantillons

rares, petits et de peu de valeur; enfin, dans l'Australie


du Sud, au mont Remarquable.
En Amérique, ce sont des filons calcaires qui servent de

gangue à l'émeraude, dans la vallée de Tunca, cordillère

orientale des Andes. Ces filons traversent des schistes ar-

gileux, amphiboliques. Une des mines les plus célèbres


est celle de Muso, à 87 mètres au-dessus de la mer, à
trente milles au N.-N.-O. de Bogota.Elle a été découvertepar
Lanchero en 1555. La gangue est un calcaire bitumineux
blanc avec anthracite, pyrite, parisite (carbonate de lan-
thane et de didyme), quartz en cristaux limpides, inco-

lores, etdolomieen rhomboèdres ordinairement noirâtres.


Souvent la gangue divise la pierre précieuse en deux ou
trois morceaux; celle-ci est fragile et se fendille quelque-
fois au sortir de la carrière; elle est souvent très limpide,
au moins dans une grande partie de sa masse.
Le béryl est beaucoup plus abondant.
La Sibérie possède les fameuses mines de topaze et d'é-
meraude aux monts Adun-Tschilon, sur la fron-
Sibérie,
tière chinoise. En France, le béryl forme les volu-
prismes
mineux, malheureusement opaques, des environs de Limo-

ges. Les plus beaux cristaux de véritable aigue-marine


viennent des environs d'Ava, royaume des aux
Birmans,
Indes Orientales. On y a trouvé un de 1840
béryl grammes,
et d'une valeur de 12,500 francs.
Taille des Émeraudes. — On les travaille à l'émeri
sur la roue de cuivre ; on les avec du de
polit tripoli, la
ÉMERAUDE ET BÉRYL. 267

potée d'étain ; on les taille comme les diamants, ou à

degrés ; on les entoure de perles ou de diamants. L'éme-

raude est splendide entre des rubis.

L'émeraude fissurée est dite jardinée.


Les émeraudes ont été recherchées de tout temps. Les

reliquaires des vieilles églises du vmc et du ixe siècle nous

en ont conservé un grand nombre. Une des plus célèbres

est celle de la tiare du pape, elle a 1 pouce de long et 5/4


de pouce d'épaisseur.
C'est une émeraude de l'ancien continent.

Dans l'inventaire des pierres précieuses de la couronne

de France figurent :

Une grande émeraude carrée, de la plus belle


couleur, mal nette 16e ^ 12.000 livres.
Une émeraude de belle couleur, épaisse (gla-
9° £ 3.000 —
ç.uresï
Une émeraude de bonne couleur, forme à six
nette 3° ^ 500 —
pans, ,
268 PIERRES PRECIEUSES.

CHAPITRE VII

PHÉNACITE ET EUCLASE.

Phénacite. — Le nom de tiré du mot grec


phénacite,

l'analogie de ses formes avec


cpévaE, imposteur, rappelle
celles du quartz.
Silicate de glucine, composé de silice 54,27 ; glucine 45,73.
Cette espèce cristallise en prismes

hexagonaux terminés par des rhom-

boèdres dont l'un a un angle culmi-

nant de 116e 36' (fig. 195). La cassure

est conchoïdale. La densité est de 3;


la dureté 7,5 à 8, à peu près celle de la

topaze.
La phénacite est souvent transpa-
rente et incolore.

L'indice de réfraction est d'environ 1,68 dans les cristaux

de l'Oural.

Au chalumeau, cette matière est infusible ; elle se colore

en gris bleuâtre, quand on y ajoute un peu de nitrate de

cobalt, et qu'on chauffe fortement. Elle est insoluble dans

les acides.

Elle se rencontre en beaux cristaux avec des cymopha-


nes et des émeraudes dans le micaschiste de Takowaja,
PHENACITE ET EUCLASE. 269

près de Katharinenburg; les cristaux des autres régions


n'ont pas pu être utilisés.

Elle ressemble beaucoup au quartz; mais la densité

d'environ 3, et la dureté d'environ 8, y sont supérieures à

celles du quartz.
En Russie, on la taille quelquefois lorsqu'elle est très

limpide.
Euclase. — Silicate d'alumine et de glucine hydraté,
renfermant : silice 41,15; alumine 35,4; glucine 17,34;
eau 6,17.
Au chalumeau, elle fond difficilement en émail blanc,

perd de l'eau et un peu de fluor, d'après M. Damour.

Dureté 7,5. Densité 3,1. Couleurs variant

du vert au bleu, ordinairement très

pâles, parfois foncées. Eclat vif. For-

mes : un prisme rhomboïdal oblique,


dont les pans font un angle de 144°40'

et l'angle supplémentaire. On observe

d'habitude un assez grand nombre de

facettes modifiantes verticales (fig. 196)


et un clivage facile parallèle au plan
de symétrie; aussi n'a-t-on souvent que des 1/2 cristaux.
De là vient le nom d'euclase (zûyJ,a.aiç). Cette matière, rare

maintenant au Brésil, se retrouve dans le sud-est de

l'Oural.
270 PIERRES PRÉCIEUSES.

CHAPITRE VIII

GRENATS

Silicates d'alumine et de diverses bases alcalino-terreu-

ses ou métalliques, cristallisés en dodécaèdres rhomboï-

daux, ou en trapézoèdres, ayant à peu près la dureté du

quartz. Le mot de grenade, qui rappelle la couleur du gre-

nadier, ne doit plus être pris avec son sens étymologique ;


c'est un vieux mot qu'on garde pour ne pas en introduire

un nouveau dans la nomenclature.

Couleurs des grenats. — Dans ce groupe, un si grand nom-

bre de protoxydes et de sesquioxydes terreux ou métalli-

ques peuvent se remplacer, qu'il y a bien des variations

dans les couleurs.


LES GRENATS. 271

NOMS N0MS
COULEURS MS
DES LAPinAIlîBS ^PECES
en minéralogie

Grenat syrien ou sy-


r, . , . , riaque,
7 plus exacte- ..
Rouge violet, velouté: rouge '. Almandm
. . - ment syrian
cramoisi ionce. ^ 7; Jqrenat
,,
noble; grenat orien-
lai.

Almandine.
Rouge un peu orangé; couleur
yermeiUe_
du vin de Mâcon.

Rouge de sang; mêlé quelque- Pyrope ou grenat de


fois d*un peu d'orangé. ^ "
Bohême.

Rouge plus clair. Grenat du Cap. Grenat du Cap

Orangé,D tirant sur le iaune par rr . ,, „


. Hyacinthe. hssonite, va-
transparence;
\„
rouge
. orange
« r . .
lacinta , ... , -.±. ,
.„ la bella des riete de
très vif, par réflexion, en lace TJ ,. „ , .
. .. . Italiens. Grossulaire.
d une lumière vive.

D'un Dema?itoïde '


beau vert, vif, légèrement Encore peu connu des .
&
J'aunâtre- joaillers.
Zélanite.

Propriétés — L'indice de réfraction est


physiques.
de 1,825; le pouvoir dispersif est faible.

Sous le microscope muni de deux niçois en croix, les


almandins n'exercent aucune action sur la lumière pola-
risée; les essonites, au contraire, dissipent l'obscurité par
places, et montrent quelques parties colorées ; ce phéno-
mène n'est pas encore expliqué ; tient-il à un mélange de
substances étrangères, ou à des régions pseudomor-
phosées?
272 PIERRES PRECIEUSES.

Dureté. —La dureté est à peu près celle du quartz dans

l'almandin et le pyrope ; elle est un peu plus faible dans

l'hyacinthe.
Densité. — La densité de l'essonite est de 3,66 ; celle de

l'almandin, d'environ 4, atteint 4,3 dans certaines varié-

tés. Elle est très voisine de celle du rubis oriental. Elle

est de 3,7 dans le pyrope.


— Au les carac-
Propriétés chimiques. chalumeau,
tères varient d'une espèce à l'autre. L'hyacinthe est fusi-

ble en verre clair plus ou moins verdâtre ; l'almandin, en

globule noirâtre ou noir, faiblement translucide et forte-

ment magnétique. Le pyrope est difficilement fusible. A

chaud, il devient d'nn vert foncé, presque noir; à froid, il

reprend sa couleur ; il donne les réactions du chrome,


l'almandin donne celles du fer.

Les grenats sont difficilement attaquables par l'acide

chlorhydrique ; le pyrope ne l'est pas du tout. Toutes les

espèces, excepté l'ouwarowite, deviennent solubles dans


cet acide, en y faisant gelée, lorsqu'elles ont été préalable-
ment fondues. Toutes sont attaquables, lorsqu'on les fond
avec des carbonates alcalins.
Formes cristallines. — Toutes sont cristallisées

dans le système cubique. Les formes dominantes sont le


dodécaèdre rhomboïdal (fig. 197), le trapézoèdre ou ico-
LES GRENATS. 273

sitétraèdre le plus simple de tous la combinai-


(fig. 198);
son des deux, c'est-à-dire le dodécaèdre rhomboïdal

(fig. 199), dont les arêtes sont remplacées par des facet-
tes planes ; enfin, les formes précédentes combinées avec
des facettes de l'octaèdre régulier.
Composition — de de
chimique. Analyse l'hyacinthe
Ceylan, par Gmelin : silice 40,01 ; alumine 23; protoxyde
de fer 3,31 ; chaux 30,57 ; potasse 0,59; au feu 0,33.
perte
Lorsqu'on traduit en équivalents chimiques les résultats
de cette analyse, on obtient : 3 équivalents de silice ou

acide silicique, 1 équivalent d'alumine, et 3 de chaux; la

petite quantité de fer tient la place d'une quantité équi-


valente de chaux.

La formule s'écrit :

3 3
(CaO) APO (SiO 2) 3.

Elle exige théoriquement, pour 100 parties : silice 39,91 ;


alumine 22,84 ; chaux 37,25; mais l'analyse de Gmelin ne

donne, en additionnant tous les éléments, que 97,81 au

lieu de 100.

L'escarboucle de Boëtius, almandin ou almandine des

minéralogistes et des joailliers actuels, a une composition

analogue; mais la chaux est remplacée en tout ou en

grande partie par du protoxyde- de fer auquel vient se

mêler souvent du protoxyde de manganèse. La formule

est : (FeO)3AP03(Si02) 3, correspondant à : silice 36,07 ;


alumine 20,65 ; oxyde ferreux (protoxyde de fer) 43,28.
du de Bohême. — La de ce
Analyse grenat composition

grenat, le pyrope des minéralogistes actuels, est assez

complexe, en ce sens que la silice et l'alumine y sont com-


18
274 PIERRUS PRÉCIEUSES.

binées à un assez grand nombre de bases protoxydes,


comme le montre une analyse due à Moberg :

Silice 41,35 ; alumine 22,35 ; protoxyde de fer 9,9; pro-


de chrome 4,17; protoxyde de manganèse 2,59;
toxyde
15 ; chaux 5,29. La formule s'écrira encore :
magnésie

En convenant que MO est la somme des équivalents de

chacun des protoxydes.


Demantoide. —Enfin, on emploie depuis un ou deux

ans un beau grenat vert du groupe des mélanites, composé


de silice 35,44; sesquioxyde de fer 32,85; chaux 32,85;

magnésie 0,20. Total 101,34. Il répond à la formule (CaO)\


Fe 203 (SiO 2) 3. Sa densité est 3,828.11 vient de la rivière

Rabrowka, district de Sissersk, Oural.

On connaît aussi un fort beau grenat vert contenant

35,57 de silice; 23,45 d'oxyde chromique ou sesquioxyde


de chrome ; 6,26 d'alumine; 33,22 de chaux, en sorte que
le sesquioxyde est ici en grande partie à base de chrome,

d'après l'analyse de M Damour ; mais ce grenat de l'Oural,

appelé ouwarowite, n'a jamais été trouvé qu'en trop petits


cristaux pour être utilisé.

Gisements. — se rencontre en
L'hyacinthe galets qui
ressemblent à du sucre candi roux dans les alluvions du
district de Matura, île de Ceylan. Elle provient sans doute
des gneiss où elle est disséminée.

L'almandin ou grenat noble se montre en beaux cris-


taux d'un rouge hyacinthe brun dans des schistes chlori-
teux subordonnés aux , au Rossrucken
gneiss , dans les
micaschistes des environs de Krems, en dans
Autriche;
les schistes micacés de l'Erzgebirge, en ces cris-
Bohême,
LES GRENATS. 275

taux forment des nids, presque des couches. En Bohême,


on les travaille pour parures.
Ils abondent en Hongrie, sous forme de petits grains

gros comme des grains de millet, dans les ruisseaux de


Schaïsa et d'Udwoka. En Norvège ils accompagnent le fer

aimant et l'angite, etc., dans des couches métallifères. En

Suisse, au Saint-Gothard, à Campo-Longo, les schistes

cristallins, micacés, chloriteux, sont imprégnés de cris-

taux d'un rouge de sang. En Asie, dans l'Hindoustan, ils

sont recherchés dans les gneiss de Trincamalle, sous le

nom de rubis de Ceylan. Aux Indes Orientales, les environs

de Sirian, au Pégu, fournissent les magnifiques grenats


dits syriens.
En Amérique, les schistes cristallisés du Groenland, des

États-Unis, contiennent souvent aussi de beaux cristaux

d'almandin. .

Le pyrope ou grenat de Bohême se recueille en grains


roulés au milieu de graviers solides, qu'on fouille et qu'on
lave. On les classe par grosseurs. Il en faut de 32 à 400

pour .en avoir une demi-once. En 15 ans on en trouve à

un qui ait ce poids à lui seul. Le pyrope se présente


peine
aussi au Stiefelberg, à Méronitz, en grains à surface granu-

lée, à arêtes souvent aiguës, dans un conglomérat cal-

caréo-argileux, qui paraît être synchronique des lignites

de Bohême, et qui est formé de fragments de mica, de


#
de basalte et de talc rayonné; épars au milieu
serpentine,
de débris de conifères silicifiés ou passés à l'état de ligni-

tes. Les y sont associés à des topazes, à de la


grenats
dudisthène, etc. Enfin, on les voit aussi enga-
tourmaline,
dans le pechstein de Bilin, de Posedlitz, dans le même
gés

pays.
A Triblitz, à Posedlitz, ils sont d'un rouge de sang plus
276 PIERRES PRÉCIEUSES.

et avec des grains de zircon, de spinelle,


faible, répandus
de de dans une alluvion diluvienne for-
bronzite, quartz,
mée de de serpentine, de gneiss, de
galets basaltiques,

grès, etc.

Taille et — On taille les beaux, les gre-


Usage. plus

nats à la façon des diamants ou à degrés; on les


nobles,
monte à jour; les communs reçoivent la forme de
plus
cabochons. En les almandins perdent malheureu-
général,
sement de leur éclat, lorsqu'ils sont éclairés par une lu-

mière artificielle. Les hyacinthes gagnent au contraire à

être éclairés ainsi, surtout lorsque la lumière est vive. A

en Bohême, en Silésie, on les taille avec de l'émeri


Prague,
ou avec leur poussière sur la roue de cuivre ou de plomb ;

le poli est donné sur la roue d'étain avec du tripoli délayé


dans de l'acide sulfurique.
Au Tyrol, on en fait des tabatières et des articles de

luxe.

Un grenat clair de couleur flatteuse se vend assez cher.

Un grenat syrian d'étendue, de belle couleur, forme carrée,

à huit pans et mal net, pesant cinq karats, était estimé

1,200 livres, dans l'inventaire des pierreries de la couronne

en 1791; un de deux carats 12 à huit pans, vif et net,


300 livres. A la vente du marquis de Drée, le prix d'un

grenat syrian de 8 lignes 1/2 long, sur 6 lignes 1/2 large,


taillé à huit pans, s'est élevé à 3,550 francs.

Les pyropes ont peu de prix, surtout à cause de leurs


faibles dimensions.

Les grenats rouges sont quelquefois utilisés pourl'achro-


matisme en optique, à cause de l'absorption qu'ils exer-
cent sur la partie la plus réfrangible du spectre.
Idocrase. — L'idocrase est un silicate de
d'alumine,
chaux, de fer, de magnésie, d'oxydes alcalins, renfermant
LES GRENATS. 277

quelquefois un peu de manganèse ou des traces


d'oxyde
de cuivre. La composition chimique en est voisine de celle

des grenats.
Les cristaux sont des prismes à base carrée, terminés

par des pyramides quadrangulaires

tronquées. Ils sont fort intéressants

au point de vue scientifique, à cause

de leurs facettes quelquefois nom-

breuses, et souvent très brillantes

(fig. 200).
La couleur varie du vert clair au

jaune de soufre ; rarement elle est

bleue (var. appelée cyprine, colorée par du cuivre) ; quel-

quefois elle est brune.

L'idocrase a pour densité 3,4 environ , et 2,95 après


fusion.

La dureté en est à peine inférieure à celle du quartz : 6,5,

Elle fond facilement au chalumeau avec bouillonnement

en verre jaunâtre ou brun.

Les variétés vertes et brunes sont travaillées à Naples


et à Turin pour bagues et anneaux, sous le nom de gemmes
du Vésuve. Cette espèce est souvent confondue avec les

chrysolithes communes. Le prix en est peu élevé.


278 PIERRES PRÉCIEUSES.

CHAPITRE IX

C0RD1ERITE

Syn. : Saphir d'eau; dichroïte; iolithe; iolite.

Cette pierre, appelée saphir d'eau par les joailliers de

Ceylan, avait été nommée iolithe par Werner, à cause de

sa couleur d'un bleu violacé. Cordier y a découvert le

dichroïsme. Lorsque, en regardant à travers un cristal

transparent d'iolithe, on dirige le rayon visuel parallèle-


ment à l'axe, la couleur est d'un bleu violâtre, comme

celle que réfléchit la surface. Si, au contraire, le rayon


visuel est dirigé perpendiculairement à l'axe, la couleur

est d'un jaune brunâtre. Cordier avait cru devoir donner

à cette pierre le nom de dichroïte à cause de ces deux

couleurs qu'elle présente par transparence. Haiiy, pour


rendre hommage à la découverte de Cordier, a donné à la

pierre le nom de cordiérite. Ce nom est maintenant préféré


à celui de dichroïte, pour cette raison que le dichroïsme

se retrouve, comme nous l'avons dit d'une manière géné-


rale, à un degré plus ou moins sensible, dans toutes les

substances cristallisées clans un des systèmes autres que


le cubique. Dans la cordiérite même on observe perpendi-
culairement à l'axe, non pas seulement une coloration

jaune, mais deux teintes différentes, l'une plus jaune, l'au-


CORDIERITE. 279'

tre dans deux directions perpendiculaires entre


plus grise,
elles et à l'axe.

La cordiérite est un silicate d'alumine, de magnésie et-

de fer, cristallisé en prismes droits à base rhombe.

Les faces du font entre elles un angle obtus


prisme
de 119° 10', et comme à ces faces s'en ajoutent deux
quatre
sur les arêtes aiguës, il en résulte un prisme à six faces,

qu'on ne peut distinguer d'un prisme hexagonal régulier,


mesurant ses sont les uns de 119° 10', et
qu'en angles, qui
les autres de 120° 25', tandis que dans un prisme hexagonal

régulier, ils seraient tous de 120°. Cli-

vages difficiles, parallèles à la hauteur

des prismes (fig. 201).


Densité — Dureté à
2,6. peu près

égale à celle du quartz.


Au chalumeau, cette pierre fond
difficilement sur les bords. Elle est

décomposée par les carbonates alcalins en fusion.


La variété nommée saphir d'eau se rencontre en galets
dans des alluvions à Ce3dan. La cordiérite est disséminée
en cristaux ou en masses cristallines dans des roches gra-
nitiques à Bodenmais, en Bavière; ou bien elle est asso-

ciée à de l'amphibole, à du quartz, dans des mines de

cuivre, en Finlande ; mais la variété de Ceylan est à peu

près la seule utilisable; c'est une pierre d'assez peu de

valeur, qui n'a d'éclat que le jour et par transparence et

qui n'est bleue, comme nous l'avons dit plus haut, que
dans une seule direction. L'indice de réfraction n'est que
de 1,537, pour les rayons orangés. Son peu d'éclat, sa

faible densité, son dichroïsme si prononcé, quand on la

regarde avec une loupe dichroscopique, permettent de la

distinguer facilement du saphir oriental.


280 PIERRES PRÉCIEUSES.

CHAPITRE X

PIERRES DE NATURE FELD SPATHIQ UE

PIERRE DE LUNE; OBSIDIENNE; AMAZONITE

PIERRE DE SOLEIL; LABRADOR.

Pierre de Lune. — Pierre incolore, à


transparente,
reflets d'un blanc de lait nacré, qui se jouent et semblent

circuler dans la pierre, lorsque celle-ci change de position

par rapport à l'observateur. La pierre de lune est du

feldspath orthose.

La variété de Ceylan est un silicate d'alumine et de

potasse, renfermant : silice 64; alumine 19,43; po-


tasse 14,81 ; magnésie 0,20 ; chaux 0,42, et perdant 1,14 au

feu, ce qui donne, quand on le traduit en équivalents :

KOAP03(Si02) 6. La densité en est d'environ 2,6. La du-

reté, 6, est inférieure à celle du quartz, supérieure à celle

de l'apatite, ou de la pointe d'un burin. Assez difficile-

ment fusible au chalumeau, l'orthose est insoluble dans

les acides, et n'est désagrégé que par les carbonates

alcalins.

L'orthose cristallise en prismes obliques à base rhombe


dont les faces font en avant un angle de 118° 48'; la base

est inclinée sur les pans de 112° 16', et sur l'arête anté-
PIERRE DE LUNE, LABRADOR. 281

rieure verticale de 116° 7'; elle fait un angle droit avec


les deux arêtes latérales. C'est sur une face taillée paral-
lèlement à l'arête antérieure et à la grande diagonale de
cette base qu'on observe le mieux le reflet changeant de
la pierre de lune, qu'on taille en cabochon.
Verre des Miroir des Incas. — C'est
Obsidienne, volcans,
un feldspath vitreux, qui a l'éclat, la cassure conchoïdale
et la fragilité du verre. D'un noir de velours, brune, grise
ou d'un gris verdâtre, elle est quelquefois chatoyante.
Elle a une densité de 2,4; une dureté d'environ 6.

Chauffée au chalumeau, elle brille d'un éclat vif, se

gonfle et fond en globule écumeux.


Celle du Pic de Ténériffe contient d'après Ch. Sainte-

Claire Deville : Silice 69,71; alumine 19,23; alcalis 14,70;

oxyde de fer 5,48 ; oxyde de manganèse 0,3 ; chaux 0,58 0/0.


Cette matière se polit comme le verre. Les anciens Mexi-

cains la taillaient en forme de couteaux ou de rasoirs. Elle

est rarement employée aujourd'hui.


Microcline. — Un vert, de forme semblable
feldspath
à celle de l'orthose qui donne la pierre de lune, a été appelé
d'abord amazonite ou pierre des amazones; M. Des Gloizeaux

en a fait une espèce particulière qu'il appelle microcline,

parce que l'extinction d'une plaque parallèle à la base

placée sous un microscope entre deux niçois croisés ne se

fait pas parallèlement aux deux diagonales de cette base.

Bien qu'elle soit à peu près opaque, l'amazonite de

Sibérie, celle des États-Unis feraient d'assez jolies pierres


à cause de leurs jolies colorations en vert et en bleu ver-

dâtre. La figure de la planche (pi. coloriée, fig. 11) re-

présente un cristal de cette substance. On voit une

base inclinée sur deux faces d'un prisme sous des an-

gles très voisins de ceux que nous avons indiqués pour


282 PIERRES PRÉCIEUSES.

la de lune; à droite un plan vertical latéral.


pierre
Pierre de Soleil. — Elle contient : silice 61,3; alu-

mine 23,77; soude 8,5; chaux 4,78 ; potasse 1,29 ; oxyde

de fer 0,36. C'est une variété du feldspath appelé oligo-

clase en Elle de Tvedestrand, fiord


minéralogie. provient
de Christiania, en Norwège; elle a pour densité 2,656 ;

pour dureté 6.

Elle est à fond semé de points brillants, d'un


grisâtre

jaune ou d'un rouge vifs; c'est ce qui la fait rechercher.

Au chalumeau, elle fond plus facilement que l'orthose;

elle n'est pas attaquée par les acides. Elle se clive suivant

deux directions planes inclinées l'une sur l'autre de 86°,

ou de l'angle supplémentaire.
Labrador. — Autre de silice 52,9 :
feldspath, composé
alumine 30,3; chaux 16,52, répondant à la formule

CaQAP03(Si02) 3; une partie de la chaux peut être rem-

placée par une proportion équivalente d'oxydes alcalins.

On y observe deux directions planes de clivage inclinées

l'une sur l'autre d'environ 86° 1/2. Les cristaux dérivent

de prismes à base doublement oblique, comme ceuxd'oli-

goclase. Ils sont ordinairement striés sur une de leurs

faces, celle qu'on prend pour base. Au chalumeau, ils

fondent assez facilement. Ils sont attaqués par les acides,


mais difficilement. Sur une des faces de clivage on voit
souvent des reflets irisés, verts, rouges, bleus, ou d'un

jaune d'or vif. La densité est de 2,65 dans les variétés les

plus irisées. On en fait des coupes, des camées, où l'on


met habilement en évidence les irisations chatoyantes de
la matière.

Porphyres. —Ce sont des roches éruptives, à struc-


ture cristalline, qui remplissent de larges fentes du

globe terrestre, et qui sont formées de différents feld-


PIERRE DE LUNE, LABRADOR. 283

spaths, seuls ou associés à d'autres matières (pyroxène,


quartz, mica, amphibole). Ce qui caractérise un porphyre,
c'est d'être composé d'une pâte compacte, dans laquelle
certains de ses éléments se sont agrégés en cristaux,
à contours souvent réguliers, quelquefois volumineux.
Leur dureté est au moins égale à celle du feldspath;
c'est dire qu'ils ne sont pas rayés par la pointe d'un

burin. Au chalumeau, ils fondent assez difficilement,


mais nettement, lorsqu'on en prend une esquille mince.

Analysés en bloc, ce sont des silicates d'alumine, de po-

tasse, de soude, contenant quelquefois de la chaux, des

oxydes de fer et de la magnésie, lorsqu'ils ont du

pyroxène ou de l'amphibole parmi leurs éléments essen-

tiels. Polies, ces matières sont plaisantes; mais on ne les

emploie qu'en masses d'un certain volume. Elles sont très

recherchées pour la confection d'urnes, de coupes, de co-

lonnes; mais peu utilisées en bijouterie.


28-' PIERRES PRECIEUSES.

CHAPITRE XI

PÉRIDOT OU OL1VINE

Silicate de magnésie et de fer, composé de : silice 39,73 ;

magnésie 50,13; oxyde ferreux 9,19; oxyde manga-


neux 0,08; oxyde de nickel 0,32; alumine 0,22, d'après

l'analyse de Stromeyer, ce qui donne la formule (MgO,


2
FeO) SiO 2.

Le péridot cristallise en prismes droits à base rhombe

de 119° 13' (fig. 202). La dureté est 7 ;

la densité 3,4; la cassure conchoï-

dale; dans une direction parallèle à

la petite diagonale de la section

droite, on observe un clivage facile.

Couleurs. — Jaune verdâtre ou

vert olive. Les péridots assez gros,


assez limpides pour être taillés,
viennent de l'Orient.
Le péridot est infusible au chalumeau; réduit en pou-
dre, il fait gelée avec les acides.
C'est une pierre d'une médiocre valeur. L'indice de ré-
fraction est d'environ 1,68.
ZIRC0N, 285

CHAPITRE XII

ZIRCON

Syn. Jargon, ou diamant brut de Ceylan. On s'est de-

mandé si les anciens ne connaissaient pas cette pierre


sous le nom de luncurion ou sous celui de mélichrysos.
Le mot jargon est un vieux mot français.
Le zircon est une association de silice et de zircone,
contenant 1 équivalent de l'un, 1 équivalent de l'autre,
c'est-à-dire pour 100 parties de zircon : 67 de zircone et

33 de silice.

Formes. — Cette matière est cristallisée. Les


toujours
cristaux sont des prismes à base carrée;
souvent deux prismes de même section

droite se combinent, de façon que leurs

faces sont à 45° les unes des autres et

forment ensemble un prisme octogonal.


Les prismes sont terminés par des pyra-
mides quadrangulaires, ou quelquefois à

huit faces (fig. 203).


Couleurs. — Le ti-
Propriétés physiques. rouge vif,
rant un peu sur l'orangé (cristaux du Puy, toujours petits) ;
le brun; le bleu (fort rare).
Les rouges sont tellement petits, qu'on a dû rarement
286 PIERRES PRÉCIEUSES.

les de Ceylan est un grenat. Les


employer. L'hyacinthe
zircon s blancs, verts, sont appelés jargons de
jaunâtres,
cristaux sont incolores; mais ils sont
Ceylan. Quelques
très La plupart de ceux qui sont un peu
toujours petits.
et d'une belle eau sont plus ou moins jaunâtres
gros

(jargons).
L'indice de réfraction est en moyenne de 1,93. L'éclat

est adamantin, gras, très vif.

La dureté, 7,5, est un peu supérieure à celle du quartz.


La densité est la plus considérable de celles qu'on observe

dans les pierres; elle atteint la valeur 4,61 et après cal-

cination 4,7, d'après Henneberg.


Caractères — Le zircon est infusible au
chimiques.

chalumeau; il se dissout difficilement dans le borax en

verre clair, trouble si on met trop de matière. En poudre,


même fine, il est difficilement attaqué par une longue

digestion dans l'acide sulfurique. Il est décomposable par


fusion avec du bisulfate de potasse. Pour y reconnaître la

zircone, on le mêle avec du carbonate de soude sur une

lame de platine. On chauffe jusqu'à fusion du mélange.


On dissout ensuite la masse dans l'acide chlorhydrique ;
on trempe dans la dissolution du papier de curcuma qui

prend une teinte orangée.


Gisements. — Le zircon se trouve en
engagé petits
cristaux dans les roches granitiques delà vallée de Putsch,
en Tyrol; le jargon jaunâtre, dans les micaschistes du
mont Ilmen, près Miask, dans les calcaires cristallins de
la Somma, dans la syénite de Fredrickswârn, où il est
assez abondant pour mériter à la roche le nom de zircon-

syénite; les zircons rouges sont disséminés clans le basalte


et les tufs basaltiques d'Expailly, Haute-Loire ; dans les sa-
bles volcaniques associés au saphir et au fer titane du mis-
ZIRCON. 287

seau d'Expailly; dans un grand nombre de sables aurifères

ou diamantifères des Indes et d'autres contrées. Les zir-

cons verts, rouges, blancs, jaunes, sont utilisés comme

pierres demi-précieuses. Ceux qui sont de vilaine couleur

sont chauffés. A une température élevée ils se décolorent

complètement; ils ne deviennent pourtant pas franche-

ment incolores. Ce sont les pierres dont l'éclat approche


le plus de celui du diamant; mais, la dispersion n'y est pas
aussi forte.
288 PIERRES PRÉCIEUSES.

CHAPITRE XIII

TOPAZE

La topaze est composée de silicate d'alumine et de fluo-

rure de silicium. Elle cristallise en prismes droits à base

rhombe; sa densité est de 3,53 à 3,54. Sa dureté (8) est

franchement supérieure à celle du quartz.


et — Les chimistes
Composition Analyse. regardent
le fluor comme y remplaçant une quantité d'oxygène égale
en équivalents, de sorte que la formule est celle d'un sili-

cate d'alumine fort simple numériquement :

Analyse d'une topaze du Brésil, par MM. H. Deville


et Fouqué : silice 25,1; alumine 53,8; silicium 5,8;
fluor 15,7.
Chauffée à une très forte chaleur blanche, la topaze
perd 23 0/0 de fluorure de silicium, qui est volatile. Elle
n'abandonne tout le fluor qu'à la température de la fusion
du fer.

Au chalumeau, elle est infusible. Plusieurs de ses va-


riétés d'un jaune vineux prennent une teinte rosée sous
TOPAZE. 289

l'influence de la chaleur. Fondue dans un tube ouvert

avec le sel de phosphore, elle donne la réaction du fluor;


elle attaque le verre. Mêlée d'acide silicique, elle est com-

plètement attaquée par le bisulfate de potasse.

Pour l'analyser, on la réduit en poudre très fine; on la mélange


d'une quantité, qu'on pèse, d'acide
sulfurique; on ajoute à tout cela
quatre fois son poids de carbonate
de soude sec; on chauffe dans un
creuset de platine; il se forme du fluorure de sodium, et en même
temps du silicate et de l'aluminate de soude. Après refroidissement,
on enlève avec de l'eau bouillante par filtration le fluorure, une partie
du silicate et de l'aluminate, et l'excès de carbonate alcalin. Quand la
liqueur filtrée cesse de bleuir le
papier de tournesol, on traite la
liqueur A et le résidu B de cette manière :
Liqueur A. — On y verse une dissolution de carbonate d'ammonia-
que et l'on chauffe, en ajoutant de ce carbonate, au fur et à mesure
qu'il s'évapore. Le silicate et l'aluminate de soud-e sont décomposés;
l'alumine et la silice se précipitent. Le précipité, recueilli sur un filtre,
est lavé avec de l'eau contenant du carbonate d'ammoniaque ; le filtre
brûlé, on recueille le précipité qu'on mêle au résidu B.
La liqueur A n'a pas abandonné tout l'acide silicique. On la con-
centre par évaporation; on la traite par une d'oxyde de dissolution
zinc dans l'ammoniaque ; on évapore au bain-marie à siccité ; on verse
de l'eau; l'acide silicique retenu par l'oxyde de zinc est détaché de
cette combinaison au moyen d'acide azotique; on évapore à siccité; on
humecte avec de l'acide nitrique, on recueille sur. un filtre cet acide,
on le pèse; on ajoutera ce poids à celui que donnera le résidu. L'eau,
l'acide nitrique, ont laissé en dissolution le fluorure de sodium et Je
carbonate de soude. On
précipite au moyen de nitrate de chaux qui
forme du fluorure de calcium et du carbonate de chaux. On filtre, on
lave, on calcine. On traite maintenant par l'acide acétique; on obtient
de l'acétate de chaux soluble et du fluorure de calcium insoluble, qu'on
séparé au moyen d'eau chaude. Le poids du fluorure de calcium fait
connaître celui du fluor.
Résidu B. — Il est détaché en grande partie du filtrequ'on brûle
à une température élevée, et aux cendres duquel on le réunit après la
combustion, ainsi que le mélange d'alumine et de silice précipité de
la. liqueur A dans l'opération précédente au moyen du carbonate

d'ammoniaque. On traite le tout par l'acide chlorhydrique; on éva-


pore à siccité ; la silice se dépose ; on la recueille sur un filtre qui
19
290 PIERRES PRÉCIEUSES.

laisse passer les chlorures d'aluminium et de sodium. On lave, on


brûle le filtre; on pèse; on a la quantité de silice du résidu. Quant
aux chlorures, on les traite par l'ammoniaque en excès, qui précipite
l'alumine. On fait chauffer ensuite, jusqu'à ce que l'odeur ammonia-
cale ait disparu; on jette sur un filtre qui retient l'alumine; on lave,
on sèche, on brûle le filtre; on pèse; on a le poids de l'alumine.

Formes cristallines. — La cristallise en


topaze pris-
mes droits à base rhombe, dont l'angle obtus est de

124° 22'. Ce prisme et la base constituent la forme primi-


tive. Souvent on observe un prisme à huit faces, que les

cristallographes décomposent en deux prismes simples,

ayant chacun quatre faces, chacun une section droite

en forme de losanges, les faces de l'un faisant l'angle de

124° 22', dont nous venons de parler, en avant, les faces

de l'autre un angle de 93° 10' sur les côtés. Les extrémités


sont souvent coiffées par des pyramides à quatre faces pa-
rallèles aux arêtes basiques de la forme primitive (topazes
du Brésil) (fig. 204), ou remplacées par deux ou plusieurs

étages de facettes à intersections parallèles (topazes de

Saxe) (fig. 205), ou bien les deux angles aigus sont tron-

qués à chaque base par deux plans parallèles aux petites


diagonales des bases et qui se rencontrent vis à vis de
ces diagonales en formant comme un toit à chaque extré-
mité (topazes d'Adun ïschilon, en Sibérie) (fig. Quel-
206).
TOPAZE. 291

quefois les cristaux ont les deux extrémités dissem-

blables.
— Les cristaux se divisent sous le choc du
Clivages.
marteau en tronçons de prismes ; la division a lieu paral-
lèlement à la base. C'est un clivage très net.
— au travers
Propriétés optiques. Lorsqu'on regarde
d'une lame de topaze à faces parallèles obtenue par cli-

vage, posée sur le porte-objet du microscope d'Amici, on

y observe les phénomènes figurés page 86 ; les centres

ou foyers des deux systèmes de courbes étant très éloi-

gnés l'un de l'autre, on ne voit que les deux moitiés inté-

rieures des anneaux.

L'indice de réfraction est 1_,617 pour une extrémité du

spectre; 1,636 pour l'autre.

Noms donnés
COULEURS par les lapidaires.

Topaze incolore, limpide Goutte d'eau du Brésil.


Jaune de vin blanc Chrysolithe de Saxe.
Jaune safran Topaze indienne.
Jaune d'or. Topaze.
Bleu clair Saphir du Brésil.
Yert de mer Aigue-marme.
Rouge rosé; le soir, paraît un peu jaune à i Rubis du Brésil, ou
une vive lumière \ Topaze bridée.

chauffe une topaze jaune du Brésil, on la


Lorsqu'on
voit devenir d'un rose très clair ; on a ce qu'on appelle une

brûlée. M. Barbot conseille pour éviter de briser


topaze
la de l'envelopper d'amadou serrée au moyen de
pierre
fils. On obtient une coloration uniforme en usant de ce

procédé.
observe à un fort grossissement les topazes
Lorsqu'on
du Brésil et celles d'Ecosse, on y aperçoit une foule de

cavités de gouttelettes de liquides plus


petites remplies
292 PIERRES PRÉCIEUSES.

ou moins visqueux, très expansibles (une dizaine de mille

dans 1/10 de millimètres carrés, d'après Brewster).


— La s'électrise
Propriétés électriques. topaze par
le frottement ; celle de Saxe et les variétés incolores con-

servent très longtemps leur électricité. Lorsqu'on chauffe

une topaze, elle s'électrise en sens contraire à ses deux

extrémités, comme l'a montré M. Friedel, ce qui est en

rapport avec la dissymétrie des facettes qu'on a observée


dans les cristaux complets de cette espèce minérale.

Gisements. — Les du Brésil sont d'un


topazes jaune
roussâtre, clair ou foncé, d'un jaune d'or, quelquefois
d'un rouge violacé, ou lilas , quelquefois incolores. On en
cite de 10 pouces de long sur 4 de diamètre. Elles -héris-
sent les parois des cavités de roches granitiques et schis-
teuses (schistes chloriteux subordonnés aux itacolumites ,
remplies de filons de quartz et de limonite). Les salbandes
de ces filons sont ordinairement de lithomarge mêlée de
talc. A Boa Vista, à Capuo do Lana, on trouve des topazes
rouges ou violettes d'une grande beauté.

Topazes de Sibérie, le plus souvent d'un blanc bleuâtre


ouverdâtre, parfois incolores. On les rencontre aux monts
Ilmen, près du lac de ce nom; à Mur-
Alabaschka, près
sinsk, dans l'Oural, à treize milles au nord de Kathari-

nenbourg; en Sibérie, aux monts Adun à


Tschilon,
Nertschinsk, dans les cavités drusiques d'une pegmatite
graphique. La collection du corps des Mines de Saint-
Pétersbourg en possède de très volumineuses.
On recueille de beaux galets de incolore
topaze dans les
sables des environs de Bathurst en Australie, dans les sa-
bles diamantifères de l'Inde. Il y en a en Ecosse, à Aber-
deenshire; en Irlande, aux monts Mourn.
La topaze de Saxe, d'un jaune pâle languissant, d'un
TOPAZE. 293

blanc un peu jaunâtre, en prismes courts, quelquefois

larges de 1 centimètre, forme, associée à du quartz


hyalin, à de la tourmaline noire, souvent empâtés dans

une lithomarge jaune, un rocher pittoresque de quatre-

vingts pieds de haut, nommé roche à Topaze, au mont

Schneckenstein, près Auerbach, clans le Voigtland.

Enfin, la topaze accompagne l'oxyde d'étain dans les

filons d'Altenberg, d'Ehrenfriedersdorf (Saxe), de Zinn-

wald, en Bohême, et d'autres régions.


Taille et — La blanche se taille à de-
Usages. topaze

grés, à table petite, en brillants. On la monte à jour. On

en fait des colliers, des bagues, des boucles d'oreilles, des

pendeloques, etc.
On en possède quelques-unes fort habilement gravées.
294 PIERRES PRÉCIEUSES.

CHAPITRE XIV

TOURMALINE

: Schorl électrique, aimant de Ceylan, lire-


Synonymes

cendres, émeraude du Brésil, saphir du Brésil, rubellite.

On présume que le nom de la tourmaline est celui qu'on


lui donnait à Ceylan. On la connaissait dans cette île au

moins au xvne siècle. Les Hollandais l'ont apportée en

Europe en 1707.

On appelle tourmalines non seulement la pierre de

Ceylan, mais toutes celles qni sont des borosilicates d'alu-

mine et d'une base alcalino-terreuse, et qui ont la forme

de prismes à 6 ou à 9 pans.

COULEURS Noms donnés aux pierres.

Rouge violet; pourpre; rose; ressemble au ,


!• , . ... ' Rubis de Sibérie; '
rubis après la taule ; tourne un peu au
r v ••
ilumière ,-j, ,, ( Rubellite; Sibérite.
jaune en lace dune artificielle. . )
Bleu noir; bleu d'indigo; bleuâtre; moins I
. ,. , . . .' Saphir du Brésil.
agréable le soir que le jour \
Verte, mais d'un vert pistache, d'un vert olive. Émeraude du Brésil.
,T , .. ( Péridot de Ceylan;
J '
Vert jaunâtre ]
( Tourmaline.
Incolore Achroïte.

Toutes les tourmalines ont les propriétés suivantes :


TOURMALINE. 295

Formes cristallines. — Un ter-


prisme hexagonal
miné par des sommets qui mènent à un rhomboèdre de
133° 8'. Ce rhomboèdre est choisi comme forme 'primitive.
Souvent le prisme hexagonal, dont les faces sont paral-
lèles aux arêtes latérales ou en zigzag du rhomboèdre pré-
cédent, a 3 de ses arêtes tronquées par les faces d'un prisme

triangulaire, en sorte que les arêtes modifiées alternent
avec celles qui ne le sont pas. La combinaison des deux

prismes hexagonal et trièdre produit un prisme à neuf


faces. Ses extrémités portent souvent des facettes de sca-

lénoèdres, ou de rhomboèdres différents


du primitif. Et, le plus ordinairement en-

finies formes qui terminent les extrémi-

tés opposées sont dissemblables, une des

extrémités étant terminée par une base,


face unique perpendiculaire aux pans, ou

par un rhomboèdre, le primitif, par exem-

ple, et l'autre extrémité étant terminée

par un rhomboèdre plus aigu (fig. 207).


Caractères physiques. — La tourmaline offre une

action des plus remarquables sur la lumière polarisée.


Les tourmalines un peu fortement colorées, même en

plaques minces, pourvu que leurs faces soient parallèles


à l'axe de figure, celui du prisme, absorbent un des deux

rayons résultant du rayon incident unique qui les a péné-

trées; en d'autres termes, elles éteignent les mouvements

vibratoires del'éther lumineux perpendiculaires à leur axé.

Aussi paraissent-elles différemment colorées, lorsqu'on les

regarde parallèlement et perpendiculairement à cet axe,


même dans les conditions ordinaires, c'est-à-dire sans le

secours de la lumière polarisée. Elles sont brunes dans le

sens de l'axe, et d'un vert d'asperge dans le sens perpen-


296 PIERRES PRÉCIEUSES.

ou d'un violet au pourpre dans la pre-


diculaire, passant
mière d'un bleu verdâtre passant au bleuâtre
direction,
dans la seconde.

A la on observe à la fois deux


loupe dichroscopique,

images de teintes très différentes.


— Une tourmaline échauffée attire
Propriétés électriques.
les c'est ce lui a fait donner le nom de.
corps légers; qui
tire-cendres. Pendant s'échauffe, elle offre deux
qu'elle
de noms contraires à ses deux extrémités ;
pôles électriques
tout le se refroidit, elle se comporte de
temps qu'elle
mais les se renversent, et cela est en rapport
même; pôles
avec son hémiédrie c'est-à-dire avec la dissymé-
polaire,
trie ou dissemblance des facettes qui terminent les deux

deux extrémités de ses prismes.


Dureté. — Elle est un à celle du quartz,
peu supérieure
un au-dessous de celle de la topaze; elle est de 7, 5.
peu
Caractères — Mêlées en fine à
chimiques. poudre
du fluorure de calcium et à du bisulfate de potasse, elles

donnent à la pointe de la flamme du chalumeau une colo-

ration fugitive d'un beau vert émeraude (fluorure de bore).


Elles ne sont décomposées par l'acide fluorhydrique, qu'a-

près avoir été fortement chauffées ; après avoir été chauf-

fées elles sont aussi complètement attaquées par l'acide

sulfurique concentré.

Caractères propres aux différentes espèces de

tourmalines. — La des
composition chimique espèces
de ce groupe variant beaucoup, malgré l'identité de leurs

formes et de leur constitution physique, cette variation

influe nécessairement sur plusieurs de leurs propriétés;


elles ne peuvent avoir évidemment ni la même densité, ni

des caractères chimiques identiques.


La tourmaline rouge (rubellite) devient d'un blanc de
TOURMALINE. 297

lait au chalumeau, boursouflée, comme scoriacée, mais

elle ne fond pas. Si on la porte à une température


élevée sur une lame de platine après l'avoir réduite en

poudre très fine et mêlée à du carbonate de soude, on ob-


tient une coloration d'un vert assez intense, réaction pro-
duite par la soude du carbonate qui se combine avec le

manganèse de la pierre en formant du carbonate de soude


vert. La rubellite de Perm contient, d'après une analyse
de Gmelin : acide borique, 4, 18; acide silicique, 39, 37;

alumine, 44; oxyde de manganèse, 5, 02; potasse, 1, 29;

lithine, 2, 04; matière volatile, 1, 58; total, 97,96.


La densité des rubellites est de 3, 02.
La tourmaline bleue (indicolithe) se boursoufle forte-

ment au chalumeau; puis elle devient noire et scoriacée.

La tourmaline verte du Brésil renferme : acide borique,

7, 21; acide silicique, 38, 55; alumine, 38, 40; sesqui-

oxyde de fer, 5, 13; protoxyde de fer, 2, 00; sesquioxyde


de manganèse, 0, 81 ; magnésie, 0, 73; chaux, 1,14; soude,

2, 37; potasse, 0, 37; lithine, 1, 2; fluor, 2, 09 ; total, 100.

Elle est à peine fusible ; devient noire, et donne une scorie

jaunâtre. La densité est de 3, 107.

Dans certaines tourmalines, il n'entre que 31 d'alumine;


mais on trouve 15 de magnésie (tourmaline brune de Gou-

verneur). D'autres présentent jusqu'à près de 10 p. 0/0 de

protoxyde de fer; elles sont facilement fusibles au chalu-

meau sur le charbon (tourmalines de Karingbricka).


Gisements. — La rubellite ou sibérite le
accompagne
mica lithique dans les granités de Schaïtansk (Oural) ; elle
se rencontre aussi dans la pegmatite graphique de Abo-

baschka, près Mursinsk, dans un terreau mêlé de graviers

granitiques à Sarapulsk ; avec la topaze et le béryl dans

Tes cavités drusiques du granité d'Adun-Tschilon. En


298 PIERRES PRÉCIEUSES.

au mont Rozena, en
Europe, on en trouve Hradisko, près

dans l'île à San Pietro ; mais elle


Saxe, à Pénig, d'Elbe,

d'un rose clair, et trop mêlé de


est en général trop

un en filon dans le gneiss de


blanc. En Amérique, granit
renferme de beaux cristaux
Chesterfield (Massachussetts)

de tourmaline ou rose, enveloppée de tourmaline


rouge
Hébron du Maine), ont
d'un vert agréable. Paris, (État

fourni de cristaux en partie verts,


également magnifiques

Au la tourmaline se présente en
en partie rouges. Pérou,

d'un beau rouge.


galets
La tourmaline bleue se ramasse en galets
(indicolithe)

dans le sable des rivières du Brésil; Chesterfield etGoshen,

dans le en aussi des exem-


Massachussetts, procurent

fort recherchés du commerce américain.


plaires
La tourmaline verte du Brésil provient des brèches

de Villa-Rica, de Minas Geraes, au Brésil;


quartzeuses
il en a d'un vert clair à San-Pietro (île d'Elbe).
y
Le de se trouve dans cette île, en ga-
péridot Ceylan

lets dans le lit des fleuves. Il y en a également au Bré-

sil.

La tourmaline, noire ou d'un vert foncé, en prismes ou

forme avec du quartz grenu, des mas-


grains, quelquefois,

ses tellement considérables, qu'on les classe parmi les

roches de M. Daubrée).
(hyalotourmalite
et — Les tourmalines se travaillent sur
Taille Usages.

la roue de laiton ou de plomb avec l'émeri ; on les polit

sur la roue d'étain avec du tripoli. Les variétés vertes et

se taillent à degrés, en tables, ordinairement la


rouges
table est parallèle à l'axe. On en fait des bagues, des col-

liers. Elles servent beaucoup en optique comme instru-

ments propres à donner de la lumière polarisée.


La sibérite d'un beau rouge se vend assez cher. Les au-
TOURMALINE. 299

très tourmalines sont en général, au contraire, des pierres


de peu de valeur. Une tourmaline de couleur hyacinthe,
de 10 lignes de long sur 7 de large, provenant de la col-

lection du marquis de Drée, s'est vendue 125 francs. Une

sibérite de même taille vaudrait trois ou quatre mille

francs.
300 PIERRES PRÉCIEUSES.

CHAPITRE XV

QUARTZ

Syn. : cristal de roche, cristal; variétés : Améthyste,


fausse topaze, topaze d'Espagne, rubis de Bohême, agates,

jaspes.
Le mot de quartz a une origine germanique. Agricola
disait quertze, au xvic siècle.

Caractères essentiels. — C'est de l'acide silicique


cristallisé en prismes hexagonaux terminés par des pyra-
mides à six faces, ayant pour dureté 7, pour dentité 2, 66 ;

insoluble dans les acides, excepté dans l'acide fluorhydri-

que; insoluble dans les dissolutions chaudes étendues de

potasse ou de soude; soluble dans la potasse ou la soude

fondues au rouge sombre dans un creuset d'argent.


Composition chimique. — Il contient:
oxygène, 53,33;

silicium, 46, 67. Presque tous les minéralogistes adoptent

pour formule de l'acide silicique SiO 2, c'est-à-dire un

équivalent de silicium, et deux d'oxygène, depuis les tra-


vaux de M. Marignac sur l'isomorphisme des fluosilicates
et des fluotitanates, et ceux de M. Friedel sur les compo-
sés organiques du silicium.

Formes cristallines. — Un terminé


prisme hexagonal
par des pyramides à six faces (fig. 208). Souvent, trois des fa-
. AMÉTHYSTE, AGATES, ETC. 301

ces sont beaucoup plus développées que les autres à chaque

sommet, alternant avec celles qui le sont moins. Quelque-


fois les faces du prisme disparaissent; en un mot, des dix-

huit faces qui se présentent si souvent ensemble, il n'en

reste que six formant un rhomboèdre.

Les faces de ce rhomboèdre forment ensemble des an-

gles de 94° 15' et 85° 45'. C'est la forme primitive. On obtient

la double pyramide en combinant à cette forme un second

rhomboèdre de même angle, appelé inverse, ayant ses faces

à 30° de celle du primitif. On obtient le prisme hexagonal

en combinant au rhomboèdre primitif six faces paral-

lèles aux arêtes latérales en zigzag et à l'axe du rhomboè-

dre. Dans certains cristaux une zone, c'est-à-dire un en-

semble de faces parallèles aune même direction, qui est

ici une arête de la base d'une pyramide, se développent

aux des autres, et le cristal paraît comprimé


dépens
D'autres cristaux s'allongent. Les déformations
(fig. 209).
sont très nombreuses dans cette espèce. Les cristaux

du prisme et des deux pyra-


prismo-pyramidés (formés
mides à six quelquefois de petites fa-
faces) portent

cettes sur trois des où se rencontrent les faces


angles

des et du prisme; trois arêtes du prisme


pyramides
étant ainsi modifiées à leurs deux extrémités, tandis que
302 PIERRES PRÉCIEUSES.

les trois autres arêtes alternes avec les précédentes, res-

tent parfaitement intactes. Ces facettes modifiantes ont la

forme de losanges, et les cristaux qui en sont chargés


avaient été nommés rhombiferes par Haiiy. Dans un grand
nombre de cristaux, les mêmes angles portent, en même

temps que les facettes précédentes, d'autres facettes incli-

nées cette fois différemment à droite et à

gauche des arêtes du prisme ou de celles

de la pyramide adjacente. Dans certains

cristaux, ces facettes sont plus inclinées

à droite qu'à gauche, on les appelle dex-

trorsum (fig. 210) ; on nomme sinistrorsum

les cristaux où les facettes ont des incli-

naisons contraires. De quelque façon

qu'on place un de ces cristaux, on y voit

toujours les facettes tournées de même façon.


— Cette des facettes
Propriétés optiques. disposition
dont nous venons de parler est en relation avec une des plus
curieuses et des plus utiles propriétés du quartz. Les cris-

taux de cette matière appartenant au système rhomboédri-

que doivent montrer les phénomènes optiques propres à ce

système. Prenons donc une plaque de deux ou trois milli-

mètres d'épaisseur, taillée de façon que ses deux faces

opposées soient perpendiculaires à l'axe, et plaçons-la


entre deux tourmalines ou deux niçois croisées (p. 93).
Nous verrons, comme cela doit être clans un cristal à un

axe optique, des anneaux colorés concentriques, mais


la croix noire y manque, et le milieu de la plaque, au
lieu d'être blanc, est coloré. Si on tourne un des niçois,
on verra le milieu de la plaque appelé plage se colorer
successivement des couleurs de l'arc-en-ciel, qui se sui-
vront dans leur ordre de réfrangibilité. La croix noire
AMÉTHYSTE, AGATES, ETC. 303

manque, parce que le cristal de roche est bi-réfringent sui-

vant son axe (Fresnel) comme si sa molécule était tordue

(Delafosse). Il fait tourner le plan de polarisation de la

lumière. Certains cristaux, ceux que nous avons appelés


dextrorsum, font tourner ce plan à droite; les sinistror-
sum le font tourner à gauche. On utilise, comme on sait,
cette propriété pour mesurer la richesse de certaines dis-

solutions en matières sucrées ou autres douées aussi du

pouvoir de faire tourner le plan de polarisation de la lu-

mière {pouvoir rotatoire), en comparant à leur action celle


d'une plaque de quartz d'épaisseur connue.

COULEURS DES QUARTZ Noms des variétés.

Quartz incolore, limpide Cristal de roche.


— —- . Girasol.
opalescent
— — Rubis de Bohême.
rose, limpide
— violet, lilas, —
Améthyste.
— — Fausses
jaune topazes.
— brun
rouge orangé, Topaze d'Espagne.
— bien Quartz bleu.
— noirâtre, noir, coloré sans doute par i
Enfumé.
des matières carburées )
coloré artificiellement par des disso- )
[ Rubasses.
lutions )
— mêlé de peroxyde de fer ; opa- \ Hyacinthe de
rouge Compos-
que ) telle.
— mêlé de sesquioxyde de fer hydraté : / , . .
> Quartz rubigineux.
jaune; opaque \
— mêlé de lamelles de mica ou d'autres ) . ,
,•
' Quartz aventunne.
substances

On appelle aérohydres des cristaux qui renferment des

cavités où se trouvent des bulles de gaz, et souvent une

goutte d'un liquide qu'on voit se promener dans la fente

si elle est assez longue, en inclinant la pierre dans diffé-

rents sens.
304 PIERRES PRÉCIEUSES.

Iris. — les avoir reçu, sans


Quelquefois cristaux, après

cloute, un choc accidentel, montrent de jolies irisations,

sont aux jeux de lumière produits par les


qui analogues
lames minces, et qui avaient frappé les anciens au point

avaient donné le nom d'iris à ces cristaux, et qu'ils


qu'ils
en faisaient toujours une description fort élogieuse.
On quelquefois cette irisation en chauffant des
produit
cristaux un peu enfumés qu'une haute température déco-

lore à peu près complètement. La plupart des fausses to-

sans présenter cette irisation, proviennent de cris-


pazes,
taux enfumés qu'on a chauffés ainsi. La topaze d'Espagne
est un quartz d'un jaune particulier, soumis également à

l'action d'une température élevée. Les améthystes se déco-

lorent en général, quand on les porte à une température


de 300°. On ne sait donc pas si leur couleur est produite

par de l'oxyde de manganèse; cependant, une amé-

thyste analysée par Rose renfermait 2 millièmes 1/2 de cet

oxyde.
Les rubasses s'obtiennent en chauffant le quartz et en

le trempant ensuite clans des dissolutions colorées. Ces

matières sont alors en général pleines de fissures.

On vend depuis un certain nombre d'années différentes

variétés de quartz, auxquelles on donne, par une opération

analogue, de fort agréables colorations.

OEil de chat. — Un naturel heureux est celui du


mélange

quartz et de l'asbeste. Les cristaux de quartz sont souvent

remplis de toutes sortes de substances : chlorites en lamel-

les hexagonales, titane rutile en longues aiguilles, lamelles

d'argent, or natif, oxyde de fer produisant les variétés

rouges ou jaunes, dont nous avons parlé aux couleurs.


Dans certains cas, on les voit pénétrés d'asbeste, variété

d'amphibole. L'asbeste a souvent un éclat nacré ou


AMÉTHYSTE, AGATES, ETC. 305

soyeux; ses fibres, répandues dans le comme dans


quartz
du verre transparent les aurait
qui empâtées, produisent
un chatoiement des plus a fait donner à la
agréables, qui
pierre le nom d'oeil de chat.
Éclat. — L'éclat vitreux du quartz n'a rien de remar-

quable. L'indice de réfraction pour les ne


rayons jaunes
dépasse pas 1, 553; la dispersion, c'est-à-dire la différence
entre les indices des extrêmes du
rayons spectre lumineux,
est de 0, 018.

Gisements. — Le est tellement


quartz répandu, qu'on
ne pourrait citer tous ses Il entre dans la com-
gisements.
position du plus grand nombre des roches cristallines.
Les cristaux bien bien sont moins
conformés, limpides,
communs. La plupart de ceux d'Europe viennent des Alpes.
Pline citait déjà ces grandes cavités à cris-
appelées poches
taux que des hommes attachés à des cordes solides vont
fouiller dans des fentes de rochers, c'est-à-dire dans d'é-
normes crevasses, sur les parois d'abîmes d'une profon-
deur vertigineuse, pour en extraire des morceaux d'un

poids et d'un volume souvent considérable. La vallée de


Viesch (Valais) est une localité encore célèbre de nos

jours. Le quartz y est souvent enfumé.-Les cristaux d'amé-

thyste tapissent les cavités souvent très volumineuses de

mélaphyres à Oberstein (épuisé), dans les carrières de


Salto (Uruguay). La mine de Mewar, sur le flanc inférieur
de l'Arâvalî, aux environs d'Udajapur, Inde, donne aussi

de belles améthystes.
— Le n'est cristallisé
Agates. quartz pas toujours ; quel-

quefois ses cristaux deviennent microscopiquement petits ;

enfin, la matière siliceuse a quelquefois pris la forme so-

lide, sans constituer ces groupes réguliers plus ou moins

volumineux que nous appelons des cristaux ; une pâte de


20
306 PIERRES PRÉCIEUSES.

ce genre, mêlée souvent d'éléments qui sont parvenus à

l'état cristallisé, telle est la constitution de l'agate; elle


est translucide, elle dépolarise la lumière; la calcédoine

présente des globules qui rappellent les cristaux à un axe,


lorsqu'on les observe dans la lumière polarisée.
Les agates ont souvent des couleurs vives ; elles peuvent
recevoir un beau poli. Les anciens les estimaient beau-

coup, bien que Pline nous prévienne que, de son


déjà
temps, elles avaient peu de valeur.

Les couleurs y sont disposées quelquefois par bandes

(agates rubanées) ; quelquefois par zones concentriques


(onyx).

COULEURS DES AGATES Noms les plus ordinaires.

[ Calcédoines des moder-


Bleuâtre ou d'un blanc laiteux, ou grisâtre. ••' nés ; Corneolus
(pierre
'
de corne) des anciens.
Rouçre° brique, ' rougeb cerise à la lumière ) _
. Cornalines.
réfléchie )
D'un bleu clair, mais nettement accusé . . Saphirine.
D'un bleu d'azur artificiel Faux lapis.
D'un brun Jiaunâtre ou orangé,D rouge de / _, 7 . , 7
. Sardoine des modernes.
sang à la lumière transmise. ......)
Vert poireau Prase.
Vert pomme des sels de nickel Chrysoprase
Vert foncé Plasma.
Vert avec taches routes° dues à de l'oxyde
J ) TT ,
de fer \ Héliotrope.
rouge )

Deux couleurs, une blanche sur une rouge, ) Sardonyx.


comme l'ongle humain sur la chair . . . ] Onyx des modernes.

Une couche blanche sur une noire Nicolo.


