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ÉLÉMENTS DE VERSIFICATION

I. Le vers et le décompte des syllabes


1. La notion de vers.
À quoi reconnaît-on que l’on a affaire à des vers ?
• La nature typographique : le mot « vers » vient du latin « versus » (du verbe « vertere » =
tourner) qui désigne le fait de tourner la charrue au bout du sillon, puis le « versus » a
désigné le sillon lui-même, c’est-à-dire la ligne tracée dans la terre. Par métaphore, le vers
désigne donc la ligne d’écriture, le vers lui-même tracé sur la page. Chaque vers débute par
une majuscule, le changement de ligne représente le passage au vers suivant.
• Le nombre des syllabes est déterminant pour définir la longueur du vers.
Rappel : une syllabe est un groupe de phonèmes pris ensemble organisés autour d’une seule
voyelle. Il existe les syllabes ouvertes terminées par une voyelle, et les syllabes fermées, terminés
par une consonne.

2. L’e caduc
En finale du vers, il n’est jamais compté (=prononcé). C’est ce qu’on appelle l’apocope du e caduc.
À l’intérieur du vers, la règle est la suivante :
• S’il est placé devant voyelle, le e n’est pas compté :
Reste de Rom(e). Ô mondain(e) inconstanc(e) !
• S’il est placé devant consonne, il est compté :
Reste de Rome. Ô mondaine inconstanc(e) !

3. Diérèse et synérèse
La diérèse est la séparation syllabique de deux voyelles en contact dans un même mot : « Lionne »
se prononce en deux syllabes.
La diérèse est en général un moyen d’insister sur un mot. Elle peut servir à amplifier un terme isolé
ou faire ressortir le sens classique par la prononciation archaïsante. La diérèse peut également
équilibrer les mots les uns par rapport aux autres, quand il s’agit, par exemple, de créer une
antithèse. Ainsi, le mot « hier » pourrait être prononcé en deux syllabes (en faisant la diérèse) pour
le mettre sur le même plan que « demain » dans un poème, par exemple, pour mettre en valeur une
antithèse.
La synérèse en revanche consiste à réunir dans une même syllabe deux voyelles placées l’une à
côté de l’autre. Ce phénomène est moins remarquable, il est employé généralement pour garantir le
nombre de syllabes d’un vers : « fière » se prononce en une seule syllabe.
4. L’identification des vers
• L’alexandrin : il tient son nom d’un poème sur Alexandre le Grand qui avait connu un
certain succès à la fin du XIIe siècle. Tous les alexandrins classiques sont divisés en deux
groupes de six syllabes appelés hémistiches séparés par la césure.

• le décasyllabe : il a connu un succès à peu près constant de son apparition (milieu du XI e


siècle) à la première moitié du XIVe siècle. À partir du XIIIe siècle, il est le vers lyrique
par excellence. La césure apparaît traditionnellement après la quatrième syllabe ; il est donc
par nature asymétrique.
• L’octosyllabe : le vers de huit syllabes est le plus ancien des vers français. Sa première
apparition date du Xe siècle. Il est très employé au Moyen Âge, en particulier dans les
poèmes narratifs, les fabliaux et le théâtre. Il reste le deuxième mètre le plus employé après
l’alexandrin. L’octosyllabe n’est pas obligatoirement césuré, et sa césure n’est pas fixe. Il
peut être coupé en trois parties.
On peut aussi rencontrer des vers moins répandus, comme : le tétramètre (4), le
pentamètre/pentasyllabe (5), l’hexamètre/hexasyllabe (6), l’heptasyllabe (7), l’ennéasyllabe (9), le
décasyllabe (10), l’hendécasyllabe (11).

5. Le vers libre

Le vers libre est une création de la fin du XIX e siècle (avec les poètes symbolistes, mais aussi avec
l’apparition du poème en prose). Ils sont regroupés en séquences, ensemble librement constitués,
sans qu’il y ait de structure fixe ou récurrente.
Le vers libre est donc assez difficile à cerner. On peut simplement dire qu’il se caractérise par une
certaine liberté dans l’organisation des vers. Il existe aussi une certaine liberté du lecteur.

II. Les types de strophes


Les strophes sont séparées l’une de l’autre par un blanc sur la page. Elles sont de différents types :
- distique (2 vers)
- tercet (3)
- quatrain (4)
- quintil (5)
- sizain (6)
- septain (7)
- huitain (8)
- neuvain (9)
- dizain (10)
- onzain (11)
- douzain (12)

III. Les éléments du rythme


Le rythme est fondé sur le retour plus ou moins régulier d’un repère constant. Mais il faut compter
aussi sur l’organisation syntaxique du poème, avec la répartition éventuelle des sonorités.
1. La division du vers par la césure
Elle marque une pause à l’intérieur du vers.
Du point de vue de l’interprétation, les deux termes qui se situent de chaque côté de la césure
peuvent s’opposer ou être rapprochés.
▪ Les types de césures :
La césure épique : elle traite la fin du premier hémistiche comme une fin de vers en apocopant (=
effaçant) un e non élidable (= non effaçable). Relativement fréquente au Moyen Âge, elle est assez
souvent utilisée par les poètes modernes. Ex : Montagnes derrièr(e), // montagnes devant
La césure lyrique : elle correspond à la présence d’un e non élidable et prosodiquement compté
dans la syllabe qui précède la césure. Ex : Ô Bretagne, // pleure ton espérance.

