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UNIVERSITE CATHOLIQUE DU GRABEN

B.P. 29 BUTEMBO / NORD-KIVU


REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

FACULTE DE DROIT

DROIT PUBLIC :
DROIT CONSTITUTIONNEL CONGOLAIS

MUHINDO MALONGA Télesphore


Professeur Ordinaire

Bukavu, 2019-2020
Introduction

Dans la théorie générale du droit constitutionnel sont été étudiées les notions relatives
à l’Etat, à la Constitution, à la légitimité, à la démocratie, à l’Etat de droit, à la théorie de la
séparation des pouvoirs et aux régimes politiques, etc. Avec le droit constitutionnel
congolais, nous allons à présent fixer notre attention sur la manière dont les notions de la
théorie générale sont concrétisées en République Démocratique du Congo.

1. Contexte

De prime abord, dans le programme des facultés de droit de l’Université congolaise, le


cours de droit constitutionnel congolais est venu, en 2003-2004, se substituer au cours
d’Institutions politiques du Congo et, en sciences politiques, au cours d’Histoire politique du
Congo.
La possibilité d’un droit constitutionnel congolais est directement liée au principe de
souveraineté. En vertu de ce principe, chaque Etat peut se doter de l’organisation politique,
administrative, sociale et économique de son choix. Ce principe est à la fois la cause et la
conséquence du principe de l’autonomie constitutionnelle, versant du principe de non-
ingérence dans les affaires intérieures des Etats, en vigueur en droit international public. C’est
ainsi que, dans le Préambule de la Constitution, il est proclamé : « Réaffirmant notre droit
inaliénable et imprescriptible de nous organiser librement et de développer notre vie
politique, économique, sociale et culturelle selon notre génie propre.» Bref, la souveraineté
commande l’autonomie constitutionnelle.
Depuis son accession à l’indépendance, la République Démocratique du Congo a
connu de nombreuses constitutions : la Loi fondamentale du 19 mai 1960, complétée par la
Charte relative aux droits et libertés reconnues au indigènes du 17 juin 1960 ; la Constitution
de Luluabourg du 1er août 1964 qui a consacré la première République, la constitution
révolutionnaire du 24 juin 1967 qui a régi la deuxième République et qui, au terme de
révisions successives, a instauré la dictature et le régime du parti unique. Les 15 années de
transition vers la démocratie, soit la période allant du 24 avril 1990, date du discours de
Mobutu instaurant à nouveau le multipartisme, au 18 février 2006, date de la promulgation de
la Constitution de la troisième République, notre pays a connu trois constitutions, si on laisse
de côté les textes qui n’ont en réalité pas été appliqués comme l’Acte portant dispositions
constitutionnelles relatives à la période de la transition du 04 août 1992, le projet de
constitution de la République fédérale du Congo issu de la Conférence Nationale souveraine,
la loi n° 93/001 portant acte constitutionnel harmonisé relatif à la transition du 2 avril 1993,
on peut évoquer l’Acte constitutionnel de la transition du 9 avril 1994, le Décret-loi
constitutionnel du 27 mai 1997 et la Constitution de la transition issue du Dialogue inter-
congolais de Sun City, promulguée le 4 avril 2003.

2. Importance du cours : objet et objectif

Au moment où la République Démocratique du Congo tente de se réunifier et de se


reconstruire en tant qu’Etat pleinement souverain, revisiter son histoire ne saurait aller sans
une redécouverte de son évolution constitutionnelle. A travers le droit, en particulier dans sa
branche la plus élevée qu’est le droit constitutionnel, c’est l’histoire politique du pays qui est
ainsi portée à la connaissance des citoyens.
Aujourd’hui, l’Afrique en général et le Congo en particulier, ressentent le besoin de
réécrire son histoire. Une telle réécriture ne saurait se limiter aux seuls aspects événementiels
et géographiques, et laisser de côté l’un des phénomènes sociaux les plus marquants, le droit
constitutionnel et les institutions politiques.
Par ailleurs, dans le paysage doctrinal congolais, rares sont les auteurs qui ont consacré
leurs recherches à l’histoire constitutionnelle de ce pays, à l’instar de ce que les auteurs
comme Georges Burdeau, Bernard Chantebout, Pierre Pactet, Jean Gicquel, Joël Mekhantar et
tous les autres grands constitutionnalistes français ou encore comme Francis Delpéré pour la
Belgique, ont consacré à leurs pays. Nous, juristes congolais, avons encore le devoir de
combler cette lacune. La présente publication s’offre au public comme un essai dans ce
domaine. L’espoir de l’auteur, c’est que d’autres lui emboîteront le pas pour un
approfondissement et une réappropriation de notre histoire constitutionnelle. Cela peut
permettre de tirer les leçons de notre histoire politique et constitutionnelle et éviter les écueils
du mimétisme juridico-politique qui nous ont entraînés dans des impasses et des crises. On
peut se réjouir de récentes publications des professeurs Ambroise Kamukuny et Félix
Vunduawe te Pemako, consasrées au droit constitutionnel du Congo.1
Par-delà l’histoire constitutionnelle, l’étude du droit constitutionnel congolais devrait
aussi conduire à la compréhension de l’économie générale de la Constitution actuelle. En
effet, si nul n’est censé ignorer la loi, la connaissance de l’ordre juridique devrait commencer
par la norme suprême qui donne leur fondement aux autres. L’enseignement du droit
constitutionnel congolais est réputé superficiel et lacunaire dans nos universités, de façon que
les étudiants sortent de l’université sans connaître la Constitution qui régit leurs pays et leur
vie de citoyen. Seuls les étudiants qui rencontrent un professeur consciencieux retiennent
quelques brimes vite perturbées par des révisions fréquentes et brusques.
Mais au-delà de la Constitution, cette étude tend aussi à s’imprégner du système et du
régime politique congolais.

3. Méthodologie

La démarche méthodologique empruntée dans cette étude est surtout historique et


exégétique. Il s’agit de situer la constitution actuelle dans la longue histoire constitutionnelle
congolaise et de procéder à une interprétation de ses dispositions pour en dégager, quand cela
est nécessaire et possible, les implications socio-politiques. Par moment, l’approche
comparative peut s’avérer utile si l’on pense que l’élaboration de la Constitution congolaise,
comme l’histoire constitutionnelle du Congo a subi des influences et des apports externes.

4. Annonce du plan

Pour mieux situer la constitution actuelle et les institutions politiques qu’elle met en
place (IIème partie), il nous faut jeter un regard sur l’histoire constitutionnelle de la République
Démocratique du Congo. Ne dit-on pas que, dans une période trouble ou tourmentée ou
encore dans une croisée de chemins, si l’on ne sait pas où l’on va, il faut au moins savoir d’où
l’on vient ! (Ière partie).

1
A KAMUKUNY MUKINAY, Droit constitutionnel congolais, Kinshasa, Editions Universitaires Africaines, 2011, 438 p.
F. VUNDUAWE te PEMAKO, Droit constitutionnel de la République Démocratique du Congo, 2 vol., 2013
PREMIERE PARTIE

HISTOIRE CONSTITUTIONNELLE DE LA
REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

L’histoire constitutionnelle de la République démocratique du Congo est encore


relativement récente. Elle ne commence vraiment à s’écrire qu’à partir des conquêtes de
Léopold II, Roi des Belges, vers les années 1876 et de la Conférence de Berlin de 1884-1885.
Avant ces dates, le Congo actuel, comme bien de pays africains, n’était qu’un conglomérat de
royaumes épars et parfois en conflit.
Pourtant, si cette histoire est courte du point de vue chronologique, elle a connu déjà
de nombreuses constitutions, à la différence des puissances comme les USA qui, depuis 1776,
n’en sont toujours qu’à leur première constitution, même si des amendements y ont été
insérés.
Pour le cas de la République démocratique du Congo, il y a lieu d’évoquer la période
coloniale qui a été régie par des textes coloniaux (chap. I), la période républicaine, régie par
des constitutions républicaines, bien qu’elle a ensuite été marquée par un virage vers la
dictature (chap. II) et la période de la transition qui a consisté en un passage tumultueux de la
dictature vers la fragile renaissance démocratique (chap. III).
CHAPITRE PREMIER

LA PERIODE COLONIALE ET LES TEXTES COLONIAUX

(1885-1964)

Dans l’étude du droit constitutionnel congolais, on pourrait être tenté d’oublier la


période coloniale, à partir de laquelle ce pays a été considéré comme entité politique et
administrative. Ce serait là une aberration qui risquerait de priver l’étude d’étonnantes
lumières. Car il semble que la période postcoloniale reste marquée par des séquelles de la
période précédente. Il devrait régler dans un esprit de bonne entente, les conditions les plus
favorables au développement du commerce et de la civilisation et d’accroître le bien-être
moral et matériel des indigènes.
Aujourd’hui, tous les analystes s’accordent pour affirmer que le destin du Congo est
lié au mode de gestion inspiré par les Belges. L’histoire constitutionnelle du Congo
commence à s’inscrire à partir des dispositions prises à la Conférence de Berlin qui, en 1885,
a consacré la partition de l’Afrique.
Reconnu comme Etat Indépendant en 1885, le Congo devient alors une propriété du
Roi de Belgique, Léopold II. Celui-ci a profité d’une situation de conflit entre Français et
Britanniques pour se tailler, au cœur de l’Afrique, une propriété dont il devrait faciliter l’accès
à tous. Le Roi des belges devait régler, dans un esprit de bonne entente mutuelle, les
conditions les plus favorables au développement du commerce et de la civilisation et accroître
le bien-être moral et matériel des indigènes. Aussi, la naissance de la République
Démocratique du Congo était-elle déjà marquée par une « convoitise » qui, aujourd’hui
encore, est très vive au détriment des populations congolaises. Pire encore, aux prédateurs
expatriés, se sont ajoutés les faucons internes.
Pour Léopold II, le Congo devait répondre à ses préoccupations économiques. A l’Etat
Indépendant du Congo (I) succédera, en 1908, la colonie belge (II). Dès lors que la Loi
fondamentale de 1960 était un texte constitutionnel octroyé par le Parlement belge, elle peut
être analysée comme un texte colonial (III).

Section I. L’ETAT INDÉPENDANT DU CONGO (EIC) : UNE PROPRIÉTÉ DU ROI


DES BELGES

L’acquisition des territoires nouveaux est dominée, en droit international, par le


principe du premier occupant doublé de celui de l’occupation effective qui se traduit par la
mise en place d’une administration. Ainsi, au-delà de la reconnaissance de son droit sur le
Congo (§1), Léopold II a voulu assez vite lancer l’exploitation de la colonie en mettant en
place une administration coloniale (§2).

§1. La reconnaissance de l’Etat Indépendant du Congo

Tout est parti de l’Acte Général de Berlin qui consacre, au profit du Roi de Belges,
une propriété privée dénommée l’Etat Indépendant du Congo. Devant la course aux colonies à
laquelle se sont livrées les Nations européennes au XIX ème siècle, le Roi des Belges, Léopold
II, voulut donner une colonie à la Belgique. Malheureusement, l’opinion politique belge était
hostile à la colonisation. En effet, la Belgique sortait à peine de la domination hollandaise en
1830 et les Belges en gardaient encore de mauvais souvenirs. Aussi, le Roi a voulu agir pour
son compte personnel. Il effectua des voyages en Chine, au Mozambique, aux Iles Fidji
(Malaisie) et aux Philippines, en Nouvelle Zélande en vue d’obtenir une colonie. Après
l’échec de tous ces voyages, Léopold II se tourna vers l’Afrique centrale (Congo).
Etant donnée la concurrence des autres puissances (France, Angleterre, Allemagne,
Portugal, Espagne, …), Léopold II dissimula ses visées coloniales en présentant des objectifs
scientifiques et humanitaires : officiellement, il voulait implanter la civilisation occidentale
sur le sol de l’Afrique centrale : il s’agit d’introduire la civilisation dans la seule partie du
mode où elle n’est pas encore entrée et pénétrer les ténèbres des populations d’Afrique. Pour
réaliser ses objectifs, Léopold II convoqua d’abord une Conférence géographique à Bruxelles,
du 12 au 19 septembre 1876, à laquelle des savants, des géographes et des explorateurs de
différentes Nations européennes (Allemagne, France, Grande Bretagne, Italie, Russie,
Belgique) prirent part. A l’issue de cette Conférence géographique, fut créée l’Association
Internationale Africaine (A.I.A.) avec un drapeau bleu étoilé d’or. C’est alors que le Roi
envoya en Afrique centrale l’explorateur Stanley. Après la traversée de cette partie de
l’Afrique par cet explorateur, Léopold II créa le Comité d’Etude du Haut Congo (CEHC) en
décembre, pour examiner des questions d’ordre économique. Une année plus tard, soit en
1879, ce Comité sera dissout et remplacé par l’Association Internationale du Congo (A.I.C.)
(1879-1884) pour tenter de résoudre le problème de la souveraineté du Roi des Belges sur les
territoires que Stanley avait parcourus et achetés sur le Continent africain. En effet, en février
1884, l’Angleterre reconnaît les prétentions du Portugal sur les deux rives du fleuve Congo
jusqu’à l’enclave de Cabinda. Cette reconnaissance anglaise indigna la moitié des Belges car
ils n’auraient plus d’accès à la mer. L’Allemagne et la France protestèrent et le Portugal
proposa de soumettre la question à une Conférence internationale pour régler le conflit des
puissances européennes au Congo. D’où la convocation de la Conférence de Berlin par le
Chancelier allemand BISMARCK. Cette conférence se tint du 15 novembre 1884 au 26
février 1885.
Bien avant la Conférence, l’A.I.C. déploya une intense activité diplomatique pour faire
reconnaître sa souveraineté internationale. En avril 1884, la Belgique réussit à faire
reconnaître le drapeau de l’AIC par USA sous prétexte de vouloir créer au centre de
l’Afrique une confédération des Etats nègres sous le protectorat du Roi des Belges. Il faut dire
que l’opinion publique américaine était elle aussi hostile à la colonisation. Au cours du même
mois, l’A.I.C. accorda à la France un droit de préférence sur le Congo. Léopold II déclara à la
France de lui céder le Congo si jamais il ne parvenait pas à financer la colonie. Aussi, de peur
que le Congo ne passât sous la domination de la France, des puissances comme l’Allemagne
et l’Angleterre vinrent en aide au Roi des Belges.
Durant toute la Conférence, la souveraineté de l’A.I.C. fut reconnue par tous les pays
signataires de l’Acte Général de Berlin, y compris la Belgique en dernier ressort le 23 février
1885. En contre partie, l’A.I.C. promit la neutralité sur le plan politique et la liberté de
commerce et de navigation sur le fleuve Congo. A l’issue de la conférence, l’A.I.C. fut
transformée en E.I.C., reconnu comme propriété personnelle du Roi des Belges, Léopold II.
L’EIC devenait ainsi une sorte de Zone neutre entre les colonies françaises (de Dakar à
Djibouti) et anglaises (du Caire au Cap).

§2. L’administration et l’exploitation économique de l’Etat Indépendant du


Congo
Pour matérialiser son pouvoir et lancer l’exploitation économique de l’EIC, le Roi
nomme son Représentant personnel dans l’EIC, le Gouverneur Général, par un Décret du
05/08/1885. Ce Décret fut suivi d’un autre, du 30 octobre 1885, portant organisation du
Gouvernement de l’EIC.
Dans un but d’occupation totale du territoire, le Roi commença à organiser l’armée qui
deviendra plus tard, la Force Publique. Pour assurer la gestion et le contrôle du pays, le Roi et
son Représentant personnel dans l’EIC devaient s’appuyer sur l’Armée, l’Eglise Catholique et
les Sociétés (Compagnies) commerciales ; ce que l’on a qualifié plus tard de « trinité
coloniale » : Administration – Eglise – Commerçants.
 Au départ, l’armée est composée essentiellement d’étrangers : combattants africains,
volontaires de la côte zanzibariste, Haoussa, Sierra Léonais. Ce n’est qu’à partir du 30 juillet
1891 que les indigènes de l’EIC commencèrent à rejoindre les rangs de l’armée, d’ailleurs sur
recrutement obligatoire.
A priori, le rôle de l’Armée était une mission de maintien de l’ordre. Elle s’est
pourtant vouée à la répression systématique de toute résistance à l’occupation effective de tout
le territoire. Sa raison d’être la plus importante était, non pas la défense du territoire contre un
éventuel agresseur venant de l’extérieur, mais la répression de l’ennemi intérieur. Ludo De
Witte écrit à ce propos : « La force publique a été constituée en 1886 comme armée de
conquérants, sous prétexte de lutter contre l’esclavagisme et les guerres tribales. En réalité
elle devait procurer à Léopold II une colonie au cœur de l’Afrique. Une fois le terrain
conquis, la Force publique est devenue une force d’occupation dont la tâche essentielle
consistait à soumettre le peuple congolais. »2
 Pour créer les emplois et exploiter le pays, le Roi Léopold II mit également en place
des Entreprises commerciales, à monopole. Pour contrer les ambitions allemandes et
britanniques sur le Katanga, il créa une compagnie à charte, en 1889, avec le British African
Companing. Par un mélange de capitaux belges et anglais, il créa la compagnie du Katanga
(CK), comme filière de la Compagnie à charte aux capitaux internationaux, la Compagnie du
Congo pour le Commerce et l’Industrie (CCCI). Le rôle ou la mission de la CK était
d’occuper et d’exploiter le sol et le sous-sol du Katanga. Les ¾ de l’exploitation du sol
reviendrait à l’EIC et le ¼ à la CK.
En 1892, furent créées la Société anverseoise du commerce au Congo et la Anglo-Belgian
India Rubber Company.
En 1902, furent créées la Compagnie de chemin de fer du Congo et la Compagnie du
Kasaï pour le commerce de l’ivoire et des produits végétaux.
L’internationalisation de la mise en valeur et de l’exploitation économique du Congo
commença avec la création, en 1906, de l’Union Minière du Haut Katanga (UMHK) qui
accueille les capitaux de la haute finance belge par l’entremise de la Société Générale Belge.
La même année, fut créée la Société internationale Forestière et Minière du Congo
(Forminière).
 La mission civilisatrice devait s’appuyer sur l’Eglise. La politique d’exploitation de
Léopold II faisait de plus en plus objet de critique, d’indignation et de condamnation dans
l’opinion publique internationale.
Le Roi passa alors un concordat (= convention) avec le Saint Siège (en réalité entre le
Saint Siège et l’EIC). Les missionnaires devaient faire des rapports au Gouverneur Général
sur les activités missionnaires et sur les activités de l’Administration coloniale, notamment sur
les relations entre l’Administration coloniale avec les indigènes. L’Administration et les
activités économiques étaient ainsi sous la vigilance des missionnaires.

2
L. De WITTE, L’assassinat de Lumumba, Paris, Karthala, 2000, p.39.
En contre partie, ils recevaient des terres cultivables (100 à 200 ha). Le catholicisme
devint ainsi de fait, la religion d’Etat, au détriment des autres confessions religieuses, en
violation d’ailleurs de l’article 6 de l’Acte Général de Berlin.
Puis inquiet de la continuité de la gestion de l’EIC après lui, le Roi décida d’en céder
la propriété à la Belgique par le Traité de cession du 28 novembre 1907 et l’acte additionnel
du 5 mars 1908. L’Etat Indépendant devenait alors, en 1908, une colonie belge, régie par la
loi fondamentale du 18 octobre 1908, dite « charte coloniale ».

Section II. LE CONGO BELGE ET LA CHARTE COLONIALE (1908-1960)

Tout en poursuivant l’exploitation économique de la colonie, la Belgique a adopté un


système de fonctionnement basé sur l’administration indirecte. Celui-ci consistait à s’appuyer,
au bas de l’échelle, sur les organisations traditionnelles (chefferies, royaumes). Les chefs
coutumiers servaient alors d’agents de liaison avec l’administration Générale.
Dans la pratique, le pouvoir était concentré entre les mains du Roi et, localement, entre
les mains de son délégué, le Gouverneur Général. La colonie était alors régie par la charte
coloniale. Théoriquement, le pouvoir législatif était attribué au Parlement belge (art 7 charte
coloniale) ; concrètement, il était exercé par le Roi, par voie de Décrets pris sous l’initiative et
sur proposition du ministre des colonies, après avis du Conseil Colonial, du Gouverneur
Général, du Gouvernement de Léopoldville ou de la députation permanente. Le Conseil
Colonial était composé de 14 membres, dont 6 élus par le Parlement et 8 nommés par le Roi.
Le Gouverneur Général exécutait ensuite les décrets royaux par voie d’ordonnances.
Le pouvoir Exécutif était de la compétence du Roi qui l’exerçait par voie de règlement
ou d’arrêté (art. 8). Ainsi, en réalité, le Roi cumulait le pouvoir législatif et le pouvoir
exécutif. Dans la colonie, ces pouvoirs étaient cumulés par le Gouverneur Général.
S’agissant de l’ordre juridique applicable, il était hybride : les coutumes continuaient à
s’appliquer aux Congolais non immatriculés, le droit belge s’appliquait aux Belges (ex-
patriés) et congolais dits « évolués ». Ainsi, selon le cas, le pouvoir judiciaire relevait soit de
l’Administration coloniale, soit de l’autorité coutumière. Il y avait ainsi une sorte de
ségrégation ou apartheid juridique.
C’est sous ce régime colonial que la Force Publique congolaise participera activement
à la seconde guerre mondiale aux côtés des forces armées belges.
Les années qui ont suivi le second conflit mondial ont vu se lever le vent des
indépendances : en 1955 fut organisée la Conférence de Bandœng qui a consacré le non
alignement politique de nombreux pays du Tiers-Monde et d’Afrique. En 1956, fut élaboré le
plan Bilsen qui proposait l’indépendance du Congo pour trente ans plus tard. La même année
a connu la publication du Manifeste de la conscience africaine et du contre manifeste de
l’ABAKO. En 1957, se sont déroulées les premières élections municipales au Congo-
Léopoldville. En 1958, ce fut la conférence d’Accra qui donna l’occasion à l’élite africaine
(Patrice-Emery Lumumba, Julius Nyerere, Kwamé Nkrumah, etc.) de se rencontrer. Dès le 4
janvier 1959, des émeutes éclatent à Léopoldville, dont la répression a donné lieu à la fête des
Martyrs de l’Indépendance.
Entretemps, les « Evolués » qui avaient été soumis à la carte du mérite (créée en
1948) et à l’immatriculation avaient été déçus par le refus de leur intégration dans la
communauté belgo-congolaise. Ils rejoignirent le mouvement indépendantiste dont les
revendications étaient de plus en plus vives.
Finalement, au début de l’année 1960, du 20 janvier au 20 février, fut organisée à
Bruxelles, une Table Ronde politique, réunissant des membres du Parlement et du
Gouvernement belge d’une part et les représentants des diverses tendances politiques du
Congo d’autre part. Cette Table Ronde devait, entre autres, résoudre les questions suivantes :
la date de l’indépendance, le partage du pouvoir entre les institutions centrales et les
institutions provinciales, la question de l’éligibilité et de la répartition des sièges et la situation
des colons (à ne pas confondre avec les fonctionnaires belges affectés à la colonie) et les
rapports entre le Congo et la Belgique. Déjà, le 27 janvier, la Table Ronde, présidée par E.
Lilar, Vice-Président du Conseil des ministres belge, fixa la date de l’indépendance au 30 juin
1960, alors que les dates du 1er juin et celle qu 31 juillet avaient été avancées. Le 30 juin
n’était d’ailleurs pas dépourvu de dimension symbolique, d’autant plus que l’EIC avait été
placé sous la tutelle belge le 1er juillet 1885.
Le front commun créé par les délégations congolaises et présidé par Jean Bolikango,
(45 membres pour 7 partis politiques) en vue d’unir leurs efforts suscita une unanimité qui
« déconcerta ceux qui limitaient leur connaissance des Congolais à une succession d’individus
et oubliaient qu’en Afrique l’être individuel est toujours transcendé par l’être social. »3
A l’issue de la Table Ronde politique, des congolais furent associés à la direction des
affaires publiques au sein du Collège Exécutif Général au niveau central et des Collèges
Exécutifs provinciaux. Le Collège Exécutif Général fut installé le 14 mars 1960 et, aux côtés
du Gouverneur Général, six Congolais y siégeaient : Paul Bolya, chargé du plan décennal, de
l’Institut Géographique du Congo et des services médicaux, Joseph Kasa-Vubu, chargé de
l’économie et des finances, Anicet Kashamura, responsable de l’information, de la force
publique et du travail, Patrice Emery Lumumba, chargé des questions politiques,
administratives et judiciaires, Remy Mwamba, chargé des affaires scolaires et agricoles et
Pierre Nyangwile, chargé des affaires intérieures et des travaux publics.
De l’EIC à la première République se sont succédé comme souverains du Congo :

Léopold II (1865-1909) Albert I er (1909-1934) (Léopld III (1934-1951) Baudouin (1951-


1993)

Section III. LA LOI FONDAMENTALE

La Loi Fondamentale a été marquée par une absence de clarté sur certaines notions
fondamentales (§1). Les ambiguïtés entretenues avaient peut-être pour but de cacher la
volonté de perpétuer une certaine ingérence de la métropole dans la colonie devenue
désormais un Etat souverain (§2).

§1. L’absence de clarté

La Loi fondamentale n’est pas précise ni sur la forme (A), ni sur le régime politique
(B).

A. La forme de l’Etat

3
I. NDAYWEL è NZIEM, Histoire générale du Congo. De l’héritage ancien à la République Démocratique du Congo, Paris et Bruxelles,
De Boeck & Larcier, Afrique Editions, 1998, pp. 545-546.
A la veille de l’indépendance, le Congo Belge est traversé par deux courants opposés
quant à la forme de l’Etat, les unitaristes favorables à un pouvoir central fort, conduits par P.
E. Lumumba, et les fédéralistes de l’ABAKO, sous la conduite de Joseph Kasavubu.
Dans le titre II, consacré à la formation de l’Etat, l’article 6 se limite à indiquer que
« Le Congo constitue, dans ses frontières actuelles, un Etat indivisible et démocratique ».
L’article ajoute que « le Congo est constitué de 6 provinces dotées chacune de la personnalité
juridique ». Une telle disposition n’éclaire guère le débat entre unitarisme décentralisé et
fédéralisme. Dans l’un et l’autre, les collectivités locales sont dotées de la personnalité
juridique et de l’autonomie de gestion.
La section I du titre III, consacré aux pouvoirs (voir art. 108) et l’article 148, en
confiant un pouvoir législatif aux Assemblées provinciales, plaide davantage pour le
fédéralisme. Pour la même thèse, on peut arguer avec l’article 160 de cette loi fondamentale
qui traite de la Constitution provinciale, ouvrant ainsi la porte à une superposition d’ordres
juridiques et se structures gouvernementales et administratives : « Une constitution
provinciale organisant la structure administrative et politique de chaque province dans le
cadre des mesures générales fixées par la présent loi, sera élaborée par chaque Assemblée
dans le plus bref délai. L’Assemblée ne pourra en délibérer si deux tiers au moins des
membres qui la composent ne sont présents. Nulle disposition ni modification ne sera adoptée
si elle ne réunit au moins les deux tiers des suffrages. »
Mais, les articles 208 à 222 qui traitent de la répartition des compétences, ne
permettent pas de déterminer qui, entre le pouvoir central et le pouvoir provincial, détient la
compétence de principe ou la compétence d’attribution. S’il s’est agi d’un Etat unitaire, il était
alors régionalisé, ce qui le rapproche de l’Etat fédéral. Cette régionalisation consacrant une
solution de compromis.
Les articles 180 à 184 qui instaurent un Commissaire d’Etat, représentant le pouvoir
central et contrôlant les provinces, plaident pour un contrôle de tutelle, sinon d’un pouvoir
hiérarchique, concevable dans un Etat unitaire. En cas de deux rappels infructueux, le
commissaire d’Etat est doté d’un véritable pouvoir de substitution. Enfin, l’absence de
pouvoir judiciaire provincial, c’est-à-dire de juridictions propres aux Provinces, rend plausible
la thèse de l’Etat unitaire consacrée par la Loi fondamentale.

B. Le régime politique

Le texte et la pratique de la Loi fondamentale dénotent aussi un manque de précision


quant au régime politique en place. Le régime politique se définit en référence aux modes de
répartition ou de concentration des pouvoirs entre les différents organes de l’Etat, législatif,
exécutif (et judiciaire) et aux rapports organiques ou fonctionnels entre eux. Sur ce point, le
texte de la loi fondamentale comporte des incohérences.
D’une part, en invoquant les institutions centrales, l’article 8 mentionne « Le Chef de
l’Etat, le Gouvernement dirigé par un Premier Ministre, la Chambre des Représentants et le
Sénat. La Chambre des Représentants et le Sénat constituent le Parlement ». Les cours et
tribunaux ne sont pas comptés parmi les institutions centrales, tandis qu’on mentionne la Cour
Constitutionnelle.
D’autre part, les modalités de désignation des organes de l’Exécutif créent une
confusion, surtout en ce qui concerne le Premier Ministre. Il en résulte à la fois une tendance
présidentialiste et une tendance parlementariste. On comprend alors les difficultés de
fonctionnement.

1. Le germe du présidentialisme (art. 22)


Le présidentialisme ou régime présidentialiste est celui dans lequel, le Chef de l’Etat,
généralement au SUD, dispose de larges pouvoirs qui lui permettent d’exercer une hégémonie
sur les autres pouvoirs. Les membres du Gouvernement sont responsables devant lui.
L’article 22 de la loi Fondamentale semble confirmer cette prédominance du Chef de
l’Etat, notamment sur les membres du Gouvernement : « Le Chef de l’Etat nomme et révoque
le Premier Ministre et les Ministres. » Une formulation aussi lapidaire laisse penser qu’il
s’agit d’une nomination et d’une révocation discrétionnaire, sans condition. Ce qui permettra
au Président Kasavubu, le 5 septembre 1960, de révoquer le Premier Ministre Lumumba,
pourtant majoritaire à la Chambre des Représentants, pour le remplacer d’abord par un
Collège des Commissaires Généraux en lieu et place du Gouvernement, puis par Ileo.

2. La tendance parlementariste

Elle apparaît surtout à travers l’interdépendance et l’équilibre organique entre législatif


et l’exécutif.
Comme en régime parlementaire, l’article 12 instaure l’élection du Chef de l’Etat par
le Parlement : « La désignation du Chef de l’Etat est acquise à la majorité des deux tiers de
tous les membres qui composent les deux chambres réunies. »
Un autre élément de parlementarisme, se trouve dans la présence de responsabilité
politique du Gouvernement devant les deux Chambres du Parlement, il doit d’ailleurs
recevoir l’investiture après sa formation et avant d’entrer en fonction (art 35; 42-46). En sens
inverse, « le Chef de l’Etat a le droit de dissoudre les Chambres » du Parlement (art. 32).
En outre, pour permettre au Gouvernement d’endosser la responsabilité
politique des actes du Chef de l’Etat, la Loi Fondamentale instaure le mécanisme du
contreseing. Selon l’article 20, al. 1a, « aucun acte du Chef de l’Etat ne peut avoir d’effet s’il
n’est pas contresigné par un ministre qui, par cela seul, s’en rend responsable. »
Au terme de l’analyse de ces contradictions contenues dans la Loi fondamentale, on
peut comprendre ces propos d’E. Boshab : « La Constitution provisoire du 19 mai 1960,
hésitante sur les points essentiels, dénote l’embarras de concilier les points de vue
diamétralement opposés et joue aux équilibristes : en même temps qu’elle instaure la forme
fédérale de l’Etat, elle instaure certains mécanismes qui ne sont concevables que dans un Etat
unitaire ; de même, le régime parlementaire consigné dans la Constitution confie cependant au
Président de la République des pouvoirs incompatibles avec ce type de régime. »4
La collusion entre ces différentes tendances opposées a rendu difficile le
fonctionnement des Institutions. Le Chef de l’Etat qui était arrivé au pouvoir, on ne sait par
quelles combines politiciennes à la recherche de compromis ou alliance contre nature, s’est
permis de révoquer un Premier Ministre qui, pourtant, avait la majorité au Parlement. Ce fut
le début d’une longue crise et le début de la maladie qui a rongé et ruiné la démocratie
congolaise naissante.

§2. La volonté d’entretenir la dépendance ?

Avant même l’investiture du Chef de l’Etat, la Belgique a obligé le Gouvernement


congolais à conclure avec elle un Traité général d’amitié, d’assistance et de coopération. Il est
vrai que la Grande Bretagne et la France ont également voulu créer des genres de
confédérations, voire des fédérations avec leurs anciennes colonies. Ceci montre que les
anciennes métropoles n’avaient pas vraiment accepté l’idée des indépendances. Parties avec

4
E. BOSHAB, Sur le chemin du dialogue intercongolais. Quelques pistes pour une refondation de l’Etat concordataire, Kinshasa, Médias
pour la paix, 2000, p. 96.
des fanfares et dans les solennités, elles sont revenues (ou restées) par la petite porte à coup de
traités.
L’évolution du Congo devait aussi se faire sous la vigilance de la Belgique. On peut
d’ailleurs se demander pourquoi, jusqu’à ce jour, certains pays occidentaux, avant d’accorder
leur aide à la coopération et au développement à la République Démocratique du Congo,
sollicitent l’avis de la Belgique et déposent cette aide en Belgique ! Il y avait donc une
volonté de prolonger la colonisation sous d’autres formes (A) et d’entretenir une ingérence
permanente, dans un Etat pourtant souverain (B).

A. Prolongation de la colonisation

La Loi Fondamentale n’a été élaborée, ni approuvée par les congolais. Elle a été
conçue et décidée par le législateur belge. Il s’agissait là d’une n ième preuve du paternaliste qui
voulait maintenir le Congo sous sa tutelle.
On peut remarquer que l’article 2 de cette Loi fondamentale reconduit toute la
législation coloniale (lois, ordonnances-législatives, mesures réglementaires et mesures
d’exécution) jusqu’à leur abrogation expresse. L’article 250 met à la disposition du Nouvel
Etat des fonctionnaires et agents, des magistrats et autres qui devraient rester au Congo, avec
un traitement privilégié, fondé sur la ségrégation juridique.

B. La poursuite de l’ingérence

On peut se demander ce que signifiait la « souveraineté congolaise » pour le


colonisateur belge. Celui-ci l’impression que, sur bien des aspects, et pas seulement militaire,
comme le pensait Jean Janssens, « après l’indépendance = avant l’indépendance ».
Sur le plan juridique, l’article 189 stipule expressément que la Cour de Cassation belge
reste la juridiction de cassation contre les arrêts et jugements des cours d’appel et tribunaux
congolais.
Il en est de même de la justice administrative. En attendant la mise en place de la Cour
Constitutionnelle, le Conseil d’Etat belge était compétent pour le Congo, aussi bien pour le
contentieux administratif que pour le contentieux proprement constitutionnel (articles 229 à
235 et 253).
En outre, selon l’article 40 de la Loi fondamentale, les ministres congolais sont
soumis, non pas à la juridiction d’une Cour ou d’un tribunal congolais, mais d’une cour de
justice composée de trois conseillers de la Cour de cassation de Belgique, d’un membre du
Parquet général à la Cour de cassation et d’un Greffier. Le membre du Parquet est désigné par
le Procureur Général, tandis que les autres sont désignés par le Président de la Cour de
cassation belge.
Nul n’ignore que la justice est l’une des fonctions fondatrices de l’Etat et une des
expressions de la souveraineté. Cette dépendance ou ingérence (cela dépend du côté où l’on se
situe) judiciaire constituait, de toute évidence, une atteinte à la souveraineté de l’Etat
congolais.
Sur le plan politique, cette volonté d’ingérence va se traduire par le soutien de la
Belgique à la Sécession Katangaise et dans son implication dans l’élimination politique et
physique de P.E. Lumumba. 5 Ce fut un coup dur administré à la démocratie naissante au
Congo et dont les effets se ressentent encore aujourd’hui.
Au bout du compte, la Loi fondamentale, en même temps qu’elle avait vocation à régir
le Congo indépendant et souverain, elle a aliéné une partie importante de ses fonctions
5
L. De WITTE, L’assassinat de Lumumba, Paris, Karthala, 2000.
régaliennes en autorisant constitutionnellement les interférences de la Belgique dans les
affaires intérieures du Congo naissant.
Avec toutes ces incohérences et imprécisions, il n’est pas étonnant que la Loi
fondamentale n’ait pas fonctionné longtemps. Elle ne pouvait que susciter des blocages dans
le système, lui-même marqué par des forces antagonistes et des velléités sécessionnistes.
Déjà, le 29 septembre 1960, le Président Kasavubu a pris un décret-loi constitutionnel
dans lequel il suspend (ajourne) les Chambres législatives, transfère l’exercice du pouvoir
législatif au Conseil des Commissaires Généraux créé le même jour. Il s’opère ainsi une
concentration des pouvoirs au profit de l’Exécutif. Cette suspension des chambres
parlementaires était la conséquence du soutien que le Parlement avait apporté à P. E.
Lumumba en déclarant inconstitutionnel l’acte de sa révocation par le Président le 05
septembre 1960. En effet, le scénario produit le 5 septembre 1960 ne cadrait nullement avec le
sens à assigner à l’économie générale de la Constitution quant à la nomination et à la
révocation du Premier Ministre par le Chef de l’Etat. Il s’agissait en fait, pour ce dernier,
d’entériner, par simple apposition de signature, de l’acte du Parlement qui accorde ou retire la
confiance au chef du Gouvernement et non d’une initiative personnelle et encore moins d’un
pouvoir discrétionnaire au Chef de l’Etat. En réalité, le rôle du Chef de l’Etat se limite
simplement à apposer sa signature sur le choix d’une majorité parlementaire capable de
gouverner. Et c’est cela qui explique que le Parlement ait déclaré inconstitutionnel l’acte de
révocation de Lumumba.
Ce décret-loi est l’aboutissement d’un bras de fer entre Kasavubu, aidé par Mobutu
alors au service de la CIA américaine, et Lumumba. Ce bras de fer a conduit Kasavubu à
écarter le Premier Ministre le 05 septembre 1960.
Le 14 septembre 1960, Mobutu neutralise le Président et son Premier Ministre Ileo.
Lumumba sera finalement transféré chez le sécessionniste Moïse Tshombe, son ennemi juré
du Katanga. Lumumba sera assassiné le 17 janvier 1961.
Pendant cette période, le pays est un bouillonnement politique où les différents partis
s’opposent entre eux sur les concepts d’unitarisme et de fédéralisme. Le pays est au bord de
l’éclatement avec les sécessions du Katanga le 11 juillet 1960 avec M. Tshombe, du Sud-
Kasaï le 8 Août 1960 avec A. Kalonji et bientôt celle de Stanleyville (Kisangani) avec A.
Gizenga, Christophe Gbényé et Pierre Mulele, anciens ministres du Gouvernement Lumumba.
Plus précisément, à la disparition de Lumumba, le pays est divisé entre Léopoldville,
le Katanga et le Kasaï. Pire encore, les Chambres parlementaires sont suspendues et les
partisans de Lumumba se sont retirés à Stanleyville. Plusieurs négociations seront alors
entreprises, notamment à Léopoldville, à Antananarive et à Coquilatville. A ces différentes
rencontres, Moïse Tshombé défend chaque fois les thèses fédéralistes. Mais dans l’ensemble,
ce sont les thèses de Léopoldville qui prirent le dessus. Finalement, en juillet 1961, un accord
fut trouvé pour convoquer une réunion du Parlement. Fut ainsi organisé le Conclave de
Lovanium, du 22 juillet au 2 août 1961. A l’issue de ce Conclave :
- Cyrille Adoula est désigné Premier Ministre
- Antoine Gizenga est choisi comme Premier Vice-Premier Ministre
- Joseph Sendwe est choisi comme Deuxième Vice-Premier Ministre.
Le Gouvernement Adoula mettait ainsi fin à la crise institutionnelle née du conflit au
sommet de l’Etat entre Kasavubu et Lumumba. Très vite, Gizenga fut déçu, démissionna et se
retira de nouveau à Stanleyville rejoindre Gbenye, Kabila et Mulele.
L’objectif principal de ce Gouvernement fut de mettre fin à la sécession katangaise;
malheureusement, Tshombe s’occupa à jouer aux manœuvres dilatoires. D’où la nécessité
d’une intervention des troupes onusiennes. Mais, face à la contre-offensive des gendarmes
katangais entraînés et commandés par les mercenaires Bob Denard et Jean Schramme, les
troupes de l’ONU subirent une humiliante et cuisante défaite. Les Belges et les Anglais
demandèrent alors un cessez-le-feu. Le 16 septembre 1961, le Secrétaire Général de L’ONU,
Dag Hammarskjöld veut rencontrer Tshombe à Ndolo. Mais, dans la nuit du 17 au 18
septembre, son avion s’écrase en Rhodésie. La réaction des Etats Unis et du Nouveau
Secrétaire Général des nations unies, U Thant contre la sécession katangaise fut redoutable.
Le 18 décembre 1961, les troupes de l’ONU neutralisent la sécession katangaise et Tshombe
déclare au Président Kennedy qu’il est prêt à rencontrer Adoula. Le 14 janvier 1962, il
annonce la fin de la sécession du Katanga et s’exile à Madrid.
Pendant ce temps, les députés lumumbistes font l’objet d’une répression à
Léopoldville. Ils se réfugièrent au Congo-Brazzaville et formèrent un Comité National de
Libération (CNL) dont le but était le renversement du Gouvernement Adoula.
C’est au moment où cette nouvelle opposition se radicalise qu’éclate dans le Kwilu
une insurrection dirigée par Pierre Mulele. Porté par les victoires de son mouvement et par
souci d’efficacité, Gbenye envoya Soumialot et L.-D. Kabila ouvrir un autre front à l’Est, à
Uvira. Devant ce désordre, l’ONU décida de commencer à rapatrier ses troupes à partir du 30
juin 1964. A cette annonce, Adoula démissionna.
Appuyés par l’aviation américaine, le Colonel Mulamba et le Général Mobutu
infligèrent une défaite au front Est dans la plaine de la Ruzizi, lors de la désormais célèbre
bataille de Kamanyola.
Le 05 septembre 1964 Gbenye proclame par décret-loi la République Populaire du Congo
avec Stanleyville comme capitale.
Profitant de ce chaos, Tshombe, depuis Madrid, entreprit des contacts avec les
politiciens de Léopoldville. Puis de retour à Léopoldville, il rencontra Kasavubu et Adoula. Il
obtint même l’appui des Belges pour ramener la paix dans le pays.
Après la démission d’Adoula, Kasavubu chargea Tshombe de former un
gouvernement de transition en juillet 1964. Avec le soutien belgo-américain, Stanleyville fut
libérée et un commando libéra les expatriés retenus à Paulis (Isiro) par les rebelles. Cette
opération accrut considérablement la popularité de Tshombe. Mais lui aussi sera révoqué le
10 septembre 1965 et remplacé par Evariste Kimba, qui entra en fonction sans investiture du
Parlement. Malheureusement, deux mois plus tard, Mobutu prenait le pouvoir par le coup
d’Etat du 24 novembre 1965.
Avant sa démission, Adoula avait contribué à mettre en place une Commission de
rédaction d’une nouvelle Constitution. Cette Commission sera présidée par Joseph Ileo,
assisté de Marcel Lihau, premier juriste congolais et d’un groupe d’experts dirigé par le
nigérian Elias Olowale.
CHAPITRE DEUXIEME

LES CONSTITUTIONS « REPUBLICAINES »

1964-1992

Les difficultés d’application de la Loi Fondamentale, les conflits de pouvoir ont fait
émerger la nécessité d’un nouveau texte. C’est ainsi que les Congolais commencèrent à
assumer leur histoire constitutionnelle. La Loi Fondamentale fut suivie par deux constitutions
républicaines : la Constitution de Luluabourg (I) et la Constitution révolutionnaire qui a vu la
République transformée en dictature (II).