Deux couleurs communiquées artificielle- )
> Aqates
^ baiqnécs.
d
ment \
Un cercle noir au milieu d'anneaux de cou- (
, ,. Aqates oeillées.
leurs diverses \
Anneaux concentriques de couleurs variées. Onyx.
AMÉTHYSTE, AGATES, ETC. 307

Agate avec oxydes métalliques et particules )


disposées comme les rameaux d'un arbre > Agates arborisées.
dépourvu de feuilles ]
Agates imprégnées de matières étrangères /
,. x , , . ,L . „. . \ Aqates mousseuses.
qui ressemblent a des végétaux inférieurs. )

On communique souvent aux agates différentes couleurs

artificiellement. Pour cela, on les trempe dans des matiè-

res colorantes, qui pénètrent assez facilement cette ma-

tière poreuse. Les anciens connaissaient ce procédé. Pline

en parlait déjà dans son Histoire naturelle. On a été long-

temps incrédule à cet égard au moyen âge; mais on sait

maintenant qu'on peut faire pénétrer, en effet, dans la

masse de l'agate du miel ou de l'huile, qu'on attaque ensuite

par l'acide sulfurique, ou nitrique. Il se forme un dépôt


brun ou noir qui colore les canaux naturels où ont pénétré
les matières de nuances différentes suivant leur capacité ; on
colore aussi certaines agates en bleu au moyen de cyanure

jaune de potassium, qui réagit sur l'oxyde de fer contenu

naturellement ou introduit en dissolution clans la pierre.


Sous Tibère et Néron, les camées étaient.fort recher-

chés. La Bibliothèque nationale possède un camée ovale

à quatre couches, deux brunes et deux blanches, de 31 cent,

de large et de 27 cent, de hauteur. Il porte une oeuvre

d'art du plus haut mérite, représentant l'apothéose d'Au-

guste. Dans la galerie d'Apollon, au musée du Louvre, il

y en a également de fort beaux.

On produit des couches blanches sur les cornalines, en

couvrant la pierre de carbonate de soude qu'on fait fondre

dans un moufle, de manière à y produire un émail blanc.

Gisements. —L'agate calcédoine se recueille à Haytor

(Devonshire), en Ecosse, en Irlande, en Auvergne, à Pont-

du-Château; les cornalines dans la Saxe, en Arabie, dans


308 PIERRES PRÉCIEUSES.

l'Inde. L'Inde possède les mines fameuses du mont Râga-


au sud de la Nerbudda inférieure. Le Périple de
pippali,
la mer Rouge nous apprend qu'à Barggaza on apportait de

l'intérieur pour l'exportation de l'onyx et des vases mur-

rhins. Des mines situées à huit milles à l'ouest de Ahmé-

dabad, sur le bord inférieur du Mahî, fournissent aussi des

agates et des tourmalines ; on peut citer encore les pierres


dites mousseuses de la presqu'île de Guzérat.

Les chrysoprases se trouvent au Gùmberg, près Kose-

mùtz, en Silésie. Les plus belles héliotropes (pierre de

sang, pierres des martyrs) viennent de la Bucharie et de

l'Orient; il y en a également en Sibérie. Le travail des

agates est une des plus vieilles industries à Oberstein. On

y travaille des pierres venues de toutes les contrées du

monde, et dans des conditions telles, que le travail coûte,


en réalité, un prix insignifiant.
Ces jolies pierres ont peu de valeur comme bijoux. Sou-
vent on les double avec des plaques de nacre, dont on

aperçoit les reflets au travers de la pierre ; c'est ce qu'on


appelle leur donner de V Orient.

Les agates assez grandes pour fournir des coupes ou


des objets de dimension un peu grande sont travaillées

partout où il y a des lapidaires habiles. Il y en a d'une


valeur considérable clans les collections publiques des

grands États; mais le travail de l'artiste fait presque ou-


blier la beauté de la matière.
— Quartz et
Jaspe. compacte complètement opaque ;
le caractère d'une opacité absolue est la plus dif-
grande
férence que les jaspes présentent avec les agates, toujours
translucides au moins sur les bords. Ils la
possèdent
même richesse, la même variété, les mêmes dispositions
de couleurs que les agates. Ils servent plutôt dans l'orne-
AMÉTHYSTE, AGATES, ETC. 309

mentation que dans la bijouterie proprement dite. Ce-

pendant on en taille quelquefois pour médaillons, pour

camées, etc. Le jaspe se vend de 2 à 100 fr. le kilo-

gramme.
Les plus beaux jaspes viennent d'Egypte; il y en a de

rubanés à zones vertes et rouges alternes d'un bel effet en

grand. On trouve le jaspe en petites masses ordinairement

peu importantes, mais volumineuses pour une pierre


presque précieuse, au voisinage des serpentines et des

mélaphyres. L'Inde a fourni aussi de beaux jaspes; les


carrières étaient dans les monts Eder, par 24° lat. N.,
à seize milles au nord de Ahmédabad, entre Mewar et

Guzérat.
— les sont formées comme
Opales. Chimiquement, opales
le quartz d'acide silicique, mais d'une constitution diffé-

rente; car la silice de l'opale se dissout plus aisément

dans les dissolutions alcalines chaudes; et leur densité

surtout les distingue; elle ne dépasse pas 2, 3, elle est

le plus souvent inférieure à ce nombre. Les opales contien-

nent ordinairement de l'eau; l'opale noble de Hongrie,

jusqu'à 10 0/0; l'opale de feu du Mexique n'en contient

plus que 7, 75; l'eau ne nous paraît pourtant pas néces-

saire à la constitution de l'opale ; car une silice pulvéru-


lente trouvée à Bry-sur-Marne près Nogent, a la même

densité que l'opale, et, dans l'air sec, elle devient complè-
tement anhydre (1). La silice de l'opale a surtout pour
caractère d'être amorphe, comme la silice du quartz lors-

qu'on est parvenu à le fondre, comme l'a fait M. Gaudin

en employant des températures très élevées. Le quartz


fondu a, du reste, la même densité que l'opale.

(1) Bulletin Soc. géol. de France, lie série, 18, p. 673.


310 PIERRES PRÉCIEUSES.

Couleurs. — Elles varient dans les communes,


opales
comme dans les agates et les jaspes; mais, à part une

pierre d'un beau rose, dont on connaît quelques petits


morceaux provenant de Mehun-sur-Yèvre, Cher, les opa-
les communes ne sont pas travaillées pour la bijouterie.

Une variété, de Zimapan, Mexique, presque transpa-


rente, et d'un beau jaune orangé passant au rouge hya-
cinthe, au rouge carminé, est assez estimée sous le nom

d'ojjcde de feu.

Enfin, la variété la plus célèbre est l'opale noble.

Pline disait de l'opale qu'elle réunit dans un admirable

mélange le feu du rubis et la pourpre de l'améhyste au


vert de l'émeraude. Peu de pierres, en effet, produisent une

plus charmante impression. Toutes les couleurs du spec-


tre peuvent y être observées ; car l'opale noble est une

pierre à peu près transparente, criblée de toutes petites


fissures, qui agissent comme le font les réseaux, en dé-

composant la lumière. Qu'on regarde une lumière vive au


travers d'un tissu à mailles fines, comme certaines soies
de parapluie qui ne sont pas trop serrées, on aura un

phénomène beaucoup moins brillant que celui de l'opale


noble, mais de même origine.

L'opale des anciens venait de l'Inde, au dire de Pline.

Aujourd'hui c'est la Hongrie qui fournit au commerce la

plupart de ses belles pierres. L'opale s'y trouve répandue


en petites veines dans une roche trachytique à Czerwe-
nitza. La principale mine est située à Dubarich (Carpa-
thes), à 3,500 pieds au-dessus du niveau de la mer. Elle
est la propriété du gouvernement hongrois. Deux cents
ouvriers sont employés à cette exploitation sous la direc-
tion de M. L. de Goldschmidt.
La dureté de l'opale est un peu inférieure à celle du
AMÉTHYSTE, AGATES, ETC. 311

quartz. Elle est à peu près égale à celle du feldspath, elle

est suffisante pour que le poli de la pierre résiste aux

frottements usuels. L'idée que l'opale porte malheur est

un reste de ces nombreuses superstitions du temps passé.


On taille l'opale en amande, ou en goutte de suif sur les

deux faces supérieure et inférieure.

Elle atteint des prix fort élevés, quand ses irisations se

produisent sous toutes les incidences et montrent des

couleurs vives et variées.

L'opale de Hongrie est répandue en petites veines dans

une roche trachytique à Gzerwenitza.


312 PIERRES PRÉCIEUSES.

CHAPITRE XY1

TURQUOISE

: Calaite, Pierre fairuzegià des Arabes, paxruzegia


Syn.
des Persans, le commentaire d'une traduction du
d'après
livre d'un certain Habdurrhaman, par Abraham Ecchellen-

sis et des Turcs du xvie siècle, etc. ;


(1); Turques Turquois
la callaïs de Pline, pierre imitant le lapis, mais
peut-être

plus verdâtre (Hist. naturelle, liv. XXXYII, LVI).


La est un phosphate d'alumine hydraté, con-
turquoise
tenant environ 2 équivalents d'alumine, 1 d'acide phos-

phorique et 5 d'eau, soit pour 100 parties : alumine 46,9;

acide phosphorique 32,6; eau 20,5. Il s'y mêle ordinaire-

ment de 1,50 à 5 0/0 d'oxyde de cuivre.

La densité varie de 2,6 à 2,83 ; la dureté est de 6 ; l'éclat

faible, mais la matière est capable d'un beau poli. La cou-

leur varie du bleu céleste au vert pomme. Elle est quel-

quefois vaguement translucide; la cassure en est con-

choïdale.

Formes. — Elle n'est cristallisée elle se


jamais ; pré-
sente sous forme de rognons ou d'incrustations de veines

traversant des schistes siliceux.

(1) Le traducteur fait remarquer que Fairuzegià et Pairuzegiù sont


des adjectifs qui déterminent la couleur de la pierre, qui se rapproche
de celle du Lapis Lazeuardi.
TURQUOISES. 313

Caractères — Elle est soluble dans l'acide


chimiques.

chlorhydrique. Dans un tube fermé, elle décrépite, donne


de l'eau et prend une coloration brune. Au chalumeau,
elle devient vitreuse et brunâtre, et colore la flamme en

vert; elle colore la flamme en bleu, si on l'humecte d'acide

chlorhydrique (réaction du chlorure de cuivre). Chauffée


avec du carbonate de soude, elle produit de l'hydrogène
phosphore. Avec le sel de phosphore et une lamelle d'é-

tain, elle donne sur une petite coupelle de biscuit de por-


celaine un émail rouge; la réaction peut être opérée sim-

plement sur un morceau de charbon.

Gisements. — Elle s'est formée dans des schistes ar-

gilo-siliceux, dans les districts montagneux de la Perse,


au mont Nichabour. Elle forme des veines qui traversent

cette montagne dans toutes les directions. Le manuscrit

traduit par Abraham Ecchellensis, en 1647, citait comme

patrie de la turquoise cette montagne qu'il appelait Nisa-

bor. Quant à la pierre, il l'appelait cyanos. Ce n'était ce-

pendant probablement pas le cyanus des anciens. La tur-

quoise était sans doute la callaïs, callaïnos lithos, du

Périple de la mer Rouge, dont l'auteur raconte qu'elle

provenait de l'embouchure de l'indus en même temps que


le saphir des Grecs, notre lapis-lazuli.
On trouve aussi des variétés de turquoise moins esti-

mées, en général, à OElsnitz, en Saxe; àNasaiph, auprès


de Suez; dans les montagnes Los Gerillas, au Mexique,
dans le district Columbus, Nevada.

Taille et — On la taille d'habitude en


Usages. gouttes
de suif, quelquefois en cabochons. Elle se marie bien au

diamant et à l'or. Une turquoise ovale de 0m,012 sur 0m,011


a été achetée 500 fr. lors de la vente de la collection du

marquis de Drée. Les Persans recherchent les belles va-


314 PIERRES PRÉCIEUSES.

riétés. Cette turquoise, appelée souvent orientale, conserve

sa belle couleur le soir.

Turquoise occidentale. — C'est une matière d'origine


animale. Elle consiste en débris d'ossements colorés par
du phosphate de fer. Sa couleur est comme celle de la

turquoise orientale; mais elle pâlit devant les lumières


artificielles. Si on la dissout dans l'eau régale ou dans de
l'acide chlorhydrique additionné de quelques d'a-
gouttes
cide nitrique, et qu'on traite la liqueur par l'ammoniaque,
on en précipite le fer à l'état de rouille, de
sesquioxyde
fer hydraté. La turquoise orientale donne au même essai
une liqueur d'un bleu céleste pâle du
(réaction cuivre).
Klaprothine. — lazulite de miné-
Spath bleu, plusieurs
ralogistes. Phosphate hydraté de magnésie, d'alumine,
avec fer et chaux, cristallisé en octaèdres à section rhom-

bique, qui appartiennent au système klinorhombique.


Dureté 5 à 6; Densité 3,1.
Couleur. — Bleu ou bleu
d'azur, verdâtre. Eclat vitreux.
Peu de transparence.

Gisements. — Elle forme des veines dans un schiste argi-


leux, près Werfen, en Salzbourg, etc. On en trouve de beaux
cristaux au Mont-Crowder, comté de États-Unis.
Lincoln,
— On taille les belles
Usages. variétés en cabochon, à
l'instar de la turquoise. Elle n'est décolorée l'acide
pas par
chlorhydrique qui dissout la turquoise.
DEUXIÈME SECTION

PIERRES D'UN RANG INFÉRIEUR A TITRE

DE PIERRES PRÉCIEUSES,

MAIS DONT PLUSIEURS SONT TRÈS RECHERCHÉES

DANS L'ORNEMENTATION DE LUXE

Tous les silicates peuvent fournir des pierres plus ou

moins précieuses, lorsqu'ils sont transparents. Aussi dans

les pays où se rencontre fréquemment une de leurs espè-


ces rares ailleurs, taille-t-on ses variétés limpides, sur-

tout si elles sont agréablement colorées.

Sans donner beaucoup de détails sur ces matières qui


ne sont pas très répandues dans le commerce, nous indi-

querons les plus intéressantes et leurs principales pro-

priétés.
316 PIERRES DEMI-PRÉCIEUSES.

CHAPITRE PREMIER

SILICATES

Lorsqu'on ajoute un peu d'un silicate en poudre à une

perle de borax formée au bout d'un fil de platine à l'aide

du chalumeau, on voit la silice tournoyer dans la perle.


Pour recueillir la silice, il faut traiter le silicate par cinq
ou six fois son poids de carbonate de soude dans une

capsule de platine; dissoudre la masse fondue dans l'acide

chlorhydrique, évaporer à siccité (voir les analyses du

spinelle et de l'émeraude).
1° Diopside. —On peut signaler le pyroxène diopside
qui peut fournir des pierres analogues au péridot. La

couleur de ces variétés est d'un vert

olive, qui peut être plus clair ou plus


foncé suivant les échantillons.
Le diopside cristallise en prismes obli-

ques à base rhombe, dont les pans sont


inclinés de 87°7' l'un sur l'autre et de
100°57' sur la base qui est oblique
(fig. 213). C'est un bisilicate de ma-

gnésie et de chaux, coloré en verdâtre par de de


l'oxyde
fer, et dont la formule est (CaO, MgO) SiO 2.
La densité est de 3,3; la dureté d'environ 5,5, un peu
PIERRES D'ORNEMENTATION. 317

supérieure à celle de l'acier. Le diopside fond au chalu-

meau en verre grisâtre; il est inattaquable par les acides.

Un pyroxène d'un beau vert émeraude accompagne le

diamant dans les mines du Cap ; il se rattache sans doute

au diopside.
2° Rhodonite. — Silicate de de
manganèse, composé

45,79 silice, et 54,21 d'oxyde manganeux, fusible au cha-

lumeau en verre brun plus ou moins foncé. La dureté est

un peu supérieure à celle d'une pointe de burin; la den-

sité est de 3,6 en moyenne.


Les variétés d'un rose rouge, d'un rose fleur de pêcher,
sont assez estimées pour l'ornementation ; on ne les taille

généralement pas pour bijoux.


— Silicate de cuivre renfermant :
Dioptase. hydraté,
silice 38,09; oxyde de cuivre 50,48; eau 11,43 :

Couleur. — Vert émeraude, passant au vert de gris.


Eclat vitreux. Dureté 5. Densité 3,27 à 3,5.

Formes. — Prismes surmontés d'un rhom-


hexagonaux
boèdre obtus de 95°55'. (Voy. fig. 183.)
Caractères — Chauffée dans un la ma-
chimiques. tube,

tière donne de l'eau et noircit. Au chalumeau, sur le char-

bon, elle devient rouge à la flamme réductrice, noire à la

flamme Chauffée avec du borax, elle donne un


oxydante.
de silice, qui tournoie dans la perle ou globule
squelette
fondu ; cette perle est verte à chaud , bleue à froid au feu

Elle se dissout dans les acides en faisant gelée.


oxydant.
La solution donne avec l'ammoniaque une liqueur d'un

bleu céleste; la silice s'y dépose.


— La est d'un beau vert; elle joue
Usages. dioptase
318 PIERRES DEMI-PRÉCIEUSES.

l'émeraude; mais ses cristaux sont trop petits en général.


Tous les cristaux connus viennent d'un calcaire qui se

trouve dans les steppes des kirguis.


3° Jade : néphrite. —
etjadéite. Syn. Étymologique-
ment ce mot a le même sens que celui de néphrite. Les

anciens appelaient néphrites des pierres qu'ils croyaient


bonnes contre les douleurs de rein. Au moyen âge on l'ap-

pelait : Lapis nephriticus, lapis ischiaticus; pietra htschada,


ou dihijada (Mexique ou Pérou). De ce dernier mot on a

tiré en français celui de jade.

Le jade correspond au yu des Chinois. Il comprend


deux espèces minéralogiques très différentes, que M. Da-

mour, l'auteur de cette distinction, nomme jade et ja-


déite.

Caractères communs. — Les matières ont


appelées jades

pour caractère commun :

Forme : celle de masse compacte, à cassure esquil-


leuse, à grain très fin et susceptible d'un beau poli. Éclat

vif. Couleur variant du blanc verdâtre au vert poireau ,


ou même au vert émeraude, quelquefois au bleuâtre;

poussière incolore. Ces pierres sont translucides, au moins


sous une faible épaisseur, et parfois presque transparen-
tes. Elles sont insolubles dans les acides, même après
calcination.

Le jade de Damour contient, silice 58,62; oxyde de


fer 1,12; magnésie 27,19; chaux 11,82; total 98,15. Il a une

composition chimique voisine de celle des amphiboles


trémolites. La dureté est notablement inférieure à celle
du quartz ; elle est de 6 à 6,5. La densité varie de 2,96 à 3.
On y rattache le jade de la Nouvelle-Zélande. La jadéite
du même auteur renferme de l'alumine et se rapproche
de celle des épidotes. Silice 59,17; alumine 22,58; oxyde
PIERRES D'ORNEMENTATION. 319

de fer 1,56; magnésie 1,15; chaux 2,68; soude 12,93; po-


tasse traces.

La jadéite la plus estimée en Chine y est appelée Fetsui

(Pumpelly).
La jadéite.est un peu plus dure que le jade, un peu moins

cependant que le quartz. Sa dureté varie de 6,5 à 7. Sa

densité est au contraire un peu plus grande ; elle oscille

entre 3,32 et 3,35. Elle fond beaucoup plus facilement que


le jade au chalumeau en verre globuleux transparent;
comme lui, elle n'est pas attaquable après fusion dans les

acides, ce qui la distingue des épidotes.


A ces deux espèces appartiennent des matières de même

composition chimique et d'un aspect semblable, qu'on


trouve dans les habitations anciennes des lacs de Suisse.

Les jades du Mexique, dont on trouve tant d'amulettes

dans les tombeaux, se rapportent, en général, à la pre-


mière espèce, celle qui conserve intact son nom primitif.
En Chine, la pierre appelée Yu, ou pierre de Khotan,

ville située au nord de la partie occidentale des Kwen-lun,

est une des plus anciennement recherchées. La Géogra-


de Tshou-li (1100 ans avant J.-G.) parle des pierres
phie
et en particulier de celle qu'on appelait yu, comme d'un

important du commerce de la sixième province,


produit
celle de Le commerce du jade a été considé-
Yung-tshôu.
rable en Chine dans tous les temps. Au xe siècle après

l'ère chrétienne, la ville de Kashgar, appelée Suléi jusqu'à

cette les Chinois, était le marché où se vendait


époque par
cette les habitants appelaient Kash, et qui a
pierre, que
donné son nom au fleuve Kara-Kash, ou fleuve
peut-être
Noir.

Sibérie. — M. Alibert a découvert dans le lit du tor-

rent Anotte, en Sibérie orientale, des blocs d'une belle


320 PIERRES DEMI-PRÉCIEUSES.

variété de néphrite, dont certaines parties ;bien choisies

fournissent une pierre assez agréable. Cette matière ap-

partient au jade ordinaire, à composition d'amphibole.


Les collections publiques et privées sont riches en jolis

objets sculptés, fouillés, évidés parles Chinois avec un art

admirable et faits de cette matière. En Chine, c'est la va-

riété d'un vert tirant sur le vert émeraude qui est préférée
aux autres.

4° — de et de Pline,
Serpentine. Ophites Théophraste
ainsi appelée parce que ses nuances variées la font res-

sembler à la peau d'un serpent. De là ce préjugé qu'elle


était bonne contre la morsure des vipères. C'est un silicate

de magnésie hydraté, contenant 3 équivalents de magné-

sie, 2 de silice et 2 équivalents d'eau.

Cette matière généralement massive est d'un jaune de

soufre, d'un jaune verdâtre, ou vert de nuances plus clai-

res et plus foncées qui s'entremêlent les unes avec les

autres; quelquefois rouge ou brune.

La dureté en est supérieure à celle du calcaire. La den-

sité d'environ 2,5. Elle est quelquefois foliacée, schisteuse,


ou fibreuse, souvent compacte.
Chauffée clans un tube, elle donne de l'eau. Elle est diffi-

cilement fusible au chalumeau ; pulvérisée, elle est attaquée

par l'acide sulfurique, en déposant de la silice. Elle forme


des amas, des filons qui se fondent avec d'autres roches.
Elle n'est utilisée en général que pour la fabrication de

grands objets de luxe. En Chine, on en fait des bijoux,


qui se vendent assez cher.

5° Garniérite, de Clarke et Dana ; Nouméite de Liver-


— On commence à faire des avec
sidge. parures une ma-
tière opaque et tendre, mais d'un beau vert tenant le mi-
lieu entre le vert pomme et le vert émeraude. C'est un
PIERRES D'ORNEMENTATION. 324

hydrosilicate de magnésie contenant des proportions très

variables de nickel découvert par un ingénieur français,


M. Garnier, dans la Nouvelle-Calédonie, en 1867. On con-

naissait déjà des matières analogues, contenant : si-


lice 35,36; nickel 30,64; protoxyde de fer 0,24; magné-
sie 14,6; chaux 0,26; eau 19,09 (nickel gymnite du Texas,
dar Genth). Celle de la Nouvelle-Calédonie renferme tantôt

plus de 39, tantôt moins de 22 de nickel, et parfois bien


moins encore. On s'est mis à l'appeler nouméite, ce qui
n'est pas fort heureux; car c'est surtout au mont d'Or, et

aux environs de Kanala, plutôt que de Nouméa, que la

matière se trouve en veines puissantes dans une serpen-


tine.

La proportion de nickel y varie d'un échantillon à un

autre. On dit qu'on appellera garniérite la variété la plus

pauvre en nickel, et nouméite la plus riche; mais, comme

ce n'est évidemment qu'un mélange de silicates de nickel

et de magnésie, on aurait pu garder le nom de nickel-

gymnite ou de gymnite nickélifère.En tout cas, il suffi-

sait d'un seul nom nouveau.

Cette matière est d'un vert pomme passant au vert

émeraude; elle a la cassure cireuse; la poussière en est

d'un vert pâle; sa dureté n'est que de 2,5, à peine supé-


rieure à celle du gypse; sa densité 2, 87. Dans le tube

fermé, elle dégage de l'eau quand on la chauffe au chalur

meau; elle est infusible. Avec le borax, elle donne un

verre brun foncé au feu oxydant. Elle est attaquée par l'a-

cide sulfurique près du point d'ébullition.

La couleur en est des plus agréables : mais elle est si

tendre, qu'elle résiste peu aux frottements journaliers.


6° Disthène. — Silicate d'alumine, composé de 63,2

d'alumine et 36,8 de silice. Il cristallise en prismes dou-


21
322 PIERRES DEMI-PRÉCIEUSES.

blement obliques dont les faces font entre elles des angles
de 106° 15,, 93° 50', 100° 50', d'après vom Rath (fig. 214).
Souvent les cristaux sont colorés en

bleu, et fournissent un joli saphir. Leur

dureté est un peu faible, elle est de 5

dans une direction, un peu plus grande


dans les autres; leur densité est de 3,675.

L'indice de réfraction est de 1,72; et

l'éclat est nacré sur une face du prisme,

vitreux sur les autres.

Le disthène infusible au chalumeau s'y décolore ; il est


les acides. Il se colore en bleu quand on
inattaquable par
du nitrate de cobalt et qu'on chauffe fortement
ajoute
de l'alumine). Le disthène est connu sous les
(réaction
noms de cyanite ou de sappar.

7° Andalousite. — Silicate d'alumine même for-


ayant

mule que le disthène, mais cristallisé en prisme droit à

base rhombe. Certains cristaux du Brésil possèdent un

trichoïsme très marqué. Yus dans une direction ils sont

d'un rouge hyacinthe, mais dans les autres ils sont verts

d'huile ou d'un vert olive. Ils sont infusibles au chalumeau,


insolubles dans les acides. Leur densité est de 3,14. Ils

sont un peu plus durs que le quartz.


8° — silicate de chaux
Épidote. L'épidote, d'alumine,
et de fer, cristallise en prismes obliques à base rhombe,
dont les pans font entre eux un angle de 69° 56' et un an-

gle de 104° 15' avec la base ; elle a une densité variable de

3,35 à 3,45, pour dureté 6,5. Au chalumeau, elle ne fond

pas, mais se gonfle en forme de chou-fleur; elle est solu-


ble dans l'acide chloridrique en y faisant gelée, mais après
calcination. Ses cristaux, lorsqu'ils sont d'un vert assez

clair, peuvent être taillés. L'indice de réfraction est de 1,75.


PIERRES D ORNEMENTATION. 323

9° — Silico-titanate de chaux cristallisé en


Sphène.

prismes obliques à base rhombe ordinairement groupés


deux à deux en formant une

gouttière (fig. 215); au chalu-

meau, il bouillonne, fond sur les

bords, et produit un vert violet

par addition de l'étain, au feu de

réduction, lorsqu'on le mêle à

du sel de phosphore fondu sur une petite coupelle de

porcelaine sans couverte, ou au bout d'un fil de platine.


L'indice de réfraction, 1, 9 pour les rayons moins ré-

frangibles, en est considérable, et la dispersion en est

très forte; aussi les cristaux, lorsqu'ils sont limpides et

taillés, offrent-ils un vif éclat et des étincelles colorées qui


se jouent agréablement dans la pierre. Leur dureté esta

peu près celle d'une pointe d'acier, elle est un peu supé-
rieure à 5, la densité varie de 3,3 à 3,7; elle est encore à

peu près suffisante pour les classer parmi les pierres pré-
cieuses ; mais les cristaux sont rarement assez gros et assez

limpides pour mériter d'être taillés. Les plus gros cristaux

se trouvent en Amérique, à Diana, comté de Lewis; mais

ils sont trop bruns et à peine translucides.

10° Axinite. — C'est un silicate d'alu-

mine, de chaux, de fer et de manganèse


avec acide borique, fusible au chalumeau,

où elle se gonfle en boule d'un vert foncé

au feu de réduction, noire au feu oxydant,

décomposable par l'acide chlorhydrique

en y faisant gelée, après avoir été préa-


lablement calcinée. Elle cristallise en

doublement obliques dont les faces font entre


prismes
elles des angles de 115° 30', 135° 26', 134° 48' et les an-
324 PIERRES DEMI-PRÉCIEUSES.

gles supplémentaires 64° 30', 44° 34', 450 12' (fig. 216).
Ces deux derniers angles fort aigus donnent aux cristaux

des arêtes coupantes qui leur ont fait donner le nom de

pierres de hache. Ils sont d'un violet brunâtre qui passe au

brun de girofle ou au gris verdâtre. Leur densité est de

3,3; leur dureté, voisine de celle du quartz.


La couleur n'en est pas généralement bien agréable.
EUCLASE. — Silicate d'alumine et de contenant :
glucine,
silice 41,15, alumine 35,34, glucine 17,34, eau 6,17; cris-

tallisé en prismes obliques, presque toujours cassé suivant

le plan qui divise ces cristaux en deux moitiés symétri-

ques, à cause d'un clivage très facile parallèlement à cette

direction plane; fusible avec gonflement en émail blanc


au chalumeau; inattaquable par les acides. Dureté 7,5.
Densité 3,1. Couleurs variant du vert d'eau pâle au vert

émeraude, et du bleu de ciel au bleu indigo. Provient d'un


schiste chloriteux de Villa Rica, au Brésil; très rare main-

tenant; très rarement employée.


11° — des anciens
Lapis-lazuli. Saphir , et de tout le

moyen âge: pierre azul des Arabes, pnerre d'azur, outremer


minéral.

Silicate d'alumine, de chaux, de soude, avec soufre et fer.


On présume que le soufre est combiné à du sodium et à
du fer, formant un sulfure de sodium et de fer.
Un lapis-lazuli d'Orient analysé par Schultz contenait :
silice 43,26; alumine 20,22; oxyde de fer 4,20; chaux 14,73;
soude 8,76; acide sulfurique 5,76; soufre 3,16.
Au chalumeau il fond aisément en verre blanc avec
bouillonnement. Il est soluble dans l'acide chlorhydrique,
en faisant gelée et en dégageant de sulfuré.
l'hydrogène
Il cristallise en dodécaèdres rhomboïdaux appartenant
au système cubique. La densité est de 2,4; la dureté de
PIERRES D'ORNEMENTATION. 325

5 ; l'éclat vitreux; la couleur d'un bleu d'azur ou bleu de


Prusse très vif, passant quelquefois au violet, ou même de-
venant incolore. Il est opaque, parfois un translucide.
peu
Il est disséminé dans un calcaire, en Bucharie; cette
variété est ordinairement à fond bleu, semé de d'un
pyrite
jaune d'or; c'est la matière décrite par Pline sous le nom
de saphir; on en trouve aussi près du lac Baïkal dans un
calcaire cristallin micacé; en Perse, en Chine; dans les

Andes, auprès des sources du Cazadero.


M. Alibert en a placé, dans ses vitrines de l'Exposition
des sciences appliquées à l'industrie en 1879, de magnifi-
ques morceaux provenant de ses fouilles à la rivière Slou-
dinka.

Il sert à faire des coupes, des boîtes; il est employé


surtout pour la mosaïque.
La loi donnée par Dieu à Moïse était inscrite sur du

lapis-lazuli. Les Égyptiens ont fait avec cette pierre une

foule d'images et de statuettes, particulièrement des sca-

rabées. Ils ont su l'imiter de très bonne heure.


— Toutes ces matières sont
Pagodites, Agalmatolilhes.
très onctueuses au toucher, surtout en poudres; leur du-

reté n'atteint pas celle du calcaire; leur densité varie

de 2,6 à 2,8. Les unes sont des variétés de talc compacte


formé de silice, de magnésie et d'une petite quantité d'eau,
les autres des variétés également compactes de pyrophyl-

lite, hydrosilicate d'alumine. Elles sont employées en

Chine pour la confection de statuettes, de figurines sou-

vent grotesques ; elles ne sont d'aucun usage en bijouterie.


326 PIERRES DEMI-PRÉCIEUSES.

CHAPITRE II

CARBONATES

Ces carbonates sont facilement rayés par la pointe d'un

burin; une goutte d'acide y détermine une effervescence

due au dégagement d'acide carbonique gazeux.


Malachite. — de cuivre vert, cristal-
Hydrocarbonate
lisé en prismes obliques à base rhombe toujours très

petits. Les variétés utilisées sont des concrétions d'un

beau vert de teintes différentes agréablement entremêlées ;


la poussière en est d'un vert pâle; la dureté n'est que de

3,5; la densité varie de 3,7 à 4. Cette belle matière a sur-

tout le défaut d'être bien tendre; on en fait cependant des

meubles de luxe; elle est coûteuse pour cet usage; elle n'a

aucune valeur comme pierre pour bijoux.


La malachite donne de l'eau, quand on la chauffe dans

un tube fermé à un bout; elle fond facilement au chalu-

meau sur le charbon, colore la flamme en vert émeraude

(réaction de cuivre), fait effervescence avec les acides

(réaction de l'acide carbonique).


1° Calcaire — Albâtre oriental ou
Onyx. égyptien ;
alabastrite.

2° Marbres tendres ou marbres proprement dits.


3° Lumachelles.
PIERRES D'ORNEMENTATION. 327

Toutes ces matières sont du carbonate de chaux, soluble

avec effervescence dans les acides, facile à rayer avec la

pointe d'un burin.


— Toutes à
Composition chimique. appartiennent

l'espèce minérale appelée calcaire. Le calcaire est du car-

bonate de chaux, contenant 56 de chaux et 44 d'acide car-

bonique. Il est représenté par le symbole CaOCO 2.

Il se présente souvent en cristaux, ou en veines, en

amas cristallins ; souvent aussi en masses terreuses.

Formes cristallines. — Les formes cristallines sont

en nombre infini; au premier coup d'oeil, elles diffèrent

énormément les unes des autres. Mais toutes, si compli-

paraissent, si difficiles qu'elles soient à dé-


quées qu'elles

brouiller, se divisent quand on les casse en solides à six

faces faisant entre elles deux à deux un angle de 105° 5',

ou de 74° 55', supplémentaire du premier. En un


l'angle

mot, la forme de clivage est un rhomboèdre de 105° 5'

(fig. 217).
Nous avons vu dans la première partie (Cristallogra-

hie, 51 et que d'un rhomboèdre on peut dériver


pages 47)
des hexagonaux, (fig. 218), des scalénoèdres, ou
prismes
solides à douze faces triangulaires, décomposables en
328 PIERRES DEMI-PRÉCIEUSES.

deux à six faces, qui se coupent suivant une


pyramides

ligne en zigzag (fig. 219).


la ligne d'intersection devient plane et
Quelquefois
l'intersection des deux pyramides est un hexagone régu-
lier (isocéloèdre, fig. 84, p. 47).

Enfin, les sommets des rhomboèdres, des prismes, des

scalénoèdres, peuvent être tronqués par des plans paral-


lèles et perpendiculaires à la hauteur de ces prismes ou

de ces pyramides ; ces plans s'appellent les bases des cris-

taux. La cristallographie enseigne qu'une même substance

peut offrir des formes de même genre ayant des angles


très différents, des rhomboèdres ou des scalénoèdres très

aigus ou très surbaissés ; mais que tous les scalénoèdres

ou tous les rhomboèdres sont reliés entre eux par des rap-

ports très simples entre les distances auxquelles leurs

faces vont rencontrer les axes. Nous ne pourrions entrer

dans le développement de cette belle théorie; nous nous

contenterons de dire qu'aucune substance n'était plus

propre par ses formes innombrables à vérifier ce qu'on

appelle les lois de dérivation, et que ces lois y ont été vé-

rifiées en effet dans toute leur rigueur. Au ptoint de vue

pratique, on peut toujours orienter ces formes de manière à y

retrouver trois plans qui les divisent chacun de leur côté en

deux moitiés parfaitement symétriques, et qui sont à 60° l'un

de l'autre.

Caractères — Densité dans les cris-


physiques. 2,72

taux; un peu plus faible dans les variétés terreuses. Du-

reté 3.

Le calcaire se raie facilement avec la pointe d'un burin.

Caractères — Au le calcaire
chimiques. chalumeau,
se transforme en chaux caustique, et la flamme acquiert
un vif éclat. Il fait effervescence avec les acides, et la so-
PIERRES D'ORNEMENTATION. 329

lution précipite par l'oxalate et colore la


d'ammoniaque
flamme de Tesprit-de-vin en rouge plus ou moins jaunâ-
tre ; cette coloration devient d'un verdâtre
gris lorsqu'on
la regarde au travers d'un verre coloré en bleu du co-
par
balt. Lorsqu'on traite le calcaire un on voit
par acide,
d'ordinaire en suspension dans la liqueur un résidu de
sable ou d'argile.
Variétés. — Les variétés sont : calcaires
importantes
lamellaires, à grains assez larges pour que la cassure y
produise des facettes de clivage très distinctes (marbre des

Pyrénées, de Paros). Ils forment des amas subordonnés


aux micachistes.

Calcaires saccharoïdes, à grains plus petits, semblables à


des morceaux de sucre (marbres statuaires) ; ex. : ceux du

Pentélique, à zones verdâtres, opalines, dont les Grecs ont

construit le Parthénon; les marbres translucides des co-

lonnes et des autels de Venise ; les marbres de Luni d'un

blanc éclatant; ceux de Carrare, marbre blanc, bleu anti-

que, bleu lurquin, d'un gris bleuâtre, avec zones blan-

châtres.

Souvent du mica aux couleurs vives, du talc à reflets

gras, se mêlent au calcaire et en font la roche appelée ci-

polin, qui est fort recherchée (marbres de Serravezza, Tos-

cane, où la matière talqueuse forme des dessins capri-

cieux; cipolins d'Italie où le mica miroite agréable-

ment).
La serpentine, silicate hydraté de magnésie, de couleur

verdâtre, se marie quelquefois aussi au calcaire, et ses

nuances, ses dispositons variées, donnent du charme à la

roche appelée vert antique, vert de Florence.

D'autres matières, des grains cristallisés de grenat,

d'idocrase, de saphir, de spinelle, de pyrite, peuvent aussi


330 PIERRES DEMI-PRÉCIEUSES.

varier le ton uniforme du calcaire, et lui prêter un as-

pect porphyroïde, quelquefois assez plaisant.


Les masses de calcaires sont souvent composées de très

cristaux alignés en files très fines disposées sur des


petits

plans parallèles; ce sont les variétés fibreuses. La structure

fibreuse se montre habituellement dans les stalactites ou

les stalagmites calcaires des grottes, et dans toutes ces

variétés concrétionnées, connues sous les noms d'albâtre

oriental ou égyptien, lorsqu'elles sont bien translucides et

incolores.

C'est à cet albâtre que le nom d'onyx fut donné primiti-


vement. Pline nous apprend que ce nom a passé ensuite à

la pierre plus dure, qui fait partie des agates; on donnait

déjà de son temps le nom d''alabastrite à des matières qu'on


taillait en vases pour les parfums, et dont les variétés

les plus estimées étaient opaques. Du mot alabastrite,


nous avons fait albâtre. Dans l'albâtre, les fibres droites

ou sinueuses diffèrent ordinairement les unes des autres

par la nuance; la teinte, ou le degré de translucidité. Au-

jourd'hui, l'on exploite du trè.s bel albâtre à zones d'un

blanc pur entremêlé de veines jaunâtres dans les carrières

d'Oran. Depuis quelques années on a vu apparaître dans

le commerce de splendides variétés d'un vert poireau à

éclat vif, provenant des carrières du Mexique (Tecali, etc.).


Certaines variétés fibreuses ont un éclat soyeux des

plus vifs ; on les taillerait avantageusement en forme de

perles pour colliers.

Les calcaires cristallins colorés le sont tantôt en rouge


par le peroxyde de fer, tantôt en brun, en des
jaune, par
carbonates de fer et de manganèse altérés de
par l'hy-
droxyde de fer, en vert par de la malachite, en noir in-
tense par des matières charbonneuses.
PIERRES D'ORNEMENTATION. 331

Calcaire — Les cristaux deviennent si ténus


compacte.

qu'on ne les discerne qu'à l'aide de très forts grossisse-


ments. Pur, ce calcaire aune cassure assez plate et terne,

quelquefois un peu poreux. Sans autre mélange que de

très petites quantités de matières colorantes, il comprend

les marbres simples ou unis, le jaune antique on jaune de

Sienne, coloré par un peu d'hydrate de fer, les marbres

noirs, colorés par des matières anthraciteuses, et ceux à

plusieurs couleurs.

Le marbre Sainte-Anney d'un gris bleu, coloré par l'an-

thracite, avec veines blanches, disséminées dans tous les

sens ; le petit antique, à taches noires et blanches ; le grand

antique, à fragments angulaires, noirs, réunis par des vei-

nes blanches, des bords du Lez, près Saint-Girons, et de

Saint-Lizier, l'ancienne Austria ; le petit granité, ou granité


des Ecaussines, d'un noir assez pur, coloré par du bitume,
où brillent des débris plus clairs d'encrine à cassure spa-

thique, et qu'on extrait du calcaire carbonifère de Belgi-

que, comme le Sainte-Anne ; le portor, à fond d'un beau

noir, rehaussé de veines d'un jaune doré; le marbre du

Languedoc, d'un rouge de feu mêlé de taches grisâtres

produites par des polypiers.

Beaucoup de marbres sont formés de calcaires mêlés à

de l'argile ou à des roches à texture feuilletée qu'on ap-

pelle ardoises ou phyllades (1) comme on peut le voir dans

les ouvrages qui décrivent la composition des roches. On

peut rapporter à ce groupe le marbre griotte des carrières

de Cannes, près Carcassonne, à fond d'un rouge brun,

parsemé de taches d'un rouge de sang, où l'on reconnaît

des coquilles fossiles appelées Clymenia; les marbres cam-

(1) JANNETTAZ, les Roches, déjà cité.


332 PIERRES DEMI-PRÉCIEUSES.

à texture schistoïde, composés de phyllade vert ou


pans,
brun, enveloppant des veines ou des bandes irrégulière-

ment épaisses et ondulées de calcaire blanc ou rosé, qui


de la vallée de Campan, Hautes-Pyrénées, ou
proviennent
de carrières de la Haute-Garonne. Parmi les
plusieurs

brèches, on peut citer la magnifique brèche de la Haute-

Garonne, etc., le marbre de Numidie, d'un rouge de feu.

Il faudrait presque un volume spécial pour décrire tous

ces marbres, dont on a vu de si beaux spécimens à l'Ex-

position universelle de 1878, et, de plus, leur description


n'entrerait pas dans le plan de notre ouvrage, car ces ma-

tières, si belles qu'elles soient, ne servent que dans l'or-

nementation en grand. Leurs qualités ne se montrent dans

tout leur éclat que sur des morceaux d'un certain volume.

Lumachelle d'Astrakan; lumachelle opaline. Nous ne pou-


vons quitter la description des jolies variétés du calcaire

sans signalerles lumachelles, ces roches pétries de coquilles,


dont les coquilles et le cimentqui les réunit ont souvent des

nuances ou des teintes différentes. Ex. : la lumachelle d'As-

trakan, formée de calcaire ferrifère, à fond brun, sur lequel


ressortent agréablement des coquilles ou des fragments
de coquilles d'un jaune vif. Dans certaines lumachelles,
de Bleiberg, en Carinthie, les coquilles offrent des irisa-

tions d'un éclat remarquable.


PIERRES D ORNEMENTATION. 333

CHAPITRE III

SULFATES

Gypse. —Sulfate de chaux hydraté, composé de 1

équivalent de chaux, 1 d'acide sulfurique, et 2 équivalents

d'eau, donnant à l'analyse chaux 32,6; acide sulfu-

rique 46, ; 5 eau 20,9. Le gypse cristallise en prismes

obliques à base rhombe, modifiés sur leurs arêtes latéra-

les par des plans parallèles aux arêtes du prisme en même

temps qu'aux petites diagonales des bases, parallèles pour


mieux dire au plan de symétrie, de façon à produire un

prisme à six faces. Les bases portent elles-mêmes des bi-

seaux qui se coupent suivant leurs petites diagonales

(fig. 220).
Souvent on observe un assez grand nombre de facettes

verticales (fig. 221).


334 PIERRES DEMI-PRÉCIEUSES.

Quelquefois deux cristaux se placent l'un en face de l'au-

tre, mais en ayant leurs bases en sens contraire; et les bi-

seaux enveloppent ces bases forment entre eux un an-


qui
rentrant (fig. 222). Dans certains cas le groupement
gle
des deux cristaux a lieu parallèlement aux arêtes de ces

biseaux et l'on a encore un angle rentrant (fig. 223). Un

clivage très facile a lieu parallèlement aux plans latéraux

du prisme, ou au plan de symétrie; il est si facile qu'on

peut, dirigeant une lame de fer suivant ce plan, faire sau-

ter des lames très larges et très minces. Il y a deux autres

clivages perpendiculaires à ce plan, l'un à cassure fibreuse,


l'autre à cassure vitreuse. Ces deux clivages font entre
eux un angle de 114°9'. Ordinairement, les cristaux arron-
dis par déformations, et groupés deux à deux, sont aplatis
dans la partie suivant laquelle ils s'accolent ; le plan du

clivage le plus facile étant parallèle aux deux arêtes dor-


sales des surfaces convexes et extérieures du groupe, on

peut avec un couteau diviser les lentilles en plaques dont


la forme ressemble à celle d'un fer de lance.

Caractères — Le chauffé dans


chimiques. gypse un
tube fermé perd de l'eau; il devient et friable.
opaque
Pulvérisé avec du charbon ou du carbonate de sonde, puis
chauffé énergiquement au chalumeau, il se transforme en
PIERRES D'ORNEMENTATION. 335

sulfure de calcium, lequel, humecté d'eau acidulée, noir-

cit une lame d'argent ou le papier d'acétate de plomb, et,


traité par l'ammoniaque et l'oxalate d'ammoniaque, donne

un précipité blanc d'oxalate de chaux.


— Densité Dureté à 2
Propriétés physiques. 2,32. 1,5
suivant la direction. Elle est tellement faible, que le gypse se

j'aie avec l'ongle.

Usages. —Le gypse se taille quelquefois en perles qu'on

perce et dont on fait des colliers. Ses variétés soyeuses


ont un éclat nacré des plus vifs ; le peu de dureté de la ma-

tière empêche seul qu'on l'emploie. Des variétés compac-

tes, d'un blanc pur, à translucidité douce, on fait souvent

des socles de pendule et divers objets d'ornement qu'il


faut mettre sous verre, afin de les soustraire aux frotte-

ments journaliers qui en terniraient promptement le poli.


336 PIERRES DEMI-PRECIEUSES.

CHAPITRE IV

FLUORURES

Chauffés dans un tube fermé avec de l'acide sulfurique,


ils dégagent de l'acide fluorhydrique, qui dépolit le verre

même lorsqu'ils sont essayés en petites quantités.


Fluorine. — Fluorure de de
calcium, composé
fluor 48,7 ; calcium 31,3. Il cristallise dans le système cu-

bique. La densité est en moyenne 3,18. La dureté 4 indi-

que que cette matière est facilement rayée par la pointe


d'un burin.

Formes. Les formes dominantes sont le cube simple, et


des cubes pyramides, ou cubes dont les faces sont cou-

vertes de pyramides à quatre faces. On

y observe aussi le cubo-octaèdre, l'oc-


taèdre régulier, des cubes dont les an-

gles sont remplacés par des sommets


de pyramides à trois ou à six faces

(fig. 224), plus rarement le dodécaèdre


rhomboïdal. La fluorine est caracté-
risée par ses quatre directions planes
de clivage parallèles aux faces de l'octaèdre régulier. La
fluorine est ordinairement cristallisée; mais les cristaux y
sont quelquefois disposés suivant des files parallèles entre
PIERRES D'ORNEMENTATION. 337

elles, constituant les variétés fibreuses ou bacillaires.


Couleurs. — Certaines variétés sont incolores ; d'autres

présentent les colorations les plus diverses, le vert, le

jaune, le rouge rosé ou lie de vin, le violet. Quelques cris-


taux sont d'une certaine couleur, verte ou à peine jaunâtre
par transparence, et bleue ou d'un brun rougeâtre par
réflexion. Ces couleurs, dues en apparence à la réflexion,

proviennent de la phosphorescence delà matière. On les a

nommées épipoliques. Les variétés les plus recherchées

sont celles qui présentent du pourpre mêlé à d'autres

nuances ; particulièrement celles qui ont une texture

fibreuse ou bacillaire et qui offrent des teintes pourpres


entremêlées avec des parties incolores. On les travaille

dans le Derbyshire en Angleterre ; on en fait surtout des

coupes d'un joli effet et d'un prix assez modéré.

Les clivages, le peu de dureté, la densité de cette ma-

tière sont des caractères distinctifs suffisants. Cependant,


si on a besoin d'en constater la composition chimique, on

peut faire les essais suivants : En la fondant dans un tube

fermé à un bout, après y avoir ajouté de l'acide sulfuri-

que, on voit le tube dépoli par l'acide fluorhydrique qui se

.dégage sous forme de fumée. Au chalumeau, elle colore la

flamme en rouge, souvent elle est phosphorescente, et,

quand on la chauffe seule dans un tube, on la voit s'illu-

miner d'une lueur verdâtre ou violacée, en même temps

décrépite et se divise en fragments octaédriques.


qu'elle
On pense que les variétés pourpres et fibreuses concré-

tionnées formaient la matière de ces fameux vases mur-

rhins, auxquels les anciens ajoutaient tant de prix. En li-

sant de près la description que Pline a donnée de ces vases

merveilleux, on y retrouve beaucoup de faits en faveur de

cette assimilation. Mais certaines variétés d'améthyste s'y


22
338 PIERRES DEMI-PRÉCIEUSES.

prêtent également. Elles ne diffèrent, il est vrai, de la fluo-

rine que par leur dureté plus grande, puisqu'elles sont

formées de cristal de roche, dont la dureté est 7. Les

couleurs et leurs dispositions clans les deux sortes de ma-

tières ont une telle analogie, que l'essai de la dureté de-

vient nécessaire.

Les améthystes sont bien plus rares, bien plus coûteuses,


et d'un travail plus difficile que la fluorine.

Cardan a voulu voir dans les vases murrhins une sorte

de porcelaine. Mais les caractères des porcelaines ne con-

viennent pas à ce qu'on sait des vases murrhins, et les

anciens, qui connaissaient bien les pierres factices, ne s'y


seraient probablement pas trompés.
PIERRES D'ORNEMENTATION. 339

CHAPITRE Y

SULFURE

Pyrites, Spinos de Théophraste, Purîtès de Diosco-

ride, marcassite des minéralogistes du moyen âge et des


— La est un bisulfure de fer contenant
lapidaires. pyrite

46,7 de fer et 53,3 de soufre, d'un jaune d'or ou de

laiton, à éclat métallique, ordinairement vif. Elle offre le

plus souvent des formes hémiédriques du système cubi-

que (fig. 225), dodécaèdre pentagonal (fig. 226), dodéca-

dièdre ou hémihexoctaèdre, souvent des cubes dont les

stries ne sont parallèles qu'à une seule direction d'arêtes

sur la même face et perpendiculaires entre elles sur deux

faces adjacentes. La poussière en est d'un noir brunâtre;


la densité 5, la dureté 6 à 6,5. Elle fait feu au briquet.
340 PIERRES DEMI-PRÉCIEUSES.

Dans un tube fermé elle donne du soufre. Sur le charbon

au feu oxydant, elle forme de l'acide sulfureux et laisse

pour résidu un globule d'un sulfure moins riche en sou-

fre, et attirable au barreau aimanté. Elle est décomposée

par l'acide nitrique. Elle est assez fréquemment dissémi-

née dans les roches schisteuses, surtout dans les ardoises.

On la taille quelquefois en boutons.


PIERRES D'ORNEMENTATION. 341

CHAPITRE VI

MATIÈRES ORGANIQUES

Ces matières brûlent en donnant de l'acide carbonique


et plus ou moins d'eau.

Ambre. — : Electron des Succinum de


Syn. Grecs,

Pline, Karabé des mahométans, Bernstein des Allemands.


Le mot Electron désignait à la fois, chez les Grecs, un

alliage d'or et d'argent, et la matière que nous appelons


ambre ou succin.

Une fiction ancienne avaitraconté que les soeurs de Phaé-

ton, transformées en peupliers pour avoir trop pleuré leur


frère frappé de la foudre, versaient dans l'Eridan des lar-
mes qui devenaient de l'ambre. A cette époque, les Grecs

ignoraient la position de l'Eridan, qui est le Padus des

Romains, le Pô des modernes. Hésiode le regarde comme

un fleuve qui entre dans la mer tournée au nord, et d'où

vient l'ambre.

Pline dit : Il est certain que l'ambre naît dans des îles

de l'océan Septentrional, et que les Germains l'appellent

Glesse; une de ces îles est nommée par eux Austrasie.

Mithridate appelait Osericta cette île des côtes de la Ger-

manie. Pline ajoute que l'ambre naît de la moelle qui dé-

coule d'arbres du genre des pins, comme la gomme sur


342 PIERRES DEMI-PRÉCIEUSES.

les cerisiers, comme la résine sur les pins ordi-

naires.

Le grand naturaliste latin connaissait donc très nette-

ment l'origine du succin, dont le nom vient de Succus. Ce

qu'il ne pouvait pas savoir, c'est que ces pins sont d'une

époque déjà ancienne dans l'histoire de l'évolution du

globe terrestre ; ils ont vécu au moment où se formaient

les dépôts du terrain tertiaire inférieur. On trouve empâ-


tés dans l'ambre assez souvent des insectes, et quelquefois
des cônes du pin qui lui a donné naissance.

Pline distinguait plusieurs sortes d'ambre; le blanc, le

plus parfumé, mais sans valeur, comme celui qui ressem-


ble à de la cire; le roux, plus estimé; ceux qui ont la
couleur du vin de Palerme, dont la transparence laisse
voir un tendre éclat, et qui sont les plus recherchés...
Pour les modernes, le succin est une matière dont la
couleur varie du jaune au rougeâtre, au brun, ou au con-

traire, quelquefois au blanc; la poussière en est blanche,


l'éclat résineux; la translucidité va quelquefois la
jusqu'à
transparence; d'autres fois, elle est à peu près nulle; la
dureté n'est que de 2 à 2,5 ; la densité varie de 1,06 à 1,08.
Frotté contre de la laine ou du drap, l'ambre acquiert la

propriété d'attirer les corps légers ; il s'électrise négative-


ment. Il fond à 287°.

La composition chimique est : charbon, 78,824; hydro-


gène, 10,228; oxygène, 10,9.
L'ambre renferme ordinairement de l'acide succinique.
Pour le constater, il suffit d'en chauffer un fragment dans
un tube fermé; le fragment fond peu à peu; si le tube est
un peu long, et qu'on l'incline pour que les matières vola-
tiles ne s'échappent pas trop facilement, on voit après
refroidissement de petites aiguilles cristallines blanches
PIERRES D'ORNEMENTATION. 343

et un peu soyeuses condensées sur les du tube


parois ;
c'est de Y acide succinique.
Mais l'ambre ne contient pas toujours, à ce qu'il paraît,
de l'acide succinique. Des récentes de Otto
analyses
Helm constatent que, sur un même morceau cer-
d'ambre,
taines parties en sont assez riches, et que d'autres en sont

complètement dépourvues. Cette variété, qui ne contient

pas d'acide succinique, peut renfermer des insectes comme

l'autre; elle est plus fusible, plus soluble dans l'éther et


les autres dissolvants, moins les résines
cependant que
actuelles ou le copal fossile. Elle a une très faible dureté,
de 1,5 à 2. La couleur en est aussi d'un jaune de vin, plus
ou moins clair. Elle fond en liquide transparent, sans

odeur piquante, entre 180 et 140°. Otto Helm y a trouvé

81,01 de carbone; 11,41 d'hydrogène; 7,33 d'oxygène;


0,25 de soufre. Il l'a nommée Gédanite, du mot Gedanum,
vieux nom latin de Dantzig.
Il devient donc assez difficile de distinguer l'ambre fac-

tice de l'ambre naturelj puisque ce caractère de l'acide

succinique échappe. On ne peut plus dire d'un échantillon

qu'il n'est pas de l'ambre, parce qu'il ne contient pas


d'acide succinique; on peut toujours assurer que c'est de

l'ambre, quand il renferme cet acide. Un des caractères

les plus usités consiste maintenant à le frotter entre les

mains, à respirer l'odeur qu'il exhale pendant cette opé-


ration ; mais il est urgent de chercher dans les dissolvants

des caractères qui ne sont pas encore connus avec pré-


cision.

Gisements. — C'est une résine découlée d'un arbre, le

fait est certain. L'arbre a été appelé Pinites succinifer.

Aujourd'hui, cette résine se présente en morceaux de

forme irrégulièrement arrondie, renfermant souvent de


344 PIERRES DEMI-PRÉCIEUSES.

très cavités où Brewster a constaté l'existence d'un


petites
se dessèche à l'air. On le trouve au mi-
liquide jaune, qui
lieu de de bois bitumineux disséminés eux-mê-
lignites,
mes dans les et les sables du terrain tertiaire infé-
argiles

rieur, de à Memel, sur la côte méridionale de la


Dantzig
Il y en a en Chine, en Birmanie, en Gallicie, en
Baltique.

Autriche, en Tyrol; en France, clans les lignites de Lob-

sann dans les fausses glaises d'Auteuil, à Pa-


(Bas-Rhin);
ris; aux environs de Londres; en Sicile, aux environs de

Catane, etc. C'est donc une matière très répandue, mais

la plupart des variétés qui ne viennent pas de la Baltique


ne contiennent pas d'acide succinique.
— Il ne à cette matière de la
Usages. manque que
dureté pour être une pierre du genre des opales de feu:

les peuples de l'antiquité, les Égyptiens, les Assyriens,


ont beaucoup travaillé l'ambre. Les Chinois en ont fabri-

qué de fort jolis coffrets. Le moyen âge et la renaissance

en ont fait des reliquaires, des statuettes d'un travail

achevé. Cet usage se continue de nos jours; mais il sert

surtout aujourd'hui à fabriquer des porte-cigares.

D'après une note insérée par M. Reboux dans les An-


nales de chimie et de physique, et dans laquelle l'auteur a
cherché des caractères distinctifs de l'ambre factice et du

naturel, la production de l'ambre de la Baltique a été en


1874 de 1,750,000 kilogrammes.
Jais ou — de Dioscoride et de
Jayet. Gagates Pline ;
variété de Lignite, du Brown Coal des Anglais, du Braun-
kohle des Allemands. C'est un charbon fossile de couleur

superficiellement noire, capable de recevoir un beau poli;


la poussière en est d'un brun plus ou moins noirâtre. La
densité n'est que de 1 , 1 à 1, 3. La dureté faible. Au cha-

lumeau, le jais brûle en dégageant une odeur forte, pi-


PIERRES D'ORNEMENTATION. 345

quante; sorti de la flamme, il continue à brûler quelque


temps. Chauffé dans un tube bouché, il peut perdre
30 pour 100 de son poids et dégage des vapeurs un peu
acides. Celui de Dax contient 70,49 charbon; 5,59 hydro-

gène; 18,93 oxygène; 4,99 cendres. Les gisements en sont

très nombreux dans les terrains tertiaires et même secon-


daires. Il est employé dans les parures de deuil, à cause
de sa grande légèreté.
Anthracite. — Autre charbon forme des
fossile, qui
bancs fort épais d'une étendue immense en Pennsylvanie,
et dans d'autres contrées. Il renferme en Pennsylvanie de

85 à 95 pour 100 de charbon; le reste consiste en cendres

et en éléments gazeux hydrogène, oxygène, azote. Il a une

densité de 1,32 à 1,7,, La dureté en est faible : 2 à 2,5. Au

chalumeau, il brûle, quoique assez lentement; il s'éteint

aussitôt qu'on le retire du feu ; il dégage très peu de ma-

tières volatiles, et partant il a peu d'odeur en brûlant. Il

est d'un noir de fer un peu jaunâtre; l'éclat en est vif,

submétallique. Souvent il est irisé. On en fait en Améri-

que des vases, des coupes. C'est une matière des plus
utiles comme combustible, mais sans valeur comme objet
d'ornementation.
TABLEAUX

POUR LA DÉTERMINATION PRATIQUE

DES PIERRES TAILLÉES

Voir à la première 'partie la manière d'observer la dureté, la

densité, et les quelques caractères employés dans ce genre


de recherches.

PIERRES VIOLETTES

i —
-a -g
g ~ NOMS ESPÈCES
« Y, ÉCLAT, COULEURS, ETC.
Q a DESLAPIDAIRES. MINÉRALOGIQUES.

I 9 4 Éclat vif, adamantin,\


plutôt rouge que vio-/ f . ,
.* . .
\let„
par réflexion, sur-> Améthyste
. . /'.
Corindon.
. : r ,, 1 orientale, i'
^ tout en face d unek
-2 lumière vive. J
S^
I id. id. Mêmes caractères d'é-
c{ j
.£ \ clat. Pierre plutôt!
bleue le jour; vio-l Saphir amé-} Corindon_
|
'^1 lacée le soir; moins, thystin. \
^ I estimée que la pré-i
1 cédente. ]
7 2,6o Violet mêlé souvent/ . .,,
' Améthyste. . ~ .
\' Quartz.
d'un peu de bleu, i
'
J
_ï[ 3.6 8 Violet tirant sur le/ Almandine )
g Spinelle.
rouge. ( spinelle. \
ri/ 7,5 4 à 4,3 Rouge violacé, tourne] J
~ 1 au rouée° le soir,[ Grenat sv- ) „
^ I y Grenat.
^ l surtout par transpa- rian. (
p^ 1 rence ,
|

(Voyez Pierres ilun rouge violacé.)


DETERMINATION PRATIQUE. 347

PIERRES BLEUES

a. — TRANSPARENTES, à moins de défauts.

1° D'un bleu franc, parfois légèrement violacé.

% E NOMS ESPECES
ai Y. ÉCLAT, COULEURS, ETC.
5 S DKS LAPIDAIRES. MINÉRALES.

9 4 Eclat vif, souvent ve-


louté ; beaucoup de
feu le soir. Couleur :j
bleu de ciel foncé,!
indigo. A la
loupe|Saphirindig0
dichroscopiquedeuxl et saphir de Corindon>
images quelquefois/ Birmanie. J
peu distinctes (dans
les plus belles va-
riétés) ; quelquefois
très différentes, l'une
bleue, l'autre verte, j

5à7 3,66 Dureté variable avecj


la direction, toujours]
inférieure à celle duf _
. , , .. ( Sappare ,
quartz. A la loupe di-\
\ - J ' ou / ^^"«"e-
Disthène
chroscopique, deux, ., {
i , l cyanite. '
images, une bleue,1
une à peu près blan-j
che.