▪ L’enjambement : il se répartit de manière à peu près égale de part et d’autre de la limite du vers,
et ne prétend pas à un autre effet que ce dépassement (pas de pause rythmique). Exemple :
Nouveau venu qui cherches Rome en Rome
Et rien de Rome en Rome n’aperçois
▪ Le rejet : qui place un groupe bref au-delà de la limite du vers alors qu’il est lié syntaxiquement à
ce qui précède et le met ainsi en valeur. Exemple :
Ces globes, qu’en prisons Seigneur, vous transformâtes
Errent, et sur les flots tortueux et funèbres.
▪ Le contre-rejet : qui, à l’inverse, met en avant de la limite du vers un élément bref, lié
syntaxiquement à ce qui suit et a, par conséquent, un effet de soulignement. Exemple :
Tu l’embrasses des yeux et des bras, et ton cœur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur.

▪ Le rythme peut aussi être aussi marqué par le retour de segments de phrase plus ou moins de
même taille pour créer un rythme binaire (lorsque deux segments se suivent) ou un rythme
ternaire (lorsque trois segments se suivent). Si ces segments de phrase sont de taille croissante, on
parlera de rythme croissant (du moins long au plus long), s’ils sont de taille décroissante on
parlera de rythme décroissant. Enfin, s’ils sont de tailles variées, entrecoupés de signes de
ponctuation comme la virgule, le point-virgule, le tiret, ils viendront créer un rythme heurté.
Exemple :
- «  Rome seule pouvait à Rome ressembler,
Rome seule pouvait Rome faire trembler » → rythme binaire mis en valeur par le parallélisme et la
répétition du mot « Rome ».

La répétition de sonorités (assonances, allitérations) peut également apporter un rythme particulier


au poème.

IV. La rime
La rime est la répétition de mêmes sons (homophonie) à la fin d’au moins deux vers.
1. La disposition des rimes :
- Rimes embrassées : abba.
- Rimes croisées ou alternées : abab.
- Rimes plates ou suivies : aabbcc
2. Le genre des rimes
- Un rime est dite féminine lorsqu’elle se termine par un « e » muet (=caduc)
- Une rime est dite masculine dans tous les autres cas.
3. La qualité des rimes
• Rime pauvre : un seul phonème commun (c’est à dire la dernière voyelle accentuée. Ex :
Rameaux, tombeaux.
• Rime suffisante : deux homophonies, soit par exemple : voyelle + consonne. Ex : silenc(e),
avanc(e) ou encore, consonne + voyelle : horizon, gazon.
• Rime riche : trois homophonies. Ex : ombr(e), sombr(e).

Il existe d’autres types de rimes qui se rencontrent surtout à certaines époques où les poètes ont tout
particulièrement travaillé la langue, notamment à la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle, à
l’époque des Grands Rhétoriqueurs1.
• Rime équivoquée : elle associe deux mots ou groupe de mots dans une même série
phonétique venant créer un jeu de mots à la fin du vers : déserts/des airs ou adversité/à vers
cité, laide/Leyde
• Rime batelée : elle se place entre la fin d’un vers et la fin du premier hémistiche du vers
suivant : « Nymphes des bois, pour son nom sublimer / Et estimer, sur la mer sont allées »
• Rime couronnée : elle se termine par une répétition de la syllabe de rime :

1 Le premier des Grands Rhétoriqueurs est le poète Jean Meschinot, poète à la cour de François II de Bretagne.
« Dieu tout-puissant, prince d’honneur donneur / Vrai rédempteur, homme seul parfait
fait  »
• Rime léonine : lorsque les deux hémistiches d’un même vers riment ensemble :

Des biens avez // et de la rime assez.

V. Quelques remarques sur le sonnet


L’introduction du sonnet dans la poésie française est datée de 1538. Elle est attribuée à différents
poètes : à l’école lyonnaise, mais aussi à Mellin de Saint-Gelais et à Clément Marot.
- C’est une forme poétique fixe : le vers est souvent l’alexandrin. Les premiers sonnets ont
d’abord été composés en décasyllabes, puis l’alexandrin l’a emporté. La très grande majorité des
sonnets est isométrique (= emploi du même type de vers dans le poème) ; mais il existe des sonnets
hétérométriques (= composés de vers de tailles variées), avec alternance de vers longs et de vers
courts : on les appelle sonnets layés.
Aux deux quatrains du début, répondent les deux tercets de la fin, qui résultent en fait de la
séparation typographique d’un sizain en deux moitiés. Le sonnet a donc presque une organisation
carrée, avec deux mouvements à la fois analogues et dissemblables, eux-mêmes divisés en deux, ce
qui permet des jeux divers d’opposition et de parallélisme (comme dans le sonnet III des Antiquités
de Rome de Du Bellay).
La rime est ici organisée selon le modèle du sonnet italien : abba abba ccd eed. Avec la découpe
du sizain en deux tercets similaires, les deux vers finaux de tercet peuvent rimer ensemble.
À côté du sonnet italien, il y a le sonnet dit français dont la disposition des rimes est la suivante :
abba abba ccd ede. Les tercets ne présentent alors aucun parallélisme.
On peut également citer le sonnet shakespearien ou élisabéthain.

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