Section I : LA CONSTITUTION DE LULUABOURG

Face au risque d’éclatement du pays, doublé d’une rébellion (muleliste), la


Constitution de Luluabourg sanctionne la volonté de reconstituer l’unité nationale, tout en
consacrant les libertés locales des provinces.
Conçue et rédigée par des Congolais, elle est l’œuvre de la Commission
Constitutionnelle qui a siégé à Luluabourg (aujourd’hui Kananga), du 10 janvier au 11 avril
1964. Elle fut adoptée par le peuple congolais, lors du premier référendum de son histoire,
organisé du 25 juin au 10 juillet 1964, et promulguée à Kinshasa, le 1er août 1964.
La Constitution de Luluabourg organise ainsi l’Etat sur la base d’une certaine
souveraineté retrouvée, dans laquelle « tout pouvoir émane du peuple qui l’exerce par ses
représentants ou par voie de référendum » (article 33). De même, on traite pour la première
fois de la nationalité congolaise, à reconnaître aux descendants des personnes établies au
Congo avant le 18 octobre 1908.
Toutefois, l’avènement de cette Constitution n’a pas résolu clairement certaines
questions, notamment le régime politique (§1) et la forme de l’Etat (§2).

§1. Le régime politique

L’article 53 de la Constitution de Luluabourg mentionne comme Institutions


nationales, au niveau central : le Président de la République, le Gouvernement, dirigé par un
Premier Ministre, le Parlement composé de deux chambres, la Cour Constitutionnelle et les
Cours et Tribunaux. Nous limiterons ici l’analyse aux rapports entre le pouvoir exécutif (A) et
le pouvoir législatif (B).

A. Le Pouvoir Exécutif

Il est constitué du Président de la République et du Gouvernement. La prépondérance


du Président de la République n’exclut pas un contrôle parlementaire sur le Gouvernement,
bien que ce contrôle fût relativement limité.

1. Prépondérance du Président de la République


Le Président de la République est élu pour 5 ans (art 55) « par un corps électoral
composé des membres du Parlement et des délégués de la Ville de Léopoldville qui votent
dans la capitale, ainsi que des membres des Assemblées provinciales qui votent chacun au
chef-lieu de la province qu’il représente. » (article 56)
L’intervention du Parlement dans l’élection du Chef de l’Etat fait penser à un régime
parlementaire. Mais, il s’agit d’un corps électoral élargi, qui n’est composé que des
parlementaires. Il s’agit là d’un indice d’une autonomisation du Chef de l’Etat par rapport au
Parlement. Ce qui peut contenir le germe d’une tendance présidentialiste, tout au moins une
présidentialisation du parlementarisme.
Cette tendance au présidentialisme est confortée par l’article 62 qui donne au chef de
l’Etat le pouvoir de nommer et de mettre fin, de sa propre initiative, aux fonctions du Premier
Ministre, d’un ou de plusieurs membres du Gouvernement Central, notamment lorsqu’un
conflit grave l’oppose à eux. Autrement dit, les membres du Gouvernement sont responsables
devant le Chef de l’Etat. L’article 69 est plus explicite à ce sujet : « Sous réserve des autres
dispositions de la présente Constitution, les membres du Gouvernement Central ne sont
responsables que devant le Président de la République. Ils s’engagent, par le contreseing
qu’ils apposent aux actes du Président de la République, à exécuter ces actes. » Enfin, autre
élément du présidentialisme, après leur nomination, les membres du Gouvernement prêtent
serment devant le Président de la République (article 65). Le Chef de l’Etat détermine et
conduit le politique de l’Etat (article 54), dirige et contrôle la politique étrangère (article 58),
exerce le pouvoir réglementaire (article 61) et la législation déléguée (article 95), et dispose
de pouvoirs exceptionnels (articles 96-97). On peut alors conclure avec Ambroise Kamukuny
Mukunay : « Le constituant de Luluabourg, préoccupé par le souci de rendre efficace l’action
gouvernementale, avait tenté d’attribuer au Président de la République des prérogatives
considérables face à un gouvernement dont les membres apparaissent comme des simples
collaborateurs qu’il nomme et révoque librement. » 6

2. Un contrôle parlementaire limité

Si la constitution des Luluabourg contient des éléments majeurs du régime


présidentiel, ceux-ci sont vite atténués par les vestiges du parlementarisme, hérités de la Loi
fondamentale. En premier lieu, il faut signaler le bicéphalisme de l’Exécutif.
En second lieu, tout en rendant le Gouvernement entièrement dépendant du Chef de
l’Etat, la Constitution de Luluabourg instaure un droit de regard parlementaire. L’article 66 ne
met pas en place une investiture solennelle avant l’entrée en fonction du Gouvernement.
Toutefois, il impose au Chef de l’Etat de solliciter l’approbation par le Parlement, réuni en
Congrès, de l’acte de nomination des membres du Gouvernement. « Si le Congrès refuse de
donner son approbation, le Gouvernement est réputé démissionnaire et le Président de la
République désigne à nouveau un Premier Ministre qui compose un autre Gouvernement dont
l’acte de nomination devra être approuvé » par le Congrès.
En outre et en troisième lieu, l’article 69, en même temps qu’il instaure le contreseing
ministériel pour les actes du Président de la République, reconnaît au Parlement la possibilité
de contrôler le Gouvernement par la question orale ou écrite, l’interpellation, l’audition par les
commissions, la commission d’enquête, l’avertissement ou la remontrance.
En dehors de l’approbation de l’acte de nomination et de ces moyens de contrôle, la
Constitution ignore le mécanisme du renversement du Gouvernement au terme de la mise en
jeu de la responsabilité par le vote d’une motion de censure ou le rejet d’une question de
confiance.
6
A. KAMUKUNY MUKINAY, Droit constitutionnel congolais, Kinshasa, Editions Universitaires Africaines, 2011, p.141.
B. Le pouvoir législatif

Il appartient au Parlement, composé de la Chambre des Députés et du Sénat. Les


députés sont élus au suffrage universel direct et représentent la Nation. A part les sénateurs de
la ville de Léopoldville qui sont élus au suffrage universel direct et secret, ceux des provinces
sont élus par les assemblées provinciales, à raison de 6 par province, dont un chef coutumier.
Le mandat des Parlementaires est de cinq ans.
En contrepartie de l’absence de mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement
devant le Parlement, la constitution de Luluabourg ignore aussi le mécanisme de la
dissolution de tout ou partie du Parlement. Ce qui fait penser à un régime d’Assemblée,
marqué par l’absence du droit de dissolution. Mais, en même temps, le Chef de l’Etat partage
l’initiative des lois (il a aussi le droit de message : art 59) et les membres du Gouvernement
peuvent assister aux séances des Chambres, ce qui rapproche du régime présidentialiste et du
régime parlementaire.
En définitive, on peut donner raison à Djelo Empenge Osako qui a qualifié ce régime
de « régime présidentiel déformé » ou de « régime présidentialiste ou ‘‘césariste’’ teinté de
parlementarisme. »7

§2. La forme de l’Etat

Comme la Loi Fondamentale de 1960 qui était constituée de deux textes, la


Constitution elle-même et une autre charte relative aux libertés publiques, du 17 juin 1960, la
Constitution de Luluabourg était complétée par une annexe de la même date. D’après l’article
178 de la Constitution qui prévoyait cette annexe, celle-ci avait pour objectif de préciser la
terminologie qui devrait s’appliquer aux structures de l’Etat.
C’est l’harmonie entre ces deux textes qui pose des problèmes relatifs à la forme de
l’Etat. La Constitution subdivise le territoire en 21 provinces auxquelles s’ajoutait la ville de
Léopoldville. Les articles 4 et 5 précisent que ces provinces sont autonomes et sont dotées de
la personnalité juridique. Par la suite, la Constitution distingue toujours entre « Gouvernement
Central » ou « Institutions nationales » et les « Gouvernements provincial  ou les institutions
provinciales.» Jamais, elle ne parle de l’Etat, du pouvoir ou du Gouvernement fédéral. On
peut donc penser qu’il s’agissait d’un Etat unitaire régionalisé, c’est-à-dire composée de
provinces jouissant d’une large autonomie et d’un domaine de compétences dans lequel elles
exerçaient un pouvoir législatif (art 50). Toutefois, en parlant de « Constitution provinciale »,
l’article 117 ouvre la porte au principe de superposition étatique. En effet, seul un Etat
s’organise suivant une Constitution. Les simples EAD (ETD) reposent sur une loi votée par le
pouvoir central et les Régions peuvent se doter d’un statut. L’article 117 fonde l’ouverture du
fédéralisme au Congo.
L’annexe, elle, n’a pas hésité à franchir le pas. D’entrée de jeu, son article 1 er affirme
le caractère fédéral de l’Etat : « La République fédérale du Congo est un Etat fédéral
souverain, indivisible, démocratique et social. » Par la suite, cette annexe distingue entre « les
institutions fédérales » et les « institutions provinciales ». Pour la capitale, on parle de
« District fédéral de Léopoldville ».

7
DJELO EMPENGE OSAKO, Contribution à l’étude des tendances fédéralistes et unitaristes dans l’évolution politique et constitutionnelle
du Zaïre, thèse de doctorat, Faculté de droit Université de Liège, 1973-1974, p.304, cité par A. KAMUKUNY MUKINAY, op. cit., p. 143.
Il faut cependant préciser que l’article 178 qui prévoyait cette annexe entrerait en
vigueur au début de la troisième législature, soit vers 1974-1975, puisque la législature était
de 5 ans. C’était sans compter ni imaginer que les conflits entre Kasavubu et Tshombe allaient
encore brouiller le fonctionnement du régime. Ce dernier sera révoqué le 10 septembre 1965
et remplacé par Evariste Kimba.
Ce qui donnera d’ailleurs au Lieutenant Général J. D. Mobutu de les neutraliser tous
lors du coup d’Etat du 24 novembre 1965.
Par la proclamation du Haut Commandement de l’Armée Nationale Congolaise,
Monsieur Joseph Kasavubu est destitué de ses fonctions de Président de la République,
Monsieur Evariste Kimba est déchargé de ses fonctions de formateur du Gouvernement. Le
Lieutenant Général Mobutu assume les prérogatives de Président de la République. Le colonel
Léonard Mulamba assume les fonctions de 1er Ministre et est chargé de former un
Gouvernement représentatif d’union nationale (au moins 1 membre de chacune des 21
provinces).
Le Général-major Louis Bobozo remplit les fonctions de Commandant en Chef de
l’ANC en remplacement de Mobutu.
Ce coup d’Etat avait été organisé avec l’appui de certaines personnalités civiles qui
seront qualifiées de « Compagnons de la Révolution ».
La Constitution de Luluabourg se trouve suspendu de facto. Pour légitimer et fonder
juridiquement ses pouvoirs, Mobutu va prendre deux ordonnances-lois qui, en réalité,
inaugurent la concentration des pouvoirs :
- L’ordonnance-Loi n° 007 du 30 novembre 1965 accorde des pouvoirs spéciaux au
Président de la République, notamment le pouvoir de prendre des ordonnances-lois
- L’ordonnance-loi n° 66/92 bis du 7 mars 1966 qui attribue le pouvoir législatif au
Président de la République et abroge l’ordonnance-loi n° 7 du 30/11/1965.
Le pouvoir législatif ne sera restitué au Parlement que par l’ordonnance-loi n° 66/621
du 21 octobre 1966, mais conserve au Chef de l’Etat le pouvoir de prendre des ordonnances-
lois en cas d’urgence. Ce nouveau pouvoir se dotera d’un statut juridique avec la Constitution
du 24 juin 1967, constitution dite « révolutionnaire ».

Section II. LA CONSTITUTION « REVOLUTIONNAIRE »

Après avoir conquis le pouvoir par le coup d’Etat du 24 novembre 1965 et après
l’avoir exercé sur base de textes spéciaux, Mobutu a procédé à l’élaboration d’une nouvelle
constitution qui sera promulgué le 24 juin 1967.
A ses débuts, le texte de la Constitution a sauvegardé les équilibres démocratiques
(§1). Au fur et à mesure que Mobutu a consolidé son pouvoir et s’est assuré du soutien des
parrains occidentaux, le régime a pris un tournant dictatorial assis sur des révisions
constitutionnelles très fréquentes (§2).

§1. Le texte de 1967

L’élaboration de cette Constitution a été marquée par la hantise du mouvement


sécessionniste et rebelle qui s’est affirmé au début des années 1960, avec la sécession au
Katanga avec Moïse Thsombe proclamée le lundi 11 juillet 1960 et celle du Kasaï avec Albert
Kalonji proclamée le lundi 8 août 1960.
Comme jamais auparavant, ce texte est clair sur la forme de l’Etat. Il précise en effet,
dès l’article 1er, que la République démocratique du Congo est un Etat unitaire. Puisque
l’expérience des sécessions et rébellions était encore très présente dans les esprits, la
régionalisation et le fédéralisme pouvaient apparaître comme des portes ouvertes à de
nouvelles tentatives ou velléités sécessionnistes. L’article précise que l’Etat comprend 8
provinces auxquelles s’ajoute la Ville de Kinshasa. C’est donc avec cette Constitution que le
nom de la capitale du pays passe de Léopoldville à Kinshasa. Mais le texte de mentionne pas
s’il s’agit de provinces dotées de la personnalité juridique. On peut en déduire qu’il s’agissait
d’un Etat unitaire centralisé et déconcentré. On peut évoquer, pour soutenir cette conclusion,
ces propos de F. Vunduawe te Pemako : « Depuis la réforme du 10 avril 1967 entérinant la
décision présidentielle annoncée lors du message à la Nation du 24 décembre 1966, les
Régions étaient des Entités territoriales dépourvues de la personnalité juridique. »8
De fait, c’est seulement en 1982 qu’est intervenue l’ordonnance-loi n° 82-003 du 25
février 1982 relative à l’organisation politique et administrative, laquelle instaure un début de
décentralisation, fort malheureusement biaisé par le monopartisme et la politisation de
l’Administration.
Le texte de 1967 a tenté de préserver la démocratie. D’abord, il a été adopté par le
référendum organisé du 4 au 24 juin 1967. C’est aussi l’occasion pour les femmes de voter
pour la première fois. Le Congo réalisait alors un progrès sur la voie du suffrage universel.
Ensuite, l’article 2 précise que tout pouvoir émane du peuple qui l’exerce par ses
représentants ou par voie de référendum. Le peuple est souverain et il est la source première
du pouvoir.
L’article 4 mentionne pour la première fois les partis politiques dans une Constitution,
mais limite leur nombre à deux. Ils ont vocation à concourir à l’expression du suffrage.
En revanche, concernant le régime politique, ce texte n’est pas plus clair que ceux qui
l’ont précédé. Il recouvre lui aussi des ambiguïtés. Toutefois, elle dénote un certain
présidentialisme.

A. La prépondérance de l’Exécutif

Le Président de la République est élu pour un mandat de 7 ans au suffrage universel


direct, au scrutin majoritaire à deux tours Et il est investi de pouvoirs importants. Ce qui fait
penser à un régime présidentiel ou présidentialiste. En effet, il fixe et contrôle la politique de
la Nation (art ; 24 et 31). En outre, il dispose du pouvoir réglementaire d’exécution des lois et
d’un pouvoir réglementaire autonome (art. 27 t 47). Il peut édicter des ordonnances-lois (art.
52).
Le Président de la République a le monopole du référendum (art. 28). Il nomme et
révoque les membres du Gouvernement, sans que l’article 29 ne pose aucune condition ni de
forme ni de fond. Il s’agit alors d’un pouvoir discrétionnaire. L’article 31 précise que les
membres du Gouvernement sont responsables devant le Président de la République. Avant
d’entrer en fonction, le Gouvernement n’est pas soumis à la procédure d’investiture. De
même, le Parlement ne peut pas mettre en jeu la responsabilité politique du Gouvernement.
En revanche, le Chef de l’Etat peut accuser pénalement les membres du Gouvernement devant
la Cour Suprême de Justice. Enfin, les actes du Chef de l’Etat ne sont pas soumis à
contreseing. Le Président de la République est aussi investi de pouvoirs exceptionnels
(art.54). Cette prépondérance du Chef de l’Etat plaide pour un régime présidentialiste.

B. Le pouvoir Législatif

8
F. VUNDAWE te PEMAKO, ‘‘La dynamique de la décentralisation territoriale en RD Congo’’ in Congo-Afrique, XLVIII, n° 342, février
2009, p. 109.
Quant au pouvoir législatif, il est exercé par un Parlement monocaméral, composé
d’une seule chambre : l’Assemblée nationale (art. 36). Y siègent des députés élus au suffrage
universel direct pour un mandat de 5ans. Cette Chambre unique ne peut faire l’objet de
dissolution. Toutefois, la Constitution organise certains rapports entre le pouvoir exécutif et le
pouvoir législatif. Ainsi, l’article 32 donne au Parlement le pouvoir de contrôler le
Gouvernement par la question orale ou écrite, par l’interpellation, par l’audition par les
commissions, par les commissions d’enquête, par l’avertissement ou la remontrance.
En outre, le Chef de l’Etat partage l’initiative des lois. Ces mécanismes de contrôle et
de collaboration font penser à un régime parlementaire. Mais, il y a une totale indépendance
organique de l’Exécutif et du Législatif, ce qui nous éloigne du régime parlementaire et
rapproche du modèle présidentiel.

§2. L’instauration de la dictature

Déjà le lendemain de son coup d’Etat, Mobutu s’est octroyé des pouvoirs spéciaux lui
permettant de cumuler le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Mais, c’est surtout à partir
de 1970 que, à travers des révisions constitutionnelles, il va constitutionnaliser la
concentration des pouvoirs à son profit. La République se transforme alors progressivement
en une dictature où la personnalisation du pouvoir est la règle. C’est dans cette même lancée
que s’installe le monopartisme au profit du Mouvement Populaire de la Révolution. Le droit
est alors fortement pénétré par l’idéologie du parti.
 La loi n° 70-001 du 23/12/1970, en son article 1 er, fait du MPR le seul parti politique
de la R.D.C. Cette même loi ajoute à la Constitution un article 19 bis selon lequel « Le
MPR est l’institution suprême de la République…Il est représenté par son président.
Toutes les autres institutions lui sont subordonnées et fonctionnent sous son
contrôle. »
C’est ainsi que, si un député se rend coupable d’un manquement grave à la discipline
du parti, il perd son mandat à l’Assemblée Nationale et est remplacé par son suppléant »
(article 8). Commence alors le processus de mutation du MPR en Parti-Etat.
 La loi n° 71-006 du 29 octobre 1971 opère le changement du nom du pays et des noms
de certaines provinces :Rép. du Congo devient République du Zaïre, les Congolais
sont désormais appelés Zaïrois, la Province Orientale est dénommée Haut-Zaïre et
celle du Congo Central devient Bas-Zaïre.
 La Loi n° 71-007 du 19/11/1971 change le drapeau (= l’emblème) du pays
La main tenant le flambeau dans le nouveau drapeau fait penser au despotisme éclairé
où un Guide (Fürher allemand sous A. Hitler) conduit et éclaire le peuple qui, comme
un seul homme, se met à sa suite.
 La loi n° 71-014 du 31 décembre 1971 ajoute à la Constitution un article 14 bis au
terme duquel « le sol et le sous-sol zaïrois ainsi que leurs produits naturels
appartiennent à l’Etat. »
 La Loi n° 72 -003 du 15/1/1972 transforme le Katanga en Shaba
 La Loi n° 73-014 du 5 janvier 1973 transforme tous les pouvoirs en « Conseils » du
Président. Le Conseil Législatif , le Conseil judiciaire et le Conseil Exécutif sont donc
des organes au service du Chef de l’Etat, Fondateur du MPR.
En 1974, sont créés le Congrès et le Bureau Politique du MPR, qui seront rejoints par
le Comité Central en 1980 (Loi du 80/012 du 15/11/1980). Dans tous ces organes, c’est
Mobutu qui est le véritable centre du pouvoir et de décision. A vrai dire, sur les trente-deux
ans de règne de Mobutu, les équilibres démocratiques n’ont semblé préservés que pendant les
cinq premières années. C’est pourquoi Isidore Ndaywel è Nziem peut résumer : « La IIème
République ou du moins ce que nous désignons par ce terme n’a jamais été une République,
ni au sens générique ancien d’Etat (Cf. Platon, Cicéron, J. Bodin), parce qu’il a réussi à
détruire l’Etat en le privatisant, ni encore moins dans le sens moderne de l’Etat
démocratique. »9 De fait, le monopartisme joint à l’idéologie du mobutisme fondée sur le
recours à l’authenticité, ont fini par transformer la République du Zaïre, selon certains, en une
« monarchie de type léopoldien » ou, pour d’autres, en une « chefferie constitutionnalisée »
basées sur les valeurs ancestrales, récupérées au profit et selon l’entendement du régime.
Cette personnalisation et cette concentration des pouvoirs s’accompagnent d’une
patrimonialisation de l’Etat, de la corruption de l’Administration et de la classe politique, de
la violation des droits et libertés, de l’impunité, du clientélisme et du tribalisme dans les
organes de l’Etat. Ces mêmes vices (anti-valeurs) ont marqué la zaïrianisation opérée entre
1973 et 1975.
Curieusement et paradoxalement, ce pouvoir fort s’est soldé par une démission
généralisée des pouvoirs publics. Ce bilan désastreux a provoqué une paupérisation du peuple.
D’où des mouvements de grèves, de mécontentement, parfois de guerres civiles :
- 1967 : Jean Schramme et Bob Denard
- 1977-78 : Gendarmes Katangais, nommés « Simba », attaquent par le Katanga à deux
reprises à partir de l’Angola
- En novembre 1984 et en mai 1985 : Laurent-Désiré Kabila mène la première Guerre
de Moba et la seconde guerre de Moba.

C’est dans ce contexte de crise sociale que sont intervenus la mort de Ceausescu en juillet
1989, la chute du mur de Berlin en octobre de la même année, symbole de la faillite du
communisme, la Perestroïka et le discours de la Baule de 1990 qui ont fait lever à nouveau le
vent de la Démocratie.
Finalement, coincé de toutes parts, par la grogne sociale au niveau interne et le
changement rapide du contexte politique international, Mobutu décida de procéder, entre
février et avril 1990, à des larges consultations populaires sur les modes de gestion du
pouvoir. C’est dans ce sens que Dieudonné Wamu Oyatambwe s’interroge et répond :
« Qu’est-ce qui a pu pousser Mobutu à convoquer des consultations populaires ? Etait-ce à
cause de la contestation intérieure de son pouvoir, ou à cause des pressions exercées sur lui
par ses alliés et soutiens extérieurs ? On ne peut guère répondre à cette interrogation de
manière tranchée. Ce qui est certain, c’est que les deux hypothèses ont sûrement prévalu, et
ces facteurs ont certainement influencé la fuite en avant du Maréchal. »10 Si au niveau interne
les revendications se multipliaient et s’intensifiaient, au niveau externe, les soutiens de
Mobutu n’hésitaient plus à dénoncer sa conduite en matière de violations des droits de
l’homme.
A l’issue de ces consultations, Mobutu réalisa l’ampleur de la misère du peuple, se
rendit compte que le peuple n’était plus avec lui. D. Wamu Oyatambwe remarque : « La
consultation populaire est à n’en point douter le premier moment où se manifeste la révolte
populaire à travers le discours de la base. L’initiateur de ce mouvement n’a pu que constater
le fossé qui existait entre la langue de bois officielle du Parti-Etat et l’expression de la base
tant à Kinshasa qu’à l’intérieur du pays. »11 Curieusement, sur les 6128 mémorandums rédigés
à l’intention de Mobutu, les plus critiques, furent celui des fonctionnaires, notamment ceux
du ministère des affaires étrangères, qui n’ont pas hésité à brandir de la menace de voir
s’abattre sur Mobutu le sort de Nicolas Ceausescu de Roumanie et celui des évêques. 12 C’est
9
I. NDAYWEL è NZIEM (s/dir), Quelle politique culturelle pour la Troisième République au Zaïre ? La CNS et Culture, Imprimerie,
Kinshasa, Editions Saint Paul, 1993, p. 19.
10
D. WAMU OYATAMBWE, Les mots de la démocratie au Congo-Zaïre, Préface de Gauthier de Villers, Paris, L’Harmattan, 2006, p.38.
11
Ibidem, p. 54.
12
Cf. Ibidem, p. 43.
en effet parmi les propositions audacieuses des fonctionnaires qu’on trouvait la suspension de
la Constitution, la dissolution du part unique, le MPR, et de ses organes, le retour au
multipartisme, la convocation d’une Conférence nationale, la rédaction d’une nouvelle
Constitution devant être adoptée par référendum, l’organisation d’élections à différents
niveaux, etc. C’est à la suite de cette expression populaire impitoyable pour le pouvoir que
Mobutu accepta, dans un Discours du 24 avril 1990, de reouvrir progressivement le pays au
multipartisme et au pluralisme syndical. Ce fut le début de la longue période de transition
démocratique au Zaïre.
CHAPITRE TROISIEME

LA TRANSITION VERS LA DEMOCRATIE

La transition démocratique en République Démocratique du Congo a été sans doute la


plus longue d’Afrique en raison de la mauvaise foi de certains de ses acteurs et protagonistes.
Mobutu lui-même, en dépit des concessions démocratiques du 24 avril 1909 et face à
l’effervescence politique qu’elles ont suscitée, se montra peu disposé à lâcher du lest et
voulut, dans un discours du 3 mai 1990 au Parlement, reprendre d’une main ce qu’il avait
donné de l’autre. Ceci a exacerbé le conflit entre le pouvoir et le peuple, avec à la tête les
étudiants. C’est dans ce contexte qu’il faut situer le massacre des étudiants de Lubumbashi
dans la nuit du 11 au 12 mai 1990. Ce grave incident a d’ailleurs contribué à discréditer et à
fragiliser davantage le régime de Mobutu aux yeux de l’opinion interne et internationale. « Ce
massacre a dominé le discours politique durant la transition et a eu un effet psychologique
déterminant, contribuant à fragiliser sensiblement le régime du Maréchal Mobutu et son
emprise sur le déroulement de la transition. Ainsi, aussitôt connu, cet incident suscita un vif
émoi surtout au sein de la communauté internationale : le Canada suspendit aussitôt sa
coopération avec le gouvernement zaïrois, suivi par la Belgique qui exigea en plus une
enquête internationale sur ces événements. L’ensemble des pays occidentaux partenaires du
Zaïre suivront le même chemin, et on peut dire que ce massacre sonna vraiment le glas du
régime de Mobutu, désormais désavoué par ses alliés et devenu peu fréquentable. »13
En outre, la transition congolaise a été marquée par des séries de négociations et des
successions de conflits armés. Si l’on voulait y introduite des séquences, on peut considérer
une première période allant de la Conférence nationale Souveraine à l’assaut de l’Alliance des
Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) (I) et une seconde inaugurée par
le dialogue inter-congolais et la Constitution de la transition (II).

Section I. DE LA CNS A L’ASSAUT DE L’AFDL

Après les consultations populaires de février - avril 1990 et le discours du 24/4/1990,


les forces vives zaïroises ont contraint le Maréchal Mobutu à accepter l’idée d’une
Conférence Nationale, à l’instar d’autres pays africains, pour instaurer un ordre politique
nouveau. Malgré la tentative de récupération et de contrôle du processus de transition dans le
discours du 3 mai 1990, appelé parfois « discours de rectification » parce que Mobutu a tenté
d’atténuer la portée des concessions du 24 avril, et après maintes hésitations, Mobutu
convoqua la Conférence pour le 7 août 1991 par l’ordonnance n° 91-25 du 15 juillet 1991.
Cette Conférence nationale qui s’est ensuite déclarée souveraine (CNS) contre l’avis du
maréchal, a cristallisé le conflit entre le Président et les représentants de ces forces vives. Ces
dernières souhaitaient vivement la souveraineté de la Conférence pour que, élevée au rang
d’institution suprême, elle pût traiter librement de toutes les questions avec un pouvoir de
décision, alors que Mobutu voulait la subordonner à ses visées et la transformer en un forum
de distraction du peuple. Après une suspension de Novembre 1991 à avril 1992, et sur
pression exercée sur Mobutu, la conférence fut reouverte en avril 1992. Le 4 août 1992, la

13
D. WAMU OYATAMBWE, Les mots de la démocratie au Congo-Zaïre, Préface de Gauthier de Villers, Pairs, L’Harmattan, 2006, p.63.
Cf. V. DIGEKISA PALUKU, Le massacre de Lubumbashi, Zaïre 11-12 mai 1990, Paris, L’Harmattan, 1993. Cf. G. de VILLERS, De
Mobutu à Mobutu. Trente ans de relations Belgique-Zaïre, Bruxelles, De Boeck Université, 1995, pp. 219-222.
Conférence Nationale Souveraine adopta un Acte portant dispositions constitutionnelles
relatives à la période de la transition.
La Conférence Nationale Souveraine a dû trancher certaines questions cruciales, dont :
- Quel rôle attribuer au Chef de l’Etat  Mobutu ? L’évincer ou le laisser régner sans
gouverner ?
- Quel doit être le profil du 1er ministre ? Doit-il sortir d’une famille politique autre que
celle du Chef de l’Etat ?
Au bout du compte, il fut décidé que Mobutu resterait au pouvoir pendant toute la durée
de la transition fixée à deux ans, tandis que le Premier ministre sortirait d’une famille
politique autre que celle du Chef de l’Etat.
C’est ainsi que le Chef de l’opposition, réunie au sein de l’USOR (Union Sacrée de
l’Opposition Radicale), E. Tshisekedi wa Mulumba fut « élu » par la Conférence Nationale
Souveraine comme Premier Ministre le 15 août 1992, à 2h00 du matin.
Cette première période de la transition a connu une instabilité à la fois institutionnelle
et constitutionnelle. Sur le plan institutionnel, l’instabilité ministérielle ou gouvernementale a
battu le record. A l’espace de 7ans, le Zaïre a connu 10 gouvernements :
- 25 avril 1990 – 14 mars 1991 : Vincent de Paul Lunda Bululu
- 15 mars 1991 – 2 octobre 1991 : Crispin Mulumba Lukoji
- 14 octobre 1991 – 21 octobre : Etienne Tshisekedi
- 23 octobre 1991 – novembre 1991 : Bernardin Mungul-Diaka
- Novembre 1991 – août 1992 : Ngunz-a-Karl-I-Bond
- 15 août 1992 – décembre 1992 : Etienne Tshisekedi (élu par la CNS)
- Décembre 1992 – mars 1993 : Collège des Secrétaires Généraux, dirigé par Zushi
Mupiemina
- Mars 1993 – juillet 1994 : Faustin Birindwa
- 11 juillet 1994 – mars 1997 : Léon Kengo wa Dondo
Intervint ensuite la visite de E. Tshisekedi à Mobutu en France et Mobutu lui promit
de le nommer Premier Ministre.
- Avril 1997 – mai 1997 : Général Likulia Bolongo, jusqu’à l’entrée de l’AFDL à Kinshasa.

Le Général Likulia Bolongo avait été nommé à la tête d’un Gouvernement d’état
d’urgence car les forces de l’AFDL avançaient sur tous les fronts et leur entrée à Kinshasa se
révélait déjà inévitable, voire irrésistible. Elles avaient en face d’elles une armée des Forces
Armées Zaïroises (FAZ) complètement désorganisée et démotivée. La nomination du Général
Mahele comme Chef d’Etat-major n’a pas pu changer ou inverser le cours des événements.
Sur le plan constitutionnel, cette succession de gouvernements s’est accompagnée
d’une succession et d’un foisonnement de textes constitutionnels. A l’issue de ses travaux, la
CNS avait produit un projet de Constitution instaurant en République Démocratique du
Congo un Etat fédéral. Ce texte accordait plus de pouvoir au Premier Ministre au détriment
du Chef de l’Etat. Ce qui n’a pas du tout plu à Mobutu. C’est d’ailleurs pour cette raison que
ce texte n’a jamais été promulgué. Aussi, après avoir limogé, le 1 er décembre 1992, le
Gouvernement d’E. Tshisekedi issu de la CNS, Mobutu réunit la mouvance présidentielle en
conclave politique. Le Conclave élabora un nouveau texte constitutionnel appelé Acte
constitutionnel harmonisé, promulgué le 2 avril 1993. A l’issue de ce Conclave politique, F.
Birindwa est nommé Premier Ministre. Cette nomination a créé une bipolarité dans la vie
politique zaïroise : d’un côté, les forces politique du Conclave, composée de la famille
politique du Chef de l’Etat (mouvance présidentielle) et, de l’autre, l’Union sacrée de
l’opposition radicale et ses Alliés (USORAL), constituée de partis politiques de l’opposition.
En effet, malgré la révocation de son Gouvernement, E. Tshisekedi a continué à se considérer
comme le Premier Ministre incarnant la légitimité populaire. D’où un dédoublement
constitutionnel et institutionnel : la légalité provenant de la CNS et la légalité de fait, le
Gouvernement d’E. Tshisekedi et celui de F. Birindwa, le Haut Conseil de la République
comme Parlement de transition issu de la CNS (HCR-PT) et l’Assemblée Nationale
ressuscitée par le Gouvernement de Birindwa. On était ainsi en face de deux Constitutions, de
deux Gouvernements et de deux Parlements. Ce qui a entraîné une amplification de la crise
politique.
L’ONU organisa alors une médiation. C’est ainsi que, sous l’égide de l’Algérien
LAKDHAR BRAHIMI, envoyé spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, un
protocole d’accord relatif aux négociations du Palais du Peuple et au partage équitable du
pouvoir fut signé le 11 janvier 1994. Ces négociations débouchèrent à l’adoption d’un
nouveau texte constitutionnel, l’Acte constitutionnel de la Transition (ACT), promulgué par
Mobutu le 9 avril 1994.
Mais, ne pouvant supporter les restrictions apportées à ses pouvoirs et refusant à
nouveau la candidature d’E. Tshisekedi, Mobutu réussit à faire élire Léon Kengo wa Dondo,
présenté comme la troisième voie, au poste de Premier Ministre. En fait, l’entrée au Parlement
d’anciens députés de l’ancienne Assemblée Nationale avait fit basculer la majorité au
détriment d’Etienne Tshisekedi.
C’est dans le contexte de cette instabilité politique qu’est intervenue la guerre de
libération de l’AFDL. En un temps record, soit 7 mois (d’octobre 1996 à mai 1997), ce
mouvement a mis fin au régime sans partage de Mobutu.
Le 27 mai 1997, L-D Kabila promulgua un Décret-Loi constitutionnel qui ne
comptait que quinze articles. Mais très vite, sous L.-D. Kabila, le « Congo libéré » multiplie
les similitudes avec le Zaïre de Mobutu. Laurent-Désiré Kabila organise à son profit une
concentration des pouvoirs exécutif et législatif. Cette confusion des pouvoirs va d’ailleurs se
traduire par la nomination des membres du Parlement de transition qui siégeait à Lubumbashi
et le limogeage de nombreux magistrats non acquis à la cause du régime ; la réduction
(interdiction) des activités des partis politiques. Des membres de l’ethnie et de la province du
nouveau Chef de l’Etat envahissent les hautes sphères de la Nation, c’est-à-dire de l’Etat et de
l’Administration et de l’armée.14 L.-D. Kabila a donc réalisé une révolution à l’africaine : des
individus d’une ethnie chassent et remplacent ceux d’une autre. En outre, le nouvel homme
fort refuse de collaborer avec l’opposition politique interne non armée. De fait, il est rare que
ceux qui conquièrent le pouvoir par les armes acceptent de le partager avec ceux qui ont
choisi la lutte non armée.
Une année plus tard, L.-D. Kabila procédera à la révision de son décret-loi
constitutionnel pour restituer le pouvoir de confectionner la loi au Parlement, devenue alors
Assemblée Constituante et Législative (ACL).
Ce début d’une nouvelle monocratie et le non-respect par Kabila de ses engagements
envers ses parrains a conduit ceux-ci à déclencher une nouvelle guerre, le 2 août 1998, sous
couvert du Rassemblement Congolais pour le Démocratie. Contrairement à la guerre de 1996-
97, largement soutenue par une population lassée et ruinée par la dictature de Mobutu, celle
du Rassemblement Congolais pour la Démocratie sera moins populaire. D’où sans doute son
échec.
Finalement, L-D Kabila est lui-même assassiné le 16 janvier 2001.

14
Cf. M.-B. TIPO-TIPO, L’ajustement politique africain. Pour une démocratie endogène au Congo-Kinshasa, Paris, L’Harmattan, 1999,
p.145.
Section II. LE DIALOGUE INTER-CONGOLAIS ET LA CONSTITUTION DE LA
TRANSITION DU 4 AVRIL 2003

Ayant prêté serment comme Chef de l’Etat le 26 janvier 2001, en remplacement de L-


D Kabila, Joseph Kabila opte pour une politique d’ouverture et de dialogue. Il libéralise à
nouveau les activités des partis politiques. Il entreprend de dialoguer avec les factions rebelles
dans un pays morcelé entre le Gouvernement, le RCD-Goma, le RCD/K-ML, le MLC (issus
du Front de Libération de l’Est du Congo, FLEC), etc.
Alors que L-D Kabila avait dénoncé les Accords de Lusaka, Joseph Kabila s’inscrit
dans les négociations d’Addis Abeba, de Gaberone, de Victoria Falls et dans le Dialogue
intercongolais de Sun City qui a donné lieu à l’Accord Global et Inclusif signé à Prétoria le
17 décembre 2002 et à la Constitution de la Transition du 4 avril 2003.
Les principes de base du système politique mis en place furent le partage des
responsabilités à tous les niveaux, le principe de non-conflictualité, le principe d’inclusivité et
le principe de consensualité.
La mise en œuvre de ces principes donna lieu à des institutions dont on craignait le
blocage à tout instant :
- La Présidence (ou espace présidentiel)
- Le Gouvernement
- Le Parlement
Les animateurs de ces institutions, issus de différentes Composantes et Entités du
Dialogue inter-congolais, étaient plus occupés à s’épier qu’à travailler pour la Nation. Les
intérêts partisans étaient plus importants.
Aussi les rapports entre ces différentes Institutions ont abouti à un régime mixte d’un
genre particulier (sui generis).
- La Présidence est composé d’un Président et de quatre vice-présidents (1 + 4), tous
non élus
- Le Gouvernement comprend des membres des Composantes et Entités dont ils sont
plus dépendants. En effet, seule une Composante ou Entité pouvait décider de
remplacer son ministre ou vice-ministre. Le Gouvernement est contrôlé par le
Parlement, mais ce contrôle ne peut pas aboutir à l’obligation de démission. En réalité,
le ministre n’est responsable que devant sa composante.
- Le Parlement est bicaméral, composé de la Chambre des Députés et du Sénat. Les
membres sont également désignés, non pas par l’élection, mais par les Composantes et
Entités, selon les proportions définies par la répartition convenue au dialogue inter-
congolais (D.I.C.)
Pendant toute la durée de la transition, il était interdit de dissoudre tout ou une partie
du Parlement.
Les principaux objectifs de cette transition qui, initialement prévue pour deux ans, a
finalement duré près de trois ans et demi, étaient la réunification du pays, la formation d’une
armée républicaine restructurée et intégrée, l’élaboration et l’adoption d’une nouvelle
Constitution et l’organisation des élections libres, démocratiques et transparentes à tous les
niveaux, devant donner lieu à des institutions légitimes et stables. Tous ces objectifs n’ont
peut-être pas été atteints.15
La nouvelle Constitution a été promulguée le 18 février 2006, ouvrant ainsi la porte à
ème
la III République Congolaise.

