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N° 282

SÉNAT
SECONDE SESSION ORDINAIRE DE 1980-1981

Rapport remis à M. le Président du Sénat le 5 juin 1981.


Dépôt publié au Journal officiel du 6 juin 1981.

RAPPORT
FAIT

en conclusion des travaux de la commission d'enquête parlemen-


taire (1), créée en vertu de la résolution adoptée par le Sénat
le 18 décembre 1980, sur les difficultés actuelles de l'industrie
textile et de l'habillement.

Par M. Christian PONCELET,

Sénateur.

(1) Cette Commission était composée de : MM. Pierre Vallon, président ; Roland
Grimaldi, Michel Miroudot, René Touzet. vice-présidents ; Hector Viron, secrétaire ;
Christian Poncelet, rapporteur ; Germain Authié. Roger Boileau, Michel Crucis, Michel
Dreyfus-Schmidt, Paul Girod, Henri Goetschy, Bernard-Charles Hugo, Jean Mercier,
Bernard Parmantier, Pierre Perrin, jules Roujon. Jean Sauvage, Maurice Schumann, Franck
Sérusclat, Charles Zwickert.

Industrie textile. — habillement - Concurrence - Emploi - Commission d'enquête et


de contrôle.
- 1 -

SOMMAIRE

limes

INTRODUCTION 13

PREMIÈRE PARTIE. — UN SECTEUR MENACE : LA PLACE DES SECTEURS


DU TEXTILE ET DE L'HABILLEMENT DANS L'ÉCONOMIE FRANÇAISE 19

CHAPITRE PREMIER : LA PRODUCTION 21

I. — Le textile 21

A. — Les caractéristiques techniques du secteur 21


1. Les étapes et les procédés de fabrication dans le secteur textile. 21
2. Une évolution technologique rapide 23
3. Un marché national de matériels textiles à reconquérir sur la
fabrication étrangère 24

B. — Un secteur dont le poids diminue en valeur relative... 25

C. — mais dont la place demeure considérable 28


1. Une contribution non négligeable en termes de valeur ajoutée 28
2. Un chiffre d'affaires brut considérable 28
3. Une place moyenne au plan européen 29

D. — Des branches d'activité très diversifiées 30


I. L'industrie cotonnière 30
a) Caractéristiques techniques du produit 30
b) Caractéristiques économiques de la branche 32
c) Les structures 32
2. L'industrie lainière 34
a) Caractéristiques techniques de la branche 34
b) Caractéristiques économiques de la branche 35
3. L'industrie de la maille et de la bonneterie 36
a) Les produits 36
b) Les caractéristiques économiques 36
c) L'évolution récente 38
4. L'industrie des fils et fibres chimiques 38
a) Présentation du secteur 38
b) Caractéristiques économiques de la branche 39

Muet 282. — 1
Pages

5. Les tissages de soierie 41


a) Présentation du secteur 41
b) Caractéristiques économiques 41
6. L'ennoblissement 43
a) Présentation du secteur 43
b) Importance économique 43
7. Les usages techniques et industriels des produits textiles 44
a) Présentation 44
b) Importance du secteur 46
8. L'industrie linière 48
9. L'industrie de la broderie 49
a) Le produit 49
b) Les structures 49
c) Le marché 50

Il. — L'industrie de l'habillement 52

Une industrie composée pour l'essentiel de petites et moyennes


entreprises 53
1. Situation générale 53
2. Description sectorielle 55
a) La confection masculine 55
b) La confection féminine 61
c) Le vêtement d'enfant 62
d) Les sous-vêtements 63
e) L'industrie du parapluie 66

CHAPITRE II : UNE FORTE INCIDENCE SUR L'EMPLOI 69

I. — L'importance actuelle des secteurs du textile et de l'habillement au regard


de l'emploi 69

A. — Des secteurs fortement utilisateurs de main-d'œuvre et porteurs


d'emplois 69

B. — Un emploi fortement régionalisé 70


1. La concentration géographique de l'industrie textile 72
2. La dispersion des entreprises de l'habillement 72

II. — Les pertes d'emploi constatées dans les industries du textile et de l'habil-
lement : une accélération récente 73

A. — La réduction progressive des emplois depuis la fin de la guerre .. 73

B. — L'évolution de l'emploi dans la C.E.E. : la France dans une posi-


tion moyenne 76

C. — Les réductions d'emploi par branche et industrie 77

D. — Des réductions d'emploi qui ont affecté diversement l'équilibre


économique et social des régions 78
3

Paies

E. — Les perspectives en matière d'emploi 81


1. Les perspectives générales 81
2. Les résultats de 1980 82
3. Quelques perspectives significatives 83
a) L'industrie de l'habillement 83
b) Le secteur des fibres synthétiques 83
c) Le secteur de la maille 84

III. — Les caractéristiques de l'emploi textile 84

A. — Une forte féminisation des effectifs 85

B. — Des salariés jeunes 86

C. — Des emplois dans l'ensemble peu qualifiés 87


1. Une formation initiale réduite 87
2. La prédominance du personnel d'exécution 88

D. — Le travail posté : une réalité d'importance très inégale selon


les secteurs 89

E. — Le travail en équipe : une formule particulièrement développée


dans l'industrie textile 91

F. — La durée hebdomadaire du travail : une situation proche de la


durée légale 93

G. — Des contrats de travail dans les secteurs du textile et de l'habil-


lement : la prédominance des contrats à durée indéterminée .... 94

H. — Une prédominance d'entreprises petites et moyennes 96

CHAPITRE III : LES ECHANGES EXTÉRIEURS 99

1. — La balance commerciale 99

A. — L'évolution globale des échanges de 1970 à 1979 99

B. — Les échanges par pays 100

C. — Les échanges par produit 102

D. — Les résultats de l'année 1980 105

Il. — Les industries de la filière textile face à la concurrence étrangère 110

A. — L'industrie lainière 110

B. — L'industrie cotonnière 111

C. — L'industrie des textiles chimiques 113

D. — L'industrie de la maille 118

E. — Le prêt-à-porter féminin 119


-4

P•e•

F. — Le vêtement masculin 120

G. — L'industrie linière 121

H. — La broderie 124

III. — La pénétration du marché intérieur 126

A. — L'évolution récente des taux de pénétration 126

B. — Les causes de la perméabilité du marché intérieur 130

DEUXIÈME PARTIE. — LES CONTRAINTES INTERNATIONALES : LA


MARGE DE MANŒUVRE DES AUTORITÉS FRANÇAISES 133

CHAPITRE PREMIER. LES CONTRAINTES INTERNATIONALES LES PLUS


CARACTÉRISTIQUES 135

I. — Les principes du G.A.T T 135

A. — Des principes généraux tendant à libéraliser le commerce inter-


national 135
1. Premier principe : la non-discrimination 136
a) La clause de la nation la plus favorisée 136
b) Le principe du traitement national est prévu par l'article III
de l'accord 136
2. Deuxième principe : l'élimination des restrictions quantitatives. 136
3. Troisième principe : l'interdiction du dumping et la réglemen-
tation des subventions à l'exportation 137
a) Le dumping 137
b) Les subventions 137
4. Quatrième principe : la stabilisation de la base tarifaire des
échanges 138

B. — Des principes adaptés aux circonstances avec le plus grand empi-


risme . 138
1. Les diverses adaptations du principe de la non-discrimination 138
2. Les exceptions au principe de l'interdiction des restrictions
quantitatives 140
a) Exception justifiée par un déficit grave de la balance des
paiements 140
b) Exception en faveur des pays en voie de développement 141
c) Exception en faveur des marchés agricoles 141
3. La faculté d'invoquer les dérogations et la possibilité de prendre
des mesures de sauvegarde 141
a) L'exemple de 1977 142
b) Le bilan de l'opération 144

C. — L'affirmation du G.A.T.T. comme cadre privilégié de négociation


des problèmes commerciaux 144
1. Les négociations • Kennedy » 145
2. Le « Tokyo Round » 145
a) L'accord tarifaire 145
5

Paies

b) Les obstacles non tarifaires 146


c) L'agriculture 146
d) L'échec de la redéfinition de la clause de sauvegarde 147

II. — L'accord multifibres et son application par la Communauté européenne .. 148

A. — La mise en place à l'échelon communautaire, et au travers de


l'accord multifibres, d'une politique de stabilisation globale des
importations de produits textiles en provenance des pays produc-
teurs à bas prix 149
1. Historique 149
2. Les nouvelles orientations données par la Communauté en 1977. 149
3. Dans la pratique, trois types d'accords ont été négociés par les
instances communautaires 150
a) Des accords bilatéraux 150
b) Des arrangements informels 151
c) Des dispositions unilatérales 151
4. La classification des produits A.M.F. selon leur degré de sen-
sibilité 151
5. Analyse du fonctionnement de l'accord 152
a) Les importations de produits textiles A.M.F. originaires de
pays signataires d'un accord bilatéral avec la C.E.E. dans
le cadre de l'A.M.F 152
— Les importations en régime tarifaire de droit commun 152
• Les principes 152
• Les formalités 153
• La détermination et la justification de l'origine des
produits textiles A.M.F. importés des pays signataires
d'accords bilatéraux avec la C.E.E. 154
— Les importations dans le cadre du système des préfé-
rences généralisées 155
b) Les importations de produits textiles A.M.F. originaires de
certains pays liés à la C.E.E. par des accords préférentiels 156
• Les principes 156
• Les formalités 157
c) La justification de l'origine des produits textiles A.M.F ,
importés dans la C.E.E., originaires de tous pays autres que
les pays signataires d'un accord bilatéral avec la C.E.E.
dans le cadre de l'A.M.F 157
6. La gestion des accords par la Communauté 157

B. — Esquisse d'un bilan de la politique de limitation des importations


en provenance des pays producteurs à bas prix poursuivie par la
Communauté européenne dans le cadre de l'accord multifibres .. 158
1. L'évolution globale 158
2. L'évolution par groupes de produits 159
3. L'évolution des prix 161

III. — Les principes généraux de la réglementation communautaire 161

A. — La politique communautaire repose sur le principe de la libérali-


sation des échanges 162
1. Généralités : la politique fort libérale de la Communauté en
matière de droits de douane et de restrictions quantitatives
aux échanges 162
a) La suppression des droits de douane applicables aux
échanges intracommunautaires 162
- 6

Pages

b) La définition d'un tarif extérieur commun fort libéral


vis-à-vis des pays tiers 163
c) La réglementation communautaire des restrictions quantita-
tives applicables aux pays tiers 164
d) La réglementation communautaire des restrictions quantita-
tives applicables aux échanges intracommunautaires 164
e) La libre pratique 165

2. Les mesures d'application générales à l'uniformisation des


mesures de libération à l'importation résultant des deux règle-
ments du 8 mai 1979 166

3. Les mesures d'application particulières : les accords spécifiques


négociés par la Communauté 166
a) Les accords de Lomé 167
b) Le système des préférences généralisées 168
c) Les accords et arrangements conclus dans le cadre de l'accord
multifibres 169

B. — Les amodiations, les contrôles, les procédures de sauvegarde et les


exceptions aux principes de libéralisation 171

1. Les tempéraments aux principes généraux des règlements


de 1979 171
e) Information 171
b) Surveillance 172
c) Sauvegarde 172
2. Les amendements apportés aux accords de libéralisation conclus
par la Communauté 175
e) Lomé 175
b) Le système des préférences généralisées 176
c) Les arrangements conclus dans le cadre de l'accord multi-
fibres 176

C. — La définition et le contrôle de l'origine 176


1. La réglementation de l'origine des produits textiles 176
a) La détermination du pays d'origine 176
b) Le contrûle de l'origine : le marquage d'origine, le projet
de directive du 7 octobre 1980 177
— Un texte fort peu contraignant 178
— Une tentative d'harmonisation de mesures nationales
potentiellement divergentes 178
— La technique retenue 178
— Analyse des principaux articles du projet de la directive. 179
2. La réglementation résultant des accords préférentiels 180
a) Les pays de l'A.E.L.E. 180
b) La convention de Lomé 182
c) Les préférences généralisées 183
d) Les accords multifibres 183

CHAPITRE Il : LE DÉTOURNEMENT DES RÈGLES INTERNATIONALES TANT


PAR LES ETATS QUE PAR LES PARTICULIERS 185

I. — Le détournement des règles internationales par certains Etats 185

A. — Les subventions abusives 185

B. -- Les pratiques tendant à allonger les délais de livraison 186


-7

Pattes

C. — Les manipulations monétaires 186

D. — Les structures industrielles et commerciales 187

E. — Le commerce inter-allemand 187

F. — Les pressions sociologiques 187

G. — Les certifications de complaisance sur l'origine 187

II. — Les pratiques frauduleuses des agents économiques 188

A. — Les détournements de trafic et les fausses déclarations sur l'origine 188

B. — Les fraudes sur l'espèce 189

C. — Les fraudes sur les quantités et la valeur 190

D. — Les fraudes sur la qualité 190

E. — L'abus des opérations de perfectionnement passif 190

CHAPITRE III : LA MARGE DE MANOEUVRE DE L'ÉTAT POUR MAITRISER


LE COMMERCE EXTÉRIEUR DES PRODUITS DU TEXTILE ET DE
L'HABILLEMENT EST LIMITÉE 193

I. — La marge de manoeuvre résiduelle au niveau national 193

A. — La négociation des accords commerciaux 193

B. — L'action des douanes 194


1. Les principes 194
a) Sur le plan national 194
b) Sur le plan communautaire 196
c) La coopération avec les pays tiers 196
2. Les modalités pratiques 196
3. Les difficultés de mise en oeuvre 197

C. — Les normes techniques ou de qualité 198

D. — L'information du consommateur 199

E. — L'invocation de motifs d'ordre public 199

F. — L'aide aux exportations 200

II. — La marge de manœuvre résultant des textes internationaux 201

A. — La clause de sauvegarde de l'article XIX du G.A T T 201

B. — La limitation des abus de libre pratique par le jeu de la clause


de sauvegarde de l'article 115 du Traité de Rome 201

C. — Les « sorties de panier » 203

D. — Le marquage d'origine 203


-8—

P as«

E. — La mise en œuvre de la réglementation communautaire anti-


dumping 204

TROISIÈME PARTIE. — LES MOYENS DU REDRESSEMENT 209

CHAPITRE PREMIER : LES DONNÉES A PRENDRE EN COMPTE 211

I. — Une faible progression de la demande 211

A. — Evolution et structure de la consommation 211

1. En France 211
a) Une inflexion vers la baisse de la consommation des
ménages... 211
...qui recouvre une grande diversité suivant les produits... 212
...et suivant les canaux de distribution 213
b) Une consommation qui demeure considérable en valeur
absolue 214

2. Le marché mondial 214

B. — Les faveurs d'évolution de la consommation 217

1. Les facteurs structurels 217


e) L'évolution démographique 218
b) La relation entre la consommation et le revenu 219

2. Les facteurs conjoncturels 224


a) Les prix 224
b) La mode 227

C. — Les prévisions d'évolution 230

1. Une croissance modérée et diversifiée 230

2. L'évolution qualitative de la consommation des ménages 230

II. — Une nouvelle donne économique mondiale où les pays industrialisés


devraient conserver leur place 233

A. — Le processus de délocalisation des activités textiles peut-il être


maîtrisé 235
1. La mutation structurelle des échanges internationaux 235
2. Les facteurs de la délocalisation 237
3. La « remontée » de la filière 240

B. — L'enjeu de la division internationale du travail : complémentarité


des économies ou concurrence des circuits de production 241

1. Va•t-on vers une stabilisation de la structure des échanges 7 241


2. La contre-offensive des pays. industrialisés 246

III. — Les structures 252

A. — La production 252
1. Un appareil productif peu concentré 252
-9—

Pages

2. Des situations financières contrastées et une faiblesse globale


de l'autofinancement 253
3. Un effort d'investissement trop timide 257
a) Par rapport aux autres branches de l'industrie 257
b) Par rapport à nos partenaires européens 262
4. Une restructuration industrielle et une modernisation inachevées. 263

B. — La distribution 265
I. Des prix à la consommation plus élevés que chez nos parte-
naires européens 266
2. Un secteur d'une grande vitalité... 267
3. ... mais très dispersé 268
4. Incidence de la distribution sur la formation des prix
le problème du financement des stocks 275

IV. — Les handicaps face à la concurrence étrangère 281

A. — Le problème des charges liées à la main-d'œuvre 281


1. Les charges sociales des industries de main-d'oeuvre 281
2. Tentative d'appréciation du coût réel de la main-d'oeuvre en
France 283
a) Les salaires dans le textile et l'habillement 283
h) Comparaisons internationales 284
3. Les distorsions de concurrence - le cas de l'Italie 286
4. La sous-utilisation des équipements 289

B. — Les handicaps propres au commerce extérieur 290


1. Une volonté insuffisante de protéger le marché intérieur 291
2. Les obstacles au développement des exportations 294

V. — Les atouts 297

A. — La recherche et l'innovation 297


1. La recherche 297
2. La créativité 299
3. Les positions d'avenir 299

B. — Une vocation exportatrice 301

CHAPITRE Il : LES EFFORTS DELA ACCOMPLIS 305

I. — Les interventions directes de l'Etat 305

A. — L'accès aux aides générales de l'Etat : le textile habillement n'a


bénéficié que d'actions d'ampleur limitée 306
1. Les aides de politique industrielle 308
2. L'aide à la recherche 309
a) Avant la réforme de l'A.N V A R 309
b) Après la réforme 310
Pages

B. — Le textile dans le cadre de la politique d'aménagement du terri-


toire : un secteur dont le caractère prioritaire n'a été retenu
que partiellement 311
— Un exemple d'action globale : le plan Vosges 315

Il. — Les actions concertées avec les professionnels 316

A. — La parafiscalité : le moyen de financement prépondérant des


actions de modernisation 316
I. Evolution des ressources de caractère parafiscal 316
2. Bilan de l'action du Comité interprofessionnel de rénovation
des industries textiles 317
a) Champs d'intervention 317
b) Bilan chiffré des interventions 319

B. — Les plans professionnels 321


1. Le « plan coton » 321
a) Le programme d'investissement 322
b) Les principaux enseignements 324
2. Le « plan moulinage-texturation » 325
3. Le « plan filature de laine peignée » (Renofil) 326

C. — La politique sociale 326


1. Le reclassement professionnel des salariés 327
2. L'aide à l'emploi des jeunes 328
3. Le cas des salariés âgés 333
4. La réduction conjoncturelle des horaires de travail et l'indem-
nisation du chômage partiel : une formule très développée
dans le textile habillement 334
5. Une illustration de la mise en oeuvre de l'ensemble de ces
mesures : le groupe Rhône-Poulenc-Textiles 338

— Le plan textile du 5 novembre 1980 et les mesures gouvernementales


de mars 1981: un effort louable mais tardif et insuffisant 339

A. — L'action en faveur de l'investissement 340


1. Un moyen d'une portée extrêmement limitée : le C.O.D.I.S. 340
2. L'élargissement des conditions de prêt : un impact incertain 341
3. La réforme du Comité interprofessionnel de rénovation des
industries du textile et de l'habillement 343

B. — L'action en faveur de l'innovation 345

C. — L'action en faveur des exportations 345


a) Aides pour préparer l'exportation 346
b) Le soutien à la prospection 346

D. — Les mesures de contrôle des importations décidées le 18 mars 1981 347

E. — Premières appréciations sur le plan d'aide 349


1. Les lacunes 350
2. La portée des aides à l'investissement ne doit pas étre
surestimée 350
3. Le plan d'action comporte peu de mesures concrètes et
d'application immédiate 352
Pages

QUATRIÈME PARTIE. — LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION 353

CHAPITRE PREMIER : UN COUP D'ARRÊT IMMÉDIAT AUX IMPORTATIONS 355

A. — La renégociation immédiate des quotas 355

B. — Un meilleur contrôle douanier 356

C. — La fermeture temporaire des frontières 356

CHAPITRE II : A MOYEN TERME 359

I. — Renégocier pour mieux protéger 359

A. — Un nouvel accord multifibres global. universel et réciproque 359

1. Global : un accord qui dépasse le simple cadre commercial 360


a) Le plafonnement ou l'indexation des quotas sur la consom-
mation intérieure 361
b) L'information et la surveillance mutuelle de l'évolution des
capacités de production 361
c) Une aide à la diversification et au recentrage des stra-
tégies de développement 362

2. Universel : un accord qui inclut l'ensemble des pays 362


a) L'alignement du régime des arrangements autonomes sur
celui des accords multifibres 362
b) L'attribution conjointe des quotas 363
c) La signature d'accords d'autolimitation avec les pays indus-
trialisés exportateurs 363

3. Réciproque : un accord qui institue les conditions d'une


concurrence loyale 363
a) L'ouverture des marchés des nouveaux pays industriels 364
b) Le rééquilibrage de nos relations commerciales avec le
Japon et les Etats-Unis 364
c) Un système de sanctions pour non-respect des dispositions
de l'accord 364

B. — Un véritable marché commun du textile 365

1. La réduction des délais de mise en oeuvre des différentes


clauses de sauvegarde 365
a) La codification du recours à l'article 115 du Traité de Rome 365
b) L'accélération des procédures d'examen des demandes de
« sorties de panier » ou de mise en oeuvre des procédures
du G.A.T.T. 366
c) L'amélioration de l'information statistique sur l'utilisation
des quotas 366

2. L'établissement d'une préférence communautaire effective 366

3. Une meilleure répression des fraudes à la libre circulation des


produits 367
a) Une plus stricte réglementation de l'origine 367
b) Une meilleure coordination de l'action des douanes 367

II. — Un effort national diversifié et concerté 369

A. — Suggestions pour us: redressement 369


— 12 —

Pages

1. Le refus de la fatalité 369


2. Les illusions à dissiper 370
a) La tentation de l'isolement 370
b) La stratégie du « haut de gamme » 370
c) La chimère du « créneau » 371
d) Le renoncement 371

B. — Le soutien à la production 371


I. La modernisation des moyens des entreprises 372
a) Généraliser l'aide à l'investissement pour dynamiser la
volonté d'entreprendre 372
b) Développer la recherche et adapter les procédures d'aide à
l'innovation pour augmenter la capacité concurrentielle des
industries françaises 373
2. La promotion des exportations, notamment des petites et
moyennes entreprises 374

C. — Une meilleure adaptation de l'offre à la demande 375


1. Une meilleure connaissance du marché débouchant sur une
plus grande maîtrise 375
a) Aider les petites et moyennes entreprises : une action
concertée et une meilleure liaison avec les consommateurs 376
b) Améliorer la distribution sans nuire à l'équilibre des diffé-
rentes formes de commerce : la liaison producteur-
distributeur 376
2. Un effort de reconquête 377
a) Par la diversification des productions 377
b) Par des campagnes de promotion axées sur la qualité 378
c) Par une plus grande souplesse d'adaptation à la demande :
réhabiliter la valeur de la création 378
d) Par une meilleure liaison entre producteurs et importateurs 379

D. — Les mesures sociales 380


1. L'aménagement des conditions de travail 380
a) Les propositions à court terme : prévenir les licenciements
par de nouveaux mécanismes d'intervention utilisant
l'indemnisation du chômage partiel 381
b) L'augmentation de la durée d'utilisation des équipements 38
2. Accompagner les conversions par des mesures sociales 382
3. Un espace social européen 382

E. — Les mesures concernant l'Aménagement du Territoire et les collec-


tivités locales 383
1. Une procédure d'urgence pour les régions en détresse 383
2. La suppression de la taxe professionnelle à court terme : une
mesure d'allégement pour les entreprises créatrices d'emploi 384

CONCLUSION 385

Déclaration des commissaires appartenant au groupe socialiste et au groupe


communiste 389

ANNEXE:
Lexique des principaux termes techniques 393
- 13 -

INTRODUCTION

MESDAMES, MESSIEURS,

La crise qui affecte depuis plus de six ans notre industrie du


textile et de l'habillement a atteint, au cours des deux dernières
années, un point d'une extrême gravité.
Il n'est pas de jour, en effet, où nous n'apprenions la réduction
d'activité d'une filature, la fermeture provisoire ou définitive d'un
tissage, ou le dépôt de bilan d'une entreprise de confection. De
plus, aucune amélioration n'est aujourd'hui en vue. Bien au contraire,
si le vêtement a été, dans un premier temps, moins touché, c'est
aujourd'hui ce secteur qui est le plus atteint et ses difficultés se
répercutent sur le textile français dont il constituait un débouché
privilégié.
Cette désagrégation accélérée d'un secteur économique, qui, avec
100 milliards de chiffre d'affaires, représente 7 à 8 % de la valeur
ajoutée industrielle de notre pays, est bien entendu hautement
dommageable pour notre économie, et se traduit déjà par un déficit
de nos échanges supérieur à 2 milliards de francs ; mais son incidence
la plus immédiate et la plus humainement insupportable concerne
l'emploi. Faut-il rappeler, en effet, que textile et habillement
fournissent respectivement du travail à 330.000 et 220.000 personnes,
et que ces chiffres traduisent déjà une baisse de 12 à 15 % par
rapport à 1975, moins marquée, jusqu'ici du moins, pour l'habillement
(— l % par an de 1976 à 1979) que pour le textile (5 % par an).
Concernant ce dernier secteur, cette montée du chômage est
d'autant plus tragique que filature et tissage constituent pour
certaines régions une activité dominante, voire une mono-industrie,
ce qui limite les possibilités de reconversion.
Comme nous le verrons au cours de ce rapport, la détérioration
de la situation de ces activités n'est pas particulière à la France,
et la plupart de nos partenaires européens sont également touchés.
Cependant, la montée spectaculaire du taux de pénétration
étrangère du marché français, qui est passé de moins de 20 % à
50 %, en volume sinon en valeur, souligne l'incidence majeure des
importations en provenance des Etats-Unis et des pays en voie de
- 14-

développement, pour lesquelles les tarifs douaniers européens —


lorsqu'ils existent — constituent une barrière dérisoire et trop
souvent tournée par des pratiques de dumping ou des mesures
frauduleuses.
Nous verrons de quel poids pèse actuellement cet environne-
ment international en dépit des mesures de protection, encore bien
insuffisantes, adoptées par les autorités de Bruxelles, pour limiter
ou canaliser ces entrées de tissus ou de vêtements produits en
Extrême-Orient et dans les pays de l'Est par une main-d'œuvre sous-
payée et qui nous sont ainsi vendus à des prix sans aucune commune
mesure avec nos coûts de revient.
Le fait que nous soyons parvenus à exporter encore 38 % de
nos tissus et 25 % de notre habillement souligne cependant la
compétitivité et la qualité de notre production tout en condamnant
tout recours de la France à un protectionnisme excessif.
Affrontés à cette situation délicate et de plus en plus difficile,
les parlementaires n'ont pas manqué depuis six ans d'interpeller le
Gouvernement et, pour leur part, de nombreux sénateurs ont usé
de la procédure des questions écrites et des questions orales pour
évoquer ce problème.
C'est ainsi que, de 1975 à 1980, pas moins de 65 questions
écrites et de 32 questions orales ont été adressées au Premier
ministre, au ministre de l'Industrie et à celui du Commerce
extérieur, concernant en particulier les conditions anormales
d'importation, les pratiques de dumping, la réglementation des
certificats de qualification, le renouvellement de l'accord multifibres
et les entrées des matières synthétiques américaines.
Compte tenu de l'aggravation de la situation, il est cependant
apparu nécessaire aux sénateurs, comme à leurs collègues du Palais-
Bourbon, de dépasser cette procédure d'interpellation, à portée
nécessairement limitée et d'ailleurs non sanctionnée par des votes,
en recourant à la procédure exceptionnelle de la commission
d'enquête.
L'utilisation de cette procédure, en application des dispositions
de l'ordonnance du 17 novembre 1958, modifiée, mise en oeuvre
jusqu'ici pour traiter d'un sujet limité, a pu surprendre au premier
abord, compte tenu de son application à un domaine aussi vaste
que l'industrie du textile et de l'habillement, mais MM. Christian
Poncelet, Maurice Schumann, Pierre Vallon, Josy Moinet, René
Touzet, Michel Miroudot, Henri Goetschy, Adrien Gouteyron et
Jean Desmarets, auteurs de la proposition de résolution n° 90, ont
clairement exposé le problème et M. Maurice Schumann, rapportant
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan, après
avoir évoqué l'urgence d'une limitation des importations, la nécessité
de secouer de sa torpeur la Commission de Bruxelles, et la prochaine
- 15 -

renégociation de l'accord multifibres, déclarait au Sénat le


18 décembre 1980 : « La situation est trop dramatique pour que
le Sénat puisse se séparer sans avoir fait tout ce qui est en son
pouvoir afin d'y porter remède. »
Et notre collègue d'ajouter : « La création d'une commission
d'enquête au Sénat, comme à l'Assemblée nationale, aura un objet
extrêmement précis : éviter qu'après notre séparation, le contrôle
et la vigilance parlementaires ne se relâchent. »
Les travaux de la Commission ont montré, d'ailleurs, tout
l'intérêt de la formule adoptée. Celle-ci présente, en effet, le double
avantage d'habiliter son rapporteur à se faire communiquer tous
documents utiles et d'obliger toute personne dont l'audition est
jugée nécessaire de déférer à la convocation de la Commission. De
plus, en imposant le secret à ses membres, elle permet aux personnes
entendues, sous la foi du serment, de s'exprimer en toute liberté.
Après avoir recueilli l'avis favorable de la commission des
Lois présenté par M. Pierre Carous, et entendu les interventions de
MM. Christian Poncelet et Raymond Courrière, le Sénat adoptait
à l'unanimité la proposition de résolution n° 90 autorisant la création
d'une commission d'enquête dont il était précisé, par voie d'amen-
dement présenté par M. Maurice Schumann, rapporteur, qu'elle ne
serait pas limitée à l'industrie textile, mais traiterait aussi de celle
de l'habillement.
Au cours de sa séance du lendemain, 19 décembre, le Sénat,
entérinant les propositions des groupes politiques, désignait les
21 membres de la Commission d'enquête.

Réunie pour se constituer le 7 janvier 1981, celle-ci procédait


à l'élection de son Bureau ainsi composé :
Président M. Pierre Vallon.
Vice-présidents MM. Roland Grimaldi, Michel
Miroudot et René Touzet.
Secrétaire M. Hector Viron.
Rapporteur M. Christian Poncelet.

Au cours de cette même réunion, elle avait manifesté l'intention,


bien que les dispositions législatives en vigueur lui accordent six
mois pour mener à bien ses travaux, de déposer son rapport avant
la reprise de la session de printemps, afin de fournir au Gouver-
nement les éléments utiles à la deuxième renégociation de l'accord
multifibres qui doit s'ouvrir à Bruxelles à la même époque.
Toutefois, au cours de sa séance du 19 mars, prenant acte de
l'intention manifestée par le Gouvernement de l'époque d'entre-
prendre sans délai une série d'actions de nature à lutter contre les
--- 16 -

fraudes et à mieux moduler les importations en fonction de la


consommation intérieure, la Commission d'enquête, revenant sur
sa position première, décidait de poursuivre ses travaux et de mettre
à profit le délai légal dont elle disposait pour vérifier l'efficacité des
mesures ainsi définies bien que celles-ci lui apparaissent ne répondre
que partiellement et tardivement à la gravité de la situation.
Précisons que, depuis sa constitution, votre Commission a tenu
vingt-deux réunions au cours desquelles elle a entendu successivement
de hauts responsables politiques, les principaux dirigeants des orga-
nisations professionnelles et syndicales concernés, ainsi que les patrons
de nombreuses entreprises des secteurs du textile et de l'habillement.
Compte tenu de l'importance et de la complexité du secteur
économique en cause où le nombre des problèmes qui se posent est
à la mesure de la diversité des structures et de l'opposition de
certains intérêts, il nous est apparu en premier lieu nécessaire de
dresser un inventaire de la situation actuelle de nos entreprises
et de ce qui constitue, en somme, le potentiel français au plan du
textile et de l'habillement. Tel est donc l'objet de la première partie
de notre rapport, au sein de laquelle deux chapitres importants
sont consacrés respectivement à l'emploi et au commerce extérieur.
La nécessaire ouverture sur le monde de nos entreprises nous
conduit ensuite à examiner ce qui est sans doute le point le plus impor-
tant et le plus complexe de notre étude, c'est-à-dire les contraintes
internationales. Nous nous efforçons de montrer, à cette occasion,
comment la France a dû passer de l'économie protégée de l'ère colo-
niale à l'économie ouverte du Marché commun ; mutation complétée
par le développement hors d'Europe de nouveaux pôles de production
et la mise en œuvre de technologies nouvelles hautement performantes.
Ceci nous amène à décrire le cadre des systèmes d'accords qui
s'imposent aujourd'hui à notre pays, qu'ils soient de nature mondiale
ou le fait d'organismes internationaux auxquels nous sommes liés.
Nous verrons ensuite comment ces contraintes juridiques se
trouvent aggravées, en particulier par les détournements de trafic,
la fraude pure et simple, et les procédés de dumping.
Mais il aurait été par trop simpliste d'imputer la crise actuelle
à ces « turpitudes » ; c'est pourquoi nous avons jugé indispensable
d'examiner de façon objective les forces et les faiblesses de nos
propres entreprises du textile et de l'habillement qui ne pourront
survivre sans conserver ou retrouver leur compétitivité à l'intérieur
comme à l'extérieur.
Cette revue de nos possibilités face à la crise actuelle ne
saurait cependant nous faire oublier que cette dernière n'est pas
nouvelle, et ceci nous a naturellement conduit à examiner les
tentatives de solutions apportées aux graves difficultés apparues
- 17 -

depuis six ans, qu'il s'agisse des aides de l'Etat ou des collectivités
locales, ou des mesures internes à la profession.
Mais ce rapport ne pouvait se limiter à un bilan et à une
analyse, et, compte tenu des nombreux enseignements qu'elle a retirés
de ses travaux, votre Commission vous propose donc un certain
nombre de solutions d'ordre international et national. Les premières
visent, dans l'ordre d'urgence, à assurer une meilleure protection
du marché européen par une application rigoureuse des accords
existants, à faire prévaloir dans les échanges internationaux la
notion de réciprocité, enfin, même si de telles mesures protection-
nistes ne doivent être que provisoires, à limiter, de façon plus
efficace que l'ont fait les deux premiers accords multifibres, les
importations de produits « sensibles » provenant notamment des pays
à bas salaire de l'Est ou du Tiers-Monde.
Au plan national, la recherche de l'amélioration de notre appareil
productif nous a conduit à passer en revue les différents moyens
qu'offrent aujourd'hui à nos entreprises les techniques modernes
(robotisation, informatique) et les progrès de productivité à attendre
d'une meilleure organisation du travail.
Nous insisterons, dans ce domaine, sur le rôle important que
peuvent et doivent jouer les petites et moyennes entreprises dont
l'ouverture vers l'extérieur, trop souvent insuffisante, doit être
favorisée.
Enfin, comme nous le signalerons en terminant, seul un plan
à longue échéance permettra véritablement de mobiliser les efforts
de tous en définissant aussi bien le rôle de l'Etat que celui des
responsables professionnels, et en précisant le cadre de l'action qui
s'impose pour sauver cet élément indispensable de notre patrimoine
industriel que constitue l'industrie du textile et de l'habillement.

Sénat 282. — 2
PREMIÈRE PARTIE

UN SECTEUR MENACÉ :
LA PLACE DES SECTEURS
DU TEXTILE ET DE L'HABILLEMENT
DANS L'ÉCONOMIE FRANÇAISE
--- 21 -

CHAPITRE PREMIER
LA PRODUCTION

I. — LE TEXTILE

A. — LES CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES


DU SECTEUR

Les textiles jouent un rôle prépondérant dans la vie de l'indi-


vidu, ils répondent à l'un de ses besoins élémentaires et vitaux.
Au fil des évolutions technologiques, les textiles ont pris place
dans presque toutes les activités économiques, telles que l'automobile,
le bâtiment et les travaux publics, les applications médicales, l'aéro-
nautique.
L'industrie textile a fait l'objet d'une décomposition très fine en
42 familles, selon la nomenclature officielle d'activités et de produits
(n° 600).
Elle constitue une filière complète qui va de la matière brute
au produit fini livrable au consommateur avec peu d'apports exté-
rieurs.

1. Les étapes et les procédés de fabrication


dans le secteur textile.

Comme le montre schématiquement la figure ci-après, l'industrie


textile utilise une diversité de matières premières qui subissent trois
grandes étapes de transformation :
• la filature, étape obligée consistant à transformer les fibres
brutes en fils ;
• l'assemblage des fils destiné à constituer une étoffe qui peut
se faire selon trois types de procédés distincts (sauf dans le cas où le
fil est vendu directement au consommateur : mercerie, tricot) ;
• l'ennoblissement, qui consiste à modifier l'aspect, la couleur
ou les caractéristiques du fil ou du tissu et qui peut intervenir à
— 22 —

différentes étapes de fabrication auxquelles s'ajoute la transformation


des tissus confection (ou habillement).

Les matières premières utilisées sont d'origine naturelle ou chi-


mique ; il y a lieu de distinguer :
• les fibres naturelles que l'on peut subdiviser en :
— fibres animales (laine, soie...),
— fibres végétales (coton, lin...),
— fibres minérales (amiante...)
• les fibres chimiques qui se divisent en :
— textiles artificiels (viscose, acétate) fabriqués à partir
d'un produit naturel, la cellulose,
— textiles synthétiques (polyamides, polyesters, verre textile)
créés par synthèse chimique et entièrement différents des
matières de départ.

L'on doit d'ailleurs souligner la tendance visant au mélange des


fibres pour améliorer la qualité des produits, ce qui remet en cause
la distinction traditionnelle des industries textiles fondée sur la
nature du produit traité.

VUE D'ENSEMBLE DES PROCESSUS DE FABRICATION DU TEXTILE

MATIERES PREMIERES
dplall■■■■••■•0«....
11■■••••••■■■••■•■■•■•N
Fibres naturelles Fibres chimiques

• animales • végétales '• minérales • artificielles • synthétiques


(laine, (coton, (végétales, (viscose, (polyamides,
soie...) (lin...) fossiles, acétate...) polyesters...)
amiante,
métaux)

Filature
(Ennoblissement)

T
Fabrication
de non-tissés

47
(Ennoblissement)
(Confection)
Source : Anfocoteat
— 23 —

Le découpage des étapes de fabrication entre entreprises et


établissements n'est pas le même pour toutes les grandes familles de
produits.

Pour les produits tissés :


• Beaucoup d'entreprises sont spécialisées dans l'une des étapes
de la fabrication (filature, ennoblissement et parfois peignage, bobi-
nage et retorderie).
Quelques entreprises intégrées regroupent filature et tissage,
tissage et ennoblissement et plus rarement l'ensemble de ces activités.
L'intégration avec la confection est tout à fait exceptionnelle.
• Les établissements réalisant chaque étape sont presque tou-
jours distincts ; toutefois le peignage peut être soit autonome, soit
intégré avec le tissage ; le bobinage et la retorderie peuvent être
intégrés avec la filature ou avec le tissage.

Pour les produits tricotés, au contraire, les mêmes formes et


les mêmes établissements dits de bonneterie intègrent la production
des tissus à la confection du vêtement. Or les caractéristiques de cette
dernière activité (notamment du point de vue de l'organisation du
travail et des qualifications) sont très proches de la confection à
partir d'étoffes tissées, mais radicalement différentes de l'activité
textile au sens strict. Le secteur bonneterie est donc en réalité très
hétérogène et devrait plutôt être rapproché de l'habillement (car la
majorité des emplois concerne la confection).
Il faut avoir ces éléments présents à l'esprit lorsqu'on analyse
les données statistiques concernant le secteur et les sous-secteurs de
l'industrie textile française.

Ce secteur industriel couvre la gamme des utilisations suivantes :


• les usages vestimentaires : 53 % de la production, soit après
transformation par l'industrie de l'habillement, soit directement par
le consommateur (bonneterie) ;
• les autres productions : 47 % de la production, concernent
les textiles pour l'équipement de l'habitation (linge de maison, tissus
d'ameublement, revêtements sols et murs), les articles à usages
médicaux et industriels.

2. Une évolution technologique rapide.

La technologie textile a fait l'objet d'une profonde transformation


depuis vingt-cinq ans :
• réduction des étapes de la production ;
— 24 —

• augmentation des performances, notamment au niveau de


la vitesse de fabrication ;
• développement des automatisations et de l'électronique.

Cette modernisation a exigé un important effort d'investissement


et l'industrie textile est devenue forte consommatrice de capitaux :
le capital investi par poste d'emploi créé a été multiplié par 10 en
filature et en tissage depuis 1960. Par exemple le coût d'un poste
de travail en filature coton est de 1,5 à 1,8 million de francs.
L'industrie textile en amont de la confection se place désormais
parmi les premières pour l'intensité capitalistique (1).

Cette évolution se heurte à trois difficultés :


• la capacité insuffisante de financement ;
• l'économie d'échelle imposée par ce matériel à haute perfor-
mance : la taille optimum d'une unité moderne n'est pas toujours
compatible avec l'importance du marché ;
• la contradiction qui risque de grandir entre une orientation
vers des outils de production à fort débit et une demande très
morcellée et diversifiée en raison des habitudes de consommation
où le facteur mode joue un rôle important.

3. Un marché national de matériels textiles


à reconquérir sur la fabrication étrangère.

L'industrie textile française est très largement équipée de


matériels importés principalement d'Allemagne de l'Ouest,
d'Angleterre, de Suisse, d'Italie, d'Espagne et de Belgique, de certains
pays de l'Est, notamment de République démocratique d'Allemagne.
Le matériel français vendu sur le marché national ne représente
qu'un taux oscillant de 32 à 38 %. En 1976, le marché national
s'élevait à 1 milliard 700 millions de francs, il était de 1 milliard
500 millions de francs en 1977 et de 724 millions seulement pour
les neuf premiers mois de 1978.
La construction française de matériels textiles est particuliè-
rement en position de faiblesse sur le plan des machines lourdes de
grand volume.

(1) Rapport entre le stock de capital fixe et la production ; il traduit l'emploi plus ou
moins intensif de capital dans le système productif et révèle le degré plus ou moins capi-
talistique de la structure de la production.
-25-

B. — UN SECTEUR DONT LE POIDS DIMINUE


EN VALEUR RELATIVE...

Une production textile globalement en très faible croissance :

Dans la période de croissance économique rapide qu'a connue


la France jusqu'en 1973, le secteur textile s'est caractérisé :
• Par une baisse d'activité :
— rythme de croissance faible : 4,1 % par an de 1959 à
1974 contre 5,4 % pour l'ensemble des industries de consommation
et 6,3 % pour toute l'industrie.

Il en est résulté une diminution sensible du poids de l'industrie


textile aussi bien par rapport à l'ensemble de la production indus-
trielle que par rapport à celle des seules industries de consommation.
Le textile représentait 5,9 % de la production industrielle totale
en 1959 et 4,4 % en 1974. Sa part dans la production des industries
de consommation était de 26,8 % en 1959 et seulement de 22,2 9/0
en 1974 ;
— réduction sensible et continue des effectifs qui tombent de
582.000 en 1954 à 376.000 en 1975 ;
— dégradation de sa balance extérieure, sensiblement équilibrée
alors qu'elle était positive.
• Accompagnée toutefois de facteurs positifs :
— effort important de modernisation et d'accumulation du
capital puisque l'intensité capitalistique a été multipliée par 2,5 de
1959 à 1974 ;
— corrélativement, progression importante de la productivité
apparente du travail (5,5 % par an de 1969 à 1974, soit au même
rythme que l'ensemble de l'industrie) ;
— relation améliorée entre valeur ajoutée et production, notam-
ment pour les fibres artificielles et synthétiques.
Depuis 1974, la production textile a subi une décroissance irré-
gulière mais prononcée passant successivement de l'indice 114 en
1974 à l'indice 105 en 1978. A la fin de 1978, elle ne se situait
plus qu'à 5 % au-dessus de celle de 1970, alors que, sur la même
période, la production totale des industries manufacturières avait
progressé de 27 %.
Il apparaît donc que l'industrie textile française a particuliè-
rement pâti de la crise qui sévit et de la confrontation internationale.
Cette constatation est valable pour l'ensemble des branches du textile,
bien qu'entre elles des évolutions différentes soient observées.
- 26 -

Ainsi, on peut noter qu'à l'exception des fibres artificielles et


synthétiques, l'ensemble des activités textiles connaissent une période
de stagnation, sinon de récession, de leurs productions.

INDICE DE LA PRODUCTION INDUSTRIELLE (1970 = 100)

Activités 1974 197% 1976 1977

Fibres artificielles et synthétiques 131 112 136 137


Coton et lin 105 89 97 100
Laine 102 85 j 104 107
Bonneterie 119 113 118 120

Source : I.N.S.E.E.

INDICES DE PRODUCTION PAR STADE DE FABRICATION

(En tonnes.)
120 (en indice) (base 100 en 1973) Autres
articles 73.000
textiles

110

Bonneterie 101.080
100

..'• .......... Ennoblissement • 442.627


\x
- Tissages 312.611

80 Filatures 394.820 (e)


Textiles
chimiques 210.434
70
1974 1975 1976 1977 1978 1979

(e) Estimation.
Source : Statistiques professionnelles
Ennoblissement : Blanchiment. Teinture. Apprêts, Impression d'articles textiles.
-27-

Production
INDICES DE LA PRODUCTION
Base 100 = 1970

140
Ensemble de l'industrie
(bâtiment exclu)
130

120
Industrie textile

110

100
1977 1978 1979 I
Indices I.N.S.E.E. Corrigés des variations saisonnières.

L'activité industrielle textile a progressé en volume de 1 en 1979 par rapport à l'année


1978 ; ce léger redressement intervient après plusieurs années de stagnation.

De même en ce qui concerne les entreprises elles-mêmes, des


différences importantes apparaissent :
• une divergence croissante des situations : l'écart se creuse
entre une majorité d'entreprises en difficulté et une minorité d'entre-
prises dont les résultats sont très supérieurs à la moyenne ;
• des politiques de main-d'oeuvre diversifiées ;
• une capacité de résistance très variable à la concurrence
internationale, liée semble-t-il à trois facteurs essentiels : moderni-
sation et utilisation rationnelle des équipements, exigence de qualité
accrue, recherche d'un créneau commercial réduit par la création
de produits nouveaux.
Au total on observe entre le taux annuel moyen de croissance
de l'industrie et celui de l'industrie textile un écart de croissance
de :
— 2,2 points sur la période 1960-1970 ;
— 1,9 point sur la période 1970-1973 ;
— 3,2 points sur la période 1973-1978.

En fonction de ce critère la branche se place au seizième rang


des branches industrielles sur la période 1960-1970, au quatorzième
rang sur la période 1970-1973 et au dix-septième rang sur la période
1974-1978.
En 1980 l'activité industrielle textile s'est de nouveau fortement
contractée : — 5 % en volume par rapport à 1979.
— 28 —

C. — ...MAIS DONT LA PLACE DEMEURE CONSIDÉRABLE

1. Une contribution non négligeable en termes de valeur ajoutée.

La valeur ajoutée du secteur textile, au prix du marché, s'est


élevée à 22 milliards de francs en 1979. Cela représente environ
7 à 8 % de la valeur ajoutée de toutes les industries
manufacturières.
La comparaison à l'échelon européen nous place au troisième
rang derrière l'Italie (9,8 %), la Belgique (9,1 %) et devant la
Grande-Bretagne (6,4 %), l'Allemagne (6 %) et la Hollande
(5,7 %).

2. Un chiffre d'affaires brut considérable.

L'industrie textile a vu son chiffre d'affaires s'accroître de plus


de 50 % depuis 1973. En 1980, il a atteint 65 milliards de francs.

CHIFFRE D'AFFAIRES (En millions de francs hors taxes.)

63.420 (e)
(c) Estimation.

En 1979, les investissements se sont élevés à 2,2 milliards de


francs.
— 29 —

3. Une place moyenne au plan européen.

L'industrie textile française se situe au deuxième rang européen


après l'Allemagne fédérale et avant le Royaume-Uni et l'Italie ; elle
représente 20 % du textile de la Communauté économique
européenne.
Ainsi que l'indique le tableau ci-après, l'Allemagne à l'industrie
la plus importante d'Europe avec un emploi comparable à la France ;
l'Angleterre a une industrie moins puissante que l'industrie française
avec des effectifs supérieurs ; l'industrie textile italienne est infé-
rieure de 20 % environ à l'industrie française, tant en chiffre
d'affaires qu'en emploi.

En terme de C.A. Indice En terme d'emploi Indice

1. Allemagne 139 1. Angleterre 114


2. France 100 2. France 100
3. Royaume-Uni 80 3. Allemagne 96
4. I talie 77 4. Italie 79

Au plan de la productivité, l'industrie textile française se situe


au quatrième rang :
République fédérale d'Allemagne 87
Belgique 87
Italie 76
France 74
Royaume-Uni 56
Source : Werner international.

Enfin, l'industrie textile française paraît avoir pris du retard


sur la République fédérale d'Allemagne et l'Italie en matière
d'investissement.
— 30 —

IMPORTANCE RELATIVE EN 1978


(En millions d'U.C.E.)

Investissements/
Investiosemente Emploi

R.F.A 438 1.378


Italie 404 1.303
Royaume-Uni 343 845
France 266 810

D. — DES BRANCHES D'ACTIVITÉ TRÈS DIVERSIFIÉES

Le secteur textile est très diversifié, tant par la variété des


stades du cycle productif, que par la spécificité des matières premières
utilisées.

L'industrie textile se répartit en 16 principales branches d'activité


dont les plus importantes sont notamment :
— l'industrie de la maille et de
la bonneterie 25 % de l'effectif textile
— l'industrie cotonnière 20 '9/0
dont :
tissage 11 %
et filature 9 %
— l'industrie lainière 16 %
teinture et apprêt 11 %
— l'industrie de la soierie . . . 7 %
dont moulinage texturation 4 , 5 °/.9
tissage 4,5 %

Les branches étant très différentes sur le plan industriel, il


convient de les présenter successivement afin de mieux en appréhender
la diversité.

1. L'industrie cotonnière.

a) Caractéristiques techniques du produit.

Il s'agit d'une large famille de produits, puisqu'une même entre-


prise fabrique, souvent sur les mêmes machines, des gammes très
diversifiées d'articles.
- 31 -

Au niveau de la filature, on distingue les filatures de lin et les


filatures de coton ; ces dernières produisent en fait de larges gammes
de mélanges de fibres courtes, naturelles et synthétiques.
Les filés de coton sont notamment destinés aux tissages qui
représentent : 81 % de la consommation (dont tissage de l'industrie
cotonnière, 76 %), à l'industrie de la maille : 14 % et à la filterie :
2 %.
Au niveau du tissage, il n'y a plus de distinction entre matières ;
un même établissement tisse des fils purs ou mélangés, éventuelle-
ment en métis.
Les marchés du tissage de l'industrie cotonnière se répartissent
comme suit, selon la destination finale : vêtements, 47 % ; linge de
maison, 22 % ; tissus à usage technique et industriel, 14 % ; ameu-
blement, 5 % ; tissus d'extérieur, 3,75 %.
Dans la très grande diversité des produits, qui dépend de la
teneur en fibres, du grammage, du duitage ou de la contexture, on
distingue notamment entre les tissus plats et le velours.
Parmi les tissus plats, une mention particulière doit être faite
du denim indigo ou « jean » dont la mise au point est très délicate, à
tous les stades de la production. Après plusieurs années d'essais, cer-
tains fabricants français apparaissent en mesure de concurrencer
efficacement les Américains sur le marché européen (Héritiers de
Georges Perrin et Saic, Velcorex).
Quant à la fabrication du velours, elle suppose une technologie
avancée ; la concurrence est essentiellement localisée dans les pays
développés ; quelques entreprises françaises ont une position forte
sur le marché (Saic, Velcorex, Urge, Cosserat).
Les entreprises peuvent être des filatures, des tissages ou des
filatures-tissages intégrés, avec parfois, en outre, une activité de fini-
tion (teinture, impression, enduction) et de confection d'articles finis
autres que des vêtements (linge de maison, stores, bâches...). Le
niveau d'intégration est souvent un avantage industriel important,
mais il existe des entreprises peu intégrées très performantes.
Le progrès des matériels textiles a permis l'amélioration de la
productivité du secteur ; ainsi, en filature, la productivité des cardes
a été multipliée par deux au cours des dix dernières années. La fila-
ture à turbine, introduite en 1980, multiplie par quatre ou cinq la
vitesse de production des fils.
En tissage. pour les métiers mécaniques, la vitesse de passage
du fil de trame a été multipliée par deux en six ans. L'apparition de
métiers à jets d'air ou d'eau entraîne une multiplication par trois de
la vitesse de passage du fil de trame, toujours par comparaison avec
la situation de 1970.
-32—

Par ailleurs, grâce aux automatismes et contrôles électroniques


introduits pendant cette période, un seul tisserand contrôle aujour-
d'hui seize ou vingt machines au lieu de douze. De 1973 à 1979, la
productivité aurait augmenté de 30 qio pour la filature et de 24 %
pour le tissage.

b) Caractéristiques économiques de la branche.

La production de la filature et du tissage, en réduction régulière


depuis 1974, s'est stabilisée en 1979 par rapport à 1978.
En volume, elle s'est élevée à 220.000 tonnes pour les fils et à
179.000 tonnes pour les tissus.
En tonnage, la part de la production française dans la produc-
tion mondiale s'établit à 1,54 % pour les fils et à 2,7 % pour les
tissus.
L'industrie cotonnière réalise un chiffre d'affaires de 12 mil-
liards de francs dont 10 milliards pour le tissage et 2 milliards pour
la filature.
Les prix varient considérablement selon les différences de
technicité que suppose leur fabrication. C'est ainsi que le prix moyen
des fils de filterie importés par la France est de 25 F, alors que les
mêmes catégories de fils qu'elle exporte ont une valeur moyenne
de 55 F. En tissus, et toujours à l'intérieur d'une même spécification
douanière, on trouve également des rapports de prix moyens variant
du simple au double. Compte non tenu des spécifications douanières,
les prix varient dans un rapport extrême de 1 à 30 pour les fils et
de 1 à 50 pour les tissus. Ces remarques font apparaître l'énorme
disparité de produits communément rangés sous la même dénomi-
nation de fils ou de tissus de coton.

c) Les structures.

L'industrie cotonnière compte 244 entreprises et 375 établis-


sements en 1979.

La part des dix plus grosses entreprises dans la production natio-


nale tend à s'accroître et représente, à l'heure actuelle, près de la
moitié de cette production. Les dix premières entreprises sont :
Chiffre d'affaires
en millions de francs.

Groupe Willot 6.500


D.M.C. - Texunion 3.805
-33-

dont filteries :
Dolfus Mieg 527
Texunion 2.608
S.A.I.C. Velcorex 973
Héritiers de Georges Perrin 420
Cernay 300
Motte-Bossut 220
Steinheil-Dieterlen 193
Filature du Sartel 186
Hacot et Colombier 181

Cette industrie emploie 50.500 personnes dont 29.600 pour le


tissage et 20.900 pour la filature.

L'INVESTISSEMENT
(En milliers de francs.)

1974 1975 1976 1977 1978

Investissements totaux 317.436 309.855 451.591 295.373 263.361


dont :
Filature 166.734 156.085 183.379 117.801 109.459
— en filature par ouvrier 5,824 6,269 7,521 5,189 5,373
dont :
Tissage 152.702 153.770 268.212 177.572 157.902
— en tissage par ouvrier 5,041 5,468 9,963 7,064 6,683

Il est encore prévu, au cours des années 1980, 1981 et 1982, un


accroissement de 30 % des investissements par rapport aux trois
années précédentes.

Le gonflement des investissements en 1976 ( -I- 50 % par rap-


port à 1975) a été suivi d'un tassement important également lié à la
mauvaise conjoncture des dernières années.

Un redressement appréciable devrait toutefois être observé pour


1979 et 1980. Les P.M.E., nombreuses dans le secteur, ne peuvent
investir que de façon irrégulière ; l'évolution de l'investissement suit
la conjoncture de façon amplifiée et avec un retard d'un an environ.
Il convient toutefois d'observer que l'industrie cotonnière se classe
honorablement en ce qui concerne le rapport investissement/per-
sonnes employées.

Sénat 282. — 3
— 34 —

2. L'industrie lainière.

L'industrie lainière, située en amont de la chaîne textile habille-


ment, constitue un des points forts de l'industrie textile française.
Une large partie du potentiel de cette branche est très compétitive et
doit pouvoir être sauvegardée dans l'avenir à long terme.

a) Caractéristiques techniques de la branche.

Cette branche de l'industrie textile se caractérise par le traite-


ment des fibres longues. A sa matière de base initiale, la laine, qui
globalement ne représente que 50 % de ses filatures, elle a progressi-
vement substitué des fibres artificielles et surtout synthétiques, pré-
parées à des longueurs de coupe comparable (6 à 30 centimètres)
utilisées soit pures, soit en mélange avec la laine.

Deux cycles de fabrication coexistent :


— Le cycle cardé utilise des fibres plus courtes ainsi que des
déchets de peignage.
Les fils obtenus, plus grossiers et souvent très fantaisie, ont pour
débouchés principaux le tissu pour habillement, surtout féminin, la
couverture et le tapis.
Les entreprises spécialisées dans ces fabrications sont surtout
localisées dans la région Midi-Pyrénées et sont de petite dimension,
ce qui, compte tenu de la dispersion des structures de la confection
féminine, ne constitue pas un inconvénient.
— Le cycle peigné utilise des fibres plus longues, dissociées
des fibres plus courtes au stade du peignage.
Le peignage est un stade de fabrication spécialisé, travaillant
à façon pour le compte de négociants et qui, sur le plan industriel,
est très concentré : 6 ou 7 entreprises en France produisent au total
74.000 tonnes de peignés de laine dont plus de 50 % sont exportés.
La filature de laine peignée produit à partir des peignés de laine
et de fibres chimiques des fils mercerie (laine à tricoter), des fils
bonneterie destinés par exemple aux pull-overs et des fils tissage,
surtout pour l'habillement masculin.
Au niveau du tissage de laine les techniques sont identiques,
qu'il s'agisse d'utiliser les fils peignés ou cardés. Toutefois, les mar-
chés respectifs (draperie ou lainage) impliquent des fabrications en
plus ou moins grande série, d'où une concentration industrielle beau-
coup plus forte dans le tissage de laine peignée qui doit, en outre,
faire de gros efforts de productivité et, donc, disposer d'un matériel
très performant, ce qui est moins impératif dans le cycle cardé.
-35-

Il faut enfin souligner l'importance primordiale pour les tissus


de laine des opérations de finition (apprêts) qui ont pour but de
donner au tissu son aspect définitif.

b) Caractéristiques économiques de la branche.

Cette industrie compte 625 entreprises parmi lesquelles les plus


performantes sont les suivantes :
— Laine de Roubaix (filature et tissage) ;
— Roudière ;
— P. & j. Tiberghien ;
— Groupe Mulliez.

En 1979, elle a réalisé un chiffre d'affaires total hors taxes de


14,3 milliards de francs. Les investissements se sont élevés à 315 mil-
lions de francs.
Cette branche emploie 47.000 salariés, dont plus de la moitié
dans la région Nord et près de 20 % dans la région Midi-Pyrénées.

La production de l'industrie lainière, qui avait globalement


diminué de 1,3 % en 1978, s'est accrue de 2,5 % en 1979, mais
avec des évolutions très différentes suivant les stades : alors qu'on
enregistrait une progression pour le peignage de laine, la filature
peignée, la filature cardée et les tissus cardés, la production dimi-
nuait pour le délainage et les tissus peignés :
— délainage 29.000 tonnes ;
— peignage 78.000 tonnes ;
— filature peignée 90.000 tonnes ;
— filature cardée 42.000 tonnes ;
— tissage habillement 37.000 tonnes.

Une position importante au plan mondial.

Disposant d'atouts importants et d'un savoir-faire remarquable


par rapport à ses concurrents étrangers, elle occupe une place impor-
tante puisqu'elle se situe au premier rang mondial pour le délainage,
au second rang pour la production de peignés de laine, au troisième
rang pour les fils peignés, au quatrième pour les fils cardés, enfin loin
derrière l'Italie mais à égalité avec l'Allemagne et la Grande-Bretagne
pour les tissus d'habillement.
Le secteur lainier est incontestablement un des points forts de
l'industrie textile française.
- 36 -

3. Les industries de la maille et de la bonneterie.

L'industrie de la maille, qui se distingue au sein des industries


par son procédé de fabrication — le tricotage —, participe pour les
deux tiers de son activité et 88 % de son chiffre d'affaires hors taxes
à la production de prêt-à-porter (vêtements de dessus et de dessous),
d'articles chaussants et de layette et, pour le reste, à la confection
d'étoffes.

a) Les produits.

Il s'agit de produits ayant pour fonction de répondre à des besoins


spécifiques essentiels des individus (parure, confort, loisirs...).
Ce sont des articles très diversifiés, produits en très grande série,
à prix unitaires moyens faibles, pouvant cependant être considérable-
ment valorisés par la créativité et la qualité. Il s'agit des étoffes,
des articles chaussants, des sous-vêtements, des pull-overs et des
vêtements de dessus.

b) Les caractéristiques économiques.

L'industrie de la maille et de la bonneterie est la première de


toutes les branches du textile.
Cette industrie a connu une croissance très rapide de 1960 à
1970 (doublement en volume) puis une certaine stagnation en volume
de 1970 à 1978, alors que la croissance de la consommation se pour-
suivait à des rythmes variant de 1 à 7 %.
En 1980, la production s'est élevée à 95.000 tonnes.

Malgré la crise de l'ensemble du textile, le chiffre d'affaires a


progressé de 12,2 %, s'élevant à 13 milliards de francs. Ce chiffre
d'affaires se répartit approximativement de la façon suivante :
— étoffes 12 %;
— articles chaussants 19 % ;
— sous-vêtements 23 % ;
— vêtements dessus 18 % ;
— pull-overs 21 %.

Les investissements ont représenté 2,5 % du chiffre d'affaires.


En 1980, alors que la consommation textile des ménages a
baissé de 3 %, la consommation de maille apparente a progressé de
plus de 2 % en volume, atteignant 15,3 milliards de francs. On
considère en effet la maille comme le marché le plus porteur de
l'habillement.
-37-

L'industrie de la maille est composée essentiellement de P.M.E.


Comme le montre le tableau ci-après, cette branche comporte plus
de 700 entreprises dont moins d'une centaine ont plus de 200
employés et 11 plus de 1.000 personnes. Mais, selon les activités,
les entreprises de plus de 200 personnes réalisent entre 50 et 80 %
de la valeur ajoutée. A côté de trois grands groupes de taille euro-
péenne dont le chiffre d'affaires individuel est supérieur à 500
millions de francs (Dim Rosy Colroy, Prouvost Masurel, Levy) dont
dépendent Devanlay Recoing, Timwear..., subsistent une multitude
de petites entreprises.

ÉVOLUTION DU NOMBRE D'ENTREPRISES

1973 1977 1978 1979

0à 50 personnes 486 500 458 444


50 à 200 personnes 208 177 188 186
200 à 1.000 personnes 96 81 79 80
Plus de 1.000 personnes 12 11 11 10

802 769 736 720

Source : Union des industries textiles.

Sur une centaine d'entreprises de plus de 200 personnes, 21


peuvent être considérées comme très performantes, 20 comme per-
formantes et 16 comme moyennes.
Cette industrie se répartit sur tout le territoire, mais principale-
ment en Champagne (25,6 %), dans la région Rhône-Alpes (17,4 %)
et dans le Nord (14 %).
Les effectifs, qui se sont élevés à près de 103.000 personnes en
1970, ont décliné à 76.000 en 1980.
Il est à noter que cette industrie a un effet d'entraînement
important pour la filature (25 % de la consommation de fil) et sur
la production de fibres chimiques.

Dans un certain nombre de créneaux, l'industrie française


détient de bonnes positions au niveau européen :
— vêtements de dessus de haut de gamme : Rodier, Vitos,
Desarbre, Timwear ;
— sous-vêtements : Gillier-Eminence, Dupré ;
— vêtements pour enfants : Poron (Absorba), Valton (Petit
Bateau), Createx, Clayeux ;
— articles chaussants : Dim, Kindy, La Bonnal, Doré Doré
Stemm (Groupe Prouvost).
-38-

Le succès de ces entreprises s'explique par les facteurs suivants :


politique de qualité, de créativité et de promotion de marque dans
les hauts de gamme, politique d'automatisation et de productivité,
et par une internationalisation de la production.

c) L'évolution récente.

La baisse de la consommation affecte particulièrement l'in-


dustrie de la maille et de la bonneterie ; des secteurs jusqu'alors
très performants sont touchés et les productions évoluent en baisse :
ainsi la lingerie chute brutalement de 10 %, les articles chaussants
de 5 %, le vêtement d'enfant et le tissu maille sont en stagnation
(— 1 %). Les résultats de décembre 1980 au niveau du commerce
de détail spécialisé ne font que confirmer ce mouvement de baisse
de la consommation textile globale.
On assiste à une dégradation de pans entiers de l'activité. 30
entreprises ont déposé leur bilan et 10 autres sont en difficulté
fin 1980 ; 3.000 emplois ont été supprimés au cours de l'année
et d'autres licenciements sont prévus, la plupart des entreprises
revoyant leurs prévisions à la baisse. L'amplification du phéno-
mène risque de se traduire en amont (filature, tissage) par des mil-
liers de licenciements.

4. L'industrie des fils et fibres chimiques.

a) Présentation du secteur.

Le terme « textiles chimiques » désigne l'ensemble des textiles


créés par l'industrie et qui comprennent :
— Les textiles artificiels : cellulose régénérée à partir de
pâte de bois par le procédé viscose.
La fabrication de l'acétate de cellulose est abandonnée en
France.
— Les textiles synthétiques : obtenus par polycondensation
ou polymérisation de molécules ; ils comprennent plusieurs familles
dont les trois principales sont :
• les polyamides (type nylon) ;
• les polyesters (type tergal) ;
• les acryliques (type crylor).

Les textiles artificiels et synthétiques sont conditionnés soit


en fils continus, soit en fibres discontinues. Ils sont utilisés purs ou
en mélange, entre eux ou avec des fibres naturelles.
- 39 -

Ils répondent à l'ensemble des besoins de l'habillement textile :


habillement, ameublement, linge de maison...

Ils représentent :
• 95 % des matières premières textiles transformées par
l'industrie de la soierie ;
• 65 % des matières premières textiles transformées par
l'industrie de la bonneterie ;
• 52 % des matières premières textiles transformées par
l'industrie lainière ;
• 22 % des matières premières textiles transformées par
l'industrie cotonnière.

Ils participent également à l'approvisionnement d'industries


diverses : tulles et dentelles, ouate et garnissage, non tissés, pneu-
matiques.
Les fils et fibres de verre textile sont utilisés pour leur plus
grande part dans les applications industrielles notamment dans le
renfort des plastiques.

b) Caractéristiques économiques de la branche.

Entre 1950 et 1975, trois périodes ont marqué l'activité de


l'industrie des textiles artificiels et synthétiques :
• 1950 à 1968 : la demande de textiles chimiques a dépassé
les capacités de production, en dépit des efforts massifs d'investis-
sement de la part des grands groupes producteurs, tant en Europe
occidentale que dans les autres pays industrialisés ;
• 1969 à 1973: à partir de 1969, les capacités ont devancé
la demande, en raison d'une évolution de la situation économique
très différente de celle prévue dans les années 60. Le développement
de la consommation de textiles chimiques, en croissance relative
dans la consommation textile globale (38 % en 1965, 50 % en 1969,
62 % en 1973), a cependant été surestimé et chaque producteur a
surévalué sa propre part de marché ; ainsi la plupart des pays indus-
trialisés se sont trouvés face à une très large surcapacité de produc-
tion. Avant la crise survenue en 1974-1975, cette situation s'est
révélée insuportable ;
• depuis 1975, la consommation relative de textiles chimiques
s'est redressée pour atteindre 66 % de la consommation globale de
textiles en 1979. Toutefois, la production n'a jamais retrouvé son
niveau de 1973 et ce sont les fabricants étrangers qui bénéficient le
plus souvent du développement du marché.
L'industrie française est au quatrième rang des producteurs
européens et représente 13 % de la production de la C.E.E.
La production nationale est de 320.000 tonnes en 1980 (infé-
rieure de 11,5 % à celle de 1979 et de 28,7 % à celle de 1973).
Les livraisons sur le marché intérieur ont été en 1980 de
158.500 tonnes (inférieures de 18,7 % à celles de 1979 et de 45 %
à celles de 1973, soit une perte d'environ trois mois de production).
Les livraisons de fils synthétiques ont diminué de 14 % alors
que celles des fibres artificielles augmentaient de 11 % et celles
de verre textile de 10 °/0.
Les ventes à l'industrie lainière ont augmenté de 5 % et celles
à la bonneterie de 3 %. Elles sont restées stables pour l'industrie
cotonnière et ont diminué de 4 % pour les emplois industriels. Elles
ont connu pour la soierie, une forte réduction de 19 % qui résulte
à la fois de la baisse des livraisons de fils pour texturation et du
développement des achats à l'étranger.

A la suite de regroupements successifs, cette activité, en 1979,


était concentrée dans six sociétés exploitant dix-neuf usines. Pour
les fils continus et fibres, la production est assurée par les sociétés :
— Rhône Poulenc Textile ;
— Courtaulds S.A. ;
— Montefibre France ;
— Nysam S.A.

Pour les fils continus et fibres discontinues de verre textile,


la production est assurée par :
— Vetrotex Saint-Gobain ;
— Owens-Corning Fiberglas France.

Dans la consommation française de textiles chimiques, elles


représentent 62 % contre 40 % en 1973 et proviennent à 80 % des
pays de la C.E.E.
Le chiffre d'affaires hors taxes des textiles chimiques est passé
de 3,1 à 3,6 millards de francs de 1973 à 1979.
De 1970 à fin 1980, les effectifs sont passés de 24.168 à
11.000 personnes. En effet, la crise qui a frappé le secteur en 1975
a provoqué une baisse de la production à un moment où certains
producteurs avaient engagé des programmes d'investissement très
importants. La surcapacité résultante a entraîné un effondrement
des cours plaçant cette industrie en situation de crise majeure. C'est
pourquoi une action de restructuration a été entreprise à l'échelle
européenne comportant la suppression ou la réduction de certaines
fabrications et se traduisant par des diminutions de personnels.
- 41 -

5. Les tissages de soierie.

a) Présentation du secteur.

Les tissus produits le sont à partir de matières diverses :


— la soie ne représente plus que 1 % des matières consom-
mées ;
— les fibres artificielles et synthétiques : 70 % ;
— la fibre de verre destinée aux usages techniques : 23 %.

Ces tissus, en général légers, se répartissent en :


— unis classiques de grande diffusion (30 %) ;
— tissus nouveautés en partie façonnés (16 %) ;
— spécialités (carrés, écharpes, cravates) : 3,5 % ;
— voiles pour rideaux (17 %) ;
— tissus vendus en écru (19 %).

La créativité est importante pour les tissus nouveautés, la compé-


titivité primordiale pour les unis classiques, et l'innovation est la
vocation des tisseurs de tissus techniques.

b) Caractéristiques économiques.

Au cours des dernières années, la modernisation de l'outillage


a été importante :

1974 1978

Métiers ordinaires 6.064 2.682


Métiers automatiques 13.869 9.587
Sans navettes 2.943 5.288

22.876 17.557

mais les investissements globaux sont restés faibles :


— 1976 : 72 millions de francs, soit 2,3 % du C.A.H.T. (1) ;
— 1977 : 65 millions de francs, soit 1,9 % du C.A.H.T. ;
— 1978 : 75 millions de francs, soit 2,1 % du C.A.H.T.

(1) C.A.H.T.: chiffre d'affaires hors taxe.


- 42 -

La productivité est difficile à mesurer, mais la production de


mètre carré par salarié a été en croissance très nette, passant de
31.156 mètres carrés/ouvriers en 1974 à 38.819 mètres carrés/ouvrier
en 1978, ce qui est le résultat de la modernisation du matériel et des
entreprises marginales.
A la fin 1978, la production était assurée par 338 entreprises
dont 146 fabricants sans usine.
Le fabricant sans usine est une spécificité régionale : il assure
la conception et la commercialisation du produit. Pour le tissage, il
fait appel à ses façonniers qui assurent les opérations de fabrication.
Cette structure a des avantages pour les tissus de nouveauté,
car elle permet souplesse et créativité ; pour les unis classiques, elle
a plutôt des inconvénients car elle parcellise les ordres.
Cette structuration est en évolution du fait de la crise qui a fait
disparaître les entreprises mal adaptées.

1970 1978

Fabricant sans usine 206 146


Fabricant avec usine 151 127
Façonnier tisseur 186 65

543 338

De plus, certains façonniers tisseurs cherchent à vendre directe-


ment. Les inconvénients de cette structure se sont donc atténués, mais
il n'est pas certain que l'évolution soit terminée.
Malgré la disparition de nombreuses petites entreprises, la
branche reste peu concentrée.

Nombre d'entreprises

Tranche d'effectifs

1970 1976

Supérieur à 200 13 9
51 à 200 61 54
11 à 50 199 110
Moins de 10 270 191

543 364

Ce sont surtout des fabricants sans usine ou des façonniers tis-


seurs qui ont disparu.
- 43 -

L'intégration des stades de production est pratiquement inexis-


tante, sauf pour les plus importants : Textile Soie Réunie, Texunion.
En revanche, il existe une intégration géographique : en effet,
on trouve dans la région lyonnaise la filière complète aboutissant au
tissu fini : producteurs de fibres, moulinage, teinture et impression
spécialisés dans le traitement des tissus de soierie.

6. L'ennoblissement.

a) Présentation du secteur.

Cette branche intervient à tous les niveaux dans le processus


d'élaboration des articles textiles :
— teinture de la matière en bourre et en ruban ;
— teinture en fils ;
— teinture, blanchiment, impression, apprêts d'articles tissés
ou tricotés.

Elle confère des qualités « nobles » aux articles traités : coloris :


stabilité, infroissabilité, confort...
Les produits traités sont d'une grande diversité de par leur
composition (textiles naturels, artificiels ou synthétiques) et de par
leurs contextures (articles tissés, tricotés, non tissés, dans une large
gamme de poids) ; quant aux emplois, ils sont des plus divers : usage
vestimentaire, ameublement, linge de maison, usages industriels.

b) Importance économique.

L'industrie française de l'ennoblissement a réussi à se maintenir


et même à progresser en volume dans un contexte défavorable pour
l'ensemble du textile.
En 1979, elle a réalisé un chiffre d'affaires de 3,5 milliards de
francs, soit 6 % du chiffre d'affaires de l'ensemble de l'industrie
textile.
Sa valeur ajoutée, selon les matières, et la finition, est de l'ordre
de 33 % de la valeur de l'écru pour les étoffes ; elle peut dépasser
100 % pour les fils et pour certains tissus.
On peut l'estimer, pour l'ensemble, à 30 à 50 % de la valeur de
l'écru (de 1 F au kilogramme blanchiment à 55 F au kilogramme pour
l'impression soie).
La gamme des prix est large, en raison de différents facteurs :
valeur du produit traité, performances exigées par le client, traite-
ments de finition avec apprêts plus ou moins onéreux (foulage, grat-
— 44 --

tage pour les lainages ; impression, moirage pour les soieries ; mer-
cerisage, fils et tissus ; hydrofugation, etc.).
La production, qui est de l'ordre de 450.000 tonnes/an, est
assurée par 31.000 salariés. Elle se répartit en quantité par moitié
chez les intégrés (filature, tissage ou bonneterie) et chez les façon-
niers (en C.A. (1) : un tiers intégrés et deux tiers façonniers).
La part des intégrés est plus forte dans certains secteurs (coton
en particulier).
Les intégrés ne peuvent maîtriser toutes les techniques et ré-
pondre à tous les besoins ; ils sont dominants pour les productions
courantes de séries relativement importantes. Leur structure et leurs
moyens leur permettent des prix de revient compétitifs.
Les façonniers, très spécialisés, sont parfois fournisseurs des in-
tégrés ; par vocation et par nécessité, ils sont créateurs de traitement et
d'articles nouveaux, par la suite développés par les intégrés.
Ils drainent la production de centaines d'entreprises de tis-
sage ou de maille de petite et moyenne importance.
La production est assurée par 450 entreprises, réparties dans
le Nord, l'Est et la région Rhône-Alpes. Un cas particulier est à
noter : depuis dix ans, le développement de la maille en particu-
lier dans le sportswear ( + 3 % par an), a entraîné la constitution
d'un puissant outil moderne sur la place de Troyes, deux teinturiers
à façon réalisant les deux tiers du marché total.
Quelques entreprises françaises se sont implantées à l'étran-
ger (Afrique en particulier) pour compléter les unités de filature
et de tissage (groupe Schaeffer par exemple) ; le groupe Texunion
est bien implanté en Allemagne avec sa filiale K.B.C.
Des firmes compétitives de toute taille sont présentes dans ce
secteur. Deux leaders incontestables ont d'ores et déjà atteint la
dimension internationale : Texunion et Schaeffer.
On peut donc constater que ce secteur souffre moins que les
autres branches de la concurrence étrangère. Quelle que soit l'évo-
lution des autres professions textiles, il restera un avenir pour ce
secteur, dès lors que les entreprises seront bien placées au regard
des facteurs clés de compétitivité.

7. Les usages techniques et industriels des produits textiles.

a) Présentation.
Les usages techniques et industriels des produits textiles sont
très mal connus en France sous leur aspect global : ils représen-
tent cependant environ 18 % des utilisations totales de fibres,

(1) Chiffre d'affaires.


-45-

mais ils sont répartis entre la filature, les tissages cotonniers et


lainiers, la bonneterie et les non-tissés, et sont destinés à des usages
multiples.

La plus grande partie des usages techniques provient de pro-


duits tissés : les livraisons françaises annuelles ont été de 380 mil-
lions de mètres carrés en 1979 (320 millions en 1975). Mais cette
progression recouvre des évolutions contrastées selon les produits.
Mais on trouve également des usages techniques importants pour
les non-tissés et les étoffes en maille. Il en résulte une gamme très
diversifiée de tissus à usage industriel et technique :
— en raison de la diversité des fibres utilisées : naturelles ou
chimiques classiques, fibres à usage technique : verre, carbone ;
— en raison des techniques mises en oeuvre : création de fibres
spécifiques, tissage, enduction, imprégnation, non-tissé ;
— en raison de la multiplicité des usages à satisfaire :
• pouvoir absorbant (pansements) ou filtration,
• protection : vêtements professionnels, tissus non feu, cein-
ture de sécurité, bâches, tentes de camping,
• stabilisation et drainage des sols : géotextiles,
• usages industriels : feutres pour papeterie, isolants électri-
ques, rubans pour machines et ordinateurs, sièges automobiles,
• usages techniques divers : tuyaux et courroies à performan-
ces particulières : cannes à pêche, skis, structures gonflables, coques
de bateaux...,
• usages militaires spécifiques : tenues de combat non repé-
rables aux infrarouges, vêtements de protection contre les gaz
toxiques...

Ces tissus doivent répondre parfaitement aux usages auxquels


ils sont destinés ; mais ces usages sont en constant développement,
même si parfois, pour chacun d'eux, le marché est très étroit : de
l'ordre de quelques centaines de milliers de mètres. La prospection
du marché et la mise au point des produits, pour les articles les
plus techniques, sont également très particulières : elles se font en
étroite collaboration avec les utilisateurs, et ceux-ci sont très fidèles
lorsque le produit répond à leur attente : d'où une obsolescence
parfois très lente de ce type d'articles. L'accès au marché est très
difficile pour les tissus qui doivent répondre à des normes tech-
niques strictes, ce qui nécessite une spécialisation et des efforts
constants de recherche de développement.

De ce fait, même si globalement le pourcentage des tissus


industriels par rapport à l'ensemble des tissus livrés reste relative-
46 r.

ment modéré, certains sous-secteurs ou marchés devraient connaî-


tre des évolutions favorables. On peut citer notamment :
— les géotextiles ;
— les tissus de verre ;
— les composites armés (plastiques) ;
— les containers en toile synthétique ;
— les travaux marins (câbles) ;
— l'isolation ;
— les usages médicaux (pansements) ;
— les usages de loisirs (voiles, tentes) ;
— la filtration.

b) Importance du secteur.

— Données générales.

Les tissus techniques qui représentent au total 380 millions


de mètres carrés, se répartissent ainsi :
tissus de verre 38 millions de mètres carrés
(en croissance)
— pansements 180 millions de mètres carrés
(en croissance)
— tissus pour enduction . 40 millions de mètres carrés
(légère régression)
— rubans ordinateurs 6 millions de mètres carrés
— feutres 3 millions de mètres carrés
— tissus pour vêtements pro-
tection 5 millions de mètres carrés
— tuyaux et courroies . . . . 6 millions de mètres carrés
— autres (filtration, bâti-
ments, peinture, bâches,
voiles ) 100 millions de mètres carrés
(environ)
— Exemples de produits performants.

• Les tissus de verre :


La fibre de verre, qui a fait son apparition dans les années
cinquante, connaît depuis lors une croissance de 5 à 10 % par an
en volume.
Le taux a même atteint 50 au cours de la saison 1978-1979,
particulièrement exceptionnelle.
-47-

En France, les fournisseurs de fibres à l'industrie textile sont :


— Vetrotex Saint-Gobain à Chambéry ;
— Owens-Corning Fiberglas France.

La production française de tissus de verre est passée de 8.306


à 13.190 tonnes de 1975 à 1979, soit une progression de 54 %.

Les six premiers producteurs français sont les suivants :


— Porcher ;
— Stevens Genin (filiales de Stevens U.S.A.) ;
— Brochier (filiales de Stevens U.S.A.) ;
— Colcombet ;
— Chamarat ;
— Sotiverre (filiale de Saint-Gobain).

Dans les entreprises de tissage, ces fils sont tissés sur les mêmes
métiers sans navettes que les autres tissus : Fatex, Dornier, Ruti.
Les entreprises les plus importantes intègrent les activités de fini-
tion (Porcher, Stevens). Pour le roving (tissu employé avec la résine
polyester), la tendance est à l'intégration avec les producteurs de
fibres de verre.
La balance commerciale est largement excédentaire en tissus
de verre : + 249 % en 1979 (taux de couverture). Les exportations
ont progressé de 64 % de plus que les importations de 1975 à
1979.

• Géotextiles :

Le marché français est de 15 à 20 millions de mètres carrés par


an, dont 10 % de produits tissés. Le taux de croissance moyen est
de 20 % par an.

La production est assurée par :


— Rhône-Poulenc : usine de Bezons (Bidin) 50 % de la pro-
duction ;
— Sodoca en Alsace : 20 % de la production ;
— D'autres sociétés françaises (par ex. : Sommer) espèrent déve-
lopper de nouveaux produits.

Les utilisations sont diverses :


— terrassement ;
— réalisation de drains agricoles et routiers ;
— stabilisation de sols marins ;
- 48 -

— construction de barrages en terre, d'aéroports ;


— stabilisation de berges de canaux.

• Usages médicaux :

Ce sont les ouates et pansements. La production d'ouates a at-


teint 28.902 tonnes en 1979.
Pour les pansements, la livraison des tissages a été de 5.785
tonnes, et la production de tissus à pansements de 190 millions de
mètres carrés.
Le seul marché important en croissance et qui prouve une va-
leur ajoutée significative est celui des tissus pour pansements.
La société Texor (Cotonnière de Côte-d'Or) réalise à elle seule
40 % des livraisons.

8. L'industrie linière.

L'industrie linière française est très importante et se situe au


premier rang des pays occidentaux puisqu'elle représente :
— 30 % des filateurs européens ;
— 25 % des tisseurs européens.

Cette industrie a une position originale car c'est la seule industrie


textile française qui repose sur un approvisionnement national : en
effet 80 % des surfaces cultivées de l'Europe de l'Ouest se trouvent
en France, soit environ 46.000 hectares.
La production de paille, qui occupe 6.200 liniculteurs, s'élève à
300.000 tonnes.
En ce qui concerne le teillage, la production de filasses s'élève
à 60.000 tonnes, soit 65 % de la production européenne. 20.000
tonnes de filasses sont destinées à la filature française.
La filature produit 10.000 tonnes de filés, dont 6.000 pour la
consommation française, ce qui représente 30 % de la production
de la Communauté économique européenne.
Enfin, le tissage a une production de 8.400 tonnes de tissus re-
présentant 25 % de la production européenne. Au total, la transfor-
mation du lin en France concerne près de 12.000 personnes.
- 49 -

9. L'industrie de la broderie.

a) Le produit.

Si la broderie peut apparaître comme un produit homogène dans


la mesure où le matériel utilisé pour sa fabrication est sensiblement
le même, les différentes techniques employées dans la gamme opéra-
toire, les différentes utilisations données au produit, donnent nais-
sance à des catégories bien précises qui évoluent de façon divergente
sur les marchés car elles occupent des créneaux différents.
La broderie est rarement un produit fini. Si les napperons, écus-
sons ou laizes de broderie anglaise peuvent être commercialisés tels
quels, la majeure partie de la broderie fabriquée entre dans l'élabora-
tion des autres produits auxquels elle apporte soit la touche luxueuse
soit l'élément essentiel dans l'identification du produit.
Cette complémentarité rend ainsi la broderie souvent sensible
aux fluctuations commerciales de son support.

La répartition des usages de la broderie a évolué de façon sen-


sible entre 1978 et 1979 ;
— 43 % pour l'ameublement en 1979 (contre 37 % en 1978) ;
— 20 % pour les nouveautés en 1979 (contre 32 % en 1978) ;
— 37 % pour les tissus motifs et galons (contre 30 % en
1978).

La baisse sensible observée pour les nouveautés (baisse de 45


du chiffre d'affaires) semble avoir pour origine l'apparition sur son
créneau, davantage en France que sur les marchés extérieurs, d'un
concurrent très sérieux, la Corée du Sud, qui offre des produits compa-
rables à un prix inférieur de près de 50 % au prix des produits fran-
çais.
b) Les structures.

La structure de la profession peut être abordée par la maîtrise


qu'ont les différents intervenants sur les deux domaines clés de la pro-.
fession : la commercialisation et la production. On peut ainsi distin-
guer trois types d'intervenants :
— les fabricants qui assurent la commercialisation et une partie
de la production ;
— les commerçants en broderie qui ne font que la commerciali-
sation ;
— les façonniers qui assurent la production pour les deux pre-
miers.
Sénat 282. — 4
50 -

• La structure géographique.

La broderie française est géographiquement extrêmement


concentrée : 95 % des entreprises françaises de broderie se trouvent
dans la région Nord - Pas-de-Calais.

• La structure par taille.


L'activité de broderie est essentiellement artisanale, 88 % des
entreprises employant moins de 10 salariés. La structure détaillée du
secteur est la suivante :
— 67 % des entreprises ont 1 salarié.
— 24 % des entreprises ont de 2 à 10 salariés.
— 9 % des entreprises ont plus de 11 salariés.

c) Le marché.

— La consommation française.
EVOLUTION DE LA CONSOMMATION FRANÇAISE DE BRODERIE

1976 1977 1978 1979

Valeur (1.000 F) 118.016 192.950 228.935 247.182


Volume (tonnes) 1.164 1.690 1.821 1.846

L'évolution de la consommation française laisse apparaître


une baisse sensible dans le rythme d'expansion du marché. Ainsi
en trois ans, le taux de croissance en volume est passé de 4,5 % à
1,4 %. La tendance laisse présager une relative stagnation du marché
français de la broderie, tendance qu'il conviendrait cependant d'ana-
lyser de plus près pour en vérifier la généralisation à tous les produits
de broderie. Le marché du macramé qui a progressé de 1978 à 1979
de 22 % en valeur (passant de 19,8 à 24,2 millions de francs)
semblerait échapper à cette tendance, mais il ne représente que
10,7 % du marché français de la broderie.
— 51 —

— La production.

La production française a baissé en volume de plus de 17 %


en un an comme l'indique le tableau ci-après :

Années Production Exportation f Marché intérieur

1976 1.955 1.147 808


1977 2.535 1.133 1.302
1978 I 2.260 961 1.299
1979 I 1.870 792 1.078

Mais l'évolution est très variable selon le produit fabriqué.

1978 1979

Total Marché Total Marché


Export
ventes Intérieur ventes intérieur

iesellblement :
% Macramé ao 25 15 43 25 18
Il voiles et tulle brodés i 60 48 j 12 63 51 12
knicles « nouveautés » et genre outre-mer 87 30 57 48 23 25
111.,._
.
rn.:
-"mi motifs et galon pour lingerie, linge de
-"Illio n, prêt-à-porter I1 82 13 i 69 94 8 86

Total 269 116 153 248 107 141

Cette présentation des diverses branches de la filière textile


fait apparaître leur diversité, mais aussi leur interdépendance et
leur solidarité. Cette interdépendance est manifeste tant sur le plan
technique qu'économique :
— sur le plan technique, il est évident que les spécificités des
produits finis dépendent pour une large part des caractéristiques
des produits intermédiaires (tissus, fils) et des traitements subis par
ces produits (teintures, apprêts...). Ceci est vrai quelles que soient les
qualités techniques considérées : créativité, solidité, imperméabilité,
chaleur, confort... ;
— sur le plan économique, il apparaît que chaque stade de
production, pour être compétitif, a besoin d'un amont et d'un aval
- 52 -

eux-mêmes compétitifs : il est très dangereux de dépendre de l'exté-


rieur pour une part trop importante de ses approvisionnements
ou de ses débouchés. Progressivement, les pays qui se développent
sur un stade de production à l'extrémité (filés) ou à l'autre (confec-
tion) de la filière auront tendance à vouloir intégrer le maximum de
valeur ajoutée : la délocalisation d'une activité de la filière, si elle
n'est pas maîtrisée par les entreprises du pays, débouche sur une
délocalisation de plus en plus étendue.
Les produits intermédiaires peuvent avoir une valeur stratégique
pour la compétitivité des industries d'aval : c'est vrai notamment au
niveau du tissage et de l'ennoblissement. Il en est de même au niveau
des matières premières, qu'elles soient naturelles ou chimiques. C'est
pourquoi la France doit s'efforcer de conserver la maîtrise d'une
filière industrielle complète, afin de préserver la compétitivité de tous
les stades de production.

II. — L'INDUSTRIE DE L'HABILLEMENT

Pour être plus récente, la crise qui frappe les industries fran-
çaises de l'habillement n'est pas moins aiguë que celle qui existe
dans le secteur du textile.
Dans cette situation, on assiste à une restructuration rapide d'un
secteur qui se caractérise par une grande diversité dans la taille
des entreprises, le degré de mécanisation ou les performances à
l'exportation.
Cette diversité rend malaisée une description globale de l'indus-
trie de l'habillement dont les difficultés sont cependant liées à celles
qui frappent l'industrie textile, ne serait-ce que parce que l'habille-
ment représente 50 % des usages finals du textile. Mais il est indé-
niable que les intérêts et les perspectives des deux professions ne
se recouvrent pas entièrement ; aussi, la commission ne peut-elle que
déplorer que les études effectuées par le ministère de l'Industrie
englobent généralement ces deux secteurs sans prendre en compte
la spécificité de leurs difficultés respectives.
Elle a cependant tenté d'analyser la situation actuelle des
industries de l'habillement pour situer les données de la crise qui
la frappe aujourd'hui et retracer les structures de la profession.
Outre une description globale, cette analyse s'attachera à four-
nir quelques aperçus sectoriels sur la situation respective de la
confection masculine, la confection féminine, le vêtement d'enfant,
l'industrie du sous-vêtement et celle du parapluie.
-53-

UNE INDUSTRIE COMPOSÉE POUR L'ESSENTIEL


DE PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES

1. Situation générale.

— En 1979, l'industrie française de l'habillement comptait


3.548 entreprises (ce chiffre est tombé aux environs de 3.200 en
1980) ; la même année, le chiffre d'affaires se montait à 25,3 mil-
liards de francs (environ 26,5 milliards en 1980) dont le tiers était
réalisé par 2 % des entreprises (les 76 premières). Notons égale-
ment que sur ces 3.500 entreprises, 1.250 avaient un chiffre d'affai-
res inférieur à un million de francs.
La structure industrielle de l'habillement est très dispersée :
sur 3.000 entreprises, 400 emploient plus de 100 personnes et réa-
lisent 60 % du chiffre d'affaires. Les 53 entreprises qui emploient
plus de 500 personnes représentent 25 % de ce chiffre d'affaires.
Au total, l'industrie française de l'habillement occupe le second
rang dans la C.E.E., derrière l'industrie anglaise ; elle s'adresse
à un vaste marché intérieur qui représente environ 80 milliards
de francs et exporte près du quart de sa production, soit environ
6 milliards de francs, ce qui conduit à une rentrée nette de devises
de 600 millions de francs.
La balance commerciale de cette industrie est en effet posi-
tive grâce à un excédent de deux milliards de francs, réalisé pour
l'essentiel par les échanges commerciaux avec les pays industria-
lisés. Relevons que ces résultats sont très différenciés suivant les
produits et les firmes.
- 54 -

L'évolution du marché intérieur et des échanges extérieurs de


1975 à 1980 est décrite dans le tableau suivant :
(En millions de fral ee

1975 1976 1977 1978 1979 1900 (e)

Chiffre d'affaires 18.080 20.193 22.012 22.983 25.300 26.500


Exportations 3.217 3.629 4.564 4.951 5.540 6.200
Production nationale destinée au marché inté-1
rieur 14.863 16.564 17.448 18.032 19.760 20.300
Importations 1.672 2.600 3.220 3.350 4.744 5.600
Solde des échanges 1.545 1.029 1344 1.601 796 600
Consommation 16.535 19.164 20.668 21382 24.504 25.900
Taux de pénétration des importations :
• en valeur 10,1 % 13,6 % 15,6 % 15,7 % 19,4 £'/0 21,6«,
• en volume 28,5 % 28,1 % 39,8 % 43,1 96

(e) Estimation.

On note une progression sensible des exportations ( + 16 %


l'an), résultat d'une politique de déploiement sur l'ensemble des
marchés internationaux, mais aussi une forte poussée des importa-
tions (+ 21 % en moyenne annuelle) avec comme double consé-
quence :
• une réduction du solde positif des échanges extérieurs à
600 millions de francs en 1980 contre 1,6 milliard de francs en
1978;
• une pénétration accrue et régulière des importations sur le
marché intérieur, importations qui représentent en volume 43,1
de la consommation contre 28,1 % en 1978 et 39,8 % en 1979.