7, o 3.1 A la loupe dichrosco-\


pique, deux imagesJIndicolithe >
une bleue, Tourmaline.
l'autre^ hir du
mal nette peut s'éva- •
1 i Brésil. -i
-r. I
J
nouir complètement^
(peu éclatante).

7,5 2,66 Souvent un peu


vio-j
lacée; à la loupe di-j
chroscopique, deux!
images, une bleue,\Saphir d'eau. Cordiérite.
l'autre grisâtre oui
jaunâtre, très diffé-1
rente. I
348 PIERRES TAILLEES.

2° D'un bleu clair, souvent à peine teinté, inclinant quelquefois


vers le violet, quelquefois vers le verdâtre.

H ?
H p NOMS ESPECES
à £ ÉCLAT, COULEURS, ETC.
P g |)KS LAPIDAIRES. MINÉRALES.

10 3,52 Éclat très vif. Pierre


|( Diamant j
- / rare, man
ordinairement^ bleuté (
^ / de Rio. \ )
OH\ , ( Saphir de J . . .
9 4 Eclat vif. Corindon.
j Ceylan> j
id. id. Éclat vif, tournant]
Saphir I
quelquefois au violet > Corindon,
améthytin.
le soir. \ )
id. id. Éclat, vif; bleu clair)Aigue-marinej Corindon,
passant au verdâtre.( orientale,
j
8 3,54 Éclat vif. Topaze I
Limpidité)
parfaite. Bleu ordi-f de Sibérie f
Topaze#
ù nairement un peu( ou i
2 verdâtre. \aigue-marine. ]
J 7,5 3,1 La pierre lrottée oui
o| mieux chauffée s'é-', Tourmaline. Tourmaline.
o J lectrise. i
ê i
7,5 3,1 Très rare et très ra-|
g Euclase. Euclase.
rement employée, i

7,5 2,66 Éclat vif après la)


taille.Limpidité par-'Béryl bleu. Béryl.
faite. [

Mêmes caractères.),. . T,
_,, ,A (Aigue-marme Idem.
Bleu verdâtre. .

7 2,66 Éclat vitreux. Trèsi


\ 'Quartz bleu. Quartz.
, rore. ;

b. — TRANSLUCIDES.
7 2,65 Peut recevoir un beau
poli. Action faible! . .
il-.
sur la lumière i 'Saphirine.
' Quartz,
vuani.
pola-'
risée. j
DÉTERMINATION PRATIQUE. 349

c- — OPAQUES ou à peine translucides lorsqu'on les regarde à l'aide


de lames minces.

! ' 'W -H
55 U NOMS ESPÈCES
•5 tf ECLAT, COULEURS, ETC.
p p DES LAPIDAIRES. MINERALES.

3,1 5,5 A fond d'un bleu de\


Prusse ou d'azur,]
plus ou moins foncé,!
tirant parfois sur le) Lapis-lazuli. Lapis-lazuli.
pourpre, etsemé sou-i
vent de pyrite d'un\
jaune d'or.
/
3,1 5à6 Bleu d'azur, ordinai-1
rement un peu clair ; I
couleur peu homo-|
gène, souvent Lazulite. Klaprothine.
mê-|
lée de blanc ; plus!
de translucidité quel
dans le lapis.

2,7 6 Bleu céleste, clair,\ Turquoise i


tirant sur le ver-( orientale; ( Tux*quoise de
dâtre; gardant sa/ turquoise / vieille roche,
teinte aux bougies, j noble. ]
Mêmes caractères. La \
couleur bleue devient I
d'un vert pâle le soir. I
dans l'acide' os-
Soluble Turquoise f Turquoise
' osseuse. ( seuse.
chlorhydrique ; la li-
queur précipite enl
jaune par l'ammo-1
niaque.

2,59 6 Bleu clair un peu) mi-


verdâtre (peu em- Amazonite. ( Feldspath
, . \ !I \ crocline.
ployee).

2,65 7 Se polit bien; rare-)


Jaspe_ Quartz>
ment d'un beau bleu,
j
7 Agates colorées en
2,65 j
bleu par du bleu de/
Prusse. Au chalu-l Faux lapis. Quartz,
meau, elles se déco-(
lorent. \
w
VERTES
PIERRES Oc
O

NOMS ESPÈCES
DENSITÉ
DURETÉ ETC.
COULEURS,
ÉCLAT,
DESLAPIDAIRES
MINÉRALES.

4 9 Vert
tendant
aujaune.
j Émeraude
/
i . -p
ùEclat ( , , i Corindon.
j vit. \ orientale.
\

3,64 8,5 Alaloupe dichrosco-j


| pique, deux images[
B , . !•«•i > Alexandrite.
Cymophane.
- 1
S trèsdifférentes. i Kl
j Rouge lesoir. |
Vert
pré;vertémeraude.
Lespierres
sont
trans- „ „ i c»
3,3 5 Vertdegris;pous-J
àmoins
parentes dedéfauts \ sière verte.
Amoitié \ Dioptase.Dioptase. >
transparente.] f

Ala dichrosco- 1 &


| 2,7 7,5 loupe H
J picine, unedesdeux I
l • • Emeraude
du r\,,„„„
j
images unpeu jaune.} } Jimeraude.
oSouv^.i J.est
1levert *m'i-l Pérou.'
êle
l
I d'un noirvelouté. ]

' 6,5à 7 Quelquefois


/ 3.34 parties/
>T., ., T,..
. 1,,. , .„ L \ Néphrite.
Jadéite.
cristallines
brillantes.

65 7
2, Vertavec de)
pointe
,r , , , ,-,- • , , • ',Chrysoprase.
Agate.
Vert vertpomme.
émeraude, Pierres
simplement jaune. (
brillantes
Particules i
Aventurine
translucides. \ 2,65 7
1 dansdu> des }Quartz.
incluses
quartz. i Indes.]
|
1 2,59 6 Souvent
aventurine. Microcline.
Amazonite.

/' 3,52 10 Éclat


vif,aumicro-
' T. T,.
Diamant.
\S * i .. Diamant.
taches
scope vertes.
J i' ^,.. , 1 es
i Réfraction transparentes.
simple; Olivinede \
I1 . ,. \
1 0.,. .
i 9 7,5
' inclinant
Vert au< Sibérie n_.
Grenat.
/ ou }
l f jaune. J , ...
^Demantoide.
I \ . [ / h-1

Éclat
vitreux. Vésuviane.Idocrase.
/' Ala dichro-
loupe [ 3,4 6,5
1 hH
uneimage
I scopique, 65 Éclat Épidote. É pidote. o
j 3j4 gras. S!
j rautre
Vertolive onl verte' JauDe
; Réfract )
, ,
du
Emeraude HH
vertbon-double;oubrune. vitreux.
Éclat
Brésil,'
TourmaJine_
+„-n +\ x / ' >
; vert\transpa-
teille \
pistache.rentes. A]a dichrQ. / 3,3 5à 6 Éclatunpeugras, Chrysolithe O
loupe j ^.^
j viL ouolmne. cl
deux
images i j K
scopique,
différentes.i 33 3a6 Éclat
! peu vitreux. Diopside. Pyroxène.

/ 2,65 7 Vert
poireau. Prase. Quartz.

) 2,65 7 Vert foncé. Plasma.Quartz.


pistache
.
Translucides .
variables.Serpentine.
I 2,6 2,5à4 Nuances Serpentine.Co
Oc
VERTES
PIERRES (suite) Oc
10

NOMSESPÈCES
DENSITE
DURETE ETC.
COULEURS,
ECLAT,
LAPIDAIRES.
DES MINÉRALES.
~~—~~—~
—~—^——
d'unvert]
Transparentes .
trèsclair,
devenant ç,- ,
quel-( vif.
3,52 10 Éclat ver-)
Couleur
P Diamant.
Diamant.
unpeujaune;
quefois dâtre. i
^ \
réfraction ]
/ 4 9 Eclat un
vif,souvent .
Aigue-marine|
Cornulon-
peubleuâtre. orientale, *d
i—»
j
B
vif.
3'54 8 Éclat Topaze.
Aigue-marine »
couleur
Double; vert
d'eau
vil. M
i 2,7 7,5 Éclat
assez Émeraude.
Aigue-marine

2,65 7 vitreux.
Éclat Quartz.Quartz. H
I | >
h*
I 4,6 7,5 Éclat
gras,adaman- f
I i Jargon.Zircon.
t-n K-
a
in
4 trèsvif.
Éclat Chr?solithe
, Corindon.
9 (
I orientale.
\
I 3,7 S,5 Éclat un\
vif,souvent
Réfraction .
bleuâtre
reflet cha-
'Chrysobéryl.
Cymophane.
Double
couleur
verte
un toyant.
oujaune
peujaunâtre, (
unpeuverdâtre \ ^,o ^ vif,adamantin.
Eclat Sphène.S])hène.

8 Éclat
vifetvitreux. Topaze.Topaze.

unpeugras. Chrysolithe.
3,3 5à6 Eclat Péridot.
13,54
2,7 vifetvitreux. Béryl. Émeraude.
7,5 Éclat

2,7 7 Éclat
vitreux. Quartz.Quartz.

/ 3,346,5à7 Fond aucha-„ . T,..,


aisément
,lumeau. y Jadéite.
}I Néphrite.
\
'
vert
mêlé
de de ou
blanc 1 ,„ , . , . „ „ , . . ., )
Translucides, beaucoup
* a3,16a 6,5 Fondmoins facile- t-l
. 12,9 Jade"
deJaune mentauchalumeau. Jade-
a

1 2,6 2,5à4 Éclat


médiocre. Serpentine.
Serpentine.a

3,5à4 3,5à 4 Vertdediversesnuan- Malachite.


Malach.te_
cesentremêlées.
(

2,65 7 variables.Jaspes.Quartz.
Nuances
!*
7 de)
semé
Vertfoncé H
I—I
d'un
taches rouge Quartz,
de\ Héliotrope. O
55
sang. \

2,59 6 oubleuverdâ-j
Vert,
Amazonite.
aventu-
tre,souvent Microcline.
)-H
\ O
riné
depointsblancs. c3
H
2,7 6 Vert
clair, verte
reste ) Turquoise
Xurauoise.
lesoir. noble.
j
à3
infér. Vert
denuances oui
G-arniérite
di-
2,27 "érite
!2,65 verses. i
nouméite.

cris-
) et
Feldspath
2,7à 3 6 Fond vertavec Porphyre
blancs. [ vert, Pyroxène.oa
taux
, .) . ) «y:
1 ...
354 PIERRES TAILLEES.

PIERRES JAUNES

Transparentes et translucides

NOMS ESPÈCES
DENSITÉ DURETÉ COULEURS, ÉCLAT, ETC.
DES LAPIDAIRES MINÉRALES.

4,6 à 4,7
' : 7,5 Éclat bgras, vif, ada-l
Jargon.
° Zircon.
mantm. \

\ Topaze ,
4 9 Eclat vif, ' adamantin.\ ... Corindon
WUiluul 1,
j orientale. \

3,7 8,5 Éclat vif. Chrysobéryl. Cymophane.

3,54 8 Éclat vif, jaune d'or,i Topaze J


i passant quelquefois' du > Topaze.
à l'orangé. I Brésil. i

8 Jaune de paille. ) °Paze \ Topaze


'3,54 1 l
j de Saxe, i

3,52 10 Éclat des plus vifs./ _.. ± _.


^.. . . . > Diamant. Diamant.
Réfraction simple. |
3,5 :j Eclat adamantin. Sphène. Sphène.

2,7 7,5 Éclat vif. Béryl. Émeraude.

2,62 7 Eclat vitreux : jaunei


de topaze, 'Fausse topaze
citron. ( Quartz-
jaune Citrin.
j
°pale
2,2 7 Éclat °gras. ji (Quartz.
commune. >

1,07 2 à 2,5 Translucide plutôt que j Ambre )


transparent. ou succin. / buccin.
j

Opaques.

2,7 7 Se polit bien. Éclat)


, (} Jaspe.
L Quartz,
un peu terne.
PIERRES
DECOULEUR
ORANGÉE SUR
TIRANT LEJAUNE

NOMS ESPÈCES
DURETÉ
DENSITÉ ETC.
ÉCLAT,
COULEURS,
DES MINÉRALES.
LAPIDAIRES.

e
<ssoni o
à
3,53,7 7,5 vif.
Éclat x Grenat> &
1 topazolithe. H
K
Simple
^ i 3,52 10 Éclatdesplusvifs ^. r,. , »
\i nCouleur.
, souci. Diamant.Diamant,

3,5 8 Éclat
vif. Rubicelle.
Spinelle.
V
3,54 8 vif.
Éclat Topaze.
Topaze. O
[ 55
1
3' 7> Tourmaline.
ordinaire. Tourmaline.
5 Éclat hH
! IDoxable ]
>
I 2,65 7 brun. °paze Quartz.
Orangé n I—(
I dEspagne. O

2,65 7 tirant
Orangé surle Sardome. K
( j Quartz.
\ brun. )
~
Translucides °pale I
j 2,2 7 Rousse. "<""•
Quartz.
s,
\ ) commune.
I 1,072à 2,5 i
électriques
' Propriétés
F Ambre. S uccin.
trèscaractérisées. <LO


D'UN
PIERRES ORANGE
ROUGE AVEC
ROUGE
Oi

NOMS ESPÈCES
DENSITÉ
DURETÉ
ÉCLAT, ETC.
COULEURS,
MINÉRALES.
LAPIDAIRES.
DES

i 3,6 7.5 Éclatvif.Rouge/


\1 orangé
° presque
] . rouge
to\TT. ,, de
,
. ]Hyacinthe
1 parréflexion; / ~ . ',Grenat.
îaune
/ cininlo /\ 1 Ceylan. '( B
Binipie orange J
partranspa- !=•
1 I rence. f sa
avec B
Rouge
orangé jaune
;j [ en
transparentes./
pierres \ 3,6 8 Eclat
vif. Rubicelle.
Spinelle.
H
Réfraction. i Ici n< nOrdinairement
v *i \ . >
f [2,7 7,5 beau-) H*
f i ,deIT 4 > Bervl. Emeraude.
C0UP defauts- f
\ double ] j B>
I ' , ( Topaze) B
7 Assez d'éclat. ) PT.
[2,7
\ ( Quartz.
] dEspagne.

Translucides 2,7 7 cerise,


Rouge Cornaline.
Quartz.
orangé.
à4,7 7,5 Eclat
vif,adamantin. .
Zircon.
Hyacinthe.
cristaux I
troppetits.

3,7 6,5à 7 Rarement


employée; Staurotide.
j staurotide.
tropfoncée. (

3,27
' 5à 6 Couleur
unpeu
J vio- • ..
,Axmite.
)( Axinite.
,
lacée. j I
!4,5
avec
brun. I 31 75 Raredecettecou-1 ,. m ,.
orangé
Rouge Tourmaline.
Tourmaline.
Réfraction. { leur>

I 2,7 7,5 Rousse. Béryl. Émeraude.

8 Éclat
vif. «pinelleg ^
. 3,6 ji t l
Simple...
r vinagre.
PS
de 1-3
i 3,7 7,5 Ardente àlalumière f dit
Grenat K
G^enat
j Bohême > Sri
d'unebougie.
1 (Escarboucle
\
_ ~„ , , .»,-, , , J i'
avecp presque
ointe de]„
imperceptible ^Eclat du( vprmpillp
vif.Couleur firenat
grenat.
vermeille.
Rouge • , /3>7env. 7,5 .
• ^„ - , |
Réfraction
simple
l \
1 vinrouge clair. ]
Jjaune. i o
I i Grenat
MJtrenat- S!
env. 7,5 Rouge vineuxardent.
) duCap.
[3,8
>
Ht
O
c!

03
ROUGES
PIERRES

NOMSESPÈCES
DENSITÉ
DURETÉ
ÉCLAT, ETC.
COULEURS,
DES MINÉRALES.
LAPIDAIRES.

4 9 Rouge de sang de
j
l F
écar-
cramoisi;
boeuf; pul3is1
! late.
Éclat
gras, ' * / Corindon,a
ada-/orjentni
vif
ardent .. .( mantin,vif.Réfrac-i )
Rouge
tiondouble. I
j
in
3,6 8 vif.Rouge
Éclat ar-
denttrèstranspa-f Rubis I 0 ,, >
. \ . ,, Spinelle.
sim-
Rétraction
rent. i spinelle.
\
f
pie. I
j
El
9 Eclat couleur . î/3
vif, plus j S
claire, le'
groseille (Corindon.
• -or"J ii l oriental. \
'
soir.
Relr.double.\

—- — 14
-—o-— Ï 4 7,5 Refraction
simple;)Grenat Grenat.
J ^ partrans-
groseille
I i oriental.
I parence. \
]
\ \'
\ .1,1 7,5 Couleur le
persistante
dou-™*™*>Tourmaline,
Réfraction
soir.
Sibente.
ble.
Simple 3,6 8 vif.
Éclat { .U*f >Spinelle.
f spinelle.
j

/ 4 9 Eclat
vif,adamantin.] . [ Corindon.
I j oriental. )
\i 3,54 8 Éclatvif.Alaloupe)™
x , .,. ]
/1lopazebrulee/
une „ ,. . I
dichroscopique,
^ / > RublS du >Tnnfl7P
Double \ une
violette, ^ . ., îopazu
image Brésil. 1 o
I j i '
J jaune. )
H
f 3,1 7,5 I Rubellite. Tourmaline.
K
J
' &
Améthyste S
2;65 7 Lesoir,tireunpeu
rubls de Quartz- 21
I surlejaune.
I f Bohème. ) t>
1-3
(3,6 reflets
8 Eclatvif; bleuâ-|„ , . , . • „ . ,, H-
, „. \ }Rubis balai.Spinelle.
1 O
/ très. \ S!
j Simple
1 irl
l (4,1à4,3 7,5 Agit
suruneaiguille 5=1
aimantée / Almandine
sensible. >
| )
violette
Couleur très\ ou (
Réfraction/
violacé.
Rouge Q at O
\ <=!
manifeste;plusrougelgrenatsyrian[
leI
éclatant
etmoins )
soir. J

( Double 3,54 8 Rouge ; deux


violacé j
images f ,„ m
à la loupe
v, brûlée
Topaze
1 Topaze.
sou-I
dichroscopique
ventdifférentes. CO
j
360 PIERRES TAILLEES.

PIERRES ROUGES OU ROSES

Opaques ou à peine translucides.

NOMS ESPÈCES
DENSITÉ DURETÉ COULEURS, ÉCLAT, ETC.
DES LAPIDAIRES. MINERAI.OGIQUES

2,65 7 Pv,ouge brique, faible-/


Cornaline. Quartz.
ment translucide. \

id. id. Rouge brique,


opa-j ' j Quartz_
que.

3,6 6 env. Rouge de chair. Rhodonite.

2.6 6 Rose. Opale rose. Quartz.

2,76 6 env. Fond rouge semé de]


cristaux blancs avecf Porphyre 1
quelques cristaux/ rou°-e. ' Feldspath,
noirs. 1 \

2.7 6 env. pond r0uge dans l'en-] [


semble, composé def et
s éniie ' ] Feldspath
cristaux rouges, .
mè-j amphibole,
lés de cristaux noirs.) f

2,6 7 Bandes parallèles \


ou]
cercles concen-/ Agate onyx i
triques, alternative-! et ï
0uartz
mentrouges et blancs! ao-ate oeillée !
ou rouges et noirs, i j
DETERMINATION PRATIQUE. 361

PIERRES INCOLORES

1 H . S~ « g NOMS ESPÈCES
£ B ECLAT, ETC. -S 3
[ïj D ?" a DES LAPIDAIRES. MINERALES.
fi « ~ ë

3(4 9 Gras, adamantin. 2,4 Diamant. Diamant.

rsl ' 4 Vitreux, n'est pas " ' "


- 1 T / Fluorine. Fluorine,
i j employée.
-<uF I
\ 3,54 8 vif- 1' 616 Goutte d'eau. Topaze.
. (
7 5 ^itreux- 1,618 Tourmaline. Tourmaline.
^[3)1
si
"SI 2,98 7 5 Vitreux. l,67env. Phénacite. Phénacite.
Al
.219 7 T s Vif. 1,58 Béryl. Emeraude.
ol
ê,l ,ri i - ef. Cristal de
SI o «s0 7' Vitreux. ; 1,55 J ; Quartz.
pj»l "'D 1 j roche. \

PIERRES IRISEES

NOMS ESPÈCES.
DENSITÉ DURETÉ ÉCLAT, COULEURS, ETC.
DES LAPIDAIRES. MINERALOGIQUES.

2,2 env. 6 env. Renets d'un jaune]


d'or, d'un rouge deî
feu, d'un bleu d'azur,/Opale noble. Quartz,
d'un vert emeraude.I
sur fond incolore. '

2,646 6 Reflets irisés d'uni


jaune d'or, d'un bleJ > Labrador. 1 FeldspathLa-
„ i, x hrarlnr
uiauoi.
d azur, d un vert eme- )
raude, sur fond gris,
j

2,62 7 Couleurs de
l'arc-en-j
ciel pour certaines
^ QnaT^
incidences de la lu-(
mière réfléchie. ]

2,7 3 Irisations d'un rouget Lumachelle / _ , .


•f , , • .. ; • • )i Calcaire,
vif sur fond noirâtre.\ irisée.
362 PIERRES TAILLEES.

PIERRES CHATOYANTES

NOMS ESPÈCES
DENSITÉ DURETÉ ÉCLAT, COULEURS, ETC.
DES LAPIDAIRES. MIN'KRALOGIQUES.

4 9 Etoile à six branches;


mobile à la surface i
de la pierre, visible Saphir astérie Corindon,
en face d'une lumière l
vive. j
3,73 8,5 Reflet bleuâtre. Cymophane. Cymophane.

2,6 7 Chatoiement 1propre-/


l ,_., , „
\ OEil-de-chat. Quartz,
ment dit. i

2,56 7 Lueur d'un blanc lai-J i


teux mobile sur unf . \ Feldspath Or-
, ,
r i incolore
i ^trans- )Pierre delune-
lond i ti1(1,p
l"U5e-
'
parent. 1

id. id. Liii-ne chatoyante) _., . T ,


„ -, . ( OEil-de-chat. Labrador,
avec un tond gris.i
n , , , Calcaire i pnuq;,,p
2' 7 3 Eclat soyeux. ) taicane.
libreux. i
/ '
2,3 2 Id. Gyj)sefibreux. Gypse.
DÉTERMINATION PRATIQUE. 363

PIERRES NOIRES

NOMS ESPÈCES
DENSITE DURETÉ COULEURS, ÉCLAT, ETC.
DES LAPIDAIRES. MINÉRALES.

4,9 à 5,2 5,5à6,5 Noir un peu terne;]


sur biscuit de porce-|
laine raie noire. AgitI Pierre J
fortement sur d'aimant. [ Magnétite.
Tai-[
guilleaimantée. Opa-1 i
que. ]
4,8 5 Noir souvent brillant. J
Sur biscuit de porce-f
Oligiste. Oligiste.
lai ne raie rouge. Opa-(
que. |
3,52 10 Éclatvif,àdemitrans-(Diamantnoir- Diamanti
parent. \
™onaste. Spinelle pléo-
3,7 8 Éclat vif. ÏIcLSLG.

3,1 7,5 Chauffée attire. les(Tourmaline_ Tourmalin<


corps légers. \

5 à 6 Souvent Obsidienne. Feldspath.


2,5 soyeuse.

1,3 2 à 3 Sur biscuit de porce-J


laine, raie d'un bruni Jais, Jayet. Lignite,
noir. \

Porphyre ) Pc
2 7 à 3 6 Fond noir avec cris-'
, , .' -nnir-
noir- \ pyroxene
j J ... ou
taux blancs. \ ,
. \ amphibole.
2,65
*' 7 Cercles concentri-J )
. /Agates onyx./
ques alternativement' . f
6S
noirs et blancs, oui . .ga / Quartz.
\ baignées. \
noirs et rouges. j j
GÉNÉRAL
TABLEAU
m
L AI^O
PRINCIPALES
±-iu«i,ii PRÉCIEUSES
PIERRES
DES
ESPECES QUIFOURNISSENT
MINERALOGIQUES
:
_, : n *
KT
ROUGE BRUN -g' -g ,S .
NOMS VERT PRÉVERT VERT ROUGE us a S
SI-EU bouteille clair. ROUGE VIOLET e t INCOLORE g g «
-DESESPECESBLEU VERTVEBT JAUNE OlilNGÉ orangé
• " a ° -a
vérdâtre. VERT ° vi0lacé. sois «
minéralogiques. d'herbe. olive.jaunâtre. i^^___ __„__«—^—^-.H
; " : ~~ Incolore....3,52 10 Simple.
! ' oran-é
° -Noir
DiamantBleu Vert Vert jau-Jaune Souci
orien-
Rubis Améthyste blanc
Saphir 4 9 Double.
Corindon Saphirde Emeraude Emeraude
Aigue-ma- Topaze tal. orientale.
Birmanie, orientale,
orientale
rine orien-
orientale
deCeylan taie. 8Q c- i
oimpie.
Rubis
spi- Pléonaste .. 3,6
Almandine I
SpinelleSpinelle Rubicelle. nelle. spinelle.
bleu-
3,8 8,5 Double.
Cymophane Alexandri- Chrysolitbe Chryso-
te. orientale,béryl. , 7 7. i(L
Emeraude BérylBérylEmeraude Aigue-ma- Béryl
Béryl....
Rubis
du Goutted'eau3,51 8 id.
Topaze...BleueBleu ver-
dûtreTopaze....-. Aigue-ma-Topaze ..Topaze... Brésil.
rine. _ /,'> Î^ w-
'" Incolore 2,98
Phénacite __ .,
Rubellite Noire 3,1 ',^
Tourmaline duBleu
Saphir ver-
. Emeraude
Tourma- Orangé... Sibérite.
Brésil
oudâtre. duBrésil,
line.
indicolithe - .-,
2,61 7,5 id-
CordiériteSaphir
, Grenat
Hyacinthe orien-
Grenat
sy- 3,6 à4,3 7,5 Simple.
Grenat : Ouwarovi- deVert
Olivine clair. Orangée.. deCeylan tal. rian.
te. Sibérie. Gr.de
Bohè-
me.
Gr.
syrian.
Gr.
duCap.
Vermeille.
Hyacinthe Jargon4,5 à4,7 7,5 Double.
Zircon Zirconbleu Jargon...Jargon..
'" 2,615à6 id.
DisthéneSappare
11 „, env. 7 _lu.
;J
3,4
Péridot • Olivine...
Olivine . , de
,
Topaze Améthyste.. Quartz Cristal
Quartz Bleu
hyalin.. Vert Fausse Topaze. d'Espagne enfumé, roche A™ /
d'Espagne ,
topaze.
Cornaline -„,.;,.
Agates...Calcédoine..2,66 n,
,„ id
m.
Quartz
agate..
Saphirine Chryso- Prase Sardoinc.
Sardoine.
- - prase.Plasma. „, „,„ -7 :A
id.
Opalerose Opale .2,66
résinite.
Quartz .' ;_4 i de
Pierre
Feldspath Amazonite
Amazonite lune 2'59 . B
366 PIERRES TAILLÉES.

OBSERVATIONS

SUR LES TABLEAUX PRÉCÉDENTS

PIERRES VIOLETTES

Les unes tendent vers le bleu, les autres vers le rouge.


— La franchement violette est l'amé-
Améthystes. plus

thyste proprement dite, d'un violet un peu lilas, de cou-

leur peu uniforme. Elle est beaucoup moins éclatante que

l'améthyste orientale. Celle de Sibérie est pourtant fort

belle; elle a des reflets bleuâtres. Plongée dans un verre

d'eau, elle montre des points à coloration intense, qui


colorent tout le reste de la pierre. L'orientale se distingue

par ses reflets d'un rouge rosé et pourpre.

L'améthyste, proprement dite, est une variété de quartz

(page 304-).

L'améthyste orientale est une variété decoriadon(p. 243).


Balais.—Le rubis balais est d'un rouge bleuâtre un peu
laiteux (p. 254).

PIERRES BLEUES TRANSPARENTES

Couleurs. — Le est d'un bleu tantôt tan-


Saphir indigo,
tôt céleste. C'est une variété du corindon, que son éclat

particulier empêche de confondre avec Yindicolithe ou

saphir du Brésil, variété de tourmaline' qui est rare, ou

même avec le saphir d'eau. Une variété de disthéne a nu


OBSERVATIONS. 367

reflet un peu soyeux fort agréable. On l'appelle sappare


ou cyanite.
La densité est de 4 dans le saphir ; de 3,12 dans l'indi-

colithe; elle est d'environ 3,66 dans le disthéne bleu, 2,65


à 2,66 dans le saphir d'eau et dans le quartz bleu. Dans

ces trois dernières matières les indices de réfraction diffè-

rent peu ; mais le quartz bleu transparent, le disthéne

d'un beau bleu sont des plus rares ; la dureté du quartz


est de 7, celle du disthéne assez faible, de o à 6.

Dichro'isme. — La cordiérite est fortement dichroïque ;


au moyen de la loupe dichroscopique, on y aperçoit net-

tement deux images, l'une d'un beau bleu de saphir, l'au-

tre grisâtre. Dans le disthéne, les deux images sont l'une

bleue, l'autre incolore.

PIERRES BLEUES TRANSLUCIDES

La saphirine, ou calcédoine bleue, variété d'agate, se

bien, mais elle a peu d'éclat ; elle est franchement


polit
translucide, mais non transparente ; elle dépolarise la lu-

mière, mais vaguement.


— Le et la klaprothine sont faciles à
Opaques. lapis-lazuli

distinguer chimiquement et cristallographiquement. Après

la taille, certaines variétés se ressemblent davantage ,

mais ce sont les variétés d'un bleu moins recherché, en

sorte hésite moins à faire les essais chimiques indi-


qu'on
Une lamelle très mince de klaprothine
qués (p. 324).
devient assez transparente pour qu'on puisse l'étudier

sous un muni de deux niçois. Certaines agates


microscope
colorées en bleu pourraient être confon-
artificiellement
dues avec le ; mais l'agate raie le lapis, elle a une
lapis
368 PIERRES TAILLÉES.

densité moindre; on dit que cette teinture n'est pas sta-

ble, et que sa belle couleur s'altère au bout de quelque

temps. Les jaspes bleus se distinguent des agates colorées

par leur opacité plus complète. Les turquoises prennent


un moins beau poli ; elles sont moins dures. Le tableau

indique les caractères différentiels des deux turquoises.


Dans le saphir, à la loupe dichroscopique, on observe

deux images, tantôt de même couleur; tantôt différentes,


l'une bleue, l'autre verte.

d'un bleu clair. — La densité = 4 dans


Duretés, 'pierres
les corindons, 3,5 environ dans la topaze et le diamant,

3,1 dans la tourmaline et l'euclase, 2,65 à 2,7 dans le

béryl et le quartz, permet d'établir trois groupes faciles à

distinguer. Le diamant a une dureté =10, la topaze une

dureté = 8 ; de plus, le diamant, s'il est taillé à facettes,

montre des effets de lumière qui n'existent pas dans la

topaze malgré son vif éclat ; enfin, la topaze a une double


réfraction assez forte.

L'euclase ne serait pas toujours facile à distinguer de la


tourmaline ; elle est plutôt verdâtre et rarement employée.
La tourmaline est pyro-électrique et l'euclase ne l'est pas.
L'euclase a une direction de clivage facile, et la tourma-
line se clive mal. Les cristaux de tourmaline ont des
formes tout à fait différentes de celles des cristaux de l'eu-
clase. (Pour plus de détails, voir la de ces
description
espèces, p. 294 et p. 324.)
Le béryl et le quartz peuvent être confondus lorsqu'ils
sont taillés. L'éclat du béryl est vif
beaucoup plus que
celui du quartz. Le quartz frotté attire un
beaucoup plus
cheveu, une barbe de plume que le béryl les distinc-
(pour
tions spécifiques, voir les mots Emeraude, et Quartz
p. 262)
page 300).
OBSERVATIONS.' 369

Dichroïsme. — A la loupe les deux ima-!


dichroscopique,
ges diffèrent peu l'une de l'autre dans les pierres peu'colo-
rées. L'aigue-marine orientale donne souvent une image'
jaune et une bleue. Dans les tourmalines; les deux images
diffèrent surtout par leur inégale intensité.

PIERRES YERTES

Celles d'un vert emeraude sont faciles à distinguer.

L'emeraude orientale est tellement rare, qu'on doit avoir


sans doute peu de chance d'en rencontrer; en tout cas, ce

serait un corindon à densité d'environ 4. \1 emeraude pro-

prement dite n'a que 2,7 pour densité ; elle raie faiblement
le quartz. Il serait difficile de confondre avec elle la diop-

tase, qui a pour densité 3,3, et que son peu de dureté

comme la petitesse de ses cristaux empêchent d'employer


couramment.

Quant aux pierres vertes fournies par les autres espèces

minérales, elles ne sont plus d'un vert emeraude propre-


ment dit. Certaines néphrites et quelques chrysoprases
s'en rapprochent; les chrysoprases sont toujours d'un;

vert pomme ; les néphrites sont plus lourdes ; elles ne

sont jamais que translucides; l'aventurine des Indes est

semée de points brillants. Une variété nouvelle de grenat,

grenat demantoïde, que les lapidaires appellent olivine,

devraient au moins olivine de Sibérie, a beau-


qu'ils appeler

d'éclat, une couleur d'un beau vert; sa densité, 3,83,


coup
est supérieure à celle deTémeraude ; il est uniréfringent,

tandis Témeraude est biréfringente. Il est plus lourd


que
aussi à égalité de volume que la tourmaline, et même que

et l'idocrase. La tourmaline joue parfois un peu


l'épidote
24
370 PIERRES TAILLRES.

l'émeraude; mais un oeil exercé ne s'y trompe pas ; le vert

en est toujours olivâtre; la densité en est de 3,1 ; à la

loupe dichroscopique, elle montre en général des images


très différentes l'une de l'autre, l'une jaune et l'autre

brune. Ce dernier caractère se retrouve dans l'idocrasc ,


du Vésuve ou vésuviane, et dans l'épidote. Ces deux
gemme
substances, à densité 3,4 supérieure à celle de la tourma-

line, mais de dureté un peu moindre, sont difficiles à dis-

tinguer l'une de l'autre, une fois taillées. L'éclat de l'épi-


dote est un peu plus gras. Ce sont des pierres de peu de

valeur. Leurs cristaux ont des formes très différentes.

Au chalumeau, on les reconnaît facilement, en ce que


l'idocrase y bouillonne, mais y fond nettement, tandis que

l'épidote s'y boursoufle, mais ne fond pas d'une manière

sensible.

Le péridot taillé ne se distingue du diopside que par


son éclat plus vif. Les cristaux des deux matières sont

tout à fait différents. Si on peut en sacrifier un fragment,


la distinction devient facile ; le péridot est infusible au

chalumeau, et soluble dans les acides; le diopside, espèce


du groupe des pyroxènes, est au contraire fusible au cha-
lumeau et insoluble dans les acides.

PIERRES VERTES TRANSLUCIDES

Quartz aventuriné; chrysoprase; p-rase; plasma; hélio-

trope.
Ce sont des agates, variétés de quartz, des densi-
ayant
tés voisines de 2,65 ; la même dureté, 7. La est
chrysoprase
d'un vert pomme ; la prase d'un vert poireau ; le plasma
d'un vert foncé ; l'héliotrope d'un beau vert de
parsemé
OBSERVATIONS 371

points d'un rouge de sang, devenant souvent opaque.


Pierres vertes — Les variétés de
opaques. jaspes, quartz.
Pierres d'un vert clair. — On les
Aigues-marines. distingue
aisément les unes des autres par leurs densités. La topaze

fournit, par exemple, une pierre appelée aigue-marine


comme celle du même nom qui appartient à l'espèce mi-

nérale emeraude ; les deux pierres ont le même éclat, le

même nom en joaillerie ; la densité de la topaze et sa

dureté sont supérieures à celles de l'émeraude.

Piej^res d'un vert clair jaunâtre, et d'un jaune verdâtre.


— Le variété d'émeraude d'un verdâtre se
béryl, jaune
reconnaît à sa densité 2,7 ; la densité est de 3,1 dans la

chrysolithe de Ceylan, variété de tourmaline ; de 3,32, dans

la chrysolithe proprement dite ou péridot; elle s'élève

à 3,81 dans la chrysolithe ehatoyante, variété de chryso-


ou cymophane ; à 4,1 dans les chrysolithe s orienta-
béryl

les, et enfin à 4,4 dans le jargon ou zircon de Ceylan. De

la chrysolithe chatoyante a un reflet mobile bleuâtre


plus,
et un laiteux, l'orientale un éclat très vif; le zircon
peu
un éclat adamantin très gras ; la chrysolithe de Ceylan,
elle a été chauffée, attire les cendres; le péridot,
quand
dont la densité est voisine de la sienne, ne possède pas

cette propriété électrique.


Le n'attire pas un cheveu, une barbe de plume,
péridot
même a été frotté fortement contre du drap, ce
lorsqu'il
font le le béryl, la topaze, la tourmaline.
que quartz,
Nous n'avons rien à ajouter aux tableaux à propos des

; il faudrait répéter ce qui a été ample-


pierres opaques
ment haut (voir description des espèces
expliqué plus

malachite, etc.).
372 PIERRES TAILLÉES.

PIERRES JAUNES

1° D'un jaune d'or et transparentes :

Diamant; topaze ou chrysolithe orientale ; topaze; zircon ;

béryl: citrin ou quartz citrin; chrysobéryl.


Éclat vif et adamantin dans le diamant, vif et très gras
dans le zircon. La densité du diamant est 3,,52 ; celle du

zircon est 4,4.


Éclat très vif dans la topaze, mais vitreux; vif dans le

béryl ; moins vif dans le quartz. Densité 3,54 dans la topaze ;

à peu près la même dans le béryl que dans le quartz, un

peu plus grande dans le béryl. Densité du béryl 2,7; du

quartz 2,65. Au microscope le béryl a une texture plus

fibreuse, moins régulière que le quartz.


2° D'un jaune tournant au roussâtre et transparentes.
— a
Topaze ; tourmaline. La topaze un éclat vif, une den-

sité 3,54 ; la tourmaline a pour densité 3,1 , un éclat

moins vif.

3° D'un jaune roussâtre, mais translucides. Opales de feu;


sardoine. — Même de
composition chimique. L'opale
feu est plus tendre, elle a un éclat plus vif et plus gras ;
elle approche plus de la transparence. Densité de la sar-

doine 2,65; de l'opale, environ 2,2.


Yi'ambre se distingue facilement par l'attraction vive

qu'il exerce sur les corps légers, lorsqu'il a été frotté.

Frottés contre du drap, le quartz, le béryl attirent comme

la topaze et la tourmaline. La topaze et la tourmaline atti-

rent les corps légers, lorsqu'elles ont été chauffées, ce que


ne font pas le quartz et le béryl dans les mêmes con-

ditions.
OBSERVATIONS. 373

PIERRES ROUGES

Les unes sont d'un rouge ardent, écarlate ou carmin,


d'un rose tirant sur le violet ; ce sont les rubis
rouge ; dans
les autres le rouge passe peu à peu au ou à l'orangé.
jaune
Un petit nombre d'espèces minéralogiques fournissent
toutes ces nombreuses variétés. A l'exception de l'anda-

lousite,' de la staurotide, qui ne comptent pas pour ainsi


dire en joaillerie, on n'utilise que le corindon, le spinelle,
la topaze, la tourmaline, les grenats, le quartz. Dev ces es-

pèces , plusieurs n'ont que la réfraction simple (voir la


conduite de cet essai, p. 72) ; ce sont les grenats et le spi-
nelle. Les autres ont la réfraction double. Souvent les

grenats sont taillés en cabochon, ce qui ne rend l'observa-

tion possible que sous un microscope muni de deux niçois.

Encore faut-il prendre garde aux réflexions intérieures,


mettre la main devant le porte-objet pour qu'il ne reçoive

pas de lumière directe ; on rencontre même quelquefois


une difficulté encore plus grande : c'est la couleur trop
foncée delà pierre. Alors, on est obligé d'avoir recours a

la dureté. Le grenat est rayé par la topaze, qui l'est elle-

même par le rubis, et c'est avec le rubis qu'on aurait le

plus de chance de confondre quelques-unes de ses variétés

à densité un peu forte.

Les pierres à réfraction simple, grenat et spinelle, se

reconnaissent facilement l'une et l'autre par leurs densités,

lorsqu'elles sont d'un rouge ardent tirant sur l'écarlate;

mais, lorsqu'ils sont d'un rouge un peu jaunâtre, les gre-


nats ont une densité voisine de celle du spinelle. Leur ton

de couleur les distingue pourtant, comme l'explique le


374 PIERRES TAILLÉES.

tableau. Les pierres à réfraction double : corindon, topaze,


tourmaline et quartz, ont des densités tellement différen-

tes les unes des autres, que leur détermination n'offre

aucune difficulté.

A la loupe dichroscopique, on y observe deux images

qui ne sont pas toujours très différentes. Certains rubis

orientaux-offrent une image rouge ou d'un rouge bleuâtre,


et l'autre tirant sur l'orangé. Dans les rubellites ou sibé-

rites (tourmalines rouges), les deux images diffèrent un peu

plus, l'une tirant sur le rouge bleuâtre ou violacé ; l'autre


sur l'orangé, quelquefois sur le verdâtre. Dans les topazes

brûlées, il y a d'assez grandes variations ; l'une des images


varie du rouge au violet; l'autre du rouge jaunâtre au

jaune d'or.
REPRODUCTION ET IMITATION. 275

CHAPITRE VII

REPRODUCTION ET IMITATION DES PIERRES

PRÉCIEUSES

Il faut distinguer la reproduction de l'imitation des

pierres précieuses. Reproduire une pierre, c'est, au moyen


de ses éléments chimiques, la refaire de toutes pièces
avec ses propriétés de formes, de couleur, d'éclat, de du-

reté, de densité. L'imiter, c'est, avec des éléments quel-

conques, former une matière qui ait des propriétés ana-

logues, assez semblables pour permettre la confusion de

la pierre précieuse vraie et de la pierre fausse.

Les imitations remontent à la plus haute antiquité. Les

tombes qui nous restent du monde romain ou de l'Egypte


nous ont conservé un grand nombre de pâtes vitreuses qui
attestent le goût des anciens verriers et leur habileté dans

cet arl.

REPRODUCTION

La reproduction est beaucoup plus récente. Il y a un

demi-siècle à peine qu'on a commencé à reproduire les

espèces minérales.
376 PIERRES PRÉCIEUSES.

Berthier. — En en fondant de la silice


1823, Berthier,
avec de la magnésie et de la chaux, obtenait du pyroxène.

Mitscherlich. — En Mitscherlich a reconnu


1823, que
les scories d'affinage des hauts fourneaux d'Osterberg et

de Karmonnionna, en Pologne, contenaient des cristaux

ayant les formes, le clivage et la densité de ceux de péri-


dot. En général leur composition les rapproche de la

fayalite, péridot très chargé de fer.

Gaudin. — En M. Gaudin a porté de l'alun d'am-


1837,

moniaque à une très haute température, celle de la flamme

du chalumeau à gaz oxyhydrogène, capable de volatiliser

l'eau, l'ammoniaque et l'acide sulfurique, de façon qu'il


reste seulement de l'alumine. A cette température élevée,
l'alumine fond, et après refroidissement elle a une dureté

voisine de celle du corindon. En y ajoutant de l'oxyae


de chrome ou du chromate d'ammoniaque, on obtient

de l'alumine colorée comme le rubis.

Ebelmen. — La méthode a imaginée est fort sim-


quïl

ple; mais ce fut un trait de génie. Pour la comprendre,

répétons ce que nous avons dit en tête de cet ouvrage sur

la cristallisation du sel gemme. On met dans de Teau du

sel de cuisine; l'eau le dissout, lui donne sa forme liquide,


mais en s'évaporant elle dépose des particules de sel, et

celles-ci, grâce à la mobilité que leur donne le milieu d'où

elles sortent, s'agrègent en cristaux. L'idée simple et har-


die d'Ebelmen fut de mêler à la matière à reproduire une
substance autre que l'eau, capable de la dissoudre à une
haute température, mais volatile elle-même à une tempé-
rature encore plus élevée. L'acide borique, par exemple,
dissout, puis abandonne en se volatilisant l'alumine et la

magnésie. Tout cela se passe à des températures où ces


deux derniers oxydes se combinent pour former de l'alu-
REPRODUCTION ET IMITATION. 377

minate de magnésie qui cristallise. On obtient finalement


des octaèdres réguliers, qui ont la composition chimique,
la forme cristalline, la dureté, la densité, l'éclat du spinelle
qu'on rencontre dans la nature. En y ajoutant, comme
l'avait fait M. Gaudin, duchromate d'ammoniaque, on a du

véritable rubis spinelle en cristaux, petits il est vrai,


relativement aux cristaux de la nature, mais ayant déjà
deux ou trois millimètres de hauteur.

En mêlant 47,5 pour 100 d'alumine, 12,8 de glucine,


39,6 de borax, on produit du chrysobéryl ou cymophane,

auquel il suffit d'ajouter une très petite quantité d'oxyde


de fer, pour lui donner la couleur de la matière naturelle.
• Pour le Ebelmen fut de re-
produire corindon, obligé
courir à la température des fours à porcelaine. Mêlée à de

l'acide borique, dissoute par cet acide, puis redevenue li-

bre, une fois l'acide évaporé, l'alumine passe à l'état de

corindon cristallisé en petites lamelles hexagonales na-

crées. Un peu de chromate d'ammoniaque en fait du rubis.

De Senarmont. — De 1850 à 1851, en de l'eau


portant
de 130 à 300°, de Senarmont a pu amener à l'état cristal-

lin plusieurs espèces minérales des filons métallifères, et

entre autres le quartz. Il a décomposé le chlorure d'alu-

minium, et obtenu de l'alumine cristallisée, c'est-à-dire

du corindon.

Daubrée. — M. Daubrée a donné de la mobilité aux

matières qu'il veut faire cristalliser par d'autres méthodes.

Il a fait arriver du chlorure d'aluminium sur de la ma-

portée elle-même à une haute température ; il a


gnésie
donné lieu ainsi à la formation du spinelle. Puis il a

fait réagir l'un sur l'autre un courant de chlorure de

silicium et un courant de vapeur d'eau dans un tube de

chauffé au rouge. Il se forme dans ces condi-


porcelaine
378 PIERRES PRÉCIEUSES.

lions de l'acide et de la silice. Si la réac-


chlorhydrique

tion se produit en de bases, telles que la magné-


présence
sie ou même l'alumine, la la chaux, la silice
potasse,

formée se combiner à ces bases et donner lieu des à


peut
silicates.

M. Daubrée a obtenu du quartz cristallisé en portant à

une d'environ 400° de l'eau contenue dans un


température
tube de verre, qui était lui-même renfermé dans un canon

de fusil. A cette température, l'eau suréchauffée attaque


le verre est un silicate de potasse ; elle en sépare de la
qui
silice cristallisée en prismes hexagonaux terminés par des

pyramides à six faces; les prismes ont leurs pans marqués

de stries perpendiculaires à leur hauteur; ces cristaux,

leur petitesse, sont identiques à ceux de la nature.


malgré
Comme nous n'avons à parler que des pierres utilisées

dans l'ornementation, nous ne pouvons que mentionner

les explications que M. Daubrée a tirées de ses nombreu-

ses expériences pour la formation des filons.

Sainte-Claire Deville et Caron.—Leur procédé con-

siste aussi à mettre en présence dans un espace confiné des

matières volatiles. Ces matières en se rencontrant réagis-


sent l'une sur l'autre, et donnent naissance à des combi-

naisons solides, qui se trouvent dans des circonstances

favorables à la cristallisation. Au fond d'un creuset de

charbon enfermé lui-même dans un creuset d'argile, ces

savants expérimentateurs introduisent du fluorure d'alu-

minium; au-dessus du creuset ils assujettissent une petite

coupelle de charbon remplie d'acide borique. A une haute

température l'acide borique émet des vapeurs, et le fluo-

rure d'aluminium, également volatilisé, cède son fluor au

bore, son aluminium à l'oxygène de cet acide. Il se forme


ainsi du fluorure de bore qui se dégage sous la forme de
REPRODUCTION ET IMITATION. 379

gaz et de l'alumine qui se dépose sur la capsule plate de

charbon. En modérant le dégagement des vapeurs, on voit


se développer des cristaux de corindon incolore de plus
d'un centimètre de large, mais très minces. Pour produire
le rubis, on n'a qu'à mêler au fluorure d'aluminium un

peu de fluorure de chrome. L'addition du fluorure de

chrome en plus ou moins grande quantité donne tantôt

du rubis, tantôt du saphir. On obtient même au moyen


du chrome des cristaux verts d'émeraude orientale ou co-

rindon à couleur de chrome sur les bords du creuset, où

se concentre le fluorure de chrome.

L'action de la silice sur du fluorure de zirconium, ou

l'action inverse du fluorure de silicium sur de la zircone

terreuse déterminent également la production de petits


cristaux de zircon. Au moyen de fluorure de glucinium
mêlé à celui d'aluminium, MM. Sainte-Claire Deville et

Caron ont formé de la cymophane.


et Feil. — Si on chauffe au vif un alu-
Fremy rouge
minate fusible avec une substance siliceuse, la silice

forme avec la base unie à l'alumine un silicate fusible, et

l'alumine qui s'en dégage lentement cristallise. MM. Fre-

my et Feil mettent dans un creuset de terre réfractaire un

mélange à poids égaux d'alumine et de minium ; ils calci-

nent au rouge vif un temps suffisant. Dans le creuset après

refroidissement, on trouve deux couches : une vitreuse de

silicate de plomb ; l'autre cristalline, qui présente souvent

des géodes remplies d'alumine. Les parois du creuset

fournissent la silice. Aussi on opère dans un double creu-

set. On a ainsi du corindon blanc. Pour avoir du rubis,


on ajoute 2 à 3 pour 100 de bichromate de potasse. Le

saphir est coloré par un peu de colbat ajouté à du bi-

chromate.
380 PIERRES PRÉCIEUSES.

Le rubis se présente en masses volumineuses, formées

de belles tables, larges, de riche couleur, souvent trans-

parentes.
Le rubis est donc réellement reproduit en grand. Le

commerce s'est ému de ce beau succès, qui dépassait


ceux déjà obtenus par MM. Sainte-Claire Deville et Caron.

Certes, le rubis de M. Fremy et Feil, a, comme les précé-

dents, un haut intérêt scientifique; mais, bien que la re-

production en soit complète, et' qu'il ne manque à cette

pierre sortie d'un creuset ni la couleur, ni les qualités de

forme, d'éclat, de dureté, de densité, ni enfin les qualités

optiques du corindon, cependant elle n'a pas l'épaisseur


des pierres naturelles; c'est que la nature a du temps de-

vant elle, et son vaste laboraratoire, tandis que le savant

le plus désintéressé, borné par l'espace et par le temps,


veut au moins voir son oeuvre.
— Les essais de du diamant ont
Desprez. reproduction
été moins heureux. Il est vrai que Despretz a eu l'idée in-

génieuse d'entretenir pendant un mois dans un espace à

air raréfié la lumière d'un arc voltaïque produite par un

fort courant d'induction, en prenant pour pôle positif une

tige de charbon, pour pôle négatif une tige de platine. De

cette façon le courant électrique emmène le charbon du

pôle positif et en recouvre le pôle négatif, comme d'une

couche noirâtre. C'est dans cet enduit qu'on a observé au

microscope de très petits cristaux capables, dit-on, de

polir le rubis. Nous comptons étudier de plus près cette

expérience.
Toutes les tentatives ont échoué jusqu'ici. Les matières
obtenues par Cagniard de La tour, par Gannal, n'étaient

point du carbone.

Hautefeuille. — M. Hautefeuille a reproduit le quartz


REPRODUCTION ET IMITATION. 381

en maintenant de la silice amorphe pendant plusieurs


centaines d'heures dans du tungstate de soude porté à la

température de 750° (1).


Friedel et Sarrazin. — MM. Friedel et Sarrazin vien-

nent de le former dans des conditions plus analogues à

celle de la nature, en maintenant pendant 38 heures à une

température inférieure au rouge sombre, dans un tube

d'acier garni intérieurement d'un tube de platine, en pré-


sence de leau, un mélange de potasse, d'alumine préci-

pitée et de silice gélatineuse (2).


Nous mentionnerons enfin les masses cristallines d'or-

those obtenues par MM. Fouqué et Michel-Lévy au moyen


du même fondu. •
feldspath

IMITATION DES PIERRES PRÉCIEUSES

Depuis la plus haute antiquité, ces imitations se sont

transmises d'âge en âge; elles ont eu de tout temps la

même base, c'est-à-dire le verre coloré par des oxydes

métalliques.
Les chimistes modernes emploient. comme verre du

strass fabriqué au moyen de 100 parties cristal de roche,

135,3 minium, 53,1 potasse caustique à l'alcool, 6,8 borax

calciné, 0,3 arsenic. Tels sont les éléments d'un strass

à l'imitation des pierres précieuses, d'après Doua-


propre
net-Wielland. Son nom lui vient de son inventeur Joseph

Strasser.

Les anciens, comme nous l'avons dit plus haut, savaient

faire du verre coloré.

de France, t. I, p. 1.
(1) Bull. Soc. minéralogique
(2) Fbid., t. II, p. 113.
382 PIERRES PRÉCIEUSES.

Les célèbres artistes en ce genre étaient ceux


plus
d'Alexandrie. Il y en eut des fabriques à Rome sous Néron ;

mais leurs ne valaient pas ceux de l'Egypte, sur-


produits
tout au de vue de la transparence et de la solidité.
point
et John ont analysé un assez grand nombre
Klaproth
de verres provenant de tombeaux et de monuments égyp-

tiens.

Uue vitreuse d'un rouge de cuivre contenait: silice? 1,


pâte
de plomb 14, oxyde de cuivre 7,5, oxyde de fer 2,5,
oxyde
alumine 1, chaux 1,5.
Un verre transparent d'un bleu de saphir renfer-

mait 9, 5 pour 100 d'oxyde de fer avec 0, 5 pour 100

de cuivre. Dans un verre bleu opaque, c'était


d'oxyde
de cuivre qui dominait, sans trace de cobalt. Ce-
l'oxyde

pendant les anciens employaient aussi le cobalt pour ob-

tenir des colorations bleues, comme l'attestent les analy-


ses qui ont été faites de verres trouvés à Thèbes, en

Egypte et à Pompéi. Ils obtenaient le violet avec l'oxyde


de manganèse, Ils savaient donc déjà que le plomb donne

au verre un éclat gras, adamantin, un pouvoir dispersif

considérable, qui le rend tout-à-fait propre à jouer les

pierres précieuses ; ils savaient aussi que le strass paie


toutes ces qualités brillantes par un défaut de dureté qui
lui fait perdre rapidement son poli lorsqu'il a été taillé ; il
n'a en effet que 6 au maximum pour dureté.

Pline disait qu'on peut distinguer une pierre fausse

d'avec une vraie, en la frottant sur une plaque de fer ou

contre une lime, et que la pierre noble résiste à cette

épreuve, tandis que le verre est fortement attaqué.


Pendant de longs siècles, cet art a fait peu de progrès.
De nos jours, des verriers instruits l'ont remis en honneur.
Les recettes pour colorer le verre sont les suivantes : à
REPRODUCTION ET IMITATION.. 383

1000 parties de strass on ajoute la coloration en


pour
améthyste 8 parties oxyde de manganèse, 15 de
oxyde
cobalt, 0,2 pourpre de cassius; pour donner la couleur
du saphir 5,5 d'oxyde de cobalt; 10 d'oxyde de cuivre, et

0,25 d'oxyde de chrome pour obtenir le verre emeraude ;


40 de verre d'antimoine et 2 de pourpre de Cassius pour
produire le jaune de topaze. Pour le verre appelé rubis, au
strass on ajoute 2 pour 100 de pourpre de Cassius ou de
chlorure d'or. On laisse le mélange pendant 30 heures
dans un four de potier. On le retire jaune; mais, quand on
le réchauffe lentement, sans arriver au ramollissement,
on voit le rouge apparaître. Une très petite quantité d'or
donne un verre rougeâtre à reflets azurés.

La couleur du grenat syrien est imitée au moyen de


500 parties de verre d'antimoine, 4 de pourpre de Cassius,
4 de peroxyde de manganèse mêlés à 1000 de strass.
Pour le rouge de cuivre ancien, à l'oxyde de cuivre on

ajoute de l'oxyde d'étain, qui empêche le cuivre de passer


au degré d'oxydation où il colore en vert.

La couleur noire est donnée au verre par un mélange


d'oxyde de fer, de cuivre, de cobalt, de manganèse, ou
mieux par du sesquioxyde d'iridium.
Les pâtes opaques se font avec du strass auquel on

ajoute de l'oxyde d'étain ; on a ainsi une sorte d'émail qu'on


colore. La couleur turquoise est donnée par 3 pour 100

d'oxyde de cuivre avec traces d'oxyde de cobalt et de man-

ganèse. La pâte à corail rouge s'obtient en ajoutant


6 pour 100 d'oxyde de fer et un peu de cuivre sulfuré.

Pour imiter l'opale, on ajoute de la cendre d'os, envi-

ron 5 pour 100, à du strass fondu, ou du chlorure d'ar-

gent.
Pour reproduire l'aventurine, à du verre à glace,
384 . PIERRES PRÉCIEUSES.

2,000 on mêle nitre 200 ; peroxyde de fer 60;


parties,
battitures de cuivre 115 (Hautefeuille).
Gaudin. — En MM. Feil et Gaudin présen-
Feil, 1869,
tèrent chacun de leur côté, le même jour (1), à l'Académie

des sciences des verres beaucoup plus durs que le strass

employé jusqu'alors pour contrefaire les pierres pré-


cieuses.

Ces verres ne sont plus à base de plomb ; ce sont des

silicates d'alumine. La silice, comme le fait observer

M. Gaudin, donne la ductilité; l'alumine, la dureté. D'après


cet habile chimiste, aux températures élevées auxquelles
il faut recourir pour fondre ces silicates, le manganèse
et le nikel déterminent la coloration en jaune orangé,
le chrome colore en bleu céleste un peu verdâtre, au feu

réducteur, en vert sombre en quelque sorte enfumé au

feu oxydant. Quant au cuivre, il procure toutes les

nuances.

Nous devons à M. Feil, lui-même, les détails suivants

sur ses procédés. Les saphirs sont des silicates d'alumine

et de magnésie colorés par le cobalt. La densité de ces

pierres est de 3,25 ; la dureté, à près celle du quartz ; elles


raient les faces polies des pyramides du cristal de roche.
Le rubis n'en diffère que par la matière colorante qui
est un oxyde de chrome.

M. Feil obtient une matière qui imite l'émeraude à s'y

méprendre en employant un mélange de feldspath et de

béryl de Limoges, auquel on ajoute environ 8 pour 100 de


fluorure de barium.

Le savant Verrier a donné au Muséum d'histoire naturelle


de jolis échantillons de grenat, d'émeraude, de
d'améthyste,

Acad. -
(1) Comptes rendus, se, 1869,'vol. LXIX, p. 1342.
REPRODUCTION ET IMITATION. 385

saphir artificiel. Ces verres sont taillés; ils ont un éclat


très vif; on pourrait facilement les confondre au pre-
mier abord avec des pierres naturelles. En regardant
une bougie à travers la table et la culasse, on voit autant

d'images de la bougie qu'il y a de facettes ; toutes ces ima-

ges sont entourées d'étoiles à 6 branches, qu'on appelle


astéries, et qui dénotent évidemment une texture fibreuse
de la masse. Les images données par chaque facette sont

simples, et ne s'éteignent pas quand on interpose entre


l'oeil et la pierre (ou verre qui l'imite) une tourmaline,

quelle que soit la position qu'on donne à.celle-ci. En un

mot, toutes ces pierres ont la réfraction simple, tandis que


l'émeraude, le saphir, l'améthyste ont la réfraction dou-
ble. Le grenat ne présente aussi que la réfraction simple;
mais il a une densité plus forte, et enfin, ces pierres pré-
cieuses artificielles, bien qu'à peu près aussi dures que le

quartz, sont un peu moins dures que les naturelles, et

sont rayées par ces dernières.

PIERRES DOUBLÉES. — Nous ne utile de


croyons pas pré-
venir le lecteur que certaines pierres taillées ne sont vraies

qu'en partie. On appelle demi-doublées celles qni n'ont

que la couronne en vrai, et dont le dessous est en verre

ou en pierre de nature et de valeur moindres.

AUTRES — consistent en
CONTREFAÇONS. Quelques-unes
morceaux de verre taillés renfermant dans leur épaisseur
des fragments de pierres vraies, de métaux ou de papier
de gélatine coloré. On y a introduit jusqu'à des liquides à

coloration vive. On entoure quelquefois de feuilles d'un

métal coloré naturellement ou par une peinture la cein-

ture d'un morceau de verre taillé à facettes. Quand on a

ces contrefaçons dans les mains, on peut, en regardant à

travers la matière dans différents sens, voir que sa couleur


25
386 PIERRES PRÉCIEUSES.

change suivant l'inclinaison. Quelquefois, en les mettant

dans l'eau, on les voit se diviser en fragments après la

dissolution du mastic qui en unissait les parties.


Les métaux colorés s'emploient surtout pour le simili-

brillant, verre qui imite le diamant, et dans la fabrication

duquel on fait entrer tant de plomb, qu'il est facilement


altérable à l'air.