15
En 2008, les groupes armés font toujours la loi dans la partie Est du pays, notamment le CNDP de Laurent Nkundabatware, le Pareco,
différents groupes Maï Maï, l’armée est loin d’être unifiée et intégrée, encore moins républicaine; les élections locales n’ont toujours pas eu
lieu.
DEUXIEME PARTIE

LES INSTITUTIONS DE LA TROISIEME


REPUBLIQUE :
LA CONSTITUTION DU 18 FEVRIER 2006
Avec la promulgation, le 18 février 2006 de la nouvelle Constitution, adoptée par le
référendum constituant des 18 et 19 décembre 2005, la République Démocratique du Congo a
certainement accompli un pas de géant et franchi un nouveau cap en faisant poindre à
l’horizon l’aube de la IIIème République. Il reste à souhaiter que ceux qui n’ont pas vu le
triomphe de leurs thèses ne perturbent pas son application par des blocages inventés de toutes
pièces.
Cette Constitution est le résultat d’une longue marche partie du Dialogue inter-
congolais et de l’Accord global et inclusif et de la Constitution de transition, pour ne
remonter que jusque-là, qui ont chargé le Sénat d’élaborer l’avant-projet. Très vite, la
Commission sénatoriale à ce préposée a perçu la nécessité d’inscrire cette démarche dans une
perspective démocratique en procédant à des consultations de la base dans les différentes
provinces du pays.
La Commission sénatoriale a ensuite consulté des experts de différents horizons,
africains, américains, asiatiques et européens, avant de déposer, sur le Bureau du Sénat, le
texte qui formait la première mouture de l’avant-projet. Ce texte a été discuté et adopté par
l’Assemblée plénière de la chambre haute après de houleux et âpres débats, notamment sur la
forme de l’Etat, le régime politique, l’âge du candidat au poste de Chef de l’Etat, la
nationalité, le statut de l’opposition, etc. Cette adoption donna lieu à l’avant-projet.
Ce fut ensuite le tour de l’Assemblée nationale de se saisir du texte et de procéder à
son examen. Les débats ne furent pas moins rudes et, comme lors du débat au Sénat, les
appels à accélérer le processus de transition furent adressés à l’Assemblée nationale pour
tenter de réduire le retard déjà accumulé. Finalement, le 16 mai 2005, et après avoir apporté
certaines modifications au texte reçu du Sénat, l’Assemblée nationale a adopté le projet de
constitution de la République démocratique du Congo.
Cette Constitution est censée répondre à de multiples attentes de la part des citoyens
congolais lassés des guerres à répétition et des pouvoirs politiques rongés par la corruption, la
mal administration, le déficit de légitimité, la mauvaise gouvernance, sinon l’incompétence.
Répondant à ces attentes, la Constitution devrait fournir le cadre juridique pour mettre fin à la
crise politique congolaise désormais chronique et facteur de maintien du pays dans un état
caractérisé de sous-développement.
D’après les rédacteurs du texte eux-mêmes, cette Constitution veut répondre à certains
objectifs : mettre fin aux crises politiques récurrentes en donnant aux institutions un nouveau
fondement de légitimité ; mettre en place un nouvel ordre politique fondé sur l’Etat de droit ;
favoriser un climat de paix et d’unité nationale ; garantir la souveraineté et l’intégrité
territoriale du pays ; promouvoir la démocratie, le pluralisme et l’alternance politiques ;
affermir la bonne gouvernance et la transparence de gestion en luttant contre l’impunité, etc.
Pour répondre à ces objectifs, la Constitution comporte 229 articles, répartis en VIII
titres consacrés à (aux) : I. Dispositions générales ; II. Les Droits humains, les libertés
fondamentales, les devoirs du citoyen et de l’Etat ; III. L’organisation et l’exercice du
pouvoir ; IV. Le Conseil économique et social ; V. Les Institutions d’appui à la démocratie ;
VI. Les Traités et accords internationaux ; VII. La révision constitutionnelle ; VIII. Les
Dispositions transitoires et finales.
Le Constituant est-il parvenu aux objectifs affichés ? Il est encore trop tôt pour en
juger pertinemment, la pratique peut réserver des surprises. L’avenir nous le dira.
Théoriquement, on peut s’interroger sur l’aménagement du pouvoir à travers le système
politique mis en place (Titre I) et sur les rapports entre l’Etat, le Citoyen et la souveraineté
(Titre II).
TITRE PREMIER

LE SYSTEME POLITIQUE

Si le régime politique se définit à partir des rapports qui s’établissent entre les organes
de pouvoir, selon que l’on organise une séparation ou une concentration des pouvoirs, le
système politique est plus complexe. Le système est un ensemble d’éléments interdépendants,
en interconnexion et en interaction dynamique, dans un tout structuré et organisé de sorte que
toute modification d’un élément affecte les autres. Le système fonctionne à la manière d’une
toile d’araignée dans laquelle toute vibration sur un fil fait vibrer toute la toile et, quel que soit
l’endroit où elle se trouve, l’araignée peut atteindre la proie qui a fait vibrer sa toile.
Le système politique est ainsi un ensemble d’institutions, politiques ou non, formelles
ou informelles qui concourent à la conquête et à l’exercice du pouvoir ou influencent les
modalités de cet exercice. Il prend en compte certes les organes de pouvoir, mais aussi des
phénomènes comme les partis politiques, et même des structures ignorées du droit
constitutionnel comme les groupes de pression, les associations, les médias, la culture,
l’économie, l’histoire. Le dynamisme interne au système lui permet de s’adapter aux
évolutions de son environnement sans perdre (tout en conservant) son identité intrinsèque.
C’est ce que, dans sa dialectique, Hegel appelait l’Aufhebung. Le régime politique apparaît
alors comme un sous ensemble du système politique.
Dans un système politique, on peut distinguer, d’un côté, les pouvoirs constitutionnels
(sous-titre I) et, de l’autre, le régime politique (sous-titre II).

SOUS-TITRE PREMIER

LES POUVOIRS CONSTITUTIONNELS

Les sociétés modernes sont polyarchiques. Elles ne sont plus régies par les seuls
pouvoirs traditionnels. A côté de ceux-ci, ont surgi les pouvoirs financier, économique,
associatif, médiatique et, avec le réveil et l’émancipation de la société civile, le pouvoir de
l’opinion. Tous ces nouveaux pouvoirs concurrencent désormais les pouvoirs étatiques à
divers plans. En d’autres termes, en plus des pouvoirs politiques (chap. I), il existe des contre-
pouvoirs constitutionnels (chap. II).
CHAPITRE PREMIER

LES POUVOIRS POLITIQUES

Conformément à l’article 68 de la Constitution, « les Institutions de la République


sont : le Président de la République, le Parlement, le Gouvernement, les Cours et Tribunaux. »
Avec le développement de la justice constitutionnelle et de l’Etat de droit qui impose un
contrôle juridictionnel des gouvernants, les Cours et Tribunaux peuvent s’analyser dorénavant
comme des contre-pouvoirs. Le Président de la République et le Gouvernement constituent le
Pouvoir exécutif (I), tandis que le Parlement forme le Pouvoir législatif (II).

Section I. LE POUVOIR EXECUTIF

Le pouvoir exécutif est composé du Président de la République (§1) et du Gouvernement


(§2).

§1. Le Président de la République

A côté des modalité de l’élection du Chef de l’Etat (A), seront envisagées ses
attributions (B) Au-delà du texte constitutionnel, la pratique du régime peut façonner
l’évolution du rôle du Chef de l’Etat. Bien que toute projection dans le futur reste sujette à
caution et pleine d’incertitude, on peut tout de même présager cette évolution (C). Dans la
lutte contre l’impunité, la Constitution définit les grandes lignes de la responsabilité pénale du
Chef de l’Etat (D).

A. L’élection du Président de la République

Seront ici envisagés les modalités de sa désignation, son statut et les incompatibilités
dont il est frappé.

1. Désignation et mandat
Le Président de la République est élu au suffrage universel direct suivant un système
majoritaire à un seul tour. Alors que le texte de 2006 avait prévu un système majoritaire à
deux tours, la révision constitutionnelle du 20 janvier 2011 in instaure désormais un tour
unique Il est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. La désignation du Chef de
l’Etat comme des Députés suivant la nouvelle Constitution fut appliquée pour la première fois
lors des élections du 30 juillet 2006 pour le premier tour, e le 30 octobre 2006 pour le second
tour de l’élection présidentielle.
Le Président de la République est élu pour un mandat de cinq ans, renouvelable une
seule fois (article 70). Toutefois, à la fin de son mandat, il reste compétent pour expédier les
affaires courantes jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu. En parlant de
« Président élu », la Constitution fait surgir alors la question de savoir quel serait le sort des
institutions en cas de coup de force ? Le Président déchu sera-t-il considéré comme Président
jusqu’à l’élection de son successeur légitime ? De fait, la Constitution condamne toute atteinte
aux institutions démocratiques, comme le coup d’Etat ou l’institution d’un parti unique
comme des crimes de haute trahison.
Pour être candidat à la Présidence de la République, il faut posséder la nationalité
congolaise d’origine, être âgé de 30 ans au moins, jouir de la plénitude de ses droits civils et
politiques et ne pas se trouver dans un des cas d’exclusion prévus par la loi électorale. Alors
que la question de l’âge du Président avait conduit le Sénat à une sorte d’habit taillé sur
mesure, l’Assemblée nationale a supprimé les exceptions introduites par la Chambre haute
aux 40 ans qu’elle avait préconisés. En principe, le scrutin pour l’élection est convoqué
quatre-vingt dix jours avant l’expiration du mandat du Président en en exercice.
Si le mandat d’un Président est interrompu et que la présidence se trouve vacante pour
cause de décès, de démission ou pour toute autre cause d’empêchement définitif, les fonctions
de Président sont exercées en intérim par le Président du Sénat. Celui-ci ne peut cependant
mettre en oeuvre les pouvoirs conférés au Président par les articles 78, 81 et 82. Il s’agit de
prévenir le risque de voir l’intérim fournir l’occasion de changer de Gouvernement, de
bouleverser la haute fonction publique et de modifier la structure de la magistrature et de
porter ainsi atteinte à son indépendance. La vacance de la présidence de la République est
déclarée par la Cour constitutionnelle saisie par le Gouvernement. En cas de vacance ou
d’empêchement définitif, l’élection du nouveau Président a lieu, sur convocation de la
Commission électorale nationale indépendante, 60 jours au moins, 90 jours au plus, après
l’ouverture de la vacance ou de la déclaration de l’empêchement définitif. S’il y a force
majeure, la Cour constitutionnelle, saisie par la Commission électorale, peut prolonger ce
délai jusqu’à 120 jours.

2. Le statut et les incompatibilités

Le Chef de l’Etat est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire,


de la souveraineté nationale, du respect de la Constitution et des traités internationaux, du bon
fonctionnement des pouvoirs publics et des institutions et de la continuité de l’Etat (article
69). Politiquement irresponsable, il est le symbole de la continuité de l’Etat et de l’unité de la
Nation. En dépit de la séparation des pouvoirs, il est également le symbole de l’unité de la
souveraineté nationale. Aussi bénéficie-t-il d’une assez grande indépendance.
Les fonctions de Président de la République sont, d’après la Constitution,
incompatibles avec l’exercice de tout autre mandat électif, de tout emploi public, civil ou
militaire et de toute autre activité professionnelle ou encore avec l’exercice de toute
responsabilité au sein d’un parti politique. Par ailleurs, durant l’exercice de ses fonctions, le
Président de la République ne peut, par lui-même ou par personne interposée, ni acheter, ni
acquérir, ni prendre en bail un bien du domaine de l’Etat, des Provinces ou des entités
décentralisées (art. 98). De même, le Président ne peut prendre part directement ou
indirectement aux marchés publics au bénéfice des administrations, centrales ou locales.
Enfin, l’article 99 impose au Chef de l’Etat, , avant l’entrée en fonction et à l’expiration de
son mandat, l’obligation de déclarer, par écrit et devant la Cour constitutionnelle, son
patrimoine familial, ses biens meubles et immeubles. Si dans les trente jours, une telle
déclaration n’est pas déposée ou si elle est frauduleuse ou encore s’il y a un soupçon
d’enrichissement sans cause qui pèse sur lui, le Président est, à l’entrée en fonctions, réputé
démissionnaire et, à la fin de son mandat, susceptible d’être poursuivi pénalement devant la
Cour constitutionnelle.
B. Les attributions du Président de la République

Lors de la campagne référendaire tendant à l’adoption de la nouvelle Constitution,


certains tenants du « non » fondaient leur position sur le fait que cette constitution accordait
trop de pouvoirs et de prérogatives au Chef de l’Etat au point d’en faire un monarque.
Pourtant, relativement à la IIème République où le Président avait tous les pouvoirs et
où le Premier Ministre a parfois été absent, le Président de la République a des pouvoirs assez
réduits. Il exerce davantage un magistère d’arbitrage. Le Président de la République est
investi de pouvoirs qui lui sont propres et de pouvoirs partagés avec d’autres organes de
l’Etat. Il les exerce par voie d’ordonnance (art.79)

1. Les pouvoirs propres

Sont considérés comme pouvoirs propres, ceux que le Président exerce seul, bien que
certains puissent être soumis à des procédures de consultation, comme l’exigence d’avis ou de
proposition. Les pouvoirs propres sont dispensés de contreseings et le Président les exerces
par des ordonnances hors Conseil des ministres.
Le Président de la République détient surtout des pouvoirs de nomination. Il ne détient
plus le pouvoir réglementaire de principe, désormais dévolu au Premier Ministre. Aussi, selon
l’article 78, le Président de la République nomme le 1er ministre et, sur proposition de celui-ci,
les autres membres du Gouvernement. Il convoque et préside le Conseil des ministres (art. 79)
et, en tant que commandant suprême des forces armées, il préside le Conseil supérieur de
défense institué par l’article 192 (art. 83). Il investit les Gouverneurs et Vice Gouverneurs de
Province (art. 80). Il confère les grades dans les ordres nationaux et les décorations. Il exerce
le droit de grâce qui l’autorise à remettre, à commuer ou à réduire les peines (art. 87),
accrédite les ambassadeurs congolais et envoyés extraordinaires auprès des autres Etats ou
organisations internationales et reçoit les lettres de créance des ambassadeurs étrangers (art.
88). Il nomme les membres de la Cour constitutionnelle, dont trois de sa propre initiative,
trois sur désignation du Parlement réunis en Congrès et trois sur désignation du Conseil
supérieur de la Magistrature (art. 158). Il a le pouvoir de saisir la Cour constitutionnelle pour
le contrôle de la constitutionnalité (art. 161). Il nomme et révoque les membres de la Cour des
comptes, après avis de l’Assemblée nationale (art. 178) et il peut déclencher la procédure de
révision constitutionnelle (art. 218). Il a le droit d’adresser des messages à la Nation (art.77).
Le Chef de l’Etat statue par voie d’ordonnance (art. 79, al. 3). Il déclare la guerre, sur décision
du Conseil des ministres et après avis du Conseil supérieur de la défense et autorisation des
deux Chambres (art. 143). Pourtant, suivant l’article 79, l’ordonnance de déclaration de guerre
n’est pas contresignée par le Premier Ministre. Mais une telle affirmation peut se révéler
contradictoire avec celle de l’article 86 suivant lequel « le Président de la République déclare
la guerre par ordonnance délibérée en Conseil des ministres après avis du Conseil supérieur
de la défense et autorisation de l’Assemblée nationale et du Sénat... » Le fait que l’article 79,
al. 4 ne mentionne par l’article 86 laisse penser que les ordonnances intervenues en cette
matière devraient être contresignées par le Premier Ministre ; ce qu’exclut l’article 79 selon
lequel les ordonnances prises en application de l’article 143 ne sont point contresignées.
Enfin, en cas de crise persistante entre le Gouvernement et l’Assemblée nationale, le Président
peut, après consultation du Premier Ministre et des Présidents de deux Chambres, prononcer
la dissolution de l’Assemblée nationale (art. 148).
2. Les pouvoirs partagés

Les pouvoirs partagés sont ceux que le Président exerce avec les autres organes de
l’Etat, en particulier avec le Gouvernement. Leur mise en œuvre se traduit par des
ordonnances en Conseil, c’est-à-dire délibérées en Conseil des ministres. Parmi les
compétences partagées, les unes s’exercent en période normale, et les autres, en période de
circonstances exceptionnelles.

a. Les compétences ordinaires

Le principe de base est posé par l’article 79, al. 4 selon lequel « les ordonnances du
Président de la République autres que celles prévues aux articles 78, al. 1 er, 80, 84 et 143 sont
contresignées par le Premier ministre. » En régime parlementaire ou semi-parlementaire, ce
mécanisme du contreseing opère une sorte de déqualification des actes du Président en en
faisant des actes du Premier ministre qui en devient le premier responsable devant le
Parlement.
Ainsi, le Président de la République nomme, relève de leurs fonctions et révoque, sur
proposition du Gouvernement délibérée en Conseil des ministres, les ambassadeurs et les
envoyés extraordinaires, les officiers généraux et supérieurs des forces armées et de la police
nationale, le chef d’état-major général , les chefs d’état-major et les commandants des grandes
unités des forces armées, les hauts fonctionnaires de l’administration publique, les
responsables des services et établissements publics, les mandataires de l’Etat dans les
entreprises et organismes publics, excepté les commissaires aux comptes (art. 81). L’alinéa 2
de cet article 81 précise que les ordonnances intervenues en ces matières sont contresignées
par le Premier ministre. De même, par ordonnance contresignée par le Premier ministre, le
Président nomme et révoque les magistrats su siège et du parquet, sur proposition du Conseil
supérieur de la magistrature.

b. Les pouvoirs partagés en circonstances exceptionnelles

L’article 85 de la Constitution est ainsi formulé : « Lorsque des circonstances graves


menacent d’une manière immédiate l’indépendance ou l’intégrité du territoire national ou
qu’elles provoquent l’interruption du fonctionnement régulier des Institutions, le Président de
la République proclame l’état d’urgence ou l’état de siège après concertation avec le Premier
ministre et les Présidents des deux Chambres… Il en informe la nation par un message. »
C’est alors que l’article 86 ajoute : « le Président de la République déclare la guerre par
ordonnance délibérée en Conseil des ministres, après avis du Conseil supérieur de la défense
et autorisation de l’Assemblée nationale et du Sénat... » La mise en œuvre des pouvoirs ainsi
accordés au Président de la République est ensuite précisée par les articles 144 et 145 de la
Constitution. Lorsque l’état d’urgence ou de siège est déclaré sut tout ou partie du territoire
national, les chambres du Parlement se réunissent de plein droit, au besoin en session
extraordinaire. La durée de cet état d’urgence ou de siège est de trente jours. Au-delà de ce
délai, l’ordonnance prise à cet effet cesse de plein droit de produire ses effets « à moins que
l’Assemblée nationale et le Sénat, saisis par le Président de la République, sur décision du
Conseil des Ministres, n’en autorisent la prorogation pour des périodes successives de quinze
jours. » L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent, par une loi, mettre fin, à tout moment, à
l’état d’urgence ou à l’état de siège.
Selon l’article 145, « en cas d’état d’urgence ou d’état de siège, le Président de la
République prend, par ordonnances délibérées en Conseil des ministres, les mesures
nécessaires pour faire face à la situation. Ces ordonnances sont, dès leur signature, soumises
à la Cour constitutionnelle qui, toutes affaires cessantes, déclare si elles dérogent ou non à la
Constitution. »
L’état de siège est subordonné à des circonstances de guerre : « en temps de guerre,
le Président de la République proclame l’état de siège.» En revanche, l’état d’urgence est
conditionné par un danger extérieur qui menace la République ou par l’interruption du
fonctionnement régulier des Institutions de la République ou d’une province. Dans un cas
comme dans l’autre, le Président «  prend alors les mesures urgentes nécessaires à faire face
à la situation. » Le caractère vague d’une telle disposition a pour effet d’accroître
considérablement les prérogatives présidentielles.

C. La possible évolution du rôle du Chef de l’Etat

Concernant l’évolution possible du rôle du Président de la République, il faut opérer


une distinction selon que l’on est en période de cohabitation ou en période de cohérence de
majorité présidentielle et parlementaire.

1. Le rôle du Chef de l’Etat en période de cohabitation

En période de cohabitation, c’est-à-dire lorsque le Président et le Premier Ministre ne


sont pas issus de la même majorité, le du Président de la République est réduit à ce que la
Constitution lui reconnaît comme prérogatives, c’est-à-dire globalement à celui d’une figure
symbolique. Le Chef de l’Etat se limite, outre à procéder aux nominations dont il a
compétence, à garantir l’unité nationale, à veiller à la continuité du bon fonctionnement des
Institutions de la République, à garantir l’indépendance nationale et l’intégrité territoriale.
C’est d’ailleurs déjà pas mal dans le contexte actuel de la Région des Grands-Lacs, où les
visées géopolitiques et expansionnistes sont plus qu’éveillées. Au niveau de la politique
interne, le Président a ainsi moins d’influence, le premier plan étant être occupé par le Premier
Ministre soutenu par le Parlement.

2. Le rôle du Chef de l’Etat en période de cohérence de majorité

En période de cohérence de majorité présidentielle et de la majorité parlementaire, le


rôle du Chef de l’Etat est sans aucun doute plus accru, car il est soutenu et par le
Gouvernement et par le Parlement. Le parti ou la coalition majoritaire concentre alors entre
ses mains le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Le Chef de l’Etat est alors le véritable
chef de la majorité et un acteur clef de la politique nationale. Le régime peut, en pareilles
circonstances, prendre des airs d’un régime présidentiel. C’est ainsi que, dans la première
législature de la IIIème République, on a entendu toutes les Institutions, nationales, provinciales
et locales, vibrer au rythme de la chanson des cinq chantiers du chef de l’Etat, devenus très
vite les cinq chantiers de la République. Le Premier Ministre devient alors un exécutant de la
politique définie par le Président de la République. De même, à la suite à une crise entre le
Chef de l’Etat et le Président de l’Assemblée nationale, Vital Kamhere, le Chef de l’Etat a
exigé et obtenu, sous couvert de discipline du parti, la démission de ce dernier qui
démissionna le 25 mars 2009 pour être remplacé par Evariste Boshab. Il s’agit là des
conséquences du fait majoritaire.
C’est alors que l’opposition doit mener une politique responsable pour veiller au
respect de la loi fondamentale par les organes gouvernants. Il est en effet regrettable que
l’opposition politique congolaise est souvent infantile ou infantilisée, sans stratégie globale et
souvent empêtrée, dans la Capitale, dans une lutte pour l’accès immédiat aux rênes du
pouvoir. Il est rare qu’elle s’implique sérieusement dans l’éducation politique des masses en
prenant appui sur des programmes politiques cohérents, concertés et bien définis. Ses cadres
sont souvent des girouettes ballottées au gré des intérêts du moment, des ‘‘prostituées
politiques’’. Or, l’histoire des idées politiques nous apprend que c’est l’éducation politique
des citoyens qui a fait surgir les partis de masses et servi de ciment aux partis progressistes.
L’article 2 de la loi n° 04/002 du 15 mars 2004 sur l’organisation et le fonctionnement des
partis politiques, comme d’ailleurs l’article 6 al.3 de la Constitution de 2006, rappelle cette
mission d’éducation civique et politique dévolue aux partis politiques. Faut-il croire que
l’opposition congolaise est conservatrice (elle ne peut d’ailleurs rien conserver parce qu’elle
est dépourvue d’idéologie forte), peu soucieuse des intérêts des citoyens ? L’expérience des
récentes rébellions donne à penser que oui. Malheureusement !

D. La responsabilité pénale du Président de la République

Le Chef de l’Etat peut être poursuivi pour certaines infractions. La procédure est
déclenchée, devant la Cour constitutionnelle, par le Parlement réuni en Congrès.

1. Les incriminations (art. 164 -167)

La Cour constitutionnelle est le juge pénal du Président de la République et du Premier


Ministre pour des infractions politiques de haute trahison, d’outrage au Parlement, d’atteinte à
l’honneur ou à la probité ainsi que pour les délits d’initié et pour les autres infractions de
droit commun commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. Elle
est également compétente pour juger leurs co-auteurs et complices.
Il y a haute trahison lorsque le Président de la République a violé intentionnellement
la Constitution ou lorsque lui ou le Premier Ministre sont reconnus auteurs, co-auteurs ou
complices de violations graves et caractérisées des Droits de l’Homme, de cession d’une
partie du territoire national.
Il y a atteinte à l’honneur ou à la probité notamment lorsque le comportement
personnel du Président de la République ou du Premier Ministre est contraire aux bonnes
mœurs ou qu’ils sont reconnus auteurs, co-auteurs ou complices de malversations, de
corruption ou d’enrichissement illicite.
Il y a délit d’initié dans le chef du Président de la République ou du Premier Ministre
lorsqu’il effectue des opérations sur des valeurs immobilières ou sur des marchandises à
l’égard desquelles il possède des informations privilégiées et dont il tire profit avant que ces
informations soient connues du public. Le délit d’initié englobe l’achat ou la vente d’actions
fondée sur des renseignements qui ne seraient jamais divulgués aux actionnaires.
Pour les infractions commises en dehors de l’exercice de leurs fonctions, les poursuites
contre le Président de la République et le Premier Ministre sont suspendues jusqu’à
l’expiration de leur mandat. Pendant ce temps, la prescription est suspendue (art. 167).

2. La procédure de mise en jeu de la responsabilité pénale du Chef de l’Etat


La décision de poursuites ainsi que la mise en accusation du Président de la
République et du Premier Ministre sont votées à la majorité des deux tiers des membres du
Parlement composant le Congrès suivant la procédure prévue par le règlement intérieur.
En cas de condamnation, le Président de la République et le Premier Ministre sont
déchus de leurs charges. La déchéance est prononcée par la Cour constitutionnelle. Le Chef
de l’Etat relève, à vrai dire, d’une justice politique.
Si les pouvoirs du Chef de l’Etat ont été sensiblement réaménagés, c’est globalement
au profit du Gouvernement.

§2. La restauration de l’autorité du Gouvernement

Le Gouvernement est composé du Premier ministre et des autres ministres. Le Premier


Ministre est choisi au sein de la majorité parlementaire ou d’une coalition formant la majorité.
Et c’est sur proposition du Premier Ministre que sont nommés les autres membres du
Gouvernement. Il peut s’agir de Vice-premier ministre, de ministres d’Etat, de ministres, de
vice-ministres, de ministres délégués. Selon une formule qui peut s’avérer floue, l’article 90
de la Constitution indique « la composition du gouvernement tient compte de la
représentativité nationale. » On peut se demander si l’expression ‘‘représentativité nationale’’
renvoie à la représentation par Province ou par groupe ethnique. Compte tenu du nombre
élevé des ethnies en RD Congo, on peut penser qu’il s’agit de la représentation des
Provinces. Une disposition du code de conduite de l’agent public de l’Etat (loi du 3 octobre
2002) reprise à l’article 99, impose aux membres de l’exécutif de déposer devant la Cour
constitutionnelle, qui la communique à l’Administration fiscale, une déclaration de leur
patrimoine familial. A défaut d’une telle déclaration dans les trente jours, le non déclarant est
réputé démissionnaire. Comme le Chef de l’Etat, les ministres sont à la fois des autorités
politiques et autorités administratives. Au sein du Gouvernement, on peut distinguer entre le
Premier Ministre (A) et les autres ministres (B). En effet, l’article 90 de la Constitution
énonce : « Le Gouvernement est composé du Premier ministre, de ministres, de vice-ministres
et, le cas échéant, de vice-premier ministre, de ministres d’Etat et de ministres délégués. »

A. Le Premier Ministre

L’histoire constitutionnelle récente montre une évolution tendant à une restauration de


la figure du Premier Ministre. Dans la Constitution du 18 février 2006, il est désormais
l’autorité administrative de principe.

1. Evolution historique de la stature du Premier ministre

Du point de vue historique, le pouvoir du Premier Ministre a évolué dans un sens


inverse de celui du Président de la République.
Dans la Loi Fondamentale du 19 mai 1960, c’est le Premier Ministre qui conduit la
politique de la nation, qui préside le Conseil des ministres et dirige l’action du gouvernement
(article 36).
Dans la Constitution du 1er août 1964, ce pouvoir commence à être subordonné à celui
du Président. En effet, dans cette constitution dite de Luluabourg, le Premier Ministre dirige
l’action du Gouvernement central dans le cadre du programme tracé et des décisions prises
par le Président de la République. Bien que le Président soit l’autorité administrative de
principe, le Premier Ministre préside le conseil de cabinet (article 67).
Avec la Constitution du 24 juin 1967, première de l’interminable règne de Mobutu, le
Premier Ministre va commencer à tomber dans l’ombre. Il ne réapparaît vraiment qu’avec la
révision constitutionnelle de 1978. Il est alors appelé « Premier commissaire d’Etat ». Il est
chargé de coordonner l’action du Conseil exécutif dans le cadre du programme tracé et des
directives données par le Président de la République. Ses décisions sont prises par voie
d’arrêté (articles 87-91)
La réduction du gouvernement en simple «  Conseil exécutif » et des ministres en
seulement  « commissaires d’Etat », le Premier Ministre étant alors le Premier commissaire
d’Etat, montre que le pouvoir du Premier Ministre est quelque peu nul face au Président de la
République. Le Premier Ministre n’est que le « commis » du Président. Il est un exécutant de
la politique déterminée par le Président. Il est la « bouche » du Président.
Une tentative de restauration de la figure du Premier Ministre apparaît avec la
Conférence Nationale Souveraine (CNS).
Dans le projet de Constitution instaurant au Congo un Etat fédéral, il est dit que : «  Le
gouvernement fédéral détermine et conduit la politique de la République fédérale. Il dispose
de l’Administration, des forces armées, des forces de l’ordre ainsi que des services
sécurité. » (article 120) Or, le gouvernement est sous la conduite du Premier Ministre.

«  Le Premier ministre dirige l’action du Gouvernement fédéral. Il assure l’exécution 112 Il


assure l'exécution des lois fédérales. A ce titre, sous réserve des dispositions de l'article 112,
il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires... Le Premier
Ministre .... préside le Conseil des ministres ... il statue par voie de décret » (article 121). Le
Premier Ministre est donc l’autorité administrative de principe. Le Président n’a en ce
domaine qu’une compétence d’attribution.

Néanmoins, les actes du Premier Ministre sont contresignés par les ministres
compétents, chargés de leur exécution. C’est-à-dire ceux qui ont compétence pour signer ou
contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte l’exécution du décret.
Ce contreseing témoigne à la fois de la collégialité et de la solidarité au sein du
Gouvernement.
Malheureusement, cette constitution n’a jamais été appliquée et l’Acte constitutionnel
de la Transition a sensiblement réduit le pouvoir du Premier Ministre. Plus encore, dans le
Décret-loi constitutionnel du 27 mai 1997, on mentionne certes le Gouvernement, mais on
ignore complètement la primature ministérielle.16 De même la Constitution de la Transition ne
mentionne pas le Premier Ministre et lorsqu’elle parle du Gouvernement, il s’agit du
Président, entouré des vice-présidents, des ministres et des vice-ministres (article 89, alinéa
1er).

2. Les pouvoirs actuels du Premier ministre

La Constitution du 18 février 2006, adoptée au terme du référendum constituant des 18


et 19 décembre 2005 vient d’instaurer en République démocratique du Congo un régime
mixte, semi parlementaire, dans lequel le Premier Ministre est l’autorité administrative de
principe. Soutenu par la majorité parlementaire, il est même le vrai centre du pouvoir. Il faut
tout de même estimer que le Premier Ministre jouera pleinement ce rôle s’il se produit une
16
N.B. La question des décrets lois ou ordonnances-lois : Cf. Loi fondamentale art 37 ; 1-8-64 : 95-96 ; constitution du 24-6-67, article 52.
cohabitation, au sommet de l’Etat, entre un Président et un Premier Ministre issus de partis
politiques opposés. En cas de cohérence de majorité parlementaire et de majorité
présidentielle, le rôle du Président de la République pourrait s’accroître et, inversement, celui
du Premier Ministre, diminuerait. Mais ceci résultera davantage de la pratique politique et des
coutumes constitutionnelles.
Lors des débats préalables à l’investiture du Gouvernement d’Adolphe Muzito 17, un
débat a surgi sur la manière d’interpréter l’article 78, al. 1 er de la Constitution, notamment
l’expression « au sein de la majorité parlementaire ». Pour certains, cela signifie que le
Premier Ministre doit d’abord avoir été élu député et doit provenir du Parlement. Ce n’est pas
au sens de parti majoritaire, ce qui permettrait qu’il puisse être choisi en dehors de
l’Assemblée nationale. Pour d’autres, le Premier Ministre pourrait être extérieur au Parlement
et provenir de la coalition majoritaire. Pour l’heure, la première interprétation semble la plus
plausible et éviterait que le texte constitutionnel soit court-circuité par des alliances du type de
celle passée entre J. Kabila et A. Gizenga qui a permis à un parti à la représentation réduite de
s’accaparer du poste de Premier Ministre.
Du point de vue du texte constitutionnel, le Premier Ministre détient d’une part des
pouvoirs de nomination et, d’autre part, le pouvoir réglementaire. Dans un cas comme dans
l’autre, il statue par voie de décret.

a. Le pouvoir de nomination

Selon l’article 92, al. 3 de la Constitution, le Premier Ministre « nomme, par décret
délibéré en Conseil des ministres, aux emplois civils et militaires autres que ceux pourvus par
le Président de la République. » Si donc le Chef de l’Etat nomme les membres de la haute
Administration, il revient au Premier ministre de pourvoir aux emplois inférieurs. En réalité,
le Chef de l’Etat a une compétence d’attribution, tandis que le Premier Ministre a une
compétence de principe.
Les actes du Premier ministre sont, selon l’article 92, al.4, contresignés par les
ministres chargés de leur exécution. Ce sont les ministres qui seront amenés à prendre les
mesures d’exécution et d’application de ces actes.

b. Le pouvoir réglementaire

Il y a lieu ici de distinguer entre le pouvoir réglementaire d’exécution des lois et le


pouvoir réglementaire autonome.
Le pouvoir réglementaire d’exécution des lois suppose des interventions préalables
et générales du législateur, qui doivent ensuite être précisées par des décrets d’application.
C’est ainsi que l’article 92, al. 1er stipule que « le premier ministre assure l’exécution des lois
et dispose du pouvoir réglementaire, sous réserve des prérogatives dévolues au Président de la
République» par la Constitution.
Alors que sous la IIème République, le Chef de l’Etat définissait la politique nationale,
c’est désormais le Gouvernement qui, dirigé par le Premier ministre, définit, certes en
concertation avec le Président de la République, la politique de la nation, la conduit et en
assume la responsabilité (art. 91).
Le pouvoir réglementaire autonome résulte de l’article 128, al. 1er de la
Constitution : « Les matières autres que celles du domaine de la loi ont un caractère
réglementaire. » De fait, les articles 122 et 123 de la Constitution détermine le domaine de
17
A. Gizenga a présenté la démission de son 2 ème Gouvernement le 25/09/2008 ; A. Muzito a été nommé le 10/10/2008 et l’investiture de son
gouvernement est intervenue dans la nuit du 1er au 2/11/2008.
compétence législative. Le Parlement se trouve ainsi enfermé dans un domaine de compétence
dont la porte de sortie est gardée par la Cour constitutionnelle, gardien de la constitutionalité
et de la répartition des compétences. En d’autres termes, toutes les matières qui ne sont pas
dans la réserve législative sont réglementées, motu proprio, par le Premier Ministre et le
Gouvernement. On pourrait donc dire que le Parlement a une compétence d’attribution, tandis
que le Gouvernement a une compétence de principe.

3. La responsabilité pénale du Premier Ministre

Du point de vue de la responsabilité, le Premier Ministre est, politiquement et


solidairement avec les membres de son Gouvernement, responsable devant le Parlement. Sa
responsabilité pénale est engagée pour les mêmes infractions et suivant la même procédure
que celle du Président de la République. Toutefois le Premier Ministre peut aussi être
pénalement poursuivi pour outrage au Parlement. L’article 165 indique qu’il y a outrage au
Parlement lorsque, sur des questions posées par l’une ou l’autre Chambre du Parlement sur
l’activité gouvernementale, le Premier ministre ne fournit aucune réponse dans un délai de
trente jours. Il ressort que l’outrage au Parlement est un délit imputable au Premier ministre et
non au Chef de l’Etat.

B. Les autres ministres

Les ministres sont de diverses catégories et ont des attributions politiques et


administratives.

1. Les catégories de ministres

Concernant le Gouvernement, se pose la question du nombre des ministères. Le


caractère discrétionnaire de la composition du Gouvernement se manifeste dans la diversité
des qualificatifs attribués aux ministres. L’article 90 distingue :
- Les Ministres d’Etat : Ce titre donne à ses titulaires une préséance purement protocolaire
sur leurs collègues. Cette promotion a pour cause soit l’importance politique particulière de
leur mission, soit la volonté d’honorer certaines personnalités. Tel fut le cas d’Abdulaye
Yerodia Ndombasi dans le Gouvernement de L.-D. Kabila.
- Les ministres de droit commun sont dotés d’un portefeuille ministériel. Ils participent à
toutes les réunions du Conseil des ministres.
- Les vice-ministres sont ceux qui exercent leurs attributions sous l’autorité d’un ministre
auquel ils sont adjoints et dont ils assurent l’intérim quand il est absent ou empêché (article
94 de la Constitution).
- Les ministres délégués : sont ceux qui reçoivent leurs attributions par délégation du premier
ministre ou d’un autre ministre.
En théorie générale, il existe aussi les secrétaires d’Etat, sont d’un rang inférieur par
rapport aux ministres. De ce fait, ils ne participent au conseil des ministres que pour les
affaires relevant de leurs attributions. Ils sont soit autonomes et placés la tête d’un ministère,
soit rattachés au Premier Ministre ou à un ministre.
Les différents ministères sont dépourvus de la personnalité juridique, dont seul l’Etat
est doté. Les ministres exercent leurs attributions au nom de l’Etat. Ils sont ainsi les
ordonnateurs principaux de l’Etat; ils signent, au nom de l’Etat, décisions et contrats; ils
représentent l’Etat en justice, en action ou en défense.
Autorité administrative, le ministre est au sommet de la hiérarchie existant au sein du
service dont il assure la direction. Il exerce un pouvoir hiérarchique sur l’ensemble des agents
placés sous son autorité, leur donne des ordres, des instructions et peut leur infliger des
sanctions disciplinaires, mais dans le respect des statuts et des principes généraux du droit.
Les membres du Gouvernement, autres que le Premier Ministre, sont, sur le plan
pénal, justiciables de leurs infractions, devant la Cour de cassation (art. 153). La décision de
poursuites ainsi que la mise en accusation des membres du gouvernement sont votées à la
majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale suivant la procédure prévue
par le règlement intérieur. Les membres du gouvernement mis en accusation, présentent leur
démission (art. 166, al. 2 et 3).
Enfin, les membres du Gouvernement sont frappés, durant leur mandat, des mêmes
incompatibilités que le Président de la République (art. 96-99).

2. Les attributions et les actes des ministres

Les ministres sont les chefs des départements ministériels (ministères). Ils participent
aux fonctions administratives du Président de la République et du Premier Ministre, à travers
le Conseil des ministres et le contreseing. En outre, ils ont des fonctions individuelles liées à
la direction de leur ministère. Ils sont compétents pour prendre ou signer certaines décisions
individuelles. Selon l’article 93 de la Constitution, « le ministre est responsable de son
département. Il applique le programme gouvernemental dans son ministère, sous la direction
et la coordination du Premier ministre. »
En réalité, leurs attributions administratives sont étroites et sont liées à leur
département ministériel. Le ministre a deux types d’attribution au titre de sa responsabilité de
chef de ministère :
- Représenter de l’Etat pour les activités qui relèvent de son département ministériel ;
- Exercer le pouvoir hiérarchique sur le service et sur les agents du service. Il peut s’agir d’un
pouvoir de nomination ou de révocation, d’un pouvoir d’injonction, de substitution,
d’annulation de réformation des actes ou d’un pouvoir disciplinaire. Ce pouvoir hiérarchique
se manifeste par des actes à portée générale ou individuelle. Les actes les plus importants
sont les arrêtés. On distingue trois types d’arrêtés :
- Les arrêtés ministériels : signés par un seul ministre ;
- Les arrêtés conjoints : signés par deux ministres ;
- Les arrêtés interministériels : signés par plusieurs ministres.
Aux arrêtés, on peut ajouter les circulaires, les instructions, les directives, les notes de
service.
La question subsiste cependant de savoir si les ministres disposent d’un pouvoir
réglementaire, c’est-à-dire le pouvoir de statuer par voie de décision générale et
impersonnelle.
Du point de vue juridique, pour un Etat le pouvoir réglementaire est attribué au
Premier Ministre en régime parlementaire, tandis que dans un régime présidentiel ou
présidentialiste de type moniste (monocéphale), le pouvoir réglementaire est dévolu au
Président de la République. Dans les régimes mixtes (semi-présidentiel ou semi-
parlementaire), ce pouvoir appartient aux deux sommets de l’Exécutif, car l’exécutif est
souvent bicéphale.
Aussi, en principe, les ministres ne possèdent-ils pas de pouvoir réglementaire général
propre. Ils participent seulement, par le mécanisme du contreseing, à celui du Président de la
République ou du Premier Ministre. De ce fait, même si les règlements ou ordonnances sont
le plus souvent élaborés par les bureaux des ministres, ce sont les autorités compétentes
(Président ou Premier Ministre) qui les sanctionnent pour leur conférer la portée juridique
d’actes décisoires.
A ce principe, des exceptions sont possibles. Deux principales peuvent être signalées :
1* un pouvoir réglementaire prévu par une loi spéciale : quelques fois des textes
accordent à certains ministres un pouvoir réglementaire propre sur une matière déterminée.
Ainsi, la réglementation du transport aérien peut être confiée au ministre des transports.
2* Le pouvoir réglementaire dérivé : il dérive du pouvoir hiérarchique d’organisation du
service. En effet, la jurisprudence reconnaît aux chefs de service un pouvoir réglementaire
pour ce qui concerne «  le bon fonctionnement de l’Administration placée sous leur
autorité. »
La jurisprudence attache à la qualité de «  chef de service » le pouvoir de prendre les
mesures réglementaires nécessaires au bon fonctionnement du service. Ces mesures, à la
différence de celles du Premier Ministre ou Président, ne s’imposent pas à l’ensemble des
citoyens, mais seulement à ceux qui entrent en rapport avec le service.
En raison de ce pouvoir, le ministre prend des mesures qui atteignent également tous
les administrés usagers de ce service. En définitive, les ministres ont un pouvoir réglementaire
exceptionnel.