Le marché intérieur de l'habillement est marqué depuis environ


sept ans par une évolution de ses structures qui s'exprime par un
fléchissement des débouchés traditionnels et par une contraction
de la demande qui a stagné depuis 1973.
Cette récente contraction du marché intérieur s'est accompa-
gnée de l'émergence d'une concurrence internationale très vive,
d'une double provenance : de nouveaux producteurs à bas prix
(Sud-Est asiatique, pays à commerce d'Etat et, dans une moindre
mesure, Afrique), et de pays industrialisés (Etats-Unis, Europe médi-
terranéenne).
La conjugaison de ces deux facteurs a conduit à la réduction
du nombre des entreprises relevée plus haut (environ 300 fermetures
- 55 -

entre 1979 et 1980) et par conséquent à une réduction de la main-


d'oeuvre d'environ 20.000 personnes dans le même temps.
En résumé, l'industrie française de l'habillement qui s'appuie
sur la traditionnelle primauté française en matière de mode vesti-
mentaire, surtout féminine, avait pris un essor considérable il y a
une vingtaine d'années avec la diffusion du prêt-à-porter. Cette
industrie de main-d'oeuvre, essentiellement féminine, dont l'implan-
tation est très diffuse sur l'ensemble du territoire national, représen-
tait en 1979 une valeur ajoutée brute de 10,7 milliards de francs
(environ 11,2 milliards en 1980), dont les trois quart étaient repré-
sentés par les salaires.

2. Description sectorielle.

a) La confection masculine.
Données générales.

Elle comprend les industries de fabrication de vêtements de


dessus pour hommes en tissus ou en étoffe à mailles, mais non les
entreprises de production de ces étoffes.
Elle se compose de deux activités principales :
— la draperie, c'est-à-dire la fabrication des vêtements de
ville traditionnels (costumes, vestes, manteaux) ;
— le sportswear qui englobe la fabrication de vêtements d'usage
courant de facture non traditionnelle.
Cette industrie employait 90.000 personnes en 1979, dont
76.300 femmes, pour un chiffre d'affaires de 9,3 milliards de
francs. La consommation intérieure est alimentée, en valeur, par
la production nationale pour 80 %.
L'évolution du marché intérieur depuis 1977 est retracée dans
le tableau suivant :
(En milliards de francs.)

1977 1978 1979

Production en valeur 8,3 9,3 (e) 9,7


Exportation 1,2 1,2 1,4
Production pour marché intérieur 7,1 8,1 (e) 8,3
Importation 1,3 1,3 2
Consommation 8,4 9,4 (e) 10,3
Emploi (nombre de personnes) 96.589 93.335 (e) 90.000
1

(e) Estimation.
— 56 —

La profession est dispersée : sur un total de 939 entreprises


(en 1978), 787 avaient un chiffre d'affaires en confection masculine
inférieur à 10 millions de francs. Leur répartition par chiffre d'affaires
est la suivante :

C.A. des entreprisse


Nombre
t•entraqpriees C.A. total
Chiffre d'affaires
en confection masculine
Pr Par
Cumulés Cumulée
catégorie migre*

Supérieur à 100 millions de francs . 8 8 23,4 25,4


De 40 millions de francs à 100 mil-
lions de francs 31 39 24,4 47,8
De 10 millions de francs à 40 mil-
lions de francs 113 152 29,5 77,3
Moins de 10 millions de francs 787 939 22,7 100

Total 939 100

Une même ventilation ne peut être faite par nombre de salariés


employés, beaucoup d'entreprises ayant une activité plus large que la
confection masculine et produisant des vêtements féminins ou de la
chemiserie lingerie.
— 57 —

Une analyse plus fine de la structure du secteur est opérée dans


le tableau suivant :
REPARTITION DU CHIFFRE D'AFFAIRES ET DU
NOMBRE D'ENTREPRISES PAR SPECIALITE

Chiffre d'affaires hors taxes


Nombre
s-tes
d'entreprises
Montant
Pourcentage
(en francs)

Vêtements de ville hommes 413 3.199.695.000 35,38


37,38
Vêtements de ville garçons (stature 102
à 168) 138 181.280.000 2,00
Vêtements de loisir et sport hommes 529 2.880.308.000 31,85
44,21
Vêtements de loisir et sport garçons
(stature 102 à 168) 289 1.118.210.000 i 12,36
Vêtements en cuir, peau et assimilés
pour hommes 165 274.007.000 3,03 /
3,12
Vêtements en cuir, peau et assimilés 1
pour garçons (stature 102 à 168) 32 8.252.000 0,09
Vêtements de pluie et de protection
pour hommes 102 265.399.000 2.93
Vêtements de pluie et de protection
pour garçons (stature 102 à 168) 34 56.468.000 0.62 s 3,55

Vêtements professionnels et de travail


pour hommes et garçons 186 1.018.154.000 11,26 11,26
Vêtements en matière plastique pour
hommes et garçons 21 42.108.000 0,48 0,48

Totaux (1) 1.239 9.043.881.000 '100,00 100,00

(I) Ce total est inférieur à la somme des chiffres de cette colonne, en raison de la polyvalence de
fabrication de certaines entreprises.

• Les vêtements e de ville » (costumes, vestes, pantalons draperie, pardessus et


assimilés) représentent 37,4 % du chiffre d'affaires total du vêtement masculin.
• Les vêtements de loisir représentent 44,2 % du total, contre 20 % en 1970.

Cependant, deux des huit plus importantes entreprises emploient


au total plus de 3.000 personnes, trois plus de 2.000 et deux plus de
1.000.
Le marché international est marqué par un très grand nombre de
producteurs, mais les articles de qualité sont issus des seuls pays
industrialisés. Les exportations françaises, qui représentaient en 1979
14 % de la production, soit 1,4 milliard de francs, sont composées
essentiellement de produits de marque.
Quant au marché intérieur, il est caractérisé par une dépense
moyenne par habitant d'environ 1.100 francs en 1979.
- 58 -

La draperie.
Cette industrie, qui recouvre la confection de vêtements tradi-
tionnels pour la ville, représente environ un tiers de la confection
masculine, mais son importante relative décroît progressivement du
fait des habitudes vestimentaires qui conduisent à un recours accru
au « sportswear ». Mais c'est dans ce type de production que se
trouvent les plus grandes firmes de confection masculine (Biderman,
Vestra Union, Fils de Joseph Weil).
En volume, le marché français de ces produits était, en 1978,
de 4,5 millions de costumes, 10 millions de pantalons. 3 millions de
vestes et 1,2 million de manteaux ; il est alimenté pour les trois
quarts par la production nationale. Ce sont dans les bas de gamme
(moins de 600 F de vente au détail), soit 17 % du marché, que les
fabrications étrangères dominent, le haut de gamme (plus de 1.000 F
au détail, 20 % du marché) est tenu par la production nationale
vendue sous marque ou griffe de couturier. La gamme de prix tend
d'ailleurs à se resserrer, les différences de prix provenant essentielle-
ment de la qualité des tissus et des finitions.
Le marché international des vêtements de draperie se circonscrit
à l'Europe et aux Etats-Unis, avec une pénétration croissante du
japon.
Pour le costume, les grands pays producteurs, en dehors de
la France, sont la R.F.A., la Grande-Bretagne, l'Italie, les pays de
l'Est et les Etats-Unis.
Le marché français s'est contracté de 2 à 3 % par an ces der-
nières années, mais représente encore 9 milliards de francs de dépense
de consommation.
Les exportations de l'industrie française ont atteint 19 % de
la production pour le costume, dont la moitié réalisée par la société
Biderman.
La production est concentrée : en 1978, 55 % ont été assurés
par les quatre plus importants fabricants ; 85 % de la fabrication
étaient réalisés par 54 producteurs : la restructuration se poursuit
d'ailleurs du fait de la vive concurrence de l'importation et des pro-
ducteurs français entre eux.
Cette production est très industrialisée et les usines de 800 à
1.000 personnes sont assez nombreuses, notamment pour le milieu
de gamme qui représente 70 % de la production nationale.

Les trois plus grandes entreprises sont ainsi décrites par la


profession :
— Le groupe Bidertnann :
C.A. du groupe 1978 : 800 millions de francs en France.
Outil de production de qualité.
- 59 -

Emploi fin 1978 : 7.000 personnes.


Très exportateur.
Déjà implanté industriellement et commercialement hors de
France.
— Le groupe Vestra-union.
C.A. du groupe en 1978 : 400 millions de francs.
Emploi fin 1978 : 3.500 personnes.
Outil de production de haute qualité.
— Le groupe Weil de Besançon.
C.A. du groupe en 1978 : 450 millions de francs.
Emploi fin 1978 : 2.200 personnes.
Outil de production de qualité.
Forte rentabilité.

Une illustration concrète des types de produits issus de l'indus-


trie de la draperie est donnée par le tableau suivant qui récapitule
la production de 1979 :
PRODUCTION DE VETEMENTS DE VILLE POUR HOMMES ET GARÇONS

Nombre d'articles

Articles Total
Hommes et Garçonnets
Maton stature 102.168

Costumes 2 ou 3 pièces (y compris les


costumes légers) 3.606.897 245.745 3.852.642
Costumes de cérémonie (smoking, ja-
quettes, habits) 22.678 7.284 29.962
Vestons seuls et blazers 1.985.050 140.976 2.126.026
Gilets séparés 369.224 31.169 400.393
Pantalons séparés et culottes courtes
draperie (laine ou mélange) 7.923.930 1.328.850 9.252.780
Pardessus et assimilés (autocoats, duffle- '
coats, cabans, lodens) 763.976 170.880 934.856
Uniformes 138.408 5.435 143.843 •

Totaux 14.810.163 1.930.339 16.740.502

Les deux tableaux ci-dessous décrivent, pour la même année,


la production de vêtements de sport et de vêtements de travail :
60 -

PRODUCTION DE VÊTEMENTS DE LOISIR ET DE SPORT POUR


HOMMES ET GARÇONS

Nombre d'articles

Articles Total
Hommes et Garçonnets
Juniors stature 102-168

Pantalons de loisir (style, jeans, sports-


wear) 15.693.915 9.066384 24.760.499
Blue jeans (en denim) 5.546.084 2.898.431 8.444315
Shorts d'été, bermuda, etc. 1.038.901 3.183.139 4.222.040
Culottes de sport (tennis, gymnastique,
football, etc.) 1.950.978 1322.754 3.473.732
Blousons et sahariennes (toutes fibres) 3.052.491 1.174.815 4.227.306
Maillots, slips et boxer-shorts de bains 2367.060 1.012.375 3.379.435
Fuseaux et pantalons de ski 467.046 297.605 764.651
Anoraks, blousons sports d'hiver 1.209.367 1.247.187 2.456354
Survêtements de sports 462.077 384.646 846.723
Vêtements de chasse et pêche 530359 4.902 535.261
Autres articles 653330 767.559 1.420.889
Totaux 32.971.608 21.559.997 54.531.605

PRODUCTION DE VÊTEMENTS DE TRAVAIL ET PROFESSIONNELS POUR


HOMMES ET GARÇONS

Nombre d'articles

Articles Total
Hommes et Garçonnets
Juniors stature 102-168 j

Vestes professionnelles séparées 940.842 2384 943.426


Pantalons professionnels séparés 927.909 2.213 930.122
Vestes et blousons de travail séparés 3.289.374 10 3.289.384
Pantalons de travail séparés 5300.857 560 5.501.417
Combinaisons à manches 3.774.978 35.776 3.810.754
Cottes à bretelles 1.849.037 2.416 1.851.453
Blouses pare-poussière 2.105327 783.458 2.888.785
Vêtements à base de non-tissé 18.445 18.445
Vêtements sacerdotaux 3.430 3.430
Tabliers professionnels 817366 323.972 1.141.538
Vestes séparées de travail en velours . 24.926 49 24.975
Pantalons séparés de travail en velours 68.765 72 68.837
Treillis 297.214 ■ 297.214
Totaux 19.618.670 1.151.110 20.769.780
- 61 -

On voit que les importations qui proviennent pour 80 % du


Sud-Est asiatique occupent, en volume, plus de la moitié du marché
intérieur.

b) La confection féminine.

C'est l'industrie de fabrication de vêtements de dessus pour


femmes, en tissu ou étoffe à mailles. Elle ne comprend pas les
entreprises produisant ces étoffes.
Cette industrie employait, en 1980, 82900 personnes ; la même
année le chiffre d'affaires se montait à 10,265 milliards de francs.
Son évolution depuis 1975 est décrite dans le tableau suivant :
PRET - A- PORTER FÉMININ
(En millions de francs.)

1975 1976 1977 1978 1979 1980 •

Chiffre d'affaires 6.724 7.610 8.211 9.050 9393 10.265


Importations 576 909 1.114 1.278 1.787 2.045
Exportations 1.939 2.071 2.596 2.980 3.306 3.714
Consommation apparente 5361 6.448 6.729 7.348 8.074 8.596
Nombre d'entreprises 2.592 2.579 2.508 2.375 2.254 2.100
Pénétration des importations :
• en valeur 11 % 14 % 17 % 17 % 22 % 24 %
• en volume 23 % 23 % 33 % 38 %

Effectifs 86.740 89.480 78.570 83.290 88.900 82.900

* Estimations.

On relève que les échanges extérieurs dégagent un solde positif


important et que la consommation intérieure est alimentée, pour sa
plus grande part, par la production nationale.
La structure industrielle est très dispersée ; la production est
morcelée en un grand nombre d'entreprises, dont le taux de renouvel-
lement est élevé. Il existe peu de sociétés de grande dimension au
sein des 1.718 entreprises présentes en 1978. Leur répartition par
chiffre d'affaires est décrite ci-après :
- 62 -

Pourcentage C.A. des


Chiffre d'affaires Nombre d'entreprises entreprises
C.A. total
en
confection féminine
Par Par
Cumulés Cumulés
catégorie catégorie

Supérieur à 100 millions de francs . 2


De 40 millions de francs à 100 mil-. 34 26,8 26.8
lions de francs 32
De 10 millions de francs à 40 mil-
lions de francs 149 183 33 59,8
Moins de 10 millions de francs 1.515 1.718 40,2 100

Total 1.718 » 100

La contrainte principale qui pèse sur cette industrie est la sou-


plesse dans la production comme dans la fabrication. En effet, aux
évolutions imposées par la mode s'ajoute l'obligation de se diffé-
rencier des productions concurrentes, nationales ou étrangères (no-
tamment italienne). Aussi, la créativité est-elle un impératif, dans les
formes, les matières et les coloris. Les collections se renouvellent au
moins deux fois par an.
La fabrication doit suivre la multiplicité des modèles (une
cinquantaine par saison) par la fourniture de séries modestes, im-
pliquant une remise en cause fréquente de l'organisation de la pro-
duction. La profession s'est d'ailleurs dotée d'un Centre de coordina-
tion des industries de la mode dont la fonction est de rassembler
toutes les données des opérations de la filière textile (fabricants de
fibres, filateurs, tisseurs, imprimeurs, stylistes, confectionneurs et
commerçants) pour s'efforcer de prévoir les grandes tendances de la
modes au moins un an à l'avance. La politique de marques est très
développée.
Le marché international est caractérisé par la position domi-
nante des pays européens en matière de création, les pays à bas
salaires se concentrant sur les produits banalisés.
Les exportations atteignent le tiers de la production et sont
composées presque exclusivement de produits de qualité vendus
sous marque. Près de 30.000 salariés travaillent pour l'exportation.

c) Le vêtement d'enfant.

Les produits de ce secteur dépendent à la fois des industries de


l'habillement et de celles de la bonneterie, ce qui rend son approche
statistique assez malaisée.
- 63 ---

On peut estimer que le marché intérieur regroupe une population


d'une douzaine de millions d'enfants. La consommation de ce secteur
s'élève à 10 milliards de francs environ (14 à 15 % des dépenses
d'habillement des ménages). Ces dépenses englobent des produits
d'une très grande diversité, du costume au sous-vêtement. De sur-
croît, le renouvellement saisonnier des produits est très marqué, en
liaison avec la mode ; on assiste donc à un lancement continuel de
nouveaux produits. A cette variété dans les modèles s'ajoute une
diversité égale dans leur qualité, puisqu'une part importante du mar-
ché est occupée par des produits de bas de gamme, de qualité mé-
diocre et de prix faibles, mais que les produits de prix élevé, valori-
sant la qualité et la créativité, dont la promotion est liée aux marques,
occupent également une place non négligeable.
Les producteurs français ont d'ailleurs une tendance à se spécia-
liser dans ces produits de haut de gamme et de forte créativité, et cer-
tains d'entre eux exportent de 30 à 50 % de leurs fabrications.
En revanche, les importations ont opéré une forte pénétration
sur les produits à bas prix. Ce secteur du vêtement d'enfant est, pour
sa structure industrielle, à l'image de la majorité de la profession :
les fabricants y sont très dispersés — plus de 200 entreprises en
France pour la bonneterie —, la production est très éclatée du fait de
l'absence de grandes séries, et la part de la main-d'oeuvre y représente
de 30 à 40 % du prix de revient.
Cependant, l'industrie française de la bonneterie dispose, dans
cette branche, d'entreprises très compétitives qui réalisent l'essentiel
des exportations ; citons notamment les sociétés Poron (Absorba)
et Valton (Petit Bateau).

d) Les sous-vêtements.

Les articles de ce secteur sont peu diversifiés. Il s'agit de pro-


duits en grande série. Leurs prix unitaires sont ordinairement faibles.
L'apport de qualités spécifiques, notamment dans l'aspect — couleur,
élégance — ou la matière première peuvent parfois justifier leur
augmentation.
Cette tendance à la valorisation explique l'importance du phé-
nomène de marque (Eminence, Gil, Petit Bateau, Damait...), mais le
renouvellement saisonnier et le lancement de nouveaux modèles sont
moins marqués que dans les autres branches de l'habillement.
Le marché national se monte à environ 4 milliards de francs et
la dépense moyenne par personne et par an est de 80 F. Le prix uni-
taire moyen à la production est d'environ 12 F et de 5 F à l'importa-
tion.
En 1978, ce secteur employait 22.000 personnes pour un chiffre
d'affaires de 2.300 millions de francs. Les importations se montaient
- 64 -

à 503 millions, les exportations à 468 millions. En volume, la consom-


mation nationale était cette année de 273 millions de pièces.
Cette consommation est stable, alors que les importations, sta-
gnantes de 1976 à 1978 se sont fortement accrues en 1979 ; elles re-
présentent aujourd'hui près de 40 % du marché et s'effectuent à un
prix unitaire en moyenne très bas. Elles proviennent pour l'essentiel,
soit de l'Europe méditerranéenne (Italie, Espagne, Portugal, Grèce),
soit du Maghreb (Maroc, Tunisie) ou des pays asiatiques (Corée et
Macao).

L'état du marché européen était le suivant en 1978 :


(Millions de pièces.)

Importation

Allemagne 328 50 231


France 192 37 110
Italie 175 29 6
Royaume-Uni 153 20 24

On voit qu'en dépit d'une importante pénétration des impor-


tations, les pays européens ont conservé des productions nationales
importantes qui sont exportatrices.
L'industrie française exporte, quant à elle, 16,4 % de sa produc-
tion, mais ceci est le fait de quelques firmes très compétitives (Emi-
nence). Pour pallier les contraintes qui pèsent sur l'exportation, cer-
tains producteurs ont commencé à installer des ateliers de sous-trai-
tance à l'étranger pour bénéficier des bas coûts de la main-d'oevre ;
ce mouvement n'est pour l'instant qu'amorcé. La main-d'oeuvre reste
en effet importante dans cette industrie, en dépit d'une automatisa-
tion plus marquée dans d'autres branches de l'habillement, du fait
d'une production en grande série, et d'une concentration industrielle
accentuée : les 20 premières entreprises réalisent 75 % de la produc-
tion.

Les deux sociétés les plus importantes sont les suivantes :


— Gillier : 220 millions de C.A. en 1978, 1.970 personnes
employées.
— Eminence : 200 millions de C.A., 2.000 employés.

Deux secteurs méritent une mention particulière, pour des


raisons opposées : l'industrie de la lingerie féminine est marquée
par une restructuration rapide, sous l'aiguillon d'importations qui
ont été multipliées par quatre en valeur depuis 1975, alors que la
société Damart est, elle, en continuelle expansion depuis 1974.
- 65 -

• La lingerie féminine.

L'évolution de la profession depuis 1975 est retracée dans le


tableau suivant :
LINGERIE FEMININE
(En millions de francs.)

1975 1976 1977 1978 1979 1980 •

Chiffre d'affaires 898 1.021 1.044 1.121 1.285 1.386


Importations , 28 47 50 55 95 100
Exportations i 55 48 54 49 64 65
Consommation apparente 871 1.020 1.040 1.127 1.316 1.421
Nombre d'entreprises 371 359 323 338 321 305

• Estimations.

On constate donc dans ce secteur — qui regroupe la production


des sous-vêtements, chemises de jour et de nuit, robes de chambre,
fonds de robe, etc. — une croissance des importations beaucoup
plus marquée que celle des exportations et une diminution du nombre
des entreprises.
Des tendances similaires affectent l'industrie de la corsetterie
— corset, gaine et soutien-gorge — qui comptait 200 entreprises en
1970 contre 78 en 1980. Depuis 1975, 33 entreprises ont disparu,
ce qui a conduit à une perte de 3.328 emplois, soit 28 % de l'effectif
total. Dans ce secteur, certaines importations semblent s'apparenter
à un dumping, puisqu'on a cité à la commission l'exemple de soutiens-
gorge produits par la République démocratique allemande au prix
de 4 F français l'unité, prix qui ne couvrirait pas le montant des
seules matières premières.

• La société Damart.

Cette société, spécialisée dans la fabrication de sous-vêtements


d'hiver, a progressivement étendu sa gamme de produits vers quelques
éléments de prêt-à-porter masculin et féminin. Elle vend elle-même
tous ses produits, sous sa propre marque, soit, en 1980, 6 millions
de sous-vêtements et consomme pour ses fabrications 1.500 tonnes
de fil par an.
Cette société, nous l'avons dit plus haut, se caractérise par une
progression continue et rapide (25 % par an) de son chiffre d'affaires
depuis 1974 (à l'exception de la seule année 1976).

Sénat 282. — 5
- 66 -

Pour ces trois dernières années, cette progression est la sui-


vante :
(En millions de francs.)

1978 1979 1900

Chiffre d'affaires :
— En valeur 434,7 580,4 736,4
— Progression par rapport à
l'année précédente + 21,9 % + 33,5 % + 26,9
Total des achats de produits textiles 199,2 266,5
— Dont importations 4,864 7,455

Les importations de cette firme proviennent principalement


de Belgique, de Grèce et d'Italie et portent essentiellement sur des
produits à base de fibres françaises. 11 a été précisé à la commission
que les founisseurs italiens offraient, à qualité égale, des produits
d'un prix de 40 % inférieur au prix français.
La progression de cette société s'est opérée dans un milieu de
vive concurrence, tant française qu'étrangère.

e) L'industrie du parapluie.

Les principales entreprises productrices de parapluies, qui sont


toutes de type familial, se situent à Autun, Chalon-sur-Saône, Orléans,
Angers, Aurillac, Lyon et dans le sud-ouest de la France. Cette
industrie est en voie de restructuration rapide, comme en témoigne
son évolution depuis 1970 :

— Année 1970 :
• Nombre d'entreprises : 58.
• Effectifs : 1.963 personnes.
• Chiffre d'affaires : 108 millions de francs.
• Production : 4.200.000 pièces.
• Importations : 529.000 pièces.

— Année 1975 :
• Nombre d'entreprises : 39.
• Effectifs : 1.872.
• Chiffre d'affaires : 119 millions.
• Production : 4.220.000 pièces.
• Importations : 2.000.000 pièces.
— 67 —

— Année 1979 :
• Nombre d'entreprises : 28.
• Effectifs : 1.696.
• Chiffre d'afaires : 171 millions.
• Production : 4.000.000 pièces.
• Importations : 3.900.000 pièces.

La plupart des entreprises se consacrent également à la fabri-


cation des parasols. L'évolution du marché français du parapluie
depuis 1976 est retracée dans le tableau suivant :
(1.000 pièces.)

1976 1977 1978 1979

Production 3.381 3.784 4.389 3.997


Importations totales 2.441 3.351 3.219 3.904
extra C.E E 2.162 3.026 2.887 3.391
Exportations totales 176 294 311 362
extra C.E E 48 244 239 289
Consommation apparente 5.646 6.841 7.297 7.539
Pénétration des importations 43 % 50 % 44 9'o 52 %

La situation sur ce point est similaire dans les autres pays


d'Europe, et les sociétés spécialisées liées aux parapluies, notamment
les fabricants de tissu (lyonnais, Maguillat) subissent le contre-
coup de ces difficultés.
- 69 -

CHAPITRE II

UNE FORTE INCIDENCE SUR L'EMPLOI

En dépit d'une réduction régulière et constante des effectifs


employés dans ces industries depuis la fin de la guerre. le textile et
l'habillement ont été et restent essentiels pour l'équilibre économi-
que et social de la France et de ses principales régions.
Les dernières évolutions constatées en matière d'emploi témoi-
gnent cependant d'une situation d'une gravité exceptionnelle.

I. — L'IMPORTANCE ACTUELLE DES SECTEURS DU


TEXTILE ET DE L'HABILLEMENT AU REGARD DE
L'EMPLOI

Cette importance doit d'abord être appréciée globalement puis


comparée aux autres industries largement utilisatrices de main-
d'oeuvre, et enfin être évaluée sur le plan local et régional.

A. — DES SECTEURS FORTEMENT UTILISATEURS DE


MAIN-D'ŒUVRE ET PORTEURS D'EMPLOIS

Les industries du textile et de l'habillement emploient en effet


près de 600.000 personnes dont 330.000 pour le textile et 270.000
pour l'habillement (1), dont 95.000 pour l'industrie du vêtement
masculin.
Les salariés de ces deux secteurs représentent ainsi plus de
10 % de la population active totale employée dans l'industrie et ces
effectifs peuvent être rapprochés de ceux de la construction automo-

(I) Source : U.N.E.D.I.C.


- 70 -

bile (530.000 emplois), de l'industrie chimique (340.000 emplois),


de la construction aéronautique (107.000 emplois), de la sidérur-
gie (123.000 emplois), de l'ameublement (120.000 emplois) et de
la construction navale (49.000 emplois).
La comparaison des effectifs du textile et de l'habillement
avec ceux d'autres industries diversement placées sur le plan de la
concurrence internationale permet de mesurer les conséquences d'une
réduction accélérée de l'emploi dans ces secteurs dans les années à
venir ; les inquiétudes manifestées en ce qui concerne la situation
de l'industrie automobile au regard de l'emploi peuvent être aisé-
ment transposées aux deux secteurs considérés.
En outre, par ses effectifs, l'industrie textile occupe la troi-
sième place au sein de la C.E.E. après l'Italie et le Royaume-Uni.
et l'industrie de l'habillement, la seconde après celle d'outre-Manche.

— La ventilation de l'emploi textile entre les principales bran-


ches fait apparaître les effectifs suivants (en 1979) :
• industrie de la maille 82.500 emplois,
• industrie cotonnière 58.000 emplois,
• industrie lainière 42.000 emplois,
• industrie des teintures et apprêts 25.000 emplois,
• industrie de la soierie 24.000 emplois,
• industrie des textiles artificiels et syn-
thétiques (T.A.S.) 15.000 emplois.

Les mutations, les restructurations et les remaniements intervenus


dans certaines branches, telles que les textiles artificiels et synthétiques
et les industries lainière et cotonnière ont provoqué, avec les pro-
grès considérables de productivité obtenus, des pertes d'emploi
qui seront analysées plus loin et qui se situent entre 14 et 43 %
des effectifs en douze ans selon les grandes branches.
L'appréciation des effectifs du textile et de l'habillement, au
plan national, doit être complétée par une analyse régionale et
locale.

B. — UN EMPLOI FORTEMENT RÉGIONALISÉ

Si le textile, plus que l'habillement, traditionnellement dispersé,


ne constitue plus, au sein des grands pôles de développement éco-
nomique la mono-industrie qu'il était parfois dans le passé, son
importance sur l'emploi local reste décisive dans un certain nombre
de régions (Nord, Rhône-Alpes, Champagne-Ardennes, Lorraine et
Alsace...).
— 71 —

L'IMPORTANCE DU TEXTILE ET DE L'HABILLEMENT


DANS L'EMPLOI INDUSTRIEL RÉGIONAL
ET LA VENTILATION DES SALARIES DE CES DEUX SECTEURS PAR RÉGION
La contribution du textile habillement à l'équilibre économique des régions. (1)
-

Régions Pourcentage de l'emploi


industriel régional

Nord - Pas-de-Calais 24,5


Alsace 15
Midi-Pyrénées 14
Rhône-Alpes 12,5
1.orraine 11,5
Picardie 11
Champagne-Ardennes 10.5
Pays de Loire 10
Centre 8

(1) Sources : Ministère de l'Industrie.

LA VENTILATION DES SALARIES DU TEXTILE ET DE L'HABILLEMENT


PAR RÉGION AU 31 DÉCEMBRE 1979 ET PAR ORDRE D'IMPORTANCE

Effectifs en
pourcentage de
Régions Effectifs
l'emploi national
des deux secteurs

Nord 116.407 19,7


Rhône-Alpes 85.091 14.4
Région parisienne 70.152 11,9
Lorraine 34.075 5.8
Pays de la Loire 33.310 5,6
Champagne 29.407 4,9
Midi Pyrénées 27.107 4.6
Alsace 26.963 4,5
Picardie j 25.910 4,4
Centre 22.735 3,8
Haute-Normandie 15.066 2,5
Bourgogne 14.413 2,4
Provence Côte-d'Azur 12.250 /,1
Poitou-Charentes Î 11.372 1,9
Aquitaine 11.253 1.9
Languedoc 10.485 1,8
Auvergne 9.779 1,6
Bretagne i 9.597 1.6
Basse-Normandie 9.102 1,5
Franche-Comté 8.925 1.5

Total 591.249 100

Source : U.N.E.D.I.C.
- 72 -

Ces tableaux généraux doivent être complétés par les précisions


suivantes révélant l'importance pour l'emploi régional de chacun des
deux secteurs considérés :

1. La concentration géographique de l'industrie textile.

— Nord 26 % des effectifs du secteur,


— Région Rhône-Alpes .... 18 ("0 des effectifs du secteur,
— Lorraine et Alsace 14 % des effectifs du secteur.

Cette concentration est encore plus accusée pour certaines pro-


ductions : la région du Nord comprenait ainsi, au 31 décembre 1979,
plus de la moitié de l'ensemble des 41.500 salariés employés dans
la branche « laine » sur le territoire national.

Pour le seul emploi textile, les pourcentages précités se tra-


duisent pour les différentes régions intéressées par les effectifs sui-
vants :
— Nord 86.000 emplois,
— Rhône-Alpes 59.000 emplois,
— Champagne-Ardennes 26.000 emplois,
— Lorraine 24.000 emplois,
— Alsace 19.500 emplois,
— Picardie 18.000 emplois,
— Midi-Pyrénées 15.700 emplois,
— Région parisienne 15.500 emplois,
— Haute-Normandie 8.300 emplois.

Dans les régions ayant les effectifs les plus importants (sauf en
région parisienne), le poids du secteur textile dans l'emploi global de
la région est nettement supérieur à son importance dans l'ensemble
de la France entière.
Ce phénomène se retrouve dans plusieurs départements. A titre
d'exemple, le textile emploie encore 20 qb de l'ensemble des effectifs
salariés des Vosges.

2. La dispersion des entreprises de l'habillement.

Initialement concentrées, les entreprises de l'habillement répar-


tissent désormais leur activité sur l'ensemble du territoire national :
— Région parisienne : 13 % des emplois du secteur, soit
55.000 salariés ;
Nord : 12 %, soit 30.000 emplois,
-73—

— Pays de la Loire : 11 %, soit 27.000 emplois,


— Région Rhône-Alpes : 10 %, soit 26.000 emplois,
— Centre : 20.400 emplois,
— Midi-Pyrénées : 11.300 emplois,
— Provence-Côte d'Azur : 10.700 emplois,
— Lorraine : 10.000 emplois.

Les données précitées qui confirment la concentration subsistant


encore dans l'industrie textile, et la nette dispersion constatée dans
l'industrie de l'habillement, témoignent de la spécificité marquée des
deux secteurs et de la variété relevée à l'intérieur de chacun d'eux :
contrairement à des industries très typées et localisées sur un nombre
réduit de sites, telles la sidérurgie, les mines ou la construction navale,
le textile et l'habillement constituent des secteurs dont les problèmes
d'emploi pourront difficilement être réglés de façon globale et
uniforme.

II. — LES PERTES D'EMPLOI CONSTATÉES DANS LES


INDUSTRIES DU TEXTILE ET DE L'HABILLEMENT :
UNE ACCÉLÉRATION RÉCENTE

Celles-ci ont été régulière depuis la fin de la guerre mais ont


connu une accélération récente qui risque d'être catastrophique si
elle se maintenait aux rythmes des derniers mois, notamment pour
l'équilibre économique et social de certaines régions.

A. — LA RÉDUCTION PROGRESSIVE DES EMPLOIS


DEPUIS LA FIN DE LA GUERRE

En dépit d'une remontée passagère (14 °,/i)) en 1969, provoquée


vraisemblablement par une augmentation de la demande en produits
textiles résultant des hausses de rémunérations décidées lors des
accords de Grenelle, et de deux sursauts plus modestes (1,2 % en
1971 et 0,8 °'é) en 1972), les effectifs salariés du textile et de l'habil-
lement se sont régulièrement détériorés depuis 1946 (1) ; alors qu'ils
représentaient environ 19 des effectifs salariés de l'industrie en
1954, 15 % en 1962, ils ne représentaient plus que 10 % en 1978
pour les deux secteurs. En un quart de siècle, l'emploi salarié dans le

(1) Voir tableau ci-après (source : I.N.S.E.E.).


- 74 -

textile et l'habillement s'est donc réduit de moitié en perdant 470.000


emplois.
Les industries du textile et de l'habillement ont ainsi enregistré
une régression de leurs effectifs salariés à peu près continue, d'envi-
ron 15.000 personnes par an, des lendemains de la guerre à 1974 ;
le mouvement s'est ensuite accéléré puisque les pertes d'emplois sont
passées à 25.000 par an depuis le début de 1975.
— 75 —
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- 76 -

Les statistiques d'emploi de l'U.N.E.D.I.C. révèlent que, dans


l'industrie textile seule, les effectifs ont diminué d'environ 5 % par an
de 1976 à 1980, tandis que l'évolution des effectifs de l'habillement
apparaît plus contrastée avec une diminution globale de 1 % par an
qu'il conviendra d'apprécier par région.
En dépit d'un freinage relatif du rythme des pertes d'emplois
observé en 1979, l'industrie textile a perdu près de 80.000 emplois
en cinq ans.
Enfin, le retournement de conjoncture constaté dans les deux
secteurs depuis le milieu de l'année 1980 a accéléré les réductions
d'emplois ; en l'absence de statistiques parfaitement fiables, certaines
évaluations confirment l'inquiétude de la profession : l'Union des
industries de l'habillement fait ainsi état, pour 1980, de 13.000 pertes
d'emplois.

B. — L'ÉVOLUTION DE L'EMPLOI DANS LE TEXTILE ET


L'HABILLEMENT AU SEIN DES PRINCIPAUX ETATS
DE LA C.E.E. : LA FRANCE DANS UNE POSITION
MOYENNE

La comparaison des pertes d'emplois des deux secteurs considérés


chez nos voisins et concurrents révèle un mouvement allant dans le
même sens selon un rythme variable, qui place la France dans une
position moyenne.

Evolution de l'emploi textile-habillement dans la C.E.E. entre


1970 et 1978 (1) :
— R.F.A. — 32 %
— France — 22 %
— Grande-Bretagne — 21 %
— Italie — 14 %

Concernant la seule industrie textile entre 1966 et 1978, la


réduction de l'emploi a touché 42 % des effectifs en R.F.A., 46
en Belgique, 59 % aux Pays-Bas et 40 % dans la région française
du Nord (2).
La position française au regard des pertes d'emplois constatées
doit être appréciée en rappelant que la R.F.A. a, en fait, sacrifié une
partie de son industrie textile, que la Grande-Bretagne reste le premier

(I) Source : O.C.D.E.


12) Source : G.R.I.T. Nord - Pas-de-Calais.
- 77 -

pays européen producteur en matière d'habillement et que, si nul


n'ignore le rôle économique du textile et de l'habillement en Italie,
les chiffres en matière de réduction d'emploi doivent être nuancés en
fonction du développement du phénomène du « lavoro nero », c'est-à-
dire du travail noir, qu'il faudra tenter d'apprécier plus loin.

C. — LES RÉDUCTIONS D'EMPLOI


PAR BRANCHES ET INDUSTRIES

Plus significatives apparaissent les réductions d'effectifs par


grandes branches et secteurs dont les conséquences sur l'emploi
régional seront ensuite analysées.
Alors que les pertes d'emploi dans les industries du textile et de
l'habillement ont été de 470.000 en vingt-cinq ans, soit une réduction
d'environ 45 % des effectifs, elles ont été, pour la seule industrie tex-
tile, de près de 200.000 emplois, soit plus de 38 % des effectifs en
douze ans (1967-1979).

Pour la même période, les pertes se ventilent ainsi selon les


principales branches :
— industrie de la maille : 13.200 emplois, soit 13,8 % des
effectifs ;
— industrie cotonnière : 28.100 emplois, soit 32,6 % des
effectifs ;
— industrie lainière : 31.500 emplois, soit 42,9 % des effectifs ;
— teintures et apprêts : 18.000 emplois, soit 42,4 % des ef-
fectifs ;
— industrie de la soierie : 20.000 emplois, soit 46,1 % des
effectifs ;
— industrie des textiles artificiels et synthétiques 9.500 emplois,
soit 38,8 % des effectifs.

Ces chiffres témoignent des pertes considérables d'emplois en-


registrées par les principales branches de l'industrie textile, pertes
d'autant plus durement ressenties qu'elles concernent des régions
spécialisées dans cette industrie et dépourvues d'activités de substitu-
tion.

Concernant la seule industrie de l'habillement, celle-ci a perdu


30.000 emplois en quatre ans :
1976 289.388 emplois,
1977 279.200 emplois,
- 78 ---

1978 274.978 emplois,


1979 271.808 emplois,
1980 259.000 (estimations) (1).

D. - DES RÉDUCTIONS D'EMPLOI QUI ONT AFFECTÉ


DIVERSEMENT L'ÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL
DES RÉGIONS CONCERNÉES

Cet équilibre a été d'autant plus effecté que les quatre cinquièmes
du secteur textile sont regroupés dans 9 régions.
Les recensements 1968-1975 illustrent les récessions d'effectifs
intervenues touchant plus particulièrement certaines régions et,
plus encore, certains bassins d'emploi spécialisés dans le secteur
textile.
EVOLUTION DES EFFECTIFS DU TEXTILE PAR REGIONS

Réglons 1968 1975 Différence

Nord 121.000 98.600 - 22.400


Rhône-Alpes 97.600 75.000 - 22.600
Lorraine 35.900 31.100 - 4.800
Alsace 31.200 25.000 - 6.200
Champagne-Ardennes 31.200 27.400 - 3.800
Picardie 23.400 20.700 - 2.700
Région parisienne 21.700 18.900 - 2.800
Haute-Normandie 17.800 12.200 - 5.600
Midi-Pyrénées 17300 17.100 200

Total des neuf régions 397.100 326.000 -- 71.100

Total France 460.700 383.000 -- 77.700

Sources : I.N.S.E.E. (Recensement).

Ces chiffres, tirés des deux derniers recensements, révèlent donc


les réductions d'emplois intervenues dans le secteur pour l'ensemble
des régions, à l'exception de la région Midi-Pyrénées. En revanche,
les « grandes » régions textiles, tels le Nord et Rhône-Alpes, perdent
chacune plus de 22.000 emplois en huit ans et ainsi près de 60 %
des pertes d'emplois observées sur l'ensemble du territoire national.

(1) Sources : Union des industries de l'habillement.


- 79 -

Les données fournies par l'U.N.E.D.I.C. pour les années 1976-


1980 confirment cette évolution, notamment pour les deux grandes
régions textiles :

embattait de l'emploi entre le


1., Janvier 1976 et le 1., Janvier 1980

0891004

Textile +
Textile Habillement
habillement

Nord - 14.400 2.700 - 17.100


Rhône-Alpes 6.600 - 3.600 - 10.200
Région parisienne - 3.200 - 5.400 - 8.600
Lorraine - 7.100 + 300 - 6.800
Pays de la Loire 100 + 1.600 + 1.500
Champagne-Ardennes - 2.300 + 800 - 2.700
Midi-Pyrénées 1.400 - 1.100 - 2.500
Alsace - 3.100 200 - 3.300
Picardie - 2300 400 - 2.900
Centre 1200 + 900 300
Haute-Normandie - 3.400 - 1.400 - 4.800
Bourgogne + 100 + 1.000 - 1.100
Provence 600 - 1.000 - 1.600
Poitou-Charentes 700 + 500 200
Aquitaine - 1.100 + 400 500
Languedoc - 1.300 + 200 - 1.100
Auvergne 100 200 300
Bretagne 300 2.600 - 2.300
Basse-Normandie - 1.100 300 - 1.400
Franche-Comté 900 600 - 1.500
Limousin 800 400 - 1.200

Total - 51.500 - 15.400 - 66.900

Sourole:U.NLEMIC.
-80--

Ce mouvement est confirmé par la réduction de la part de l'em-


ploi des industries du textile et de l'habillement dans les effectifs
salariés de chaque région :
ÉVOLUTION DE LA RÉDUCTION DE LA PART DU TEXTILE
DANS L'EMPLOI RÉGIONAL
(En pourcentage.)

1968 1975 1978


(au 31 décembre) (au 31 décembre) (au 31 décembre)

Région parisienne 2,1 1,7 1,5


Champagne 8,8 7,0 6,1
Picardie 6,7 5,3 4,7
Haute-Normandie 4,8 3,3 2,6
Centre 3,9 3,2 3,0
Basse-Normandie 2,5 2,5 2,2
Bourgogne 3,3 3,0 2,8
Nord 13,6 10,4 9,2
Lorraine 6,3 5.2 4,4
Alsace 8,2 5.8 4,9
Franche Comté 5,0 3,0 2,5
Pays Loire 3,5 3,7 3,7
Bretagne 2,0 1,7 1,3
Poitou-Charentes 2,7 2,7 2,6
Aquitaine 2,1 1,6 1,4
Midi Pyrénées 4,7 4,7 4,4
Limousin 3,6 4,2 3,8
Rhône-Alpes 8,6 5,5 4,7
Auvergne 3,2 2.4 2,3
Languedoc Roussillon 2,7 2,4 2,0
Provence-Côte d'Azur-Corse 1,5 1,1 1,0
Hors territoire 3,4 3,4

France entière 4,7 4,6 3,2

Source : Ministère du Travail et de la Participation.

Concernant la plus grande région textile française, le Nord - Pas-


de-Calais, on constate, de 1973 à 1979, une évolution dans la venti-
lation des causes de réduction des effectifs : alors que la part des
licenciements non économiques et des départs volontaires se réduit,
celle des licenciements économiques croît fortement :
- 81 -

LES RÉDUCTIONS D'EFFECTIF DANS LA RÉGION NORD - PAS-DE-CALAIS


(En pourcentage de l'effectif total de l'année correspondante.)

Retraites Départs Licenciements Autres Autres


volontaires économiques licenciements causes (1)

1973 1,5 20,5 1 3,5 4,3


1974 1,5 18 1,5 3,5 5,5
1975 1,9 9,4 3,6 2,2 3,8
1976 1,2 12,2 2,5 2,6 4,1
1977 1,2 9,1 2,2 2,0 3,6
1978 1,0 7,6 3,8 2,0 4,7
1979 0,7 7,2 4,0 1,6 4,3

(1) Mutations, changements de catégories, décès, départ au service militaire...

Source : G.R.I.T. du Nord - Pas-de-Calais.

Outre la régression spectaculaire des effectifs employés dans les


grandes régions textiles, les réductions d'emploi constatées dans les
régions « fragiles », si elles ont été moins massives, n'en ont pas
moins eu des conséquences économiques et sociales particulièrement
graves du fait de l'absence d'industries de remplacement.
A titre d'exemple, dans les Vosges, le taux annuel moyen des
licenciements dans l'industrie textile s'établit, depuis 1975, à 30 %
de l'ensemble des licenciements économiques du département.

E. - LES PERSPECTIVES EN MATIÈRE D'EMPLOI

Après avoir relevé la détérioration accélérée de la situation de


l'emploi dans les industries du textile et de l'habillement, quelles
peuvent être les perspectives d'évolution de l'emploi salarié dans ces
deux secteurs ?

1. Les perspectives générales.

Le projet de VIII* Plan, à la différence des plans précédents,


et en particulier du VII* Plan, a fait l'économie, dans son élaboration,
d'une analyse sectorielle des diverses activités économiques et ne
mentionne donc aucune perspective d'emploi pour les industries du
textile et de la confection.
En revanche, les simulations effectuées au cours des travaux
préparatoires, à partir des modèles de prévision macro-économiques
Sénat 282. - 6
—82—

D.M.S. (1) et Propage, indiquent la persistance à moyen terme (1985)


de la diminution des effectifs des secteurs considérés au rythme
moyen observé sur les cinq dernières années.

2. Les résultats de 1980.

Les tableaux ci-après récapitulent les données statistiques rela-


tives à l'évolution des licenciements pour motifs économiques dans
le textile et l'habillement depuis 1970.
(Avant 1976, sont recensés les salariés licenciés à la suite d'un
licenciement collectif de plus de vingt personnes et, à partir de
cette date, les salariés licenciés à la suite d'un licenciement pour
cause économique.)

SALARIÉS LICENCIÉS A LA SUITE D'UN


LICENCIEMENT COLLECTIF

1970 1971 1972 1973 1974 1975

Textile 7.624 5.079 4_599 2.958 4.074 7.370


Habillement 6.240 2.092 1530 3.890 4.463 6.801

SALARIÉS LICENCIÉS A LA SUITE D'UN


LICENCIEMENT POUR CAUSE ÉCONOMIQUE

1976 1977 1978 '979 1980 (1)

Textile 9.986 12.910 13.333 8.441 10.424


Habillement 9.240 13.540 14.014 11.496 13.643

(1) Total sur les dix premiers mois de 1980.

Sources : Ministère du Travail et de la Participation.

Après une année 1979 qui a marqué une pause relative dans
la dégradation de l'emploi, l'année 1980 a enregistré une diminution
des effectifs d'environ 25.000 personnes, qui risque de s'accélérer
dans les années à venir : en effet, aux 15.000 pertes d'emploi
attendues (soit 5 % des effectifs), au seul titre des progrès de la
productivité, il conviendra d'ajouter celles dues aux disparitions
d'entreprises qui ne sont plus en mesure d'affronter avec succès la
« nouvelle donne » de la compétitivité internationale.
(1) Dynamique multisectoriel.
— 83 ---

En outre, les sorties naturelles des deux secteurs résultant du


départ des salariés qui changent d'activité ou qui quittent leur vie
professionnelle, auxquelles il faut ajouter la régression de l'embauche,
devraient représenter environ la moitié des réductions d'effectifs
attendues, soit 15 à 18.000 personnes.
Dans les perspectives les moins défavorables, 8.000 à 15.000
salariés par an risquent, dans les prochaines années, de ne pouvoir
conserver leur emploi dans le textile et l'habillement.

3. Quelques perspectives significatives.

a) L'industrie de l'habillement.

En l'absence de mesures tendant à modifier les règles du com-


merce international, à moraliser les pratiques d'importation et à
faciliter l'investissement des entreprises françaises de l'habillement,
la profession estime, sur la base des tendances constatées au cours des
trois dernières années (1) que la perte de 90.000 emplois dans
l'industrie de l'habillement apparaît inévitable d'ici à 1984.
Ces perspectives sont d'autant plus inquiétantes que des pro-
ductions très variées sont concernées et qu'elles se traduiraient par
des licenciements résultant de fermetures d'unités de production
dans tous les secteurs : bonneterie, vêtements de travail, prêt-à-
porter, chemiserie...

b) Le secteur des fibres synthétiques.

Les mêmes perspectives sombres sur le plan de l'emploi se retrou-


vent dans le secteur des fibres synthétiques.
Significative à cet égard, apparaît l'accélération du plan de
reconversion lancé depuis décembre 1977 par la filiale « Textiles »
du groupe Rhône-Poulenc ; après avoir ramené en trois ans le nombre
de ses salariés de 13.200 à 8.000, celui-ci a décidé de réduire encore
de 4.000 emplois les effectifs de sa filiale pour 1981. Ces suppres-
sions d'emplois se traduiront, au cours de l'année, par la fermeture
des usines de Besançon (1.200 personnes) et La Voulte (500 person-
nes), la réduction des effectifs des usines lyonnaises et l'« adaptation »
des salariés des autres usines de R.P.T. ; en outre, les usines de
Colmar (fibre acrylique) et Roanne (fibranne) paraissent menacées
dans un avenir proche.

(1) L'industrie de l'habillement a perdu 13.000 emplois salariés au cours de l'année 1980,
soit 9 % de ses effectifs.
- 84 -

L'importance du groupe a cependant permis, en utilisant toutes


les ressources disponibles (primes de départ à cinquante ans, retraite
anticipée sur certains sites, reclassements dans d'autres activités du
groupe, action du Fonds national de l'emploi et de la D.A.T.A.R...)
de mener ce plan de reconversion dans des conditions humainement et
socialement supportables.

c) Le secteur de la maille.

Le secteur de la maille n'est pas épargné dans ce mouvement de


récession : en raison de la concurrence des pays à bas salaires ou à
commerce d'Etat mais aussi et surtout de l'Italie, ce secteur a perdu
3.000 emplois en 1980, soit 3,7 % de ses effectifs totaux et trente
entreprises sur 715 ont disparu depuis 1975, provoquant la perte de
25.000 emplois.
Enfin, au rythme actuel, 6.000 emplois risquent de disparaître
dans la maille pour les six mois à venir.


Après avoir souligné l'importance des réductions d'effectifs


observées au cours des dernières années, il convient de rappeler la
nature et les caractères de l'emploi dans les industries du textile et de
l'habillement, lesquels commandent dans une large mesure les disposi-
tions dont devront bénéficier ces deux secteurs.

III. — LES CARACTÉRISTIQUES DE L'EMPLOI TEXTILE

L'emploi textile présente des caractéristiques qui le distingue


de celui des autres branches d'activité industrielle ; sa spécificité,
comme d'ailleurs celle de l'habillement, commande d'adopter à son
endroit des mesures particulières en ne facilite pas nécessairement le
passage de ses salariés vers d'autres secteurs industriels.
Ses principales caractéristiques peuvent être ainsi résumées :
féminisation très importante de l'emploi, jeunesse des salariés em-
ployés, importance du travail posté et effectué en équipes, niveaux
de formation et de qualification peu élevé, entraînant corrélativement
un niveau moyen des salaires qui sont parmi les plus bas des secteurs
industriels.
- 85 -

Ces traits principaux ne facilitent pas les actions de reclassement


qui s'avéreront de plus en plus nécessaires avec la dégradation de
l'emploi.
Ce profil moyen de l'emploi dans les deux secteurs étudiés sera
complété par quelques indications portant sur la nature des contrats
de travail des salariés et les effectifs des entreprises.

A. — UNE FORTE FÉMINISATION DES EFFECTIFS

Cette féminisation apparaît très importante pour le secteur de


l'habillement mais reste également élevée dans la seule industrie du
textile.
POURCENTAGE DES EFFECTIFS PAR SEXE

Textile et habillement

Hommes Femmes

1966 31,7 68,3


1967 34,2 65,8
1968 34,1 65,9
1969 33,2 66,8
1970 33,4 66,6
1971 32,9 67,1
1972 32,3 67,7
1973 32,5 67,5
1974 32,0 68,0
1975 32,1 67,9
1976 31,7 68,3
1977 31,7 68,3
1978 31,4 68,6

Source : I.N.S.E.E. : Emploi salarié par région.

A l'exception de quelques mouvements conjoncturels, on peut


noter la remarquable stabilité, à un taux élevé, de l'emploi féminin
sur une longue période dans les deux secteurs.
Concernant la seule main-d'œuvre ouvrière, l'étude du
C.E.R.E.Q., publiée en 1975, reprenant l'enquête sur la structure des
emplois, indique que la représentation féminine s'élevait à 54,5 % de
la population ouvrière du textile contre 30,3 % pour l'ensemble de
l'industrie.
Les autres traits caractéristiques de l'emploi dans le textile et
l'habillement devront ainsi être appréciés en fonction de la forte
féminisation de ces deux secteurs.
86 -

B. - DES SALARIÉS JEUNES

Ces deux secteurs du textile et de l'habillement se caractérisent


par une proportion importante de jeunes actifs en fait, surtout, de
jeunes actives - en dépit d'un relèvement de l'âge moyen des
salariés employés, notamment à partir de 1977, où la proportion
de la classe d'âge de 15 à 24 ans est tombée à 23,8 % alors qu'elle
représentait plus de 30 % dix ans auparavant.
Cette proportion reste néanmoins importante comme en
témoignent les données tirées des recensements et de l'enquête annuelle
sur l'emploi.
STRUCTURE PAR ACE DES EFFECTIFS EMPLOYES
« TEXTILE ET HABILLEMENT »

Année 15 à 24 25 à 49 50 à 59 60 ans
Total
ans ans MIS et +

1968 30,5 44,1 15.2 10,2 100


1969 30,6 45,9 13,7 9,8 100
1970 31,8 43,6 14,6 10,0 100
1971 29,3 46,0 14,7 10,0 100
1972 29,6 46,7 14,6 9,1 100
1973 27,9 48,9 14,3 8,9 100
1974 27,7 51,2 14,2 6,9 100
1975 28,0 51,1 14,2 6,7 100
1976 27,1 52.4 15,7 4,8 100
1977 23,8 55,4 16,4 4,4 100
1978 23,2 55,7 17,8 3,3 100
1979 23,6 54,6 18,1 3,7 100
1980 23,1 56,1 17,6 3,2 100

La jeunesse des actifs n'est pas sans conséquences sur leur niveau
de formation et les actions menées en ce domaine devront constituer
l'axe essentiel d'une politique menée à l'égard des jeunes salariés, soit
pour les adapter dans leur secteur, soit pour faciliter leur reclassement
professionnel.
- 87 -

C. - DES EMPLOIS, DANS L'ENSEMBLE, PEU QUALIFIÉS

1. Une formation initiale réduite.

Le textile est le secteur industriel dont la main-d'oeuvre a le


plus faible niveau de formation et cette observation se conjugue avec
l'utilisation d'un taux élevé de main-d'oeuvre féminine ouvrière :
l'étude du C.E.R.E.Q. précitée montre, en effet, que 79,4 % des effec-
tifs employés dans le textile sont, au maximum, titulaire du C.E.P. et
15,3 % du C.A.P. ou du B.E.P.C., contre, respectivement, 60 et 25 %
pour l'ensemble des secteurs d'activités.

Les deux tableaux ci-après donnent la mesure de cette sous-qua-


lification pour les hommes et pour les femmes :
REPARTITION DES ACTIFS PAR NIVEAU DE FORMATION ET PAR SECTEUR
Hommes.

Niveau C.A.P. B.E.P.C. Niveau Niveau Total


Secteur
VI IV sup. IV

1968 78,6 10,5 3,1 5,0 3,8 88 88


Secteur 17 Textile
1975 72,7 12,8 4,7 6,1 3,7

1968 68,7 14,3 5,3 7,3 4,3


Tous secteurs
1975 57,4 18,7 7,5 8,6 7,7

Femmes.

Niveau C.A.P. B.E.P.C. Niveau Niveau Total


Secteur Armée
VI sup. IV

Secteur 17 Textile 1968 86.7 7,8 3,5 1,8 0,1 100


1975 80,6 10,6 5,5 2,4 0,9 100

1968 67,3 10,9 10,2 8,8 2,3 100


Tous secteurs
1975 55,3 11,8 12,7 10,5 9,5 100

Source : Recensements de la population de 1968 et 1975, tableaux de la série formation.

Les salariés du secteur textile sont d'autant moins formés qu'ils


sont plus jeunes et l'élévation du niveau de formation pour ces actifs
est presque deux fois plus lente que dans les autres secteurs d'acti-
vités.
88 -

2. La prédominance du personnel d'exécution.

La prédominance des formations initiales faibles se retrouve


dans la ventilation des emplois du textile et de l'habillement entre les
différentes catégories socio-professionnelles.
L'enquête « structure des emplois » de 1975 permet de comparer
à un moment donné, la structure des emplois du textile et de l'en-
semble de l'industrie :
(En pourcentage.)

Textile Ensemble
Ratios
Industries

Poids des ouvriers 77,3 66,4


Encadrement production 6,4 7,2
Emploi tertiaire 14,6 18,9
Poids des techniciens 3,8 8,9

Source : I.N.S.E.E., ministère du Travail, enquète structure des emplois, 1975.

L'évolution de la part des ouvriers dans les effectifs des deux


secteurs témoigne d'une légère réduction observée en un peu plus d'une
décennie pour l'industrie textile mais ceux-ci demeurent dans une
proportion très élevée (plus de 80 % des effectifs) ; en revanche,
une légère augmentation de la part des ouvriers se constate dans
l'habillement du fait des difficultés de mécanisation dans ce secteur,
contrairement à ce qui est constaté dans plusieurs branches du textile.
PART DES CATÉGORIES SOCIO-PROFESSIONNELLES DANS
L'EMPLOI SALARIÉ DE L'INDUSTRIE TEXTILE

Cadres Cadres moyens Taux


supérieurs d'encadrement Employés Ouvriers
( 1) (2) (1) + (2)

1962 2,3 3,4 5,7 9,5 84,0


1963 2,5 3,7 6,2 9,9 83,3
1964 2,4 3,2 5,5 9,7 84,1
1965 2,6 3,5 6,1 10,3 83,1
1966 2,5 3,7 6,2 10,1 82,3
1967 2,4 3,9 6,3 10,2 82,9
1968 2,5 4,0 6,5 10,7 82,1
1969 2,6 3,9 6,5 10,1 82,9
1970 2,5 4,1 6,6 10,1 82,9
1971 2,5 5,0 7,4 9,9 82,1
1972 2,3 4,8 7,1 9,6 82,5
1973 2,1 4,7 6e 10,3 82,2
1974 2,3 5,5 7,8 10,7 81,0

Scpurce:DA.S.
- 89 -

PART DES CATEGORIES SOCIO-PROFESSIONNELLES DANS


L'EMPLOI SALARIE DE L'INDUSTRIE DE L'HABILLEMENT
(En pourcentage.)

Cadres Taux
supérieurs Cadres 11107«41 d'encadrement Employés Ouvriers
(2) (I) + (2)

1962 1,7 4,7 6,4 10,7 81,8


1963 2,2 3,9 6,1 10,5 82,7
1964 1,5 3,5 5,1 10,4 83,7
1965 1,8 3,5 5,3 10,5 83,7
1966 2,0 3,6 5,6 10,4 82,5
1967 1,8 3,5 5,3 10,5 83,5
1968 2,1 3,3 5,5 10,4 83,6
1969 2,0 3,7 5,7 9,9 83,9
1970 1,9 3,7 5,6 9,7 84,1
1971 2,0 3,8 5,8 10,0 83,7
1972 1,9 4,0 5,9 10,3 82,9
1973 2,0 3,7 5,7 9,9 83,6
1974 1,9 4,2 6,1 10,3 82,8

Source : D.A.S.

u
s e

Ainsi, la faible qualification des emplois du secteur textile est-


elle très largement liée à un faible niveau de formation de la plus
grande partie de la main-d'oeuvre à majorité féminine ; ces données
s'opposent à une évolution aisée des méthodes de production tendant
notamment à développer des formes nouvelles d'organisation du tra-
vail allant dans le sens d'une revalorisation du travail ouvrier.
En outre, le mode d'organisation du travail est déterminé par un
processus de production intégré qui réclame des travailleurs plutôt
que des initiatives personnelles, une surveillance constante ; les
contraintes techniques de l'industrie s'opposent ainsi à la recherche de
formes nouvelles d'organisation du travail. A l'inverse, les formules
traditionnelles de production industrielle anciennement implantées,
travail posté et travail en équipes, caractérisent le secteur textile en
dépit d'une utilisation des équipements dont la durée est loin de sup-
porter la comparaison avec celle des pays à bas salaires et même de
certains pays industrialisés.

D. - LE TRAVAIL POSTÉ : UNE RÉALITÉ D'IMPORTANCE


TRÈS INÉGALE SELON LES SECTEURS

Alors que le pourcentage d'ouvriers travaillant à la chaîne appa-


raît élevé dans les industries de l'habillement, celui-ci est très faible
dans le secteur du textile.
— 90 --

Une étude menée par le ministère du Travail en 1979 sur le


travail à la chaîne du personnel ouvrier témoigne de l'importance
et de l'évolution du phénomène.

Avril 1974 Octobre 1977

Textile 1,7 1,1


Habillement 22,0 17,4
Moyenne industrie 6,2 5,6

La proportion d'ouvriers postés apparaît plus de trois fois


supérieure dans le secteur de l'habillement que dans la moyenne
industrie.
Ces données peuvent être complétées par l'importance relative
des femmes et des hommes dans la proportion d'ouvriers à la chaîne
dans les deux secteurs, selon qu'ils sont qualifiés ou non et selon
qu'ils sont français ou étrangers :

Femmes Non Qualifiée Français Etranners


Hominem
qualifiés

Textile 33,8 66,2 57,4 42,6 85,7 14,3


Habillement 3,6 96,4 29,3 70,7 85,7 14,3

Enfin, la taille de l'entreprise pour le textile est sans influence


notable sur la répartition des ouvriers exerçant un travail posté, à
l'exception des établissements compris entre 200 et moins de 500
salariés.

A l'inverse, le travail à la chaîne dans l'habillement est surtout


répandu dans les établissements les plus importants de plus de
500 salariés :

De 50 à 199 De 200 à 499 500 et + En ble

Textile 1,3 0,6 1,3 1,1


Habillement 14,1 17,7 40,1 3,4
-91 -

E. — LE TRAVAIL EN ÉQUIPES : UNE FORMULE PARTI-


CULIÈREMENT DÉVELOPPÉE DANS L'INDUSTRIE
TEXTILE

Alors que le travail posté concerne principalement le secteur de


l'habillement, le travail en équipe est utilisé dans une proportion très
supérieure à la moyenne pour l'industrie textile.
Il s'agit pour l'essentiel d'un travail en équipes alternantes,
consistant en changements de postes par les salariés, c'est-à-dire
d'horaires de travail établis selon une période généralement hebdo-
madaire, ou d'un travail organisé par la rotation de deux équipes.

Les enquêtes régulières réalisées par le ministère du Travail


dans le cadre de l'enquête sur l'activité et les conditions d'emploi de
la main-d'œuvre donnent les indications suivantes :
(En pourcentage du nombre d'ouvriers.)

Proportions d'ouvriers travaillant en équipes successives

Janvier Avril Juillet Juillet Avril Octobre


1957 1959 190 1970 1974 1977

Industrie textile 34,0 37,4 44,6 47,0 50,2 49,1


Habillement 1,4 1,9 1,4 1,3 1,7 1,2
Ensemble des activités cou-
vertes par l'enquète 10,3 14,2 18,7 16,0 21,9 20,4

Ces pourcentages témoignent de l'usage très large du travail


en équipes dans l'industrie textile, ainsi que de la part de plus en
plus importante occupée par celui-ci depuis vingt ans.
A l'inverse, les niveaux relevés dans l'habillement apparaissent
très faibles et leur évolution peu significative.

La ventilation des diverses modalités du travail en équipes pour


100 ouvriers s'établissait, en 1977, ainsi qu'il suit :
-92-

2 3 4 3 Equipe. Bel*.
Spa Total fixes alternant.
équipes équipe' équipes ou plus

Industries textiles y compris


fibres artificielles et synthé-
tiques 62,3 31,0 5,9 0,8 100,0 32,1 67,9
Industrie de l'habillement (sauf
fourrures et peaux) 80,5 18,4 1,1 0,0 100,0 43,6 56,4
Ensemble des activités couvertes
par l'enquête 63,1 24,7 9,1 3,1 100,0 16,1 83,9

Les personnels non ouvriers sont également concernés dans une


proportion non négligeable par le travail en équipes : celle-ci est deux
fois supérieure, dans le textile, à la moyenne observée pour les
activités industrielles mais négligeable dans le secteur de l'habille-
ment :
Octobre 1977

Industrie textile (y compris fibres artificielles et


synthétiques) I1
Industrie de l'habillement (sauf fourrures et peaux) 0,5 %
Ensemble des activités 5,6%

Enfin, l'importance du travail de nuit reste limitée dans les


secteurs du textile et de l'habillement. Ce faible usage résulte d'abord
de l'interdiction, sauf dérogations, de cette forme de travail aux
femmes qui sont en forte proportion dans ces deux secteurs.
Seul le secteur des fibres artificielles ou synthétiques où les con-
traintes techniques, telles que le système du « feu continu » en-
traînant un travail en quatre équipes ou plus, impose le travail de
nuit dans des proportions importantes.

POURCENTAGES DE SALARIES TRAVAILLANT LA NUIT


Octobre 1977

Industrie textile (y compris fibres artificielles et syn-


thétiques) 8,4 %
Industrie de l'habillement (sauf fourrures et peaux) 0,2 %
Ensemble des activités 5,4 %

Les données qui viennent d'être rappelées concernant l'impor-


tance du travail à la chaîne, du travail en équipes, voire du travail
de nuit, nuancent donc les appréciations qui sont souvent portées,
- 93 -

notamment sur les caractéristiques de l'emploi en ce qui concerne


l'industrie textile en France.
Il est rappelé fréquemment que la durée d'utilisation des équipe-
ments textiles en France n'est que de 5.400 heures par an contre
7.200 aux Etats-Unis et 8.000 heures à Hong Kong.
Les diverses formules de travail qui viennent d'être mesurées
témoignent déjà d'une utilisation importante des équipements existants
mais celle-ci se heurte à des obstacles de nature législative qui parti-
cipent de notre système avancé de protection sociale.
La comparaison des coûts de main-d'oeuvre constatés entre les
différents Etats producteurs qui appartiennent à des systèmes poli-
tiques et économiques de nature variée permettra de revenir sur cette
question importante, dont la durée du travail constitue également
un élément.

F. — LA DURÉE HEBDOMADAIRE DU TRAVAIL :


UNE SITUATION PROCHE DE LA DURÉE LÉGALE

La répartition des salariés selon la durée du travail constatée


dans les établissements du textile et de l'habillement fait apparaître
une forte concentration des horaires autour de la durée légale de
40 heures.

La moyenne s'établissait, en octobre 1980, à 39,8 heures pour


les ouvriers de l'industrie textile et à 40,1 heures pour ceux de l'indus-
trie de l'habillement, et se ventilait de la façon suivante selon les deux
secteurs :

Industrie textile
Durée du travail des ouvriers Industrie de l'habillement
(y compris textiles
(octobre 1980) (sauf fourrures et peaux)
artificiels et 191880d8804)

Moins de 36 heures 5,6 1,6


De 36 heures à moins de 38 heures 1,1 0,3
De 38 heures à moins de 40 heures 3,3 0,1
40 heures 75,7 86,1
Plus de 40 heures à moins de 42 heures 6,5 5,9
De 42 heures à moins de 44 heures 4,0 4,8
De 44 heures à moins de 46 heures 3,5 0,7
De 46 heures à moins de 48 heures 0,1 0,1
48 heures et plus 0,2 0,4

Total 100 100


- 94 -

Une réduction de la durée du travail dans le textile aurait sans


doute pour conséquence d'augmenter les coûts de production si l'or-
ganisation du système de rotation des équipes ne s'accompagnait pas
de la mise en oeuvre de nouveaux équipements.

G. — LES CONTRATS DE TRAVAIL DANS LES SECTEURS


DU TEXTILE ET DE L'HABILLEMENT : LA PRÉDO-
MINANCE DES CONTRATS A DURÉE INDÉTERMINÉE

Le caractère protecteur de la législation française en matière de


contrat de travail et de licenciement est souvent invoqué comme un
obstacle essentiel à l'embauche de nouveaux salariés pour les chefs
d'entreprise.
Les règles de droit commun du contrat de travail à durée indé-
terminée combinées à celles du licenciement sont cependant l'aboutis-
sement de plusieurs décennies de progrès social et constituent des
garanties essentielles du droit du travail.
Ces règles ne sont cependant pas les seules et la législation ré-
cente a fait naître plusieurs formules d'emploi plus souples et adap-
tées aux aléas de la conjoncture pour une entreprise, qu'il s'agisse des
contrats de travail à durée déterminée, du travail temporaire, voire
du travail à temps partiel que la loi du 28 janvier 1981 vient de
consacrer et de développer.
Les chiffres cités ci-après témoignent de l'usage réduit que font
les industries du textile et de l'habillement de ces formules sans doute
imparfaites mais susceptibles d'adapter les capacités de production
des entreprises aux variations de la demande.

— Les contrats à durée déterminée régissent, dans les secteurs


du textile et de l'habillement, davantage les ouvriers que les autres
salariés et un peu plus fréquemment les femmes que les hommes.
Cependant, les deux secteurs ont moins souvent recours à ce type
de contrat de travail que l'ensemble de l'industrie (1 % contre
1,3 % des salariés) en particulier pour les femmes.
- 95 -

NOMBRE DE SALARIES SOUS CONTRATS A DURÉE DÉTERMINÉE


RAPPORTE AU NOMBRE DE SALARIÉS INSCRITS, AU 15 AVRIL 1977,
PAR CATÉGORIE ET SEXE DANS L'ENSEMBLE DES ÉTABLISSEMENTS
(En pourcentage.)

Ouvriers Ouvriers Autres Autres Autres


hommes femmes salariés salariés Ouvriers salariés Hommes Femmes Total
hommes femmes

Textile 1,3 1,3 0,1 0,7 1,3 0,3 1,0 1,2 1,1
Habillement 0,9 1,1 0,5 0,7 1,1 0,6 0,7 1,0 1,0
Industrie de transformation sauf
B.T.P. 1,2 2,2 0,4 1,2 1,5 0,6 1,0 1,9 1,3

%%tees : Ministère du Travail et de la Participation.

- Le travail temporaire : le tableau ci-après montre également


que les entreprises du textile et de l'habillement recourent nettement
moins au travail intérimaire que l'ensemble des industries de trans-
formation (bâtiment et travaux publics exclus).

NOMBRE DE TRAVAILLEURS TEMPORAIRES RAPPORTÉ A L'ENSEMBLE DU PERSONNEL,


AU 15 AVRIL 1977, PAR CATÉGORIES ET SEXE DANS L'ENSEMBLE DES ÉTABLISSEMENTS

Ouvriers Ouvriers Autres Autres Autres


hommes femmes salariés salariés Ouvriers salariés Hommes Femmes Total
hommes femmes

TI 0itile
0,6 0,3 0,1 0,6 0,5 0,3 0,5 0,4 0,4
Itbillement 0,4 0,1 0,4 0,3 0,1 0,3 0,4 0,1 0,2
In
o.Tr.p) de transformation (sauf
1,8 0,9 0,6 1 ,9 1,5 1,0 1,4 1,2 1,3
-,,,,„...
.......,.....

QUANTITÉ DE TRAVAIL FOURNI PAR LES INTÉRIMAIRES EN 1976


RAPPORTÉE AU TRAVAIL FOURNI PAR L'ENSEMBLE DES SALARIÉS

Textile 0,3
Habillement 0,1
Industries de transformation (sauf B.T.P.) 1,3
%lite ,
• • Le recours aux contrats d'intérim de 1976 à 1978. Les contrats à durée déterminée en avril 1977 ., supplément au Bulletin mensuel des
statistiques du travail, no 76-1980.
— 96 —

Cependant, la part du travail temporaire dans les secteurs du


textile et de l'habillement progresse depuis 1975, comme le révèlent
les données ci-après exploitées à partir des déclarations de contrats
conclus par les entreprises d'intérim auprès de l'Inspection du
travail :

1973 1976 1977 1978

TEXTILE :
— Part des contrats conclus dans le secteur 1,3 1,5 1,6 1,6
— Part des semaines de travail correspondant
aux contrats conclus dans le secteur 1,5 2,0 1,4 1,2
Rappel : Part des effectifs salariés (31/12) du
secteur dans l'emploi salarié 2,6 1,7

HABILLEMENT (sauf fourrures et peaux) :


— Part des contrats conclus dans le secteur 0,5 0,5 0,8 0,7
— Part des semaines de travail correspondant
aux contrats conclus dans le secteur 0,4 0,3 0,5 0,5
Rappel : Part des effectifs salariés (31/12) du
secteur dans l'emploi salarié 2,0 1,5

Les chefs d'entreprise disposent donc des outils juridiques qui


leur permettraient d'adapter avec souplesse leurs effectifs aux aléas
de la demande ; un usage raisonnable de ceux-ci, notamment lorsque
certains secteurs connaissent une activité saisonnière, devrait pallier
les inconvénients relevés par la profession dans le contrat de travail
de droit commun et dans les conditions de sa résiliation.

H. — UNE PRÉDOMINANCE
D'ENTREPRISES PETITES ET MOYENNES

En raison de son ancienneté, de facteurs historiques de localisa-


tion bien connus et surtout de contraintes techniques liées à l'inté-
gration, l'industrie textile a été et reste le fait d'unités de production
moyennes ou relativement importantes, comparées à celles de certains
autres secteurs d'activité.
-97-

EFFECTIFS SALARIES PAR CLASSES DE TAILLE D'ÉTABLISSEMENTS

Classes de taille 1962 % 1972 %

Plus de 1.000 salariés 42.328 8,7 32.458 8,1


500 à 999 salariés 70.917 14,5 57.501 14,2
200 à 499 salariés 131227 26,9 125.410 31,0
100 à 199 salariés 93.477 19,2 76.176 18,9
50 à 99 salariés 66.612 13,7 52.318 12,9
20 à 49 salariés 60.323 12,4 47.098 11,6
10 à 19 salariés 23.084 4,7 13.266 3,3

Ensemble 487.968 100 404.227 100

Sources : INSEE, données du recensement Industriel de 1962 et enquête annuelle d'entreprises de 1972.

Les comparaisons établies sur dix ans révèlent un tassement du


nombre des entreprises par taille d'établissement, à l'exception de
celles comprises entre 200 et moins de 500 salariés.
En 1981, sur environ 2.600 entreprises textiles, 95 % d'entre
elles ont moins de 500 salariés et 85 % moins de 200 ; 300 entre-
prises comptent plus de 200 salariés et 100 seulement en ont plus
de 500.
Cette concentration est plus faible dans l'industrie de l'habille-
ment qui compte 4.500 entreprises, puisque 98 % d'entre elles ont
moins de 500 salariés, 92 % moins de 200 ; 230 plus de 200 et 60
seulement plus de 500.
Le mouvement de concentration s'est cependant accéléré dans
ce secteur au cours des années récentes : en 1978, 76 entreprises
réalisaient 47 % du chiffre d'affaires total de la profession contre
45 réalisant 23 % de ce chiffre d'affaires en 1975.
Ainsi, un mouvement parallèle, mais d'ampleur différente, a-
t-il touché aussi bien les industries du textile que celles de l'habille-
ment : à côté de groupes de taille européenne et même mondiale
subsistent des entreprises petites et moyennes qui, pour les dernières,
font parfois preuve d'une capacité d'adaptation satisfaisante.

Les caractéristiques de l'emploi des industries de l'habillement,


mais surtout du textile, appellent donc des solutions spécifiques
prises en fonction des traits particuliers qui viennent d'être relevés.
Sénat 282. — 7
- 98 -

Ces solutions sont difficiles à déterminer et à mettre en oeuvre


en raison notamment du caractère lié et cumulatif des caractéristi-
ques du secteur.
En effet, un emploi régionalisé dans des zones géographiques
où le textile et l'habillement ont parfois le caractère de mono-indus-
tries, le recours à une main-d'oeuvre peu qualifiée, très féminisée,
dont les salaires sont globalement inférieurs à ceux des autres sec-
teurs d'activité, sont des éléments qui déterminent, dans une situa-
tion de crise pour ce secteur, des difficultés considérables de reclas-
sement, lequel ne peut être mené qu'avec des efforts particuliers en
matière de formation et d'aménagement du territoire.
La modernisation de l'outil de production, réalisée dans ces
secteurs, risque en effet d'avoir pour conséquence, dans une conjonc-
ture internationale caractérisée par une offre surabondante en face
d'une demande déprimée, de réduire l'emploi dans des proportions
importantes.
Les actions d'accompagnement, sur le plan social, soit dans
le cadre des aides générales des pouvoirs publics, soit par des
mesures spécifiques, devront donc être recensées avant d'envisager
comment ces actions pourront être améliorées.
-99-

CHAPITRE III

LES ÉCHANGES EXTÉRIEURS

L'ouverture sur l'extérieur de l'économie française dans un


climat de libéralisation des échanges a fait de l'équilibre externe la
condition de survie de chaque secteur d'activité. La dégradation
de la balance commerciale du textile et de l'habillement traduit une
baisse alarmante de la compétitivité, malgré des performances, pour
certains produits, d'autant plus appréciables qu'elles ont été réalisées
face à la concurrence de plus en plus intense des pays à bas coût de
revient.
Aussi, le constat du maintien du commerce extérieur ne peut
pas se borner au seul bilan de notre balance commerciale de pro-
duits textiles et de l'habillement ; il doit être complété par l'exposé
détaillé de la réaction de chaque industrie face à la concurrence
étrangère, ainsi que par une analyse plus structurelle de l'augmenta-
tion de la pénétration du marché intérieur pour certains produits
à caractère stratégique.

I. — LA BALANCE COMMERCIALE

Le déficit extérieur que l'on constate pour 1980 doit être placé
dans la perspective d'une évolution sur dix ans, marquée par une
très nette dégradation de notre balance commerciale.

A. — L'ÉVOLUTION GLOBALE
DES ÉCHANGES DE 1970 A 1979

Au cours des années 1970, notre commerce extérieur de pro-


duits textiles et de l'habillement se caractérise par une dégradation
très sensible du taux de couverture : 162 % en 1970, 140 % en
1973, 99,9 % en 1976 et 191,5 % en 1979.
100

Cette évolution résulte de la très forte augmentation des impor-


tations, malgré un accroissement substantiel de nos exportations.
Les importations ont été multipliées par 5,2 en neuf ans mais
leur accroissement a eu tendance à se ralentir : + 172 % de 1973
à 1979, + 56 % de 1976 à 1979. Ce fléchissement du rythme de
croissance serait plus important encore si l'on tenait compte de
l'accélération de l'inflation. Au cours de la même période, les expor-
tations ont été multipliées par 3. L'augmentation est de + 78,2 %
de 1973 à 1979 et -I- 74,3 % de 1976 à 1979.

B. — LES ÉCHANGES PAR PAYS

Sur le plan de la structure géographique de nos échanges on


retrouve les mêmes tendances.
Ainsi, notre taux de couverture se dégrade avec nos partenaires
de la C.E.E. : 116 % en 1970, 116 % en 1973, 91 % en 1976 et
89,8 % en 1979. Au cours de la période, les exportations vers la
C.E.E. ne croissent que de 219 %, tandis que les importations aug-
mentent de 315 %. On constate le même ralentissement pour les
années récentes : de 1979 à 1976, ces flux ne croissent respective-
ment que de 46,4 % et 48,4 %.
Avec les pays industrialisés non membres de la C.E.E., la même
tendance peut être soulignée : le taux de couverture reste encore
positif mais il diminue considérablement, passant de 397 % en
1970 à 173 % en 1979. Le taux de croissance des importations et
des exportations qui atteint respectivement 171,7 % et 521 %
confirme cette dégradation. Notre position continue de se détériorer
au cours des années 1976-1979, mais moins vite : 59,3 % pour
les importations, + 45,4 % pour les exportations.
Enfin, c'est notre commerce avec les pays en voie de dévelop-
pement qui connaît l'évolution la plus défavorable. Le taux de couver-
ture passe, sur la période, de 595 à 86,2 %. Nos importations ont
été multipliées par 13,6, tandis que les exportations n'augmentent
que de 13 % sur l'ensemble de la période, ce qui correspond à
une régression très sensible en volume, compte tenu de l'inflation.
Si l'évolution récente marque un ralentissement des échanges, la
stabilisation de la situation est toute relative car les importations conti-
nuent de croître deux fois plus vite que les exportations : -I- 76 %,
contre 34,7 %, soit une différence de rythme de croissance encore
considérable.
Globalement, le solde extérieur passe de + 3.110 millions de
francs en 1970, et + 3.782 millions de francs en 1973, à — 18 mil-
lions de francs en 1976 et — 2.183 millions de francs en 1979.
- 101 -

A un niveau plus fin d'analyse, on constate que les pays indus-


trialisés constituent toujours nos plus importants partenaires com-
merciaux : 90 % de nos importations en 1970, 75 ()/0 en 1979.
Corrélativement, les augmentations considérables que l'on a
mises en évidence en ce qui concerne nos échanges avec les autres
zones portaient sur des flux d'une importance relativement modeste.
en début de période.
• Les pays méditerranéens - qui n'ont pas en général signé
l'accord multifibres (A.M.F.) - ont vu leur part dans nos importa-
tions passer de 2 % à 6,8 %, ce qui représente la plus importante
progression depuis 1970.
Les importations en provenance des pays en voie de dévelop-
pement constituent 13,1 % du total, contre 4,6 % seulement en 1970.
Les pays de l'Est augmentent légèrement leur part dans nos im-
portations, performance non négligeable, compte tenu du taux de
croissance de nos échanges au cours de la période.
La dynamique des échanges pendant la décennie est marquée
par deux tendances : la diversification de l'origine de nos importations,
à l'origine très concentrées sur la C.E.E. (83 % des exportations en
1970), le regroupement sur l'Europe de nos ventes au départ très
dispersées dans leurs destinations : 60 % vers la C.E.E., 17 % vers
les autres pays industrialisés et 17 % vers les pays en voie de déve-
loppement.
STRUCTURE DES ÉCHANGES DE TEXTILE ET D'HABILLEMENT
PAR ZONES GÉOGRAPHIQUES
(19701979)

Pourcentage des échanges totaux


Solde en 1979
(en millions
de francs)
1970 1973 1976 1979

C.E.E. :
Importations 83,7 77,2 70,1 66,6 - 1.751
Exportations 59,9 64,4 63,8 65,3
Autres pays industrialisés :
Importations 7 6,6 8,2 8,3 + 1391
Exportations 17,1 16,2 15,6 15,8
Pays méditerranéens :
Importations 2 3,8 5,3 6,8 - 1.052
Exportations 2,4 3,1 3,3 3
P.V.D. :
Importations 4,6 7,5 11,6 13.1 - 455
Exportations 17 11,4 13,1 12,3
Dont A.M.F. + Taiwan :
Importations 4,2 7 10,1 11,0 - 2.004
Exportations 3,2 3,7 3,2 3,5
Pays de l'Est :
Importations 2,8 4,5 4,7 4,2 348
Exportations 3,3 3,8 3,6 3,1
- 102 -

C. — LES ÉCHANGES PAR PRODUITS

Sur le plan de la structure par produits, on peut remarquer que


la part des tissus et articles confectionnés a augmenté très sensi-
blement.
Ainsi, la part des tissus dans nos importations en provenance de
la C.E.E. passe de 1970 à 1979 de 21,4 % à 26,6 % ; elle augmente
encore plus nettement dans la part de nos importations en provenance
des Etats-Unis en passant de 22,1 % à 45,2 %.
La part des articles confectionnés dans nos importations en pro-
venance des pays en voie de développement passe de 17,8 % en 1970
à 38,9 % en 1979.
Globalement, on constate également une croissance très supé-
rieure des importations par rapport aux exportations ainsi qu'une cer-
taine stabilisation de la situation au cours des années 1976. Mais la
comparaison des croissances des importations et des exportations dé-
montre plus nettement le ralentissement de la dégradation de notre
déficit. Ce phénomène est moins net pour les fils (+ 375 %/
+ 124 % pour 1970-1979 contre + 63,5 %/ + 27 % pour 1976-
1979) ou les articles en maille (+ 333 %/ + 124 % pour 1970-
1979 contre + 53,8 %/ + 35,1 % pour 1976-1979) que pour les
tissus ou les vêtements. De près du double sur l'ensemble de la pé-
riode (513 % contre -I- 242 %) la croissance des importations de
tissu devient inférieure à celle des exportations pour les années 1976-
1979 : + 54 % contre + 66,5 %.
Il en est presque de même pour les vêtements : de près du
double de celle des exportations ( + 683 % contre + 367 %) pour
les années 1970 à 1979, la croissance des importations ne lui est
guère supérieure de 1976 à 1979 : + 79 % contre + 55,6 %.
Au niveau des soldes, la période 1970-1979 est marquée par les
évolutions suivantes : l'apparition de déficits substantiels pour les
tissus et les articles en maille.
— 103 —

STRUCTURE PAR PRODUIT


DES ECHANGES DE TEXTILE ET D'HABILLEMENT
(19701979)

I. — Croissance des importations et des exportations totales.


(En pourcentage.)

1979/1970 1979/1973 1979/1976

Fils :
Importations + 375 + 151 + €3,6
Exportations + 124 + 55 + 27
Tissus :
Importations + 513 + 169 + 54
Exportations + 242 + 109 + 66,5
Articles en maille :
Importations + 333 + 179 + 53,8
Exportations + 151 + 68 + 35,1
Vêtements :
Importations + 683 + 273 + 79
Exportations + 367 + 108 + 55,6

11. — Évolution des taux de couverture.


(En pourcentage.)

1970 1973 1976 1979

Fils 239 182 138 112,6


Tissus 150 108 77 83,5
Articles en maille 113 108 74 65
Vêtements 203 217 140 121

III. — Evolution des soldes.


(En millions de francs.)

1970 1973 1976 1979

Fils + 1.048 + 1.174 + 882 + 454


Tissus + 550 + 196 — 1.004 — 1.121
Articles en maille + 137 + 141 — 787 — 1.639
Vêtements + 577 + 1.370 + 672 + 929
- 104 -

Corrélativement, la part des pays industrialisés diminue de


19,2 % pour les articles en maille et de 33,5 % pour les vêtements,
atteignant encore respectivement 72,5 % et 54,6 % en 1979.

1973 1979

C.E.E. Autres pays Pays A.M.P. P.V.D. + C.E.E. Autres pays Pays A.M.P. P.V.D•
développés + Taiwan pays de l'Est développés + Taiwan PMI de le
÷

Fils + 317 + 293 + 98 + 564 + 107 + 193 — 90 + 94


Tissus — 63 + 240 — 122 —2 — 668 — 149 — 343 _ 305
Articles en maille — 153 + 266 — 68 + 17 — 1.152 + 310 — 421 _ 797
Vêtements + 910 + 479 — 225 — 19 + 898 + 1.096 — 964 —1.065
,,,

A partir du tableau ci-dessus, qui retrace la situation de notre


balance commerciale textile en 1973 et en 1979, on peut faire trois
séries d'observations.
Pour les tissus, on constate une nette dégradation du solde, mais
plus de la moitié du déficit provient des pays développés.
Pour les articles en maille, l'essentiel du déficit vient de la C.E.E.,
c'est-à-dire de l'Italie.
Pour les vêtements, les performances sont très contrastées : le
maintien du flux d'exportations sur la C.E.E. à un haut niveau et son
développement sur les autres pays industrialisés est assez largement
compensé par l'accroissement considérable de notre déficit vis-à-vis
des pays de l'Est et des pays en voie de développement.
Excédentaires de 550 millions de francs en 1979, nos échanges
de tissus étaient déficitaires de 1.121 millions de francs en 1979.
Cette dégradation considérable est intervenue, pour l'essentiel, en
1970 et 1976, années où le déficit avait dépassé un milliard de
francs. Le déficit apparu pour les articles en maille semble au
contraire en voie d'aggravation : excédentaire de 137 millions de
francs en 1970, le secteur qui était déjà déficitaire de 787 millions
de francs en 1976 a atteint 1,639 milliard de francs en 1979.
Par catégorie de produits, l'analyse de l'origine géographique
permet de faire les constatations suivantes.
Pour les produits intermédiaires, la part des pays industrialisés
reste prépondérante malgré une sensible régression depuis 1970 :
81 % en 1979 pour les fibres, soit une diminution de 14 % ; 81,4 %
en 1979 pour les tissus, soit une baisse de 66 %.
- 105 -

La part des pays en voie de développement reste encore modeste


malgré des accroissements sensibles en pourcentage : 12 % pour
les fils, soit une part de marché de 16,6 % en 1979, marquant la
progression spectaculaire des pays méditerranéens : + 1,8 % pour
les tissus, soit une part de marché, en 1979, de 10,9 %.
On peut également souligner la forte progression des importa-
tions en provenance des autres pays industrialisés et tout spéciale-
ment, des Etats-Unis.
Pour les produits finis, on constate la forte progression des
pays à bas salaires — pays en voie de développement et de l'Est —
dont la part dans les importations passe de 1970 à 1979 de 8,2 %
pour les articles de maille à 27,4 % et pour les vêtements de 11,8 %
à 45,4 %.
L'année 1980 ne révèle pas d'inflexion notable par rapport à
cette tendance en termes de valeur. En revanche, on constate une
accélération du taux de pénétration.

D. — LES RÉSULTATS DE L'ANNÉE 1980

L'année 1980 a été marquée par un certain ralentissement du


rythme de croissance des échanges. Les exportations n'ont crû que
de 7 % contre 22,5 % en 1979. Les importations ont également
connu une augmentation moins rapide : + 9 % contre + 36 %
en 1979.
Un léger accroissement du déficit est apparu en 1980, 3,6 mil-
liards de francs contre 3,1 milliards en 1979 (1). Le taux de cou-
verture se stabilise autour de 84,5 %.
Cette évolution relativement modérée des échanges masque des
disparités géographiques importantes.
Par rapport à la progression moyenne de 9 % des importa-
tions, on peut souligner le ralentissement plus sensible de nos
importations originaires de la C.E.E. 4 %, tandis que persiste
la pression des pays industrialisés hors C.E.E., + 15 %, et des pays
à bas salaires : Europe méditerranéenne, + 17 % ; pays en voie
de développement + 21 % dont Asie du Sud-Est + 32 % ; pays
de l'Est + 21 %.
Les taux de croissance des exportations par région de destina-
tion sont moins dispersés autour de la moyenne + 7 % : plus
faibles pour la C.E.E., + 4 %, moyens pour les autres pays

(1) Définition différente de celle utilisée pour l'analyse de l'évolution 1970-1975.


- 106 -

industrialisés, ils se maintiennent à peu près pour les zones des


pays à bas coût de revient : + 17 % pour l'Europe méditerra-
néenne, + 23 % pour les pays en voie de développement, + 13 %
pour les pays de l'Est.
D'une façon générale, on remarque que les échanges français
avec la C.E.E. se développent moins vite qu'avec les pays tiers.
Sur les deux dernières années, la balance commerciale se dégrade
pour toutes les zones sauf l'Europe méditerranéenne. Les pays sur
lesquels la France accuse les déficits les plus importants restent
l'Italie : — 2,68 milliards de francs et les Etats-Unis : — 670 mil-
lions de francs.
Pour certains produits, l'année 1980 a été marquée par un recul
des importations en quantités et parfois même en valeur, notam-
ment dans la seconde partie de l'année.
Les importations de fibres ont diminué de 9 % en tonnage,
ce qui a correspondu à une augmentation modérée en valeur : 4 %.
Pour les fils, on constate des évolutions contrastées : une dimi-
nution globale des tonnages, — 5 % et une augmentation faible en
valeur, + 4 %. Les importations de laine baissent de 10 % en
tonnes et augmentent de 2 % en valeur. Les importations de fils
de coton augmentent de 3 % en volume et de 17 % en valeur. Les
importations de fils synthétiques continus diminuent de 9 % en
tonnes et de 1 % en valeur. Enfin, les importations de fils synthé-
tiques discontinus croissent fortement en volume : + 9 % et en
valeur : + 21 %.
Pour les tissus, on note également une régression des quan-
tités : — 7 % et des valeurs : — 1 %. La diminution des impor-
tations est nette pour les tissus de laine : — 17 % en tonnes,
— 5 % en valeur. La réduction des quantités importées de tissus
de coton s'est néanmoins accompagnée d'une augmentation des
valeurs : + 8 %. Les tissus synthétiques continus connaissent une
forte croissance : + 14 % en tonnage et + 26 (),/0 en valeur. Pour
les tissus synthétiques discontinus, la stagnation des quantités a
cependant pour conséquence un accroissement de la valeur des
importations. Enfin, la diminution des importations en volume
des velours (— 25 %) est presque aussi nette en valeur (— 23 %).

En revanche, les importations de produits de la maille et de la


bonneterie augmentent sensiblement en valeur comme en volume :
— étoffes : + 10 % en valeur et 5 % en volume ;
— bas et chaussettes : + 13 % en valeur et 11 % en volume ;
— sous-vêtements : + 27 % en valeur et 16 % en volume ;
— vêtements : + 27 % en valeur et 11 %9 en volume.
— 107 —

La croissance en valeur des importations d'articles divers se


poursuit en 1980 : 17 % pour le linge de maison, 15 %
pour les tapis, + 9 % pour les écharpes, ± 10 % pour les produits
non tissés, ± 11 % pour la rubanerie, — deux postes qui diminuent
respectivement en volume de 3 et 1 % + 34 % pour la dentelle.
Toutefois, par rapport à 1978, la progression en volume reste sub-
stantielle, + 10 % ; la régression constatée en 1980, — 3,5 % ne
fait donc que compenser la croissance exceptionnelle de l'année
1979, sauf pour quelques produits de laine ou pour le coton.

LE COMMERCE DE PRODUITS TEXTILES ET DE L'HABILLEMENT EN 1980 PAR ZONE GÉOGRAPHIQUE

Pourcentage de variation en valeurs


Balance
(en milliards de francs)

Export Import

1980 1979
1980 1979 1980 1979

Tous Pays + 7 + 23 + 9 + 36 — 3,6 — 3,1 — 1,0


C .E.E.
• + 4 + 19 + 4 + 26 — 2,8 — 2,6 — 1,6
Pays industrialisés
+ 7 + 21 + 15 + 62 + 0.3 I + 0,5 + 0,8
'''''''''''''''''''''''''''''''''''''
111.0Pe méditerranéenne + 17 + 57 + 17 + 54 + 0.8 + 0,7 + 0,5
pays en développement + 23 + 32 + 21 + 66 + 0,1 + 0,1 + 0,5
dont : Asie Sud et Sud-Est + 5 + 2 + 32 + 85 — 1.3 — 0,9 — 0,6
p ays à économie centralisée + 13 + 35 + 21 + 54 -- 1,5 -- 0,1

L'évolution de la structure par origine géographique peut être


précisée pour certains pays particulièrement importants.
L'Italie — qui reste notre premier fournisseur avec 22,7 % des
importations totales — a augmenté ses ventes de 5 % en valeur,
c'est-à-dire un peu plus que la moyenne des pays de la C.E.E.
( + 4 %). Cela correspond à une stabilisation en volume des tissus
et des produits de la maille. Parmi les autres fournisseurs européens,
la Grande-Bretagne et la Belgique continuent de progresser vivement,
tandis que la République fédérale d'Allemagne et les Pays-Bas
reculent légèrement.
Le déficit vis-à-vis des Etats-Unis se stabilise à un niveau élevé :
670 millions de francs. Si les importations de tissus de coton et de
velours sont revenues à leur niveau de 1978 et si celles de fils
synthétiques continus se sont maintenues à leur niveau de 1979,
les fils et les tissus synthétiques discontinus, le linge de maison
et les articles en maille continuent de croître fortement.
- 108 -

LES IMPORTATIONS FRANÇAISES


EN PROVENANCE DES PAYS A BAS PRIX EN 1980
(Variation en tonnes par rapport à 1979.)