Enfin, on fabrique aujourd'hui un strass auquel une cer-

taine quantité de thallium communique un pouvoir biré-

fringent, un pouvoir dispersif, et par suite un éclat et des


feux qui rivalisent avec ceux du carbone cristallisé, c'est-

à-dire de la pierre sans rivale. Mais ce strass n'est que du

verre, et le diamant a toujours sa dureté qui lui garantit


son éclat et sa place exceptionnelle parmi les plus jolies
matières produites par la nature.
Nous ne regardons pas comme contrefaçons ces chan-

gements de couleur qu'on peut faire subir aux pierres en


les soumettant à des températures élevées. Nous en avons
suffisamment parlé en décrivant les diverses espèces mi-
nérales (voyez Agates, Quartz, Topaze, Corindon, Diamant).
Nous rappellerons seulement que les diamants décolorés
de cette façon reprennent généralement leur couleur au
bout de peu de temps.
BIJOUX ET JOYAUX

ORFÈVRERIES

PREMIÈRE SECTION

ORFÈVRERIE ANCIENNE

— Le mot éveille en
Temps préhistoriques. bijou
nous l'idée d'une chose précieuse, autant par la finesse et

la recherche du travail que par la valeur de la matière

employée. Si, cependant, écartant cette interprétation un

peu absolue, nous cherchons le sens véritable de ce mot,


c'est la destination de l'objet et l'usage qu'on en fait qui
nous le donnent.

Il est excessivement flatteur pour l'industrie de la bijou-


terie que les qualités qu'on a coutume d'admirer dans

ses ouvrages aient pu faire adopter le nom dont on les

appelle comme un synonyme de l'idée de perfection ; mais

nous ne voyons là qu'une sorte d'abus coutumier qui ne


390 ORFÈVRERIE ANCIENNE.

doit nous faire oublier les commencements et les ori-


pas

gines.
Bien certainement, les premières parures, si grossières

qu'elles puissent avoir été, représentaient, aux yeux de

ceux qui en faisaient usage, l'idéal du beau. Bien certai-

nement aussi, tel bijou sorti de nos ateliers modernes

trouve acquéreur, qui ne soutiendrait pas la comparaison


avec les rudimentaires conceptions de nos premiers pères.
Il résulte de ces observations que nous ne pouvons
discuter sur le fini plus ou moins parfait d'un objet, sur

sa valeur plus ou moins grande, pour savoir s'il appar-


tient à la catégorie des bijoux, ou s'il doit en être écarté.

Le voulût-on, d'ailleurs, qu'il serait impossible de déter-

miner, même d'une façon imparfaite, la limite précise

qui servirait à établir ce classement. L'expérience qui en

a été faite, lors des expositions industrielles, l'a suffisam-

ment démontré. Voici, au surplus, la nomenclature des

produits compris dans la classe 39 (bijouterie-joaillerie)


et qui figuraient à l'Exposition universelle de 1878, à

Paris :

Les objets d'art en matières précieuses, les joyaux en

diamants, perles et pierreries, les bijoux d'or, d'argent,


de doublé d'or, de cuivre doré, d'acier, ceux en fil de fer,
en corail, en jaïet, en jais ou verroterie, en écaille, en

ivoire, en nacre, en buffle, en bois durci, en étain et


même en plumes d'oiseau.

Ces matières ne sont certainement pas toutes égale-


ment riches, et on peut affirmer, sans témérité, que les

pièces exposées dans les vitrines n'atteignaient pas toutes

le dernier degré de la perfection. Nous sommes donc con-

duits logiquement à considérer comme bijouterie tous les

objets qui ont servi de parures et d'ornements aux peu-


TEMPS PRÉHISTORIQUES. 391

pies les plus anciens, et à les examiner au même titre que


ceux qui de nos jours se fabriquent en nacre et en bois
durci et que ceux qui, aussi précieux par la matière em-

ployée que par le travail, servent à la toilette de nos da-


mes élégantes.

Un des premiers penchants de l'homme, même à l'état

sauvage, est de chercher à se couvrir d'ornements. Ces

ornements, empruntés aux trois règnes de la nature, doi-

vent avoir été d'abord un signe de la force, de la puis-


sance et de la richesse, et, à ce titre, être restés pendant
un temps l'apanage exclusif du sexe fort. La femme, as-

servie à des travaux que son maître dédaignait, ne pouvait

prétendre à l'honneur de se parer.


A mesure que des civilisations primitives commencèrent

à s'ébaucher, la richesse relative s'augmenta, la hiérar-

chie s'établit, et celui qui sut devenir le maître des autres

fut le plus chargé d'ornements. La somme qu'il en pos-


séda devint bientôt assez considérable pour qu'il pût en

couvrir ses armes, ses chevaux et ses femmes. Il donnait

ainsi la mesure de sa supériorité, et l'affirmation de son

orgueil fut le premier titre de richesse de la femme. En

réalité, ces ornements allaient ainsi à leur véritable desti-

nation, qu'ils n'ont pas quittée depuis. L'influence fémi-

nine dut les modifier et leur faire perdre une partie de

leur rudesse primitive. A son contact et sous son inspira-

tion, ils durent acquérir les qualités de grâce et de légè-


reté.

Parmi tous les corps qui, par leur forme, leur éclat ou

leur couleur, pouvaient servir à l'usage de la parure, l'or

dut être un des premiers employés. La nature, qui semble

avoir voulu cacher tous les autres métaux en les laissant


392 ORFÈVRERIE ANCIENNE.

à l'état de minerai, et en les enfouissant dans les profon-


deurs de la terre, a donné à celui-ci ses propriétés métal-

liques définitives et a pris soin de le répandre à la surface

du sol. L'homme n'eut donc qu'à le ramasser.

Sans nul doute, ses yeux furent ravis, sa satisfaction fut

grande, à la première découverte qu'il en fit. Ce beau ton

jaune, riche et chatoyant, qui nous charme encore si puis-

samment, qui est resté et qui restera un signe parlant des

plus grandes magnificences de la nature, dut magnétiser


ce sauvage par son rutilant éclat. Il le suspendit tout sim-

plement après lui. Voilà le premier bijou d'or, une pépite.


La malléabilité et la ductilité de l'or ne tardèrent pas à

être découvertes. Quelques-uns durent trouver le moyen


de l'aplatir et de l'allonger en le frappant; puis de le con-

tourner autour du bras, autour du cou, autour de la tête.

D'où il résulterait que le premier outil de l'orfèvre fut le

marteau, marteau de pierre probablement, car l'homme

que nous venons d'entrevoir le cou et les bras cerclés d'or

et le front ceint d'un diadème, ne connaît pas encore les

autres métaux. Les objets à son usage sont en terre, en

pierre, en bois, en corne, en os, en arêtes de poisson.


Mais ils s'augmenteront bientôt et se modifieront, sous

l'influence de sa nouvelle découverte. On cherchera à tirer

tout le parti possible du seul métal connu. Il ne peut ser-

vir à fabriquer des armes, il est trop mou pour cela; tout

au plus peut-il servir à les orner. On l'emploiera à tous

les besoins de la vie civile. A un moment donné , la plus

grande partie des objets mobiliers seront en or, même

ceux destinés aux usages les plus vulgaires. L'homme

accoutumé à s'en voir entouré dans son intérieur, au mo-

ment du repos, sera naturellement amené à associer clans

son esprit l'idée de paix à l'usage de l'or.


TEMPS PRÉHISTORIQUES. 393

Et plus tard, lorsque l'airain et le fer auront servi à dé-

pouiller ceux qui jouissaient paisiblement de ces biens, le


souvenir qu'il en restera, clans la mémoire de nos pères,
ne pourra-t-il pas devenir, par une naïve et char-
ellipse
mante, celui de Y Age d'or?

Tous les historiens s'accordent à dire que l'art de tra-


vailler l'or est un des plus anciens. Ce métal, le plus par-
fait de tous, semble avoir été placé sous les yeux de
l'homme et à portée de sa main, par une paternelle pro-
vidence qui aurait craint de l'embarrasser, en le mettant
tout d'abord aux prises avec un minerai quelconque. Elle
lui fit faire en quelque sorte un apprentissage facile, avant
de le conduire à s'élancer plus loin. En effet, les premiers
essais de fusion, de martelage et de tréfilage durent être
faits sur l'or. Et lorsque successivement les autres métaux

furent connus, l'homme n'eut plus à vaincre que les diffi-

cultés inhérentes à la substance de chacun d'eux. Les pro-


cédés généraux étaient découverts.

Ainsi que tout le monde le sait, l'or natif n'est pas pur.
On le trouve mélangé à une certaine quantité d'argent qui

peut varier entre six et vingt pour cent, suivant les con-

trées. C'est dans cet état que les premiers artisans durent

l'employer. Ils n'avaient aucune raison de chercher à le

modifier ; en eussent-ils eu, que les moyens et la connais-

sance des moyens leur manquaient.


Les premiers bijoux durent être faits de lames martelées

et dé fils contournés et entrelacés, mais toujours d'un seul

morceau d'or. On ne découvrit sans doute que beaucoup

plus tard la soudure qui permet de réunir entre elles, et

avec une adhérence absolue,, toutes les parties qui peuvent


servir à composer une pièce compliquée. La plus ancienne
394 ORFEVRERIE ANCIENNE.

tentative de pour décorer la surface de l'or, sem-


gravure,
ble avoir été faite sur le métal battu très mince, à l'aide

d'une pointe qui n'enlevait pas la matière, mais qui la gau-

frait en quelque sorte, et qui faisait paraître en relief, par

devant, le tracé qui avait été exécuté en creux par derrière.

Il y a, au musée du Louvre, une petite plaquette d'or

recouvrant un scarabée, qui

représente un spécimen cu-

rieux de ce travail. Le des-

sin en est enfantin, la con-

ception étrange, l'exécution

très fine. Rien n'y révèle

l'emploi nécessaire d'un ou-

til en acier. Il est vraisem-

blable que le relief a été

obtenu à l'aide d'un petit


traçoir, qui pouvait être

aussi bien une arête de

poisson qu'un style d'ivoire

ou un éclat de pierre. Ce

bijou est au nom du roi

Fig. 230. — Plaquette d'or recouvrant Menés, de la première dy-


un Scarabée (Musée du Louvre).
nastie. 11 aurait donc cinq
mille sept cent soixante-dix neuf ans. Il toucherait aux

temps préhistoriques que nous venons de chercher à

reconstituer hypothétiquement, et au point de vue des

seules origines de l'orfèvrerie. Bien que l'authenticité n'en

soit pas absolument démontrée, la classification dont il a

été l'objet suffit pour indiquer que, par ses caractères, il

remonte à la plus haute antiquité (fig. 230).

Grecs, Romains. — C'est dans leur en-


Égyptiens,
ÉGYPTIENS, GRECS ET ROMAINS. 395

semble qu'il faut juger les parures exposées au musée

Egyptien du Louvre. Le classement chronologique ne

paraît pas encore en avoir été fait complètement, tout au

moins pour l'usage du public. Peut-être, manque-t-on de

notions précises pour cela. Nous sommes donc en pré-


sence d'une collection résumant, sans ordre déterminé,
les quarante siècles qui se sont écoulés depuis la première

jusqu'à la dernière dynastie, en passant par la renaissance

Saïte.

Elle nous laisse voir, à côté de colliers en verres et en

terres émaillées, des intailles sur pierres dures gravées


d'une façon remarquable. L'inscrip-
tion hiéroglyphique que porte cha-

cune d'elles nous révèle son âge. Il y

en a aux noms d'Aménophis II, d'Amé-

nophis III et de Ramsès II, d'autres

datent du grand règne de Touthmès III.

Une sardoine plus ancienne encore

forme le chaton d'une bague. La gra-


Fig. 231. — Anneau d'o-
vure représente le roi Amenemha III reille à tête d'Antilope.
(Musée du Louvre.)
(douzième dynastie) terrassant un

Cet ouvrage nous fait connaître que les Égyp-


guerrier.
tiens possédaient l'art de graver la pierre fine, près de

deux mille ans avant l'ère chrétienne.

Nous encore un sphinx royal de bronze in-


y voyons
crusté d'or, dont le travail date de onze cents ans avant

Jésus-Christ, un grand nombre d'amulettes en pierres

de animaux (fig. 231), de mignonnes sta-


gravées, petits
tuettes très fines, des sceaux gravés en creux dans l'or,

il faut remarquer un lion en marche d'un


parmi lesquels

style admirable (dix-huitième dynastie.)

Les Égyptiens faisaient une sorte de mosaïque compo-


396 ORFÈVRERIE ANCIENNE.

sée de toujours opaques et de couleurs


pierres presque

variées, cornalines, lapis, etc., qu'ils tail-


jaspes, jades,

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laient et incrustaient dans des dessins formés par des cloi-

sons d'or (fig. 232). Deux fort beaux bracelets larges ouvrant
ÉGYPTIENS, GRECS ET ROMAINS. 397

à charnières, un pectoral en forme de naos, dans lequel


sont juxtaposés un vautour et un urseus au-dessus duquel

plane un épervier, deux autres éperviers et quelques ob-

jets encore, offrent des spécimens précieux de cette ingé-


nieuse fabrication. Ils exécutèrent ensuite le même travail

avec des verres colorés. Plusieurs archéologues affirment

que plus tard encore, sous les Ptolémées, ils surent fon-

dre l'émail dans les alvéoles mêmes. C'était l'émail cloi-

sonné.

Ils fabriquaient, en pâtes de verre diaprées, de grandes

quantités d'objets destinés à la parure; ils recouvraient de

certains émaux opaques des pierres préalablement sculp-

tées, particulièrement des schistes. Ils faisaient, en or, des

chaînes-cordons aussi fines, aussi souples que nos chaînes

modernes. Ils connaissaient les procédés d'estampage et

savaient réunir deux estampes et les assembler par la sou-

dure, afin d'obtenir une forme de ronde-bosse. Ils savaient

faire des moules, y couler l'or et réparer les pièces. Ils

également des vases et des coupes en or.


fabriquaient
Ils façonnaient et polissaient les coraux, les lapis, le

basalte, le spath, les jaspes, les cornalines, les onyx, les

à sardoines et le cristal de roche. Enfin, ils gra-


pierres
vaient des pierres à deux couches de façon à obtenir le

dessin d'une autre couleur que le fond. Ce sont les pre-

miers camées.

Un collier, dont les motifs sont obtenus par les procé-

dés de nous semble avoir un grand air de


l'estampage,
famille avec les bijoux que nous rencontrerons plus tard

chez les Grecs et chez les Étrusques, et deux ou trois

essais timides de l'emploi des fils et des grains peuvent

nous faire ce fécond pays a été aussi le ber-


supposer que

ceau du bien que les archéologues soient à peu


filigrane,
398 ORFÈVRERIE MODERNE.

d'accord pour en attribuer l'invention aux orfèvres


près

phéniciens (1).

Homère nous apprend que de son temps l'or ne valait

onze fois le prix du bronze (2). Or le bronze vaut ac-


que
tuellement deux francs le kilogramme en moyenne, et l'or

trois mille francs (3).

(1) Nous trouvons dans le rapport qu'a fait M. Alexandre Castel-

lani, de Rome, à propos de la bijouterie à l'Exposition universelle,


une si ingénieuse définition de l'origine des travaux en grenailles
d'or, que nous ne pouvons résister au plaisir de la citer :
« On peut admettre, comme principe, que toutes les sociétés pri-
mitives tirèrent leurs ornements des éléments mêmes que leur fournis-
sait la nature au milieu de laquelle elles vivaient. Ainsi les
Égyptiens, entourés d'une végétation marécageuse, trouvèrent dans
la fleur de lotus le point de départ de leur vaste système d'ornemen-
tation. Les Chinois, les Japonais et les Indiens copièrent les belles
fleurs et les oiseaux de l'Asie, et les adaptèrent admirablement à la
décoration de la céramique, des étoffes, des laques et des métaux.
Depuis quelques années déjà, je me demandais, en étudiant les
travaux de grenailles d'or, dans les différents musées, quel pouvait
être le type originel qui en avait suggéré l'idée aux Phéniciens et aux
Etrusques. Ayant eu récemment l'occasion de lire un ouvrage impor-
tant, publiépar les soins du gouvernement anglais, sur les oursins
fossiles, je trouvai dans les espèces dénommées dryades et liama-
dryades la solution du problème. Par le fait, il est assez naturel que
les premiers habitants des côtes de la Méditerranée, dans leurs cour-
ses sur la mer, trouvassent intéressantes et jolies ces coquilles bigar-
rées de différentes couleurs et pointillées en relief, qu'ils ramenaient
accrochées après les mailles de leurs filets. Il est
plus naturel encore
que leurs femmes
s'ornassent, au commencement, avec ces produits
de la mer, tels qu'ils les trouvaient, et qu'ensuite les orfèvres les
aient copiés, en imitant avec de petits grains d'or placés sur les
bijoux, les dessins harmonieux formés par leurs aspérités. »
(2) « ... Or pour airain, le prix d'une hécatombe contre la valeur de
neuf boeufs. » {Iliade, ch. vi.)
(3) L'or fin vaut actuellement
3,465 francs le kilogramme. Nous pre-
nons le prix de 3,000 francs comme chiffre correspondant au titre de
For qu'employaient les anciens,
ÉGYPTIENS, GRECS ET ROMAINS. 399

S'il est permis de juger des changements successifs qui


ont dû avoir lieu avant Homère, clans le rapport du prix
des métaux entre eux, par ceux qui se sont produits de-

pnis son époque, on est conduit à penser qu'avant lui,


l'or devait avoir une valeur relative bien moindre encore,
et nous ne pouvons nous empêcher de constater combien

ce fait vient corroborer l'hypothèse que nous avons risquée


dès le début, concernant l'abondance de l'or et l'absence

ou la rareté des autres métaux, pendant la première pé-


riode du séjour de l'homme sur la terre.

On ne sera donc pas étonné, à la suite de l'observation

qui précède, de voir que les orfèvres des temps héroïques

employaient conjointement l'or et l'étain comme élément

décoratif.

La cuirasse d'Agamemnon avait dix bandes d'acier noir,

douze d'or et vingt d'étain. Sur le bouclier d'Achille, nous

voyons représentée une belle vigne d'or surchargée de rai-

sins. Les grappes qu'elle portait étaient noires. Des échalas

la soutenaient dans toute son étendue. Elle était


d'argent
entourée d'un fossé de couleur sombre que fermait une

barrière d'étain. Puis un troupeau de génisses aux cornes

relevées; elles étaient d'or et d'étain; le berger était

d'or, etc., etc.

La si vivante, si détaillée de ce bouclier nous


description
dans un milieu remarquablement industriel.
transporte
Homère est un fidèle. Tout indique chez lui la
peintre
entière et la naïve bonne foi. Si le bouclier d'A-
plus plus

chille n'a d'autres évidemment avaient été fa-


pas existé,
dont les lui ont fourni le type du chef-
briqués, qualités

d'oeuvre décrit. Il paraît donc certain qu'au temps


qu'il
les Grecs déjà très loin l'art de tra-
d'Homère, poussaient

vailler les métaux. C'était, disaient-ils, Yulcain qui l'avait


400 ORFÈVRERIE ANCIENNE.

aux hommes, et ceux qui le pratiquaient s'appe-


enseigné
laient fils de Vulcain.

Ce Vulcain travaillait indifféremment le fer et l'airain,

l'étain, l'or et Il était tout à la fois fondeur et


l'argent.
serrurier armurier et orfèvre. Il avait fabri-
forgeron, (1),
avec l'aide des les armes d'Achille et
qué, Cyclopes,
celles d'Énée, le collier d'Hermione et le sceptre d'Aga-

memnon. Il avait, seul dans sa" retraite, au fond de

l'Océan, pour Thétis et Eurynome, qui lui don-


forgé
naient asile, des agrafes, des bracelets, des épingles à

cheveux et des colliers (2).


Cette variété de métiers réunis en une seule main n'a

rien doive nous surprendre. Le fait en lui-même,


qui
au milieu de récits fabuleux, est empreint
quoique placé
d'un remarquable accent de vérité. Car c'est bien ainsi,

avec leurs grands traits généraux que les industries ont

dû prendre naissance. Les spécialités ne se sont dessinées

que plus tard. Aussi les Grecs avaient-ils fait de Vulcain

le dieu du feu et des arts qui s'exercent à l'aide du feu.

Quoi qu'il en soit, nous devons admettre que les orfèvres

grecs, au xe siècle avant Jésus-Christ, étaient déjà fort

habiles. On n'en peut douter après avoir lu la description


du bouclier d'Achille, qu'il faut prendre, nous le répétons,

pour une constatation du degré d'avancement où se trou-

vait l'art de l'orfèvrerie en Grèce, au temps où fut composée


Ylliade. Le soin méticuleux avec lequel les scènes qui y
sont représentées sont décrites, ne nous laisse pas de

(1) « Junon se rendit dans la chambre que son fils Vulcain lui avait
bâtie, et dont il avait assujetti les portes aux solides jambages, à l'aide
<ÏU7i fermoir secret qu'aucune autre divinité ne pouvait ouvrir. » (Iliade
ch. xiv.)
(2) Iliade, ch. xvm.
ÉGYPTIENS, GRECS ET ROMAINS. 401

doute sur la précieuse recherche à l'exécution


apportée ; il
révèle surtout une grande justesse dans l'observation des

mouvements, dans la vérité des attitudes et de l'expression.


Si nous ajoutons cette remarque, que, pour augmenter
le charme et la.clarté de sa composition, l'artiste a pris

Figures 233 à 242.


a. — Épingle de cheveux.
b. — Boucle d'oreille en or trouvée à Ithaque (sirène tenant une flûte).
c. — Boucle d'oreille composée d'une massue suspendue à un anneau rehaussé
d'un grenat syrien (trouvée à Panticapée).
d. — Idem, trouvée à Panticapée.
e. — Collier trouvé à Panticapée.
f. — Boucle d'oreille (tête de lion et serpent garnis de grenats).
g. h. — Bracelets trouvés à Ithaque.
i. — Ceinture trouvée à Ithaque.

soin d'opposer les uns aux autres les différents métaux,


a su les colorer diversement et obtenir ainsi ces
qu'il
effets auxquels l'art moderne a donné le nom de patines,
nous sommes forcés de convenir qu'aujourd'hui nous ne

savons rien faire de plus.


26
402 ORFÈVRERIE ANCIENNE.

Lorsque Homère décrit des bijoux à l'usage des femmes,


ils sont pour la plupart en or (fig. 233 à 242). Cependant
il nous dit que les boucles d'oreilles de Junon étaient à

trois pierres, d'un travail achevé, qui dardaient un vif

éclat. Les boucles d'oreilles à trois pierres étaient proba-


blement un type préféré parmi les bijoux grecs de l'anti-

quité, car, dans Y Odyssée, nous les retrouvons une seconde

fois, décrites comme faisant partie de la toilette d'une

reine ou d'une princesse.


On doit croire que, dans les premiers temps de la civi-

lisation grecque, les idées et les formes s'y sont beaucoup

inspirées de l'Egypte. Nous retrouvons encore de petits


colliers en verre composés de plusieurs couleurs. Les

perles de ces colliers sont de la grosseur de petits pois et


affectent la forme de cylindre écrasé du grain de maïs.
D'autres ont l'aspect d'un granit à éléments incrustés
et mélangés. Ils sont tous percés par le milieu, pour
laisser passer le fil d'or ou d'airain qui les rassemblait au
cou des matrones, car les jeunes filles grecques ne por-
taient pas de bijoux.
Les Grecs ornaient leur bijouterie de rosaces et de bor-
dures faites de petits morceaux de pierres de couleur,
d'émail ou de verre transparent lapidés à plat. Ils formaient
ainsi de gracieux dessins qui furent réellement les pre-
mières mosaïques, car ils avaient supprimé les cloisons
des Égyptiens. Ils savaient se servir du tour, ré-
pour
treindre le métal et obtenir des pièces sphériques et creuses
sans assemblage, opération qui, du reste, leur était rendue

plus facile par la malléabilité de l'or presque pur qu'ils


employaient. Ils repoussaient l'or et l'argent avec une ad-
mirable perfection. Les deux vases faisant partie de la
découverte de Bernay, exposée au cabinet des et
Antiques
ÉGYPTIENS, GRECS ET ROMAINS. 403

dont l'un représente l'enlèvement du Palladium, et l'autre

les Bacchantes et les Centaures, ne peuvent donner qu'une


idée incomplète du degré d'habileté qu'ils avaient atteint

dans ce genre de travail, car ces pièces, probablement

Fig. 243. — Guirlande d'or grecque trouvée à Armento.

exécutées au troisième ou au quatrième siècle de notre

ère, se ressentent un peu de la décadence.

Il nous a été donné de contempler, entre les mains du

savant archéologue M. Castellani, une des oeuvres si rares


40^ ORFEVRERIE ANCIENNE.

de l'art grec pur, et nous avouons qu'elle était exquise et

qu'elle dépassait en beauté tout ce que nous avons jamais


vu dans ce genre. On y retrouvait toutes les qualités que
nous admirons dans les métopes duParthénon : la grâce et

l'ampleur dans la composition, la pureté et l'élégance des

profils, la suavité des contours, la nerveuse vigueur des

premiers plans, quelquefois traités en plein relief, et si

bien mis en valeur par la légèreté spirituelle avec la-

quelle sont indiqués les plans les plus reculés.

Nous regrettons de ne pouvoir donner à nos lecteurs le


dessin de ce chef-d'oeuvre, mais nous

mettons sous leurs yeux une guir-


lande en or trouvée à Armento, for-

mée d'un entrelacement de feuilles de

chêne, de lierre et de myrte, au mi-

lieu de laquelle six génies montrent

une déesse qui occupe le sommet de


la composition (fig. 243). Il faut ad-

mirer dans cet objet la hardiesse et


Fig. 244. —Anneau d'oreille
en or (Cabinet des anti- la liberté qui servaient de aux
guide
ques, Bibliothèque natio-
nale). artisans d'alors. Deux bijoux trouvés
à Ithaque (fig. g et fig. h) indiquent que les bracelets-

serpents ne sont pas de moderne invention, et la ceinture


de même provenance, à laquelle sont suspendus deux

masques ornés de grelots, peut faire croire que la marotte


date de bien loin (fig. 233 à 242).

C'est par les Grecs que l'art de travailler l'or s'est pro-
pagé en Italie, de même que l'art, dans lequel ils excel-

laient, de graver les camées et les intailles. Du reste, le


commerce et les échanges étaient si nombreux et si fré-

quents entre ces deux peuples, le Romain et


vainqueur
ÉGYPTIENS, GRECS ET ROMAINS. 405

conquérant mettait tant de recherche à imiter les élé-

gances de son vaincu, qu'il est difficile d'attribuer avec


certitude à chacun d'eux la

part qui lui revient. Aussi


les bijoux de cette époque
sont-ils ordinairement dési-

gnés, dans les collections,


Fig. 245. — Chaton
de Bague érrus- par la dénomination géné- B'ig.246.—Boucle
que(Musée.Cam- d'oreille en or
pana du Louvre) rale de grecs, étrusques et
(Musée Campa-
romains. na du Louvre).
La section des
médailles et antiques, à la Bibliothèque nationale, possède
des pendants d'oreilles et des bagues qui, avec la collection

Fig. 247. — Fragment de Ceinture


d'une dame romaine (Musée Campana).

dite Campana (fig. 244 à 246), Musée du Louvre, peuvent


suffire à donner une idée de cette intéressante fabrication

(fig- 247).
Les Italiens se servaient du gau-

frage et de l'estampage (fig. 248), ils

employaient aussi le tour pour fabri-

quer des pièces creuses et légères

qu'ils . décoraient fréquemment de

filigranes.
Fig. 248. — Estampe italo-
• en or (Cabinet
Les filigranes, le mot l'indique, grecque
des Antiques).
sont des ornements composés de

fils et de grains disposés en cent manières, tantôt sur des

fonds, tantôt indépendants, pour produire des dessins à


406 ORFEVRERIE ANCIENNE.

jour. Souvent le fil est remplacé par deux fils très fins

tordus ensemble en manière de corde. Cet élément, d'un

effet plus riche que le fil simple, produit des tons mats

qui font opposition à la surface unie sur laquelle il re-

pose (fig. 249).


Ce que ces principes si élémentaires ont fourni de mo-

tifs de décoration au monde entier est prodigieux. Tous les

peuples ont eu leur filigrane. Dans la Chine, au Japon, aux

Indes, chez les nègres du Soudan (fig. 250), tout le long de

la côte Barbaresque, en Espagne, en Portugal, dans la

Scandinavie, le filigrane
a été employé de temps

immémorial, et, dans

chaque contrée, avec une

allure et un caractère

particuliers. Mais il était

réservé à la grâce ita-

lienne de dire le dernier


Fig. 249. — Fragment probable d'un brace-
let d'or. Feuille mince ornée de filigranes, mot de cet art exquis et
trouvée à Chypre (Musée de St-Germain.)
charmant.
Les Étrusques et les Romains nous ont laissé, dans ce

genre, des types impérissables qui réunissent des qualités


extraordinaires de style, d'arrangement, de finesse et d'in-

géniosité. Ils ont su, en opposant savamment, les uns aux

autres, différents modes de travaux, et en obtenant des

profondeurs calculées, à côté de reliefs mis en lumière,


rompre la monotonie du ton de l'or (fig. 251). Quelquefois
ils ont marié à leur travail un semis de petites en
perles
verres de couleur, qu'ils ont fixées à l'aide d'un fil, comme
sur le mignon diadème qui est au musée du Louvre. Ils
ont excellé dans l'art de travailler l'or au Ils
repoussé.
ont, comme les Égyptiens et les Grecs, les
employé pâtes

250. enfiligranes
Fig. Corbeille d'or
àjour, —
250. en
Corbeille à
d'or
jour
filigranes
Fig.
parlesNègres
fabriquée duSoudan. duSoudan.
parlesNègres
fabriquée
408 ORFÈYRERIE ANCIENNE.

verre des perles qu'ils enfi-


de diaprées, pour composer

laient en colliers et' en bracelets (fig. 252).

Fig. 251. — Brace- Fig. 252. — Collier fait en Perles de verre diaprées,
let étrusque en or rehaussées d'une Chaîne, de deux grains et de pen-
(Musée Campa- dants d'or. Au centre une tête de Bélier en or (Musée
na). Campana.)

En leurs conceptions sont simples, franches


général,
GAULOIS, GALLO-ROMAINS, MÉROVINGIENS. 409

et d'un bel effet décoratif. Mais leurs inventions avaient


quelquefois de grandes avec nos fantaisies mo-
analogies
dernes. On en verra la dans la chaîne
preuve petite dont
nous donnons le de à seize centi-
dessin, longue quinze
mètres, après laquelle sont suspendues diffé-
cinquante
rentes breloques, instruments de toutes en minia-
sortes,
ture (fig. 253).
L'Italie a aussi produit de camées et d'intail-
beaucoup
les, mais à cette époque la plupart de leurs étaient
graveurs

Fig. 253. — Collier-chaîne. Travail romain en or. Lon-


gueur 16 cent, environ. Cinquante différents instruments
en miniature y sont suspendns en manière de breloques.
Trouvé en Transylvanie (au Cabinet des Antiques à
Vienne).

Grecs d'origine. C'étaient Apollonius de Sicyone, Artémon


r
Rhodien, Lysias de Corinthe, Evodus, etc.

Gaulois, Gallo-Romains, Mérovingiens. —Parmi


les pièces de bijouterie préhistorique, travaillées de main

d'homme, que possède le musée de Saint-Germain, nous

remarquons un collier de cailloux percés, trouvé à Saint-


Acheul. Ces pierres, grossièrement arrondies, sont à peu

près, de la grosseur d'une noisette. Nous remarquons en-


core d'autres colliers faits, on pourrait presque dire, en
410 ORFÈVRERIE ANCIENNE.

ossements, car ils se composent simplement de rondelles

enfilées qui ont été sciées à même un os, sans recevoir

d'autre façon.
Nous ne savons si nos grands-parents se sont longtemps
contentés d'ornements aussi simples, mais, à l'époque où

l'histoire nous les fait connaître sous le nom de Gaulois,


leur coquetterie devait encore s'en tenir à des satisfac-

tions assez primitives, car il ne paraît pas qu'avant la con-

quête romaine, ils aient fait usage d'aucune matière pré-


cieuse. Ils enfilaient, pour composer des colliers, des

grains d'ambre et des grains en pâte de verre, tantôt à

part, tantôt mélangés.


Les torques, les bracelets, les pendeloques, les amu-

lettes, les colliers, les fibules, les boucles d'oreilles, les

pinces à épiler des Gaulois étaient soit en fer, soit en


bronze. Les types que nous en avons vus ne présentent, au

point de vue de l'ornementation, aucun caractère intéres-

sant, si ce n'est leur rudesse.

Mais, en revanche, l'époque gallo-romaine nous montre


des spécimens curieux d'orfèvrerie. L'or apparaît alors en

quantité remarquable, l'ampleur avec laquelle il est tra-


vaillé indique son abondance. Les torques, les bracelets
sont en or massif. Le musée de Saint-Germain en possède
une belle collection, tant en originaux qu'en surmoulage,
mais les plus beaux types appartiennent au musée de

Cluny. Il y a là six grands bracelets faits chacun d'une

spirale à quatre tours, un bracelet massif énorme, n° 8071


de l'inventaire, du poids de six cent dix-huit et
grammes,
une torque, n° 3103 du catalogue, pesant cent
quatre
quatre-vingt-deux grammes. Le mode de torsion de cette
dernière pièce, dont le Cabinet des un
antiques possède
second exemplaire, est assez intéressant. Il est fait d'une
GAULOIS, GALLO-ROMAINS, MÉROVINGIENS. 411

longue tige d'or préalablement forgée de façon à offrir

quatre canaux à angles vifs se suivant parallèlement dans

toute la longueur. La section du fil donnerait la forme

d'une croix à quatre branches égales. Le fil ainsi préparé


a été ensuite tordu régulièrement. Ce travail si simple

produit un effet excessivement

agréable et puissant.
Dans la plupart des objets re-

trouvés, le caractère viril et guer-


rier nous paraît dominer. Le musée

de Saint-Germain possède une

fibule d'une simplicité élégante

(fig. 254). Elle est massive, grande


et forte. Il nous montre également
des fils d'or contournés en spirales
ont dû servir de bracelets,
qui Fig. 254. — Fibule en or
d'autres en (Musée de Saint-Germain).
spirales plus petites
dont l'usage nous échappe, à moins qu'ils n'aient été

portés autour du doigt, en guise de bagues. Mais l'une

d'elles, faite d'un double fil

d'or, mesure au moins trois

centimètres de long ; cela

donne à supposer que la moi-

tié du doigt en aurait été

couverte (fig. 255). Deux tours

de bras de huit
Fig. 255. — Fils d'or tournés plats, larges
(Musée de Saint-Germain). centimètres au moins et striés

de bandes, en or repoussé, semblent indiquer qu'alors


les bracelets se portaient par paires.
Certains tours de bras sont faits d'un lingot préparé en

godron se terminant tantôt en fuseau, tantôt en champi-

gnon. De larges anneaux d'oreilles, des rouelles, de petites


412 ORFÈVRERIE ANCIENNE.

chaînettes, des à chatons également en or, complè-


bagues
tent ces collections (fig. 256 et 257).
Tout cela reste et sévère dans son élégance et
grave
nous donne l'idée d'une civilisation riche et déjà raffinée.

se présente sous un tout autre


L'époque mérovingienne
L'or y devient rare. Il
aspect.

est, ainsi que l'argent, em-

ployé par couches minces qui


revêtent des pièces faites,

soit en terre, soit en un mas-

tic ou une composition dont

la nature nous échappe. Le

mauvais état dans lequel sont

256. — Anneau d'oreille en or ces pièces lorsqu'on les dé-


Fig.
(Musée de Saint-Gernain). ne
couvre, indique qu'elles
résistaient pas à l'usage. Elles sont presque toutes frois-

sées et détériorées. Cependant quelques-unes trahissent

encore les moyens perfectionnés qui


ont été employés pour les fabriquer.
Nous avons vu chez M. Frédéric Mo-

reau père, qui a bien voulu nous per-


mettre de visiter sa belle collection,

provenant de ses fouilles de Caranda,


Fig. 257. — Bagues à
de petites olives faites d'une feuille deux tètes de ser-
pent en argent mas-
d'or mince bourrée de mastic, qui gar- sif (Musée de Saint-
tour Germain).
daient encore les traces du sur

lequel elles avaient été arrondies. C'est aussi chez M. Mo-

reau que nous avons admiré, au milieu de plusieurs pièces

remarquables, des fibules franques dans la décoration des-

quelles le nielle est employé.


Le genre -d'ornementation qui nous a paru former un

des caractères saillants de l'époque mérovingienne, est un


GAULOIS, GALLO-ROMAINS^ MÉROVINGIENS. 413

travail qui offre une grande d'exécution avec la


analogie
mosaïque d'incrustations de pierres dans des alvéoles,
que nous avons eu l'occasion de chez les
remarquer Égyp-
tiens. Seulement le motif, au lieu de représenter un suiet,
est composé de pe-
tites figures géomé-

triques répétées et

enchevêtrées les unes


dans les autres. Il

procède le plus sou-

vent par bandes.

La seule pierre em-

ployée est le grenat,


Fig, 258. — Boucle de ceinturon en verre rouge
ou plus fréquemment jouant sur Paillon (Collection de M. Frédéric
Moreau père).
le verre rouge trans-

parent, posé sur un paillon gaufré (fig. 258 et 259). M.Mo-


reaua trouvé, dans ses fouilles, un glaive dont la garde offre
un spécimen de ce travail. La poignée
en est de fer et recouverte d'une feuille

d'or pelliculaire. Il existe, au Cabinet

des antiques, une arme à peu près sem-

blable, que le catalogue nous dit avoir

appartenu à un chef barbare. Mais le

type le plus remarquable en ce genre


est la belle épée de Chidéric Ior, expo-
Fig. 259. — Boucle d'o- sée dans la même salle. La poignée, re-
reille en grenats plats
(Musée de Saint-Ger- couverte comme les deux autres d'une
main).
feuille d'or mince, est ornée d'un pom-
meau et d'une garde en grenats incrustés à plat, dont les

dessins et la pureté d'exécution sont remarquables. Un

prolongement du même travail forme la garniture du

fourreau. Ce morceau offre le plus grand intérêt.


414 ORFÈVRERIE ANCIENNE.

nous montre la moitié d'une fort


Le musée de Cluny
boucle ornée de à plat et nous
jolie grenats
au musée de Saint-Germain, une
retrouvons,
fibule en bronze d'un dessin original et d'une

exécution très soignée, où sont figurés, par

le même divers motifs, entre autres


procédé,
un poisson dont les écailles sont indiquées par

les sertissures d'or. Le tour de cette belle pièce

sept fois cette tête d'oiseau au bec forte-


répète
ment recourbé,bec dont on retrou-

ve fréquemment le contour accen-

Fig. 260. — Fibule en bronze doré ornée Fig. 261 et 262.—Deux épingles à
de grenats plats (Musée de Saint-Ger- bec recourbé. Surmoulage (Mu-
main). sée de Saint-Germain).

tué dans d'autres objets delà même époque (fig.260 à262).


GAULOIS, GALLO-ROMAINS, MÉROVINGIENS. 415

Elle a été découverte à Jouy-le-Comte en même temps que


l'agrafe d'or représentant un animal et la
accroupi bague
à chaton (fig. 263 et 264),
Les fibules ainsi que les fermoirs de ceintures en bronze,
qui ont été retrouvés en grand nombre, révèlent l'é-
par
trangeté de leur dessin et le caractère de leurs formes,
l'introduction d'un élément nouveau dans l'histoire de no-
tre art national. C'est la première manifestation de la lutte
ou de l'accord, selon la manière dont on voudra l'envisager,
entre le génie septentrional et les traditions de l'antiquité.

Fig. 263. —Bijou d'or trouvé à Jouy- Fig. 264.—Bague trouvé à Jouy-le-
le-Comte (Musée de Saint-Germain). Comte (Musée de St-Germain).

Nous verrons plus tard les mêmes éléments se rencontrer


encore sur le même terrain et s'y marier de nouveau.

Bien que le style de ces boucles soit remarquable, la

fabrication ne laisse pas que de nous en paraître rudimen-

taire (fig. 265). Elles sont obtenues par le moulage. Quel-

ques-unes ont pu être retouchées ensuite au burin. Dans

les plus belles,, les tailles sont profondes et indiquent d'un

trait vigoureux le motif d'entrelacs qui couvre toute la

surface, sans laisser apercevoir le fond. Ces objets, verdis

par leur séjour dans la terre, ne se présentent pas sous

leur aspect réel (fig. 266). Le métal employé à leur fabri-

cation est un alliage presque blanc, très fusible, composé


de quatre parties de cuivre et d'une partie d'étain, à peu
416 ORFÈVRERIE ANCIENNE.

le bronze des cymbales et des tamtams, prenant un


près
très vif qui le fait ressembler à l'argent, mais avec
poli (1)
une tonalité plus chaude. Il est donc probable que ceux

qui en faisaient usage le

polissaient.
Mentionnons encore

d'autres plaques de très

grandes dimensions,
destinées sans doute

aux harnais des che-

vaux, dont le dessin,


fait de cloisons, pa-
raît avoir contenu, soit

Fig. 265. — Boucle de ceinture en Bronze Fig. 266. — Boucle de ceinture


(Collection de M. Frederick Moreau). en Bronze (Musée de St-Germain).

une pâte, soit une terre colorée en manière d'émail.

On trouve dans les sépultures mérovingiennes des bra-

(1) L'éclat de cet alliage, lorsqu'il est fraichement poli, correspond


assez à celui de Yairain étincelant, dont Homère se plait à revêtir ses
héros.
GAULOIS, GALLO-ROMAINS, MÉROVINGIENS. 417

celets et des en verres


bagues transparents, bleus, verts,
jaunes et bruns. Ces pièces sont façonnées, la matière est
•tordue et modelée (fig. 267 et les faites d'un
268), bagues
fil de verre contourné ont le plus souvent une
reçu petite

Fig. 267. — Bracelet en verre bleu foncé (Musée de Saint-Germain).

empreinte sur la goutte de verre écrasée qui leur sert de


chaton.

La pauvreté de la matière employée, pendant l'ère méro-

vingienne, fait un contraste frappant avec la richesse des

bijoux de l'époque gallo-romaine. La différence de l'une

Fig. 268. — Bracelet en verre vert pâle (Musée de Saint-Germain).

à l'autre est trop grande, la transition est trop tranchée

pour échapper à l'observation. Il semble que le trouble

dans lequel la grande invasion de 406 jeta les Gaules, fut

tel, que l'or se cacha, au moins pendant un temps. Les

nombreuses trouvailles faites d'objets précieux qui parais-


sent avoir été enfouis avec — on en a trouvé de
intention,

toutes sortes, trésors de temples, trésors d'orfèvres, trésors


27
418 ORFÈVRERIE ANCIENNE.

— rendent cette supposition vraisemblable.


particuliers,
est-il, qu'à cette date, lecaractère de l'ornemen-
Toujours
tation apportée par les Francs, et peut-être par les Saxons

et les Yisigoths, se substitua dans les Gaules à l'inspira-

tion romaine. Des formes nouvelles apparurent, qui eurent

certainement leur action dans le développement ultérieur

de notre génie propre. Les origines des objets trouvés à

même le sol ne paraissent pas encore toutes absolument

certaines, car les armes et les ornements des envahisseurs

ont dû souvent rester dans le pays envahi, mais de nou-

velles révélations nous attendent sans doute. Peut-être le

n'est-il pas très éloigné, où il sera possible d'écrire


jour
avec certitude l'histoire du développement des arts indus-

triels dans tous les pays.

— le christianisme se fut établi


Moyen Age. Lorsque
dans les Gaules, l'orfèvrerie religieuse prit une extension

considérable. L'or y fut employé avec une profusion sur-

prenante. Limoges devint en très peu de temps un centre

de fabrique, dont les produits ne tardèrent pas à être re-

cherchés, même à l'étranger. Les pièces qui s'exécutaient

à cette époque avaient des proportions et des poids énor-

mes. Les ornements et les vases à l'usage des évoques


étaient d'or massif. L'orfèvrerie était alors en grand hon-

neur, c'était une des industries dont s'enorgueillissait le

plus notre pays. Rien malheureusement ne nous en est

resté, si ce n'est le trésor de Gordon (Cabinet des antiques)


dont la fabrication, qui date du commencement du vc siè-

cle, tient encore trop à l'époque mérovingienne, pour


pouvoir nous donner une idée de ce qui se fit ensuite.

Lorsque saint Eloi apparut, il trouva donc le terrain


tout préparé. Son génie sut en tirer un fécond parti. Sous
LE MOYEN AGE. 419

sa direction, se fondent de nombreux ateliers où l'art de


travailler les métaux précieux et de tailler les se
pierres
perfectionne tous les jours. des émaux devient
L'emploi
général et usuel. La profusion avec l'or est em-
laquelle
ployé est étonnante. Les tombeaux de saint Martin et de
saint Denis sont couverts d'or, l'autel et les balustrades
dans la basilique de Saint-Denis sont en la
or, grande
croix derrière l'autel est en or pur et ornée de pierres pré-
cieuses, le tout d'un ouvrage remarquable et d'un travail
très délicat. Le faste religieux dont le grand Constantin a
donné l'exemple est partout suivi, particulièrement en

France, mais nulle part on ne pousse la perfection dans


le travail aussi loin que le sait faire l'habile orfèvre Éloi.
L'admiration qu'inspiraient ses travaux dura longtemps
après sa mort. La chronique intitulée Gesta Dagoberti, écrite
vers le milieu du ixe siècle, et dont l'auteur avait vu les ou-

vrages de saint Éloi, parle dans les termes les plus élogieux
de la délicatesse du travail de lapidaire et d'enchâsseur de

pierres, et dit qu'on cherchera en vain, pendant un grand


nombre d'années, un artiste qui puisse lui être comparé.

Nous retrouvons l'orfèvrerie plus en faveur encore, s'il

est possible, sous le règne de Charlemagne. On peut affir-

mer, qu'à cette époque, les ouvriers martelaient des quan-


tités et des volumes d'or tels, que le travail de nos chau-

dronniers modernes, ou celui des dinandiers belges, peut


seul en donner une idée. Les tables, les baldaquins d'au-

tel, les fonts baptismaux, les pupitres, les bassins, les

encensoirs, les aiguières, les patènes, les chandeliers, les

châsses, les crosses, se font en or. Charlemagne possède


trois tables et une d'or d'une grandeur et d'un
d'argent
On peut regretter qu'il ne soit venu
poids remarquables.
420 ORFÈVRERIE ANCIENNE.

nous que peu de renseignements sur la valeur ar-


jusqu'à

tistique de ces objets.


Le grand empereur paraît avoir emporté dans sa tombe

cet art et cette magnificence. Après lui tout rentre dans

l'obscurité. La main-d'oeuvre se perd, les orfèvres ne tra-

vaillent plus que l'argent et même le cuivre et l'étain.

Vers la fin du xic siècle, ils ne sont pas bien fortunés en-

core, car Jean de Garlande rapporte que quelques-uns


s'en vont, par les rues de Paris, criant : « Faites raccom-

moder vos avec du fil de laiton et d'argent. » L'art


hanaps
de l'émailleur, que saint Éloi avait importé à Paris, y
est oublié, bien qu'il soit encore florissant à Limoges. Il

devient à cette époque complètement distinct de celui de

l'orfèvre. Au xnc siècle, l'orfèvrerie religieuse seule se

tient encore avec quelque éclat. Elle quitte le style roman

pour le style gothique, martèle des flèches élancées, cisèle

et fouille des chicorées sur les châsses, les reliquaires et

les ostensoirs.

La prodigalité du duc d'Orléans et la magnificence des

ducs de Bourgogne remirent, au xive siècle, l'orfèvrerie en

honneur. Les dames prirent la mode des ceintures, des

chapels et des carcans en or, on couvrit les habits d'or et

de pierreries. On fabriqua des hanaps, des flacons, des

reliquaires en or, garnis de pierres précieuses. Le luxe

atteignit un développement inouï, tous les petits ouvra-

ges d'orfèvrerie furent couverts d'images en relief et

émaillées. C'est alors qu'apparût la mode des tableaux

d'or; ces tableaux représentaient presque toujours des

mystères ou des images de saints. Ils étaient souvent

rehaussés d'émaux, de perles et de pierreries. La plupart


de ces objets ne se fabriquaient pas en France, ils venaient
LE MOYEN AGE. 421

surtout des Flandres. La ville de Gand était alors célèbre

par sa belle orfèvrerie. Les Belges forgeaient et ciselaient


mieux que partout ailleurs, ils niellaient, ils gravaient
comme à Florence et à Venise, ils émaillaient comme à

Limoges, ils montaient les pierres comme à Paris. Mais

peu de ces pièces sont venues jusqu'à nous.

A cette époque, se produit un fait dont l'influence fut

considérable sur l'industrie qui nous occupe. Le diamant

était connu depuis les temps les plus reculés, mais on

ignorait en Europe l'art de le tailler de façon à lui donner

tout son éclat. Cette découverte, faite en 1476, et les per-


fectionnements successifs qu'elle reçut, firent rechercher

le diamant, qui jusque-là était, le plus souvent, resté

sans emploi.
Pendant tout le cours duxve siècle, l'orfèvrerie française
fut loin de prospérer. Les temps malheureux sont peu fa-

vorables à l'expansion des arts et des industries de luxe.

C'est à cette époque que la vaisselle d'or disparut pour


être remplacée par la vaisselle d'argent. Ce fait par lui-

même est important, non seulement si on l'examine au

point de vue professionnel; mais encore si, cherchant à

voir de plus haut, on veut bien se rendre compte qu'il


était logiquement nécessaire, et qu'il est une conséquence
naturelle de l'histoire de la civilisation.

Nous avons vu, aux époques préhistoriques, l'or servant

aux usages les plus vulgaires et n'ayant d'autre valeur que


celle attribuée aux services qu'il rendait. Plus tard nous

l'avons vu employé dans les arts de luxe conjointement


avec l'étain. A mesure que l'homme augmente les con-

quêtes qu'il fait sur la nature, il modifie leur classifica-

tion. La connaissance d'un plus grand nombre d'éléments

lui fait assigner, par la comparaison, une place plus ra-


422 ORFÈVRERIE ANCIENNE.

tionnelle à chacun d'eux. L'or, d'auxiliaire utile qu'il a pu

être d'abord, était destiné, par ses caractères, à devenir tôt

ou tard l'élément essentiel du luxe. Tous les autres mé-

taux peuvent le suppléer p.our l'usage, aucun ne peut l'é-

galer pour la richesse. L'argent devra, à un jour donné,


le remplacer dans la grande orfèvrerie, et l'emploi s'en

restreindra naturellement à la bijouterie seule, à mesure

que la consommation de celle-ci deviendra plus générale.


Il est probable qu'on ferait actuellement une table d'or

plus pesante que celle qui a appartenu à Charlemagne, el

un autel plus volumineux crue celui qui orna la basilique


de Saint-Denis, en réunissant, en un seul lingot, rien que
ceux des bijoux portés en France dont la valeur n'excède

pas la somme de cent francs.

Renaissance. — L'orfèvrerie sortit enfin de


française
la torpeur passagère clans laquelle elle était plongée, pour

participer avec éclat à ce merveilleux élan artistique qui


prit le nom de Renaissance, et auquel Louis XII d'abord,

puis François Ier, sous l'influence du cardinal d'Amboise,

grand amateur de beaux-arts, contribuèrent si puissam-


ment. Lorsque le cardinal de Ferrare présenta Benvenuto
Cellini au roi chevalier, en 1540, l'évolution était déjà
commencée en France. Nos orfèvres, entraînés parle mou-
vement parti de l'Italie, changeaient leur manière, délais-
saient le style gothique et ses raideurs, et cherchaient des

compositions dont l'art antique fournissait les matériaux


et les sujets (fig. 269 et 270). L'allégorie et la mythologie
étaient en grand honneur. Les saints furent délaissés au

profit des dieux. L'influence de Cellini, soutenu par la


faveur royale, contribua puissamment à développer et à
asseoir ces tendances.
LA RENAISSANCE. 423

Les quelques pièces qui restent de cette époque sont

pour la plupart merveilleuses. Il est certain la


que jamais

Fig. 269. — Pendant par Benvenuto Cellini (Musée de Florence).

finesse d'exécution des sujets ciselés et émaillés n'a été

poussée aussi loin. Il faut voir au Cabinet des antiques le

petit cadre, n° 189, qui sert de monture àun camée repré-


42^ ORFÈVRERIE ANCIENNE.

sentant quatre pro-

fils d'empereurs ro-

mains 271). Le
(fig.

sujet qui couronne

la composition est

une Renommée en-

tre deux captifs en-

chaînés. Une tête de

bouc, des lions et

des trophées com-

plètent l'ensemble.

Len° 2721 est éga-


lement très curieux.

C'est une bataille

exécutée dans un

ovale de 45 millimè-

tres sur 50. Comme


Fig. 270. — Pendant par Benvenuto Cellini
dans l'autre les pe-
(Musée de Florence).
tits personnages
sont émaillés.Il faut

admirer l'exécution

extraordinaire de ces

deux morceaux. Le

modelé des sujets


est surprenant. Les

muscles sont sail-

lants, les attaches

sont fines, les bar-

bes et les cheveux

sont indiqués sans


Fig. 271. — Monture de camée attribuée à Benve
nuto Cellini (n° 189, Cabinet des Antiques). les
mesquinerie,

profils sont élégants. Ces travaux quasi microscopiques sont,


LA RENAISSANCE. 425

on pourrait le dire, grands dans l'exécution. L'habile pré-

voyance dont il a fallu faire preuve, lorsqu'on a préparé


l'or destiné à recevoir l'émail, l'art qu'il a fallu déployer
ensuite pour poser cet émail, sans empâter le modelé et

en l'accentuant au contraire davantage, ne sauraient

échapper à ceux qui connaissent la matière et ses diffi-


cultés. On est cependant en

droit de supposer que les

pièces aussi parfaites que


celles que nous venons de

citer étaient peu commu-

nes.

Ces plaquettes s'appelaient


alors des enseignes. Les hom-

mes les portaient à leur cha-

peau, les femmes dans leurs

coiffures. Quelques-unes af-

fectaient la forme d'un petit

temple (voir le n° 79 au Ca-

binet des antiques), d'autres

étaient simplement en or re-

percé et ciselé (voir le n°

2093). Elles se composaient


souvent de cuirs roulés, or-

nés de quelques pierres, re- 272. — Pendant no D. 819, au


Fig.
Musée du Louvre.
couverts ou entremêlés de

groupes de fleurs et de fruits très finement ciselés et

émaillés.

La pièce n^D. 819 (fig. 272), au musée du Louvre, est

excessivement curieuse. Dans un cadre d'entrelacs agré-


mentés de fleurs émaillées, s'avance un cheval portant un

cavalier en justaucorps vert, en haut chapeau à plumes,


426 ORFÈVRERIE ANCIENNE.

un faucon sur le avec une dame en croupe. Les


poing,
costumes du de Charles IX ne laissent pas de doute
temps
sur la date de la fabrication de cet objet.
La Renaissance nous a laissé des chefs-d'oeuvre en pe-

tite orfèvrerie d'or, entre autres les coupes en agates

orientales montées en or, émaillées et enrichies de rubis

et de perles les nos E. 45, 46, 47, 48 et 49. Le pied de


portant

Fig. i'73.— Anses et col du Yase ; n° E. 231 au Musée


du Louvre.

la coupe n° 47 nous montre ce chaton carré muni d'une

griffe à chaque angle, qui fut un des caractères du bijou


de cette époque. Le n° 45 nous semble un premier essai

du genre d'émail qui va se développer et devenir un type


usuel au xvnc siècle. Ce sont des émaux de couleurs va-

riées, blancs, bleus, verts et rouges, posés dans des champs,


ramageant ensemble et entremêlés à plat en guirlande de

feuillages et en enlacements.

Le n° E, 231, vase en jaspe oriental, monture d'or

émaillé, est attribué à Benvenuto. S'il n'est pas de lui, il


LA RENAISSANCE. 427

est certainement d'un grand artiste (fig. 273). Les animaux

chimériques qui forment les anses recourbées ont un ca-


ractère remarquable. La couleur, en parfaite harmonie avec
la sévérité et la singularité de la forme, produit un effet à

la fois riche et discret qu'il faut prendre comme exemple.


La ciselure et l'émail des petites sirènes et du reste de l'or-

nementation sont irréprochables. Enfin, pour terminer,


nous ne pouvons nous empêcher de citer encore la coupe
n°E, 112, en cristal de roche, anse et monture d'or émaillé.

Nous ne connaissons rien de plus élégamment coquet.


Benvenuto prend la peine do nous éclairer lui-même,
dans son Traité de l'orfèvrerie, sur l'état dans lequel il a

trouvé cette industrie, lors de son arrivée en France. Il

nous dit qu'à Paris on faisait mieux que partout ailleurs

la grosserie, c'est-à-dire l'orfèvrerie d'église, la vaisselle

de table et les figures d'argent, et crue ces pièces étaient

fabriquées au marteau, avec une perfection qu'on n'éga-


lait dans aucun pays. Cette perfection, nous avons vrai-

semblablement dû la conserver. Il est certain qu'elle se

continua sous les Valois , car Germain Pilon et Jean Gou-

jon fournirent à l'orfèvrerie des motifs et des dessins, ce

n'eussent pas fait, si l'exécution n'eût pas répondu


qu'ils
à leur attente. Ces grands hommes dirigèrent l'orfèvrerie

dans le sens de leur propre génie et de leurs tendances

c'est-à-dire vers le goût de l'antique. Ils


personnelles,
continuaient en cela les traditions de l'École italienne qui

sous Charles IX et Henri III se maintinrent en faveur.

Mais bientôt cette direction fut contre-balancée. Ce fut un

Etienne Delaulne, qui, venu de Strasbourg, où il


Français,
avait résidé, apportait chez nous les idées de l'art
longtemps
allemand 274). Son action fut énorme. Pendant quinze
(fig.
ou années, les orfèvres et les joailliers de Paris pui-
vingt
428 ORFÈVRERIE ANCIENNE.

sèrent dans ses compositions les éléments décoratifs dont

ils couvraient leurs ouvrages. Notre orfèvrerie, placée sous

ces influences successives, s'enrichissait des idées nouvel-

les que chaque école lui fournissait. Elle fut pendant tout le

xvie siècle en pleine prospérité à Paris et dans toute la

France. La seule ville de Rouen comptait deux cent soixante-

cinq maîtres orfèvres ayant droit démarque. Mais les beaux

ouvrages d'orfèvrerie de table que le xviu siècle a produits

Fig. 274. — Monture de Camée (Cabinet des Antiques).

en si grande abondance n'existent plus depuis longtemps.


Il est heureux que l'armure de Charles IX, conservée au
musée du Louvre, soit encore là, comme pour attester
l'habileté des ouvriers de cette époque. Ce et ce
casque
bouclier en or repoussé, ciselé, émaillé et orné d'émaux

cloisonnés, nous en donnent la plus haute idée, et nous

permettent de juger, par analogie, de ce que devaient être


leurs autres travaux.
La Renaissance fut une époque de rare mesure dans les
choses du goût. On pourrait des
l'appeler l'époque pro-
portions justes. Il n'est donc extraordinaire
pas qu'elle
LA RENAISSANCE. 429

soit la plus élégante, car l'élégance réside sûrement dans

la justesse des proportions.


Elle nous offre la richesse en sachant éviter la lourdeur,

la simplicité en gardant l'esprit, la grandeur sans tom-

ber dans le démesuré, le fin détail sans devenir mièvre.

Elle sait unir la douceur des contours à la fermeté de

la ligne, et fondre l'éclat des couleurs dans une sobriété

harmonieuse. Nous ad-

mirons sans réserve les

belles choses qu'elle


nous a laissées, et nous

croyons qu'on ne pour-


ra jamais faire mieux.

L'orfèvrerie alle-

mande n'avait pas suivi

le mouvement qui en-

traînait le Midi vers

l'art Elle en était


grec
restée à la représenta-
tion de scènes et de

personnages empruntés
à l'histoire religieuse. Fig. 275. — Pendant du XVIIe Siècle (École
allemande. Musée de Dresde).
La pendeloque n° D,

773, au musée du Louvre, en émail à froid sur cuivre

doré, représentant saint Georges et exécutée vers la

fin du xvie siècle, nous fournit un type de cette fabri-

cation, qui n'était, du reste, pas absolument délais-

sée chez nous. Le musée de Dresde possède des pendelo-

et des enseignes très intéressantes du xvne siècle.


ques
Nous citerons un David se préparant à combattre Goliath

Sur un terrasson dont le contour est cerné par une


(fig. 275).
430 ORFEVRERIE ANCIENNE.

de rubis, se tient le géant armé de pied en cap. Son


ligne
armure (cuirasse, genouillères, brassards) est faite de dia-

mants taillés, tantôt en tables, tantôt en tête de clou, selon

le besoin. Un rubis orne son bouclier, qui, ainsi que le

portique devant lequel il se tient, est fait de ces cuirs (1)


étirés en grande faveur

à cette époque et dans

cette école. A gauche,


David ; à droite, un

guerrier et son cheval.

Un autre pendant

représente la Foi. Sa

robe est couverte de

pierreries qui, posées


sans raison, n'arrivent

qu'à en gâter l'aspect.