Section II. LE POUVOIR LEGISLATIF (DROIT PARLEMENTAIRE)

Depuis l’indépendance de la République Démocratique du Congo, l’évolution


historique de l’organisation, du fonctionnement et des prérogatives ou pouvoirs du Parlement
ont subi des variations. Au lendemain de l’indépendance, et sous le régime de la Loi
fondamentale, le pouvoir législatif est exercé, au niveau central, par deux chambres
parlementaires, la Chambre des Représentants et le Sénat, qui le partagent avec le Chef de
l’Etat (art. 15 et 50). Le Parlement exerçait alors les compétences ordinaires du pouvoir
législatif en régime parlementaire : la désignation du Chef de l’Etat en Congrès et à la
majorité de 2/3 (art. 12), la discussion et le vote des lois, le contrôle du Gouvernement à
travers le pouvoir d’investiture et la mise en jeu de la responsabilité politique, individuelle ou
collective des membres du Gouvernement (art. 42-46), le droit d’enquête par l’intermédiaire
des commissions ou des Chambres elles-mêmes (art. 64 et loi du 17 juin 1960, art. 2). Le Chef
de l’Etat a le droit de dissolution des deux chambres (art. 32, 71 et 72) ou de les ajourner (art.
31 et 70).
La Constitution de Luluabourg du 1er août 1964 a repris la structure bicamérale du
Parlement, avec des compétences plus ou moins identiques. Toutefois, « le Président de la
République est élu par un corps électoral composé des membres du Parlement et des délégués
de la Ville de Léopoldville qui votent dans la Capitale, ainsi que des membres des
Assemblées provinciales qui votent au chef-lieu de la province qu’ils représentent » (art. 56).
Cet élargissement du collège des électeurs du Chef de l’Etat constitue un début de
présidentialisation du régime. Le Chef de l’Etat en résulte moins dépendant du Parlement.
Comme dans la Loi fondamentale, les membres de la Chambre des Représentants
(députés) sont élus au suffrage universel direct, tandis que les sénateurs sont élus par les
Assemblées provinciales (art. 75).
Avec la Constitution révolutionnaire du 24 juin 1967, on opte pour un Parlement
monocaméral dont les membres sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq
ans (art. 36 et 37). Avec l’institutionnalisation du MPR comme Parti-Etat, le Parlement a vu
ses pouvoirs se réduire en une peau de chagrin. D’ailleurs, par la loi n° 73-014 du 5 janvier
1973, il est réduit en un simple ‘‘Conseil législatif’’. Le Pouvoir législatif est transféré au
Chef de l’Etat.
Le régime de la transition de 2003 à 2006 a conduit à une désignation des
parlementaires par les Composantes et Entités parties au Dialogue inter-congolais. Dans ces
procédures, le peuple était, à proprement parler, ‘‘introuvable’’.
Par-delà l’organisation et le fonctionnement du Parlement (§1), la Constitution indique
aussi les principales fonctions du Parlement (§2).

§1. L’organisation et le fonctionnement du Parlement

La Constitution du 18 février 2006 consacre à nouveau une composition bicamérale du


Parlement (A) et fixe certaines de ses modalités de fonctionnement. Les dispositions
constitutionnelles sont, pour chaque Chambre, complétées par le Règlement intérieur. (B).

A. La consécration du bicamérisme

D’après l’article 100 de la Constitution, « le pouvoir législatif est exercé par un
Parlement composé de deux chambres : l’Assemblée nationale et le Sénat. » Les membres de
ces deux chambres parlementaires jouissent d’un certain statut.

1. Les deux chambres du Parlement

Elles résultent de la désignation des députés et des sénateurs. Bien que les deux
chambres soient issues d’élections, les modalités de leur désignation ne sont pas tout à fait
identiques.

a. La désignation des députés : l’Assemblée Nationale


Les membres de l’Assemblée nationale, appelés députés (nationaux) sont élus au
suffrage universel direct et secret. Le député est élu pour un mandat de cinq ans renouvelable
(art. 101 et 103 de la Constitution et art. 118 de la loi électorale). Les candidats se présentent
sur des listes proposées, dans chaque circonscription, par les partis politiques ou par les
regroupements politiques. Toutefois, les candidats peuvent se présenter en indépendants. La
circonscription électorale pour l’élection des députés nationaux est le Territoire, la Ville et 4
circonscriptions pour la Ville de Kinshasa (art. 115 L.E.). En application de la disposition de
l’article 101, al. 6 de la Constitution, l’article 115 de la Loi électorale fixe le nombre de
députés nationaux à Cinq cents (500). Chacun d’eux est élu avec deux suppléants (art. 101 de
la Constitution et art. 116 L.E.). Le nombre de sièges pour chaque circonscription correspond
au chiffre entier obtenu en divisant le nombre de ses électeurs potentiels (enrôlés) par le
quotient électoral (ou nombre uniforme) obtenu de la division du nombre total des électeurs
congolais par le nombre des sièges, soit 500. Bien que la loi électorale parle de « quotient
électoral », il semble qu’il s’agit en réalité du ‘‘nombre uniforme’’. En effet, le quotient
électoral est obtenu en divisant le nombre des suffrages exprimés par le nombre des sièges à
pourvoir, alors que le nombre uniforme résulte de la division du nombre des électeurs par le
nombre des sièges. Or, le nombre des électeurs n’est pas forcément égal à celui des suffrages
valablement exprimés {SVE= NTV – (BN+BB).18 Le nombre total des électeurs, NTE =
NTV+ les abstentionnistes ou non votants}.
Lorsqu’une circonscription ne compte qu’un siège à pourvoir, le scrutin est majoritaire
à un seul tour. L’article 118 de la loi électorale stipule que, dans ce cas, « le candidat qui
obtient le plus grand nombre de voix est proclamé élu. »
En revanche, dans les circonscriptions qui comptent deux sièges ou plus, « le vote a
lieu au scrutin proportionnel de listes ouvertes à une seule voix préférentielle, avec
application de la règle du plus grand reste. »
Le candidat à la députation nationale doit remplir les conditions suivantes : être
congolais, être âgé de vingt-cinq ans au moins, jouir de la plénitude de ses droits civils et
politiques, ne pas se trouver dans un des cas d’exclusion prévus par la loi électorale, avoir la
qualité d’électeur ou se faire identifier et enrôler lors du dépôt de sa candidature (art. 106 de
la Constitution et art. 120 L.E.). La campagne électorale est de 30 jours et prend fin 24 heures
avant l’ouverture du scrutin (art. 125 L.E.).

b. La désignation des sénateurs : le Sénat

Le Sénat constitue la deuxième chambre du Parlement. Appelé aussi chambre haute, le


Sénat est composé de représentants des provinces. La circonscription électorale pour les
sénatoriales est la Province et la Ville de Kinshasa. Chaque Province est représentée par 4
sénateurs, tandis que la Ville de Kinshasa a droit à 8 Sénateurs (art. 128 et 129 L.E.). Aux
sénateurs élus, il faut ajouter les anciens Présidents de la République démocratiquement élus
(art. 104 de la Constitution).
Les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect, c’est-à-dire au second degré, par
les députés provinciaux au sein ou en dehors de l’Assemblée provinciale, à la proportionnelle
de listes ouvertes avec voix préférentielle et application de la règle du plus fort reste (voir art.
130 de la loi électorale). Leur mandat est de cinq ans renouvelable. Chaque sénateur, comme
chaque député, est élu avec deux suppléants. L’article 106 de la Constitution et l’article 131
de la loi électorale posent les conditions exigées pour être sénateurs. Elles sont identiques à
ceux de la députation, à la seule différence que l’âge du candidat sénateur est de tente ans. La
durée de la campagne pour les élections au Sénat est de trois jours : « elle commence après
18
SVE= suffrages valablement exprimés, NTV= nombre total des votants, BN= bulletins nuls, BB= bulletins blancs.
l’installation du bureau définitif de l’Assemblée provinciale et prend fin vingt-quatre heures
avant la date de l’ouverture du scrutin. » (art. 138 L.E.). L’élection se fait 4 jours après
l’installation du bureau au scrutin majoritaire à un tour, avec exigence d’un quorum de 2/3 des
membres de l’Assemblée provinciale. Si ce quorum n’est pas atteint, « l’Assemblée
provinciale, convoquée dans les deux jours qui suivent, délibère valablement, quelque soit le
nombre des membres présents. » (art. 139 L.E.)

2. Le statut des parlementaires

En tant que représentant de la Nation, le parlementaire dispose de certains droits, est


couvert de certaines immunités et est frappé par certaines incompatibilités. Toute cette
protection et toutes ces interdictions visent à lui assurer une indépendance suffisante.

a. Les droits du parlementaire

En plus des droits reconnus à tous les citoyens par les articles 11 à 61 de la
Constitution, l’article 109 reconnaît aux parlementaires le droit de circuler sans restriction ni
entrave à l’intérieur du territoire national et d’en sortir ; le droit à une indemnité équitable
prévue par la loi de finances qui assure son indépendance et sa dignité ; et le droit à une
indemnité de sortie qui équivaut à six mois de ses émoluments.
En contrepartie, le parlementaire à l’obligation de participer aux sessions et de rédiger
un rapport de vacances.

b. Les immunités parlementaires

Les immunités sont des garanties de protection offertes à une personne, généralement
une autorité, pour lui assurer un libre exercice de ses fonctions. Le parlementaire bénéficie de
certaines immunités dans l’exercice de ses fonctions. Ces immunités sont déterminées par
l’article 107 de la constitution. Elles sont à la fois politiques et pénales.
Sur le plan politique, le parlementaire est politiquement irresponsable dans l’exercice
de ses fonctions. Car, son mandat n’est pas similaire au mandat contractuel du droit civil.
C’est une fonction publique qui présente certaines caractéristiques. Il n’y a pas de lien
juridique de dépendance de l’élu à l’égard de ses électeurs. Par rapport aux électeurs, le
mandat est indépendant et irrévocable : le parlementaire se détermine librement, dans ses
opinions et votes, sans être lié ni par les engagements pris pendant la campagne comme
promesses électorales, ni par les manifestations de volonté de ses électeurs. Le parlementaire
bénéficie, en principe d’un mandat représentatif et tout mandat impératif est nul. Il n’a pas de
compte à rendre aux électeurs et ne peut recevoir d’eux ni injonctions ni directives. D’ailleurs,
son mandat est national, il représente non pas ses électeurs, mais la nation (art. 101 et 104 de
la Constitution).
Mais cette indépendance théorique du parlementaire est quelque peu biaisée par
l’élection au suffrage universel et surtout, par l’article 110 de la Constitution. D’une part, le
suffrage universel rend le parlementaire soucieux de sa réélection dépendant de son corps
électoral. Il est obligé de rester à l’écoute de ses électeurs et de se faire leur porte-parole
auprès du Gouvernement. Le parlementaire devient alors un intermédiaire entre sa
circonscription électorale et l’Exécutif. D’autre part, l’article 110 de la Constitution réduit le
caractère représentatif du mandat du parlementaire. Reprenant à son compte l’article 39 de la
Constitution de 1967, cet article dispose que « tout député national ou tout sénateur qui quitte
délibérément son parti politique durant la législature est réputé renoncer à son mandat
parlementaire obtenu dans le cadre dudit parti politique. » Une telle disposition a, en réalité,
pour effet de faire du parlementaire, non plus un représentant de la nation, mais un
représentant de son parti. Son mandat n’est plus national, il devient partisan. Tout compte fait,
son mandat sera, non pas représentatif, mais impératif vis-à-vis du parti. La discipline
partisane réduira la liberté du représentant.
Sur le plan pénal, le parlementaire ne peut être poursuivi, recherché ou arrêté, détenu
ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions. Aucun
parlementaire ne peut, en cours de sessions, être poursuivi ou arrêté, sauf cas de flagrance,
qu’avec l’autorisation de la chambre à laquelle il appartient. En dehors des sessions, il faut
l’autorisation du Bureau de cette chambre. Et si la chambre le requiert, la poursuite ou la
détention peut être suspendue, mais cette suspension ne peut excéder la durée de la session.
S’il est poursuivi, le parlementaire est pénalement justiciable devant la Cour de
cassation (art. 153 de la Constitution).
En définitive, les immunités du parlementaire ne concernent que ses opinions
politiques ; sur le plan pénal, le parlementaire bénéficie plutôt de privilèges de juridiction et
de procédure.

c. Les incompatibilités

Les incompatibilités sont des interdictions imposées à une personne en raison de la


noblesse de son rang ou de ses fonctions. Les incompatibilités frappant le parlementaire sont
fixées par l’article 108 de la Constitution. En vertu de cet article, nul ne peut être à la fois
député national et sénateur. De même, nul ne peut être à la fois parlementaire et membre du
Gouvernement ou magistrat. Il s’agit là d’une conséquence du principe de la séparation des
pouvoirs. Si un parlementaire est nommé au Gouvernement, il est remplacé au Parlement par
l’un de ses suppléants. Les fonctions de parlementaire sont également incompatibles avec la
qualité de membre d’une institution d’appui à la démocratie, des forces armées, de la police
ou des services de sécurité, de fonctionnaire, de cadre politico-administratif de la territoriale,
sauf de Chef de Collectivité-Chefferie ou de Groupement. Il est aussi interdit d’être à la fois
parlementaire et mandataire public ou membre des cabinets de l’Exécutif ou des présidents
des Assemblées parlementaires, ou d’autres autorités politico-administratives. Cette
incompatibilité peut se justifier par le fait que le Parlement est l’organe de contrôle des
entreprises et des établissements publics. Il serait mal venu qu’un parlementaire soit à la fois
contrôleur et contrôlé. Une telle situation peut aussi influencer le pouvoir de contrôle des
autres parlementaires qui seraient alors amenés à contrôler leur collègue ou un membre de
leur parti. Enfin, la qualité de parlementaire est incompatible avec l’exercice de toutes
fonctions rémunérées conférées par l’Etat ou par un organisme international. Il s’agit dans ce
cas d’éviter que le représentant de la nation soit en même temps au service d’organismes
étrangers, au risque de sacrifier les intérêts supérieurs de la Nation.

B. Le fonctionnement du Parlement

Chacune des Chambres du Parlement est dirigée par un Bureau composé d’un
Président, de deux Vice-présidents, d’un Rapporteur, d’un Rapporteur adjoint, d’un Questeur
et d’un Questeur adjoint. L’article 111 de la Constitution précise ensuite que les Présidents de
deux Chambres doivent être des congolais d’origine. Le constituant a sans doute estimé, à
juste titre d’ailleurs, qu’il s’agit d’une fonction importante et sensible qui ne saurait être
occupée par un congolais de second rang. En plus du Bureau, chaque Chambre comprend
ensuite : l’Assemblée plénière, les Commissions et, les deux Chambres réunies forment le
Congrès.
1. L’Assemblée plénière

Elle est l’instance de décision ou de délibération de chaque chambre. Y siègent tous


les membres de ladite chambre. Elle peut se réunir en session extraordinaire ou en session
ordinaire. Conformément à l’article 114 de la Constitution, chaque chambre du Parlement se
réunit en session extraordinaire le 15ème jour suivant la proclamation des résultats des
«élections législatives par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Cette
session comporte à son ordre du jour :
- l’installation du Bureau provisoire, dirigé par le Doyen d’âge assisté de deux plus jeunes (les
moins âgés) ;
- la validation des pouvoirs ou des mandats ;
- l’élection et l’installation du bureau définitif ;
- l’élaboration et l’adoption du règlement intérieur.
La séance d’ouverture de cette première session de la législature est présidée par le
Secrétaire Général de l’Administration de chacune des chambres.
Les autres sessions extraordinaires du Parlement peuvent être convoquées par les
Présidents de chambre sur un ordre du jour déterminé, à la demande soit du Bureau, soit de la
moitié des membres de la chambre, soit encore du Président de la République ou du
Gouvernement. La clôture de la session extraordinaire est alors liée à l’épuisement de l’ordre
du jour, sans toutefois pouvoir excéder trente jours (art. 116).
Chaque année, l’Assemblée nationale et le Sénat se réunissent deux fois en session
ordinaire. La première se tient du 15 mars au 15 juin. La seconde, dite aussi session
budgétaire car elle est essentiellement consacrée à la discussion et à l’adoption de la loi de
finances de l’année suivante, se tient du 15 septembre au 15 décembre. Si le 15 du mois est un
jour férié ou un dimanche, l’ouverture de la session est repoussée au jour ouvrable le plus
proche (art. 115).
C’est le Règlement intérieur de chaque chambre qui fixe la durée et les règles de
fonctionnement du Bureau, les pouvoirs et les prérogatives des membres du Bureau, le
nombre, le mode de désignation, la composition, le rôle et la compétence des commissions
spéciales et temporaires ; l’organisation des services administratifs dirigés par le Secrétaire
Général de l’Administration publique de chaque chambre, le régime disciplinaire des
parlementaires et les différents modes de scrutin.
Avant sa mise en vigueur, le Règlement intérieur est obligatoirement transmis à la
Cour constitutionnelle pour un contrôle de constitutionnalité. La Cour doit se prononcer dans
les quinze jours, au-delà desquels le Règlement est réputé conforme à la Constitution (art.
112, 120 et 160).
Chaque Chambre du Parlement ne se réunit valablement qu’à la majorité absolue de
ses membres. Les séances sont publiques, sauf si le huis clos est prononcé (art. 118 et 121).

2. Les commissions parlementaires

Avant la discussion en plénière des textes déposés devant le Bureau des chambres
parlementaires, le travail préparatoire se fait souvent en commissions. Ce sont des formations
plus réduites, composées de parlementaires et spécialisées, chacune, dans un des grands
domaines de l’activité gouvernementale. On peut ainsi avoir une commission des lois, une
commission de la défense et sécurité, une commission des finances, une commission des
affaires étrangères, etc. Grâce à ces commissions, le Gouvernement a en face de lui des
parlementaires qui maîtrisent leur secteur d’intervention et qui permettent au Parlement de
contrôler efficacement et avec lucidité son action.
Les Commissions peuvent être permanentes ou spéciales et temporaires. Les
commissions permanentes sont des structures continues du parlement. Elles existent pendant
toute la législature.
D’après l’article 37 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, « Il est créé au sein de
l’Assemblée Nationale les sept commissions permanentes ci-après:
1. la Commission politique, administrative et judiciaire ;
2. la Commission économique et financière ;
3. la Commission sociale et culturelle ;
4. la Commission des relations extérieures ;
5. la Commission défense et sécurité ;
6. la Commission environnement et ressources naturelles;
7. la Commission aménagement du territoire et infrastructures.
Chaque Commission est subdivisée en sous-commissions correspondant chacune à un ou
plusieurs ministères du Gouvernement. Toutefois, en cas d’opportunité et de nécessité,
l’Assemblée nationale peut, sur proposition de son Bureau, créer d’autres Commissions
permanentes. »
Chaque Commission permanente comprend au moins soixante dix membres. Les
Sous-commissions comprennent un nombre plus ou moins égal de membres. Le Président de
l’Assemblée nationale est de droit membre de chacune des Commissions et sous-
commissions. Les autres députés font chacun partie d’une Commission et d’une sous-
commission. Toutefois, un député peut participer, sans voix délibérative, aux travaux d’une
Commission ou sous-commission autre que celle dont il est membre. (Article 38 du
Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale).
Les Commissions spéciales et temporaires ou ad hoc sont créées pour des
circonstances particulières ou pour des questions déterminées sur lesquelles elles mènent des
enquêtes et rédigent un rapport destiné à leur chambre. Une fois leur mission accomplie, ces
commissions sont dissoutes. Ainsi la Commission constituée dans l’affaire Kahemba en
février 2007.
Les Commissions spéciales et temporaires au sein de l’Assemblée nationale sont
régies par les articles 41 et 42 du Règlement Intérieur de ladite Chambre. Elles sont
constituées à « l’initiative de la plénière, du Bureau de l’Assemblée Nationale, d’un Groupe
parlementaire, d’un Député ou du Gouvernement. » Ces Commissions spéciales et
temporaires ont pour mission d’examiner des questions spécifiques et ponctuelles ne relevant
ni des commissions permanentes ni du contrôle parlementaire.
La mission d’une Commission spéciale et temporaire ou d’une sous-commission
spéciale et temporaire prend fin par le dépôt de son rapport, selon le cas, au Bureau de
l’Assemblée nationale ou de la commission.
Les Commissions spéciales et temporaires peuvent également constituer des sous-
commissions. Toutefois, la Commission spéciale et temporaire ne peut dépasser vingt
membres désignés en tenant compte de la configuration politique de l’Assemblée nationale.
Quant au Sénat, l’article 36 de son Règlement intérieur précise qu’ « il est créé, au sein
du Sénat, les Commissions permanentes ci-après :

1. la Commission politique, administrative et juridique ;


2. la Commission des relations avec les institutions provinciales et les entités
décentralisées ;
3. la Commission économique, financière et de la bonne gouvernance ;
4. la Commission des relations extérieures ;
5. la Commission socio-culturelle ;
6. la Commission défense, sécurité et surveillance des frontières ;
7. la Commission environnement, ressources naturelles et tourisme ;
8. la Commission infrastructures et aménagement du territoire »

La Constitution connaît également l’existence de Commissions mixtes paritaires


(CPM). Composées d’autant de députés que de sénateurs, ces commissions ont pour mission
de concilier les points de vue lorsque les deux chambres sont en désaccord sur un texte
qu’elles doivent adopter en termes identiques (art. 113). Si la CMP ne parvient pas à
l’adoption d’un texte unique ou si le texte proposé par elle n’obtient pas l’assentiment des
deux chambres, l’Assemblée nationale statue définitivement, en reprenant soit le texte élaboré
par la CPM, soit le dernier texte voté par elle, modifié, le cas échéant, par un ou plusieurs des
amendements adoptés par le Sénat (art. 135).
Le Règlement Intérieur de l’Assemblée nationale et celui du Séant connaissent aussi
d’autres formations non directement définies par la Constitution. Il s’agit notamment du
Groupe parlementaire et de la Conférence des Présidents. Le groupe parlementaire est défini
comme tout groupe politique formé des membres de l’Assemblée nationale partageant les
mêmes opinions politiques. Il est un organe consultatif au sein de l’Assemblée nationale dans
les matières déterminées par le Règlement intérieur et dans celles pour lesquelles la plénière
ou le Bureau de l’Assemblée nationale décident de requérir leurs avis et considérations.
Le groupe parlementaire comprend vingt-cinq députés au moins et un député ne peut
faire partie que d’un seul Groupe parlementaire. Chaque Député est membre du groupe
parlementaire auquel appartient le parti politique dans le cadre duquel il a été élu. Le député
qui n’appartient à aucun groupe parlementaire est appelé non inscrit. Les groupes
parlementaires sont constitués pour la durée de la législature. Au Sénat, on parle de Groupe
politique et le groupe comprend six sénateurs au moins sans qu’aucun Sénateur ne puisse faire
partie de plus d’un Groupe politique (art 46 : Règlement intérieur de l’Assemblée nationale et
art. 50 et 51 Règlement intérieur du Sénat).
Quant à la Conférence des Présidents, elle est, au sein de l’Assemblée nationale, une
instance de concertation entre ses différents responsables. Elle est constituée des membres du
Bureau de l’Assemblée nationale, des Présidents des commissions, du Comité des sages, des
Présidents des Groupes parlementaires.
Présidée par le Président de l’Assemblée nationale, la Conférence des Présidents
établit le projet de calendrier de la session ordinaire sur proposition du Bureau, du
Gouvernement, des Présidents des Commissions ou des Présidents des Groupes
parlementaires. (Article 51 du Règlement Intérieur)
Au Sénat, la Conférence des Présidents est constituée des membres du Bureau du
Sénat, des Présidents des commissions permanentes, des Groupes politiques, des Groupes
provinciaux et du Comité de conciliation et d’arbitrage (art. 65 RI)
Alors que l’article 7 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale l’ignore,
l’article 114 crée au sein de cette chambre un Comité des sages composé de trois membres
par groupe parlementaire et des non inscrits, comprenant au moins un juriste en son sein. Ce
Comité des sages a pour rôle de conseiller et de concilier les parties litigantes. Les membres
de ce Comité sont désignés en fonction de leur sagesse et de leur probité morale.19

Au Sénat, on peut aussi mentionner les Groupes provinciaux et le Comité de


conciliation et d’arbitrage. Le Groupe provincial est constitué de l’ensemble des Sénateurs
élus d’une même province. C’est un organe chargé de soulever et de traiter les questions
particulières liées aux intérêts de sa province (art. 59 et 60 Règlement Intérieur du Sénat). Le
19
Article 7
Les organes de l’Assemblée nationale sont : 1. l’Assemblée plénière ; 2. le Bureau ; 3. les Commissions ; 4. les Groupes parlementaires ;
5. la Conférence des présidents.
Comité de conciliation et d’arbitrage a pour mission de conseiller, concilier et le cas échéant
départager par voie d’arbitrage les parties en conflit. Il comprend deux chambres siégeant
l’une au premier degré et l’autre au degré d’appel. La chambre du premier degré siège à trois
Sénateurs, la chambre d’appel à cinq. Chaque province est représentée par le doyen d’âge de
ses sénateurs. Il connaît des conflits opposant soit les Sénateurs entre eux, soit les Sénateurs
aux tiers lorsque ceux-ci, de leur propre gré et consentement, décident de le saisir (art 68-70
RI).

3. Le Congrès

Le Congrès correspond à la formation qui réunit l’Assemblée nationale et le Sénat en


une seule Chambre. Le Parlement se réunit en Congrès après l’élection de ses membres, en
vue de l’élaboration de son Règlement intérieur (art. 114). Les autres fois, les chambres se
réunissent en Congrès pour écouter le discours annuel du Chef de l’Etat sur l’état de la Nation
(art. 77), pour l’autorisation de la proclamation de l’état d’urgence, de l’état de siège et de la
déclaration de guerre (art. 119), pour désigner, dans leur proportion, les trois membres de la
Cour constitutionnelle (art. 158, al.1er), pour décider des poursuites contre le Président de la
République et contre le Premier Ministre, ainsi que de leur mise en accusation devant la Cour
constitutionnelle (art. 166, al. 1er) et pour l’adoption de la révision constitutionnelle
lorsqu’elle n’est pas soumise à référendum (art. 218, al.4).
Lorsque les deux Chambres sont réunies en Congrès, le Bureau est celui de
l’Assemblée nationale, mais la Présidence est assurée à tour de rôle par les Présidents de
l’Assemblée nationale et du Sénat (art. 120).
Comme chacune des Chambre du Parlement, le Congrès ne siège valablement que si la
majorité absolue de ses membres est présente. Mais les conditions d’adoption, c’est-à-dire la
majorité requise pour l’adoption d’un texte ou d’une résolution sont fixées par le Règlement
intérieur de la chambre ou du Congrès (art. 118). De même, les votes sont émis soit par appel
nominal et à haute voix, soit à main levée, soit par assis et levé, soit par bulletin secret, soit
par procédé électronique. En cas de délibération portant sur une personne, le vote s’effectue
par bulletin secret (art. 121).

§2. Les fonctions du Pouvoir législatif (Parlement)

En régime parlementaire ou en régime mixte (semi-parlementaire) comme c’est la cas


en République Démocratique du Congo, le Parlement a deux principales missions ou
fonctions : l’élaboration de la loi (A) et le contrôle du Gouvernement et de l’Administration
(B).

A. L’élaboration de la loi

Dans une société démocratique, la loi est la principale source du droit. C’est par elle
que le législateur exprime la volonté générale de la nation (ou du peuple) et fixe les
orientations et les objectifs généraux que le pouvoir exécutif doit ensuite poursuivre pour
tenter de les réaliser.
L’article 100 de la Constitution confie expressément la fonction d’élaboration de la loi
au parlement : « sans préjudice des autres dispositions de la présente constitution, le
Parlement vote les lois. »
Dans la fonction d’élaboration de la loi, le Parlement est astreint au respect de
certaines exigences, à défaut desquelles il encourt la sanction de la Cour constitutionnelle : le
respect du domaine de la loi et le respect de la procédure législative.

1. Le domaine de la loi

Dans les démocraties modernes, le Parlement n’est plus un pouvoir absolu et illimité.
Les effets pervers du parlementarisme absolu sur la stabilité du Gouvernement et sur
l’exécution de son programme, combinés avec la technicité et la complexité des problèmes
auxquels les pouvoirs publics sont confrontés, ont entraîné une certaine rationalisation du
parlementarisme et la limitation du domaine de la loi.
Le domaine législatif du Parlement est aujourd’hui doublement limité : il est limité par
les pouvoirs des assemblées provinciales d’une part, et par les pouvoirs du Gouvernement
central, titulaire du pouvoir réglementaire autonome.

a. Le domaine de la loi et les compétences des Assemblées provinciales

Les articles 201 à 205 répartissent les compétences législatives et ‘‘éditoriales’’ entre
le Pouvoir central et les Provinces. Ils distinguent trois domaines de compétences : les
compétences exclusives du Pouvoir central (art.202), les compétences concurrentes du
Pouvoir central et des Provinces (art. 203) et les compétences exclusives des Provinces (art.
204). En principe, aucun pouvoir ne peut intervenir dans le domaine de l’autre. Ce serait un
cas d’inconstitutionnalité sanctionné aussi bien par la Cour constitutionnelle que par les
juridictions administratives. Toutefois, l’article 205 instaure des aménagements à cette
répartition des compétences. Sur habilitation ou délégation par le pouvoir
constitutionnellement compétent, chaque pouvoir, central ou provincial, peut intervenir dans
le domaine de l’autre. Il n’empêche que le Parlement central est soumis ainsi à une contrainte
et à une limitation qui étaient auparavant inexistantes.

b. Le domaine de la loi, le pouvoir réglementaire autonome et la législation déléguée

Même limitée par l’existence du pouvoir provincial, la réserve législative doit encore
s’accommoder d’autres limitations au niveau central. Celles-ci viennent des articles 122, 123,
128 et 129.
Les articles 122 et 123 déterminent les matières dans lesquelles la loi, c’est-à-dire le
Parlement, fixe les règles (art. 122) ou détermine les principes fondamentaux (art. 123). Une
telle distinction entre ‘‘règles’’ et ‘‘principes fondamentaux’’ peut être déconcertante. La
doctrine la fonde sur le degré de détail et de précision auquel le législateur peut se livrer. Dans
les matières de l’article 122, le législateur peut descendre jusque dans les détails qui
permettent l’application de la norme, en se faisant plus précis. Par contre, dans les matières de
l’article 123, le législateur se limite à indiquer les orientations générales et laisse au pouvoir
réglementaire d’exécution des lois le soin de prendre des mesures d’application.
En dehors des matières attribuées expressis verbis au Parlement, c’est le
Gouvernement, plus précisément le Premier ministre ou le Chef de l’Etat, qui est l’organe
normateur. En effet, une fois que l’article 92 attribue le pouvoir réglementaire au premier
Ministre, l’article 128 précise que « les matières autres que celles du domaine de la loi ont un
caractère réglementaire. » Il s’agit là de ce que l’on appelle « pouvoir réglementaire
autonome » puisque non subordonné à la loi ou à une quelconque intervention du législateur.
Dans ces matières, le Premier ministre ou le Président de la République est subordonné à la
seule autorité de la Constitution.
Même dans les matières qui sont de la compétence du législateur, le Gouvernement
peut intervenir par des décrets-lois (ou ordonnances-lois), s’il estime qu’il y a urgence pour
son programme d’action et s’il reçoit habilitation par le Parlement et après ratification de son
texte par le même Parlement.

2. La procédure législative

La procédure législative comporte plusieurs phases. Elle va de l’initiative à l’entrée en


vigueur du texte, en passant par la discussion et le vote, la promulgation qui intervient après
un éventuel contrôle de la constitutionnalité du texte voté par le Parlement.

a. L’initiative des lois

En matière législative, le droit d’initiative est la faculté de déposer devant le Parlement


un texte auquel on voudrait qu’il confère la qualité et l’autorité de la loi. L’article 130 de la
Constitution attribue le droit d’initiative concurremment au Gouvernement et aux membres du
Parlement. Lorsque le droit d’initiative est exercé par le Gouvernement, il donne lieu à un
projet de loi, tandis que l’initiative des parlementaires donne lieu à une proposition de loi. Les
projets de loi sont d’abord adoptés en Conseil des ministres avant d’être déposés devant le
Bureau de l’une des chambres indifféremment. En effet, le Gouvernement est marqué par la
règle de la collégialité et chaque ministre applique dans son ministère, non pas un programme
personnel, mais le programme du Gouvernement tout entier et qui engage toute l’équipe
gouvernementale. Toutefois, le projet de loi de finances est obligatoirement déposé devant le
Bureau de l’Assemblée nationale (art. 130). Quant aux propositions de lois, elle sont notifiées,
avant leur délibération et adoption, au Gouvernement qui peut alors formuler ses observations
dans les quinze jours suivant la transmission.
Même si l’article 130 limite le droit d’initiative aux pouvoirs législatif et exécutif, on
peut néanmoins penser que, sur base de l’article 27, l’initiative populaire reste possible. Cet
article reconnaît à tout congolais « le droit d’adresser individuellement ou collectivement une
pétition à l’autorité publique qui y répond dans les trois mois. » Si la pétition est possible en
matière de révision constitutionnelle, on ne voit pas pourquoi elle serait exclue en matière
législative car il y a lieu d’appliquer le principe ou l’adage juridique selon lequel « qui peut le
plus peut le moins ».

b. La discussion et le vote

Le texte déposé sur le Bureau d’une chambre est d’abord examiné en commission.
Après ce travail préparatoire, il est soumis par la chambre à une première lecture et discussion
en plénière. Pendant cette discussion, les parlementaires et les membres du Gouvernement ont
un droit d’amendement, c’est-à-dire le droit de proposer des modifications du texte, soit par
des adjonctions, soit par des suppressions, soit encore par des transformations ou
reformulations de ses dispositions. A la fin de la discussion, le texte est soumis au vote de la
chambre.
Le texte ainsi voté, s’il obtient la majorité requise, est transmis à l’autre chambre qui
procède, elle aussi, à une première lecture et discussion avec droit d’amendement. Cette
discussion est également suivie de vote. Cet échange de texte entre les deux chambres est
appelé navette parlementaire. Le but de cette navette, c’est que les deux chambres adoptent
un texte en termes identiques.
Si un désaccord persiste entre les chambres, elles peuvent constituer une Commission
mixte paritaire (CMP). Elle est mixte parce qu’elle comprend des membres des deux
chambres ; elle est paritaire car elle comprend autant de députés que de sénateurs. Lorsqu’elle
est constituée, la CMP est chargée de proposer un texte de compromis. Le texte élaboré par
elle est soumis pour adoption aux deux chambres. Si la Commission ne parvient pas à
l’adoption d’un texte unique ou si son texte n’est pas approuvé par les chambres,
« l’Assemblée nationale statue définitivement. En ce cas, l’Assemblée nationale peut
reprendre soit le texte élaboré par la CPM, soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas
échéant, par un ou plusieurs amendements adoptés par le Sénat. » (art. 113 et 135).

c. Le contrôle de constitutionnalité

Il consiste à vérifier si le texte adopté par le Parlement est formellement et


matériellement conforme à la Constitution. Dans la procédure législative, il s’agit d’un
contrôle a priori et par voie d’action. Il s’exerce avant la promulgation de la loi et s’attaque
directement au texte voté. Ce type de contrôle est prévu par l’article 139. Il est mis en œuvre
par la Cour constitutionnelle sur saisine du Président de la République, du Premier ministre,
du Président de l’Assemblée nationale ou du Séant, du 1/10 ème des députés ou des sénateurs.
Les membres de l’Exécutif ont quinze jours à compter de la transmission du texte pour saisir
la Cour ; les membres du Parlement doivent agir dans les quinze jours suivant l’adoption
définitive du texte (art. 139).
Mais, ce contrôle n’est pas systématique ou obligatoire. La Cour constitutionnelle est,
comme les autres juridictions, soumis au principe de passivité. Elle n’agit que sur saisine et ne
peut s’autosaisir. Le contrôle est rendu obligatoire pour le Règlement intérieur du Sénat, de
l’Assemblée nationale, du Congrès, de la Commission électorale nationale indépendante
(CENI), du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC), pour les lois
organiques (art. 112, 120 et 160). La Cour constitutionnelle statue dans un délai de trente
jours. A la demande du Gouvernement, s’il y a urgence, ce délai est réduit à huit jours (art.
139 et 160).

d. La promulgation et l’entrée en vigueur

Dans les six jours qui suivent son adoption, la loi est transmise au Président de la
république pour sa promulgation. Le Premier Ministre en reçoit copie (ampliation). A compter
de cette transmission, le Chef de l’Etat a quinze jours pour éventuellement demander au
Parlement une deuxième délibération sur tout ou partie du texte. « Le texte soumis à une
deuxième délibération est adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat soit dans sa forme
initiale, soit après modification à la majorité absolue des membres qui les composent. » (art.
137)
La possibilité pour le Chef de l’Etat de solliciter une seconde délibération apparaît
comme une forme atténuée du droit de veto. Le Chef de l’Etat peut aussi mettre à profit ces
quinze jours pour saisir la Cour constitutionnelle aux fins de contrôle de la constitutionnalité
des lois, s’il estime que le texte transmis comporte une ou plusieurs dispositions
inconstitutionnelles. Dans le cas contraire, il doit promulguer la loi dans les quinze jours.
Passé ce délai, la promulgation est de droit. La promulgation est l’acte par lequel le Chef de
l’Etat atteste qu’une loi a été régulièrement délibérée et votée par le Parlement et donne
l’ordre qu’elle soit exécutée.
La promulgation est généralement suivie de la publication. La publication est l’acte
par lequel le contenu de la loi est porté à la connaissance des gouvernés. A compter de ladite
publication, plus personne n’est censé ignorer la loi.
Pour assurer une large connaissance des lois et pour protéger les citoyens contre les
effets de la fiction selon laquelle « nul n’est censé ignorer la loi », l’article 142 impose au
Gouvernement de pourvoir à la diffusion des lois en français et dans chacune des quatre
langues nationales « dans le délai de soixante jours à dater de la promulgation ».
Quant à l’entrée en vigueur, c’est le fait pour une loi de commencer à produire ses
effets à l’égard de ceux qui y sont assujettis. L’article 142 précise que « la loi entre en vigueur
trente jours après sa publication au Journal officiel, à moins qu’elle ne dispose autrement. »
Après son entrée en vigueur, la loi devient opposable aux gouvernés. L’entrée en vigueur peut
ainsi être concomitante à la signature du texte, différée à une date ultérieure, rarement et
exceptionnellement rétroactive. En principe, la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point
d’effet rétroactif. Mais le législateur peut déroger à ce principe. De même, les lois dites
‘‘interprétatives’’ rétroagissent à la date de la loi interprétée. Les autres hypothèses de
rétroactivité de la loi sont envisagées en droit pénal général.
En plus de l’élaboration de la loi, le Pouvoir législatif a aussi mission d’assurer le
contrôle du Gouvernement.

B. Le contrôle du Gouvernement

En démocratie, l’exigence de la bonne gouvernance et de transparence dans la gestion


des affaires publiques impose que les Gouvernants rendent des comptes. Les parlementaires
peuvent rendre des comptes au peuple lors des vacances parlementaires ou à l’occasion
d’élections périodiques pour justifier leur volonté de réélection. Les membres du
Gouvernement, eux, doivent rendre compte au parlement, dans lequel siègent les
représentants de la nation ou du peuple.
Dans une démocratie constitutionnelle qui se veut être en même temps un Etat de
droit, les membres de ces deux institutions politiques sont aussi placés sous le contrôle du
juge, soit au terme d’un contrôle de la constitutionnalité, soit au bout d’un contrôle de légalité
ou soit encore d’un engagement de leur responsabilité civile ou pénale.
L’article 100 stipule clairement que le Parlement « contrôle le Gouvernement, les
entreprises publiques ainsi que les établissements et services publics. » L’exercice efficace de
ce contrôle suppose que le Parlement dispose de moyens d’information et de contrôle et que
ce contrôle soit assorti de sanctions possibles.

1. Les moyens d’information et de contrôle : le contrôle fonctionnel

Ces moyens sont déterminés par l’article 138, al. 1er, selon lequel, « les moyens
d’information et de contrôle de l’Assemblée nationale et du Sénat, sur le Gouvernement, les
entreprises publiques, les établissements et services publics sont : la question orale ou écrite
avec ou sans débat non suivi de vote, la question d’actualité, l’interpellation, la commission
d’enquête, l’audition par les commissions. »
La question est un procédé de contrôle par lequel un parlementaire demande au
Gouvernement ou à un membre du Gouvernement de lui fournir une explication ou un
éclaircissement sur un point particulier relevant de sa compétence. Elle peut être écrite ou
orale, suivi ou non de débat. Dans tous les cas, elle ne donne par lieu à un vote parlementaire.
La question d’actualité a la particularité d’interroger le Gouvernement ou un de ses
membres sur la façon de gérer un dossier concernant un événement touchant la vie nationale
ou internationale du moment. Elle vise à connaître la position du Gouvernement sur un
dossier du moment.
L’interpellation est un procédé proche de la question. Théoriquement, « dans sa forme
et dans ses résultats, elle est beaucoup plus importante que la question. D’abord, le
Gouvernement est obligé de répondre. C’est la chambre qui fixe le jour de l’interpellation…
Ensuite, l’interpellation donne lieu à un débat auquel tous les parlementaires peuvent
participer… Enfin, l’interpellation se termine par un vote par lequel l’Assemblée précise son
attitude à l’égard du Gouvernement. »20 Ainsi, si l’interpellation manifeste un manque de
confiance de l’Assemblée nationale envers le Gouvernement, celui-ci démissionne.
Le Parlement peut aussi constituer des Commissions d’enquête, à propos d’une affaire
ou d’un problème déterminé. Il s’agit alors de commissions temporaires ad hoc, dont le
mandat est limité dans le temps et dans l’objet. Lorsque la commission finit sa mission, elle
rédige un rapport destiné à la Chambre, puis elle est dissoute.
Enfin, le Parlement peut procéder à l’audition de personnes intéressées par les
commissions permanentes qui sont constituées en son sein et qui sont plus ou moins
spécialisées dans les différents domaines de l’action du Gouvernement.