Pourcentage
variation en volume
1980
tonnes

1980/1979 1980/1978

Textiles, ensemble - Tous bas prix 201.285 5 + 20


dont :
Europe méditerranéenne 62.260 + 2 + 22
Maghreb 10.816 — 3 + 40
A.M.F. + Taiwan 93276 — 3 + 28
Chine 14.461 + 58 + 102

Tissus - Tous bas prix 55.018 + 3 + 21


dont :
Europe méditerranéenne 9.636 + 13 + 61
Maghreb 5.128 — 9 + 41
A.M.F. + Taiwan 25252 + 5 + 20
Chine 7.437 + 15 + 44
Maille et Bonneterie - Tous bas prix 25.758 + 16 + 55
dont :
Europe méditerranéenne 6.848 + 14 + 45
Maghreb 2.953 + 10 + 51
A.M.F. + Taiwan 12.142 + 12 + 64
Chine t + 372
1 765 ± 286
I

Les importations en provenance du Japon se développent


également très rapidement : + 60 % en valeur, + 26 % en volume
par rapport à 1979.
Les pays à bas prix ont fourni en 1980 22 % de nos importations
globales mais 30 % des importations des tissus et 33 % des produits
de la maille.
Comme on peut le constater avec le tableau ci-joint les impor-
tations des pays à bas prix ont amorcé un repli en 1980 mais ceci
touche surtout les demi-produits et, à un moindre degré, les tissus.
Par contre, les articles de maille sont toujours en vive progression.

La comparaison avec 1978 permet de voir qu'en deux ans la


France a absorbé un supplément d'importations à bas prix de 34.000
tonnes au total, dont 9.000 pour les tissus et 9.000 pour la maille.
Les pays méditerranéens d'Europe et les pays A.M.F. se répartissent
la majeure partie de cet accroissement à raison de :
— 109 —

— pays méditerranéens : total + 11.000 tonnes, tissus + 3.600


tonnes, maille + 2.130 tonnes ;
— pays A.M.F. + Taiwan : total + 20.900 tonnes, tissus
+ 4.800 tonnes, maille + 4.700 tonnes.

La place des pays méditerranéens apparaît nettement plus que


proportionnelle à leur part dans les capacités de production mon-
diale.
Enfin, la progression des importations de vêtements et acces-
soires reste très vive : 23,8 % en valeur pour les pays hors C.E.E.
contre 8,9 % pour la C.E.E. Compte tenu de la forte croissance des
importations en provenance des U.S.A. ( 4- 22 %) et du Japon
( + 84 %), le taux de croissance des ventes de vêtements des pays à
bas prix est proche de 22 %. Ce taux déjà important masque un
accroissement considérable des quantités. Celui-ci est particulièrement
net depuis 1978 comme en témoigne le tableau ci-après.

1980 Pourcentage
tonnes variation 1980/1978

Tous pays à bas prix 33.936 + 68


dont :
Europe méditerranéenne 4.428 + 74
A.M.F. + Taiwan 17.448 + 58
Chine 1.728 + 381

Cette distorsion des données en valeur et en volume sera ren-


contrée à nouveau lors de l'étude de la pénétration du marché inté-
rieur ; celle-ci sera étudiée après un bref exposé de la situation des
industries françaises du textile et de l'habillement sur le plan du
commerce ext'tieur.
- 110 -

II. — LES INDUSTRIES DE LA FILIÈRE TEXTILE


FACE A LA CONCURRENCE ÉTRANGÈRE

Il est en effet souhaitable, selon votre Commission d'enquête,


de ne pas se contenter d'une analyse des résultats du commerce exté-
rieur français au niveau des produits. Cette approche peut être uti-
lement complétée par une courte présentation de la réaction de
chacune des industries qui concourent à la filière textile face à la
concurrence étrangère.

A. — L'INDUSTRIE LAINIÈRE

Exportant pour 5,6 milliards de francs, soit 45 ()/0 de son chiffre


d'affaires hors secteur, l'industrie lainière a importé en 1980 pour
6,2 milliards de francs, dont 2,2 milliards de matières premières
laine et 4 milliards de produits transformés.
Les industriels font état du caractère anormal de la concurrence
qui se caractérise essentiellement par des prix sans rapport avec les
prix normaux auxquels peuvent être produits en France des articles
de même nature. Une telle situation est de nature à décourager les
efforts d'amélioration de la productivité, lorsque les prix des articles
importés se situent à un niveau très en dessous des prix minima des
producteurs nationaux et représentent, dans certains cas, une valeur
inférieure au coût de la matière première incorporée.
Quelques exemples sont significatifs du caractère anormal de la
concurrence à laquelle doivent faire face certaines professions de
la laine.
Le secteur du peignage est ainsi menacé par la concurrence de
certains pays d'Amérique de Sud : Argentine, Brésil et Uruguay.
Celle-ci se traduit à la fois par une croissance — malgré les contin-
gents fixés par l'A.M.F. — des volumes exportés dans la C.E.E.
mais également par des fluctuations qui perturbent le fonctionne-
ment des marchés : les pays d'Amérique du Sud pratiquent une
politique d'aide à l'exportation tendant à favoriser tantôt leurs ventes
de laine en suint tantôt celles des laines peignées, grâce notamment
à un système de taxation différentielle à l'exportation.
L'industrie de la laine souligne également le caractère anormal
des prix auxquels sont proposés sur le marché communautaire les
-"""• 111

fils de fibres acryliques d'origine asiatique et dont le contrôle est


rendu malaisé par suite du caractère trop global du quota « fils de
fibres synthétiques, fils de fils acryliques ».

Prix moyen au kilo en francs des fils de fibres acryliques 1980.


Corée 13,17 F,
Malaisie 12,73 F,
Singapour 13,14 F,
Taiwan 13,20 F
C.E.E 23,78 F.

Cette concurrence des pays asiatiques est aggravée par celles


des produits italiens. Favorisés par des conditions de production très
particulières, les Italiens sont à même de proposer des fils acryliques
écru à 17 F le kilo, soit à un niveau sensiblement inférieur au prix
français. En outre, en matière de tissus cardés, les Italiens qui four-
nissent 40 % du marché français occupent une position dominante
sur le marché européen.
D'une façon générale, l'industrie de la laine subit le contre-
coup des difficultés que connaissent ses industries clientes.

B. — L'INDUSTRIE COTONNIÈRE

En 1979, exportations et importations de l'industrie cotonnière


— matières premières exclues — ont respectivement atteint 18,3 mil-
liards de francs et 21,4 %, soit un déficit de 3,1 milliards contre
un milliard en 1978.
Le déficit en volume est passé de 65.880 tonnes à 95.340 tonnes,
soit une aggravation de 45 %. En valeur, la progression atteint
+ 75 %.
Le solde déficitaire avec la C.E.E. qui se réduisait depuis 1976,
augmente à nouveau par rapport à 1975 : + 74 % en volume,
+ 32 % en valeur. Portant essentiellement sur des postes de produits
en fibres synthétiques, il ne représente que 15 % du déficit global,
les échanges intra-C.E.E. de produits cotonniers purs étant pratique-
ment équilibrés.
Globalement, les exportations ont crû de 5 % en volume et de
14 % en valeur. Celles à destination des pays hors C.E.E. ont pro-
gressé plus vite que la moyenne, notamment à destination de l'Afrique
et de l'Europe hors C.E.E. Les industriels du coton dénoncent une
fois de plus les obstacles qu'ils rencontrent pour exporter dans cer-
tains nouveaux pays industriels.
- 112 --

Les importations ont beaucoup augmenté en 1979 : + 14 % en


volume, + 24 % en valeur. La progression la plus rapide concerne
les fibres de coton. Fin 1979, la part du marché français prise par les
importations était évaluée à 58 % au niveau du tissage et à 69 %
pour tous les articles confondus.
On peut insister sur les difficultés créées par les importations
en provenance des Etats-Unis. Celles-ci ont atteint un chiffre record
dépassant 23.000 tonnes de produits de l'industrie cotonnière, dont
19.000 tonnes de tissus (denim et velours). Cette progression repré-
sente près de 30 % de la hausse des importations des articles du
secteur cotonnier. En 1979, 34 % des importations de tissus extra-
C.E.E. proviennent des Etats-Unis : celles-ci sont passées de 13.500
tonnes en 1975 à 19.000 tonnes en 1979.
Il y a là une menace pour le développement de l'industrie textile.
Les Etats-Unis ne font en effet pas mystère de leur intention de réta-
blir l'équilibre de leur balance commerciale textile-habillement
(— 4 milliards de dollars en 1978) par un plafonnement de leurs
importations et un développement de leurs exportations.
Les exportations américaines en France sont concentrées actuel-
lement sur trois articles : le linge de maison, le denim et le velours.
Ces deux derniers conviennent particulièrement bien à la production
de masse américaine et aux débouchés actuels en France et en Europe.
La pénétration pour ces deux articles a été d'autant plus durement
ressentie en 1979 que les Etats-Unis ont connu dans le courant de l'an-
née un ralentissement de la demande sur leur propre marché.
Les raisons de cette progression sont nombreuses. Certes, l'in-
dustrie cotonnière américaine bénéficie d'atouts concurrentiels tels
que la production sur place des fibres de coton, une productivité gé-
néralement élevée, des coûts de main-d'oeuvre inférieurs à ceux de
l'Europe et une législation sociale très souple permettant une durée
d'utilisation du matériel notablement plus élevée qu'en France. Mais
d'autres avantages sont plus contestables tels que le coût de l'énergie
ou celui des matières premières synthétiques.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'application de l'accord multi-
fibres, sauf pour les fils de coton, les importations effectives restent
conformes et souvent en dessous des plafonds globaux fixés. Les
importations de tissus de coton en progression constante par rapport
à 1978 se situent en deçà du niveau atteint en 1976.
Cela dit, notamment pour les fils de coton, on constate une pous-
sée sensible des pays associés.
- 113 -

C. — L'INDUSTRIE DES TEXTILES CHIMIQUES

Encore positif de 4.000 tonnes en 1978, le solde des échanges


extérieurs de fils et fibres chimiques est déficitaire de 59.000 tonnes
en 1979 par suite de l'augmentation des importations et de la diminu-
tion des exportations.
Les importations de fils et de fibres chimiques ont poursuivi leur
progression : elles ont augmenté de 20,5 % par rapport à 1978.
Avec 27.600 tonnes, elles couvrent 58 % du marché français, contre
54 % en 1978 et 41 % en 1973. La plus forte progression est celle
des importations de fils synthétiques : + 32 %, tandis que celles de
fibres artificielles ont diminué de 3 %.
La C.E.E. reste notre principal fournisseur, avec 82 % de nos
importations. Toutefois, les importations hors C.E.E. ont progressé
au rythme très rapide de 40 % : + 31 % pour les pays de l'Est,
+ 77 % pour les pays en voie de développement, + 98 % pour les
Etats-Unis.
L'industrie française des fibres chimiques a cependant réalisé
60 % de sa production à l'exportation. Toutefois, ses ventes à l'étran-
ger se sont réduites de 6 % par rapport à 1978, certaines entreprises
ayant préféré renoncer à certains marchés plutôt que de ne pas ob-
tenir des prix assurant un minimum de rentabilité.
Pour les peignés, fils et articles assimilés en fibres chimiques,
le déficit a été de 50.000 tonnes, soit 1,2 milliard de francs. Les im-
portations ont atteint 170.000 tonnes soit une progression de 16 %
par rapport à 1978. Les importations en provenance de la C.E.E. re-
présentent les trois quarts du total. Les plus forts taux d'accroisse-
ment concernent les Etats-Unis, + 37,5 %, et les pays en voie de dé-
veloppement, + 29 °/0.
Les exportations de peignés, filés, tissus et articles assimilés,
ont progressé de 8 % pour atteindre 121.000 tonnes. Les ventes ont
augmenté de 5 % vers les pays de la C.E.E. qui en absorbent 66 %
du total, et de 13 % vers les autres zones d'exportation, avec notam-
ment des accroissements de 19 % vers les pays de l'Association euro-
péenne de libre-échange (A.E.L.E.) et de 30,5 % vers les pays à
commerce d'Etat.
Globalement, pour 100 kilogrammes de fibres chimiques livrées
sur le marché intérieur par les producteurs français, il est entré, en
1979, sans même tenir compte des articles de confection, 225 kilo-
grammes de produits étrangers, contre 190 en 1978 et 104 en 1973.
Les industriels mettent l'accent sur certaines importations à prix
anormaux comme celles de fibres acryliques en provenance d'Espagne
Sénat 282. — 8
- 114 -

ou de fils polyamides originaires de Taiwan. Ils estiment cependant


que ce sont les fibres chimiques américaines qui perturbent le marché
français, comme l'ensemble du marché européen, au point de menacer
gravement la poursuite de leur activité.
Cette situation se répercute tout au long de la chaîne textile
américaine et facilite de façon anormale les exportations de l'en-
semble des produits textiles à base de fibres chimiques : ceci au mo-
ment où le gouvernement des Etats-Unis engage un programme im-
portant en faveur de ses industries du textile et de l'habillement afin
de rééquilibrer la balance textile américaine par une régulation très
stricte des importations et par le développement des ventes sur les
marchés extérieurs.
Atteignant déjà des niveaux très élevés en Italie pour les fibres
acryliques et en Grande-Bretagne pour les fils polyester, les exporta-
tions américaines ont, au cours de ces derniers mois, connu une forte
augmentation dans l'ensemble de la C.E.E., et notamment en France.
Elles entraînent, au détriment de notre balance commerciale, une
diminution des ventes françaises dans les autres pays de la C.E.E. et
une forte pression des exportations de ces pays sur notre marché inté-
rieur qui viennent s'ajouter aux pertes de débouchés résultant des
importations en provenance directe des Etats-Unis.
De plus, cette concurrence anormale pèse dangereusement sur le
niveau des prix français et européens, alors que les entreprises, qui
n'ont pas encore retrouvé un minimum de rentabilité, ont à subir de
nouvelles hausses de leurs matières premières.
Au-delà même d'une réduction d'activité avec ses répercussions
sur l'emploi, c'est la réussite des plans de restructuration et de moder-
nisation des entreprises comme de l'ensemble de l'industrie européenne
des fibres chimiques qui se trouve compromise.
L'évolution récente du cours du dollar ne change pas fondamen-
talement la situation. De fait, depuis 1980, la situation du secteur des
fibres chimiques a beaucoup évolué. Cela n'est pas dû aux mesures
anti-dumping qui, décidées d'abord le 2 septembre 1980 pour les fils
plats polyester et le 21 octobre 1980 pour les fils texturés, n'ont guère
eu d'efficacité.
Ces mesures n'ont eu, en effet, qu'une portée assez réduite et
sont d'un montant tout à fait insuffisant par rapport à l'avantage
que constituait à l'époque, pour les Etats-Unis, le fait d'avoir des
prix de l'énergie et des matières premières anormalement bas.
L'annonce, au début de 1981, de mesures définitives n'a pas
amélioré la situation dans la mesure où ce sont seulement 30 % des
importations de fils polyester texturés qui seront touchés au taux
de 16,1 %. En outre, il n'a pas été tenu compte du dumping en
aval, c'est-à-dire celui constitué par les importations de fils plats
- 115 -

texturés effectuées par des producteurs indépendants ou par des


marchands.
L'efficacité de ces mesures peut être illustrée par la croissance
tout à fait étonnante des importations françaises en provenance des
Etats-Unis.

RAPPEL DU RYTHME D'ACCROISSEMENT DES IMPORTATIONS AMERICAINES


EN FRANCE
(En tonnes.)

Anodes Fil polyester PU polyester


textmt

1976 44 440
1977 48 383
1978 85 740
1979 651 1.040
Neuf mois 1980 1.004 802

Les distorsions de prix sont illustrées par le tableau ci-après


qui donne la structure des prix pour le fil polyester pour les Etats-
Unis et pour la France.
- 116 --

STRUCTURE COMPARÉE DES PRIX DU FIL POLYESTER


AUX ÉTATS-UNIS ET EN FRANCE

Base : France 25.000 tonnes/an.


Etats-Unis 45.000 tonnes/an.
(Francs/kilogramme.)

Etats-Unis France

I. - Polyester.

Matières premières 4,69 6,34


Energie 0,27 0,47
Main-d'oeuvre directe 0,41 0,47
Frais (usine et siège) 0,80 1,20
Amortissement (dix ans) 0,97 0,95

Coûts Poy 7,14 9,43

Coût ajouté (hors matière première et énergie) (2.18) (2,62)

II. - Texturation.

Matières premières 0,14 0,15


Energie 0,46 0,50
Main-d'oeuvre directe 0,59 0,64
Frais (usine et siège) 0.30 0,47
Amortissement (dix ans) 0,27 0,33

Texturation 1,76 2,09

Coût ajouté (hors matière première et énergie) (1,16) (1,44)


Coût fil texturé 8,9 11,52
Coût ajouté (niveau fil texturé) 3,34 4,06

Avec l'augmentation du cours du dollar, les prix américains


ont cependant considérablement augmenté au premier trimestre
1981 par rapport au premier trimestre 1980. Ces chiffres sont don-
nés dans le tableau ci-joint :
HAUSSE DES PRIX MOYENS AMÉRICAINS (1980.1981)
(Francs/kilogramme.)

3 mois 1980 3 mots 1981 Pourcentage

Fils polyester plats 14,54 17,68 21,6


Fils polyester textures 10,92 13,02 19,2
Fibres polyester 6,96 10,16 45,6
Fibres acryliques 12,09 16,26 34,5
- 117 -

On assiste à une diminution importante des importations de


fibres chimiques en provenance des Etats-Unis, moins nette cepen-
dant en ce qui concerne les fibres acryliques.
En définitive, si la menace des importations américaines sem-
ble donc s'éloigner, la hausse du dollar entraîne des difficultés
considérables pour les entreprises françaises. En effet, le secteur
des textiles artificiels et synthétiques est un gros consommateur
d'énergie, celle-ci entrant environ pour 30 % dans son chiffre
d'affaires. D'autre part, il utilise des matières premières qui sont
essentiellement fabriquées à partir de produits pétroliers. Les haus-
ses des prix de vente qu'on a pu constater depuis l'année dernière
(10 à 15 % selon les produits) ne peuvent couvrir les retards pris en
1980 et l'augmentation du coût de revient prévisible.
Il convient donc que l'Etat intervienne rapidement pour aider
les entreprises françaises à l'instar de ce qui est fait par les autres
pays.
On doit souligner, en effet, que la plupart des pays européens
aident massivement l'industrie chimique ; si le Gouvernement fran-
çais n'en fait pas autant, cela risque de provoquer assez rapide-
ment la disparition de certains éléments de la filière textile met-
tant, à terme, en question la survie même de notre industrie textile
chimique.
L'ensemble des industriels européens ayant subi une perte,
en 1980, de près de 5 milliards de francs, la plupart de nos parte-
naires ont pris des mesures pour maintenir l'activité et l'emploi :
Aux Pays-Bas, Akzo bénéficie d'un prêt différé de 75 millions
de florins (158 millions de francs) et d'une prime de 15 millions de
florins (31,6 millions de francs).
En Italie, pour la seule usine d'Ottana en Sardaigne, le Gou-
vernement intervient à hauteur de 33 milliards de lires (158 millions
de francs).
En Belgique, la société Fabelta aurait cessé toute activité sans
l'intervention du Gouvernement. L'ensemble de l'industrie textile
belge reçoit une aide de 35 milliards de francs belges (5 milliards
de francs français).
En R.F.A., le système particulier d'aide par les Lânder ne permet
pas de connaître le niveau de l'intervention.
- 118 -

D. — L'INDUSTRIE DE LA MAILLE

L'expansion très rapide de la consommation des articles en


maille (+ 40 % en six ans) n'a pas profité aux entreprises nationales
par suite de l'augmentation des importations. Celles-ci représentent
en 1980 54 % de la consommation nationale, contre 30 % seulement
en 1977.
De fait, tandis que les exportations doublaient depuis 1973 —
passant de 1,8 milliard de francs à 3,6 milliards de francs — les
importations étaient multipliées par 3,35 pour atteindre 5,7 milliards
de francs. Pour 1980, le déficit est estimé à 2,1 milliards de francs,
alors qu'il ne se montait qu'à 1,65 milliard de francs en 1979.
Pour la maille, 32 % de nos importations proviennent des
pays hors C.E.E. dont 15 % sont originaires des pays à bas prix.
Compte tenu des détournements de trafic, la profession estime
à 40 % la part des articles de maille importés à des prix anormale-
ment bas. Ainsi, les statistiques douanières démontrent que le prix
moyen des pulls importés est de 26 F, soit la moitié du prix de
revient technique en France (matière première + salaire direct).
Mais ce prix de revient n'est que de 14 F pour Singapour, 17 F pour
la Corée et la Grèce, 20 F pour la Malaisie et le Portugal, et de
26,5 F pour l'Italie.

Le tableau ci-après récapitule à titre d'exemple la situation de


l'industrie de la maille pour ce qui concerne les pull-overs.

PULL-OVERS
(En milliers de pièces.)

19110
1978 1979 Estimation

Production (y compris sous-pulls) ... 60.880 58.396 58.700


Importations (sous-pulls exclus) 54.940 65.540 70.000
Exportations (sous-pulls exclus) 12.090 11.528 13.500
Consommation apparente 103.730 112.408 115.200

Dans ce domaine, le problème essentiel provient des distorsions


de la concurrence qui sont exposées pages 408 et suivantes.
- 119 -

E. — LE PRÊT-A-PORTER FÉMININ

L'année 1979 s'est révélée plutôt décevante. Au cours de l'année


1978, importations et exportations avaient crû au même rythme,
soit 15 %. Au contraire en 1979, face à un marché intérieur pourtant
bien peu actif, les importations ont augmenté de 39,8 %, pour atteindre
près de 1,8 milliard de francs, tandis que les exportations ne s'ac-
croissaient que de 10,9 % pour ne se monter qu'à 3,3 milliards de
francs. Dans ces conditions, le taux de couverture du prêt-à-porter
pour 1979 n'a été que de 1,85. soit le plus bas niveau de son histoire.
En valeur absolue, l'excédent commercial diminue également :
1,52 milliard de francs au lieu de 1,7 milliard en 1978 et 1,48 mil-
liard en 1977.
Globalement, notre balance commerciale est excédentaire vis-à-
vis des pays industrialisés C.E.E.. 954 millions de francs ; A.E.L.E. :
▪ 273 millions de francs, Amérique du Nord : + 279 millions de
francs ; Moyen-Orient : -I- 213 millions de francs ; Amérique du Sud :
▪ 33 millions de francs. Elle est déficitaire vis-à-vis des pays à bas
prix : Afrique du Nord (79 millions de francs et pays de l'Est 41 mil-
lions de francs) et de l'Extrême-Orient (165 millions de francs).
Par catégorie de produits, on remarque que le solde de nos
échanges est positif, en valeur, pour tous les articles hormis les
jupes, les manteaux, les parkas et anoraks, les peignoirs de laine,
les blouses, les tabliers et les vêtements en tissus enduits, alors qu'en
volume, le solde n'est positif que pour les maillots de bain et les
pantalons.
Il est à noter que, malgré ces résultats favorables, certaines
taches d'ombre existent : ainsi, en Amérique du Nord, la situation
devient extrêmement préoccupante : nos ventes ont baissé aux Etats-
Unis de 20,3 % et au Canada de 20,3 %. Notre part de marché aux
Etats-Unis est inférieure de 3 % par rapport à 1978 et se retrouve
ainsi à un niveau inférieur à celui de 1975.
Les importations constituent désormais plus de 20 % de la
consommation apparente française, au lieu de 17 % en 1978 et 11 %
en 1975.
Pour le groupe de pays pour lequel le travail à façon est négli-
geable, on constate ainsi une croissance rapide des importations en
provenance du Sud-Est asiatique, 71 % — qui fournit plus de
10 % de nos achats — et de la C.E.E., + 29 %. Au-delà de ces
moyennes, on peut souligner quelques croissances exceptionnelles :
+ 48 % pour l'Italie, 49 % pour l'Inde et + 143 % pour le
Pakistan.
- 120 -

D'autres pays développent fortement leurs exportations vers la


France, mais avec une part importante de perfectionnement passif.
L'Afrique du Nord augmente ses ventes de 45 % : le travail à façon
qui représente 45 % de ses exportations en est la composante la
plus dynamique + 65 % par rapport à 1978. Il en est de même pour
les importations en provenance de l'A.E.L.E. : + 69,7 % où le
travail à façon effectué au Portugal représente 35 % des exportations
de cette zone vers la France, au lieu de 11 % en 1978.
Le trafic de perfectionnement passif représente également 24 %
des importations en provenance des pays de l'Est qui ont augmenté
de 32 % en 1979.
En définitive, le travail à façon représente 7,2 % de nos expor-
tations au lieu de 4,2 % en 1978.

F. — LE VÊTEMENT MASCULIN

Les échanges extérieurs dans la branche du vêtement masculin


de dessus s'étaient caractérisés en 1979 par une reprise de la progres-
sion des importations et une très forte poussée des exportations.
Celles-ci se sont accrues de 14 % pour atteindre 1,39 milliard
de francs contre -I- 5 % en 1978. Les améliorations sensibles ont
été obtenues sur certains marchés européens — Irlande : ± 71 %,
Suède : ± 50 %, Danemark : ± 31 %, Grande-Bretagne :
+ 23 % —, du Moyen-Orient — Liban : + 42 %, Koweit :
+ 67 %, Arabie : 15 % — et du Japon : 39,5 %.
Les vêtements de loisirs restent la composante la plus dynamique
à l'exportation. Les vêtements de draperie continuent de voir leur
position s'effriter : en volume la baisse par rapport à 1975 est de
14 % pour les costumes, de 17 % pour les vestes et de 15 % pour
les pardessus et imperméables.
En 1979, les importations ont augmenté de 50 % pour atteindre
4 milliards de francs. Il s'agit là de l'effet à retardement des mesures
de blocages et de sauvegarde prises par le Gouvernement en juin
1977 et qui avaient conduit à une utilisation partielle des quotas en
1978.
Les pantalons représentent 45,6 % du montant total de nos
importations, contre 40 % en 1978 : 26 millions de pantalons sont
entrés en France en 1979, dont près de 24 millions de pantalons de
coton. La très forte progression des achats de blousons et d'anoraks :
+ 71 % place ces articles en deuxième position parmi les vêtements
importés devant les costumes qui ne représentent plus que 13 % de
nos importations.
- 121 -

En ce qui concerne les pays d'origine, certaines progressions


sont particulièrement remarquables : 56 % pour l'Italie, qui
conforte sa place de premier fournisseur, 86 % pour les pays
du Sud-Est asiatique, 75 % pour les pays d'Afrique du Nord et
58 % pour les pays de l'Est.
Ces deux dernières zones se caractérisent par l'importance du
« travail de perfectionnement passif ».
Le travail à façon, en croissance rapide, représente en effet
71 % des importations pour les vêtements enduits, 16,5 % pour
les anoraks et blousons, 35,4 % des shorts, 15 % des costumes.
Enfin, si les pantalons confectionnés à façon n'entrent que pour
8,7 % dans la part des importations totales de pantalons, leurs
importations progressent de 81 % en volume.

G. — L'INDUSTRIE LINIÈRE

La balance commerciale française de la chaîne de la transfor-


mation du lin, depuis la matière première jusqu'aux tissus finis,
est traditionnellement positive de l'ordre de 400 millions de francs.
La France exporte en effet : 15 % des pailles, 65 % des filasses
(matière première pour la filature), 40 % des fils, soit 20 % pour la
filature au sec et 60 % pour la filature au mouillé et 15 % des tissus
et articles confectionnés.
Ce solde excédentaire pourrait être notablement amélioré par
une exportation accrue de demi-produits (fils) et de produits finis
(tissus et articles confectionnés).
Pour atteindre cet objectif, il conviendrait, d'une part, d'assu-
rer une meilleure protection de l'industrie linière française vis-à-vis
des importations à bas prix en provenance des pays de l'Est et,
d'autre part, une meilleure réciprocité dans les conditions d'accès
à certains nouveaux pays industriels, notamment en Amérique du
Sud.

Les produits de l'industrie linière ne sont pas directement men-


tionnés par l'accord multifibres II mais simplement repris dans le
cadre d'une lettre annexe aux accords bilatéraux conclus avec cer-
tains pays de l'Est. Cette situation explique la diversité des régimes
d'importation :
— pour les filés (positions 54-03, 54-94, catégories 115 et
116) il n'est prévu aucune restriction, sauf en ce qui concerne la
Pologne ;
- 122 -

— pour les tissus (catégories 117 à 120), il existe à la fois des


quotas pour les pays de l'Est couverts par l'A.M.F. et des régimes
de contingentements autonomes pour les autres origines.

Les pays à commerce d'Etat, dont le potentiel de production


représente dix fois celui de la Communauté, constituent à moyen
terme une menace grave.
A court terme, on constate déjà une augmentation sensible des
taux de pénétration des marchés de la Communauté économique
européenne. Le taux de pénétration global est ainsi passé de 7,5
en 1979 (onze premiers mois) à 25,5 % en 1980 (onze premiers
mois).

La répartition des importations par zones géographiques témoi-


gne de l'augmentation rapide des importations en provenance des
pays à commerce d'Etat et des autres origines :
(En pourcentage.)

C.E.E. 68,6 78,2


Pays à commerce d'Etat 6,3 4
Autres 25,1 17,8

Une fraction de cette concurrence s'exerce à des niveaux de prix


tout à fait anormaux. Ainsi, les importations de fils de lin de numéros
métriques inférieurs au numéro métrique 15 ont été réalisées à des
prix à peine supérieurs aux prix de la matière première entrant dans
la composition d'un kilo de fil, soit pour l'industrie linière, 9 F par
kilo. Le tableau ci-dessous donne le prix moyen à l'importation et les
quantités importées pour certains concurrents particulièrement me-
naçants :

Prix moyen à l'importation à la tonne pour des fils filés pour


certaines origines :
Tchécoslovaquie 20 tonnes au prix moyen de 5,3 F,
Yougoslavie 30 tonnes au prix moyen de 5,5 F,
Egypte 30 tonnes au prix moyen de 6,5 F,
Brésil 12 tonnes au prix moyen de 8,2 F,
Belgique 435 tonnes au prix moyen de 8,8 F.

En ce qui concerne les tissus et articles confectionnés, on constate


également une augmentation du taux de pénétration. Celui-ci s'établis-
sait en 1979 à 46 %, se répartissant également entre importations
d'origines communautaires et non communautaires. Les importations
atteignent 1.667 tonnes dont 826 d'une provenance extérieure à la
Communauté économique européenne. A noter que l'on ne tient pas
- 123 -

compte ici que des seuls articles filés ou majoritaires en lin ; les
statistiques françaises ne permettent pas à l'heure actuelle de répérer
les articles mélangés. Toutefois, certaines améliorations au code
Nimexe doivent intervenir en 1981.
On peut considérer que, si le taux de pénétration de 23 %
apparaît relativement modéré, il est inquiétant en raison de la part
essentielle prise dans les importations d'origine extra-communautaire
par les pays de l'Est. Ceux-ci représentent 70 % de nos importations
de lin (catégorie 117), 95 % pour le linge de table, de toilette ou de
cuisine (catégorie 119).
Enfin, l'orientation même des courants d'échanges ne contribue
pas à une action efficace de la Communauté dans ce domaine : la
France est surtout importatrice de produits roumains ou polonais
alors que l'Italie est plutôt importatrice de produits tchèques, alle-
mands de l'Est ou hongrois.
Dans ces conditions, il n'y a pas de solidarité des pays euro-
péens et une plainte de la France pour des importations roumaines
anormales ne trouve guère d'appui auprès des pays membres de la
Communauté économique européenne et réciproquement. Les expor-
tations sont relativement satisfaisantes, puisqu'elles représentent 40 %
de la production. Elles sont néanmoins trop orientées vers l'exporta-
tion de fils au mouillé et trop concentrées sur le Marché commun et
en particulier sur l'Italie.
En revanche, la situation n'est guère satisfaisante pour les
articles confectionnés, les exportations ne représentent qu'à peu près
15 % de la production.
Un effort de promotion devrait être mené vers les pays à haut
niveau de vie comme les Etats-Unis et le Canada, ainsi que vers les
nouveaux pays industriels, à condition d'obtenir l'ouverture de leurs
marchés.
Enfin, deux problèmes sont importants pour l'avenir de l'indus-
trie linière : la mise en place de certificats de qualification de la loi
du 10 janvier 1978 relative à la protection et à l'information des
consommateurs ; l'application effective des directives tendant à l'ou-
verture des marchés administratifs à la concurrence européenne.
En matière de certificats de qualification, l'industrie linière avait,
avec son label de qualité « Fleur bleue », créé en 1933, anticipé sur
les objectifs d'une politique de certification des produits.
Les pouvoirs publics se sont efforcés d'obtenir une gestion très
stricte de l'accord multifibres. C'est ainsi qu'à l'heure actuelle plus
de 500 limitations à l'importation ont été obtenues dans le cadre de
cet accord. Non seulement il s'agit de faire respecter les limitations
existantes en vertu de l'accord, c'est-à-dire d'arrêter les importations
lorsque les plafonds sont atteints, mais également de demander à la
--- 124 ---

Communauté d'instaurer de nouvelles limitations, dans le cadre de la


procédure dite de « sortie de panier » lorsque l'on constate une pro-
gression anormale des échanges.
La France est, avec la Grande-Bretagne, le pays qui a demandé
le plus souvent la mise en place de nouvelles limitations. C'est ainsi
que 12 demandes ont été faites en septembre 1980 pour le marché
français et un ensemble de 14 mesures transmises à Bruxelles où une
trentaine d'autres mesures sont en cours d'instruction.
Par ailleurs, le Gouvernement a cherché à contrôler les flux
d'importations en provenance de la Communauté qui pouvaient pré-
senter un caractère anormal. C'est ainsi qu'un visa technique a été
imposé pendant plusieurs mois en 1980 à l'entrée des pull-overs ita-
liens, mesure qui a eu pour effet immédiat de faire baisser de 8 %
le flux de pénétration.
Il reste à déterminer dans quelle mesure les produits étrangers
seront autorisés à utiliser des certificats de qualification. Un tel pro-
blème pourrait être réglé au niveau du cahier des charges imposé par
l'administration à l'organisme certificateur.
En ce qui concerne les marchés administratifs, le Gouverne-
ment français devrait se montrer vigilant et exiger que les instances
de Bruxelles s'assurent que tous les pays satisfont à l'obligation de
publication des appels d'offres au Journal officiel de la Communauté.

H. — LA BRODERIE

La balance commerciale française pour les produits de broderie,


encore positive en 1979, a évolué de façon très défavorable depuis 5
ans : le taux de couverture est ainsi passé de près de 700 % en 1975
à seulement 140 % en 1979. Cette détérioration s'est produite malgré
le ralentissement de la demande intérieure : en 3 ans, le taux de crois-
sance de la demande en volume est passé de 45 % à 1,4 %.
De fait, tandis que la production en volume a diminué de 1978
à 1979, passant de 2.260 tonnes à 1.870 tonnes, le marché intérieur
s'est lui aussi contracté, passant de 1.300 tonnes à 1.078 tonnes.
A l'exportation, la France réalise des performances honorables.
Elle a exporté 792 tonnes sur une production totale de 1.870 tonnes,
améliorant notamment ses performances sur le marché américain et
le marché marocain.
Toutefois, la concurrence est particulièrement sévère sur les
marchés internationaux. A l'heure actuelle, l'offre internationale de
produits émane à 90 % de 5 pays producteurs : la France, la Suisse,
l'Autriche, la Corée du Sud et le Japon.
- 125 -

On assiste cependant à une offensive importante des pays asia-


tiques. Leur part du marché mondial, qui a doublé entre 1973 et
1977, passe de 13 à 32 %.
Par ailleurs, le Japon a multiplié ses exportations par 8 et l'Au-
triche par 2. Les positions françaises se sont effritées sur les marchés
de la C.E.E. La part de la France est passée de 13,7 % en 1975 à
8,4 % en 1978.
En définitive, la profession a du mal à faire face à une concur-
rence extérieure, qu'elle soit celle des pays relativement développés
comme la Suisse ou, au contraire, celle des pays du Sud-Est Asiatique,
et, notamment, la Corée du Sud.
Cette situation résulte notamment du caractère extrêmement ato-
misé de la commercialisation des produits de la broderie et du manque
d'une infrastructure commerciale efficace.
Il semble souhaitable que les professionnels se groupent afin de
restructurer leur activité, aussi bien dans la définition des produits
que dans leur commercialisation sur les marchés étrangers.
En définitive, les analyses globales comme les perspectives sec-
torielles de nos échanges de produits textiles et d'habillement révè-
lent un certain paradoxe dans la situation de l'industrie française :
dynamique à l'exportation, elle n'oppose guère de résistance à l'inva-
sion de son marché intérieur.
Dans ces conditions, il est utile de compléter ce constat par
l'analyse d'un point de vue structurel de l'évolution de la pénétration
du marché intérieur.
- 126 -

III. — LA PÉNÉTRATION DU MARCHÉ INTÉRIEUR

Avant d'examiner certaines causes structurelles de la perméa-


bilité du marché intérieur, il convient de faire le point de l'évolution
récente des taux de pénétration.

A. — L'ÉVOLUTION RÉCENTE DES TAUX DE PÉNÉTRATION

Pour mesurer le phénomène, différents modes de calcul sont


possibles. Schématiquement, on peut opposer deux conceptions.
L'une, en général mieux accueillie chez les partisans du libre-échange,
privilégie la recherche de l'équilibre externe indépendamment du
degré d'ouverture sur l'extérieur, l'autre, soucieuse du problème de
sécurité des débouchés, ne considère que la situation du marché inté-
rieur.
La première difficulté réside dans le choix de la grandeur de
référence qui permettra d'apprécier le poids relatif des importations.
Certains préféreront la production, agrégat plus facile à appréhender
et qui tient compte implicitement des exportations. D'autres, au
contraire, retiendront la consommation intérieure, c'est-à-dire la pro-
duction moins les exportations, plus les importations.
Ensuite, il convient d'opter entre données en valeur ou en
volume, problème qui peut devenir important lorsqu'il existe un déca-
lage entre prix à l'exportation et prix à l'importation.
Pour sa part, la Commission d'enquête prendra en compte la
consommation intérieure pour calculer successivement des taux de
pénétration en volume, pour apprécier la situation conjoncturelle,
et en valeur pour analyser des évolutions structurelles : dans un
cas on met l'accent sur les pertes de marché et donc sur les diffi-
cultés des entreprises, dans l'autre on s'intéresse aux équilibres
macro-économiques dans la seule perspective de la contribution du
secteur à la balance commerciale.

Le tableau ci-après donne l'évolution des taux de pénétration


pour le secteur textile :
— 127 —

TAUX DE PÉNÉTRATION, SECTEUR TEXTILE,


CALCULÉ EN VOLUME PAR RAPPORT A LA CONSOMMATION INTÉRIEURE

Trimestres 1979 Trimestres 1980


Année Année
1978 1979

4, 3e

Industrie textile
41 46 47 47 41 4.8 51 51 42
dont :
— fibres et fils chi-
miques 50 54 54 56 50 56 59 59 50
— moulinage-
texturation 31 38 39 40 33 39 48 52 38
— filature 18 21 22 24 17 24 26 26 19
— tissage 47 50 53 53 40 53 54 55 40
— bonneterie 42 49 48 49 50 50 54 54 51

4iree C.T.C.O.E.
Les taux du troisième trimestre sont influencés par des facteurs sai sonniers. Les chiffres du troisième trimestre 1980 sont provisoires.

Méthode de calcul : base volumes. Rapport en pourcentage de l'importation, dans la


consommation intérieure définie comme suit : production moins exportation plus
importation.
Il s'agit des taux directs, c'est-à-dire de ratios calculés sur les produits de la branche.
Compte non tenu de la perte de débouché pour une production résultant des importations
des produits situés à l'aval de la chaîne textile. Par exemple : les importations de tissus ou
de bonneterie retentissent sur l'activité de la filature.

Globalement, les taux de pénétration progressent de 5 % de


1978 à 1979. De 1979 à 1980, l'évolution est, faute de chiffres
annuels définitifs, moins nette mais semble marquer une certaine
pause dans la pénétration des produits étrangers en France : en
comparant les résultats pour les seuls troisièmes trimestres, on cons-
tate une augmentation globale faible (+ 1 %) qui résulte d'un coup
d'arrêt pour les fibres et fils chimiques et le tissage, une stabilisation
pour la bonneterie ( 1 %) et la filature (+ 2 %), et une dégrada-
tion nette pour le moulinage dont le taux de pénétration augmente
de 33 à 38 %.
En revanche, en ce qui concerne l'habillement, les taux de
pénétration continuent, comme le montre le tableau ci-joint, de
progresser très rapidement (+ 10 %) pour les manteaux (hommes
et femmes), les vestes, blousons (hommes), les trainings, les tee shirts,
les vêtements de nuit (hommes), le linge d'office (+ 18,1 %) et entre
5 et 10 % pour les costumes (hommes), les pantalons (hommes), les
chemises (hommes), les jupes, les pull-overs, les combinaisons. En
- 128 -

revanche, il y a stagnation des importations (moins de 1 % de


progression) ou même reconquête du marché intérieur pour les
vestes (hommes), les tailleurs (femmes), les pantalons (femmes), les
chaussettes, les slips, les soutiens-gorge, les bas, collants et le linge
de lit.

Articles 1972 1973 1974 1975 I 1976 1977 1978 1979 A. 12 ACA

Hommes et garçonnets :
- Manteaux et imperméables N.D. N.D. N.D. 14,0 i 30,2 24,5 30,3 31,5 32,8 38,1
- Costumes - Ensembles 13,9 16,7 18,3 16,9 I 25,2 23,6 27,3 40,2 36,8 39,4
- Pantalons 18,2 ' 23,7 22,9 28,2 29,0 30,4 28,1 47,1 39,0 51,2
- Chemises N.D. N.D. 29,5 33,0 38,5 48,4 44,2 56,0 50,5 63,0

Femmes et fillettes :
- Manteaux et imperméables N.D. N.D. N.D. 12,6 19,9 19,7 20,3 37,5 27,8 49,4
- Robes 8,8 12,6 10,3 14,6 19,5 21,8 20,5 I 29,1 26,1 32,5
- Tailleurs - Ensembles 3,7 6,2 10,2 10,1 8,8 24,1 24,7 33,4
30,8 30,3
- Jupes séparées 7,4 8,7 9,6 12,4 19,5 21,9 23,3 33,7 29,7 37,5
- Pantalons 3,2 6,3 7,7 7,4 12,1 15,3 13,9 19,1 18,3 18,7
- Chemisiers - Corsages N.D. N.D. 39,0 41,6 61,0 i 48,1 42,6 50,8 48,9 54,2
- Soutiens-gorge 20,2 22,6 34,5 28,5 36,5 j 36,5 34,5 48,5 44,7 42,6

Importations/consommation intérieure en pourcentage des quantités.


N.D. : non déterminé.

A long terme, on constate le doublement, voire le triplement


de tous les taux de pénétration pour les articles du tableau ci-joint,
sauf pour les chemisiers et les soutiens-gorge : les fabricants de
produits très concurrencés en 1975 semblent avoir mieux résisté à
la pression des importations. Ces résultats auraient été différents si
l'on avait disposé pour ces mêmes articles de données en valeur.
Le tableau ci-dessous souligne le décalage entre les résultats
exprimés en valeur et en volume.
A une exception près, le taux de couverture en valeur est supé-
rieur à celui en volume : 38 % contre 20 % pour les anoraks et
les blousons, 77 % contre 48 % pour les costumes, 165 % contre
61 % pour les robes et 188 % contre 84 % pour les tailleurs dames.
D'une façon générale, on constate pour les articles hommes des diffé-
rences plus faibles notamment pour les pantalons : 66 % en valeur
contre 47 % en volume. Le rapport est même inverse pour les
pardessus : 19 % en valeur contre 22 % en volume.
- 129 -

TAUX DE COUVERTURE EN VALEUR ET EN VOLUME POUR LES PRINCIPAUX ARTICLES D'HABILLEMENT

(En 1.000 francs.)

1977 1980

(2) (4)
Import (1) Export ( 2) - x 100 Import (3) Export (4) - x 100
(1) (3)

Vêtements masculins :
• Anoraks
et blousons 133.775 56.052 42 434.440 163304 38
Vestes 98.440 65.390 66 148.159 100.065 68
•• P ardessus et imperméables 104.779 30.703 29 141.490 27379 19
• Cos tumes 222.228 210.791 95 290.268 223.947 77
Pantalons 552.530 557.183 101 1.070.962 702.923 66
• Chemises
393.600 258.689 66 647.356 352.252 54
4ernents féminins :
• Manteaux
et imperméables 243.479 199.002 82 359.554 180.597 50
• Robes
248.552 474.044 191 385.891 636.856 165
• Tailleurs
- Ensembles 37.628 86.018 229 114.045 214.043 188
%A
noraks et blousons 22.999 33.018 146 105.910 67.546 64
• Vestes i 41.009 78.634 192 81.631 97.519 119
• Chemisiers
184.101 309.279 168 282.321 290.487 103
Sollti
eus-gorge 181.604 133.744 136 123.536 184.562 149
-..------...
"-----

(En 1.000 plikes.)

Vêt e
•dents masculins
• Anoraks et blousons 4.821 930 19 7345 1.490 20
• Vestes 1.309 444 34 1.429 643 45
• Pardessus et imperméables 812 194 24 767 169 22
• CoPantalo
stume s
1.433 872 61 1.794 866 48
• Chemisesns 16.633 11.238 68 28.817 13.497 47
24.996 6.742 27 32.076 7.231 23
Vêt
• dents féminins
• Manteaux
et imperméables 1.651 726 44 1.944 580 30
• Tailleurs
Robes
• 5.202 4.402 85 7.801 4.728 61
• Anoraks - Ensembles
• *********************** 369 359 97 959 806 84
• et blousons 562 310 55 1.948
• Vestes .
.............................
Chemisiers
676 494 73 778
463
498
24
64
11.026 5.169 47 12.425 4.191 34
kat ........................
ienell°113e 12.628 8.177 65 13.112 11.221 85

Sénat 282. - 9
- 130 -

B. — LES CAUSES DE LA PERMÉABILITÉ DU


MARCHÉ INTÉRIEUR

A moyen terme, l'évolution du partage du marché intérieur sur


la période 1970-1979 se caractérise, dans un contexte de
stagnation de la demande, par l'effondrement de l'offre domestique
(production moins exportations). Sur 37 produits du Code de la
nomenclature des activités et de produit (N.A.P. 600) qui représentent
96 % des emplois textiles, 26 font l'objet d'une offre domestique
décroissante. Seules diminuent les importations de lin.
Suivant l'évolution du marché intérieur, de l'offre domestique
et des importations, on peut caractériser cinq cas :
— L'offre domestique participe à la croissance d'une demande
intérieure relativement dynamique mais sans pouvoir conserver sa
part de marché. Tel est le cas par exemple dans le secteur du vête-
ment féminin (4702), les accessoires (4709), les produits élastiques
(4438) et la ouaterie (4440).
— L'offre domestique voit s'effondrer sa part de marché malgré
une croissance soutenue de la demande au profit des importations
qui augmentent parfois de façon explosive. 9 produits sont dans ce
cas, dont les survêtements (+ 23 % par an sur cinq ans), les chaus-
settes (+ 19,4 % par an), les fourrures (+ 13,4 % par an) ou les
étoffes (+ 9,2 (Y0).
— La stagnation du marché intérieur entraîne la régression de
la part de l'offre domestique au profit des importations dont la
croissance est généralement forte sans être explosive. Tel est le cas
de neuf produits parmi lesquels la chemiserie, les corsets dont les
taux de croissance des importations sont élevés, et les vêtements pour
enfants, soit respectivement + 15,5 %, + 11 % et + 15,2 %.
— L'effondrement de l'offre domestique semble accentué par
la régression de la demande intérieure. Douze produits sont dans cette
situation parmi lesquels on compte de nombreuses consommations
intermédiaires (9 sur 12), telles les fibres artificielles, le jute, les fils
et filés de lin, la rubanerie, les vêtements en matière plastique.
— Enfin, le recul de la demande intérieure entraîne à la fois
l'effondrement de l'offre domestique et la régression des importations.
Trois produits sont dans ce cas, comme par exemple le fil à coudre.

Sur dix ans, on constate une accélération de la pénétration du


marché intérieur.
En 1970, les taux de pénétration se situaient entre 30 et 35 %
pour cinq produits : les fibres synthétiques, les étoffes à mailles, le
jute, les tapis et les rubans. Ils ne dépassaient guère 20 % sauf pour
- 131 -

le lin pour lequel le pourcentage atteint déjà 89,3 %. En 1979, pour


14 produits, la pénétration du marché dépasse 50 % dont 4 : 85 %,
le lin, les fils texturés de soie et textiles artificiels, le jute et les four-
rures. Seuls trois produits ont un taux de pénétration inférieur à
10 % : les fils de laine cardée et peignée ainsi que les vêtements
pour enfants.
Enfin, dans l'analyse des indicateurs de compétitivité, on
remarque certaines distorsions de prix qui peuvent constituer une
interprétation du paradoxe relevé entre le dynamisme à l'exportation
et l'accélération de la pénétration du marché intérieur.
L'évolution des indices de prix semble montrer pour beaucoup
de produits un net décalage entre le taux de croissance du prix de
l'offre domestique et celui du prix des exportations. Tout paraît
s'être passé comme si les producteurs français, confrontés à une
concurrence très vive, avaient le plus souvent cherché à maintenir
leurs parts de marché à l'exportation, au prix de la compression de
leurs marges. Dans ces conditions, ils pouvaient soit aligner leurs
prix intérieurs au risque de laminer leurs bénéfices et donc leurs
possibilités d'investissement, soit essayer de conserver des marges
confortables sur le marché national en s'appuyant notamment sur un
appareil de distribution diversifié.
Choisir de retarder l'ajustement des prix intérieurs sur les prix
extérieurs (1) a sans doute permis à l'industrie française de préserver
globalement ses marchés extérieurs. En revanche, cela comporte des
risques graves à moyen terme. La situation ne peut durer indéfini-
ment. Tôt ou tard, la perspective de profits substantiels stimulera
les importations. On peut même penser que plus long et plus impor-
tant aura été le décalage, plus le rattrapage sera rapide : l'importance
des profits — au niveau de la production comme à celui de la
distribution — crée un appel d'air d'autant plus puissant que des
taux de profit élevés pour les importateurs pourront financer les
risques inhérents à la mise en place de circuits d'importations loin-
taines, et donc complexes. Ainsi, un niveau de prix à la consomma-
tion plus élevé en France qu'à l'extérieur a-t-il contribué à déve-
lopper les importations.
Une fois lancé, le processus de croissance des importations
s'entretient par le jeu normal de la concurrence. Mais il devient
irrésistible, dès lors que le producteur lui-même, dont les marges
sont rognées un peu plus chaque jour, est lui aussi tenté de se faire
importateur pour survivre.
Le risque est donc grand de voir disparaître peu à peu les
activités productives au profit du négoce.

(1) Une partie du décalage peut cependant s'expliquer par une différenciation à
l'intérieur même de chaque catégorie de produits conduisant à réserver le haut de
gamme à l'exportation.
r
DEUXIÈME PARTIE

LES CONTRAINTES INTERNATIONALES :


LA MARGE DE MANŒUVRE
DES AUTORITÉS FRANÇAISES
— 134 —

L'objet de la présente partie est de cerner les grandes lignes


du cadre institutionnel et normatif international qui conditionnent,
sur le plan juridique, les données de notre commerce international
de produits textiles et d'habillement.

Ce cadre est fort complexe. Il comporte une multitude de


règles, plus ou moins contraignantes, émanant d'organisations
diverses, ainsi que de nombreuses amodiations et dérogations à ces
règles. Il apparaît en outre que, loin d'être globale, la réglementation
internationale est extrêmement cloisonnée, ce qui est applicable à
telle catégorie bien déterminée de produit textile ou de pièce d'habil-
lement ne l'étant pas nécessairement à telle autre. Pour toutes ces
raisons et devant l'impossibilité d'être exhaustif nous nous limiterons
ici à l'essentiel : les principes du G.A.T.T. (1), leur application
particulière par la Communauté européenne dans le domaine du
textile, l'incidence de certaines décisions de la Conférence des Nations
unies sur le développement, et leur application par la Communauté
européenne, la réglementation communautaire qui est omniprésente
dans la mesure où le pouvoir national de négociations commerciales
est désormais transféré aux institutions communautaires en appli-
cation des dispositions du Traité de Rome.

(1) « General Agreement for Tarifs and Trade » en français : Accord général tarifaire
et commercial.
- 135 -

CHAPITRE PREMIER

LES CONTRAINTES INTERNATIONALES


LES PLUS CARACTÉRISTIQUES

I. — LES PRINCIPES DU G.A.T.T.


(GENERAL AGREEMENT ON TARIFS AND TRADE) (1)

Ces principes définis en 1947, ainsi que la façon d'ailleurs


extrêmement empirique dont ils sont appliqués, constituent une
première série de contraintes qui pèsent sur notre commerce
extérieur en matière de produits textiles. Il n'est pas possible de
la négliger. Ces contraintes ne sont d'ailleurs pas purement négatives
et, si elles ont parfois pour conséquence de créer de graves problèmes
à notre industrie textile, il faut bien voir aussi qu'elles sont à l'origine
de la remarquable percée des exportations françaises dans de nom-
breux secteurs, y compris certaines branches de l'industrie textile
elle-même. Quoi qu'il en soit, il importe de rappeler les grandes lignes
de la réglementation du G.A.T.T. (A), la façon dont celle-ci est inter-
prétée (B), ainsi que les négociations que sa mise en oeuvre a sus-
citées (C).

A. — DES PRINCIPES GÉNÉRAUX TENDANT A


LIBÉRALISER LE COMMERCE INTERNATIONAL

Conformément à la philosophie libérale qui inspire à l'origine


le G.A.T.T., l'Accord de 1947 n'édicte qu'un très petit nombre de
règles et ces règles sont négatives. Elles ne spécifient que ce qui est
interdit, tout le reste étant autorisé. Elles sont simples et éprouvées
et ne portent pratiquement pas atteinte à la liberté de négocier des
Etats participants, qui est encouragée au point de constituer la clef
de voûte du système. Les principes généraux du G.A.T.T. sont au
nombre de quatre.

(1) Accord général pour les tarifs et le commerce.


- 136 -

1. Premier principe : la non-discrimination.

C'est le principe essentiel du G.A.T.T. Il repose sur deux


éléments :
a) La clause de la nation la plus favorisée. Cette clause du
droit international classique a pour objet d'étendre automatiquement
à toute nation qui en bénéficie les avantages commerciaux accordés
à une autre nation. Prévue à l'article I de l'Accord général, elle
constitue un instrument très efficace pour réaliser l'égalité de
traitement entre nations économiques égales. Les négociations se font
bilatéralement ou par groupes restreints et portent sur le commerce
réciproque des pays en négociation. Elles se font en général avec le
principal fournisseur auquel se joignent, grâce à une procédure
d'information, les autres pays intéressés, ceux-ci accordant des
avantages supplémentaires au pays prêt à diminuer sa protection.
Les concessions accordées sont automatiquement étendues à tous
les membres du G.A.T.T. Les résultats de ces négociations peuvent
être incorporés à l'Accord général. En cas de suspension de mesures
de libération, des négociations doivent avoir lieu avec les parties
intéressées.
b) Le principe du traitement national est prévu par l'article III
de l'Accord. Il complète la clause de la nation la plus favorisée en
interdisant toute discrimination entre les exportateurs étrangers et les
producteurs nationaux : « Les taxes et autres impositions intérieures
ne devront pas être appliquées aux produits importés ou nationaux
de manière à protéger la production nationale. » Ainsi les Etats
s'engagent à réserver aux produits importés le même traitement fiscal
et législatif qu'aux produits nationaux. Cela revient à dire que les
productions nationales ne peuvent être protégées que par le tarif
douanier à l'exclusion de toute autre mesure. Cette règle a pour objet
de faire apparaître clairement l'étendue de la protection et de per-
mettre la concurrence.

Il importe toutefois de noter que l'article III, paragraphe 8, de


l'Accord général admet les subventions aux produits exportés qui
sont financées par des taxes ou impositions intérieures, à la condition
que celles ci soient appliquées également aux produits importés.
-

2. Deuxième principe : l'élimination des restrictions quantitatives.

Tant pour des raisons historiques que pour des raisons théo-
riques les restrictions quantitatives sont traitées différemment des
droits de douane. Les montants relatifs des tarifs douaniers laissent
- 137 -

subsister une certaine concurrence et constituent de ce fait une pro-


tection traditionnelle et économiquement supportable. C'est la raison
pour laquelle ils doivent, selon les statuts du G.A.T.T., être
progressivement abaissés. Il n'en est pas de même pour les contin-
gentements qui, apparus dans les périodes de crise (notamment dans
les années 30), constituent un contrôle direct sur les quantités, ce qui
a pour effet de fragmenter les marchés.
Aussi les contingentements sont-ils — sauf exceptions circons-
tanciées — purement et simplement interdits.
Article II : « Aucune partie contractante n'instituera ou ne
maintiendra à l'importation d'un produit originaire du territoire d'une
autre partie contractante, à l'exportation ou à la vente pour l'expor-
tation d'un produit destiné au territoire d'une autre partie contrac-
tante, de prohibition ou de restriction autre que des droits de
douane. »

3. Troisième principe : l'interdiction


du dumping et la réglementation des subventions à l'exportation.

a) Le dumping qui consiste à introduire sur le marché d'un autre


pays un produit à un prix inférieur à sa valeur normale est interdit
par l'article VI de l'Accord. L'interprétation de l'article VI a été
précisée ultérieurement par l'adoption d'un véritable code antidum-
ping lors des négociations Kennedy.

b) Les subventions à l'exportation ne sont pas à proprement


parler interdites mais réglementées. L'Accord distingue ainsi deux
types de subventions :
— les subventions en général (article XVI) qui n'affectent
qu'indirectement les exportations et qui doivent être notifiées afin de
donner éventuellement lieu à une procédure de consultation avec les
Etats qui s'estiment lésés ;
— les subventions à l'exportation parmi lesquelles sont traitées
différemment les subventions à l'exportation des produits de base et
les subventions à l'exportation des produits industriels. Les subven-
tions à l'exportation de produits de base sont tolérées sauf si elles ont
pour effet de permettre à un Etat de détenir plus qu' « une part équi-
table du commerce mondial du produit considéré ». Les subventions
à l'exportation de produits industriels sont en revanche interdites
(art. XVI § 4).
- 138 -

4. Quatrième principe :
la stabilisation de la base tarifaire des échanges.

L'un des objectifs majeurs du G.A.T.T. est également d'attein-


dre à la fixité du niveau des droits afin de permettre aux échanges
d'acquérir une stabilité qui rende en particulier possible la prévision.
Néanmoins la renégociation des droits acceptés dans l'accord multi-
latéral est possible. Afin de décourager le rétablissement de droits
plus élevés, il est cependant prévu que toute majoration doit donner
lieu à compensation.

B. — DES PRINCIPES ADAPTES AUX CIRCONSTANCES AVEC


LE PLUS GRAND EMPIRISME

L'Accord général a assorti les principes qu'il édicte de nombreux


aménagements. Ces possibilités, très largement utilisées, ont permis
une adaptation des principes très traditionnels et très libéraux du
G.A.T.T. à des circonstances qui n'avaient pas pu être prévues en
1947.

1. Les diverses adaptations du principe de la non-discrimination.

Le principe de la non-discrimination, s'il convenait fort bien au


développement des relations commerciales entre Etats industrialisés
dans le cadre de l'économie de marché, n'était pas adapté à des phéno-
mènes nouveaux tels que le commerce avec les pays en voie de déve-
loppement ou les relations avec les pays socialistes.

— La clause de la nation la plus favorisée était assortie de


diverses possibilités d'exception très précises dont la portée pratique,
très circonstanciée, a été singulièrement diminuée notamment en
raison de l'accession à l'indépendance des territoires qu'elles concer-
naient.

— Le principe de l'égalité de traitement a été assorti de deux


dérogations prévues par l'article XXIV. Elles concernent la mise en
place d'unions douanières ou de zones de libre-échange :
• Les dispositions de l'article XXIV ont été libéralement inter-
prétées afin de permettre l'adaptation des principes du G.A.T.T. à
la mise en place d'organisations économiques régionales (C.E.C.A.,
C.E.E., A.E.L.E., etc.). De fait, les dispositions de l'article XXIV
ont permis de ne pas considérer les accords commerciaux à base
régionale comme des violations d'une règle impérative de non-discri-
- 139 -

mination mais bien plutôt comme des manifestations de l'application


de cette règle dans le cadre de réalisations partielles que l'on peut
considérer comme des étapes vers une libéralisation plus générale
du commerce international. La mise en oeuvre des dérogations pré-
vues par l'article XXIV est cependant subordonnée à la réalisation
de certaines conditions de forme (procédure d'information) et de
fond (effet réel sur la libération des échanges entre les pays concer-
nés).

Il reste que la mise en place d'une organisation économique


régionale prétendant à un haut niveau d'intégration économique telle
que la C.E.E. a été l'occasion d'investigations précises de la part du
G.A.T.T.
Pour ce qui est de la C.E.E., les investigations ont, en particulier,
porté sur l'établissement du tarif extérieur commun, qui ne devait
pas avoir une incidence supérieure à celle des tarifs préexistants, sur
les restrictions quantitatives prévues par le Traité de Rome (a 108),
sur la gestion communautaire des contingents qui ne doit pas avoir
une incidence globale plus forte que les restrictions antérieurement
adoptées par chacun des Etats membres, sur la politique agricole
commune, sur les contingentements tarifaires prévus par certains
accords d'association.

— Le principe de la non-discrimination a également pu être


adapté à un autre phénomène qui a pris une ampleur particulière
depuis la création du G.A.T.T. : la multiplication des Etats en voie
de développement et le rôle croissant que jouent ces Etats dans le
commerce mondial. A la suite de la tenue de la conférence des
Nations unies sur le commerce et le développement (C.N.U.C.E.D.)
à Genève en 1964, les Etats membres du G.A.T.T. ont révisé
l'Accord général en y ajoutant une Partie IV relative au commerce
avec et entre les pays en voie de développement. L'article XXXVI
admet la non-réciprocité pour les relations entre pays inégalement
développés, l'article XXXVII fixe l'objectif de la réduction et de la
suppression prioritaire des droits, taxes et autres restrictions sur les
importations en provenance des pays en voie de développement.
L'article XXXVIII souhaite une action collective en faveur de
la stabilisation et de l'amélioration des conditions faites aux pays en
voie de développement sur le marché mondial.
En 1971 est ajoutée une décision qui autorise l'introduction
d'un système généralisé de préférence en faveur des pays sous-déve-
loppés. Les préférences généralisées sont présentes sous la forme juri-
dique d'une exception décennale accordée en vertu de l'article XXV
à la clause de la nation la plus favorisée. La même année, les pays
sous-développés sont autorisés à s'accorder des préférences mutuelles
qui n'ont pas à être étendues aux pays développés.
- 140 -

— Les principes libéraux du G.A.T.T. ont également été adaptés


afin de ne pas porter atteinte au développement du commerce avec
les pays socialistes. L'article XVII de l'Accord initial pose quelques
règles concernant les entreprises commerciales d'Etat. Mais les for-
mules multilatérales qui caractérisaient le G.A.T.T. étaient fort mal
adaptées aux mécanismes bilatéraux autour desquels sont organisées
les relations commerciales avec les pays socialistes. Cependant l'empi-
risme du G.A.T.T., ainsi que la volonté politique de parvenir à un
accord, ont permis à six Etats socialistes d'adhérer au G.A.T.T.
(Cuba, Hongrie, Pologne, Roumanie, Tchécoslovaquie, Yougoslavie).
Cela a été rendu possible par des adaptations particulières et ponc-
tuelles apportées dans chaque accord aux principes de la clause de
la nation favorisée et de la non-discrimination (clauses de sauvegarde
spécifiques ; maintien de restrictions quantitatives de la part des
pays contractants, engagement pour les pays de l'Est de pratiquer des
prix comparables à ceux des marchés internationaux, engagements
d'importation intégrés dans les plans, etc.). Les relations avec les
pays de l'Est ont également été favorisées par l'existence de deux
dispositions figurant dans l'Accord général :
— l'exception de sécurité de l'article XXI qui autorise toute
partie contractante à prendre « toute mesure qu'elle considère néces-
saire pour la protection de sa sécurité essentielle, soit en temps de
guerre, soit en temps de crise dans les relations internationales » ;
— le principe de l'équité entre les prix et les concessions prati-
quées, qui figure à l'article VI, prévoyant qu'une comparaison stricte
des prix pratiqués par un pays à commerce d'Etat et par un pays de
marché peut être inadéquate.

2. Les exceptions au principe de l'interdiction


des restrictions quantitatives.

La condamnation des restrictions quantitatives admet trois excep-


tions :

a) Exception justifiée par un déficit grave de la balance des paiements.


Cette exception est prévue par l'article XII, pour ce qui con-
cerne les pays industrialisés, et par l'article XVIII pour ce qui est
des pays en voie de développement. D'une manière générale, les
mesures prises ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire
pour protéger l'équilibre de la balance des paiements. Elles doivent
par ailleurs être progressivement réduites et supprimées dès qu'elles
ne répondent plus à une nécessité.
— 141 —

b) Exception en faveur des pays en voie de développement.


L'Accord prend en compte la nécessité pour les pays en voie
de développement de bénéficier d'une protection particulière afin
de pouvoir implanter des activités productives utiles à leur crois-
sance. C'est ainsi que l'article XVIII autorise ces pays à adopter
des restrictions quantitatives afin de « faciliter la création d'une
branche de la production déterminée à l'effet de relever le niveau
de vie général de la population ». Les contingents ainsi mis en
place doivent cependant être autorisés par le G.A.T.T. et ne pas
présenter de caractère discriminatoire.

c) Exception en faveur des marchés agricoles.


Les restrictions quantitatives qui sont admises par l'article XI
lorsqu'elles s'intègrent dans le cadre d'une politique de contrôle
de la production et de résorption des excédents ne nous intéressent
pas directement ici.

3. La faculté d'invoquer les dérogations et la possibilité de


prendre des mesures de sauvegarde.

Il convient d'indiquer qu'une procédure prévue à l'arti-


cle XIX (1) de l'Accord général, permet aux pays membres, lorsque
leur situation économique ou commerciale le justifie, de demander
à être relevés d'une ou de plusieurs obligations particulières de
l'Accord général. Il existe aussi des clauses d'exception permettant
la prise de mesures d'urgence dans certaines circonstances déterminées.

(1) Art. XIX. — Mesures d'urgence concernant l'importation de produits particuliers.


1. a) Si, par suite de l'évolution imprévue des circonstances et par l'effet des enga-
gements, y compris les concessions tarifaires, qu'une partie contractante a assumés en
vertu du présent Accord, un produit est importé sur le territoire de cette partie contrac-
tante en quantités tellement accrues et à des conditions telles qu'il porte ou menace
de porter un préjudice grave aux producteurs nationaux de produits similaires ou de
produits directement concurrents, cette partie contractante aura la faculté, en ce qui
concerne ce produit, dans la mesure et pendant le temps qui pourront être nécessaires
pour prévenir ou réparer ce préjudice, de suspendre l'engagement en totalité ou en partie,
de retirer ou de modifier la concession.
b) Si une partie contractante a accordé une concession relative à une préférence et
que le produit auquel celle-ci s'applique vienne à être importé sur le territoire de cette
partie contractante dans les circonstances énoncées à l'alinéa a) du présent paragraphe
de telle sorte que cette importation porte ou menace de porter un préjudice grave aux
producteurs de produits similaires ou de produits directement concurrents, qui sont
établis sur le territoire de la partie contractante bénéficiant ou ayant bénéficié de ladite
préférence, celle-ci pourra présenter une requête à la partie contractante importatrice, qui
aura alors la faculté, en ce qui concerne ce produit, de suspendre l'engagement en totalité
ou en partie, de retirer ou de modifier la concession, dans la mesure et pendant le temps
qui pourront être nécessaires pour prévenir ou réparer un tel préjudice.
— 142 —

L'utilisation des clauses de sauvegarde n'est pas toujours aisée,


d'une part, en raison de l'accord multifibres dont les pays en voie de
développement estiment qu'il a remplacé les restrictions antérieures
du G.A.T.T. et, d'autre part, en raison de l'appartenance de la
France à la Communauté européenne dont la politique commerciale
est désormais transférée aux instances communautaires en vertu
de l'article 113 du Traité de Rome. Les instances communautaires
sont donc désormais seules compétentes pour actionner l'article 19 du
G.A.T.T.

a) L'exemple de 1977.

Le Gouvernement français a, cependant, annoncé le 18 juin 1977


qu'il avait décidé de mettre en oeuvre les mesures de sauvegarde
prévues par l'article 19 du G.A.T.T. pour quatre produits textiles
très sensibles : les chemises, les chemisiers, les tee-shirts, les filés de
coton. Quatre autres produits moins sensibles : les robes et jupes,
les costumes, les pantalons et les tissus de coton, ont fait l'objet de
mesures de sauvegarde prévues au titre de l'A.M.F. ou des accords
préférentiels.

2. Avant qu'une partie contractante ne prenne des mesures en conformité des dispo-
sitions du paragraphe premier du présent article, elle en avisera les parties contractantes
par écrit et le plus longtemps possible à l'avance. Elle fournira à celles-ci, ainsi qu'aux
parties contractantes ayant un intérêt susbtantiel en tant qu'exportatrices du produit
en question, l'occasion d'examiner avec elle les mesures qu'elle se propose de prendre.
Lorsque ce préavis sera donné dans le cas d'une concession relative à une préférence, il
mentionnera la partie contractante qui aura requis cette mesure. Dans des circonstances
critiques où tout délai entraînerait un préjudice qu'il serait difficile de réparer les mesures
envisagées au paragraphe premier du présent article pourront être prises à titre provi-
soire sans consultation préalable, à la condition que les consultations aient lieu immé-
diatement après que lesdites mesures auront été prises.
3. a) Si les parties contractantes intéressées n'arrivent pas à un accord au sujet de ces
mesures, la partie contractante qui se propose de les prendre ou de les maintenir en
application aura la faculté d'agir en ce sens. Si cette partie contractante exerce cette
faculté, il sera loisible aux parties contractantes que ces mesures léseraient, de suspendre,
dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de leur application et à l'expiration
d'un délai de trente jours à compter de celui où les parties contractantes auront reçu un
préavis écrit, l'application au commerce de la partie contractante qui aura pris ces mesures
ou, dans le cas envisagé à l'alinéa b) du paragraphe premier du présent article, au
commerce de la partie contractante qui aura demandé que ces mesures soient prises,
de concessions ou d'autres obligations substantiellement équivalentes qui résultent du
présent Accord et dont la suspension ne donnera lieu à aucune objection de la part
des parties contractantes.
b) Sans préjudice des dispositions de l'alinéa a) du présent paragraphe, si des mesures
prises en vertu du paragraphe 2 du présent article, sans consultation préalable, portent
ou menacent de porter un préjudice grave aux producteurs nationaux de produits affectés
par elles, sur le territoire d'une partie contractante, cette partie contractante aura la
faculté, lorsque tout délai à cet égard entraînerait un préjudice difficilement réparable,
de suspendre, dès la mise en application de ces mesures et pendant toute la durée des
consultations, des concessions ou d'autres obligations dans la mesure nécessaire pour
prévenir ou réparer ce préjudice.
- 143 -

Les justifications de ces mesures.

L'augmentation considérable des importations survenue en


1977 avait entraîné pour notre industrie textile des difficultés d'une
gravité particulière avec de sérieuses répercussions dans le domaine
de l'emploi. Compte tenu du fait que l'évolution prévisible de ces
importations ne permettait pas d'espérer une amélioration sensible
de la situation, le Gouvernement a décidé de recourir aux mesures
de sauvegarde prévues par l'article 19 du G.A.T.T. qui resteraient
en vigueur jusqu'au 31 décembre 1977. Le but de cette initiative était
de stabiliser pour 1977 les importations des produits considérés.
En effet le taux de pénétration des importations de certains produits
avait, dans certains cas, dépassé les 50 %. S'agissant d'un domaine
de la politique commerciale de la Communauté, ces mesures ont été
communiquées à la Commission et à nos partenaires, ainsi que le
veulent les procédures communautaires.

La prise en charge par la Communauté.

La Commission a publié le 14 juillet deux règlements soumet-


tant à autorisation les importations de fils de coton, de tissus de
coton et de vêtements originaires de certains pays tiers, en fixant
divers plafonds pour le second semestre de l'année 1977.

Le dispositif arrêté par la Commission, au titre des dispositions


d'urgence de l'article 12 du Règlement 1 439 et des règlements parti-
culiers relatifs à l'Espagne, la Turquie et la Roumanie, comportait
quatre éléments principaux :
— institution d'une autorisation d'importation préalable pour
certains produits textiles originaires des pays suivants : Maroc,
Tunisie, Espagne, Turquie, Inde, Colombie, Malaisie, Pakistan,
Egypte et Roumanie ;
— recours aux clauses de sauvegarde des accords bilatéraux
signés avec le Maroc, la Tunisie, l'Egypte, l'Espagne et la Turquie,
les plafonds étant fixés pour le second semestre de l'année au niveau
d'un semestre moyen de 1976 ;
— mise en jeu des dispositions de l'Arrangement multifibres
(clause de sauvegarde ou clause de consultation contraignante) à
l'égard de l'Inde, la Colombie, la Malaisie et le Pakistan ;
— ouverture de négociations en vue d'une stabilisation des
importations avec Chypre, Malte et la Grèce.

Des plafonds quantitatifs ont été fixés au terme de consultations


avec les pays concernés. Le conseil des Communautés a adopté, le
5 août 1977, les mesures prises par la Commission le 14 juillet sur
— 144 —

le premier groupe de produits (Règlement C.E.E. n° 1827/77 du


Conseil du 5 août 1977, J.O. 202). Ce règlement instituait, dans
la Communauté, une autorisation d'importation et des plafonds quan-
titatifs pour les fils de coton et les vêtements originaires de la Colom-
bie, de l'Egypte, de l'Inde, de la Malaisie, du Maroc, du Pakistan,
de la Tunisie et de l'Espagne.

b) Le bilan de l'opération.
Si, dans la plupart des cas, les réactions à ces mesures ont été
limitées à des protestations verbales ou écrites, certains pays ont
pris des mesures de rétorsion dont l'effet a été pénalisant pour
certaines branches de notre industrie. Sur le plan des principes, la
Commission et les autres Etats membres se sont décidés à étendre
au niveau communautaire les mesures de sauvegarde décidées par
le Gouvernement français. Il s'agissait alors, en effet, d'une première
étape indispensable pour la réalisation des objectifs de stabilisation
des importations de certains produits textiles, que la Communauté
s'était fixés dans les directives de négociation pour le renouvellement
de l'Arrangement multifibres. Il est peu probable que la Commu-
nauté renouvelle, en l'état actuel des choses, une telle attitude.
L'exemple le plus patent des dérogations au principe de
l'interdiction des restrictions quantitatives, est sans aucun doute
l'accord multifibres mis en place en 1973 afin de limiter l'invasion
des marchés de certains pays développés par des productions textiles
en provenance de pays producteurs à bas prix de revient.
Compte tenu de son importance spécifique, l'accord multifibres
sera examiné de manière approfondie dans le second chapitre de
cette partie.

C. — L'AFFIRMATION DU G.A.T.T. COMME CADRE PRIVI-


LÉGIÉ DE NÉGOCIATION DES PROBLÈMES COMMER-
CIAUX

En même temps qu'un code souple, simple et efficace pour la


libéralisation du commerce mondial, le G.A.T.T. constitue, par le
nombre d'Etats qu'il regroupe (1), un forum unique pour négocier

(1) Les quelque 97 Etats membres du G.A.T.T. représentent entre eux plus des
quatre cinquièmes du commerce mondial et assurent les neuf dixièmes du volume
mondial. Le G.A.T.T. regroupe toutes les nations industrialisées à économie de marché
mais aussi 77 pays en voie de développement (environ les deux tiers des parties
contractantes). de même qu'un certain nombre d'Etats socialistes à économie planifiée.
Il est à noter que le Congrès des Etats-Unis n'a jamais formellement approuvé le
G.A.T.T. Cependant la faculté constitutionnelle du Président des Etats-Unis de négocier
les accords de commerce, permet aux Etats-Unis de surmonter partiellement les difficultés
tenant à cette non-ratification.
— 145 —

des problèmes commerciaux. Tout pays peut faire appel au G.A.T.T.


pour juger des cas dans lesquels il estime que les droits conférés
par l'accord général sont méconnus ou compromis par d'autres
membres. Par ailleurs le G.A.T.T. a pour objectif de favoriser la
poursuite de négociations tarifaires.
Des négociations générales ont ainsi été menées d'abord produit
par produit, puis, lorsqu'il est devenu patent dans les années soixante,
que les possibilités offertes par les négociations bilatérales de ce
type étaient quasi épuisées, y ont été substituées des négociations
générales portant sur des réductions forfaitaires dites linéaires d'un
pourcentage donné et identique pour tous les produits. C'est ainsi
qu'a été négocié le « Kennedy round » (1963-1967).

1. Les négociations Kennedy.

Les négociations Kennedy qui ont effectivement concerné trente-


huit pays, ont porté sur près de 400.000 positions tarifaires et ont
abouti à une réduction linéaire moyenne de 35 % échelonnée sur
cinq ans pour ce qui est des tarifs de produits industriels. Le statu
quo a été maintenu pour des productions en difficulté telles que les
textiles ou les aciers. Les produits agricoles ont été intégrés aux
négociations qui ont également abordé le délicat problème des
obstacles non tarifaires. Au terme de la période de transition prévue,
les droits de douane sur la plupart des produits industrialisés s'éche-
lonnent de 5 à 15 % entre les Etats-Unis et l'Europe. Ils sont
généralement plus élevés aux Etats-Unis qu'en Europe.

2. Le « Tokyo Round ».

Les négociations Kennedy ont été complétées dans le cadre du


« Tokyo Round ». Les négociations dites du « Tokyo Round », dont
le principe avait été admis en 1973, se sont achevées en avril 1979
à Genève. Ces négociations avaient pour but non seulement d'abaisser
les barrières tarifaires, mais aussi de réduire les obstacles non tarifaires
aux échanges, de lutter contre le protectionnisme agricole et de faciliter
la participation des pays en voie de développement aux échanges
internationaux. Elles ont débouché sur la signature d'un protocole
tarifaire ainsi que d'un ensemble d'accords portant sur les obstacles
non tarifaires aux échanges et sur l'agriculture.

a) L'accord tarifaire a abouti au principe d'une nouvelle réduc-


tion d'environ un tiers des tarifs douaniers des principaux pays
industriels. Les partenaires se sont mis d'accord sur une réduction
plus forte des tarifs les plus élevés. L'objectif de cet écrêtement
Sénat 282. — 10
- 146 -

progressif est de réduire de 25 % en huit ans la différence entre les


niveaux de protection douanière de la Communauté et ceux des
principales puissances industrielles, en particulier les Etats Unis.
-

b) Les obstacles non tarifaires.


L'accord définit un certain nombre de « codes de bonne
conduite » qui devraient permettre d'exercer un contrôle sur les
diverses formes de restrictions non tarifaires (normes techniques,
valeur en douane, subventions et droits compensatoires).

— Pour ce qui est de la détermination de la valeur en douane


des marchandises, l'accord intervenu tend à définir un système équi-
table et uniforme qui devrait mettre fin à des pratiques comme celle
de l'American Selling Price.

— Le code sur les subventions et droits compensatoires vise à


éviter que les mesures d'aides nationales aux exportations et les
mesures compensatoires ne faussent la concurrence internationale.
Il prévoit à cette fin des mécanismes d'information, de consultation
et de règlement des différends. Dans ce domaine, les nouvelles dispo-
sitions de la législation américaine d'application des accords (Trade
Act du 26 juillet 1979), qui subordonnent la légitimité des mesures
compensatoires ou des droits anti-dumping à l'existence d'un « préju-
dice important » porté à l'économie nationale, constituent pour la
Communauté un acquis important.
La C.E.E. bénéficiera également de la prorogation du « waiver »
permettant à l'administration américaine de ne pas appliquer auto-
matiquement de droits compensatoires pour les produits agricoles
ou industriels subventionnés dans leur pays d'origine : la Commu-
nauté avait fait de cette prorogation une condition de son adhésion.

— En matière de normes et de réglementations techniques, le


« code de normalisation » adopté doit permettre de prévenir les
restrictions aux importations fondées sur — ou dissimulées par — des
normes techniques ou sanitaires.

— Enfin, le code sur les achats gouvernementaux tend à res-


treindre les pratiques discriminatoires favorisant les fournisseurs natio-
naux dans le secteur des marchés publics nationaux (« Buy American
Act »). Cet accord n'est entré en vigueur qu'au 1" janvier 1981.

c) L'agriculture.
Les négociations dans ce secteur ne nous intéressent pas direc-
tement ici, mais elles soulignent le caractère de compromis global
du Tokyo Round. A cet égard, il convient de rappeler qu'elles revê-
— 147 —

taient une particulière importance pour la Communauté, qui cher-


chait à obtenir de ses partenaires une « reconnaissance » de politique
agricole commune jusque-là très vivement contestée, notamment par
les Etats-Unis. De fait, c'est un élément particulièrement positif des
négociations pour l'agriculture européenne, que la spécificité du
secteur agricole ait été admise par nos partenaires et que les principes
de la P.A.C. (1) — et spécialement le mécanisme des prélèvements
et des restitutions à l'exportation — n'aient pas été remis en cause
en dépit des concessions tarifaires que nous avons dû consentir dans
ce domaine.

d) L'échec de la redéfinition de la clause de sauvegarde.


La négociation devrait porter également sur un point qui intéresse
très directement le secteur du textile et de l'habillement : les nouvelles
procédures et disciplines à inclure dans le G.A.T.T. en matière de
clause de sauvegarde. En l'état actuel, les mesures de protection
qui peuvent être prises à l'encontre des perturbations provoquées par
l'importation d'un produit, doivent être appliquées à l'ensemble des
pays exportateurs.
La C.E.E. souhaitait, pour sa part, que ce mécanisme soit affiné.
Elle considère en effet que l'application de mesures de sauvegarde
sélectives peut contribuer à minimiser leurs conséquences sur l'en-
semble des échanges internationaux, et constitue une riposte plus
adaptée à des perturbations brutales et d'origine bien déterminée.
Cette position s'est heurtée à l'opposition des pays en voie de
développement qui craignaient que des mesures de protection sélec-
tives ne fussent, dans la pratique, essentiellement dirigées contre eux.

Aucun accord n'a donc été possible. La session annuelle 1979


du G.A.T.T. a permis toutefois de dégager un accord sur les procé-
dures et les délais de nouvelles négociations, menées au sein d'un
comité ouvert à tous les participants. Le problème reste donc ouvert.

(1) Politique agricole commune.


- 148 -

II. — L'ACCORD MULTIFIBRES ET SON APPLICATION PAR


LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

L'accord multifibres qui concerne les Etats-Unis, l'Europe et les


pays exportateurs de textiles, constitue une dérogation aux principes
du G.A.T.T. S'il pose le principe de la libération progressive du
commerce des produits qu'il concerne, il stipule cependant :
1° que les Etats signataires peuvent conclure des accords bilaté-
raux fixant des plafonds d'importation pour certains produits ;
2° que par le jeu d'une clause de sauvegarde, et en cas de per-
turbation grave d'un marché, les produits libérés peuvent faire
l'objet de restrictions unilatérales destinées à limiter leur entrée sur
ce marché. Ces deux possibilités, dont la première excède le cadre
juridique de l'article XIX du G.A.T.T., ont été utilisées par les Etats-
Unis et l'Europe.

La portée pratique de l'accord multifibres est considérable puis-


que le commerce international des produits textiles est régi depuis
1973 par cet accord qui a été prorogé en décembre 1977 pour une
période de quatre ans prenant fin le 31 décembre 1981. De fait,
grâce à sa mise en place depuis 1977, à l'échelon communautaire et
au travers de l'arrangement multifibres, d'une politique de stabilisa-
tion globale de la croissance des importations en provenance des pays
producteurs à bas prix, la menace que constitue, pour l'industrie textile
française, cette redoutable catégorie de compétiteurs se trouve conte-
nue dans certaines limites sans être pour autant écartée.
En tout état de cause la situation juridique créée par l'accord
multifibres est complexe. Ce dernier se superpose, selon nous, aux
règles normales du G.A.T.T. vis-à-vis desquelles les différents produits
textiles étaient soit libérés officiellement, au niveau de la C.E.E., soit
au contraire contingentés. Les pays en voie de développement estiment
cependant que l'accord multifibres a remplacé les restrictions anté-
rieures du G.A.T.T., ce que la France conteste bien naturellement.
- 149 -

A. — LA MISE EN PLACE, A L'ÉCHELON COMMUNAUTAIRE


ET AU TRAVERS DE L'ACCORD MULTIFIBRES, D'UNE
POLITIQUE DE STABILISATION GLOBALE DES
IMPORTATIONS DE PRODUITS TEXTILES EN PROVE-
NANCE DES PAYS PRODUCTEURS A BAS PRIX

Rappelons (voir point III) que, conformément aux dispositions


du Traité de Rome, c'est la Commission des Communautés euro-
péennes qui a juridiquement compétence pour négocier et signer les
accords commerciaux internationaux. C'est donc cette dernière qui
a négocié et appliqué les divers A.M.F.

1. Historique.

Durant la première période (1973-1977) de l'A.M.F., la Com-


mission des Communautés européennes a négocié, au cas par cas, en
jonction de l'évolution des volumes d'importation, des accords bila-
téraux avec certains pays producteurs à bas prix de revient. Il est
cependant apparu au terme de cette période, devant la situation de
désorganisation grave et de crise que connaissaient les marchés tex-
tiles de la plupart des pays européens, qu'une telle politique, d'ail-
leurs souvent poursuivie avec un certain laxisme dans le respect et
le contrôle des quotas d'importations prévus, n'était plus suffisante.
Pendant les années 1973 à 1976 en effet, la consommation commu-
nautaire des produits textiles ne s'est accrue que d'environ 1 % par
an, alors que la production régressait fortement et que les importations
augmentaient de 35 %, et même davantage, en fin de période, où le
rythme trimestriel dépassait 20 % .
Cette situation a nécessité la mise en oeuvre d'une politique nou-
velle, sur le plan industriel comme au niveau du commerce extérieur.
Une limitation à la fois cohérente et globale de la progression des
importations textiles à bas prix est donc apparue indispensable, et le
Gouvernement français a fait preuve d'une certaine fermeté pour
l'imposer auprès de ses partenaires européens et au sein des instances
compétentes du G.A.T.T.

2. Les nouvelles orientations données par la Communauté en 1977.

Les nouvelles orientations à respecter lors des négociations ainsi


que les objectifs de la politique commerciale textile ont été approuvés
Par le Conseil des Communautés du 20 décembre 1977. C'est une
politique de stabilisation générale de la progression de l'ensemble des
importations de textiles à bas prix qui a été adoptée.
— 150 ---

Cet objectif a été quantifié en fonction de la sensibilité du


marché et de l'appareil productif. Les produits textiles ont été répartis
en 5 groupes et 114 catégories. Des taux annuels de croissance des
importations ont été fixés, variant de 0,5 % à 4,1 % pour les pro-
duits du groupe I considérés comme les plus sensibles, et d'un montant
de 4 % ou plus pour les produits des autres groupes.
L'arrangement comporte donc tout d'abord une autolimitation
pour les produits les plus sensibles par couples produits/pays. Les
quotas d'autolimitation sont fixés au plan communautaire et répartis
en quotes-parts nationales. L'accord permet, en second lieu, une
surveillance des courants d'importation pour les produits moins sen-
sibles, avec possibilité d'introduire un système d'autolimitation si le
volume des importations devient trop important. C'est ce qu'on
appelle la « sortie de panier ». Il importe toutefois de noter que les
quotas d'autolimitation sont assez larges. Ils ont été calculés sur la
base des importations de 1976 qui ont été importantes et, compte tenu
des taux d'augmentation annuels, qui sont variables en fonction de
la sensibilité des produits, ils peuvent être parfois très élevés.
Ces objectifs de stabilisation ont été traduits, conformément
aux dispositions cadres et de portée générale prévues par l'accord
multifibres, dans une série d'accords bilatéraux ou d'arrangements
d'autolimitation passés avec les producteurs à bas prix.

3. Dans la pratique, trois types d'accords ont été négociés par les
instances communautaires.

a) Des accords bilatéraux (1) conclus par la C.E.E. avec un


certain nombre de pays fournisseurs dans le cadre de l'arrangement
multifibres. Ces accords visent à organiser les courants d'importation
dans la Communauté des produits textiles originaires des pays four-
nisseurs signataires, dans des limites tenant compte des capacités
d'absorption du marché communautaire et de la production de
l'industrie textile de la C.E.E. Ils comportent exclusivement des dis-
positions d'ordre quantitatif (autolimitation ou surveillance). Les
importations dans le cadre de ce dispositif peuvent être réalisées en
régime tarifaire de droit commun ou en régime tarifaire préférentiel
résultant du schéma des préférences généralisées octroyées par la
C.E.E. aux pays en voie de développement.
Ces accords bilatéraux distinguent deux régimes. Si le produit est
sensible et exporté par le partenaire en grande quantité, l'accord
comporte des limitations explicites. Si le produit est moins sensible,
ou exporté en faibles quantités, il est soumis à un régime de surveil-

(1) Une quarantaine d'accords bilatéraux ont ainsi été signés.


— 151 —

lance qui permet d'engager une procédure de limitation si les vo-


lumes concernés évoluent de façon brutale et significative.
Le champ d'application géographique de cette politique de
stabilisation, c'est-à-dire la liste des pays avec lesquels il convenait
de rechercher un accord bilatéral, a été défini par le Conseil des
Communautés européennes en reprenant ceux qui étaient en 1976
à l'origine des perturbations causées au marché européen.
Le Conseil était conscient des limites imposées par les différents
accords commerciaux de portée générale qui lient la Communauté
à certains pays producteurs de textiles à bas prix, en particulier
les pays préférentiels du bassin méditerranéen et les pays A.C.P.
Ces accords prévoient en effet le libre accès des produits industriels
au marché communautaire sous réserve d'une clause de sauvegarde.
Les solutions adoptées en définitive pour ces pays sont très variables
en fonction de chaque cas.

b) Des arrangements informels, d'ordre également quantitatif,


négociés par la Commission avec des pays liés à la C.E.E. par des
accords préférentiels.

c) Des dispositions unilatérales prises par la C.E.E. en matière


de justification de l'origine des produits textiles importés dans la
C.E.E., de pays autres que ceux ayant conclu avec la C.E.E. des
accords bilatéraux dans le cadre de l'A.M.F.
Le régime ainsi défini concerne les produits textiles, relevant
des chapitres 51 et 53 à 62 du tarif des douanes, en laine, coton,
fibres textiles synthétiques et artificielles, lin ou ramie : communément
appelés « produits textiles A.M.F. » (1).

4. La classification des produits A.M.F. selon leur


degré de sensibilité.

Pour l'application de l'ensemble de ces dispositions, les « pro-


duits textiles A.M.F. » ont été classés, selon leur degré de sensibi-
lité, en six groupes et 123 catégories :
— groupe I, catégories 1 à 8 : produits à haute sensibilité :
filés de coton ; autres tissus de coton ; tissus de fibres synthétiques :
tee-shirts et articles similaires ; chandails ; pantalons pour hommes
et femmes ; chemisiers pour femmes ; chemises pour hommes ;
— groupe II, catégories 9 à 31 : autres produits sensibles ;

(1) L'importation des produits textiles en autres matières que le coton, la laine, les
fibres textiles synthétiques et artificielles demeure soumise au régime de droit commun
défini par l'avis aux importateurs publié au 1.0. du 6 septembre 1970.
— 152 —

— groupe III, catégories 32 à 67 : autres filés, tissus et ar-


ticles de confection simple ;
— groupe IV, catégories 68 à 69 : autres vêtements et articles
de bonneterie ;
— groupe V, catégories 90 à 114 : tous les autres produits en
laine, coton, fibres textiles synthétiques et artificielles ;
— groupe VI, catégories 115 à 123 : produits en lin et ramie,
intégrés uniquement dans les accords conclus avec les pays à com-
merce d'Etat.

5. Analyse du fonctionnement de l'accord.

Compte tenu de l'importance de l'accord multifibres dans la ten-


tative de maîtriser les importations de produits textiles esquissée
par la Communauté, il peut paraître utile d'en préciser le fonction-
nement de manière détaillée. Pour la commodité d'une telle analyse
on distinguera le régime applicable aux importations de produits
textiles selon que les pays concernés : a) sont signataires d'un accord
bilatéral avec la C.E.E., b) qu'ils sont liés avec la Communauté par
des accords préférentiels, c) qu'ils sont dans une autre situation
vis-à-vis de la Communauté.

a) Les importations de produits textiles A.M.F. originaires de


pays signataires d'un accord bilatéral avec la C.E.E. dans le
cadre de l'A.M.F.

— Les importations en régime tarifaire de droit commun.

• Les principes.
Les accords bilatéraux sur le commerce des produits textiles
conclus par la C.E.E. avec certains pays fournisseurs, peuvent être
classés en deux catégories :
— des accords « souples » conclus avec de petits fournisseurs :
Bangladesh, Guatemala, Haïti, Indonésie, Uruguay. Dans ce type
d'accord, les produits textiles originaires de ces pays sont uniquement
soumis à l'importation dans la C.E.E. à des mesures de surveillance
(1) ;
— des accords « rigides » conclus avec de gros fournisseurs :
Argentine, Brésil, Bulgarie, Colombie, Corée du Sud, Egypte (unique-

(1) Les produits textiles A.M.F. originaires de Bolivie, d'Iran, du Nicaragua, du


Paraguay. du Salvador sont soumis, à l'importation en France, à un dispositif national de
surveillance analogue à celui mis en place dans le cadre des accords bilatéraux conclus
par la C.E.E. avec ces petits fournisseurs.
— 153 —

ment pour les fils et tissus de coton), Hongrie, Hong Kong, Inde,
Macao, Malaisie, Mexique, Pakistan, Pérou, Philippines, Pologne,
Roumanie, Singapour, Sri Lanka, Thailande, Yougoslavie.
Dans ce type d'accord, les exportations vers la C.E.E. des
catégories les plus sensibles de produits textiles A.M.F. originaires
de ces pays sont soumises à des autolimitations. Contrairement au
système du contingentement selon lequel les restrictions quantitatives
sont gérées unilatéralement par la C.E.E., l'autolimitation est négociée
et les quotas convenus sont gérés conjointement par le pays fournis-
seur et la C.E.E. (système du double contrôle). Ces quotas sont
répartis en quotes-parts nationales entre les Etats membres de la
C.E.E. Les autres catégories de produits A.M.F. sont, dans ce type
d'accord, soumises uniquement à un régime de surveillance.
Un accord de type « rigide » a également été conclu avec la
Chine, en dehors du cadre de l'A.M.F. Cet accord, outre les 123
catégories de produits textiles A.M.F., couvre également d'autres
produits textiles classés dans des catégories 124 à 154.
Chacun des accords des deux catégories indiquées comporte,
en outre, une clause de sauvegarde applicable aux importations de
surveillance : si, pendant la période couverte par un accord conclu
avec un des pays fournisseurs, les importations d'un produit soumis
à surveillance, originaire de ce pays dépassent une certaine propor-
tion des importations communautaires totales de ce produit, la
Communauté peut demander au pays fournisseur d'autolimiter ses
exportations de ce produit à un chiffre négocié (opération dite de
« sortie de panier »).