Elle tient une croix

faite de petits diamants

Fig. 276. — Pendant Monogramme rapprochés. Quelque-


(Musée de Dresde). fois le centre de ces

petits tableaux est occupé par un monogramme avec ou

sans couronne (fig. 276). Les lettres qui composent ces

(1) Les ornements appelés cuirs tirent leur origine de l'usage qui
avait existé de dessiner et de peindre les cartouches d'armoiries sur
une peau de bête. Ces peaux, exposées au soleil et aux intempéries,
se gondolaient et se roulaient sur elles-mêmes, surtout dans leurs
parties les plus isolées, comme pattes la tête,
et la queue.les Ce
principe d'ornementation fut donc, comme tous les autres, suggéré à
l'homme par la nature. Il n'est pas difficile de retrouver dans les pre-
mières compositions de ce genre, qui gardaient encore une sorte de
simplicité, les indications que nous venons de donner. L'imagination
des artistes s'empara ensuite de cet élément décoratif et le développa
en cent manières, lui faisant subir des modifications successives qui
l'ont emporté bien loin de son point de départ.
LA RENAISSANCE. 431

monogrammes sont, ainsi que la croix dont nous venons


de parler, exécutées en diamants table juxtaposés, tendance
très nettement accentuée vers le travail qui prendra plus
tard le nom de joaillerie. Citons encore une pendeloque
dont le sujet est le jugement de Paris. Ce poème en mi-
niature contient, outre les trois déesses et l'heureux ber-
ger, un petit Cupidon sur le
accroupi devant, Mercure,
qui paraît aider Vénus de ses sages conseils, et le paon
de Junon. Le cadre est formé de chatons faisant
carrés,
le centre de fleurs de fantaisie rehaussées d'émail.et reliées
entre elles par un ovale auquel se rattache le terrasson.
Rien n'est plus amu-

sant à examiner que tou-

tes ces petites scènes

composées avec tant .de


bonne foi et de sincérité.

Tantôt elles se passent


sur une nef, tantôt sous

un pavois, le plus sou-

vent devant un portique


Fig. 277. — Type d'Émaux à plat.
ou dans un berceau sou-

tenu par des colonnettes enguirlandées, ou bien encore au

milieu des cuirs déchiquetés et émaciés de la Renaissance

allemande. Mais toujours le cadre, quel qu'il soit, et

souvent le sujet, sont ornés de pierreries disposées sans

autre raison appréciable que le désir d'enrichir l'objet.


A mesure que nous avançons dans le xvne siècle, ce type

si curieux disparaît pour faire place aux fleurs (fig.277).Sous


Henri IV on commence à champlever des guirlandes qu'on
émaillé ensuite et qu'on polit à plat avec l'or. Puis, petit
à petit, l'émail se modèle, les fleurs prennent du relief,
tandis que les entrelacs bleus restent à plat clans les fonds.
432 ORFÈVRERIE ANCIENNE.

Le Cabinet des antiques possède un grand nombre de mon-

tures en ce genre, où les verts, les blancs teintés, les rouges


et les bleus sont agréablement mariés (fig. 278). Le goût de

cette ornementation se continuera en se perfectionnant,


et plus tard on fera disparaître tout à fait le fond d'or, la

guirlande de fleurs émaillées sera découpée à jour. La

monture du camée représentant Louis XV jeune, au Cabi-

net des antiques, est un

joli spécimen de ce genre


de travail.

Il faut voir aussi, pour


juger de la perfection
avec laquelle les artistes
de ce temps posaient leur

émail, la pièce n° D, 886,


au musée du Louvre. C'est
un médaillon ovale cou-

vert d'un bouquet de


fleurs resté blanc. Cet ob-

jet semble inachevé. On

Fig. 27S. — Type d'émaux modelés est porté à croire qu'on


en Relief.
a négligé à dessein de
le colorier, afin de laisser toute sa valeur au modelé si
remarquable de l'émail.

XVIIe et XVIIIe Siècle. —Les orfèvres du xvmesiècle


ont continué cette fabrication de buires et de coupes cou-
vertes de sujets ciselés et émaillés, qu'avait inaugurée la
Renaissance, mais, le dirons-nous? avec moins de bonheur.
Au xvne, on rencontre encore des morceaux très fins et
très mignons, témoin les n°
pièces E, 258,.et E, 262, au
musée du Louvre, qui sont de merveilles
petites de grâce
LES XVIIe ET XVIII 0
SIÈCLES. 433

et de légèreté; mais, à mesure qu'on avance vers le grand


siècle, l'allure devient pompeuse, chargée, parfois lourde,
et, quoique les ouvriers fassent preuve encore des mêmes

qualités dans l'exécution, le dessin, la composition lais-

sent à désirer et ne nous satisfont plus autant. L'équilibre


dans les formes, l'harmonie dans la coloration, ne sont

plus aussi bien observés. Cependant, nous admirons encore

la pièce dite la nacelle n° E, 242.

De l'orfèvrerie d'argent, que pouvons-nous dire? Il n'en

reste plus une pièce. Tout a été détruit en 1688, et, n'é-

taient les dessins de Pierre Germain, et les descriptions

qui nous ont été transmises, nous ne pourrions nous en

faire aucune idée. La splendeur du grand règne devait

rayonner sur cet art, dont il ne pouvait se passer, et qui lui

fournissait de si merveilleux appoints de mise en scène.

Aussi, placée sous l'impulsion féconde de, Ch. Lebrun,

confiée aux mains habiles de grands artistes, la fabrication

de la vaisselle d'argent atteignit-elle alors le dernier point


de la perfection. Revêtue d'un grand caractère, riche plus
encore par l'ampleur des formes et le choix des sujets que

par le métal employé, elle est inséparable de cette époque


fastueuse dont on ne saurait, sans elle, reconstituer en

entier apparat. Le récit de la Gazette de


l'imposant
France sur la visite que fit Louis XIV, le 15 octobre 1667,

aux Gobelins, où il avait logé ses orfèvres, peut en donner

une idée.

« La cour était tendue des superbes tapisseries


grande
« avec un buffet de neuf toises de long
qui s'y fabriquent,
a et élevé de douze sur lesquels étaient disposés,
degrés,
« d'une manière aussi ingénieuse que magnifique, les

« riches d'orfèvrerie qui se font dans ce même


ouvrages
» lieu. Ce buffet était composé de vingt-quatre grands
28
434 ORFÈVRERIE ANCIENNE.

« bassins, chacun avec son vase, d'autant de brancards

« pour les de deux cuvettes, chacune de cinq à six


portes,
« pieds de de guéridons, de
diamètre, quatre grands
« vingt-quatre vases à mettre des orangers et de plusieurs

« autres le tout d'argent ciselé, mais d'un travail


pièces,
(( qui encore le de la matière, quoique du
passait prix
« poids de de mille marcs. »
plus vingt-cinq
Il semble, du reste, que tout dût concourir à satisfaire

les tendances fastueuses d'alors, car c'est vers cette épo-


les joailliers commencèrent à fabriquer des
que que
entièrement couvertes de brillants juxtaposés, sans
pièces
l'or ni l'argent fussent apparents nulle part.
que
Les femmes se mirent à porter au corsage des noeuds,

des entrelacs, dans les cheveux des aigrettes à tiges mou-

vantes tout en brillants. Les ouvrages en joaillerie ne pré-


sentèrent plus aux yeux éblouis que des flots de diamants,
des ruissellements étincelants, et le plus gros de tous ces

flots, qui contournait de blanches épaules, fut appelé


rivière.

L'introduction de cette nouvelle mode peut être attri-

buée autant à la quantité de pierreries qui fut importée


en Europe par Tavernier en 1668 et par Chardin en 1670

et 1677, qu'aux exigences du luxe de la toilette, qui allait

toujours croissant, et à l'imagination des joailliers.

Toujours est-il qu'elle fut la cause déterminante d'un


notable changement dans les idées qui, jusqu'alors, avaient

dirigé nos artistes.

Jusqu'à ce jour, la pierre avait été considérée eux


par
comme un accessoire obligé de la parure, mais non comme
son objet principal. En effet, ils modelaient, ils ciselaient,
ils fouillaient leurs compositions et les ornaient ensuite,
plus ou moins heureusement, de pierreries dans certaines
LES. XVIIe ET XVIIIe SIÈCLES. 435

parties, mais sans jamais sacrifier, le motif, soit dans ses

plans, soit dans ses contours. Ils appliquaient à leurs ou-

vrages les procédés de la sculpture, ils en combinaient

avec art les reliefs, et savaient mettre en valeur les

parties intéressantes en sacrifiant les autres. Le nouveau

mode d'emploi du diamant vint déjouer toute cette science.

Les surfaces alourdies par l'amas des pierres perdaient


leur modelé, les finesses devenaient inexécutables. Les

propriétés mêmes du diamant, cette faculté qu'il possède

Fig. 972. — Noeud en Joaillerie, par Gilles l'Égaré.

de refléter la lumière avec une intensité telle qu'il sup-

prime et confond tous les plans superposés, offraient un

écueil insurmontable. Il fallut créer un art nouveau. Ils

le firent avec succès. L'impossibilité d'obtenir un bon ré-

sultat la superposition des motifs leur fit rechercher


par
des compositions tirant leur effet principal de la décou-

pure extérieure (fig. 279). Ils trouvèrent d'élégantes

silhouettes, dont les quelques dessins qui nous restent de

Gilles l'Égaré peuvent nous donner une idée. Sans aban-


4oo ORFEVRERIE ANCIENNE.

donner absolument le modelé, ils le traitèrent d'une façon

moins accentuée et se contentèrent de don-


beaucoup
ner à leurs des ondulations douces, leur laissant
ouvrages
une sorte de repos qui en fit le caractère.

Cette tradition fut continuée pendant le xvuie siècle.

Nous le voyons par les dessins d'Augustin Duflos, qui fit la

couronne pour le sacre du roi Louis XV en 1722. Le recueil

nous a laissé, et qui est à peu près le seul que nous


qu'il

Fig. 280. — Aigrette, par Augustin Duflos.

possédions, contient quelques compositions intéressantes,


entre autres une aigrette simulant des plumes (fig. 280),
un joli noeud fait d'un ruban de fleurs à jour avec des pen-
dants frangés, et un corsage tout en fleurs, en feuillages
et en rubans (fig. 281). Dans une sorte d'avant-propos,
le regret qu'il exprime que la mode des pierres de couleur

mêlées aux diamants soit passée (fig. 282), nous indique


clairement que leur emploi avait été un des caractères dis-
LES XVIIe ET XVIIIe SIÈCLES. 437

tinctifs de la joaillerie sous le règne de Louis XIV (fig. 283).

Fig. 281. — Noeud, par Augustin Duflos.

Fig. 282. — Type de Joaillerie aux xvne et XVIII0 Siècles.

Les bijoux à pendeloques eurent aussi une grande vogue


à cette époque (fig. 284).
438 ORFÈVRERIE ANCIENNE.

au Cabinet des nos 333 et 351, deux


Il existe antiques,
à Mmc de Pompadour, dont l'exé-
fermoirs ayant appartenu
cution est admirablement Ce sont des entou-
soignée.

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rages de camées. Ils sont faits d'émeraudes taillées de ma-

nière à simuler un ruban froncé, resserré de distance en

distance par des liens en petites roses. Ces liens sont les

extrémités prolongées du noeud qui orne le sommet de la

composition.
LES XVIIe ET XVIIIe SIÈCLES. 439

La date de 1688, ainsi nous l'avons dit


que plus haut,
avait été fatale à la grande orfèvrerie La nécessité
d'argent.
de parer aux frais de guerre avait fait fondre tout ce qu'il
en existait, Les pertes qui résultèrent de l'anéantissement
de façons considérables, aussi bien les édits
que somp-
tuaires qui furent alors mis en vigueur, en firent disparaître
le goût et l'habitude.

Cette industrie,
cruellement attein-

te, chercha cepen-


dant à se relever au

commencement du
xvme siècle, et, sui-

vant la mode qui


dominait alors, elle

introduisit le goût
de la rocaille dans

ses ouvrages. Le re-

cueil, Orfèvrerie du

XVII 1, coté le 39,


à la Bibliothèque ,
renferme quelques Fig. 284. — Bijou à Pendeloque.
Perles et Brillants (xvme Siècle).
dessins assez cu-

rieux en ce genre. Les soupières et les légumiers à côtes

tourmentées et étreintes par des coquilles fantastiques, ont

pour anses et pour boutons des têtes de choux-fleurs,

des écrevisses, des céleris, des fruits, des branches de

chêne, etc. Ce goût contourné avait cependant bien son

originalité, et, parmi les bizarres conceptions auxquelles il

a donné naissance, on rencontre parfois des formes plus

assagies, dont la molle élégance ne manque pas de charme.

La bijouterie suivit de loin la même voie. Bientôt l'émail


440 ORFÈVRERIE ANCIENNE.

disparut pour faire place à la ciselure. Les châtelaines,


les ménagères, les chaînes en tout or, devinrent à la mode.

Aux entrelacs, aux enchevêtrements de fleurs qu'on dé-

laisse, succèdent des compositions dans le style rococo,


entremêlées d'attributs de bergerie (fig. 285 à 288).

Un peu plus tard, lorsque la grande orfèvrerie paraît


avoir été abandonnée, la bijouterie et la joaillerie ne ces-

Fig. 285. — Tabatière en or ciselé, Époque Louis XV.

sèrent de produire des ouvrages fins et précieux. Les ta-


batières , les boîtes de senteur, les bonbonnières et les

cassolettes, devinrent en grande faveur. Les ciseleurs et


les graveurs purent tout à leur aise donner cours à leurs

jolies fantaisies, sur des surfaces encore assez étendues

pour leur laisser du champ. Ils en profitèrent pour attein-


dre à la perfection et pour produire des merveilles. L'art
de l'émailleur redevint en faveur (fig. 289). Les émaux

transparents, jouant sur les moires du guilloché, furent


En Or ciselé.
Fig. 268.
Châtelaine. Époque Louis XV,
442 ORFEVRERIE ANCIENNE.

heureusement mariés aux ors de couleur ciselés. On intro-

duisit dans le bijou l'emploi du verre bleu, dont le voisi-

nage faisait ressortir agréablement les demi-perles, les

perles et les roses qui les rehaussaient.

Le goût des bagues, des boutons, des boucles de

Fig. 287 et 288. — Tabatière. — Époque Louis XV.

souliers, des étuis, des entourages de portraits et de tous


les mignons objets fut alors poussé très loin. Les hom-
mes et les femmes en étaient couverts, ils en avaient

jusque dans leurs poches (fig. 290). Ces types de bijou-


terie qu'a fournis la seconde moitié du xviue siècle, grâce
LES XVIIe ET XVIIIe SIÈCLES. 443

au charme qui a présidé à leur invention et à la finesse

précieuse de leur exécution, sont restés absolument carac-

téristiques et inséparables de l'époque


qui les a vus naître. On les en-
appelle
core les bijoux Louis XVI. Lempereur
et Chéret furent les deux plus célèbres

bijoutiers-joailliers de ce règne.
C'est vers la même époque que prend

Fig. 289. — Carnet. — Époque Louis XVI Fig. 290. — Étui en émail
(Collection du Louvre). bleu, Époque Louis XVI
(Collection du Louvre).

naissance le bijou en acier poli, que se propage le plaqué,


que sont tentés les premiers essais, essais grossiers, de

bijouterie en doublé d'or et d'argent, qu'apparaît le strass,


444 ORFÈVRERIE ANCIENNE.

et les fabricants en imitation, qu'on appelle alors


que
deviennent assez nombreux pour
bijoutiers-faussetiers,
former une corporation à part.

Nous avons voir, les traits de cette esquisse ra-


pu par

pide, combien les troublées sont peu favorables à


époques
des industries nous étudions. La fin du
l'expansion que
dernier siècle leur fut tellement fatale, qu'un instant il

put sembler qu'elles étaient anéanties.

Elles laissaient en disparaissant de grands souvenirs.

Si, comme nous le pensons, l'orfèvrerie, déjà florissante

aux époques héroïques des différents peuples du monde,


est le plus ancien de tous les arts d'ouvrer le métal, ceux

qui l'exercèrent surent aussi comprendre et appliquer les

principes de la fraternité.

Dès l'année 1400, la communauté des orfèvres fondait, rue

des Deux-Portes, un hôpital pour recevoir les compagnons


orfèvres de Paris, affaiblis par la vieillesse et dépourvus de

moyens de subsistance. Cet hôpital, devenu trop petit, fut

agrandi par l'acquisition d'un nouvel immeuble adjacent


au premier et faisant le coin de la rue Jean-Lointier. Il

fut augmenté successivement et subsista fort longtemps.


Il existait encore au xvne siècle.

La corporation des orfèvres, non seulement logeait des

ménages pauvres, mais distribuait en outre des aumô-

nes extraordinaires dans les hivers rigoureux, et offrait


des secours et des logements gratuits aux orfèvres étran-

gers en passage à Paris.

Paul Lacroix (1), auquel nous avons fait de nombreux

emprunts et spécialement celui-ci, ajoute que le corps des


orfèvres était le plus généreux, quoiqu'il ne fût ni le plus

(1) Histoire de Torfèvrerie, par PAUL LACROIX, p. 68.


LES XVIIe ET XVIIIe SIÈCLES. 445

riche, ni le plus privilégié. Les liens étroits l'unis-


qui
saient à l'art pur, joints à ce sentiment de en
générosité,
firent les fondateurs de la collection de tableaux
première
qui existât dans la capitale, et qui commença une série
par
de dons successifs faits à la cathédrale. Il n'y avait à Paris
au xvnc siècle, nous apprend le même d'autre musée
auteur,
public que "celui de Notre-Dame, dû à la munificence des
orfèvres et à leur zèle les arts. Plusieurs
intelligent pour
de ces toiles, oeuvres des plus célèbres artistes de toutes
les époques, sont entrées dans les du
depuis galeries
Louvre.

Le caractère honnête et sincèrement droit de la nation

française devait aussi rencontrer des interprètes fidèles et


convaincus dans les orfèvres. De tout temps, le titre de
l'or qu'ils employaient fut garanti par les soins
propres
de la corporation. Nous devons ajouter que cet or fut tou-

jours plus élevé qu'en aucun pays du monde et que la


dénomination d'or français, employée de nos jours dans le
monde entier pour désigner un métal de bon aloi, ne date

pas d'hier (1). Cette locution est aussi vieille que l'orfèvrerie

française elle-même, tandis que les fabriques étrangères,


surtout allemandes et italiennes, ont toléré de tout temps
et même recommandé des alliages que celles de France

regardaient comme des fraudes.

(1) Nul orfèvre ne peut, à Paris, travailler l'or qui ne soit à l'étalon
de Paris ou meilleur, lequel étalon surpasse tous les ors qu'on travaille
dans tous les pays du monde. (Extrait des règlements en usage parmi
les maîtres-orfèvres dès avant le xme siècle, recueillis et rédigés par
Etienne Boileau, titre XI du Livre des métiers.) —Le règlement donné
aux orfèvres de Gand, en 1338, par Jacques Arteveld, porte que les
pièces d'orfèvrerie seront en or à la touche de Paris.
446 ORFÈVRERIE MODERNE.

DEUXIÈME SECTION

ORFÈVRERIE MODERNE

Première Moitié du XIXe Siècle. — Les premières


tentatives de résurrection qui se manifestèrent au com-

mencement du xixe siècle furent toutes faites dans le sen-

timent pseudo-grec alors à la mode. C'est d'après les

dessins de Percier et de Fontaine qu'Odiot le père exécuta

ses pièces d'orfèvrerie. Un peu plus tard Fauconnier, cher-

cheur infatigable, s'appliqua à substituer aux formes de

convention les modèles pris dans la nature. Il fut secondé

par Wagner, qui remit en faveur les travaux de repoussé.


Enfin Froment Maurice le père, s'inspirant directement
des chefs-d'oeuvre du moyen âge et de la Renaissance,

prit une part considérable au mouvement de renouveau

qui se produisait. Mais les commencements furent un peu


hésitants, l'étude n'avait pas encore mis en lumière les
caractères réels de ces deux époques. Ce n'est guère que
vers la moitié du siècle que nos artistes entrèrent en

pleine possession de ces éléments si féconds.

Une découverte qui devait porter un coup fatal à l'orfè-


vrerie d'argent, bien qu'elle ne parût d'abord menacer
PREMIÈRE MOITIÉ DU XIXe SIÈCLE. 447

que l'industrie du plaqué, fut faite vers l'année 1840. Nous


voulons parler de l'argenture par les procédés électro-

chimiques. La possibilité de fabriquer à bon marché de


beaux services de table en alliage de cuivre fit
argenté
surgir une clientèle plus nombreuse, il est vrai, ruais., en
même temps, détourna une partie de celle qui avait l'ha-
bitude de se fournir en orfèvrerie d'argent. Ici se place
tout naturellement une observation au sujet de notre ap-
pellation professionnelle.
La dénomination & orfèvre, qui tire son étyniologie de la
matière employée et qui, logiquement, ne devrait être

appliquée qu'aux ouvriers travaillant l'or, après avoir une

première fois été détournée de sa véritable signification,


en servant à désigner ceux qui travaillaient l'argent, de-

vient aussi maintenant le nom de ceux qui emploient le

cuivre ou des alliages équivalents (dès longtemps l'orfè-

vrerie religieuse ne se fabrique plus qu'en cuivre). De

sorte que ce mot, détourné de son sens étymologique, est

employé maintenant pour désigner celui qui fabrique la

vaisselle et autres gros objets, qu'ils soient en argent ou

en cuivre.

Presque au moment où Ruolz et Elkington faisaient leur

précieuse découverte, un autre inventeur, Allard, trouvait

les procédés de laminage et d'impression au rouleau, pour


la fabrication des couverts qui autrefois- se faisaient à la

main, et seulement, depuis 1827, au balancier. La coïnci-

dence de ces deux événements industriels permit de livrer

à la consommation d'excellents couverts, à un prix relati-

vement peu élevé, et par conséquent contribua beaucoup


à en universaliser l'usage, fait dont l'intérêt augmente, si

l'on se rappelle que la fourchette n'était pas connue il y

a quatre cents ans, et que, de nos jours encore, nombre


448 ORFÈVRERIE MODERNE.

d'Européens déchirent leurs aliments et les portent à leur

bouche à l'aide de leurs doigts (1).


A côté de l'orfèvrerie qui ressuscite, la joaillerie et la

bijouterie font aussi de grands efforts. Quelques habiles

ouvriers reconstituent les traditions du joaillier. De cette

école sort Fossin le père, dont le goût ne tarde pas à do-

miner et bientôt à diriger les autres. Ses premières créa-

tions sont un peu plates, selon la mode d'alors. Mais

bientôt il modèle avec élégance et mouvementé avec esprit


des fleurs et des feuillages. Il exécute de mignonnes pièces
où la sévérité du goût s'allie à la grâce et à la finesse.

Ces traditions sont maintenues quelque temps après lui

par Fossin le fils, homme de goût et de savoir; mais, après


ce dernier, l'avilissement des prix de façon et peut-être
aussi le manque d'artistes font que la joaillerie décline sen-

siblement.

Pendant le Directoire et sous l'Empire, les bijoutiers


enchâssent les aigues-marines, les topazes et les péridots
dans des ornements en cannetille juxtaposés, sans grande
invention et sans caractère ; les chaînistes tressent, en fils

d'or mat, de grosses ganses creuses au centre.

Puis viennent les ors de couleur. Les ouvriers assem-

blent à plat, à côté les unes des autres, de petites fleurs

découpées en or rouge (alliage au cuivre), vert (alliage à

l'argent), bleu (alliage au fer), qu'ils retouchent ensuite

au burin ou au ciselet, souvenir amoindri des gracieux

ouvrages de la fin du dernier siècle.

Plus tard, ils font des pièces composées de parties es-

(1) Les premières fourchettes servaient seulement à manger des


confiseries. Le roi Henri III fut ridiculisé dans unpamphlet satirique
de l'époque, parce que, au lieu de prendre ses aliments avec ses doigts,
comme tout le monde, il avait fait usage de la fourchette.
PREMIÈRE MOITIÉ DU XIXe SIÈCLE. 449

tampées et rapportées à plat, soit autour d'un cadre, soit

à côté les uns des autres. Les plus habiles découpent des

feuilles d'ornement qu'ils emboutissent, qu'ils assemblent

de la même manière et que le ciseleur achève ensuite. Les

chaînistes font des sautoirs, de gros maillons formés de

deux coquilles assemblées. Ces diverses tentatives ne sont

pas très heureuses au point de vue du goût.

Enfin, vers 1840, Marchand aîné cherche des éléments

dans les motifs de la Renaissance. Il enroule des cuirs, il

reproduit avec succès des groupes de fleurs ou de fruits,


des noeuds, des entrelacs. Son crayon hardi opère une ré-

volution complète dans les idées. Robin crée un genre


solide et artistique, le premier il donne à la bague un

caractère qui la rend intéressante. Dutreih cherche la

perfection dans le mignon. Aidé de l'habile Lefournier,

a su conserver ou retrouver le secret des jolis émaux


qui
sur il fait de petits trophées pour épingles de
paillon,

cravate, dont les fins détails de ciselure et «d'émail doi-

vent être admirés à la loupe. Ce sont de petits chefs-

d'oeuvre.

Parallèlement aux habiles fabricants bijoutiers que nous

venons de citer, mais dans un autre ordre, Morel, s'inspi-

rant des merveilleux qu'il admire dans nos


ouvrages
taille le le lapis et le cristal de roche, il
musées, jaspe,
monte les avec des ciselées et émaillées
gemmes figurines

comme au xvie siècle. Il en 1855 à Paris une grande


expose

en supportée par des néréides. Ses


coquille jaspe sanguin
efforts entraînent bientôt un émule, et Duron se met à

avec une remarquable adresse différentes piè-


reproduire
de la des coupes, des vases en jaspe
ces galerie d'Apollon,
rehaussés de de ciselure et d'émaux.
et en cristal sujets

à "de 1867 à Paris, contenait une


Sa vitrine, l'Exposition
29
450 ORFÈVRERIE MODERNE.

douzaine d'oeuvres de figurer dans les plus belles


dignes
collections.

Il faut rendre hommage à ces hommes courageux, qui


surent mettre l'amour et le culte du beau au-dessus de

leur intérêt, et qui tentèrent les premiers de relever


propre
notre industrie de l'état de médiocrité clans lequel elle

était tombée.

Leur mérite était d'autant plus grand, qu'ils se trou-

vaient aux prises avec une difficulté nouvelle, résultant

de l'abolition des communautés d'arts et métiers, effec-

tuée à la fin du siècle précédent.


les orfèvres étaient tenus de montrer leur
Lorsque

talent, en produisant ce qu'ils appelaient le chef-d'oeuvre;

lorsqu'ils n'étaient admis dans la corporation qu'à la suite

de cette suprême épreuve, nul ne pouvait vendre d'orfèvre-

rie, de bijouterie ou de joaillerie qui ne connût son métier.

La suppression de la maîtrise, en facilitant au premier


venu l'accès de la profession, lit surgir une nouvelle ca-

tégorie de soi-disant orfèvres, qui se mirent à tenir bouti-

que et à vendre ce qu'ils ne fabriquaient pas, ce qu'ils ne

savaient pas fabriquer, ce qu'ils achetaient ou comman-

daient à des fabricants dont ils cachaient soigneusement


les noms. L'habileté commerciale sut escamoter l'habileté

industrielle et s'y substituer. Le savoir fut absorbé par le

savoir-faire.

On pouvait craindre que le producteur, découragé par


cette exploitation, ne devînt indifférent à un art qui ne lui
donnait plus ni honneur ni profit, et qu'il ne le laissât

déchoir, sous l'influence de ceux qui s'en étaient emparés,


au rang inférieur de matière purement mercantile Il
(1).

(1) Vers Tannée 1850, l'avilissement des prix de main-d'oeuvre fut


tel, pour ne citer qu'un exemple, que les fabricants joailliers accep-
PREMIÈRE MOITIÉ DU XIXe SIÈCLE. 451

n'en fut heureusement rien. Notre industrie résista à


cette épreuve , dont, avec l'aide de quelques esprits dis-

tingués, elle finit par sortir victorieuse. L'Exposition


de 1878 a été la démonstration éclatante de ce fait

important.
Parmi ceux dont le goût, la participation, et quelque-
fois la direction, vinrent, dans cette lutte , en aide à la fa-

brique, nous nous faisons un plaisir de citer les principaux,

qui sont : Janisset, Duponchel, Des-

champs, Mellerio dits Meller frères, Peti-

teau, Baugrand, etc.

Il faut mentionner ici, pour souvenir,


un bijou qui a eu son jour de vogue. C'est

celui qui se faisait en argent oxydé. De

bonnes choses ont été exécutées clans ce

genre qui prenait facilement l'aspect ar-

tistique; mais bientôt de grossières imita-


Fig. 291.—Épingle
infini et à vil de Tête en pavé
tions, faites en nombre
de Turquoises
le discréditèrent et le firent oublier. rondes.
prix,
Un autre bijou qui précéda l'oxydé eut aussi quelque
succès. Il se fabriquait en nacre recouverte de petites perles
fines. On faisait ainsi des peignes, des broches et des bra-

celets. Rappelons encore le bijou en pavé de turquoises


rondes qui a été fort à la mode, à cause de son aspect

suave et doux (fig. 291).


C'est aussi du commencement de ce siècle que date

l'invention réelle du bijou en doublé d'or. A la suite de

taient des commandes de monture qui, au lieu de leur être payées à


leur valeur, étaient marchandées à raison de 1 fr. 25, 1 fr. et même
0 fr. 75 la pierre. Cette manière de faire ne pouvait avoir
jusqu'à
d'autre résultat que de tendre à détruire chez le producteur le sen-
timent du goût, auquel elle substituait celui de l'intérêt aveugle.
452 ORFÈVRERIE MODERNE.

tâtonnements et de difficultés sans nombre, les procédés


de cette fabrication furent enfin complétés. Jusqu'en 1850,

Savard, par ses efforts et par son intelligence, réalisa la

série de perfectionnements successifs qui contribuèrent à

fonder cette industrie nouvelle et lui permirent d'acqué-


rir les remarquables développements commerciaux qui
en font une puissance, puissance dont Savard fut bien

réellement le créateur.

Ainsi que son nom l'indique, ce bijou est fait d'une

feuille d'or infiniment mince, renforcée ou doublée d'une

épaisseur de cuivre suffisante pour lui donner la résis-

tance et la solidité nécessaires. Voici comment s'obtient

une planche de doublé. Sur une feuille de cuivre d'environ

cinq à six millimètres d'épaisseur, on place une feuille d'or


dont l'épaisseur n'atteint pas souvent un demi-millimè-
tre. Les deux plaques doivent être de mêmes dimensions,
et les surfaces de l'une et de l'autre, qui sont mises en

contact, ont dû être préalablement décapées avec le

plus grand soin. Maintenues ensemble, elles sont portées


au feu, et, lorsqu'elles ont atteint la couleur rouge ardent,
elles sont pressées l'une contre l'autre avec une telle puis-
sance, qu'elles adhèrent absolument ensemble et ne font

plus qu'une seule et même planche de métal. Cette plan-


che est ensuite passée au laminoir, et, dans cette opération,
chacun des métaux étant écrasé il
proportionnellement,
résulte que, lorsque la feuille est amenée à l'épaisseur con-
venable pour l'emploi, elle ne présente plus lame
qu'une
mince de cuivre recouverte d'une pellicule d'or inappré-
ciable, mais qui suffit pour lui donner, sur cette la
face,
couleur et l'apparence de l'or.
Pour employer cette feuille et en des
fabriquer bijoux,
il faut un outillage spécial et coûteux qu'on demande au
PREMIÈRE MOITIÉ DU XIXe SIÈCLE. 453
1

travail du graveur sur acier et de l'ajusteur. Le premier


outil est la matrice, à l'aide de laquelle on lui donne les
reliefs et on accuse les contours, par le moyen de l'estam-

page. Le second est le découpoir, dont la précision doit

être telle, que tous les détails des contours extérieurs et

intérieurs de la pièce soient découpés avec justesse, sans

laisser ni la moindre bavure, ni la moindre rebarbe. Ces

deux opérations terminées, les coquilles ainsi obtenues

sont, soit assemblées par deux, si le bijou doit offrir une

forme de ronde-bosse, soit soudées sur des fonds plats, s'ils

ne doivent être vus que sur une seule face.

Il est facile de concevoir l'importance du rôle que jouent


les matrices et les découpoirs dans cette fabrication, où

celui de l'ouvrier bijoutier se trouve singulièrement


amoindri. Aussi les bons graveurs et les bons ajusteurs
sont-ils très recherchés dans les fabriques de doublé. Ces

procédés se complètent par des moyens analogues qui


servent à obtenir soit du fil, soit des tubes creux.

Cette industrie toute française s'accroît chaque jour dans

des proportions considérables. Née d'hier, elle occup-e


actuellement à Paris de trois à quatre mille ouvriers et

ouvrières, en y comprenant les graveurs et les mécani-

ciens. On sans crainte, affirmer qu'elle doit son suc-


peut,
cès aux de la loi française, qui interdit la
dispositions
fabrication des bijoux à bas titre. Elle disparaîtrait en

effet tout à coup si la faculté était donnée à l'industriel

de la remplacer par une fabrication de produits analogues

à ceux de l'Allemagne, qui sont avec juste raison assi-

milés à la dans les tarifs allemands.


quincaillerie,
Nous ne croyons pas devoir clore ce résumé de l'histoire

de notre industrie, pendant la première moitié de ce siècle,

sans du service de table en or, brillants et pierres


parler
454 ORFÈVRERIE MODERNE.

fut exécuté à Paris vers l'année 1860 pour


précieuses qui
le vice-roi Saïd-Pacha. Ce service, composé de
d'Egypte,
couverts en or et émaux couverts de bril-
quarante-deux
dont chacun avait une valeur de soixante mille
lants,
francs, était complété par un grand compotier occupant

le centre d'un ensemble où figuraient deux candéla-

bres à six branches, dans la composition desquels en-

traient des brillants, des perles, des rubis et des émeraudes

d'une démesurée, valant seuls un million huit


grosseur
cent mille francs, et six vasques à fruits représentant de

grandes feuilles naturelles de palmiers, de marronniers,

etc. En outre de ces objets, il a été fabriqué des aiguières


et des bassins à laver, des plateaux à rafraîchir, des pla-
teaux de toilette. Une de ces dernières pièces était à elle

seule estimée un million et demi de francs (1).

Lorsque Saïd-Pacha vint à Paris en l'année 1863, il re-

çut aux Tuileries, où il était logé, l'Empereur et l'Impéra-


trice à dîner et leur fit honneur de ce splendide service.

(1) Toutes ces pièces ont été exécutées dans les ateliers de Fontenay.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878

A PARIS

Les Produits — universelle


étrangers. L'Exposition
de 1878, à Paris, nous a fourni presque tous les renseigne-
ments désirables pour clore cet aperçu par un examen des

produits contemporains. Nous commencerons par les sec-


tions étrangères.
Les Indiens ont eu dès longtemps le secret des émaux

transparents. L'or dont ils se servaient pour leur joaille-


rie était toujours d'un titre très élevé, presque fin. Ils af-
fectionnaient particulièrement les ornementations déri-

vées de la palme et de la rosace (fig. 292). Ils employaient


des émeraudes et des rubis cabochons, des brillants taillés
en table auxquels ils donnent le nom de labora, et d'autres

d'une forme particulière appelés oeils d'idole. Toutes ces

pierres, principalement les brillants, étaient montées à


fonds et jouaient sur feuilles. Le serti en était caractéris-

tique, mais parfois un peu lourd (fig. 293). Tous les dessous

de leurs pièces étaient émaillés des tons les plus vifs et


les plus harmonieux. Les rouges et les verts mariés aux

blancs produisaient un ramage tel, que l'envers de leurs

bijoux semblait quelquefois plus joli que l'endroit. Ils ne

faisaient pas usage d'anneaux pour emmailler leurs brace-


Fig. 292. — Aigrette indienne ornée de Rubis et d'Émeraudes cabochons
et de Brillants Labora.

Fig. 203. — Bracelet indien en or émaillé vert orné de Diamants dits Labora.
Envers émaillé.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878. 4o/

lets et leurs colliers. La étaient enfilés sur


plupart des
cordons de soie (fig. 294). Nous ce re-
croyons que type
marquable de bijoux appartient à
leur histoire, ils n'en font plus.
Ils fabriquent actuellement
des bijoux et retou-
estampés
chés par la ciselure ; mais l'effet
en est lourd, clignotant, le des-
sin confus et monotone. Nous

préférons de beaucoup leurs

petites boules recouvertes de

pointes d'or serrées les unes

contre les autres, qui ressem-


blent à des oursins et dans les-

quelles la lumière, en se jouant,

produit des tons et des reflets

changeants. Les Indiens mou-

lent encore une bijouterie en

étain qui ne manque pas d'une

certaine originalité. Ils font par


ce procédé des pièces de toutes

sortes et surtout des bracelets

ayant des formes très originales


et très caractérisées. Souvent

l'étain est mélangé à des perles


en verroterie, autour desquelles
il paraît avoir été coulé dans le

moule. Ces objets sont, quoique


d'un effet assez déco- Fig. 294. — Bracelet indien a
grossiers, Mailles enfilées sur une soie.
ratif. Mentionnons encore ces Envers émaillé.

imitations d'émeraudes incrustées de dessins d'or, obte-

nues à l'aide de verre qu'ils coulent et pressent proba-


458 0 R F È Y R E R1 E M 0 D E R N E.

blement sur les sujets préalablement découpés (lig. 295).

Les collections exposées par le prince de


remarquables
Galles offraient les spécimens les plus variés de bijoux

indiens. Elles étaient complétées par quelques autres éga-

lement curieuses, particulièrement celle de M. Rivelt-

Carnac, qui renfermait des types en argent d'agrafes, de

boucles d'oreilles et de colliers d'un style tout à fait origi-


nal et d'une époque probablement antérieure à ceux que
nous venons de décrire. Us rappelaient, dans une cer-

taine mesure, les

formes et les in-

ventions grecques,
et quelquefois les

conceptions bar-

baresqncs.
Les Chinois font

un genre de bijou

qui se porte plus

particulièrement
Fig. 295. — Emeraudo incrustée do Dessins d'or.
sur la tête (lig. 296).
Il se compose de fleurs, de feuilles et quelquefois d'orne-

ments découpés en lames d'or excessivement minces, sur

lesquelles ils collent à plat, retenus par un bord très lin,


des parties également découpées de plumes d'oiseaux

(fig. 297 à 300). Celles qu'ils emploient pour ce travail


sont généralement bleues. Elles ressemblent à un émail
mat et produisent des reflets agréables. Us font aussi,
par le même procédé, des bouquets pour le corsage et des

pendants d'oreilles. On comprend le peu d'or qu'il faut

pour soutenir un corps aussi léger et aussi flexible la


que
plume, aussi le poids de ces bijoux est-il nul.
presque
Le charme de cette invention est un des jolis résultats
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878. 459

qu'obtiennent souvent dans leurs produits industriels les


Chinois , ces tourmenteurs de la nature, qui imposent à
leurs grosses moules de rivière la

fabrication de magots, qu'elles trou-


vent certainement fort laids, et

qu'elles recouvrent vite de leur belle

nacre argentée, pour ne plus les


voir (1).
Les Japonais font des boîtes,, des

briquets, des épingles, des boutons,


des objets de toutes sortes en acier
et en cuivre incrustés d'autres mé-

taux, en bas-reliefs ciselés qui sont

des merveilles de dessin et d'exé-

cution. Les sujets choisis y ont

toujours un grand accent de nature

et une originalité saisissante. Ils

représentent des scènes dans les-

quelles les végétations les plus va-

riées se marient à l'eau, au ciel, à

toutes les choses, à tous les êtres

de la création, y compris l'homme.

L'or et l'argent y sont employés

mélangés dans la composition à

tous les métaux, à tous les alliages

susceptibles de fournir des patines


Fig. 296. — Épingle de Tête
différentes les unes des autres. en plumes d'oiseaux ac-
compagnées de toutes pe-
Nous ne connaissons aucun travail tites perles blanches (Mu-
sée du Louvre).
d'aucune époque et d'aucun pays,

(1) Les Chinois, lorsque les moules bâillent au soleil, s'en appro-
chent sans bruit, et introduisent rapidement entre les deux valves un
petit bâton qu'ils assujettissent debout pour les empêcher de se refer-
460 ORFÈVRERIE MODERNE.

dans lequel la finesse et la justesse d'exécution soit pous-


sées plus loin.

Les Italiens vivent sur leur admirable passé. Ils ressus-

citent ces bijoux étrusques et romains dont nous avons

parlé au commencement de cette

étude. Ils le font avec une passion


et un savoir dignes des plus grands

éloges. C'est Alexandre Castellani,

l'ilLustre archéologue, qui a pro-

voqué et dirigé ce mouvement.

Quelques secrets de la fabrication

antique ont été retrouvés par ses

soins, et le plus grand éloge qu'on

puisse faire du résultat obtenu, c'est


Fig. 297 et 298.— Deux bou-
cles d'oreilles en Plumes les reproductions sont aussi in-
que
d'oiseau (Musée duLouvre)
téressantes que les types primitifs.

Mais on ferait erreur si l'on croyait que le but cherché

est la pure et simple d'anciens objets. Elle


reproduction
n'est qu'un moyen de former

des artistes et des ouvriers par


l'étude. Il faut la considérer

surtout au point de vue de

l'enseignement. C'est une sorte

d'école où se maintiennent les


Fig. 299 et 300. — Clochette en
bonnes traditions, et dont l'in- Plumes d'oiseau, vue sur ses
deux faces.
fluence salutaire s'est déjà fait

mer. Ils soulèvent ensuite doucement le mollusque et placent sur la


surface interne de la coquille inférieure un certain nombre de figu-
rines en étain
estampé, qu'ils disposent symétriquement. Puis ils
enlèvent le bâton , et la bête , livrée à elle-même , secrète instinctive-
ment sa nacre sur les estampes qu'elle recouvre en épousant leur
forme. Ils viennent chercher la coquille lorsqu'elle est à point, et la
livrent au commerce, décorée de magots de nacre, en relief.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878. 461

sentir ailleurs qu'en Italie, et particulièrement en

France.

Parallèlement à ces travaux, leur fabrication s'exerce

à des créations modernes. Parmi les oeuvres réussies en

ce genre, qui ont été soumises à notre appréciation, il

faut citer un petit lustre en or, tout décoré de filigranes,

qui est une charmante création. Nous avons encore remar-

qué un aigle placé sur le devant d'un casque, commandé

par le roi Victor-Emmanuel (1). L'oiseau est d'un modelé

nerveux; les plumes, pétries au ciselet, sont rehaussées

par des tracés de cordes jetés avec esprit. Il est impos-


sible de rien voir de mieux entendu et comme effet et

comme emploi des moyens de fabrication.

Les habiles artistes italiens cherchent à maintenir dans

leur travail une sorte de mol abandon, de nonchalance,

qui les rapproche du faire ancien. Cette recherche est très

intelligente et très heureuse, mais elle est pleine d'écueils

dans son application, car elle subit si directement l'in-

fluence personnelle de l'ouvrier, que toute la réussite doit

du plus ou moins d'intelligence de ce dernier.


dépendre
Peut-être n'est-il pas téméraire de voir dans ce procédé

une manifestation spéciale du tempérament de la race.

Quoi en soit, cette préoccupation vaut qu'on la


qu'il
car elle donne là des résultats enviables.
signale,
Nous avons aussi admiré dans la section italienne de

fort beaux camées en corail, sculptés avec une recherche

très grande.
A côté de ces dignes d'éloges, nous ne pouvons
objets
constater l'infériorité du reste. C'est une profusion
que
banale de se répétant à l'infini, de mo-
bijoux filigranes

(1) Augusto Castellani.


462 ORFÈVRERIE MODERNE.

saïques et de camées fabriqués à la grosse et absolu-

ment dépourvus d'intérêt. Il se fait de ces produits, rien

que commerciaux, un débit considérable, grâce à la répu-


tation des autres. Notons en terminant les filigranes d'ar-

gent qui se font à Gênes et à Florence. Les Florentins sur-


tout fabriquent des fleurs, des coffrets en filigranes à jour

qui sont d'un joli effet, eu

égard surtout à la modi-

cité de leurs prix.

L'Espagne n'expose pas


de bijoux proprement dits,
mais nous ne pouvons pas-
ser sous silence ses jolies
créations en fer damas-

quiné et incrusté d'or et

d'argent (1). Depuis les

petits objets pour l'usage


journalier, tels que bri-

quets (fig. 301), boutons

démanche, etc., jusqu'aux


pièces de très grandes di-

mensions, tout y est traité

Fig.301. —Briquet en Acier incrusté d'or avec la même recherche,


et d'argent de Zuloaga.
la même science et le
même soin. Les dessins des incrustations sont fins
riches,
et élégants, l'or et l'argent y sont agréablement accouplés.
Nous avons pu admirer des morceaux de très grand style
et de fière allure sortis de ces ateliers, détail
dont, pi-
quant, le fondateur, M. Zuloagapère, est venu apprendre
à Paris, chez nos armuriers, l'art qui l'a rendu célèbre en

(1) Zuloaga.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878. 463

Espagne. Il a su, en empruntant à l'Alhambra ses motifs

d'ornementation et en donnant à ce travail une application

nouvelle, créer en quelque sorte une industrie nationale.

L'Autriche n'avait exposé que des objets en grenats de

Bohême et des bijoux de pacotille. Nous regrettons de

n'avoir pas vu figurer cette belle joaillerie si soigneusement

faite, qui a été justement admirée à l'Exposition univer-

selle de Vienne, ainsi que sa bijouterie courante qui est

généralement de bon goût, nette et bien fabriquée.


Les Russes excellent toujours dans la petite orfèvrerie

niellée. Les formes qu'ils ont adoptées sont sévères et

les nielles irréprochables. Nous aimons moins


originales,
celle font avec des émaux de toutes couleurs, bien
qu'ils
ne pas de mérite. Mais les tons n'y sont
qu'elle manque
en parfaite relation les uns avec les autres,
pas toujours
et offrent des aspects un peu durs. Nous vou-
parfois
drions les voir sJadoucir et se fondre. Leur bijouterie ne

être sur le petit nombre d'échantillons qui


peut jugée
nous ont été montrés. La fine joaillerie en petites roses,

dont le merveilleux serti a fait la réputation des ouvriers

russes, y manquait absolument.

En nous avons admiré la collection de bijoux


Norvège,
nationaux, le musée des arts industriels de
exposée par
Christiania. Ils sont en argent. Tous les types sont anciens

et d'une très originale. Des dessins de fili-


conception
courant sur des unies de formes variées,
granes, plaques
laissent par groupes de petits disques d'argent
échapper
concaves et brillants devaient fort éblouir lorsque,
qui
fraîchement ils étaient mis en mouvement.
polis,
La fabrication de d'or a conservé en Dane-
bijouterie
un Le caractère runique y domine.
mark grand style.
Elle est bien faite et très soignée.
464 ORFÈVRERIE MODERNE.

Les motifs en le souvent, des entrelacs de


sont, plus
cordons faits de cordes posées à plat sur des
mats, petites
fonds unis. Les dessins sont bons, les profils originaux

Ces dans lesquels sont employés les fili-


(fig. 302). bijoux,
comme dans les bijoux italiens, sont aussi comme
granes,
eux un joli écho artistique des temps passés.
Nous aurions aimé à parler de cette joaillerie anglaise

et correcte, dont le serti, soigneusement fait, est en-


sage

Fig. 302. — Bracelet d'or par Ghristesen de Copenhague.

suite rehaussé par le poli. Mais elle manquait complète-


ment.

L'orfèvrerie qui se fabrique dans le Royaume-Uni est


de deux sortes. L'une est, on peut dire, nationale. Ample,
commode, solide, elle répond à tous les besoins du con-
fort. Les formes, sans être élégantes, sont souvent heu-
reuses. Du reste, elles varient peu. L'autre recherche l'art.
Elle nous montre de jolis morceaux bien ciselés, mais qui,
pour la plupart, sont des oeuvres d'artistes français rési-
dant à Londres.

Ce que nous avons vu de bijouterie anglaise nous a


EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878. 465

donné cette impression, que les fabricants sont plus stu-


dieux et plus recueillis que les bijoutiers français. Peut-
être moins confiants dans leurs forces, ils observent

davantage et cherchent des points d'appui ailleurs que seu-

lement en eux-mêmes. Nous croyons qu'ils sont dans une

voie profitable que nous voudrions voir suivre chez nous.


La bijouterie en jaïet que font les Anglais, et dont ils ont

en quelque sorte la spécialité, est devenue chez eux un

commercial assez — On sait le jaïet


produit important. que
est une variété de.la houille. — Ils en cette
fabriquent
matière des colliers, des médaillons, des chaînes et des

bracelets dont la netteté et le poli sont irréprochables. Ce

produit est certainement de beaucoup supérieur à la plu-

part des verroteries de deuil qui se débitent en France,


sous la dénomination de jais.
Avant de quitter la Grande-Bretagne, il nous faut en-

core mentionner les agrafes de plaids, en argent incrusté

de jaspes et de quartz, de forme ronde et munies d'une

tournante. Elles ont conservé l'allure primitive de


épingle

l'antique bijou écossais dans toute sa simplicité, et sont,

à ce point du vue, fort intéressantes à étudier.

Les États-Unis font des efforts considérables. Ils veulent

arriver à fabriquer aussi bien que nous. Rien ne leur

coûte cela. Il faut convenir que, si leur bijouterie


pour
n'est encore bien remarquable, leur orfèvrerie a un
pas
très et très légitime succès. Ils se sont inspirés des
grand
traditions peut-être même ont-ils attiré dans
japonaises,
leurs ateliers des ouvriers de cette nationalité. Ils ont

imité les mélanges de lames d'or, d'argent et de cuivre à

l'aide les Japonais produisent des veines dans le


desquels
ils ont le secret de leurs alliages métalliques
métal, pénétré
et en ont fait l'application.
30
466 ORFÈVRERIE MODERNE.

Nous avons remarqué un service en argent (1), tout cou-

vert d'un buissonnement de feuillages et de fleurs cise-

lées, fouillées, détaillées pétale par pétale, d'un aspect très

fin, très riche et très chaud; puis une vaisselle (1), dont

le fond en argent simule un martelage primitif, sur lequel


sont jetés des fruits, des fleurs, des insectes en cuivre et

autres alliages fournissant des patines variées. C'est une

véritable trouvaille.

Inclinons-nous devant de tels résultats obtenus par des

industriels nés d'hier ; mais en même temps comprenons


bien que, pour conserver notre supériorité, il nous va

falloir beaucoup travailler. Il est bien certain que nous

avons, dès aujourd'hui, à compter un rival déplus, et "un


rival doué d'une adresse et d'une intelligence rares, mises
au service d'une volonté peu commune.
La même vitrine contenait une reproduction littérale,
faite avec grand soin, de bijoux et de débris de bijoux d'or
trouvés à Chypre, dans le trésor de Curion. Cette collec-
tion excitait l'intérêt et la curiosité des archéologues.
Malheureusement la plupart des objets sont tellement
déformés que le dessin n'en est pas toujours saisissable.
Ils semblent du reste être de provenances originelles
variées et d'époques diverses. Mais nous avons cru recon-

naître, sur ceux qui sont faits d'une feuille d'or mince,
la trace du travail primitif d'ornementation obtenu
à l'aide d'un style , dont nous parlons et
plus haut, que
nous considérons comme le plus ancien mode employé
pour décorer les bijoux d'or.
Il nous reste maintenant à examiner les fran-
produits
çais.

(1) Tiffany et O.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878. 467

Les Produits nationaux. — Classe 24, Vorfèvrerie pro-


dite. — L'ancienne
prement corporation des orfèvres com-
prenait les orfèvres proprement dits qui fabriquaient
la vaisselle religieuse et civile, les ou
bijoutiers fabricants
de menus objets, et les joailliers taillaient et mon-
qui
taient les pierres.
La classification en France la
adoptée pour première
fois, lors de l'Exposition universelle de et suivie de-
1867,
puis, a séparé ces industries, ont toutes les
qui pourtant
raisons de rester ensemble.
Les orfèvres, catégorisés avec le font
mobilier, partie
du groupe III, classe 24, et leurs confrères, les joailliers-
bijoutiers, classés avec le vêtement, sont dans le groupe IV,
classe 39.

Nous avons déjà dit que la signification du mot orfèvre


a changé, et qu'il sert maintenant à désigner particulière-
ment celui qui fabrique la vaisselle et autres gros objets,
qu'ils soient en argent ou en cuivre. En même temps que
l'acception du mot a été modifiée, les procédés de fabrica-
tion ont aussi subi des transformations. L'outil principal,
le premier outil à l'aide duquel cette profession a conquis
sa juste célébrité, le marteau, dans le maniement duquel
Cellini a dit que les ouvriers français excellaient, n'est, en

quelque sorte, plus employé. C'est à peine si l'on trouve-


rait encore à Paris un ouvrier capable de s'en servir habi-
lement. L'art du bosselage est tombé en désuétude, on

emploie maintenant le tour pour rétreindre toutes les

pièces de vaisselle, et les matrices pour les parties acces-

soires.

La'science et les arts mécaniques ont mis au service de

l'industrie des procédés nouveaux qui font subir aux

moyens employés dans la fabrication des transformations


468 ORFÈVRERIE MODERNE.

inévitables. L'orfèvrerie en profite habilement pour aug-


menter ses ressources. L'or, le fer, le bronze, les nielles,
les incrustations, les émaux cloisonnés, les émaux trans-

lucides, lui prêtent la magie de leurs tonalités puissantes


et de leur éclat. Elle taille le lapis, elle sculpte l'ivoire et

les marie au métal. Jamais elle n'a disposé d'un aussi

grand nombre de moyens, d'une aussi grande variété de


matériaux. Elle en profite pour réaliser toutes les fantai-
sies imaginables et pour s'inspirer de tous les styles, du

byzantin au japonais.
Parmi les bons morceaux d'orfèvrerie qui étaient expo-
sés dans la classe 24, nous nous plaisons à rappeler :

Bellérophon combattant la Chimère, dont il faut admi-


rer le beau mouvement et la ciselure irréprochable (1).
Un surtout de table représentant le triomphe d'Amphi-
trite (2). Les figures sont dues au talent de Numa Mercier.
Un service à café modelé par Carrier-Belleuse, dont cha-
cune des pièces est contournée d'une zone d'enfants spi-
rituellement groupés dans toutes les attitudes (2).
Parmi les pièces où sont employées d'autres matières

que l'argent :

Une belle pendule en lapis, aux deux côtés de laquelle


sont assises deux grandes figures de femmes, au élé-
profil
gant, calme et tranquille (1). Une de
poignée claymore
dont la coquille en acier, repercée et un cise-
reprise par
let absolument magistral, est un morceau de caractère et
de grand style (I). Ces chefs-d'oeuvre amènent sous notre
plume le nom des frères Fannières, ces artistes convain-
cus et dévoués à leur art, qui, à la manière des orfèvres

(1) Fannières frères.


(2) Christolie et O.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878. 469

du moyen âge, conçoivent, modèlent et cisè-


dessinent,
lent eux-mêmes les oeuvres qu'ils offrent à notre admi-
ration.

Une riche garniture de cheminée, de


composée sujets
en ivoire, mariés au métal (1). Nous aimons surtout dans
les candélabres le joli mouvement des enfants qui sup-
portent la pièce en argent.
Puis des coupes, des jardinières, des objets de toutes
sortes en émaux cloisonnés sur cuivre rivalisant avec les

plus beaux japonais; des plateaux à incrustations galva-


noplastiques, des vases, des coffrets en bronzes patines et
incrustés d'or et d'argent, dont la décoration traitée tan-

tôt en bas-relief, tantôt à plat, est aussi remarquable par

l'ingéniosité des compositions que par la réussite dans

l'exécution (2).
Comme pour justifier la classification de 1867, l'orfèvre-

rie a fait des incursions dans le mobilier proprement dit.

Elle en des orfèvres du 3


suit, cela, l'exemple xvr siècle,

qui incrustaient l'or, l'argent et les pierres dans l'ébène,


le santal, le cèdre, l'ivoire et toutes les substances qui
servaient à la confection des cabinets, et qui les décoraient

de statuettes, d'ornements, de médaillons et de plaques


en or et en argent. Tout le monde se rappelle ce grand
cabinet (2) qui occupait le centre du salon de la classe 24,

lequel était orné de si jolis émaux de de Courcy, et le

meuble à bijoux style Renaissance (2), où l'acier incrusté

d'or et les ornementations formées par l'assemblage de

métaux divers se mariaient aux ciselures et aux damas-

quinures. Il y avait encore deux meubles d'encoignure (2)

(1) Froment Meurice fils.


(2) Christofle et Ci".
470 ORFÈVRERIE MODERNE.

de aux bronzes patines rehaussés d'or et


style japonais,
dont les détails fins et amusants avaient un
d'argent,
charme infini.

L'orfèvrerie religieuse ne veut pas rester en arrière, elle

sans cesse. Qui n'a admiré, en passant dans la


progresse

grande voie de quinze mètres, le riche autel en bronze

doré, style du xv° siècle (1), et le bel ostensoir de Notre-

Dame de Lourdes? Il importe de constater une tentative

qui, on peut l'espérer, sera couronnée de succès. C'est

l'emploi des émaux cloisonnés substitué au défonçage à

l'eau-forte, dans les objets d'orfèvrerie d'Église. Ce retour

aux procédés anciens est très louable, il devrait être en-

couragé. Nous avons admiré, clans ce genre de travail,


trois pièces d'autel joliment réussies (2). Elles faisaient

partie de l'exposition lyonnaise, dont les remarquables

produits ont été très goûtés. Nous sommes véritable-

ment heureux de l'occasion qui nous est offerte d'applau-


dir aux succès de la province. La décentralisation indus-

trielle est une chose désirable. On doit en attendre

d'heureux effets, dont le premier sera l'accroissement de

nos forces nationales, résultant d'une saine et féconde

émulation. Que d'autres villes suivent donc l'exemple de

Lyon, et qu'à la prochaine Exposition le jury puisse en

avoir un grand nombre à couronner.

La remarquable variété dans la production que nous

venons de constater nous démontre la souplesse du génie


national français en même temps que sa curiosité, son
activité et sa facilité d'assimilation. Quelques esprits bien
intentionnés paraissent la redouter. Ils se demandent s'il

(1) Poussielgue-Rusand.
(2) Armand-Caillat de Lyon.
EXPOSITION UNIYERSELLE DE 1878. 471

sortira du rapprochement de tous ces éléments disparates


un élan déterminé, un style, ou la confusion.
Ces appréhensions découlent d'un excès de sagesse.
Quant à nous, qui avons absolument foi en la bonté du

dénouement, nous préjugerons de l'avenir, qui nous est

caché, par le passé, que nous connaissons.


Nous avons vu successivement les Grecs s'inspirer des

Égyptiens, et les Italiens des Grecs. Nos bijoux gallo-ro-


mains sont le produit d'un mariage que leur nom seul in-

dique. Le byzantin, ce pastiche de l'art grec, et le roman


fournirent de nombreux éléments décoratifs à l'époque

carlovingienne, avant que le génie du Nord ne vînt s'épa-


nouir sur notre sol, dans les développements successifs
du gothique, développements mêlés aux souvenirs de nos
croisades en Orient. Plus tard une recrudescence puis-
sante de l'art païen enfanta la Renaissance, au déclin de

laquelle l'influence germanique se fit de nouveau sentir.

De ces inspirations, un instant mariées et confondues, est

issue la grande et riche ornementation du siècle de

Louis XIV. C'est encore à l'influence italo-grecque remise

en faveur par la découverte des ruines de Pompéi que


nous devons le style Louis XVI. Tous les enfantements

sont le résultat d'unions.

Aujourd'hui nous traversons une période transitoire,


dont le caractère nécessaire est l'éclectisme. Nous nous

souvenons de tout, nous empruntons à tous, même et

surtout aux Japonais. Mais les Japonais sont nos émules

industriels, comme l'étaient jadis les Allemands et les

Italiens, auxquels nous empruntions aussi. Le cercle de

nos investigations s'est étendu, voilà ce qu'il importe de

constater. Ce ne peut être un danger. Seulement il faut

laisser aux éléments divers le temps de dégager leur in^


472 ORFÈVRERIE MODERNE.

connu; il faut laisser à la gestation dont ils sont l'objet


le temps de s'opérer.

Lorsque l'impression de la première heure , qu'il n'est

pas étonnant de voir se traduire en des copies presque lit-

térales, aura fait place à un examen plus complet, l'étude

dont les produits orientaux sont l'objet pourrait bien

avoir comme conséquence de nous faire délaisser, dans

une certaine mesure, la symétrie qui forme la base de

notre ornementation, et de nous porter davantage à la

recherche des effets pittoresques et de l'inattendu. Elle

aura inévitablement pour résultats de nous amener à soi-

gner davantage l'exécution des détails, et de nous initier

à l'emploi de moyens industriels qui nous sont inconnus

ou que nous ne pratiquons qu'imparfaitement.


Suivons donc sans inquiétude cet élan qui ne peut être

que fécond, et rendons hommage aux hommes courageux


et intelligents qui osent tenter. Nous leur sommes rede-

vables de merveilles, nous leur devons une partie de notre

gloire industrielle. Citer la maison Christofle comme une

de celles qui tiennent la tête de ce mouvement hardi,


c'est rendre justice à qui de droit.

Classe 39. — d'oeil d'ensemble. — La les


Coup joaillerie,
d'art, la bijouterie riche, la courante. — On
pièces bijouterie
était frappé, en entrant dans le salon de la classe —
39,
— à de la
joaillerie-bijouterie, l'Exposition universelle,

quantité considérable de spécialités qu'elle révélait, et des


richesses énormes qui y étaient accumulées (1). La fabri-

que de province avait tenu à honneur d'y figurer. Lyon,


Tours, Bordeaux, Marseille, Blois, Bourg, les lapidaires

(1) L'estimation précise qui en a été faite a donné le chiffre de


47 millions de francs.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878. 473

du Jura, y étaient La chambre des


représentés. syndicale
négociants en diamants y avait fait une intéressante
exposition de perles et de pierres brutes et
précieuses
taillées.