2. Les effets ou sanctions du contrôle : le contrôle organique

Les mécanismes de contrôle peuvent déboucher sur la mise en jeu de la responsabilité


politique des membres du Gouvernement ou sur la responsabilité pénale du Premier ministre.

a. Contrôle parlementaire et responsabilité politique des membres du Gouvernement

L’article 138, al. 2, assortit les moyens de contrôle de la possibilité de vote d’une
motion de censure ou de défiance, adoptée conformément aux articles 146 et 147 de la
Constitution. Il en résulte que, sous réserve des conditions d’adoption d’une telle motion, les
procédés de contrôle peuvent déboucher sur la démission des membres du Gouvernement, soit
individuellement, soit collectivement. Les moyens de contrôle acquièrent alors une portée
politique considérable en dépit de leur caractère apparemment anodin.

b. Contrôle parlementaire et responsabilité pénale du Premier ministre

Après avoir énoncé à son article 164 que la Cour constitutionnelle est juge pénal du
premier ministre pour, entre autres, outrage au Parlement, la Constitution affirme à l’article
165 qu’« il y a outrage au Parlement lorsque sur des questions posées par l’une ou l’autre
chambre du Parlement sur l’activité gouvernementale, le Premier ministre ne fournit aucune
réponse dans un délai de trente jours. » Dès la mise en accusation, le Premier ministre doit
présenter sa démission, selon le prescrit de l’article 166, al.3. Un tel dispositif peut poser des
problèmes à la fois politiques et pratiques. Sur le plan politique, que devient le Gouvernement
dont le chef et coordonnateur démissionne ? La démission du Premier Ministre entraîne-t-elle
celle de tout le Gouvernement ? Si même le Gouvernement reste en place, le départ de son
chef ne risque-t-il pas de désorganiser l’action gouvernementale ? Sur le plan pratique, la
démission du Premier Ministre dès la mise en accusation, n’est-elle pas une atteinte au droit à
la présomption d’innocence dont il bénéficie comme tout citoyen ? Si c’est le Gouvernement
tout entier qui démissionne collégialement, n’y a-t-il pas atteinte au principe selon lequel la
20
G. BURDEAU, F. HAMON et M. TROPER, Droit constitutionnel, Paris, LGDJ, 2003, 28ème édition, p. 353.
responsabilité pénale est personnelle et individuelle ? Ou alors, faut-il considérer l’outrage au
Parlement comme une infraction collective ou admettre que les ministres sont des complices
du Premier Ministre ? Si l’accusé est reconnu innocent, va-t-il recouvrer son poste ? En cas de
condamnation, le Premier ministre est déchu de ses charges. On peut s’interroger sur la portée
d’une telle déchéance lorsque le concerné a déjà démissionné.
S’il existe des mécanismes de contrôle entre les différents pouvoirs, il y a également
des modes de limitation des pouvoirs politiques par d’autres institutions qui constituent des
contre-pouvoirs.
On peut cependant constater qu’en République Démocratique du Congo le contrôle
parlementaire sur le gouvernement est biaisé et affaibli par le phénomène majoritaire qui
pousse les parlementaires du parti ou de la majorité à faire bloc autour des membres du
gouvernement, par la corruption dès lors que les questions et les motions donnent lieu à
l’achat des consciences de leurs auteurs ou signataires, par la présidentialisation du régime qui
donne une grande influence au chef de l’Etat (autorité morale de la majorité) et sans doute
aussi par l’incompétence de certaine parlementaires qui se forment sur le tas en cours de
mandat.

CHAPITRE DEUXIEME

LES CONTRE-POUVOIRS CONSTITUTIONNELS

Déjà en son temps, Montesquieu avait perçu la nécessité de constituer des contrepoids
au pouvoir pour une meilleure garantie des droits et libertés. Il faut, estimait-il, que le pouvoir
arrête le pouvoir. C’est dans cette optique qu’il a développé la théorie de la séparation des
pouvoirs. Dans cette théorie, Montesquieu envisageait le pouvoir de juger comme se
rapportant aux litiges entre particuliers et à la sanction des infractions commises par ces
derniers. Les nobles, en particulier les membres du corps législatif, devaient être jugés par
leurs pairs.
Dans les Etats modernes, avec le développement et la montée en puissance de la
notion d’Etat de droit, même la puissance étatique est soumise à l’exigence du respect du
droit. Le pouvoir juridictionnel s’applique désormais aux gouvernants et à leurs actes. C’est
dans ce sens que le pouvoir du juge est devenu un véritable contre-pouvoir face aux autres
pouvoirs (I) mais au-delà du juge, la Constitution elle-même organise d’autres institutions de
protection des valeurs démocratiques et des droits du citoyen. Ce sont notamment les
institutions d’appui à la démocratie, auxquelles on peut ajouter l’opposition politique (II).

Section I. LE POUVOIR JUDICIAIRE

D’après l’article 149 de la Constitution, le pouvoir judiciaire est dévolu aux Cours et
Tribunaux. La nouvelle Constitution instaure dorénavant en République Démocratique du
Congo deux ordres de juridictions, les juridictions judiciaires et les juridictions
administratives. A ces deux ordres, il faut ajouter la Cour constitutionnelle et la Cour des
comptes qui sont des juridictions particulières. Le pouvoir judiciaire ainsi constitué est « le
garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens. » (art. 150). Par
cette mission, ce pouvoir protège les citoyens, non seulement contre les autres particuliers,
mais aussi contre les pouvoirs publics.
Toutes les juridictions bénéficient d’une indépendance garantie par le Conseil
supérieur de la magistrature, CSM en sigle (§1). Si toutes les juridictions participent au
contrôle des gouvernants, c’est la Cour constitutionnelle qui le traduit au plus haut point (§2).

§1. Le Conseil supérieur de la magistrature et l’indépendance du pouvoir judiciaire

Il ressort clairement de la Constitution que le constituant congolais voudrait renforcer


l’indépendance de la justice vis-à-vis des pouvoirs politiques. L’exercice de la fonction
juridictionnelle est soumis à la seule autorité de la loi. La Constitution accorde aux
juridictions une certaine indépendance statutaire dès lors que la gestion de ce corps est
largement dépendante du Conseil supérieur de la magistrature.
En tant qu’organe de gestion du pouvoir judiciaire, c’est le Conseil supérieur de la
magistrature qui doit garantir l’indépendance de ce pouvoir par sa composition (A) et par ses
compétences (B).

A. La composition du Conseil Supérieur de la Magistrature et l’indépendance du


pouvoir judiciaire

. L’article 152 de la Constitution fait siéger au sein du Conseil supérieur de la


magistrature les représentants de tous les ordres de juridiction et à différents niveaux, les
magistrats du sièges et les magistrats debout, les juges civils et les juges militaires. Seuls les
magistrats du Tribunal de Grande Instance et ceux du Tribunal de paix ne sont pas
représentés.
Contrairement à ce qui était le cas dans la Constitution de Luluabourg où, sur base de
l’article 30, le Conseil Supérieur de la Magistrature avait comme président le Chef de l’Etat et
comme Vice-président le ministre de la justice, la nouvelle interprétation de la séparation des
pouvoirs fait que l’actuel Conseil Supérieur de la Magistrature est composé exclusivement des
magistrats. L’exécutif, ou plus précisément le Chef de l’Etat n’intervient que pour des
nominations ou des révocations faites sur proposition de ce Conseil. Ceci peut constituer un
élément supplémentaire de renforcement de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Le pouvoir
exécutif n’a donc plus d’influence interne à exercer sur les activités du pouvoir judiciaire.

B. Les compétences du Conseil Supérieur de la Magistrature et l’indépendance


du pouvoir judiciaire

L’indépendance du pouvoir judiciaire est affirmée par les dispositions tant théoriques
que pratiques de la Constitution. Les dispositions théoriques sont celles qui affirment
directement l’indépendance du pouvoir judiciaire. Les dispositions pratiques sont celles dont
on peut déduire une telle indépendance, notamment celles qui comportent définition des
compétences du Conseil Supérieur de la Magistrature.
Parmi les premières, on peut mentionner les articles 149, 150 et 151. L’article 149
affirme explicitement que « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du
pouvoir exécutif. » L’article 150 renforce cette disposition en ajoutant que « les juges ne sont
soumis dans l’exercice de leur fonction qu’à l’autorité de la loi. » Le même article réaffirme le
principe de l’inamovibilité du magistrat du siège. Celui-ci « ne peut être déplacé que par une
nomination nouvelle ou à sa demande ou par rotation motivée décidée par le Conseil
supérieur de la magistrature. » C’est dans le même sens que l’article 151 fait défense et
interdiction aux pouvoirs législatif et exécutif d’adresser des injonctions au juge dans
l’exercice de ses fonctions, de statuer sur les différends, d’entraver le cours de la justice ou de
s’opposer à l’exécution d’une décision de justice. En conséquence, « toute loi dont l’objectif
est manifestement de fournir une solution à un procès en cours est nulle et de nul effet. »
Toutes ces dispositions sont une traduction du principe de séparation des pouvoirs.
C’est aussi à travers les attributions du Conseil supérieur de la magistrature
qu’apparaît l’indépendance du pouvoir judiciaire. C’est en effet le Conseil Supérieur de la
Magistrature qui élabore les propositions de nomination, de promotion et de révocation des
magistrats, qui exerce le pouvoir disciplinaire sur les magistrats et donne des avis en matière
de recours en grâce.
Du point de vue de l’autonomie financière du pouvoir judiciaire, l’article 149, al. 7
stipule que « le pouvoir judiciaire dispose d’un budget élaboré par le Conseil supérieur de la
magistrature et transmis au Gouvernement pour être inscrit dans le budget général de l’Etat.
Le Premier Président de la Cour de cassation en est l’ordonnateur». Cette disposition confie
au Conseil Supérieur de la Magistrature le pouvoir d’élaborer le budget de la justice et de le
transmettre au Gouvernement qui se limite à le transcrire au budget général de l’Etat. Une fois
adopté par le Parlement dans la loi de finances, le budget du pouvoir judiciaire est exécuté par
le Premier Président de la Cour de cassation qui en est l’ordonnateur, assisté par le Secrétariat
permanent du Conseil Supérieur de la Magistrature. Il en résulte que les juges auront la
maîtrise de leurs moyens financiers. En effet, le projet ne laisse au Gouvernement aucune
marge d’appréciation ou de révision du budget élaboré par le Conseil supérieur de la
magistrature. Il doit simplement l’inscrire au budget général. En outre, le Gouvernement ne
peut intimider les magistrats en refusant de débloquer les fonds dont ils auraient besoin, dès
l’instant où l’ordonnateur est lui-même un magistrat. Une telle disposition peut contribuer à
résoudre les problèmes liés à la misère de la justice congolaise. La constitution contient donc
les bases nécessaires pour faire des juridictions congolaises un véritable pouvoir au sens de la
théorie de la séparation des pouvoirs. C’est cette indépendance que tente aussi de traduite la
loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant nouveau statut des magistrats.21
Toutefois, la question de l’indépendance des juges est complexe et ne saurait être réduite
aux seuls rapports avec le pouvoir politique, en particulier l’Exécutif. Elle comporte des
aspects statutaires, financiers et éthiques.
Après avoir posé le principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’article 149 de
la Constitution inclut dans ce pouvoir aussi bien les magistrats du siège que ceux du parquet.
A terme, le pouvoir judiciaire bénéficie d’une indépendance à la fois organique
(relativement), fonctionnelle et financière.
Des observations ont été faites précédemment sur la nécessité d’envisager
différemment l’indépendance du parquet et celle des magistrats du siège, en même temps
qu’il faut envisager l’indépendance du juge vis-à-vis d’autres pouvoirs sociaux.
La révision constitutionnelle du 20 janvier 2011 a indirectement rattaché le parquet au
Ministre de la justice en le soustrayant du pouvoir judiciaire. Le projet de révision affirmait
plus expressément ce type de rattachement. Une sorte d’ « hypocrisie politique » a omis cette
clarté du texte final. Nous avons précisé que cette autorité doit se limiter aux orientions
générales de politique répressive. Si elle s’exerce par des instructions particulières, le ministre
de la justice risque alors de jouer le rôle du parquet et instruire des procès spécifiques. Ce qui
risque d’entamer l’indépendance du parquet, surtout lorsqu’il doit apprécier l’opportunité des
poursuites contre les membres des partis au pouvoir ou de l’opposition politique. Ce serait à
nouveau la politisation de la justice. On sait bien que lorsque la politique entre au prétoire, la
justice en sort.
Au sein du pouvoir judiciaire, la Cour constitutionnelle occupe une place de choix en
raison de la portée de son contrôle sur les autres pouvoirs.

21
Cf. JORDC, n° spécial, 47ème année, Kinshasa, 25 octobre 2006, pp. 1-21.
§2. La Cour constitutionnelle

Au cœur du pouvoir judiciaire, la Cour constitutionnelle se situe comme la cerise sur


le gâteau. Comme la plupart des pays qui traversent des transitions démocratiques ou sortent
de telles périodes, la République démocratique du Congo vient de se doter d’une Cour
constitutionnelle. La justice constitutionnelle est devenue, de nos jours, un des baromètres de
la démocratie et de l’Etat de droit. C’est elle qui illustre, au plus haut point, le degré de
contrôle exercé sur les gouvernants. Car elle porte sur l’expression même de la volonté
générale et souveraine. Avec la justice constitutionnelle, même le législateur est soumis au
droit, à la Constitution. La justice constitutionnelle permet de ce fait, d’établir un double
niveau dans l’expression de la volonté générale : le niveau de la Constitution qui correspond à
la volonté générale initiale et primaire et celui de la loi qui est l’expression seconde et dérivée
de la volonté générale. En imposant la suprématie de la première sur la seconde, la justice
constitutionnelle assurerait, à en croire Dominique Rousseau, une démocratie continue.
Encore faut-il que cette Cour constitutionnelle instituée par l’article 157 de la
Constitution ne subisse pas le sort de certaines de celles qui l’ont précédée. En effet, ce n’est
pas la première fois que le Congo, puis le Zaïre, se dote d’une telle institution. Déjà la loi
fondamentale du 19 mai 1960, avait institué une Cour constitutionnelle, composée, à côté
d’une chambre des conflits et d’une chambre d’administration, d’une chambre de la
constitutionnalité ayant des compétences consultatives et juridictionnelles (Cf. art. 226-236).
La Constitution de Luluabourg du 1er août 1964 a créé une Cour constitutionnelle compétente
notamment en matière de contrôle de constitutionnalité des lois, de répartition des
compétences entre les organes nationaux et provinciaux, d’interprétation de la Constitution et
de contentieux électoral ou référendaire. Sous le régime de la Constitution du 24 juin 1967, la
révision constitutionnelle du 23 décembre 1970 a classé la Cour constitutionnelle parmi les
institutions de la République. Mais cette Cour a, en réalité, été étouffée par la Cour suprême
de justice. Enfin, la Conférence nationale souveraine a, elle aussi, instauré une Cour
constitutionnelle (voir art. 134-137 du projet de constitution). Mais tout le monde sait que ce
texte n’a jamais été appliqué. Cependant, le germe étouffé na pas séché de ses racines. La
Cour constitutionnelle vient de ressurgir, d’ailleurs avec des compétences accrues et avec
une saisine plus ouverte. Cette Cour constitutionnelle qui vient bousculer le paysage
juridictionnel congolais devrait redynamiser le droit constitutionnel congolais par sa
jurisprudence et contribuer à transformer le système politique congolais.
Une telle juridiction peut soulever un certain nombre d’interrogations concernant
notamment son organisation, son fonctionnement, ses compétences et les modalités de sa
saisine. S’agissant de l’organisation et du fonctionnement de la Cour constitutionnelle, la
Constitution renvoie à une loi organique (art. 169). Néanmoins, la Constitution fournit des
indications sur la composition de la Cour et sur ses compétences (A) et aussi sur les modalités
de sa saisine (B).

A. La composition et les compétences de la Cour constitutionnelle

L’analyse de la composition de la Cour constitutionnelle porte à envisager, d’une part,


les membres de cette Cour, et, d’autre part, les incompatibilités qui s’appliquent à eux et qui
permettent d’appréhender leur statut.
1. La composition de la Cour constitutionnelle

a. Les membres de la Cour constitutionnelle

D’après l’article 158 de la Constitution, la Cour constitutionnelle est composée de neuf


membres nommés par le Président de la République, pour un mandat de neuf ans non
renouvelable. La désignation de ces neufs membres fait intervenir les trois pouvoirs de l’Etat.
En effet, trois sont désignés par le Parlement réuni en Congrès, c’est-à-dire les deux
Chambres, Assemblée nationale et Sénat, siégeant ensemble ; trois autres sont choisis par le
Chef de l’Etat et les trois derniers sont désignés par le Conseil supérieur de la magistrature,
organe de gestion du pouvoir judiciaire. Le renouvellement se fait par tiers tous les trois ans et
suivant le procédé du tirage au sort d’un membre par groupe. Les groupes sont constitués
suivant l’autorité de désignation. L’équilibre est ainsi maintenu lors de chaque
renouvellement.
La Cour est présidée par un Président élu par ses pairs pour une durée de trois ans,
renouvelable une seule fois.
Pour être nommé membre de la Cour constitutionnelle, il faut être Congolais et
justifier d’une expérience éprouvée de 15 ans dans les domaines juridique ou politique.
L’article 159 ne précise pas si la nationalité des membres de la Cour est d’origine ou
d’acquisition. Cela laisse entendre que même les Congolais issus de l’immigration par
naturalisation pourraient siéger dans la Cour constitutionnelle.

Toutefois, l’article 158 précise que « les deux tiers des membres de la Cour
constitutionnelle doivent être des juristes, provenant de la magistrature, du barreau ou de
l’enseignement universitaire. » Autrement dit, dans chaque groupe, deux sur trois
devraient satisfaire à cette condition. L’article 5 de la loi n° 13/026 du 15 octobre 2013
portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle précise cependant que
dans le but d’assurer le respect des proportions fixées à l’alinéa précédent, « deux membres
désignés par le Président de la République et un membre désigné par le Parlement doivent être
issus du barreau ou de l’enseignement universitaire. Les trois membres désignés par le
Conseil Supérieur de la Magistrature sont exclusivement choisis parmi les magistrats en
activité. »

Combinée avec la désignation politique, cette condition soulève la question du statut de la


Cour.
Sur le plan judiciaire, les membres de la Cour constitutionnelle sont justiciables de la
Cour de cassation (art.153).
En plus de neuf juges, la Cor comprend également :
-un Greffe dirigé par un Greffier en Chef
-un Parquet constitué d’un Procureur Général est assisté d’un ou de plusieurs Premiers
Avocats Généraux et d’un ou de plusieurs Avocats Généraux, tous nommés, conformément au
statut des magistrats, par le Président de la République, pour un mandat de trois ans
renouvelable une seule fois, parmi les magistrats de l’ordre judiciaire ou administratif ayant
au moins quinze ans d’expérience, sur proposition du Conseil Supérieur de la Magistrature
(art. 13, L.O). En matière pénale, il recherche et constate les infractions relevant de la
compétence de la Cour, soutient l’accusation et requiert les peines. Dans les autres matières
de la compétence de la Cour, il émet des avis motivés ( art. 14, al. 2 et 3). Le Parquet est assisté
d’un secrétariat dirigé par un Premier Secrétaire
-un corps de Conseillers référendaires, dont le nombre ne peut excéder 60, recrutés sur
concours avec au moins trois quarts de juristes, de nationalité congolaise, justifiant d’un
diplôme de licence en droit (pour les juristes), de bonne moralité et justifiant d’une expérience
professionnelle de 10 ans au moins dans le domaine juridique, administratif ou politique (pour
les juristes) et de 15 ans dans le domaine politique ou administratif (pour les non juristes). Les
Conseillers référendaires assistent la Cour dans l’étude et la préparation technique des
dossiers dont elle est saisie. (art. 20 à 25 de la loi organique n° 13/026 DU 15 octobre 2013 portant organisation et
fonctionnement de la Cour constitutionnelle.)

b. Le statut de la Cour constitutionnelle

La question du statut d’une juridiction constitutionnelle consiste à se demander s’il


s’agit d’un organe politique ou d’un organe juridictionnel (c’est-à-dire d’une juridiction) Un
organe est considéré comme politique s’il est désigné discrétionnairement par des autorités
politiques, membres du Parlement et/ou de l’Exécutif. En revanche, un organe est
juridictionnel s’il est composé de magistrats.
On reproche souvent à un organe politique de manquer d’indépendance et
d’impartialité et d’être générateur de conflits ente la logique libérale et la logique
démocratique, entre les exigences de l’Etat de droit et celles de la démocratie représentative.
Par contre, l’organe juridictionnel est auréolé de vertus de la qualification, de la
compétence juridique et de l’impartialité, qui sont les conditions d’une bonne et équitable
justice.
La Cour constitutionnelle congolaise semble se situer à mi-chemin entre ces deux
types d’organes. La désignation par les autorités politiques plaide pour un organe politique.
Mais l’exigence des qualités de juristes professionnels à l’expérience éprouvée pour les 2/3
des membres fait pencher vers un organe de type juridictionnel, sans oublier son appellation
de ‘‘Cour’’ qui relève de la terminologie juridictionnelle. En France, la juridiction de même
nature est dénommée ‘‘Conseil’’. En faveur du caractère juridictionnel de la Cour, on peut
aussi évoquer l’application du principe du contradictoire même si la procédure est écrite et
l’autorité absolue de la chose jugée qui s’attache aux arrêts de la Cour Constitutionnelle.
On peut donc s’attendre à ce que la Cour constitutionnelle soit un organe politico-
juridictionnel, sinon tout simplement une juridiction constitutionnelle. Il s’agit cependant ici
d’une projection dans le futur que confirmera ou infirmera la jurisprudence de ladite Cour.
Si une loi organique doit encore préciser l’organisation et le fonctionnement de la
Cour constitutionnelle, la Constitution indique déjà les compétences de la Cour
constitutionnelle.

2. Les compétences de la Cour constitutionnelle

La compétence principale de la Cour constitutionnelle est l’exercice du contrôle de la


constitutionnalité des lois. Mais, la Cour détient aussi d’autres compétences.

a. Le contrôle de la constitutionnalité
Le contrôle de la constitutionnalité des lois consiste à vérifier la conformité à la
Constitution des lois et des actes ayant force de loi. En cas de non conformité, l’organe de
contrôle prononce l’annulation de l’acte violateur de la Constitution.
Le contrôle de la constitutionnalité est obligatoire pour les lois organiques, les
règlements intérieurs des chambres parlementaires, du Congrès, de la Commission électorale
nationale indépendante et du Conseil supérieur de l’audio-visuel et de la Communication.
Pour les autres lois, le contrôle est facultatif. Il ne sera possible que lorsqu’un
plaignant aura saisi la Cour pour inconstitutionnalité.
La Cour constitutionnelle peut également être saisie d’un recours en
inconstitutionnalité d’un acte réglementaire. Il s’agit ici surtout du cas où l’autorité
réglementaire aurait empiété sur le domaine de compétence du législateur ou des provinces. Si
par contre les actes réglementaires sont contraires aux lois, le contrôle de la légalité relève du
juge administratif, à l’occurrence, pour les actes des autorités centrales, du Conseil d’Etat.
Lorsqu’elle est saisie pour inconstitutionnalité, la Cour constitutionnelle dispose de 30
jours pour statuer. Toutefois, en cas d’urgence, et à la demande du Gouvernement, la délai est
réduit à 8 jours (art. 139 et art. 160). Dès lors que la Constitution définit les droits et les
libertés des citoyens, le contrôle de la constitutionnalité des lois pourrait amener la Cour
constitutionnelle à jouer le rôle de protectrice des droits et libertés.

b. Les autres compétences de la Cour constitutionnelle

La Cour constitutionnelle est compétente aussi pour le contentieux de


l’interprétation de la Constitution. Pour cela, elle est saisie par le Président de la République,
par le Gouvernement, par le Président du Sénat, par le Président de l’Assemblée nationale, par
le 1/10ème des membres de chaque chambre, par les Gouverneurs de Province ou par les
Présidents des Assemblées provinciales (art.161).
Par ailleurs, la Cour constitutionnelle est juge du contentieux électoral, lorsqu’il
s’agit des élections présidentielles et législatives, et du scrutin référendaire.
En outre, elle est juge de la répartition des compétences. Les conflits de compétence
peuvent surgir à différents niveaux. Il peut s’agir d’un conflit entre le pouvoir législatif et le
pouvoir exécutif au niveau national. En effet, la Constitution détermine un domaine de
compétence du législateur aux articles 122 et 123, puis l’article 128 précise que « les matières
autres que celles du domaine de la loi ont un caractère réglementaire. » Dans ces matières, le
Premier Ministre dispose d’un pouvoir réglementaire autonome. Il pose des règles initiales. Si
le Parlement empiète sur le domaine réglementaire, la Cour constitutionnelle tranchera le
conflit.
Un autre conflit de compétence peut surgir entre le Pouvoir central et les Provinces sue
la base des articles 202 à 205 de la Constitution. Ici aussi, la Cour constitutionnelle est
compétence pour départager ces différents pouvoirs.
Enfin, des conflits peuvent surgir entre les juridictions de l’ordre judiciaire et celles de
l’ordre administratif. On parle de conflit positif si les juridictions des deux ordres se déclarent
compétentes. Le conflit est négatif si les juridictions se disent incompétentes ; ce qui risque de
provoquer un déni de justice au détriment du justiciable demandeur.
Dans son pouvoir de contrôle de la constitutionnalité des Edits et des actes
réglementaires provinciaux, la Cour constitutionnelle peut être amenée à trancher un conflit
de compétence entre les Assemblées provinciales et les Exécutifs provinciaux.

La Cour constitutionnelle est également investie de compétences en matière pénale.


Elle est la juridiction pénale du Chef de l’Etat et du Premier Ministre pour les infractions
politiques de haute trahison, d’outrage au Parlement, d’atteinte à l’honneur ou à la probité,
pour délit d’initié et pour les infractions de droit commun commises dans l’exercice ou à
l’occasion de l’exercice de leurs fonctions (art. 164).22

22
L’article 165 définit les différentes infractions, autre que celles de droit commun :
Il y a haute trahison lorsque le Président de la République a violé intentionnellement la Constitution ou lorsque lui ou le Premier
ministre sont reconnus auteurs, co-auteurs ou complices de violations graves et caractérisées des Droits de l’Homme, de cession d’une partie
du territoire national.
Il y a atteinte à l’honneur ou à la probité lorsque le comportement personnel du Président de la République ou du Premier
ministre est contraire aux bonnes mœurs ou qu’ils sont reconnus auteurs, co-auteurs ou complices de malversation, de corruption ou
d’enrichissement illicite.
Si le Président de la République ou le Premier Ministre mis en accusation par le
Congrès est reconnu coupable, il est frappé d’une déchéance prononcée par la Cour
constitutionnelle.
On pourrait mentionner d’autres compétences de la Cour constitutionnelle disséminées
dans la Constitution. Ainsi, c’est elle qui déclare la vacance de la présidence de la
République et, dans ce cadre, elle peut prolonger jusqu’à 120 jours au lieu de 90, à la
demande de la Commission électorale nationale indépendante, le délai d’organisation de
l’élection du nouveau Président de la République (art. 76). Par ailleurs, c’est la Cour qui
reçoit le serment du Président de la République avant son entrée en fonction (art. 74).
C’est aussi cette Cour qui reçoit le dépôt de la déclaration de patrimoine du Président de la
République et des membres du Gouvernement et la communique à l’Administration fiscale
(art. 99).
Enfin, et sans prétendre à l’exhaustivité, la Cour constitutionnelle est chargé, en vertu
de l’article 216, du contrôle de la ‘‘constitutionnalité des traités’’ ou, si l’on préfère, de la
‘‘conventionnalité de la Constitution’’. En effet, en cas de non conformité entre le traité et la
Constitution, cette dernière est révisée avant la ratification du traité.
Dans les domaines de sa compétence, les arrêts rendus par la Cour constitutionnelle ne
sont susceptibles d’aucun recours et sont immédiatement exécutoires. Ils sont obligatoires et
s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles,
civiles et militaires ainsi qu’aux particuliers (art. 168).
Comme bien de juridictions et de juges, la Cour constitutionnelle est astreinte au
principe procédural de passivité. Elle ne peut s’auto-saisir. Il faut alors examiner les modalités
de sa saisine.

B. Les modalités de la saisine de la Cour constitutionnelle

La question de la saisine de la Cour constitutionnelle est l’un des points où la nouvelle


Constitution traduit une certaine incohérence. Le texte constitutionnel renferme une certaine
ambiguïté en consacrant toutes les formes de saisine, ce qui aboutit, tout compte fait, à une
saisine très ouverte.

1. La consécration de toutes les formes de saisine

En théorie générale du droit constitutionnel, on distingue, d’une part, le contrôle par


voie d’action et le contrôle par voie d’exception, le contrôle fermé et le contrôle ouvert et,
d’autre part, le contrôle a priori et le contrôle a posteriori. A y regarder de près, la
Constitution congolaise consacre tous ces types de contrôle.
Si l’on s’en tient aux articles 139 et 160, la Cour constitutionnelle est saisie par voie
d’action et a priori, d’un recours en inconstitutionnalité, par le Président de la République, le
Président du Sénat, le Président de l’Assemblée nationale, le 1 er ministre ou le 1/10ème des
Députés ou des Sénateurs. Dès l’instant où l’article 139 précise qu’il s’agit d’une loi à
promulguer, on en déduit que le contrôle est a priori et par voie d’action. Il s’effectue avant la
promulgation de la loi et consiste en un recours dressé contre la loi elle-même.

Le délit d’initié consiste, dans le chef du Président de la République ou du Premier ministre, à effecteur des opérations sur des
valeurs immobilières ou sur des marchandises à l’égard desquelles il possède des informations privilégiées et dont il tire profit avant que ces
informations soient connues du public. Le délit d’initié englobe l’achat ou la vente d’actions fondée sur des renseignements qui ne seraient
jamais divulgués aux actionnaires.
Il y a outrage au Parlement lorsque sur des questions posées par l’une ou l’autre Chambre du Parlement sur l’activité
gouvernementale, le Premier ministre ne fournit aucune réponse dans un délai de trente jours. Il ressort que l’outrage au Parlement est un
délit imputable seulement au Premier ministre et non au Chef de l’Etat.
Tout en donnant à l’opposition politique la possibilité d’attaquer un texte adopté par la
majorité parlementaire, ces articles organisent une saisine fermée, c’est-à-dire réservée à
quelques autorités limitativement énumérées.
Si en revanche on retient l’article 162, les ambiguïtés apparaissent alors. A première
vue, cet article semble consacrer à l’exception d’inconstitutionnalité, c’est-à-dire au recours
par voie d’exception qui se greffe sur un procès pendant devant une juridiction et conteste une
loi déjà promulguée et déjà en vigueur (alinéas 1 et 3). La saisine est alors a posteriori et se
fait par voie d’exception. Mais, l’alinéa 2 vient briser cette harmonie. Sans plus mentionner la
procédure de l’exception, il stipule que « toute personne peut saisir la Cour constitutionnelle
pour inconstitutionnalité de toute acte législatif ou réglementaire. » Il en résulte ainsi une
saisine très ouverte.

2. Une saisine très ouverte

L’article 162, al. 2 vient ouvrir largement la porte de la saisine que les articles 139 et
160 avaient semblé restreindre. La saisine de la Cour constitutionnelle est accessible à tous les
citoyens, surtout que la Constitution ne prévoit pas de mécanisme de filtrage.
En définitive, la saisine a priori est fermée. Ceci semble logique car les autorités
politiques sont seules informées du contenu d’un texte non promulgué et seules elles peuvent
en contester la constitutionnalité. De fait, après d’adoption d’un texte de loi par le Parlement,
le texte est transmis au Chef de l’Etat aux fins de promulgation et le Premier Ministre en
reçoit ampliation.
Par contre la saisine a posteriori est ouverte à tous, aussi bien par voie d’action que
par voie d’exception.
Une telle ouverture de la saisine, sans aucun mécanisme de filtrage, si elle peut
favoriser la protection des droits et libertés individuelles, peut néanmoins provoquer une
explosion de saisines, un encombrement de la juridiction constitutionnelle et lui faire manquer
sa mission. Elle peut également provoquer une paralysie systématique des lois et un blocage
du processus législatif car, quelle que soit son degré de perfection, une loi peut toujours
déplaire à un certain nombre de citoyens qui pourront se servir du mécanisme du contrôle de
constitutionnalité pour bloquer, ou tout au moins différer l’entrée en vigueur de la loi en
faisant planer sur elle l’ombre et la menace de l’annulation. Il eut été souhaitable que ces
articles soient mieux harmonisés et, au besoin, fondus en un seul article construit avec plus de
cohérence.

Section II. LES INSTITUTIONS D’APPUI A LA DEMOCRATIE ET L’OPPOSITION


POLITIQUE

Les pouvoirs politiques congolais peuvent également rencontrer des contre pouvoirs
dans les institutions d’appui à la démocratie (§1). Bien qu’elle ne dispose pas directement des
commandes du pouvoir, et peut-être justement à cause de cela, l’opposition politique peut se
révéler un contre-pouvoir redoutable (§2).
§1. Les institutions d’appui à la démocratie

Parmi les institutions d’appui à la démocratie, la Constitution classe la Commission


électorale nationale indépendante (CENI) (A) et le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la
Communication (CSAC) (B). Une loi de 2013 y a ajouté la Commission nationale des droits
de l’homme (C).

A. La Commission Electorale Nationale Indépendante

Elle est instituée par l’article 211 de la Constitution en vue du remplacement de celle
que, pendant la transition, on appelait le Commission électorale indépendante (CEI). Dans une
démocratie, les citoyens bénéficient de droits et civils et politiques. Si les droits civils sont liés
à la personne de l’individu, à ses relations familiales et à ses rapports avec son patrimoine, les
droits politiques permettent aux citoyens de participer à l’exercice des pouvoirs émanant de la
nation. Parmi ces droits, celui de participer au vote à l’occasion d’élections ou de
référendum, et celui de se porter candidat à des postes électifs, ou encore le droit d’accès aux
fonctions publiques sont parmi les plus importants qui découlent du lien de nationalité.
Face à la tentation des gouvernants de se maintenir au pouvoir à tout prix et par touts
les moyens, au besoin par des manipulations de la Constitution, l’organisation périodique
d’élections constitue un formidable moyen de protection des droits politiques et de limitation
des pouvoirs. En outre, il ne suffit pas d’organiser les élections, il faut encore en assurer la
régularité. En remplissant cette mission, la Commission Electorale Nationale Indépendante
peut devenir un contre-pouvoir utile pour les citoyens et pour la démocratie.

B. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication

Il a été mis en place par l’article 212 de la Constitution en prévision du remplacement


de l’ancienne Haute Autorité des Médias (HAM). La liberté d’expression et la liberté de la
presse ont fait des médias, en tant que support de l’opinion, un véritable pouvoir. On admet
même que les démocraties actuelles sont des démocraties d’opinion. Dans les démocraties
occidentales, c’est l’alliance entre les juges, les médias et l’opinion qui a permis la lutte contre
la corruption politique à travers les opérations dites « mani pulite » en Italie, ou « mains
propres » en France.
En garantissant la liberté et la protection de la presse, la déontologie des
professionnels des médias et l’égal ou équitable accès des partis politiques, des associations et
des citoyens aux moyens officiels d’information et de communication, le CSAC est le
défenseur du pluralisme politique ou idéologique dans l’information et, de ce fait, un contre-
pouvoir face à ceux qui voudraient imposer la pensée unique.

C. La Commission nationale des droits de l’homme

Elle a été créée par la loi n° du . Cette commission est censée renforcer le
système de protection des droits et libertés affirmés par la Constitution de 2006.
La Commission nationale des droits de l’homme est un organisme consultatif doté de
la personnalité juridique et ayant le statut d’institution d’appui à la démocratie. Pour garantir
son indépendance, la loi lui accorde une autonomie administrative, financière et technique et
rend son siège ainsi que ses représentations en provinces inviolables.
Sa composition est réservée à la société civile en vue de lui assurer une indépendance
et d’en faire ainsi une institution d’appui à la démocratie. La CNDH comprend :
- l’Assemblée générale qui est l’organe de conception, d’orientation et de décision ;
- le Bureau exécutif qui est l’organe de coordination composé d’un Président, de deux vice-
présidents, d’un Secrétaire exécutif et d’un secrétaire exécutif adjoint, tous élus par
l’Assemblée générale et investis par ordonnance présidentielle ;
Les membres de la Commission ont droits à des indemnités et avantages qui leur
assurent indépendance et, à la fin de leurs fonctions, ils reçoivent une indemnité équival ant à
6 mois de leur traitement mensuel.
- les sous-commissions qui sont des subdivisions de la Commission. Elles sont au nombre de
4, respectivement chargées des droits civiles et politiques, des droits économiques, sociaux et
culturels, des droits de solidarité, paix et développement et des droits de la femme etde
l’enfant.
La Commission nationale des droits de l’homme est présidée par le Président du Bureau
exécutif.
Ces organes sont assistés d’un secrétariat. En province, elle dispose de Bureaux de
représentation provinciale et elle peut ouvrir des Bureaux locaux.
La qualité de membre de la commission est incompatible avec celle d’agent public et
est subordonnée à des conditions de nationalité, d’âge (35 ans), de diplôme (graduat au
moins), d’expérience professionnelle (10 ans), de connaissance approfondie des droits
humains, d’aptitude physique, de casier judiciaire vierge.
Parmi ses attributions, on mentionne la promotion des droits et libertés
constitutionnellement affirmés, l’accompagnement judiciaire des victimes des violations
avérées des droits humains aussi bien des Congolais à l’intérieur et à l’extérieur du pays que
des étrangers résidants en RDC. Dans son rôle consultatif, la CNDH/RDC accompagne le
Gouvernement par des conseils, des propositions et des avis relatifs aux droits humains, au
DIH.
En outre, elle veuille à l’application des textes nationaux, régionaux et internationaux
relatifs aux droits humains et à l’harmonisation de la législation nationale avec ces divers
textes. Le CNDH joue aussi un rôle d’éducation civique car elle doit contribuer à faire
connaître leurs droits aux citoyens et au renforcement des capacités d’intervention des
associations de défense des droits de l’homme. Enfin, un rédige et publie des rapports
semestriels sur la situation générale des droits de l’homme en RDC.
La saisine de la Commission est assez ouverte : elle est accessible à toute personne,
physique ou morale qui s’estime victime de violation de ses droits. La Commission peut
même se saisir d’office. Dans l’accomplissement de ses missions, elle peut solliciter le
concours de toutes autorités, même des forces de l’ordre qui ne peuvent le lui refuser et elle
peut accéder à tout lieu pour vérifier les allégations dont elle est saisie.