• Les formalités.

Le pays d'origine du produit et la catégorie dont ce produit


relève déterminent le régime d'importation qui lui est applicable
en vertu des accords conclus : autolimitation ou simple surveillance.

— L'importation dans la C.E.E. de produits soumis à des limites


quantitatives dans le cadre d'une autolimitation est soumise à
autorisation d'importation délivrée sur présentation d'une licence
d'exportation visée par les autorités habilitées du pays fournisseur
d'où le produit est originaire.
En France, l'autorisation d'importation est délivrée par la
D.I.C.T.D. (1). L'opération doit être réalisée en droiture, c'est-à-dire
que les marchandises doivent être expédiées directement à destination.
Toutefois, il est admis que le transport direct n'est pas interrompu
lorsqu'il y a simple déchargement dans un pays de transit, à la condi-
tion que le produit soit ensuite expédié directement en France. Lorsque

(1) Direction des industries chimiques. textiles et diverses.


- 154 -

l'importation en France n'est pas réalisée en droiture, une licence


d'importation est exigible.
Lorsque le quota d'importation pour un couple produit/pays
est atteint pour une durée déterminée, les importateurs en sont
avertis par voie d'avis publié au Journal officiel.

— L'importation de produits soumis à surveillance.

A l'importation en France, la surveillance peut être a priori ou


a posteriori selon le degré de sensibilité du produit :
— le régime d'importation des produits textiles A.M.F. sous
surveillance a priori est également celui de la déclaration d'impor-
tation, sans production d'une licence d'exportation visée dans le pays
fournisseur.

La délivrance de ces autorisations est automatique tant qu'il


n'est pas fait application d'une mesure de sauvegarde, entraînant
le passage du produit dans la catégorie des produits autolimités.
Pour ces produits, l'importation en droiture n'est pas exigée.
Par contre, les demandes présentées doivent être accompagnées
de documents démontrant qu'il s'agit d'opérations réellement engagées
et non de simples intentions d'importation.
Ces demandes ont une durée de validité limitée à deux mois
(durée de validité de droit commun : six mois).

Cette procédure est également applicable aux produits textiles


placés sous un régime suspensif (admission temporaire, entrepôt).
— le régime d'importation des produits textiles A.M.F. sous
surveillance a posteriori est celui de la D.I. dispensée de visa
préalable.
Il s'agit dans ce cas d'une simple surveillance statistique.
La D.I. accompagnée des factures doit être produite à l'appui
de la déclaration en douane.

• La détermination et la justification de l'origine des pro-


duits textiles A.M.F. importés des pays signataires
d'accords bilatéraux avec la C.E.E.

L'origine des produits textiles A.M.F. exportés vers la C.E.E.,


couverts par les accords bilatéraux conclus avec les pays fournisseurs
visés ci-dessus, est déterminée conformément aux règles d'origine
communautaires de droit commun (origine non préférentielle). Il
— 155 —

s'agit des dispositions du règlement (C.E.E.) n° 749/78 relatif à la


détermination de l'origine des produits textiles des chapitres 51 et
52 à 63, pris en application du règlement (C.E.E.) 802/68.
Les produits textiles A.M.F. originaires des pays fournisseurs
au sens des dispositions du règlement (C.E.E.) n° 749/78 ne peuvent
être importés dans la C.E.E., sous le régime décrit au paragraphe 2
ci-dessus, que s'ils sont accompagnés d'un « certificat d'origine tex-
tile » visé par les autorités douanières du pays d'origine. Toutefois,
les produits les moins sensibles relevant des groupes III à VI (caté-
gories 32 à 123) peuvent être importés sur présentation d'une simple
déclaration de l'exportateur sur la facture ou sur un autre document
commercial attestant que les produits concernés sont originaires du
pays fournisseur d'exportation au sens des règles communautaires.

— Les importations dans le cadre du système des préférences


généralisées.
Les pays signataires d'accords bilatéraux avec la C.E.E. sur le
commerce des produits textiles sont des pays en voie de développe-
ment à l'exception de la Bulgarie, de la Hongrie, de la Pologne. En
conséquence, l'importation des produits textiles A.M.F. originaires
de ces pays peut être également réalisée dans le cadre du système des
préférences généralisées accordées par la C.E.E. aux P.V.D. Le béné-
fice du régime tarifaire des préférences généralisées est d'ailleurs
réservé aux produits textiles A.M.F. originaires des seuls pays en
voie de développement ayant conclu un accord bilatéral avec la
C.E.E. sur le commerce des produits textiles.

• Les principes.

Les produits textiles A.M.F. originaires des pays en voie de


développement susvisés peuvent être importés dans la C.E.E. au
bénéfice du régime des préférences généralisées — franchise totale
des droits de douane — à condition d'être accompagnés d'un certi-
ficat d'origine formule A.
Le certificat atteste que lg produit est originaire du pays en voie
de développement fournisseur, au sens des règles d'origine définies
pour l'application des préférences généralisées octroyées par la C.E.E.
aux pays en voie de développement. Le certificat d'origine formule A
est accepté au lieu et place du certificat d'origine textile ou de la
déclaration d'origine requis en application des dispositions des accords
bilatéraux exposées au paragraphe A-3 ci-dessus.

Le régime tarifaire préférentiel est accordé :


— soit dans le cadre de plafonds tarifaires communautaires
répartis en quotes-parts entre les Etats membres de la C.E.E. (ancien-
— 156 —

nement appelés contingents) selon une clef de répartition forfaitaire


dont le taux de participation auxdits plafonds s'élève à 18 % pour
la France ;
— soit dans le cadre de plafonds tarifaires communautaires
non répartis (communément appelés préférences simples) entre Etats
membres de la C.E.E. Le volume de ces plafonds tarifaires ne peut
toutefois jamais dépasser le volume des quotas autolimités lorsque
de tels quotas sont fixés par les accords bilatéraux, pour une caté-
gorie donnée de produits. Cela signifie qu'une plus ou moins grande
part du quota d'importation fixé pour un couple produit-pays par
un accord bilatéral peut être utilisée dans le cadre d'un plafond
tarifaire à droit nul. Lorsque ce quota autolimité d'importation est
atteint, les importations du produit concerné ne peuvent plus avoir
lieu, non seulement en régime de droit commun mais aussi en
régime préférentiel S.P.G.

• Les formalités.

1. Préférence accordée dans le cadre d'un plafond tarifaire non


réparti entre les Etats membres de la C.E.E. : l'importateur doit
produire le certificat d'origine formule A et le document d'importa-
tion : D.I. visée ou non visée (cf. paragraphe A. 2 ci-dessus).
2. Préférence accordée dans le cadre d'un plafond tarifaire
réparti entre les Etats membres de la C.E.E. : l'importateur doit
produire le certificat d'origine, une autorisation d'imputation sur le
plafond tarifaire et le document d'importation.

b) Les importations de produits textiles A.M.F. originaires


de certains pays liés à la C.E.E. par des accords préférentiels.

• Les principes.

La Commission a négocié des arrangements informels avec


huit pays liés à la C.E.E. par des accords préférentiels : Espagne,
Chypre, île Maurice, Malte, Maroc, Portugal, Tunisie (1).
Aux termes de ces arrangements, ces pays se sont engagés à
limiter leurs exportations vers la C.E.E. pour certains produits
textiles A.M.F. à des niveaux convenus. La C.E.E., de son côté,
s'est engagée à ne pas recourir aux clauses de sauvegarde prévues
dans les accords préférentiels.

(1) Il est appliqué une surveillance pour certains produits originaires de Turquie,
en vertu de notifications annuelles de la Commission des Communautés européennes qui
imposent à ce pays des limitations d'exportation.
- 157 -

Il est à noter que les arrangements dont il s'agit concernent les


exportations réalisées, non seulement dans le cadre du régime tarifaire
préférentiel — lorsque les produits satisfont aux règles d'origine
préférentielle et sont accompagnés d'un certificat de circulation
(EUR. 1 ou AE 1 pour l'Espagne) mais aussi en régime de droit
commun. Dans ce dernier cas, l'origine des produits exportés de ces
pays est déterminée selon les dispositions communautaires du règle-
ment 749/78.

• Les formalités.
L'importation en France des produits textiles A.M.F. originaires
des pays susvisés et couverts par les arrangements conclus avec ces
pays est soumise à un régime de surveillance.

c) La justification de l'origine des produits textiles A.M.F. importés


dans la C.E.E., originaires de tous pays autres que les pays signa-
taires d'un accord bilatéral avec la C.E.E. dans le cadre de l'A.M.F.

En vertu du règlement (C.E.E.) 616/78, les produits textiles


A.M.F. originaires de tous les pays autres que les pays fournisseurs
ayant conclu avec la C.E.E. un accord bilatéral (visés au point I
ci-dessus) ne peuvent être importés dans la Communauté que sous
couvert d'un document justificatif de leur origine : certificat d'origine
ou, pour les produits les moins sensibles relevant des groupes III à VI.
déclaration d'origine portée sur la facture par l'exportateur.
L'origine des produits attestée par ces documents doit être déter-
minée conformément aux dispositions communautaires du règlement
(C.E.E.) 749/78.
Toutefois, les certificats de circulation des marchandises EUR. 1
ou AE 1 couvrant l'importation de produits textiles A.M.F. pour
lesquels le bénéfice du régime préférentiel d'un accord est sollicité
sont acceptés au lieu et place des documents justificatifs de l'origine
requis en application du règlement 616/78.

6. La gestion des accords par la Communauté.

L'ensemble du dispositif de contrôle et de surveillance défini


en décembre 1977 par le Conseil des Communautés européennes est
maintenant en place.
La quasi-totalité des pays avec lesquels il avait été envisagé de
négocier une autolimitation l'ont acceptée sous une forme ou une
autre.
Un système de collecte des statistiques a été mis au point dans
la Communauté, afin de suivre de façon étroite l'évolution des impor-
-- 158 -

tations. Les échanges d'information avec les pays fournisseurs (sys-


tème du double contrôle) ont permis d'avoir une meilleure connais-
sance de l'évolution du commerce et de ses circuits. Un effort d'amé-
lioration du système de classification a permis des progrès au niveau
du suivi et de la transparence du marché.
Des listes de produits artisanaux et du folklore ont été établies
d'un commun accord avec certains pays producteurs.
La Communauté s'est dotée des instruments internes nécessaires
à la gestion des accords. La base juridique pour l'application des
accords bilatéraux, sur le plan interne à la Communauté, est constituée
par le règlement du Conseil C.E.E. 3059/78. Ce règlement a institué
un Comité textile qui siège une fois par semaine sous la présidence
de la Commission. Ce Comité est le cadre d'examens réguliers par
les experts des Etats membres des différents problèmes de gestion des
accords bilatéraux. Par ailleurs, la Commission des Communautés
européennes maintient des contacts constants avec les pays parte-
naires et a tenu en 1979 plus de cent consultations formelles et
informelles avec ces pays. Au plan français, un Comité interministériel
de surveillance des importations textiles examine avant leur trans-
mission à Bruxelles toutes les questions ayant trait à la gestion des
accords A.M.F.

B. — ESQUISSE D'UN BILAN DE LA POLITIQUE DE LIMI-


TATION DES IMPORTATIONS EN PROVENANCE DES
PAYS PRODUCTEURS A BAS PRIX POURSUIVIE PAR
LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE DANS LE CADRE
DE L'ACCORD MULTIFIBRES

Il apparaît clairement que les tendances préoccupantes constatées


avant 1977 ont été sensiblement enrayées grâce à la politique qui
vient d'être décrite, cela à trois niveaux.

1. L'évolution globale.

L'évolution globale des importations dans la Communauté, entre


1976 et 1979, de produits textiles toutes origines, ou en provenance
des pays producteurs à bas prix, concernés par l'accord A.M.F. de la
Communauté, se présente comme suit :
- 159 -

(En tonnes.)

1976
année 1977 1978 1979 1979/1976
de référence

Importations tous produits toutes origines .. 1.685.010 1.651.948 1.738.452 2.028.038 + 20,4 %
—Portations produits « A.M.F. » toutes ori-
gines .............
.
.. .. ..
... . . 1.448.925 1.332.784 1.425.722 1.697247 + 17,2 %
produits et origines « A.M.F. » 1.092.817 1.001.437 1.072.246 1.224.923 12,2 %

4lece Commission des Communautés européennes.

La croissance annuelle moyenne des importations de produits


« A.M.F. » en provenance des pays « A.M.F. » est de 4 % en volume.
Ce résultat tranche nettement par rapport au même indicateur pour
la période 1973-1976, qui dépassait 10 %.
L'examen des chiffres pour les catégories de produits soumis à
contrôle met en évidence les phénomènes qui ont suivi les décisions
de 1977.
Devant la fermeté des positions prises durant la renégociation
de l'arrangement, les pays producteurs à bas prix ont marqué une
certaine hésitation qui s'est traduite par un recul net des importa-
tions. En 1978, celles-ci ont repris, mais sans rejoindre le niveau de
référence et les plafonds autorisés. En 1979, par contre, connaissant
mieux leurs possibilités, ces pays en ont fait usage, et les importations
ont marqué une nette progression par rapport à l'année précédente.
Mais globalement, la croissance par rapport au niveau de l'année de
référence reste assez modérée.
On constate, en revanche, une forte croissance des importations
toutes origines, qu'il faut attribuer aux pays industrialisés et en par-
ticulier aux Etats-Unis.

2. L'évolution par groupes de produits.

a) Produits soumis aux plafonds globaux.

Pour les produits « ultra sensibles » du groupe I (fils de coton,


tissus de coton, tissus de fibres textiles synthétiques discontinues,
tee-shirts, chandails, pantalons, chemisiers et chemises), le Conseil
des Communautés européennes a établi des plafonds globaux commu-
nautaires d'importation. De plus, pour assurer un partage des charges
équilibré entre les Etats membres, il a réparti ces plafonds globaux
en sept quotes-parts régionales pour la France, l'Allemagne, le Bene-
lux, le Danemark, le Royaume-Uni, l'Irlande et l'Italie. Ce dispositif
- 160 -

a subi quelques ajustements en 1978 et 1979 pour permettre la


conclusion d'arrangements spécifiques avec les pays préférentiels et
d'accords avec la Chine et la Bulgarie.
Les plafonds globaux n'ont jamais été dépassés par les impor-
tations effectives depuis leur instauration. En 1979, les taux d'utili-
sation se sont établis entre 73,1 % pour la catégorie 4, la moins
utilisée (tee-shirt) et 94,8 % pour la catégorie 1, la plus utilisée (fils
de coton).
Il y a eu quelques dépassements des quotes-parts régionales,
compensés sur d'autres régions. Ces dépassements s'expliquent soit
par la mise en jeu des clauses de flexibilité des accords, soit par des
importations en provenance des pays liés à la Communauté écono-
mique européenne par des accords préférentiels. Pour la France,
deux dépassements ont été constatés pour les fibres de coton et les
chemises pour hommes, et un autre, plus important, pour les panta-
lons. Ces dépassements sont dus pour l'essentiel à la mise en jeu des
clauses de flexibilité des accords.
Les produits « ultra sensibles » du groupe I, qui constituent
plus de la moitié des importations de produits « A.M.F. », ont
connu pour l'ensemble de la Communauté une progression moyenne
annuelle en volume de 14,6 % entre 1978 et 1979. Compte tenu
des importants retraits enregistrés en 1977 comme en 1978, ce taux
ne ressort qu'à 1,9 % en moyenne annuelle depuis 1976.
Calculée sur des bases similaires, la situation de la France
apparaît légèrement meilleure, avec un taux annuel moyen de progres-
sion pour les produits du groupe I de 1,7 %.

b) Produits non soumis à plafonds globaux.

La progression annuelle moyenne par rapport à l'année de


référence 1976 pour les quatre groupes de produits non soumis à
plafonds globaux est la suivante :
groupe II : produits sensibles + 4,2 %
groupe III : autres produits textiles + 11,8 %
groupe IV : autres articles d'habillement + 1,3
groupe V : autres articles à usage technique. + 5 %

L'examen de l'évolution par année met en évidence là encore


le phénomène de rattrapage en 1979 des retraits constatés en 1977,
et, le cas échéant, en 1978. Ce rattrapage reste dans les limites envi-
sagées lors de la renégociation de l'arrangement en 1977.
— 161 —

3. L'évolution des prix.

En valeur, la progression moyenne annuelle des prix courants


s'établit, comme suit de 1978 à 1979 :
groupe I : produits ultra sensibles + 10,7 %
groupe II : produits sensibles + 11,7 cVo
groupe III : autres produits textiles + 18,6 %
groupe IV : autres articles d'habillement . . . . + 3 %
groupe V : articles textiles à usage technique . -I- 18,8 %
Total toutes catégories confondues . . ± 11,6 %

On constate que la mise en place de restrictions quantitatives a


eu un incontestable effet de freinage sur la réduction des prix constaté
durant la période 1973-1976.
L'examen des résultats de l'année 1979 montre que les objectifs
retenus par la France, puis par la Communauté européenne au moment
du premier renouvellement de l'arrangement multifibres, ont, d'une
manière générale, été atteints.
Les taux de progression des importations des produits originaires
de pays producteurs à bas prix ont été réduits par rapport aux valeurs
qu'ils avaient atteintes lors de la période précédente, et l'évolution
explosive de ces importations a été enrayée.
On observe en 1979 des taux de progression dont certains peuvent
apparaître importants. Mais ils ne font que traduire un rattrapage des
reculs enregistrés en 1977 et dans certains cas en 1978. Les objectifs
quantitatifs retenus en 1977 et admis par les professionnels n'ont pas
été dépassés. De fait la menace que constituaient en 1976 et 1977
les pays asiatiques a, sans disparaître, perdu une certaine partie de
son acuité.
Mais dans le même temps de nouveaux problèmes se sont fait
jour, qui sont évoqués dans la quatrième partie de ce rapport.

III. — LES PRINCIPES GÉNÉRAUX DE LA


RÉGLEMENTATION COMMUNAUTAIRE

La négociation des accords commerciaux et la modification de


leurs dispositions sont de la compétence exclusive de la Communauté
en application de l'article 113 du Traité de Rome. Quant aux accords
nationaux bilatéraux qui ont été négociés avant la période transitoire
Sénat 282. — 11
--- 162 -

du Marché commun, ils subsistent, mais sont limités en réalité à


quelques pays et surtout à quelques produits. En général, ce sont
les produits de soie, originaires essentiellement du Japon et de la
Corée du Sud. Dès lors, la politique communautaire est — ainsi qu'on
l'a déjà vu à propos des négociations dans le cadre du G.A.T.T. ou
de l'accord multifibres — omniprésente dans la réglementation inter-
nationale applicable aux produits textiles. Nous nous bornerons ici à
donner les grandes lignes d'une matière extraordinairement complexe
et diffuse.
Le Traité instituant la C.E.E,. prévoit, à ses articles 110 à 116,
la mise en place d'une politique commerciale commune à l'ensemble
de ses Etats membres. Cette politique commerciale s'est progressive-
ment développée depuis 1958 et, désormais, l'essentiel de la politique
commerciale française s'inscrit dans le cadre de la Communauté.
Cette politique commerciale commune comporte deux axes princi-
paux : l'uniformisation des mesures de libération à l'importation et
les négociations commerciales et tarifaires. Pour le secteur des textiles
et de l'habillement, le régime commun de libération mis en place est
en effet complété par le régime d'importation issu tant des accords
ou arrangements bilatéraux conclus dans le cadre de l'arrangement
multifibres que des accords tarifaires préférentiels passés avec un
grand nombre de pays. Cet ensemble confère à la C.E.E. une compé-
tence quasi exclusive en matière de réglementation des importations.

A. — LA POLITIQUE COMMUNAUTAIRE REPOSE SUR LE


PRINCIPE DE LA LIBÉRALISATION DES ÉCHANGES

I. Généralités : la politique fort libérale de la Communauté en


matière de droits de douane et de restrictions quantitatives aux
échanges.

Le Traité de Rome prévoit à la fois la suppression de toutes


barrières tarifaires — ou contingentaires — aux frontières intérieures
à la Communauté, et l'instauration d'une protection tarifaire unique
vis-à-vis des pays tiers par la mise en place d'un tarif extérieur
commun.

a) La suppression des droits de douane


applicables aux échanges intracommunautaires.

Depuis le 1" juillet 1968, date d'achèvement de la période transi-


toire prévue par le Traité de Rome, il n'existe plus de droits de
douane applicables aux échanges intracommunautaires. La franchise
tarifaire bénéficie tant aux produits originaires des autres Etats
membres de la C.E.E. qu'aux produits d'origine tierce mis en libre
- 163 -

pratique dans un de ces Etats par l'accomplissement des formalités


d'importation et, notamment, par l'acquittement des droits du tarif
extérieur commun. Le Traité de Rome fait interdiction aux pays
partenaires du Marché commun de rétablir, dans les échanges intra-
communautaires, des droits de douane ou des taxes d'effet équivalent
à de tels droits.

b) La définition d'un tarif extérieur commun fort libéral


vis-à-vis des pays tiers.

Depuis le 1" juillet 1968, tous les Etats membres de la C.E.E.


appliquent les mêmes droits de douane, inscrits au tarif extérieur
commun (T.E.C.), à l'importation de produits en provenance de
pays tiers. Seule la Communauté a pouvoir de modifier le T.E.C.
ou de décider de sa non-application, totale ou partielle.

Dans le contexte libre-échangiste des relations commerciales


internationales qui a prévalu au cours des vingt dernières années,
la tendance constante a été à la réduction de la protection tarifaire
de la C.E.E. C'est ainsi que :
— en application d'accords conclus par la C.E.E. avec un
grand nombre de pays — pays A.C.P., pays du bassin méditerranéen,
pays de l'A.E.L.E. — la quasi-totalité des produits industriels
originaires de ces pays bénéficient, à l'entrée dans la C.E.E., de la
franchise des droits de douane ;
— dans le cadre de l'action menée par tous les pays industria-
lisés en faveur des pays en voie de développement, une large part
des importations dans la C.E.E. de produits manufacturés originaires
de ces derniers pays bénéficie, depuis une décennie, d'un régime
tarifaire préférentiel à droit nul (système des préférences généra-
lisées) ;
— la Communauté a participé aux grandes négociations multi-
latérales qui se sont déroulées au sein du G.A.T.T. et qui se sont
traduites par une réduction progressive des droits du tarif extérieur
commun.

Il est à noter que si la Communauté peut librement modifier


à la baisse ses droits de douane — soit unilatéralement, soit dans
le cadre de concessions réciproques — elle ne pourrait, en revanche,
les augmenter que dans le respect des règles du G.A.T.T. On a vu
en effet que celui-ci pose en principe que ses membres ne doivent
pas accroître leur protection tarifaire (droits dits « consolidés au
G.A.T.T. »). Grosso modo, toute augmentation des droits applicables
à un produit ou à un groupe de produits donné doit être « gagée »
par une réduction tarifaire de portée économique équivalente.
- 164 --

c) La réglementation communautaire des restrictions quantitatives


applicables aux pays tiers.

Le Traité de Rome prévoit la mise en place d'une politique


commerciale commune vis-à-vis des pays tiers, condition de la
réalisation d'un marché intérieur unique assurant aux opérateurs
économiques une égalité de traitement vis-à-vis de la concurrence
extérieure. Dans le secteur textile, on a vu au point II de ce chapitre
que l'arrangement concernant le commerce international des textiles
— dit « arrangement multifibres » (A.M.F.) —, conclu à Genève
au sein du G.A.T.T. et renouvelé à compter du 1" janvier 1978,
a conduit à l'instauration d'une politique commerciale commune
très achevée, laissant peu de place aux initiatives nationales. Pour
les produits — les plus sensibles — faisant l'objet d'une autolimi-
tation, la gestion de cette dernière est assurée au plan communautaire,
selon les procédures prévues par le Traité de Rome et les textes
particuliers régissant la matière (règlement [C.E.E.] n° 3059/78),
ces procédures ne laissant qu'une compétence résiduelle aux Etats
membres. Il en est de même des autres produits A.M.F. La France,
comme ses partenaires du Marché commun, reste seulement maîtresse
de la définition des modalités pratiques de gestion des quotes-parts
nationales des quotas d'autolimitation.
Pour les produits textiles non A.M.F., les dispositions commu-
nautaires arrêtées en matière de politique commerciale commune
trouvent à s'appliquer : listes communes de libération à l'égard de
pays du G.A.T.T. d'une part, des pays à commerce d'Etat d'autre
part, uniformisation progressive des régimes autonomes d'importa-
tion... En fait, pour les produits non repris sur les listes de libération,
un Etat membre conserve la possibilité de maintenir, vis-à-vis des
pays tiers, des restrictions quantitatives reconduites d'année en année
par la Commission. En dehors de ce cas, la France n'a plus aucun
pouvoir propre en matière de restrictions quantitatives d'ordre
commercial.

d) La réglementation communautaire des restrictions quantitatives


applicable aux échanges intracommunautaires.

— Dans les échanges intracommunautaires, le Traité de Rome


interdit toutes restrictions quantitatives à l'importation ainsi que
toutes mesures d'effet équivalent. La libre circulation des marchan-
dises bénéficie aussi bien aux produits originaires des autres Etats
membres de la C.E.E. qu'aux produits importés de pays tiers et mis
en libre pratique dans ces Etats. Parmi cette dernière catégorie de
produits, figurent des produits textiles qui seraient contingentés ou
autolimités s'ils étaient importés directement en France librement,
sous couvert d'un titre d'importation délivré automatiquement
- 165 -

(licence dite « Marché commun »), jusqu'à la mise en œuvre de


la clause de sauvegarde prévue à l'article 115 du Traité de Rome.
Seule la Commission des Communautés européennes a le pouvoir
de décider, sur demande de l'Etat membre concerné, la mise en
oeuvre de la clause. Elle ne prend cette décision que lorsque les
importations par le biais de la libre pratique atteignent un certain
pourcentage du contingent ou de la quote-part d'autolimitation.

e) La libre pratique.

En ce qu'il fixe des quotes-parts nationales des quotas d'autolimi-


tation communautaires, le régime d'importation communautaire ne
vise que les importations directes dans chaque Etat membre de pro-
duits textiles d'origine tierce.
S'agissant de produits régulièrement mis en libre pratique
dans un Etat membre, puis réexpédiés vers un autre Etat membre
— la France, par exemple —, celui-ci ne peut s'opposer à l'entrée
sur son territoire de la marchandise qui bénéficie de la libre circu-
lation à l'intérieur de la Communauté jusqu'à mise en oeuvre de
la clause de sauvegarde prévue par l'article 115 du Traité de Rome.
Seule la Commission des Communautés européennes a le pou-
voir de décider, sur demande de la France, de la mise en oeuvre
de la clause de sauvegarde. Elle ne prend cette décision que quand
elle estime que les importations par le biais de la libre pratique
entraînent des difficultés économiques en France. Concrètement,
elle considère que de telles difficultés peuvent se présenter lorsque
ces importations atteignent un certain pourcentage de la quote-part
d'autolimitation (1). Aussi longtemps que la clause de l'article 115
C.E.E. n'est pas d'application, la douane se borne à exiger la présen-
tation d'un titre d'importation, qui permet de comptabiliser le volume
des courants d'importation par le biais de la libre pratique, et dont la
délivrance est automatique (licence dite « Marché commun »). Dans
les échanges intracommunautaires, il est clair que le régime d'im-
portation est donc celui de la libre circulation, auquel il n'est mis
fin que sur décision de la Commission des Communautés européennes.
Cette situation donne lieu a bien des abus face auxquels la réglemen-
tation communautaire actuellement est bien dépourvue. La situation
n'est pas simplifiée par le fait que cette même réglementation commu-
nautaire condamne par ailleurs la plupart des initiatives nationales
tendant à combattre les pratiques frauduleuses (détournement de
trafic, etc., voir chapitre II) auxquelles de nombreux exportateurs
de pays partenaires n'hésitent pas à recourir.

(1) Par exemple : pour une quote-part d'autolimitation de 100 sur un couple produit/
pays, la Commission autorisera l'application de la clause de sauvegarde lorsque les impor-
tations du produit en cause mis préalablement en libre pratique atteindront 20, 30 ou 40.
Au total, les importations du produit considéré en France représenteront 120, 130 ou 140.
- 166 -

2. Les mesures d'application générales à l'uniformisation des


mesures de libération à l'importation résultant des deux règlements
du 8 mai 1979.

C'est après plusieurs années de travaux que le Conseil européen


a adopté le 8 mai 1979 de nouvelles dispositions applicables aux im-
portations communautaires. Ces dispositions très détaillées sont con-
tenues dans deux règlements publiés au Journal officiel des Commu-
nautés européennes le 31 mai 1979. Elles concernent, d'une part,
les importations en provenance des pays du G.A.T.T., d'autre part,
les importations en provenance des pays à commerce d'Etat. Le
régime mis en place est très libéral. Il organise un système de libéra-
tion communautaire qui couvre les neuf dixièmes des produits du
tarif douanier commun ainsi qu'un régime de libération nationale
applicable aux seuls produits libérés dans un ou plusieurs Etats
membres. C'est ainsi que conformément au Traité de Rome qui
incitait les Etats membres à harmoniser la liste des produits libérés
à l'importation, une liste commune de libération applicable à l'égard
des pays membres du G.A.T.T. d'une part, des pays à commerce
d'Etat d'autre part. Pour les produits non inscrits sur cette liste,
les Etats membres sont, en principe, libres de fixer, par voie négociée
ou autonome, des restrictions quantitatives. En fait, en attendant la
conclusion d'accords commerciaux communautaires avec les pays
de l'Est, la C.E.E. fixe annuellement la liste des restrictions quanti-
tatives et le montant des contingents ouverts par chaque Etat membre
pour chaque pays à commerce d'Etat. Vis-à-vis des autres pays tiers,
certaines dispositions communautaires tendent à l'instauration pro-
gressive d'un régime d'importation commun.

Les deux listes communes de libération s'accompagnent de di-


verses procédures communautaires de défense commerciale, qui con-
cernent principalement :
— la défense contre les pratiques de dumping ;
— la mise en oeuvre, à l'initiative d'un ou plusieurs Etats
membres, dans le cas où le régime de libération est de nature à
créer de graves difficultés économiques dans la C.E.E., de procé-
dures de consultation, de surveillance et de sauvegarde.

3. Les mesures d'application particulières :


les accords spécifiques négociés par la Communauté.

De fait, la conclusion par la Communauté, d'abord de nombreux


accords d'association ou préférentiels avec un nombre croissant de
pays (pays A.C.P., pays du bassin méditerranéen, pays de l'A.E.L.E...),
ensuite d'une série d'accords bilatéraux avec les principaux pays
fournisseurs de produits textiles dans le cadre de l'arrangement
--- 167 ---

multifibres contribue également à conférer au régime d'importation


des produits du textile et de l'habillement un caractère communau-
taire très marqué.

S'agissant, par exemple, du régime quantitatif d'importation,


relève désormais de la compétence communautaire toute décision
portant sur :
— la détermination de la plus ou moins grande sensibilité des
produits et, partant, le régime (autolimitation ou surveillance) qui
leur sera applicable ;
— la fixation du montant des quotas d'autolimitation et leur
répartition entre Etats membres ;
— la conduite des négociations avec les pays fournisseurs ;
— la gestion des régimes d'importation (notamment, passage
de la surveillance à l'autolimitation).

Nous nous bornerons ici à l'analyse très succincte des disposi-


tions principales de quelques-uns des plus importants des accords
conclus par la Communauté.

a) Les accords de Lomé.

Conclus avec 57 pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique,


les accords de Lomé édictent le principe du libre accès dans la Com-
munauté des produits industriels des pays concernés. D'une manière
générale, les produits originaires des pays signataires dits A.C.P.
bénéficient à leur importation dans la Communauté du même traite-
ment que celui que s'accordent entre eux les Etats membres de la
C.E.E. Ainsi tous les produits originaires des Etats A.C.P., à l'excep-
tion toutefois de certains produits relevant de la politique agricole
commune, peuvent dans les limites d'un plafond global, pénétrer sur
le marché de la Communauté en exemption de droits de douane et de
taxes d'effet équivalent, sans que soient appliquées de restrictions
quantitatives ni de mesures d'effet équivalent autres que celles qui
restent d'application entre les Etats membres de la C.E.E. Le principe
de l'accès libre et illimité, comportant l'élimination totale des obsta-
cles douaniers et contingentaires aux échanges, est atténué par
l'intervention de la notion d'ordre public qui peut justifier des inter-
dictions ou des restrictions d'importation pour des raisons de sécurité
publique, de protection sanitaire, patrimoniale et de propriété indus-
trielle.
Les importations en provenance des pays de la Convention de
Lomé ont progressé selon un rythme annuel moyen de 8,2 % de
1976 à 1979 pour l'ensemble des produits, et 4,5 % pour ceux du
— 168 —

groupe I ; leur part totale des importations en provenance des A.C.P.


ne représente que 1,2 % du total de nos importations de produits
textiles ; ces importations paraissent actuellement stables.

b) Le système des préférences généralisées (S.P.G.).

Le principe d'un système de préférences généralisées (S.P.G.)


non réciproques et non discriminatoires qui jouerait au profit des
pays en voie de développement a été adopté à la deuxième confé-
rence des Nations unies sur le développement (C.N.U.C.E.D. qui
s'est tenu en 1968 à New Delhi).
La C.E.E., qui avait lancé l'idée de préférences généralisées
dès 1963 dans le cadre du G.A.T.T., a été la première à mettre en
oeuvre son schéma le 1« juillet 1971 (1). Depuis 1971, le S.P.G. a
pris, en dépit de ses imperfections et notamment de sa complexité
croissante, une place importante dans la politique communautaire
d'aide au développement.
Le régime commercial général applicable aux produits par le
S.P.G. est le suivant. Pour les produits industriels finis et semi-finis
(chapitres 25 à 99 du T.D.C.) (2), l'importation en franchise est auto-
risée dans la limite de plafonds globaux ou de contingents tarifaires.
L'octroi du S.P.G. est, en effet, lié à la signature par les Etats concer-
nés d'accords d'autolimitation de leurs exportations vers la C.E.E.
Plafonds et contingents sont calculés en fonction des importations
réalisées par les pays bénéficiaires au cours d'une année de référence
(1977 pour 1980), augmentés chaque année d'une fraction de la
valeur des importations en provenance des autres pays. Pour certains
produits « sensibles », cependant, l'offre peut être « gelée » ou
augmentée dans de moindres proportions.

En dehors du régime général, préférences et contingents sont


institués dans des conditions spéciales pour certains produits dont
les textiles. Dans le domaine des produits textiles, les pays couverts par
le S.P.G. doivent être séparés en plusieurs catégories :
— ceux qui sont membres de la Convention de Lomé ;
— ceux qui ont signé un accord bilatéral au titre de l'Accord
Multifibres (A.M.F.) ;
— ceux qui ont conclu des accords préférentiels avec la Commu-
nauté ;

(1) Les schémas de préférences généralisées actuellement en vigueur sont les suivants :
Japon (août 1971), Norvège (octobre 1971), Finlande (1" janvier 1972), Suède (1" janvier
1971), Nouvelle-Zélande (1" janvier 1972), Suisse (1" mars 1972), Autriche (1` avril 1972),
Australie (1974), (Canada (1" juillet 1974), U.S.A. (1976).
Certains pays de l'Est (Hongrie, Bulgarie, Pologne, Tchécoslovaquie...) accordent éga-
lement des « préférences » aux P.V.D., bien que ce concept n'ait évidemment pas la
même signification dans des pays à commerce d'Etat.
(2) T.D.C.: Tarif douanier commun.
- 169 -

— « les autres » auxquels la Communauté applique uniquement


les clauses du S.P.G.

Chacun de ces groupes de pays est soumis à un régime spécifique.


Pour les pays qui bénéficient du seul régime S.P.G., le principe
est celui de l'absence de contingent et de l'entrée en franchise dans
la limite prévue par les accords d'autolimitation. Pour les pays
A.M.F., il peut y avoir pour les produits non couverts par l'A.M.F.,
des contingents (poste 66-01 pour Hong Kong, 67-04 pour la Corée
du Sud).
Le régime de l'origine est celui assez peu contraignant du règle-
ment de 1968. Aucune clause de sauvegarde spécifique n'est prévue.
La France n'accepte d'appliquer le système des préférences
généralisées qu'à l'égard des pays qui s'engagent dans le même temps
à respecter des accords d'autolimitation. C'est la raison pour laquelle
ce système n'a pas posé, jusqu'ici, pour notre pays, de problèmes
majeurs.
En outre, il faut bien voir que le système des préférences
généralisées ne couvre en fait qu'une fraction limitée de nos impor-
tations textiles en provenance des pays en voie de développement.
En 1980, cela n'a représenté pour tous les produits de l'accord
multifibres que 95.500 tonnes, soit 16 % des exportations textiles
des pays qui bénéficient du S.P.G. Pour les produits qui bénéficient
de ce système, mais qui ne font pas partie de l'accord multifibres,
le quota qui a été accepté est de 8.000 tonnes.
La vigilance s'impose cependant car certains de nos partenaires
européens — et en particulier la R.F.A. — contestent le maintien
d'un lien entre l'octroi du S.P.G. et la négociation d'accords d'auto-
limitation. La fermeté du Gouvernement sur ce point est indispen-
sable.

c) Les accords et arrangements conclus


dans le cadre de l'accord multifibres.

On renvoie sur ce point au point II du chapitre premier où la


question a été examinée en détail.

Il importe cependant d'indiquer ici qu'après une période transi-


toire (décembre 1975 - décembre 1978), la Communauté a adopté
le règlement 3059/78 du 21 décembre 1978 « relatif au régime
commun applicable aux importations de certains produits textiles
originaires de pays tiers » qui est en fait une mise en oeuvre de
l'accord multifibres au plan communautaire. Ce règlement prévoit
des dispositions relatives :
- 170 -

— aux contrôles de l'origine : système du double contrôle


(licence d'exportation délivrée par le pays fournisseur et autorisation
d'importation émise par un des Etats de la C.E.E.) ;
— au respect des quotas. Pour éviter les inconvénients éventuels
de la libre pratique, l'article 3, paragraphes 2 et 3 fixe que :
2. La mise en libre pratique dans la Communauté des produits
dont l'importation est soumise aux limitations quantitatives
communautaires fixées au paragraphe 1 est subordonnée à
la présentation d'une autorisation d'importation ou d'un
document équivalent, délivré par les autorités des Etats
membres conformément à l'article 10 ;
3. Les importations autorisées sont imputées sur les limites
quantitatives communautaires fixées pour l'année au cours
de laquelle les produits ont été expédiés dans le pays
fournisseur concerné ;
— à la modification des quotas : les limites quantitatives
introduites par la Communauté sont calculées de manière d'une part
à assurer la meilleure utilisation de ces limites quantitatives, et,
d'autre part, à atteindre progressivement par un meilleur partage
des charges entre les Etats membres, une pénétration plus équilibrée
des marchés. Concrètement, le règlement prévoit des possibilités de
report de quotas non utilisés, d'utilisation anticipée de transferts
de quotas ; mais, en règle générale, le quota de base, après ces
modifications, ne peut être augmenté de plus de 15 %.

Ces quotas ont été modifiés en 1979 (1), soulevant à cette


occasion de délicats problèmes. M. André Soury, député, rappelle
(2) :
« La répartition des limitations entre Etats membres, fixée par
le règlement de décembre 1978, n'avait pas été négociée avec les
pays fournisseurs, mais effectuée par la Communauté sur la base des
courants commerciaux existants en 1976 et d'un objectif de partage
des charges entre les Etats membres.
« Plusieurs pays tiers ayant contesté cette répartition en préten-
dant que la Communauté pourrait utiliser ce moyen pour réduire en
fait l'impact du volume convenu au niveau communautaire, la
Commission considère qu'il convient « de faire droit dans toute la
mesure du possible aux requêtes des pays partenaires, pour autant
que ces demandes ne remettent pas en cause les objectifs de la
politique textile. »

Le projet de la Commission, qui se basait sur le fait qu'après


une année d'application des accords textiles, les plafonds globaux

(1) Règlement re 2143/79 du Conseil.


(2) Conclusions de la délégation de l'Assemblée nationale.
- 171 -

communautaires n'avaient pas été atteints, n'a cependant pas été


adopté par le Comité textile institué par le règlement (C.E.E.)
n° 3059/78, composé de représentants des Etats membres et présidé
par un représentant de la Commission :
— à la possibilité de mise sous quota de produits libérés.
Si la Communauté constate que les importations d'un produit
déterminé dépassent un certain pourcentage d'augmentation, elle peut
les soumettre à une limite quantitative, après consultation avec le
pays fournisseur. Dans le jargon des spécialistes, cette opération est
appelée « sortie de panier » (voir chapitre relatif à la marge de
manoeuvre de la France) ;
— à l'institution d'un « Comité textile » avec pouvoir de consul-
tation et d'information.

B. — LES AMODIATIONS, LES CONTROLES, LES PROCÉ-


DURES DE SAUVEGARDE ET LES EXCEPTIONS AUX
PRINCIPES DE LIBÉRALISATION

1. Les tempéraments aux principes généraux des


règlements de 1979.

Tout en posant le principe général d'une libéralisation des


importations communautaires, les règlements de 1979 prévoient un
certain nombre de tempéraments.

a) Les procédures d'information et de consultation.

Les Etats membres doivent informer la Commission des Com-


munautés de tout danger pouvant résulter de l'évolution des impor-
tations et fournir tous renseignements sur l'évolution du marché. Des
consultations préalables sont alors ouvertes au sein d'un Comité
composé de représentants de chaque Etat membre et présidé par un
représentant de la Commission, pour examiner les conditions des
importations, la situation économique et commerciale ainsi que les
mesures à adopter le cas échéant. En cas de besoin, les consultations
peuvent avoir lieu par écrit, les Etats membres disposant d'un délai
de cinq à huit jours ouvrables pour transmettre leur avis (titre II du
règlement).
- 172 -

b) Les mesures de surveillance.

L'importation d'un produit peut être soumise à un contrôle


communautaire par décision du Conseil ou de la Commission, lorsque
l'évolution du marché de ce produit menace de porter préjudice aux
producteurs communautaires de produits similaires ou concurrents
et que les intérêts de la Communauté le nécessitent. La décision
d'instaurer une surveillance est normalement prise par la Commission.
Cette surveillance peut consister en un contrôle a posteriori des
importations (surveillance statistique) ou en un contrôle préalable.
Dans ce dernier cas, la mise en libre pratique du produit sous
surveillance communautaire préalable est subordonnée à la présen-
tation d'un document d'importation. Ce document est délivré ou visé
par les Etats membres, sans frais, pour toutes les quantités deman-
dées, et dans un délai maximal de cinq jours après dépôt de la
demande. Ce document doit être délivré à tout importateur, quel que
soit le lieu de son établissement dans la Communauté. L'article 8 du
règlement défini les indications qui doivent figurer sur ce document.
Le règlement instituant la surveillance définit la durée de validité du
document.
La mesure de surveillance ne couvre pas nécessairement toute
la Communauté, elle peut être limitée à un seul Etat membre. En effet,
lorsque dans un délai de huit jours ouvrables après la fin des consul-
tations sur l'opportunité d'instaurer une surveillance communautaire,
une telle mesure n'est pas prise, l'Etat membre qui souhaite qu'une
surveillance soit mise en place peut instituer celle-ci sur le plan
national. Il peut également le faire en cas d'extrême urgence avant
consultation mais après avoir informé la Commission.
Les Etats membres informent la Commission, mensuellement en
cas de surveillance communautaire et trimestriellement en cas de
surveillance nationale, sur les documents d'importation qui ont été
délivrés (en cas de surveillance préalable) et sur les importations
effectivement réalisées (en cas de surveillance préalable ou posté-
rieure).

c) Les mesures de sauvegarde.

Les pays membres constituant une union douanière, le recours


à de telles clauses est strictement limité dans son champ d'applica-
tion et dans sa procédure ;
• Dispositions assimilables à des dispositions d'ordre public
(moralité publique, santé publique, etc.).
• Dispositions relatives à la sécurité militaire (art. 223 du
Traité de Rome).
- 173 -

• Dispositions relatives à la C.E.C.A. (art. 71 à 75 du Traité


C.E.C.A.).
• Dispositions d'ordre économique : elles sont essentiellement
liées à l'apparition de phénomènes monétaires et financiers graves.
Art. 107. — Changement des conditions de concurrence lors-
qu'un Etat membre a été obligé de modifier son taux de change.
Art. 108. — En cas de difficultés graves de sa balance des paie-
ments ou de menace de difficultés.
Art. 109. — Hypothèse d'une « crise soudaine » de la balance
des paiements.
Dans les deux premiers cas, les modalités et les conditions de
mise en œuvre des mesures de sauvegarde sont définies par la Commis-
sion. Dans le troisième, l'Etat membre intéressé peut, à titre conser-
vatoire, prendre les mesures de sauvegarde nécessaires sous condition
d'en informer la Commission et les autres Etats membres.
Les conditions requises pour l'application de ces mesures sont
celles qui figurent à l'article XIX du G.A.T.T. Ces conditions définies
par les articles 12 paragraphe 1, et 13 paragraphe 1 a, sont d'ordre
commercial, économique et d'opportunité. Il faut qu'un produit soit
importé dans la Communauté en quantités tellement accrues et/ou
à des conditions telles qu'un préjudice grave soit porté aux produc-
teurs communautaires de produits similaires en concurrents. Par
ailleurs, il faut que les « intérêts de la Communauté » requièrent
une action de sauvegarde. L'ensemble de ces conditions apparaît assez
vague et un large pouvoir d'appréciation est ainsi laissé aux institu-
tions de la Communauté notamment dans l'estimation du préjudice
subi par les producteurs communautaires ainsi que de son caractère
de gravité.
L'adoption de mesures de sauvegarde n'est pas limitée à l'hypo-
thèse de perturbation de marché définie par l'article XIX du G.A.T.T.
Selon l'article 13 le Conseil peut également arrêter des mesures appro-
priées « pour permettre l'usage des droits et satisfaire aux obligations
de la Communauté ou de tous ses Etats membres sur le plan interna-
tional, notamment en matière de commerce des produits de base ».
Sur le plan de la procédure, les mesures de sauvegarde sont norma-
lement adoptées par le Conseil des Communautés sur proposition de
la Commission (art. 13). En cas d'urgence, des mesures peuvent être
adoptées par la Commission. Si aucun Etat membre ne défère dans
un délai d'un mois la mesure au Conseil, la mesure conservatoire
adoptée par la Commission devient définitive au terme de ce délai.
Dans le cas contraire, le Conseil décide de la confirmation, de l'abro-
gation ou de la modification de la mesure prise par la Commission.
Si le Conseil ne parvient pas à prendre une décision dans un délai
de trois mois après sa saisine, la mesure de la Commission est abrogée.
- 174 -

Enfin, un Etat membre peut à titre conservatoire adopter une me-


sure de sauvegarde en cas de perturbation du marché telle que défini
à l'article 12 paragraphe 1 ou lorsque cette mesure est justifiée par
une clause de sauvegarde contenue dans un accord bilatéral conclu
entre cet Etat membre et un pays tiers (cette clause vise essentiellement
les accords bilatéraux subsistant entre le Japon et certains Etats mem-
bres de la Communauté).
Cette mesure ne peut être prise qu'après consultation du Comité
compétent. Si l'Etat membre invoque une urgence particulière, l'Etat
membre peut, avant la convocation dans un délai de cinq jours du
Comité, subordonner l'importation du produit à la présentation d'un
document d'importation. La mesure nationale doit être transmise à la
Commission qui décide à son sujet. Si la Commission décide de ne
pas instituer des mesures de sauvegarde ou institue une mesure diffé-
rente de celle prise par l'Etat membre, celui-ci peut déférer la déci-
sion de la Commission au Conseil. Celui-ci statue dans un délai d'un
mois après sa saisine. Dans ce cas, la mesure nationale n'est appli-
cable que jusqu'à l'entrée en vigueur de la décision du Conseil et au
maximum pendant ce délai d'un mois.
L'ensemble de ce dispositif assez complexe qui tend à éviter
des initiatives protectionnistes de la part des Etats membres en ma-
tière de mesures de sauvegarde n'est applicable que jusqu'au 31 dé-
cembre 1981 et devra être révisé après cette date. Cependant les
dispositions relatives aux mesures de sauvegarde justifiées par les
clauses contenues dans un accord bilatéral subsisteront après cette
date.
Quant au contenu des mesures de sauvegarde, elles consistent,
soit à réduire la durée de validité du document d'importation ins-
titué en cas de surveillance, soit le plus fréquemment, dans l'ins-
titution d'un contingentement et, à la limite, d'une prohibition des
importations d'un produit. Le règlement n'exclut pas la possibilité,
pour le Conseil, d'adopter d'autres mesures que des restrictions quan-
titatives, par exemple le relèvement du droit de douane, la fixation
d'un prix minimum à l'importation ou toute autre mesure suscep-
tible de remédier à la perturbation du marché.
Les mesures prises s'appliquent à tout produit qui est mis en
libre pratique dès leur mise en vigueur. Elles peuvent être limitées
aux importations à destination de certaines régions de la Commu-
nauté (en pratique un ou plusieurs Etats membres) notamment
dans le cas où les importations en cause n'affectent que ces régions.

Les relations de la Communauté avec les pays tiers.


— Il convient également de noter que l'article 115 du Traité
C.E.E. fixe les procédures de déclenchement et d'application des
clauses de sauvegarde à l'égard des importations originaires de pays
- 175 -

tiers. Cet article dont le fonctionnement sera examiné plus loin,


prévoit en son alinéa 1, deux hypothèses :
— détournement de trafic : cas où un Etat membre A applique
à l'égard d'un pays tiers un contingentement des importations alors
qu'un de ses partenaires B a libéré les échanges et qu'un courant
d'échanges s'établit de B vers A, l'importateur de A bénéficiant ainsi
de conditions plus favorables. La Commission estime, en outre, que ce
détournement doit avoir pour effet d'empêcher et non seulement
d'affecter ou de gêner l'exécution des mesures internes de politique
commerciale (les contingents de A dans le cas choisi) ;
— difficultés économiques : par exemple, lorsqu'un Etat mem-
bre A perd des débouchés sur le marché d'un de ses partenaires B
au bénéfice d'un pays tiers, parce que les politiques commerciales
de A et B sont différentes. Autre cas : lorsque des possibilités
d'approvisionnement inégales dans les pays tiers entraînent des phé-
nomènes de substitution ou des distorsions de concurrence.

Les modalités et les conditions de mise en oeuvre des mesures


de sauvegarde sont donc définies par la Commission. Le déclenche-
ment de la procédure de l'article 115 est, en principe, limité aux
seuls produits qui ne figurent pas sur la liste commune de libération
(règlement 1439/74) et est assorti de conditions pour la constatation
de l'augmentation des importations (au moins 20 %).

2. Les amendements apportés aux accords de libéralisation


conclus par la Communauté.

a) Les accords de Lomé prévoient deux soupapes de sécurité.


Le contrôle de l'origine prévu par les accords est assez strict. Les
règles d'origine sont fixées par un protocole annexé à la convention.
Elles sont fondées sur les principes prévus lorsqu'un régime tarifaire
préférentiel est accordé par la Communauté. Cependant l'ensemble
des Etats A.C.P. est considéré comme constituant un seul territoire.
D'autre part, des dérogations aux règles générales peuvent être
accordées, après un examen cas par cas, en faveur des Etats A.C.P.
— en particulier les moins développés — afin de faciliter leur déve-
loppement industriel ou d'éviter que l'application stricte des règles
en matière d'origine ne provoque de graves inconvénients d'ordre
économique. En outre des clauses de sauvegarde assez précises sont
définies. Ces clauses de sauvegarde sont de portée générale et peuvent
être actionnées en cas de simple « risque de détérioration d'un sec-
teur d'activité d'une région de la Communauté » sans qu'une pertur-
bation ait à être constatée.
Dans la pratique cette clause n'a jamais jusqu'alors eu à jouer
et lorsque des difficultés spécifiques sont apparues — comme cela
— 176 —

a notamment été le cas avec l'île Maurice — le problème a été résolu


dans le cadre d'arrangements informels.

b) Le système des préférences généralisées octroyé par la Com-


munauté sous forme de contingent à droit nul prévoit un contrôle de
l'origine mais ce contrôle n'est assorti d'aucune clause de sauvegarde
spécifique.

c) L'accord multifibres.
Pour l'étude du système d'autolimitation des importations mis
en place dans le cadre de cet accord, il convient de se reporter au
point 2 du chapitre premier ainsi qu'à l'examen du règlement
3059/78.

C. — LA DÉFINITION ET LE CONTROLE DE L'ORIGINE

Le rapport Limouzy (1) a mis en évidence le caractère fréquent


et multiforme des fraudes sur l'origine des produits textiles. L'affaire
dite des « chandails » en 1979 a ensuite démontré la persistance
de ces manoeuvres inacceptables. La Communauté s'est pourtant
dotée, depuis quelques années, d'un certain nombre de textes préci-
sant, voire contrôlant, l'origine des produits textiles. A côté de textes
de portée générale, subsistent en outre des dispositions propres à
chaque accord ou type d'accord conclu par la Communauté.

1. La réglementation de l'origine des produits textiles.

a) La détermination du pays d'origine.

La réglementation spécifique relative à l'origine applicable aux


produits textiles fait l'objet du règlement 749/78 de la Commission
en date du 10 avril 1978 (2). Ce règlement a une portée limitée dans
la mesure où il ne concerne que les pays de la Communauté et ne
définit donc pas le pays d'origine, lorsque celui-ci est un pays tiers.
Deux éléments majeurs caractérisent ce règlement :

(1) Rapport fait au nom de la commission d'enquête parlementaire chargée d'examiner


les conditions dans lesquelles ont lieu des importations si sauvages » de diverses catégories
de marchandises.
(2) Pour un nombre limité de produits, le texte de base est le règlement 1409/77 du
24 juin 1977.
— 177 --

— une liste d'opérations jugées insuffisantes pour conférer le


caractère originaire, qu'il y ait ou non changement de position
tarifaire :
• les manipulations destinées à assurer la conservation en l'état
des produits pendant leur transport et leur stockage (aération,
étendage, séchage, extraction de parties avariées et opérations
similaires),
• les opérations simples de dépoussiérage, de criblage, de
triage, de classement, d'assortiment (y compris la composition
de jeux de produits), de lavage, de découpage,
• les changements d'emballage et les divisions et réunions de
colis,
• la simple mise en sacs, en étuis, en boîtes, sur planchettes, etc.,
et toutes autres opérations simples de conditionnement.
• l'apposition sur les produits eux-mêmes ou sur leurs embal-
lages de marque, d'étiquettes ou d'autres signes distinctifs
similaires,
• la simple réunion de parties de produits en vue de constituer
un produit complet ;
— une liste d'opérations jugées suffisantes pour conférer le
caractère originaire au dernier pays transformateur (origine C.E.E.),
à la condition, dans certains cas, que la valeur des produits utilisés
n'excède pas un pourcentage déterminé de la valeur des produits
obtenus.

Le règlement (C.E.E.) n° 74-78 relatif à la détermination de


l'origine des produits textiles est particulièrement important car il
pose comme principe qu'une seule opération de transformation effec-
tuée dans le processus de fabrication d'un produit textile suffit pour
conférer au produit obtenu l'origine du pays où elle a été effectuée.
Ce principe n'est valable que si un régime préférentiel tarifaire n'est
pas revendiqué. Dans ce dernier cas, en effet, les règles imposant une
double transformation sont alors applicables. Cette différence entre
les régimes est difficilement acceptable et justifiable.

b) Le contrôle de l'origine : le marquage de l'origine :


le projet de directive du 7 octobre 1980

En raison des fraudes constatées sur l'origine des produits


textiles, la Commission a présenté, le 7 octobre 1980, une proposition
de directive concernant le rapprochement des législations des Etats
membres relatives à l'indication d'origine de certains produits textiles
et d'habillement. Ce projet de directive est fort peu contraignant et
Sénat 282. — 12
- 178 -

ne paraît guère de nature à remédier efficacement aux abus de libre


pratique.

Un texte fort peu contraignant. Selon l'article 189 du Traité de


Rome, la directive est un acte juridique communautaire qui « lie
tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre ». Dans
le cas d'espèce, on peut se demander s'il existe un résultat à atteindre
puisque l'article 2 stipule :
« Les Etats membres ne peuvent rendre obligatoire l'indication
d'origine qu'au stade de la mise en vente du produit au consomma-
teur final. »

Cette faculté est confirmée par le cinquième considérant :


« considérant qu'il est indispensable que tous les Etats membres
prennent les mesures utiles pour que, au stade de la vente au consom-
mateur final à l'intérieur de la Communauté, cette indication réponde
aux mêmes critères, sans qu'il soit nécessaire de rendre l'indication
d'origine obligatoire. »

Il serait donc possible de ne voir en ce texte qu'une simple


recommandation « qui ne lie pas ». Sa portée pratique s'en trouve en
tout état de cause limitée pour les Etats qui pourront l'interpréter
fort librement.
Les objectifs du texte : une harmonisation de mesures nationales
potentiellement divergentes. La Commission constate que certains
pays ont pris ou envisagent de prendre des dispositions relatives à
l'indication d'origine des produits. Divergentes et plus ou moins
contraignantes, ces dispositions pourraient selon la Commission,
constituer des entraves aux échanges tombant sous le coup de l'arti-
cle 30 du Traité de Rome. Il convient donc, selon la Commission,
de les harmoniser. Les Etats visés sont essentiellement la France et la
Grande-Bretagne.

La technique retenue. Quatre remarques la caractérisent :


— l'obligation d'apposition de l'indication d'origine, si un Etat
le souhaite, serait à la charge du détaillant et non de l'importateur ou
du fabricant ;
— les pays de la C.E.E. seraient considérés comme un tout,
sans qu'il soit possible de connaître dans tous les cas le véritable
pays d'origine ;
— la notion de pays d'origine est celle prévue par le règlement
général de 1968 qui définit les règles d'origine applicables à l'ensem-
ble des produits exportés ;
— l'indication d'origine serait rédigée « dans une des langues
officielles de la Communauté ».
- 179 -

Analyse des principaux articles du projet de la directive :

Art. 2. — L'indication d'origine est, dans l'absolu, facultative.


Si un Etat membre utilise cette faculté, il ne pourra le faire « qu'au
stade de la mise en vente du produit au consommateur final ». Cet
article est nettement moins contraignant que la réglementation fran-
çaise, contenue dans les décrets du 29 août 1979 et du 15 avril 1980,
qui disposent :
« Article premier. — Il est interdit de fabriquer, importer
pour la mise à la consommation, détenir en vue de la vente, mettre
en vente, vendre et distribuer à titre gratuit les produits désignés
à l'article 2 ci-après qui n'ont pas fait l'objet d'un marquage
d'origine. »

— L'alinéa 2 du projet de directive apparaît quelque peu


surprenant :
« Les Etats membres prévoient que les opérateurs économiques
ont la faculté d'apposer l'indication d'origine dans un stade du cycle
industriel ou commercial antérieur à la vente au consommateur
final. »

On ne conçoit pas aisément, en effet, un Etat qui interdirait


valablement l'apposition d'une telle indication.
— La suite de l'article reprend les dispositions du règlement
du 17 juin 1968 et du règlement du 10 avril 1978.

Art. 3. — Les produits originaires de la C.E.E. porteront


l'indication « fabriqué dans la C.E.E. ». En outre un Etat membre
ne pourra pas imposer aux opérateurs économiques de remplacer
ou de compléter cette indication par celle du nom de l'Etat membre
d'origine. En outre lesdits opérateurs pourront rédiger cette indication
« dans l'une des langues officielles de la Communauté ». Ces dispo-
sitions sont beaucoup moins contraignantes que les dispositions
analogues de la législation française en ce qui concerne le pays ou
la langue :
L'article 3, alinéa 1, du décret de 1979 dispose en effet que
« l'indication du pays d'origine doit être rédigée sous la forme
« Fabriqué en », ou autre mention équivalente prévue par les
conventions internationales en vigueur, suivie du nom officiel du
pays d'origine. »
La législation française exclut donc qu'un opérateur astucieux
puisse rédiger les mentions obligatoires en danois ou en néerlandais.

Art. 4 et 5. — Ces articles précisent la manière et la forme


que devra revêtir l'apposition d'origine. Trois remarques doivent
cependant être présentées :
-- 180 -

— l'expression « Il n'est pas nécessaire que l'indication ait


un caractère permanent » doit être précisée ;
— la faculté de choix ouverte aux Etats membres n'est pas
convenablement formulée ;
— l'apposition de l'indication d'origine ne serait ainsi pas
soumise à des dispositions aussi contraignantes que celles du décret
d'août 1979 qui prévoit que « l'indication d'origine doit être apposée
sur le produit lui-même ou sur une étiquette en tissu ou étoffe cousue
sur le produit. »

Art. 6. — Les alinéas 2 et 3 disposent que :


« 2. Les Etats membres ne peuvent, pour des motifs concernant
les indications d'origne, ni interdire ni entraver la mise sur le marché
des produits textiles et d'habillement si ceux-ci satisfont aux dispo-
sitions de la présente directive.
« 3. Les mesures prises en vertu de la présente directive ne
doivent en aucun cas être appliquées de manière à créer des obstacles
aux échanges. »

Ces alinéas apparaissent inquiétants pour la France. En effet,


conformément à la directive, un Etat a la faculté de ne pas rendre
obligatoire l'apposition du pays d'origine. La France, si elle importe
un produit de cet Etat, ne pourra pas aisément appliquer sa propre
législation à ce produit. La proposition de directive, adoptée en
l'état, ne mettrait donc en rien un terme aux possibilités de trom-
peries sur l'indication d'origine qui sont l'une des causes des diffi-
cultés actuelles de nos industries du textile et de l'habillement.

2. La réglementation résultant des accords préférentiels.

a) Les pays de l'A.E.L.E.

Ce sont en premier lieu les produits entièrement obtenus dans


l'un ou l'autre des pays contractants ou dans la Communauté qui
bénéficient du régime préférentiel. Lorsque les produits n'entrent pas
dans cette catégorie, le principe de base consiste à reconnaître le
caractère originaire du pays (ou de la Communauté) à un produit
obtenu à partir de produits importés, dès lors que la position tari-
faire (à quatre chiffres de la N.D.B.) du produit obtenu est diffé-
rente de celle du ou des produits importés utilisés. Toutefois, dans
certains cas, le simple changement de position tarifaire ne correspond
pas automatiquement à une transformation substantielle. Chaque
protocole n° 3, de même que l'annexe B de la Convention de
Stockholm, reprend donc, d'une part, la liste des opérations mini-
males qui, même si elles entraînent un changement de position tari-
- 181 -

faire, ne peuvent conférer l'origine et, d'autre part, dans une « liste
A », les conditions complémentaires à respecter pour certains
produits.
De même, il est apparu que des transformations substantielles
pouvaient ne pas entraîner ur changement de position tarifaire du
ou des produits utilisés. Ces cas ont été repris dans la « liste B ».
Les conditions supplémentaires figurant dans la liste A ou les
précisions données dans la liste B décrivent généralement les pro-
cessus de fabrication conférant l'origine ou indiquant les conditions
de valeur qu'il y a lieu de respecter pour les produits utilisés, soit
en plus de la règle du changement de position tarifaire (liste A),
soit sans autre condition (liste B).
A ces principes de base, il faut en ajouter un autre qui n'est
valable que si le produit obtenu dans une des parties contractantes
est fabriqué à partir de produits originaires de l'autre et y est ensuite
réexporté. Dans ce cas, les produits originaires ainsi utilisés sont
traités comme s'ils avaient été entièrement obtenus dans la partie
contractante où ils sont utilisés. Cette fiction quelque peu illogique
précise davantage les règles d'origine mais ne joue pas lorsqu'il
est fait usage de la seconde possibilité d'acquérir l'origine qui va
maintenant être étudiée.
Les règles décrites ci-dessus ne créent aucun lien entre les
différentes zones de libre échange en voie de réalisation avec chacun
des pays de l'A.E.L.E. ni avec celle que constitue elle-même l'A.E.L.E.
De ce fait, un produit originaire de la Communauté exporté dans
l'un d'entre eux où il subit une légère transformation ne pourrait
ensuite bénéficier du régime préférentiel dans un autre et récipro-
quement. De même, une machine assemblée dans un des Etats de
l'A.E.L.E. en utilisant exclusivement des pièces originaires des autres
(lesquelles pourraient, prises isolément, être importées dans la Com-
munauté au bénéficie du libre échange), ne pourrait, en vertu de
ces règles, bénéficier du régime préférentiel à l'importation dans
la C.E.E. Enfin la règle du transport direct qui figure dans tout
accord de libre échange et exclut du régime préférentiel les produits
originaires qui sont entreposés dans des pays tiers à l'accord s'oppo-
serait à ce qu'un produit communautaire entreposé en Suisse par
exemple puisse bénéficier du libre échange à l'importation en Autri-
che.
De telles situations illogiques qui, au surplus, n'existaient pas
dans les échanges entre les pays de l'A.E.L.E., devaient être évitées.
D'où la seconde possibilité d'acquérir l'origine, prévue par les ar-
ticles 2 et 3 des protocoles n° 3. Leur contenu paraît assez complexe
au lecteur.
En fait, ces articles signifient qu'un produit originaire d'un pays
de l'A.E.L.E. non adhérent, ou de la Communauté en vertu des
- 182 -

règles de l'un ou l'autre des articles premiers des protocoles n° 3


(ou des dispositions correspondantes de la Convention de Stockholm),
et exporté par l'un des sept pays de l'A.E.L.E. ou de la Communauté,
ne perd pas le bénéfice du régime préférentiel lorsque, ultérieure-
ment, il est réexporté vers un autre (ou vers la Communauté) soit
en l'état, soit en étant transformé insuffisamment sous réserve que
ce qui est éventuellement ajouté dans ce pays (ou dans la Commu-
nauté) puisse être considéré comme en étant originaire par appli-
cation des critères décrits plus haut. De telles opérations peuvent
ensuite se répéter dans d'autres pays de l'A.E.L.E. Le produit fina-
lement obtenu est considéré comme originaire du territoire de la
partie contractante où la valeur ajoutée sera proportionnellement
la plus forte. Les inconvénients découlant du seul usage de la pre-
mière possibilité et qui sont rappelés plus haut sont ainsi éliminés.
D'autre part, les liens ainsi établis entre les différentes zones
de libre échange aboutissent en fait à la mise en place d'une grande
zone de libre échange.
Tels sont, sommairement expliqués, les mécanismes qui per-
mettent de déterminer les cas où des marchandises peuvent béné-
ficier du régime préférentiel prévu par les accords conclus entre la
C.E.E. et les pays de l'A.E.L.E.

b) La Convention de Lomé.

Les règles d'origine sont fixées par un protocle annexé à la


Convention. Elles sont basées sur les principes prévus lorsqu'un régime
tarifaire préférentiel est accordé par la Communauté, mais l'ensemble
des Etats A.C.P. est considéré comme constituant un seul territoire.
D'autre part, des dérogations aux règles générales peuvent être
accordées, après un examen cas par cas, en faveur des Etats A.C.P.
— en particulier les moins développés — afin de faciliter leur déve-
loppement industriel ou d'éviter que l'application stricte des règles en
matière d'origine ne provoque de graves inconvénients d'ordre
économique.

Un comité de coopération douanière est chargé d'examiner les


problèmes posés par cette réglementation. Le protocole n° 1 est
« relatif » à la définition de la notion de produit originaires et aux
méthodes de coopération administrative » :
— il détermine le régime du perfectionnement actif et passif ;
— il prévoit une origine « cumulative » en son article 1, para-
graphe 2 : « pour l'application du paragraphe 1, les Etats A.C.P. sont
considérés comme un seul territoire ;
— il reprend la définition communautaire de l'origine, mais
sous une forme très atténuée.
- 183 -

c) Le système de préférences généralisées.

Le bénéfice de ce régime est réservé aux produits originaires


des pays en voie de développement. Les critères conférant l'origine
sont semblables à ceux retenus pour les accords d'association, mais
sont plus complets et souvent plus stricts. Les pays en voie de déve-
loppement ont d'autre part dû s'engager à assurer aux Etats membres
de la Communauté une coopération administrative identique à celle
figurant dans les accords d'association.
Au cours de l'année 1974, la Communauté a examiné dans
quelles conditions un système d'origine cumulative pourra être mis
en place dans le cadre du régime des préférences généralisées. Tenant
compte de l'existence de certains groupements régionaux, elle a
décidé de mettre en vigueur, à compter de l'année 1975, certaines
règles de ce genre en faveur des pays faisant partie du Marché
commun d'Amérique centrale, du Pacte andin et de l'Organisation
des pays du Sud-Est asiatique. Les dispositions prises, qui ne s'appli-
quent pas aux produits textiles, s'inspirent étroitement du système
retenu pour le pays de l'A.E.L.E.
Les règles d'origine applicables dans le système des préférences
généralisées font l'objet chaque année de règlements de la Commis-
sion. La Commission a transmis au Conseil, en novembre 1980,
une proposition de règlement portant ouverture, répartition et mode
de gestion de préférences tarifaires communautaires pour les produits
textiles originaires de P.V.D., qui a été adoptée à la fin du mois
de décembre 1980 (1). La définition du pays d'origine est celle fixée
par le règlement communautaire de 1968 (sauf pour la Yougoslavie).

d) Les accords multifibres.

On rappelle que le règlement communautaire 3059/78 prévoit


un système spécifique de contrôle de l'origine des produits A.M.F.
Ce système repose sur un double contrôle : licence d'exportation déli-
vrée par le pays fournisseur et autorisation d'importation émise par
un des Etats membres de la Communauté.

(1) 1.0. C.E. 29 décembre 1980, n° L.354.


- 185 -

CHAPITRE II

LE DÉTOURNEMENT DES RÈGLES INTERNATIO-


NALES TANT PAR LES ÉTATS QUE PAR LES
PARTICULIERS

Une partie des problèmes actuels de l'industrie textile provient


du détournement délibéré des règles qui régissent le commerce inter-
national, cela aussi bien par les Etats eux-mêmes que par les expor-
tateurs, avec bien souvent la complicité des importateurs. A cet égard,
il apparaît que trop souvent la France s'efforce de respecter des normes
internationales dont les données sont faussées par des partenaires
qui, eux, ne les respectent guère.

I. — LE DÉTOURNEMENT DES RÈGLES INTERNATIONALES


PAR CERTAINS PAYS

Les pratiques en la matière sont fort nombreuses et variées.


Sans prétendre à l'exhaustivité dans une matière où l'imagination de
certains de nos partenaires est particulièrement fertile, nous nous
limiterons ici à une description très sommaire de quelques-unes des
pratiques les plus fréquentes qui aboutissent à limiter la portée de la
législation internationale, voir même, dans certains cas, à fausser
délibérément les règles de la concurrence.

A. — LES SUBVENTIONS STATIQUES AU SECTEUR DU


TEXTILE ET DE L'HABILLEMENT

Quelques-uns de nos partenaires apportent un soutien délibéré


au secteur du textile et de l'habillement. Les conséquences d'un tel
soutien peuvent, pour certains produits, fausser les conditions de la
concurrence. L'industrie textile bénéficie ainsi d'aides non négli-
- 186 --

geables en Belgique dans le cadre d'un véritable plan d'aide nationale


à l'industrie textile. En République fédérale également, certains
Lânder apportent un soutien important à leur industrie du textile et
de l'habillement. Outre les prix préférentiels du naphta et du gaz qui
faussent les conditions de concurrence dans le domaine des prix des
produits synthétiques, les autorités fédérales et locales des Etats-Unis
ont apporté et continuent d'apporter un soutien effectif à leur industrie
dans son approche actuelle du marché textile européen. En Italie,
l'I.R.I. apporte également un efficace soutien à certains secteurs de
l'industrie du textile et de l'habillement.

Les subventions indirectes résultant de l'évasion devant les


charges fiscales et sociales.

Le cas de l'Italie est connu. Il a été largement illustré dans le


rapport Limouzy. L'artisanat « au noir » pour le compte d'entreprises
industrielles permet aux entreprises comme aux intéressés d'éluder
l'impôt tout en échappant aux charges sociales. Il en résulte une
réduction appréciable des coûts de production. Le contrôle, par les
autorités italiennes, de ces pratiques qui porteraient — tous secteurs
confondus — sur près de 25 % du P.N.B. italien, paraît pour le
moins débonnaire.

B. — L'ALLONGEMENT DES DÉLAIS DE LIVRAISON

Les contrôles techniques et sanitaires aux frontières, quoique


désormais en principe sérieusement réglementés par les nouvelles
dispositions adoptées dans le cadre du G.A.T.T. (Tokyo Round),
permettent néanmoins à certains Etats, et en particulier aux Etats-
Unis, d'allonger artificiellement les délais de livraison des expor-
tations et d'en réduire ainsi sensiblement le flux dans un secteur où
— comme dans d'autres — le client se lasse vite des délais de
livraison non respectés.

C. — LES MANIPULATIONS MONÉTAIRES

Les tendances passées à la baisse du dollar ainsi que les fluctua-


tions du cours de la lire ont constitué un avantage indirect aux expor-
tateurs des Etats-Unis et de l'Italie.
- 187 -

D. — LES STRUCTURES INDUSTRIELLES ET COMMERCIALES

On ne trouvera aucune trace de protectionnisme dans la


législation douanière du Japon. Cependant les réseaux industriels
et commerciaux du Japon sont, la plupart du temps, intégrés au
sein de groupes uniques. Il en résulte naturellement un régime
tendant à privilégier les produits nationaux notamment par une
différenciation délibérée et dissuasive du niveau des marges relatives
aux produits non nationaux.

E. — LE COMMERCE INTER-ALLEMAND

L'existence d'une union douanière de fait entre la R.F.A. et la


R.D.A. offre aux industriels ouest-allemands des facilités de sous-
traitance à bon marché à l'Est. Leurs productions sont ensuite
réinjectées après avoir bénéficié d'opérations de perfectionnement
à bas prix, dans le circuit communautaire à des tarifs fort avantageux,
compte tenu des différences considérables du coût salarial entre
l'Est et l'Ouest.
De ce fait, on a pu dire que la Communauté à dix était, en
réalité, une Communauté à onze.

F. — LES PRESSIONS SOCIOLOGIQUES

Il existe dans certains Etats tels que le Japon, mais aussi la


R.F.A., un « nationalisme du consommateur » qui, soigneusement
entretenu, aboutit à un véritable rejet des productions non nationales.

G. — LES CERTIFICATIONS DE
COMPLAISANCE SUR L'ORIGINE

Il n'est pas rare que certains produits contingentés donnent


lieu dans leur pays d'origine, et sous la responsabilité des autorités
de ces pays, à des certifications d'origine toujours régulières. Le
résultat de ces pratiques est que lesdits produits bénéficient dans
tous les Etats membres de la Communauté du régime de la libéra-
lisation des échanges.
--- 188 -

II. — LES PRATIQUES FRAUDULEUSES DES


AGENTS ÉCONOMIQUES

Ici encore, nous nous limiterons à une brève appréciation sur


certaines des opérations frauduleuses les plus couramment pratiquées.

A. — LES DÉTOURNEMENTS DE TRAFIC ET LES


FAUSSES DÉCLARATIONS SUR L'ORIGINE

Une part notable des importations françaises de produits


textiles est originaire du Marché commun. Or, le Marché commun
peut susciter des détournements de trafics consistant, le plus souvent,
en des fraudes sur l'origine. Des produits « autolimités » importés
de pays tiers par nos partenaires de la Communauté peuvent, par
exemple, être déclarés, lors de leur entrée en France, originaires
d'un Etat membre de la C.E.E. L'intérêt d'une telle fraude est
particulièrement marqué lorsque l'importation en France du produit
en cause se trouve interdite par le jeu de la clause de sauvegarde
prévue à l'article 115 du Traité de Rome, ou encore lorsque l'épui-
sement de la quote-part française du quota d'autolimitation ne
permet plus l'importation directe en France du produit. Si le contin-
gent ou le quota d'autolimitation est épuisé, la marchandise ne
devrait pas entrer. En déclarant la marchandise comme originaire
d'un autre pays pour lequel il n'y a pas de restrictions quantitatives,
la marchandise entrera en France. On rencontre également ce type
de fraude dans les échanges intracommunautaires, lorsque l'impor-
tation du produit en libre pratique dans un autre Etat membre est,
en raison de son origine tierce, interdite en vue de la mise en
oeuvre de la clause de sauvegarde prévue à l'article 11 du Traité
de Rome. Un exemple récent peut être fourni par le cas de pantalons
qui étaient importés du Maroc alors que le tissu était originaire des
Etats-Unis. Cette fraude tendait à éluder les droits appliqués par
les Etats-Unis car le Maroc a un accord d'association avec la C.E.E.
Les fraudes sur l'origine s'organisent autour de divers procédés :
les failles de la législation communautaire et l'interprétation de cette
dernière ; l'incapacité administrative ou politique de certains Etats
à établir d'une manière rigoureuse des documents d'importation,
le commerce inter-allemand qui peut permettre à certains pays de
l'Est soumis à des contingents de faire transiter par la R.D.A. vers
la R.F.A. et le Marché commun lesdits produits, etc. Les services des
douanes ont bien entendu été rendus attentifs à ces pratiques.
--- 189 -

Cependant leur action de contrôle se heurte bien vite à des limites


techniques ; les contrôles renforcés ne peuvent être efficaces que
s'ils ne s'appliquent pas en même temps à de trop nombreux
produits. En effet, les importateurs s'adaptent au rythme des retards
provoqués par le service des douanes et ils tiennent compte du délai
de dédouanement pour leurs commandes. Le risque existe en outre
de subir des représailles de la part des Etats étrangers, que les
exportateurs peuvent faire intervenir par la voie diplomatique. Par
ailleurs, les fraudes sur l'origine sont souvent difficiles à déceler.
Ce type de fraude peut certes relativement aisément être découvert
à l'occasion des contrôles primaires, par examen de la marchandise
et des documents d'accompagnement. Mais il est difficile de déter-
miner l'origine d'une marchandise peu élaborée. Beaucoup de
produits de qualité moyenne sont fabriqués de façon industrielle et
sont standardisés — les tee-shirts par exemple. Il apparaît ensuite que
les importateurs se méfient et s'adaptent à la douane : la fausse
marque, simplement collée ou cousue sur la vraie, devient de plus
en plus rare. Enfin, le contrôle de l'origine au moyen du prix, surtout
si l'origine déclarée est celle d'un Etat membre de la C.E.E., est
parfois rendu malaisé par la difficulté de déterminer le seuil en deçà
duquel un prix est anormalement bas.
Mais surtout, la réglementation communautaire fait, qu'en
droit, l'administration des douanes n'a pas, aux frontières intra-
communautaires, la même liberté d'action qu'aux frontières exté-
rieures de la C.E.E. En effet, à la suite d'une jurisprudence nettement
établie de la Cour de justice de Luxembourg, la Commission a
arrêté, à la fin de l'année 1979, une décision qui vise à préserver
le principe de la libre circulation à l'intérieur de la Communauté,
inscrit au Traité de Rome. Aux termes de cette décision, pour le
moins discutable, le contrôle de l'origine ne doit pas constituer une
entrave aux échanges intracommunautaires. Il en résulte selon la
Cour de justice des Communautés que les Etats membres doivent
se limiter à demander à l'importateur de produits originaires de la
C.E.E. ou en libre pratique une simple déclaration relative à
l'origine de ce produit, telle qu'il peut raisonnablement la connaître.
Une telle jurisprudence ne favorise assurément pas la rigueur.

B. — LES FRAUDES SUR L'ESPÈCE

Les fraudes sur l'espèce consistent à déclarer une marchandise


sous une espèce voisine qui est passible de droits et de taxes moins
élevés, ou dont l'importation est autorisée sans restrictions quanti-
tatives. Comme les fausses déclarations d'origine, ces fraudes, qui
représentent 50 % des infractions constatées, permettent d'une
part, d'éluder tout ou partie des droits et taxes exigibles par décla-
- 190 -

ration d'une origine préférentielle ou d'une espèce tarifaire moins


taxée et, d'autre part, d'éviter la présentation d'un titre de contrôle
de commerce extérieur en déclarant une origine ou une espèce
libérée.

C. — LES FRAUDES SUR LES QUANTITÉS ET LA VALEUR

Les infractions sur les quantités ou sur la valeur des marchan-


dises importées représentent environ 20 % des infractions constatées.
Ce type de fraude aboutit en pratique le plus souvent à diminuer
l'assiette des droits et taxes ou à importer frauduleusement des
marchandises excédentaires. De plus, ces infractions ont des consé-
quences directes sur la fiscalité intérieure, principalement en raison
des ventes sans factures qui peuvent en résulter.
Les fraudes sur la valeur déclarée d'une marchandise consistent
à provoquer la réduction du montant des droits exigibles par la mino-
ration de la valeur qui est la base de l'assiette de la T.V.A., et, le
cas échéant, des droits de douane. Une partie de l'impôt douanier
qui grève le produit est éludée, ce qui donne la possibilité, le cas
échéant, de le vendre moins cher.
Les fraudes sur les quantités peuvent s'expliquer par un exemple
simple. Un lot de 1.000 pantalons acquis pour 40.000 F — à un prix
unitaire normal — peut, par exemple, comprendre, en fait, 1.200
pantalons ; si cette minoration passe inaperçue, les 200 pantalons
non déclarés pourront être revendus sans facture.

D. — LES FRAUDES SUR LA QUALITÉ

L'exemple type de la fraude sur la qualité est celui cité dans


le rapport Limouzy d'un tissu de vêtement masculin lainé dont la
composition affichée extrait 45 % de laine et 55 % de polyester et
dont l'analyse chimique a révélé que la composition réelle était de
21,7 % de laine et de 72,5 % de polyester. Ce type de fraude s'ana-
lyse également en une violation des règles de la concurrence.

E. — L'ABUS DES OPÉRATIONS DE


PERFECTIONNEMENT PASSIF

Le perfectionnement passif, qui est réglementé par la législation


communautaire, consiste à faire ouvrer une partie de la production
d'un produit donné à l'étranger. Certains de nos partenaires font un
- 191 -

usage intensif et abusif de ce trafic en faisant ouvrer l'essentiel de


certaines pièces de textile et d'habillement dans des pays bénéficiant
d'avantages de salaires et en tournant les butoirs communautaires
prévus pour tenter de limiter ce type de pratique.

Ces diverses pratiques sont connues des services douaniers. Si


elles faussent marginalement les données de la concurrence, il importe
cependant de ne pas en exagérer la portée. Ces pratiques expliquent
certains des problèmes de certains secteurs de l'industrie textile
mais pas tous. Au demeurant l'action des douanes, qui serait assuré-
ment perfectible, tend néanmoins à devenir relativement dissuasive.
En 1979, les services des douanes ont décelé 1.889 infractions de
toutes sortes, dans le domaine du textile et de l'habillement. La valeur
des marchandises concernées atteignait 7 % de la valeur totale de
nos importations de textile et d'habillement. Ces 1.889 infractions
représentaient, en nombre, 17 eio du total des infractions détectées
par les douanes, tous secteurs économiques réunis. Ce pourcentage
n'est pas négligeable si on l'apprécie en fonction de la part du textile
et de l'habillement dans le total de nos exportations, soit 6,7 %
environ. Il apparaît donc que le contrôle douanier est deux fois et
demi plus intense ou, en tout cas, deux fois et demi plus productif
pour le textile et l'habillement que pour les autres importations. Au
cours du premier semestre 1980, les douanes ont décelé, toujours
dans le même domaine, à peu près le même nombre d'infractions.
Les résultats de 1980 devraient donc être proches de ceux de 1979.
Il convient cenpendant de noter que, dans la quasi totalité des cas,
-

les infractions sont constatées à l'échelon national, soit au moment du


dédouanement par les bureaux de douane, soit a posteriori par les
centres régionaux de documentation et de contrôle et par la Direction
nationale des enquêtes douanières. Les constatations contentieuses qui
ont pu être réalisées grâce à l'assistance administrative mutuelle entre
les pays membres de la Communauté européenne en application de
la Convention de Naples du 7 septembre 1967 sont malheureusement
trop rares. Quant aux infractions qui ont pu être relevées suite à
une coopération active de pays tiers, elles sont exceptionnelles.
Ces constatations montrent que, si la nécessaire amélioration
du contrôle douanier passe par une amélioration de nos techniques et
de nos moyens nationaux, elle implique surtout une meilleure coordi-
nation internationale. Or, à cet égard, les progrès à attendre paraissent
limités compte tenu de l'état d'esprit persistant de certains expor-
tateurs, qu'il s'agisse de particuliers ou, ce qui est grave, d'Etats.
— 193 —

CHAPITRE III

LA MARGE DE MANŒUVRE DE L'ÉTAT POUR


MAITRISER LE COMMERCE EXTÉRIEUR DES
PRODUITS DU TEXTILE ET DE L'HABILLEMENT
EST LIMITÉE

I. — LA MARGE DE MANŒUVRE RÉSIDUELLE AU


NIVEAU NATIONAL

Les règles internationales, et notamment communautaires, qui


ont été décrites dans leurs grandes lignes au chapitre premier de cette
partie soulignent l'étroitesse des possibilités d'action purement natio-
nales tendant à maîtriser certaines données de notre commerce exté-
rieur. Il convient en outre de bien voir que la France est devenue le
troisième exportateur mondial et que le recours à certaines pratiques
restrictives à l'importation dans le secteur du textile ou de l'habille-
ment entraînerait des mesures de rétorsion dans d'autres secteurs qui
risqueraient d'affecter gravement le potentiel commercial de la France
dont les succès à l'exportation sont indispensables compte tenu d'une
facture pétrolière qui s'élève désormais à près de 130 milliards de
francs. Ces constatations ne doivent cependant pas induire l'inaction
et la passivité. Certains moyens existent et ils doivent être utilisés.

A. — LA NÉGOCIATION DES ACCORDS COMMERCIAUX

La conclusion d'accords commerciaux échappe selon l'article 114


du Traité de Rome à la compétence nationale. Mais cela ne signifie
nullement que la France soit démunie de moyens d'influence sur la
négociation des accords internationaux portant sur les produits
textiles. Une telle action est possible sur le plan juridique. Certes
l'article 114 du Traité de Rome n'exige qu'une majorité qualifiée
Pour la conclusion d'accords commerciaux par les instances commu-
nautaires. Mais rien n'empêche la France de considérer de tels
Sénat 282. — 13
- 194 -

accords comme une « question particulièrement importante » et de


faire jouer le droit de veto de fait qui résulte du compromis de
Luxembourg. En outre, sur le plan pratique, la France peut user de
pressions politiques et surtout de volonté pour infléchir la position
de la Commission, ou même celle du Conseil qui décide en dernier
ressort. C'est d'ailleurs ce qui a été fait lors de la reconduction de
l'A.M.F. en 1977. Soutenue par divers pays, dont la Grande-Bretagne,
la France a contribué à l'adoption du principe d'accords bilatéraux
d'autolimitation et du principe des « sorties de panier ». Rien n'em-
pêche en outre de négocier « en parallèle » avec les pays tiers afin
que ces derniers — compte tenu des avantages qu'ils peuvent obtenir
par ailleurs — soient plus compréhensifs à l'égard de nos positions
propres dans leurs négociations avec les instances communautaires.
D'une manière générale, il convient d'enregistrer avec satifaction le
fait que depuis quelques mois le Gouvernement paraisse fermement
décidé à refuser systématiquement tout transfert ou accroissement de
quota dans l'ensemble des négociations portant sur les produits du
textile ou de l'habillement. Le maintien d'une telle position apparaît
comme un impératif.
De même convient-il de surveiller de près l'action de la Commis-
sion des Communautés. Certains estiment par exemple que lors de la
négociation de l'accord multifibres de 1977, les garanties obtenues
par la Commission ont été insuffisantes et qu'elles ne concordaient
pas avec les directives de négociation beaucoup plus strictes qui lui
avaient été données par le Conseil des ministres des Neuf. Le renou-
vellement de telles pratiques ne serait pas acceptable dans la conjonc-
ture actuelle.

B. — L'ACTION DES DOUANES

Les contrôles douaniers sur les importations de produits textiles


et d'habillement ont été intensifiés et l'action menée à ce niveau ne
doit pas être négligée.

1. Les principes.

a) Sur le plan national.

Sur le plan national, les procédures de vérification d'origine et


de marquage, et, d'une manière générale les divers moyens de lutte
contre les fraudes commises à l'occasion d'importations et d'expor-
tations de produits du secteur textile et de l'habillement sont mis en
oeuvre en fonction :
- 195 -

— des dispositions du Code des douanes et des textes pris pour


son application ;
— des instructions données au service pour mettre en vigueur,
dans la pratique, la réglementation communautaire ;
— des textes réglementaires édictés en application de la loi du
r août 1905 sur la répression des fraudes ; par exemple en matière
d'étiquetage ou de marquage des dénominations des fibres textiles
sur les produits textiles importés.

Dès 1977, un examen particulièrement approfondi des produits


déclarés originaires d'un Etat membre de la Communauté a été pres-
crit. Cet examen s'opère notamment à partir de la constatation de
prix unitaires dont la déclaration anormalement faible peut trahir une
déclaration d'origine erronée. Un barème de prix a d'ailleurs été
établi avec indication des seuils en deçà desquels les prix peuvent
être jugés anormaux. Un contrôle renforcé s'exerce également après
le dédouanement, par la vérification de l'authenticité et de la régularité
des certificats d'origine ou des certificats de circulation ouvrant droit
à un régime préférentiel dans le cadre des accords conclus par la
C.E.E. avec divers pays tiers ou du système des préférences généra-
lisées. Ce dispositif a été amélioré en 1979 et en 1980, par l'action
d'information et de documentation menée par le Centre de documen-
tation et d'évaluation créé par la Direction générale des douanes, à la
fin de 1978. Dans le même temps une réglementation stricte imposant
l'étiquetage et le marquage des dénominations des fibres textiles sur
une très large gamme des produits textiles importés a été mise en
place. La douane veille, depuis lors, au respect de cette réglementa-
tion. Enfin, en septembre 1980, le champ d'application des contrôles
renforcés a été réajusté sur la base d'indications, fournies par le
ministère de l'Industrie, des couples produits-pays particulièrement
sensibles et dont l'évolution récente des importations a pu être jugée
anormale. Il convient également de rappeler l'entrée en vigueur du
décret du 29 août 1979 prévoyant un marquage de l'origine de la
plupart des produits textiles et de l'habillement. La douane s'efforce
de contrôler le respect de cette obligation, spécialement à l'importation
directe de produits d'origine tierce à la C.E.E.

En complément de ces diverses dispositions les mesures suivantes


ont récemment été décidées, à effet du 8 février 1981 :
— Renforcement des contrôles (dénombrement des colis, ouver-
ture des colis, envois d'échantillons aux laboratoires pour certains
articles dont la liste sera modifiée dans les quinze jours. Ces contrôles
se traduiront sans doute davantage par des retards à l'importation,
d'une importance variable, plutôt que par un accroissement du nom-
bre d'infractions constatées.
— Sur le plan de l'information, une plus grande coopération
entre les départements ministériels intéressés. A cet effet, la Direc-
- 196 -

tion générale des douanes et la Direction des industries chimiques,


textiles et diverses (D.I.C.I.D.) du ministère de l'Industrie sont conve-
nues d'une procédure rapide de transmission des informations.

b) Sur le plan communautaire.

Au niveau communautaire, les administrations douanières de


chaque Etat membre coopèrent en principe étroitement en matière
de lutte contre la fraude grâce à l'assistance administrative mutuelle
définie dans la Convention de Naples conclue en 1967, entre les
Etats membres de la C.E.E. et élargie ensuite aux nouveaux Etats
qui ont adhéré depuis (Grande-Bretagne, Irlande, Danemark et tout
récemment la Grèce).

c) Coopération avec les pays tiers.

Quant à la coopération avec les pays tiers, il existe quelques


accords d'assistance bilatéraux mais qui ne concernent pas les prin-
cipaux pays fournisseurs de produits textiles à bas prix, tels que
les pays de l'Asie du Sud-Est. En effet, dans ces pays, les formalités
à l'exportation, les authentifications de documents notamment, ne
relèvent pas de la compétence des autorités douanières mais le plus
souvent, des chambres de commerce. Or il n'est pas possible pour
l'administration française des douanes de négocier directement des
accords d'assistance administrative avec d'autres services que celui
des douanes. Il reste que, dans le cadre des accords conclus par la
C.E.E. avec divers pays tiers ou du système des préférences généra-
lisées, le service des douanes peut demander un contrôle d'authenti-
cité des documents ouvrant droit à un régime préférentiel ceci
auprès des autorités des pays tiers censées les avoir délivrées.

2. Les modalités pratiques.

Sur le plan technique il peut être intéressant d'indiquer que


les procédures de vérification d'origine, de marquage mais aussi
d'espèce et de valeur sont mises en oeuvre à deux stades différents de
l'opération de dédouanement.
Au moment du dédouanement : dénombrement et visite effec-
tifs des marchandises (avec recherche des marques, étiquettes, etc.)
permettant de mettre en cause l'origine déclarée ; recours aux ana-
lyses de laboratoire, contrôle des documents d'accompagnement ;
explications demandées au déclarant et communication éventuelle
du dossier commercial de l'affaire en cause.
Après le dédouanement : les enquêteurs des douanes se rendent
alors chez les importateurs ou les exportateurs pour vérifier la régu7
larité des opérations en contrôlant non seulement les documents doua-
- 197 -

niers mais également tous les autres documents que peut détenir une
entreprise : documents commerciaux, comptabilité, documents ban-
caires, etc.
Actuellement toutes ces formes de contrôle sont accentuées pour
les opérations relatives au secteur textile et de l'habillement.
Le traitement des infractions relevées dépend évidemment de
leur gravité. Les plus importantes sont transmises au tribunal correc-
tionnel. Les infractions moins importantes, mais ayant donné lieu
à un faux document (faux certificat d'origine par exemple) aboutis-
sent à une amende transactionnelle égale à 100 % de la valeur de
la marchandise.