La moitié de la surface totale avait été réservée aux in-


dustries du doublé et de l'imitation, au milieu desquelles
figuraient le bijou d'acier poli, le bijou de deuil, les imi-
tations de perles et de pierres les mé-
précieuses, perles
talliques, le jaïet, etc., etc.
L'autre partie était occupée le bijou en or et en ar-
par
gent. Certaines vitrines ne contenaient que des nécessai-
res de poche, d'autres rien des Ici ce n'étaient
que bagues.
que dés à coudre, là des paquets de chaînes de gilet en

argent, plus loin une collection d'ex-voto, ou bien un as-


sortiment de flacons de toutes sortes. Tel ne fabriquait
que des boutons de manchettes, tel autre rien que des

chapelets. La garniture de livres d'heures, la fabrication


des ordres, celle des médailles, celle des chaînes d'or, re-

présentaient autant de spécialités distinctes. Quatre ou

cinq vitrines étaient exclusivement remplies de corail

taillé et sculpté, amené à toutes les formes. De jolis bri-

quets, des porte-monnaie, des agrafes, des plateaux, des

tasses en argent niellé, et en argent rehaussé d'ors de cou-

leur, garnissaient d'autres montres. Puis il y avait les

vitrines contenant les apprêts pour la bijouterie (1). Cette

industrie, de création relativement récente, est née de la

nécessité de produire vite et à bon compte. Elle constitue

une spécialité intéressante, qui s'attache à fournir aux fa-

bricants des parties accessoires toutes préparées, telles

que chatons estampés de toute forme et de toute gran-

(1) Ferré.
474 ORFÈVRERIE MODERNE.

deur, galeries découpées et ajourées, boules creuses

sans assemblages, tubes sans soudures, patins de bou-

tons, corps de bague, brisures, etc., etc., qui s'obtiennent

mécaniquement. Elle a fait, ces temps derniers, de

grands progrès, elle rend beaucoup de services à la bi-

fine et fausse. Les machines-outils qui sont em-


jouterie

ployées à ces différents travaux sont souvent très ingé-


nieuses.

Au centre du premier salon figuraient les ouvrages en

joaillerie et en bijouterie d'art.

Le mot joaillerie, pris dans son acception moderne, sert

à désigner exclusivement un travail qui a pour objet la

représentation de fleurs, de feuillages, de rubans, d'orne-

ments, ou de tout autre objet, obtenue à l'aide de surfaces

métalliques entièrement couvertes de diamants juxtapo-

sés, sans que l'or ou l'argent qui les sertit soit apparent
nulle part.
Le grand art du joaillier monteur consiste à mettre les

brillants en valeur, c'est-à-dire à les disposer de telle

sorte qu'ils se fassent valoir les uns les autres. Il doit

donc, en concevant le dessin du joyau qu'il veut exécuter,


obéir à ce principe.
Sans entrer dans d'infinis détails, on peut établir comme

règle générale :

Que les grosses pierres doivent occuper le centre de la

pièce ou en être rapprochées, et qu'elles doivent saillir


sur les autres ;

Qu'il faut éviter les superpositions de plans, parce


qu'elles amènent la lourdeur et la confusion ;
Qu'il faut, autant crue possible, faire entrer dans sa

composition des pierres de grosseurs différentes , parce


qu'une pièce de joaillerie couverte de diamants tous
EXTOSITION UNIVERSELLE DE 1878. 475

d'une même grosseur est monotone et et


insupportable,
que rien n'est joli comme l'opposition un
que produit
nombre de petites pierres auprès d'une ce
grosse, qui
indique clairement qu'une partie de l'effet pittoresque
d'un joyau peut être tirée rien que de cette combinai-

son;

Enfin, le joaillier doit, lorsqu'il conçoit l'objet qu'il


veut exécuter, en soigner particulièrement la silhouette et

s'occuper autant des contours fournis par les vides de son


dessin que de son dessin lui-même.

Lorsque le dessin est arrêté, le joaillier en reporte les

traits, par une opération de décalque, sur une surface


unie de cire noire étendue. C'est sur cette répétition de
son dessin qu'il dispose les pierres qu'il veut employer,
en les mettant chacune à la place qui lui convient, et en

les poussant légèrement contre la cire pour qu'elles y


adhèrent. Cette opération de la mise sur cire est des plus

importantes. L'aspect que présentera la pièce, une fois

terminée, en dépend considérablement. On le comprendra

aisément, en se reportant aux principes que nous avons

énoncés plus haut. Ces dispositions préparatoires étant

achevées, on remet à l'ouvrier qui doit faire l'objet et les

pierres sur cire et le dessin.

Celui-ci commence par prendre une feuille d'argent, sur

il trace les contours qu'il doit reproduire, et qu'il


laquelle
ensuite. Cette découpure obtenue, il la double
découpe
dessous d'une feuille d'or plus mince qu'il brase ou
par
soude avec, dans toute son étendue. La doublure
qu'il
d'or est destinée à donner de la résistance à l'argent qui

est un métal mou. L'ouvrier imprime ensuite à ce


trop
morceau doublé d'or les reliefs et les mouve-
d'argent
ments convenables, soit à l'aide de la tenaille et du mar-
476 ORFÈVRERIE MODERNE.

teau, soit en l'emboutissant, sur un bloc de plomb , à


l'aide d'une bouterolle (fig. 303) (1).

Lorsque ce travail est achevé, il fixe sa pièce, dans le

ciment, sur une

sorte de petit bâton

ou de poignée facile

àtenirdanslamain,
et indique sur la

surface d'argent,
avec une pointe en

acier, la place que


devra occuper cha-

que brillant. Puis

il fait un trou pour

chaque. Les pierres


sont .ensuite ajus-
tées une à une dans

le trou respectif

qu'elles occuperont

plus tard, et la pièce

ainsi préparée est

retirée du ciment.

Elle présente alors

l'aspect d'une écu-

moire. L'ouvrier la

retourne de façon
Fig. 303. — Bouquet de Joaillerie en Préparation,
par Massin. à la tenir à l'envers,

et, avec une petite scie très fine, qu'il entre successivement

(1) La bouterolle est une sorte de marteau sans manche arrondi par
un bout, en forme de boule et poli. On s'en sert en frappant sur l'au-
tre extrémité avec un marteau. Elle est en acier. Il y en a de toules
grosseurs.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878. 477
i

dans chacun des trous, il fait ce qu'on appelle la mise à

jour: Ce travail n'est autre que la régularisation des cloisons

restées entre chaque trou. Il consiste à leur donner une

forme symétrique, indépendante de celle que le trou a

pardessus. Car, pour faire jouer le brillant, il faut le plus


de clarté possible, et la mise à jour est d'autant mieux

faite que les cloisons sont devenues plus minces, en con-

servant toutefois leur solidité. On soude ensuite à la pièce

la charnière pour la queue si c'est une broche, ou les

anneaux et accessoires que réclame sa destination, et on

la remet à la polisseuse.
Celle-ci polit seulement la mise à jour, c'est-à-dire l'in-

térieur de tous les trous, à l'aide d'une petite masse de

fils de chanvre imprégnés de pierre ponce pulvérisée et

mêlée à l'huile, puis fait le même travail avec d'autres fils

de tripoli, et enfin le recommence encore avec


imprégnés
des fils couverts de rouge à polir. Cette triple opération

terminée, la mise à jour est polie et la pièce est donnée

au sertisseur.

Ce dernier la fixe à l'extrémité d'une poignée à ciment,

comme a fait l'ouvrier afin que, maintenue fer-


joaillier,
mement dans sa main, elle puisse résister à la pression

des outils. Il met alors successivement chacun des bril-

lants à sa en l'assoyant solidement dans la sertis-


place,
sure. Une fois les brillants sont posés, ils se touchent
que
tous entre eux si étroitement que l'argent n'apparaît que

à la de leurs angles. Il utilise


par petites parties jonction

ce en en faisant des grains qui servent à as-


peu d'argent
les brillants. Puis il coupe, dans l'argent resté sur
sujettir
des filets en dessinent nettement tous les
les bords, qui
en les accentuant. La joaillerie, dans cet état,
contours,
une seconde fois, livrée à la polisseuse qui en
doit être,
478 ORFÈVRERIE MODERNE.

les contours extérieurs, les filets coupés et les grains


polit
relevés par le sertisseur. Ce genre de serti s'appelle à

filets.

Lorsque le filet, au lieu de contourner les bords par

une ligne droite, fait un petit dessin, le serti s'appelle

festonné.
Si une partie de la pièce a dû être sertie à griffes, l'ou-

vrier sertisseur, au lieu de réserver l'argent sur les bords

pour couper son filet et relever ses grains, l'abat totale-

ment en biseau , en prenant soin toutefois de réserver, en

face de chaque pierre, une ou deux griffes, suivant qu'il


est demandé. Ce biseau et les griffes sont ensuite polis.
Le serti ^.illusion est fait de griffes très fines, prises sur

pièce, à la lime, par l'ouvrier joaillier, et que le sertisseur

rabat ensuite sur les pierres.


Les pierres isolées se montent dans des chatons qui
reçoivent une dénomination particulière, suivant la ma-

nière dont les pierres y sont tenues.


Il y a :

Le chaton à filets (fig. 304 et 305) ;


Le chaton gothique ou festonné (fig. 306 et ;
307)
Le chaton à mille griffes (fig. 308 et 309 ;
Le chaton découvert à griffes (fig. 310 et qui le plus
311)
souvent est à galerie. On appelle galerie une petite den-
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878. 479

telure à jour dont on garnit le dessous du chaton, et sou-


vent aussi le dessous des en
entourages joaillerie;
Le chaton à panier 312 et dont la forme des
(fig. 313)
griffes peut varier à l'infini ;
Enfin, le chaton à illusion (fig. 314 et ainsi
315), appelé
parce qu'il est fait de griffes assez légères pour le
que
diamant semble n'être pas tenu.

L'Exposition de 1878 nous a offert des pièces de joail-


lerie tellement remarquables que nous n'hésitons à
pas
affirmer qu'elles dépassent tout ce qui a jamais été fait.

Un bouquet d'azalées, un camélia, une rose entr'ou-

verte (1), une touffe de noisetier (2), un chardon (3),


des églantines (4), une grappe d'ébénier (5), une tige de

ronces et vingt autres motifs gracieux ravis à la nature


(6)
du goût et de l'habileté de nos ouvriers mo-
témoignaient
dernes. Entre leurs doigts intelligents, la pierre semble

sa elle s'assouplit et se prête aux mouve-


perdre rigidité,
ments moelleux, aux inflexions voluptueuses des fleurs

naturelles. pour thème des motifs


Lorsqu'ils prennent

(1) Massin.
(2) Soufflot.
(3) Boucheron.
(4) Rouvenat et Lourdel.

(5) Marret et Jarry.


(6) Fontenay.
480 ORFÈVRERIE MODERNE.

d'ornementation, ils savent, avec un art parfait, tirer parti


des oppositions en égayant, par un fin détail, l'aspect un

Fig. 316. — Diadème en Brillants par Massin.

peu absolu des grosses pierres. Comme démonstration de

ce principe, il faut citer un joli diadème à découpures d'a-

Fig. 317. — Trait du Diadème vu à plat.

rabesques délicatement dessiné (1) (fig. 316 et 317). La

joaillerie d'ornementation offrait encore un autre diadème


très fin, formé de deux chimères délicatement modelées en

(1) Massin.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878. 481

petites roses (1); un pendant de cou, lyre et laurier, d'un


dessin aussi élégant que sévère (1), une tête de hibou (2)
dont les yeux vous regardaient si étrangement, un délicat

pendant, camée et brillants (3), puis des noeuds, des gui-


pures, des dentelles (2) (6), d'admirables pierres délicieu-
sement montées en bagues (4) etc., etc. Nous ne finirions

pas de détailler les jolis objets qui composaient ce remar-

quable ensemble.

Il faut mentionner l'introduction toute nouvelle dans

là joaillerie du tissu métallique souple (2), employé pour

figurer le réseau de la dentelle et servant de fonds à des

fleurs ou à des arabesques en diamants.

Une innovation, également d'assez fraîche date, est celle

qui consiste à figurer les côtes des feuilles par un trait de

scie qui en indique le tracé. Ce procédé donne de la légè-


reté à la pièce et ajoute de l'accentuation au dessin. Il

découle de la nécessité, que nous avons déjà signalée, de

traiter la joaillerie par découpures.


Ces compositions gracieuses que nous venons d'énumé-

rer, admirablement appropriées aux toilettes de fantaisie

de nos élégantes, ont une coquette désinvolture qui, ce-

pendant, ne doit pas faire oublier la joaillerie correcte de

nos devanciers, car ici, comme dans tous les arts, il y a

le classique qu'on peut délaisser un moment, mais qu'on


n'a pas le droit d'oublier. Une vitrine nous en fournissait

plusieurs spécimens, entre autres deux diadèmes saphirs


et brillants (5). Les dessins en étaient simples, les reliefs et

(1) Fouquet.
(2) Massin.
(3) Boucheron.
(4) Téterger Hippolyte.
(5) Bapst.
(6) Rouvenat et Lourdel.
31
482 ORFÈVRERIE MODERNE.

le mouvement presque nuls, l'ensemble sévère et tran-

quille. En présence de ces qualités, on était tenté de se

demander si ce n'est pas en elles que réside le type foncier

de cet art, nous le répétons, tout de silhouette et de dé-

coupures. Non pas que nous voulions diminuer en rien les

sincères témoignages d'admiration que nous ont inspirés


les gracieuses créations modernes, auxquelles nous n'en-

tendons pas marchander nos éloges. Mais nous ne pouvons


nous empêcher de dire ici que, vue comme elle doit l'être,
c'est-à-dire à sa place et complétant une riche toilette, la

joaillerie aux lignes correctes, simples et contenues, exhale

un parfum de grandeur et de distinction auquel les fan-

taisies les plus coquettes ne peuvent prétendre.

Après avoir rendu justice à toutes ces merveilleuses

choses, qu'il nous soit permis de consigner ici un regret.


Nos pères, après qu'ils avaient serti leurs pierres, polis-
saient les filets et les grains de leurs sertissures. Ce

complément de travail donnait à leurs ouvrages un fini et


un éclat parfaits. On ne polit plus maintenant la joaillerie,

après le serti. La faute en est au courant moderne, qui


veut que tout se produise à la vapeur, et qui ne laisse

pas aux ouvriers le temps nécessaire à parfaire leur oeuvre.

Avant de quitter la joaillerie, et après avoir constaté les

progrès énormes qu'elle a faits pendant ces dernières an-

nées, nous devons dire que ces progrès sont dus pour une

grande part au talent de Massin qui, par son goût et son

savoir, a exercé une remarquable influence sur la fabrica-


tion générale, et a contribué à la relever de l'état de mé-
diocrité dans lequel elle était momentanément tombée
vers l'année 1860.

Les bijoutiers exécutent de grandes pièces, soit en or,


EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878. 483

soit en argent, avec et sans émaux, les tra-


qui rappellent
vaux des orfèvres du xive et du xvie siècle et nous dé-
que
signerons sous la dénomination de pièces d'art.
Nous citerons dans ce genre :
Un tableau d'or, d'argent, de bronze, de fer damas-

quiné et d'émail, style hispano-arabe du xne siècle (1).


Sur le devant un cava-

lier étentf le bras sur

la tête d'une femme à

genoux qu'il paraît cou-

vrir de sa protection.
Ce groupe en ronde-

bosse est dû au ciseau

savant de Frémiet. L'as-

pect général çlu mor-

ceau est original et

plein de couleur. L'ef-

fet en est pittoresque et

inattendu, il attire l'at-

tention et la retient. Un

autre tableau (1) dont le


Fig. 318. — Livre d'heures, par Lucien Falize
centre est fils. — Appartient à M. Gruel-Engelmann.
occupé par
un bas-relief repoussé en or fin. Le cadre d'argent, fondu

et finement ciselé, exhale une saveur héraldique très at-

trayante. Les détails nombreux dont il est couvert lui don-

nent de la richesse sans le charger. Un autre cadre (1) dont

le centre est occupé par un bel émail de Glaudius Popelin.


Un livre d'heures en travaux de filigranes à jour sur fond

d'émail, avec inscriptions faites en émaux à deux plans

(fig. 318). Une coupe (2) en émaux limousins dus aux pin-

. (1) Falize fils.


(2) Boucheron.
484 ORFÈVRERIE MODERNE.

ceaux de Mayer. Un vase en cristal de roche, en or, argent


et émaux, porté par un socle en porphyre que rehaussent

des motifs en argent (1). De la panse en cristal partent deux

anses terminées en volutes qui montent soutenir le profil


du col, et qui sont reliées à deux médaillons d'argent par
une frise d'émaux translucides sur or fin, incrustée dans le

cristal. Cette pièce est du style de la Renaissance italienne.

Une charmante petite horloge d'ivoire sculpté (5), mon-


tée en or et argent dans le style du xme siècle. Un élégant
coffret en cristal (2) orné d'entrelacs d'argent émaillé d'un

effet très harmonieux.

Un bougeoir (3) fait de rinceaux en or poli, s'enroulant


autour d'un plateau en cristal, dont la conception est belle
et simple et dont l'exécution est remarquable de pureté.
Un petit brûle-parfums (fig. 319), style Renaissance (4),
dont il nous est interdit de faire l'éloge. Le vase, en forme

d'oeuf, est fait d'une dentelle d'or très fine dont les détails
courent sur un fond d'émail gris translucide. Il est décoré
de quatre plaquettes d'émail peints par Richet, dont deux

représentent les éléments destructifs, la discorde et la vo-

lupté, et deux les principes fécondants, Y amour et le tra-

vail, et porte écrits sur le couvercle les mots CVRSVS


VIT JE. Il est supporté par des sirènes sur
qui reposent
un socle octogone en lapis. Dans toutes les où il
parties
a été possible de le faire, des travaux de d'une
filigranes
finesse extraordinaire ont été substitués à la ciselure.
Avant de terminer cette énumération il im-
incomplète,

(1) Hubert.
(2) Froment Meurice fils.
(3) Boucheron.
(4) Fontenay.
(5) Falize fils.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878. 485

porte de mentionner des travaux de lapidairerie remar-

quables, entre autres une grande coupe en jade oriental (1)


taillée avec beaucoup d'art.

Fig. 319. — Brûle-parfum s, par E. Fontenay.

Nous citer d'autres pièces encore, dans le


pourrions
Celles-ci suffisent à donner la mesure de
genre artistique.

vl) Garreaud.
486 ORFÈVRERIE MODERNE.

l'adresse et du goût de nos artisans français, et à démon-

trer qu'en aucun temps la fabrication n'a été plus maî-

tresse de ses procédés. Les fines ciselures (fig. 320 et 321)


dont elles sont couvertes, les belles peintures en émail qui
les ornent, les travaux de lapidairerie qui y figurent, peu-
vent soutenir toute comparaison. Elles font le plus grand
honneur à notre époque. Si la mode n'était pas tant à la

curiosité, à la collection d'objets cotés et catalogués, si

les amateurs recherchaient les choses belles et précieuses


sans se préoccuper de leur origine, si, en un mot, ils tour-

naient les yeux vers le présent, nous sommes convaincus

qu'un résultat fécond pourrait être obtenu. Les qualités de

nos artistes sont susceptibles des plus grands développe-


ments. On peut juger, par les ouvrages que souvent ils ne

produisent qu'avec l'aide de leurs seules ressources, de

ceux qu'ils feraient, s'ils étaient guidés, soutenus et en-

couragés.
Nous nous plaisons à citer L. Falize fils, comme un des

plus dévoués à ces tentatives de résurrection de la petite


orfèvrerie d'art; son goût nourri et épuré par des études

consciencieuses, son travail persévérant, l'aident à conti-

nuer dignement l'oeuvre qu'a laborieusement commencée


son père Alexis Falize.

La bijouterie en or se subdivise en une très grande

quantité de produits, aussi divers par l'aspect et par le

prix que par les procédés qui concourent à leur fabrica-


tion. Ils commencent au bijou précieux dont chaque par-
tie a été soigneusement et directement travaillée par la
main de l'ouvrier et dont le prix de façon est toujours su-

périeur à la valeur intrinsèque de l'or qu'il contient, bien

que le métal n'y soit pas épargné. Ils continuent en des-


EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878. 487

cendant tous les degrés de fabrication chromatiquement


gradués, jusqu'à l'autre extrémité de l'échelle, où nous
trouvons l'objet dans la fabrication duquel la machine

joue le principal rôle. Ici le travail de l'homme n'est plus


qu'accessoire, et l'or, bien que parcimonieusement em-

Fig. 320 et 321. — Montre en Acier repercé et ciselé, par Boucheron.

ployé, représente presque toujours une valeur supérieure

au prix de la façon.
Cette variété infinie constitue, on peut presque dire,

autant de métiers différents dans le métier lui-même, car

un ouvrier employé dans un genre est presque toujours

inapte à travailler dans un autre. En outre, chaque partie

du travail, dans la fabrication d'un bijou, est accomplie

un ouvrier spécialiste. Il y a, outre le bijoutier pro-


par
488 ORFÈVRERIE MODERNE.

prement dit qui donne la forme à la pièce, le modeleur,

le mouleur, le graveur, le ciseleur, le guillocheur, l'émail-

leur, le lapidaire, la reperceuse, la polisseuse et le' sertis-

seur qui concourent chacun dans sa spécialité à sa con-

fection ou à son achèvement.

En présence de cette infinie division du travail, résultat

de la lente action des siècles écoulés, il est peut-être in-

téressant de nous reporter un instant à l'époque la plus


reculée que nous connaissions de notre origine indus-

et nous a fait voir un seul —


trielle, qui homme, Vulcain,
— dix métiers à la fois.
exerçant
A la suite du classement par professions, qui a dû met-

tre un assez long temps à s'accomplir; sont venues les

divisions et les sous-divisions en spécialités qui se sont

multipliées à l'infini. Dans l'origine un ouvrier faisait plu-


sieurs métiers, aujourd'hui il faut plusieurs ouvriers pour
faire un seul métier.

Si nous nous rendons compte de l'énorme développe-


ment qu'ont acquis les industries modernes, si nous envi-

sageons la prodigieuse variété de produits dont chacune

d'elles a enrichi son répertoire, et si nous rapprochons


ces développements considérables des manifestations in-

dustrielles relativement bornées, comme variété et comme

quantité, de nos devanciers, le fait de la division du tra-


vail se trouve naturellement expliqué.
Un jour est venu où la somme de savoir et d'expérience
acquise par les générations qui s'étaient succédé est
devenue telle que la répartition par spécialités a dû

s'opérer d'elle-même graduellement. Nous en sommes


arrivés à cet état que l'ouvrier n'a à ses
plus apporter
soins et son attention sur un et déter-
que point unique
miné de travail, et peut par conséquent amener ce point
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878. 489

à un remarquable degré de perfection. Mais ce tout


fait,
en étant très favorable à la fabrication de cou-
produits
rants , cesse de devenir un d'ou-
avantage, lorsqu'il s'agit
vrages d'un ordre plus élevé. On affirmer la
peut que
dénaturation de l'idée première, résultat inévitable de
collaborations successives, que le d'unité dans
manque
l'exécution, en un mot, a fait perdre plus de qualités à
certains ouvrages, que ne leur en ont donné les soins ap-
portés à chacune de leurs parties prise isolément.
Voici quelques détails concernant la fabrication de la

bijouterie.

Lorsque la pièce qu'on veut exécuter est en ronde-


bosse et représente une figurine ou un ornement ayant
un caractère absolument artistique, c'est le modeleur qui
est chargé d'exécuter le modèle en cire. Ce modèle passe
ensuite dans les mains du mouleur, qui en prend l'em-

preinte extérieure avec de la terre ou du sable à mouler,

qu'il emploie à sec et bat sur le modèle jusqu'à ce qu'en

ayant épousé tous les contours , elle devienne dure et

fasse corps avec elle-même. Le moule se compose pres-

que toujours de plusieurs pièces rapportées, qu'on ras-

semble et qu'on remet en place lorsque le modèle est

retiré, de façon à produire un creux qui lui soit conforme.

C'est dans ce creux que sera coulé l'or en fusion.

Si la pièce à mouler est volumineuse, comme il importe

d'économiser le métal, à cause de son poids et de son

prix, le mouleur fait ce qu'on appelle un noyau.


Le noyau est en terre comme le moule et doit être

placé dans le centre du creux, de façon à empêcher l'or

en fusion de le remplir en entier. Il suit autant que possi-

ble les contours extérieurs de la pièce, mais à distance, et

de façon à laisser entre sa surface et le moule la place


490 ORFÈVRERIE MODERNE.

devra être remplie par l'or et qui doit être aussi mince
qui

que possible. On obtient par ce moyen une pièce creuse.

Nos mouleurs sont d'une grande habileté et poussent très

loin cet art précieux de mouler mince et léger.

Quand la pièce est coulée et refroidie, on la donne au

ciseleur. Après l'avoir fixée, à l'aide de ciment, sur un

bloc de fer rond et pesant appelé boulet, il en répare et

en cisèle successivement toutes les faces, en la changeant


de place dans son ciment chaque fois qu'il en est besoin.

Lorsque l'objet qu'on veut exécuter est un bijou pur et

simple, l'ouvrier reçoit un dessin qui lui en indique la

forme et le modelé général. Il découpe, conformément à

cette indication, une feuille d'or qu'il a préalablement


laminée à l'épaisseur convenable, puis il emboutit cette

feuille sur un bloc de plomb, à l'aide de la bouterolle et

du marteau, ou la mouvementé à la tenaille, de façon à


obtenir l'effet indiqué par le dessin. Si la pièce ne pré-
sente pas ainsi une épaisseur ou une solidité suffisantes,
il en borde tous les contours d'un fil carré qu'on appelle
bâte (1). Cette bâte est fixée, au corps principal de la pièce
au moyen de la soudure. La soudure est faite d'un alliage
d'or un peu plus bas et par conséquent plus fusible que
l'or à sept cent cinquante millièmes qui est employé pour
la fabrication du bijou français. Donc, une fois la bâte at-
tachée à sa place par un fil de fer, il de
pose, près
l'assemblage, de la soudure coupée en très petites par-
celles, qu'il colle à l'aide de borax broyé dans de l'eau.
Le borax est surtout destiné à faciliter la fusion de la
soudure.

La pièce ainsi préparée est portée au feu d'une lampe,

(1) De bûtir sans doute.


EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878. 491

dont l'ouvrier dirige la flamme avec un chalumeau dans

lequel il souffle, de façon à la chauffer ce la


jusqu'à que
soudure entre en fusion. Il soude de la même manière
toutes les parties complémentaires. On emploie depuis
trente ans la flamme du gaz qui a remplacé la à
lampe
l'huile. La pièce, sous l'action du feu, est devenue noire.
On lui rend sa couleur jaune en la faisant bouillir dans un
bain d'acide nitrique très étendu d'eau.

Lorsque le bijou doit être décoré d'une ornementation


à jour, on le remet au graveur, qui trace avec un burin le
dessin qu'on veut obtenir, puis on l'envoie à la reperceuse
qui, à l'aide d'une petite scie très fine, découpe tout le
fond en respectant les contours, qui sont ensuite repris

par le graveur ou le ciseleur.

S'il doit être gravé ou ciselé, il est préalablemeut assu-

jetti sur le boulet, dans le ciment, pour recevoir ce travail.

S'il doit être émaillé, c'est encore le graveur qui, à

l'aide d'un burin, trace et enlève dans l'or la place que


doit — cette
occuper l'émail, opération s'appelle champ-
— et dans le un travail brillant et
lever> prépare champ
faceté destiné à jouer sous l'émail et à en augmenter
l'éclat. Quelquefois c'est le guillocheur qui moire la sur-

face sur laquelle doit être posé l'émail.

L'émailleur son émail pour l'employer. C'est


pulvérise
en poudre qu'il le dispose dans les champs préparés par

le Il en obtient la fusion, et par conséquent la


graveur.
couleur et la en faisant chauffer à rouge la
transparence,
entière dans un moufle. L'émail sort du four glacé
pièce
et mais cependant les grandes sur-
éclatant, quelquefois
faces sont polies à l'aide de la roue.

La de retour de l'émail, est grattée par le bijou-


pièce,
la ainsi de la calamine produite par, le
tier, qui dépouille
492 ORFÈVRERIE MODERNE.

feu du four de l'émailleur, puis remise à la polisseuse qui

commence à en unir les surfaces à l'aide d'un petit crayon

de Elle emploie ensuite successivement la pierre


pierre.
écrasée en poudre et mélangée d'huile, puis le tri-
ponce
Elle se sert pour ce travail, suivant la forme et
poli.
l'étendue de la surface qu'elle doit unir, de petits crayons
en bois, de brosses, de fils et de lanière de drap tendues

sur une espèce de règle en bois.

Parvenu à cet état, le bijou peut être avivé on mis en

couleur.

S'il doit rester poli, la polisseuse le frotte une dernière

fois, dans toutes ses parties, avec du rouge à polir, et

obtient ainsi un grand éclat qui est d'autant plus prisé

qu'il est plus noir : c'est l'avivé.

S'il doit, au contraire, présenter la couleur jaune de

l'or fin, on procède à la mise en couleur, qui consiste à le

baigner dans un mélange de sels et d'acides en ébullition.

Au sortir de ce bain, la couleur jaune peut être brillantée

ou rester mate selon qu'on le désire. Le brillante s'obtient


en frottant la pièce avec une sorte de pinceau, fait de fils

de laiton fins comme des cheveux. Cette opération s'ac-

complit dans de la bière.

Lorsqu'un bijou doit être orné de pierres, on le remet

tout achevé au sertisseur, dont nous avons décrit le tra-


vail en parlant de la joaillerie. C'est aussi le sertisseur qui
fixe, dans les chatons de bague et dans les cachets, les

pierres taillées parle lapidaire, telles que les jaspes, les

lapis, les cornalines, etc.

Nous ne pouvons décrire tous les détails de fabrication

propres à chaque genre de bijou. Qu'il nous suffise de


dire que la belle bijouterie est généralement faite à la
main. Dans celle qui se fait en filigranes, les petits fils,
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878. 493

les petites cordes, composées de deux fils tordus ensemble,


sont contournés et soudés ensuite sur la partie qu'ils
doivent orner ; les petits grains sont fondus d'abord, cha-

cun à part, puis posés un à un et

soudés de la même manière. Ce

travail demande un soin et une

adresse extrêmes, car la moindre

parcelle de soudure mal dirigée

empâte la ténuité des détails et

gâte tout l'ouvrage.


Les outils dont les bijoutiers et

les joailliers font usage n'ont pas

changé depuis de bien longues an-

nées. Nous les trouvons figurés, à

près tels qu'ils sont encore,


peu
dans les anciennes estampes qui
des intérieurs d'ate-
représentent
liers de, bijoutiers. Fig. 322. — Bijou en
de Enroulements.
L'étendue considérable pro-

duits la embrasse à l'exposition forme un


que bijouterie
des caractères distinctifs de la fa-

brication parisienne. Nous allons

commencer notre examen par la

bijouterie riche.

Plusieurs types nouveaux ont été

trouvés dans le cours de ces der-

Fig. 323. — Boutons de Man- nières années.


chettes en or repercé. aux enroule-
Le bijou emprunté

ments de fer vénitiens 322) (1), enroulements faits


(fig.
comme ceux-ci d'un ruban tourné sur lui-même en spi-

(1) Boucheron.
494 ORFÈVRERIE MODERNE.

et relié des attaches qui complètent l'ornemen-


raies, par
tation. Ce bijou s'est fait en or rouge poli.
Le fabriqué également en
bijou repercé,
or 323). Il présente une sur-
rouge poli (fig.
face couverte de petits dessins très
plane
fins dont les fonds sont criblés à jour. On

l'imite maintenant dans le genre plus cou-

rant.

Le bijou en émaux cloisonnés d'inspira-


tion japonaise dont les dessins d'Ok-Saï

Fig. 321.— Boucle ont fourni les types (1). Les petites cloisons
d'oreille en Tur-
quoises taillées. qui forment le dessin sont tournées une

à une à la main sur le fond, avant que de recevoir l'émail

qui garde le ton mat or-

dinaire à ce genre de

produit. Le bijou fait

d'émaux a deux plans (2).


Les motifs sont faits en

émaux translucides

jouant sur paillons et

s'enlèvent en relief sur

des fonds d'émaux opa-

ques. La couverture de

livre dont nous avons

donné le dessin plus

haut, en est ornée.


Fig. 325. — Bijou genre étrusque
Le bijou fait de petites avec Peinture.

turquoises taillées symétriquement et juxtaserties pour


produire des formes et des dessins déterminés (fig. 324).
Elles sont souvent rehaussées par des roses.

(1) Falize père.


(2) Falize fils.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878. 495

Le bijou fait d'une peinture à tons


genre étrusque
mats (1) sur fond soit bleu, noir ou rouge, représentant
un sujet mythologique, dont le cadre et les pendentifs,
traités en filigranes, contiennent une ornementation et
des attributs en rapport avec le de la peinture cen-
sujet
trale (fig. 325).
Le bijou tout or, empruntant aux filigranes ses éléments

décoratifs (1) Ce genre a fourni de grandes quantités va-

Fig. 326. — Moitié d'un Collier tout or avec applications de Filigranes.

riées de colliers, de bracelets et de demi-parures de créa-

tion entièrement originale et nouvelle (fig. 326).


L'émail nous a donné :

Ces plaquettes genre Limoges, mais de dimensions ré-

duites, pour centres de broches et de pendants d'oreilles,

reproduisant de mignonnes compositions inspirées de la

Renaissance. Les petits sujets, traités en bas-relief, sont

blancs crémeux sur fond aventurine.

Ces autres plaquettes à fonds rouges ardents (1), déco-

rées de personnages émaillés en bas-relief, et peints avec

(1) Fontenay.
496 ORFÈVRERIE MODERNE.

une finesse et une netteté qui n'ont jamais été atteintes

à aucune époque.
Les émaux à jour qu'il faut voir du côté opposé à celui

qui reçoit la lumière, à la manière des vitraux d'église,


dont ils ont l'aspect en petit. Le procédé de fabrication

de ces émaux a été récemment retrouvé; nous disons

retrouvé, car Cellini a donné la description de pièces ainsi

émaillées, qu'il désigne par cette périphrase en manière de


voirrieres (1).
Ces ingénieuses nouveautés n'ont pas fait délaisser la

ciselure, on a pu le voir à l'Exposition.. Il y avait en ce

genre des châtelaines, des bracelets, des pendants de cou,


des boîtes de montre, des médaillons et d'autres pièces
très agréablement conçues et très finement traitées, qui
offraient des spécimens remarquables de l'art du ciseleur.
Malheureusement les bijoux qui ne doivent leur prix
qu'à la perfection de la main-d'oeuvre ne sont assez
pas
recherchés. Il y a bien quelques amateurs les
qui prisent,
mais la grande masse des consommateurs acheter
préfère
des diamants.

La découverte des mines de en mettant le


Kimberley,
diamant à la portée d'un plus grand nombre de fortunes,
n'a pas peu contribué à jeter le public dans cette voie.
Sans prétendre désapprouver cette on
mode, peut cepen-
dant regretter qu'elle tende à se de en
généraliser plus
plus. Il est vrai que l'éclat du ce de lu-
diamant, rayon
mière capté, exerce une attraction instinctive sur tout le
monde. Il est encore vrai que le à part l'écart
diamant,
obligé entre le prix de vente et le conserve
prix d'achat,
toujours sa valeur, de sorte qu'en on sait
l'achetant, qu'on

(1) Comte L. DE LABORDE. Glossaire, p. 275. (Émail imitant les


vitraux.)
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878. 497

ne dépense pas , mais qu'on immobilise seulement un

capital. C'est un placement dont les satisfactions de la

vanité servent l'intérêt.

Mais s'ensuit-il que le diamant doive tenir lieu de tout,


et n'est-il pas fâcheux, au point de vue des progrès indus-

triels, qu'en général, l'éducation moderne ne développe

pas chez nous la connaissance et la juste appréciation des

choses, en dehors et au-dessus de leur valeur vénale, ainsi

que le goût de ce qui est simplement beau par la forme et

par l'exécution?

La bijouterie de consommation courante se présente à

notre examen, surtout comme matière commerciale. En

ne l'envisageant que sous ce point de vue, elle suffit à

nous donner toute satisfaction, car les résultats qu'elle


atteint sont considérables. Mais nous sera-t-il permis de

risquer cette observation, que le résultat pourrait être

tout aussi fécond, plus fécond même, si la plupart des

honorables industriels qui la fabriquent apportaient à sa

confection un peu plus de souci de la forme et du dessin ?

Nous savons que, tout d'abord, ils ne seront pas de

notre avis. Nous craignons même de voir la sincérité de

notre appréciation soulever, au milieu d'eux, un toile

car ils nous répondront par cet argument, que


général,
leurs modèles sont jugés bons, puisque tous les fabricants

viennent les chercher pour les copier. Ce fait est


étrangers

vrai, nous n'entendons pas le contester.

Le français, éminemment léger et changeant, ex-


génie
celle s'applique à la création de toutes ces fantai-
lorsqu'il
sies d'un Sa mobilité l'aide à trouver des variantes
jour.

infinies, échappent à l'esprit plus froid des autres peu-


qui
Mais il est vite satisfait et se laisse aller à fabriquer,
ples.
32
498 ORFÈVRERIE MODERNE.

sans l'approfondir, tout ce que lui fournit son pre-


trop
mier Les étrangers viennent puiser chez nous cet élé-
jet.
ment ondoyant qui leur manque, quant à présent. Est-il

bien sage d'en conclure que les modèles que nous leur

fournissons sont toujours jolis, ou plutôt que c'est parce

qu'ils sont jolis qu'ils les recherchent? Tenons-nous en

garde contre le sentiment de quiétude trompeuse qui


résulte d'une trop grande confiance en soi. Les Anglais
travaillent et étudient, les Américains font des efforts

énormes, ils convoitent nos marchés, on doit les craindre.

N'oublions pas que toutes les aptitudes humaines se dé-

veloppent par la culture, et que ces choses, que d'autres

ne savent pas aujourd'hui faire aussi bien que nous, ils

peuvent demain les savoir faire mieux. Ajoutons que, pour

acquérir les qualités qui nous manquent, nous ne per-


drions nine gâterions celles que nous tenons de la nature.

Ce serait donc tout bénéfice.

Un des bijoux le plus en vogue, dans ces derniers temps,


a été le petit bracelet étroit, dit porte-bonheur, qui, par un

caprice de la mode, et sans doute aussi par suite du bon-


heur qu'il se sera porté à lui-même , a été fait en or, puis
en diamants et vendu à profusion, après que tout le monde
en avait d'abord porté en buffle et en écaille ; puis ce bra-
celet fait d'une spirale souple, sans articulations, qu'on
tourne plusieurs fois autour du bras, et qui reprend sa
forme par le simple effet du ressort (1).
Les chaînistes ont fabriqué des cordons de dont
gilet
les mailles sont formées d'un ruban d'or mince et étroit
contourné sur champ dans un cadre (fig. L'effet en
437) (2).
est simple et de bon goût. Ces objets sont exécutés en cet

({) Lion.
(2) Filon.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878. 499

or rouge poli qui est maintenant à la mode en France.

Signalons aussi les produits émaillés sur argent, connus


sous le nom de bijoux Bressans dont l'éclat kaléidos-
(1),
copique séduit le consommateur en vue duquel ils ont été
créés. Ils sont relativement distingués et En tout
simples.
cas ils sont originaux.
La bijouterie en doublé est très en Elle montre
progrès.
des modèles de bon goût et finement
quelques-uns gra-
vés (2). Elle a augmenté, cette année, son d'un
répertoire
nouveau type qui est le bijou doublé d'or sur et
argent,
qu'on pourrait appeler le doublé fin (3).
La bijouterie en imitation est aussi très en progrès. Elle

Fig. 3.27. — Cordon de Gilet en or rouge poli.

recherche le style avec un grand soin et beaucoup d'appli-


cation. Dans bien des cas, elle se montre supérieure à la

bijouterie d'or courante (4). Le bijou de théâtre, qui est

une des branches de cette spécialité, formait une exposition


très intéressante au point de vue des types divers qu'elle
renfermait et de la façon intelligente dont ils étaient ren-

dus (5). La bijouterie en imitation n'emploie guère les

mécaniques. Le cuivre est travaillé à la main, par


procédés
les ordinaires, puis ensuite doré à la pile. Cette
moyens

opération de la dorure arrive aujourd'hui à des résultats

remarquables. L'Exposition offrait des spécimens très

(1) Fornet, de Bourg (Ain).


(2) Murât.
(3) Héricé,
(4) Piel, Michelot de Tkiéry et Ci".

(5) Leblanc-Granger.
500 ORFÈVRERIE MODERNE.

réussis de dorure par épargne (1). On appelle ainsi l'opé-


ration qui consiste à recouvrir d'ors de couleurs variées

chacune des parties de la pièce, en épargnant tour à tour

chacune des autres parties.

Considérations générales.—Nous terminerons cette


étude par un parallèle entre les bijouteries anciennes et
la bijouterie moderne. Peut-être sortira-t-il plus d'un en-

seignement de cette comparaison.


Les qualités qui nous font aimer les bijoux anciens,
qu'ils soient égyptiens, grecs, étrusques ou gallo-romains,
qu'ils appartiennent au moyen âge ou à la Renaissance,
sont à peu près les mêmes dans tous, et peuvent être ana-

lysées. La première, c'est la naïveté, la simplicité. Ces

avantages, hélas! sont de ceux que l'âge fait aux


perdre
nations aussi bien qu'aux individus. On peut les étudier,
on peuts'en inspirer. Peut-on les reproduire?
La seconde, c'est la beauté du ton de l'or. Celle-ci tient
à la nature ou plutôt au titre du métal. A toutes les épo-
ques antérieures à la nôtre, l'or était souvent
employé,
natif, quelquefois fin, toujours d'un titre très élevé. Au
lieu d'être revêtu du ton ou de l'éclat lui
éphémère que
donnent soit le poli, soit obtenu à
l'affinage superficiel
l'aide de sels en ébullition, il montre le fond même de sa
substance. Les frottements et l'usure ne l'altérer.
peuvent
La troisième qualité va sembler, tout au moins, singu-
lière quand nous l'aurons car elle est le
indiquée, résultat
d'hnperfections. Cela ressemble à un et
paradoxe, pour-
tant rien n'est plus vrai. Imperfection des moyens, imper-
fection des outils, quelquefois même imperfection de la
main. Toutes ces encore
imperfections, augmentées par

(1) C. Hamelin.
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 501

la mollesse du métal, impriment à l'oeuvre un ne sais


je
quoi de flou, de gras et d'inarrêté qui nous charme.
Cette qualité est celle dont nous avons parlé plus haut, et

que recherchent de nos jours les plus habiles ouvriers


italiens. Le hasard vient de nous fournir une preuve de la

justesse de cette opinion qui, du reste, s'impose pareille-


ment dans d'autres industries que la nôtre. C'est un collier

algérien assez connu, qui a été copié à l'aide des moyens


mécaniques perfectionnés qui donnent aux différentes

parties de l'ouvrage une rectitude parfaite. Cette copie n'a

produit qu'une chose sèche, dure, sans charme et sans

signification.
La — ici nous touchons au
quatrième qualité, point
— c'est la Il faut convenir les
délicat, composition. que

bijoux de création moderne'n'ont en général ni le carac-

tère, ni l'ampleur de formes, ni la pureté de lignes, des

types qui nous ont été conservés.

Et puis les anciens trouvaient l'harmonie, tandis qu'on

pourrait nous accuser de chercher un peu le clinquant.


Mais la faute n'en est peut-être pas tout entière aux pro-
ducteurs. Il faut tenir compte aussi de l'influence énorme

qu'exercent sur ces derniers les goûts et les préférences


du consommateur.

Examinons les civilisations antiques et leur caractère.

Que nos yeux se portent vers les Indes, vers l'Egypte, la

Grèce ou l'Étrurie, nous trouvons toujours en face de

nous un peuple ayant pratiqué une certaine constance

dans ses goûts de costume et d'ameublement.

Nous ne rencontrons chez chacun d'eux qu'un nombre

délimité de bijoux, auxquels ils se sont tenus et qu'ils ont

perpétués en les perfectionnant. On comprend que, dans

ces données, les formes toujours ramenées aux types pri-


502 ORFÈVRERIE MODERNE.

mitifs ne s'améliorer. La quantité possible de


puissent que
naïfs et est forcément restreinte. Les carac-
types simples
tères les ne peuvent se maintenir sans
qui distinguent

altération, qu'à la condition expresse que la consomma-

tion continue de les accepter, au moins pendant un temps.

Mettons en de ce tableau le spectacle de notre


regard
civilisation occidentale moderne. Une sorte de divinité

qui méconnaît les lois du goût et de la raison,


fantasque,
n'a d'autre règle que son caprice, qui vient on ne
qui
sait d'où,

La Mode, puisqu'il faut l'appeler par son nom,

la domine et la surmène.

Une idée , une conception nouvelle vient-elle d'appa-

raître, elle l'épuisé en quelques jours, et vite elle en de-

mande une autre. Cette puissance capricieuse ne s'arrête

pas d'ailleurs plus longtomps à une chose bonne qu'à une

mauvaise, elle n'a d'égards pour rien. Le beau et le com-

mode lui importent peu.

Il lui faut du nouveau, n'en fût-il plus au monde.

A ce jeu le producteur s'use vite; et, n'ayant pas la possi-

bilité de rester clans une voie déterminée, il erre. Il quitte


même volontiers la bonne pour la mauvaise, car il n'est

pas longtemps à s'apercevoir que la mauvaise est quelque-


fois préférée, non parce qu'elle est mauvaise, mais simple-
ment parce qu'elle est la dernière venue.

Aussi que de forces perdues ou gaspillées! et comme on

sent bien que notre écrin serait autrement riche, si nous

étions d'humeur plus constante, si nous avions un peu


d'assiette, de plate-forme, comme on dit aujourd'hui ! Nos
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 503

aïeules se léguaient leurs de mère en fille. Chez


parures
nous, la plus jolie création devient vieillotte en de
peu
temps. Ce ne sont plus les bijoux de famille laisse
qu'on
de côté, ce sont les siens abandonne et
propres qu'on
qu'on remplace vite pour suivre la mode. Ajoutez à cette
course folle du consommateur le désir bien naturel que
fait naître chez le fabricant la entrevoit
possibilité qu'il
de s'enrichir vite en flattant le goût public, et vous arrivez
à livrer toutes les clefs de la maison au banal et
produit
courant que nous voyons étalé partout.
Si nous nous plaçons au point de vue purement mer-

cantile, il est démontré que la versatilité française, étant


la cause d'une immense variété dans la production, con-
tribue puissamment à multiplier les affaires, cela est in-

contestable. Si la bijouterie doit n'avoir pour objet que de

fournir à la consommation, sans se préoccuper d'autre


chose que de réaliser des bénéfices, elle peut persévérer
dans la même voie. Mais si, s'imposant une tâche plus
élevée, elle veut prendre en main la direction du goût pu-
blic, et faire une tentative pour le fixer, il faut qu'elle ap-

pelle à son aide une grande volonté et beaucoup de travail.

Le moment semble opportun pour cette entreprise. Le

bijou, de patricien qu'il est longtemps resté, tend de plus


en plus à se populariser. Chaque jour le cercle de la con-

sommation s'agrandit.
Il faudrait faire, à bon marché, un bijou ayant du carac-

tère. Il est à créer de toutes pièces.

Espérons que cet effort sera tenté, et que, jalouse de

soutenir sa vieille réputation, la bijouterie française ces-

sera de s'attarder dans les chemins faciles où sa trop

grande quiétude la maintient.


504 BIJOUX ET JOYAUX.

SOCIÉTÉS ET FONDATIONS

Nous donnons ci-dessous la copie d'un tableau qui figu-

rait à l'Exposition de produits de la classe 39.

INSTITUTIONS FONDÉES PAR LES INDUSTRIES

DE LA BIJOUTERIE, DE LA JOAILLERIE ET DE L'ORFEVRERIE


PARISIENNES

1859. — Société des orfèvres, etc. (dite So-


joailliers, bijoutiers,
ciété des cendres). Pour la réalisation des déchets
d'or et d'argent.
1861. — Chambre de la joaillerie, de la bijouterie et
syndicale
de l'orfèvrerie.
1866. —École professionnelle de dessin pour les apprentis de
la joaillerie, de la bijouterie et de l'orfèvrerie.
1869. — Société de de la bijouterie,
l'Orphelinat général joaille-
rie, orfèvrerie et horlogerie.
1873. — Chambre de la bijouterie en imitation.
syndicale
1875. — Société aux ouvriers et
d'encouragement apprentis,
employés, reconnue d'utilité publique.
1875. — La caisse de retraite
Fraternelle, approuvée.
1876. — École de dessin les apprentis de la
professionnelle pour
bijouterie en imitation.
1877. — Chambre des en diamants et pierres
syndicale négociants
précieuses.

L'usine fondée en l'année 1859, pour le traitement, la

fonte et l'essai des déchets d'or et d'argent, est située

39, rue des Francs-Bourgeois. Elle servit de berceau à la

plupart des fondations qui suivirent.

La chambre syndicale fonda en 1866 son école profes-


sionnelle de dessin et de modelage. Cette école, grâce
SOCIÉTÉS ET FONDATIONS. 505

à un bienveillant concours, eut d'abord sa première instal-


lation dans les bâtiments de l'École des Arts et Métiers.
Elle dut, après quelques années, un local à sa
prendre
charge.Elle est actuellement située rue Saint-Martin, n° 339,
et reçoit de deux cents à deux cent élèves, ré-
vingt-cinq
partis en deux sections, qui viennent alternativement le
soir suivre les cours, de deux jours l'un. Des récompenses
sont accordées tous les ans aux plus travailleurs et aux

plus habiles. Cette distribution donne lieu à une cérémo-


nie dans laquelle la chambre syndicale et la société d'en-

couragement réunies décernent, en outre, des prix aux

lauréats des concours professionnels d'apprentis qui se

font chaque année, et des marques de gratitude et de

distinction aux ouvriers, ouvrières et employés que leur

travail, leur dévouement à leur profession ou leur vertu,


ont fait le plus particulièrement remarquer.
Nous n'avons pas à nous étendre sur la nature des ser-

vices que rendent les sociétés de l'Orphelinat et de la Fra-

ternelle. Leurs noms la font assez connaître.

Ce tableau indique suffisamment les préoccupations et

les tendances de notre corporation pour qu'il soit inutile

d'insister. Toutes les fondations qu'elle a entreprises sont

encore trop jeunes pour avoir une histoire. Nous laissons

à d'autres que nous, lorsqu'elles en auront une, le soin de

l'écrire, et nous leur souhaitons bonne et longue vie.

Les ouvriers de notre corporation ont, de leur côté,


créé deux Sociétés de secours mutuels. La plus ancienne,
fondée en l'année 1845, porte le nom de Société Benve-

nuto-Cellini. L'autre, fondée en 1851, a pris le nom de

Société des ouvriers joailliers. Ces deux Sociétés fonction-

nent régulièrement; elles rendent de grands services et

sont en bon état de prospérité.


506 BIJOUX ET JOYAUX.

STATISTIQUE

La dernière sur les conditions du travail en


enquête

France, faite les soins de la chambre de commerce de


par

Paris, donne pour notre corporation les résultats suivants,

dans le département de la Seine :

Nombre de fabricants 3.327.


Nombre d'ouvriers (hommes et garçons) . . 12.827
Nombre d'ouvrières (femmes et filles) . . . 5.654

Nombre total des ouvriers, ouvrières et apprentis. . 18.4SI


dont les salaires annuels représentent une somme de francs 31.174.650

La prospérité toujours croissante de l'industrie du dou-

blé, ainsi que celle de l'imitation, fait qu'on peut, sans être

taxé d'exagération, porter aujourd'hui ce chiffre à 20,000

et augmenter proportionnellement le montant des salaires.


LA PERLE

Histoire naturelle. — La est un naturel


perle produit

que l'on trouve chez certains mollusques appartenant à la

classe des Lamellibranches ou Acéphales, ou bien encore

Acéphales-Lamellibranches.
Ces derniers ont été partagés en un certain nombre de

familles, et c'est à celle des Malléidés qu'appartient le

mollusque célèbre qui fournit surtout la perle.


Cette dénomination d'Acéphales-Lamellibranches indi-

que déjà les principaux caractères de ces mollusques. Ils

n'ont pas de tête distincte, et consistent surtout en un

appareil digestif, estomac et foie; un coeur, composé


d'un seul ventricule; et enfin des branchies, ou organes
de la respiration, formés de deux longues lames bran-

chiales de toute la longueur de l'animal.

Non seulement ces êtres n'ont pas de tête, mais il

n'existe pas chez eux d'organes du toucher, c'est-à-dire

de véritables tentacules. Leur peau s'allonge des deux

côtés du corps, et ce manteau les protège, comme la cou-

verture d'un livre protège celui-ci.


510 LA PERLE.

et se reproduire, voilà toutes les fonc-


Digérer, respirer
tions des Lamellibranches, trouvent entre leurs valves
qui

solides un abri dans lequel ils peuvent défier


protecteur
toute hostilité. Ils ont leurs ennemis, qui n'a
cependant
les siens? et de molles éponges perçant leurs coquilles

sont redoutables pour eux que les adversaires


parfois plus
mieux armés.

La famille des Malléidés comprend un certain nombre

de nous distinguons les genres


genres, parmi lesquels

Perna-Malleus, etc. Chez les Malléidés, le manteau


Avicula,
ouvert se ou moins clans les ailes de la co-
prolonge plus
ailes sont si marquées chez les Marteaux. L'a-
quille, qui
nimal ne qu'une partie de la coquille: leur muscle
remplit
adducteur est unique. Le pied, conique et vermiforme,

est ordinairement muni d'un byssus, touffe de filaments

destinés à fixer la coquille. C'est ce dernier


agglutinants,
caractère qui a fait éloigner les Avicula des Ostracés, où

ils prenaient place autrefois près des huîtres. Le nom

d'huître perlière consacrait ce rapprochement, qui n'avait

de fondé que certaines analogies de formes entre les co-

quilles; analogies assez éloignées, surtout quand on com-

parait leur taille, celle du mollusque producteur de perles


étant bien plus considérable.

LaPintadine. — La à l'âge de huit ou dix


pintadine,

ans, doit avoir atteint tout son développement. Les plus


belles ont 15 centimètres de diamètre, et l'épaisseur de la

coquille peut avoir 27 millimètres. Les valves sont presque

égales, irrégulièrement arrondies. Extérieurement, elles

sont feuilletées dans leur jeunesse, d'un vert sombre et

rayées de jaune. Dans leur vieillesse, cette surface devient


rude et noirâtre. A l'intérieur, elles présentent une blan-
cheur nacrée et brillante, encadrée de noir sur les bords.
HISTOIRE NATURELLE. 511

La charnière est droite et dépourvue de dents. Elle offre


un ligament longitudinal, dont le jeu naturel est de relier
les valves l'une à l'autre par la charnière, et de les main-
tenir entre-bâillées, quand le muscle adducteur n'agit
pas sur elles, pour les ramener par sa contraction. Le

mollusque n'est pas aussi grand que la coquille, il pré-


sente un manteau ouvert qui sécrète et répare celle-ci.

Le bord postérieur des valves offre une ouverture qui laisse

passer un faisceau de soies ou byssus, analogue à celui

des moules, et au moyen duquel la pintadine adhère aux

corps solides du fond de la mer. Tel est l'animal qui nous

fournit les perles et la nacre, substances d'origine et de

matière identique, et dont les formes constituent seules

l'inégale valeur.

/ Valeur. — Les sont libres et


premières généralement
arrondies ; la seconde forme la substance des valves du

mollusque, les unes et l'autre ont pour base essentielle

du carbonate de chaux, et sont sécrétées par l'animal, qui

tapisse lui-même sa maison de cette brillante matière,

sur laquelle il peut étendre sa chair délicate, ou dont il

enveloppe, pour les rendre moins blessants, les corps

qui s'introduisent dans sa demeure. Étranges


étrangers
singulière industrie ! il lui faut les reflets
précautions,
et irisés de la nacre, à ce mollusque qui n'a
chatoyants
il lui faut ces surfaces douces et polies, à
pas d'yeux;
cet être presque insensible. Ce calcaire tenu en
qui paraît
dissolution dans les eaux de la mer, c'est la matière pre-

mière dans les océans, d'innombrables artistes mo-


que,
dèlent et ornent de mille et mille manières. Ils en font ce

l'homme fait d'une argile grossière, un vase vulgaire,


que
ou un chef-d'oeuvre de Sèvres. Du test solide, mais sans

d'une huître, à la porcelaine unie et brillamment


art,
512 LA PERLE.

d'un d'un strombe ou d'un cône, il y a toute


peinte turbo,
de la faïence de aux oeuvres de Ber-
la distance ménage,
nard Palissy. La pintadine

perlière s'élève encore plus

haut : de ce même calcaire

elle fait la nacre et la perle.

Elle fait! non, elle ne fait

Si vulgaire que ce soit


pas.
à dire, la pintadine sécrète

la nacre et la perle, ni plus

ni moins que le colimaçon

sécrète sa maison, et la li-


Fig. 331. — Perle libre.
est
mace, sa bave. L'artiste

haut : l'inconscient est un laboratoire, un


plus mollusque
les oeuvres pour lesquelles il a
mécanisme, qui accomplit
été organisé, monté. L'hom-

me, en son génie, a essayé


d'imiter la perle : il a mis

beaucoup d'intelligence, là

où le mollusque n'en apporte

aucune; beaucoup de calcul,

là où l'acéphale n'en apporte

aucun; beaucoup de patience,


là où l'huître réussit du pre-
mier coup. Dans cette voie d'i-

mitation, l'homme n'est par-


venu à créer... qu'un objet de

pacotille, là où le mollusque
a sécrété un chef-d'oeuvre.

La perle naît, tantôt libre entre les feuillets du mollusque,


tantôt adhérente aux parois internes de la coquille, près du

bord antérieur (fig. 331 et 332). Les perles libres sont ar-
HISTOIRE NATURELLE. 513

rondies, oblongues, ou en poire, quelquefois irrégulières.


Les perles adhérentes n'ont pas de forme bien arrêtée, bien

qu'elles tendent vers les contours arrondis. Une coupe de

la perle (fig. 333) montre que la substance nacrée y est

déposée en couches concentriques, lamelleuses, assez ten-

dres. La nacre, surtout la noire, est toujours plus dure et

formée de couches rectilignes. C'est là la différence de

constitution moléculaire de ces deux substances faites de

la même matière. La teinte noire que prennent souvent

et les et la nacre coïncide également avec une plus


perles
dureté ; mais ici encore la na-
grande
cre conserve, à ce point de vue, le pas

sur la perle. La perle a une transpa-

rence, une eau, ou un orient, comme on

dit encore, qui n'appartient pas à la

nacre. Celle-ci présente, en revanche,

des teintes irisées provenant du jeu de

la lumière dans sa structure molécu-

n'appartiennent pas à la
laire, qui
La couleur blanche Fig. 333. — Coupe
perle. légèrement
de la Perle.
bleuâtre est la plus ordinaire pour les

il en existe cependant, comme nous l'avons dit, de


perles;
et d'autres teintées de jaune, de bleu, ou de rose.
noires,
de la Perle. — Le nom de est souvent
Variétés perle

modifié indiquer les variétés de ces objets précieux.


pour
On des perles d'une grosseur anormale
appelle parangons
et celle d'une noix. On nomme cerises
qui dépassent
celles ont cette forme et cette taille ; poires, celles qui
qui
en ont la forme sans la taille ; elles servent pour les pen-

dants d'oreilles, les broches, les diadèmes; gouttelettes,

celles sont de moyenne taille et bien rondes ; perlettes,


qui
de encore. Les perles de compte se vendent à
plus petites
33
514 LA PERLE.

la pièce; les semences de perles, à l'once, ou du moins plu-


sieurs à la fois. La graine de perle est la sorte la plus petite
et la moins estimée.

Les perles ont quelquefois des formes qui ne se rappor-


tent à rien, qui ne rappellent rien; on les nomme alors

baroques, ou perles baroques. Quand ces formes extraor-


dinaires ont un certain intérêt et imitent quelque objet,
les baroques prennent une grande valeur. On cite, à Dresde,

une perle baroque de la grosseur d'un oeuf de poule, qui


représente un fou de cour du temps de Charles IL Un

bijoutier de Paris possédait deux perles ressemblant,


l'une à la décoration du Saint-Esprit, l'autre aune tête de
chien.