§2. Le statut de l’opposition politique

« L’idée de parti politique a quelque chose qui est politiquement contre nature, elle est
synonyme de division, et la sagesse nous apprend depuis Platon qu’il n’y a pas de pire mal
pour la vie de la Cité que ce qui la divise. »23 L’opposition serait dans ce contexte une
« hérésie » par rapport aux valeurs politiques des partis dominants. Et pourtant, le phénomène
partisan est absolument incontournable. Avec la vague de démocratisation des systèmes
politiques jusqu’alors marqués par l’exclusion, le pluralisme a acquis tous ses titres de
noblesse et de valeur universelle. Les partis politiques constituent la condition sine qua non
23
P. AVRIL, Essai sur les partis politiques, Paris, LGDJ, 1986, cité par D.-L. SIELER, Les partis politiques, Paris, Armand Colin, 1993,
p.5.
du fonctionnement du régime représentatif. Grâce aux partis politiques, le peuple, titulaire
originaire de la souveraineté, cesse d’être un acteur passif ou un instrument plus ou moins
manipulé de légitimation des gouvernants et de politiques sur lesquels il n’avait aucune prise.
Si en démocratie majoritaire, le pouvoir est exercé par la majorité sous le contrôle et la
critique de l’opposition et avec l’arbitrage du peuple 24, l’opposition politique rappelle que le
pouvoir de la majorité n’est ni arbitraire ni illimité. Ce pouvoir s’exerce dans un cadre
normatif en tenant compte des valeurs démocratiques fondées sur la tolérance et le respect de
l’autre, c’est-à-dire la différence et l’acceptation de la critique. Sans reconnaissance légale de
l’opposition, gage du pluralisme, point de démocratie. Le professeur El Hadj Mbodj écrit :
« Composante essentielle de la démocratie, l’opposition présente un caractère d’utilité
publique. Elle est investie d’une véritable mission de service public dans la mesure où, par
son pouvoir de critique et de contre-proposition, elle modère les ardeurs de la majorité et offre
aux citoyens une alternative à la politique définie et appliquée par la majorité parlementaire.
Porteuse de valeurs stabilisatrices et non subversives, ainsi que d’idées et de projets de
société alternatifs à ceux véhiculés par la majorité, l’opposition doit avoir la possibilité de
porter son message au peuple et conquérir les suffrages à l’occasion d’élections pluralistes
transparentes, loyales et sincères. L’opposition doit alors disposer d’un statut la plaçant dans
un cadre ‘‘normalisé’’, ‘‘statufié’’ qui garantit l’effectivité et la jouissance des droits et
détermine ses obligations, car en démocratie, un statut ne se conçoit pas sans devoirs.»25
Lors des consultations préparatoires du projet de Constitution, il avait été suggéré une
insertion du statut de l’opposition, en particulier de son chef, dans la Constitution, à l’instar de
ce qui a lieu dans la Constitution de l’Ile Maurice. La Constitution a finalement préféré
renvoyer cette question à une loi organique. Ce choix semblait judicieux et justifiable compte
tenu du caractère dispersé et immature de l’opposition politique congolaise, lié au très grand
nombre de partis politiques. Il était utile que fût d’abord défini le système électoral pour voir
si, avec les coalitions et les alliances politiques, le nombre de partis politiques soit ramené
dans des proportions raisonnables.
Le statut de l’opposition politique peut être déduit de diverses dispositions de la
Constitution, notamment les articles 6 à 8. Ces articles sont complétés et précisés par la loi
organique n° 07/008 du 04 décembre 2007 portant statut de l’opposition politique. D’après
cette loi, l’opposition est constituée de tous les partis qui ne participent pas à l’exercice du
pouvoir, qu’ils soient ou non représentés au Parlement. Ainsi, l’opposition est à la fois
parlementaire et extraparlementaire. L’opposition parlementaire se ramène à l’ensemble des
partis ou groupements politiques présents au Parlement et qui constituent la minorité
parlementaire dont la vocation est de s’opposer à la majorité parlementaire qui soutient le
gouvernement. L’opposition extraparlementaire est difficile à circonscrire ave précision et
avec toute la rigueur nécessaire en raison de la relativité des instruments permettant de la
jauger et de l’absence de canaux institutionnels de sa représentation.26
L’article 6 de la Constitution pose le principe du pluralisme politique, en vertu
duquel tout Congolais a le droit de créer un parti politique ou d’adhérer au parti de son choix.
D’ailleurs, l’article 7 fait désormais de l’institution du parti unique « une infraction
imprescriptible de haute trahison punie par la loi. » Une telle disposition était déjà contenue
dans l’article 1er de la loi n° 04/002 du 15 mars 2004 portant organisation et fonctionnement
des partis politiques.
24
A la séparation classique des pouvoirs fondée sur la différenciation organique et fonctionnelle entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire,
se substitue une séparation politique entre la majorité et l’opposition, sous l’arbitrage du pouvoir judiciaire protecteur des droits et libertés,
d’une part, et du peuple qui, grâce au pouvoir de suffrage, peut trancher les conflits entre l’opposition et la majorité. EL HADJ MBODJ,
« Les garanties et éventuels statuts de l’opposition en Afrique » in PNUD, Mandats, rôles et fonctions des pouvoirs constitués dans le
nouveau système politique de la République démocratique du Congo, Kinshasa, 2007, p. 41.
25
EL HADJ MBODJ, « Les garanties et éventuels statuts de l’opposition en Afrique » in PNUD, Mandats, rôles et fonctions des pouvoirs
constitués dans le nouveau système politique de la République démocratique du Congo, Kinshasa, 2007, p. 41.
26
Cf. Ibidem, p. 43.
L’opposition politique peut aussi jouer un rôle de contre-pouvoir à travers l’éducation
des citoyens. L’histoire des idées politiques et des faits sociaux nous apprend que c’est
l’éducation politique des citoyens qui a fait surgir les partis de masses et a servi de ciment à
l’affirmation des partis progressistes face aux partis conservateurs ou partis de cadres conçus
pour les bourgeois. En effet, l’article 6, al. 3 de la Constitution et l’article 2 de la loi sur les
partis politiques confient cette mission aux partis politiques : ils « concourent à l’expression
du suffrage, au renforcement de la conscience nationale et à l’éducation civique. » Il est donc
une démission pour les partis politiques de toujours se décharger sur les pouvoir ou sur la
CENI pour assurer la diffusion des textes nationaux. Ils devraient assumer ce rôle comme une
de leurs fonctions principales reconnues par la Constitution.
L’article 8 accorde à l’opposition politique des droits liés à son existence, à ses
activités et à sa lutte pour la conquête démocratique du pouvoir. La seule limite pour les
partis, c’est le respect de la loi, de l’ordre public, des bonnes mœurs et des principes de la
démocratie pluraliste, de l’unité et de la souveraineté nationales. L’opposant n’est pas conçu
comme un anarchiste, mais comme un républicain qui exerce sur le pouvoir une influence
critique et constructive.
Comme l’article 22 de la loi susmentionnée sur les partis politiques, l’article 6 de la
Constitution reconnaît aux partis politiques la possibilité de recevoir des subventions de la
part de l’Etat. Tel est aussi l’objet de la n° 08/005 du 10 juin 2008 portant financement
public des partis politiques qui reconnaît aux partis politique la possibilité de recevoir de
l'Etat des fonds publics destinés à financer leurs compagnes électorales ou leurs activités (art.
1er et 2). Pour prétendre à ce financement, un parti politique doit remplir certaines conditions :
être régulièrement enregistré au ministère de l’intérieur, avoir un siège connu, avoir un
compte bancaire, tenir une comptabilité régulière, tenir compte de la parité homme-femme,
être représenté dans les Assemblées délibérantes de l’Etat, des provinces u des ETD (art. 3 et
7)
La loi organique n° 07/008 du 04 décembre 2007 portant statut de l’opposition
politique confère au Coordonnateur qu’elle institue un rang de ministre avec les avantages y
afférents en termes de rémunération et le couvre des immunités reconnues au député national.
Le rôle de l’opposition politique en tant que contre-pouvoir devrait être ressenti
surtout en période de cohérence de majorité parlementaire et présidentielle. C’est alors que
l’opposition devrait mener une politique responsable pour veiller au respect de la loi
fondamentale par les organes gouvernants et proposer une critique constructive. Il est
regrettable que l’opposition politique congolaise est souvent infantile ou infantilisée,
personnalisée, sinon identifiée au leader du principal parti d’opposition, sans stratégie globale
et souvent empêtrée, dans la Capitale, dans une lutte pour l’accès immédiat aux rênes du
pouvoir. Il est rare qu’elle s’implique sérieusement dans l’éducation politique des masses en
prenant appui sur des programmes politiques cohérents ou sur des projets de société concertés
et bien définis. Ses cadres sont souvent des girouettes ballottées au gré des intérêts personnels
du moment, des « prostituées politiques » qui changent de partis à tout instant. Elle est
rarement une « opposition opposée ». Ce comportement est sans doute la conséquence de
l’absence d’idéologie forte au sein des partis politiques. Comme au lendemain de
l’indépendance, la fragilité des partis politiques congolais s’exprime par leur stérilité
doctrinale et idéologique. Ils ont répudié les idéologies importées qu’ils maîtrisent du reste
assez mal, mais ils n’ont pu en inventer d’autres.27 Leur objectif immédiat reste la conquête et
l’exercice du pouvoir ; ce qui les pousse à constituer des cartels du genre AMP ou UN et à se
soucier peu de la formation des citoyens. Peut-être faudrait-il croire que l’opposition politique
congolaise est conservatrice (elle ne peut d’ailleurs rien conserver parce qu’elle est dépourvue

27
Cf. I. NDAYWEL è NZIEM, Histoire générale du Congo. De l’héritage ancien à la République Démocratique du Congo, Paris et
Bruxelles, De Boeck & Larcier, Afrique Editions, 1998, p. 542.
d’idéologie claire), peu soucieuse des intérêts des citoyens. La récente expérience des
rébellions donne malheureusement à penser que oui. On ne peut alors guère s’étonner des
propos d’Abdoulaye Wade, alors Président du Sénégal, qui décriait l’immaturité de la classe
politique congolaise.
SOUS-TITRE DEUXIEME

LE REGIME POLITIQUE DE LA TROISIEME REPUBLIQUE

Rares sont les Constitutions qui consacrent explicitement un type particulier de régime
politique. C’est souvent à partir de l’analyse de la Constitution et d’une lecture combinée de
ses articles que l’on découvre le modèle d’organisation du pouvoir et les rapports entre les
différents organes de pouvoir.
Une telle façon de procéder fait entrevoir que la Constitution congolaise du 18 février
2006 consacre un régime mixte, empruntant au régime présidentiel et au régime parlementaire
(chap. I). En même temps, le parlementarisme ainsi mis en place est fortement rationalisé
(chap. II)
CHAPITRE PREMIER

LA CONSECRATION D’UN REGIME SEMI PARLEMENETAIRE OU MIXTE

Le choix d’un régime politique, comme celui de la forme de l’Etat, a fait l’objet d’un
débat houleux et le résultat d’un compromis difficile à trouver, aussi bien au niveau du Sénat
qu’à celui de l’Assemblée nationale. Les deux expériences politiques récentes étaient encore
très présentes dans l’esprit du constituant congolais. D’un côté, un Président qui concentre
tous les pouvoirs entre ses mains, comme ce fut le cas sous le régime dictatorial de la II ème
République. De l’autre côté, un Président sans réel pouvoir d’impulsion et coincé dans la
formule 1+4, comme pendant la transition, dominée par les antagonismes entre composantes
et entités qui pouvaient tout paralyser à tout moment. Aussi, certains optaient-ils résolument
pour un régime parlementaire, tandis que d’autres préconisaient un régime présidentiel. La
solution de compromis fut l’option pour un régime semi-parlementaire ou semi-présidentiel,
dit aussi régime mixte. « Le régime semi-présidentiel, écrit J. Mekhantar, se rapproche du
régime parlementaire dualiste par deux caractéristiques essentielles. D’une part, il suppose un
bicéphalisme au sein de l’Exécutif entre le Président, Chef de l’Etat qui n’est pas chef du
Gouvernement et un Gouvernement placé sous la direction d’un premier ministre (chancelier
ou Président du Conseil). D’autre part, il implique la responsabilité politique du
Gouvernement, tant devant le Parlement, que devant le Président. Cependant, le régime semi-
présidentiel se rapproche aussi du régime présidentiel par d’autres caractéristiques. Comme le
Président des Etats-Unis, le Président d’un régime semi-présidentiel est élu au suffrage
universel (…) Par ailleurs, et surtout le Président d’un régime semi-présidentiel dispose de
pouvoirs constitutionnels souvent très importants qu’il exerce sans contreseing du Chef du
Gouvernement. En définitive, selon Maurice Duverger, ‘‘est considéré comme semi-
présidentiel, un régime politique dont la Constitution qui l’établit réunit trois éléments : 1°) le
Président de la République est élu au suffrage universel; 2°) il possède des pouvoirs propres
relativement importants; 3°) mais il a en face de lui un premier ministre et des ministres qui
possèdent le pouvoir exécutif gouvernemental, et qui ne peuvent rester en fonctions que si le
Parlement ne leur manifeste pas sa défiance.’’ »28 A ces facteurs, il faut ajouter le droit de
dissolution du Parlement au profit de l’Exécutif.
L’article 70 de la Constitution pose le principe de l’élection du Président de la
République au suffrage universel direct, pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule
fois. Cette élection au suffrage universel direct nous rapproche du modèle présidentiel et
donne au Chef de l’Etat une légitimité démocratique incontestable. Mais, en réalité, le
Président ainsi élu n’a pas beaucoup de pouvoirs propres, sauf un pouvoir de nomination ou
de révocation de certains hauts fonctionnaires. D’ailleurs, mis à part la nomination du Premier
Ministre, l’investiture du Gouverneur et du Vice Gouverneur de Province, l’octroi de grades
dans les ordres nationaux et les décorations, ainsi que la déclaration de l’état de guerre, toutes
les ordonnances du Chef de l’Etat portent le contreseing du Premier Ministre. Celui-ci en
assume la responsabilité devant le Parlement. Le vrai centre du Pouvoir est donc le Premier
Ministre, lequel est issu des rangs de la majorité à l’Assemblée nationale. Ce qui nous ramène
vers le modèle parlementaire.

28
J. MEKHANTAR, Droit politique et constitutionnel, Paris, Editions Eska, 1997, p p.104-105.
En dépit de cette indépendance organique du Président de la République, des rapports
réciproques existent entre les pouvoirs législatif et exécutif. Ces rapports se situent tant sur le
plan fonctionnel et se traduisent en termes de collaboration (I) qu’au niveau organique où ils
donnent lieu à une certaine interdépendance (II).

Section I. LES MECANISMES DE COLLABORATION FONCTIONNELLE

Sur base de ces mécanismes, chaque organe participe à la fonction de l’autre : le Parlement
participe à la fonction exécutive (§1) et l’Exécutif participe à la fonction législative (§2).

§1. La participation du Parlement à la fonction de l’Exécutif

D’après l’article 100 de la Constitution, le Parlement contrôle l’action du


Gouvernement. Les moyens d’information et de contrôle dont dispose le Parlement sont
définis à l’article 138, al. 1er. Il s’agit de la question orale ou écrite, avec ou sans débat non
suivi de vote, de la question d’actualité, de l’interpellation, de la Commission d’enquête et de
l’audition par les Commissions.
Le mécanisme de la question peut paraître anodin. Pourtant, il peut rendre le Premier
Ministre coupable de l’infraction d’outrage au Parlement et entraîner la mise en jeu de sa
responsabilité pénale devant la Cour constitutionnelle. En effet, après que l’article 164 a
affirmé que la Cour constitutionnelle est juge du Premier Ministre pour l’infraction politique
d’outrage au Parlement, l’article 165 ajoute qu’« il y a outrage au Parlement lorsque sur des
questions posées par l’une ou l’autre chambre du parlement sur l’activité gouvernementale, le
Premier Ministre ne fournit aucune réponse dans un délai de trente jours. »
Le Parlement est aussi associé à la mise en œuvre des pouvoirs de crise. Lorsqu’il y a
application des articles 85 et 86, puis 143 à 145 relatifs à l’état de siège, à l’état d’urgence ou
à l’état de guerre, les chambres parlementaires se réunissent de plein droit. Si elles ne sont pas
en session, une session extraordinaire est convoquée à cet effet. De fait, pendant cette période,
les droits et les libertés publiques sont en danger et les intérêts majeurs de l’Etat sont en jeu. Il
est donc important que la représentation nationale soit en veille pour garantir ces intérêts et
libertés.
En outre, à travers les lois de ratification des traités (art. 214), le Parlement participe à
la définition de la politique étrangère de la Nation.

§2. La participation de l’Exécutif à la fonction législative

En sens inverse, le Gouvernement est associé au travail du Parlement. De prime abord,


il partage l’initiative des lois par la possibilité de déposer des projets de loi (art. 130) à côté
des propositions de loi déposées par les parlementaires. Ensuite, c’est le Gouvernement qui
fixe l’ordre du jour des sessions parlementaires (art. 117), avec le droit d’inscrire en priorité
les projets ou propositions qu’il estime urgents pour son action (art. 125). De même, les
membres du Gouvernement peuvent participer, bien que sans droit de vote, aux débats
parlementaires, en commission ou en plénière, et peuvent proposer des amendements aux
textes en discussion (art. 131 et 133). Par ailleurs, c’est le chef de l’Etat qui promulgue les
lois (art 136) éventuellement après avoir sollicité des chambres une deuxième délibération qui
ne peut lui être refusée (art. 137). Enfin, le Chef de l’Etat ou le Gouvernement peuvent
demander la convocation des chambres en session extraordinaire (art. 116).
Section II. L’INTERDEPENDANCE ORGANIQUE

En dépit de l’élection du Chef de l’Etat au suffrage universel direct qui nous rapproche
du régime présidentiel, les pouvoirs publics disposent de possibilités d’agir organiquement
l’un sur l’autre. Le Parlement, en particulier l’Assemblée Nationale, peut agir sur l’organe
gouvernemental à travers la responsabilité politique du Gouvernement (§1). De son côté,
l’exécutif peut agir sur l’Assemblée Nationale par le droit de dissolution (§2).

§1. La responsabilité politique du gouvernement

La responsabilité politique du Gouvernement matérialise l’action de l’Assemblée


nationale sur le Gouvernement. Le parlement influe sur l’organe gouvernemental par
l’investiture (A) et par la possibilité de la mise en jeu de la responsabilité politique du
Gouvernement (B).

A. L’investiture du Gouvernement

Selon le prescrit de l’article 90, alinéas 3 & 4 de la Constitution, « avant d’entrer en


fonction, le Premier ministre présente à l’Assemblée nationale le programme du
Gouvernement. Lorsque ce programme est approuvé à la majorité absolue des membres qui
composent l’Assemblée Nationale, celle-ci investit le Gouvernement ».
Grâce à ce mécanisme de l’investiture, le Parlement en sa Chambre basse, peut
s’opposer à la composition de l’équipe gouvernementale ou exiger le retrait de telle
personnalité qu’elle jugerait mal venue. Le Chef de l’Etat, sur proposition du Premier
Ministre, serait alors tenu de revoir sa copie. De même, l’Assemblée nationale peut refuser le
programme d’action du Gouvernement et exiger la conception d’un autre.

B. La mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement

Alors même qu’elle a investi le Gouvernement et lui a manifesté sa confiance,


l’Assemblée nationale peut contraindre le Gouvernement collectivement ou l’un de ses
membres individuellement à la démission en mettant en jeu sa responsabilité. Ce
renversement du Gouvernement peut intervenir suite au vote d’une motion de défiance faisant
suite à une question de confiance posée par le Gouvernement, ou après le vote d’une motion
de censure initiée par les députés eux-mêmes (art. 146-147).29

29
L’article 92 du Règlement Intérieur du Sénat et l’article 67 du Règlement intérieur de l’Assemblée provinciale du Nord-Kivu distinguent
d’autres types de motions : « Tout membre de l’Assemblée provinciale peut, avant ou au cours d’un débat, demander la parole par motion
d’ordre, motion de procédure, motion d’information, motion préjudicielle ou par motion incidencielle. La motion d’ordre est celle qui
concerne l’ordre à établir dans la série des questions à discuter, la clôture des débats sur un point en discussion, la suspension ou la levée de
la séance. Elle ne peut porter sur le fond de la matière débattue. La motion de procédure concerne un point du Règlement Intérieur ou la
manière dont la réunion est conduite. La motion d’information concerne un complément d’information essentielle pour l’orientation des
débats. La motion préjudicielle est celle qui est soulevée à l’occasion de l’examen d’une matière et dont la solution relève d’un organe
extérieur à l’Assemblée concernée. La motion incidencielle est celle qui intervient au début ou au cours des débats et sur laquelle la chambre
doit se prononcer avant de commencer ou de poursuivre les débats sur une question principale. » L’article 10 du même Règlement évoque la
motion d’approbation comme «  l’acte par lequel l’Assemblée Provinciale approuve le programme du Gouvernement Provincial et investit
les Ministres Provinciaux dudit Gouvernement. » On parle, au niveau national, de motion d’investiture
Dans ce cas, l’Assemblée Nationale met fin, avant le terme de la législature à la
fonction du gouvernement et le Chef de l’Etat procède alors à la nomination d’un nouveau
Premier Ministre et des autres membres du Gouvernement.
C’est pour permette cette mise en jeu de la responsabilité politique du Gouvernement
tout en assurant la continuité de l’Etat symbolisée par le Chef de l’Etat, que le pouvoir
exécutif est bicéphale et dualiste en régime parlementaire ou semi-parlementaire. Il est dirigé
par le Président de la République et par le Premier Ministre (= bicéphale) et il est composé de
la Présidence et du Gouvernement (= dualiste).
De même, à travers le mécanisme du contreseing, le Premier Ministre et le
Gouvernement endossent la responsabilité des actes du Chef de l’Etat qui, lui, est
politiquement irresponsable.
Bien que le Président de la République soit issu du suffrage universel et donc
organiquement indépendant, le Parlement peut toutefois agir sur lui à travers le mécanisme de
la responsabilité pénale. En effet, lorsque le Chef de l’Etat est suspecté de l’une des
infractions prévues à l’article 165 de la Constitution, les poursuites à son encontre sont
déclenchées par le Congrès.

§2. L’action de l’Exécutif sur le Parlement : le droit de dissolution

Le droit de dissolution est la faculté qu’a le pouvoir Exécutif, en particulier, le Chef de


l’Etat, de mettre fin au mandat des députés avant son terme normal, en raison de certaines
circonstances. La décision a comme conséquence de provoquer des élections anticipées d’une
nouvelle chambre.
Conformément à l’article 148 de la Constitution, le Président de la République peut, en
cas de persistance d’une crise entre le Gouvernement et l’Assemblée Nationale et après
consultation du Premier Ministre et des Présidents des deux Chambres du Parlement,
prononcer la dissolution de l’Assemblée Nationale. Dans ce cas, la Commission Electorale
Nationale Indépendante convoque les électeurs en vue de l’élection, dans les soixante jours
suivant la dissolution, d’une nouvelle Assemblée Nationale.
Dès lors que seule l’Assemblée Nationale peut engager la responsabilité politique du
Gouvernement, l’exclusion du Sénat, l’équilibre des pouvoirs fait que seule cette chambre
puisse faire l’objet de dissolution.
Par contre, aucune dissolution ne peut intervenir dans l’année qui suit les élections, ni
pendant la période de l’état d’urgence ou de siège ou de guerre, ni même pendant que le pays
est dirigé par un Président intérimaire.
Dès lors qu’elle intervient en cas de crise persistante entre le Gouvernement et sa
majorité réelle ou supposée, la dissolution est alors à la fois un moyen de pression pour
discipliner la majorité parlementaire hostile au Gouvernement et une technique de résolution
des conflits politiques internes au(x) parti(s) au pouvoir. Elle apparaît ainsi comme un des
indices de la rationalisation du parlementarisme.
CHAPITRE DEUXIEME

LA RATIONALISATION DU PARLEMENTARISME EN REPUBLIQUE


DEMOCRATIQUE DU CONGO

L’importance des pouvoirs accordés aux Parlements conduit parfois à ce que l’on a
qualifié de « parlementarisme absolu », qui est tout aussi dangereux que la monarchie
absolue. Il est en quelque sorte la « dictature du parlement ». Un tel système conduit souvent à
une instabilité gouvernementale, surtout de notre temps, où les Assemblées sont elles-mêmes
traversées par la « particratie ». Les alliances se font et se défont au gré des intérêts des partis
politiques.
Le mouvement de rationalisation du parlementarisme tire aussi ses origines de
l’histoire des anciens régimes parlementaires marquée par une trop forte prépondérance des
Assemblées parlementaires. La réflexion sur les institutions montre qu’une bonne conduite de
la politique nationale suppose que le Gouvernement ne soit pas un simple exécutant de la
volonté du Parlement, mais qu’il puisse définir une politique et disposer de la durée nécessaire
et suffisante pour sa mise en œuvre. Pour atteindre cet objectif, on a imaginé des mécanismes
d’une gestion rationnelle et non émotionnelle ou impulsive du Parlement et aussi des
procédures et techniques de renforcement de la fonction gouvernementale et de stabilisation
de l’organe gouvernemental. Ce sont ces mécanismes et techniques qui caractérisent ce que la
doctrine a qualifié de « rationalisation du parlementarisme ».
On peut d’ailleurs se demander pourquoi le constituant congolais a opté pour une
certaine rationalisation du parlementarisme alors que, sous la IIème République, le Parlement
était complètement inféodé à l’Exécutif. On se souviendra qu’une révision constitutionnelle
du 15 janvier 1973 avait réduit le parlement en simple « Conseil législatif » présidé par le
Chef de l’Etat qui devenait alors le véritable législateur. La confusion des pouvoirs était
consommée.
La rationalisation peut sembler surprenante car le constituant a d’abord voulu
revaloriser la fonction et l’autorité du Parlement face à l’Exécutif. Le constituant craignait-il
la revanche du Parlement, surtout qu’avec la perspective de la représentation proportionnelle
aux législatives, le Parlement serait lui-même à la merci de la « particratie » ? Est-il parvenu à
rationaliser le parlementarisme congolais ? A bien des égards, le constituant a reconduit des
procédés qui étaient déjà contenus dans les Constitutions antérieures. Ces procédés tendent à
une infériorisation du Parlement (I) et à un renforcement de l’Exécutif. (II)

Section I. L’INFERIORISATION DU PARLEMENT

Cette infériorisation du Parlement transparaît des efforts d’encadrement, sinon de


limitation de ses pouvoirs : on remarque une réduction du domaine législatif (§1) et surtout un
encadrement strict des pouvoirs financiers et budgétaires des parlementaires (§2).

§1. La réduction du domaine législatif


En tant qu’organe de représentation du peuple souverain, lieu d’expression de la
volonté générale de la Nation, le Parlement est traditionnellement détenteur du pouvoir
politique global et initial de l’Etat. Il peut intervenir dans toutes les matières et en tout temps
sans limitations ni conditions.
Du point de vue de la compétence législative, le Parlement central se trouve
doublement amputé. La compétence ou réserve législative est doublement réduite. D’une part,
les articles 2002, 2003 et 2004 contraignent le Parlement à partager les compétences
législatives avec les Assemblées provinciales. Celles-ci disposent même d’un domaine de
compétences exclusives dans lequel le Parlement central ne doit pas et ne peut pas intervenir,
sauf sur autorisation des Assemblées provinciales.
D’autre part, même dans les compétences dévolues au Pouvoir Central, les articles 122
et 123 de la Constitution enferment le Parlement dans des limites fixes et l’article 128 attribue
toutes les matières autres que celles du domaine de la loi au pouvoir réglementaire autonome.
On pourrait ainsi dire que, au niveau central, le Parlement a une compétence d’attribution,
tandis que le Gouvernement détient la compétence de principe.
Dans un cas comme dans l’autre, c’est-à-dire si le Parlement déborde de ses
compétences en empiétant soit sur les compétences des provinces, soit sur celles du
Gouvernement central, il risque la censure et la sanction de la Cour constitutionnelle, juge de
la répartition des compétences et du contrôle de la constitutionalité de la loi.

§2. La rationalisation en matière financière

Le pouvoir financier du Parlement est de ceux qui ont entraîné la naissance et le


développement du parlementarisme. L’exigence du consentement à l’impôt fut l’une des
premières conquêtes des Parlements face au monarque. Il s’agissait d’un moyen de pression
sur le Roi car le Parlement pouvait bloquer sa politique (militaire ou autre) en lui refusant les
moyens financiers. Il s’agit alors d’un pouvoir à portée hautement politique, et sa
rationalisation ou son encadrement ne l’est pas moins. Le vote du budget est un moyen du
parlement de donner au gouvernement les moyens de son action.
La constitution congolaise du 18 février 2006 encadre le pouvoir financier à différents
niveaux. Le premier niveau concerne les conditions de mise en exécution de la loi de finances
en cas de retard dans son adoption (art. 126).
Si au 1er janvier, le Parlement n’a pas voté le budget alors même que le projet a été
déposé en temps par le Gouvernement, c’est-à-dire au plus tard le 15 septembre, il peut être
mis en vigueur par le Président de la République, sur proposition du Gouvernement délibérée
en Conseil des ministres, en tenant compte d’éventuels amendements émis (formulés) par les
deux chambres. L’inertie du législateur ne peut donc pas paralyser l’action gouvernementale
et la vie de la Nation. La continuité de l’Etat reste un principe de base de l’action politique et
administrative.
En revanche, si c’est le Gouvernement qui est en retard dans le dépôt du projet de loi
de finances pour qu’il soit voté et promulgué avant le début de l’exercice, c’est-à-dire avant le
1er janvier, des crédits provisoires peuvent être ouverts sur autorisation du Parlement à la
demande du Gouvernement. Il s’agit alors de crédits calculés et estimés mensuellement au
1/12ème du budget de l’année précédente. Il est ainsi censé couvrir les dépenses obligatoires
(nécessaires au fonctionnement normal ou minimum) et les dépenses ou recettes acquises
découlant des mesures nouvelles (adoptées au cours de l’exercice budgétaire).
Par contre, si quinze jours avant la fin de la session budgétaire, soit au 1 er décembre, le
Gouvernement n’a toujours pas déposé le projet de budget, il est réputé démissionnaire. Une
telle disposition peut permettre d’éviter les retards dans l’élaboration du budget comme on en
a connus pendant la transition.
Le deuxième niveau de rationalisation des pouvoirs financiers du Parlement se situe
dans la restriction du pouvoir d’amendement de la loi de finances. Selon l’article 127 de la
Constitution, « les amendements au projet de loi de finances ne sont pas recevables lorsque
leur adoption a pour conséquence, soit une diminution des recettes, soit un accroissement de
dépenses, à moins qu’ils ne soient assorties de propositions compensatoires. »
Au troisième niveau, cette restriction au pouvoir d’amendement est étendue à toutes
les lois par l’article 134, probablement pour éviter les promesses démagogiques de la part des
parlementaires. Aussi, « les propositions de lois et les amendements formulés par les membres
de l’Assemblées Nationale ou su Sénat ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait
pour conséquences soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou
l’aggravation d’une charge publique, à moins qu’ils ne soient assortis de proposition
dégageant les recettes ou les économies correspondantes ». Les parlementaires sont ainsi
privés de la possibilité de se décharger sur le Gouvernement en lui des programmes non
financés.30
Ce dispositif d’affaiblissement du pouvoir législatif est, en réalité, orienté vers un
renforcement de l’Exécutif.

Section II. LE RENFORCEMENT DE L’EXECUTIF

Le renforcement du pouvoir exécutif résulte d’un accroissement de ses pouvoirs et de


ses fonctions, d’une part (§1), et de sa stabilisation organique, d’autre part (§2).

§1. Le renforcement fonctionnel de l’Exécutif

Il se traduit par un accroissement des pouvoirs de l’exécutif. L’idée que l’on se fait du
pouvoir exécutif a considérablement varié et évolué. Dans la conception classique, la fonction
exécutive reste substantiellement subordonnée à la fonction législative. Si l’Exécutif pouvait
prendre des règlements, c’était essentiellement pour l’application des lois.
Avec la complexification des relations sociales, les besoins de l’interventionnisme et
la technicité des problèmes auxquels les pouvoirs publics sont confrontés, le centre de
décision et de pouvoir s’est déplacé du Parlement vers l’Exécutif. Désormais, la fonction de
l’exécution des lois s’est transformée et s’est enrichie de celle de la définition de la politique
de l’Etat. Selon J. Mekhantar, « cette transformation s’explique essentiellement par deux
raisons. D’une part, c’est par elle que se concrétise le pouvoir de l’Etat. D’autre part, c’est
aussi en elle que se concentrent la compétence technique et l’information nécessaires à
l’exercice du pouvoir de l’Etat grâce à l’administration publique. » 31
La technique croissante des projets de loi, la lourdeur et la longueur de la procédure
législative alors qu’il est parfois nécessaire d’agir rapidement, les réticences des
parlementaires à adopter certaines mesures ou la tendance à se décharger sur l’Exécutif, les
divisions politiques ou les absences de majorité qui font que chaque décision est le résultat
d’un compromis laborieusement négocié, sont autant de facteurs qui placent les Parlements en
30
On peut comprendre dans cette optique les propos d’A. Paysant selon lesquels l’adoption du budget est plus un moyen pour le Parlement
de contraindre le Gouvernement à mériter sa confiance, mais de plus en plus un moyen pour le Gouvernement de contraindre le Parlement à
lui accorder sa confiance. A. PAYSANT, Finances publiques, Paris, Masson, 1988, p.132.
31
J. MEKHANTAR, Droit politique et constitutionnel, op. cit., p. 93.
face d’énormes difficultés à assurer la fonction législative. Le remède à ces difficultés
consiste à élargir les compétences et les pouvoirs de l’Exécutif.
De prime abord, l’article 91 confie au Gouvernement le pouvoir de définir, en
concertation avec le Président de la République, la politique de la Nation, de la conduire et
d’en assurer la responsabilité. Il en résulte que le Gouvernement n’est plus un organe de
simple exécution des décisions du Parlement. C’est désormais lui qui fixe la règle du jeu
politique et fixe les objectifs politiques de l’Etat.
En outre, le Gouvernement partage l’initiative des lois. D’ailleurs, actuellement, la
plupart des textes votés par le Parlement sont d’initiative gouvernementale. Lors des sessions
parlementaires, les membres du Gouvernement peuvent participer aux débats, aussi bien en
plénière qu’en commission, bien qu’ils ne disposent pas de droit de vote (art 131). De même,
ils ont le droit de proposer des amendements aux textes en discussion (art 133). Même les
propositions, avant leur délibération et adoption, sont notifiées pour information au
Gouvernement qui peut, dans un délai de quinze jours, adresser ses observations au Bureau de
chacune des Chambres (art 130).
Par ailleurs, l’article 117 donne au Gouvernement la maîtrise de l’ordre du jour des
sessions parlementaires. En effet, on y lit que « l’inscription, par priorité, à l’ordre du jour de
chacune des chambres d’un projet de loi, d’une proposition ou d’une déclaration de politique
générale est de droit si le Gouvernement, après délibération en Conseil des ministres, en fait la
demande. »
L’article 125 renforce cette disposition en indiquant que « si un projet ou une
disposition de loi est déclaré urgent par le Gouvernement, il est examiné en priorité dans
chaque chambre par la commission compétente suivant la procédure prévue par le Règlement
Intérieur de chacune d’elle. »
Avec un tel dispositif, le Gouvernement a la possibilité de faire discuter et adopter les
textes qu’il juge nécessaires pour sa politique et, éventuellement, de retarder ceux qui le
gênent.
Un autre élément de renforcement de l’Exécutif résulte des articles 128 et 129 de la
Constitution. L’article 92 accorde déjà au Premier Ministre le pouvoir réglementaire
d’exécution des lois. Puis, une fois que les articles 122 et 123 ont défini le domaine de la
réserve législative, l’article 128 reconnaît au Chef de Gouvernement, c’est-à-dire au Premier
Ministre ou au Chef de l’Etat, le pouvoir réglementaire autonome. De fait, « les matières
autres que celle du domaine de la loi, ont un caractère réglementaire. » Alors que le Parlement
est enfermé dans un domaine de compétence restreint et surveillé par la Cour
constitutionnelle, le Gouvernement se voit reconnaître une compétence normative de principe.
Le Parlement a alors une compétence d’attribution.
Quant à l’article 129, il admet la possibilité pour le Gouvernement d’intervenir, en cas
d’urgence, dans le domaine du législateur grâce à la technique des ordonnances-lois (ou
décrets-lois). Celles-ci sont encadrées, d’un côté, par une autorisation parlementaire sous
forme de loi d’habilitation qui fixe au Gouvernement le domaine et le délai d’intervention, et
de l’autre, par une loi de ratification par laquelle le Parlement vérifie si le Gouvernement a
respecté les conditions posées par la loi d’habilitation.
Enfin, on ne saurait conclure ce renforcement de l’Exécutif sans évoquer l’article 146,
al. 1er et 4 qui, au fond, permet au Gouvernement de faire adopter un texte sans débat ni vote
parlementaire. Il s’agit de la technique du vote bloqué. « Le 1er Ministre peut, après
délibération du Conseil des ministres, engager devant l’Assemblée Nationale la responsabilité
du Gouvernement sur son programme, sur une déclaration de politique générale ou sur le vote
d’un texte…Le programme, la déclaration de politique générale ou le texte visé à l’alinéa 1 er
est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure est votée dans les conditions
prévues aux alinéas 2 et 3 du présent article. » On a parfois dénoncé le caractère
antidémocratique d’une telle disposition qui force la main aux représentants de la nation et
fait fi de leur délibération. Le vote se déplace alors du texte vers la question de confiance et la
motion de censure.
Au terme de cet arsenal juridique, que reste-t-il de la fonction de contrôle de l’action
gouvernementale attribuée au Parlement par l’article 100, alinéa 2 de la Constitution ? Il reste
uniquement un contrôle a posteriori de la politique définie et conduite par le Gouvernement.
Le contrôle se limite désormais à une appréciation critique de l’action gouvernementale : c’est
un contrôle de vérification et de surveillance qui réduit le Parlement à une chambre
d’enregistrement de la politique du Gouvernement.

§2. La stabilisation organique

Afin d’éviter les conséquences qu’entraînerait pour la stabilité du Gouvernement la


mise en jeu trop facile et trop fréquente de la responsabilité politique, le constituant congolais,
à l’instar d’autres, a fixé des conditions au dépôt, à la discussion, au vote et à l’adoption d’une
motion de censure ou d’une motion de défiance. « L’idée qui domine la plupart des nouvelles
techniques de rationalisation du parlementarisme, écrit Ph. Ardant, est que la décision de
renverser le Gouvernement est grave et que ce caractère commande qu’elle soit prise à l’issue
d’une procédure empêchant les votes hâtifs et inconsidérés. »32
Par son article 146, le constituant congolais a, en réalité, garanti une stabilité au
Gouvernement en rendant difficile l’adoption des motions. L’article est libellé comme suit, en
ses alinéas 2 et 3, « L’Assemblée Nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement
ou d’un membre du Gouvernement par le vote d’une motion de censure ou de défiance. La
motion de censure contre le Gouvernement n’est recevable que si elle est signée par un quart
des membres de l’Assemblée Nationale. La motion de défiance contre un membre du
Gouvernement, n’est recevable que si elle est signée par un dixième des membres de
l’Assemblée Nationale. Le débat et le vote ne peuvent avoir lieu que quarante-huit heures
après le dépôt de la motion. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure ou
de défiance qui ne peut être adoptée qu’à la majorité absolue des membres composant
l’Assemblée Nationale. Si la motion de censure ou de défiance est rejetée, ses signataires ne
peuvent en proposer une nouvelle au cours de la même session. »
Il ressort de cet article que seule l’Assemblée Nationale peut renverser le
Gouvernement. Le Sénat est dépourvu de cette prérogative. En contrepartie, seule
l’Assemblée Nationale peut faire l’objet de dissolution.
L’article pose aussi une condition de recevabilité : la motion de censure contre le
Gouvernement doit réunir la signature de ¼ de députés, ce qui n’est pas facile à obtenir. La
motion de défiance contre un membre doit avoir le soutien du 1/10 ème, soit 50 députés. A
défaut, la motion n’est même pas examinée. Elle est classée sans suite.
Vient ensuite une condition de délai. L’exigence des 48 heures entre le dépôt et le
débat suivi de vote a pour but d’éviter les motions surprises et les renversements inattendus du
Gouvernement, surtout lorsque les députés de la majorité sont absents. En 48 heures, les
absents ont le temps de revenir et le Gouvernement a le temps de rassembler ses forces. La
formulation de cette disposition ne va pas sans soulever quelque difficulté procédurale. En
effet, pour que la motion soit débattue et que le membre du Gouvernement concerné puisse
assurer sa justification et fournir ses éléments de réponse, il est indispensable que la motion
lui soit notifiée. Le Constituant semble avoir supposé que la motion est transmise aussitôt que
déposée, ce qui n’est pas toujours le cas.

32
Ph. ARDANT, Droit Constitutionnel & Institutions politiques, op. cit., p. 236.
Seuls sont recensés les votes favorables à la motion. Les absents, les abstentionnistes,
les votes blancs et les bulletins nuls sont présumés défavorables à la motion la motion et, a
contrario, favorables au Gouvernement. De plus, la Constitution exige la majorité absolue
non pas des suffrages exprimés ou des votants présents, mais des membres de l’Assemblée
Nationale, soit 251 voix en faveur de la motion.
Enfin, une restriction est apportée au droit de dépôt des motions. Les signataires dont
la motion n’est pas adoptée ne peuvent en signer une autre. Un député ne peut singer qu’une
motion par session.
TITRE DEUXIEME

L’ETAT, LE CITOYEN ET LA SOUVERAINETE

Le système politique et le régime politique ne peuvent fonctionner correctement que


dans un Etat organisé. Le constituant congolais a souhaité mettre en place un Etat dans lequel
le peuple retrouve sa souveraineté longtemps confisquée par les gouvernants et récemment
bafouée par des guerres d’agression. Seule la démocratie participative, pense-t-on, est à même
de relancer le développement du pays. Cet objectif est poursuivi aussi bien par la forme de
l’Etat (Chap. I) que par la place assignée au citoyen dans l’Etat (chap. II).
CHAPITRE PREMIER

LA FORME DE L’ETAT

Le débat sur la forme de l’Etat est récurent en République Démocratique du Congo


depuis l’accession du pays à l’indépendance. Il oppose traditionnellement les unitaristes
lumumbistes et les fédéralistes, disciples de Kasa-Vubu ou de Tshombe. Les équilibres
observés ont toujours été le résultat d’un compromis, parfois de confusion. Aussi, la
Constitution de Luluabourg semble instaurer un Etat unitaire régionalisé (quasi fédéral), mais
l’annexe de la même date, prévue par l’article178, a franchi le pas vers l’Etat fédéral. Son
article 1er est ainsi libellé : « La République fédérale du Congo est un Etat fédéral souverain,
indivisible, démocratique et social. » Il est vrai que cette annexe ne devait entrer en vigueur
que vers 1974.
Ces confusions et les velléités sécessionnistes ont sans doute contribué à la
centralisation à outrance qui a caractérisé la II ème République et la Constitution du 24 juin
1967. Mais le débat a resurgi avec la Conférence Nationale Souveraine qui, dans son projet de
Constitution, a remis sur les rails la République fédérale du Congo. Mais ce projet fut vite
étouffé par les résolutions du conclave et l’Acte constitutionnel de la Transition est revenu sur
le modèle de l’Etat unitaire. Ceci n’a pourtant pas empêché que le débat resurgisse lors du
Dialogue inter-congolais et pendant l’élaboration de la Constitution actuelle. Au terme d’un
débat houleux entre fédéralistes-développementalistes et unitaristes décentralisateurs
soucieux de défendre l’unité nationale après cinq ans de conflit armé et de partition de fait du
pays, le constituant a opté encore une fois pour une solution de compromis.
La Constitution ne précise pas la forme de l’Etat. L’article 1er donne seulement les
caractéristiques de l’Etat : Etat de droit, indépendant, uni, indivisible, démocratique et social.
Toutefois, la lecture des travaux préparatoires, qui font apparaître, dans les débats, la
préférence pour la forme unitaire fortement décentralisée, et l’économie générale de la
Constitution permettent de conclure à un Etat unitaire décentralisé, voire régionalisé. La
Constitution consacre en effet le principe de la libre administration des Provinces et des
Entités territoriales décentralisées (I), dont l’autonomie provinciale est l’illustration la plus
élevée (II).