3. Les difficultés de mise en oeuvre.

En matière d'origine notamment, il est souvent très délicat pour


le service des douanes de déceler les fraudes. C'est ainsi qu'il a
fallu à quatre agents des douanes, près de six mois pour établir
une fausse déclaration d'origine sur des pantalons déclarés origi-
naires des Etats-Unis, en provenance de Suisse et reconnus d'origine
Taiwan. En outre les possibilités de sanction sont limitées par un
arrêt de la Cour de justice européenne en date du 15 décembre 1976,
Schou-Donckerwolcke. Selon cet arrêt, si la douane ne prouve pas
que l'importateur connaissait le caractère mensonger de l'origine
déclarée, l'infraction ne peut être réprimée que par une amende
de principe.
En matière de contrôles chez les importateurs et malgré les
pouvoirs d'investigation dont disposent les enquêteurs des douanes
(droit de communication et droit de visite domiciliaire prévus respec-
tivement par les articles 64 et 65 du Code des douanes), les opéra-
tions sont souvent fort délicates et fort longues, les importateurs
se gardant bien de conserver tous documents écrits pouvant révéler
l'existence de pratiques frauduleuses.
Il convient également de noter que le commerce n'est pas
toujours disposé à subir des retards au dédouanement à l'occasion
de contrôles immédiats, en frontière notamment, ou, encore supporte
de plus en plus difficilement la présence prolongée d'enquêteurs dans
les locaux mêmes de l'entreprise.
Mais surtout la législation communautaire ne facilite pas l'amé-
lioration du contrôle douanier. Une part notable des importations
françaises de produits textiles est — on le sait — originaire du
Marché commun. En effet, le régime communautaire des produits
textiles offre de façon parfaitement régulière de larges possibilités
aux importateurs. Ainsi, fin 1980, sur près de 370 couples produits/
pays soumis à autolimitation, la quote-part française n'a été épuisée
que pour 26. Pour les 344 autres, la fraude à l'importation ne
- 198 -

présentait donc guère d'intérêt. De plus le système d'autolimitation


n'est pas applicable aux produits originaires des pays avec lesquels
la Communauté européenne a conclu des accords préférentiels. Il
apparaît également que la réglementation communautaire peut
susciter des détournements de trafic qui consistent le plus souvent
en des fraudes sur l'origine. Des produits autolimités importés de
pays tiers par certains de nos partenaires sont déclarés originaires
d'un Etat membre de la Communauté lors de leur entrée en France.
Tout cela l'administration des douanes le sait fort bien. Mais sa
marge de manoeuvre est limitée. Selon une réglementation commu-
nautaire consécutive à un arrêt de justice des Communautés précité
le contrôle de l'origine ne doit pas constituer une entrave aux
échanges intracommunautaires et, à cet effet, les Etats membres
sont tenus de se limiter à demander à l'importateur de produits de
la Communauté ou en libre pratique une simple déclaration relative
à l'origine de ce produit telle qu'il peut raisonnablement la connaître.
Les services des douanes peuvent demander un complément d'infor-
mation mais ils ne peuvent stopper le produit que lorsqu'un doute
sérieux sur la bonne foi de l'intéressé peut être prouvé.
Une telle réglementation ne facilite guère la rigueur à nos
frontières, cela d'autant plus que la sanction de l'infraction qui
aurait été constatée n'est guère dissuasive.
De même la réglementation française relative au marquage de
l'origine des produits textiles est-elle critiquée par les instances
communautaires favorables à un marquage communautaire. Une
telle réglementation est en cours d'élaboration à l'échelon commu-
nautaire, mais il est à craindre qu'elle sera plus laxiste que les
dispositions nationales françaises du décret.
Enfin une bonne part de nos problèmes provient du fait que
les contrôles douaniers de certains de nos partenaires sont très
souples. Leur intensification est souhaitable mais sa mise en oeuvre
se heurte à des problèmes de souveraineté nationale. Il reste qu'un
contrôle renforcé et systématique des produits importés aurait
indirectement pour effet, d'abord de retarder le placement de la
marchandise sur le marché intérieur, ensuite de compliquer
l'opération d'importation et serait donc, dans une certaine mesure,
dissuasive.

C. — LES NORMES TECHNIQUES OU DE QUALITÉ

L'instauration d'entraves indirectes aux échanges est passible


d'un recours dirigé par les instances communautaires et visant à
sanctionner de telles pratiques. Il reste que la définition à l'impor-
tation de normes techniques ou de qualité a été utilisée avec succès
- 199 --

pour enrayer les importations abusives de pull-overs italiens ou de


velours américains ou de filés de coton marocains. L'utilisation de
telles pratiques peut permettre d'attirer l'attention des instances
communautaires compétentes sur tel ou tel problème grave et, voire,
les amener à entamer une révision de certaines dispositions.
Il est clair que des normes techniques ou de qualité pourraient
opportunément être instaurées sur certains produits textiles, leur
importation n'étant autorisée que s'ils satisfont à ces normes. Il
reste que de telles normes — si elles n'étaient pas justifiées par des
préoccupations d'ordre public, de santé ou de sécurité publique —
pourraient être tenues par la Cour de justice des Communautés euro-
péennes comme des obstacles aux échanges intracommunautaires.
Dans un arrêt rendu début 1979 (affaire 120/78, Cassis de Dijon),
la Cour de Luxembourg a posé en principe que tout produit légale-
ment fabriqué et commercialisé dans un Etat membre doit être admis
sur le marché de tout autre Etat membre.

D. — L'INFORMATION DU CONSOMMATEUR

Des conditions particulières peuvent être mises à l'importation


de produits, en vue d'assurer la protection ou l'information des
consommateurs. Ainsi, dans le secteur textile, depuis septembre 1978,
l'importation de produits textiles est subordonnée, soit à l'étiquetage
ou au marquage sur les produits eux-mêmes, soit à l'indication sur la
facture d'achat, de la dénomination des fibres textiles qui entrent
dans leur composition (avec indication de la teneur en fibres pour
les articles composés de plusieurs fibres).

E. — L'INVOCATION DE MOTIFS D'ORDRE PUBLIC

Des interdictions ou restrictions d'importation peuvent être


prononcées à l'encontre de certains produits, pour des raisons d'ordre
public, de moralité ou de sécurité publique, de la protection ou de la
santé et de la vie des personnes ou des animaux, etc. De telles mesures
sont en principe rarement applicables dans le secteur textile. On
Peut toutefois signaler le cas des pyjamas pour bébés expédiés des
Etats-Unis et fabriqués en tissu cancérigène. La licéité de ces procé-
dures dans les échanges intracommunautaires est admise par le
Traité de Rome et il existe là une possibilité d'action dans des hypo-
thèses extrêmes.
- 200 -

F. — L'AIDE AUX EXPORTATIONS

On oublie trop souvent que si elle a à subir une concurrence


dont les règles sont parfois faussées par des pratiques illicites, l'in-
dustrie française du textile et de l'habillement est également dans
certains secteurs une industrie particulièrement dynamique à l'ex-
portation qu'il importe d'encourager. Un premier pas dans ce sens -
- sans doute encore insuffisant — a été cependant accompli dans le
cadre des mesures décidées le 5 novembre 1980 par le Gouvernement
français.
Un réseau national d'orientation des entreprises a été mis au
point afin d'améliorer l'information des entreprises sur les aides, les
avantages ou les possibilités à l'exportation qui leur sont offertes. Le
Gouvernement a également décidé d'accorder une aide financière
publique aux sociétés agréées de conseil à l'exportation afin d'appor-
ter un soutien indirect aux petites et moyennes entreprises suscep-
tibles d'exporter, mais qui n'en ont pas les moyens, et qui ne disposent
pas du réseau nécessaire. En outre, un Comité d'expansion interna-
tionale des industries textiles associant convenablement la profession
et les pouvoirs publics dans la recherche d'une exportation dyna-
mique, la définition d'une stratégie internationale et la réflexion sur
les moyens à mettre en oeuvre pour favoriser l'exportation doit être
créé. Un dispositif financier, notamment par l'accroissement des prêts
participatifs consentis par le Comité interministériel pour le dévelop-
pement des investissements et le soutien de l'emploi a également été
mis en place.
Une telle action devrait être complétée par un renforcement des
moyens et une amélioration de nos postes d'expansion économiques
à l'étranger trop souvent jugés insuffisants par nos exportateurs et
ceci tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif. De même
le rôle des chambres françaises du commerce à l'étranger est-il égale-
ment insuffisant surtout si on le compare à celui que jouent les orga-
nismes similaires de certains de nos partenaires.
- 201 -

II. — LA MARGE DE MANŒUVRE RÉSULTANT DES


TEXTES INTERNATIONAUX

A. — LA CLAUSE DE SAUVEGARDE DE
L'ARTICLE XIX DU G.A.T.T.

L'utilisation de la clause de sauvegarde prévue par l'article XIX


du G.A.T.T., qui a été examinée en détail au point I du premier cha-
pitre de cette partie, n'est pas aisée pour un Etat appartenant à la
Communauté. Certes, tout Etat membre de la Communauté peut,
lorsqu'il y a urgence ou gravité exceptionnelle, recourir comme la
France l'a fait en 1977, à des mesures de sauvegarde unilatérales. Le
pays importateur doit démontrer la réalité du préjudice grave qu'il
subit. Les mesures prises doivent aussitôt être transmises à la Com-
mission des Communautés qui adopte une position et transmet la
demande au Conseil des Communautés qui peut infirmer ou confirmer
l'application de la clause de sauvegarde. Il faut bien voir, qu'outre
"hostilité — qu'il est difficile de négliger en droit comme en fait —
des instances communautaires à l'égard d'une utilisation de cette
faculté, la mise en oeuvre des dispositions de l'article XIX du
G.A.T.T. a pour effet immédiat d'entraîner des mesures de rétorsion
ou des demandes de compensation de la part des Etats qui ont à en
subir les conséquences. De telles mesures ne peuvent pas être sous-
estimées par un Etat qui compte principalement sur le dynamisme de
son commerce extérieur pour couvrir une facture pétrolière dont le
montant s'est élevé à 130 milliards de francs en 1980.

B. — LA LIMITATION DES ABUS DE LIBRE PRATIQUE


PAR LE JEU DE LA CLAUSE DE SAUVEGARDE DE
L'ARTICLE 115 DU TRAITÉ DE ROME

Comme toute union douanière reposant sur la suppression des


barrières tarifaires intérieures et la mise en place d'une protection
tarifaire commune, la C.E.E. vise à instaurer la libre circulation des
marchandises sur son territoire. Cette libre circulation s'applique,
d'abord aux produits originaires de la C.E.E., ensuite aux produits
originaires de pays tiers qui ont été mis en libre pratique dans un
Etat membre de la Communauté, par l'accomplissement des formalités
d 'importation dans cet Etat et, notamment, par l'acquittement des
droits du tarif extérieur commun. L'application d'un tel principe a
— 202 —

pour effet de limiter singulièrement la protection assurée par les


contingentements ou autolimitations en permettant de tourner ces
derniers par le biais de la libre pratique. Les produits textiles contin-
gentés ou autolimités, lorsqu'ils sont importés directement en France
de leur pays d'origine, entrent en effet librement quand ils ont été
préalablement mis en libre pratique dans un autre Etat membre de
la C.E.E., jusqu'à mise en oeuvre de la clause de sauvegarde prévue
à l'article 115 du Traité de Rome (1). Cet article prévoit en son ali-
néa 1, deux hypothèses :
— détournement de trafic : cas où un Etat membre A applique à
l'égard d'un pays tiers un contingentement des importations alors
qu'un de ses partenaires B a libéré les échanges et qu'un courant
d'échanges s'établit de B vers A, l'importateur de A bénéficiant ainsi
de conditions plus favorables. La Commission estime, en outre, que
ce détournement doit avoir pour effet d'empêcher et non seulement
d'affecter ou de gêner l'exécution des mesures internes de politique
commerciale (les contingents de A dans le cas choisi) ;
— difficultés économiques : par exemple, lorsqu'un Etat
membre A perd des débouchés sur le marché d'un de ses partenaires B
au bénéfice d'un pays tiers, parce que les politiques commerciales de
A et B sont différentes. Autres cas : lorsque des possibilités d'appro-
visionnement inégales dans les pays tiers entraînent des phénomènes
de substitution ou des distorsions de concurrence.

Les modalités et les conditions de mise en oeuvre des mesures


de sauvegarde de l'article 115 sont donc définies par la Commission.
Le déclenchement de la procédure de l'article 115 est, en principe,
limité aux seuls produits qui ne figurent pas sur la liste commune
de libération (règlement 1439/74). Il est assorti de conditions pour la
constatation de l'augmentation des importations (au moins 20 %).
Seule la Commission des Communautés européennes a donc le
pouvoir de décider, sur demande de l'Etat membre concerné, la mise
en oeuvre de la clause de l'article 115. Elle ne prend cette décision

(1) Article 115 du Traité de Rome :


Aux fins d'assurer que l'exécution des mesures de politique commerciale prises, en
conformité avec le présent Traité, pour tout Etat membre, ne soit empéchée par des
détournements de trafic, ou lorsque des disparités dans ces mesures entrainem des difficultés
économiques dans un ou plusieurs Etats, la Commission recommande les méthodes par
lesquelles les autres Etats membres apportent la coopération nécessaire. A défaut, elle
autorise les Etats membres à prendre les mesures de protection nécessaires dont elle
définit les conditions et modalités.
En cas d'urgence et pendant la période de transition, les Etats membres peuvent
prendre eux-mêmes les mesures nécessaires et les notifient aux autres Etats membres,
ainsi qu'à la Commission qui peut décider qu'ils doivent les modifier ou les supprimer.
Par priorité, doivent étre choisies les mesures qui apportent le moins de perturbations
au fonctionnement du Marché commun et qui tiennent compte de la nécessité de hAter.
dans la mesure du possible, l'établissement du tarif douanier commun.
- 203 -

que lorsque les importations, par le biais de la libre pratique, attei-


gnent un certain pourcentage du contingent ou de la quote-part
d'autolimitation. En fait, la France demande et obtient chaque année,
assez souvent, l'application de l'article 115. En 1980, par exemple,
80 recours ont été présentés et 75 accordés, mais souvent trop tard.
Deux problèmes se posent quant à l'efficacité du recours à
l'article 115.
Tout d'abord les dispositions jouent souvent trop tard. Le
ministère de l'Economie fait la demande d'application de la clause
à la Commission de Bruxelles qui décide souverainement à partir de
quel moment la clause peut être appliquée. Des retards sont parfois
pris dans ce processus. En outre les demandes françaises sont souvent
remises en cause par la Commission qui estime que le volume des
importations par le biais de la libre pratique n'est pas de nature à
susciter des détournements de trafic suffisants pour justifier le jeu
de la clause de sauvegarde qui aboutit à bloquer la libre circulation.

C. — LES « SORTIES DE PANIER »

En application de l'accord multifibres, le règlement commu-


nautaire du 21 décembre 1978 autorise les Etats membres à demander
à la Commission de soumettre les importations de produits textiles
non soumis aux limites quantitatives communautaires à un plafond
quantitatif. En cas de danger grave, cette demande fait l'objet d'une
procédure très précise impliquant notamment des consultations avec
le ou les pays fournisseurs concernés.
La France a multiplié les demandes de « sortie de panier ».
Elle en a demandé 25 pour l'ensemble des années 1978 et 1979, 26
pour la seule année 1980, dont 15 en décembre, et actuellement 30
autres sont en cours d'étude.

D. — LE MARQUAGE D'ORIGINE

L'article 115 n'est qu'un pis-aller et une réglementation cohé-


rente du marquage d'origine devrait permettre de remédier aux abus
de la libre pratique en permettant de remonter la filière de la pro-
duction et de l'importation d'un produit donné.
On sait que la France a mis en application depuis le 14 octobre
1 980 une réglementation qui lui est propre sur l'origine. La plupart
des produits textiles et de l'habillement ne peuvent être importés en
- 204 -

France que s'ils comportent l'indication de leur pays d'origine. La


Commission de Bruxelles a considéré que l'application de cette régle-
mentation dans les échanges intercommunautaires constituait un
obstacle non tarifaire à la libre circulation des marchandises à l'inté-
rieur de la C.E.E. et, à ce titre, était contraire aux dispositions du
Traité de Rome. Cependant dans l'attente de la mise en place d'une
réglementation communautaire en matière de marquage d'origine, il
a été convenu que le texte national serait temporairement appliqué
avec souplesse sur les produits en provenance de la C.E.E. Ce texte
s'impose en revanche aux produits en provenance des pays tiers. Il
est indispensable qu'un tel marquage soit étendu à l'ensemble des
Etats membres de la Communauté. Un dispositif communautaire de
marquage d'origine est actuellement à l'étude. Mais on a vu au
point III du chapitre premier de cette partie, que la directive commu-
nautaire en cours de préparation est en l'état actuel des choses fort
peu contraignante et qu'elle ne donne en fait aucune garantie sérieuse.
Or le problème est grave. On sait en effet que dans un pays comme
la R.F.A., il existe une brèche majeure.

E. — LA MISE EN ŒUVRE DE LA
RÉGLEMENTATION COMMUNAUTAIRE ANTI-DUMPING

Le Conseil des Communautés a modifié le ler août 1979 le


règlement de base du 5 avril 1968 relatif à la défense contre les
pratiques de dumping, primes ou subventions de la part des pays
non membres de la Communauté. Par ailleurs, et afin de mettre en
vigueur le noyveau code anti-dumping et le code sur les subventions
et les mesures compensatoires conclues à l'issue du Tokyo Round, le
Conseil a adopté le 20 décembre un règlement tenant compte de
ses nouvelles obligations internationales. La nouvelle réglementation
précise certaines définitions en matière de dumping (notion de
« valeur normale » et de « prix à l'exportation »), et comporte des
dispositions concernant la détermination du préjudice subi par
l'industrie communautaire, la protection régionale, les engagements
souscrits par les exportateurs de pays tiers en cause, la durée des
droits provisoires et l'application rétroactive éventuelle des droits
anti-dumping ou compensatoires.

C'est en application de cette réglementation que des contrôles


anti-dumping concernant les fils et fibres artificiels et synthétiques
américains ont abouti dans certains secteurs à l'instauration
de droits compensatoires. En novembre 1980, la Commission
européenne a institué un droit anti-dumping provisoire sur les impor-
tations d'acétate de vinyle monomère originaires de certaines firmes
- 205 -

américaines des Etats-Unis. Le taux du droit est de 10,6 %. Cette


décision a fait suite à la plainte introduite en juin dernier par le
Conseil européen des fédérations de l'industrie chimique (C.E.F.I.C.),
au nom de tous les producteurs communautaires du produit visé.
Au cours de l'enquête, la Commission a constaté que :
— aucune pratique de dumping n'existait en 1979, mais pendant
le premier semestre 1980 une marge moyenne de dumping de l'ordre
de 10,6 % a été constatée, et les importations C.E.E. en provenance
des Etats-Unis ont fortement augmenté ;
— ce dumping ne concernait toutefois pas tous les exportateurs.
Aucune marge de dumping n'a été constatée pour les exportations
de Phillips Petroleum Company ni pour celles de Celanese Chemical
Company. Des pratiques de dumping ont, par contre, été constatées
de la part de Union Carbide Corporation et U.S. Industrial
Chemical Company ;
— le préjudice pour les entreprises communautaires est prouvé
aussi bien par l'augmentation considérable des importations (32.500
tonnes dans le premier semestre 1980, contre 14.820 tonnes pour
l'ensemble de 1977) que par la compression des prix (qui ont diminué
de 21,5 % environ, de 1977 à 1980) et par le risque de fermeture
de plusieurs installations européennes ;
— U.S. Industrial Chemical Co s'est engagé à relever ses prix
à un niveau suffisant pour supprimer la marge de dumping constatée.

L'enquête avait été conduite auprès des principaux producteurs


américains (Falle Chemical Company avait cependant refusé de four-
nir les informations, et Gill and Duffus Chemical Inc. avait refusé
de recevoir les fonctionnaires de la Commission) et auprès des im-
portateurs européens, ainsi que d'un des principaux producteurs de
la C.E.E., Rhône-Poulenc.
Cependant l'efficacité de ces mesures reste limitée. Les procé-
dures anti-dumping de la C.E.E. ne réussissent qu'imparfaitement
à neutraliser la concurrence déloyale notamment en raison des longs
délais impliqués par les difficultés qu'il y a à fournir des preuves
qui s'écoulent entre le dépôt d'une plainte et la décision commu-
nautaire. En vertu du nouveau Code du G.A.T.T. et de la réglemen-
tation communautaire, des preuves « suffisantes » sont exigées sur
le dumping et sur le préjudice pour mener une enquête, et la
Commission demande généralement des preuves très élaborées dont
rless
acéoelslecte exige beaucoup de temps pour toutes les parties inté-
Il conviendrait d'assouplir les procédures communautaires,
cela d'autant plus que ces dernières disposent d'une marge de ma-
n œuvre dans l'interprétation des textes et pourraient ainsi exercer
leur jugement sur les éléments de fait et sur les arguments qui leur
sont soumis. En outre, lorsque le prix véritable ne peut pas être éta-
bli npar
r - le paiement ou confirmé par la Commission, il semblerait
— 206 —

logique de fonder la décision sur toute donnée fiable disponible.


Pour la détermination du dommage, le nouveau règlement de la
C.E.E. s'inspire du Code du G.A.T.T., en exigeant que l'impact
des importations faisant l'objet de l'enquête soit séparé des autres
facteurs affectant la viabilité de l'industrie. Une telle approche est
plus réaliste que les dispositions antérieures, suivant lesquelles les
importations en dumping devaient constituer la principale cause du
préjudice.

Deux constatations majeures ressortent de l'ensemble de ces


données :
— la marge de manœuvre proprement nationale est désormais
très faible compte tenu de la délégation aux instances communau-
taires de la plupart des compétences nationales traditionnelles en
matière de réglementation des importations et des exportations ;
— les difficultés actuelles proviennent moins d'un cadre insti-
tutionnel international, certes perfectible, que d'une violation délibérée
des normes internationales existantes par de nombreux agents écono-
miques et de certains Etats.

Les contraintes, les lacunes et surtout les violations des normes


internationales auxquelles est confronté désormais notre commerce
extérieur en matière de produits textiles et d'habillement sont impor-
tantes. Elles ne sont pas cependant la cause unique des difficultés
actuelles de ce secteur. La crise du textile résulte aussi d'autres élé-
ments, structurels et strictement français : évolution défavorable de
la demande qui, après une période de croissance lente et continue,
diminue ; faiblesse de l'industrie textile française en dépit d'atouts
certains ; distribution souvent onéreuse ; manque de dynamisme à
l'étranger ; contraintes résultant de la législation sociale, etc.
Il est sans doute moins malaisé d'agir sur ces différents éléments
que dans un domaine où la marge de manoeuvre purement nationale
est fort limitée et où l'application effective des mesures décidées n'est
en tout état de cause pas toujours facile à contrôler ni à sanctionner.
Cette constatation ne signifie naturellement pas qu'il faille éluder
les difficiles et graves problèmes qui se posent à ce niveau, ni surtout
qu'il faille renoncer à mettre fin aux pratiques désormais plus sup-
portables, en cours dans certains Etats.
3. Sans entrer dans les données chiffrées qui ne font pas l'objet
de la présente partie, il importe de garder à l'esprit un certain nombre
de données économiques de base.
— Le taux de pénétration du marché français de produits textiles
a atteint un chiffre voisin de 50 % (1) en 1980.

(1) L'ensemble de ces chiffres exprime des moyennes, les taux étant fort variables
d'un produit particulier à l'autre.
- 207 -

— Nos concurrents sont avant tout les pays industrialisés


membres de l'O.C.D.E. et notamment les Etats-Unis, le Japon d'où
proviennent 70 % de nos importations et même certains Etats de
la C.E.E.
— L'industrie française du textile et de l'habillement reste,
malgré ses difficultés, une industrie dynamique qui — on l'oublie
trop souvent — travaille à 40 % pour l'étranger.

5•
TROISIÈME PARTIE

LES MOYENS DU REDRESSEMENT

Sénat 282. — 14
- 211 -

CHAPITRE PREMIER

LES DONNÉES A PRENDRE EN COMPTE

I. — UNE FAIBLE PROGRESSION DE LA DEMANDE

La crise du textile est fortement aggravée par la stagnation


voire, dans les toutes dernières années, la baisse de la consommation.
Cette tendance, incontestable au niveau national, doit cependant être
nuancée ; elle varie suivant les produits et, surtout, suivant les
canaux de distribution ; elle s'insère dans un contexte international
où les différences de revenus suivant les pays conditionnent des diffé-
rences de comportement face à l'achat des produits du textile et de
l'habillement.

A. — ÉVOLUTION ET STRUCTURE DE LA CONSOMMATION

1. En France.

a) Une inflexion vers la baisse


de la consommation finale des ménages...

Après un fort et régulier accroissement jusqu'en 1972 (de l'ordre


de 5 % l'an), la consommation textile s'est infléchie durablement.
- 212 -

ÉVOLUTION DE LA CONSOMMATION TEXTILE DE 1960 A 1980


(En volume - indice 100 en 1960.)

et
200 ti es

180

160

1960 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72
Source : C.T.C.O.E. (Centre textile de conjoncture et d'observation économique).
(•) Estimation.

Sa progression a connu un palier tout à fait significatif jusque


vers 1978 (elle a connu pendant ces six années une croissance d'en-
viron 1,5 % l'an). Depuis cette date, c'est à une baisse que l'on as-
siste, même si les résultats du dernier trimestre de l'année 1980 per-
mettent de constater un important redressement des produits textiles
par rapport à la plupart des autres biens de consommation (+ 2 %
en volume par rapport à décembre 1979).
Au total, depuis trois années, c'est à une régression du marché
textile de 1 % l'an environ auquel l'on a pu assister. Ce rétrécisse-
ment du marché intérieur a rendu d'autant plus insupportable l'ac-
croissement du taux de pénétration des importations.
Cette baisse globale ne doit cependant pas dissimuler la grande
diversité d'évolution qu'ont connue les différents produits et, sur-
tout, les différents courants de distribution.

... qui recouvre une grande diversité suivant les produits...


Le redressement de la fin de l'année 1980 concerne surtout le
prêt à porter féminin : par rapport au quatrième trimestre 1979,
les quantités achetées ont en effet nettement progressé en vestes,
blousons et tailleurs ainsi que sur les marchés des jeans en velours
— 213 ---

( + 18 %) et surtout en denim, toile bleue de jean (+ 41 %). Le


secteur des robes enregistre également une progression satisfaisante
(+ 7 %) et ces évolutions s'effectuent au détriment des manteaux,
imperméables et des jupes, ce dernier article souffrant indéniable-
ment du nouvel intérêt accordé au pantalon.

L'année 1980 confirme ainsi une tendance observée depuis


1972 :
RÉPARTITION DES ACHATS POUR FEMMES ET FILLETTES

Les articles en forte progression les jupes taux de croissance moyen


les chemisiers annuel supérieur à 8 %
les tee-shirts en nombre de pièces
Les valeurs sûres les robes taux de croissance annuel
les vestes de 2 à 8 %
les trainings
les chaussettes
Les articles délaissés les imperméables décroissance annuelle de
les tailleurs et ensembles 2à5%
les gaines
les bas et collants
Les articles abandonnés les vêtements de travail décroissance annuelle su-
les combinaisons périeure à 5 0/0
les maillots de corps

Les vêtements masculins eux-mêmes n'échappent pas à cette


diversité :
RÉPARTITION DES ACHATS POUR HOMMES ET GARÇONNETS

Les articles en forte progression .. les pantalons de loisirs taux de croissance moyen
les tee-shirts annuel supérieur à 8 %
les trainings en nombre de pièces
Les valeurs sûres les vestes taux de croissance annuel
les pull-overs de 2 à 8 %
les chaussettes
les vêtements de sport
Les articles délaissés les imperméables décroissance annuelle de
les manteaux 2à5%
Les articles abandonnés les pantalons de draperie taux de décroissance an-
les vêtements de travail nuel supérieur à 5 %
les maillots de corps

La diversité est encore plus marquée suivant les canaux de


distribution.

... et suivant les canaux de distribution.


Si la progression du chiffre d'affaires du commerce indépendant
(-{- 8 %) et des grands magasins (+ 5 %) reste loin de compenser
la hausse moyenne des prix de 1980, les résultats obtenus par les
magasins populaires (+ 13 %) et les hypermarchés (+ 12 %) sont
— 214 —

plus satisfaisants. La vente par correspondance, en revanche, obtient


des résultats tout à fait exceptionnels (+ 42 %). Les premiers mois
de 1981 n'ont pas vu confirmer cette tendance.

b) Une consommation qui demeure considérable en valeur absolue.

Même si elle n'a crû que de 9 % en valeur, la consommation


textile des ménages représente aujourd'hui en France un marché
de 95 milliards de francs, soit plus que l'ensemble des achats des
ménages français en équipements ménagers, automobiles et appareils
de télévision et de radio. Ce marché ne saurait donc être négligé.

DÉPENSES COMPARÉES DES MÉNAGES


(En milliards de francs.)

Récepteurs T.V.- Equipement Automobile Textiles


Radio ménager Cycles
Motocycles
Source : Comptabilité nationale.

Il se décompose, par ailleurs, en trois parts d'importance iné-


gale : l'habillement représente environ 52 % des débouchés, les
usages domestiques (linge de maison, ameublement, tapis...) 28 %
et les usages techniques et industriels 20 %.
Ces caractéristiques d'ensemble se retrouvent au niveau mon-
dial.

2. Le marché mondial.

En vingt années, le marché mondial a plus que doublé : il est


passé de 13,8 millions de tonnes en 1958 à 28,1 millions de tonnes
en 1978, soit un rythme moyen d'accroissement de 3,6 % par an.
— 215 —

Comme en France, un tournant crucial a pu être observé en


1973 : depuis cette date, le rythme moyen d'accroissement n'est
plus que de 1 % l'an.
Le rythme d'accroissement varie cependant suivant le niveau
de développement : il paraît d'autant plus fort que le pays est moins
développé.
Dans cet ensemble, les pays industrialisés représentent 49 %
de la consommation contre 28 % pour les pays à économie planifiée
et 23 % pour les pays en voie de développement.
Derrière ces grandes masses se dissimulent également de grandes
diversités de comportement au sein même des pays industrialisés
ainsi que le montre le tableau suivant :
RÉPARTITION DE LA CONSOMMATION DE FIBRES
PAR USAGES FINALS DANS LES PAYS INDUSTRIALISÉS

Répartition de la consommation en 1978

Ensemble
C.E.E. (1) U.S.A. Won pays
Industrialisés

Habillement 51% 45% 40% 47%


Habitat 34 % 34 % 28 % 37 %
Usages industriels et techniques 12 % 21 % 32 % 16 %
Total (en millions de tonnes) 3,5 5,3 1,8 14,0
Consommation de fibre par habitant
(kilogrammes) 14 24 16 18

(1) Europe des Six + Royaume-Uni.

La part des usages industriels et techniques est beaucoup plus


forte aux Etats-Unis et au Japon que dans la Communauté écono-
mique européenne. Au sein même de celle-ci, on observe que la
consommation de fibre par habitant est supérieure à la moyenne
en République fédérale d'Allemagne (18,4 kg) et sensiblement infé-
rieure en France (13,6 kg).
Il semblerait que les Français soient moins consommateurs
d'articles d'habillement que les autres Européens à pouvoir d'achat
comparable. C'est ainsi qu'un Français n'achèterait un costume que
tous les quatre ans au lieu de tous les deux ans quatre mois pour
le Néerlandais et tous les trois ans cinq mois pour le Belge et
l'Allemand. De même, une Française n'achèterait une robe que tous
les ans au lieu de tous les six mois pour l'Allemande et tous les
quatre mois pour la Néerlandaise.
--- 216 -

Si l'on s'en tient enfin aux seuls pays industrialisés, il est pos-
sible de constater que, sous couvert d'une croissance modérée, se
sont produites des mutations très rapides et très fréquentes :

Au niveau des produits finis, on a enregistré dans l'habillement :


— une progression plus rapide des articles en maille ;
— le développement du prêt à porter industriel ;
— le développement des articles de loisirs au détriment des
articles classiques ;
— la progression des produits de marque.

Parmi les usages domestiques, ce sont les revêtements de sol,


le revêtement mural textile, les articles de mercerie qui ont le plus
progressé.

CONSOMMATION MONDIALE DES FIBRES TEXTILES tiew

Fils Fibres Rh et Mue ego


Lehsc
synthétique' synthétiques ertUldele

1958 1.384 9.741 268 150 2312


1968 1.621 11.952 1.943 1.811 3.657
200
1973 1.432 13.713 3.820 3.912 3.760
26131
21111
1978 1.458 13.006 4.609 5.464 3.600
1978/1958 + 5,3 % + 33i % + 1.619 96 + 3.542 96 + 56,5 96 103 '6.
.

Source : C.I.R.F.S. (Centre international de recherche sur les fibres rethétiques).

— Croissance mondiale sur vingt ans : 3,6 % par an.


— Croissance mondiale 1973-1978 : 1 % par an.

Parmi les usages techniques et industriels, les produits les plus


demandés ont été les non-tissés, les tissus de verre et les produits
pour isolation, filtration, etc.

Au niveau des produits intermédiaires, les faits les plus mar-


quants sont les suivants :
— la croissance des fibres chimiques : ainsi la consommation
des fibres synthétiques a été multipliée par 36 en vingt ans et par
3 en dix ans. Parmi ces fibres, le polyester est celle qui a la crois-
sance la plus rapide ;
— la croissance des fils texturés et des fils fins ;
— le développement des produits fantaisie au niveau des fils,
tissus, impressions ;
- 217 -

— la forte croissance des articles de loisirs en aval a provoqué


des mutations importantes en amont :
• fort développement du tissu denim (pour le jean) et du tissu
velours,
• fort développement de l'ennoblissement (teintures et apprêts)
lié à ces produits,
• accroissement des étoffes en maille.

B. — LES FACTEURS D'ÉVOLUTION


DE LA CONSOMMATION

L'étude de la demande et des facteurs qui influent sur son


évolution est un préalable à tout jugement porté sur les structures
industrielles et à toute recommandation.
Il peut sembler pratique, dans un domaine fortement influencé
par les habitudes et surtout par le phénomène de la mode, de distin-
guer les facteurs économiques et les facteurs psycho-sociologiques,
les premiers paraissant a priori davantage structurels et les seconds
conjoncturels. En fait, la distinction n'est pas aussi simple : si l'on
peut observer une relation assez stable entre les dépenses d'habil-
lement et le revenu par exemple, il n'en est pas de même entre
celles-ci et les prix. Encore faut-il distinguer suivant le groupe social
auquel l'individu appartient. La mode, elle-même, fugace par nature,
a tendance, au cours de ces dernières années, à s'effacer derrière les
mutations qui affectent les différentes parties du corps social. Sa
démocratisation même estompe quelque peu son influence. A la mode
symbole de l'appartenance à un groupe social privilégié succède le
« style », expression d'une époque où le vêtement est synonyme
d'affirmation de soi.
Aspects économiques et psycho-sociologiques apparaissent ainsi
intimement mêlés. Les certitudes quant aux prévisions à long terme
s'en trouvent réduites d'autant.

1. Les facteurs structurels.

Deux causes principales et durables paraissent expliquer la


stagnation de la consommation textile : l'évolution démographique
et, surtout, la relation existant entre le niveau de consommation et
le niveau de revenu. Cette relation est variable selon les produits
mais parfaitement caractérisée pour les produits textiles en longue
période.
-218--

a) L'évolution démographique.

Le ralentissement de la croissance démographique est le fac-


teur d'explication le plus immédiat de la stagnation de la demande
dans les pays industrialisés.
La période de croissance de la consommation textile (1960-
1972) a coïncidé avec un taux d'accroissement démographique de
l'ordre de 1 %. Ce taux est désormais, en moyenne, depuis 1973
de 0,3 % et il risque de ne pas se redresser à court terme.
Ce phénomène explique notamment que les dépenses d'habil-
lement pour enfants ont augmenté moins vite en France que les
dépenses d'habillement pour adultes entre 1974 et 1978 (respec-
tivement + 52 % et + 60 %).
- 219 -

LES FACTEURS DE CROISSANCE DE LA CONSOMMATION TEXTILE

19K41172 1973.110E

Consommation textile en valeur + 79 % + 103 %

Prix textiles + 2$ % -I- 10.3 ,?•b

Co nsonunation temilc en volume

Pouvoir d'achat + 2,0 %


+ 5,5 %

Prix relatifs textiles + 0.7 %

+ 0.3 %
136flographle + 1,0 %

+ 0.5 %

Pendant cette période, en effet, la population des enfants de


deux à quatorze ans a diminué de 2,4 % en raison de la baisse du
taux de natalité alors que la population adulte augmentait de 2,7 %.
Cette dernière augmentation n'a pu avoir son plein effet en raison
du lien existant entre le niveau de consommation d'articles textiles
et le niveau de revenu.

b) La relation entre la consommation et le revenu.


Une loi économique déjà ancienne, établie au me siècle (« loi
de
. , Engel ») veut que les diverses consommations réagissent avec une
inégale sensibilité aux variations de revenu. Les dépenses d'alimen-
tation, par exemple, y sont très peu sensibles. Elles diminuent
d autre part en valeur relative au fur et à mesure que le revenu
s, accroît. D'autres dépenses qui traduisent un niveau de besoin plus
sophistiqué (recherche de « biens supérieurs ») tels que les loisirs,
la culture, etc. seraient, au contraire, très sensibles à l'accroissement
----- 220 —

du revenu. Elles augmenteraient d'autant plus que le revenu serait


plus élevé. On peut penser que les dépenses d'aménagement de la
maison (revêtements de sols et de murs, par exemple) en font partie.
Les dépenses d'habillement proprement dites qui, on le rappelle,
représentent en France plus de la moitié de la consommation textile
appartiendraient à une catégorie intermédiaire qui varierait propor-
tionnellement au revenu. Les enseignements de l'expérience ont mon-
tré que ces tendances étaient relativement bien vérifiées dans la
réalité. Des études faites en France sur la période 1949-1965 (1)
ont montré en effet que « l'élasticité » des dépenses d'habillement
par rapport au revenu était très voisine de l'unité sur le long terme
(0,95). Cette croissance parallèle au revenu explique bien que le
taux annuel de croissance des dépenses d'habillement ait été de
-I- 5,1 % de 1959 à 1973.

ÉVOLUTION DE LA CONSOMMATION PAR GRANDES FONCTIONS


(AUX PRIX DE 1970)

(Taux annuel moyen en pourcentage.)

1959-1973 1974-1979

1. Alimentation 3,1 1.9


2. Habillement 5,1 0,8
3. Logement 7,2 4,8
4. Equipement du logement 2,6 2,6
5. Santé 8,6 7,1
6. Transports 8,1 3,6
7. Loisirs-culture 6,9 6,7
8. Divers 4,6 4,5

Ensemble 5,5 3,8

Source : Rapport sur les comptes de la nation de l'année 1979.

(I) G. Vangrevelingue. « Modèle et projection de la consommation s. Economie et


Statistique,re 6, novembre 1969.
- 221 -

Il n'en va plus de même depuis cette date. On observe, en effet,


un tassement de la part des dépenses d'habillement dans les budgets
familiaux ainsi que le montre clairement le tableau ci-dessous :

EVOLUTION DES COEFFICIENTS BUDGETAIRES


(En pourcentage.)

1959 1970 1973 1976 1979

1. Alimentation 34,0 27,1 25,3 23,5 22,4


2. Habillement 10,1 8,6 8,1 7,5 6,9
3. Logement 9,3 14,5 14,9 15,3 16,1
4. Equipement du logement 11,1 10,0 10,4 10,3 9,6
5. Santé 6,6 9,8 10,4 11,6 12,3
6. Transports 9,3 11,6 12,2 12,8 13,4
7. Loisirs-culture 5,4 6,1 6,4 6,5 6,5
8. Divers 12,2 12,2 12,3 12,5 12,8

Ensemble 100 100 100 100 100

Source : Rapport sur les comptes de la nation de l'année 1979.

Il semble donc que les premiers effets de la crise, sensibles dès


1974, n'aient fait que hâter un processus lié à l'accroissement des
revenus dans les pays industrialisés.
Le début des années 1970 a coïncidé avec une relative satura-
tion des besoins en vêtement, en même temps que les ménages don-
naient la priorité à la satisfaction de besoins moins immédiatement
nécessaires, tels que les loisirs (ou équipements de loisirs tels que
la télévision). Pour reprendre la terminologie de Engel, les vêtements
ont glissé de la catégorie des « biens intermédiaires » à celle des
« biens inférieurs » ou de première nécessité : les sommes qui leur
sont consacrées croissent désormais moins vite que le revenu lui-
même.
La baisse de « l'élasticité » de la consommation des produits
textiles par rapport au revenu a pu être estimée scientifiquement :
de 1960 à 1972, cette élasticité a été de 4 % ; de 1972 à 1978, elle
fut de 0,8 % ; elle est tombée aujourd'hui à 0,2 %. On assiste donc
aujourd'hui à un freinage complet de l'effet revenu sur la consom-
mation textile. Ce freinage se superpose au tassement de la croissance
des revenus durant la même période.
Ces considérations sont parfaitement illustrées par le graphique
suivant où l'on peut constater que les courbes décrivant, d'une part,
l'évolution de la consommation totale et celle de la consommation
des textiles et de l'habillement, d'autre part, divergent de plus en plus.
- 222 -

CONSOMMATION TOTALE
ET CONSOMMATION D'HABILLEMENT ET TEXTILES 1970.1980

(Indice 1970 = 100.)

150
Consommation totale
_ ■ "'
....

../ --

140

..."''.

130
/.

..../•

120

110 /
• Consommation habillement et textiles
,. / ......_ .......................... ....., ...— ----...... .........

/ .'... '....
......
ae...-.•- •"'-e
100'

r r .
1970 71 72 73 74 75 76 77 78 7'9 80

L'évolution globale affecte à peu près également les différentes


catégories socio-professionnelles. L'expérience française est corroborée
par les études faites dans les pays de la Communauté économique
européenne.
- 223 -

ÉVOLUTION DES COEFFICIENTS BUDGÉTAIRES DE L'HABILLEMENT


A TRAVERS LES DIFFÉRENTES CATÉGORIES SOCIO-PROFESSIONNELLES

1965 1912

Agriculteur 11,6 9,7


Salarié agricole 11,9 10,4
Profession indépendante 14,0 10,9
Cadres supérieurs 12,8 10,6
Cadres moyens 11,0 10,5
Employés 12,2 10,3
Ouvriers 11,2 9,8
Inactifs 10,3 8,1

Ensemble 11,3 9,7

Source : Centre d'études supérieur des affaires.

PART DES DÉPENSES CONSACRÉES A L'HABILLEMENT


DANS LA CONSOMMATION FINALE DES MÉNAGES
Evolution de 1970 à 1979 dans les pays de la Communauté européenne.

Années D F I NL B 1.11C 111 DIC

970 8,2 7,1 7,9 » 7,6 7,3 8,0 6,4


[971 8,2 7,0 7,7 9,2 7,7 7,1 8,0 5,8
1972 8,3 6,9 7,7 8,8 7,7 7,1 7,9 5,8
[973 8,0 6,6 7,8 8,3 7,5 7,2 7,8 5,7
1974 7,8 6,5 7,8 8,2 7,6 7,3 7,6 5,6
1[975 7,7 6,4 7,4 7,8 7,1 6,9 6,7 5,3
[976 7,4 6,1 7,2 7,8 7,1 6,5 6,1 5,1
1977 7,4 5,9 7,4 7,8 6,8 6,3 5,8 5,0
1978 7,3 5,7 7,4 7,3 6,8 6,3 5,8 »
1979 7,1 5,5 7,5 7,3 » » » »

La part des dépenses affectée à l'habillement ne cesse de dé-


croître. Elle diminue d'autant plus que le pays est plus riche. Cette
évolution paraît donc inéluctable et devrait se stabiliser aux envi-
rons de 6 %.
L'ensemble de ces éléments montre donc qu'il est difficile d'at-
tendre, au moins à court terme, une influence favorable de l'évolu-
tion du revenu sur l'évolution de la consommation de tissus et de
vêtements.
— 224 —

Avant d'aborder les facteurs conjoncturels de variation de la


consommation, et notamment la mode, il n'est cependant pas inutile
de noter la très grande concentration des achats de textiles : 25 %
des femmes et 30 % des hommes effectuent 70 % des dépenses. Il
y a là sans doute une réalité qui laisse quelque place à d'autres élé-
ments de variation que le revenu ou la démographie.

2. Les facteurs conjoncturels.

a) Les prix.

Si la part de revenu affectée aux dépenses d'habillement est


constante en longue période et contribue à expliquer la baisse ten-
dancielle de la consommation, on ne peut totalement faire abstrac-
tion des prix.
La même étude (1) qui déterminait une relation à long terme
entre la croissance des dépenses d'habillement et celle du revenu
voisine de l'unité (0,95) révélait également une très forte sensibilité
aux fluctuations conjoncturelles (1,8). De 1960 à 1972, les prix de
l'habillement étant demeurés à peu près stables par rapport aux prix
des autres produits manufacturés, l'élément prix n'a guère influé
sur l'évolution de la consommation. Il n'en a pas été de même après
1972. A partir de cette date en effet et jusque vers 1978, on peut
estimer que l'évolution des prix a provoqué un freinage de la consom-
mation de l'ordre de 0,6 %. Tout en progressant moins vite que la
moyenne des prix de détail, ils ont augmenté plus vite que l'en-
semble des produits manufacturés. L'effet de substitution a donc pu
jouer en faveur, par exemple, des équipements de loisirs.

(1) G. Vangrevelingue. « Modèle et projection de la consommation •, déjà cité.


— 225 —

COMPARAISON D'INDICES DE PRIX AU DÉTAIL


DE 1976 A 1980

A Indice des prix de détail.


Base 100 en 1970.

260
7258,0 Indice services
..'•
250 •

247,1 Indice global
240 ,,__240,1 Indice habillement
/7239,1 Indice hab. + art. tex.
/y 1 238,8 Indice prod. manuf.
239
:228,7
4.//
220.

215,5
210 2/
/z
' 205,9 ./
290 •/ 203,6
// /

190. 193,8
r
180, 184,2

170
164.9
163,0
160.

150
Mal 197 6 Mai 1980 Mois et années le'
Mai 1977 Mai 1978 Mai 1979

Indice global des prix 1 la consommation.


Indice habillement et articles textiles.

Indice habillement.
Indice des produits manufacturés.

........... Indice des services.

hie%
e Institut national de la consommation.

Séant 282. — 13
— 226 —

Entre 1976 et 1980, les prix de détail dans l'habillement se sont


situés légèrement en dessous de la moyenne. Par contre, ils ont aug-
menté plus vite que l'ensemble des produits manufacturés, le rattra-
page de ces derniers s'effectuant en 1980.
Les services constituent le facteur déterminant de la hausse, dans
le cadre de cette comparaison.
L'écart est réduit simplement en fin de période.

Les rapports entre prix apparaissent d'autre part comme une


variable fortement explicative des choix effectués par les consomma-
teurs entre les différents produits textiles. Le tableau suivant, qui
fait abstraction des glissements dus à l'inflation, permet de mesurer
ce phénomène qui concerne les articles d'habillement pour hommes
et garçonnets :
ÉVOLUTION RELATIVE DES PRIX DES PRINCIPAUX ARTICLES
POUR HOMMES ET GARÇONNETS

1972 1973 1974 1975 1976 1977 I 1978

Vêtements de dessus (1) :


Manteaux 100 117 100 112 112 103 115
Imperméables 100 96 105 97 96 100 98
Costumes 100 99 92 85 79 81 82
Vestes 100 96 96 95 92 92 90
Pantalons de loisirs 100 101 111 113 112 115 116
Pantalons de draperie 100 100 98 97 104 107 108

Lingerie chemiserie bonneterie (2) :


- -

Pull-overs, sous-pulls 100 93 86 71 70 71 76


Chemises 100 105 104 99 85 95 95
Tee-shirts 100 112 107 , 100 113 116 117

(1) Prix relatifs de chaque article par rapport à l'ensemble des prix I.N.S.E.E. du prêt-à-porter masculin.

(2) Prix relatifs de chaque article par rapport à l'ensemble des prix I.N.S.E.E. de la chemiserie masculine.

Source : C.T.0 .0.E.

L'évolution comparée des quantités achetées et des prix relatifs


permet d'observer une corrélation étroite et de sens inverse pour
des articles tels que les manteaux, costumes, pull-overs ou chemises.
Le marché du costume, par exemple, a été relativement soutenu
de 1972 à 1976. Cette augmentation des quantités vendues a coïncidé
avec une baisse des prix relatifs. Par contre, depuis 1976, la remontée
de ces mêmes prix coïncide avec une forte baisse des quantités
achetées.
- 227 -

Dans d'autres cas, l'évolution des prix au sein d'un même secteur,
le prêt-à-porter par exemple, explique que les consommateurs aient
reporté sur la veste une partie des achats qu'ils destinaient habituel-
lement au costume. Le mouvement est particulièrement net à compter
de 1977, année à partir de laquelle les prix relatifs du costume
s'accroissent.
Il arrive enfin que l'évolution des prix soit sans effet sur la
consommation : tel est le cas pour des articles que la mode ou plutôt
l'évolution psycho-sociologique privilégie : les tee-shirts et les pan-
talons de loisirs par exemple. Ces deux derniers articles ont connu
le plus fort accroissement des ventes alors même que leurs prix
relatifs augmentaient.
Au total, au regard d'une consommation textile structurellement
stagnante, la variable prix apparaît comme l'une des données fonda-
mentales pour les trois ou quatre ans à venir.
Il est possible que la diminution des prix soit l'un des rares
éléments susceptible de dynamiser la demande. L'exemple du prêt-à-
porter masculin à la fin de 1980 semble constituer un indice de cette
évolution : la progression des quantités achetées s'est accompagnée
d'un glissement des prix unitaires vers les gammes inférieures de prix.
Le prix unitaire moyen des articles effectivement achetés au qua-
trième trimestre n'a progressé que de 1 % par rapport à 1979 alors
que la progression de l'indice des prix I.N.S.E.E., calculé pour une
structure constante de la consommation a progressé de 9 % pendant
la même période.

b) La mode.

La mode est l'élément psycho-sociologique qui distingue le mar-


ché du textile et de l'habillement de tous les autres marchés de
consommation courante. Si elle fait sa singularité, il est cependant
très difficile d'évaluer l'influence qu'elle peut avoir sur sa croissance
en termes économiques. Par le renouvellement permanent des for-
mes, des matières, des couleurs, qu'elle opère, elle contribue, sans
doute, à accentuer l' « usure psychologique » des vêtements, donc
à assurer un renouvellement régulier de la demande. Elle est aussi,
en revanche, un facteur d'instabilité qui rend les prévisions plus
difficiles.

Permanence et changement.
La mode demeure aujourd'hui l'expression vestimentaire de la
réalité sociale, économique, technique, psychologique. A ce titre, elle
est tenue de prendre en compte autant qu'elle les façonne les réa-
lités psychologiques et sociales.
La première de ces réalités est le phénomène de démocratisation
et d'uniformisation du vêtement que l'on observe depuis les années
- 228 -

60 à l'échelle mondiale. Cette évolution a pour conséquence que la


mode n'est plus seulement un phénomène français. Elle doit compter
avec la concurrence des pays voisins, l'Italie notamment, mais aussi
prendre en compte les divers changements d'attitudes face au vête-
ment qui sont nées pour la plupart dans les pays anglo-saxons et
surtout aux Etats-Unis (mode du blue-jean et du blouson, phénomène
hippie, « punk », etc.).
Le changement de la sociologie des sociétés industrielles a éga-
lement eu une influence profonde sur la nature de la mode : la
haute couture a dû s'adapter à un monde en mutation. Elle a donc
dû adopter des méthodes de fabrication et de vente plus conformes
à l'évolution de la demande. Ainsi est né ce qu'il est convenu d'appe-
ler depuis les années 60 le « prêt-à-porter de style ». La création n'a
pas disparu mais elle a dû se mettre à la portée du plus grand nombre.
Après avoir eu pour fonction de renouveler deux fois l'an les
critères de bon goût d'une minorité de la population et affirmer par
là même l'importance de cette minorité, ce que l'on peut appeler la
mode est devenu l'effort permanent d'adaptation à l'évolution d'une
société en quête de son équilibre. En perdant son caractère sociale-
ment limité, la mode a perdu une bonne part de son caractère contrai-
gnant et même exemplaire.
A la recherche plus ou moins abstraite d'innovations esthéti-
ques permanentes a succédé le souci de s'adapter à une société éprise
de fonctionnel et à des individus avides de rejeter tout carcan, fût-il
celui de la mode elle-même.
En même temps que la société tendait vers une certaine unifor-
misation, on observait en effet un important changement d'attitude
face au vêtement.

L'évolution du comportement.

Le tournant essentiel a été, à cet égard, les années qui ont suivi
immédiatement 1968. Aux années antérieures où coexistait une mode
spectaculaire et changeante, mais socialement limitée avec un vête-
ment sans grand caractère pour le plus grand nombre et socialement
déterminé, a succédé une période dont les caractéristiques s'affirment
chaque jour davantage : les consommateurs, hommes et femmes, sont
à la recherche d'un habillement adapté à leur style de vie. On ob-
serve ainsi peu à peu, notamment pour les hommes, une coupure
importante entre le vêtement de travail où les considérations sociales
prédominent (conformisme, refus de la mode) et le vêtement de loisir
ou de week-end où l'aspect fonctionnel devient tout à fait essentiel.
Cette évolution est due notamment au changement de l'image de la
fin de semaine. Naguère synonyme de cérémonie, elle est devenue, en
changeant de nom (« le week-end ») synonyme de libération.
-229--

Chez les femmes, la coupure est moins nette. Le choix du vête-


ment fait moins de place aux normes vestimentaires imposées. Les
femmes privilégient la recherche d'un vêtement plus personnalisé.
Cette recherche se traduit par le développement des achats de petites
pièces qui peuvent être combinées.
Cette individualisation des choix a pour effet de réduire l'in-
fluence de la mode : le groupe des « suiveuses de mode (I) » a dimi-
nué de moitié (il est passé de 50 à 25 % des femmes).
La fonction de création ne disparaît pas pour autant, bien au
contraire. La mode a désormais pour principal objet d'élargir les
choix offerts au consommateur et de déceler les innovations que sou-
haite une société en bouleversement profond et dont l'un des traits
principaux pendant les années récentes est l'émancipation de la fem-
me. Inversement, le changement des comportements masculins donne
à penser que la part de la création dans cette catégorie de production
devrait s'accroître.
Enfin, au lieu de se limiter à une seule catégorie, les innova-
tions de la mode sont aujourd'hui très largement et immédiatement
diffusées.
Une dernière constatation est que les hommes, comme les fem-
mes, semblent accorder davantage d'importance qu'auparavant à la
situation économique, sans doute sous l'effet de la stagnation du
pouvoir d'achat. Ils privilégient davantage que par le passé la valeur
d'usage et des facteurs tels que la durabilité.
On peut penser que ces mouvements s'accentueront si la crise
économique venait à se poursuivre. D'après MM. J.-F. Boss et
A. Boudon (2), ces différentes modifications de tendance n'auraient
pas encore été perçues totalement par les fabricants.

En conclusion, on peut estimer que la consommation aurait


plutôt tendance à s'orienter :
— dans le vêtement masculin, vers les articles dits de « sports-
wear » où l'on se sent à l'aise (les ensembles vestes-pantalons de-
vraient avoir plus de faveur que les costumes, les chemises fantai-
sies plutôt que les chemises classiques) ;
— dans le vêtement féminin, la demande devrait surtout être
forte dans le domaine des « petites pièces » (pantalon, jupe, chemi-
sier, pull-over).
Au total, le côté très incertain de l'évolution liée à la mode
devrait quelque peu s'estomper derrière les tendances lourdes privi-
légiant le « fonctionnel » et le confortable. Ces conclusions rejoignent
celles des études prospectives.

(I) La formation du prix des vêtements à la consommation. 1.•F. Boss et A. Boudon-


Cesa.
(2) Voir note précédente.
- 230 -

C. — LES PRÉVISIONS D'ÉVOLUTION

1. Une croissance modérée et diversifiée.

Les principales estimations sont faites à partir d'une étude effec-


tuée par un bureau américain (Peat - Marwik Mitchell). Selon celle-ci,
les différents facteurs économiques devraient continuer à jouer dans
le même sens durant les dix prochaines années. La croissance glo-
bale au niveau mondial pourrait être de 3 % par an environ. Elle
demeurerait plus faible dans les pays industrialisés ( + 2,5 %). La
croissance de l'habillement ne serait que de 1 % par an. Elle ne
devrait à terme représenter que 39 % des usages ultimes (contre
50 % actuellement en France).
La plus forte croissance concernerait les usages techniques et
industriels, ceux-ci représenteraient à terme 23 % de la consom-
mation. Les textiles pour l'habitat connaîtraient une croissance inter-
médiaire (3 % ) et une part de marché finale égale à 38 %.
La consommation de fibres par habitant devrait atteindre
22 kilos. Il ne s'agit cependant là que de moyennes, et il est raison-
nable de penser que, même si on doit le regretter, la consommation
française de fibres par habitant et la part des usages techniques et
industriels qui sont l'une et l'autre éloignées de la moyenne des pays
industrialisés pourra dépasser cette même moyenne en 1990, sauf
action spécifique et déterminée des pouvoirs publics et de la pro-
fession.
La part des fibres consommée par les ménages, enfin, devrait
rester largement prépondérante (77 % contre 84 % actuellement).
Ces prévisions sont faites à partir de projections qui paraissent
elles-mêmes un peu optimistes en l'état actuel de nos connaissances
puisqu'elles s'appuient sur une perspective de croissance de 3 % du
produit intérieur brut et de 2,7 % de la consommation des ménages.
Les pays à économie planifiée, moins développés, connaîtraient
une croissance plus forte ( + 2,9 % ) mais moindre toutefois que
celle des pays en voie de développement ( + 3,5 %).
L'évolution serait fortement diversifiée suivant les secteurs et
se traduirait, à terme, par une modification substantielle de la struc-
ture de la consommation.

2. L'évolution qualitative de la consommation des ménages.

Les matériaux demandés devraient être plus naturels et d'en-


tretien plus facile.
— 231 —

Cette tendance résulte du changement de comportement observé


depuis 1970.
Ce changement d'orientation, qui a été consolidé par la hausse
des prix du pétrole en 1973 et 1980 (redressement de la consom-
mation de coton au détriment de celle des synthétiques), devrait se
confirmer. Les consommateurs, on l'a vu, paraissent en effet désor-
mais plus attirés par les éléments de confort et par l'origine « natu-
relle » des produits.
Cette tendance se traduira principalement par une progression
des mélanges de fibres naturelles (coton, lin) et de fibres chimiques ;
l'emploi des mélanges chimiques purs resterait limité aux utilisations
les moins sensibles.
Moins touchée que le coton ou le lin par le retour au naturel,
la laine devrait se stabiliser à son niveau de consommation actuel ;
elle serait alors réservée aux articles de meilleure qualité ou de haut
de gamme.
Convertis aux fibres chimiques, dont les propriétés et l'aspect
ont été considérablement améliorés notamment grâce à la texturation,
les consommateurs devraient leur rester cependant fidèles à l'avenir,
et ce probablement plus pour leur facilité d'entretien que pour leur
plus faible prix.
La part des fibres chimiques dans les mélanges de fibres natu-
relles et chimiques ira vraisemblablement en croissant, les mélanges
à 50 % de fibres chimiques et à 50 9/0 de fibres naturelles (par
exemple 50 % polyester - 50 % coton) ayant déjà une bonne image
de marque dans le public.
EVOLUTION DE LA CONSOMMATION MONDIALE DE FIBRES TEXTILES
(En millions de tonnes.)

Total mondial
C.E.E. (I) U.S.A. I japon (2)

1978 I 1978 1978


1970 1978 1990

M.T. % M.T. M.T. % M.T.

Cot o n •
............................... 1,0 27 1,5 28 0,6 33 11,8 1 54 13,1 46 16,6 42
Laine
• • • .......................... 0,4 12 0,1 1 0,1 5 1,6 7 1,5 5 1,6 4
Fils
et fib
reschimiques 2,1 61 3,7 71 1,1 , 62 8,4 I 39 13,9 49 21,3 54

Total 3,5
100
5,3 100 1,8 I 100 21,8 100__I 28,5 100 39,5 100
I
— --
Utope des Six + Royaume-Uni.
(2) 4°11 co n
sornmation de soie naturelle (environ 3.000 tonnes/an).
- 232 -

La tendance déjà décelée à la recherche du fonctionnel et d'un


plus grand confort de l'habillement devrait être à l'origine de trois
courants de consommation :
— le consommateur des années 1980 devrait choisir des vête-
ments plus légers pour un usage identique, c'est-à-dire orienter son
choix vers des étoffes plus légères mais alliées à des caractéristiques
constantes d'isolation thermique, d'absorption de l'humidité, de
gonflant...
— il devrait prendre progressivement conscience de son goût
pour les étoffes élastiques, dont le marché connaîtra très vraisem-
blablement une forte croissance.

Le succès des étoffes à maille à la fin des années 70 est


notamment dû à leur caractère plus élastique que celui des tissus ;
toutefois, leurs inconvénients (usure, déformation) constitueront
peut-être des facteurs limitants de leur expansion au cours de la
décennie à venir.
• Les vêtements conçus en dehors de tout préjugé de tradition
dans la recherche du confort et d'une adaptation optimale à leur
utilisation (et notamment aux mouvements du corps) devraient
connaître un succès croissant.
Ces vêtements, qui sont souvent conçus comme des vêtements
de travail (salopettes, jean, ...) ou des vêtements de sport (« Sports-
wear »), devraient trouver leur place dans l'habillement de tous les
jours après adaptation à un usage courant.
La demande des produits pour l'habitat devrait être plus sou-
tenue mais à la condition que les produits fournis soient mieux
adaptés. Cette spécificité existe déjà au niveau des tissus d'ameuble-
ment. Elle subira également vraisemblablement les effets de normes
de sécurité plus exigeantes, en particulier les normes anti-feu.
En ce qui concerne les produits intermédiaires textiles (filés,
étoffe) dans lesquels la progression des importations est une des
plus fortes, il appartiendra au producteur français de s'adapter à
une demande soucieuse d'une plus grande qualité et d'une plus
grande régularité des matières offertes.
En ce qui concerne les usages techniques et industriels enfin,
qui, on l'a vu, devraient normalement connaître le plus fort dévelop-
pement, la consommation devrait croître dans des domaines très
variés.
Bien qu'il soit malaisé de distinguer des courants d'évolution
homogènes, la principale tendance devrait être celle du développe-
ment des fibres et fils chimiques à haute résistance qui ont étendu
le domaine des applications textiles. C'est le cas notamment dans
- 233 -

le domaine des transports où la recherche d'économie d'énergie


devrait favoriser dans les années 80 les matériaux à fort rapport
« résistance/densité », notamment les matériaux composites dans
lesquels les produits textiles — sous forme de tissus, mats ou fibres
— sont utilisés.

Il. — UNE NOUVELLE DONNE ÉCONOMIQUE MONDIALE


OU LES PAYS INDUSTRIALISÉS DEVRAIENT CONSER-
VER LEUR PLACE

Le textile a joué un rôle essentiel dans l'évolution des sociétés


modernes : après avoir amorcé la révolution industrielle, il est en
train d'accoucher, sinon d'un nouvel ordre économique mondial, du
moins d'aboutir à une redistribution de la puissance économique
entre les continents.
Les pays européens ont en effet fait leur apprentissage indus-
triel dans le secteur textile : on peut citer à cet égard le cas de
l'Angleterre dans laquelle en 1840 le textile absorbait 75 % de
l'emploi industriel.
C'est dans son champ d'activité que sont apparues et qu'ont
été utilisées de façon massive les inventions qui ont permis les pre-
miers essais de mécanisation industrielle : la Commission d'enquête
rappelle à titre d'anecdote que c'est précisément dans le textile que
l'on trouve appliqué très tôt le principe des machines program-
mables.
L'on doit d'ailleurs mesurer sur le plan historique tout ce que
le textile a apporté à l'Europe. L'exode rural entraîné par l'expansion
de l'industrie textile s'est révélé bénéfique par son impact sur la
productivité agricole.
En outre, la mécanisation du travail textile a eu d'autres effets
favorables à travers l'augmentation de la demande et par la cons-
titution d'une industrie de la machine-outil.
Laboratoire de la division du travail, école de l'esprit d'entre-
prise et donc source de la richesse des nations, le textile a été éga-
lement très tôt un vecteur de la division internationale du travail
et un facteur déterminant du démarrage économique.
Le textile a d'abord été le premier domaine dans lequel s'est
établie cette spécialisation inégale entre pays du Nord et pays du
Sud, où les uns fabriquent des biens manufacturés et les autres
vendent des matières premières : ainsi, vers 1900, l'Inde importait
- 234 -

d'Angleterre 1.900 millions de mètres de cotonnade — assez pour


satisfaire tous les besoins vestimentaires de l'ensemble de la popu-
lation — qu'elle payait en produits bruts et, notamment, en coton.
Une telle division du travail, que tout le monde s'accorde à
reconnaître comme inégalitaire, ne s'est cependant pas instaurée
entre la Grande-Bretagne et les autres pays européens. Au contraire
dans ce cas — parce que le milieu social était mûr —, le textile
a servi d'agent propagateur du développement de ce que l'on appel-
lera plus tard les transferts de technologie, malgré le caractère par-
fois surprenant des méthodes employées : ainsi, en 1770, Trudaine
envoya le fils d'un émigré catholique anglais en Angleterre « pour
y surprendre les derniers secrets » celui-ci réussit à acheter une
machine à filer Jenny et à la passer en fraude. Tel est le point de
départ de la mécanisation du textile en France.
L'industrialisation pour le textile est en train de s'accomplir
aujourd'hui dans certains pays du Tiers-Monde mais suivant un
processus plus proche de cette réalité historique multiforme que du
schéma décrit par les économistes dans lequel tout naturellement
la production des biens incluant une part importante de travail
aurait tendance à s'effectuer dans les pays à main-d'oeuvre abon-
dante et donc peu chère.
Le faible coût de la main-d'œuvre ne peut cependant pas ren-
dre compte, à lui seul, du développement de la production textile
dans les pays du Sud. Sinon, pourquoi ce phénomène aurait-il été
si tardif ?
En fait cela ne se produit massivement aujourd'hui que parce
qu'un certain nombre de pays du Tiers-Monde sont désormais mûrs
pour une certaine forme de décollage économique et disposent d'une
main-d'oeuvre apte au travail industriel. Mais l'on n'assisterait pas
un rééquilibrage aussi rapide du potentiel industriel textile entre le
Nord et le Sud, si celui-ci n'était pas stimulé par la concurrence que
se livrent les firmes multinationales dans l'organisation et la maî-
trise du commerce mondial.
De fait, le mouvement de délocalisation des activités textiles
dans le Tiers-Monde — expression technique signifiant transfert
des usines — n'est pas le simple résultat direct de la concurrence
entre produits et entre producteurs indépendants. A côté de cette
compétition horizontale de type classique, on voit se développer une
compétition entre les circuits dont la dynamique stimule encore la
délocalisation de l'industrie textile.
Corrélativement, le commerce mondial des produits textiles n'est
bien souvent qu'un échange de produits « intra firmes » mettant en
rapport des entreprises très interdépendantes, noires des filiales
d'un même groupe.
- 235 -

Nous vivons encore une période de transition dans laquelle la vic-


toire du Tiers-Monde et l'élimination des pays développés n'a rien
d'inéluctable corne le craignent ceux qui ne tiennent compte que des
coûts de main-d'oeuvre et qui voient l'activité textile comme un secteur
homogène : à côté du facteur travail, il faut tenir compte du facteur
capital et surtout du savoir-faire, qu'il soit technique ou commer-
cial. En outre, on ne devrait pas parler de filière textile au singulier
mais au pluriel à la fois parce que le même produit peut être réa-
lisé à partir de techniques différentes mais parce que la multipli-
cation des produits même, les contraintes différentes auxquelles
obéit leur commercialisation font que la frontière industrielle entre
pays développés et pays en voie de développement n'est certaine-
ment pas simple.
Telles sont les considérations que veut développer la Commis-
sion d'enquête. A considérer globalement la filière textile, on est tenté
de souligner les facteurs qui semblent devoir en accélérer la remontée
par les pays du Tiers-Monde. Cette tendance à la relégation des pays
développés au bout de la chaîne textile n'est pas inexorable. Certains
éléments et notamment des données récentes sur les flux internationaux
de produits, qui soulignent la diversité des situations entre des pays
ou des circuits de production, mettent en avant le caractère transi-
toire d'une situation où le principe de la complémentarité des éco-
nomies ne l'emporte pas encore sur celui de la concurrence des
circuits.

A. — LE PROCESSUS DE LA DÉLOCALISATION DES


ACTIVITÉS TEXTILES PEUT-IL ÊTRE MAITRISÊ ?

L'analyse de l'évolution des échanges internationaux de produits


textiles depuis une trentaine d'années souligne une tendance à la
délocalisation des activités textiles dans les pays du Tiers-Monde,
ainsi qu'à la remontée de la filière textile par ces pays, c'est-à-dire le
processus par lequel leurs productions nationales se substituent
aux importations nécessaires — machines ou demi-produits — à
la fabrication du produit final.

1. La mutation structurelle des échanges internationaux.

Les quinze dernières années ont été marquées par une profonde
mutation des échanges internationaux de produits textiles.
En 1964, le Tiers-Monde exportait essentiellement des produits
de base, destinés à alimenter les industries des pays développés, il
importait des produits intermédiaires.
-236--

Dix ans plus tard, les produits finis avaient déjà pris la pre-
mière place dans ses exportations. Sur l'ensemble de la période, on
constate un développement des échanges deux fois plus rapide pour
les produits finis (vêtements, bonneterie, tapis, dentelle et articles
façonnés) que pour les produits de base.
Cette évolution s'est globalement maintenue depuis 1975: les
importations de produits finis des pays de l'O.C.D.E. augmentent
pour ces trois années, deux fois plus vite que celles des produits de
base, soit 70 % contre 30 % environ. Les importations de demi-
produits textiles — tissus, filés — de l'O.C.D.E. croissent à des
rythmes intermédiaires situés entre 40 et 60 % sur trois ans.
La poursuite de cette tendance apparaît également au niveau
du commerce mondial. Celui-ci a progressé en valeur de 13 % par an
entre 1973 et 1977 et de 18 % entre 1978 et 1979. La progression en
volume est moins nette : 5 à 6 % par an.
La part des textiles dans l'ensemble du commerce s'est réduite
corrélativement au profit de l'habillement dont la part passe de
35 % en 1973 à 42 % en 1979.
Symétriquement, la part des pays développés dans les exporta-
tions mondiales a fléchi, passant de 64 % à 57 % en 1979 (échanges
intracommunautaires exclus). Dans le même temps, la part des pays
en voie de développement passait de 36 à 43 %.
Ainsi, même si une analyse plus fine de l'évolution récente
conduit à nuancer cette constatation, on doit souligner la poursuite
d'une redistribution du potentiel industriel textile du Nord vers le
Sud.
Cette redistribution de l'appareil productif textile est indisso-
ciable des transferts de technologie que les caractéristiques mêmes
des processus de production et de commercialisation tendent à in-
tensifier.
Par sa relativement faible intensité capitalistique et l'impor-
tance — au moins pour l'aval de la filière — de ses coûts de main-
d'oeuvre, l'industrie textile se prête naturellement à la délocalisation.
La création d'industries textiles répond à une double logique :
celle des pays à bas salaires désireux de créer des emplois et/ou
de valoriser sur place des matières premières ; celle des pays occi-
dentaux qui cherchent à tirer parti de leurs connaissances et à uti-
liser une main-d'œuvre à bon marché.
Cette délocalisation est d'autant plus fréquente qu'elle apparaît
accessible financièrement et techniquement à des entreprises relati-
vement modestes : n'est-ce pas une firme italienne, employant 60c
personnes et faisant un chiffre d'affaires de 170 millions de francs
seulement qui a enlevé un contrat pour la fabrication en U.R.S.S.
de 7,5 millions de jeans ?
- 237 -

D'une façon générale, le textile est un domaine dans lequel


la multinationalisation de la production est possible pour de petites
et moyennes entreprises notamment sous la forme de réseaux de
« filiales ateliers » ou de sous-traitants que l'on ne rencontre dans
d'autres branches que pour des firmes de dimensions mondiales.
Cette multiplicité des opérateurs aboutit, à travers une concur-
rence particulièrement dure, à l'auto-entretien du processus de délo-
calisation.

2. Les facteurs de la délocalisation.

Toute une série de facteurs convergent pour rendre le processus


de délocalisation moins maîtrisable par les pays industrialisés. Les
deux principaux sont la volonté d'industrialisation des pays du Tiers-
Monde et les mécanismes de la concurrence tant entre entreprises des
pays à bas salaires et entreprises des pays développés qu'entre ces
dernières elles-mêmes.
Le textile est unanimement considéré par les pays à bas salaires
comme un secteur porteur d'industrialisation ; c'est ainsi qu'il se voit
donner, avec l'agriculture, priorité dans l'aide internationale au déve-
loppement.
Le libre jeu des mécanismes du marché constitue également à
tous les niveaux de la filière textile un puissant facteur d'accélération
de la délocalisation.
Ainsi, au niveau des marchés des produits bruts, les gains de
productivité en amont ont eu tendance à créer un climat de concur-
rence par la baisse tendancielle — au moins jusqu'au début des
années 1979 — des matières premières naturelles ou synthétiques.
De 1960 à 1971, le cours du coton est resté quasiment constant
en termes nominaux, en raison, d'une part, de l'amélioration des ren-
dements et, d'autre part, à partir de 1966, de la nouvelle politique
américaine : celle-ci a progressivement mis fin au système complexe
de soutien des prix intérieurs et écoulé les stocks qui avaient été
constitués.
- 238 -

PRIX DU COTON ET DES FIBRES CHIMIQUES (U.S. cents/livre)

100 Polyester Coton : Liverpool price index.


Fibres chimiques : polyester dracon 54
1.5 denier, U.S.A.

90«

60•

40

Coton

20
A A
1965 1970 1975
- 239 -

A partir de 1972-1973, cependant, l'évolution des cours a pris


une tout autre figure : en l'absence de tout mécanisme régulateur,
stocks et cours connaissent d'amples variations d'une année sur l'au-
tre, sous l'effet conjugué des mouvements que les évolutions macro-
économiques impriment à la demande et des anticipations des pro-
ducteurs. Ces fluctuations pourraient toutefois être atténuées par les
interventions du Fonds commun pour les produits de base. Quoi
qu'il en soit, il est clair qu'elles ont pour effet — outre leurs consé-
quences pour les pays du Tiers-Monde dont le coton représente la
principale, ou une des principales ressources à l'exportation — de
maintenir la progression relative des fibres chimiques, en particulier
parce qu'elles rendent plus difficile une amélioration des rendements
des cultures cotonnières que l'on s'accorde à considérer comme
techniquement possible.
La baisse des prix des fibres synthétiques a été ininterrompue
— et très rapide — jusqu'en 1973. Cette tendance était le produit
de plusieurs facteurs : maintien du pétrole à un prix bas, gains de
productivité... En outre, une compétition aiguë entre firmes produc-
trices, due à l'existence de surcapacités de production, a souvent
conduit les producteurs à céder leurs excédents de fibres sur le mar-
ché international, ce qui a constitué une incitation non négligeable
au développement d'une industrie de transformation des fibres syn-
thétiques dans certains pays du Tiers-Monde. Depuis 1973, la ten-
dance à la baisse des prix nominaux s'est renversée à la suite de la
hausse du pétrole, de sorte que les évolutions de cours se rappro-
chent davantage de celles enregistrées pour le coton.
Sur le plan de l'organisation de la production, la pression de la
compétition est suffisamment forte pour inciter les différents opéra-
teurs occidentaux à chercher à lutter avec les mêmes armes que leurs
concurrents, c'est-à-dire à importer du Tiers-Monde ou y faire fabri-
quer, sous leur contrôle, tout ou partie des produits dont ils ont
besoin afin de conserver leur place dans la distribution.
Un autre phénomène important dans l'accélération du phénomène
de délocalisation est la propension des pays développés à privilégier
les exportations de machines-outils et d'usines clés en main. Le
phénomène exerce également un effet de levier important sur la
délocalisation des activités du textile.
Les spécialisations nationales des pays développés peuvent en
effet les conduire à mettre l'accent sur la filière textile prise dans
son ensemble, moyens de production compris. Ainsi, la République
fédérale d'Allemagne compense-t-elle partiellement son déficit dans
le textile et l'habillement — 1 milliard d'unités de compte — par un
excédent en matière de machines textiles ( --1- 1,35 milliard d'Ecus).
Dans ces conditions, l'Occident n'échappe pas au choc en retour
des surenchères nationales en matière d'exportations de biens d'équi-
pement, et cela d'autant plus qu'il prend souvent la forme de troc
dans le cadre d'accords de compensation.
--- 240 —

L'importance des investissements textiles dans le total des apports


des pays de l'O.C.D.E. aux pays en voie de développement est signi-
ficative à cet égard.
Mais ce qui risque de rendre encore moins maîtrisable ce phéno-
mène, c'est la remontée de la filière textile par les pays en voie de
développement à l'instar de ce qu'a fait le tapon.

3. La « remontée de la filière ».

Schématiquement, le processus est le suivant : dans une première


phase, le pays en voie de développement essaye de développer une
industrie de l'habillement et/ou du tissage et de la filature nationale
fondée sur les faibles coûts de la main-d'oeuvre en vue de la reconquête
du marché intérieur. Dans une seconde phase, s'il a réussi à éviter
que la protection initiale accordée aux producteurs nationaux ne nuise
à la compétitivité, le pays devient fournisseur ou sous-traitant de
donneurs d'ordres occidentaux. A ce stade, il n'est que faiblement
bénéficiaire en termes de balance commerciale, puisque s'il exporte
des vêtements, il est importateur de produits situés plus en amont
de la filière (tissus, filés, fils et fibres) et de machines textiles.
Il peut toutefois utiliser l'avantage aval pour fabriquer sur place
les demi-produits chimiques, notamment, nécessaires : ainsi, un pays
qui n'aurait jamais pu exporter directement des fibres chimiques
pourra devenir exportateur net de fibres sous formes diverses. Finale-
ment, le pays en voie de développement pourra se faire une place
sur un marché tenu par les producteurs des pays industriels, et
donc réduire leurs débouchés pour des productions dont l'intensité
capitalistique semblait les mettre à l'abri de toute concurrence des
pays en voie de développement.
Cependant, le passage d'une étape à l'autre suppose des marges
de compétitivité. En effet, un acheteur occidental ne commande des
vêtements dans un pays à bas salaire que si le prix C.A.F. (1) du
produit est inférieur de 20 à 30 % à celui du produit fabriqué dans
son propre pays.
Si l'on prend en compte les marges commerciales, les coûts de
transport et les droits de douane, le prix à la production des vête-
ments fabriqués par les pays à bas salaire doit être inférieur de
50 % au moins à celui des producteurs occidentaux.
Une telle marge s'explique donc non seulement par les frais
annexes à une production lointaine, mais aussi par la nécessité de
surmonter des obstacles commerciaux. L'un est d'ordre psychologi-
que : il s'agit de compenser les risques que l'acheteur occidental a

(1) Coût assurance fret.


— 241 —

le sentiment de prendre en commandant un produit loin de ses bases,


sans possibilité — rassurante — d'un contrôle des conditions de fa-
brication par un déplacement physique sur les lieux de fabrication.
L'autre est fondé sur la rigidité que cela peut entraîner en ce qui
concerne l'adaptation du produit aux goûts des consommateurs ou les
réapprovisionnements.
Ainsi, si la délocalisation semble résulter de causes apparem-
ment irrésistibles, parce que fondées sur des avantages irréfutables
en matière de coûts de production et de souplesse d'utilisation, elle
trouve peut-être ses limites dans la logique de la commercialisation
du produit où prime la rapidité d'adaptation à la demande, ce qui
donne un certain avantage aux producteurs locaux.
Dans ces conditions, si l'on prend en compte les mesures pro-
tectionnistes dont ils peuvent bénéficier, il est clair que certains
producteurs occidentaux peuvent conserver leur place.
De fait, l'examen détaillé des échanges mondiaux de produits
textiles pour les années récentes fait apparaître un coup d'arrêt à la
progression du Tiers-Monde qui, s'il ne doit pas s'interpréter comme
un renversement de tendance, montre cependant que rien n'est joué
et que peut-être la complémentarité Nord-Sud, qui semble résulter
de la montée en puissance de la production textile des pays du Tiers-
Monde, peut coexister avec une concurrence des circuits de produc-
tion.

B. — L'ENJEU DE LA DIVISION INTERNATIONALE DU


TRAVAIL : COMPLÉMENTARITÉ DES ÉCONOMIES OU
CONCURRENCE DES CIRCUITS DE PRODUCTION ?

Si, globalement, la tendance reste au recul de la part des pays


de l'O.C.D.E. dans le commerce mondial de produits textiles, les
données les plus récentes marquent un certain ralentissement du phé-
nomène.

1. Va-t-on vers une stabilisation de la structure des échanges ?

Ainsi, le taux de couverture des échanges de l'O.C.D.E. pour


l'ensemble des produits textiles et de l'habillement est passé de
90,4 % en 1975 à 84,9 % en 1978. Les informations disponibles
pour 1979 indiquent que ce taux devrait être de 83 % en 1979. Sur
quatre ans, la baisse du taux de couverture est donc supérieure à
7 points. Cela dit, l'évolution montre une certaine stabilisation puisque
dès 1976 ce taux était descendu à 84,9 %.
Sénat 282. — 16
— 242 —

La croissance forte, que l'on a déjà soulignée plus haut, des


importations de la zone O.C.D.E. entre 1975 et 1979 s'est accom-
pagnée d'une modification de la structure du commerce et d'une
évolution du taux de couverture, qui ne traduit plus l'accélération
du processus de spécialisation.
Ainsi, au niveau de la structure du commerce textile, telle que
la retrace le tableau ci-après, on constate une diminution de la part
des filés dans les importations de l'O.C.D.E. au profit des vêtements
mais ces derniers voient leur part augmenter dans les exportations
de la zone.

(1) + 13,9 % par an, soit 11,7 % pour les fibres textiles non transformées, + 19 %
pour les filés et les tissus et + 21,5 % pour les vétements.
Les croissances les plus sensibles affectent les achats de tissu, de coton, d'articles
façonnés en textile et de tapis.
— 243 —

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ÉVOLUTION DESECHANGESDESPAYS DE L'O.C.D.E.

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841- 1. Vêtements en textile non bonneterie
841-4. Vêtements et accessoires bonneterie
266. Fibres synthétiques et artificielles
26. Fibres tex tiles non transformées

u
Filés, tissus, articles façonnés

656. Articles façonnés textiles


Tissus autres que coton

657. Tapis, tapisseries, etc

u
26 + 65 + 84. Ensemble
Filés et fils textiles

.S
00
655. Textiles spéciaux

o
'C o

a 8
84. Vêtements

u
654. Mercerie
652. Tissus
263. Coton

N tri Hi
— 244 —

En revanche, comme le montre le tableau ci-dessous, les taux


de couverture continuent d'être très défavorables à l'O.C.D.E.

1975 1979
(esitotatba)

Fibres textiles non transformées 84,8 83,1


Filés et tissus 1165 104,4
Vêtements 62,1 55,2

Ensemble 84,8 83,1

La faible variation du taux de couverture pour les fibres résulte d'une compen-
sation : les échanges de la laine cardée et du coton s'améliorent alors que ceux concernant
les fibres synthétiques se détériorent fortement, notamment entre 1977 et 1978.
Pour les filés, tissus et articles façonnés, la diminution du taux de couverture est
assez régulière, mais pour chacun des principaux produits l'amplitude des variations est
faible.
S'agissant enfin des vêtements, le taux de couverture estimé pour 1979, soit 55,2 %,
est peu différent de celui de 1976 (56,5 %).

D'une façon générale, on constate une certaine stabilisation des


parts de chacune des grandes zones depuis 1978 dans le commerce
mondial, commerce intra C.E.E. exclu : les pays développés conser-
vent ainsi 45 % du total de ce commerce, soit 56 % de celui du
textile et 29 % de celui de l'habillement. Si les pays en voie de
développement améliorent leur part, c'est, dans le textile, au détri-
ment des pays de l'Est.
- 245 -

EXPORTATIONS DE TEXTILES ET DE VETEMENTS


MONDE ET CERTAINES RIMIONS, 1973-1979

1973 1976 1977 1978 1979

(milliards de dollars)

Monde (1) :
Textiles 16,10 21,10 23,60 27,70 32,90
Vêtements 8,60 14,30 16,50 19,80 23,70
Textiles et vêtements 24,70 35,40 40,10 47,50 56,60

(parts en pourcentage)

Pays développés (1) :


Textiles 61 59 58 56 56
Vêtements 33 28 30 29 29
Textiles et vêtements 51 46 47 45 45

Pays en voie de développement :


Textiles 29 32 32 33 34
Vêtements 50 58 55 56 56
Textiles et vêtements 36 42 42 43 43

Pays de l'Est :
Textiles 10 9 10 11 10
Vêtements 17 14 15 15 15
Textiles et vêtements 12 11 12 13 12

(1) Non compris les échanges Intracommunautalrea.

Sources : G.A.T.T., Statistiques concernant les textiles et les vêtements, première partie (COM. TEX/W/76) ;
Nations unies, « Bulletin mensuel de statistiques » et données sur bandes magnétiques ; statistiques
nationales.

La même observation peut être faite au sujet des parts de


marché à l'importation. Depuis 1978 la part de marché des pays
développés dans le commerce des pays développés signataires de
l'A.M.F. s'est maintenue à 24 %, et celle des pays en voie de
développement à 69 %.
L'analyse de l'accroissement des importations des pays signa-
taires confirme ces évolutions : les pays développés fournissent une
part accrue de l'augmentation de leurs propres importations pour
la période 1976-1979 par rapport à celle de 1973-1976 : 50 %
contre 43 % pour le textile, 25 % contre 16 % pour l'habillement.
De même, ces données montrent que, dans le cadre de cette
stabilisation de la pénétration des produits du Tiers-Monde, c'est
la part des pays signataires de l'A.M.F. qui a régressé au profit des
pays non signataires.
- 246 -

2. La contre-offensive des pays industrialisés.

Cette stabilisation traduit-elle l'amorce d'un retour en force des


pays industrialisés dans le commerce mondial des produits textiles ?
On ne peut sur des résultats aussi parcellaires annoncer un renver-
sement de tendance, toutefois les années récentes marquent à l'évi-
dence la contre-attaque, non de l'ensemble des pays occidentaux,
mais essentiellement de deux d'entre eux qui disposent chacun de
l'un des deux atouts stratégiques : la puissance et la souplesse. L'une
autorise l'allongement des séries, et donc la réduction des coûts uni-
taires, l'autre permet l'adaptation très rapide aux fluctuations du
marché.
Ces deux atouts suffisent-ils pour compenser durablement des
coûts de main-d'oeuvre relativement élevés ?
— 247 —

PART DES PAYS EN VOIE DE DÉVELOPPEMENT DANS LES IMPORTATIONS


TOTALES DE TEXTILES ET DE VÊTEMENTS DES PAYS DÉVELOPPES
SIGNATAIRES DE L'ACCORD MULTIFIBRES
Parts (En pourcentage.)
en %

56—

55 .. IMD

54 -
«MD

Ensemble des pays en voie


53 de développement.
52.. •••

51 .

50 .
MI/

49

48

39 «I>

3 8.. •••

37 —
Pays en voie de développement
signataires.
36 — MM.

33 _

34 «Mb

33

32 .

Autres pays en voie de


développement.

73 77 78
74 75 76 79 1. semestre année 80
- 248 -

ACCROISSEMENT DES IMPORTATIONS DES PAYS SIGNATAIRES DÉVELOPPES,


DE 1973 A 1976 ET DE 1976 A 1979
(Milliards de douars et pourcentage.)

1973-1976 1976-1979 1979


Valeur des
Importations
Accroissement Part Accroissement Part

Textiles :
Total 1,77 100 6,34 I 100 15,6
Pays développés (1) 0,76 43 3,15 50 8,4
Pays en voie de développement :
Signataires 0,64 36 1.54 24 3,7
Non signataires 0,24 14 1,15 18 2,5
Pays de l'Est :
Signataires 0,04 2 0,10 2 0,3
Non signataires 0,09 5 0,36 6 0,7

Vêtements :
Totà 4,77 100 7.64 100 18,5
Pays développés (1) 0,75 16 1,92 25 4,5
Pays en voie de développement :
Signataires 2,98 62 3,31 43 9,1
Non signataires 0,82 17 1,74 23 3,6
Pays de l'Est :
Signataires 0,16 0,28 4 0,7
Non signataires 0,07 0,34 4 0,5

(1) Non compris les échanges intracommtmautaires.

Source : G.A.T.T., Statistiques concernant les textiles et les vétements, première partie (COM. TEX/W/76).

On serait tenté de le croire s'il ne fallait également prendre en


compte certains avantages exceptionnels qui ont avantagé les deux
pays en question.
En effet, au-delà de l'étendue de leur marché intérieur et de
la puissance de leurs entreprises, les Etats-Unis ont incontestablement
bénéficié, un certain temps, de la baisse du dollar et d'un bas prix
de l'énergie. De l'autre côté, l'Italie ne fait pas seulement preuve de
souplesse et d'imagination dans la production textile, mais s'affran-
chit de certaines contraintes fiscales ou sociales qui pèsent sur ses
concurrents du Marché commun.
La réussite peut-être conjoncturelle de ces deux pays montre
que la division de la filière textile entre l'amont et l'aval, entre les
pays du Nord et ceux du Sud, n'est pas inévitable : les uns fabri-
quant des machines et des produits textiles synthétiques à haute
— 249 —

intensité capitalistique, les autres des vêtements ou de la bonneterie.


Cette complémentarité n'a pas encore supplanté la concurrence des
circuits : ainsi, certaines filières, lorsqu'elles sont pratiquées à grande
échelle, peuvent permettre aux entreprises les plus dynamiques des
pays occidentaux de faire face à la concurrence.
Ainsi, selon certaines informations, les Italiens auraient ravi
aux Chinois de Hong Kong la première place — commerce intra
C.E.E. inclus — pour les exportations d'habillement. De même, les
Allemands de l'Ouest ont, au prix d'investissements massifs, réussi
à bâtir l'outil de production en matière de fils et de tissus le plus
moderne du monde, sans pour autant cesser d'être les premiers
importateurs européens de filés.
ECHANGES TEXTILES (produits et machines) DES PAYS DE LA C.E.E.
(En millions d'U.C.)

B
A Textiles
habillement A+B A+B
Machines
(unités de compte) (en francs)
textiles
Exp. (I + Il) —
lm,. (I + Il)

France
...................................... 25,587 — 410,90 — 385,313 — 2246,374

I 1.347,210 — 2.892,40 — 1.545,190 — 9.008,457


talie
105,429 + 3.666,90 + 3.772,329 + 21.992,678
.......................................
5,496 — 1293,90 — 1.288,404 — 7.511,395
418111
• ...................... . . . . . . . . . . . .
eaef.Etse, .......
Luxembo urg .
... 72,833 + 264,10 + 336,933 + 1.964,319
14elent-Uni 125,910 — 993,00 — 867,090 — 5.055,134

On peut remarquer toutefois, à la lecture du tableau ci-joint,


qui tient compte des échanges de machines textiles, que la maîtrise
de l'amont industriel de la production textile ne suffit plus à la
R.F.A. pour conserver un solde positif malgré un niveau considérable
en machines textiles — 1,35 milliard d'unités de compte européennes
(1 U.C.E. =-- 5,80 F) — comparativement à ceux de ses partenaires
européens : France + 25,5 millions d'U.C.E. ; Italie + 105,4 ;
Pays-Bas + 5,5 ; U.E.B.L. + 72,8 ; Royaume-Uni + 125,9.
- 250 -

LES VINGT PREMIÈRES ENTREPRISES MONDIALES


DU TEXTILE ET DE L'HABILLEMENT

Chiffre d'affaires Résultats nets


(en milliards (en millions
de francs) de francs)

1. Courtaulds (G.-B.) 13,5 265


2. Burlington (E.-U.) 11,2 319
3. Kanebo (Japon) 9,5 67
4. Levi-Strauss (E.-U.) 8,8 802
5. Interco (E.-U.) 7,7 386
6. j.P. Stevens (E.-U.) 7,6 197
7. Toyobo (Japon) 7,5 80
8. Coats Patons (G.-B.) 6,1 281
9. Armstrong Cork (E.-U.) 5,6 277
10. D.M.C. (F.) 4,5 64
11. Blue Bell (E.- U.) 4,3 281
12. West Point-Pepperell 4.2 113
13. Unitika (Japon) 3,8 3
14. Mitsubishi Rayon (Japon) 3,7 11
15. Sunkyong (Corée) 3,5 55
16. Spring Mills (E.-U.) 3,4 147
17. Tootal 3,2 118
18. Gunze (Japon) 2,9 88
19. United Merchants (E.-U.) 2,9 109
20. La Lainière de Roubaix (F.) 2,9 32

Dans les vingt premières firmes mondiales de textiles, la France


ne classe que deux entreprises contre 3 pour la Grande-Bretagne,
nettement plus importantes par le chiffre d'affaires, 5 pour le Japon
et 9 pour les Etats-Unis.
Quant aux Américains, la baisse du dollar avait été l'occasion
d'une percée sur le marché international. Jusqu'à une date récente,
seules quelques firmes américaines comme Levistrauss ou Blue Bell
(Wrangler) s'étaient implantées à l'extérieur des Etats-Unis. Des
groupes comme Burlington, J.P. Stevens ou West Point Pepperell,
respectivement second, sixième et douzième groupes mondiaux du
textile qui représentent à eux trois un chiffre d'affaires de près de
3 fois ceux de D.M.C. et de La lainière de Roubais réunis, ne fai-
saient à l'exportation que 1,5 % à 5 % de leur activité.
En 1979, grâce à une augmentation de 45 % des exportations,
la balance commerciale textile des Etats-Unis est passée d'un déficit
de 700 millions de francs à un excédent de 3,4 millions de francs.
Un tel retournement pourrait être durable dans la mesure où les
Etats-Unis ne représentent que 7 % des exportations mondiales,
alors qu'ils détiennent le cinquième des capacités mondiales de pro-
duction. Compte tenu du bas prix relatif d'une partie de leur main-
- 251 -

d'oeuvre, le jean coûtait, avant la forte augmentation du dollar,


moins cher au Texas qu'à Hong Kong.
Ainsi, toutes les cartes ne sont pas encore distribuées dans la
nouvelle donne du textile mondial.
En définitive, on peut estimer que les difficultés que rencon-
trent les pays européens vont persister malgré l'élément modérateur
que constituent les accords d'autolimitation. Même si ces accords
se révèlent plus efficaces que les précédents, les pays du Tiers-
Monde vont maintenir leur pression sur les pays occidentaux.
Sur le plan quantitatif, celle-ci se fera sentir à la périphérie
du système à travers les pays non signataires des accords ou ceux qui
ont une industrie textile jeune pour lesquels les quotas sont des
freins à leur développement. En revanche, les vieux pays textiles
chercheront à développer la qualité de leurs produits, à la fois pour
valoriser des quotas en régression ou en stagnation, et pour mieux
résister eux-mêmes à la concurrence des pays à bas salaires. De fait,
Hong Kong ou la Corée du Sud abandonnent déjà certaines produc-
tions textiles de bas de gamme pour se porter soit sur le haut de
gamme soit sur d'autres secteurs en expansion incorporant une plus
grande part de valeur ajoutée tels l'électronique ou les composants.
Ces productions de bas de gamme sont actuellement reprises par des
pays comme le Sri Lanka et la Malaisie.
La pression des pays du Tiers-Monde va même s'accentuer par
la perte du contrôle des transferts d'équipements et de capitaux par
les pays industrialisés. L'avènement de la Corée du Sud comme ex-
portateur important de machines textiles, constituera un facteur sup-
plémentaire d'accroissement incontrôlé des capacités de production
et d'accentuation du déficit textile des pays européens, qui actuelle-
ment enregistrent encore des excédents confortables dans le domaine
des machines textiles.
Il demeure néanmoins peu probable que cette pression élimine
toute industrie du textile et de l'habillement dans les pays occiden-
taux. Les plus faibles, c'est-à-dire les plus mal organisés, vont dis-
paraître, pris comme en tenaille entre les nouveaux pays textiliers
fabriquant du bas de gamme. et les vieux pays textiles textiliers fabri-
quant du haut de gamme.
Cette double pression risque d'être rendue plus sensible encore
par suite du réveil de l'industrie américaine.
Ainsi, si elle ne réagit pas à temps, la France risque t elle, dans
- -

la guerre mondiale du textile, d'être prise entre deux feux, victime


à la fois de l'offensive généralisée des pays à bas salaires. et des
contre-attaques des pays développés les mieux placés.
- 252 -

III. — LES STRUCTURES

A. — LA PRODUCTION

I. Un appareil productif peu concentré.

Il s'agit pour l'essentiel d'une industrie de petites et moyennes


entreprises.
En effet le très rapide mouvement de concentration qu'a connu
l'industrie textile dans les années soixante s'est fortement ralenti
et le nombre d'entreprises s'est stabilisé aux environs de 2.600 de-
puis 1976 (contre 6.483 en 1963).
Ces entreprises employaient 330.000 personnes en 1980, dont
52 % de femmes Sur ce total, 95 % des entreprises employaient
moins de 500 personnes et 85 % moins de 200 personnes, 300 en-
treprises seulement comptaient plus de 200 personnes et 100 plus
de 500 personnes.
PART DES P.M.E. DANS LE SECTEUR (1)
(En pourcentage.)