Lorsque les perles adhèrent à la coquille, on peut les

enlever, mais elles demeurent irrégulières. Arrondies à


un pôle, elles présentent à l'autre une troncature où la
substance de la perle est associée à de la nacre. Ces perles,
dites verruqueuses, ne sont point rejetées. L'art du joaillier
sait en masquer les défauts par maints artifices, en les
montant de différentes manières. En unissant, exem-
par
ple, deux perles hémisphériques, et dissimulant la jointure
sous un équateur d'or, on peut constituer un très joli
bijou, une épinglette. L'acheteur y trouvera de l'avantage
par la différence de prix, s'il sait reconnaître l'artifice.
L'amateur qui, par raison d'économie, achète une de ces

perles adhérentes, n'a pas toujours la bonne fortune d'un


marchand français qui fit, au Mexique, sans s'en douter,
une excellente opération. Il avait acheté une de ces perles
adhérentes, et, en la dégageant du culot, il reconnut que
la pièce était creuse, et renfermait une perle libre, ronde,
du poids de 14 1/4 carats, et d'une eau Elle
magnifique.
fut vendue 5,000 fr. à Paris, ce fut une bonne affaire.
HISTOIRE NATURELLE. 515

v —
Production des Perles. En commençant l'histoire
des opinions qui ont eu cours sur la production naturelle
des perles, nous avouons n'être pas très disposé à y voir

une sécrétion morbide. Au moins au point de vue physio-

logique, l'huître ne fait, en produisant la perle, rien d'anor-

mal, puisque la nacre de la coquille est formée de la même

substance. Elle ne tire de son fond aucune matière nou-

velle pour faire la perle, elle y emploie seulement, peut-


être au préjudice de sa coquille, une part de l'élément

carbonate qui constitue celle-ci, ou sert même à la répa-


rer. La maladie de l'huître n'est donc qu'une hypersécré-
tion ; c'est sans doute beaucoup, et nous continuons à la

comme nous plaignons un homme enrhumé du


plaindre,
cerveau. Une autre observation à faire, c'est que rien n'est

dans l'animal qui sécrète ou qui a sécrété la


changé
Aucune modification dans la conformation ou dans
perle.
la nature histologique de ses tissus n'indique une maladie,

un trouble organique; la présence seule de la perle est

l'indice de chose d'anormal. La perle est sécrétée


quelque
les mêmes organes qui sécrètent la nacre dont la
par
est formée ; encore une fois, si la pintadine est
coquille
c'est d'abondance de matière nacrée. Ce serait
malade,
donc une qu'une anémie. Les choses, on
plutôt pléthore
le commencent à une tournure moins som-
voit, prendre

bre. La formation va nous apparaître comme une


perlière
maladie de la elle-même comme une utile
santé, perle
résultatd'une congestion utilement détournée.
production,
Le de l'huître perlière est enveloppé dans
mollusque
manteau comme un livre l'est dans sa couverture.
son
ses adducteurs et par ce manteau qu'il
C'est par ligaments
avec la Le muscle adducteur n'a
est en contact coquille.

fonction : ramener les valves ; le manteau doit donc


qu'une
516 LA PERLE.

pourvoir à la formation du test. C'est lui, en effet, qui sé-

crète la substance calcaire qui le forme. Il y a deux sortes

de perles : les perles adhérentes aux valves et les perles


libres. Les premières au moins seront formées comme les

valves auxquelles elles sont attachées. En cherchant com-

ment le manteau sécrète les valves, nous apprendrons


comment il produit les perles adhérentes, et sans doute

aussi les perles libres, qui ont tant d'analogie avec les

premières.
Le calcaire est introduit dans le réseau vasculaire qui

parcourt le manteau par la communication facile qu'il


offre avec le liquide milieu. La matière première des val-
ves et des perles est donc prise en dehors par une dispo-
sition organique des plus simples, et peut s'accumuler
dans le sang de l'animal et passer dans la masse du tissu
sécréteur glandulaire. C'est à la face externe du bord du
manteau que se fait cette sécrétion calcaire ; un liquide
d'un blanc laiteux, riche en sel calcaire, gorge cette partie
glanduleuse adaptée à la sécrétion dont nous parlons.
Si nous étudions du dehors vers le dedans une valve de

pintadine, nous rencontrerons les couches suivantes : 1°


un enduit corné d'un vert sombre, formé de minces la-
melles sans éléments figurés ; 2° une autre couche formée
de nombreuses cellules juxtaposées ayant la forme de
colonnes, et microscopiques. Elles sont formées d'une en-

veloppe cornée et d'un contenu calcaire, et reposent per-


pendiculairement sur la couche précédente; 3° une troi-
sième et dernière couche , la plus interne. Elle offre une
structure lamelleuse, égale, uniformément ce
plissée, qui
produit le jeu de lumière particulier à la substance nacrée.
Nous touchons ici un point très important de l'histoire
de ces belles substances, perle ou nacre. Dans les choses
HISTOIRE NATURELLE. 517

humaines comme dans la nature, l'art donner aux


peut
substances les plus vulgaires un prix infini. Une coquille
sans prix devient entre les mains de l'artiste un incom-

parable camée, comme, entre les mains de la nature, un

peu de carbone ou de calcaire deviennent diamant ou

perle. Avec les mêmes éléments deux plantes feront côte


à côte l'une un navet et l'autre une rose éclatante. Il en
est de même dans la mer : le carbonate de chaux sera mo-
léculairement groupé de façon que la lumière réfléchie par
lui prenne un éclat particulier. Le plus beau marbre sta-

tuaire, le plus grossier tuffeau, la plus belle perle, le po-

lypier le plus informe, portés à une haute température

qui détruit leur arrangement moléculaire, redeviennent

matériellement semblables et égaux, c'est-à-dire de la

chaux. C'est Brewster qui nous a fait connaître que la na-

cre doit son éclat chatoyant à sa structure organique, aux

inégalités de sa surface. D'après Hessling, ce ne seraient

pas des rayures, mais des saillies de lamelles calcaires

ondulées en zigzag, imitant le moiré des étoffes, qui pro-


duiraient ces effets. Les bords sécrétants du manteau dé-

posent ainsi à la face inférieure de la coquille des ter-

rasses ondulées de sel de chaux, dont les limites restent

marquées par de minces filets et apparaissent par trans-

parence. Ainsi, aux différentes époques de la vie du mollus-

que, le même organe, le manteau, travaille aux divers élé-

ments des valves, faisant, suivant les besoins, des construc-

tions aussi différentes les unes des autres que peuvent


l'être les trois couches du test, de la coquille de la pinta-
dine. On demeure surpris de la variété du travail devant

la simplicité de l'outil, comme on le serait devant un ins-

trument, une machine, qui ferait à volonté de la toile ou

du papier. Ce bord du manteau de l'huître perlière pos-


518 LA PERLE.

sède des adaptations étonnantes et mystérieuses ; il a les

délicatesses de la main humaine, qui peut varier ses oeu-

vres; mais, mieux qu'elle, il fait des chefs-d'oeuvre du pre-

mier sans y avoir été dressé. Ce n'est pas la pensée


jet
d'un être sans tête le dirige, il a reçu de plus haut
qui

l'impulsion qui le fait agir.


Le carbonate de chaux des prismes ou colonnes de la

seconde couche n'est pas une cristallisation, ce qui expli-

querait tout ; c'est une modalité spéciale de la substance

calcaire, qui lui est imposée par les énergies d"un orga-
nisme vivant. Voici de quelle façon Hessling explique
cette formation : La substance extérieure se coagule en

petites tablettes, laissant entre elles des espaces vides : il

en résulte des tubes creux; la chaux sécrétée par le man-

teau vient ensuite peu à peu les remplir. La matière orga-

nique est donc associée couche par couche avec la sub-

stance calcaire ; aussi, quand on jette dans le feu une valve

d'huître perlière, elle se détruit en répandant l'odeur ca-

ractéristique des substances animales qui brûlent. Si on

enlève le calcaire par un acide étendu, le squelette corné

de la coquille ou de la perle subsiste. Cette dernière ap-

paraît alors comme formée de couches concentriques enve-

loppantes, à la façon des squames d'un bulbe d'oignon.


La couche antérieure revêtue de la couche prismatique
ne suffirait pas pour constituer une perle, qui aurait alors
une couleur sombre sans reflets. Une couche de nacre sur

ces deux premières n'empêcherait pas leur teinte de domi-


ner dans la perle, en raison de sa transparence; quand
plusieurs couches de nacre se succèdent, la perle acquiert
de la blancheur, et cette blancheur est surtout éclatante

quand la première et la seconde couche font défaut. C'est


ce qui a lieu dans les perles formées seulement de cou-
HISTOIRE NATURELLE. 519

ches de nacre, elles sont alors presque transparentes.


Nous avons parlé de adhérentes et de
perles perles
libres, toutes dues à la sécrétion du sécrétion
mollusque,
que l'on a considérée comme et nous avons
morbide, que
cru devoir caractériser de sécrétion morbide salutaire.
En cherchant à quelle occasion certaines se
pintadines
livrent à cette opération, tandis d'autres ont
que n'y pas
recours, nous allons peut-être pénétrer un avant
peu plus
dans ce mystère. On a sa
remarqué que l'animal, quand
coquille est endommagée, se hâte de la en rem-
réparer
plaçant la substance enlevée. Deux raisons sans doute l'y
invitent. Tout d'abord, sa est le
coquille pour mollusque
non pas seulement une demeure, mais une citadelle;
quand il y est enfermé, il défie les nombreux ennemis
extérieurs qui l'assiègent, et parmi lesquels l'armée des
crustacés est au premier rang. Toute brèche faite à son

rempart est rapidement bouchée, afin que ni ni


pinces
suçoirs ne soient introduits par là. Une autre cause incite
l'animal à ce travail : sa coquille, brisée sur un point, irrite
et blesse ses délicats tissus, habitués à reposer sur le lit
moelleux de la nacre. Comment faire disparaître le danger
de ces bords mâchés? Ce sera en les revêtant, en les en-

veloppant d'une couche arrondie et lisse de nacre. Le


manteau pourra recouvrir ensuite ces endroits réparés
sans se blesser. Ingénieux artifice, qui nous montre dans
l'huître un art que nous ne soupçonnions pas, l'art chirur-

gical. La substance nacrée n'est donc plus un caput mor-

tuum inutile, une sécrétion morbide qui ne trouve pas

d'emploi. Non seulement cette sécrétion peut sauver l'être

d'un excès d'humeurs calcaires, mais elle le sauve de dé-

chirures intestines et de l'invasion extérieure.

La formation des perles libres va peut-être nous éclai-


520 LA PERLE

rer encore Ces on les trouve dans la


davantage. perles,
chair même de l'animal, et surtout du manteau, siège

de la sécrétion calcaire. Allons-nous revenir à la


principal
maladie ou à l'hypersécrétion dont nous avons
perlière,
haut? C'était en 1830; un naturaliste allemand,
parlé plus
émit et bien singulière idée que les per-
Baër, l'originale
les avaient noyau un animalcule, un ver. En 1852,
pour
on le voit, un physiologiste italien, Phi-
longtemps après,
cette idée, et, précisant davantage, affirma que
lippi, reprit
la formation des perles était provoquée par un ver para-

site. Le professeur de Turin déclara qu'il avait toujours

rencontré, dans les perles nées dans les coquilles de l'A-

nodonte des cygnes, un distome comme noyau. Dans les

petites perles surtout il trouvait toujours cet infiniment

petit comme centre de la formation. Kuchenmeister, zoo-

logiste éminent, auquel l'étude des vers intestinaux doit

tant de progrès, a étudié aussi cette coquille perlière des

étangs (Elstermuschel), et, comme Philippi, y a constaté la

présence d'un animalcule, le Limnochares anodontse, et

non un distome. Les deux observateurs que nous venons

de citer, appartenant à des contrées différentes, peuvent


bien avoir raison. De même qu'à l'est de la Yistule, le

Bothriocéphale ou Toenia large semble avoir le monopole


de l'intestin humain, tandis qu'en deçà c'est le Taenia so-

lium, de même les Anodontes d'Italie peuvent être hantées

par tel parasite, tandis que celles de Saxe auront la clien-

tèle d'une autre espèce.


La sécrétion nacrée, qui nous a paru d'abord consti-

tuer une maladie des êtres qui font des perles, n'a plus
maintenant pour nous cette signification. Au lieu de les
en plaindre, il faut les en féliciter. Et si nous voulions
à toute force conserver à la sécrétion calcaire ce nom
HISTOIRE NATURELLE. 521

d'affection morbide, il faudrait dire alors : combien ces


huîtres seraient mal portantes si elles n'avaient cette
pas
maladie ! En considérant désormais de riches pendeloques
ornées de perles aux oreilles fines et délicates d'une aris-

tocratique beauté, nous penserons, non plus à une huître

malade, mais à une huître sauvée... C'est plus gai.


Il faut tout dire : Hessling, lorsqu'il s'agit de perles, est
une grande autorité, car il est l'auteur d'une importante
monographie sur ce sujet qu'il reçut mission du roi de
Bavière de fouiller avec soin ; Hessling n'a pas rencontré

chez tous les mollusques ces vers parasites comme noyau


des perles. Il reconnaît y avoir trouvé des corps étrangers
divers, grains de sable, matière organique analogue à l'en-

veloppe extérieure du test, un débris végétal, etc. Qu'im-

porte? ce corps étranger, c'est un ennemi, un danger,comme


le parasite. Entraîné dans la circulation par la béance à

l'extérieur du système des vaisseaux, ce corpuscule est

conduit dans la profondeur des tissus ; s'il y reste, il peut

les irriter par ses formes anguleuses, ou par les produits


de sa décomposition. Vite une enveloppe calcaire à cet in-

trus, vite une perle sur ce débris sans valeur!

On comprendra que la beauté d'une perle pourra dé-

de la place où elle prend naissance, et surtout de


pendre
celle où elle s'achève. Toutes les parties du manteau ne

sont adaptées à la sécrétion de la nacre fine qui revêt


pas
les parois intérieures des valves. Ici se fait la sécrétion des

premières et des deuxièmes couches,le calcaire y est associé

à des matières colorantes qui nuiraient à la perle. Toute-

fois l'on comprend qu'une perle, pouvant changer déplace,


mieux finir qu'elle n'a commencé, et réciproque-
pourra
ment moins bien finir qu'elle n'a commencé. C'est une

des vicissitudes humaines, sauf la liberté. Aussi les


image
522 LA PERLE.

perles qui finissent niai sont plutôt à plaindre qu'à blâmer.

Production anormale de Perles. — Une pensée


vient ici naturellement à l'esprit : c'est la possibilité
de réaliser les conditions physiologiques qui donnent

naissance à ces précieuses productions, et de forcer

les huîtres perlières à travaille]' : c'est-à-dire à sécréter


dans ce but. En Europe, c'est Linné qui le premier
aurait eu l'idée de cette singulière opération, et l'aurait

appliquée aux moules perlières de son pays. On raconte

que, désireux d'en tirer quelque prolit, il aurait proposé à


son gouvernement de lui vendre son secret; celui-ci aurait

refusé, tout en lui faisant voter une récompense par les


Etats généraux. Le célèbre naturaliste suédois se serait
alors adressé à un commerçant de nommé
Coltenburg
Bayge, et lui aurait cédé sous cacheté,
pli moyennant
18,000 écus, sa mystérieuse industrie. se serait con-
Bayge
tenté de la jouissance intime de seul ce
posséder précieux
monopole, sans l'exercer. Ses héritiers,moins sensibles que
lui à cette façon de jouir de ce secret, cherchèrent à le
revendre. Us en étaient fiers sans doute.

Mais le moindre tluoalon


Serai(. bien mieux leur a flaire.

Ils en demandèrent inutilement 500 écus de' banque,


aucun amateur ne se présenta.
Les Chinois se livrent en grand à cette industrie, qui
exige beaucoup de patience, ce à quoi ils sont très-aptes.
On dit qu'ils réussissent dans la fabrication de hé-
perles
misphériques. Un corps '-étranger est introduit entre les
valves de la coquille, et bientôt il est enrobé d'une couche
de nacre. Malgré la sphérieilé de ce il se
corps étranger,
recouvre irrégulièrement de la substance et
calcaire, pré-
HISTOIRE NATURELLE. 523

sente un point, celui par il touche son


lequel support, qui
reste mince. Même enchoisissantcommeon l'a fait quelque-,
fois pour corps une boule de nacre on
étranger petite polie,
n'arrive jamais par cette imitation à de belles
produire
perles : forme, coloration, tout et
transparence, y manque,
jamais un connaisseur ne les confondra avec les perles
normalement produites. Dans d'autres circonstances, ce
n'est plus un corps libre l'on dans la
étranger que glisse
coquille : on perce les valves, et on y introduit un fil de

fer, ou une pointe. Le mollusque la brèche faite à


répare
sa maison, et peut-être il en résultera une adhérente
perle
qui sera plus ou moins régulière. Quand à la précaution de
blesser l'animal lui-même, elle est inutile : cette blessure
se guérit sans sécrétion nacrée, ou l'animal en meurt.

Quand le mollusque enveloppe de nacre une esquille de

sa coquille, ou bien un corps étranger, c'est justement


parce qu'il craint d'être blessé.
Cette industrie, on le comprendra, ne peut être prati-

quée sur les pintadines qui vivent dans les profondeurs


des océans, et que l'on placerait difficilement dans des

conditions artificielles où elles n'auraient rien à souffrir.

On s'adresse à d'autres bivalves producteurs de perles, et

qui vivent dans les étangs, comme nous le verrons plus


loin. On assure qu'un très grand nombre de Chinois sont

occupés à cette industrie. On a vu, dans les différentes ex-

positions d'Europe, ces objets revêtus de matière perlière,


et de toutes formes : magots, boules de verre, boules de

terre, petites sphères métalliques, chapelets, etc. C'est

une sorte de galvanoplastie vivante qui, à défaut de l'uti-

lité, offre au moins un intérêt de curiosité des plus réels.

Pendant une campagne dans les mers de Chine, la fré-

gate française la Sibylle put recueillir quelques données sur


524 LA PERLE.

les employés parles Chinois dans cette industrie.


procédés
M. Simonet de Maisonneuve, qui commandait ce navire,

et M. Barthe, médecin de lrc classe ^de la marine, s'en

occupèrent beaucoup. Le premier recueillit ses renseigne-

ments des Chinois de Hong-Kong et du consul amé-


près
ricain, M. Authon; le second près des Chinois et des An-

de Le moule ou le mandrin sont fixés à l'aide


glais Ning-Po.
d'un mastic dans la coquille des Anodontes, dont les valves

sont maintenues ouvertes par des coins de bois. Les objets


à recouvrir de nacre sont de toute nature : bois, terre,

métal. Les Anodontes ainsi pourvues sont maintenues le

temps suffisant dans de petits parcs fermés par des clayon-

nages. Les navigateurs dont nous avons cité les noms, et

que nous avons parfaitement connus, disaient avoir vu en

Chine des objets de trois centimètres, comme un dragon

ailé, qui avaient pu être recouverts de nacre dans une co-

quille de six centimètres. Notre regretté collègue M. Bar-

the avait rapporté deux valves d'Anodonte : l'une conte-

nait vingt-neuf perles adhérentes réunies par un fil couvert

de nacre, l'autre douze médaillons en trois séries obliques.


Ces perles avaient pour noyau une boule de nacre, les

médaillons, un moule métallique. Ces valves ont été figu-


rées dans le Monde de la mer, sans qu'il y fût question de

M. Barthe, déjà victime de ses fatigantes campagnes.


La culture des mollusques qui produisent les perles n'a

pour l'humanité qu'un intérêt secondaire. Le commerce

et la monture de ces objets précieux ne fait pas vivre un

grand nombre d'hommes, et la beauté féminine trouve-


rait ailleurs d'autres ressources pour se parer. Qui sait
d'ailleurs quel cas on ferait des perles, si on pouvait les

produire plus abondamment que la nature ne le fait?Dans


tous les cas, à défaut d'utilité de premier ordre, la multi-
HISTOIRE NATURELLE. 525

plication des perles constitue un problème physiologique


des plus intéressants. Les savants comme Philippi, Kuchen-

meister, qui ont cherché à interpréter le mode de for-

mation de ces concrétions par des animaux parasitaires,


ont cru que l'on pourrait trouver, là seulement, le moyen
de produire les perles. Entre cette vue et sa réalisation

pratique se dressent cependant de nombreuses difficultés ;


tous les observateurs qui se sont livrés à l'étude des pa-
rasites intestinaux savent combien sont obscures les lois

de leur développement et de leurs migrations. Il y a des

générations alternantes, il y a des états différents pendant

lesquels ces êtres ont des habitats différents. Le ténia du

porc passe à l'homme, celui de la souris au chat, celui des

aux oiseaux de mer. Il faudrait donc, pour les


poissons
êtres qui nous occupent, multiplier autour d'eux la pro-
duction parasitaire pour augmenter la production des

On sait par expérience que tel cours d'eau est


perles.
favorable à la santé des bivalves et, par conséquent,

défavorable à la production des perles. Ailleurs, les

mêmes animaux sont beaucoup plus fréquemment hantés

ces ils produisent plus de perles. C'est là


par parasites,
faudrait multiplier non seulement le parasite, mais
qu'il
encore le mollusque qui doit le recevoir. La question, on

le est très complexe. La nature, pour le balancement


voit,
des a des moyens qui nous sont encore absolument
êtres,
cachés. Nous savons que les contingents des espèces,

des causes fortuites ne viennent pas les perturber,


quand
se maintiennent en face les uns des autres sans pertes ni

dans la lutte pour l'existence. L'homme trouble sou-


gains
vent ces harmonies. Rien ne nous dit que la multiplication

des des mollusques n'amènerait pas l'extinction


parasites
de ceux-ci. àl'inoculation directe du parasite, il n'y
Quant
526 LA PERLE.

faut pas songer, car nous ne savons pas encore comment

et sous quel état il arrive chez le mollusque.


Contrées qui produisent les Perles. Leur pêche.
— Ce sont les ou de la mer
pintadines, coquilles perlières

(see perlen muschel), qui produisent les plus belles perles


et le plus de perles. Leur répartition à la surface du globe
et dans la profondeur des mers mérite de nous arrêter un

instant. Elles ne constituent pas un gîte unique, et il serait

difficile de leur fixer une patrie d'origine. On les rencontre

dans des localités très éloignées les unes des autres, et

sans qu'il existe aucun lien de continuité entre ces divers

bancs.

Il faut reconnaître que les mers où on les trouve appar-


tiennent aux régions chaudes du globe, mais il y a d'au-
tres conditions que la température, car tous les lieux ana-

logues sous ce rapport aux gîtes de pintadines n'en


renferment pas. Jusqu'ici, aucun essai d'acclimatation n'a
été tenté, car ces mollusques sont très difficiles à trans-

porter vivants d'un point sur un autre.

Les agglomérations d'huîtres perlières le plus ancien-


nement connues en Europe sont sans doute celles du

golfe Persique, dont les Grecs eurent connaissance. Au

temps de Séleucus, roi de Syrie, Métasthène parle des

pêches de perles des côtes orientales du golfe Persique.


A partir de 1515 jusqu'au xvn° siècle, le commerce des

perles dans cette région passa aux Portugais, s'étaient


qui
emparés de quelques îles autour desquelles la fut
pêche
fructueuse. Plus tard vint la décadence, et les ri-
princes
verains succédèrent aux étrangers dans Les
l'exploitation.
différentes nationalités se rencontrent aux lieux de pêche.
Des côtes de Perse, des îles Bahrein, de la côte des Pira-
tes, arrivent sur des barques près de trente mille pêcheurs
PRODUCTION ET PÊCHE. 527

ou familles de pêcheurs. 11 est souvent difficile de mettre

d'accord tous ces gens âpres au gain, et les conflits san-

glants ne sont pas rares. Tel plongeur qui a échappé aux

scies (squales armés) dangereuses de ces mers tombe

sous le poignard d'un rival. La pêche est libre, sauf une

minime redevance au scheik du port. Non loin de là, près


de Kharak, sur la côte persique, on pêche encore les perles
à une grande profondeur. Les îles Bahrein sont l'entrepôt
de toutes ces pêcheries, dont les perles en majeure partie
sont expédiées à Bombay. On estime à une valeur de

350,000 livres sterling les perles qui se vendent par an aux

îles Bahrein, par les soins des marchands arabes, indiens

et persans.
Des gisements du golfe Persique, en continuant vers

l'est, nous atteindrons les bancs célèbres de l'île de Cey-


lan. On les rencontre sur le rivage occidental, dans la

baie de Manaar, puis en descendant vers le sud jusqu'à


et Chilan. L'époque où l'exploitation en fut bien
Négombo
connue en Europe remonte à 1506, date à laquelle les

levèrent, sur le roi de cette belle île, un tribut


Portugais
et de perles. Ce n'est pas tout. Comme la pêche
d'épices
était libre, les Portugais savaient acheter à bas prix un

très nombre de ces objets précieux. Dès cette époque,


grand
une mêlée, de près de soixante mille personnes,
population
descendait tous les ans sur les bancs pour la pêche.

Les Hollandais s'emparèrent, en 1640, des provinces por-

de l'Inde. La pêche des perles, sous leur protec-


tugaises

tion, prit une expansion nouvelle ; elle se faisait tous les

vit deux cent mille individus réunis


trois ans ; on jusqu'à
cette industrie sur les côtes de Ceylan. Le
pour grande
tous les ans le privilège de la
gouvernement adjugeait
aux enchères. Vingt jours étaient réservés pour la
pêche
528 LA PERLE.

liberté de la pêche, réserve bien amoindrie, puisque, sur

ces de travailles produits de dix jours étaient


vingt jours
encore attribués au gouvernement hollandais. Les rajahs,
anciens possesseurs de ces contrées, ne virent pas sans

déplaisir cette excessive réglementation, toute de privilège

pour les étrangers. Ils usèrent de leur influence sur les

et pendant vingt-huit ans, à partir de 1768, ces


pêcheurs,
derniers, se mettant, en grève, cessèrent d'accourir sur les

rivages de Ceylan. Lorsqu'en 1796 les Anglais devinrent

possesseurs des Indes, la pèche recommença. Si les pê-


cheurs avaient accordé une trêve aux mollusques pré-

cieux, ceux-ci en avaient largement profité pour se mul-

tiplier : aussi la pèche de 1798 donna-L-elle un bénéfice de

140,000 livres sterling.


Plus loin, vers l'est, sur les rivages de Malacca, sur les

côtes de Sumatra et de Java, les pintadines se retrouvent;

mais il n'y a pas de pêcheries régulières.


Aux îles Soulou entre Bornéo et Mindanao, aux îles

Arou, possessions hollandaises à l'ouest de la Nouvelle-

Guinée, et sur les côtes de la Nouvelle-Guinée elle-même,

existent des pêcheries de peu d'importance dont les pro-


duits sont absorbés par la Chine, qui fabrique, on le sait,

beaucoup d'objets en nacre.

Le Japon, dans ses mers méridionales, possède aussi des

huîtres perlières. Avant de franchir le Pacifique, rappe-


lons que beaucoup d'îles de la Polynésie, les îles de la

Société, par exemple, ont des pêcheries d'huîtres perlières.


De 1847 à 1850 elles eurent une certaine activité.
Tahiti était l'entrepôt delà nacre ; sur la plage, devant

les habitations des commerçants, on voyait fréquemment


des tas carrés de valves perlières attendant leur embarque-
ment. Ces gisements étaient-ils pauvres en perles ? Tou-
PRODUCTION ET PÊCHE. 529

jours est-il que, pendant le laps de temps durant lequel


nous avons habité ce pays, nous n'avons jamais entendu

parler de quelque trouvaille importante en fait de perles.


Les rivages de l'Amérique, tant ceux du Pacifique que
ceux de l'Atlantique, ont des bancs d'huîtres perlières
dans les régions chaudes. Au Pérou, les Aztèques avaient

organisé des pêcheries sur leurs rivages. Panama, les îles

de Cubagna et de Marguerite, Acapulco, Téhuantepec, la

Colombie, la Californie, sont exploitées depuis longtemps.


Au temps de Charles-Quint, on y récoltait pour quatre
millions de perles ; maintenant on y ramasse cinq à six

millions de livres de nacre et pour un million cinq cents

mille francs de perles. Les perles y sont vendues dans le

pays. Sur les versants de l'Atlantique on pêche les perles


sur les rivages de Cuba et sur les côtes de l'État de New-

Jersey. Quelques belles trouvailles avaient illustré ces

bancs, sur lesquels aujourd'hui se fait une pêche active.

Les de la côte du Pacifique sont d'une hardiesse


plongeurs
étonnante, Ils plongent sans corde d'appel. Ces malheu-

eux reçoivent cinq centimes par huître perlière, et sont

nourris de morue salée ou de boeuf séché au soleil.

Revenons vers le vieux monde. On a signalé, dit-on, les

dans la Méditerranée; elles doivent y être fort


pintadines
et la perle de Cléopâtre n'y fut pas pêchée. Mais
rares,
tout de là, dans la mer Rouge, la mère des perles se
près
retrouve en abondance. Dès les Ptolémées, le commerce

très actif et très lucratif. Tous ces riva-


des perles y était
sont ou moins fertiles, tant ceux d'Abyssinie et
ges plus
ceux d'Arabie. Les localités privilégiées sont
d'Egypte que
en face de Massana, sur la côte d'Abyssinie; la
Dahalak
faite des de décembre en avril.
pêche y est par nègres,

îles sur la côte deHodeida; au nord-ouest de la


Aux Fassa,
34
530 LA PERLE.

près de Dschiddah, on pêche également des perles.


Mecque,
La statistique de la production de la nacre et des perles
est assez difficile à faire et ne peut présenter que des ré-

sultats très approximatifs. En 1855 les principales places

d'Europe reçurent 300,000 quintaux de nacre.

Angleterre 20,000
France 80,000

Hambourg 200,000

Cela représente un horrible massacre, celui de six millions

de pintadines. Mais la quantité d'huîtres pêchées approche


bien de vingt millions. Sur ce chiffre, quatre millions con-

tiennent des perles. Si l'on ne trouvait qu'une perle par-


mille coquilles, vingt mille perles seraient pêchées an-

nuellement. Souvent on n'en trouve qu'une par dix mille.

Paris a remplacé Amsterdam comme centre commercial des

perles ; de 1837 à 1855 cette ville aurait reçu 980,791 gram-


mes de perles valant 18,900,000 francs. L'Angleterre, dans

le même laps de temps à peu près, en a reçu pour une


somme presque égale. Cela met en moyenne le gramme
de perles à 19 francs.

Pêches. — A la est
Ceylan, pêche pratiquée par des

plongeurs. Ils constituent une sorte de corporation, qui


dès la plus tendre enfance se prépare à ce dur métier.

Chaque année, avant l'ouverture de la pêche, ils s'y dispo-


sent par une diète particulière, et, comme les lutteurs de

l'antiquité, par de fréquentes onctions huileuses. Un té-


moin rapporte que chaque campagne est précédée de pra-
tiques superstitieuses variées. Avant minuit les embarca-
tions mettent à la voile pour se rendre sur les bancs.

L'Adanapar ou premier pilote les précède, un fanal


ayant
de signal au grand mât de son embarcation. Vient après
PRODUCTION ET PÊCHE. 531

celle de l'État, portant le directeur- des En arrivant


pêches.
sur le banc, les embarcations l'ancre atten-
jettent pour
dre le jour. Quand le soleil paraît, les embarcations exécu-
tent un mouvement général pour sur le banc la
prendre
place qui leur est marquée d'avance.

L'équipage de chaque barque comprend un pilote et

vingt hommes, dont dix rameurs et dix plongeurs. Un

pillalkarras ou charmeur de requins accompagne chaque


embarcation. Sa présence est indispensable, et les vieux

plongeurs les plus habitués à la rencontre de ces monstres


marins n'auraient pas, sans le charmeur, une confiance
absolue dans leur agilité. Non seulement des pillalkrarras
accompagnent les barques sur les bancs pour rassurer-

plus directement les plongeurs, mais d'autres charmeurs

opèrent d'une façon plus générale sur le rivage même, et,


du soir au matin prient, conjurent et se tordent, de façon
à maintenir sans cesse les requins sous l'influence de leurs

sortilèges.
Les dix plongeurs de chaque barque se sont partagés
en deux séries, devant successivement opérer. Ils se désha-

billent, se bouchent les oreilles avec du coton, et se pla-


cent quelquefois une éponge imbibée d'huile sur- la bou-

che. Une corde est attachée autour de leur corps,, une

lourde pierre à un pied, pour faciliter la descente ;


avec les orteils de l'autre pied ils saisissent un panier
ou un filet. Ils plongent, se bouchant les narines de la

main gauche, et tenant de la droite une corde d'appel.


Arrivés au fond, ils lâchent la pierre que l'on remonte

aussitôt, se jettent rapidement à plat ventre, rampent en

étendant, les bras, pour arracher et placer dans leur filet le

de coquilles. Un signal de la corde d'appel indique


plus
aux rameurs restés à bord quand il est nécessaire de les
532 LA PERLE.

remonter. Quand ils remontent ruisselants d'eau, ils respi-


rent plusieurs fois énergïquement et vont silencieusement

s'asseoira leur place. Peut-être ce pauvre pêcheur, à moi-

tié suffoqué, a-t-il rapporté un trésor capable de l'enri-

chir à jamais s'il lui appartenait, on le saura plus tard.

En moyenne les plongeurs ne peuvent rester plus de trente

secondes dans l'eau; quelques-uns, cependant, y passent

plus de deux minutes. Un phénomène physiologique les

prévient du péril quand ils s'y s'attardent : c'est un bour-

donnement d'oreilles très intense.

L'autre série de cinq plongeurs succède à la première,


et ainsi de suite jusqu'à ce que la fatigue de ces hommes

suspende forcément ce pénible exercice qui ne peut se

renouveler plus de vingt fois. Souvent ces malheureux

rendent le sang par le nez et par les oreilles. Parfois un

rappel subit de la cordelette de sûreté apprend qu'un

danger menace le plongeur, et il est arrivé plus d'une fois

qu'on ne ramenait plus qu'un cadavre mutilé par les

requins. Que de perles ont une tache de sang humain !

Chaque plongeur rapporte de cinquante à quatre-vingts

coquilles qui sont déposées au fond de l'embarcation.

Quand l'Adanapar a donné le signal, la pêche cesse, tous

les engins sont mis en ordre, les plongeurs se rhabillent,


et l'on regagne la terre. Tous les hommes sont alors em-

ployés au débarquement des pintadines.


Dans son voyage aux provinces méridionales de l'Inde,
M. Alfred Grandidier a été témoin de la pêche aux perles,
et l'a racontée avec des détails fort curieux. C'est dans le

golfe de Manaar, en mars, époque des calmes, que se fait


cette exploitation. Trente mille Indiens arrivent sur le ri-

vage^ campent et forment là une ville de huttes de brancha-

ges nommée Aripo. De 1834 à 1862, il n'y a eu que quinze


PRODUCTION ET PÈCHE. 533

pêches. En 1863 il y avait ans


dix-sept que l'exploitation
était abandonnée, pour cause de mauvaise direction. Les

quinze pêches dont nous venons de parler rapportèrent


au gouvernement anglais 10,500,000 francs une dé-
pour
pense de 1,500,000 francs.
Les inspecteurs font pêcher et ouvrir devance dix ou
douze milliers d'huîtres pour l'état des bancs, et
préjuger
la fructuosité de la récolte. Les marchands et les spécula-
teurs peuvent faire leurs calculs. On fixe ensuite le temps
et la durée delà pêche. En 1863, par exemple, le surin-

tendant, après avoir déterminé la partie du banc qu'il fal-


lait exploiter, jugea que deux cents bateaux péchant pen-
dant douze jours suffiraient. Le nombre des embarcations

ayant dépassé ce chiffre, on tira au sort, On divisa la flot-

tille en deux parts égales, distinguées par des couleurs dif-

férentes, chacune des escadres péchait de deux jours l'un.

Dix plongeurs, dix monadaks ou aides, le sindal ou capi-


taine , le todaï ou paria chargé [de la propreté, enfin le

capitaine, tel est le personnel de chaque bateau. On em-

barque par paire de plongeurs une pierre cylindrique de

15 kilog. Un brick du gouvernement ancré sur le banc, si-

gnale chaque jour l'ouverture et la fermeture de la pêche.

La profondeur des bancs varie de 12 à 20 mètres. Les

tamouls sont d'excellents plongeurs qui peuvent plonger

jusqu'à quatre-vingts fois de suite, rapportant chaque fois

de trente à quarante-cinq huîtres. On a vu, mais excep-

tionnellement, des bateaux rapporter jusqu'à trente-six

mille huîtres. La moyenne est de quatre à huit mille. Au

retour chacun porte son butin au kotou, dépôt du gouver-

nement, et en forme quatre parts égales, dont une, au choix

de revient au plongeur comme salaire de son


l'inspecteur,
travail. Celui-ci, sur son lot, donne le cinquième au tindal,
534 LA PERLE.

et le tiers du reste comme payement aux deux aides ; un

sur de appartient au maître du dhoney.


jour sept pêche
Ces divers lots sont détaillés aux spéculateurs qui n'ont

les d'acheter un millier d'huîtres au gouver-


pas moyens
nement. Le des plongeurs varie de 6 à 13 francs par
gain
Dans le kotou , un casier numéroté appartient à
jour.

chaque plongeur. C'est à Katecherry que le gouvernement

adjuge à l'enchère les huîtres par lots de mille. Les achats

se font au comptant : l'inspecteur délivre à l'acheteur le

bon du numéro du katou où est le lot adjugé. Les prix du

mille varient beaucoup, même dans une seule journée :

150 francs est un prix fréquent. Les huîtres, mises dans des

sacs, sont abandonnées au soleil, les mouches y viennent


et les vers s'y mettent; en trois ou quatre jours, la chair

a disparu. C'est de cet affreux putrilage, de cette pourri-


ture infecte, que sortiront les perles qui feront l'ornement

des épidémies satinés et vermeils.

Les miasmes pestilentiels dégagés par cette horrible

industrie vont souvent porter la mort clans toute la

contrée, et ces perles, conquises parfois au prix du sang


d'infortunés pêcheurs, sont encore la source d'épidémies
meurtrières qui fauchent ces populations.
Des hommes bien surveillés examinent, poignée par

poignée, les résidus de cette fétide opération pour y récol-


ter les perles : chaque poignée passe ainsi sous trois ins-

pections successives.

On emploie divers cribles ou tamis en fil de cuivre, pour


trier et classer les perles suivant leur grosseur. Les cribles

percés de vingt trous portent le n° 20; ceux qui sont per-


cés de trente, cinquante, quatre-vingt trous, portent les
numéros correspondants. Les perles qui ne franchissent

pas les orifices du crible, vingt à quatre-vingt, sont de pre-


PRODUCTION ET PÊCHE. 535

mier ordre ; ce sont les mell; celles laissent les


que passer
cribles de quatre-vingt à huit cents sont de second ordre,
les vadiva; celles qui passent le crible mille sont de
troisième ordre, ou les toi, et se vendent à la mesure ou
au poids. Les autres' sont dites perles vierges (Jungfern
perlen) avant d'être percées. On les traverse d'un trou,
ce qui est facile en raison de leur peu de dureté ; mais
cela demande une grande attention pour mettre en
relief les beaux côtés de la perle ; les Indiens et les

Chinois peuvent percer par jour six cents grosses perles,


trois cents petites ; on les enfile avec de la soie blanche

ou bleue ; on réunit les rangs par un noeud de ruban bleu

ou par un effiloché de soie rouge. On les expédie ainsi par


masses de plusieurs rangs. L'acheteur de première main a

soin de refaire ces chapelets, et c'est là que toute sa saga-

cité se révèle, pour les grouper habilement. On a soin de

les assortir suivant leur coloration, de façon que deux

teintes opposées ne détonnent pas dans la succession des

perles. On associe ainsi artistement des perles de valeurs

différentes, mais qui, par réflexion, se rehaussent les unes

les autres. Le second acheteur a bien soin d'étudier ces

perles isolées les unes des autres.

Yoici un tableau résumé du prix des perles :


536 LA PERLE.

LE POIDS LE POIDS LE POIDS LE POIDS LE POIDS


PERLES
X 1 Xll/4 X 1 1/2 X 1 3/4 X 2

4 grains. 4 5 6 7 8

5 grains. 5 6,25 7,50 8,75 10

6 grains. 6 7,50 9 10,50 12

7 grains. 7 8,75 10,50 12,25 14

8 grains. 8 10 12 14 16

9 grains. 9 11,25 13,50 15,75 18

10 grains. 10 42,50 15 17,50 20

11 grains. 11 13,75 16,50 19,25 22

12 grains. 12 15 18 21 24

13 grains. 13 16,25 19,50 22,75 26

14 grains. 14 17,50 21 24,25 28

Le prix des perles est assez variable. M. Dieulafait rap-

porte, d'après M. Em. Harry, que, de 1865 à 1867, il y eut

une notable augmentation sur les perles de moins de

14 grains, tandis que, au-dessus, ces perles nevarièrentpas.


Ainsi une perle de 10 grains, valant de 202 à 227 fr. en 1865,
se vendait de 252 à 277 en 1867. Les perles semences se

vendent 120 fr. l'once, elles servent en Espagne pour les

ornements d'église. Les baroques valent 300 à 1000 francs

le même poids ; on les recherche en Pologne et en Espagne.


En Europe, les perles les plus blanches sont les plus
recherchées, ainsi que celles qui ont une teinte bleuie.
Les Asiatiques préfèrent les perles jaunies. Celles-ci sont

plus durables, surtout quand elles doivent être portées


dans les pays chauds sur la peau imprégnée de sueur.
Les perles plus foncées, sauf les perles roses, nJont qu'une
valeur d'amateur d'étrangetés.
PRODUCTION ET PÈCHE. 537

Leipzig a été longtemps le grand marché des ; à


perles
la grande foire de ce nom, les marchands de diverses na-
tionalités s'y donnaient rendez-vous. Cette importante
réunion est bien tombée aujourd'hui. Les plus belles per-
les se vendent maintenant à Londres et surtout à Paris,
où elles arrivent de tous les points du monde.
V Autres mollusques producteurs de Perles. —

D'autres bivalves différents de la pintadine peuvent for-

mer des perles. On en rencontre quelquefois dans l'huitre

commune d'Europe. La pinne marine en donne de roses;

l'haliotide, de vertes. D'après M.Lamiral, on aurait trouvé

dans la coquille du grand bénitier une perle de la grosseur


d'un oeuf de poule Bantam, sphérique et blanche comme

du lait.

La moule commune (Mytilon edulis) sur nos côtes d'Eu-

rope, et à l'embouchure des rivières, en renferme aussi.

Une autre espèce, commune dans les fleuves de l'Europe,


YUnio margaritifera, en renferme encore. Ces coquilles sont

fréquentes dans le nord de l'Angleterre, et les perles qui


en proviennent portent le nom de perles d'Ecosse. Les

cours d'eau de Pesth, du Tuy, du Don, dans le Cumber-

land, la rivière de l'Irt dans le pays de Galles, la rivière

de Conway; en Irlande, celle de Tyrone et de Donegal

ont des moules perlières dont quelques perles ont pu at-

teindre le de 20 livres sterling. Tacite , dans la Vie


prix
de C. Julius (XII), parle des perles d'Angle-
Agricola
mais il leur reproche leur couleur terne et plom-
terre,
dit-il, à la manière de les récolter, là où
bée, qui tenait,
le flot a jeté les qui les renferment. On les re-
coquilles
cherchait même, ce qui faisait dire au grand his-
quand
torien : «Pour moi, croirais que la qualité manque aux
je
nous l'avarice. ». Jules César fit orner
perles plutôt qu'à
538 LA PERLE.

la cuirasse de Vénus Genitrix de perles de cette origine.

C'est sur les coquilles fluviales perlières


principalement
s'est exercée l'industrie chinoise du recouvrement
que

d'objets introduits dans ces bivalves. En 1858, MM. Moquin-

Tandon et Jules Cloquet ont lu, sur ce sujet, un intéres-

sant travail à la Société d'acclimatation. Ils rappellent


1' de Bauran a tenté de nom-
que, en 1849, le D Adolphe
breuses sur YUnio margaritifera, clans le tor-
expériences

Fig. 33 1. — Ano ilcmt o des Cygnes.

rent du Vianz, près de Bhodez, sans réussir grandement;


et qu'eux-mêmes ont échoué avec YUnio lilloralis, dans le

ruisseau du ïouch, près de Toulouse. Les Chinois n'ont

pas eu de ces insuccès, et chez eux l'industrie est pros-

père. Cela tient à ce qu'ils opèrent sur l'Anodonte des

cygnes (lig. 334) et dans des cours d'eau où, sans doute,
les conditions sont bien meilleures.

Histoire des Perles. — C'est dans l'Inde les


que pre-
mières perles furent découvertes, aussi sont-elles liées à
ses légendes les plus anciennes.
HISTOIRE LES PEÏLLES.

Ticîmou, Tune des personnes de la trinlfé indienne,


les aurait empruntées à l'Océan pour en orner sa fille

Pandaïa. Les femmes indiennes ne firent pas difficulté

pour suivre cet exemple venu de si haut, et, dès les temps
les plus reculés, elles firent servir les perles à leur parure.
Les rajahs en ornèrent leurs vêtements somptueux, leurs

housses splendides, leurs trônes et les murailles de leurs

palais: les perles ruisselaient partout, et, maintenant en-

core , les voyageurs constatent que la perle est universel-

lement associée à ce faste oriental. Les perles y valaient


trois fois leur pesant d'or pur, sauf les cas particuliers, où

les nlus dépassaient des milliers de fois


remarquables
cette valeur. Mal une perle était considéré comme
percer
une faute gravé, d'une forte amende : voler
punissable
des c'était se risquer à perdre la vie.
perles,
En Chine, même culte, même admiration pour les per-

les. On les y'regârdait même comme choses sacrées, pou-

vant bonheur. Plus de 2,300 ans avant Jésus-


porter
Christ, elles étaient admises en payement de l'impôt.

Dans l'Ancien Testament, il est souvent question des

Le Livre de Job, les Proverbes de Salomon. en


perles.
divers montrent en quelle estime on les tenait
passages,
Modes et Persans
et quel prix on y attachait. Babyloniens,

en firent des de grand luxe. Les seigneurs, en Perse.


objets
à l'oreille droite seulement, des pendeloques
portaient,
ornées de A Athènes, les garçons, comme marque
perles.
distinction, une à l'oreille droite, et les
de portaient perle
aux deux oreilles. parle des perles, et
filles, Tnéopirrasfe

des animaux dans lesquels on les trouve.

fait mention de d'oreilles en or ornés de


Pline pendants
ou trois Ces le nom de cro-
deux perles. bijoux portaient
en se ils faisaient entendre un
talia. par-ce que, balançant,
540 LA PERLE.

son Des femmes retrouvées sous les cendres


métallique.
de aux oreilles des ornements enrichis
Pompéi portaient

par des perles.

Longtemps les Phéniciens, qui parcouraient la Méditer-

ranée et en faisaient le principal commerce, transportè-


rent les perles chez toutes les nations riveraines. Ces

perles, ils les tenaient, par la mer Rouge, des marchands

asiatiques qui se trouvaient sur les lieux de production.

Quand Rome eut étendu sa puissance sur les peuples bar-

bares, les perles abondèrent dans la capitale où refluaient

toutes les richesses du monde. L'austère République n'eut

aucune peine à verser dans le luxe des peuples conquis,


des dépouilles desquels elle se para complaisamment.
Les Romains donnaient le nom d'uniones aux perles

sphériques, celui à'elenchi aux perles en poire, et aux demi-

sphériques l'appellation de tympania; enfin les belles

perles blanches se nommaient exulaminati margariloe.


C'était à l'île d'Épiodore qu'on les perçait. Là encore on

fabriquait ces étoffes brodées de perles qui plaisaient tant

aux patriciennes.

Pompée, conquérant du Pont et de la Syrie, rapporta


des palais de Mithridate une si grande quantité de perles

qu'il put en offrir à Jupiter Capitolin une magnifique col-


lection par le nombre et le choix. A son troisième triom-

phe figurait son portrait en mosaïque de perles, et trente-


trois couronnes de perles. Ce splendide accrut
étalage
encore la passion des Romains pour ces objets précieux.
Quand l'Egypte fut conquise, de nouveaux trésors vinrent

s'ajouter aux dépouilles des peuples déjà vaincus, et Philo,

délégué de l'empereur Claude, y fit d'amples moissons de

perles. En vain Sénèque s'éleva contre ce luxe inouï, le


siècle suivit son cours, et les grandes dames romaines por-
HISTOIRE DES PERLES. 541

tèrent des parures dont la valeur des perles dépassait un


million de sesterces.

Servilia, mère de Marcus Brutus, reçut de Jules César

une perle précieuse, part de butin en Egypte, qui était


estimée 1,200,000 fr., ou 6,000,000 de sesterces. Qui ne

connaît l'histoire des perles de Cléopâtre, et les folies

dont elles furent l'occasion? Dans un festin, pour vaincre

Antoine en prodigalité, elle détacha une des deux perles

qu'elle portait à ses oreilles, etqui avaientcoûté3,S00,000fr.


la fit dissoudre dans le vinaigre, et l'avala. Sans Lucius

Plautus, la seconde perle y passait. C'est celle-ci qui devint

la propriété de l'empereur Septime-Sévère, lequel en fit

un meilleur usage : au lieu de boire cette fortune, ou de

la donner à sa femme, il résolut, pour montrer son aver-

sion pour le luxe effréné des perles, et n'ayant pu trouver

acquéreur, de la couper en deux et d'en faire des pen-


dants d'oreilles à la Vénus du Panthéon. Les perles

avaient été dédiées à Vénus, perle elle-même


toujours
et née de l'écume des ondes. Une gravure dé Triphore,

sur sardoine, représentant les noces de Cupidon et de

le Les époux sont réunis par un fil de


Psyché, prouve.
à l'aide duquel le dieu Hymen les conduit. Lollia
perles
femme de Caligula, portait dans une seule parure
Paulina,
valeur de de huit millions de francs. « J'ai vu,
une plus

écrivait Pline, vu Lollia Paulina toute couverte d'éme-


j'ai
raudes et de leur mélange rendait encore plus
perles, que
Sa les tresses et les boucles de ses cheveux,
brillantes. tête,
son ses bras, ses doigts, en étaient char-
ses oreilles, cou,

Il en avait 40,000,000 de sesterces, comme


gés. y pour
en état de le par les quittances, et ces
elle était prouver

elle ne les devait pas à la prodigalité de l'em-


richesses,
: c'était le bien que lui avait laissé son aïeul, c'est-
pereur
542 LA PERLE.

à-dire la des provinces. Voilà le fruit-des con-


dépouille
voilà Lollius, diffamé dans tout l'Orient
cussions; pourquoi
les extorqués aux rois, avala du poison :
pour présents
c'était afin sa petite-fille se fît voir aux flambeaux
que
avec une de 40,000,000 de sesterces. »
parure
Perles célèbres. — Il a été fait souvent des énumé-

rations de célèbres par le prix et la grosseur : en


perles
voici exemples :
quelques
Au XYII° siècle, le voj^ageur Tavernier revendit au schah

de Perse, pour la somme de 2,700,000 fr. une perle pro-

venant de Califa. La perle de l'iman de Mascate pesait


12 carats 1/16. Elle possédait une transparence telle, qu'on

voyait le jour au travers; elle valait plus de 800,000 fr.

La achetée en 1579 par Philippe II, roi d'Es-


Peregrina,

pesait 134 carats; elle avait la grosseur d'un oeuf


pagne,
de pigeon et la forme d'une poire. Elle provenait de Pa-

nama et valait 50,000 ducats.

Georgibus de Calais présenta en 1620 à un autre roi

d'Espagne, Philippe IV, et lui vendit pour 80,000 ducats

une perle de 126 carats. Au roi lui demandant comment

il avait pu risquer sa fortune sur cet objet, le rusé Geor-

gibus répondit : « Je savais qu'il y avait au monde un roi

d'Espagne pour me l'acheter. » Cette perle est possédée


maintenant parla princesse Youssoupof.
Léon X avait une perle de 350,000 fr.

L'inventaire de 1789 constata pour un million de

francs de perles parmi les diamants de la couronne de

France. Napoléon Ier prit à Berlin une perle de 180 grains


environ. Celle-ci fut montée en 1855 par Lemonnier, et

figura à l'Exposition de 1855. Le collier delà future impé-


ratrice d'Allemagne, fille de la reine Victoria, contient
trente-deux perles, et est estimé 500,000 francs.
PAUSSES PERLES. 543

Fausses Perles. —C'est à Jaequïn. qui vivait en 1680,

que l'on attribue généralement l'invention de l'imitation

des perles. C'est à Passy que se créa cette industrie nou-


velle. Jaequin avait remarqué que les fines écailles des

ablettes avalent des reflets analogues à ceux des perles.


El lavait ces poissons de façon à détacher ces écailles, et

les réunissait dans un liquide gommeux, nommé essence

d'Orient, Il introduisait ensuite cette essence dans de pe-


tites boules de verre, la promenait autour des parois inté-

rieures pour les enduire, et, quand la couche était sèche,

remplissait la boule de cire.

La fabrication des fausses perles se compose de deux

opérations bien distinctes"' : Ie fabrication des perles de

verre. 2° fabrication de l'essence et remplissage. Les per-


les de verre se font par des èmailleurs au moyen de tubes

de verre capillaires du nom de g ira-sol, tubes que rémail-

leur a soin de rendre aussi égaux de diamètre et de tube

que possible. L'extrémité du giras-ol est présentée à la

d'émailleui-, et l'ouvrier souffle par l'autre, enfour-


lampe
nant sans cesse le tune. La perle se renfle régulièrement.

deux COUDS de lime la séparent des portions non renflées du

tute. elle est faite. L important, c est que les deux trous

soient à l'extrémité du même diamètre, sans quoi les col-

liers de ces fausses perles seraient fort irréguliers. 11 im-

Borte aussi que les bords des trous soient arrondis pour

la soie des colliers ne soit pas coupée par eux. L ar-


que
tiste fait à volonté des perles de toutes les dimensions,

de toutes les tailles. Il peut même produire des bulles de

verre oui imiteront les perles dites baroques.


Irréguliêres
Voici maintenant comment on prépare 1 essence d'O-

rient. C'est, avons-nous dit. la matière argentée et bril-

lante des écailles d'ablettes, tenue en suspension dans un


544 LA PERLE.

Le poisson est écaillé dans l'eau, les


liquide gommeux.
écailles lavées avec soin, on les broie ensuite sous l'eau

dans un mortier. Les parcelles brillantes sont décantées,

lavées à plusieurs reprises. Les eaux de lavage sont addi-

tionnées d'ammoniaque pour empêcher la putréfaction.


On concentre ainsi la substance chatoyante des écailles

d'ablettes, qui est mêlée à un liquide gélatineux. Il faut

sept livres d'écaillés pour former une livre d'essence.

Les perles de verre sont rangées dans un tamis ou tiroir.

On y introduit l'essence à l'aide d'une pipette en verre.

L'ouvrier l'étend en roulant la perle entre les doigts, puis


en agitant le tamis où elles sont ensuite déposées. Quand
l'essence a séché, il faut remplir les perles de cire. On em-

ploie la plus belle cire blanche. On l'introduit fondue dans

chaque perle, à l'aide d'une pipette en verre.

Pour les plus petites perles, les choses se font très rapi-

dement, surtout le remplissage de cire, qui se produit en

jetant dans un bain de cire fondue ces perles déjà enduites

à l'intérieur d'essence d'Orient.

L'industrie des perles fausses est surtout pratiquée à

Paris, qui en livre tous les ans à l'exportation pour plus'


d'un million. Il est souvent difficile de distinguer les belles

perles fausses des véritables.


LE CORAIL

La belle substance désignée sous le nom de corail rouge


est un produit précieux, à la formation duquel concourent
deux grandes puissances de ce monde, la vie et la mer.

Dans le sein des eaux, à des profondeurs allant de trois

mètres à trois cents mètres, vivent des zoophytes, ou ani-

maux-plantes, qui ressemblent plus à des arbres qu'à des


animaux. Mêlés à des algues, ils constituent des forêts

sous-marines, tantôt dressées, tantôt pendantes, abritant


dans leurs ramures les formes vivantes les plus variées
et les plus étranges.
Les naturalistes, plus attentifs à l'organisation qu'à l'as-

pect général, les ont divisés en deux sous-classes : les

zoanthaires aux tentacules simples et les cténocères aux

tentacules bipinnés, c'est-à-dire ressemblant à des plumes

légères. Ces derniers ont été partagés en un certain nom-

bre d'ordres, au milieu desquels apparaît celui des gor-

gonaires, lesquels à leur tour se fractionnent en trois

groupes : gorgoniens, isidiens, -coralliens.

35
546 LE CORAIL.

L'être la substance dont nous faisons


auquel appartient
l'histoire constitue à lui tout seul cette section naturelle

des coralliens, et la remplit de sa remarquable


polypes
C'est le Corallium rubrum de Lamarck, qui
personnalité.
le des isis, avec lesquels il fut longtemps con-
distingua
fondu sous le nom a"Isis nobilis (Gmelin).
L'histoire du corail comprend deux études bien distinc-

tes : 1° celle du polype qui le produit ; 2° celle de la sub-

stance les arts et l'industrie utilisent. Nous


précieuse que

adopterons cette division bien naturelle de notre sujet.


Histoire naturelle du Corail. — Les anciens con-

nurent cette substance, dont la beauté leur plaisait, et

surent à leur parure. Ils n'eurent, sur


qu'ils adapter
sa véritable origine et sur sa place dans les oeuvres de

la création, que des idées très erronées. Théophraste,


dans son traité des minéraux, la compte parmi les pierres

précieuses, et cependant, comme il soupçonnait sa véri-

table nature et sa place parmi les créatures vivantes, il

la compare au roseau des Indes pétrifié. Orphée, c'est-à-

dire le moderne Alexandrin qui prit son nom, plaça aussi

le corail parmi les minéraux. Dioscoride et Pline le placè-


rent parmi les plantes. Ce dernier en faisait une descrip-
tion fantaisiste.

« Le corail, disait-il, a l'aspect d'un arbrisseau à tige

verte, à baies blanches et molles, tant qu'il est sous l'eau...

et présentant l'aspect et la grandeur des cornouilles. »

(Liv. XXXII, xi.) En 1671 un naturaliste italien, loin de

prendre les protubérances placées sur les branches pour


des baies, déclara que le corail n'était qu'une production
minérale. Ong de Poitier, gentilhomme lyonnais, avait

cependant, en 1613, constaté dans cette singulière forma-

tion une écorce et une sève laiteuse.


H15T0IEE ZvATUlELLE, 547

En 1700. le botaniste Tournefort rangeait encore le co-


rail dans le règne végétal. Réaumur lui-même considérait
la substance dont nous parlons, non pas comme une

plante, mais comme une matière minérale, formée dans le


tissu de certains végétaux marins.

Personne cependant n'avait vu fleurir cette plante-

étrange, dont les branches rigides gardaient au fond des


eaux une immobilité absolue. Un jour, cependant, une sin-

gulière nouvelle se répandit dans les cercles scientifiques :

le corail avait fleuri. Un savant bien connu, et de la bonne

foi duquel nul ne pouvait douter, le comte de iMarsigli.


annonça en 1706 avoir vu les fleurs du corail. Dans son

grand ouvrage sur la physique de la mer, il décrivit ces

fleurs nouvelles « qui rentraient dans leurs tubes dès que


la plante- était retirée de l'eau et adoptaient en mourant une

teinte jaune safrané s. Chose étrange, jusque-là personne


n'avait douté de la nature végétale du corail, et quand un

savant autorisé vint raconter qu'il avait vu fleurir i"arbre-

marin, rincrédulité se fit jour, et cette découverte le fit

pour un sorcier. Cependant on adopta cette confir-


passer
mation des idées anciennes, surtout quand on vit Réaumur

célébrer la découverte du comte académicien.

La science aparfois des vicissitudes étranges, qui font sen-

tir combien il serait Imprudent d'en faire un dogme et de

lui conférer le privilège de la certitude absolue. La renom-

mée n'avait pas achevé de porter en tous lieux la gloire de

les fleurs du corail,


Marslgli, que l'on apprit que préfendues
'•- leurs tubes ». étaient des ani-
ces fleurs qui rentraientdans
maux, de véritables animaux. X'étâlt-ce pas une véritable

révolution, de par les nouvelles observations, un


puisque,
changement de règne... pour le corail, venait de s'accom-

? Ce qu'il y eut de piquant dans l'affaire, et peut-être


plir
548 LE CORAIL.

de mortifiant Marsigli, c'est que ce fut un de ses


plus pour
élèves vint renverser la théorie du corail-plante, peu
qui
le jour où elle semblait avoir conquis tous les suf-
après

frages.
Jean-André de né en 1694 à Marseille, aux
Peyssonnel,
bords de cette Méditerranée dont les productions sous-

marines les savants, fut l'auteur de la nouvelle


occupaient
découverte. Simple étudiant en médecine à Paris, il reçut,

en 1723, de l'Académie des sciences la mission d'aller étu-

dier le corail sur les rivages qui le produisent. Il com-

mença ses études à Marseille même et dans le voisinage,

et les continua sur les côtes de la Barbarie, où le corail se

péchait abondamment.

se révéla observateur habile et sagace, et,


Peyssonnel
une série d'observations patientes, il fit justice des
après
fleurs de Marsigli et restitua au corail sa véritable place

les animaux. Ainsi le même naturaliste reconnut


parmi
s'était trompé avec son maître sur la nature de la
qu'il
fleur du corail « qui n'était au vrai qu'un in-
prétendue
secte semblable à une petite ortie ou poulpe». Peyssonnel

eut le plaisir de voir cette ortie remuer pattes ou pieds,


suivant son expression, et de constater, sans nul doute,

ce qu'on avait pris pour le calice d'une fleur, était le


que

corps même de l'animal épanoui en dehors de sa cellule.

Tout devait être bizarre dans cette histoire, dont le co-

rail était l'objet. Autant l'erreur de Marsigli avait produit

d'enthousiasme, autant la vérité apportée par Peysonnel


rencontrait d'indifférence ou de mauvais vouloir. Réau-

mur se montra le plus ardent parmi les adversaires, et le

grand entomologiste parut surtout choqué de l'expression

d'insectes,employée par le savant marseillais pour désigner


l'animal du corail. Il se moqua du pauvre Peyssonnel, au-
HISTOIRE NATURELLE. 549

quel il adressait ce persiflage : «Je pense comme vous que

personne jusqu'à présent ne s'est avisé de regarder le co-

rail comme l'ouvrage d'insectes. On ne peut disputer à

cette idée la nouveauté et la singularité... Mais les coraux

ne me paraissent jamais pouvoir être construits par des

orties ou poulpes, de quelque façon que vous vous y pre-


niez pour les faire travailler !»

Bernard de Jussieu ne voulut pas non plus se rendre à

l'évidence dont Peyssonnel en avait fait les témoins, à Mar-

seille, un grand nombre de personnes. Il semblait que le

grand botaniste eût regret de laisser aller au règne animal,


c'est-à-dire à un autre domaine que celui qu'il cultivait, la

plante marine aux branches rouges.


Des oppositions venant de si haut firent le vide autour

de Peyssonnel. Son mémoire, écrit en 1744, resta à l'état

de manuscrit etfut conservé au Muséum, où il est encore.

L'auteur, lui a donné un de ces titres alambiqués et inter-

minables comme on en le voici: — « Traité


rédigeait alors,
du corail, contenant les nouvelles découvertes qu'on a

faites sur le corail, les pores, madrépores, scharrus, litho-

éponges, et autres corps et productions que la


phytons,
mer fournit, pour servir à l'Histoire naturelle de la mer, par

le sieur de escuyer, docteur en médecine. »


Peyssonnel,
Le escuyer quitta la France peu de temps après,
pauvre
aller servir aux Antilles dans le corps des offi-
pour
ciers de santé de la marine. Ceux-ci s'honorent d'avoir

dans leurs rangs l'élève de Marsigli, auquel une


compté
tardive, mais éclatante, fut rendue.
justice
Réaumur et Bernard de Jussieu, ayant eu connaissance

des recherches que Trembley avait exécutées sur l'hydre

d'eau douce, et les ayant répétées, reconnurent enfin que

les anémones de mer et d'autres formations analogues


550 LE CORAIL.

des êtres semblables à ceux qu'on venait de dé-


portaient
couvrir chez les hydres. Leur injustice à l'égard de Peys-
sonnel leur apparut, car ils furent obligés d'admettre ses

vues et de proclamer qu'il ne s'était pas trompé.