Section I. LE PRINCIPE DE LA LIBRE ADMINISTRATION DES ENTITES


DECENTRALISEES ET LES ENJEUX DE LA DECENTRALISATION

L’article 3 de la Constitution du 18 février 2006, selon lequel « les provinces et les


entités territoriales de la République démocratique du Congo sont dotées de la personnalité
juridique et sont gérées par les organes locaux… Elles jouissent de la libre administration et
de l’autonomie de gestion de leurs ressources économiques, humaines, financières et
techniques. »
Du point de vue juridique, il y a décentralisation lorsque le pouvoir n'appartient pas de
manière exclusive aux organes centraux de l'Etat; mais est réparti entre l’Etat, d'une part, et
une pluralité de collectivités locales personnalisées à compétence générale et/ou des
personnes morales spécialisées, d'autre part. La décentralisation s’inscrit dans une logique à la
fois libérale de partage du pouvoir et de protection des libertés locales et démocratique de
participation des populations à la gestion des pouvoirs et des services publics. Elle vise à
concilier à la fois l’unité de l’Etat et la pluralité-diversité des collectivités locales en tant que
porteuses de démocratie participative. Kanyinda Lusanga résume : « Les organes politico-
administratifs du Gouvernement central ne peuvent pas, à eux seuls, assurer
l’accompagnement des tâches administratives en chaque point du territoire national. Les relais
régionaux et locaux sont nécessaires à l’action de ces organes politico-administratifs. Cela
implique donc une division du pays en plusieurs entités territoriales. Celles-ci doivent être de
petites dimensions pour être bien gérées, afin de mieux développer le pays. Pour
l’aménagement de ces structures locales, deux nécessités ont en prendre en considération :
d’abord un minimum d’uniformité et d’homogénéité doivent exister dans l’action
administrative exercée sur l’ensemble du territoire national, sous peine d’entraîner la
disparition de l’unité nationale. Ensuite, l’existence d’aspirations propres et spécifiques à
certaines parties du pays ne devant pas être méconnue, l’administration territoriale doit aussi
s’adapter à la diversité et à l’hétérogénéité des administrés et tenir compte de l’existence des
problèmes spécifiques dans certaines parties du pays. A l’impératif d’unité correspond la
centralisation ; à la revendication de spécificité correspond la décentralisation. Cependant,
l’organisation politico-administrative et territoriale d’un pays n’opte jamais absolument pour
l’unité ou pour la diversité. Elle s’efforce de réaliser un dosage savant entre les deux
formules, donc entre la centralisation et la décentralisation. »33
En plus des Provinces, ce sont également la Ville, la Commune, le Secteur et la
Chefferie qui sont dotés de la personnalité juridique et qui jouissent de la libre administration.
La Constitution superpose donc déconcentration, décentralisation et régionalisation.
Une telle organisation politique et administrative comporte des enjeux considérables
du point de vue de la gestion des Entités administratives décentralisées. En effet, la libre
administration signifie que celles-ci bénéficient de l’autonomie dans leur organisation et dans
leur fonctionnement. La seule limite à leur autonomie est constituée par la Constitution et la
loi nationale. Si l’on ne s’en tient qu’à la Province, la Constitution reconnaît aux organes
provinciaux des pouvoirs et des compétences définies à l’article 204. L’Assemblée
provinciale est investie d’un véritable pouvoir législatif qui se traduit par des édits
provinciaux. Il s’agit là d’un pouvoir de décision très important qui fait que, dorénavant, le
développement de la Province partira de la Province elle-même. Si traditionnellement les
citoyens avaient les yeux fixés sur les organes centraux résidant dans la Capitale du pays, le
pouvoir est désormais venu plus près d’eux. L’importance des pouvoirs dévolus aux
Provinces et aux autres entités administratives décentralisées devrait inciter les responsables
des partis et regroupements politiques à y envoyer des cadres compétents, sensibles et
attentifs aux potentialités des provinces.
Par ailleurs et sur le plan financier, les entités locales seront amenées à gérer des
sommes importantes et à passer des contrats qui peuvent s’avérer juteux. Cela peut attiser des
appétits et inciter au détournement des deniers publics, à la corruption et au favoritisme. Or,
mis à part le contrôle effectué par la Cour des comptes (art. 180), le contrôle de l’Etat sur les
provinces et les autres Entités administratives décentralisées est assez réduit. La mégestion et
la mauvaise gouvernance ne sont pas l’apanage des organes centraux ; elles peuvent
facilement se déplacer vers les organes locaux. Les citoyens devraient donc maintenir
constante leur vigilance et consolider leur participation et implication dans la gestion locale,
ainsi que leur contrôle sur les organes locaux.
Avec toutes les compétences qui leur sont reconnues, les organes locaux, surtout
provinciaux, sont responsables du développement de leurs entités. Ils doivent s’affranchir de
toute inertie et de tout immobilisme et inventer des pistes originales pour un développement à
la fois différencié et intégré. C’est cela aussi le sens de l’autonomie.
33
KANYINDA LUSANGA ‘‘La problématique de la décentralisation territoriale zaïroise : ses objectifs, son application et ses préalables
pour un développement harmonieux’’ in Cahiers africains d’administration publique’’, n° 32 (1989), p.5.
Section II. L’AUTONOMIE PROVINCIALE

La Constitution consacre aussi un Etat régionalisé. La régionalisation est une forme


d’organisation du pouvoir dans un Etat unitaire, dans laquelle le pouvoir est partagé entre les
organes centraux de l’Etat et des Collectivités humaines regroupées en régions ou provinces.
Elle doit être nettement distinguée du régionalisme au sens presque ethniciste d’exclusion des
originaires d’autres provinces. La régionalisation constitutionnelle met l’accent sur la
résidence dans une province, bien que certains droits puissent être liés à la nationalité.
Alors que la simple décentralisation est régie par la loi et donc par le Parlement qui
peut aussi la modifier, la régionalisation a une assise constitutionnelle. Seule le pouvoir
constituant peut alors y apporter des modifications, au terme d’une révision de la Constitution.
L’article 2 de la Constitution subdivise la République Démocratique du Congo en 25
provinces, auxquelles il faut ajouter la Ville de Kinshasa, capitale du pays et siège des
Institutions nationales qui a le statut de province. Le passage de 11 à 26 provinces n’a été
effectif qu’en juillet 2015 (11 juillet pour l’Equateur et la Province Orientale, le 16 juillet
pour le Katanga et le 18 juillet 2015 pour le Bandundu), alors qu’il était initialement prévu
pour 2009, soit 3 ans ou 36 mois après l’entrée en vigueur de la Constitution. L’article 4
prévoit néanmoins la possibilité de créer de nouvelles provinces, soit en démembrant, soit en
regroupant celles qui existent. Selon l’article 2 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008, « la
province est composante politique et administrative du territoire de la République. Elle est
dotée de la personnalité juridique…Elle exerce, par ses institutions politiques, les
compétences qui lui sont dévolues par la Constitution »
L’article 226, alinéa 1er ajoute que « Les dispositions de l’alinéa premier de l’article 2
de la présente Constitution entreront en vigueur endéans trente-six mois qui suivront
l’installation effective des institutions politiques prévues par la présente Constitution. » Dès
lors que le Sénat de la première législature, dernière institution à être installée le fut le 14 mai
2007, il fut admis que la de mise en effectivité des vingt-cinq provinces serait le 15 mai
2010.34
La Province bénéficie d’une relative autonomie (§1). Dans une certaine mesure, la
Province participe à la politique nationale (§2).

§1 L’autonomie de la Province

L’autonomie de la Province est à la fois organique (A) et fonctionnelle (B).

A. L’autonomie organique de la Province

Du point de vue organique, l’article 195 dispose que les institutions provinciales sont
l’Assemblée provinciale et le Gouvernement provincial.

1. L’Assemblée provinciale

Les députés provinciaux, qui composent l’Assemblée provinciale, sont élus à hauteur
d’au moins 9/10ème par les citoyens provinciaux au suffrage universel direct, pour un mandat
de cinq ans renouvelable. Alors que dans le décret-loi n° 98-081 du 2 juillet 1998 portant
organisation territoriale, politique et administrative de la République Démocratique du Congo,
le Conseil provincial était un organe seulement consultatif, la Constitution, en son article 197,
fait de l’Assemblée provinciale l’organe délibérant de la Province ainsi que l’organe de
contrôle du Gouvernement provincial et des services publics provinciaux et locaux. Dans les
matières de sa compétence normative, l’Assemblée provinciales statue (légifère) par voie
d’édits (art. 102)
La légitimité découlant de leur élection au suffrage universel direct et du pouvoir de
décision donne à l’Assemblée provinciale davantage d’indépendance par rapport au pouvoir
central.
L’Assemblée provinciale est dirigée par un Bureau composé d’un Président, d’un
Vice-président, d’un Rapporteur, d’un Rapporteur adjoint et d’un Questeur élus dans les
conditions fixées par son Règlement intérieur (art. 234 de la loi électorale et art.18 de la loi n°
08/012 du 31 juillet 2008).
C’est aussi l’Assemblée provinciale qui élit le Gouverneur et le Vice-Gouverneur de
Province, les Sénateurs et qui investit le Gouvernement provincial (article 198). Elle peut
aussi mettre en jeu la responsabilité politique des membres du Gouvernement provincial par le
vote d’une motion de défiance ou de censure.
La loi n° 08/012 du 31 juillet 2008, portant principes fondamentaux relatifs à la libre
administration des provinces a couvert les députés provinciaux des mêmes immunités, droits
et incompatibilités que les parlementaires nationaux.

34
A l’approche de la date butoir, tous les députés se rendirent compte de l’échec dans l’application de ces deux dispositions
constitutionnelles, faute d’une volonté politique du Gouvernement central qui évoque des contraintes juridiques, économique et financières.
Voir débat à l’Assemblée Nationale le 13 mai 2010 et émission Dialogue entre Congolais du 13 mai 2010, de 20h15 à 21H heure de l’Est de
la RDC.
En matière répressive, le député provincial est justiciable de la Cour d’appel, tandis
que le Président de l’Assemblée provinciale est justiciable de la Cour de cassation (art. 10 de
ladite loi du 31 juillet 2008).
Depuis la révision constitutionnelle du 20 janvier 2011, le Président de la République
peut, par ordonnance délibérée en Conseil des ministres et après concertation avec les bureaux
des deux chambres du Parlement, dissoudre l’Assemblée provinciale lorsqu’une crise,
politique grave et persistante menace d’interrompre le fonctionnement régulier des institutions
provinciales. D’après la loi n° 08/012 du 31 juillet 2008, il y a une telle crise :
- si pendant six mois, l’Assemblée provinciale n’arrive pas à dégager une majorité ;
- si elle ne peut se réunir pendant une session, faute de quorum ;
- si au cours de deux sessions d’une même année, le gouvernement provincial est renversé à
deux reprises.
La dissolution est constatée par les Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat qui
en font rapport au Chef de l’Etat, lequel en prend alors acte par une ordonnance contresignée
par le Premier Ministre (art. 19 et 20 de la loi du 31 juillet 2008).
L’article. 16 de la loi du 31 juillet 2008 prévoyait que l’Assemblée provinciale se
réunit chaque année en deux sessions ordinaires : la première va du 15 janvier au 15 avril et la
seconde du 15 juillet au 15 octobre. Cette anticipation permettrait d’adopter le budget de la
province et de le transmettre au Gouvernement central, à la diligence du Gouverneur de
province, au plus tard le 31 août. L’article 182 de la loi n° 11/011 du 13 juillet 2011, relative
aux finances publiques (loi financière) est venu modifier cette disposition : désormais la
session budgétaire de l’Assemblée provinciale se tient du 30 septembre au 30 décembre. Le
projet d’Edit budgétaire doit être déposé au Bureau de l’Assemblée Nationale au plus tard le
25 novembre, pour être voté et promulgué au plus tard le 15 décembre. 35 Ce qui permet de
dire que sa première session de l’année va du 30 mars au 30 juin.
Les édits adoptés par l’Assemblée Provinciale dans les matières relevant de sa
compétence sont susceptibles d’un recours en inconstitutionnalité devant la Cour
constitutionnelle.

2. Le Gouvernement provincial

Le Gouvernement provincial est composé du Gouverneur, du Vice Gouverneur et des


ministres provinciaux. Le Gouverneur et le Vice Gouverneur sont élus pour un mandat de
cinq ans renouvelable une seule fois par les députés provinciaux, au sein ou en dehors de
l’Assemblée provinciale. Ils sont ensuite investis par une ordonnance du Président de la
République.

Le Gouverneur de province est le représentant de l’Etat, id est du Gouvernement


central, dans sa Province. A ce titre, il est le chef des services déconcentrés et en répond
devant le Gouvernement central. En cas de faute grave commise par lui dans ces services
relevant du pouvoir central, le Gouverneur de Province peut voir sa responsabilité politique
engagée devant l’Assemblée provinciale à la demande du pouvoir central ou sa responsabilité
pénale engagée devant la Cour de cassation sur mise en accusation par l’Assemblée
provinciale. De même, les actes posés par le Gouverneur de province dans ces matières sont
susceptibles d'annulation. En cas de nécessité, le pouvoir central peut réformer ou se
substituer au pouvoir du Gouverneur de province (art. 63 à 69 de la loi du 31 juillet 2008).

Le Gouverneur et le Vice-Gouverneur de Province doivent être de nationalité


congolaise, être âgés de 18 ans révolus à la date de clôture du dépôt des candidatures, jouir de
35
Voir JORDC, n° spécial, 52ème année, 25 juillet 2011, p. 69.
la plénitude de leurs droits civils et politiques, avoir la qualité d’électeur ou se faire identifier
et enrôler lors du dépôt de la candidature (art. 161 de la loi électorale).
Depuis la révision constitutionnelle du 20 janvier 2011, le Gouverneur de Province
peut être relevé de ses fonctions par le Président de la République en cas de crise politique
grave et persistante menaçant d’interrompre le fonctionnement régulier des institutions
provinciales.
Cette possibilité pour le Chef de l’Etat de mettre fin au mandat des organes appelle
quelques observations :
- La dissolution de l’Assemblée provinciale paraît compréhensible dès lors que le Gouverneur
ne peut pas la dissoudre, mais il serait souhaitable de consulter aussi le Gouvernement
provincial ;
- La révocation du Gouverneur semble plus contestable dès lors que l’Assemblée provinciale
peut renverser le Gouverneur par le vote d’une motion. De même, il existe des mécanismes de
contrôle juridictionnel. Si un Gouverneur est suspecté d’avoir commis une infraction, il peut
être pénalement poursuivi et accusé devant le Cour de cassation. Attribuer cette compétence
au Président de la République, c’est redonner au pouvoir central une prérogative des
Provinces, ce qui énerve (viole) l’article 220 qui interdit formellement toute révision qui a
pour objet ou pour effet de réduite les prérogatives des provinces ;
Ce pouvoir donné au Président de la République consiste en réalité à placer les
provinces sous la tutelle du pouvoir central, d’autant plus que les dysfonctionnements des
institutions provinciales sont parfois dus aux interférences du pouvoir central dans les
Provinces. Désormais, le Chef de l’Etat pourra jouer au pyromane - pompier en venant calmer
les conflits qu’il aura lui-même provoqués ou attisés.
Les ministres provinciaux sont désignés par le Gouverneur au sein ou en dehors de
l’Assemblée provinciale et la composition du Gouvernement tient compte de la
représentativité provinciale. Leur nombre ne peut dépasser dix.

Avant d’entrer en fonction, le Gouvernement provincial présente son programme à


l’Assemblée provinciale qui l’approuve et investit les ministres. Enfin, les membres du
Gouvernement provincial peuvent être, collectivement ou individuellement renversés par une
motion de censure ou de défiance votée par l’Assemblée provinciale. D’après l’article 39 de la
loi portant principes fondamentaux applicables à la libre administration des provinces, les
moyens d'information et de contrôle de l'Assemblée provinciale sur le Gouvernement
provincial, les entreprises publiques provinciales, les établissements et services publics
provinciaux, sont les mêmes que ceux dont dispose le Parlement central à l’égard du
Gouvernement centrale, c’est-à-dire la question orale ou écrite avec ou sans débat non suivi
de vote, la question d'actualité, l'interpellation, la commission d'enquête et l'audition par les
commissions.

La motion de censure peut être votée à l’initiative des députés provinciaux ou à la suite
d’une question de confiance posée par le Gouvernement provincial par l’intermédiaire du
Gouverneur de Province (art. 14 et 42 de la loi portant principes fondamentaux applicables à
la libre administration des Provinces)

Un tel mécanisme de parlementarisme introduit un déséquilibre dès lors que le


Gouvernement provincial ne peut pas dissoudre l’Assemblée provinciale.
De même, avant d’entrer en fonction et à l’expiration de leur fonction, les membres du
Gouvernement provincial déposent une déclaration écrite de leur patrimoine familial devant
la Cour administrative d’appel qui la transmet à l’Administration fiscale. A défaut d’une telle
déclaration dans les trente jours, la personne concernée est réputée démissionnaire (art. 24 de
la loi du 31 juillet 2008).
Comme le Gouverneur, les ministres provinciaux statuent par voie d’arrêté. En cas
d’urgence pour son action, le Gouverneur peut, avec l’autorisation de l’Assemblée
provinciale, prendre des Arrêtés-Edits. Les arrêtés du Gouverneur de Province et des
ministres provinciaux sont susceptibles d’un contrôle de légalité et de conformité aux édits
devant la Cour administrative d’appel (art. 74 de la loi du 31 juillet 2008).
Comme le Gouverneur et le Vice Gouverneur, les ministres provinciaux sont
justiciables devant la Cour de cassation (art. 153 de la Constitution et art. 26 de la loi du 31
juillet 2008).

B. L’autonomie fonctionnelle de la Province

La Constitution affirme et protège l’autonomie fonctionnelle de la Province et pour


rendre cette autonomie effective, elle lui accorde des moyens d’action.
Du point de vue fonctionnel, les organes provinciaux disposent d’un domaine de
compétence exclusif constitutionnellement garanti par l’article 204. Ainsi, à côté des lois
nationales, il existe les édits provinciaux. Toute intervention des organes centraux dans ce
domaine, sauf sur habilitation de la province, serait une violation de la Constitution
sanctionnée par la Cour constitutionnelle. Sur habilitation du Parlement national, les organes
provinciaux peuvent aussi légiférer dans les matières relevant de la compétence du législateur
national (article 205).

Dans les matières réservées à la compétence exclusive de la Province, l’article 35, 36


et 37 de la Loi n°08/012 31 juillet 2008, portant principes fondamentaux relatifs à la libre
administration des provinces, distinguent entre celles qui relèvent de l’Edit provincial et celles
qui relèvent du pouvoir réglementaire provincial. D’après l’article 37 de cette loi, « les
matières reprises aux dispositions des articles 203 et 204 de la Constitution autres que celles
énumérées aux articles 35 et 36 de la présente loi ont un caractère réglementaire. »

Bien plus, les Provinces ont, en vertu de l’article 203, des matières dans lesquelles
elles ont une compétence concurrente, c’est-à-dire partagée, avec le pouvoir central.
Enfin, à travers les avis et suggestions formulés par la Conférence des Gouverneurs de
Province instituée par l’article 200 (cette institution existait aussi dans la Constitution de
Luluabourg), les Provinces participent à la définition de la politique et de la législation
nationales.
L’autonomie fonctionnelle des Provinces est aussi renforcée par la maîtrise de leurs
ressources. L’article 171 précise que les « les finances du pouvoir central et celles des
provinces sont distinctes. » L’Etat doit, au prescrit de l’article 175, allouer à chaque Province
40% des recettes à caractère national provenant de ladite Province, et la retenue s’effectue à la
source, c’est-à-dire au niveau de la Province avant la transmission au Trésor public central. A
cela peuvent s’ajouter des subventions et dotations provenant de la Caisse nationale de
péréquation instituée par l’article 181, dans le but d’assurer la solidarité nationale et de
corriger le déséquilibre de développement entre les Provinces. En outre, les Provinces ont la
maîtrise des finances provinciales, des impôts, des taxes et des droits provinciaux et locaux.
Du point de vue des ressources humaines et matérielles, la Province est compétente,
sur base de l’article 204, pour légiférer sur la fonction publique provinciale et locale et elle
peut former et accroître son domaine public par l’acquisition de biens pour ses besoins.
L’article 220 interdit formellement toute révision ayant pour objet de réduire les
prérogatives des provinces et des entités décentralisées.
Une réserve pourrait tout de même être émise à ce niveau concernant le contrôle du
pouvoir central sur les organes provinciaux. Sur le plan fonctionnel, les édits provinciaux
doivent respecter la Constitution et les lois nationales (article 205, alinéas 2 et 3). Mais il
n’existe pas de contrôle organique. Cela peut s’avérer dangereux lorsque l’Assemblée
provinciale, seule compétente pour renverser le Gouvernement provincial par le vote d’une
motion de censure, et ce Gouvernement provincial sont issus de la même tendance politique.
Or, cette coïncidence est plus que probable dès l’instant où c’est l’Assemblée provinciale qui
procède à l’élection du Gouverneur et du Vice Gouverneur de Province pour rendre la
Province ‘‘gouvernable’’. Au niveau provincial, il n’existe pas de droit de dissolution. Dans
ces conditions, il est difficile de remplacer ou suspendre une Assemblée provinciale qui
violerait la Constitution ou la législation nationale. Si l’on retient une perspective
comparative, on remarquera que, en Italie, Etat régionalisé, le Pouvoir central peur suspendre
ou dissoudre les organes provinciaux coupables de violation grave de la Constitution et de la
loi nationale. De même, les lois provinciales doivent, avant leur promulgation, recevoir le visa
du Commissaire du Gouvernement central qui, à cette occasion, vérifie leur compatibilité
avec les textes nationaux. Les articles 19 et 20 de la loi du 31 juillet 2008 tentent de corriger
ce déséquilibre en parlant d’une dissolution de plein droit à la survenance de certaines
circonstances.

§2. Le principe de participation

S’agissant du principe de participation, l’article 104 affirme que le Sénateur représente


sa Province, mais son mandat est national. Ainsi, à travers ses Sénateurs, la Province participe à
la confection de la loi nationale et même à la définition de la politique nationale.
On peut aussi évoquer la Conférence des Gouverneurs de province qui n’a cependant
qu’une compétence consultative. Néanmoins, elle peut formuler des avis et suggestions sur la
législation et sur la politique nationale.
Lorsque la régionalisation fonctionne bien, on est, juridiquement dans un Etat unitaire,
mais en pratique, on n’est pas éloigné de l'Etat fédéral.
CHAPITRE DEUXIEME

LE CITOYEN DANS L’ETAT

Un Etat ne peut se concevoir sans population, dont la première composante est


constituée des citoyens de cet Etat. Comme le citoyen de tout Etat, le Congolais est relié à son
pays par un lien de nationalité (I). Dans les démocraties, les citoyens sont l’assise première
de la souveraineté. Il existe ainsi un lien entre les citoyens et le pouvoir, lien qui pose
l’exigence de démocratie (II).

Section I. LE LIEN DE NATIONALITE

Le débat congolais sur la nationalité a été historiquement biaisé par ce que l’on
pourrait désormais appeler « la question rwandaise », et cela à un double titre : d’une part,
celui de la date à laquelle il faut être considéré comme Congolais d’origine, et, d’autre part,
celui de l’acquisition individuelle ou collective de la nationalité.
Du point de vue des dates, on avance tantôt la date de 1885 correspondant à la
partition de l’Afrique, tantôt 1908, période de l’affermissement du Congo Belge. Or, l’histoire
montre que, après la défaite de l’Allemagne à la 1 ère guerre mondiale, les colonies allemandes
du Rwanda-Urundi furent transférées à la Belgique. Celle-ci procéda par la suite, dans le
cadre de la Mission d’immigration des Banyarwanda (MIB), à des déplacements de
population de ces nouvelles colonies vers le Congo Belge (entre 1937 et 1945, puis entre 1949
et 1955) pour des raisons de main-d’œuvre, de dégonflement démographique et de lutte contre
les famines dans ces nouvelles colonies, tout en leur conservant leur nationalité. D’autres
Rwandais vont entrer au Congo comme réfugiés lors de la révolution hutu de 1959, dirigée
par Grégoire Kayibanda.
On évoque parfois la date de 1960, celle de l’Indépendance du Congo. Mais, ici aussi,
par des vagues successives, des populations rwandaises ou burundaises ont déferlé vers le
Congo, notamment en 1962, lors de l’indépendance de ces Etats, puis 1972 et plus récemment
en 1994, lors des massacres entre Tutsi et Hutu au Rwanda. Entre 2010 et 2011, on a vu
émerger le concept de « hutu-nande » qui a caché encore une fois l’entrée de nouvelles
populations rwandaises sur le sol congolais sous le regard imperturbable, impassible, voire
complice des gouvernants congolais.
Plus important encore, fut le mouvement observé entre 2014 et 2016, impliquant des
sujets hutu rwandais, probablement chassés de Tanzanie par le Gouvernement de Kikwete et
frauduleusement infiltrés au Congo, vers Erigneti, Boga et Tshabi, alors que ces zones étaient
en proie à des affrontements armées avec des « présumés AF-NALU ». On évoquait parfois le
chiffre de 600.000 personnes
Dans une Lettre-Rapport des Chefs coutumiers de Masisi au Chef de l’Etat, du 08
mars 1981, déjà en 1966 les immigrés étaient estimés à 126384 contre 172195 Hunde
autochtones, soit une proportion de 47%.36 Entre 1970 et 1990, d’autres immigrés volontaires
se sont installés dans le Masisi, dans le territoire de Rutshuru, dans le sud du territoire de
Lubero et vers Kalehe, dans le Sud-Kivu.

36
Cf. PALUKU RIVE-RIVE, Le droit coutumier nande dans l’évolution du régime foncier congolais, à paraître, p. 55.
Au terme de ces différentes vagues, les Rwandais établis au Congo sont de diverses
catégories : il y a des immigrés volontaires, des fugitifs, les réfugiés et des transplantés. La
législation congolaise a alors tergiversé, tantôt en les excluant, tantôt en les intégrant comme
nationaux Congolais. Cette question serait encore parmi les causes de guerres civiles et
d’agression qu’a connues la République Démocratique du Congo en 1996 et en 1998, et la
raison de la prise des armes par les soit-disant ‘‘Banyamulenge’’, tribu qu’aucun document
d’archives n’a répertoriée au Congo à l’époque coloniale, cachant mal les ambitions
géopolitiques et géostratégiques du Rwanda sur l’Est de la République Démocratique du
Congo.
Quant à l’acquisition de la nationalité, la loi du 5 janvier 1972 avait conféré la
nationalité aux populations rwandaises de façon collective. L’article 15 de cette loi votée alors
que les Banyarwanda bénéficient, par le truchement de Barthélemy Bisengimana, directeur de
cabinet de Mobutu à l’époque, de la protection du dictateur, accorde la nationalité zaïroise
« aux personnes originaires du Rwanda-Urundi qui (étaient) établies dans la Province du
Kivu avant le 1er janvier 1950 et qui ont continué à résider depuis lors dans la République du
Zaïre. » 37 On peut d’ailleurs se demander pourquoi la date de 1950 et pourquoi accorder la
nationalité à des gens qui prétendent être des Congolais d’origine. Est-il logique d’accorder la
nationalité à des gens qui sont déjà ses nationaux ?
La loi de 1981 a abrogé l’article 15 de celle de 1972 et exigé la démarche individuelle
pour l’acquisition de la nationalité congolaise. En même temps, la loi de 1981 est plus
restrictive car elle réserve la nationalité zaïroise aux descendants des personnes se trouvant
sur le territoire national à la date du 18 octobre 1908, date à laquelle la souveraineté sur le
Congo passa de Léopold II à la Belgique. Ce dispositif combine en réalité droit du sang et
droit du sol en privilégiant le premier. Des ordonnances de 1982 vinrent annuler
rétroactivement les certificats de nationalité obtenus sur base de l’article 15 de la loi n°72/002
du 5 janvier 1972.
Ce vieux débat a encore marqué la Conférence Nationale Souveraine et le dialogue
inter-congolais. Il est donc récurent dans la législation et la politique congolaise.38
Sur la base de la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice (CIJ), rendue le 6
janvier1955 dans l’affaire Notteböhm, la nationalité est juridiquement définie comme un lien
juridique entre un individu et un Etat, ayant à sa base un fait social de rattachement, une
solidarité effective d’existence d’intérêts, de sentiments, jointe à une réciprocité de droits et
de devoirs.
Il faut alors examiner la législation congolaise en matière de nationalité (§1) avent
d’en arriver aux droits et aux devoirs qui en découlent pour le citoyen congolais (§2).

§1. La législation congolaise actuelle sur la nationalité

Depuis le 12 novembre 2004, la nationalité congolaise est régie par une nouvelle loi, la
loi n° 04/24. Située dans la droite ligne de l’article 14, alinéa 3 de la Constitution de la
Transition, cette loi a pour objectif, d’une part, de répondre aux critiques de la législation
antérieure, marquée par des changements constants en fonction de ceux qui en étaient les
inspirateurs et, d’autre part, de moderniser le régime congolais de la nationalité en l’adaptant
37
Cf. O. LANOTTE, République Démocratique du Congo. Guerres sans frontières. De Joseph-Désiré Mobutu à Joseph Kabila, Bruxelles,
Editions GRIP Complexe, 2003, p.28.
38
A l’issue de la Conférence Nationale Souveraine, la Commission Vangu rendit un Rapport adopté par le Haut Conseil de la République,
Parlement de transition selon lequel « l’immigration et l’exil politique ne sont pas des cas de naturalisation et exige le rapatriement sans
condition de tous les réfugiés et immigrés rwandais et burundais ; l’annulation par le ministère de l’intérieur des actes de nomination des
immigrés et réfugiés dans les territoires en Zones de Rutshuru, Masisi et Walikale ; l’annulation par le Président de la République des actes
de nomination des immigrés et réfugiés rwandais et burundais à tous les niveaux de la gestion du pays et dans la représentation
diplomatique. »
au contexte de la mondialisation et en la faisant contribuer à la lutte contre l’apatridie. Pour
répondre à ces objectifs, la nouvelle loi contient 53 articles répartis en 10 chapitres.
Alors que pour certains, moderniser le régime juridique de la nationalité signifiait
admettre la possibilité de la pluri-nationalité, la loi réaffirme, dès son article 1 er, que « la
nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec une
autre nationalité. » Outre cette affirmation qui reste fidèle à la tradition congolaise, quelles
sont les grandes lignes de cette loi ? Il est important, maintenant que les Congolais renouent
avec les élections, de savoir qui est congolais selon la loi, car les risques sont grands de voir
des congolais fictifs ou faux fausser les résultats des différents scrutins.
Sur cette question, la Constitution est globalement fidèle à la tradition congolaise du
caractère exclusif de la nationalité congolaise. Il est rappelé que la nationalité est d’origine ou
d’acquisition. L’acquisition de la nationalité est individuelle et non collective (article 10).
La loi n° 04/24 du 12 novembre 2004 et la Constitution de 2006 distinguent différents
types de nationalités (A) et la loi définit différentes procédures, selon qu’il s’agit de la
déclaration de nationalité, de la naturalisation ou de la déchéance de nationalité (B).

A. Les types de nationalité

La loi distingue entre la nationalité d’origine et la nationalité d’acquisition.

1. La nationalité d’origine

Elle est reconnue, selon les articles 6 de la loi sur la nationalité et 10 de la


Constitution, à toute personne appartenant aux groupes ethniques dont les personnes et le
territoire constituaient ce qui est devenu le Congo à l’indépendance. L’article 10 de la
Constitution ne contient plus l’expression ‘‘nationalités’’ appliquée aux groupes ethniques
comme les articles 4 et 6 de la loi sur la nationalité. Il n’y a donc qu’une seule nationalité,
celle qui unit l’individu à l’Etat. En parlant de ‘‘nationalités’’, la loi semble décomposer la
nationalité congolaise en sous nationalité.
Il faut tout de même souligner que l’article 10 de la Constitution, comme l’article 6 de
la loi sur la nationalité, résout une question, mais en soulève d’autres. Il accorde la nationalité
aux personnes arrivées au Congo avant le 30 juin 1960, alors que lois antérieures s’arrêtaient
à 1908, voire à 1885, date de la Conférence de Berlin qui a consacré la partition de l’Afrique
en Etats. L’actuelle Constitution est donc moins restrictive que la Constitution de Luluabourg
qui s’arrêtait à 1908. Elle est plus inclusive et tempère les tensions liées au sentiment
d’exclusion dont souffrent certaines populations établies au Congo. Mais, en parlant de
‘‘groupes ethniques’’, la loi ouvre indéfiniment la nationalité congolaise dès lors que des
personnes peuvent appartenir à un groupe dont quelques membres se trouvaient au Congo,
alors qu’elles-mêmes étaient ou sont établies dans des pays étrangers comme au Congo-
Brazzaville, en Angola, en Zambie, au Burundi, au Rwanda, au Soudan, en Ouganda ou en
République centrafricaine. Faut-il admettre toutes ces personnes comme étant des congolais.
La nationalité d’origine est également reconnue à un enfant dont l’un des parents est
congolais(e). Mais, dans ce cas, il faut que la filiation de l’enfant vis-à-vis de ce parent soit
établie durant la minorité de l’enfant (article 7).
Est présumé Congolais, l’enfant nouveau-né ou mineur trouvé sur territoire de la RD
Congo, alors que ses parents restent inconnus. Si plus tard, la filiation de l’enfant est établie à
l’égard d’un étranger, l’enfant est réputé n’avoir jamais été Congolais (article 8 et article 14,
alinéa 2).
Pour lutter contre l’apatridie, la loi présume Congolais un enfant né au Congo de
parents apatrides ou de parents étrangers dont l’Etat n’accorde sa nationalité qu’en vertu du
droit du sol, c’est-à-dire aux enfants nés sur son territoire (article 9). Pour eux, la République
Démocratique du Congo applique le droit du sol. En définitive, la RD Congo applique
principalement le droit du sang et, exceptionnellement, le droit du sol.

2. La nationalité d’acquisition

La nationalité congolaise est acquise par la naturalisation, par l’option, par l’adoption,
par le mariage, par la naissance ou par la résidence en République Démocratique du Congo.
L’article 10 de la Constitution précise que l’acquisition de la nationalité est individuelle.
Selon l’article 11 de la loi du 12 novembre 2004, peut être naturalisé congolais,
l’étranger qui a rendu des services éminents à la République Démocratique du Congo ou celui
dont la naturalisation présente un intérêt réel à impact visible pour le Congo. La naturalisation
est alors accordée par ordonnance du Président de la République, sur proposition du ministre
de la Justice et Garde des sceaux, après avis conforme de l’Assemblée nationale et la
personne naturalisée ne peut jouir des droits qui se rattachent à cet état qu’après avoir prêté
serment de fidélité à la République Démocratique du Congo devant la Cour d’appel de sa
résidence.
La nationalité par l’effet de l’option est acquise par l’enfant né en République
Démocratique du Congo ou à l’étranger et dont l’un des parents est Congolais, par l’enfant
légalement adopté par un Congolais (article 13) Dans les six mois qui suivent sa majorité,
l’enfant peut faire une déclaration dans laquelle il opte pour nationalité congolaise (article
16). Mais une telle déclaration n’est recevable que si le jeune majeur réside en République
Démocratique du Congo depuis au moins cinq ans, parle une des langues congolaises et
renonce à toute autre nationalité (article 15).
Sur base de l’adoption, est Congolais l’enfant mineur légalement adopté par un
Congolais, dont le parent adoptif devient congolais ou recouvre volontairement la nationalité
congolaise. Mais, l’enfant adopté peut, dans les 6 mois suivant sa majorité, renoncer à sa
nationalité congolaise, s’il a acquis une autre nationalité (article 17).
Quant au mariage, en principe il n’affecte pas la nationalité des gens. Toutefois, un
étranger ou un apatride qui se marie à un congolais peut, après sept ans de mariage, acquérir
la nationalité congolaise, à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé entre les deux
époux et que l’époux congolais ait conservé sa nationalité au moment de la demande. La
nationalité est accordée par décret délibéré en Conseil des ministres sur proposition du
ministre de la justice et après avis conforme de l’Assemblée nationale (articles 18 et 19).
Enfin, tout enfant né en République Démocratique du Congo de parents étrangers peut,
à compter de ses 18 ans, acquérir la nationalité congolaise s’il manifeste sa volonté par écrit et
s’il réside de manière permanente en RD Congo.
L’article 22 pose des conditions générales d’acquisition de la nationalité congolaise,
notamment être majeur, faire une demande individuelle, renoncer à toute autre nationalité,
savoir parler au moins une des langues du Congo, résider au Congo de manière permanente,
ne s’être jamais livré à des actes incompatibles avec les intérêts du Congo au profit d’un Etat
étranger, n’avoir jamais été condamné pour une des infractions mentionnées dans l’article,
telle la haute trahison, l’atteinte à la sûreté de l’Etat, les crimes de guerre, le crime de
génocide, les crimes contre l’humanité ou le crime d’agression, le crime de terrorisme, le viol
ou la pédophilie, les crimes économiques, etc. Dès que la nationalité est accordée, le ministre
de la justice le notifie, dans un délai de trois mois et par voie diplomatique, au Gouvernement
du pays d’origine du demandeur.
Les articles 30 à 33 fixent les modalités de recouvrement de la nationalité congolaise
pour quiconque l’aurait perdue ou en aurait été déchu.
La nationalité, qu’elle soit d’origine ou d’acquisition, se prouve par le certificat de
nationalité délivré par le ministre de la justice et Garde des sceaux (articles 42 et 47).
La loi n° 04/24 du 12 novembre indique aussi les procédures à suivre pour les
opérations relatives à la nationalité.

B. Les différentes procédures et le contentieux de la nationalité

Elles concernent essentiellement la déclaration de nationalité, la naturalisation et la


déchéance.

1. La procédure de déclaration de la nationalité

La déclaration en vue d’acquérir la nationalité congolaise, d’y renoncer ou de la


recouvrer est adressée en double exemplaire, comportant la signature légalisée de l’impétrant,
au ministre de la justice par lettre recommandée avec accusé de réception ou par porteur
contre récépissé. Pour ce faire, l’impétrant doit élire domicile en République Démocratique du
Congo (article 34). L’impétrant doit remplir les conditions posées par l’article 22
susmentionné. Toute déclaration non reçue et non enregistrée par le ministre de la justice est
frappée de nullité. Le ministre délivre alors une attestation constatant que la déclaration a été
bien établie et enregistrée (article 44).
S’il y a eu violation des conditions exigées, la décision de rejet, susceptible de recours
gracieux devant le Chef de l’Etat ou de recours en annulation devant la Cour Suprême de
Justice, est notifiée à l’intéressé dans les 3 mois à compter de la réception de sa déclaration.

2. La procédure de naturalisation

Le dossier de demande de naturalisation est adressé également au ministre de la justice


et doit comporter les pièces fixées par arrêté du ministère de la justice délibéré en Conseil des
ministres. Le dossier comporte la signature légalisée du demandeur qui doit avoir élu domicile
en République Démocratique du Congo.
Dans les six moins suivant le dépôt, le ministre procède à la publicité de la demande et
à une enquête sur l’honorabilité du candidat à la naturalisation. Les résultats de l’enquête et le
projet d’ordonnance portant naturalisation sont ensuite soumis à la délibération du Conseil des
ministres. Après cette délibération, tout le dossier est ensuite transmis, pour avis conforme, à
l’Assemblée nationale (art. 38 de loi de 2004).

3. Le contentieux de la nationalité et la procédure de déchéance

Lorsque le ministre de la justice obtient des informations faisant état d’un cas
susceptible de poursuite en déchéance de la nationalité congolaise, il notifie à la personne
concernée la mesure envisagée et la publie au Journal Officiel. La personne concernée
dispose, pour présenter ses justifications et sa défense (pièces et mémoires), d’un mois à
compter de la notification de la mesure ou de trois mois à dater de la publication au Journal
Officiel.
Un Congolais qui acquiert une autre nationalité perd sa nationalité congolaise. Un
étranger qui a acquis la nationalité congolaise peut en être déchu s’il s’avère qu’il a acquis la
nationalité congolaise par fraude, qu’il a conservé sa nationalité d’origine, ou qu’il s’est rendu
coupable de corruption ou de concussion dans la procédure d’acquisition de la nationalité
congolaise. La déchéance est prononcée par ordonnance délibérée en Conseil des ministres,
après avis conforme de l’Assemblée nationale, dans le délai d’un an à compter de la
découverte de la faute. L’ordonnance est susceptible de recours gracieux devant le Chef de
l’Etat ou d’un recours en annulation devant la Cour suprême de justice (articles 28-29).
L’ordonnance de déchéance est également notifiée à la personne concernée et publiée
au Journal Officiel.
La loi sur la nationalité tendait à répondre à certains objectifs. Etre une loi d’inclusion,
de modernisation et de lutte contre l’apatridie. Les a-t-elle atteints ? La réponse me semble
devoir être nuancée. L’inclusion faite par l’article 6 est tellement large qu’elle ouvre
indéfiniment la nationalité congolaise à bien des étrangers. La modernisation par l’admission
de la pluri-nationalité reste irréalisée par la réaffirmation du caractère un et exclusif de la
nationalité congolaise.
Evidemment, aucune loi n’est parfaite. Celle-ci aussi reste perfectible. Elle a voulu
répondre à certains problèmes dans un contexte particulier.