Veules
Effectifs Investissements (2)
Don Mme

1977 1978 1977 1978 1977 1978

Total du secteur 60,3 62.3 50,1 53,1 49,7 51,7


dont sous-secteurs :
Fils et fibres artificiels et synthé-
tiques 1,9 2,2 2,0 2.0 0,6 0,7
Industrie textile 55,4 552 47,2 49,7 48,7 53,1
Industrie du coton, de la laine et
de la soierie 49,3 • 40,6 43,8
Bonneterie 62,1 I » 58,7 63,5
Autres activités textiles 68,3 » 60,5 55,6
Industrie de l'habillement 71,7 76,4 62,2 65.5 63,4 62,3
i
(I) P.M.E.: entre 10 et 499 personnes.
(2) Ne concerne en 1978 que les entreprises de 20 personnes ou plus.

Source : S.T.I.S.I. : Enquête annuelle d'entreprise (résultats 1978 provisoires).


— 253 —

Par ailleurs on constate que la concentration est moins avancée


en France que dans les grands pays industrialisés. Ainsi le pourcen-
tage de l'emploi dans les 10 plus grandes entreprises par rapport
à l'emploi total dans l'industrie textile est le suivant :
France 16 cY0
Allemagne 17 %
Grande-Bretagne 67 %
U.S.A. 24 %
Sources : O.C.D.E.

En outre ce morcellement s'accompagne d'une très faible inté-


gration : peu d'entreprises sont intégrées depuis la matière première
textile jusqu'à la distribution.
Mais bien qu'une forte proportion des entreprises soit de petite
et moyenne taille, le textile présente une grande diversité de situations
allant du holding de plus de 20.000 salariés à de petites unités de
fabrication à caractère familial.

Ainsi, en 1973, six principaux groupes représentaient plus d'un


quart du volume des ventes du textile :
— Rhône-Poulenc - Textiles ;
— Agache-caillot ;
— Dollfus-Mieg ;
— Prouvost-Masurel ;
— Devanlay-Receing ;
— Sommer-Allibert.

En 1980, près du quart des travailleurs du textile sont employés


par les 10 ou 12 premiers groupes de taille européenne ou même mon-
diale.

2. Des situations financières contrastées et une


faiblesse globale de l'autofinancement.

Le secteur regroupant un grand nombre d'entreprises aux carac-


téristiques fortement contrastées, les problèmes de financement varient
sensiblement d'une entreprise à l'autre suivant son domaine d'acti-
vité, sa taille ou son niveau d'intégration.

On peut cependant dégager quelques tendances générales. Ainsi


une étude statistique réalisée par le Crédit national à partir d'un
échantillon représentatif de 93 entreprises appartenant aux secteurs
du textile et de l'habillement permet de dégager les tendances sui-
vantes :
— 254 —

Mesurée par le chiffre d'affaires et par la valeur ajoutée (en


francs constants), l'activité sur la période 1972-1979 est caractéri-
sée par :
— une croissance soutenue jusqu'en 1974 (6 % par an en
volume) ;
— une forte régression en 1975 (— 15 %) ;
— une remontée heurtée jusqu'à atteindre en 1979 des niveaux
voisins de ceux de 1974.

Depuis 1972, les effectifs ont diminué de 6 % environ pour une


activité progressant globalement de quelque 15 % ; cet écart mesure
l'importance des gains de productivité.
En dépit de cette évolution, la rentabilité (1) après s'être effon-
drée de 1973 (7,5 % en moyenne) à 1975 (1,5 %) n'a guère dépassé
5 % depuis 1976. Même si les performances sont fort contrastées
suivant les entreprises, les évolutions restent assez similaires.
L'année 1979 marque un redressement sensible, sans doute
plus important pour les grandes entreprises ; les résultats de 1980
en revanche, quoique très variables d'une entreprise à l'autre, sont
globalement médiocres.
Le financement du cycle d'exploitation fait apparaître depuis
1974 une stabilisation à un niveau élevé de l'endettement bancaire
à court terme (environ deux mois et demi de chiffre d'affaires contre
deux mois en 1972).
En revanche, la dette à long et moyen terme, après avoir repré-
senté 33 % de la valeur ajoutée de 1975 à 1978, est revenue à 26
en 1979. L'exercice 1979 marque donc une rupture de comporte-
ment puisque cette nette décroissance de la dette s'accompagne
d'une stabilisation des fonds propres ; cela se traduit par une amé-
lioration de la structure du bilan : après s'être détérioré de 36 %
en 1972 à 72 % en 1978, le ratio « endettement à terme sur fonds
propres » est ainsi revenu à 66 % en 1979.
Cette évolution moyenne ne prétend pas rendre compte de la
diversité des situations : ainsi la dette bancaire totale (rapportée
au chiffre d'affaires) du quart des entreprises les plus endettées
dépasse trois fois celle du quart des entreprises les moins endettées.
Le ratio endettement à terme sur fonds propres était en 1978 supé-
rieur à 110 % pour un quart des entreprises de l'échantillon et
inférieur à 40 % pour un autre quart.
Le taux d'investissement a constamment décru sur la période :
le ratio « investissement sur chiffre d'affaires » est ainsi passé de

(1) Mesurée par le ratio marge brute d'autofinancement sur chiffre d'affaires.
- 255 -

4,8 % en 1973 à 2 % seulement en 1979. Pour la moitié des entre-


prises, ce taux est compris entre 1 % et 4,5 %. Cette évolution
recouvre des situations très différenciées : l'effort d'investissement
des entreprises qui investissent le plus est plus de trois fois supérieur
à celui des firmes qui investissent le moins.
La nouvelle baisse du taux d'investissement en 1979 ne paraît
pas contradictoire avec l'idée souvent exprimée d'un redémarrage de
l'investissement dans le textile, celui-ci ayant surtout concerné l'in-
dustrie des fils et fibres chimiques qui ne font pas partie de l'échan-
tillon retenu par le Crédit national pour son étude.
Le tableau des besoins et ressources ci-après montre, pour les
années 1972 à 1979, une réduction sensible des besoins, obtenue par
compression des deux postes les plus significatifs : investissements
et besoins en fonds de roulement. Ainsi, les besoins sont passés d'un
pourcentage annuel moyen de 37,3 % de la valeur ajoutée sur la
période 1972-1974 à 20,2 % au cours des années 1977 à 1979.
Quant à l'évolution des ressources, elle est marquée par une
réduction massive de la marge brute d'autofinancement qui est pas-
sée d'une moyenne annuelle de 17,7 % de la valeur ajoutée sur la
période 1972-1974 à 9,7 % seulement de 1977 à 1979.
-256--

EVOLUTION DU TABLEAU DES BESOINS ET RESSOURCES


(En pourcen age de la valeur ajoutée.)

1972 1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979

Besoins.

Investissements ou immobilisa-
tions 13,9 16,6 13,0 9,6 9,7 8,4 8,0 7,3
Autres valeurs immobilisées ... • 1,2 1,3 3,1 1,9 3,4 1,6 1,5 0,7
Remboursements d'emprunts
long et moyen terme 3,1 3,3 2,9 3,5 3,2 3,6 3,8 4,0
Distributions 1,2 1,8 1,7 1,0 0,7 0,9 1,0 0,9
Intéressement des salariés 0,4 0,8 0,7 0,4 0,3 0,3 0,3 0,2
Variation du besoin en fonds de
roulement 11,5 14,6 20,7 - 1,3 14,2 6,8 2,7 8,7

Total 31,3 38,4 42,1 15,1 31,5 21,6 17,3 21,8

Ressources.

Apports en capital 0,3 0,8 0,1 0,6 0,6 0,1 0,2


Ressources assimilables aux fonds
propres 0,4 0,8 1,3 1,0 0,2 1,1 1,4 0,2
Marge brute d'autofinancement 15,1 20,0 18,1 3,4 11,5 10,4 7,5 11,2
Cessions d'actifs 1,9 1,9 1,7 1,6 1,1 1,3 1,9 3,0
Subventions d'équipement 0,4 0,6 0,7 1,0 0,4 0,4 0,4 0,4
Nouveaux emprunts à long et
moyen terme 7,5 5,9 5,3 12,2 9,8 5,5 4,3 2,9
Variation des crédits à court
terme bancaire 5,7 8,4 14,9 - 4,7 7,9 2,8 1,8 3,9

Total 31,3 38,4 42,1 15,1 31,5 21,6 17,3 21,8

Ces deux mouvements ont permis une limitation du recours à


l'endettement, que ce soit à long et moyen terme (4,2 % (1) en
moyenne de 1977 à 1979 au lieu de 6,2 % de 1972 à 1974) ou à
court terme (2,8 % au lieu de 9,7 % pour les mêmes périodes).
L'endettement à terme mesuré en années de marge brute d'auto-
financement est passé de un an en 1974 à quatre ans en 1978. Ces
niveaux élevés ne permettaient guère un recours important à l'em-
prunt pour le financement des investissements.
L'exercice 1979 a heureusement apporté une amélioration sen-
sible puisque le ratio est revenu à 2,4 années grâce à la fois à la
réduction de l'endettement (- 4,3 %) et à la forte progression de
la marge brute d'autofinancement (+ 80 °A)), mais cette amélioration

(1) De la valeur ajoutée.


— 257 —

ne semble pas suffisante pour soutenir efficacement l'effort d'inves-


tissement.
En conclusion, il apparaît que, devant la chute de leurs ventes
en 1975 et la lenteur de la reprise, ainsi que la baisse de leurs résul-
tats, les entreprises du textile et de l'habillement ont réduit leurs
besoins globaux en agissant à la fois sur les investissements et sur
les besoins liés aux cycles d'exploitation.
L'exercice 1979 a vu, à défaut d'une croissance notable des
ventes, un net redressement des marges et de la situation financière,
mais pas encore d'effort d'investissement.
La concurrence étrangère et la régression du marché intérieur
ont entraîné pour bon nombre d'entreprises une nouvelle et sensible
chute de la rentabilité en 1980. Même dans l'hypothèse d'un redres-
sement de la conjoncture, la capacité d'autofinancement des entre-
prises devrait rester à un niveau modeste en 1981-1982.

3. Un effort d'investissement trop timide.

De 1973 à 1978 le niveau global des investissements a eu ten-


dance à se réduire.
Après une stagnation de 1970 à 1972, les investissements de la
branche « textile-habillement » ont diminué tous les ans jusqu'en
1978, la décroissance la plus forte étant enregistrée en 1974. Leur
chute a été de plus de 50 % entre 1970 et 1978.
Ainsi, l'industrie textile a investi 5 % de son chiffre d'affaires
en 1973 (soit 2 milliards de francs), 4 % en 1976 et 2,9 % en 1978
(soit 1,7 milliard de francs).
Toutefois, concernant la seule industrie de l'habillement, la
part de l'investissement dans le chiffre d'affaires a peu varié ces der-
nières années. En 1978 elle représentait 1,8 % de celui-ci, soit environ
450 millions de francs.

a) Par rapport aux autres branches de l'industrie.


Le niveau de l'investissement a été inférieur à celui des autres
branches de l'industrie, comme on peut le constater sur le graphique
ci-après.

Sénat 282. — 17
— 258 ---

ÉVOLUTION DES INVESTISSEMENTS PRODUCTIFS DE


L'INDUSTRIE PAR SECTEUR

Indices de volume
(base 100 en 1970)
180 Construction
électrique
et électronique
170

130

120

110

Industries agricoles
et alimentaires

Biens intermédiaires
Biens de consommation

Chimie, verre, caoutchouc

Textile, habillement 1
Première transformation
de l'acier
Sources : Bulletin du Crédit national.
- 259 -

Ainsi la branche « textile-habillement », qui réalisait en 1970


6,9 % de l'ensemble des investissements de l'industrie (hors industries
agricoles et alimentaires, énergie, bâtiment et travaux publics), n'en
représente plus que 3,2 % en 1978. En effet, pendant la période 1973-
1978, alors que les investissements diminuaient dans la branche
« textile-habillement », ils ont repris dès 1976 pour l'ensemble de l'in-
dustrie et retrouvé en 1978 leur niveau de 1971. Or l'évolution spéci-
fique des investissements du « textile-habillement » a un effort macro-
économique notable : le niveau des investissements industriels serait en
1978 de 4 % plus élevé si l'on en excluait le « textile-habillement ».
L'ensemble « textile-habillement » est le plus souvent une in-
dustrie capitalistique mesurée par le rapport entre la formation brute
de capital fixe et la valeur ajoutée comme en témoigne le niveau du
taux d'investissement. Ces dernières années ont été marquées dans
l'ensemble de l'industrie par une baisse de ce rapport. La baisse est
toutefois plus accentuée dans le « textile-habillement » ; le taux d'in-
vestissement ainsi apprécié y a diminué de moitié.

ÉVOLUTION DES INVESTISSEMENTS A PRIX CONSTANTS 1970

Taux de variation moyen annuel entre 1970 et 1978 :


- Textile-habillement - 8,4 %
- Ensemble de l'industrie + 0,8 %

Investissement Inv. T.H. Inv./V.A.


Investissement Inv./V.A.
textile- textile-
industrie Industrie
habillement Inv. Ind. habillement
1970 = 100 Pourcentage
1970 = 100 Pourcentage Pourcentage

1970 100,0 100,0 6,9 12,1 17,9


1971 95,3 105,2 6,3 10,9 17,7
1972 105,9 111,3 6,6 11,0 17,6
1973 92,2 113,4 5,6 9,9 16,7
1974 76,0 109,3 4,8 8,1 15,6
1975 62,2 95,9 4,5 7,0 14,1
1976 56,4 112,5 3,5 6,3 15,4
1977 52,4 105,7 3,4 5,9 14,0
1978 49,6 106,4 3,2 5,8 13,8

Source : Comptabilité nationale.

Le ratio F.B.C.F./capital, autre indicateur de l'effort d'équipe-


ment, diminue de manière assez comparable au ratio précédent, dans
l'industrie (10,4 % en 1970, 7,2 % en 1978) et dans le « textile-
habillement » (7 % en 1970, 3,1 % en 1978). En revanche, à l'in-
verse de ce qui se passe dans la quasi-totalité des autres branches
industrielles, la croissance du capital fixe est arrêtée dans le « textile-
habillement ».
- 260 -

Une étude plus détaillée réalisée à partir de l'enquête annuelle


d'entreprise (E.A.E.) du ministère de l'Industrie permet de préciser
ces conclusions. Il apparaît que :
— à l'intérieur du textile, les taux d'investissement sont en
moyenne plus forts dans les activités situées en amont (préparation
et filature) que dans les activités situées en aval (bonneterie, tissage) :
- 261 -

TAUX D'INVESTISSEMENT PAR RAPPORT AUX VENTES

(En pourcentage.)
et.............

N 600 Intitulés 1972 1976 1977

4302 9,0 7,8 2,8


Fibres discontinues et fils continus synthétiques
4410 Laine préparée 3,9 2,0 1,6
4412 5,1 6,1 4,1
Fils à coudre
4413 Filés et fils de lin et de chanvre 3,6 4,7 1,8
4414 4,5 4,6 3,4
Filés de coton
4415 5,2 5,8 2,9
Filés de laine cardée
441 6 Filés de laine peignée 5,8 2,6 2,9
4417 Filés et fils textures et moulinés de soie et de textiles artificiels
6,7 2,8 2,8
et synthétiques
4418 8,0 6,0 4,0
Teintures et apprêts
441 5,7 3,7 2,9
Fils et filés
4420 3,7 5,2 2,0
Etoffes à mailles
4421 3,4 2,3
Chandails, pull-overs, polos en bonneterie 4,0
4422 1,8 1,8
Autres vêtements de dessus en bonneterie
4423 2,6 2,6
Sous-vêtements en bonneterie
4424 4,0 2,2 2,0
Articles chaussants en bonneterie
4425 3,1 1,3
Autres articles de bonneterie
442 4,0 3,0 2,2
Bonneterie
4430 Ouvrages tissés des industries cotonnières et linières 1,8 6,0 3,2
4431 4,4 3,8 3,4
Ouvrages tissés de l'industrie lainière
4432 4,3 2,4 2,3
Ouvrages tissés de l'industrie de la soierie
4433 3,5 2,4 4,1
Produits de l'industrie du jute
4434 3,4 3,2 3,1
Tapis
4435 7,5 4,0 2,6
Feutres
4436 6,9 3,7 4,7
Etoffes non tissées ni tricotées
4437 4,2 3,4 2,2
Produits de l'enduction
4438 4,1 6,1 4,8
Produits textiles élastiques
4439 Produits de la ficellerie-corderie, filets 4,2 3,4 2,2
4440 7,3 6,3
Produits de la ouaterie 3,9
4442 2,7 2,2
Rubans, tresses, passementeries et articles textiles divers
4441 2,0 2,4 2,0
Dentelles, tulle, broderies et guipures
443 3,3 4,3 3,1
Tissage et ouvrages en tissus
Textile 5,3 3,9 2,9
Ensemble du textile
4701 3,5 2,1 1,7
4702 Vêtements masculins
Vêtements féminins 2,7 1,9 1,4
4703 2,0
Vêtements pour enfants 1,9
4704 2,1 1,2
Habillement sur mesure 2,1
4705 1,8
Chemiserie, lingerie 2,5 1,7
4706
Vêtements en matières plastiques 3,7 0,9 0,8
470
Corsets, gaines, soutiens-gorge 1,9 1,4 0,9
4708
Chapellerie 2,6 1,7 2,2
4709
Accessoires divers de l'habillement 5,5 3,6 3,1
4%
Pelleteries et fourrures 1,2 1,8 2,5

Habillement 2,9 2,0 1,7

« Textile habillement »
-
4,5 3,2 2,5
— 262 —

— les activités dont la situation relative est la meilleure (celles


dont le marché intérieur progresse et où la pénétration des importa-
tions n'est pas trop forte) ont des taux d'investissements assez élevés
et qui semblent se maintenir en 1976-1977 à un niveau comparable
à celui de 1972. Pour les autres activités, il semble difficile de trou-
ver des corrélations entre la variation des investissements et la nature
du marché principal des entreprises.

b) Par rapport à nos partenaires européens.

La France a pris du retard en matière d'investissement sur ses


principaux concurrents européens au cours de cette dernière période :
le montant annuel moyen des investissements français, allemands,
italiens et britanniques, mesuré en millions d'unités de compte euro-
péennes, s'établit ainsi :

France Royaume Unl


- R.F.A. ttaue

Textile.
Unités de compte 334 394 466 565
Indice 100 117 140 170

Habillement.
Unités de compte 59 65 116 48
Indice 100 110 196 80

De même, la comparaison des indices du montant cumulé des


investissements sur la période 1973-1978 donne les résultats suivants :
— Italie : 138 ;
— République fédérale d'Allemagne : 134 ;
— Grande-Bretagne : 105 ;
— France : 100.

Ce tableau ne tient pas compte des bons résultats de 1979 pour


l'investissement en France. En effet un net redressement est intervenu
en 1979 dans la situation financière du textile, et une forte reprise
des investissements a été enregistrée.
1980 a été marquée par une nouvelle détérioration de la renta-
bilité ; la capacité d'autofinancement des entreprises devrait donc
rester à un niveau modeste en 1981-1982, ce qui ne favorisera pas
l'investissement.
- 263 -

4. Une restructuration industrielle et une modernisation inachevées.

Globalement, il apparaît que, depuis 1970, une mutation impor-


tante est intervenue progressivement, mais que l'industrie française
reste encore insuffisamment compétitive.
Dans certaines branches, le processus de restructuration est
intervenu beaucoup plus vite et beaucoup plus profondément, et des
entreprises très performantes se sont développées, mais en nombre
très réduit.
• Une restructuration importante a eu lieu dans le textile, sur-
tout dans certaines branches : le nombre d'entreprises a diminué
d'un quart de 1973 à 1979 ; dans l'habillement, la restructuration
a été moins nette puisqu'il subsiste environ 3.100 entreprises contre
4.500 en 1973.
Le secteur reste en large partie composé de petites et moyennes
entreprises.

Textile Habillement

Nombre total d'entreprises 2.570 3.100

+ 200 personnes 300 entreprises 230 entreprises

Dont + de 500 personnes 100 entreprises 60 entreprises

Part du chiffre d'affaires des + de 200 56 % 48 %

Dans le chiffre d'affaires des + de 500 39 % 24 %

• L'analyse par branche montre des évolutions beaucoup plus


contrastées.

La mutation la plus importante est sans doute celle qui est en


cours dans les textiles artificiels et synthétiques. Elle se traduit par :
— une spécialisation accentuée sur certains produits ;
— des progrès considérables de productivité ;
— l'intégration de la production dans le secteur de la textu-
ration.

L'industrie lainière s'est profondément restructurée surtout dans


la laine peignée (peignage, filature, tissage) où le processus de
restructuration est presque achevé autour des grandes entreprises
compétitives ; quelques entreprises importantes connaissent néan-
moins des difficultés ; le plan RENOFIL s'est efforcé, grâce à l'aide
des pouvoirs publics, d'assainir la situation de la filature. Dans le
- 264 -

cycle cardé, où les entreprises françaises doivent faire face essentiel-


lement à la concurrence italienne, le processus est beaucoup moins
avancé. L'industrie française reste, à quelques exceptions près, très
fragile.
L'industrie cotonnière a été profondément remaniée et des
entreprises très performantes se sont constituées. Malgré les impor-
tants efforts de modernisation engagés avec le Plan coton, le tissage
éprouve de grandes difficultés face à la concurrence américaine.
Quant à l'équipement des filatures en matériel moderne, il varie de
façon considérable d'une entreprise à l'autre.
Le tissage de soierie conserve, pour sa part, une dispersion
excessive et sa modernisation doit être accélérée pour lui permettre
d'acquérir la dernière génération de matériel.
L'ennoblissement est l'industrie qui fait le plus appel à la
technologie ; tous les efforts de la profession se sont portés vers
une amélioration continue de la productivité qui a été doublée
depuis 1959 : c'est une industrie de haute technicité qui investit en
moyenne 8 à 10 % de son chiffre d'affaires chaque année en
matériel ; cette course à l'équipement est indispensable pour ce
secteur et des efforts de restructuration restent à faire pour main-
tenir un haut niveau technologique.
Les industries de la maille sont devenues très capitalistiques
au niveau de la fabrication des étoffes, bien que la France ait
pris du retard sur ses concurrents européens.
Au niveau de la confection, des progrès restent à faire pour
que cette industrie reste compétitive sur les produits banalisés
face aux pays à bas salaires.

• Au total, des mutations très importantes semblent encore


nécessaires et apparaissent comme inévitables : même si des entre-
prises particulièrement dynamiques sont apparues au cours des
dernières années, elles restent encore trop peu nombreuses. Il sub-
siste de nombreuses petites et moyennes entreprises sans stratégie
à long terme, très vulnérables, et ayant souvent des problèmes de
gestion.

• Les progrès de l'automatisation sont importants mais ne modi-


fient pas encore substantiellement les conditions de concurrence,
sauf pour les articles produits en très grandes séries. Or, dans l'en-
semble, les séries sont trop courtes pour atteindre une efficacité
optimale. Ainsi, une étude réalisée par le Boston Consulting Group
fait apparaître le retard français sur ce point : s'agissant de la pro-
duction annuelle de vêtements féminins, lorsque le premier alle-
mand produit 5 millions de pièces, l'italien en produit 2,5 millions
et le français 500.000 pièces seulement.
- 265 -

La production en grandes séries est rendue difficile par la


faible intégration qui existe dans notre industrie textile ; rares sont
en effet les entreprises qui sont intégrées de la matière première
textile à la distribution ; dans la plupart des cas, la matière passe
par trois entreprises au moins.

Enfin, la comparaison avec nos concurrents italien et allemand


fait apparaître la vétusté de notre parc de matériel :

Pourcentage du parc de métiers à tisser supérieur à dix ans


d'âge :
— Italie : 51 % ;
— R.F.A. : 56 % ;
— France : 66 %.

B. — LA DISTRIBUTION

La compétitivité d'un secteur est, à bien des égards, une affaire


d'ordre intérieur. D'abord parce qu'elle repose sur de bons produits
et des technologies efficaces mais également parce que le marché
intérieur doit fonctionner de façon suffisamment dynamique pour
stimuler la productivité des entreprises nationales et leur servir de
base dans la conquête des marchés étrangers. Inversement, un système
de distribution inadapté peut non seulement encourager l'importation
mais encore gêner l'instauration d'un climat de concurrence effi-
cace. Sur ce plan, le fonctionnement de l'appareil de distribution
français ne paraît pas, au moins en ce qui concerne les produits de
l'habillement, favoriser le rééquilibre de notre balance commerciale.
Si le secteur de la distribution est en général mal connu, cela
tient à la diversité et au nombre des opérateurs ainsi qu'à la multi-
plicité des circuits. Le caractère fragmentaire des données dont on
dispose, ne prête guère à la généralisation de l'analyse. Sous cette
réserve importante, il ressort assez nettement que, dans l'ensemble,
notre appareil de commercialisation semble moins efficace que celui
de nos partenaires européens.
C'est ce qui résulte de l'étude déjà ancienne menée par l'Office
statistique des Communautés européennes en octobre 1975 sur les
prix à la consommation dans les neuf capitales des pays membres
du Marché commun de l'époque.
- 266 ----

1. Des prix à la consommation plus élevés que chez nos


partenaires européens.
COMPARAISON DES PRIX ENTRE PARIS ET HUIT CAPITALES EUROPÉENNES
(Octobre 1975.)
•-■••

Luxem- copte°
Amsterdam Bruxelles Londres Dublin
bourg 100
100 FI 100 Fb
100 Ftx
100 uk 100
FF FF FF =
= FF

Taux de change octobre 1975 0,650 165,97 11,32 11,32 906,44 906,44 73,21

Prix textiles parisiens


Prix textiles étrangers

Prix relatifs des produits textiles par rapport 121 152 119 112 114 151 146 106
aux prix relatifs à l'étranger ç 1 19
120 117 109 i 104 98 115 109

Prix produits français/tous produits étrangers I 101 130 110 i 107 116 131 133 80
I

Source : Office statistique des Communautés européennes.

D'après cette enquête, qui ne permet pas de distinguer les ar-


ticles d'habillement de ceux des chaussures, les prix étaient plus éle-
vés à Paris que dans toutes les autres capitales européennes, à l'ex-
ception de Luxembourg pour les prix relatifs.
Ces résultats paraissent significatifs. Ils ne tiennent pas compte,
cependant, ni des charges sociales ni des charges fiscales ou celle de
la charge foncière qui peuvent influencer ce résultat.
Par exemple, dans le cas de l'Allemagne qui peut être consi-
dérée comme une référence dans l'efficacité du système de distribu-
tion, on constate que le prix des articles d'habillement et des chaus-
sures était, en moyenne, 21 % plus élevé à Paris qu'à Bonn : un
consommateur de Bonn qui serait venu faire ses achats à Paris en
octobre 1975 aurait payé, après conversion de ses marks en francs
au taux de change de l'époque, 21 % plus cher. Les habitants de
Rome, de Londres et de Dublin les auraient payés une fois et demie
plus cher, soit respectivement 52 51 % et 46 %.
Pour éliminer certaines caractéristiques structurelles telles les
charges foncières, la fiscalité ou les cotisations sociales, on peut ne
considérer que les prix relatifs du textile et de l'habillement par rap-
port à ceux de l'ensemble du panier du consommateur européen : les
écarts sont plus faibles mais sauf pour la Belgique et le Luxembourg,
ils se situent entre 10 et 20 %.
Cela dit, il ressort des informations qui ont pu être communi-
quées à la Commission d'enquête que, si la distribution des produits
textiles et de l'habillement est un secteur particulièrement dynamique
- 267 -

du point de vue des créations d'emplois et d'entreprises, il se carac-


térisait par une certaine atomisation préjudiciable au dynamisme de
notre industrie et par des marges relativement élevées. Enfin, la
Commission d'enquête s'est préoccupée de savoir si certaines catégo-
ries de circuits de distribution ou d'opérateurs favorisaient plus que
d'autres le recours à l'importation.

2. Un secteur d'une grande vitalité...

Le secteur du commerce a témoigné pendant la crise d'une vita-


lité remarquable. Globalement, alors qu'en 1973 et 1974 le solde
des créations et des disparitions d'établissements commerciaux avait
été négatif — 1.460 et — 24.408, il est devenu positif : + 3.719 en
1975, + 6.726 en 1976, 12.286 en 1977, + 14.856 en 1978 et
17.730 en 1979.
Dans cette évolution très favorable les professions du textile et
de l'habillement ont fait dans l'ensemble preuve d'un dynamisme tout
particulier comme en témoigne le tableau ci-joint qui retrace l'évolu-
tion depuis 1976 du solde des créations et des cessations de commerce.
SOLDES DES CRÉATIONS D'ÉTABLISSEMENTS
DANS LE COMMERCE DU TEXTILE ET DE L'HABILLEMENT

Nombre d'établissements

Fin 1975 1976 1977 1978 1979

Détail.
Mercerie-bonneterie 8.288 — 93 ' — 121 — 209 — 381

Tissus à usage vestimentaire 4.552 — 221 — 110 — 102 — 121

Chemiserie-lingerie 17.786 + 43 — 8 + 36 + 25

Vêtement 51.112 + 3.681 + 2.946 + 2.668 + 2.692

Rappel solde pour les détaillants séden-


taires n.d. + 1.946 + 2.720 + 3.232 + 4.139

Gros.
Mercerie-bonneterie n.d. + 15 + 20 + 20 + 23

Tissus à usage vestimentaire n.d. 8 + 15 + 18 + 29

Chemiserie-lingerie n.d. 2 — 3 + 21 + 22

Vêtement n.d. + 254 + 298 + 440 + 463

On remarque la place du commerce du vêtement. Il est à la fois


le plus important en valeur et le plus dynamique en rythme de crois-
sance aussi bien pour le commerce de gros que pour le commerce de
détail.
— 268 —

En revanche, les secteurs de la mercerie, bonneterie et des tissus


sont en régression au stade des stocks de détail. Leur développement
au stade du commerce de gros traduit très probablement le phéno-
mène de la croissance des importations, les maisons d'import-export
n'étant pas distinguées dans ces statistiques établies par l'Association
française de recherche et d'études statistiques commerciales (A.F.R.
E.S.C.O.).
Le commerce de la chemiserie-lingerie connaît une évolution
plus incertaine mais qui finit par être positive en 1978 et 1979 aussi
bien pour les établissements de gros que de détail.
L'évolution du commerce de détail de vêtements doit être souli-
gnée : de 51.112 établissements — notion distincte de celle de points
de vente — en 1976 elle est passée en 1979 à 60.408, soit une aug-
mentation de 9,296 unités équivalant à une croissance moyenne pro-
che de 5 % sur quatre ans.
Cet accroissement constitue la source majeure de développe-
ment du commerce sédentaire hors succursaliste : en 1978 sa part
dans le solde global est cependant passée à 82 % du total puis en
1979 à 65 %, ce qui reste considérable.
Les données permettant une analyse de même type pour le com-
merce de gros ne sont pas disponibles. De même on n'a pu obtenir
le montant absolu des cessations de créations de commerce. L'évolu-
tion du nombre des faillites (textile et cuir confondus) est donnée
par le tableau ci-joint.

Nombre de défaillances d'entreprises dans le commerce du


textile et du cuir :
1968 : 429 ; 1969 : 448 ; 1970 : 604 ; 1971 : 657 ; 1972: 536 ;
1973: 542 ; 1974 : 675 ; 1975 : 705 ; 1976 : 629 ; 1977 : 708 ;
1978 : 783 ; 1979 : 843.

3. ... mais très dispersé.

Par rapport à ceux de la République fédérale allemande et du


Royaume-Uni, l'appareil de distribution français se caractérise
par l'existence d'un nombre très important de points de
vente : 79.000 points de vente sédentaires d'articles textiles et d'habil-
lement, dont 77.500 sont des détaillants spécialisés. Ceux-ci font
plus de la moitié du chiffre d'affaires des produits textiles et de
l'habillement.
Comme l'indique le tableau ci-dessous on constate cependant
une nette progression de la grande distribution qui représente plus
du quart du chiffre d'affaires total. Selon d'autres sources, cette
forme de distribution représenterait 32 9lo de l'ensemble du commerce
- 269 -

textile : le circuit alimentaire longtemps en progression se stabiliserait.


Il viendrait en tête avec 12 % devant la vente par correspondance,
dont l'activité plafonnerait aux alentours de 10 %, le grand commerce
concentré régressant pour se situer aux alentours de 10 %.
Selon les deux sources, la part du commerce traditionnel repré-
senterait 60 % des ventes textiles. Le pourcentage est à comparer
avec la situation de l'Angleterre où il suffit d'entrer en contact avec
91 services d'achats pour toucher 60 % de la distribution d'articles
textiles. La part du commerce concentré dans le commerce textile
serait encore plus élevée en République fédérale d'Allemagne (63 %)
et aux Etats-Unis (79 %).

RÉPARTITION DES VENTES PAR CIRCUIT DE DISTRIBUTION


(En pourcentage.)

1975 1976 1977 1978 1979

Grand commerce concentré 11,7 10,6 10,6 10,4 10,2


Magasins spécialisés 60,8 61,4 59,9 59,2 59,7
Super et hypermarchés 5,8 6,0 7,0 7,2 7,7
Alimentation traditionnelle 0,9 0,8 0,7 0,8 0,4
Vente par catalogue 7,0 7,5 7,5 7,2 7,9
Marchés et foires 7,0 6,9 6,0 6,3 7,1
Autres 6,8 6,8 7,9 8,5 6,8

Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

En fait, la part respective des différentes formes de commerce


dépend de la nature du produit. Des tableaux ci-après il ressort que :
• La part de la grande distribution est particulièrement impor-
tante dans le sous-vêtement. Le circuit alimentaire supermarchés
et hypermarchés assure le tiers des ventes de sous-vêtements garçonnets
et plus de 30 % des ventes de sous-vêtements fillettes. En revanche,
les circuits traditionnels conservent un net avantage pour les adultes :
ils distribuent respectivement 31 % et 36 % des sous-vêtements
hommes et dames, contre 20 % pour les deux catégories.
• Le secteur traditionnel conserve une position largement domi-
nante pour les vêtements de dessus : entre la moitié et les deux tiers
du marché : 45 % des vêtements garçonnets et fillettes, contre près
de 20 % pour les hypermarchés et supermarchés ; 63,4 % et
66,8 % pour les vêtements hommes et dames contre 8,7 % et
4,5 % pour les grandes surfaces.

Cependant, malgré leur nombre, le poids des spécialistes apparaît


limité par rapport à celui des grands distributeurs.
- 270 -

A ce sujet la Commission d'enquête peut faire deux remarques.


D'une part, elle peut faire état des préoccupations du rapport de
la Commission industrie du VIII` Plan : selon celle-ci, malgré son
caractère extrêmement dispersé, la distribution a réussi à reporter
progressivement la prise de risque vers l'amont (c'est-à-dire vers les
producteurs) qui, une fois de plus, deviendront les banquiers de la
distribution.

- 271 -

ÉVOLUTION DE LA RÉPARTITION DES VENTES


DE PRODUITS TEXTILES ET D'HABILLEMENT
SELON LE CIRCUIT DE DISTRIBUTION (1974/1979)

Sou•vêtements garçons (2 à 14 ans). Vêtements de dessus garçons (2 à 14 ans).


35
"a Circuit alim. 50
31,9 47,8
30 .•••• 303 29,3 47,8'
•••■,.,.
46s3 45,8
N 28 9 •■•,. S'Imbu mue _Spécialistes
45 45,8
28,7 ,1
28,7 " ••■aSpécialistes 44,3
27,1
25,4
20 - 19,3
23,4 18,6
17,3 Circuit alim.
20
20,8 15,2
15 14,4
13,7
12,2 - 13,8
1 ,s _1 1..11,4 4 11,6 11,5
' 11,2 11,2 109 Foires et marchés
10 • u$ ••• 10,8
--•10,7 '•.... V.P.C.
9,4 9,7 9
10,6 .0- -....9 __
... • . Mag. pop. 10 9,89,2 8,8 /,V•P'C'
8,6 7,5 7,9
-. 7-3 7,r
8,6- 7'8,-- 7'6 Marchés et 7 7 7 ;!
3
7-,r"... --- 6, -7. foires .. • ..
7,1 .. 6 -:
• 6 9- - •-• Grands mag.
"Grands mag. 6,5 ••••-- ••*• 6,7 •
6,7 5 6,4
3,9 3,8 3,7 5,4 5,7 6 \mag. ivers
D
4,4 Divers - 5 4,9


1974 1975 1976 1977 1978 1979 1974 1975 1976 1977 1978 1979

Lingerie fillettes (2 à 14 ans). Vêtements de dessus fillettes (2 11 14 ans).


96
50 49,2 48,8
31
ellés 30,2 46,7
29,1 29,6 29,6 48,6
-"•• 28,3 •••••• 47,4
Circuit alim. "1/4 ■
45 •∎ Spécialistes
27 27,3
44,6
\24,9
Spécialistes 20
Circuit alim.
17,3
18,9
21,1 16
19 6
' 15
1 13,1 13,1 13,2
12,2
11,1 1,7 12,2 12,5 lm V.P.C. Marchés, foires
1.13 • - 11,9
1008 •e
•••... 12• 10,3.* •
10,2 .10,9 ••,..
• 11 Mag. pop. - 10,7 9,3 ...... 2(..12__
9.2 8,8LV.P.C.
g 10,8 10 e-- ,9
8.:2."---..........82
-_,Marchés, foires 9,9 ..:.à
8,7 _Je ••••""--... ;: --e•••■••., ,,"ner....
. ..67.---• 7,5 Grands mag.
3
8,7 - "" 8,7 Grands mag. 6 4 re=-*
••••■ 9,6 7,4 • ... -*
6, ' - .. 6 7
.:1'4 '' - 6:31:.-
6 : ---:.,,
• 6 4 . \ .Mag.. pop„
5 - 5,5 5,5
4,3 4,7 Divers 4,3
4,5 4
3,3
Divers

1974 1975 1976 1974 1975 1976 1977 1978 1979


1977 1978 1979
- 272 -

EVOLUTION DE LA REPARTITION DES VENTES


DE PRODUITS TEXTILES ET D'HABILLEMENT
SELON LE CIRCUIT DE DISTRIBUTION (1974/1979)

Lingerie féminine. Sous•vétements masculins.

35
35 33,9
iE
34 32,1
4., 37,3 3)
38,7 36,6 Spécialistes
"••••••• 37,9
37 Spécialistes 30 30.9
35

21,1 Circuit eut.


19.3 19,8 18,9
192 20 —
20
Circuit 17.6
17,4 17.7
15.8 15,7
- 16,6 15
Grands mag. V.P.C.
15 15
132 13,8 15,1
- 13.6 13 12,6 13 12,9 / 14,7
12.5 12,2 12.1
- - -• V.P.C.
- ««- 'Grands mag.
10.7 11 10,4 I 0.6 12.2 132126-7 - 9
11,3
10
8 ,5
IO ■•-•••
Marchés et foires
: 89 10 -• 8.76 ...... • ..... ;,9 9,4
92 9,6 .
92 ' - • Mag. PoP•
4..... 68 8,2 85 • • 49 Mag. Pop'
- 7,4 -.. -...-. - -41-. _ __....... 5 .9 ....., Marchés 6,
- 6.8 6,5 --- -4-- .-- 65 et foires
5 .31-■___......_____._____,--....„.„..„....
c7 5
4,1 4 ,9 9Divers
4.4 4.2 Divers 4 4S 3,
3,9
3,5
Mme

• 1

1979 1974 19755 1976 1


1977 1
1978
I
1979
1974 1975 1976 1977 1978

Vêtements de dessus femmes (15 ans et +). Vêtements de dessus hommes (15 ans et +)•
96 Qh
65 -- 642
65

,-
67,6
.........
i.....,_
67 63,7
- -._632

63
632
• -.
Spécialistes

63,4
,-
66 __. ......"'"
.,..„ _...- -......- .-- ......... ..-- -rSpécialistes
65,8
L
,_. 66,5 66,5

..•••••

fco
V.P.C.
10 ■•■■• 10
8.3 82 8.5 / Marchés
82 7.9
7 8 '2 1 ; Marche et
-
8,3 et foires
6.4 8 6,6 - .. 6.8
62
Grands mag.
4,9 5,7 .:VDivers
75 5,5
5 52 Divers 5
. pop.
- 3,4 ero■r 3.4 33 42 4.3 -
Circuit alim.
.. .2\
-• • ....
•..... 2.6 1.6 • ...... • ..... „I
25 2.4 2.2 Mag'
2,6 2,1 1.9 1.9 • • Mag. Pop. 2.3 2
a
1975 1976 1977 1978 1979 1974 1975 1976 1977 1978 1979
1974

(Source : L.SA. n• 779)


— 273 —

Dans le cadre des travaux conduits à l'initiative du Commissariat


général au Plan sur le crédit commercial inter-entreprises, l'I.N.S.E.E.
a mesuré que le poste « crédit-client » représentait 32 % en moyenne
du total de l'actif du bilan des entreprises textiles et de l'habillement.
La durée moyenne de ces crédits s'élève à soixante-cinq jours. Son
volume a augmenté de 40 % entre 1970 et 1975.
Le crédit commercial inter entreprises, mesuré comme le solde
-

des crédits accordés aux clients du textile et de l'habillement et de


ceux consentis par leurs fournisseurs, représente 6 % du total de
l'actif du bilan des entreprises textiles et de l'habillement, 11 %
de leur valeur ajoutée, soit environ 300 millions de francs.
Compte tenu du loyer de l'argent actuellement en vigueur,
les frais financiers supportés par la filière industrielle et induits par
le crédit inter-entreprises représentent, en moyenne et en ordre de
grandeur, près de 0,7 % du chiffre d'affaires des industries du tex-
tile et de l'habillement. A côté des frais financiers, les entreprises
du textile supportent également le risque d'insolvabilité des clients.
Il n'y a pas de solution simple dans une matière où les faits ont
montré que les textes législatifs ou les circulaires ne suffisaient pas
à modifier les pratiques et les traditions commerciales.
Toutefois, la Commission d'enquête tient à souligner que des
compromis tout à fait efficaces peuvent être trouvés entre les grands
distributeurs et les petites ou moyennes entreprises : telle grande
enseigne qui avec plus de 2,2 milliards de francs de ventes textiles
(12 % de son chiffre d'affaires total) occupe probablement la troi-
sième place dans la distribution française, conclut des engagements
à moyen terme pour les produits qu'elle distribue sous sa marque en
se contentant de revoir les prix chaque année.
La proportion de 12 % du chiffre d'affaires apparaît d'ailleurs
comme la proportion moyenne consacrée par les grandes surfaces
aux produits textiles — celle ci pouvant atteindre 15 % pour cer-
-

taines surfaces. Ce taux n'est plus que de 5 % pour certaines grandes


chaînes de supermarchés dont les points de vente n'incluent que quel-
ques rares articles textiles, en général chaussettes, collants et sur-
vêtements.

Sénat 282. — 18
- 274 -

EVOLUTION DE LA RÉPARTITION DES VENTES DE 1974 A 1979


SELON LE CIRCUIT DE DISTRIBUTION

Linge de maison et divers.

36,4
34,9 34,3 ea Spécialistes
oh.„,
...„,...... .......... -......... .... .0" .
33,5 33,3 33,6

24,3
23,7
V.P.C.

20,8 22,3
21

12,5 12,8
12,4 12,7 12,3 Circ. alim.

11,5 10,8
■1
.... ..11,6- e -. ..._......- ------.. '7 Divers
9,1 ,7 \ 1 82
›,...--*-8,7 , 8,1 ...- -8 6.. "e _oe. Grands mag.
8,3 8.4 -•-- - - -1e- - --- ■.:.:8,1
7,9 7,7 7,7 7,1 \
Marchés et foires

474r--.77---.4,1 35 Mag. pop.


31

1974 1975 1976 1977 1978 1979

Dominé par deux géants de la distribution textile, le secteur


de la vente par correspondance réalise avec sept sociétés 5 milliards
de francs de chiffre d'affaires dans le secteur.
A l'exception de trois d'entre elles qui y consacrent la totalité
de leur activité, ces entreprises font l'essentiel de leur chiffre d'af-
faires dans le textile : La Redoute : 66,4 %, soit 2,4 milliards de
francs de chiffre d'affaires, Les Trois Suisses (73 %, soit 1,75 mil-
liard de francs), Quelle (78,9 %, soit 0,61 milliard), Coop (55 %,
soit 0,55 milliard de francs), Neckermann (80 %, soit 152 millions
de francs) et Damart (88 %, soit 289 millions de francs).
Dans l'ensemble du secteur, les articles textiles représentent
les ventes les plus importantes avec 42,13 % du chiffre d'affaires
global devant l'habillement (29,24 %), le linge de maison (7,6 %),
le tissu au mètre et le voilage (2,5 %) et le fil à tricoter (2,3 %).
Le secteur de la vente par correspondance est en tête des cir-
cuits pour les produits suivants : les couettes (34 % du marché), le
— 275 —

linge d'office (32 %), les fils à tricoter (25 %), le linge de lit
(26 %) ou de toilette (25 %).
En définitive, cette dichotomie entre grande distribution et ma-
gasins spécialisés correspond assez largement à la distinction entre
articles de masse et produits de marque.
Sans doute n'y a t il pas étanchéité absolue entre les deux cir-
- -

cuits, mais force est de constater que notamment dans le domaine


du vêtement « sport » certaines grandes marques de jeans, de che-
mises polos ou de survêtements universellement connues sont in-
trouvables en grandes surfaces, si ce n'est encore par des sous-
marques. Les arguments des fabricants sont bien connus. Les rabais
dont leurs produits feraient l'objet détourneraient les consommateurs
de leurs circuits traditionnels. Les articles de marque vendus dans
les supermarchés seraient compromis par l'absence du conseil du
spécialiste. De fait, en ce qui concerne les jeans, on se demande ce
que deviendraient les magasins spécialisés où le consommateur re-
trouve actuellement l'ambiance décontractée associée au produit et
que l'hyperspécialisation rend particulièrement vulnérable.
On remarque toutefois que la plupart des opérateurs commer-
ciaux et notamment certains commerçants pratiquant des marges
réduites, victimes de refus de vente, ne veulent pas porter plainte
contre leurs fournisseurs. Ils préfèrent négocier, dans un premier
temps, la livraison d'articles revêtus d'une sous marque en espérant
-

obtenir progressivement la marque nationale du producteur.


Dans ces conditions il y a peu de plaintes formelles déposées
auprès de l'administration pouvant se traduire par une prise en
compte statistique. Ainsi, en 1979, le nombre de plaintes a été de
trente qui, après intervention du service de la Direction de la concur-
rence, ont donné lieu à huit avertissements et quatre procès-verbaux.

4. Incidence de la distribution sur la formation des prix -


le problème du financement des stocks.

A cette recherche de la grande série qui caractérise la politique


des grandes surfaces, il convient d'opposer le processus complexe
de formation des prix propre au secteur traditionnel de la distribution.
Celui-ci a fait l'objet d'une étude approfondie de MM. Boss et
Boudon (1) dont la Commission d'enquête se propose de rappeler
les grandes lignes.
La filière textile a pour caractéristique principale la longueur
de son processus de fabrication et de distribution. Aussi la profession
doit-elle faire face à un problème de stock tout à fait spécifique

(1) Dans une étude à laquelle il a déjà été fait référence.


- 276 -

il représente un volume important puisqu'il résulte de l'accumulation


de tous les stocks intermédiaires (filateurs, tisseurs, confectionneurs,
grossistes, détaillants) ; il est à haut risque, car la durée de vie des
produits est courte, même pour les plus bruts d'entre eux.
Les difficultés actuelles résultent fondamentalement de la
conjonction de deux phénomènes : en aval, l'accès des ménages,
malgré la crise, à un revenu discrétionnaire où l'acte d'achat relève
plus de l'impulsion que du besoin ; en amont, l'évolution techno-
logique qui, accroissant le capital fixe, allonge les séries nécessaires
à leur amortissement. Aussi en amont du vêtement ou du tissu fini
existent de larges possibilités de substitution mais, au contraire, le
produit fini crée un risque de stock insupportable et que chacun
essaye de transférer sur le contractant.
Peut-être doit-on penser que le secteur de la distribution souffre
d'une certaine insuffisance de la concurrence. Telle est l'opinion de
la Direction générale de la concurrence et de la consommation qui
souligne que la spécificité des produits (produits peu substituables,
importance de la mode) et la mauvaise qualité de l'information
dont dispose le consommateur, l'empêchent de faire des choix dans
des conditions de clarté efficace.
Pour certains sous-secteurs, en l'absence de certificats de quali-
fication, seuls les produits de marque peuvent faire l'objet de compa-
raisons de prix : or, les marques sont peu développées, surtout pour
les produits — stratégiques — du milieu de gamme. De plus, comme
on l'a indiqué plus haut, la position dominante de la distribution
a conduit à un transfert de la charge des stocks vers l'amont. Sur
ce plan, l'essentiel n'est pas l'accroissement du crédit fournisseur
mais la pratique à la portée des petits détaillants spécialistes du
réapprovisionnement rapide souvent à la semaine. Les conséquences
de ce phénomène ont essentiellement été, selon les auteurs de l'étude :
- 277 -

RYTHME ANNUEL MOYEN DE HAUSSE DE PRIX


(En pourcentage.)

janvier 1970 Octobre 1973 janvier 1973 Décembre 1978


à octobre 1973 à Janvier 1973 à décembre 1978 à décembre 1980

31 V
êtements de dessus : hommes et jeunes gens 5,8 14,8 8,6 9,1
32
33 : femmes et jeunes filles 3,6 17,7 9,1 8,6
: enfants 4,8 10,7 9,6 9,0
31 + 32 + 33 Vêtements de dessus 5,2 13,4 9,0 8,8
34 L .
35 ingerle, bonneterie : hommes et jeunes gens 5,8 17,4 8,9 12,9
36 : femmes et jeunes filles 3,5 14,4 9,1 13,0
: enfants 5,4 16,6 9,7 11,5
34 + 35 + 36 Lingerie, bonneterie 4,7 19,9 9,2 12,6
37 V 5,9 17,3
3g êtements de travail et de sport 8,8 10,6
Accessoires de vêtement 5,4 15,9 9,6 11,7
il, 34 + 3 5 + 36 + 37 + 38 Autres vêtements et accessoires 5,0 16,1 9,2 12,3
fils, mercerie 6,4 16,7 6,8 11,5
41 Llge
an de maison, textiles d'ameublement
'inge 5,4 23,2 7,1 11,3
31 à 38, 40, 41 Textiles 5,3 15,7 8,7 10,6
39 Articles 7,7 15,9 11,2 12,7
chaussants
Nubillement et articles textiles 5,6 15,8 9,2 11,3
414 d'ensemble de la consommation 6,4 14,3 9,4 12,7

- le calendrier traditionnel, qui obligeait les détaillants à


passer leurs commandes six mois à l'avance, n'est plus que partiel-
lement respecté et concerne soit les articles classiques, soit les
articles de grandes marques. En d'autres termes, les détaillants limi-
tent leurs stocks à des produits présentant le risque le moins élevé ;
- une filière parallèle ou spécifique s'est développée. Elle est
constituée par des grossistes fabricants et est connue dans la pro-
fession sous le nom de Sentier (confection féminine) ou Marais
(confection masculine). Sa vocation est uniquement le réapprovi-
sionnement. Son développement s'est opéré au détriment des confec-
tionneurs industriels pendant la période où ceux-ci ne pratiquaient
pas le réassortiment. Cette période étant révolue, il y a désormais
juxtaposition de deux organisations de confection ;
- la nécessité de fabriquer rapidement des articles finis a
conféré une importance croissante aux détenteurs de stocks de tissus
finis (tisseurs, converteurs, grossistes). C'est à ce niveau que sont pris
les principaux risques de la filière ;
- 278 -

PRIX RELATIFS (PAR RAPPORT A L'ENSEMBLE) EN POURCENTAGE PAR AN


(En Poureelleet

Janvier 1970 Octobre 1973 Janvier 1975 bre 011Décor


à octobre 1973 à Janvier 1975 à décembre 1978 à décerebn 11 "

31 Vêtements de dessus : hommes et jeunes gens - 0,6 0,4 - 0,7 - 3,2


32 - : femmes et jeunes filles I - 2,6 3,0 - 0,3 - 3,6
33 - : enfants - 1,5 - 3,1 0,2 - 3,3
31 + 32 + 33 Vêtements de dessus - 1,1 -- 0,8 - 0,4 - 3,5
34 Lingerie, bonneterie : hommes et jeunes gens - 0.6 2,7 - 0,5 0,2
35 - : femmes et jeunes filles - 2,7 0,1 - 0,3 0,3
{ - 1,1
36 - : enfants - 0,9 2,0 0,3
34 + 35 + 36 Lingerie, bonneterie - 1,6 1,4 - 0,2 - 0,1
37 Vêtements de travail et de sport - 0,5 2,6 - 0,5 - 1,9
38 Accessoires de vêtement - 0,9 1,4 0,2 - 0,9
34 + 35 + 36 + 37 + 38 Autres vêtements et accessoires' - 1,3 1,6 - 0,2 - 0,4
40 Tissus, fils, mercerie 0,0 2,1 - 2,4 _ 1,1
41 Linge de maison, textiles d'ameublement - 0,9 7,8 - 2,1 - 1,2
31 à 38, 40, 41 Textiles - 1.0 1,2 0,6 - 1,9
33 Articles chaussants 1,2 1,4 1,6 0,0
Habillement et articles textiles - 0,8 1,3 - 0,2 - 1,5

- en amont de la filière, la fabrication de l'écru (fil et tissu)


se trouve placée en position de « dominé » et ce d'autant plus que
dans leur majeure partie les produits sont banalisés et soumis à la
pression de la concurrence internationale. A ce niveau, la tendance
à moyen terme est à un stock « écru » surabondant.

Ce transfert de risque vers l'amont aurait dû être accompagné


d'une stabilisation des prix des produits textiles au stade du détail.
Or l'évolution de l'indice des 295 postes de l'I.N.S.E.E. si elle traduit
un tassement des prix relatifs des produits du textile et de l'habil-
lement révèle encore des augmentations non négligeables : ces prix
ont augmenté de 8,6 % par an entre janvier 1975 et décembre 1978
contre 9,4 % pour l'indice général des prix : la baisse des prix
relatifs est faible - 0,2 % par an.
Depuis décembre 1978, la hausse relative s'accélère avec 1,6
par an, soit une hausse moyenne de 11,3 % par an, contre 12,7 %
pour l'indice général.
De fait, les marges de vente se sont maintenues aux niveaux
anciens c'est-à-dire autour d'un multiplicateur (toutes taxes com-
prises) de : 1,7 à 2,2 pour la confection, 1,7 à 2,0 pour la bonneterie.
Cette marge brute, plus importante que dans les autres secteurs
commerciaux à l'origine, était considérée comme nécessaire à la fois
pour couvrir des coûts de structure, soit 25 ou 30 % du chiffre
d'affaires, et les coûts de stock - risque et immobilisations -
estimés à 25 % du total.
- 279 -

Finalement la répartition par stade de la filière du coût des


articles, résumée par le tableau suivant, traduit bien cette situation :
— Prix consommation T.T C 100 %
— T.V A 17,60 %
— Distribution 33 à 40 %
— Confection 22 à 25
— Filature - tissage 15 %
— Matière première 2,40 %

En définitive, la stagnation de la demande et l'afflux d'impor-


tations à bas prix n'ont guère pesé sur l'évolution des prix relatifs
des produits textiles. Cela tient sans doute aux caractéristiques de
la demande, mais également à un certain manque de concurrence,
comme en témoigne l'importance des moyens de distribution.
L'insensibilité relative du consommateur au prix permet aux
détaillants de maintenir un niveau de prix élevé : l'enquête précitée
a en effet montré que tout se passe comme si la distribution dans
son ensemble avait adopté une démarche de type « marketing »
consistant à estimer le prix que les consommateurs sont disposés à
payer pour un article déterminé : celui-ci apparaît donc largement
indépendant des coûts de revient. Ainsi, l'existence de marges élevées
constitue d'abord une incitation au développement des importations
mais aussi à l'augmentation des coûts unitaires, par suite de l'alour-
dissement structurel des frais de distribution : publicité, aménage-
ment des lieux de vente et multiplication des petites séries.

De fait, la répartition des coûts entre stades de la filière est


plus avantageuse encore pour les intermédiaires pris dans leur
ensemble, lorsqu'il s'agit de produits importés. Un bon exemple
donné par l'étude et repris dans la revue de la Direction générale
de la concurrence et de la consommation, est celui des tee-shirts
indiens vendus de 55 à 50 cents et qui revenaient, début 1977, à
3,20 F à leur importateur français, frais de transport et de droits
de douane inclus. Par la suite on observait les prix suivants :
— Prix d'entrée H.T. 3,20 F
— Prix de vente de l'importateur H.T. . 4,00 F (25 %)
— Prix de vente du grossiste H.T. . . . 5,00 F (25 %)
— Prix de vente du distributeur T.T.C. . 10,00 F à 11,00 F
(Multiplicateur : de 2 à 2,2.)

Des Indes à Paris, les prix ont presque quintuplé.


Il apparaît toutefois que, plus la valeur unitaire de départ du
produit est élevée, moins cette multiplication devient réaliste face
à la concurrence nationale ou européenne : les mécanismes arithmé-
tiques de l'importation favorisent donc surtout les produits de bas
de gamme et dont les prix de revient ne sont bien entendu possibles
- 280 -

qu'en raison du coût très faible de la main-d'oeuvre dans les pays


du Tiers-Monde.
Ces données expliquent sans doute aussi les écarts considérables
relevés par l'équipe d'H.E.C., entre les prix de différents magasins
de l'agglomération parisienne au premier trimestre 1978 comme le
montre le tableau ci-joint.
DISPERSION DES PRIX DE L'HABILLEMENT AU STADE DU MAIL
(Premier trimestre 1978.)
PRIX MOYEN DU QUARTIER / PRIX MOYEN TOTAL

Pull Chemise Pantalon Chemisier Tailleur


fean Jupe
shetland homme homme femme femme

Prix moyen total (échantillon) 118 F 128 F 119 F 184 F 155 F 253 F 582 F

Champs-Elysées 3,4• » 2,2 » 1,5 1,3 1,8


Rue du Four s » » 1,6 1,4 »
Rue de Sèvres 1,2 » » » 1,1 1,4 »
Rue de Rennes 0,88 » 0,89 1,3 1,2 »
Centre Vélizy 2 0,91 1,1 1,1 1,1 1,2 1,0 1,1
Chaussée-d'Antin 0,86 » » » 0,86 1,0 »
Boulevard Haussmann 0,94 0,93 1,0 1,1 » 0,67 0,54
Boulevard Barbès 0,78 1,0 0,77 0,88 » » »
Clichy 0,80 1,1 1,0 0,88 0,55 0,78 0,89
Rue de Rivoli » » 0,94 1,0 0,66 0,67 0,78
Porte de Clignancourt 1,0 1,1 0,78 0,96 0,85 0,74 0,60
Boulevard Rochechouart 0,33 0,63 0,30 0,53 » 0,33 »

• Le chiffre parait fort.


Les écarts s'entendent à qualité technique égale de produits, indépendamment des conditions d'achat
elles-mémes (commodité, conseil, service, etc.).

N.B. - Certains de ces écarts ont paru un peu élevés pour pouvoir étre généralisés sans réserves.
- 281 -

IV. — LES HANDICAPS FACE A LA


CONCURRENCE ÉTRANGÈRE

A. — LE PROBLÈME DES CHARGES LIÉES A LA


MAIN-D'ŒUVRE

Ces charges doivent être appréciées en rappelant d'abord que


le textile comme l'habillement sont des activités représentatives des
industries dites de main-d'oeuvre ; à ce titre elles doivent affronter
la concurrence anormale des pays à bas salaires, pays en voie de
développement dépourvus de protection sociale et pays à commerce
d'Etat, dont les prix de vente apparaissent sans rapport direct avec les
prix de revient. Ces deux secteurs doivent également concurrencer
la production des nations industrialisées dont le niveau de rémunéra-
tion et l'ampleur du système de protection sociale ne sont pas sans
lien avec le nôtre.

Après avoir rappelé les critiques portées au système d'assiette


des charges sociales en France et relevé ses conséquences pour les
industries de main-d'oeuvre, il faudra analyser le coût réel de cette
main-d'oeuvre en France, puis le comparer à celui de nos voisins et
de nos concurrents géographiquement et socialement plus lointains.
II faudra également examiner dans quelles conditions les équipe-
ments des industries concernées pourraient être utilisés de manière
plus efficace dans le respect des principes de la protection sociale
des salariés français.

1. Les charges sociales des industries de main-d'oeuvre : une assiette


critiquée mais des solutions de remplacement difficiles à définir
et à mettre en oeuvre.

L'actuelle assiette des charges sociales suscite depuis longtemps


de vives critiques : assises sur les salaires, les charges sociales, notam-
ment dans les industries de main-d'oeuvre, nuiraient à la compétitivité
de l'économie française par le coût excessif du travail qui en résulte-
rait.
Une réforme de cette assiette permettrait aux entreprises de
choisir un processus de production faisant davantage appel au travail
et ainsi serait de nature à améliorer la situation de l'emploi ; elle ten-
drait en outre à rétablir l'équilibre des charges entre les industries de
— 282 —

main-d'oeuvre trop fortement pénalisées par rapport aux industries plus


capitalistiques (pétrole, informatique...) et à alléger les charges des
artisans et des petits entrepreneurs. Ces réflexions ont suscité la publi-
cation de plusieurs rapports (Boutbien et Calvez au Conseil écono-
mique et social, Granger) ; pour sa part, le Commissariat général au
Plan, à la demande du Premier ministre, en avril 1977, a tenté de
clarifier les conséquences économiques d'une réforme de l'assiette
des charges sociales.
Dans les mesures envisagées, il était prévu de retenir une nou-
velle répartition des charges entre les entreprises par diminution du
taux des cotisations prélevées sur les salaires qui serait compensée
par une nouvelle cotisation assise sur la valeur ajoutée : cette mesure
serait particulièrement bénéfique pour le textile caractérisé par une
faible valeur ajoutée par salarié, à la différence de secteurs comme la
mécanique, l'automobile ou la sidérurgie.
En outre, était envisagé de transférer au budget de l'Etat l'équi-
valent des charges sociales acquittées par les entreprises au titre des
allocations familiales ; cette charge aurait été financée par un accrois-
sement de l'impôt sur le revenu.
Les simulations effectuées à l'aide du modèle D.M.S. (1) de
l'I.N.S.E.E. dans les conditions sus-énoncées aboutissaient à une
création à moyen terme d'environ 180.000 emplois et à favoriser
les secteurs de main-d'oeuvre, dont le textile et l'habillement, où,
par définition, les frais de personnel dans la valeur ajoutée sont
élevés et le niveau moyen des salaires est bas ; en revanche, l'effet
de cette réforme de l'assiette sur la compétitivité des entreprises
apparaissait peu profond et celle-ci se serait traduite par un transfert
réel de la charge des entreprises aux ménages.
— Les critiques portées à l'encontre de cette réforme en dénon-
çaient principalement le malthusianisme, tendant notamment à pri-
vilégier le facteur travail au détriment du capital et donc, à terme,
à réduire la compétitivité de nos industries sur le plan international ;
ses effets auraient été en outre très différents selon les secteurs à forte
ou à faible productivité et selon la taille des entreprises.
Le caractère macro économique de cette étude n'a donc peut-
-

être pas permis d'examiner les conséquences économiques de cette


modification de l'assiette des charges sur tous les secteurs écono-
miques.

(1) Dynamique multi sectoriel.


- 283 -

2. Tentative d'appréciation du coût réel de la


main-d'oeuvre en France.

Celui-ci est considéré depuis plusieurs années par les repré-


sentants de la profession comme trop élevé et s'opposerait à l'em-
bauche de salariés supplémentaires, voire constituerait un obstacle
à la compétitivité de certains secteurs.
Cette analyse doit être nuancée et le coût de la main-d'œuvre
doit être décomposé entre les salaires proprement dits, les cotisa-
tions de sécurité sociale et les autres charges.

a) Les salaires dans le textile et l'habillement : un niveau moyen


globalement inférieur à ceux des autres secteurs d'activité.

Ces salaires s'établissent à un niveau inférieur à la moyenne de


ceux des autres activités pour les catégories correspondantes, cette
différence étant la plus accusée pour celle des ouvriers.
(En francs.)

Ouvriers
Adents Ensemble
—I Employés de merise, Cadres
des salariés
Gains techniciens
Gains
horaires mensuels

In„.
,"trie textile (non compris fibres artificielles
8 Yn thétiques) 17,92 3.120 3.760 5.080 10.450
. 3.670

Neustrie de l'habillement (non compris fourrures


16,56 2.880 3.520 4.650 9.760 3.300

48ernble des activités 21.26 3.790 3.870 5.730 10.000 4360

444 Enquéte sur l'activité et les conditions d'emploi de la main-d'oeuvre (avril 1980).

En outre, les salaires pratiqués dans l'habillement sont assez


largement inférieurs à ceux du textile. Enfin, l'appréciation du ni-
veau des salaires de ces deux secteurs doit être nuancée par le fait
que la structure de qualification de leurs salariés est assez différente
de celles de nombreuses activités (pourcentage d'ouvriers très élevé)
et que la durée du travail dans le textile et l'habillement (40,2 heures
en avril 1980) est inférieure à celle pratiquée dans l'ensemble des
activités (40,8 heures).
— 284 —

b) Comparaisons internationales.

Contrairement à beaucoup d'idées reçues, les coûts de la main-


d'oeuvre situent, selon des statistiques européennes (1) qu'il faudra
nuancer, la France dans une position moyenne si on la compare à
celle des pays industrialisés.
On constate d'abord, en France comme dans les pays consi-
dérés, que le poids des charges sociales dans les coûts de main-
d'oeuvre des industries du textile et de l'habillement sont très proches
de ceux observés dans l'ensemble des industries manufacturières ; il
n'y a donc pas, dans ce domaine, de spécificité du textile et de l'habil-
lement (2).

Grande-
Textile Italie Pa78-Bas Belgique lemde
Bretagne

Rapports charges sociales


43,6 57,6 69,2 61,9 54,7 26,1 25,0
Coût salarial
— charges sociales

Même rapport pour l'ensemble des industries 21,2


manufacturières 47,2 58,3 70,8 62,6 55,2 30,5 27,9

Sources : Enquête de l'Office statistique des Communautés européennes sur les coûts
de main d'oeuvre dans les industries en 1975 (publié en 1977). Les tableaux ci-dessus
-

et ci-après sont tirés de cette enquête.


Calcul théorique des charges sociales entrant dans le coût d'une heure de travail (en
pourcentage du salaire) :
— assurances sociales (vieillesse, maladie) 21,65
— accidents du travail 2
— allocations familiales 9
— allocation logement 0,10
— congés payés 8,6
— jours fériés 3,9
— taxe d'apprentissage 0,6
— participation à la construction 1,01
— versement transport (région parisienne) 2,5
— retraite complémentaire 2,9
— A.S.S.E.D.I.0 3,4
— formation continue 1,2
En ajoutant les diverses cotisations non recensées ci-dessus, la Chambre syndicale de
Paris du prêt-à-porter féminin détermine un pourcentage de charges oscillant entre 64
et 67 % d'un salaire inférieur au plafond de la Sécurité sociale dans une entreprise
employant 30 ouvrières payées 15,50 F de l'heure.
- 285 -

Par ailleurs, le coût global de la main-d'oeuvre constitué des sa-


laires directs et des charges sociales est, en France, assez nettement
inférieur à celui de nos partenaires principaux de la C.E.E., en par-
ticulier ceux de la R.F.A. et des pays du Benelux. Les quatre premiers
pays fournisseurs de la France en produits textiles ont tous un coût
de main-d'oeuvre nettement supérieur qui se décompose comme suit :
(En pourcentage.)

Italie Pays-Bas Belgique Grande- Irlande Danemark


AlICMajDO France Bretagne

aires
I.C.8 directs + capitaux -1- primes 69,46 62,42 58,58 61,65 64,63 80,62 79,79 84,4
lages en nature 0,17 1,02 0,55 0,15 0,02 0,05 0,20 0,2
)8ts et subventions » » » » 1,3 » »
»
targes sociales 30,36 3653 40,89 38,22 35,35 20,67 20,02 15,4

100 100 100 100 100 100 100


Total 100
-....,
....

Notons que les charges sociales figurant dans ce tableau com-


prennent les rémunérations pour jours non ouvrés, les charges de
sécurité sociale légales ou conventionnelles, les dépenses à caractère
social et la formation professionnelle.
Une étude plus large de l'organisation patronale textile de la
R.F.A. ventile le coût de la main-d'œuvre ouvrière dans le textile
en juillet 1979 entre salaires directs et charges sociales pour les six
principaux Etats de la C.E.E., les Etats-Unis, le japon et Hong
Kong :

Italie Belgique Pays-Bas Grande- U.S.A. japon Hcn


ALIC11114110 France Bretagne Hong

Salaires
17,57 27,83 28,85 15,51 19,05 14,15 3,55
Base 1 24 ;cts en francs français 25,92 16,87
chsreu: eri France 154 100 104 165 171 92 113 84 21

i s ala res directs


iales en pourcentage des
74,4 % 41 % 42,3 % 27,7 % 31 % 25,4 % 42,3 %
% 61,6 %
de nain-d'ceuvre
r en francs 39,24 41,06 19,81 24,96 17,75
100 e 37,08 27,26 30,64 5,3
Esse 144 151 73 92
1 France 136 100 112 65 19
- 286 -

Cette étude confirme les données européennes rappelées plus


haut : si les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et les deux pays du
Sud-Est asiatique ont pour l'industrie textile des charges de main-
d'oeuvre inférieures à celles de la France, celle-ci se situe à un niveau
inférieur à celui de la R.F.A., la Belgique, l'Italie et les Pays-Bas.
A cet égard, si les salaires directs français sont largement infé-
rieurs aux salaires américains, les charges sociales y sont près de
deux fois supérieures.

3. Les distorsions de concurrence.

Cependant, cette comparaison des coûts de main-d'œuvre entre


pays industrialisés doit être nuancée du fait des pratiques observées
dans certains Etats, pratiques qui n'apparaissent pas dans les sta-
tistiques.

— Concernant les Etats-Unis, on observe dans une partie du


secteur du textile une part importante de l'emploi occupé par des
travailleurs qui sont dans une situation dont la régularité n'est sans
doute pas évidente.
Ce recours à une main-d'oeuvre étrangère bénéficiant d'avan-
tages sociaux inférieurs, combiné à une mécanisation et une politique
d'investissements particulièrement développés dans certains secteurs
(coton et textiles artificiels et synthétiques notamment) et à un bas prix
de l'énergie, expliquent pour une large part les coûts de main-d'oeuvre
plus réduits de l'industrie textile américaine.

— Concernant l'Europe, certaines indications statistiques doi-


vent être nuancées pour certains Etats membres de la C.E.E. :
• Si l'on retient la base 100 comme coût de main-d'oeuvre en
France, le Royaume-Uni ne se situe qu'à 73 ; ce coût inférieur
s'explique principalement par la budgétisation du système de pro-
tection sociale dans le Royaume-Uni (alors que les charges sociales
représentent en France 61,6 % des salaires directs, celles-ci ne cons-
tituent que 27,7 % dans le Royaume-Uni).

• Le cas de l'Italie :

— Le problème des coûts de main-d'oeuvre en Italie : l'institu-


tionnalisation du « lavoro nero ».
Toutes les statistiques indiquent que le coût de la main-
d'oeuvre, dans le textile, est supérieur à celui enregistré en France.
Si les salaires y sont pratiquement voisins, les charges sociales y
— 287 —

apparaissent sensiblement supérieures aux charges de l'industrie


textile française (1).
L'examen de la situation italienne à cet égard n'est pas sans
intérêt dans la mesure où l'Italie est le premier fournisseur étran-
ger du marché textile français en assurant 23 % de l'ensemble des
importations et en vendant à la France deux fois plus de textiles
qu'elle ne lui en achète. Indépendamment du problème des détour-
nements de trafic, les chiffres relatifs aux coûts de main-d'œuvre
italiens apparaissent faussés par la pratique du travail noir qui y
est devenu quasiment institutionnel.

— L'importance du travail noir pour l'économie italienne.

D'après le professeur Luigi Frey, spécialiste des problèmes


sociaux, le « lavoro nero » représenterait pour l'économie italienne
20 % du revenu national et permettrait à l'Italie de maintenir sa
compétitivité mais aussi de supporter le chômage et les bas salaires.
Le centre d'étude des investissements sociaux en Italie fait état, dans
un rapport, de 7 millions d'Italiens travaillant « au noir » soit près
du tiers de la population active officiellement déclarée. Aucune
réaction significative ne semble s'être manifestée en Italie dans ce
domaine.
Pour les dix premiers mois de 1979, les importations totales
de l'Italie ont atteint 9.000 milliards de lires et les exportations de
chaussures, valises, tricots et vêtements ont représenté 8.100 milliards
de lires pour la même période. Les exportations italiennes couvrent
donc une part considérable du déficit commercial italien, mais il
faut noter que 30 % des 8.100 milliards d'exportations proviennent
de zones à « lavoro nero », de petites entreprises artisanales ou sous-
traitantes qui organisent elles-mêmes leurs circuits de vente à
l'étranger (2).

— Le textile et l'habillement : des secteurs privilégiés du


« lavoro nero ».

Ce boom de l'économie « immergée » concerne principalement


le textile et a bouleversé les structures économiques et sociales ita-
liennes, notamment dans des provinces comme l'Emilie ou la
Toscane : à Prato, 8.650 petites entreprises sur 9.605 font appel au
travail noir.

---- ---- ----

(1) Afin de réduire ces charges, le gouvernement italien a décidé, en juillet 1980,
outre les aides importantes qui sont accordées aux investissements, d'exonérer les industries
de main-d'œuvre d'une proportion importante de leurs charges sociales : celles-ci seraient
réduites de 10,5 points pour les hommes et de 14 points pour les femmes.

(2) Sources : Intersocial, n° 61, juin 1980.


- 288 -

D'après la « Cofindustrial », une grande partie de ces travailleurs


exerceraient une première activité le plus souvent dans une grande
entreprise ou une administration.
Des entreprises-sangsues se sont ainsi développées, employant
environ 50 personnes, n'en déclarant que le dixième et vivant
supportées par l'Etat ou les grandes entreprises qui acquittent des
charges sociales égales à plus de 50 % du salaire. A cette seconde
activité, s'ajoute le travail des mineurs et des femmes, notamment
dans certaines branches de la confection.
De nombreuses petites entreprises se déguisent fictivement en
entreprises artisanales qui se réduisent souvent • au noyau familial
dont la protection sociale est assurée par la seule cotisation du chef
de famille.

— L'importance de la sous-traitance et du travail à domicile


dans le textile et l'habillement.
La sous-traitance et le travail à domicile jouent un rôle consi-
dérable dans le secteur textile. En dépit de la signature d'une conven-
tion collective nationale pour le travail à domicile, les syndicats italiens
semblent mal contrôler l'extension du travail noir dans ces modalités
d'emploi.
L'importance prise par ce phénomène est dénoncée par la
commission syndicale de la « Federtessile » qui estime que, dans le
secteur textile-habillement, 400.000 travailleurs sont employés par
des entreprises tierces ou à domicile dont une grande partie est
dans une situation irrégulière. Une étude menée sur le travail à façon
révèle que celui-ci représente 60 % à 70 % du chiffre d'affaires de
la confection et 85 % de la bonneterie, et que l'on assiste à un dépla-
cement des zones traditionnelles de travail à domicile ou pour le
compte d'un tiers vers des zones moins industrialisées.
Le caractère concurrentiel du travail à façon s'expliquerait par
des horaires de travail supérieurs à la durée normale, l'aide de la fa-
mille, des salaires de base réduits, l'absence de prime de rendement,
d'heures supplémentaires et de certaines charges sociales, la produc-
tivité de la main-d'œuvre et un absentéisme évidemment très réduit.
D'après l'Association italienne des industries de l'habillement,
le travail noir représenterait près de la moitié des effectifs de ce
secteur.

— Une concurrence faussée.


En dépit du caractère novateur de certaines de ces expériences,
il reste que le travail noir italien contribue par son ampleur, dans le
— 289 —

secteur de la confection notamment, à fausser les mécanismes de la


concurrence entre Etats membres de la C.E.E. où la libre circulation
des produits constitue l'une des principes essentiels du Traité de
Rome.

— Enfin, l'entrée ou les perspectives proches d'adhésion à la


C.E.E. de plusieurs Etats méditerranéens qui sont loin de bénéficier
d'un système de protection sociale et d'un niveau moyen de salaire
équivalents à ceux de la France, risquent de fausser plus encore les
règles de la concurrence.
Ces Etats représentent déjà une certaine part de nos importa-
tions textiles (2 % pour l'Espagne, 1,5 % pour la Grèce et le
Portugal en 1979) ; il est à craindre que le développement de leur
production, à leur propre initiative ou suscité par la constitution de
filières étrangères, ne vienne concurrencer dans des conditions iné-
gales de coût, découlant d'une législation sociale embryonnaire, nos
productions nationales.
Une actualisation de certaines dispositions du Traité de Rome
serait à cet égard nécessaire...

Cependant certains secteurs, comme celui de la confection en


France, ne sont pas non plus sans reproche en ce qui concerne le res-
pect des règles les plus élémentaires du droit du travail et de la Sécu-
rité sociale.
Rappelons, à cet égard, l'opération de régularisation de la situa-
tion de certains travailleurs français et immigrés employés irrégu-
lièrement dans certains secteurs de la confection.
Ces pratiques irrégulières restent cependant isolées dans les
industries du textile et de la confection en France et ne peuvent, en
aucune façon, se comparer à certains exemples étrangers.

4. La sous-utilisation des équipements.

— L'utilisation des équipements constitue également un élément


des coûts de production dans le textile et l'habillement en France.
Sénat 282. — 19
— 290 —

Celle-ci dépend de plusieurs facteurs plus ou moins rigides :


— la durée du travail ;
— l'importance du travail par équipes ;
— le temps d'utilisation des équipements.

Comme il a été vu, la durée du travail dans le textile et l'habil-


lement est légèrement inférieure à celle observée dans les autres sec-
teurs d'activités mais se situe très près de la durée légale du travail.
L'importance du travail en équipes n'est d'ailleurs pas négligea-
ble dans le secteur textile puisqu'en 1977 près de 50 % des ouvriers
y étaient soumis contre 20,4 % des ouvriers de l'ensemble de l'in-
dustrie.
Le travail de nuit y est également pratiqué puisqu'il concernait,
en 1977, 8,4 % des ouvriers du textile (y compris les T.A.S.) (1) contre
5,4 % dans l'ensemble des activités.
Sur ces deux points, l'industrie textile française supporte la com-
paraison avec les autres secteurs nationaux d'activité et avec les in-
dustries correspondantes des pays concurrents.
En revanche, l'industrie textile française est handicapée par la
faiblesse relative de la durée d'utilisation de ses équipements :
5.400 heures par an contre 7.200 aux Etats-Unis et 8.000 heures à
Hong Kong.

B. — LES HANDICAPS PROPRES AU COMMERCE EXTÉRIEUR

Dans la compétition extérieure, le secteur textile témoigne de


certaines faiblesses traditionnelles de l'industrie française. Ainsi,
beaucoup d'entreprises souffrent de handicaps sur le marché exté-
rieur où leur implantation reste insuffisante, comme sur le marché
intérieur où elles n'ont pas encore adapté leurs méthodes aux nou-
velles données de la concurrence internationale. Cette appréciation
assez critique marque encore une fois des disparités : à côté d'entre-
prises repliées sur elles-mêmes, on trouve des entreprises dynamiques,
qui constituent, malgré une taille modeste, de véritables firmes
multinationales par la logique de leur développement.

(1) Textiles artificiels et synthétiques.


- 291 -

1. Une volonté insuffisante de protéger le marché intérieur.

L'on doit d'abord citer ici certaines déficiences, qui ne sont


d'ailleurs pas propres au textile.
D'un point de vue défensif, les Français ne savent pas bien
protéger leur marché national alors que d'autres pays, et en premier
lieu les Etats-Unis, sont passés maîtres dans l'utilisation des obstacles
non tarifaires.
Nos obligations internationales nous empêchent de recourir aux
mêmes moyens d'obstruction que de nombreux pays en voie de déve-
loppement et même que certains pays développés. A titre d'exemple
significatif, l'administration des douanes américaine, soutenue par
les tribunaux fédéraux, interprète de façon très large la notion d'or-
nement (épaulette, écusson, poche ou bouton fantaisie ou même
sigle, marque extérieure) afin de faire passer le produit d'une caté-
gorie modérément taxée à une autre qui l'est fortement.
D'une façon générale, certains pays utilisent mieux la norma-
lisation comme moyen de protection statique du marché intérieur :
ainsi, les normes d'inflammabilité apparaissent particulièrement
gênantes à l'entrée aux Etats-Unis pour les tissus d'ameublement et
de décoration. De même, au Japon, si les droits de douane exigibles
à l'entrée ne sont pas particulièrement élevés, il existe en revanche
des normes, voire des recommandations ayant le caractère de normes.
L'exportateur est parfois tenu de faire effectuer les tests et contrôles
à ses frais. En outre, l'étiquetage et le marquage d'origine sont obli-
gatoires pour certains produits, notamment la soie.
Certes, la France a mis en oeuvre certains dispositifs de nature
à lui assurer un meilleur contrôle ou du moins une meilleure connais-
sance des importations textiles : en dehors des contingents officiels,
il peut exister une série d'obligations imposées à l'entrée du marché
français, notamment pour les produits textiles : visas techniques et
marquage de l'origine.
Sans insister sur le contenu même de ces procédures, on ne
peut que souligner les limites de l'action des douaniers dans leur
rôle de protection de l'espace économique national. D'une part, le
libéralisme, qui dominait sans contestation les relations économiques
internationales jusqu'à la crise, avait eu pour conséquence une réor-
ganisation des services et des procédures dans le sens de l'assouplis-
sement et de la simplification.
Le fonctionnement actuel même du marché ne peut que por-
ter atteinte à l'efficacité des procédures nationales de contrôle. En
effet, dans une telle organisation, toute décision communautaire est
une synthèse des positions nationales, c'est-à-dire une moyenne au
niveau de son contenu tandis que les divergences de situation des
— 292 —

pays membres entraîne des disparités au niveau de l'application.


Un tarif extérieur commun est aussi nécessairement moins protec
teur que les tarifs nationaux. De même, les différences de profil
d'engagement dans la filière textile de chaque pays membre sont 1
source d'intérêts divergents dans l'application des règles.
La Direction des douanes se voit donc limitée dans ses possi
bilités d'action à la fois par une structure adaptée au libéralisme
ambiant des années 1960 et par les obligations qui nous incombent
en vertu du Traité de Rome.
On ne peut donc lui tenir rigueur de l'entrée en France d'impor-
tations frauduleuses qui, de toute façon, ne constituent qu'une fraction
limitée des importations à bas prix trop vite qualifiées d'irrégulières
ou de sauvages.
Le développement de ces importations à bas prix en prove-
nance de nos partenaires résulte également d'une moindre adaptation
de nos entreprises au processus d'internationalisation de la produc-
tion textile.

IMPORTATIONS AMÉRICAINES DE PRODUITS SOUS-TRAITÉS A L'ÉTRANGER


(Clause 807 du barème douanier.)
—As carre
(Chiffres en milliers d'équivalent -

Produits do°

j
>1 I
Produits Variation Produits Variation Variation
Année
en coton (pourcentage) en laine (Pourcentage) en nie° (pourcentage)
Total or')
artifcel s

1975 22.939,7 » 1.887,0 » 182.475,5 » 207.302,2


1976 36.793,9 + 60 825,9 — 57 194.425,3 + 6 232.045,1
1977 64.139,1 + 74 263,9 — 69 191.553,0
10
—2 255.956,0
1978 66.686,4 + 3 712,0 + 169 233.290,2 + 21 300.688,6
2
1979 66.063,8 —1 415,0 — 42 228.341,4 — 3 294.820,2
Projection 1980 72.192,3 + 9 1.083,6 + 161 234.517,9 + 2
4
307.793,8

Source : U.S. Departrnent of commerce, T.Q. 2810, 2820, 2830.


,41 a de,
N.B. — Les produits textiles importés au titre de la clause 807 du barème douanier américain sont en très grande majorité des tes>
confection. Le Mexique est le principal réexportateur de ces produits. Les articles textiles importés au titre de la clause 807 rte''' .
en 1980, environ 12 % du total des Importations de produits textiles.

Certaines entreprises françaises n'ont pas su gérer la concur-


rence des pays en voie de développement. De fait et quels que soient
les efforts de certains groupes ou entreprises, il est clair que les
entreprises allemandes ont réussi à tirer parti des importations à bas
prix sans pour autant renoncer à toute production et devenir impor-
tateur.
De nombreuses entreprises allemandes recourent systématique-
ment aux opérations de sous-traitance à l'étranger. Aussi plus de
- 293 -

la moitié des importations allemandes relevant des dispositions


tarifaires relatives au trafic de perfectionnement passif étaient cons-
tituées de textiles. Selon ces données déjà anciennes, ce trafic de
perfectionnement passif représentait 10 % des importations totales
de produits manufacturés. Ce pourcentage est analogue à celui enre-
gistré pour les Etats-Unis — 12 % — dont la croissance a été
comme le montre le tableau ci-joint particulièrement rapide jus-
qu'en 1977.
Certaines entreprises françaises pratiquent systématiquement,
notamment dans l'habillement, cette division du travail où les impor-
tations s'analysent plus comme des échanges entre firmes que comme
des échanges internationaux. Mais adaptation à la concurrence du
Tiers-Monde et des pays à bas salaires ne signifie pas seulement
organisation sur le plan mondial d'un réseau de filiales, ateliers ou
de sous-traitants, c'est aussi savoir tirer parti des avantages de la
proximité de marchés de consommation et d'une avance technolo-
gique. Là encore, la Commission d'enquête « a recueilli les témoi-
gnages » de distributeurs ayant des difficultés à obtenir les quanti-
tés désirées dans les délais fixés.
Comme le montre l'exemple anglais de Marks et Spencer, l'al-
longement des séries et donc les gains de coûts unitaires, ainsi que
la souplesse d'adaptation à un marché plus proche donc théorique-
ment plus facile à connaître, constituent des atouts qui peuvent être
valorisés par des producteurs nationaux et leur permettre en partie
de dépasser des handicaps de coût de main-d'oeuvre ou de durée
d'utilisation des équipements.
Deux facteurs de compétitivité ne semblent pas non plus avoir
été systématiquement recherchés : la fiabilité et la rapidité des délais
de livraison ainsi que la souplesse des réassortiments. Il est para-
doxal de ce point de vue que des firmes de Hong Kong ou de Corée
fassent preuve de plus d'efficacité à cet égard.

LA LIAISON ALLONGEMENT DES SÉRIES


RÉDUCTION DES COUTS DE PRODUCTION
L'exemple anglais.

Une chaine française Marks et Spencer


((3.-B.)

Volume total 300.000 2.500.000


Nombre de modèles 50 25
Volume par modèle 6.000 100.000
Prix moyen 150 80
Multiplicateur 2,2 1,5
Pourcentage importations 20 % 5%
- 294 -

Il est évident que si ces déficiences sont des handicaps sur le


marché intérieur, ils constituent des obstacles considérables au dé-
veloppement de nos exportations.

2. Les obstacles au développement des exportations.

Le capital que constituent une expérience industrielle considé-


rable et une image de marque bien établie dans le domaine de la mode
est en effet bien souvent mal exploité sur les marchés étrangers.
Les entreprises françaises pourraient ainsi mieux adapter leurs
pratiques commerciales aux usages étrangers et augmenter leur pré-
sence commerciale par la voie des investissements. Les handicaps
sont alors bien connus : des prix trop chers mais également des pra-
tiques inadaptées : délais trop longs ou mal respectés, produits non
conformes aux échantillons. Il s'agit là de reproches généraux, qui,
même s'ils sont globalement injustifiés, traduisent la mauvaise qua-
lité de notre image commerciale.
En fait, l'efficacité de la vente suppose, le plus souvent, au
moins pour les groupes importants, le développement des implanta-
tions commerciales et industrielles.
Malgré une accentuation de son effort, l'industrie française
apparaît encore en retard par rapport à ses concurrents.
Les avantages des implantations à l'étranger sont bien connus :
la stabilisation des ventes et la meilleure connaissance du marché.
Cependant, il peut se révéler qu'une implantation commerciale,
qu'elle prenne la forme d'un bureau ou d'une filiale de vente, soit
insuffisante pour acquérir une part de marché considérée comme
souhaitable pour rentabiliser l'opération d'exportation, en raison
des coûts de production et de transport incompressibles ; l'entre-
prise est alors amenée à produire ou à faire produire sur place ou
dans un pays tiers, bénéficiant de conditions de production plus
avantageuses, les produits qu'elle vend sur les différents marchés ex-
térieurs.
Ainsi de grandes entreprises et même des entreprises moyennes
d'habillement ont-elles implanté des usines de fabrication de vête-
ments aux Etats-Unis pour pouvoir être compétitives par rapport à
leurs concurrentes sur le marché américain et éviter de payer des
droits de douane élevés sur des articles dont les prix au départ
d'Europe sont souvent plus élevés que les prix des produits amé-
ricains comparables. Dans d'autres cas, les entreprises françaises
recourent à la sous-traitance locale pour des raisons de coûts de pro-
duction, comme en Italie (chandails notamment) et également aux
Etats-Unis (vêtements de sport et de loisirs).
— 295 —

Les tableaux ci-après, fournis par la Direction du Trésor, re-


tracent l'évolution du montant de ces flux d'investissements depuis
1973.

INVESTISSEMENTS BRUTS FRANÇAIS A L'ÉTRANGER


(Hors immobilier.)
(En millions de francs.)

1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979

Total 5.290 6.113 7.565 11.424 10.247 10.892 10.868


Textile 53 73 72 49 59 121 201
Pourcentage 1% 1% 1% 0,5 % 0,5 % 1% 2%

INVESTISSEMENTS BRUTS ÉTRANGERS EN FRANCE


(Hors immobilier.)
(En millions de francs.)

1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979

Total 4.176 6.342 5.114 5.446 6.291 11.083 10.101


Textile 185 99 158 160 225 378 188
Pourcentage .. 4,5 % 1,5 % 3% 3% 3,5 % 3,5 % 2 %

La pénétration des entreprises textiles françaises à l'étranger est


plus faible que la pénétration des entreprises textiles étrangères en
France, fait nouveau et particulièrement préoccupant.
- 296 -

PART SECTORIELLE DES ENTREPRISES A PARTICIPATION E'TRANGERE

Nombres absolus Pourcentages


iries
Principales caractéristiques
Entreprises Entreprises Ensemble Entreprises Entreprises Ensemble ee)
à participation à capitaux de l'industrie à participation à capitaux de l'industrie
étrangère français étrangère français

Secteur 44 : industrie textile.


s
Nombre d'entreprises industrielles 82 1.987 2.069 3,95 96,04 100
Effectifs employés au 31 décem- 6,40
bre 1978 21.880 280.282 302.162 7,24 92,76 100
Rémunérations (en millions de 7,29
francs) 797 9.298 10.096 7,90 92,10 100
Par personne employée (en
milliers de francs) 36,4 33,2 33,4
Ventes hors taxes (en millions 6,88
de francs) 4.232 45.418 49.650 8,52 91,48 100
Par personne employée (en s
milliers de francs) 193,4 162,0 164,3
Valeur ajoutée brute (en millions s
de francs) 1.374 16252 17.626 7,80 92,20 100
Par personne employée (en s
milliers de francs) 62,8 58,0 58,3
Excédent brut d'exploitation (en 6,95
millions de francs) 245 3.079 3.325 7,38 92,62 100
Par personne employée (en
milliers de francs) 11,2 11,0 11,0 s
Investissements totaux (en mil- s
lions de francs) 113 1309 1.422 7,97 92,03 100
Par personne employée (en s
milliers de francs) 5,2 4,7 4,7

Secteur 47 :
industrie de l'habillement.
s
Nombre d'entreprises industrielles 46 2.069 2.115 2,17 97,83 100
Effectifs employés au 31 décem- 5,25
bre 1978 13.517 196.924 210.441 6,42 93,58 100
Rémunérations (en millions de
francs) 419 5.538 5.957 7,03 92,97 100
Par personne employée (en
milliers de francs) 31,0 28,1 28,3
Ventes hors taxes (en millions 7,17
de francs) 2.016 21.733 23.749 8,49 91,51 100
Par personne employée (en s
milliers de francs) 149,1 110,4 112,9
Valeur ajoutée brute (en millions 6,5 1
de francs) 766 9.237 10.003 7,66 92,34 100
Par personne employée (en s
milliers de francs) 56,7 46,9 47,5
Excédent brut d'exploitation (en s
millions de francs) 180 1.511 1.691 10,67 89,33 100
Par personne employée (en s
milliers de francs) 13,4 7,7 8,0
Investissements totaux (en mil- 11
lions de francs) 34 373 407 8,38 91,62 100
Par personne employée (en
milliers de francs) 2,5 1,9 1,9
- 297 -

V. — LES ATOUTS

La France est bien placée sur les créneaux d'avenir, en raison de


la valeur de sa recherche, de son potentiel d'innovation et de son
aptitude à la créativité. Elle a les moyens, d'autre part, d'affirmer
une vocation exportatrice.