M. Lacaze-Duthiers fut chargé, en 1860, par le gou-
vernement français, d'une mission scientifique rappelant
celle de Peyssonnel. Il s'agissait encore du corail et de

compléter son histoire naturelle, qui, depuis Y escuyer

marseillais, avait fait peu de progrès. M. Lacaze-Duthiers

s'acquitta de sa mission avec un plein succès, et aujourd'hui

l'étude du Corallium rubrum ne laisse plus rien à désirer.

Il a publié un mémoire important auquel de nombreuses

planches coloriées, dessinées d'après nature, donnent une

grande valeur.

Comme tous les polypes agrégés, le corail rouge est une

collection d'individus vivant en commun sur un axe de

pierre et unis par un tissu cortical et une circulation com-

mune. Chaque individu, bien qu'ayant une existence indé-

pendante, est ainsi relié aux autres unités de la colonie.

Ce fait avait été ingénieusement mis en évidence par

Peyssonnel dans l'une de ses expériences. «Ayant mis, dit-

il, le vase plein d'eau où le corail était, près du feu, tous

ces petits insectes s'épanouirent. Je poussai le feu et je fis

bouillir l'eau, et je les conservai épanouis hors du corail. »

Avec quelle peine et quelle lenteur nous arrachons à la

nature ses secrets! Aussi ne jetons pas la pierre aux âges


qui nous ont précédés. Maintenant que la lumière brille,
nous nous étonnons de l'obscurité dans laquelle ont été

plongés tant de faits que nous pouvons toucher du doigt.


C'est à tort, et, dans l'espèce, la nature elle-même ne sem-
blait-elle pas conspirer pour tromper les observateurs? Le
corail a-t-il cessé d'être une chose étonnante et merveil-
HISTOIRE NATURELLE. 551

leuse, avec les triples caractères qui en font pour ainsi dire
le citoyen de trois royaumes, celui des celui des
pierres,
plantes, celui des animaux ? Où sont les caractères de la
vie dans cette matière rouge et dure, qu'il faut arracher
aux roches sous marines, et que l'on peut briser et réduire
en poudre? Où sont les caractères de l'animal dans ces
axes branchus et rameux solidement fixés que recouvre
une écorce, du tissu de laquelle on voit s'épanouir des co-

rolles à huit pétales frangés? Où est la plante dans ces ar-

borisations rigides, couvertes d'une peau molle, putresci-


ble, et dont les prétendues fleurs, semées de la base au

sommet, sans ordre, sortent et rentrent en agitant leurs

bras? Où est le minéral dans cette production dont les di-

verses parties sont différenciées, dépendantes les unes des

autres et douées du pouvoir de se multiplier? Parlant des

polypes analogues au corail, « ils ont l'air, disait Michelet,


de s'ingénier pour être plantes et ressembler aux végé-
taux». C'est vrai, et le naturaliste philosophe montrait la

solidité, la quasi-éternité de leurs axes, et l'analogie de

leurs hôtes avec une marguerite pâle et rose!

Toute vie vient d'un oeuf, disait Harvey, omne vivum ab

ovo. Le corail n'échappe pas à cette loi, et cet arbre de

soudé fortement aux roches dont il semble une


pierre,
ou plutôt une continuation, a eu un véritable
production,
oeuf pour origine, pour point de départ.

A l'aurore de son existence le corail subit déjà la loi qui

sur lui. L'oeuf, au lieu d'être libre, est fixé par un


pèsera
et dans la cavité digestive de la mère,
pédicule long grêle
et fait saillie à l'extérieur des lames minces qui tapissent

cette cavité. Il se détache par la rupture de ce pédon-

et tombe dans la cavité digestive où va se faire


cule,
son incubation. Les sucs qui, dans cette poche, digèrent
552 LE CORAIL.

l'aliment, cet oeuf doué de vie (fig. 337).


respecteront
L'oeuf devient larve et est par la bouche du po-
pondu
mère. Le corail est donc vivipare, et la nature a com-
lype
ce ce qui manquait à ce singulier ani-
pensé par moyen
mal pour prendre soin de son oeuf. L'oeuf,

en devenant larve, s'allonge et se couvre

de cils vibratiles qui serviront à la locomo-

tion (fig. 338). Qui pour-


rait soupçonner dans ce

petit ver mollasse, blan-

châtre, demi-transparent,

nageant entons sens avec

agilité, l'immobile arbris-

seau marin à l'axe cal- Fig. 338. — Larve


Fig. 337.— OEuf de
Corail. de Corail.
caire, résistant et solide?

Qui pourrait croire que c'est cet organisme chétif, sans

yeux et sans bras, qui va construire des arborisations qui

pourront durer des siècles, et qui sécrétera cette admirable

substance à laquelle un joallier donnera

mille formes élégantes? Qu'est-ce donc

que cette vie inconsciente, renfermée dans

cette larve obscure, et

contenant en puissance
un édifice organique si

différent d'elle et voué à

l'immobilité?

. Fig. 339. — Larve Ondiraitqu'elleahâte Fig. 340. — Larve


modifiée. modifiée.
de jouir de sa liberté d'un

jour, et qu'elle prévoit que bientôt elle sera rivée à la


roche dure. Ces larves vont et viennent, savent s'éviter;
elles montent et descendent, portant en avant leur grosse
extrémité opposée à leur bouche. Ont-elles un sens pour
HISTOIRE NATURELLE. 553

ne pas se heurter, en manquent-elles pour aller se butter


à chaque instant contre les obstacles? Pendant ces
voyages la larve du corail se modifie et diffé-
passe par
rentes formes représentées les 339 et 340.
par fig.
Il arrive un instant où cette larve étourdie va donner
contre un obstacle et adhère définitivement. Ce mo-
y
ment marque la naissance d'un une colonie est
monde,
fondée. La larve modifie immé-
diatement sa forme et ses pro-
portions : l'organisme devient

plus large que long et comme


discoïde. La portion amincie qui

portait la bouche rentre dans le


Fig. 341. — Larve fixée.
disque et s'entoure d'un bourre-

let supérieur et circulaire, sous lequel apparaissent d'a-


bord huit mamelons, rudiments de huit tentacules en

couronne, frangés sur

leur bord (fig. 341).


L'être qui vient de pren-

dre ainsi naissance se

trouve bientôt achevé.

C'est un être simple, c'est

une individualité bien ar-

rêtée dans sa forme et

dans sa structure. Elle


Fig. 342 — Premier bourgeon.
atteint bientôt l'âge adul-

te, et pourrait dans sa cavité stomacale produire un oeuf

semblable à celui dont elle sort, et se multiplier. Mais un

nouvel étonnement vamous être offert. Cet organisme va

se multiplier, va grandir et s'accroître, mais ce sera dans

un autre mode, et qui rappelle celui que beaucoup de

plantes emploient. Le jeune corail va se multiplier par


55^ LE CORAIL.

bourgeonnement. La figure 342 représente un individu

simple qui s'est déjà donné un compagnon : c'est le bour-

geon rudiment du second polype de la colonie. Le corail

ne cessera plus désormais de soustraire à l'eau de la mer

les éléments de son axe solide, et de le couvrir, à mesure

qu'il s'allonge, de nouveaux polypes. C'est ainsi que se

forme l'arbre (fig. 343).


Une branche de cet arbre vivant se compose de deux

parties bien distinctes : l'une

interne, l'axe solide ou poly-

pier; l'autre externe, semblable

à une écorce, tissu véritable-

ment vivant, dans lequel sont

plongés les polypes qui consti-

tuent la colonie.

Le corail vivant présente


deux aspects bien différents,

qui correspondent à l'état de

construction des polypes, ou


à leur épanouissement. Quand
la colonie se sent menacée, les
Fig. 313. —Corail adulte.
polypes rentrent dans le tissu
cortical qui ne présente plus au dehors que des mamelons
arrondis et étoiles de huit plis à leur sommet. C'est là
l'état de siège de l'être multiple dont nous faisons l'his-

toire, comme la fermeture des valves est l'état de de


siège
l'huître, comme la rentrée dans sa coquille est l'état de

siège du colimaçon. Viennent les heures de paix et de sé-

curité, le pore autour duquel rayonnent les du ma-


plis
melon s'entr'ouvre, et l'on assiste à cette merveilleuse
floraison qui avait séduit Marsigli. C'est la sortie du polype
de sa retraite.
HISTOIRE NATURELLE. 555

Il sort d'un calice rosé formé de huit dentelures arron-

dies, et qui couronnent le mamelon; il s'allonge lentement


en un tube mince et délicat, ter-
presque cylindrique, que
mine un disque qui porte une collerette de huit tentacules
horizontaux, munis latéralement de barbules nombreuses
et élégantes. Le nombre de huit tentacules est invariable,
et ce fait aurait dû donner à réfléchir à Marsigli. quand il

prit ces organes pour les pétales d'une corolle. Le nombre

de huit est en effet fort rare dans les divisions des coroRes,
où l'on trouve surtout les chiffres 3 et 5 et leurs multiples
Au centre de cette couronne de tentacules, se trouve

Tunique orifice par lequel l'estomac du polype communi-

que avec l'extérieur. H est permis d'hésiter sur le nom qui


lui convient. Se basant sans doute sur ce fait que cet ori-

fice présente une fente à deux lèvres, les physiologistes lui

donnent le nom de bouche: c'est d'ailleurs comme bouche

qu'il a du fonctionner la première fois.

De cette bouche part un oesophage qui aboutit dans la

cavité générale du corps, au milieu de laquelle il est

maintenu en place par huit plis qui alternent avec les huit

tentacules. Ces huit plis forment donc huit loges rayon-


nantes de la périphérie vers ce centre.

Les tentacules, doués dune extrême sensibilité, se roulent

en volute quand on les Irrite ; ils sont destinés à prévenir

l'animal des extérieurs et à déterminer par leur


dangers

agitation le mouvement de l'eau. Sans doute ils saisissent

les qui servent de nourriture à chaque po-


petites proies
et les introduisent dans l'estomac. Triste existence
lype.
celle de ces êtres immobilisés, auxquels le hasard des
que
courants les hasards de la fourchette :
procure
556 LE CORAIL.

Heureusement qu'il suffit que quelques-uns dans la co-

lonie dînent ou déjeunent, pour que les autres soient sa-

tisfaits; il n'en est pas ainsi parmi nous, et nos estomacs

n'ont pas le désintéressement de ceux des polypes :1e bon

dîner des uns ne remplit pas le ventre des autres. De-

mandons à la structure de l'écorce qui enveloppe le poly-

pier le secret de cette fraternité digestive.


Cette écorce est, avons-nous dit, la partie vivante du

corail; elle est molle, charnue, épaisse, facile à enlever,


elle est transparente et con-

tractile, et formée d'un tissu

cellulaire général, super-

posé à un tissu vasculaire

(fig. 344).
Ce tissu vasculaire pré-
sente des vaisseaux cylin-

driques réguliers, couchés

parallèlement sur la lon-

gueur de l'axe pierreux. Cette

assise vasculaire est recou-

Fig. 314. — Écorce du Corail. verte d'un réseau de vais-

seaux très irréguliers, anas-

tomosés, qui parcourent toute l'écorce; ils servent de


trait d'union entre les tubes réguliers et les polypes, avec
les cavités desquels ils sont en communication.

Pour que tous les polypes puissent bénéficier des bon-


nes aubaines de ceux qui sont favorisés par la fortune...
des courants, il faut bien que les sucs nourriciers élaborés

puissent passer des uns aux autres. Les vaisseaux réguliers


les reçoivent du réseau irrégulier, qui communique direc-
tement avec les estomacs, et les répartissent ensuite équi-
tablement dans tout l'ensemble de la colonie, afin que
HISTOIRE NATURELLE. 557

chaque polype puisse recevoir une part égale de cette sève


nourrissante.
Le liquide contenu dans ces ou
vaisseaux, chyle sang,
est blanc comme du lait. Il se à l'eau et s'écoule
mélange
quand on blesse l'écorce, ou on brise une des
quand
branches du corail. Là où l'écorce l'axe
manque, pierreux
cesse de croître; là aussi, le ne se fait
bourgeonnement
plus. r

Ce bourgeonnement, nous l'avons dit, le


déjà augmente
nombre des individus de la colonie, et n'en crée une
pas
nouvelle comme l'oeuf. Il y a donc dans le corail, comme
dans les plantes, deux modes de reproduction, reproduc-
tion par oeuf ou semence, reproduction par bourgeons.
Dans l'écorce du corail, comme dans l'écorce des arbres,
ces germes se développent, grandissent et bientôt se tra-
hissent au dehors.

Dans le corail dont on explore un lambeau d'écorce à


l'aide du microscope, on aperçoit de petits points blancs,
offrant un petit trou autour duquel rayonnent huit plis

disposés régulièrement; ils grossissent assez lentement,


et font saillie à la surface ; une branche de corail présente
ainsi des générations diverses de jeunes et de vieux poly-

pes. Il y a encore bien des mystères à éclaircir clans ces

colonies vivantes. Quelle est la durée delà colonie? Quelle

est la durée des individus? Elle doit avoir une limite phy-

siologique, elle en a une dans mille circonstances. Quand

un choc détache une de ces branches de l'arbre marin,

elle tombe au fond de l'eau sur le sol; le mouvement

des eaux l'y roule et bientôt la tendre écorce est dé-

et avec elle la vie. Il faut au corail l'onde pure,


truite,
il ne se développe jamais dans les eaux troubles; et pres-
il croît de haut en bas, et comme suspendu
que toujours
558 LE CORAIL.

à la voûte des anfractuosités ou des cavernes sous-marines.

Toute branche détachée est donc une branche perdue , et


nous ne voyons pas comme chez les arbres, qui sont aussi

despolypiersaéiiens,derameauxdétachés prendre bouture.


Il est un élément de l'écorce dont nous n'avons pas
parlé : ce sont les spicules. Ces organes sont des concré-
tions calcaires hérissées de pointes irrégulièrement pla-
cées, irrégulièrement taillées. Ces spicules, qui ont à peu

près la couleur du corail lui-même, sont régulièrement


répandus dans la partie corticale vivante (fig. 345).
La plupart des invertébrés qui vivent dans la mer ont

besoin du carbonate calcaire qui y est

tenu en dissolution. Les mollusques le


lui empruntent pour bâtir la maison fer-
mée clans laquelle ils se retirent, ou les
boucliers qui les protègent. Les poly-
piers, et parmi eux le corail, ont reçu
le pouvoir d'arracher aux flots la même
substance pour en construire leurs élé-

Fig. 345. — Spicules gantes arborisations. Chez les mollus-


du Corail.
ques, l'animal vit dans sa sécrétion cal-
caire; chez le corail, l'être vivant habite sur cette sécré-
tion; chez les premiers, l'être
l'inorganique enveloppe
organisé ; chez le second, l'être organisé enveloppe l'élé-
ment inorganique, et lui demande, non un abri
plus pro-
tecteur, mais une surface solide, croissant à mesure le
que
nombre des polypes augmente.
Il y a là un fait étrange sans doute, mais bien commun
dans la nature, où nous la vie des
voyons s'emparer ma-
tières et leur donner des formes immuables en obéissant
à une loi supérieure. Le corail est une
rouge machine vi-
vante, qui fait du corail comme une machine fait des épin-
HISTOIRE NATURELLE. 559

gles; et, si l'on doit s'étonner de quelque chose, ce n'est

pas que cette machine fasse du corail, mais qu'elle s'en-

tretienne, se répare et se perpétue indéfiniment, ne fai-

sant toujours que du corail.

L'axe de pierre est cylindrique, cannelé parallèlement à

la longueur et déprimé cà et là aux places occupées par


les polypes; le centre est irrégulier, mais autour de ce

noyau l'on constate que des couches festonnées à leur

circonférence se sont successivement déposées, s'emboî-

t-ant les unes les autres. Du centre à la circonférence,

rayonnent des bandes plus

rouges, alternant avec des

bandes claires. Les premiers


doivent leur augmentation
de teinte à la présence de

corpuscules couverts d'as-

pérités, et fortement teintés

en rouge. Nous comprenons


cette structure, ce revête-

ment successif de couches Fig. 346. — Structure de l'axe


du Corail.
concentriques. Sans doute

c'est dans la zone corticale que s'élaborent ces zones pier-

et d'une inconsciente; on ne sait pas en-


reuses, façon

core comment se les bifurcations de l'arbre


produisent

(fig. 346).
de la colonie sont comme les animaux, mâ-
Les polypes
tous mâles ou tous femelles sur
les ou femelles ; ils sont

de corail, ou bien les deux sexes sont réunis,


le même pied
le même mais sur le même axe.
non pas dans polype,
aisément les polypes femelles, car on peut
On distingue
dans leur cavité, les
souvent apercevoir par transparence,

subissent une sorte d'incubation.


larves qui .y
560 LE CORAIL.

Nous voilà revenus à notre point de départ, la larve, qui

reproduira l'individu sans modification. Le bourgeonne-


ment seul pourrait transmettre les variations.si on pou-
vait, comme chez les piaules, séparer un rameau de la

plante mère et le bouturer; cela n'est pas faisable chez le

corail, et sa culture n'est pas possible.


Pêche du Corail. —Jusqu'à présent la patrie du corail

semble très localisée et la Méditerranée parait être son

bassin favori. On l'a cependant rencontré dans la mer

Rouge, et sans doute il habite aussi les mers de l'Inde. 11

vit à des profondeurs et à des expositions qui varient avec

les lieux, sur nos rivages méditerranéens de France; son

exposition favorite est le midi, il est rare à l'est et à

l'ouest, et manque à l'exposition nord. Dans le détroit de


Messine, il préfère l'orient, il est rare à l'ouest, et manque
encore au nord. Sur les côtes d'Afrique il est moins diffi-
cile sur l'exposition, bien qu'il affecte les expositions sud-
est ou sud-ouest. Quant à la profondeur, elle varie entre
3 mètres et 300 mètres. Les pêcheurs, qui ne perdent pas
leur temps à le chercher là où il est encore rare, ne com-
mencent à le chercher qu'à trois ou quatre lieues au large,
depuis la profondeur de 30 mètres jusqu'à celle de 300.
La pèche du corail se fait de deux manières. Quand le

précieux polypier n'est pas à une grande profondeur, des

plongeurs peuvent aller le chercher : c'est ce qui a lieu sur


les côtes des Pyrénées-Orientales. Quand il ne croit que
par de grandes profondeurs, il faut d'autres moyens que
nous allons décrire.

Cette pèche offre de grandes difficultés et ne ressemble


en rien aux autres pèches. On a affaire à des êtres immo-

biles, que l'on doit aller chercher là où ils sont, car au-
cun appât ne saurait les séduire. A l'heure actuelle, celte
•LA PÊCHE. 561

exploitation se fait par des pêcheurs italiens sur les côtes


de France, d'Italie et d'Afrique. Gênes, Livourne, Naples,
Torre del Greco, et quelques villes de Sicile, sont les

ports principaux d'armement; de solides barques de six à


seize tonneaux bien taillées pour la marche, et n'ayant
d'autres voiles qu'un foc et une voile latine, servent à
cette industrie de la mer. Elles sont montées par six ou

douze hommes d'équipage, suivant la force du navire; à


l'avant est une sphère sur laquelle est peinte l'image du

Christ, de la Vierge, ou d'un saint, ou simplement une

Panagia avec une branche d'olivier desséchée. Le patron


ou poupier loge à l'avant, et tout l'arrière est réservé à
la pêche et au logement de l'équipage ; les soutes à eau

£t à biscuit sont au milieu de la felouque.

On donne le nom d'engin ou de salabre à l'ensemble

des pièces qui servent à la pêche ; cet outil est formé d'une

croix de bois constituée par deux barres de 2 mètres de

longueur, solidement réunies par leur milieu. Pour que


cette croix puisse couler, elle est lestée par un lingot de

plomb, ou par une grosse pierre; à chaque bras est fixée

une corde de 7 à 8 mètres de long, à laquelle sont atta-

chés des paquets de filets construits avec une grosse ficelle

à peine tordue, et réunis supérieurement, de façon à for-

mer ce qu'en terme de marine on nomme des fauberts,


servent à bord des navires à essuyer le pont
lesquels
mouillé ; au-dessous de la croix pend une cinquième corde

les autres, et sur laquelle sont aussi atta-


plus longue que
chés un certain nombre de fauberts, on la nomme queue

du purgatoire. Telle est l'économie de Y engin, il porte ainsi

une trentaine de fauberts qui en constituent l'élément

essentiel. Dans l'eau ces paquets de cordes s'étendent., se

brouillent, vont et viennent; ce sont eux qui accrochent


36
562 LE CORAIL.

les branches de les cassent et les arrachent dans le


corail,
mouvement du bateau.

Le corail est localisé et forme des bancs. Les poupiers

ou ont un flair extraordinaire pour deviner à de


patrons
d'après des indices très légers, l'état
grandes profondeurs,
du fond et la présence des bancs. Ils savent retrouver avec

sûreté ceux qu'ils ont exploité les années précédentes.

Quand le le moment favorable, il fait lancer


patron juge
à l'eau. Les fauberts s'étendent dans toutes les di-
l'engin
rections et accrochent tous les corps qu'ils rencontrent.

On ralentit alors la vitesse du navire, la corde qui retient

s'enroule sur le cabestan. Le patron en suit les


l'engin
mouvements, et, assis sur le plat-bord, il juge aisément

de la tension de cette amarre qui passe sur sa cuisse re-

couverte d'un épais tablier de cuir. Quand il sent que l'en-

gin mord suffisamment, il fait filer l'amarre; celle-ci se

raidit, on sent que l'engin arrache quelque chose, et l'on

avance ainsi saccade par saccade; de temps en temps,


on fait jouer le cabestan. Quand la résistance est trop forte,

on relâche de nouveau l'outil ; quand cette manoeuvre a été

répétée un certain nombre de fois, on juge que la queue


du purgatoire et les quatre autres ont fait leur récolte. On

remonte à bord l'étrange mécanique. Souvent elle a de la

peine à déraper du fond, et cette partie du travail de-

mande un labeur très pénible. Il faut voir ces malheureux

corailleurs ruisselants de sueur sous un soleil ardent, se

suspendant aux barres du cabestan. Le matelot qui dirige


l'enroulement de l'amarre, chante, pour les exciter et har-

moniser leurs efforts, quelque mélopée des rivages d'Italie,


à la gloire de la madone, d'un saint vénéré du pays ou de

Garibaldi. Que de fois la queue du purgatoire remontant à

bord sans rien ramener, transforme ce métier en enfer!


LA PÊCHE. 563

Ce travail est si pénible que ces hommes sont obligés


de réparer sans cesse leurs forces épuisées ; ils mangent
toute la journée, et les distributions de biscuit sont conti-

nuelles ; il en est ainsi des coups que le patron ne leur

ménage généralement pas, et qu'ils semblent supporter


avec une grande philosophie.

Quand l'engin est hissé à bord, la tâche n'est pas finie ;

il faut arracher le corail, et mille autres produits du fond

de la mer, aux bras tordus et mouillés des fauberts ; il

faut ou remplacer ces derniers, qui durent peu de


réparer
La de ces malheureux est de dix-huit
temps. journée
heures. Us ont droit au biscuit et à l'eau à discrétion; le

ils ont un de macaroni; deux fois par an, à la


soir, repas
Fête-Dieu et à l'Assomption, on leur donne du vin et de

la viande. Les meilleurs d'entre eux reçoivent de quatre

à six cents francs la campagne des six mois d'été ;


pour
les autres ont une solde de moitié inférieure, augmentée,

de menus morceaux soustraits à


par-ci par-là, quelques
la du On dit dans les ports qui expédient
vigilance patron.
à la du corail, faut être voleur ou assassin
pêche qu'il
faire métier. Au moins, dit M. Lacaze-Duthiers,
pour pareil
d'entre eux ne sont pas sans avoir eu des dé-
beaucoup
mêlés avec la justice.
au la pêche se termine en au-
Commencée printemps,
les vents frais de la côte d'Afrique viennent
tomne, quand
Mais pendant ce laps de temps les
la rendre dangereuse.
ont besoin de se ravitailler et de vendre leurs
corallines
car dans cette industrie les avances ne sont pas
produits,
tous les mois, plus souvent quelquefois,
considérables;
la sont livrés à la Calle, à Bône ou à
les fruits de pêche
sur les côtes d'Espagne, et même
Gênes. Le corail péché
moins beau celui d'Algérie, est
sur les côtes de France, que
564 LE CORAIL.

même transporté souvent sur ces premiers marchés, où il

est entreposé et dont il revient comme corail de Bar-

barie.

Dans le commerce on distingue plusieurs sortes de co-


rail.

1° Le corail noir : c'est du corail rouge brisé et tombé


dans la vase, dont les émanations sulfureuses ont trans-
formé en sulfure de fer noir l'oxyde qui le teintait en

rouge; ce corail, qu'il ne faut pas confondre avec un autre


corail noir de consistance cornée, qui constitue l'axe des

antipathes, se vend de 12 à 15 francs le kilogramme, et


sert à la fabrication des bijoux de deuil.
2° Le corail blanc, sorte estimée et ne diffère
peu qui
du vrai corail que par une sorte d'albinisme.
3° Le corail mort ou pourri, valant de 5 à 20 francs le

kilogramme : c'est du corail qui a cessé d'être et


vivant,
dont l'écorce a été remplacée par des calcaires de
dépôts
flustres, de bryozoaires, etc.
4° Corail en caisse, valant de 45 à 70 francs le kilo-

gramme : c'est le même corail, le corail brisé, dont les

fragments plus ou moins menus ne être utilisés


peuvent
que pour des parures de peu de valeur.
5° Corail de choix : c'est la sorte supérieure, composée
des beaux rameaux; le prix varie de 400 à 500 francs le

kilogramme.
La teinte elle-même du corail établit des variétés com-
merciales , que l'on désigne sous les noms de
originaux
1° écume de 2° fleur de 3°
sang, sang, premier sang,
4° second sang.
La valeur change aussi avec la les
forme; rameaux grê-
les et buissonneux, comme les le corail
présente de France
et d'Espagne, étant difficiles à offrent un
débiter, grand
EXPLOITATION. 565

déchet, et ne conviennent pas pour les fortes Une


pièces.
autre circonstance atténue sa valeur : c'est quand le corail
est percé. L'on s'étonnera qu'une substance aussi dure

puisse être perforée. Les balles de plomb le sont bien par


des larves. Ici ce sont des annélides qui font ce travail, et
le croirait-on? certaines espèces d'épongés. Fiez-vous donc
aux éponges après cela!...

Histoire de du Corail. — La Société


l'Exploitation
d'acclimatation de France a publié, en 1869, un docu-

ment fort intéressant sur la pêche du corail et sur son

importance maritime et commerciale. Il contient des

détails peu connus sur la part que notre pays a prise à diffé-

rentes époques à cette exploitation, dont les eaux françai-


ses depuis la conquête de l'Algérie sont le siège principal.
"Yers le milieu du xvie siècle (1561), deux négociants de

Marseille fondèrent une compagnie pour pêcher le corail.

Par l'entremise du gouvernement elle obtint, moyennant

redevances, le privilège exclusif de pêcherie corail le long


des côtes des régences de Tunis, d'Alger et du Maroc.

Dirigée par deux hommes énergiques, Linche et Didier,

cette compagnie, qui semblait devancer de trois siè-

cles notre domination sur la côte d'Afriqne, y fit flotter

du moins le pavillon français pour se protéger contre les

nombreux pirates de;#es côtes inhospitalières; elle fitcon-


•g-f
striure, de Bôrïe, un fort qui porta le nom de bastion
près
de France. La compagnie elle-même, qui fut bientôt pros-

le nom de cette citadelle, qui, deux ans après sa


père, prit
fondation, abritait déjà une colonie de huit cents habitants.

Soixante-neuf ans après, en 1628, Samson Napollon

la de la colonie ; mais à sa mort, en


augmenta prospérité
les affaires déclinèrent. D'après J. Julliany la pêche,
1633,
à cette se faisait seulement d'avril en juin. Les
époque,
566 LE CORAIL.

bénéfices de la Compagnie du bastion de France tentèrent

d'autres associations de ce genre, qui furent d'ailleurs en-

couragées par les rois Louis XIII et Louis XIV.

Une société par actions, dite Compagnie royale d'Afrique,


se fonda en 1719, et eut pour directeurs MM. Rémusat et

Garambais, de Marseille, favorisés par Louis XV; la société

prospéra. Jacques Savary des Bruslons, inspecteur géné-


ral du roi, nous apprend, dans un rapport officiel, que
cette compagnie exploitait non seulement les côtes de

France et d'Algérie, mais qu'elle ouvrait elle-même son

corail dans ses fabriques de Marseille et de Cassis. D'avril

à la fin d'août, elle pécha une fois, dans une seule cam-

pagne, 76,000 livres de corail. On avait employé huit

cents personnes ; c'était une valeur pour ce temps de

1,125,000 francs. Le prix brut delà pêche payé aux corail-


leurs était de 58 sous la livre, soit 235,335 fr.
Et le corail ouvré à Marseille était revendu
à raison de 5 francs l'once, soit 5,815,625 fr.

laissant un bénéfice de main-d'oeuvre de. . 4,690,625 fr.


Ce qui prouve que la Compagnie royale d'Afrique de-
meura pendant longtemps prospère, c'est ce qu'écrivait
de Versailles, le 14 mai 1786, le maréchal deCastries, mi-

nistre des finances, à propos du bilan de la Compagnie


pour 1785, bilan dont voici les principaux traits :

Avoir de la Société 3,478,122 fr.


Créances douteuses et navires. . 875,330

Avoir réel 2,602,792

Ce qui représentait plus du double de son capital originaire.


La contrebande du corail avait, pensait-on, diminué les
revenus et les bénéfices.
EXPLOITATION. 567

La Révolution française, qui n'eut la main


pas toujours
heureuse en fait de prospérité commerciale, supprima
tout simplement cette et c'est ainsi cette
compagnie; que
source de prospérité, cette pépinière de marins, qu'avaient
encouragés les rois, s'en fut aux Napolitains et aux Tos-

cans, qui y ont puisé, et y puisent encore, dit le document

que nous résumons, d'abondantes ressources.

Depuis lors, les divers gouvernements ont cherché à


relever les ruines, et à reconquérir cette industrie qui
aurait dû rester française, et qui aurait dû le redevenir

depuis que notre pavillon flotte sur la terre d'Afrique. En

1855, le maréchal Vaillant, ministre de la guerre, s'a-

dressa à la Société d'acclimatation de France pour appeler


son attention sur l'industrie du corail. Cette compagnie,

qui a déjà rendu, dans la sphère de l'utile, tant de services


au pays, adressa deux rapports au ministre. Le premier,

signalant à l'attention du gouvernement l'insuffisance de

nos connaissances sur l'histoire naturelle du corail, eut

l'heureux résultat de provoquer la mission en Algérie de


M. H. Lacaze-Duthiers. La science y gagna un savant mé-

moire, modèle du genre, qui rendit à cette portion des

sciences naturelles, qui s'occupe des choses de la mer, les

plus grands services. L'industrie y gagna également des

notions précises sur les conditions dans lesquelles se fait,


de nos jours, la pêche du corail.

Le second rapport de la Société d'acclimatation (1857),

signé de M. Focillon, fit ressortir la possibilité d'employer


les bateaux sous-marins de l'invention de MM. Lamiral et

Payerne. M. Focilion insistait aussi sur les résultats que

donnerait, pour la reproduction du corail, un système de

pêche moins sauvage que celui employé jusqu'ici.


Sur la proposition de M. de Chasseloup-Laubat, ministre
568 LE CORAIL.

de la marine, une décision impériale, du 25 juin 1864, fut

prise. Nous y lisons ces mots :

« La pêche du corail*sur les côtes d'Afrique, représen-


tant une valeur annuelle de cinq à six millions de francs,
et n'occupant pas moins de deux cent quarante bateaux

montés par deux mille marins, se fait exclusivement par


des étrangers. C'est là un état de choses regrettable, et,
s'il n'appartient pas au département de la marine de dé-

terminer toutes les conditions qu'il peut être nécessaire

d'offrir aux hommes qui se livrent à la pêche du corail,

pour les fixer sur les côtes d'Algérie, du moins est-ce pour
lui un devoir de proposer à Votre Majesté les mesures qui

peuvent favoriser un pareil résultat, et encourager nos

nationaux à prendre part à une industrie dont ils doivent

retirer d'importants bénéfices. »

Vient à la suite la décision qui, considérant les marins

de nos possessions d'Afrique livrés à la pêche du corail

comme en cours de voyage, les déclare exempts des

levées.

D'après J. Julliany, de 1810 à 1820, l'industrie du corail


fut très prospère à Marseille ; quatorze fabriques y prépa-
raient et y taillaient le corail. Mais, la pêche ayant été ac-

caparée par les Italiens, la fabrication ne tarda pas à se

transporter dans ce pays, où elle est moins chère que chez

nous, et l'on y compte plus de quatre-vingts fabriques,


tandis que Marseille n'en a plus que deux.
Les exploitations de France ont été :

en 1838 de 1,087 kil.


en 1839 de 1,566 kil.
en 1840 de 1,424 kil.

En 1853, sur deux cent onze bateaux sur les côtes


péchant
EXPLOITATION. 569,

d'Afrique, dix-neuf étaient français, et, d'après des docu-


ments publiés par le ministère de la les côtes d'Al-
guerre,
gérie fournirent cette année 38,000 kil. de corail, qui,
vendus 60 fr. le kil. aux fabricants de Naples, représentaient
2,148,000 fr. Plusieurs bateaux firent un bénéfice de 16 à

22,000 fr. Sur la côte ouest les corailleurs espagnols firent


de très bonnes pêches, de 350 à 400 kilog. par coralline.

Le Sénégal et les autres pays d'Afrique offrent les prin-

cipaux débouchés à cette fabrication. De Marseille, il en a

été exporté, en 1841, pour le Sénégal, 673 kil., d'après les

documents de la douane seulement.


Le corail brut mis en consommation à Marseille s'est

élevé :

en 1839 à 4,752 kil.

en 1840 à 4,354 kil.

en 1841 à 5,885 kil.

dont :

1,097 kil. venaient d'Espagne


— des États-Unis
1,297
— des Deux-Siciles
1,705
— de Toscane
1,404
234 —
d'Algérie
137 — de pêche française

D'après les renseignements recueillis par M. Lacaze-

Duthiers, un grand bateau monté par douze hommes doit,

dans sa saison, pêcher 250 kil. de corail pour faire ses

frais, et, si la pêche s'élève à 300 kil., elle est fructueuse,

et laisse un bénéfice d'environ 3,000 francs.

Le savant naturaliste reconnaît qu'il est souvent difficile

de savoir exactement le montant des pêches, les patrons


570 LE CORAIL.

en montrant leurs bonnes fortunes, d'exciter


craignant,
la jalousie de leurs rivaux.

Le nombre des corailleurs étrangers irait toujours en

d'après M. Lacaze-Duthiers, et, si l'on voit


augmentant,
de livrer, cela tient à ce que les Italiens
peu Français s'y
et les Espagnols sont plus durs à ces fatigues, plus sobres,

et se contentent d'un faible salaire.

faire en de cette concurrence ? Rendre la


Que présence
et moins pénible, tel est l'avis de
pêche plus productive
M. Lacaze-Duthiers. On pensait dès cette époque à l'emploi

des et M. Martin, des Martigues, put recueil-


scaphandres,
lir avec six scaphandres, en un an, près du cap Couronne,

de 100,000 francs de corail. Cette pêche fut opé-


pour plus
rée par trois bateaux, montés chacun par trois plongeurs

scaphandreurs, un patron et quatre hommes d'équipage.


récoltait dans les premiers temps 8 à
Chaque plongeur
10 de corail jour. On comprend qu'à de
kilogrammes par

l'usage même du scaphandre, si per-


grandes profondeurs
fectionné qu'il ait été, devient extrêmement dangereux.
Nous trouvons des documents commerciaux plus récents

et plus précis dans les Annales du commerce extérieur

publiées par le gouvernement en juillet 1866, sous le

n° 1664. Ils ont été fournis par le consulat de France à

Livourne.

D'après ces documents, les bateaux corailleurs se répar-


tissent ainsi :

Torre del Greco 300

Livourne 60

Ligurie et Sardaigne 100

Total 460 bateaux.

Quatre mille marins montent cette flotte, dont la valeur


EXPLOITATION. 571

matérielle est de 1,700,000 et dont les frais d'ar-


francs,
mement représentent une somme de fr. Les sa-
1,544,000
laires s'élèvent à deux millions de franes et les
par an,
frais de nourriture à 3,200 francs bateau.On estime
par que,
pour faire face aux bateau
dépenses d'armement, chaque
doit en moyenne 200 de vendus
pêcher kilog. corail, qui,
à 60 francs le donnent un total de fr.
kilogramme, 12,000
Afin que l'armateur, outre les déboursés, retirer de
puisse
la pêche un gain rémunérateur, il sans
faut, exagération,
évaluer à 160,000 kilog. la quantité de corail introduite par
an en Italie, quantité une valeur de
qui représente
9,600,000 francs.
On travaille ces coraux dans ateliers
cinquante-neuf
employant environ six mille personnes des deux sexes.
Ces ateliers se répartissent ainsi : vingt-quatre à Torre
del Greco, quinze à Livourne, vingt à Gênes. Le commerce
du corail rapporte à l'Italie douze à quinze millions de
francs par an.
En 1866 les produits de la pêche du corail sur la côte de

l'Algérie furent supérieurs à ceux de l'année précédente.


De nouveaux bancs découverts dans les parages du cap de
Fer et de Rizerte semblaient devoir imprimer à cette in-
dustrie une activité nouvelle.
Les ateliers où l'on travaille le corail lui donnent cer-
taines formes habituelles qui sont utilisées ensuite, c'est-

à-dire montées par les bijoutiers. Olives, perles de toutes

tailles, unies ou à facettes, camées dégrossis, baguettes,

cylindres, sculptures diverses, telles sont les formes les

plus usuelles. Paris monte beaucoup de corail, et fait

quelques beaux camées.

Les Arabes excellent dans la monture des colliers et des


bracelets. Alger en exporte beaucoup. A l'Exposition de
572 LE CORAIL.

1830, un jeu d'échecs représentant les croisés et les Sar-

rasins fut estimé 10,000 francs.

Le travail du corail s'effectue de la manière suivante :

Dégrossi à la lime, on lui donne les facettes polies qu'il


doit présenter en l'usant sur des disques horizontaux

tournants, analogues à ceux qui sont employés dans di-

verses industries pour tailler les pierres fines, les cristaux

et le verre. L'intermédiaire est une pâte faite avec de l'eau

et de la poudre d'émeri de plus en plus fine. Les perles à

facettes se font assez promptement, on partage les ra-

meaux en fragments d'égales longueurs. Ces fragments


sont percés d'un trou, et celui-ci sert à saisir la pièce.
Elle est d'abord usée grossièrement sur une meule pour

l'arrondir, puis finement polie: enfin un habile ouvrier

la couvre en très peu de temps de facettes régulières, en


les présentant à la meule tournante. Nous avons vu, à Torre
del Greco, des ateliers où se font de petits camées que l'on

monte ensuite en bracelets. Ce sont de pauvres gens, ga-


gnant peu de chose, qui se livrent à cette industrie, à la-

quelle ils apportent une rapidité de main-d'oeuvre éton-


nante.
TABLE ALPHABÉTIQUE

DES MATIÈRES ET DES FIGURES

Pages. Pages.
Acépliules 509 Fig. 5. Angles; leur mesure. "1
Açmagarbha 158 Fig. 27, 28. Angles solides. 15
Agalmatolithes 325 Animalcule noyau 520
Agates 305 Fig. 231. Anneau d'oreille à .
— arborisées 307 tête d'antilope 359
(Égyptien).
— baignées 306 Fig. 244. Anneau d'oreille .
— mousseuses 307 gréco-romain en or . . . 404
— oeillées 306 Fig. 119, 124, 125. Anneaux
Age d'or 393 colorés de la lumière pola-
Fig. 280. Aigrette en joail- risée ........ 81, 86
lerie, par Augustin Duflos. 436 Anneaux colorés par décol-
Fig. 292. Aigrette indienne lement 62'
en pierrerie 456 Fig. 334.Anodonte des cygnes 538
Aigue-marine .... 263, 291 Fig. 273. Anse et col de vase
— orientale. . . 243 en or émaillè 426
Aimant de Ceylan 294 Anthracite. 345
Alabastrite de Pline. . . . 172 Anthracitis 172
Albâtre oriental 330 Anthrax 170
Alexandrite 261 Argent repoussé . . . 402, 406
Alland 447 Armand-Caillat 470
Almandin; almandine 255, 271 Axe optique des cristaux uni-
Amazonite 288 axes 76
Ambre 341 Axes cristallographiques. . 16
303 — d'élasticité . . 79
Améthyste. optique
— des anciens. . . 170 Fig. 216. Axinite. ..... 323
Améthystes en général. . . 366 Fig. 257. Bague en argent
Améthyste orientale. . . . 243 mérovingienne 412
Andalousite. 322 Fig.-255. Bague en spirale
Fig. 25 et 26. Angles dièdres ; . d'or (Gallo-romain). . . . 411
leur mesure. ...... 13 Balais 474, 254
574 DIAMANT ET PIERRES PRECIEUSES.

Pages. Pages.
Fig. 161. Balance à carats . 209 Bijoux en ambre 410
à spirale. 114 — en bronze . . 410, 415
Fig. 132. Balance
Balance de Brard 112 — en cailloux et en os. 409
— de M. Pisani ... 116 — en fer 410
130. Balance — en imitation . 444, 499
Fig. hydrosta-
110 — en os de couleurs
tique
Balaustium 173 ciselés . . . 442, 448
Bapst 215, 481 Bijoux en verre et terre
Baroques 514 émaillés . 395, 402, 406, 417
Barro 192 Bijoux espagnols 462
451 — et joyaux, orfèvrerie
Baugrand
Benvenuto Cellini. 422, 424, 426 ancienne 389
Béryl 263 Bijoux gaulois,gallo-romains
— chez les anciens . . . 163 mérovingiens 409
Fig. 284. Bijoux à pendelo- Fig. 233 à 242. Bijoux grecs
ques 439 (types de) 401
Bijoux d'or (le premier) . . 392 Bijoux indiens 455
— en argent oxydé. . . 451 —• italiens 460
— en doublé d'or . 443, 451 — japonais 459
Fig. 322. Bijou en émoule- Fig. 261, 262. Bijoux méro-
ments (type de) 493 vingiens 414
Bijou en pavé de turquoise. 431 Bijoux norvégiens 463
324. Bijou en turquoi- — russes 463
Fig.
ses taillées (type de). . . 494 Bleu turquin 329
Fig. 325. Bijou genre étrus- Boort 241
que avecpeinture (type de). 494 Boucheron, 479, 481, 483,
Fig. 323. Bijou repercé plat 484, 486, 493
poli (type de) 493 Fig. 262. Boucle de ceinture
Bijouterie de consommation en bronze mérovingienne. 416
courante 497 Fig. 258. Boucle de ceintu-
Fig.32&. Bijou tout or décoré ron en verre rouge (Méro-
de filigranes (type de) . . 495 vingienne 413
Bijoux allemands de la Re- Fig. 246. Boucle d'oreille
naissance 429 étrusque en or. .... . 405
Bijoux américains 465 Fig. 259. Boucles d'oreilles en
— anglais et écossais . 464 grenats 413
(Mérovingiennes).
— autrichiens 463 Fig. 232. Bracelet de pierre
— bressans 499 incrustées dans des cloi-
Bijoux chinois en plumes sons (Égyptiens) 396
d'oiseaux 458 Fig. 302. Bracelet d'or par
Fig. 296 jusqu'à 300. Bijoux Christesen 464
chinois en plumes d'oi- Fig. 251. Bracelet étrusque
seaux 459, 460 en or 408
Bijoux danois 463 Fig. 293. Bracelet indien,
Fig. 263, 264. Bijoux d'or émaux et diamants. . . . 456
mérovingiens 415 Fig. 294. Bracelet indien
Bijoux égyptiens, grecs et souple en pierreries . . . 457
romains 394 Fig. 267, 268. Bracelets mé-
Bijoux en acier poli. ... 443 rovingiens 417
TABLE ALPHABÉTIQUE. 575

Pages. Pages.
Brewster 517 Fig. 341. Corail (écorce de). 556
Fig. 134 à 136. Brillants . . 138 Fig. 343. Corail (branche de). 554
Fig. 301. Bx-iquet en acier. 462 Corail (exploitation du) . . 565
Fig. 319. Brûle-parfums . . 485 Corail (Histoire naturelle du) 546
Fig. 217, 218, 219. Calcaire. 327 Fig. 338 et 341. Corail
Calcédoines 306 (larve du) 552, 553
Callais de Pline 165 Fig. 339 et 540. Corail mo-
Camée (Camaïeu) 136 difié (larve du). ..... 552
— . . . 397
(les premiers). Fig. 337. Corail (oeuf du). . 552
Fig. 271. Camée par Benve- Corail (pêche du) 560
nuto Cellini (monture de). 424 Fig. 342. Corail (premier
Fig. 274. Camée Renaissance bourgeon de) ...... 553
(monture de) 428 Fig. 345. Corail (spicules de). 558
Canga 192 Fig. 346. Corail (structure).. 559
Carat; son poids 207 Corail (variétés de) .... 564
Carbunculus. ......... 171 Corallium rubrum 546
Fig. 289. Carnet (époque Fig. 250. Corbeille en fili-
Louis XVI) 443 grane d'or 407
Cascalho 191 Cordiérite 278
Castellani (Alexandre). . . 460 Fig. 201. Cordiérite,sa forme. 279
— . . . 461
(Augusto). Fig. 327. Cordon de gilet en
Fig. 247. Ceinture d'une dame or rouge poli (type de). . 499
romaine 405 Corindon 243
Chalcédoine 172 Cornaline 306
Chalumeau 128 Couleurs des pierres. ... 93
Fig. 286. Châtelaine (époque Couleurs simples 65
Louis XV, en or ciselé). . 441 Couverts en alliage, argen-
Fig. 245. Chaton de bague tés par l'électro-chimie. . 446
étrusque en or. ..... 405 Crissolite 259
Christesen 464 Cristal (définition) 5
ChristofleetCie(P.) 468,469, 472 — de roche 303
Chrysobéryl 259 Fig. 31 et 69. Cube . . 20, 40
Chrysolithe 603 Fig. 42 et 87. Cube pyra-
— de Pline. . . . 165 mide 25, 48
— de Saxe .... 291 Cyanos de Pline 166
Chrysophrase 306 Fig. 190 et 191. Cymophane;
Cipolin 329 ses formes 259, 260
Ciselures, gravures dans Décomposition de lalumière. 65
l'or 395, 440, 486 Déformations ....... 58
Fig. 181. Clivage du diamant. 237 Delaulne (Etienne). .... 427
Clivages en général .... 62 Demantoïde ..... 271, 274
Fig. 253. Collier, Chaîne à Deschamps 451
breloque Romains. . . . 409 Fig. 316 et 317. Diadème en
Fig. 252. Collier en pâtes de joaillerie 480
verre et or étrusque. . . 408 Diamant artificiel ..... 380
Conductibilité des cristaux — brut de. Ceylan . . 285
pour la chaleur ..... 100 Fz>.179.DiamantdeM.Hope. 225
Considérations générales. . 500 Fig. 182. Diamant (ébru-
Contrefaçons ....... 385 tage du). . . . .239
576 DIAMANT ET PIERRES PRECIEUSES.

Pages. Pages.
Fig. 180. Diamant (outils ser- Équivalents chimiques. . •. 119
vant à le polir) 235 Escarboucles 173, 273
Diamant (sa taille) 226 Essonite 271
Fig. 181. Diamant (clivage). 237 Fig. 248. Estampe italo-grec-
Diamant (son histoire). . . 178 que en or 405
— des) . 240, 421 Éther lumineux 63
(taille
— vert de Dresde. . 226 Fig. 174,175.Étoile du Sud [V) 224
Dichroïsme 95 Fig. 290. Étui en émail bleu.
... 48 Louis XVI. . . . 443
Fig. 86.Didodécaèdre Époque
... 47 Fig. 196. Euclase 269
Fig. 84. Dihexaèdres.
Fig. 47. Dioctaèdre 27 Exposition universelle de
Fig. 213. Diopside 316 1878 à Paris 455
Dioptase 317 Extinction (Lignes d') . . . 79
Fig. 214. Disthène. . 321, 322 Fig. 304 à 315. Faces et pro-
Fig. 43. Dodécaèdre rhom- fils des divers chatons, 478 479
boïdal 25 Falize 394, 483, 487
Fig. 99, 100, 101. Dodécaè- Fannières frères 468
dres 55, 56 Feijâo 191
Duflos (Augustin) 436 Ferré 473
Duponchel 451 Fetsui 319
Duron 449 Fig. 260 Fibule en bronze
Dutreih 449 doré 414
Eau ou Orient 513 Fig. 251. Fibule gallo-ro-
Ébauchage 144 maine en or 411
Fig. 182.Ébrutage du diamant 239 Filigranes (travaux d'or en)
Échelle des duretés . 105, 106 398,405,461,462,463,464, 492
Éclat 98 Filon 498
Électricité dans les cristaux. 102 Filons 132
Émail. 424, 426, 428, 431, Fig. 172, 173. Florentin (le). 223
432, 440, 449, 456, 463, Fig. 224. Fluorine 336
491, 495 496 Fontenay, 394, 395, 454, 479, 484
Émailleries de Limoges 418, 420 Fornet 499
Fig. 278. Émaux modelés 432 Fossin 448
Fig. 277. Émaux à plat, Fouquet 481
xvnc siècle (type d') . . . 431 Froment Meurice, 446, 4C9, 484
Fig. 192, 193, 194. Éme- Garniérite 320
_ raude 262, 263 Garreaud 485
Émeraude chez les anciens. 161 Gaufrage et estampage, 391,
Émeraude du Brésil. . . . 294 397, 405, 453
Fig. 295. Émeraude incrus- Gédanite 343
tée de dessins d'or (fabri- Gilles l'Égaré 435
cation indienne) 458 Girasol 303
Émeraude orientale .... 243 Glyptique 134
Émeri 146, 253 Goutte d'eau 291
Enseignes 425 Gouttelettes 513
Épidote . 322 Granité des Écaussines. . . 331
Fig. 291. Épingles en pavé Grenats 270
de turquoises rondes — de Boëtius .... 174
' —
xixe siècle 451 de Bohème . 271, 273
TABLE ALPHABETIQUE. 577

Pages. Pages.
'
Grenats du Cap 271 Joaillerie (art delà) 435, 481, 482
— noble 271 282 et 283. Joaillerie
Fig.
Fig. 197, 198, 199. Grenats, aux xvne et xvme siècles
leurs formes 272 (type de)...... 437, 438
Grenat syrian 271 Joaillerie (premières piè-
Griotte 331 ces de) 431, 434
Grossulaire 271 Klaprothine 314
Groupements des cristaux . 58 Fig. 166,167. Koh-i-noor (le). 219
Fig. 243. Guirlande d'or, Kuchenmeister 525
grecque 403 Labrador 282
Gurgulho 191 Lamellibranches 509
Fig. 220, 221, 222, 223. Lapis (faux) 306
Gypse 334, 335 — ischiaticus 318
Héliotrope 306 — lazuli. . . 169, 324, 367
Hémiédrie 19 Lazulite 314
Hessling 517 Leblanc-Granger 499
Fig. 35, 37. Hexoctaèdre. . 23 Lefournier 449
Hubert 484 Léon 498
Hyacinthe. . . . 168, 169, 271 Limnochares anodontse. . . 520
— de Compostelle. 303 Fig. 318. Livre d'heures - . 483
— orientale. ... 243 Lois de la réflexion de la
'
Iacinta la Bella. ... 174, 271 lumière 65
Iacut 168 Lois de la réfraction. ... 67
24 — de symétrie 17
Fig. 38, 39. Icositétraèdre .
49 128. Loupe dichrosco-
Fig. 89. Icositétraèdre ... Fig.
Fig. 200. Idocrase, sa forme. pique 96
276, 277 Lumachelles 332
Industrie chinoise 522 Luncourion 171
Intaille 136 Lychnites. 172
Intaille sur dures Lyncurion de Pline 171
pierres
sculptées . 395, 409 Magnétisme des cristaux. . 4 03
(pierres
iolithe 278 Malachite 326
Iolite;
Iraa 178 Maladie perlière 515
Iris. 304 Malléidés 510
Irisations 97 Mârakata 157
.... 71 Marbre de Paros 329
Isotropes (cristaux)
192 — tendres 329
Itabirite
Itacolumite 192 Marchand aîné 449
318 Margariticulture . . 522 à 525
Jade
318 Marret et Jarry 479
Jadéite
Jais 344 Marsigli 547
Janisset 451 Marteaux 510
471 Massin 479, 480, 482
Japonisme (le)
285 Mayer 483
Jargon
chez les anciens. . . 164 Mellerio dit Meller frères . 451
Jaspe
— bleus de Pline. ... 166 Fig. 131. Méthode du flacon. 111
331 Michelot de Thiery et Cie . 499
Jaune antique
— de Sienne 331 Microcline 281

Jayet
344 Fig. 122. Microscope d'Amici 83
.37
578 DIAMANT ET PIERRES PRECIEUSES.

Pages. Pages.
Mine de diamants de l'Oural. 195 , Outremer minéral 324
Mines diamantifères (Inde). 187 Ouvrages en métaux mélan-
— — 190 i gés. 395,399,459,462,465, 468
(Brésil)
Fig. 156 à 160. Mines du Cap. 197 Fig. 176. Pacha d'Egypte (le). 225
Mobilier ecclésiastique en or. 419 Pagodite 325
Fig. 168. Mogol (le) .... 220 Parangons 513
Mollusque (travail du). . . 517 Fig. 163. Passoire 209
Molochites de Pline .... 165 Pêcheries d'Amérique . . . 529
Fig. 320 et 321. Montre en Pêche de Ceylan 530
acier ciselé par Boucheron. 487 Pêcheries du Japon .... 528
Morel 449 — de la mer Rouge. 529
. . . 395, 402, 413 — de la Sonde. . . 528
Mosaïque.
418 — de Tahiti. ... 528
Moyen âge
Murât 499 Pêcheries du golfe Persique. 527
Fig. 178. Nassak (le).... 225 Fig. 272. Pendant de la Re-
Néphrite 318 naissance française . . . 425
Nicolo 306 Fig. 275. Pendant duxvne siè-
Nielle (le) 412, 463 cle (École allemande) . . 429
Nilamani 157 Fig. 276. Pendant mono-
Fig. 281. Noeud en joaillerie 437 gramme (École allemande) 430
Fig. 279. Noeud en joaillerie 435 Fig. 269, 270. Pendants, par
Notations chimiques. . . . 122 Benvenuto Cellini . 423, 424
Nouméite 321 Péridot au moyen âge. . . 164
Fig. 33. Octaèdre 22 Fig. 202. Péridot, sa forme. 284
Fig. 45 et 50. Octaèdre à Fig. 333. Perle (coupe de la). 513
base carrée 26, 28 Perle (graine de) 514
Fig.55. Octaèdreorthorhom- Fig. 331. Perle libre. ... 512
bique 30 Fig. 332. Perle adhérente
Fig. 76 à 83. Octaèdres, 44, 46 512, 514
Fig. 102. Octaèdre transposé. 58 Perles (calcaire des). . . . 516
Fig. 40 et 88. Octotrièdre, 24, 49 — célèbres 542
Odios 446 —
(contrées produc-
OEil de chat 304 trices 526
de)
Olivine 284 Perles de compte 514
Onyx des modernes .... 306 — (divers mollusques
Opales 309 producteurs de). . 537
Opale de feu 310 Perles (fausses) 543
Or (doublé d') 452 — ... 538
(histoire des).
— repoussé. .... 406 —
402, (marché des). . . . 537
Orfèvrerie d'argent 433, 439, 467 — 536
(prix des)
Or français 445 — .
(production des).. 515
— (le —
prix de 1') au xe siè- (semences de) . . . 514
cle avant J.-C 398 — de la pro-
(statistique
Or (premier travail). . 393, 466 duction des) . . . 530
Orfèvre (dénomination d') Perlettes 513
447, 467 Perle (variétés de la) . . . 513
Orient des agates 308 Petiteau 451
Fig. 169. Orlow (1') . . . . 222 Peyssonnel (de) 548
Ostracés 510 Phénacite 268
TABLE ALPHABÉTIQUE. 579

Pages. Pages.
Fig. 195. Phénacite (forme Fig. 52. Prisme droit à base
de la) 268 rhombe 29
Philippi 520 Fig. 73. Prisme à huit pans. 42
Pièces émaillées à froid . . 429 Fig. 72. Prisme à six faces
Piel. 499 klinorhombique 41
Pierre azul 324 Fig. 70. Prisme à six faces
— de Khotan 319 40
orthorhombique
— de Lune 280 121. Prisme de
Fig. 120,
— de Soleil 282 Nicol 81
Pierres bleues, 347, 349. 366, 368 Fig. 64. Prisme doublement
Pierres chatoyantes .... 362 oblique 38
— de couleur orangée. Fig. 51. Prisme droit rectan-
356, 357 gulaire 29
— doublées 385 Fig. 71. Prisme hexagonal. 41
— incolores 361 Fig. 61 j 63 et 65. Prisme kli-
— irisées 361 .... 38
norhombique 34,
— jaunes. . 354, 355, 372 Fig. 67. Prisme orthorhom-
— noires 363 bique 39
— roses 360 Fig. 68. Prisme 39
quadratique.
— , 358, 360, 373 Prix des brillants 212
' rouges (tableaux).
— vertes. . . 350, 353, 369 Fig. 225, 226. Pyrite. ... 339
— violettes . . . 346, 366 Pyro-électricité 102
Pietra hischada 318 Pyrope 271
Fig. 177. Piggot (le).... 225 Quartz 300
Pince à tourmalines. ... 77 — artificiel. 381
377, 380,
Pintadine 510 — aventuriné 303
— . . 516 — bleu 303
(valves de).
d'or re- — enfumé
Fig. 230. Plaquette 303
couvrant un scarabée. . . 394 — 303
rubigineux
Plasma 306 Fig. 208, 209, 210. Quartz,
Pléonaste 255 ses formes 302
Poires 513 Rayon ordinaire 75
Polarisation rotatoire ... 93 — extraordinaire ... 75
Polarisée (lumière) 74 Ref 205
Polissage 145 Fig. 109. Réfraction double. 72
Fig. 146. Polissage des aga- Réfraction (lois, indices de). 67
tes à Oberstein 150 Fig. 164, 165. Régent (le). . 217
Fig. 180. Polissage du dia- Rhodonite 317
mant . . 235, 240 Fig. 56, 57, 58, 66. Rhom-
Popelin. . 483 boèdre ... 31, 32, 33, 39
Porphyres 282 Richet 484
Porte-bonheur 498 Robin 449
Portor 331 Fig. 144. Roses 142
Potée d'étain 148 Rouge à polir 148
Poussielgue-Rusand.... 470 Rouvenat et Lourdel. 479, 481
Prase 306 Rubasses 303
— chez les anciens. . . 164 Rubellite 294
209 Rubino délia rocha .... 174
Fig. 162. Precelle
àbase carrée. 26 Rubis artificiel . 376, 378, 379
Fig. 44. Prisme
580 DIAMANT ET PIERRES PRÉCIEUSES.

Page?
Rubis balais 254 Strass (le) *Ui
— de Bohême 303 Stries 59
— du Brésil 291 Fig. 285, 287, 288. Tabatière
— oriental 2*3 époque Louis XV. 440, 442
— spinelle 254 Tableau d'or 420
Saint Éloi orfèvre 418 Taille du diamant 226
. . 223 — des pierres 134
Fig. 170, 471. Sancy (le)
Saphirs artificiels . . 379, 384 Télésie 243
Saphir blanc 243 Teterger Hippolyte .... 481
— d'eau 278 Fig. 75. Tétraèdre quadra-
— des modernes. . . . 243 tique 43
— de Pline 166 Fig. 74. Tétraèdre régu-
— du Brésil. . . 291, 294 lier 43
Fig. 186 et 187. Saphir du Tiffany et Cie 466
duc de Devonshire. . . . 253 Tire-cendres 294
Saphirine. 306 Topaze 288
Sarda 172 — brûlée 291
Sardion 171 — 303
d'Espagne
Sardoine 306 — indienne 291
306 — orientale 243
Sardonyx 172,
Savard 452 Fig. 204, 205, 206. Topaze. 290
Fig. 85. Scalénoèdres ... 47 Topazes (fausses) .... 303
Schah (le) 222 Fig. 207. Tourmaline. 294, 295
Schorl électrique 294 Fig. 38, 39 et 89. Trapézoè-
Sciage des pierres 145 dre 24, 49
Sécrétion perlière 515 Tripoli 148
Serpentine 320 Turquoise 312
Service de table en brillants. 453 — occidentale ... 314
Sibylle (la) 523 A'Tajra 178
Soufflot fils et Robert . . . 479 Vermeille de Boëtius. . . . 174
adamantin 243 — orientale .... 243
Spath
— bleu 314 Vert, antique 329
Fig. 215. Sphène 323 — de Florence ...... 329
Spinelle 254 Vulcain orfèvre . . . 400, 488
— artificiel 377 Wagner 446
— bleu 255 Xanthes de Théophraste. . 165
Fig. 188, 199. Spinelle. . . 255 Yu 318
Spinelle vinaigre 254 Fig. 203. Zircon, ses formes. 285
Sternsaphir 243 Zuloaga 462

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