§2. Les droits et les devoirs des citoyens

Un autre objectif majeur de la Constitution est l’instauration d’un Etat de droit en


République démocratique du Congo. L’Etat de droit exige que les personnes publiques et les
gouvernants soient soumis, au même titre que les particuliers au respect de l'ordre juridique et
que ce respect soit sanctionné en dernier ressort par un juge. Il postule l'existence d'un
ordonnancement juridique formellement et surtout matériellement hiérarchisé. La soumission
des pouvoirs au droit suppose le respect par eux de l'ordre juridique établi. Dès l’instant où la
proclamation des droits et libertés fait partie intégrante de l’ordre juridique, le respect du droit
implique la protection des droits et libertés des citoyens. L'autorité doit être aménagée de telle
sorte que, fondée sur l'adhésion de ceux qui lui sont soumis, elle demeure compatible avec leur
liberté et leurs droits.

A. Les droits reconnus aux citoyens congolais

Le titre II, consacré aux droits et libertés et aux devoirs du citoyen, est le 2 ème en
longueur, après celui relatif à l’organisation et à l’exercice du pouvoir. Le titre II va de
l’article 11 à l’article 61, soit au total 51 articles consacrés aux droits civiques. Y sont
reconnus :
- Les droits de la première génération ou droits civils et politiques qui sont liés à la personne
et à ses relations avec le pouvoir. Les atrocités subies par la femme durant les guerres
justifient sans doute l’accent mis sur la protection contre les crimes sexuels. Par ailleurs, une
mention particulière doit être faite de l’exigence de parité homme-femme dans les institutions
nationales et provinciales et locales. Bref, l’Etat doit veiller à l’élimination de toute forme de
discrimination à l’égard de la femme (articles 14 et 15). L’article 51 garantit la protection et la
promotion de tous les groupes ethniques et de toutes les minorités.
Dans un pays où l’arbitraire a souvent fait office de principe, le droit devenant alors
l’exception, la Constitution réaffirme certains droits fondamentaux, notamment en matière
pénale et processuelle. Ainsi, la présomption d’innocence est affirmée par l’article 17, alinéa
9. Ceci devrait beaucoup instruire et inspirer les officiers de police judiciaire enclins à
recourir à la violence contre des personnes dans les procédures pénales.
De même et dans la lignée du projet de Constitution issu de la Conférence Nationale
Souveraine, toute personne arrêtée doit être immédiatement informée des griefs de son
arrestation et ce dans une langue qu’elle comprend. Ici encore, les forces de police ont du
chemin à faire, le lingala étant devenu pour certains d’entre eux un moyen d’intimidation des
citoyens parlant d’autres langues. Ne pas informer un suspect dans la langue qu’il comprend
serait donc violer la Constitution et s’exposer aux risques de la voie de fait, c’est-à-dire au
risque de porter atteinte à une liberté fondamentale ou à un droit fondamental.
Par ailleurs, lorsqu’une personne est gardée à vue, c’est-à-dire maintenue dans les
locaux de la police à des fins d’enquête, elle a le droit d’entrer immédiatement en contact avec
sa famille ou avec un avocat. Une telle assistance peut protéger contre des menaces ayant
pour but d’extorquer des aveux.
L’article 28 constitutionnalise la désobéissance civique lorsque l’ordre reçu de son
supérieur est manifestement illégal ou porteur d’atteinte au respect des droits de l’homme et
des libertés publiques et des bonnes mœurs.
- Les droits de la deuxième génération ou droits économiques, sociaux et culturels. Les
droits économiques tendent à l’amélioration des conditions matérielles d’existence des
citoyens. Ainsi le droit à la santé, à l’emploi, à la propriété, etc. Les droits sociaux sont ceux
que l’homme exerce en groupe comme la liberté d’association, la liberté syndicale, le droit de
grève, le droit de fonder une famille en se mariant avec une personne de son choix et de sexe
opposé. Les droits culturels eux visent l’acquisition du savoir ou de la culture. Ex. le droit à
l’éducation et à l’enseignement auquel correspond le devoir de l’Etat de lutter contre
l’analphabétisme, la liberté de création artistique ou intellectuelle, la liberté de recherche
scientifique (article 46).
L’affirmation des droits économiques, sociaux et culturels est née de la critique
marxiste et socialiste des droits de la première génération : l’exercice des droits civils et
politiques est apparue incertain pour des citoyens pauvres. Il faut un minimum de bien-être
pour participer à a vie politique de la nation. Un citoyen pauvre se trouve ainsi marginalisé et
exclu de la politique.
- Les droits de la troisième génération, appelés droits collectifs ou encore droits de
solidarité, comme le droit à la paix, le droit à un environnement sain et propice à son
épanouissement intégral (article 53), le droit au développement et de jouir des richesses
nationales (article 58), etc.
L’ensemble des ces droits et libertés est confié à la protection du pouvoir judiciaire par
l’article 150 de la Constitution : « Le pouvoir judiciaire est le garant des libertés individuelles
et des droits fondamentaux des citoyens. »
En contrepartie de ces droits, le citoyen a le devoir de connaître les lois du pays, de
respecter la Constitution et de se conformer aux lois (article 62), de défendre le pays et son
intégrité contre les menaces et agressions extérieures (article 63), de faire échec à toute
conquête du pouvoir par la force (article 64). D’ailleurs, il faut remarquer que le coup d’Etat
contre un régime constitutionnel est érigé en infraction imprescriptible contre la Nation et
l’Etat. Le citoyen a, en outre, le devoir de s’acquitter de ses obligations envers l’Etat,
notamment le paiement des impôts et taxes, la connaissance et le respect de la Constitutionnel
et des lois.

B. Relativité des droits et caractère absolu de certains droits

Les droits et les libertés sont à mettre en relation avec d’autres valeurs et intérêts de
l’Etat. Aussi sont-ils quelque peu relatifs, même si certains d’entre eux ont un caractère
absolu.

1. La relativité des droits et libertés


L’exercice des droits et libertés est limité par les exigences de l’ordre public, du
respect des lois et des bonnes mœurs, ainsi que par le respect des droits d’autrui. L’exercice
des droits et libertés peut également être limité en cas de circonstances exceptionnelles
définies aux articles 85 et 86 et aux articles 143 à 145 : il s’agit de l’état d’urgence, de l’état
de siège ou de l’état de guerre. Dans certaines périodes de crise, les exigences de l’autorité et
de l’ordre deviennent plus impérieuses par rapport à celles de la liberté individuelle des
citoyens. De telles périodes comportent toujours une aggravation, ou mieux, un renforcement
des systèmes de police. En effet, « si en période normale, il est primordial de sauvegarder les
libertés publiques, des circonstances particulières, telles que la guerre ou des troubles
intérieurs graves, peuvent faire passer au premier plan la sécurité de l’Etat. Le surgissement
d’une situation anormale légitime l’accroissement des sujétions imposées aux citoyens. »39 La
légitime défense de l’Etat, dont la survie est indispensable pour la sauvegarde de l’ordre
libéral (des libertés) peut justifier la mise entre parenthèses provisoire du régime protecteur
des libertés publiques. Lorsque est en jeu soit la sécurité intérieure de l’Etat et la survie des
institutions, soit la sécurité extérieure de l’Etat, la tendance est alors au renforcement des
prérogatives des autorités administratives, en particulier de l’Exécutif, en leur laissant plus de
latitude dans l’action, et, en sens inverse, de diminuer la protection des libertés. En effet, « au-
dessus des intérêts individuels les plus respectables, au-dessus des intérêts collectifs les plus
sérieux et les plus justifiés, il y a l’intérêt général, le droit supérieur pou une société, pour une
nation, d’assurer son existence. »40 Selon l’article 143, alinéa 3, de la Constitution, « les droits
et les devoirs des citoyens pendant la guerre ou en cas d’invasion ou d’attaque du territoire
national par les forces de l’extérieur font l’objet d’une loi. »

2. Les droits et libertés absolus

Quelles que soient les circonstances, il est des droits intangibles et des interdictions
qui demeurent. Aussi l’article 61 stipule-t-il : « En aucun cas, et même lorsque l’état de siège
ou l’état d’urgence aura été proclamé conformément aux articles 85 et 86 de la présente
Constitution, il ne peut être dérogé aux droits et principes fondamentaux ci-après :
- le droit à la vie ;
- l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
- l’interdiction de l’esclavage et de la servitude ;
- le principe de la légalité des infractions et des peines ;
- les droits de la défense et le droit de recours ;
- l’interdiction de l’emprisonnement pour dette ;
- la liberté de conscience, de pensée et de religion. »
Si donc l’exercice des droits et libertés doit être mis en relation avec d’autres intérêts
de l’Etat, il existe des droits absolus pour lesquels aucune dérogation n’est admise.
Dans la protection des droits que la Constitution a instaurée, il convient de souligner le
rôle que pourrait jouer la Cour constitutionnelle et sa jurisprudence. Le caractère ouvert de la
saisine de cette Cour devrait permettre une plus grande garantie des droits et libertés, à la
condition que les juges qui vont y siéger soient audacieux et prennent au sérieux la grandeur
et la noblesse de leur mission et soient surtout conscients du « devoir d’ingratitude » envers
ceux qui les auront nommés.

39
D. LOSCHAK, Le rôle politique du juge administratif français, Paris, LGDJ, 1972, p. 192.
40
Commissaire du Gouvernement HELBRONNER, Conclusions sur C E 18 juillet 1913, Syndicat national des chemins de fer, cité par D.
LOSCHAK, op. cit., p. 131.
Section II. LA SOUVERAINETE ET LA DEMOCRATIE : LE CITOYEN ET LE
POUVOIR

L’exposé des motifs et le Préambule de la Constitution congolaise du 18 février 2006


montrent sans équivoque la volonté du constituant de restaurer en République Démocratique
du Congo un Etat de droit, démocratique, uni et indépendant. La souveraineté doit être
restituée à l’Etat et au peuple congolais pour qu’il puisse « choisir souverainement ses
dirigeants, au terme d’élections libres, pluralistes, démocratiques, transparentes et crédibles. »
L’article 1er détermine les caractères de l’Etat en ces termes : « La République Démocratique
du Congo est, dans ses frontières du 30 juin 1960, un Etat de droit, indépendant, souverain,
uni et indivisible, social, démocratique et laïc. » Le même article détermine les symboles de
souveraineté : le drapeau national, l’hymne national, la devise, la monnaie, les armoiries, les
langues officielles et nationales.
La souveraineté est une notion complexe. Elle peut s’analyser du point de vue de
l’exercice du pouvoir et du point de vue de l’origine du pouvoir. Concernant l’exercice du
pouvoir, la souveraineté signifie, au plan interne, que l’autorité ou le pouvoir de l’Etat est
suprême, global, initial et non subordonné et, au niveau externe et international, que l’Etat est,
dans ses rapports avec les autres Etats, indépendant et doté de l’autonomie constitutionnelle.
S’agissant de l’origine du pouvoir, la théorie de la souveraineté cherche à identifier le
titulaire premier du pouvoir politique. En effet, les gouvernants n’ont que la délégation de
l’exercice du pouvoir et n’en sont pas la source première. En démocratie, le détenteur du
pouvoir est le corps des citoyens réunis en « peuple » ou rassemblés en « nation ». On oppose
alors la théorie de la souveraineté populaire et la théorie de la souveraineté nationale.
La démocratie est devenue elle aussi de nos jours une notion complexe. Au-delà de
son sens étymologique qui signifie « pouvoir du peuple par le peuple », selon la célèbre
formule d’Abraham Lincoln, la démocratie est traversée par des courants idéologiques
différents et par l’influence de l’Etat de droit. D’une part, les difficultés de la démocratie
directe font que la démocratie est, dans les sociétés pluralistes, le pouvoir de la majorité, elle-
même souvent ramenée aux structures de représentation. Mais là encore, on distingue entre la
démocratie libérale qui, par les mécanismes et les institutions de représentation, réserve
l’exercice du pouvoir à une élite issue du peuple et élue par lui ; et la démocratie dite
« jacobine »41 qui, plus fidèle aux idées de J.-J. Rousseau, voudrait renforcer le rôle politique
du peuple (paradoxalement un pouvoir central fort, conformément à la doctrine du centralisme
démocratique). La démocratie libérale s’inspire de la théorie de la souveraineté nationale,
tandis que la démocratie jacobine se rattache à la théorie de la souveraineté populaire.
Sous l’influence de l’Etat de droit, la démocratie n’est plus seulement le règne ou le
gouvernement de la majorité, c’est-à-dire du grand nombre. Elle est aussi une exigence du
respect du droit et des droits et libertés individuelles et collectives, et une exigence du
contrôle des gouvernants pour assurer leur soumission au droit. A côté de la démocratie
politique surgit alors la démocratie constitutionnelle.
C’est alors que surgit l’interrogation suivante : quel type de souveraineté et quel type
de démocratie la Constitution congolaise a-t-elle consacrés. Comme la plupart des Etats
modernes, la physionomie de la République Démocratique du Congo est désormais marquée
par le compromis démo-libéral (§1) et par une imprégnation de la démocratie par la
suprématie constitutionnelle (§2)

41
L’appellation ‘‘jacobine’’ de ce courant vient du fait que ses initiateurs, outre leur référence aux idées de Jean-Jacques Rousseau, se
réunissaient, à Versailles, dans le Couvent des Jacobins.
§1. La consécration du compromis démo-libéral

Qu’entend-on par compromis démo-libéral ? Comment se manifeste-t-il ? Il s’agit


d’une combinaison du courant libéral et du courant démocratique (ou jacobin) dans la
conception et l’application de la démocratie. Autrement dit, un dosage entre la théorie libérale
de la souveraineté nationale et la théorie démocratique de la souveraineté populaire. C’est
ainsi que, l’article 5 de la Constitution, consacre à la fois ces deux types de souveraineté :
« La souveraineté nationale appartient au peuple. Tout pouvoir émane du peuple qui l’exerce
directement par voie de référendum ou d’élections et indirectement par l’intermédiaire de ses
représentants. » Une telle disposition traduit, in limine Constitutionis, une sorte d’amalgame
entre la théorie libérale qui affirme la souveraineté de la Nation, et la théorie démocratique
qui attribue le pouvoir à l’Assemblée (Eklesia) des citoyens réunis en peuple. Le compromis
démo-libéral aboutit à la coexistence des procédés de démocratie directe (A) et des
institutions de représentation (B).

A. Les procédés de démocratie directe

Pour éviter la confiscation de la souveraineté par les représentants, la Constitution met


en place des procédés de participation des citoyens à la prise de décision et à la gestion des
affaires publiques. Il s’agit principalement de l’élection, du référendum et de la pétition.
L’élection permet au peuple d’intervenir directement dans la désignation du Chef de
l’Etat, des députés nationaux et provinciaux, des conseillers de Chefferie ou Secteur, des
conseillers communaux, et indirectement, dans le choix des sénateurs et des Exécutifs
provinciaux, des conseillers urbains. Elle constitue une matérialisation d’un droit politique
fondamental pour le peuple de se choisir librement ses gouvernants au terme d’échéances
périodiques, régulières, honnêtes et transparentes. Face à la crise de légitimité devenue
chronique en République Démocratique du Congo, le constituant a voulu doter les Institutions
congolaises de la IIIème République d’une plus solide et incontestable légitimité fondée sur le
suffrage42. Les élections constituent aussi un haut lieu d’expression du droit de vote et du droit
à l’éligibilité.
Le référendum consiste en une consultation du peuple à travers le corps électoral pour
que, par le procédé du vote, il exprime ses opinions ou prenne une décision sur une question
déterminée. Ainsi, l’article 2 réserve au référendum la possibilité de transférer la Capitale du
pays de Kinshasa à un autre endroit. De même, l’article 214 stipule que « nulle cession, nul
échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans l’accord du peuple congolais
consulté par référendum. » Seul le peuple est donc maître des modifications des frontières
nationales. Par ailleurs, sauf intervention du Congrès à une majorité de 3/5 des membres qui
le composent, toute révision constitutionnelle ne devient définitive que si elle est approuvée
par référendum (art ; 218, al. 3). L’idée de fond d’une telle prérogative populaire est que le
peuple, souverain primaire, est aussi le premier constituant. L’importance à la fois juridique
et politique de la Constitution implique que ses modifications soient l’œuvre du peuple lui-
même.
En outre, le peuple peut intervenir par voie de pétition adressée à toute autorité
publique (art.27) ou aussi en vue de la révision de la Constitution. Dans ce cas, l’intervention
peut être double : d’abord en recueillant 100.000 signatures pour soutenir la pétition, puis en
vertu du référendum éventuellement organisé pour l’adoption de la révision sollicitée. Depuis
la révision constitutionnelle du 15 janvier 2011, il s’agit désormais s’agit pas d’un référendum
42
Cf. T. MUHINDO MALONGA, ‘‘Le projet de Constitution de la République démocratique du Congo. Quelles réponses aux attentes des
congolais ?’’ in Horizons, Revue de droit et de science politique du Graben, n° 1 (2005), p. 31.
obligatoire comme celui de l’article 214, al. 2, relatif au changement des frontières ou de la
superficie du territoire national.
Il y a donc eu, chez le constituant congolais, la volonté de faire davantage participer le
peuple et d’accroître ses prérogatives. Du point de vue démocratique, il s’agit de légitimer le
pouvoir en le faisant émaner de sa source première, le peuple. De fait, légitimer
démocratiquement le pouvoir du point de vue de sa source, c’est dire que le peuple est le
fondement du pouvoir politique. « Le principe démocratique, écrit J. Chevallier, suppose
d’abord que la source de tout pouvoir, de toute autorité, réside dans la collectivité des
citoyens ; il n’y a de pouvoir légitime qu’émanant du peuple ; et il n’y a de contrainte
acceptable que s’appuyant sur le consentement. »43 Toutefois, les difficultés de la démocratie
directe intégrale (totale) et permanente rendent nécessaire une certaine représentation.

B. Les institutions représentatives

L’article 5 de la Constitution précise aussi que le peuple peut exercer indirectement le


pouvoir par l’intermédiaire des représentants. Le procédé de l’élection aboutit à la désignation
de ceux qui sont chargés par le peuple d’exercer le pouvoir en son nom. La délégation de
pouvoir se fait au niveau national au profit du Président de la République et des
parlementaires, au niveau provincial, au profit du Gouverneur et de l’Assemblée provinciale
et, au niveau local, au profit des Conseils et des Exécutifs locaux respectifs (Ville, Commune,
Chefferie ou Secteur).
Tous ces représentants jouissent en réalité d’un mandat représentatif. En effet, la
Constitution précise que tout mandat impératif est nul (art. 101 et 104). Elle consacre ainsi a
contrario un mandat représentatif. En vertu de ce mandat, les élus sont indépendants vis-à-vis
de leurs électeurs. Toute possibilité de ‘‘rappel’’ ou ‘‘recall’’ en cours de mandat est exclue.
Néanmoins, les élus sont astreints au respect de la Constitution.

§2. Une démocratie constitutionnelle

Dans un Etat de droit, la démocratie n’est pas seulement le règne de la majorité, elle
est aussi le respect du droit et des droits et la soumission des tous à la Constitution. A l’aspect
strictement politique est venue s’adjoindre une dimension juridique de la démocratie. Ce
dernier aspect garantit la suprématie normative de la Constitution (A). Cependant, suprématie
constitutionnelle ne signifie pas rigidité absolue. La Constitution reste susceptible de révision
(B).

A. La suprématie constitutionnelle

La constitution est désormais, dans la plupart des ordres juridiques internes, la norme
juridique suprême. Toutes les normes inférieures, en particulier les lois et les actes ayant force
de loi, doivent la respecter et lui être conformes. En République Démocratique du Congo, la
suprématie constitutionnelle est matérialisée par le contrôle de la constitutionnalité des lois.
Cette mission est confiée à la Cour constitutionnelle par les articles 139 et 160 et suivants de
la Constitution.
Avec un tel dispositif, même le législateur est soumis au respect du droit contenu dans
la Constitution. La suprématie constitutionnelle illustre aussi au plus haut point les exigences
de l’Etat de droit. Elle invite à distinguer deux niveaux dans l’expression de la volonté
générale : la volonté générale initiale exprimée directement par le peuple lors de l’adoption de
43
J. CHEVALLIER, L’Etat de droit, Paris, Dalloz, 1999, p. 49.
la Constitution et la volonté générale seconde ou dérivée qui s’exprime par la loi, votée par le
Parlement, composé des représentants du peuple. Dans ce contexte, la loi n’exprime la
volonté générale que dans le respect de la Constitution. Si elle viole la Constitution, elle est
une expression déviée de la volonté générale. Le juge constitutionnel est ainsi le gardien et le
garant de la volonté générale initiale. Raison pour laquelle Dominique Rousseau le considère,
entre deux élections, comme le garant de la démocratie continue.
Mais, comme toutes les normes, la Constitution régit la vie des hommes. Elle doit
donc évoluer avec elle. D’où la nécessité de réviser parfois la Constitution.

B. La révision constitutionnelle

La Constitution doit d’une part rester ouverte aux évolutions sociales et, d’autre part,
offrir à un Etat une stabilité juridique et politique. Pour éviter à la fois les révisions hâtives
qui risquent d’opérer des changements brusques de régimes, et les coups de force dus à
l’impossibilité de révision et à l’inadaptation de la Constitution, les constituants optent
souvent pour des Constitutions semi-rigides. Celles-ci sont révisables, mais à certaines
conditions procédurales et parfois avec certaines limitations.

1. La procédure de révision de la Constitution

Elle est fixée par l’article 218 de la Constitution. Elle comporte l’initiative, la décision
de réviser et l’adoption de la révision. L’initiative de la révision est partagée entre le Président
de la République, le Gouvernement, la moitié des membres de chaque chambre parlementaire
et le peuple agissant par voie de pétition réunissant 100.000 signatures. La pétition populaire
est adressée à l’une des chambres.
L’alinéa 2 du même article confie le pouvoir de décider du bien-fondé de la révision à
l’Assemblée nationale et au Sénat. Le Parlement joue ainsi un rôle d’organe de filtrage des
initiatives tendant à réviser la Constitution.
Quant à l’adoption définitive de la révision, elle relève soit du peuple agissant par voie
de référendum, soit du Congrès, auquel cas l’adoption est subordonnée à une majorité de 3/5
des membres qui composent le Parlement. Comme pour l’adoption de la motion de censure,
les absents et les abstentionnistes sont présumés avoir voté contre la révision.

2. Les limitations du pouvoir de révision

La révision de la Constitution est mise en œuvre par ce que la doctrine


constitutionnaliste qualifie de pouvoir constituant dérivé (institué) et relatif. Contrairement au
pouvoir constituant originaire et absolu qui élabore la Constitution, le pouvoir de révision est
encadré par la Constitution elle-même et doit se soumettre à la procédure de révision prévue
par cette Constitution. En outre, la Constitution peut interdire certaines révisions en posant
des limitations, soit de temps, soit de fond, dites aussi limitations matérielles puisqu’elles sont
relatives à l’objet ou au contenu de la révision.

a. Les limitations temporelles

Elles résultent de l’article 219 de la Constitution. Il interdit de procéder à la révision


de la Constitution ou de poursuivre une révision constitutionnelle pendant l’état de siège,
l’état d’urgence ou l’état de guerre, ou encore pendant que la présidence de la République est
exercée par un président à l’intérim, ou lorsque les chambres parlementaires ne peuvent pas se
réunir librement.
L’idée de fond de telles interdictions ou limitations, c’est que la Constitution est une
norme fondamentale et sa révision requiert sérénité et réflexion. Elle ne doit pas obéir à des
influences étrangères ou à des logiques partisanes. Réviser la Constitution pendant des
périodes de troubles peut aboutir à des changements de système ou de régime politique.

b. Les limitations matérielles

Elles concernent l’objet ou le contenu de la révision. L’article 220 exclut certaines


matières du pouvoir de révision. C’est le cas de la forme républicaine de l’Etat. Est ainsi
prohibée toute tentative d’instauration de la monarchie, de l’oligarchie ou de la dictature.
C’est également le cas de la forme représentative du Gouvernement. Ceci peut signifier que le
Gouvernement est toujours issu des organes de représentation des citoyens. Mais une telle
interdiction peut aussi s’interpréter dans le sens d’une prohibition de la démocratie directe. Ne
peut aussi être révisé le caractère universel du suffrage. Le suffrage restreint est donc exclu,
sous quelque forme que ce soit. De même, le nombre et la durée des mandats du Président de
la République sont interdits de révision. Il s’agit ici de garantir l’alternance politique. La
Constitution affirme en son article 70 que le Président de la République est élu pour un
mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Malheureusement, c’est une constante en
Afrique qu’à l’échéance du dernier mandat, les Constitutions sont souvent révisées pour
supprimer une telle limitation. On a vu de telles révisions au Cameroun, au Gabon, en
Ouganda, au Togo, au Zimbabwe, en Algérie, au Niger, etc. Il est à craindre que, si le chef de
l’Etat obtient un deuxième mandat, au terme de celui-ci, la Constitution ne soit révisée pour
lui permettre de briguer un troisième. Qui vivra verra ! Les arguments avancés sont souvent
que cinq ans ne suffisent pas pour réaliser les « cinq chantiers » Une telle argumentation tient
difficilement face à l’expérience d’Ets dont le mandat présidentiel est plus court et qui
cependant sont classés parmi les plus développés du monde. En outre, l’Etat est marqué par le
principe de continuité. Nul ne saurait prétendre épuiser les missions de l’Etat, quelle que soit
la durée de son mandat et les œuvres commencées peuvent pertinemment être poursuives par
d’autres.
L’indépendance du pouvoir judiciaire ne peut non plus faire l’objet de révision. De
fait, cette indépendance est une des conditions de l’Etat de droit et une garantie de la
séparation des pouvoirs et de protection des libertés. Supprimer l’indépendance de la justice
serait des magistrats les valets ou le chien de chasse du pouvoir politique.
Ne peut non plus être révisé le principe du pluralisme politique et syndical. D’ailleurs,
l’institution du parti unique est désormais érigée en infraction imprescriptible de haute
trahison.
Enfin, « est formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou
pour effet de réduire les droits et libertés de la personne ou de réduire les prérogatives des
provinces et des Entités territoriales décentralisées. » Dans un pays comme le nôtre, qui a
connu une longue période, voire des décennies de centralisation et de concentration des
pouvoirs, l’institution des entités régionalisées et décentralisées rencontre des réticences dans
le chef des nostalgiques de la IIème République. Ils perçoivent les organes provinciaux et
locaux comme des structures qui risquent de réduire leur pouvoir en une peau de chagrin.
Les interdictions contenues dans l’article 220 constituent ce que l’on qualifie de
« clauses d’éternité ». Il s’agit de clauses à la fois évocatrices des idées fondamentales du
constituant, évocatoires fans la mesure où elles exercent une fonction de conjuration d’un
passé jugé peu favorable à l’égard duquel elles jouent un rôle d’épouvantail. Bref, elles ont
une force symbolique de lutte contre les pratiques néfastes du passé.
Conclusion générale

Le droit constitutionnel congolais connaît déjà une histoire assez riche. De l’Etat
Indépendant du Congo jusqu’à la 3 ème République, en passant par le Congo Belge, la
première République, la seconde République et la Transition, de nombreuses
Constitutions se sont succédé, entraînant avec elles, diverses modalités d’organisation
politique et administrative.
L’actuelle constitution est porteuse de retombées de cette histoire. Elle s’est
inspirée de certaines des précédentes, comme la Constitution de Luluabourg ou encore le
projet de Constitution de la Conférence Nationale Souveraine et a tenté d’apporter
certaines innovations, concernant notamment une meilleure protection des droits de la
femme.
La Constitution s’est beaucoup inspirée de celle de Luluabourg notamment pour ce
qui concerne la régionalisation, du projet de Constitution issu de la Conférence Nationale
Souveraine pour ce qui est de l’atténuation du rôle du Président de la République et du
renforcement des pouvoirs du Premier Ministre, de l’Acte constitutionnel de la Transition
et de la Constitution de la Transition pour l’affirmation des certains droits et libertés, de la
Constitution française pour la rationalisation du parlementarisme, le renforcement et la
stabilisation politique de l’Exécutif, etc.
Bien évidemment, le contexte post-conflictuel dans lequel elle a été élaborée a
sensiblement influé sur certaines de ses dispositions. Mais aucune Constitution n’a jamais
été parfaite.
Dans cette étude du droit constitutionnel, structurée autour de l’histoire
constitutionnelle de la République Démocratique du Congo et des Institutions de la III ème
République, telles que mises en place par la Constitution du 18 février 2006, l’objectif a
été de permette de tirer les leçons du passé pour mieux apprécier le présent et envisager
d’éventuelles réformes pour l’avenir.
On aurait pu évoquer d’autres institutions comme la banque centrale, la cour des
comptes, le Conseil économique et social ou encore les forces armées et la police
nationale.
La Constitution congolaise du 18 février 2006 reste de ce point de vue perfectible
et la pratique qui en sera faite pourra révéler ses avantages et déceler ses défaillances.
Encore faut-il qu’elle soit appliquée par des hommes intègres qui soient respectueux de
ses dispositions. Une chose est le texte, autre chose est la pratique qui en est faite. Un bon
texte appliqué par de mauvais dirigeants peut se révéler un château de papier, tandis qu’un
mauvais texte appliqué par de bons dirigeants peut être plus protecteur. Le vrai et
perpétuel « chantier » est donc celui de l’homme et de la gouvernance. Chacun citoyen
doit se sentir le gardien de la chose publique « Qu’as-tu fait de ton pays ? ». L’hymne
nationale de notre pays nous lance des défis qui sont loin d’être relevés.
Bibliographie

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l’honneur de Roger Perrot, Paris, Dalloz, 1996, p.582.

3. Recueil

- IYELEZA MOJU-MBEI et alii, Recueil des textes constitutionnels de la


République du Zaïre, Kinshassa, Ise- Consulat, 1991.
-AA. VV., Les Constitutions de la République Démocratique du Congo de 1908 à 2011, Kinshasa, Juricongo,
Collection Juridoc, 2011.
PREMIERE PARTIE
Introduction.......................................................................................2
1. Contexte........................................................................................2
2. Importance du cours: objet et objectifs.........................................2
3. Méthodologie................................................................................3
4. Annonce du plan............................................................................3
HISTOIRE CONSTITUTIONNELLE DE LA REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE DU CONGO---------------------------------------------------------4

CHAPITRE PREMIER............................................................................................6
LA PERIODE COLONIALE ET LES TEXTES COLONIAUX--------------------6
(1885-1964)----------------------------------------------------------------------------------6
Section I. L’ETAT INDÉPENDANT DU CONGO (EIC) : UNE
PROPRIÉTÉ DU ROI DES BELGES----------------------------------------------------6
§1. La reconnaissance de l’Etat Indépendant du Congo-------------------------------6
§2. L’administration et l’exploitation économique de l’Etat Indépendant du Congo 7
Section II. LE CONGO BELGE ET LA CHARTE COLONIALE (1908-1960)- -9
Section III. LA LOI FONDAMENTALE----------------------------------------------10
§1. L’absence de clarté--------------------------------------------------------------------10
A. La forme de l’Etat----------------------------------------------------------------------10
B. Le régime politique---------------------------------------------------------------------11
1. Le germe du présidentialisme (art. 22)-----------------------------------------------11
2. La tendance parlementariste-----------------------------------------------------------11
§2. La volonté d’entretenir la dépendance ?-------------------------------------------12
A. Prolongation de la colonisation-------------------------------------------------------12
B. La poursuite de l’ingérence-----------------------------------------------------------13
CHAPITRE DEUXIEME-----------------------------------------------------------------16
LES CONSTITUTIONS « REPUBLICAINES »-------------------------------------16
1964-1992-----------------------------------------------------------------------------------16
Section I : LA CONSTITUTION DE LULUABOURG-----------------------------16
§1. Le régime politique--------------------------------------------------------------------16
A. Le Pouvoir Exécutif--------------------------------------------------------------------16
1. Prépondérance du Président de la République--------------------------------------16
2. Un contrôle parlementaire limité-----------------------------------------------------17
B. Le pouvoir législatif--------------------------------------------------------------------18
§2. La forme de l’Etat---------------------------------------------------------------------18
Section II. LA CONSTITUTION « REVOLUTIONNAIRE »---------------------19
§1. Le texte de 1967-----------------------------------------------------------------------19
A. La prépondérance de l’Exécutif------------------------------------------------------20
B. Le pouvoir Législatif-------------------------------------------------------------------20
§2. L’instauration de la dictature--------------------------------------------------------21
LA TRANSITION VERS LA DEMOCRATIE---------------------------------------23
Section I. DE LA CNS A L’ASSAUT DE L’AFDL---------------------------------23

DEUXIEME PARTIE

LES INSTITUTIONS DE LA TROISIEME REPUBLIQUE : LA CONSTITUTION


DU 18 FEVRIER 2006--------------------------------------------------------------------27

TITRE PREMIER : LE SYSTEME POLITIQUE.................................................29


SOUS-TITRE PREMIER : LES POUVOIRS CONSTITUTIONNELS-----------29

CHAPITRE PREMIER : LES POUVOIRS POLITIQUES-------------------------30

Section I. LE POUVOIR EXECUTIF....................................................................30


§1. Le Président de la République.........................................................................30

A. L’élection du Président de la République..........................................................30

1. Désignation et mandat........................................................................................30

2. Le statut et les incompatibilités..........................................................................31

B. Les attributions du Président de la République.................................................31

1. Les pouvoirs propres..........................................................................................32

2. Les pouvoirs partagés.........................................................................................32


a. Les compétences ordinaires................................................................................33
b. Les pouvoirs partagés en circonstances exceptionnelles....................................33

C. La possible évolution du rôle du Chef de l’Etat................................................34

1. Le rôle du Chef de l’Etat en période de cohabitation.........................................34

2. Le rôle du Chef de l’Etat en période de cohérence de majorité.........................34

D. La responsabilité pénale du Président de la République...................................35

1. Les incriminations (art. 164 -167)......................................................................35

2. La procédure de mise en jeu de la responsabilité pénale du Chef de l’Etat.......35


§2. La restauration de l’autorité du Gouvernement-----------------------------------35

A. Le Premier Ministre...........................................................................................36

1. Evolution historique de la stature du Premier ministre......................................36

2. Les pouvoirs actuels du Premier ministre..........................................................37


a. Le pouvoir de nomination...................................................................................38
b. Le pouvoir réglementaire...................................................................................38
3. La responsabilité pénale du Premier Ministre--------------------------------------38
B. Les autres ministres--------------------------------------------------------------------39
1. Les catégories de ministres..................................................................................39
2. Les attributions et les actes des ministres............................................................40

Section II. LE POUVOIR LEGISLATIF (DROIT PARLEMENTAIRE)---------41


§1. L’organisation et le fonctionnement du Parlement-------------------------------42
A. La consécration du bicamérisme-----------------------------------------------------42
1. Les deux chambres du Parlement-----------------------------------------------------42
a. La désignation des députés : l’Assemblée Nationale.............................42
b. La désignation des sénateurs : le Sénat................................................................43
2. Le statut des parlementaires................................................................................43
a. Les droits du parlementaire...................................................................43
b. Les immunités parlementaires...............................................................43
c. Les incompatibilités.............................................................................................44
B. Le fonctionnement du Parlement-----------------------------------------------------45
1. L’Assemblée plénière------------------------------------------------------------------45
2. Les commissions parlementaires-----------------------------------------------------46
3. Le Congrès-------------------------------------------------------------------------------48
§2. Les fonctions du Pouvoir législatif (Parlement)----------------------------------48
A. L’élaboration de la loi-------------------------------------------------------49
1. Le domaine de la loi............................................................................................49
a. Le domaine de la loi et les compétences des Assemblées provinciales. 49
b. Le domaine de la loi, le pouvoir réglementaire autonome et
la législation déléguée...............................................................................49

2. La procédure législative.....................................................................................50
a. L’initiative des lois................................................................................50
b. La discussion et le vote.........................................................................50
c. Le contrôle de constitutionnalité...........................................................51
d. La promulgation et l’entrée en vigueur.................................................51

B. Le contrôle du Gouvernement...........................................................................52

1. Les moyens d’information et de contrôle : le contrôle fonctionnel...................52

2. Les effets ou sanctions du contrôle : le contrôle organique...............................53


a. Contrôle parlementaire et responsabilité politique des membres
du Gouvernement......................................................................................53
b. Contrôle parlementaire et responsabilité pénale du Premier ministre....53

CHAPITRE DEUXIEME: LES CONTRE-POUVOIRS CONSTITUTIONNELS.....54

Section I. LE POUVOIR JUDICIAIRE.................................................................54

§1. Le Conseil supérieur de la magistrature et l’indépendance du pouvoir judiciaire


................................................................................................................................54

A. La composition du C S Ma et l’indépendance du pouvoir judiciaire................55


B. Les compétences du C S M et l’indépendance du pouvoir judiciaire-----------55

§2. La Cour constitutionnelle.................................................................................56


A. La composition et les compétences de la Cour constitutionnelle........................57
1. La composition de la Cour constitutionnelle......................................................57
a. Les membres de la Cour constitutionnelle.........................................................57
b. Le statut de la Cour constitutionnelle................................................................58
2. Les compétences de la Cour constitutionnelle...................................................59
a. Le contrôle de la constitutionnalité....................................................................59
b. Les autres compétences de la Cour constitutionnelle........................................59
B. Les modalités de la saisine de la Cour constitutionnelle--------------------------61
1. La consécration de toutes les formes de saisine------------------------------------61
2. Une saisine très ouverte----------------------------------------------------------------61

Section II. LES INSTITUTIONS D’APPUI A LA


DEMOCRATIE ET L’OPPOSITION POLITIQUE............................................62

§1. Les institutions d’appui à la démocratie...........................................................62

A. La Commission Electorale Nationale Indépendante.........................................62

B. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication......................62


C. La commi ssion nationale des droits de l'homme 68

§2. Le statut de l’opposition politique..................................................................649


SOUS-TITRE DEUXIEME--------------------------------------------------------------67
LE REGIME POLITIQUE DE LA TROISIEME REPUBLIQUE-----------------67
CHAPITRE PREMIER : LA CONSECRATION D’UN REGIME
SEMI PARLEMENETAIRE OU MIXTE---------------------------------------------68
Section I. LES MECANISMES DE COLLABORATION FONCTIONNELLE-69
§1. La participation du Parlement à la fonction de l’Exécutif-----------------------69
§2. La participation de l’Exécutif à la fonction législative---------------------------69
Section II. L’INTERDEPENDANCE ORGANIQUE--------------------------------69
§1. La responsabilité politique du gouvernement-------------------------------------70
A. L’investiture du Gouvernement------------------------------------------------------70
B. La mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement----------------------------70
§2. L’action de l’Exécutif sur le Parlement : le droit de dissolution----------------71
CHAPITRE DEUXIEME : LA RATIONALISATION DU PARLEMENTARISME EN REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE DU CON-----------------------------------------------------------72
Section I. L’INFERIORISATION DU PARLEMENT-------------------------------72
§1. La réduction du domaine législatif--------------------------------------------------72
§2. La rationalisation en matière financière--------------------------------------------73
Section II. LE RENFORCEMENT DE L’EXECUTIF------------------------------74
§1. Le renforcement fonctionnel de l’Exécutif----------------------------------------74
§2. La stabilisation organique------------------------------------------------------------76
TITRE DEUXIEME-----------------------------------------------------------------------78
L’ETAT, LE CITOYEN ET LA SOUVERAINETE---------------------------------78

CHAPITRE PREMIER..........................................................................................79
LA FORME DE L’ETAT-----------------------------------------------------------------79
Section I. LE PRINCIPE DE LA LIBRE ADMINISTRATION DES ENTITES DECENTRALISEES ET LES
ENJEUX DE LA DECENTRALISATION...........................................................79
Section II. L’AUTONOMIE PROVINCIALE.......................................................80
§1 L’autonomie de la Province----------------------------------------------------------82
A. L’autonomie organique de la Province..............................................................82
1. L’Assemblée provinciale....................................................................................82
2. Le Gouvernement provincial..............................................................................83
B. L’autonomie fonctionnelle de la Province.........................................................84
§2. Le principe de participation...............................................................................86
CHAPITRE DEUXIEME.......................................................................................87
LE CITOYEN DANS L’ETAT..............................................................................87
Section I. LE LIEN DE NATIONALITE..............................................................87
§1. La législation congolaise actuelle sur la nationalité------------------------------88
A. Les types de nationalité----------------------------------------------------------------89
1. La nationalité d’origine.......................................................................................89
2. La nationalité d’acquisition................................................................................90
B. Les différentes procédures et le contentieux de la nationalité...........................90
1. La procédure de déclaration de la nationalité.....................................................91
2. La procédure de naturalisation...........................................................................91
3. Le contentieux de la nationalité et la procédure de déchéance..........................91
§2. Les droits et les devoirs des citoyens-----------------------------------------------92
A. Les droits reconnus aux citoyens congolais----------------------------------------92
B. Relativité des droits et caractère absolu de certains droits-----------------------93
1. La relativité des droits et libertés-----------------------------------------------------93
2. Les droits et libertés absolus----------------------------------------------------------94

Section II. LA SOUVERAINETE ET LA DEMOCRATIE : LE CITOYEN ET LE


POUVOIR..............................................................................................................94
§1. La consécration du compromis démo-libéral--------------------------------------95
A. Les procédés de démocratie directe--------------------------------------------------95
B. Les institutions représentatives-------------------------------------------------------96
§2. Une démocratie constitutionnelle--------------------------------------------------96
A. La suprématie constitutionnelle------------------------------------------------------97
B. La révision constitutionnelle----------------------------------------------------------97
1. La procédure de révision de la Constitution----------------------------------------97
2. Les limitations du pouvoir de révision-----------------------------------------------98
a. Les limitations temporelles..................................................................................98
b. Les limitations matérielles...................................................................................98
Bibliographie------------------------------------------------------------------------------100

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