A. — LA RECHERCHE ET L'INNOVATION

Les développements les plus récents de la recherche qui touchent


les produits et les méthodes de fabrication du textile peuvent bous-
culer les habitudes de cette vieille profession, en offrant à sa frange
la plus dynamique des occasions importantes de développement.
L'innovation induit une amélioration constante du rapport
qualité/prix ; c'est elle qui permet à des entreprises de conquérir et
maintenir des positions commerciales fortes. En outre, elle sous-tend
la créativité : l'obtention de certains effets sur le toucher ou les
teintes des tissus passe par des recherches très élaborées sur les
mélanges de fibres, les techniques de tissage ou de teinture.
La vogue d'un produit est souvent le fait d'une innovation ;
c'est ainsi que vient d'être mis au point un procédé de traitement du
tissu de coton lui conférant des qualités d'infroissabilité comparables
à celles du synthétique ; de même la France est très bien placée sur
une innovation plus marquante : celle du fil à âme (un fil synthé-
tique continu enrobé de fibres naturelles) qui permet une alliance
optimale de ces deux types de fibres.

1. La recherche.

— L'outil de la recherche/innovation en France est quasiment


unique au monde : il s'agit de l'Institut textile de France (I.T.F.),
troisième centre de recherche collective français (derrière l'Institut
du pétrole et le C.E.T.I.M. des industries mécaniques. Cet Institut
emploie 420 salariés et compte 7 laboratoires répartis dans les prin-
cipales régions textiles françaises. Géré par les professionnels avec
l'appui des pouvoirs publics, l'I.T.F., avec un budget de 57 millions
de francs alimenté à 65 % par le produit de la taxe parafiscale,
réalise à lui seul un cinquième de l'effort global de recherche du
secteur.
— 298 —

Outre des activités de formation, l'I.T.F. a deux activités prin-


cipales : l'une classique, de recherche, l'autre, plus originale, de
documentation.
Dans ce dernier domaine, l'I.T.F. a développé depuis dix ans
une base de données bibliographiques sur ordinateur reliée au réseau
Transpac, lui-même relié depuis janvier 1980 aux réseaux américains.
Cette base de données sera complétée dans un futur proche par une
banque de données opérationnelles spécialisées sur le textile. La
maquette de cette banque de données, actuellement à l'étude, a fait
l'objet d'un contrat avec l'Etat fin 1979, et devrait être achevée en
juin 1981. Cette documentation exceptionnelle en Europe (et même
dans le monde, puisque le principal concurrent de l'I.T.F. est le
système américain Lockeed) permet d'ores et déjà aux 50 abonnés
de l'industrie textile française d'avoir accès directement à quelque
125.000 références exprimées en quatre langues.

DÉPENSES TOTALES DE RECHERCHE


Secteur : industries textiles et lsabilletnent.
(En milliers de francs.)

Source S.T.I.S.I. (2) Source D.G.R.S.T. (1)

1970 113300 135.400


1971 159.010 174200
1972 154.374 164.500
1973 134.990 159.100
1974 146.700 170.900
1975 121.648 139.200
1976 140.900
1977 150.000
1978 167.000

(I) Ces chiffres comprennent les dépenses effectuées par les entreprises, les centres techniques et orga-
nismes professionnels.
(2) Ces chiffres résultent d'une fusion avec 1'E.A.E. et ne comportent donc que les entreprises industrielles.

Quant à l'activité traditionnelle de recherche, elle place la


France au tout premier rang européen, surtout depuis la récente
réduction d'activité des laboratoires parapublics britanniques. Outre
des actions courantes d'assistance aux entreprises (essais, mises au
point de produits ou de matériels nouveaux), l'I.T.F. poursuit actuel-
lement trois voies de recherche prometteuses :
- 299 -

• Les « géotextiles », terme recouvrant 300 produits générale-


ment non tissés (à 80 %) destinés essentiellement au bâtiment, aux
travaux publics et au génie civil (stabilisation des sols, drainage, fil-
tration, isolation...). Ces matériaux sont promis au plus bel avenir ;
ils sont actuellement produits par les fabricants R.P.T., la Sodoca,
Sommer-Allibert et Coisne-Deslambert.
• Les fibres aramides et les tissus de carbone : ils sont eux
aussi à usage industriel, les premiers pour les pneus, les câbles, etc.,
les seconds pour la mécanique et l'industrie automobile, laquelle
absorbe une part croissante de textile et qui pourrait devenir grosse
utilisatrice de ces tissus révolutionnaires s'ils étaient applicables à
la carrosserie.
• L'I.T.F. achève enfin de mettre au point un procédé de fila-
ture révolutionnaire, beaucoup plus performant que la filature à bout
libéré qu'il a contribué à diffuser en France, en l'adaptant notamment
à des fibres autres que le coton.

Ainsi, le rôle de l'I.T.F. est déterminant pour la mise au point


de machines textiles performantes. De plus, l'état d'esprit des indus-
triels commence à changer : ainsi les grands groupes qui traditionnel-
lement négligeaient les services de l'I.T.F. commencent à s'y intéres-
ser et constituent leurs propres bureaux d'études. De même, de nom-
breuses P.M.E. marquent un intérêt renouvelé pour la recherche,
grâce aux primes à l'innovation et aux contrats de développement
proposés par les pouvoirs publics.

2. La créativité.

La créativité est primordiale car le marché textile est fortement


influencé par le phénomène de la mode, dans l'habillement d'abord,
mais aussi et de plus en plus pour les autres produits finis tels que le
linge de maison et l'ameublement. Le phénomène de la mode est
d'autant plus important qu'il est aujourd'hui très décloisonné au plan
géographique : la vogue du jean ou du velours affecte simultanément
l'ensemble des pays développés.
Or la France est bien placée sur ce plan : son savoir-faire, la
qualité de ses produits, le prestige des grandes griffes contribuent à
la renommée mondiale des produits textiles d'origine française.

3. Les positions d'avenir.

Certains marchés du textile connaissent, on l'a vu, une crois-


sance plus rapide que d'autres.
- 300 -

Ce sont, on le rappelle :
— les usages industriels et techniques du textile ;
— les produits pour l'habitat ;
— les usages liés à la mode ou au mode de vie (loisirs, sports).

Or la France possède de réels atouts dans certains de ces sec-


teurs clés de développement de l'industrie textile.

• En ce qui concerne l'habillement tout d'abord, même si ce


domaine est amené à moins progresser dans son ensemble que les
textiles liés à l'habitat ou aux usages techniques, 5 secteurs peuvent
être considérés comme performants :
— D'abord, le sportswear qui croît régulièrement depuis dix ans,
au détriment de la draperie, auquel on peut rattacher le secteur
des vêtements de sports et de loisirs proprement dits.
— Puis les vêtements d'enfants, soutenus par des entreprises per-
formantes qui ont su s'implanter à l'étranger, comme Absorba Poron,
leader européen de sa spécialité, et Petit Bateau.
— La lingerie et les sous-vêtements masculins sont également
deux secteurs qui se redressent : on y trouve des entreprises maîtrisant
relativement bien leur marché ; il conviendrait qu'elles sortent main-
tenant de leur cadre purement national.
— Enfin, le chaussant connaît un taux d'expansion continue,
que ce soit dans le collant avec Dim et, dans une moindre mesure, Le
Bourget, ou dans la chaussette masculine avec Kindy, DD et l'out-
sider Olympia.
Si le reste de la confection s'inscrit plus difficilement dans les
secteurs clés du textile, il ne faut pas moins prendre en compte, d'une
part l'importance d'entreprises qui fabriquent des produits de mar-
que ou de haut de gamme car elles possèdent de solides atouts, notam-
ment à l'exportation, d'autre part le poids que peuvent jouer cer-
taines firmes telles que Biderman, leader européen du vêtement
masculin.
Dans le secteur textile, il reste également des créneaux straté-
giques.
— Le secteur de l'ennoblissement est important, car il allie une
importante technicité à une grande créativité. De plus, c'est une
industrie très organisée : face à des P.M.I., la plupart « façonniers »,
disposant d'une grande souplesse et d'une rapidité d'adaptation à la
demande (notamment dans la région de Lyon), on trouve un leader
mondial de l'impression avec Texunion (D.M.C.).
— Dans le tissage, la laine peignée, même si elle perd du ter-
rain, compte tenu de la diminution de son premier marché, le vête-
ment masculin, est représentée par quelques firmes importantes
- 301 -

telles que Roudière, Tiberghien et Prouvost S.A., première société


mondiale dans son domaine.
— Pour le coton, le facteur clé de son développement passe
par l'automatisation maximale de sa production. Pourtant, trois pro-
duits cotonniers sont vraiment stratégiques : le velours pour l'habil-
lement, le denim et les tissus plats pour le sportswear.
— Les tissus synthétiques figurent parmi ces secteurs clés à
deux titres, que ce soient les tissages de soieries lyonnaises (produits
de grande créativité et fabriqués par de toutes petites unités) ou de
nouveaux créneaux comme les tissus pour vêtements de sports d'hi-
ver et les doublures où il serait souhaitable de posséder de grandes
unités de production.
— La filature est aussi un secteur clé, car elle demande techni-
cité et créativité. La filature de laine et de coton comporte égale-
ment un certain nombre de firmes dynamiques.

— Quant aux tissus à usages techniques, si tous les spécialistes


s'accordent à dire qu'ils sont vraiment d'avenir et qu'ils progresse-
ront, il est difficile d'évaluer globalement ce qu'ils représentent, car
ils concernent aussi bien les non-tissés que les géo-textiles, les tissus
à usages médicaux et sanitaires, les tissus pour automobiles, trains
ou avions et les matériaux composites. Dans ce secteur, les Français
sont bien placés en particulier pour les tissus de verre.

B. — UNE VOCATION EXPORTATRICE

En examinant sur une dizaine d'années l'évolution du commerce


extérieur français du textile et de l'habillement, l'on avait déjà sou-
ligné l'augmentation soutenue des exportations : celles-ci ont aug-
menté de 193 % depuis 1970 malgré le haut niveau déjà atteint
cette année-là.
En effet, sur vingt ans, la croissance des exportations françaises
est encore plus spectaculaire puisque leur montant a été multiplié par
six en valeur depuis 1959.
Les données ci-jointes illustrent la persistance de cet effort qui,
malgré une conjoncture difficile, a abouti à augmenter encore la part
des exportations dans la production qui est passée de 29 % en 1973
à 36 % en 1978 et 37 % en 1979.
Malgré cette progression remarquable, la part du textile et de
l'habillement dans nos exportations totales a décru, passant de
8,9 % en 1970 à 6,9 % en 1976 et à 6,2 % en 1979. Inférieur à
- 302 -

celui de l'Italie (12 %), un tel pourcentage reste sensiblement iden-


tique à celui constaté pour la R.F.A. (5,5 %), le Royaume-Uni
(25,7 %) ou les Etats-Unis.
Le dynamisme à l'exportation, observable pour des entreprises
de toutes les industries du textile et de l'habillement, peut être signi-
ficativement illustré par deux exemples inverses.
Le secteur des fibres chimiques, malgré des importations cou-
vrant 58 % de la consommation intérieure, n'en continue pas moins
d'exporter 60 % de sa production.
Symétriquement, l'habillement et tout spécialement le prêt-à-
porter féminin présente un caractère exemplaire en ce qu'il résulte
d'une tradition et tire parti d'une réputation unique au monde.

Ainsi que permet de le remarquer le tableau ci-dessous, le taux


de couverture du secteur du prêt-à-porter féminin a atteint jusqu'à
400 % de 1972 à 1974.

Années 1969 1970 1971 1972 1973 1974 1975 1976 1977 1978

--

.306
Exportations 509 652 848 1.196 1.547 1.894 1.939 2.072 2.596 2.980 1 10,9
pourcentage d'augmentation » + 28,1 + 30,0 + 41,0 + 29,3 + 22,4 + 2,4 + 6,8 + 25,3 + 14,8 "I'
I
:el
Importations 198 199 235 292 385 478 575 909 1.114 1.278
318
pourcentage d'augmentation » + 0,5 + 18,1 + 24,2 + 31,8 + 24,1 + 20,3 + 58,1 + 22,5 + 14,7
I
.519
Excédent commercial E - I 311 453 613 904 1.162 1.416 1.364 1.163 1.482 1.702
,85
Taux de couverture E/I 2,6 3,3 3,6 4,1 4,0 4,0 3,4 2,3 2,3 2,3

Même si cet âge d'or est révolu, des taux de couverture de


l'ordre de 250 % légèrement supérieurs à ceux enregistrés pour
1975 et 1976 ne sont pas hors d'atteinte d'un secteur qui a fait
preuve de sa créativité et de son dynamisme.
Sur le plan financier, la plupart des exportations textiles consti-
tuent un atout sérieux pour notre pays dans l'optique prise par la
Commission des échanges extérieurs du VIII` Plan, qui tend à mettre
l'accent sur le commerce courant, celui qui rapporte des recettes
immédiates en devises fortes. Tel est bien le cas des exportations
d'habillement qui sont constituées pour une large part de produits
de haut de gamme destinés aux marchés des pays riches : le solde
positif de nos échanges avec les pays industrialisés a été de 2 mil-
liards de francs en 1979 et 2,1 milliards de francs en 1980, années
pourtant relativement décevantes.
Ainsi, les résultats de notre commerce des vêtements sont assez
favorables pour les marchés des pays riches, malgré quelques contre-
- 303 -

performances relatives aux Etats-Unis notamment. Au Japon, en


revanche, le textile représente 11,5 % de nos exportations. Les entre-
prises textiles y sont relativement bien implantées puisque, sur
51 sociétés industrielles françaises installées au Japon, 8 appartien-
nent au secteur textile. De même, sur 166 licences vendues à ce
même pays, 75 concernaient le textile (pour l'essentiel des modèles
de haute couture).
C'est dire le rôle dans l'accomplissement de notre vocation
exportatrice de la créativité qui fait beaucoup dans l'image de
marque des produits français.
En définitive, le textile est donc à la fois porteur d'une tra-
dition industrielle de qualité et véhicule d'une image de marque ainsi
que d'un art de vivre qui contribue au rayonnement de la France.
Unité I mil liardde francs.

u.
2
g

Variation 1979/ 1978

Variation 1 979/ 1 978

304 —
o

cn
o%

dee

ec
ci

•••
r-
oo

• •...
ci
Co
- 305 -

CHAPITRE II

LES EFFORTS DÉJA ACCOMPLIS

I. — LES INTERVENTIONS DIRECTES DE L'ÉTAT

En régime d'économie libérale, le rôle de l'Etat ne peut être


de se substituer aux entreprises pour connaître leur marché et définir
à leur place une conduite appropriée.
Par contre, il appartient en premier lieu aux pouvoirs publics
d'améliorer l'environnement de l'entreprise et, le cas échéant, d'ap-
porter un soutien au renforcement de certaines branches ou une aide
à des secteurs en mutation.
Il n'est pas nécessaire d'insister sur le premier aspect de la
politique industrielle de l'Etat et plus généralement sur la politique
à l'égard des entreprises, sinon pour souligner que l'action d'envi-
ronnement comporte également un volet international : en ce do-
maine, s'il peut apparaître judicieux d'assurer une meilleure promo-
tion de nos exportations, il est encore plus important de défendre
notre industrie contre les concurrences abusives.
En second lieu, face aux bouleversements imposés aux indus-
tries françaises au cours des dernières années, il revient aux pouvoirs
publics d'organiser un soutien diversifié aux efforts d'adaptation
entrepris par notre industrie. Certains secteurs ont pu faire face à
ces changements sans intervention publique ; d'autres, et c'est le cas
du textile et de l'habillement, ont dû affronter la concurrence inter-
nationale dans des conditions défavorables sans qu'un soutien à la
mesure des handicaps à surmonter leur soit assuré.
La Commission a tenté de savoir, pour apprécier l'importance
relative de l'effort qui a été annoncé en faveur du textile-habillement
dans le plan gouvernemental du 5 novembre 1980, quels avaient été
le montant et les modalités des concours publics attribués à ce sec-
teur au cours des dernières années.

Cette ambition d'exhaustivité a été rendue difficile par la dis-


persion des responsabilités, la multiplicité des mécanismes d'inter-
vention et le manque de fiabilité des chiffres obtenus :
— la dispersion des responsabilités : en fonction de leurs
compétences, les ministères du Budget, de l'Economie, de l'Industrie,
Sénat 282. — 20
- 306 -

du Commerce extérieur... peuvent être sollicités pour des concours


d'une extrême variété ;
— la multiplicité des mécanismes d'intervention : au cours des
dernières années, le nombre des comités, fonds... a été multiplié en
fonction des problèmes spécifiques, chaque structure fixant sa doc-
trine, ses critères et ses modalités d'intervention ;
— le manque de fiabilité des statistiques : au fil de ses inves-
tigations, la Commission a obtenu des informations de caractère le
plus souvent ponctuel et n'a aucune certitude d'avoir effectué un
recensement complet.
Dans ces conditions, les données chiffrées qui sont présentées
ci-dessous doivent être interprétées avec la plus grande prudence :
elles n'ont pour objet que de donner quelques indications sur les
modalités et l'ampleur de l'appui de la collectivité nationale à un
secteur en profonde mutation et gravement atteint par la concurrence
internationale.
En fait, le financement de la modernisation du secteur textile a
largement reposé sur un financement parafiscal limité et sur quelques
aides accordées dans le cadre du développement régional.

A. — L'ACCÈS AUX AIDES GÉNÉRALES DE L'ÉTAT :


LE TEXTILE-HABILLEMENT N'A BÉNÉFICIÉ QUE
D'ACTIONS D'AMPLEUR LIMITÉE

Il ne s'agit bien évidemment pas de revendiquer pour chaque


secteur industriel un droit aux aides publiques proportionnel à son
importance dans l'activité économique nationale : une telle exigence
constituerait la négation de la politique industrielle et serait absurde.
Mais s'agissant du textile, il ne peut pas ne pas être tenu compte
des graves difficultés auxquelles ce secteur a été confronté depuis
de nombreuses années et dont la crise s'est singulièrement aggravée
au cours de la période récente.
Une récapitulation déjà ancienne permet de situer la place du
textile dans les interventions de l'Etat.
- 307 -

REPARTITION SECTORIELLE DES INTERVENTIONS PUBLIQUES


EN FAVEUR DE L'INDUSTRIE
(1972-1976.)

Secteurs Pourcen tage

Industries extractives 18,1


Energie 9,7
Extraction des métaux, sidérurgie, métallurgie 3,7
Mécanique générale et de précision 5
Construction automobile 2,6
Construction navale 9,3
Construction aéronautique 29,6
Matériel électrique 4,1
Industries électroniques et informatiques 12,2
Chimie - Caoutchouc - Verre - Matières plastiques 2,0
Industries textiles et diverses 3,7

Ensemble des activités industrielles recensées 100

Source : Rapport sur les aides publiques à l'industrie.

Si les procédures d'aides sont nombreuses et peuvent paraître


dispersées, ce qui est regrettable, ce tableau indique que les concours
publics convergent assez largement sur un nombre restreint de sec-
teurs et d'entreprises qui correspond aux choix de politique indus-
trielle qui ont été faits :
— aide à des activités en déclin ou menacées (industries extrac-
tives et construction navale) ;
— aide à des « secteurs d'avenir » (énergie notamment par le
nucléaire, aéronautique, informatique...).

Cette structure s'est conservée au cours des années récentes


ainsi que le confirme le rapport au Parlement sur les fonds publics
attribués au titre d'aides aux entreprises industrielles pour l'année
1978.
C'est ainsi que, pour 1978, l'aide à la construction navale atteint
environ un milliard de francs, celle en faveur de la construction
aéronautique un montant à peu près équivalent et celle en faveur
de l'informatique, environ 500 millions de francs.
A titre de comparaison, les crédits de politique industrielle
gérés par le ministère de l'Industrie s'élevaient à environ 150 millions
de francs par an.
- 308 -

1. Les aides de politique industrielle : elles ont été affectées en


priorité aux entreprises en difficulté.
Au cours des années 1977, 1978 et 1979, les crédits de politique
industrielle affectés au secteur textile-habillement se sont élevés res-
pectivement à 14,45 millions de francs, 1,5 million de francs et
0,75 million de francs de subventions, dans la plupart des cas octroyés
dans le cadre du Comité interministériel pour l'aménagement des
structures industrielles (C.I.A.S.I.).
Depuis sa création, le C.I.A.S.I. a réglé environ 600 affaires
dont 85 concernaient le secteur textile.
Le tableau ci-dessous fournit quelques indications sur les aides
consenties aux entreprises par le C.I.A.S.I.

Nombre Montant dm aides


Emplois concernés
Années d'affaires (en millions
de francs)

1978 17 3.400 11
1979 14 3.200 12
1980 7 2.000 52

Ce tableau sous-estime certainement l'ampleur des concours


apportés aux entreprises concernées : en effet, on estime générale-
ment que, dans le cadre des interventions du C.I.A.S.I., pour 1 F de
concours publics, 6 F sont mobilisés par le biais des organismes
financiers.
A ces subventions se sont ajoutées, en 1977, diverses aides pour
un montant de 10 millions de francs (lutte contre la pollution,
F.I.A.N.E. (1), économies de matières premières).
Pour être complet, il convient de mentionner quelques prêts
soit au titre de la restructuration industrielle, soit au titre de la
reconversion régionale dont le montant cumulé s'élève, pour les
trois années 1977, 1978 et 1979, à presque 60 millions de francs.
Ce récapitulatif ne comporte pas les actions entreprises dans le
cadre du Comité interministériel pour le développement des inves-
tissements et le soutien de l'emploi (C.I.D.I.S.E.), créé en 1979 et
qui a pour objet l'octroi de prêts participatifs pour favoriser la crois-
sance de petites et moyennes entreprises très performantes ou suscep-

(1) Fonds interministériel pour l'aménagement de la nature et la protection de l'envi-


ronnement.
— 309 —

tibles de le devenir, en assurant un financement à des programmes


d'investissement dont la réalisation se trouve différée ou empêchée
par l'insuffisance de fonds propres disponibles.
Les règles d'éligibilité aux C.I.D.I.S.E. sont étroites : il s'agit
d'entreprises petites et moyennes, en forte croissance (en moyenne,
+ 21,2 % par an de chiffre d'affaires), rentables, créatrices d'em-
plois et, en général, exportatrices.
Depuis sa création, le C.I.D.I.S.E. totalise 436 interventions dont
31 pour le secteur du textile et de l'habillement (soit 7,1 % des
interventions).
Toutefois ces chiffres prennent en compte l'accélération du
nombre de dossiers depuis novembre 1980 à la suite des mesures
d'assouplissement prises par le Gouvernement : au cours des deux
derniers mois de 1980, 18 dossiers ont été mis à l'instruction pour
un montant de 239 millions de francs d'investissement.
Le C.I.D.I.S.E. constituant une structure récente et un élément
important du dispositif mis en place par le plan du Gouvernement
en novembre 1980, des éléments complémentaires d'information
seront apportés dans le cadre de l'analyse de ce plan.

2. L'aide à la recherche : elle a été peu efficace jusqu'à la réforme


de l'A.N.V.A.R. (1) en juillet 1979.

a) Avant la réforme de l'A.N.V.A.R.


De 1970 à 1978, les dépenses totales de recherche effectuées
par les entreprises, les centres techniques et organismes professionnels
dans le secteur des industries du textile et de l'habillement ont subi
des variations importantes : 174 millions de francs en 1971, 159 mil-
lions de francs en 1973, 170,9 millions de francs en 1974, 139,2 mil-
lions de francs en 1975, puis croissance très lente jusqu'à 167 mil-
lions de francs en 1978.
Une part importante de cette recherche a été effectuée par
l'intermédiaire des centres techniques, financés par la parafiscalité.
L'aide de l'Etat à la recherche s'est effectuée par la procédure
normale de l'Agence nationale pour la valorisation de la recherche
(A.N.V.A.R.) dont l'action a été extrêmement limitée avant sa réforme
de juillet 1979.
Au titre de la valorisation des résultats de la recherche,
l'A.N.V.A.R. a établi une collaboration avec l'Institut textile de
France à partir de 1974 qui s'est traduite par 59 résultats de recherche

(1) Association nationale pour la valorisation de la recherche.


— 310 —

(ayant donné lieu à 51 brevets en France et 253 titres de propriété


à l'étranger) et 53 accords de collaboration. L'A.N.V.A.R. a investi,
en dépenses cumulées, 3,8 millions de francs et a bénéficié de recettes
de 1,12 million de francs.
Les interventions de soutien financier à l'innovation de l'A.N.
V.A.R., antérieures à 1979, sont en rapport avec ses très faibles
moyens : en dix ans, 5 sociétés seulement ont fait appel à l'A.N.V.A.R.
qui a engagé 1,8 million de francs (pour un remboursement déjà
effectué de 0,25 million de francs).
La réforme de l'A.N.V.A.R., en juillet 1979, a complètement
bouleversé ces données en instituant l'aide à l'innovation et la prime
à l'innovation.

b) Après la réforme de l'A.N.V.A.R.

Depuis juillet 1979, mais essentiellement en 1980, l'A.N.V.A.R.


a enregistré 60 dossiers d'aide à l'innovation émanant des secteurs
textile-habillement et mécanique textile pour un montant total de
programmes d'un peu plus de 124 millions de francs. Les aides
accordées ont été de 32 millions de francs.
L'origine des dossiers se répartit comme suit : 73,3 % ont été
déposés par des petites et moyennes entreprises, 18,3 °/0 par de grosses
sociétés ou groupes et 8,4 % par des centres techniques. 65 % des
dossiers ont été déposés au niveau régional représentant environ
8 millions de francs d'aides.
L'activité de l'A.N.V.A.R. concerne l'ensemble de la filière
textile-habillement avec cependant une prédominance du tissage
(36,2 % des aides) et dans une moindre mesure, en production de
fibres chimiques et filature (respectivement 14,8 % et 14,1 % du
montant global des aides).
La prime à l'innovation a pour objet de susciter la collaboration
laboratoires/industrie en permettant, dans certaines conditions, la
prise en charge, à 25 %, du contrat de recherche confié par une
entreprise à un organisme de recherche.
Sur 1.425 primes distribuées par l'A.N.V.A.R. depuis juillet
1979, 76 ont été affectées au secteur textile (soit 5,33 %) pour un
montant de 161.039 F (soit 1,71 % du montant recensé au niveau
national). Cela représente une prime moyenne de l'ordre de 2.120 F.
Tous les organismes intervenant de façon significative dans la
filière textile-habillement avaient été agréés avant le Pr janvier 1980
mais l'Institut textile de France est le principal intervenant dans
le secteur aussi bien pour des tests de conformité que pour des
essais de matériels ou de procédés (75,15 % du montant des primes
textiles vont à cet Institut).
- 311 -

Ces quelques chiffres sont révélateurs à plusieurs égards :


— depuis la réforme de l'A.N.V.A.R. de juillet 1979, le montant
des aides publiques à la recherche dans le secteur textile-habillement
a fortement augmenté révélant ainsi le caractère plus adapté des
nouvelles procédures aux besoins des entreprises, notamment petites
et moyennes. Il ne s'agit évidemment que d'un bilan très provisoire,
puisqu'établi sur dix-huit mois ;
— les bilans de l'A.N.V.A.R. montrent que son action a été
relativement limitée en faveur de la confection malgré les forts
besoins de ce secteur en innovation : l'innovation y est très multiforme
et, pour nombre de dossiers, la recevabilité par l'A.N.V.A.R. n'est
pas évidente. Des aménagements apparaissent donc souhaitables.

B. — LE TEXTILE DANS LE CADRE DE LA POLITIQUE


D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE : UN SECTEUR
DONT LE CARACTÈRE PRIORITAIRE N'A ÉTÉ
RECONNU QUE PONCTUELLEMENT

Les secteurs du textile et de l'habillement ont eu accès, dans le


cadre général de la politique d'aménagement du territoire, à diverses
aides. Il convient toutefois de souligner qu'en raison des évolutions
enregistrées par les industries du textile et de l'habillement au cours
des années 1970, la nature de leurs investissements ne se prêtait
guère à l'octroi de subventions de développement régional.
Le tableau ci-après indique pour les années 1972 à 1979 les
subventions qui ont été accordées à ces industries au titre du déve-
loppement régional.

AUTORISATIONS DE PROGRAMME
ACCORDÉES A L'INDUSTRIE TEXTILE ET DE L'HABILLEMENT
Primes de développement régional.

Montant
Assiette Incidence accordé
Nombre (Millions
de dossiers sur l'emploi (Millions
de francs) de francs)

1972 23 145,4 2.648 14,8


1973 64 314,7 4.012 24,1
1974 28 108,9 1.534 11,5
1975 43 77,7 1.759 12,2
1976 48 162,2 2.900 18,9
1977 81 270,1 3.714 35,1
1978 80 171,1 2.888 29,9
1979 101 276,5 3.916 43,3

Source : S.T.I.S.I.
— 312 —

Les concours apparaissent relativement modestes surtout si on les


rapporte au montant des primes de développement régional qui s'est
élevé au cours des années 1976 à 1978 à environ 500 millions de
francs pour atteindre 700 millions de francs en 1979.

Les tableaux suivants, bien qu'établis à partir des conventions


de recensement légèrement différentes, permettent d'apprécier :
— la part prise par le textile dans le nombre des emplois aidés ;
— l'effort consenti au profit des différentes régions en fonc-
tion de ce que l'on sait quant à l'importance du textile et de l'habil-
lement dans les économies régionales.

PRIME DE DEVELOPPEMENT REGIONAL (P.D.R.)


Année 1979.

Dans le secteur textile Total des emplois,


Réglons aides
toutes activités
Nombre P.D.R. Emplois aidés

Alsace 1.822
Aquitaine 7 240 3.938
Auvergne 4 199 1.633
Bourgogne 741
Bretagne 4 141 5.382
Centre 2 268 1.119
Champagne 1.057
Corse 284
Franche-Comté 913
Languedoc 3 89 2.458
Limousin 50 2.352
Lorraine 12 552 12.321
Midi-Pyrénées 11 514 4.043
Nord - Pas-de-Calais 14 741 12.174
Basse-Normandie 6 263 505
Haute-Normandie 1 105 2.028
Pays de la Loire 23 703 7.012
Picardie 647
Poitou 2 52 3.963
Provence 2.816
Rhône-Alpes 6 89 3.644

Total 96 4.006 70.852

Source : D.A.T.A.R.
- 313 --

PRIME DE DEVELOPPEMENT RÉGIONAL DANS LE SECTEUR TEXTILE


Année 1980.

Dans le secteur textile Total des emplois,


Régions aides
toutes activités
Nombre P.D.R. Emplois aidés

Alsace 2 58 1.851
Aquitaine 6 129 3.755
Auvergne 4 61 1.812
Bourgogne 897
Bretagne 7 448 6.912
Centre 3 170 824
Champagne 2.986
Corse 231
Franche-Comté 1 11 842
Languedoc 3 14.0 2.347
Limousin 4 136 1.572
Lorraine 8 528 4.608
Midi-Pyrénées 19 429 4.976
Nord - Pas-de-Calais 12 487 4.405
Basse-Normandie 4 109 330
Haute-Normandie 1 122 1.514
Pays de la Loire 18 663 6322
Picardie 3 286 1.389
Poitou 4 143 2.877
Provence 1.046
Rhône-Alpes 14 492 5.464

Total 113 4.412 56.960

Source : D.A.T.A.R.

Pour faire face à des difficultés particulièrement aiguës, a été


créé, en septembre 1978, le Fonds spécial d'adaptation industrielle
(F.S.A.I.) destiné à faciliter la reconversion des zones minières et sidé-
rurgiques (1). L'extension du bénéfice du F.S.A.I. à d'autres activités
connaissant des difficultés d'emplois et notamment en faveur du
textile et de l'habillement n'a jamais été acceptée. Deux raisons ont
été avancées pour justifier ce refus :
— l'absence de concentration géographique marquée ;
— l'inadéquation du F.S.A.I. dont la finalité est d'aider les
investissements créateurs d'emplois et non les investissements de
productivité.

(1) Boulogne-sur-Mer, Valenciennois et bassin minier du Nord - Pas-de-Calais ; bassin


sidérurgique lorrain ; région de Nantes - Saint-Nazaire ; zone entre Marseille et Toulon ;
Saint-Etienne ; Decazeville - Alès - Albi - Carmaux.
- 314 -

Il convient toutefois de noter que le F.S.A.I., depuis sa création,


a accordé 16,4 millions de francs de subventions et 19,4 millions de
francs de prêts participatifs en faveur de cinq entreprises du secteur du
textile-habillement pour des investissements s'élevant à 86,5 millions
de francs (à titre de comparaison, le F.S.A.I. a aidé, pour la seule an-
née 1980, un total de 2.286 millions de francs d'investissements dans
les zones géographiques concernées par son action).
Quelques exemples d'interventions ponctuelles ont par ailleurs
été signalés à l'attention de la Commission. Le faible nombre de ces
exemples laisse penser que leur portée est limitée.

C'est ainsi que, dans le cadre du plan décennal du grand Sud-


Ouest, plusieurs actions concernent les secteur textile :
— une intervention sur crédits de politique industrielle (20
millions de francs) a été prévue en 1980 et renouvelée en 1981
pour la modernisation d'activités traditionnelles (laine cardée, bon-
neterie, confection) ;
— le ministère de l'Industrie a accordé un crédit de 1,240 mil-
lion de francs à une action collective des professionnels de l'habil-
lement pour l'organisation d'un salon régional.

Les secteurs du textile et de l'habillement ont également béné-


ficié d'allégements fiscaux totaux ou partiels dans le cadre de l'amé-
nagement du territoire (exonération temporaire de la taxe profes-
sionnelle, réduction du droit de mutation ou de la taxe de publicité
foncière, amortissement exceptionnel de 25 (?/o pour les constructions
nouvelles).
A titre d'exemple, le rapport au Parlement sur les fonds publics
attribués à titre d'aides aux entreprises industrielles a évalué le mon-
tant de ces allégements fiscaux à 455,2 millions de francs en 1978
soit environ 11,8 % du montant des investissements agréés.
Ces investissements d'un montant de 3.854,2 millions de francs
(dont 98,9 pour l'industrie textile et 90,2 pour l'industrie de l'habil-
lement) devaient contribuer à maintenir ou à créer 34.870 emplois
(dont 1.421 pour le textile et 2.873 pour l'habillement).
On observe incidemment que si la part du textile et de l'habil-
lement dans les investissements n'est que de 4,9 %, le nombre
d'emplois est proportionnellement beaucoup plus élevé puisqu'il
s'élève à 12,3 %.
- 315 -

Un exemple d'action globale : « Le plan Vosges ».

Les difficultés de l'industrie textile dans les Vosges ont conduit,


en 1978, à la mise en place d'un programme de rénovation de
l'économie vosgienne.
A l'origine de cette action, se trouve une initiative du conseil
général à l'unanimité de ses membres qui après plusieurs démarches
a établi un constat et un catalogue de propositions dans un docu-
ment intitulé « la grande misère des Vosges ».

Ce document devait servir de base au programme de rénovation


qui comporte 3 axes principaux :
— le renforcement des infrastructures : une amélioration des
communications routières (pour un coût d'environ 500 millions) et
un programme de zones industrielles ont été engagés ;
— le renforcement des activités économiques : outre les actions
de promotion des activités artisanales et touristiques, « le plan
Vosges » avait pour ambition de moderniser les activités tradition-
nelles (aides pour la réalisation d'investissements dans le secteur
textile et constitution « d'une filière bois ») ;
— la création d'activités nouvelles : le Gouvernement a nommé
un responsable de la conversion industrielle dans les Vosges pour
mettre en oeuvre ces mesures et des efforts de prospection et d'im-
plantation d'activités nouvelles ont été menés devant conduire à
des créations d'emplois nouveaux.

Il est évidemment beaucoup trop tôt pour établir un bilan alors


que la réalisation de certains programmes se poursuivra jusqu'en
1985. Si les résultats ont été obtenus en matière de modernisation des
industries textiles. et des infrastructures routières, scolaires..., par
contre les créations d'emplois envisagées ne s'effectuent pas au rythme
prévu. De plus. la soudaine et brutale dégradation de la situation des
industries textiles, dont la Commission a pu mesurer l'ampleur lors
de son déplacement dans les Vosges, nécessitera de toute évidence
des mesures complémentaires.
- 316 -

II. — LES ACTIONS CONCERTÉES AVEC LES


PROFESSIONNELS

A. — LA PARAFISCALITÉ : LE MOYEN DE FINANCEMENT


PRÉPONDÉRANT DES ACTIONS DE MODERNISATION

Ainsi que nous l'avons vu précédemment, les actions menées


par les crédits de politique industrielle ou dans le cadre de l'aména-
gement du territoire n'ont eu qu'une ampleur limitée.
Par contre, les professions ont bénéficié d'un montant de res-
sources non négligeable dont une partie importante a été utilisée par
le Comité interprofessionnel de rénovation des industries textiles
(C.I.R.I.T.) à des actions de restructuration et de modernisation.

1. Evolution des ressources de caractère parafiscal.

Au cours des années, l'assiette, le taux et les modalités d'affec-


tation des taxes parafiscales ont varié. Avant la réforme intervenue
à la fin de l'année 1980 (cf. ci-après), le système était le suivant :
— une taxe de 0,062 % du chiffre d'affaires était perçue sur
les entreprises ressortissant au Centre d'études techniques des indus-
tries de l'habillement (C.E.T.I.H.) ;
— une taxe de 0,44 % de la valeur des articles textiles fabri-
qués en France ou importés était perçue. Son produit était réparti
à raison des deux septièmes pour l'Institut textile de France (I.T.F.)
et à raison des cinq septièmes pour l'Union des industries textiles.

Sur les ressources qui lui étaient attribuées, l'Union des indus-
tries textiles devait affecter 4,5 % des sommes au Centre technique
de la teinture et du nettoyage et le solde à la rénovation de l'indus-
trie textile c'est-à-dire au C.I.R.I.T.

Le tableau ci-après présente l'évolution du montant de ces


financements au cours des dernières années.
— 317 —

RESSOURCES EN PROVENANCE DES TAXES PARAFISCALES


(En millions de francs.)

1970 1975 1976 1977 1978 1979 1980

Taxe textile :
I.T.F. 15,8 25,7 29,8 31,5 33,6 40,0 43,0
C.I.R.I.T. 37,4 66,8 72,9 70,2 76,3 90,5 100,0

Taxe habillement :
C.E.T.I.H. 4,4 9,1 10,3 11 12 14 15

2. Bilan de l'action du C.I.R.I.T. (1).

La mission initialement impartie au C.I.R.I.T. en 1966 était,


« en utilisant des ressources d'origine parafiscale, d'aider à la réno-
vation des structures industrielles et commerciales des entreprises
textiles et, exceptionnellement, à une action de modernisation ou de
promotion commerciale collective ».
Cette décision d'origine parlementaire était surtout motivée par
le fait que les industries concurrentes des pays industrialisés rece-
vaient, pour la plupart, des aides publiques souvent peu transparentes
mais d'une réelle et sensible portée.
Au fil des années, les interventions du C.I.R.I.T. se sont effor-
cées de s'adapter à la nature des problèmes nouveaux posés à l'indus-
trie textile et à l'évolution d'une situation marquée notamment par
l'intensification de la concurrence étrangère.

a) Les champs d'intervention du C.I.R.I.T.

• Restructuration :
L'aide à la rénovation des structures a été le premier objectif du
C.I.R.I.T. En effet, certaines opérations de regroupement ou de
rationalisation se trouvaient freinées, différées ou abandonnées parce
qu'avant de se révéler profitables, elles entraînaient au départ des
dépenses improductives trop lourdes.

(1) Comité interprofessionnel de rénovation des industries textiles.


- 318 -

La prise en charge par le C.I.R.I.T. d'une partie de ces frais


improductifs a constitué une incitation à la restructuration dont
l'efficacité s'est traduite par le nombre de dossiers soumis au Comité,
permettant ainsi, à l'industrie textile, de trouver une structure ren-
forcée qui lui a permis de mieux affronter les difficultés.
Pendant les premières années de son action, le Comité a même
été conduit à faciliter l'arrêt d'unités complètes de production lors-
qu'elles apparaissaient désuètes ou excédentaires prenant en charge,
dans certains cas, une fraction des indemnités de licenciement lorsque
leur poids faisait obstacle à des arrêts reconnus nécessaires.
Par contre, le Comité n'a jamais accordé d'indemnités pour le
riblonnage de matériel.

• Modernisation :
En 1971, le C.I.R.I.T. a été autorisé, pour une période de trois
ans, à apporter son concours à des opérations de modernisation encou-
rageant ainsi les entreprises à s'engager dans des opérations compor-
tant d'importants progrès technologiques générateurs d'une amélio-
ration de productivité.

A partir de 1977 il a été à nouveau autorisé à accorder des


aides aux programmes de modernisation, sans création de capacités
de production excédentaires. Les critères retenus, sous réserve des
possibilités de financement, étaient les suivants :
— l'intérêt des programmes pour faire face à des importations
excessives ou assurer des exportations supplémentaires ;
— l'innovation technique ;
— l'importance des programmes par rapport à la proportion
normale des investissements ;
— les résultats à l'exportation des entreprises en cause ;
— l'effet sur l'emploi.

Ces concours ont quelquefois été complétés par des crédits de


politique industrielle du ministère de l'Industrie.
Enfin, le Comité a accordé des aides pour alléger la charge
des investissements pour la lutte contre la pollution et pour les éco-
nomies d'énergie.

• Exportation :
L'aide aux opérations collectives propres à développer les ex-
portations était restée modérée jusqu'en 1976. A partir de cette
date, la contribution du C.I.R.I.T. a été sensiblement accrue pour
aider de façon substantielle à la mise en oeuvre des plans de dévelop-
pement des exportations des industries textiles et de l'habillement
- 319 -

élaborés par ces professions avec l'approbation des pouvoirs pu-


blics. L'action du C.I.R.I.T. a principalement porté sur les actions
collectives propres à mieux faire connaître les productions françaises.
Il a également apporté son aide à certains investissements com-
merciaux à l'étranger, à l'exclusion naturellement de toute subven-
tion à des produits exportés.

• Etudes, prévisions, création :


Dans le but de fournir des informations de qualité pouvant
éclairer les décisions des chefs d'entreprise, le Comité a largement
contribué à la création et aux frais de fonctionnement du Centre
textile de conjoncture et d'observation économique.
De même, des financements ont été engagés au profit d'orga-
nismes devant apporter leur concours aux entreprises pour promou-
voir et développer la création et pour prévoir les évolutions de la
mode.

b) Bilan chiffré des interventions du C.I.R.I.T.

De 1966 à 1980, le Comité a été saisi de 2.155 demandes d'inter-


vention : 1.853 ont donné lieu à des décisions d'attribution, 269 dos-
siers n'ont pas été retenus et les autres seront à examiner par le nou-
veau Comité.
Parmi les dossiers collectifs, certains concerneraient plusieurs
opérations et des bénéficiaires multiples.
Les engagements du Comité se sont élevés à 905 millions de
francs dont environ 20 % pour les opérations collectives (notamment
à l'exportation), 40 % pour les restructurations et 40 % pour la
modernisation (la distinction entre ces deux dernières rubriques
n'ayant qu'un caractère indicatif).
Les interventions du Comité se sont appliquées indistinctement
à toutes les régions textiles et les entreprises petites, moyennes ou
grandes y ont participé de la même manière.
Les taux d'intervention du Comité ont été le plus généralement
de 30 % pour les frais des études de réorganisation, de 20 % pour
le coût de transfert et réimplantation de matériels nécessités par la
restructuration, de 5 pour les constructions de bâtiments et les
gros aménagements, de 10 % pour les acquisitions de matériels
neufs dépassant le renouvellement courant avec une majoration allant
jusqu'à 5 9/0 dans des cas exemplaires comme, par exemple, lorsque
les opérations s'inscrivaient dans un plan professionnel ou dans le
cas d'entreprises particulièrement performantes notamment à l'ex-
portation.
— 320 —

Les achats de matériels d'occasion, les acquisitions de terrain


et de bâtiments n'ont pas été primés.
Pour les actions collectives, les taux d'intervention ont été su-
périeurs à ceux consentis pour les actions individuelles.

Les trois tableaux ci-après établissent une récapitulation pour


les années 1966 à 1980 de l'action du C.I.R.I.T. et présentent une
répartition de ses interventions au cours de l'année 1980.

VENTILATION PAR TYPE D'OPÉRATION


DES INTERVENTIONS DÉCIDÉES PAR LE C.I.R.I.T.

i I
Année 1979 (rappel) Année 1980 Cumul 1966 à 1980

I
.
, 1
Montant Montant Montant
Nombre( 1Nombre ! ' Nomb re
(France (Fnmcs) (Francs)

Opérations collectives 11 26.775.647 16 I 32.217.570 128 192.934.611

Opérations individuelles
• Restructuration 50 36.604.277 19 15.971259 531 328.970.640
• Modernisation 118 61.904.686 123 75.226.467 890 353.514.419
• Arrêta d'activité 1 236.250 2 242.000 304 30.059.223
-—
169 98.745.213 144 91.439.726 1.725 712.544 .282

Total général 180 125 520.860 160 123.657.796 1.853 905.478.893

VENTILATION DES INTERVENTIONS


EN FONCTION DES EFFECTIFS DU PERSONNEL EMPLOYÉ

Année 19110

Montent
Nombre
(Fromm)

Moins de 50 salariés 53 11.938.469


De 50 à 100 salariés 26 9.891.071
De 100 à 500 salariés 49 48.151.916
De 500 à 1.000 salariés 12 17.415.750
De 1.000 à 2.000 salariés 2 2.179.300
Plus de 2.000 salariés 2 1.863.720

144 91.440.226
- 321 -

ACTIONS INDIVIDUELLES
Ventilation par région des interventions individuelles.

Année 1980

Montant
Nombre
(Francs)

Nord . 30 24.949.593
Est . 16 22.858.397
Rhône-Alpes 68 28.870.937
Sud-Ouest 11 5.545.014
Ouest 6 2A92.645
Autres 10 3.301.570
Opérations multi-régionales 3 3.422.070

Total 144 91.440.226

B. — LES PLANS PROFESSIONNELS

Les « plans professionnels » constituent des exemples intéres-


sants d'actions concertées entre les pouvoirs publics et les profes-
sions pour tenter d'apporter une réponse adaptée et spécifique à des
difficultés bien définies.
Il ne peut être question dans le cadre de ce rapport d'analyser
en détail les trois plans professionnels qui ont été mis en oeuvre au
cours de la période récente : plan coton, plan filature de laine pei-
gnée, plan moulinage-texturation.
Après avoir présenté de façon détaillée les mécanismes et les
objectifs du plan coton, les deux autres actions seront présentées
plus brièvement.

I . Le « plan coton ».

A la suite du renouvellement de l'accord multifibres de 1977


et des accords bilatéraux afférents, les pouvoirs publics et l'industrie
cotonnière ont élaboré un plan d'accélération des investissements
de productivité dans la profession, en contrepartie d'une aide à l'in-
vestissement.

Sénat 282. — 21
- 322 -

— Le cadre d'intervention du « plan coton ».

Après une enquête préliminaire sur les perspectives et les prévi-


sions d'investissements des entreprises, le plan professionnel s'est ins-
crit dans les contraintes suivantes :
— la capacité globale de la production en filature et tissage ne
doit pas augmenter à l'issue du programme d'investissement ;
— la responsabilité et l'autonomie du chef d'entreprise doivent
être respectées ;
— l'intervention de l'Etat est réservée aux entreprises qui déci-
dent de faire un effort d'investissement particulier (supérieur à la
moyenne normale d'investissement de la branche).

L'aide cumulée de l'Etat et du C.I.R.I.T. (puis C.I.R.I.T.H.)


pouvait atteindre 20 % en subvention, du programme d'investisse-
ment, sur trois ans, présenté par chaque entreprise.

— L'objectif du plan coton portait principalement sur l'amélio-


ration de la compétitivité du secteur. Selon la stratégie des firmes,
les programmes d'investissement ont été axés sur :
— l'amélioration de la productivité des machines et de la
main-d'oeuvre ;
— la recherche de la polyvalence du matériel (afin de per-
mettre, le cas échéant, la diversification de la production) ;
— l'amélioration de la qualité des produits.

a) Le programme d'investissement.

• La procédure.
La mise en oeuvre concrète de ce programme a été conduite
de la façon suivante :
— chaque entreprise, pour être éligible, devait présenter un
programme d'investissement, tel que la moyenne des investissements
sur six ans (les trois années précédant le programme et les trois
années du programme) soit supérieure à la moyenne de la profession
dans l'activité considérée (filature, filature-tissage intégré ou tissage) ;
— l'examen des dossiers était d'abord effectué par le C.I.R.I.T.
puis par le ministère de l'Industrie pour compléter sur les crédits
d'action de politique industrielle la subvention initiale du C.I.R.I.T.
jusqu'à une part de 16 % à 19 % de l'investissement selon l'am-
pleur du programme de l'entreprise ;
— 323 —

— le syndicat professionnel était consulté pour s'assurer que


les projets d'investissement ne risquaient pas de créer des excédents
de capacité de production au niveau national.

• La réalisation.
Le plan coton a été fixé pour des programmes d'investissement
de trois ans, à partir de juillet 1978 et, de ce fait, est encore en
cours de réalisation (les derniers investissements devront être réa-
lisés pour juillet 1982).
Ce plan a reçu un accueil favorable de la part des entreprises :
43 entreprises sur les 275 que compte le secteur ont déposé un
dossier.

• Les données financières.


Le volume d'investissement prévu par le plan coton devrait
atteindre 887 millions de francs (dont 819 au titre de la filature et
du tissage), soit une augmentation de 71,5 % par rapport aux
montants investis au cours des trois années précédant le programme.
La valeur ajoutée des entreprises concernées devrait augmenter
investissements
de 51,1 % et le rapport devrait passer de 11,95 %
valeur ajoutée
à 13,56 %. La valeur ajoutée par personne devrait progresser de
52,9 % (204.000 F avant le programme ; 312.000 F après le pro-
gramme).
Le « budget » du plan, compte tenu des investissements en
cours, est de 100 millions de francs (60 millions pris en charge par
le C.I.R.I.T. et 40 millions au titre des crédits de politique industrielle
du ministère de l'Industrie). Le montant des aides s'établit en
moyenne de 16 % à 18 % des investissements primables et de
10 9 10 à 12 % du coût total des programmes.

• Les données en production et les premiers résultats.

— Filature.
Les entreprises ayant participé au plan coton représentaient, en
1978, 36,55 % de la production et 33,5 % des effectifs de la filature
française. Ces chiffres sont respectivement passés à 39,14 % et à
35,2 % en 1979 traduisant une augmentation de leur part.
Alors que les effectifs de la filature française baissaient de 6,3
de 1978 à 1979, ceux des entreprises du plan coton ne diminuaient
que de 1,54 %.
La capacité des filatures des entreprises du plan coton devrait
au terme de celui-ci augmenter de 5,1 % ce qui devrait entraîner une
- 324 -

augmentation de 1,9 % pour la filature française si la production


des autres entreprises reste stable.

— Tissage.
Les tissages ayant investi dans le cadre du plan coton ont repré-
senté 32,2 % de la production en 1978 et 34,05 % en 1979
( + 1,75 %).
18 entreprises parmi les 40 premières de cette branche ont
participé à ce programme.
La capacité de production en tissage devrait rester stable pour
l'ensemble de la branche, en supposant qu'il n'y ait pas de modifi-
cations sensibles de la part de firmes qui n'ont pas participé au
« plan coton ».

b) Les principaux enseignements.

D'une façon générale, ce programme a été bien accueilli et


semble avoir produit des résultats positifs en raison de :
— son adaptation aux problèmes des industries cotonnières ;
— la simplicité des procédures (un seul dossier pour le C.I.R.I.T.
et le ministère de l'Industrie) ;
— la rapidité de l'instruction des dossiers dans la plupart des
cas.

Deux causes ont quelquefois entravé l'examen des dossiers :


— cette procédure gérée par le ministère de l'Industrie a été
mise en oeuvre à un moment où celui-ci procédait à une régionali-
sation de ses structures : une lourdeur administrative et une insuf-
fisante connaissance des problèmes sectoriels ont été constatées dans
certains cas ;
— une procédure connexe visant à faire agréer la liste du
matériel acheté a retardé et perturbé le cheminement de certains
dossiers.

Sur le fond, il convient de souligner que seules les firmes inves-


tissant plus que la moyenne pouvaient participer au plan coton. Ces
dispositions ne répondaient pas au problème de redressement d'entre-
prises fragiles mais viables.

Par ailleurs, il aurait été souhaitable, avec des moyens financiers


plus importants :
— de réduire les exigences à l'éligibilité des projets dans le but
de favoriser notablement la nécessaire accélération de l'investissement
dans ce secteur ;
— 325 —

— d'étendre ce dispositif aux stades industriels en aval


(exemple : l'ennoblissement) alors que les primes n'étaient accordées
qu'aux seuls stades de la filature et du tissage.

En conclusion, et sous réserve de ces observations, il semble


que le « plan coton » ait répondu d'une façon sensible à l'objectif
d'une accélération des investissements, par un processus adapté aux
structures industrielles.

2. Le « plan moulinage texturation ».


-

L'industrie du moulinage-texturation qui emploie environ 6.000


personnes (réparties pour moitié dans l'Ardèche, pour le quart dans
la Drôme et pour le reste dans les départements limitrophes) a connu
en 1977 de grosses difficultés, en raison d'une évolution technolo-
gique rapide, de la concurrence étrangère et d'une structure com-
merciale mal adaptée.
L'analyse menée a débouché sur un « plan professionnel »
d'amélioration des équipements auquel vingt entreprises ont participé,
représentant près de 80 % de la production de la profession.

Ces entreprises ont réalisé environ 105 millions de francs d'inves-


tissements, subventionnés à 15 % par le C.I.R.I.T. et à 10 % par
l'Etat (moitié par le ministère de l'Industrie, moitié par la D.A.T.A.R.).
Ce plan est aujourd'hui réalisé à plus de 90 % et l'évolution de
l'activité des vingt entreprises concernées peut être résumée dans
le tableau ci-dessous.

1979 1980 Pourcentage

Production (en tonnes) 41.497 37.859 — 8,8


Chiffres d'affaires (en millions de
francs) 1.041,4 787,6 — 24,4
Dont exportation (en millions de francs) 336,2 253 — 24,7
Pourcentage d'exportation/chiffre d'af-
faires 32 % 32 %
Effectifs 4.371 3530 — 19,2

Les résultats enregistrés sont la conséquence d'une récession


particulièrement marquée dans le courant du deuxième semestre
1980 mais il semble bien que, sans les investissements du plan pro-
fessionnel, plusieurs firmes auraient cessé toute activité.
- 326 -

3. Le « plan filature de laine peignée » (Renofil).

L'action des pouvoirs publics dans le secteur de la filature de


laine peignée a consisté à soutenir l'effort de modernisation des
entreprises et à faciliter la résorption des capacités de productions
excédentaires ou obsolètes. Le Gouvernement est intervenu par une
mobilisation conjointe du C.I.R.I.T. et des crédits de politique
industrielle. Le plan s'est déroulé sur trois ans (1978-1980) et est
actuellement achevé.
Il a porté sur un montant d'investissements de 78 millions de
francs, aidé par une subvention C.I.R.I.T. de 9,9 millions de francs
et des crédits de politique industrielle de 5,850 millions de francs.

Plan d'assainissement du parc de broches.

L'objectif fixé par la profession était la réduction de 100.000


broches à la fin 1980 par rapport aux capacités existantes au
1" janvier 1978.
Cet objectif a été atteint et même dépassé puisque l'assainis-
sement total constaté à la fin des deux premières années porte sur
155.644 broches au titre du plan Renofil. et de ses effets indirects.

Programmes d'investissements.

Dix-huit entreprises, localisées dans la région Nord à deux


exceptions, ont été concernées par le plan Renofil. Ces dix-huit entre-
prises représentaient environ 80 % de l'activité du secteur.
Le plan filature de laine peignée a permis d'améliorer sensi-
blement la productivité des entreprises. Comparée à la productivité
du matériel en Belgique et en R.F.A., la France se situe à la première
place. Cet effort devrait être poursuivi, les entreprises s'étant fixé
pour objectif une croissance annuelle des investissements de l'ordre
de 10 % pour les trois années à venir.

C. — LA POLITIQUE SOCIALE

Les fermetures d'établissements et les licenciements collectifs


intervenus à l'occasion des réductions successives d'emplois qui ont
été analysées pour le textile et l'habillement dans la première partie
ont été accompagnés de mesures sociales soit d'ordre général dans
une mesure qu'il conviendra d'apprécier par rapport à celles dont
- 327 -

ont bénéficié certains secteurs industriels, soit plus particulières


mais qui n'ont pas atteint la spécificité de mesures qui ont bénéficié
à d'autres secteurs en crise.
— L'emploi textile a d'abord été influencé comme il vient
d'être vu, par la politique générale menée en matière d'aménagement
du territoire, le rééquilibrage des régions françaises, la résorption
des disparités de développement et la reconversion des zones d'indus-
tries anciennes affectées par l'évolution brutale de certaines produc-
tions.
Les actions entreprises au moyen des aides générales de l'Etat
ou par le biais des plans professionnels, régionaux ou de reconversion,
ont abouti en fait fréquemment à une réduction de l'emploi textile.
Dans quel environnement social cette évolution s'est-elle opérée ?
Celle-ci doit être appréciée au vu de l'application des dispositions
prises pour faciliter le reclassement professionnel (formation profes-
sionnelle) et l'entrée des jeunes dans la vie active (pactes pour
l'emploi), le départ des salariés relativement âgés (préretraite),
pour soutenir le revenu de ceux dont l'activité s'est réduite (chômage
partiel) et enfin pour indemniser ceux dont l'activité professionnelle
a cessé.
L'éventail de ces mesures d'accompagnement pourra être illustré
par le « plan social » de la filiale « Textiles » du groupe Rhône-
Poulenc qui a été arrêté en liaison avec les pouvoirs publics.
Enfin, il faudra s'interroger sur l'opportunité de la mise en
place pour le textile et l'habillement d'une politique sociale à la fois
globale et spécifique comme celle qui a été prévue pour l'industrie
sidérurgique.

1. Le reclassement professionnel des salariés du textile et de


l'habillement : l'application des actions de formation professionnelle.

Ces actions auront relativement moins profité aux salariés du


textile et de l'habillement qu'à ceux des autres secteurs d'activité.
La formation professionnelle a en effet plutôt été utilisée dans
ces secteurs pour régler des problèmes ponctuels d'emploi soulevés
par l'évolution des techniques ou le redéploiement des activités ;
plus qu'à l'acquisition de nouvelles qualifications, ces actions ont
tendu à faciliter l'adaptation des salariés aux nouveaux postes de
travail.
En 1979, ces actions ont concerné 1.625 salariés de la branche
textile-habillement (1.382 pour le textile et 273 pour l'habillement),
la majeure partie de ces opérations ayant été menée dans le secteur
textile pour des actions de conversion internes à l'entreprise.
- 328 -

En 1980, une augmentation sensible du nombre des salariés


concernés a été constatée puisque 2.007 personnes ont bénéficié
d'actions de formation professionnelle notamment du fait des opéra-
tions de restructuration de Rhône-Poulenc-Textiles.
Ces chiffres apparaissent cependant modestes lorsqu'ils sont
rapportés aux effectifs des secteurs du textile et de l'habillement
et même à ceux dont l'emploi est menacé ou susceptible d'évolution.
Ces actions apparaissent d'autant plus insuffisantes qu'elles
concernent une main-d'oeuvre peu formée, peu qualifiée, féminine
dans sa très large majorité et attachée à des emplois très particuliers.
Des moyens accrus devront être mis en œuvre dans le secteur
afin de dépasser la seule conversion interne à l'entreprise : la réussite
d'une politique de reclassement professionnel dans la situation de
crise de l'industrie textile est à ce prix. En effet, si aucune action
en profondeur n'est menée en matière de formation, on voit mal,
sinon dans des secteurs comme l'électronique, la petite mécanique
ou la distribution, à quelle activité nouvelle pourront se livrer les
salariés victimes de la réduction de l'emploi textile.

2. L'aide à l'emploi des jeunes.

— L'application des pactes pour l'emploi aux secteurs du textile


et de l'habillement.

Les diverses dispositions des pactes nationaux pour l'emploi


ont été utilisées par les industries du textile et de l'habillement dans
des proportions non négligeables.
Leur objectif était moins de créer des emplois que d'améliorer
l'adaptation des jeunes aux emplois proposés par les entreprises
des secteurs considérés.
Les modalités de ces pactes ont porté à la fois sur l'exonération
d'une partie des cotisations patronales de sécurité sociale, les contrats
emploi-formation, l'apprentissage, les primes d'incitation à l'embauche
d'un premier salarié dans les entreprises artisanales, les stages
pratiques en entreprise et l'embauche des chômeurs âgés d'au moins
quarante-cinq ans. Concernant le textile-habillement, ont surtout
été utilisées les possibilités d'embauche résultant des contrats emploi-
formation alors que les autres mesures se sont révélées moins incita-
tives. Cependant les embauches réalisées n'ont pas toujours été
prolongées par un emploi consolidé à l'issue de la période d'applica-
tion du pacte, notamment dans l'habillement :
— 329 —

1979.
(En pourcentage.)

Textile Habillement

Effectifs salariés du textile par rapport à l'ensemble


des salariés 2,5 2,1
Exonération cotisations sociales 2,0 2,9
Stages pratiques 2,0 3,4
Exonération apprentis 2,5
Contrats emploi-formation 4,3 10,3

Dans le textile-habillement, comme d'ailleurs dans les autres


secteurs d'activité qui ont bénéficié des dispositions des différentes
campagnes, les pactes ont plutôt tendu pour certains de leurs volets
à constituer des emplois artificiels et temporaires qu'à être de véri-
tables passeports professionnels, et ainsi à ralentir la progression
du chômage.
En revanche, les contrats emploi-formation qui ont été la for-
mule la plus utilisée dans le textile et l'habillement ont abouti à un
maintien dans l'emploi relativement élevé comparé à l'effet des stages
pratiques ; ce maintien dans l'emploi était d'autant plus fréquent
que les entreprises étaient plus importantes et que le degré de for-
mation des bénéficiaires était plus élevé ; à cet égard les stagiaires
sans formation ont moins bénéficié des contrats emploi-formation
et des stages pratiques que les jeunes ayant achevé un cycle scolaire
ou les titulaires d'une formation professionnelle.
En outre, les modalités des pactes ont plutôt bénéficié aux jeu-
nes hommes qu'aux jeunes filles à l'exception des stages pratiques :
cette observation confirme donc l'utilisation trop modeste que les
secteurs du textile et de l'habillement ont pu faire des pactes pour
l'emploi, alors que les besoins potentiels étaient importants. Enfin, les
stages pratiques ont surtout été prisés des entreprises de moins de
50 salariés et des entreprises en difficulté ayant utilisé directement à
la production de jeunes stagiaires qui n'ont qu'insuffisamment béné-
ficié de cours de formation.
— 330 —
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Construction électrique et électronique


Construc tion véhicules automobiles
i

Construc tion navale aéronautique


Agriculture, combustible, énergie

Industrie agricole et alimentaire

Fils artificiels. Industrie textile


Fonderie. Travaux métau x
Extraction des minerais

Construction mécanique
Industrie chimique

Cuir, chaussure

Habillement
- 331 -

Les tableaux ci-après permettent de mesurer l'application qui


a été faite du premier et du deuxième pacte dans le textile et l'habil-
lement (les résultats du troisième pacte n'étant pas disponibles par
secteur d'activité) :

Pacte 1.

Nombre de bénéficiaires Participation relative

Hommes Femmes Total Hommes Femmes Total

61 132 193 0,8 %0 6,1 %0 2 96e


Textile
81 624 705 1 960 29 960 7,3 %o
Habillement

Pacte 2 (1" juillet 1978 - 31 mars 1979).

Nombre de bénéficiaires Participation relative

Hommes Femmes Total Hommes Femmes Total

84 161 245 1,1 96o 7,4 960 2,5 9'00


Textile
89 626 715 1,1 9'oo 28,8 %o 7,4 960
Habillement

PRISE EN CHARGE DE LA MOITIE DES COTISATIONS SOCIALES

Part des effectifs 1


1 salariés I Premier pacte Deuxième pacte Troisième pacte
au 31 décembre
1978

17 %o 14 %o 15 %o
Textile 25 %o
21 %o 25 Voo 29 %ce 29 %o
Habillement

(13.215.000 (230.000 (95.000 (151.600


salariés) exonérations) exonérations) exonérations)
- 332 -

STAGES PRATIQUES EN ENTREPRISES

Part des effectifs


salariés
Premier pacte Deuxième pacte Troisième pacte
au 31 décembre
1978

Textile 25 %o 21 %o 37 %o 20 %o
Habillement 21 %o 32 %o 56 %o 34 %o

(13.215.000 (146.000 (20.000 (56.800


salariés) entrées) entrées) entrées)

En dépit des actions réalisées dans les professions concernées,


l'effort de formation professionnelle devra être réactivé notamment
pour assurer le reclassement des travailleurs du textile qui vien-
draient à être licenciés pour des raisons économiques.
A cet égard, les conventions de formation et d'adaptation par
lesquelles l'Etat s'engage à prendre en charge une partie du finance-
ment des actions de formation engagées devraient être développées.
Ces conventions peuvent être passées par les entreprises qui
souhaitent conserver leur personnel en leur assurant une formation
nouvelle ou adaptée à des tâches différentes imposées par des chan-
gements de fabrication ou de technologie.
L'étude engagée par le ministère du Travail et de la Participa-
tion avec l'Union des industries textiles avait pour objet de former
ou d'adapter pour 1981, 2.500 personnes ; la participation finan-
cière de l'Etat devrait être dans cette hypothèse conjuguée avec celle
du Fonds social européen.
Les concours publics auraient couvert 80 % des dépenses de
fonctionnement et 70 % du salaire des stagiaires en formation lors-
qu'il se serait agi d'acquérir une qualification manuelle. En revanche,
la prise en charge des salaires serait plafonnée à 50 % dans le cas
d'une simple adaptation au poste de travail.
Cette participation de l'Etat à un effort pour le moment insuffi-
sant de formation professionnelle constaté dans le textile et l'habil-
lement paraît indispensable pour assurer ou faciliter les transitions
à venir.
- 333 -

3. Le cas des salariés âgés.

— Faciliter le départ des salariés relativement âgés : l'utilisa-


tion importante des formules de pré-retraite dans le textile.

Le départ des salariés en retraite anticipée constitue l'une des


formules permettant de limiter les conséquences sociales des réduc-
rions d'effectifs qui touchent le textile et l'habillement.
A cet égard, une modification du régime des allocations spéciales
du Fonds national de l'emploi a permis en 1980 la mise en oeuvre
d'un régime dit de pré-retraite à cinquante-six ans et deux mois aux
salariés licenciés pour motif économique lorsque la situation de
l'emploi dans la région ou la profession est marquée par un grave
déséquilibre rendant leur reclassement impossible. Cette modification
s'est traduite par une première convention signée en octobre 1980.
Ce type de convention permettrait aux travailleurs licenciés qui
décident d'y adhérer de bénéficier d'un revenu égal à 70 % de
leur salaire brut total soit environ 80 % de leur salaire net antérieur
jusqu'à l'âge de soixante ans : un allégement sensible des procé-
dures d'attribution serait cependant nécessaire.
Passé cet âge, ces travailleurs ont l'accès à la garantie de res-
sources dont l'accord vient d'être reconduit pour deux ans ; son
montant est identique, soit 70 % de leur salaire brut antérieur et est
financé comme l'ensemble des prestations de chômage par les coti-
sations et par une subvention de l'Etat.
A ce titre, 4.700 demandes ont été enregistrées en quatre mois.
Cependant aucune convention cadre n'existe dans le textile
pour les personnels dont l'âge se situe entre cinquante-cinq ans et
cinquante-six ans et deux mois, et dont la situation apparaît la plus
préoccupante.
L'étude des conditions dans lesquelles l'âge d'accès à la pré-
retraite pourrait être abaissé à cinquante-cinq ans devrait donc être
menée rapidement avec la profession, et, sans nécessairement aboutir
à une convention globale avec l'ensemble du secteur, devrait donner
lieu à des conventions particulières négociées entreprise par entre-
prise dans des zones critiques en matière d'emploi.
Dans un autre secteur industriel en difficulté, la sidérurgie, la
deuxième convention sociale signée le 24 juillet 1979 prévoyait
plusieurs formules de pré-retraite allant de la dispense volontaire
d'activité pour les travailleurs âgés de cinquante ans à cinquante-
cinq ans, les handicapés et ceux exerçant une activité pénible, à la
cessation anticipée d'activité pour ceux de plus de cinquante-cinq ans.
- 334 -

Il serait souhaitable d'étendre ces mesures généralisées de


retraite anticipée au secteur du textile, mais celui-ci est loin de pré-
senter l'homogénéité de l'industrie sidérurgique aussi bien par la
diversité des branches, des entreprises, que par la taille et la situation
de celles-ci.
En outre, ces dispenses d'activité financées sur fonds publics,
et accordées à des travailleurs dont l'emploi est supprimé à un âge
que l'on ne peut raisonnablement qualifier d'élevé, devraient rester
exceptionnelles : elles ne sont pas souhaitables sur le plan psycholo-
gique et sont de nature à encourager des activités professionnelles
clandestines qui concurrencent le travail régulier.
La multiplication de ces conventions sociales exceptionnelles
appliquées à l'ensemble d'un secteur d'activité ne saurait en effet
manquer d'avoir valeur d'exemple pour l'ensemble des activités
connaissant des difficultés, et de développer une population assistée
dans une proportion de plus en plus élevée et à un âge de plus en
plus bas.
Des actions positives de création et d'aide à l'emploi menées en
liaison avec une politique d'aménagement du territoire et un appro-
fondissement de l'effort de formation professionnelle devraient plutôt
être privilégiés.

4. La réduction conjoncturelle des horaires de travail et l'indemni-


sation du chômage partiel : une formule très développée dans le
textile et l'habillement.

Le chômage partiel constitue un autre volet de l'ensemble des


mesures participant à la limitation des conséquences sociales de la
crise observée dans l'industrie textile.

• Son principe.
Lorsqu'une entreprise enregistre une baisse temporaire d'activité
qui justifierait des licenciements, afin d'éviter ceux-ci, cette entre-
prise peut solliciter aux termes de la loi du 3 janvier 1975 du direc-
teur départemental du travail et de l'emploi une convention de chô-
mage partiel par laquelle l'entreprise s'engage à ne pas procéder à
des licenciements économiques pendant la période couverte par la
convention. A cette fin, l'entreprise bénéficie en théorie, pour le per-
sonnel visé par la convention, d'une aide financière de l'Etat égale
à une partie du coût pour l'entreprise du chômage partiel : le textile
et l'habillement ayant été classés pour 1981 parmi les secteurs prio-
ritaires, la participation de l'Etat peut donc atteindre 80 % du coût
du chômage partiel.
- 335 -

• Les effectifs du textile et de l'habillement touchés par le


chômage partiel.
Ces effectifs ont sensiblement progressé en 1980 et se situent
désormais à environ 20.000 salariés par mois.
L'aide de l'Etat accordée aux entreprises par voie de conventions
de chômage partiel avait nettement diminué en 1979 du fait du
redressement relatif de l'activité du textile et de l'habillement ; en
revanche, elle a sensiblement augmenté au cours de l'année 1980 :

NOMBRE DE CONVENTIONS CONCLUES

1979 1980

Textile 43 77
Textile artificiel et synthétique 5 6
Habillement 13 23

Total 56 100

EFFECTIFS EN CHOMAGE PARTIEL COUVERTS PAR DES CONVENTIONS

1979 1980

Textile 8.817 11.195


Textile artificiel et synthétique 3.086 2.435
Habillement 898 3.254

Total 9.715 14.449

Sources : Ministère du Travail et de la Participation.

Notons qu'en 1980, six secteurs d'activité regroupaient 73,4 %


des journées indemnisées au titre du chômage partiel, et que le textile
arrivait en seconde position avec 1.663.793 journées derrière la cons-
truction mécanique (dont l'automobile), contre 2.472.177 en 1975 ;
le secteur de l'habillement arrivait en quatrième position avec 393.204
journées indemnisées.

Certains départements particulièrement touchés par la crise de


l'industrie textile ont largement fait usage de cette formule : à titre
d'exemple, plus de la moitié des établissements textiles des Vosges
- 336 -

pratiquent des réductions d'horaires, ramenant ceux-ci entre trente-


deux et vingt-quatre heures par semaine ; de 1979 à 1980, le nombre
de journées indemnisées y est passé de 6.276 à 61.829 et dix entre-
prises rassemblant 3.119 salariés ont conclu une convention par
laquelle l'Etat a pris à sa charge 40 à 80 % de l'allocation conven-
tionnelle de chômage partiel.

— Les travailleurs du textile et de l'habillement privés


d'emploi : le nombre de demandeurs d'emploi indemnisés.

Les effectifs des demandeurs d'emploi des secteurs du textile et


de l'habillement licenciés pour raisons économiques bénéficiant
de l'indemnisation de l'assurance chômage sont difficiles à recenser.

Faute de statistiques complètes, seules les inscriptions nouvelles


des salariés demandeurs d'emploi permettent d'apprécier le nombre
des chômeurs du textile et de l'habillement indemnisés pour cause de
licenciement.

PREMIERS PAIEMENTS EFFECTUÉS POUR LES ONZE PREMIERS MOIS DE 1980


(Textile.)

Allocation Allocation Garantie Garantie


de base spéciale de ressources de ressources
(licenciements) (démissions)

Hommes 3.541 2.803 856 748


Femmes 6.469 7.311 751 719

Ensemble 10.010 10.114 1.607 1.467

Les nouveaux demandeurs d'emploi « originaires » du secteur


textile et bénéficiaires des diverses prestations de l'assurance chô-
mage pour la période considérée de 1980 représentent les effectifs
suivants :
— hommes : 7.948 ;
— femmes : 16.250 ;
— ensemble : 23.198.

Rappelons que les licenciements économiques avaient touchés


pour les dix premiers mois de 1980, 10.424 salariés dans le textile,
chiffre qui peut être rapproché des 11.721 salariés du secteur qui
ont bénéficié (pour les onze premiers mois) de l'allocation spéciale
(licenciement économique) ou de la garantie de ressources suite à
un licenciement.
— 337 —

PREMIERS PAIEMENTS EFFECTUÉS POUR LES ONZE PREMIERS MOIS DE 1980


(Habillement.)

Allocation Allocation Garantie Garantie


de ressources de ressources
de base spéciale
(licenciements) (démissions)

Hommes 1.583 1.913 202 179


Femmes 10.611 10290 499 543

Ensemble 12.194 12.203 701 722

Les nouveaux demandeurs d'emploi « originaires » de l'habil-


lement indemnisés au cours de la période considérée au titre des
différentes prestations représentent les effectifs suivants :

— hommes : 3.877 ;
— femmes : 21.943 ; ,

— ensemble : 25.820.

Pour les dix premiers mois de 1980, les licenciements écono-


miques avaient touché 13.643 salariés dans l'habillement, alors que
12.904 anciens salariés du secteur ont bénéficié (pour les onze pre-
miers mois) de l'allocation spéciale (licenciement économique) de
la garantie de ressources suite à un licenciement.

— Les travailleurs du textile et de l'habillement ne bénéficiant


d'aucune indemnisation de chômage : le problème des fins de droits.

Un an après l'entrée en vigueur du nouveau système d'indem-


nisation du chômage, plus de 133.000 personnes ont cessé de perce-
voir leurs allocations A.S.S.E.D.I.C. entre janvier et décembre 1980.
10.000 salariés par mois environ viennent ainsi grossir le nom-
bre de chômeurs parvenus en fin d'indemnisation, c'est-à-dire trois
ou cinq ans après leur entrée en chômage.
Les statistiques ne permettent pas d'isoler parmi les « fins de
droits » les travailleurs licenciés des secteurs du textile et de l'habil-
lement.
Une enquête effectuée par l'U.N.E.D.I.C. à partir de juillet 1980
révèle la jeunesse de cette population (44 % de moins de vingt-cinq
ans) et son caractère féminin (73 % de femmes).
Devant la gravité de cette situation, l'Etat et l'U.N.E.D.I.C.
ont signé, le 24 février 1981, une convention « fin de droits » qui
Sénat 282. — 22
- 338 -

permet d'attribuer, sous des conditions strictement définies, une aide


de secours exceptionnel aux travailleurs privés d'emploi ayant épuisé
les durées maximales d'indemnisation.
Cette aide ne sera en effet attribuée qu'aux travailleurs âgés
de quarante ans, ne bénéficiant d'aucun revenu de remplacement ou
de ressources familiales au-dessus d'un plafond et justifiant d'une
activité professionnelle d'au moins cinq ans ; son montant sera égal
à celui de l'allocation forfaitaire minimale, soit 25 F par jour.
Ces conditions restrictives ne permettent pas de faire bénéficier
un grand nombre des « fins de droits » du textile et de l'habillement
de cette allocation modeste : en effet, les difficultés de reclassement
dans certains bassins d'emploi conduisent de nombreux licenciés
économiques de ces secteurs, jusqu'à l'expiration des périodes d'in-
demnisation, et la jeunesse de ces chômeurs notamment, les écarte-
ront du bénéfice de cette aide exceptionnelle.

5. Une illustration de la mise en oeuvre de l'ensemble de ces mesures.

Le groupe Rhône-Poulenc-Textiles.

A la suite des pertes financières considérables intervenues dans sa


filiale Textiles, le groupe Rhône-Poulenc a mis en place, fin 1977, un
plan de réduction des effectifs, dit « plan social », ramenant ceux-ci de
13.200 à 8.000 salariés en 1980, puis de 4.000 salariés encore pour
l'année 1981.
Ce plan est caractéristique des mesures sociales qui accompa-
gnent des fermetures d'établissements et des réductions d'emploi dans
un grand groupe industriel, plan mené de concert avec les pouvoirs
publics et en liaison notamment avec la D.A.T.A.R. et la délégation
à l'emploi.
Le dispositif mis en place tend à proposer à chaque salarié qui
devra quitter le groupe, d'échapper à un licenciement dépourvu de
toute garantie.

Ce dispositif comprend l'essentiel des mesures générales qui


viennent d'être exposées :
— une allocation spéciale est accordée aux salariés qui ont
atteint l'âge de cinquante-six ans et deux mois ;
— l'action de formation est développée et devrait permettre
des reclassements au sein du groupe ;
— une allocation temporaire dégressive est instituée ;
— une prime de départ volontaire est proposée aux salariés
concernés qui le désirent ;
- 339 -

— des créations d'emploi seront proposées par une filiale du


groupe Rhône-Poulenc, la Sopran, dans le périmètre de certains éta-
blissements qui doivent disparaître (La Voulte, Besançon).
Il faut noter que la convention d'allocation spéciale signée entre
le ministre du Travail et Rhône-Poulenc-Industrie vise 1.400 person-
nes du groupe et devrait permettre à celles ci de quitter leur entre-
-

prise à cinquante-six ans et deux mois ; en contrepartie, les établis-


sements de Rhône-Poulenc-Industrie accueillent 800 anciens salariés
de Rhône-Poulenc-Textiles et bénéficient d'une aide importante en
ce qui concerne les mutations.
L'addition de ces différents dispositifs permet ainsi de pallier
les conséquences de 4.000 licenciements mais ceci n'a été possible
qu'en raison de l'importance du groupe, qui facilite des mutations
entre les différents établissements.
Il faut remarquer en revanche que tous les grands groupes n'en-
visagent pas de procéder à des licenciements avec un plan social aussi
élaboré ; à cet égard les perspectives de réduction d'effectifs des ac-
tivités textiles du groupe Willot ne paraissent pas avoir été envisagées
avec le même souci de concertation auprès des pouvoirs publics.

III. — LE PLAN TEXTILE DU 5 NOVEMBRE 1980 ET LES


MESURES GOUVERNEMENTALES DE MARS 1981: UN
EFFORT LOUABLE MAIS TARDIF ET INSUFFISANT

Devant la dégradation accélérée de l'emploi et des échanges


extérieurs en 1980, la multiplication des défaillances d'entreprises et
la montée des inquiétudes, les pouvoirs publics ont commencé à
prendre conscience de l'insuffisance des moyens traditionnels de la
politique industrielle pour endiguer la crise qui frappait tout particu-
lièrement le secteur des industries textiles et de l'habillement.
A Lille, le 10 octobre 1980, le Président de la République,
M. Valéry Giscard d'Estaing, déclarait : « Il faut organiser l'offen-
sive ; l'industrie textile-habillement n'est pas une industrie archaïque,
c'est une industrie stratégique, c'est une industrie d'avenir. Le Gou-
vernement va en tirer toutes les conséquences. »
Cette déclaration marquait un infléchissement du diagnostic
porté sur le secteur qui jusqu'à présent n'avait été considéré que
comme un « secteur en mutation » qui, en dehors d'actions ponc-
tuelles, n'avait pas bénéficié d'une action globale et massive.
Le plan gouvernemental présenté le 5 novembre 1980 concer-
nant les industries du textile et de l'habillement est d'une autre nature
que les actions précédemment menées : il a l'ambition d'être un plan
— 340 —

d'ensemble regroupant des mesures dans les différents domaines ayant


fait l'objet d'un diagnostic de faiblesse.
Ce plan fondé principalement sur un constat d'insuffisante com-
pétitivité (investissement insuffisant, productivité inférieure à celle
des principaux pays industriels, restructuration industrielle inache-
vée...) débouche naturellement et prioritairement sur un programme
d'aide à l'investissement.

A. — L'ACTION EN FAVEUR DE L'INVESTISSEMENT

Les pouvoirs publics ont estimé que des investissements accrus


d'un tiers (soit environ un milliard supplémentaire par an) sont né-
cessaires pour que les entreprises françaises parviennent à un niveau
de compétitivité comparable à celui de leurs principaux concurrents.
Dans cette perspective, l'objectif affirmé par le Gouvernement,
en novembre 1980, consistait à mobiliser, de façon prioritaire, l'en-
semble des moyens financiers afin que tout projet industriel ou de
développement commercial présenté par une entreprise performante
puisse trouver un financement rapide et approprié.
L'ensemble des mécanismes de soutien à l'investissement ne
fait pas appel à des instruments nouveaux mais s'inscrit, dans la plu-
part des cas, dans le cadre de structures rénovées ou dans un assou-
plissement des conditions d'accès à certains financements spécifiques.

1. Un moyen d'une portée extrêmement limitée : le C.O.D.I.S.

Tel est en premier lieu l'objectif de l'inscription du textile-


habillement comme septième thème prioritaire du renforcement in-
dustriel autorisant le bénéfice de contrats de développement dans le
cadre de la procédure du Comité d'orientation et de développement
des industries stratégiques (C.O.D.I.S.).
Six secteurs industriels avaient été retenus lors de la création du
C.O.D.I.S. : bureautique, électronique grand public, robotique, tra-
vaux sous-marins, bio-industrie, matériels économisant l'énergie.
Le fait d'y adjoindre le textile et l'habillement est significatif
d'un infléchissement mais sa portée ne doit pas être surestimée.

Par doctrine, le C.O.D.I.S. ne retient que « les projets


significatifs des entreprises performantes sur certains axes pri-
vilégiés » (1) :

(1) Lettre d'information du ministère de l'Industrie, 18 novembre 1980, n• 141.


- 341 -

— seront considérées comme performantes les entreprises ayant


montré leur capacité d'affronter avec succès la concurrence inter-
nationale et enregistrant des résultats supérieurs à la moyenne au
niveau des taux de croissance, d'exportation et de rentabilité ;
— seront retenus comme significatifs les projets d'investisse-
ments industriels et commerciaux supérieurs à la moyenne des
branches concernées ;
— les axes privilégiés de développement devront être notam-
ment l'implantation commerciale à l'étranger, l'innovation, l'auto-
matisation et la souplesse.

La procédure du contrat de développement du C.O.D.I.S. est


un instrument adapté pour concentrer les aides publiques sur les
programmes retenus, et cette intervention est envisageable en faveur
d'entreprises de toutes tailles, y compris les petites et moyennes.
Mais il est évident que le principe de cette intervention est la très
grande sélectivité dans le choix des projets qui seront retenus et, à
ce titre, ne peut concerner qu'un nombre extrêmement limité d'en-
treprises.

2. L'élargissement des conditions de prêts : un impact incertain.

Le plan gouvernemental a prévu un accès plus large des entre-


prises aux prêts participatifs. En effet, beaucoup d'entreprises souf-
frent d'un manque de fonds propres et l'octroi de prêts participatifs
constitue un moyen de renforcement financier.

Les interventions du Comité interministériel pour le dévelop-


pement des investissements et le soutien de l'emploi (C.I.D.I.S.E.)
en faveur du textile-habillement devraient être stimulées et facilitées
par un assouplissement des conditions antérieurement exigées. Cette
intervention, qui prend la forme de prêts participatifs du Fonds de
développement économique et social (F.D.E.S.), obéit aux règles
suivantes :
a) existence d'un besoin de fonds propres et caractère incitatif
de l'aide publique ;
b) plafonnement du prêt participatif à 25 % du programme
d'investissement et du total des aides publiques (y compris les autres
aides demandées pour le même programme : primes de développe-
ment régional, crédits de politique industrielle, etc.) à 40 % de ce
programme ;
c) apports de fonds propres des actionnaires au moins égaux
au prêt participatif demandé. Exceptionnellement, ces apports pour-
ront ne s'élever qu'à 50 % du prêt participatif ;
- 342 -

d) contribution positive du programme examiné à la balance


extérieure, soit par développement des exportations, soit par recon-
quête du marché intérieur.

S'agissant des entreprises du secteur textile-habillement, les


règles b) et c) ci-dessus ont été assouplies dans les deux directions
suivantes :
— s'agissant d'entreprises souvent lourdement endettées, dont
il est souhaitable que le programme d'investissement puisse être
financé sans qu'il soit fait un appel excessif à un endettement nou-
veau, le prêt participatif peut atteindre 40 % du programme, sous
réserve d'un apport en fonds propres au moins égal à 50 % du prêt
participatif demandé ;
— pour d'autres entreprises, les apports d'actionnaires sont
rendus impossibles, soit que les difficultés passées aient déjà rendu
nécessaires de tels apports, soit que les performances actuelles ren-
dent aléatoire l'appel à de nouveaux actionnaires : dans ce cas,
il peut être envisagé de ne pas imposer un tel apport, sous réserve
que le prêt participatif demandé ne dépasse pas 25 % du programme
d'investissement.

Ces deux modifications aux règles habituelles du C.I.D.I.S.E.


constituent un assouplissement certain ; toutefois, leur mise en oeuvre
ne se fait que dans le cadre d'une analyse financière rigoureuse et
en faveur d'entreprises fondamentalement saines et performantes.
Ces assouplissements ont permis une intensification des inter-
ventions du C.I.D.I.S.E. en faveur des entreprises du textile-habil-
lement comme le montre le tableau suivant :

INTERVENTIONS DU
EN FAVEUR DES ENTREPRISES DU TEXTILE-HABILLEMENT

Du 1.11.1980
au 10-2-1981
Du 1-4-1979 (3 mois 10 jours)
au 1.11-1980
(19 mois)
En cours
Décidés d'examen
au 10-24981

Nombre de projets 20 8 33
Prêts participatifs (en millions de francs) 40 27 126
Investissements (en millions de francs) 274 106 510
- 343 -

Par ailleurs les banques et les établissements financiers ont été


invités par le ministre de l'Economie à accroître le volume de leurs
prêts participatifs privés aux entreprises du secteur textile-habille-
ment et à faire appel de façon systématique au fonds national de ga-
rantie ; de plus, dans les régions à vocation textile, les sociétés de
développement régional (S.D.R.) ont désormais accès à ce fonds
pour faciliter des financements de ce type.

Enfin, le développement des prêts à moyen et long terme devrait


être encouragé par la création d'un fonds de garantie (de 30 mil-
lions de francs) placé auprès de la société unique de caution mutuelle
qui est résultée de la fusion des différentes sociétés qui opéraient
dans le secteur textile. Ce fonds devrait permettre de garantir un
encours de risques supplémentaires de l'ordre de 500 millions de
francs.

3. La réforme du Comité interprofessionnel de rénovation


des industries du textile et de l'habillement (C.I.R.I.T.H.).

Ce Comité s'est substitué à partir du le! janvier 1981 au Comité


interprofessionnel de rénovation des industries textiles (C.I.R.I.T.)
créé en 1966.

L'essentiel des ressources du Comité viendra du produit des


taxes parafiscales :
— 70 % du produit de la taxe parafiscale du secteur textile
dont le taux est fixé à 0,44 %. Sur ce montant, le C.I.R.I.T.H. doit
reverser 4,5 % des sommes ainsi obtenues au Centre technique de la
teinture et du nettoyage ;
— deux tiers du produit de la taxe parafiscale du secteur de
l'habillement créée par le décret du 15 décembre 1980 et dont le
taux a été fixé à 0,22 %.
Le reste des ressources collectées par les taxes parafiscales sera
affecté comme suit :
— 30 % du produit de la taxe sur le textile à l'Institut textile
de France ;
— un tiers du produit de la taxe sur l'habillement au Centre
d'études techniques des industries de l'habillement.

Au total, le montant des ressources affectées au C.I.R.I.T.H.


devrait se situer à environ 150 millions de francs, soit une augmen-
tation importante par rapport aux ressources dont disposait la struc-
ture antérieure.
- 344 -

Le Comité réformé, aux compétences élargies à l'habillement,


aura notamment pour objet :
— de promouvoir dans les industries du textile et de l'habille-
ment la définition des programmes industriels ou collectifs tendant
à la rénovation des structures industrielles ainsi qu'à l'amélioration
des conditions de production et de commercialisation ;
— de contribuer au financement de ces programmes ;
— de procéder à toutes études d'ordre économique ou social
intéressant ces industries et d'en diffuser les résultats.

Les axes prioritaires d'intervention du Comité seront :


— l'exportation ;
— la restructuration et la modernisation ;
— les actions collectives d'intérêt général (créativité, coordina-
tion de la mode, suivi de la conjoncture).

Dans le domaine du financement, l'octroi de prêts participatifs


aux industries du textile et de l'habillement sera facilité par l'inter-
vention du C.I.R.I.T.H.

En effet, cet organisme mettra à la disposition du crédit d'équi-


pement pour les petites et moyennes entreprises (C.E.P.M.E.), des
sociétés de développement régional (S.D.R.) et du Crédit national,
une avance remboursable permettant à ces établissements de distri-
buer des prêts participatifs spéciaux à taux réduit aux entreprises
présentant une situation financière saine et des perspectives de déve-
loppement satisfaisantes.

Après accord du C.I.R.I.T.H. sur son opportunité, chaque prêt


sera financé à hauteur des trois quarts de ce montant sur les fonds
mis à la disposition par le C.I.R.I.T.H. et, pour le solde, sur les res-
sources propres de l'établissement de crédit distributeur.

Ce prêt spécial sera systématiquement jumelé à un prêt partici-


patif privé consenti par le même établissement prévu, soit en totalite
soit en partage avec un établissement tiers, aux conditions habituelles
des prêts de cette nature.

Ces deux prêts participatifs auront la même durée et les mêmes


modalités d'amortissement, les fonds avancés par le C.I.R.I.T.H. lui
étant remboursés par l'établissement prêteur au fur et à mesure du
paiement des échéances par le bénéficiaire du prêt.

Bien qu'intéressante, cette procédure risque de se révéler parti-


culièrement lourde.
- 345 -

B. — L'ACTION EN FAVEUR DE L'INNOVATION

La réforme des procédures d'intervention de l'A.N.V.A.R. a


déjà donné lieu, au cours de la période récente, à des résultats positifs.

Le plan gouvernemental de novembre 1980 a prévu de dévelop-


per les efforts en faveur de l'innovation et de la créativité par trois
moyens :
— la mise en place d'un groupe de réflexion réunissant indus-
triels, créateurs et représentants des administrations afin de mieux
valoriser et de donner un plus grand rayonnement à la créativité et
à la qualité ;
— l'A.N.V.A.R. a reçu instruction de mieux tenir compte, dans
l'octroi de ses concours, des spécificités de l'industrie textile afin de
consacrer un budget accru à l'innovation dans ce secteur ;
— les ressources des centres techniques seront accrues et de-
vraient leur permettre de consacrer des moyens supplémentaires aux
nouvelles priorités axées sur l'innovation dans les produits et les
procédés, l'organisation des ateliers et l'amélioration de la qualité.

Par ailleurs, il a été demandé aux centres techniques de définir


des programmes de travail orientés en priorité vers les produits nou-
veaux et les produits à usage technique, la productivité, la créativité
et la qualité des produits. Une enquête est en cours auprès des entre-
prises utilisatrices afin de mieux dégager leurs besoins à cet égard.

C. — L'ACTION EN FAVEUR DES EXPORTATIONS

Cette action était présentée dans le plan gouvernemental comme


une nécessité majeure face à un marché de plus en plus international.

Un Comité d'expansion international des industries a été créé


pour constituer une structure de concertation entre les industriels
et les administrations intéressées : à vocation consultative, ce comité
devait proposer les orientations possibles et souhaitables en matière
de développement international des industries du textile et de l'habil-
lement. H est notamment chargé :
— d'apprécier l'évolution des exportations de textiles et d'habil-
lement
- 346 -

— de proposer les meilleurs moyens de mettre en oeuvre cette


stratégie, tant par le truchement des entreprises qu'au travers des
actions collectives.

Les professions (textile et habillement) viennent d'élaborer cha-


cune un plan de développement de leurs exportations pour la période
1981-1983.

Le Gouvernement avait décidé de soutenir ces efforts, en concer-


tation avec les organisations professionnelles et leurs représentants
(notamment dans le cadre du Comité d'expansion internationale des
industries du textile et de l'habillement) par des mesures au stade
de la préparation de l'opération d'exportation en France et au stade
de la prospection des marchés extérieurs :

a) Aides pour préparer l'exportation.

— Un réseau régional de conseil et d'assistance orienté notam-


ment vers les petites et moyennes entreprises devrait permettre de
stimuler la vocation exportatrice d'un plus grand nombre d'entreprises;
il sera animé par les Conseillers commerciaux régionaux, en liaison
avec les directions départementales de l'industrie et les représentants
des organismes financiers. Ce réseau aura pour fonction d'informer
les entreprises sur les procédures à l'exportation et les marchés
étrangers et de les orienter vers les organismes spécialisés et les
services administratifs compétents (C.O.F.A.C.E., D.R.E.E.).
— Des sociétés de conseil à l'exportation agréées pourront inter-
venir pour aider les entreprises dans l'élaboration de leur programme
à l'exportation et dans leurs démarches auprès des organismes spé-
cialisés ; cette intervention pourra faire l'objet de subventions (du
Commerce extérieur et du C.I.R.I.T.H.) dans le cadre d'un contrat
de garantie de la C.O.F.A.C.E. ; la part du coût restant à la charge
de l'entreprise devrait se situer à environ 20 %.

b) Le soutien à la prospection.

Il comporte en premier lieu un renforcement du programme du


Centre français du commerce extérieur en 1981 qui comprend 35
actions extérieures (études, tests, missions), une dizaine d'invitations
groupées d'acheteurs étrangers à se rendre à des salons en France,
30 venues d'agents des postes d'expansion économique (P.E.E.) en
France pour rencontrer des industriels. Ces différentes opérations
se font en liaison avec les professions dans le cadre de conventions
(la convention avec le textile est en cours de discussion).
- 347 -

Le dispositif prévoit également une spécialisation accrue des


agents des P.E.E. ; il existe déjà des agents plus particulièrement
chargés du textile-habillement dans 40 postes. Des stages de spéciali-
sation renforcée pour les agents d'une demi-douzaine de pays priori-
taires seront organisés (Etats-Unis, Espagne, Suède, Singapour, Suisse,
Autriche).
Une antenne professionnelle textile-habillement supplémentaire
sera créée à Milan et s'ajoutera aux six antennes déjà existantes, dont
certaines sont animées par un agent de la Direction des relations
économiques extérieures. Par ailleurs, la profession de la maille va
en installer une à Düsseldorf.
Enfin, le ministère du Commerce extérieur devait procéder, avec
l'aide des professions, à un recensement complet des obstacles non
tarifaires aux échanges afin que le Gouvernement soit en mesure
de prendre, le cas échéant, les mesures et initiatives nécessaires pour
parer à ces situations anormales et faire en sorte de garantir une
réciprocité effective des conditions de commerce avec nos partenaires.

D. — LES MESURES DE CONTROLE DES IMPORTATIONS


DÉCIDÉES LE 18 MARS 1981

En novembre 1980, le Gouvernement avait annoncé son inten-


tion d'exercer une surveillance renforcée des importations et de la
lutte contre les fraudes, notamment dans la gestion des accords in-
ternationaux régissant le commerce des produits du textile et de
l'habillement :

— strict respect des plafonds limitatifs d'importation des pro-


duits sensibles ;
— recours systématique aux clauses de sauvegarde ;
— contrôle vigilant de la libre pratique ;
— renforcement des contrôles et application rigoureuse des
pénalités pour lutter contre la fraude avec, le cas échéant, mise en
place de visas techniques.

L'objectif poursuivi était de tendre à assurer une maîtrise sa-


tisfaisante des importations à bas prix des produits sensibles compte
tenu de la situation du marché intérieur français.

La première catégorie de mesures, décidées en mars 1981, tend


à intensifier la lutte contre les fraudes portant, notamment, sur
la vérification approfondie de l'origine des produits afin de déceler
- 348 -

et de sanctionner d'éventuels détournements de trafics. C'est ainsi


que depuis le mois de février, la douane exerce lors des opérations
de dédouanement des contrôles approfondis sur des produits figurant
sur des listes arrêtées en concertation avec la profession.
Ces listes sont revues périodiquement afin de couvrir le plus
grand champ d'action possible et afin de faire régner l'incertitude et
la crainte chez les fraudeurs.
Ce contrôle comporte le dénombrement systématique des ar-
ticles, la recherche et la vérification de tous les éléments d'origine,
l'examen des documents commerciaux, l'envoi fréquent des produits
au laboratoire des douanes pour analyse avec la mainlevée des mar-
chandises une fois le résultat connu.
Pour les mois de février et mars, le nombre des contrôles effec-
tués a été de 1.350, le nombre d'envois en laboratoire pour analyse
de 300. Cela a permis de relever 130 infractions, de gravité très
variable.
En outre, à la suite d'enquêtes effectuées en collaboration avec
les services douaniers des pays voisins, des fraudes portant sur l'ori-
gine des produits ont été décelées : filés de coton en provenance pré-
tendue de la République fédérale d'Allemagne, chandails, chemises
et pyjamas réputés venir d'Italie, chemises et vêtements prétendus
autrichiens, chemises qualifiées d'américaines. La première de ces
affaires, qui portait sur une somme de 25 millions de francs, a été
transmise à la justice.
En second lieu, la France a engagé une action diplomatique à
l'égard de ceux des pays à bas prix dont les exportations ont connu
des croissances excessives. Elle a fait porter ses demandes sur une
réduction ou une stabilisation des exportations par rapport au niveau
de 1980, ce qui implique notamment que les pays fournisseurs
concernés renoncent volontairement à une partie de leurs quotas.
Un certain nombre de produits déterminés en concertation avec la
profession ont été particulièrement visés : chemises, chemisiers, tee-
shirts, sous-vêtements, gants, robes, tissus de coton, synthétiques.
Enfin, et parallèlement, le Gouvernement a saisi la Commission
de Bruxelles pour que des propositions concrètes soient faites à bref
délai en vue d'un redressement effectif des échanges au niveau com-
munautaire. Pour l'instant, le seul résultat tangible de cette négocia-
tion a été d'obtenir de la Commission européenne, en vertu de l'ar-
ticle 115 du Traité de Rome, l'autorisation pour la France, l'Italie et
l'Irlande de suspendre les importations de certains produits textiles
en provenance de pays en voie de développement ou des pays de
l'Est jusqu'au 30 juin 1981.
Depuis la décision de la Commission d'enquête de différer la
publication de son rapport, des discussions préliminaires à la rené-
gociation de l'A.M.F. se sont ouvertes à Genève les 6 et 7 mai 1981.
- 349 -

Le Conseil des ministres du 6 mai 1981 avait précisé les instruc-


tions données à nos représentants à Bruxelles pour cette renégocia-
tion :
— allongement de la durée des accords internationaux ;
— réciprocité des engagements par l'ouverture effective des
marchés à nos produits ;
— renforcement du dispositif d'encadrement visant les pays
fournisseurs à bas prix ;
— prise en compte du volume de la consommation réelle des
produits textiles et de son évolution dans la Communauté.

Ces recommandations ont pour objectif d'aboutir au renouvel-


lement d'un accord multifibres selon « les modalités les plus favo-
rables au renforcement industriel et à une nécessaire internationa-
lisation de nos entreprises ».

E. — PREMIÈRES APPRÉCIATIONS
SUR LE PLAN D'AIDE

La réaction à la mutation puis à la crise des industries françaises


du textile et de l'habillement a été lente à se manifester et demeure
insuffisante.
Pendant très longtemps, la mutation de ces industries aux nou-
velles conditions résultant de la perte des marchés captifs des
anciennes colonies et de l'ouverture des frontières a pu s'opérer tant
bien que mal, mais silencieusement, grâce à une expansion écono-
mique forte qui a plus permis des conversions que des adaptations :
la diminution des effectifs a été globalement compensée par les
créations d'emplois dans d'autres branches industrielles.
Ces mécanismes d'ajustement « naturel » se sont profondément
déréglés vers le milieu des années 1970 : le ralentissement de la
croissance et une concurrence internationale de plus en plus vive
ont provoqué une accélération des déséquilibres.
Or, malgré les avertissements répétés, notamment des sénateurs,
la réaction française n'a pas été à la mesure des défis posés par les
nouvelles conditions de l'échange international.
A la différence de certaines branches industrielles touchées par
certains handicaps (construction navale, sidérurgie, charbonnages
pour ne citer que les principaux exemples), aucune aide sectorielle
significative n'a été attribuée aux industries françaises du textile au
cours des dernières années sinon sous la forme d'un modeste complé-
ment aux aides des plans professionnels auto-financées par la pro-
fession grâce au produit des taxes parafiscales.
- 350 -

Il est vrai que les crédits de politique industrielle dont a disposé


le ministère de l'Industrie (de 100 à 150 millions par an) ne per-
mettent guère d'autres interventions que ponctuelles et symboliques
et que, pendant un certain temps, les actions de restructuration et
de modernisation financées par les taxes parafiscales ont été qua-
siment suffisantes.
Ce temps est maintenant révolu depuis quelques années et ce
n'est qu'au dernier trimestre de l'année 1980 qu'une riposte a été
envisagée.
Un plan a été présenté par le Gouvernement en novembre 1980
en faveur des industries textiles et de l'habillement et plusieurs
mesures ont été prises (cf. ci-dessus).
Il est évidemment trop tôt pour entreprendre d'établir un bilan
mais les grandes orientations et les mesures déjà prises appellent
plusieurs observations.

1. Les lacunes.

Aucune mesure n'a été annoncée pour remédier à certaines


faiblesses pourtant clairement identifiées dans les documents publics
du ministère de l'Industrie :
« — une productivité insuffisante liée à des coûts salariaux
importants ;
« — des handicapés liés à l'organisation du travail ;
« — une restructuration industrielle inachevée. »

Il s'agit certes de causes d'insuffisance de compétitivité qui ne


sont pas spécifiques aux industries du textile et de l'habillement mais
il est évident que si des solutions ne sont pas apportées, ces industries
demeureront durablement handicapées.
Eludant ces aspects, faute de pouvoir esquisser des propositions
le plan d'aide, fondé principalement sur un constat d'insuffisante
compétitivité, débouche prioritairement sur une aide à l'investissement.

2. La portée des aides à l'investissement


ne doit pas être surestimée.

a) Elles ne concerneront qu'un nombre limité d'entreprises :


— l'accès au C.O.D.I.S. sera extrêmement sélectif et ne concer-
nera que peu d'entreprises ; à cet égard, le classement du textile parmi
les secteurs stratégiques est surtout symbolique ;
— malgré l'assouplissement des règles d'éligibilité au C.I.D.I.S.E.
le nombre d'entreprises pouvant bénéficier de prêts participatifs
n'excédera probablement pas quelques dizaines par an.
-- 351 ---

Il convient cependant de rappeler que la déduction fiscale pour


investissement de 10 % votée par le Parlement dans la loi de finances
pour 1981 est ouverte à toutes les entreprises qui réalisent des
bénéfices.

b) Les modalités de l'aide ne diminuent pas de façon significative


le coût de l'investissement :
L'aide (qu'elle provienne d'un financement C.I.R.I.T.H. des
crédits de politique industrielle ou d'un prêt participatif) ne concourt
qu'à une partie limitée du financement d'un programme d'investis-
sement ; le reste devra le plus souvent être emprunté aux conditions
bancaires habituelles en France.
Un industriel a communiqué à la Commission, en mars 1981,
un calcul simple et éclairant. Pour réaliser un programme d'inves-
tissement d'environ 210 millions de francs, il recevra environ 14 mil-
lions de francs de subventions (C.I.R.I.T.H. et ministère de l'Indus-
trie) soit environ 6,5 % du montant du programme envisagé et devra
couvrir les quatre cinquièmes du besoin de financement par l'emprunt.
Il a calculé qu'il devra, compte tenu des conditions bancaires
françaises, supporter des frais financiers d'environ 140 millions de
francs sur dix ans alors que dans certains pays très proches, cette
charge n'aurait été que de 70 millions de francs.
Ainsi l'aide apportée à cet industriel français, pourtant privilégié
car bénéficiaire d'un concours rare, ne compense qu'à hauteur de
20 % le supplément de charges financières qu'il devra supporter par
rapport à certains de ses concurrents étrangers.

c) La majorité des entreprises trouveront très difficilement les


financements qui sont indispensables à leur modernisation :
En effet, le système bancaire, malgré l'invitation qui lui a été
faite, est de plus en plus réticent à octroyer des prêts à des entre-
prises dont la structure de bilan est profondément déséquilibrée par
une insuffisance de fonds propres (ce sont des situations fréquentes
dans le textile) et dont les perspectives de production et de commer-
cialisation deviennent de plus aléatoires et incertaines.

d) Enfin, il n'est pas sûr que les industriels puissent encore


raisonnablement trouver la volonté d'investir et le courage d'entre-
prendre dans un marché en régression sous le double effet du fléchis-
sement de la demande et de la percée excessive des importations : le
principal moteur de l'investissement ne peut être constitué que par
l'existence et l'assurance de réels débouchés à l'intérieur et à
l'extérieur.
- 352 -

3. Le plan d'action comporte peu de mesures concrètes


et d'application immédiate dans un certain nombre de domaines.

Des orientations sont esquissées pour l'innovation, le développe-


ment du marché intérieur, la surveillance des importations, le renou-
vellement de l'accord multifibres et les mesures d'accompagnement
social.
Or, l'accélération dramatique de la dégradation de la situation
exigerait des mesures d'extrême urgence pour lutter contre les impor-
tations qui sont l'une des causes importantes de la situation de
détresse des industries du textile et de l'habillement.
QUATRIÈME PARTIE

LES PROPOSITIONS
DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE

Sénat 282. — 23
- 354 -

La Commission d'enquête n'a méconnu aucun des aspects de


la crise du textile et de l'habillement dans la France d'aujourd'hui,
elle n'en a pas ignoré la complexité ; c'est pourquoi elle a refusé les
solutions commodes et simplistes, voire irréalistes, témoin celle qui
voudrait revenir purement et simplement à un protectionnisme
absolu. A une analyse diverse et sans complaisance, elle entend donc
répondre par un éventail de mesures dont le détail figure ci-après
et qui ne pourront prendre leurs pleins effets que progressivement.
La priorité des priorités lui a paru cependant de redonner
confiance à une profession qu'elle a sentie désemparée malgré les
efforts incontestables qu'elle avait faits. Pour cela, des mesures
immédiates lui sont apparues nécessaires : elles consistent dans un
changement d'attitude face au problème des importations.
Trop longtemps, les industries du textile et de l'habillement
ont eu l'impression de servir de monnaie d'échange dans les grandes
négociations internationales, alors même qu'elles représentaient l'un
des tissus industriels les plus anciens et les mieux diffusés sur l'en-
semble du territoire.
La meilleure façon de leur démontrer qu'il n'en est plus ainsi
et de mettre un terme à la dégradation quasi quotidienne de leur
situation est d'entreprendre, sans délai, la reconquête du marché
national en maîtrisant le niveau global de la pénétration des produits
étrangers.
Il faut, tout de suite, briser la spirale infernale des importations.
- 355 -

CHAPITRE PREMIER

UN COUP D'ARRÊT IMMÉDIAT AUX IMPORTATIONS

Le textile et l'habillement ne peuvent pas attendre, même si


la négociation d'un nouvel accord multifibres doit s'engager dans
le courant de l'année. Avant que cette négociation n'aboutisse, de
nouvelles fermetures d'usines seront intervenues, de nouveaux
emplois auront disparu, de nouvelles régions auront vu la crise pro-
gresser. Un coup d'arrêt immédiat aux importations paraît donc
s'imposer.
Pour parvenir à cette limitation, tous les moyens dont disposent
les autorités françaises doivent donc être mis en oeuvre afin qu'inter-
vienne la pause commerciale indispensable. Cette pause doit être
suffisamment forte pour créer un choc psychologique, à la fois à
l'intérieur (nos industriels pourront reprendre confiance) et à l'ex-
térieur (nos partenaires des pays industriels comme ceux des pays
en voie de développement prendront ainsi la mesure de nos diffi-
cultés et de notre détermination à les résoudre).

A. — LA RENÉGOCIATION IMMÉDIATE DES QUOTAS

Dès maintenant, le Gouvernement français devra informer ses


principaux partenaires de sa volonté d'obtenir une révision en baisse
des quotas définis dans l'accord multifibres, actuellement en vigueur.
Il pourra justifier cette demande par le constat de la stagnation, voire
de la baisse de la demande intérieure, intervenues depuis la mise en
place du nouvel accord ainsi que d'une information sur la façon très
discutable dont les quotas ont été appliqués (exemple des transferts de
quotas entre pays européens qui ont joué le plus souvent au détriment
de la France).
- 356 -

B. — UN MEILLEUR CONTROLE DOUANIER

Les services de la Direction générale des douanes, on l'a vu


dans la deuxième partie, ne sont pas en cause. Des instructions nou-
velles doivent cependant leur être données constituant, à l'image
de ce qui vient d'être décidé avec succès pour certaines importations,
un véritable plan d'urgence :
— organisation de réunions de concertation avec la profession
permettant de mieux déceler les infractions à la réglementation des
échanges et de les sanctionner sans délai ;
— amélioration de l'organisation des services se traduisant
notamment : par un renforcement des effectifs, et la spécialisation de
certains d'entre eux.

Seule une telle formule peut permettre le contrôle effectif de la


multiplicité des articles textiles (multiplicité qui se compare désavan-
tageusement avec la relative simplicité du contrôle des automobiles et
de certains autres produits) ;
— regroupement des contrôles des importations aux fron-
tières les plus sensibles sur deux ou trois points de passage obligés ;
— mise en place d'un système de visas techniques permettant
de vérifier le respect de certaines normes de qualité (et dans certains
cas de prix) pour les produits importés les plus sensibles ;
— institution de cautionnements à la charge des importateurs
(formule appliquée par certains pays du Marché commun).

Si l'ensemble de ces mesures — ou l'annonce même de


celles-ci — ne permet pas d'enregistrer une modification immédiate
de l'attitude des importateurs et des principaux exportateurs de
produits sensibles, la France devra recourir rapidement, comme elle
l'a fait en 1977 pour l'article XIX du G.A.T.T. et, à plusieurs
reprises pour l'article 115 du Traité de Rome, aux différentes clauses
de sauvegarde dont elle dispose.

C. — LA FERMETURE TEMPORAIRE
DES FRONTIÈRES

Le Gouvernement pourrait demander à la Commission de


Bruxelles d'appliquer des clauses restrictives à l'encontre des produits
dont le taux de pénétration dépasse un certain pourcentage : 40 %
par exemple. Le tableau ci-après, qui ne regroupe pourtant que les
- 357 -

articles les plus courants, permet de prendre conscience de l'ampleur


et de la gravité du phénomène.
A défaut d'une mesure générale, le Gouvernement devrait pro-
céder à une série d'actions de type « opération coup de poing »
visant conjointement certains produits et certains pays de prove-
nance. Ces opérations coup de poing devraient se poursuivre jusqu'à
obtention d'une baisse significative (5, 10, voire 15 % du taux de
pénétration).
Ces dispositions, dont l'efficacité dépendra de la rapidité de
leur mise en place, auraient également le très grand avantage d'amé-
liorer la position du Gouvernement français avant la négociation qui
s'annonce.
En vue de celle-ci, la Commission d'enquête propose une série
de mesures qui dépassent largement le cadre de l'actuel accord mul-
tifibres et constituent le volet international de ses propositions à
moyen terme.
- 358 -

PART DE MARCHE DES IMPORTATIONS


Résultats disponibles an 29 décembre 1980 •
Actuel : décembre 1979 à novembre 1980.

Na Intitulé article S.X. I 1977 1978 1979 A. 12 Actuel

01 Manteaux - Impers HG 24,5 30,3 31,5 34,0 45,4


02 Costumes - Ensembles HG 23,6 27,3 40,2 37,3 44,1
03 Vestes - Blousons HG 42,5 41,9 I 50,7 49,2 50,0
04 Pantalons HG 30,4 28,1 47,1 44,0 52,0
05 Chemises HG 48,4 44,2 56,0 54,1 62,8

Confection masculine 34,6 34,1 46,8 44,9 51,7

06 Manteaux - Impers FF 19,7 20,3 37,5 31,8 53,6


07 Robes FF 21,8 20,5 29,1 28,0 31,6
08 Tailleurs - Ensembles FF 9,7 18,2 36.1 34,7 32.4
09 Vestes - Blousons FF 24,1 24,7 30,8 30,7 34,6
10 Jupes séparées FF 21.9 23,3 33,7 31,8 38,3
I1 Pantalons FF 15,3 13,9 19,1 19,7 19,1
12 Chemisiers - Corsages FF 48,1 42,6 50,9 50,9 52,8

Confection féminine 22,9 22,8 33,5 31,8 37,9

13 Pull-overs - Sous-pulls TT 69,7 57,5 76,4 72,4 80,6


14 Trainings TT 25,3 23,7 38,5 35,0 45,3
15 Tee-shirts TT 31,9 31,6 44,1 40,5 55,5
16 Chaussettes TT 23,6 31,3 33,9 33,8 34,1
17 Vêt. nuit -1- intérieur HG 27,2 25,4 42,7 37,8 51,5
18 Slips - Caleçons HG 20,9 19,8 29,1 27.2 29,7
19 Vêt. nuit -1- intérieur FF 20,9 15,3 35,2 29,6 38,6
20 Slips - Culottes FF 40,2 47,4 51,7 49,0 49,5
21 Combinaisons - Jupons FF 19,6 20,2 35,9 33,0 42,2
22 Soutiens-gorge FF 36,5 34,5 48,5 45,9 42,7
23 Gaines - Corsets FF 36,1 33,0 47,9 44,3 45,9
24 Bas - Collants FF 58,4 64,1 70,8 71,0 64,8

Lingerie - Bonneterie 41,4 38,9 52,2 49,2 54,6

25 Linge de lit LM 14,2 14,0 17,5 16,5 16,7


26 Linge de table LM 28,8 34,4 42,0 39,6 42,2
27 Linge de toilette LM 44,6 48,4 51,4 49,1 55,9
28 Linge d'office LM 28,5 24,7 34,8 28,6 46,7

Linge de maison 22,7 23,3 28,3 26,2 30,2

Total confection 28,5 28,1 39,8 38,0 44,4

Total général 32,5 31,4 43,2 41,0 46,9

, I r
Ratio : Importations/consommation en pourcentage des quantités.
HG : hommes + garçons - FF : femmes + fillettes - LM : linge maison.
TT : hommes + garçons + femmes + fillettes - A. 12 : période de douze mois précédant la période
actuelle (actuel).

Source : C.T.C.O.E.
- 359 -

CHAPITRE II

A MOYEN TERME

I. — RENÉGOCIER POUR MIEUX PROTÉGER

La Commission entend que le troisième accord multifibres per-


mette de jeter les bases d'une organisation mondiale des marchés
textiles. Pour cela, elle estime que cet accord doit être à la fois global
(c'est-à-dire dépassant la seule question de la redéfinition des quotas),
universel (incluant tous les pays) et réciproque (notamment en ce
qui concerne les conditions de nos échanges avec des pays tels que le
Japon ou les Etats-Unis).
Cette action au niveau mondial doi s'accompagner d'une action
européenne afin de créer un véritable Marché commun des produits
textiles, c'est-à-dire un espace effectivement et globalement protégé.

A. — UN NOUVEL A.M.F., GLOBAL, UNIVERSEL


ET RÉCIPROQUE

Parce qu'il sert, aujourd'hui encore, à l'apprentissage industriel


des nations, le textile est naturellement en première ligne dans les
négociations sur un nouvel ordre commercial international.
Principale victime de facto des concessions générales obtenues
par les pays en voie de développement au nom du principe « Trade
not aid », l'industrie textile des pays industrialisés et notamment de
l'Europe, s'est vue, au nom de cet autre principe de la non-récipro-
cité des avantages, confrontée à une concurrence doublement iné-
gale : barricadés derrière leurs tarifs douaniers exorbitants, certains
pays du Tiers-Monde et surtout ceux que l'on appelle les nouveaux
pays industriels, ont pu inonder les marchés de produits fabriqués
avec une main-d'oeuvre sous-payée et sans garanties sociales.
- 360 -

Dès lors, il a fallu réparer d'une main les dégâts que l'on fai-
sait de l'autre. Grâce à l'accord à long terme sur le coton, puis aux
accords multifibres I et II on essaya de reprendre et de modérer la
portée des avantages concédés. Mais en vain. L'augmentation des
importations en provenance des pays à bas prix, dont on a souligné
pour la France la montée explosive et le caractère destructeur, le dé-
montre amplement.
La pause commerciale que votre Commission croit indispensable
doit donc être prolongée d'abord par la renégociation, si ce n'est
des principes généraux qui régissent le commerce entre le Nord et
le Sud, du moins des modalités des accords concernant le textile.
Le nouvel accord multifibres, qui entrera en vigueur en 1982,
doit dépasser le cadre d'un simple accord commercial. Rien ne sert
de placer des barrières si l'on ne réussit pas à briser la pression que
l'on cherche à contenir.
Aussi, est-ce dans la perspective à moyen terme d'une organi-
sation mondiale des marchés textiles que le nouvel accord doit être
à la fois global, universel et réciproque.

1. Global : un accord qui dépasse le simple cadre commercial.

La négociation d'un accord commercial limité n'est pas suffi-


sante pour porter durablement remède aux difficultés de pays comme
la France car elle ne s'attaquerait pas aux causes mêmes des dé-
sordres actuels.
Aussi, est-il souhaitable que cet accord comporte deux volets.
A court terme, il faut qu'il aboutisse à une réduction — parfois
draconienne — des quotas et à leur indexation sur la consommation
intérieure.
A moyen terme, il doit s'articuler sur une politique généreuse
d'aide aux pays du Tiers-Monde tendant au recentrage de leur déve-
loppement économique.

Dans cette double perspective, la Commission d'enquête fait


trois propositions :
a) plafonnement ou indexation des quotas sur la consommation
intérieure ;
b) information et surveillance mutuelle de l'évolution des capa-
cités de production ;
c) aide à la diversification et au recentrage des stratégies de
développement.
- 361 -

a) Le plafonnement ou l'indexation des quotas


sur la consommation intérieure.

Le nouvel accord multifibres et les accords bilatéraux qui seront


pris sur la base de la demande intérieure de produits textiles dans les
pays industrialisés ne peut se contenter de fixer des évolutions a priori.
Les quotas doivent être, en règle générale, indexés sur la
consommation intérieure, sauf pour certains produits « sensibles »
pour lesquels un plafonnement, le cas échéant en baisse, peut se
révéler nécessaire afin de ramener les taux de pénétration les plus
élevés à des niveaux moins anormaux. En tout état de cause, le taux
de croissance de 6 % retenu dans l'actuel accord multifibres est
beaucoup trop fort ; surtout si les bases de départ retenues sont
anormalement élevées. Au cas où un tel système serait retenu lors
du prochain accord, il conviendrait de prêter une attention toute parti-
culière au choix de l'année de référence.
On pourrait aussi définir nettement un plafond des entrées de
produits textiles étrangers quelle que soit leur catégorie afin de
préserver globalement les débouchés de notre industrie textile.
Enfin, les clauses de flexibilité, génératrices de dépassement des
quotas devraient être abrogées ou, du moins, dans une première phase
ne plus jouer de façon automatique afin d'assurer un meilleur respect
des quotas nationaux.

b) L'information et la surveillance mutuelle de l'évolution


des capacités de production.

La progression ordonnée des échanges passe par la progression


ordonnée des capacités de production.
Il est délicat de limiter des flux d'un montant en 1979 de
20 milliards de dollars sur un total de 50 milliards d'exportation de
biens manufacturés à destination des pays industrialisés. L'interven-
tion la plus efficace devrait avoir lieu en amont de la filière textile,
par une information sur les exportations de machines textiles,
notamment à destination des pays du Tiers-Monde, ainsi que des
flux d'aide ou d'investissement. Une surveillance particulière doit être
apportée au niveau des crédits à l'exportation.
— 362 —

c) Une aide à la diversification et au recentrage


des stratégies du développement.

Il ne s'agit pas d'éliminer toute exportation de biens d'équipe-


ments textiles mais de s'assurer qu'elle ne tende pas exclusivement
à la satisfaction des besoins des pays industrialisés et ne néglige le
développement du pays acquéreur : la polarisation des échanges des
pays du Tiers-Monde vers les pays développés à économie de marché
est particulièrement nette : en 1978, les importations des pays en
voie de développement non producteurs de pétrole n'absorbaient que
10 % des exportations des nations industrialisées (1).
Un recentrage nécessaire doit être favorisé par une politique
généreuse d'aide au développement. Schématiquement, on peut dire
qu'il vaut mieux aider le Tiers-Monde par des subventions directes
que de payer des indemnités de chômage. Dans tous les cas, la globa-
lisation de l'accord pourrait être l'occasion de tenir compte des efforts
de diversification ou de rencentrage dans la négociation du montant
du quota.

2. Un accord qui inclut l'ensemble des pays.

Mais la globalisation du quota c'est aussi la reconnaissance de


l'interdépendance des exportateurs et donc de la fixation d'un quota
global à reporter. Un tel système n'est vraiment équitable que si tous
les exportateurs sont concernés. Le nouvel accord multifibres doit
donc être universel.

La Commission d'enquête fait trois propositions à cet égard :


— l'alignement du régime des arrangements autonomes sur
ceux des accords multifibres ;
— l'attribution conjointe des quotas ;
— l'inclusion des pays développés exportateurs dans les
accords d'autolimitation.

a) L'alignement du régime des arrangements autonomes


sur celui des accords multifibres.

Comme on l'a fait remarquer dans le corps du rapport, la


croissance des exportations des pays non signataires des accords
multifibres s'est beaucoup développée.

(1) 15 % si l'on prend en compte les exportations à destination des pays producteurs
de pétrole.
— 363 —

La négociation séparée d'arrangements (1) — le cas des pays


méditerranéens et de la Chine en sont de bons exemples — est un
système qui conduit au laxisme. L'assimilation de fait entre les deux
régimes doit donc être aussi poussée que le permettent les principes
qui régissent l'association de la Communauté économique européenne.

b) L'attribution conjointe des quotas.

Actuellement — sauf pour Taiwan —, les quotas sont gérés


exclusivement par les pays exportateurs. Une telle situation est
préjudiciable à notre pays, puisqu'elle lui interdit de mettre ses
exportations au service de sa politique industrielle. Il faudrait donc
aboutir à l'attribution conjointe des quotas pour effectuer un contrôle
analogue à celui qui est obtenu, actuellement, pour le trafic de per-
fectionnement passif par la délivrance des autorisations d'exportation
temporaire.

c) La signature d'accord d'autolimitation


avec les pays industrialisés exportateurs.

Certains pays, comme les Etats-Unis, ont passé des accords


d'autolimitation avec des pays industrialisés, en l'occurrence le japon.
La Communauté économique européenne doit en faire autant avec
les exportations des pays industrialisés et, notamment, avec les Etats-
Unis.

3. Réciproque : un accord qui institue les conditions


d'une concurrence loyale.

Cet accord doit se traduire, sauf pour les pays les plus pauvres,
par une égalité des droits et des concessions, entre pays industrialisés
exportateurs et pays du Tiers-Monde les plus avancés.

(1) La Communauté a négocié des accords ou « arrangements » bilatéraux avec tous


les fournisseurs significatifs suivants :
1. Pays A.M.F. sous accords : Argentine, Bangladesh, Brésil, Bulgarie, Chine, Colombie,
Egypte, Guatemala, Haïti, Hong Kong, Hongrie, Inde, Indonésie, Macao, Malaisie,
Mexique, Pakistan, Pérou, Philippines, Pologne, Roumanie, Singapour, Corée du Sud,
Sri-Lanka, Thaïlande, Uruguay. Yougoslavie.
2. Pays du bassin méditerranéen sous « arrangements » : Espagne, Portugal, Grèce,
Tunisie, Maroc, Malte, Chypre.
Maurice.
3. Pays de la Convention de Lomé sous « arrangements »
4. Pays sous régime autonome : Chine, Taiwan. Tous les pays de l'Est qui n'ont
pas signé d'accords A.M.F. (Albanie, R.D.A., Tchécoslovaquie, U.R.S.S.) se trouvent auto-
limités dans le cadre des contingents octroyés à ces pays.
- 364 -

La Commission d'enquête fait à ce sujet deux propositions ten-


dant à :
— obtenir l'ouverture des frontières des nouveaux pays indus-
trialisés ;
— rééquilibrer nos relations commerciales avec les Etats-Unis
et le Japon.

a) L'ouverture des marchés des nouveaux pays industriels.

Bien que de nombreux pays en voie de développement arrivent,


au moins en ce qui concerne la production textile, au stade de la
maturité industrielle, ils s'abritent derrière des barrières douanières
considérables. Celles-ci ne sont plus justifiées. L'Occident doit pouvoir
obtenir des garanties d'accès mais symétriquement accepter le risque
de se faire opposer des clauses de sauvegarde, en cas de croissance
accélérée de ses exportations.

b) Le rééquilibrage de nos relations commerciales


avec le Japon et les Etats-Unis.

Malgré les réductions douanières intervenues à la suite du Tokyo


Round, le tarif américain reste anormalement élevé, aussi des contre-
parties doivent pouvoir être trouvées dans le cadre d'un accord.
Il en est de même pour le Japon dont on doit obtenir qu'il
facilite l'accès des entreprises étrangères à son marché.

c) Un système de sanctions pour non-respect


des dispositions de l'accord.

Le nouvel A.M.F. devra prévoir un système de sanctions pour


non-respect de ses nouvelles dispositions. Il ne sert à rien en effet
de mettre en place des règles plus restrictives si les Etats signataires
n'ont pas la certitude qu'ils auront les moyens de les faire respecter.
Les infractions pourraient être constatées par une commission du
type du comité textile mise en place au niveau de la C.E.E., et chargée
de suivre l'application des accords.
En cas d'infractions graves et répétées, les sanctions devraient
pouvoir aller jusqu'à l'exclusion du pays de l'accord, sans préjudice
des sanctions qui pourraient être prises au plan interne à l'encontre
des importateurs concernés.
Ce nouvel accord enfin pourrait être conclu pour une durée
plus longue que les précédents (cinq ans par exemple) de façon à
permettre aux producteurs français d'adapter leurs productions à
l'évolution du marché avec une plus grande certitude.
- 365 -

Telles sont les grandes lignes des propositions visant à desserrer


l'étau qui est en train d'étouffer une industrie française soumise à la
concurrence des pays à bas salaires et à celle du Japon et des U.S.A.
Mais, compte tenu de nos engagements internationaux et de notre
appartenance à la Communauté économique européenne, cette pause
commerciale si nécessaire au ressaisissement de notre industrie, ne
peut être décidée et appliquée qu'au niveau européen. Faire l'Europe
du textile constitue donc un préalable au renforcement de notre poten-
tiel industriel national.

B. — UN VÉRITABLE MARCHÉ COMMUN


DU TEXTILE

La protection de l'espace économique européen constitue une


priorité. Sans elle, il n'y a pas de solidarité, donc pas de véritable
Europe. Cette solidarité doit être reconnue à trois niveaux. Celui des
principes, par l'instauration d'une préférence communautaire, celui de
l'application des principes par l'accélération des procédures de mise
en oeuvre des clauses de sauvegarde, enfin, par le contrôle des abus du
droit de libre circulation des produits.

1. La réduction des délais de mise en oeuvre


des différentes clauses de sauvegarde.

Un accord du type de celui de l'A.M.F., même s'il est amélioré,


restera particulièrement lourd à gérer. Tout laxisme dans son applica-
tion continuera à être source de perturbations graves pour l'emploi.
Il est donc nécessaire de codifier, afin de les accélérer, les diffé-
rentes procédures de mise en jeu des clauses de sauvegarde : article 115
du Traité de Rome, demandes de « sortie de panier » dans le cadre
de l'accord A.M.F., article XIX du G.A.T.T.

a) La codification du recours à l'article 115


du Traité de Rome.

Pour les produits contingentés mis en libre pratique, la


Commission n'autorise l'application de la clause de sauvegarde de
l'article 115 que lorsque les importations atteignent 120 %, 130 %
ou 140 % des quotas nationaux. Ces pourcentages devraient être
fixés a priori après négociation avec les pays concernés. Au-delà de
ces pourcentages, et passé un certain délai, la dérogation demandée
devrait pouvoir être considérée comme acceptée.
- 366 -

b) L'accélération des procédures d'examen des demandes de sortie


« de panier » ou de mise en oeuvre des procédures du G.A.T.T.

Il est essentiel que la compétence communautaire en matière


de politique commerciale n'aboutisse pas à retarder la mise en oeuvre
des clauses de sauvegarde de l'article XIX du G.A.T.T. ou l'appli-
cation de droits antidumping. En ce qui concerne les mécanismes
de « sortie de panier », la procédure de consultation pourrait être
utilement allégée. En outre, il devrait être prévu, à l'instar des
accords conclus par les Etats-Unis, que la C.E.E. puisse, en cas
d'absence d'accord entre les deux parties, agir unilatéralement dans
une limite préfixée par l'accord lui-même.

c) L'amélioration de l'information statistique


sur l'utilisation des quotas.

Actuellement, le contrôle des importations textiles par rapport


aux normes A.M.F. donne lieu à l'établissement d'un fichier manuel.
Il n'est donc pas possible de connaître rapidement autre chose que
le montant total des importations et la part du quota qui reste dispo-
nible. On ne peut apprécier la structure des importations des pro-
duits sensibles, alors même qu'il est essentiel de déterminer l'iden-
tité et la nature (importateur, centrales d'achat, vente par corres-
pondance, etc.) des opérateurs. L'informatisation de la gestion des
quotas est donc un impératif, à la fois pour la mise en oeuvre effi-
cace des clauses de sauvegarde et pour une gestion optimale de
quotas à moyen terme.

2. L'établissement d'une préférence communautaire effective.

Bien que la notion de préférence communautaire ne concerne


stricto sensu que les échanges agricoles, celle-ci a existé de fait jus-
qu'au démantèlement progressif du tarif extérieur commun par les
négociations commerciales multilatérales successives.
La situation actuelle, encore très largement libre-échangiste,
ne permet pas d'envisager le rétablissement de droits de douane ni,
du moins de façon durable, l'établissement d'un cautionnement à l'im-
portation. Il convient d'inciter les pays les moins « communau-
taires » à réorienter leurs importations par des incitations au niveau
du crédit ou par une politique de normalisation dissuasive.
Le principe de la préférence communautaire lui étant apparu
comme un principe essentiel à la poursuite de la politique commune
(et pas seulement dans le domaine du textile et de l'habillement),
la Commission d'enquête tient à faire une première proposition dans
le sens de son renforcement.
- 367 -

Elle consisterait à imposer, en cas de crise manifeste, le respect


de prix minima pour les importations en provenance de l'extérieur du
Marché commun. Il ne s'agit nullement de remettre en cause le prin-
cipe de l'A.M.F. qui fait reposer le contrôle sur les quantités et non
sur les prix. La Commission estime cependant que sans que le prin-
cipe soit remis en cause, il doit pouvoir subir un certain nombre
d'exceptions. Ce serait le cas en période « de crise manifeste », pour
reprendre la terminologie du Traité de la Communauté économique
du charbon et de l'acier.

3. Une meilleure répression des fraudes


à la libre circulation des produits.

La libre circulation des produits ne doit pas servir à tourner


les principes communautaires ou les règles fixées par l'A.M.F. Dans
cet esprit, la Commission d'enquête fait deux propositions :
— prévenir les fraudes et les détournements de trafic par la
définition d'un régime efficace du marquage de l'origine ;
— mieux coordonner l'action des douanes nationales.

a) Une plus stricte réglementation de l'origine des produits.

Tout en constituant un progrès certain, le projet de directive sur


le marquage d'origine doit être adapté pour permettre un contrôle
plus efficace. D'une part, il faut que ce marquage puisse, le cas
échéant, être imposé dès l'entrée sur le territoire national, d'autre
part, et d'une façon générale, la véracité des documents d'accompa-
gnement doit pouvoir faire l'objet d'un contrôle effectif, c'est-à-dire
pouvoir donner lieu à sanctions en cas d'inexactitude ou d'insuffi-
sance dans la déclaration d'origine : la réglementation issue de l'arrêt
Doucker Wolcke doit être modifiée en ce sens.
D'une façon générale, la réduction des détournements de trafic
passe par la prise en compte, dans la détermination des quotas natio-
naux, des dépassements lorsqu'ils apparaissent systématiques.

b) Une meilleure coordination de l'action des douanes nationales.

Les relevés d'infraction qui ont pu être réalisés grâce à l'assis-


tance administrative mutuelle entre les pays membres de la C.E.E.
en application de la Convention de Naples de 1961 sont encore trop
rares. La coordination doit donc intervenir d'abord au niveau de
l'information : il convient de systématiser les échanges d'informations
à la fois statistiques et contentieux telles qu'elles sont rassemblées
- 368 -

au niveau français dans le cadre du centre de documentation et


d'évaluation. Cela supposerait au préalable l'harmonisation des règles
d'établissement et de présentation des statistiques.
Plus largement, pourquoi ne serait-il pas possible en matière
de douanes de parvenir à une coordination aussi efficace que celle
qui existe en matière de police dans le cadre d'Interpol ?
Ce type d'action, complété par un renforcement de l'action
des douanes nationales tel qu'il a été décrit plus haut, aurait la
préférence de la Commission d'enquête.
Ces mesures d'ordre international ou, pour le moins, commu-
nautaire, doivent être utilement complétées par une action nationale
spécifique.
Cette action, qui ne saurait reposer uniquement sur l'Etat, mais
requiert la prise de conscience et la collaboration de l'ensemble des
professionnels, pourrait s'ordonner en quatre séries de mesures :
le soutien à la production, une meilleure adaptation de l'offre à la
demande, une plus grande souplesse d'utilisation des matériels grâce
à de nouvelles mesures sociales, un renforcement des moyens des
services de l'aménagement du territoire et des collectivités locales.
— 369 —

II. — UN EFFORT NATIONAL DIVERSIFIÉ


ET CONCERTÉ

A. — SUGGESTIONS POUR UN REDRESSEMENT

1. Le refus de la fatalité.

Pendant une certaine période, une approche économique glo-


bale et simpliste a amené certains de nos compatriotes à considérer
qu'une partie importante de l'industrie du textile et de l'habillement
était condamnée, l'évolution des coûts sociaux dans les pays indus-
trialisés les conduisant au minimum à l'acceptation de la délocali-
sation de certaines productions, c'est-à-dire « à laisser faire ailleurs
ce que l'on ne pourrait plus faire en France à des prix compétitifs ».
En vertu d'une application sommaire, mais en définitive erro-
née, d'une certaine théorie de l'avantage comparatif qui veut que
les pays se spécialisent dans les produits dont la technique de fabri-
cation fait appel essentiellement au facteur de production le plus
abondant et donc le moins cher, le textile, considéré à tort et
exclusivement comme une industrie de main-d'oeuvre, ne pouvait
plus, aux dires de certains techniciens, constituer une industrie en
expansion dans les pays industrialisés.
Ce raisonnement a par ailleurs conduit tout naturellement à
faire de ces activités un vecteur d'industrialisation des pays en voie
de développement dans le cadre d'une « nouvelle division internatio-
nale du travail » qui s'est notamment manifestée par la conclusion de
certains accords internationaux, voire de véritables accords de troc
entre Etats, où le textile a servi de monnaie d'échange et de contre-
partie à des exportations jugées « plus nobles » de matériels
industriels.

Or, ce raisonnement trouve trois limites :


— au nom de l'indépendance nationale, il n'est pas possible
d'accepter que des pans entiers du marché intérieur soient appro-
visionnés par des producteurs étrangers : la dépendance subie en
matière pétrolière ne doit pas être étendue à d'autres secteurs. Par
symétrie, il n'est pas sans inconvénient pour les pays en voie de
Sénat 282. — 24
- 370 -

développement eux-mêmes de les laisser se spécialiser dans une mono-


industrie d'exportation ;
— la disparition de dizaines, voire de centaines, de milliers
d'emplois est inacceptable ;
— des exemples étrangers et français ont montré que le main-
tien dans les pays industrialisés d'une industrie textile compétitive ne
devait aucunement être exclu.

2. Les illusions à dissiper.

a) La tentation de l'isolement.

La montée régulière et dans certains cas brutale des importations


de produits textiles ou d'habillement dans un marché en récession,
l'accélération des mises en chômage et des fermetures d'entreprises
ont provoqué une vive inquiétude et, dans certains cas, celle-ci a pris
une forme radicale en conduisant certains à préconiser la fermeture
pure et simple des frontières.
Cependant, outre que la cohérence intellectuelle exige que l'on
fasse mention de la part très importante de la production française
qui est exportée, il convient d'être réaliste et de ne pas proposer des
mesures qui sont d'application difficile et dont les répercussions
éventuelles ne doivent pas être sous-estimées.
Condamner sans discrimination toute forme d'importation serait
donc à la fois excessif, impraticable et dangereux.

b) La stratégie de « haut de gamme ».

Il faut se rendre à l'évidence que les industries du textile et de


l'habillement, malgré leur hétérogénéité considérable, sont, pour une
part importante, des productions de masse et de grandes séries.
Pour ne prendre que l'exemple de l'habillement, la haute cou-
ture, le prêt-à-porter griffé, la politique de marque constituent indis-
cutablement des atouts français qu'il faut conforter : mais y a-t-it
une place pour tous dans ce compartiment ? Poser la question dispense
d'y répondre tant l'évidence est manifeste. D'autant plus que cette
stratégie entraîne des contraintes sévères et d'une extrême rigueur
pour ceux qui la pratiquent et qu'elle est, par nature, hypersensible
aux perturbations extérieures (influence de la mode par exemple).
Ainsi, et c'est une évidence qu'il faut rappeler, une industrie
textile forte ne peut se dispenser de s'appuyer sur des productions
de masse.
- 371 -

c) La chimère du créneau.

Partant souvent d'un constat approximatif et largement erroné


de la compétitivité de l'industrie textile, certains prônent une division
internationale du travail aboutissant à un repli sur certains « cré-
neaux » de la filière (qui ne sont d'ailleurs jamais définis).
Cette vision, qui n'est pas sans exercer une certaine fascination
intellectuelle, recèle, à terme, une redoutable issue : compte tenu
des intra-consommations du secteur du textile et de l'habillement,
l'abandon d'un créneau entraîne des effets en amont et en aval et si
les plus proches sont les plus touchés, personne n'est définitivement
épargné. Cette autodestruction rampante conduirait inévitablement
à un appauvrissement graduel des filières de production qui lui-même
remettrait en cause la compétitivité des créneaux sélectionnés au
départ.
D'autre part, il faut être conscient des conséquences qu'une
telle politique ne manquerait pas d'avoir dans certaines régions à
mono-industrie. L'expérience montre en effet qu'aucun relais suffisant
n'a été trouvé sur place à l'effondrement des emplois de la filière
textile-habillement.

d) Le renoncement.

Nos industries du textile et de l'habillement ont fait preuve au


cours des vingt dernières années d'une grande capacité d'adaptation ;
en dépit de la perte progressive de marchés captifs consécutive à la
décolonisation et de l'ouverture des frontières, d'abord dans le cadre
du Marché commun puis en raison des accords multilatéraux et bila-
téraux, elles ont fait face aux importations étrangères et le solde de
nos échanges était resté positif jusqu'à ces dernières années.
Disposant de solides atouts tenant à la qualité de son personnel,
au renom de la mode française et à un marché consommateur de
qualité, notre industrie du tissage et de la confection supporte
largement la comparaison avec celle de tous ses partenaires les plus
évolués, qu'il s'agisse de la productivité ou de la qualité des articles
fournis.
Refuser la fatalité du dépérissement de notre industrie textile
et de l'habillement constitue donc une attitude réaliste et la première
condition du renouveau de cette activité.

B. — LE SOUTIEN A LA PRODUCTION

Il peut être obtenu par trois moyens principaux : la moderni-


sation des moyens des entreprises, une aide plus efficace à l'expor-
tation, la sauvegarde et la reconquête du marché intérieur.
- 372 -

1. La modernisation des moyens des entreprises.

Elle doit être envisagée sous deux aspects : l'introduction du


progrès technique et des gains de productivité par l'investissement
et l'amélioration des produits et des techniques par l'innovation.
Certaines entreprises ont déjà consenti des efforts importants
pour moderniser leur appareil de production et sont extrêmement
compétitives par rapport à leurs concurrentes étrangères, que celles-ci
soient localisées dans les pays industrialisés ou dans les pays à bas
coûts de production. Ce n'est certes pas la situation de la totalité de
l'appareil de production français : les origines de cette situation
sont diverses et elles ont été analysées dans le cadre de ce rapport.
En tout état de cause, la concurrence internationale telle qu'elle
s'exerce va exiger de nouveaux efforts.

a) Généraliser l'aide à l'investissement


pour dynamiser la volonté d'entreprendre.

Les procédures d'aide au financement de l'investissement mises


en place dans le cadre du plan de novembre 1980 sont excessivement
sélectives et ne sont pas adaptées aux problèmes de la majorité des
entreprises. Axées sur les entreprises industrielles « dynamiques et
performantes », elles ne peuvent suffire à favoriser l'adaptation et la
régénération de l'appareil industriel.
Les conditions d'accès au C.O.D.I.S. et au C.I.D.I.S.E. qui
risquent de limiter le nombre de bénéficiaires doivent être encore
élargies par un assouplissement des normes de performance et un
allégement des contreparties demandées aux actionnaires.
Pour la majorité des entreprises, les obstacles à l'investissement
sont d'une autre ampleur : l'insuffisance des fonds propres qui limite
la capacité d'emprunt, l'incertitude des marchés, la rareté et le coût
du crédit risquent de décourager la volonté d'entreprendre et l'inci-
tation à investir. Outre le rétablissement de la confiance dans l'avenir
de leur industrie, ces entreprises ont besoin de formules de finance-
ment des investissements adaptées à leurs caractéristiques particu-
lières. Il serait naïf et illusoire, dans les conditions économiques
actuelles, de proposer un abaissement significatif du coût du crédit
au profit des seules entreprises du secteur textile et de l'habillement
qui pourtant irait dans le sens d'une égalisation des conditions de
prêt avec certains pays étrangers.
C'est pourquoi les financements sur ressources parafiscales pour-
raient être complétés par des crédits de politique industrielle du
ministère de l'Industrie. Cette méthode présenterait le double avantage
de permettre à la fois une diminution du coût de l'investissement
— 373 —

et d'être l'instrument d'une concertation active entre industriels et


pouvoirs publics dans une perspective d'amélioration de la capacité
concurrentielle de l'ensemble de l'appareil de production concerné
par ces plans.
Une place à part enfin doit être faite à l'industrie des machines
textiles qui a insuffisamment profité des efforts d'investissements
déjà faits par la profession. L'adoption d'un plan spécifique en leur
faveur apparaît comme le complément indispensable d'une aide
accrue à l'équipement.

b) Développer la recherche et adapter les procédures d'aide à l'inno-


vation pour augmenter la capacité concurrentielle des industries
françaises.

Dans des conditions de concurrence internationale exacerbée,


la modernisation, le progrès technique, l'accroissement de la produc-
tivité supposent un intense développement de la recherche et des
processus d'innovation actifs à tous les stades de la filière : celui
de la fabrication des équipements et des machines, celui de l'orga-
nisation et celui de la création de nouveaux procédés et produits.
Les entreprises françaises du textile et de l'habillement ne
pourront pas, en raison de leur situation financière et de leur taille,
conduire cet effort indispensable sans soutien.
Par ailleurs, ces industries qui constituent une filière longue,
complexe et aux multiples ramifications ne peuvent pas s'accommoder
de simples transferts de technologies ou de solutions expérimentées
dans d'autres domaines et requièrent un effort considérable de
recherche répondant à leurs besoins et caractéristiques.
Des gains de productivité sont souhaitables et encore possibles
en matière de vitesse et de capacité de production malgré l'impor-
tance des progrès réalisés au cours des dernières années ; l'amélio-
ration des rendements et de la compétitivité pourrait très certainement
être recherchée dans l'environnement de la production (manutention
des matières, service des machines, maintenance, flexibilité des
systèmes intégrés). La généralisation de l'introduction de la micro-
électronique et de l'informatique peut considérablement faire évoluer
les conditions de production : en accroissant la souplesse et la
rapidité des fabrications, en développant les propriétés qualitatives
et la diversité des produits offerts, en améliorant la connaissance des
prix de revient et la gestion des entreprises, ces nouvelles technologies
doivent aider à maîtriser la complexité des processus de production
et par conséquent améliorer l'efficacité de la filière. Dans cette
perspective, il serait important de favoriser le développement
d'entreprises régionales spécialisées dans la production d'appareils
automatiques pour le textile et l'habillement.
Sénat 282. — 25
- 374 -

Pour ce faire, l'action de l'A.N.V.A.R. et des centres techniques


doit être orientée plus résolument vers les besoins spécifiques des
industries du textile et de l'habillement avec des moyens accrus,
des liaisons plus étroites entre les différentes cellules de recherche
et des procédures plus accessibles aux petites et moyennes entreprises.
De plus, les conditions d'éligibilité aux aides de l'A.N.V.A.R.
devraient être revues pour mieux prendre en compte les besoins
spécifiques de certaines activités du textile et de l'habillement,
notamment celles faisant appel à la créativité.

2. La promotion des exportations


notamment pour les petites et moyennes entreprises.

Une part importante des fonds distribués par le Comité inter-


professionnel de rénovation de l'industrie textile et de l'habillement
depuis 1981 (entre 15 et 20 millions de francs) a servi à financer
des actions de promotion à l'étranger (missions, salons spécialisés,
antennes) dans le cadre des plans de développement des exportations,
élaborés en 1975, l'un par l'industrie textile, l'autre par l'industrie
de l'habillement, pour la période 1976-1980.
Les résultats sont encore loin de correspondre aux possibilités
des P.M.E.
Certes, des réformes (décentralisation au niveau régional et
simplification des procédures) ont rendu les procédures d'aides plus
accessibles à cette catégorie d'entreprises mais elles peuvent encore
être améliorées.
Si le nombre des antennes professionnelles paraît suffisant,
peut-être faudrait-il assurer par des séjours en France métropolitaine
le contact entre les titulaires et les professionnels de ces postes,
ainsi que d'une façon générale les conseillers et les attachés commer-
ciaux des marchés les plus importants.
On pourrait encore songer à assouplir les modalités de
l'assurance foire et de l'assurance prospection (celle-ci a déjà été
simplifiée pour les P.M.E.) ou favoriser la constitution de stocks.
Mais il paraît plus important de coordonner l'action sur certains
marchés stratégiques comme le Japon et les Etats-Unis dans le cadre
d'opérations de promotion globale.
L'aide aux investissements commerciaux à l'étranger devrait
être substantiellement augmentée — en quantité mais également par
des bonifications d'intérêt supplémentaires — mais les critères
d'attribution devraient prendre en considération la cohérence de
l'effort de restructuration entrepris sur le territoire national.
Enfin, à défaut pour l'instant, du désencadrement général du cré-
dit à l'exportation, réclamé par certains professionnels, on pourrait
- 375 -

accroître pour le textile le financement préférentiel des investisse-


ments des entreprises prenant l'engagement d'accroître leurs exporta-
tions. Une telle procédure devrait même pouvoir être étendue, dans
des cas exceptionnels, aux entreprises opérant sur un marché intérieur
très fortement pénétré, lorsque les perspectives de développement de
la demande intérieure sont encore substantielles et qu'il convient donc
de favoriser la reconquête du marché national.

C. — UNE MEILLEURE ADAPTATION


DE L'OFFRE A LA DEMANDE

L'étude de la consommation en France, et notamment la compa-


raison des quantités consommées par tête d'habitant dans les diffé-
rents pays européens, a montré qu'au-delà de l'augmentation de
revenu, il existait probablement, à l'intérieur, une marge d'augmenta-
tion insuffisamment exploitée.
De même, une meilleure adaptation à la diversité de l'offre ainsi
qu'une amélioration des circuits de distribution pourraient être des
facteurs déterminants d'une reconquête par des producteurs français,
du marché national.

1. Une meilleure connaissance du marché débouchant


sur une plus grande maîtrise.

La faible concentration de l'industrie de l'habillement française


fait en même temps sa force et sa faiblesse. Elle lui permet sans doute
de répondre assez bien aux sollicitations diverses de la demande et
son caractère souvent artisanal en fait un milieu propice à la création.
En revanche, elle est une des causes de l'inadaptation de l'offre
à la demande de plus en plus massive provenant notamment des
« grandes surfaces », des centrales d'achat ou des sociétés de vente
par correspondance.
Quant aux petites et moyennes entreprises, faute d'une action
coordonnée, elles se présentent sur le marché en « aveugles ». Elles
ont parfois une certaine difficulté à prévoir l'évolution des grandes
tendances du marché et à y définir leur place.
Pour remédier à cette double carence, il paraît nécessaire
d'ouvrir la production d'une part en direction des consommateurs et
d'autre part en direction des distributeurs.
- 376 -

a) Aider les petites et moyennes entreprises :


une action concertée et une meilleure liaison avec les consommateurs.

Les moyens de cet effort sont extrêmement diversifiés et la liste


d'actions que propose la Commission n'est nullement exhaustive :
— mise en place d'une banque de données et de conseil dyna-
mique avec présentation des marchés porteurs à l'exportation ;
— définition et mise en commun d'actions de marketing soit
par branches, soit par régions (notion d'image de marque régio-
nale). Cela peut être fait, en particulier, pour certains articles dont la
production est géographiquement limitée : parapluies, soierie lyon-
naise, etc. ;
— recherche sectorielle des qualités perçues par le consomma-
teur sur un produit ;
— étude de marché par sondages ;
— contacts avec les organisations de consommateurs de façon
à confronter les qualités techniques avec les qualités apparentes et les
prix. Accepter la remise en cause de ces produits avec l'évolution des
goûts du public.

Il est souhaitable, en revanche, que les distorsions de prix non


justifiées par une différence dans la qualité du service disparaissent
grâce à une meilleure concurrence et à une action efficace d'informa-
tion dans laquelle le consommateur a son rôle à jouer.

b) Améliorer la distribution sans nuire à l'équilibre entre les


différentes formes de commerce : la liaison producteur-
distributeur.

Cette liaison est nécessaire afin que s'organise une meilleure


répartition des commandes.
Seuls, en effet, la quantité et la régularité de celles-ci peuvent
permettre un développement de grandes séries, donc une baisse des
prix et une plus grande compétitivité avec les importations. Inver-
sement des accords avec les producteurs locaux (qui pourraient être
éventuellement associés au capital) seraient de nature à limiter la
tendance des grandes surfaces, des grands organismes de vente par
correspondance ou des centrales d'achats à s'approvisionner parfois
très loin et à moindre coût.
Une meilleure liaison entre le producteur et le distributeur
d'autre part peut avoir pour effet de normaliser voire réduire les
marges entre le prix de vente au détail et le prix de vente « sortie
usine ». Cette meilleure liaison pourrait ne pas être forcément défa-
- 377 -

vorable au commerce de détail si une partie de celui-ci s'organisait


pour grouper ses achats en s'appuyant sur une politique de marques.
Les formules nouvelles qui sont apparues au cours de ces der-
nières années (coopérative type Copatex, franchise type Descamps,
Hechter, Cacharel, spécialisation dans une seule gamme d'articles
à l'image de Pantashop) sont un début de réponse à la fois aux handi-
caps que supportent les producteurs français du fait de l'endettement
de la distribution et à la nécessité de conserver l'équilibre entre la
grande et la petite distibution.
De même, le commerce devrait être plus attentif aux soldes
prématurés ou « discount », au développement des bourses de vête-
ment, autant de pratiques qui, soit nuisent à l'image de la distribution
dans son ensemble, soit contribuent à réduire la part de marché des
producteurs nationaux. La réforme de la distribution est un élément
essentiel de cette stratégie de reconquête du marché intérieur qui
préoccupe à juste titre les producteurs et les pouvoirs publics.

2. Un effort de reconquête.

a) Par la diversification des productions.

L'industrie française de l'habillement a perdu un certain nombre


de positions parce qu'elle a négligé, sauf exceptions d'autant plus
notables qu'elles sont rares, la grande série (milieu et bas de gamme).
Il y a là une erreur d'appréciation du marché et peut-être un péché
d'orgueil. Le label « France » ne garantit pas la vente d'un produit
textile. Encore faut-il que chaque producteur fasse les efforts perma-
nents d'adaptation qui lui permettront de rester à la hauteur de la
réputation flatteuse dont jouit à l'étranger la production textile fran-
çaise. Ce effort ne doit pas automatiquement conduire à une spécia-
lisation dans « le haut de gamme ». Il peut porter également sur le
choix des investissements appropriés pour concurrencer avec efficacité
les producteurs étrangers d'articles de moyenne qualité voire de bas
de gamme. L'adaptation de la nature des productions à la taille des
entreprises doit également être une préoccupation permanente.
C'est donc à un effort de conversion qu'il est nécessaire d'inciter
un certain nombre d'entreprises. L'aide à l'investissement réclamée
plus haut est là pour leur permettre de résoudre progressivement les
problèmes auxquels se heurte la production de vêtements et le travail
sur matière souple : coutures rarement en lignes droites, multiplicité
des matériaux et des modèles, changement fréquent des produits
mis en fabrication. L'introduction de l'électronique et de la robotique
permettra probablement d'accélérer les progrès déjà accomplis
(gradation automatique, coupe automatique des tissus, automatisa-
tion) et de fabriquer des vêtements toujours plus divers dans des
conditions de prix et de délais admissibles par le marché.
- 378 -

Mais le développement de la productivité dans le secteur de


l'habillement ne dépend pas seulement de l'utilisation de machines
et d'équipements avancés, mais aussi de la mise au point de petits
équipements complémentaires aux matériels automatiques pour accé-
lérer les finitions, la présentation..., et de l'organisation de la produc-
tion pour laquelle un important effort est aujourd'hui accompli par
les principaux pays concurrents dans les domaines suivants :
— préparation des collections et organisation du modélisme ;
— préparation, qualité, contrôle de conformité des produits ;
— ordonnancement de la production pour coordonner les pro-
grammes de livraison, de fabrication et d'approvisionnement ;
— organisation des ateliers.

b) Par des campagnes de promotion axées sur la qualité.

Cet effort de mise à jour technique est valable pour l'ensemble


des entreprises françaises. C'est le seul moyen de redonner à l'en-
semble de nos productions cette constance dans la qualité qui
demeure, pour peu qu'elle bénéficie d'un impérieux effort de promo-
tion (politique de label, étiquetage plus détaillé et plus visible), l'un
des éléments de reconquête de certains marchés perdus.
Cette production de qualité peut notamment servir d'assise à des
campagnes du type « acheter français » auxquelles les consomma-
teurs, en cette période de crise, seraient peut-être plus réceptifs.
Cette campagne devrait également s'accompagner (à défaut de recom-
mandations qui sont interdites par nos engagements européens) d'une
information plus large des différents services publics ou des entreprises
nationales sur les possibilités offertes par les producteurs français.

c) Par une plus grande souplesse d'adaptation


à la demande : réhabiliter la valeur de « création ».

Une autre faiblesse qu'il conviendrait de compenser — et que


de nombreux interlocuteurs de la Commission d'enquête ont souli-
gné avec force — est l'insuffisante souplesse d'adaptation à la de-
mande. Le cas d'un appel d'offre passé par un grand distributeur
français pour un marché de 50.000 chemises, et qui n'a reçu d'autres
réponses que négatives de la part des producteurs nationaux — cer-
tains ne faisant pas même connaître leur sentiment — semble malheu-
reusement significatif. Il traduit à la fois une certaine insuffisance de
l'outil industriel français et des services commerciaux de nos entre-
prises.
- 379 -

A ces insuffisances propres au secteur de l'habillement s'ajou-


tent celles du secteur textile, dont les productions ne sont pas non
plus toujours adaptées à la demande. Ainsi, une grande maison
de haute couture est-elle contrainte d'acheter ses tissus en Suisse ou
en Italie, non pas pour des raisons de prix — car ils sont élevés dans
ces deux pays — mais parce que la France a cessé d'être créatrice
en ce domaine.
Le succès que rencontre la concurrence italienne sur le marché
français, tant au niveau des tissus eux-mêmes qu'à celui du prêt-à-
porter féminin, provient au contraire d'un grand dynamisme dans
la création des formes, des couleurs et des étoffes. La percée des
,

productions transalpines sur le marché français provient pour l'essen-


tiel de ce facteur, puisque les prix des articles — au moins à la
consommation — sont sensiblement les mêmes que ceux des produits
français.
La valeur de la création doit être réhabilitée et protégée car
elle demeure, en même temps qu'une des composantes essentielles
de l'image de notre pays, le facteur déterminant de la diversification
des produits. L'image « mode française » doit bénéficier d'un nouvel
effort de définition et de promotion. On peut se demander notam-
ment si, à côté d'aspects positifs incontestables, l'apparition trop
systématique des couturiers dans le prêt-à-porter (et surtout dans
de très nombreux secteurs annexes, y compris les parfums et le
chocolat), ainsi que la vente de très nombreuses licences, ne risquent
pas de conduire à une « banalisation » de la mode de Paris.

d) Par une meilleure liaison entre producteurs


et importateurs.

La Commission d'enquête a été très frappée par les propos de


nombreux industriels qui ont souligné les très grandes difficultés
auxquelles ils sont confrontés (investissement, débouchés, emplois)
et qui contrastent, selon eux, avec le travail beaucoup plus simple
et beaucoup moins risqué des importateurs.
La Commission d'enquête partage ce jugement même s'il appa-
raît sévère. Cependant la tâche d'importateur requiert, elle aussi,
une spécialisation relativement grande et une très bonne connais-
sance à la fois des marchés extérieurs et intérieurs. En outre, beau-
coup d'industriels recourent eux-mêmes à l'importation, voire à
l'investissement, à l'étranger afin de pouvoir réaliser des « moyennes »
de prix et d'écouler ainsi leur production.
Votre Commission estime cependant qu'un effort tout particulier
doit être fait dans le contrôle de la délivrance des importations et que
les producteurs doivent y être associés. Elle préconise donc la création
d'une commission tripartite regroupant les services compétents de
l'Etat, des représentants des professions concernées (producteurs,
- 380 -

distributeurs, importateurs et les organisations syndicales). Cet orga-


nisme serait chargé de contrôler les conditions de délivrance des
licences.

L'adaptation de l'offre à la demande requiert également et sur-


tout une adaptation de la législation sociale.

D. — LES MESURES SOCIALES

La Commission relève d'abord le caractère très général des


mesures sociales d'accompagnement du plan textile présenté par le
Gouvernement à la fin de l'année 1980 et l'absence de propositions
spécialement adaptées aux secteurs du textile et de l'habillement.
Elle n'entend pas, par ses suggestions, remettre en cause l'en-
semble du système de protection sociale français et du droit du travail
acquis par les salariés et consacrés progressivement par le législateur
depuis trente-cinq ans. C'est donc dans le cadre législatif et conven-
tionnel existant que s'articulent les deux volets de ces propositions,
tendant, d'une part, à assouplir les formules d'utilisation de la main-
d'ceuvre et à prévenir à terme les licenciements, et, d'autre part, à
faciliter éventuellement le passage des salariés de l'industrie textile
vers d'autres secteurs lorsque le maintien intégral de l'emploi dans
certaines branches ou certaines régions apparaît incompatible avec
les nouvelles données de la production.

1. L'aménagement des conditions de travail.

Ces nouvelles conditions doivent tendre à une meilleure utilisa-


tion des équipements existants et de ceux qui résulteront d'une
politique d'aide aux investissements. A cet égard, la durée d'utilisation
des équipements pourra être portée à un niveau compatible avec les
impératifs de la concurrence étrangère dans la mesure où seront
recherchées par la négociation, branche par branche, dans le textile
notamment, des formules de réduction de la durée du travail.
A plus court terme, il importe d'abord de prévenir les licen-
ciements immédiats qui ne seraient justifiés que par la situation
conjoncturelle des entreprises et, pour ce faire, améliorer le régime
d'indemnisation du chômage partiel.
- 381 -

a) Les propositions à court terme : prévenir les licenciements par


de nouveaux mécanismes d'intervention utilisant l'indemnisation
du chômage partiel.

Le premier volet devrait consister à simplifier les conditions


d'octroi des conventions de chômage partiel conclues entre les
entreprises et le ministère du Travail. Le taux de prise en charge
du chômage partiel est en effet apprécié par les directions dépar-
tementales du travail, et ne peut atteindre le maximum prévu de
80 % qu'à titre exceptionnel pour certaines activités en difficulté
et à la condition formelle qu'un projet de licenciement pour motif
économique soit élaboré et soumis au conseil d'entreprise pour infor-
mation. Pour éviter les inconvénients psychologiques provoqués par
un simulacre de licenciement auprès des représentants du personnel,
l'indemnisation devrait être accordée au taux maximum sans que
l'entreprise ait à justifier selon cette procédure d'un projet de
licenciement. Ces assouplissements rendraient plus aisées les conven-
tions de chômage partiel aux P.M.E. qui sont parfois découragées
par la procédure actuelle.
Le second volet va dans le sens des propositions formulées par
le Gouvernement en mars 1981 et permettrait d'une part la fermeture
totale temporaire, pour des durées déterminées, d'un atelier ou d'un
établissement au-delà de la période de quatre semaines prévue par
le code du travail en cas de chômage total pour une durée limitée
(calamités, sinistres) et, d'autre part, d'accorder des congés de courte
ou moyenne durée à une partie du personnel qui le souhaiterait.

b) L'augmentation de la durée d'utilisation des équipement.

Celle-ci ne pourra être réalisée que sous certaines conditions.


Il est en effet hors de question d'aligner les conditions de
travail des salariés français du textile, notamment en ce qui concerne
sa durée, sur celles de certains pays à bas salaires.
De même, cette utilisation plus poussée des équipements devra
se réaliser avec l'accord des représentants des salariés et devra être
négociée, entreprise par entreprise, ou du moins branche par branche.
Les résultats de la négociation interprofessionnelle sur la
réduction de la durée du travail dans le textile devrait avoir pour
avantage, dans la mesure où l'investissement permettrait de maintenir
avec succès la compétitivité de l'industrie française, de sauvegarder
ou même de développer l'emploi.

Sénat 282. — 26
- 382 -

2. Accompagner les conversions par des mesures sociales.

Lorsque l'emploi ne peut être maintenu dans une branche ou une


entreprise, notamment par l'utilisation des formules précédentes, les
licenciements apparaissent inévitables. Dans toute la mesure du pos-
sible, les entreprises devront présenter un plan social accompagnant
les réductions d'emploi afin d'éviter les licenciements.
Ce plan élaboré en liaison avec les pouvoirs publics et les parte-
naires sociaux devra être axé principalement sur la formation profes-
sionnelle, adaptée principalement à une main-d'oeuvre féminine peu
qualifiée et menée avec la politique d'aménagement du territoire aussi
bien pour des licenciements qui toucheraient les grands groupes dans
des régions possédant des industries de substitution que dans des sites
de la France « fragile » dépourvus de toute activité de remplacement.
En effet, le textile a sans doute bénéficié de façon insuffisante des
actions de formation professionnelle et des différents pactes pour
l'emploi.
Ces efforts devront donc être amplifiés, par la profession d'abord
et par l'Etat ensuite, ce dernier devant coordonner tous les efforts faits
en ce domaine en liaison notamment avec les systèmes de formation
initiale.
Sur ce plan, les moyens des centres d'apprentissage et de perfec-
tionnement, ainsi que ceux des établissements techniques existants
devront être développés et leur pédagogie, adaptée pour répondre aux
aspirations des générations nouvelles comme aux contraintes de l'évo-
lution technologique.
Par ailleurs, les personnels textiles en place, en préavis de licen-
ciement, devraient bénéficier d'actions d'adaptation et de recon-
version.
La réussite des reclassements d'une partie de la main-d'oeuvre
actuellement employée dans le textile est à ce prix.
Enfin, plutôt que la généralisation de formules de pré-retraite,
doit être développé l'effort de conversion lié aux implantations aidées
d'activités nouvelles.

3. Un espace social européen.

Afin d'éliminer les pratiques frauduleuses, notamment en matière


de charges sociales et d'harmoniser dans la mesure du possible les
coûts de la main-d'oeuvre dans les pays de la C.E.E., les Etats membres
et les autorités européennes doivent prendre toutes mesures pour
aboutir à un espace social européen relativement homogène. Sur ce
plan, les actions concertées des organisations syndicales seront indis-
pensables.
- 383 ---

A cet effet, le Gouvernement français devrait proposer au niveau


communautaire, une étude approfondie sur la législation sociale des
Etats membres (droit du travail et organisation du système de protec-
tion sociale), ses conditions d'application et l'incidence des disposi-
tions légales et des pratiques tolérées, sur le coût des produits textiles.
Les règles communautaires conçues à une époque de croissance
et établies pour régir les échanges entre Etats parvenus à un niveau
de développement homogène ne conviennent sans doute plus à l'élar-
gissement actuel de l'Europe et à la conjoncture économique du
moment.
Plus concrètement, l'entrée ou les perspectives d'entrée dans la
C.E.E. de nouveaux Etats méditerranéens dont les conditions de déve-
loppement économique et social sont encore très éloignées des nôtres,
doit faire l'objet de dispositions particulières à déterminer préala-
blement.

E. — LES MESURES CONCERNANT L'AMÉNAGEMENT


DU TERRITOIRE ET LES COLLECTIVITÉS LOCALES

Deux dernières mesures sont à la limite des problèmes de


l'emploi et des questions d'aménagement du territoire. La première,
plus globale, consiste à proposer une procédure d'urgence pour les
régions en détresse, la seconde est relative à une question qui n'est
pas propre à l'industrie textile et qui a déjà, à plusieurs reprises,
retenu l'attention du Parlement : c'est celle de la taxe professionnelle.

1. Une procédure d'urgence pour les régions en détresse.

Si la crise du textile se manifeste dans quasiment toutes les


régions, certaines apparaissent plus particulièrement touchées en rai-
son du poids du textile dans leurs structures économiques. Une
« médecine de choc » est indispensable et urgente car il n'est pas pos-
sible de rester insensible et inactif face à la désagrégation industrielle
qui s'effectue par les nombreuses fermetures d'entreprises et réduc-
tions d'effectifs.

Ces régions doivent être admises au bénéfice du Fonds spécial


d'adaptation industrielle ou faire l'objet de plans régionaux renforcés.
Ces plans devraient être mis en place en liaison avec les collectivités
locales et les établissements publics régionaux concernés et compor-
ter :
- 384 -

— des mesures de décentralisation de services publics destinés


à compenser une partie des emplois perdus ;
— un système de primes spécifiques destinées à aider à la
diversification des productions locales ;
— une large et claire information des entreprises sur les appuis
qu'elles peuvent recueillir dans le cadre des procédures existantes.
De plus, il est impératif que les pouvoirs publics apportent tout leur
appui aux initiatives de certaines organisations qui pourraient pré-
senter des plans d'adaptation des structures, des moyens et des
capacités de production, des programmes à l'exportation ou des
projets de modernisation ;
— une aide exceptionnelle en faveur des collectivités locales
qui se trouveraient privées, du fait de la disparition d'entreprises,
d'une large part de leurs ressources fiscales.

2. La suppression de la taxe professionnelle ?

Cet impôt local, qui est, on le rappelle, la plus importante des


« quatre vieilles » (elle représente environ la moitié de la fiscalité
directe locale, donc des ressources propres des communes et départe-
ments) est à la recherche de son équilibre depuis une dizaine d'années.
Le remplacement de la patente avec ses 1.500 rubriques différentes et
qui avait fait l'unanimité contre elle par la taxe professionnelle en
1975 n'a pas débouché sur les résultats espérés. Le changement
d'assiette a provoqué d'importants transferts de charges entre les
contribuables qui ne se sont pas encore totalement maîtrisés tandis
que d'importants écarts de taux subsistent entre les communes.
A court terme : une mesure d'allégement pour les entreprises
créatrices d'emplois.
Pour l'immédiat, la Commission se prononce pour une adapta-
tion simple du système actuel susceptible d'alléger la charge des
entreprises de main-d'œuvre créatrices d'emplois.
Elle propose que les salaires correspondant aux créations d'em-
ploi nouvelles ne soient plus pris en compte dans le calcul des bases
d'imposition et ce pendant les deux ans suivant l'année de la création
d'emploi.
- 385 -

CONCLUSION

Il importe, en conclusion, d'insister, plus encore qu'il n'a été


fait dans l'introduction, sur les aspects humains de la crise du
textile et de l'habillement.
S'il convient, en effet, d'analyser avec soin les données écono-
miques et commerciales du problème, il ne faut pas oublier qu'en
définitive ce sont les salariés qui se trouvent frappés par cette
conjoncture difficile. Est-il nécessaire d'évoquer, à ce propos, la
révolte et le désespoir de tant d'hommes et de femmes qui se trouvent
privés de leur emploi ou qui vivent dans l'inquiétude de le perdre.
Certes, de telles situations, d'autant plus tragiques pour certaines
régions qu'elles en menacent le devenir industriel, peuvent fausser
le jugement des intéressés mais il serait injuste et vain de ne pas en
tenir compte.
Or, parmi ces réactions, la Commission a noté que, presque
toutes, qu'elles soient le fait de patrons, de cadres, d'employés ou
d'ouvriers, mettent en cause la pénétration grandissante du marché
par les articles étrangers, invasion qui après s'être manifestée, tout
d'abord, dans le textile, affecte aujourd'hui de façon accélérée
l'habillement avec des pointes de 50 %, dans le premier cas
(bonneterie et fibres chimiques) et de plus de 70 % dans le second
(bas, collants et pull-overs).
Il est, nous le reconnaissons, excessif d'attribuer à cette seule
concurrence étrangère, la dégradation de la situation d'un secteur
longtemps protégé et dont la modernisation est inégale, mais les
écarts sont souvent tels entre les prix des produits français et des
marchandises importées, qu'aucune remise en ordre, à effet forcément
retardé, ne paraît de nature à endiguer cet afflux extérieur avant
que des dégâts irréparables aient été causés à nos entreprises. On
constate d'ailleurs que la plupart de celles-ci sont, de ce fait, touchées,
qu'il s'agisse des plus modernes et des mieux structurées, disposant
d'une vaste gamme de fabrication, ou des affaires traditionnelles
de moindre surface et parfois trop étroitement spécialisées.
Compte tenu de ces éléments et, répétons-le, d'une réaction
quasi unanime des personnels en cause, il apparaît donc qu'une
action s'impose, sans plus attendre, pour maîtriser les importations.
- 386 -

Telle est, en tout cas, la base des demandes qui ont été en premier
lieu adressées aux délégations de la Commission lors de leur dépla-
cement dans les régions sensibles qu'elles ont visitées, et il nous
apparaît de façon très objective qu'une telle mesure s'impose au
premier chef.
L'opinion publique qui a présent à l'esprit les efforts
considérables récemment entrepris pour sauver l'informatique et
la sidérurgie, et la vigilance avec laquelle a été suivie la situation
de l'automobile, ne doit pas être ainsi conduite à penser que les
pouvoirs publics n'attachent pas la même importance au textile et à
l'habillement — considérés comme monnaie d'échange — et seraient
prêts à en laisser disparaître des pans entiers jugés définitivement
non compétitifs.
Ce réflexe de défense escompté par toute la profession, nous
apparaît d'autant plus urgent qu'après avoir attendu beaucoup et
bénéficié incontestablement dans un premier temps, de la création
de la Communauté européenne, nos compatriotes ne sont pas loin
aujourd'hui de voir dans cette union douanière, de plus en plus
largement ouverte sur le monde, la cause principale des difficultés
qui les assaillent. Il est donc à craindre que l'esprit européen pâtisse
gravement de cette réaction, quelles que soient les conséquences
qu'un repli aussi irréaliste sur nous-mêmes aurait pour nos
exportations.
Ceci nous conduit à demander très instamment au Gouverne-
ment d'user de tous les moyens dont il dispose, notamment dans
le cadre du Traité de Rome et dans celui du G.A.T.T., pour limiter
l'entrée sur notre territoire de produits étrangers.
Mais nos compatriotes ne contestent pas seulement la régle-
mentation des accords internationaux négociés le plus souvent à
Bruxelles, ils mettent également en cause, à juste titre, les multiples
moyens de fraudes, mis en jeu par des importateurs ou des
exportateurs dont l'habileté n'est jamais en défaut. Or, même si ces
procédés n'ont pas la portée que leur attribue l'opinion, ils prennent
valeur d'exemple et pèsent incontestablement sur les prix. A cette
occasion beaucoup n'hésitent pas à mettre en cause le laxisme des
« technocrates » de Bruxelles et des autorités nationales accusés de
fermer les yeux par souci de libéralisme.
Si la Commission est, en effet, bien consciente du fait que notre
industrie textile ne saurait survivre en limitant ses débouchés à la
clientèle française et que le quart de sa production est vendu à
l'étranger, elle estime également qu'un débouché intérieur important
est indispensable dans la mesure où il représente à la fois une garantie
et un banc d'essai pour nos entreprises. C'est donc par référence
à un pourcentage maximal de pénétration que notre réaction de
défense doit, à notre avis, jouer dans le cadre des règles existantes,
ou à promouvoir, notamment pour le troisième accord multifibres.
- 387 -

Des exemples, tels que ceux de l'appareillage photographique ou


des motocycles et tout récemment du piano, montrent à quel point il
est dangereux de laisser les fournitures étrangères dépasser un certain
seuil et marginaliser ainsi notre propre production.
En insistant ainsi sur la nécessité urgente de briser, comme elle
l'a indiqué, « la spirale des importations », la Commission n'ignore
pas cependant que la solution qu'elle préconise ne peut être qu'un pal-
liatif, et qu'un important effort reste à faire pour moderniser certains
secteurs et, de façon générale, remédier à une trop grande dispersion
des moyens de production et de commercialisation dans tous les do-
maines affrontés à une consommation de masse.
L'inadaptation de la fabrication, trop souvent parcellaire — en
particulier dans la confection — entre de trop nombreuses entreprises
face à un système de distribution de plus en plus concentré (grands
magasins, grandes surfaces, entreprises de ventes par correspon-
dance) crée incontestablement un courant d'appel favorisant des
fournisseurs étrangers susceptibles de satisfaire sans délai des com-
mandes importantes.
On ne saurait enfin négliger les deux points essentiels que
constituent l'adaptation et l'innovation, objectifs qui exigent un effort
permanent à tous les niveaux de la production.
Les Français sauront, nous en sommes certains, comme ils l'ont
fait dans le passé, relever le défi d'une concurrence de plus en plus
vive, mais il convient d'abord de ne pas laisser se créer, comme on
peut le craindre pour le textile et l'habillement, une situation de
dégradation irréversible.

A l'issue de la dernière réunion qu'elle a tenue le 3 juin 1981,


la Commission a adopté les conclusions du présent rapport à la
majorité des suffrages exprimés.
Les commissaires appartenant aux groupes socialiste et com-
muniste ont motivé leur abstention par les observations suivantes
annexées au présent rapport.
- 389 ---

DÉCLARATION
DES COMMISSAIRES APPARTENANT
AU GROUPE SOCIALISTE
ET AU GROUPE COMMUNISTE

Les travaux de la Commission ont été sérieux et approfondis et


menés dans l'esprit de dresser un diagnostic et de proposer des solu-
tions. Nous prenons donc acte de ce rapport qui compte un certain
nombre de points positifs mais aussi des analyses auxquelles nous ne
pouvons souscrire. C'est un document de travail intéressant et une con-
tribution importante à l'examen de la situation de l'industrie du textile
et de l'habillement.
Cependant, il ne peut recueillir notre accord pour les raisons
suivantes.

1. Il ne condamne pas la politique d'hier et passe donc sous


silence la responsabilité du Gouvernement précédent et des grands
groupes capitalistes.
Le secteur du textile et de l'habillement composé de 6.000 entre-
prises employant 600.000 personnes, réalisant un chiffre d'affaires de
100 milliards de francs tient une grande place dans l'économie fran-
çaise ; il traverse une grave crise qui met en cause son existence
même.
Depuis quelques mois, le rythme des fermetures d'entreprises et
des licenciements s'accélère, le nombre des entreprises en difficulté
augmente. La situation devient catastrophique ; elle est la consé-
quence de l'incohérence et des insuffisances de la politique gouverne-
mentale pratiquée depuis de nombreuses années ; ce bilan négatif
constitue un lourd héritage.
La crise actuelle du textile habillement n'avait en effet rien
d'imprévisible et n'est pas nouvelle. Depuis dix ans, des parlemen-
taires, des élus locaux, des organisations syndicales des travailleurs
n'ont pas manqué d'alerter les pouvoirs publics sur cette crise pro-
fonde et de grande ampleur.
Le Gouvernement en porte l'entière responsabilité ; il a été
incapable de faire face aux problèmes et de prendre, en temps utile,
les mesures nécessaires à la protection du marché intérieur, à la
- 390 -

modernisation de l'outil de travail, à l'amélioration de la compéti-


tivité, au maintien et au développement de l'emploi.
Au contraire, au nom du « libéralisme économique », de la nou-
velle division internationale du travail et de la stratégie de redéploie-
ment industriel, le Gouvernement a sacrifié l'industrie textile aux
intérêts des grands groupes capitalistes.
La mauvaise utilisation des fonds publics accordés à certaines
entreprises, l'absence de contrôle de ces fonds, l'abandon par des
groupes industriels et financiers d'un grand nombre de productions et
de fabrications sur le territoire national pour s'orienter, au nom du
profit, vers des investissements à l'étranger ou vers des activités de
négoce, organisant parfois eux-mêmes les importations dont ils dénon-
cent les maux, en sont quelques exemples.

La politique d'hier a favorisé les grands groupes, encouragé


les concentrations au détriment des P.M.E. par ailleurs soumis au
bon vouloir du système bancaire.
Cette politique d'abandon a entraîné la désindustrialisation de
régions entières dont l'équilibre économique a été ainsi rompu.
Il y a ainsi contradiction, d'une part, entre l'affirmation proclamée
par le Gouvernement précédent que l'industrie textile est une indus-
trie d'avenir et, d'autre part, son laxisme qui laisse partir le textile
hors de France et son acceptation des fermetures d'usines. En réalité,
la récession du textile était inscrite dans le VII' Plan et l'objectif
du VIII' Plan confirmait que le choix du Gouvernement précédent
n'était pas celui d'une politique de relance du textile et du plein emploi.
Les récentes mesures prises par le Gouvernement précédent en
faveur du textile étaient, en effet, bien tardives et purement conjonctu-
relles, leur caractère électoraliste n'échappant à personne. De plus, elles
s'inscrivaient dans une logique économique qui visait, au nom de la
théorie des « canards boiteux », à aider les industries les plus
performantes donc les plus fortes, au détriment des petites et
moyennes entreprises dont une grande partie sont en difficulté, et
les industries capables d'exporter, en négligeant celles qui travaillent
presque exclusivement pour le marché intérieur.
Enfin, une des causes des difficultés du textile provient, il
importe de le souligner, de la baisse de la consommation intérieure.

2. Par sa tonalité protectionniste, le rapport peut laisser croire


que les difficultés du textile proviennent uniquement des impor-
tations.
Certes, l'augmentation des importations qui atteignent aujour-
d'hui 51 % de la consommation intérieure dont 75 % en provenance
- 391 -

des pays industrialisés et 25 % des P.V.D. est un élément important


d'explication des difficultés du textile.
Sans vouloir revenir à un protectionnisme étroit qui serait
finalement préjudiciable à notre économie, il faut dénoncer un
certain laisser-faire comme les pratiques déloyales de concurrence
à l'intérieur de la C.E.E. (fraudes, détournements de trafic, certificats
d'origine de complaisance concernant les produits en provenance
des pays de l'Est et d'Extrême-Orient, le non-respect de la législation
sociale entraînant des disparités des prix de revient) et s'étonner
que le Gouvernement précédent ait découvert à quelques semaines
des élections la nécessité de prendre des mesures pour lutter contre
les importations frauduleuses et de défendre au niveau européen
le textile national.
Sur le problème sensible des importations en provenance des
P.V.D., nous affirmons qu'il n'y a pas contradiction entre la volonté
de contribuer au développement des pays du Tiers-Monde et celle
de doter la France d'une industrie textile moderne et forte.
Mais les investissements réalisés dans ces pays par le capita-
lisme français ou étranger trouvent leur raison d'être dans les coûts
très bas de production dus à l'exploitation d'une main-d'oeuvre à
bon marché et dans la réalisation de profits considérables pour la
réexportation de cette production en Europe.
Ces pratiques et ces constatations ne contribuent pas à un
véritable développement des pays du Tiers-Monde, à une augmentation
du niveau de vie des populations, ni à l'instauration d'un véritable dia-
logue Nord-Sud.

I! faut, pour le secteur textile-habillement, une politique volon-


taire de développement capable de redonner confiance à la profession.
Nous proposons donc :
— de dresser un constat et un examen rapide et immédiat de la
situation précise de quelques grands groupes industriels de ce secteur
et des entreprises actuellement menacées, la priorité des priorités
étant de situer les responsabilités et de mettre un terme aux fermetures
d'usines et aux licenciements ;
— de mettre en œuvre des mesures destinées à atteindre les
objectifs suivants :
I° assurer la reconquête du marché intérieur par le relèvement
du pouvoir d'achat et donc par la relance de la consommation
intérieure,
2° protéger le marché français contre la concurrence déloyale,
les fraudes de toutes sortes, et donner un coup d'arrêt aux
importations sauvages,
- 392 -

3° maintenir l'emploi et améliorer les conditions de travail des


salariés du textile et de l'habillement,
4° promouvoir les exportations,
5° accélérer la modernisation de l'outil industriel français en
relançant les investissements,
6° réformer les circuits de distribution,
7° favoriser la recherche, la créativité et le développement des
innovations,
8° sauvegarder l'avenir économique des régions de tradition
textile et assurer la protection et la survie des petites et
moyennes entreprises du textile et de l'habillement,
9° satisfaire les besoins réels des consommateurs,
10° privilégier les investissements sur le territoire national et
contrôler les investissements à l'étranger,
11° assurer le contrôle des fonds publics mis à la disposition des
entreprises,
12° nationaliser le secteur stratégique que représente Rhône-
Poulenc.

Enfin, il faut affirmer la nécessité de négocier un troisième accord


multifibres adapté à ces nécessités et garantissant la vie de l'indus-
trie textile française dans le cadre d'une véritable politique euro-
péenne commune concernant ce secteur.
— 393 —

ANNEXE

LEXIQUE
des principaux termes techniques.

I. — FILATURE

Etape consistant à transformer les fibres brutes en fils.

Étapes de fabrication dans une filature fibres courtes « type coton »

Etapes de Fabrication Aspect de la matière Schéma général de ta machine


.._„.....---

Ouvraison — Battage Balles pressées


Les fibres jusqu'alors pressées dans les balles sont 0/[0
«ouvertes», c'est-à-dire aérées et séparées par battage. Flocon? 0 ,---
,---,
. ..
0 i.- 0.
.... ,

Cardage 0 -----. 0
Voile, 0 0
Les fibres passent entre des cylindres munis de fines
00
dents d'acier, ceci afin d'aligner les fibres dans le puis ruban de carde 0
méme sens, c'est-à-dire de les paralléliser. De Plus. ......_.
-...
la matière est nettoyée. teei

■----.. ‘,... e4,


Cl>
Etirage
On rassemble plusieurs rubans de carde que l'on 0 -....
étire pour que le ruban sortant soit de méme dia- Ruban d'étirage 0
,,„,„..t.ii „,..
•— ... ..
..../
mètre que l'un des rubans entrants. Les irrégularités
se compensent et les fibres sont mieux parallélisées. ma ..„. . .
_.. _—.... ••-- Ir ère
......
...
ffl. gM

Passage sur banc à broches


Le ruban est encore épais. Il faut l'affiner et paratlé- Mèche
liser les fibres. Comme ce faisant on l'affaiblit, il faut
lui donner une légère torsion.
_

....-

Filage
La mèchepasse par un système d'étirage pour étre Fil
affinée. Puis on lui donne une torsion qui la rend Ir
solide :le fil est né.

....___

(Source:ASS.O.C.O.T.E.X.)

Une étape supplémentaire peut s'ajouter aux précédentes : le peignage du ruban


d'étirage qui permet d'éliminer les fibres courtes et de rendre tout à fait parallèles les
fibres longues. Le peignage porte surtout sur les filières de la laine et parfois sur celles
du coton. Il donne des produits de meilleure qualité.
— 394 —

II. — ÉTAPES INTERMÉDIAIRES

Le passage de la filature au tissage nécessite des transformations intermédiaires : le


bobinage et le retordage.
• Le bobinage : consiste à faire passer le fil d'un support sur un autre pour obtenir
la quantité maximum de fils sur un seul support, tout en épurant le fil et en éliminant
les irrégularités.
• Le retordage : consiste à assembler, en leur donnant de la torsion, deux ou plusieurs
fils simples pour leur donner plus de solidité ou des aspects particuliers (gonflant).

III. — LE TISSAGE

C'est le résultat de l'entrecroisement de fils parallèles disposés selon la longueur du


tissu (la chaîne) et de fils perpendiculaires (la trame). Ces derniers proviennent d'un fil
continu effectuant une série de mouvements aller et retour (ceux d'une navette contenant
la canette à partir de laquelle se déroule le fil).

Cette opération est précédée d'une série d'étapes préliminaires :


• l'ourdissage,
• l'encollage,
• le rentrage,
• le canetage,
• le nouage,
• le montage de chaîne.

rouleau

Le tissage

neigne
OURDISSAGE moteur
came pur ldnt les bobines
Assemblage parallèle des fils sur un rouleau suivant un dessin
donne pour constituer la chaine

J 6 9 12
ENCOLLAGE 0 C).*
SI„..„ 8; 11,
Imprégnation de colle pour rendre les fils de chaine plus lisses
et plus résistants U
L
1 Ch

b000
OUleau a il Oti , di e nt. t.d i a9e /m i , de u•chne ensouple

RENTRAGE
Passage un par un des fils de chai ne dans les maillons des lisses
puis dans les dents du peigne .

CANETAGE
Enroulement du fil de trame sur une canette (metiers a navette
seulement)

MONTAGE DE CHAINE ET NOUAGE arafirrfreee


Mise en place sur le métier ou sur la machine de la nouvelle chaine et
nouage de chacun des fils a ceux de la chaîne precedente la navette et sa canette

Sou•c• ANFOCOTE X
— 395 --

IV. — LE TRICOTAGE
Alors que le tissage consiste à entrecroiser des fils perpendiculaires (chaîne et trame),
le tricotage permet d'obtenir une étoffe en entrelaçant des branches de fils : les mailles.

V. — LES NON-TISSES
Les techniques d'assemblage les plus récentes ne font plus appel au tissage ou à des
noeuds, mais à la constitution de nappes liées le plus souvent par des moyens chimiques.

VI. — L'ENNOBLISSEMENT
Il consiste à modifier l'aspect, la couleur ou les caractéristiques du fil ou du tissu
et peut intervenir à différentes étapes de la fabrication.

Imprimerie du Sénat.

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