Le Manuel Du Vétérinaire - Volume 01

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Anesthésie intraveineuse et tranquillisation

S. JUNOT :
([email protected])
Service de chirurgie/anesthésiologie, École nationale vétérinaire de Lyon, 1, avenue Bourgelat, 69280 Marcy l’Étoile, France.

K. BENREDOUANE :
Service de chirurgie/anesthésiologie, École nationale vétérinaire de Lyon, 1, avenue Bourgelat, 69280 Marcy l’Étoile, France.

L
’anesthésie intraveineuse, ou anesthésie injectable, est une modalité d’anesthésie
complémentaire ou alternative à l’anesthésie volatile. Elle fait appel d’une part à des
agents de prémédication et d’autre part aux agents anesthésiques au sens strict. La
prémédication a pour objectifs de diminuer le stress de l’animal et les doses d’anesthésiques
généraux, mais également de prodiguer une analgésie préventive. Elle peut être réalisée par une
association judicieuse d’agents parmi les phénothiazines, les alpha2-agonistes, les benzodiazé-
pines, les morphiniques. Les agents anesthésiques stricto sensu à disposition en médecine
vétérinaire sont les barbituriques, les anesthésiques dissociatifs, les dérivés alkyphénols. Après
une revue des différents agents à disposition, les principes de réalisation et de sécurisation d’une
anesthésie générale intraveineuse sont détaillés.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Anesthésie, Intraveineuse, Injectable, Tranquillisation, Sédation, Analgésie

. INTRODUCTION PRINCIPES GÉNÉRAUX POUR CONCEVOIR • effectuer une analgésie préventive : il est
. UN PROTOCOLE D’ANESTHÉSIE préférable d’administrer un antalgique
L’anesthésie correspond à une perte totale GÉNÉRALE avant tout geste douloureux ; cela limite
de sensibilité douloureuse dans tout ou la sensibilisation du système nerveux
partie du corps. Cet état peut être obtenu en Quelques prérequis à l’anesthésie générale nociceptif et améliore le confort de
étant accompagné d’une perte de conscience sont essentiels lorsque l’on conçoit un l’animal à l’entretien et au réveil [3] ;
et on parle alors d’anesthésie générale. protocole d’anesthésie générale : • tendre vers une anesthésie balancée : cette
• limiter le stress de l’animal avant toute technique consiste à associer différents
La mise en œuvre d’une anesthésie
anesthésie : tout état de stress se traduit anesthésiques pour profiter de leur effet
générale se décompose en quatre phases : la
par une réponse neuroendocrinienne synergique afin de diminuer leur dose
prémédication, l’induction, l’entretien et le caractérisée par une activation sympa-
réveil, phases obtenues par l’association respective [4].
thique (relargage de catécholamine), mise
judicieuse d’agents pharmacologiques à visée en jeu d’hormones pituitaires (b-endor-
sédative, analgésique et narcotique. Le phines) et corticosurrénaliennes
respect de ces phases est important et il (cortisol) [1] ; cette réponse au stress est à AGENTS DE PRÉMÉDICATION
permet de sécuriser grandement l’anesthésie. la base protectrice pour l’individu, mais
L’entretien de l’anesthésie peut être réalisé elle peut lui devenir délétère si elle devient La prémédication est une étape
par voie injectable ou volatile. Seule l’anes- exacerbée, puisqu’elle augmente le risque importante souvent négligée. Ses objectifs
thésie injectable (le terme d’anesthésie de complication cardiovasculaire et induit sont multiples :
intraveineuse est également employé) est des retards à la guérison [2] (Fig. 1) ; • une sédation (ou tranquillisation) de
abordée dans cet article, avec une revue des • prendre en considération l’état clinique de l’animal de façon à diminuer sa peur et
différents agents à disposition ainsi que de l’animal : tous les protocoles d’anesthésie son appréhension ;
leurs modalités d’utilisation ; l’entretien ne sont pas identiques et n’ont pas les • une analgésie préventive pour réduire ou
volatil est abordé dans un article spécifique. mêmes répercussions sur l’organisme ; abolir la transmission du message
2 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0100 —
INTÉRÊTS
Facteurs amplificateurs :
hypovolémie, infection, L’acépromazine présente le grand intérêt
anxiété, hypothermie d’agir en synergie avec les morphiniques et
d’augmenter l’analgésie procurée par ces
Réponse neuroendocrine derniers. Cette association constitue la base
ACTH adrénaline de la neuroleptanalgésie en anesthésie vétéri-
ADH noradrénaline naire, cocktail de médications associant un
GH cortisol neuroleptique et un analgésique, utilisé
TSH aldostérone notamment pour des gestes chirurgicaux sur
rénine animal vigile ou lors de prémédication avant
endomorphines une anesthésie générale [7]. L’acépromazine,
sérotonine
outre ses effets tranquillisants, limite l’effet
Réponse inflammatoire
IL2, IL6 arythmique des catécholamines [8, 9]. Elle
TNF possède des propriétés antiémétiques
bradykinines associées à une action dépressive sur les
TXA, PG, LT centres du vomissement, et elle peut ainsi
prévenir les vomissements occasionnés par les
agents anesthésiques généraux et donc limiter
Consommation en oxygène du myocarde,
coagulation, métabolisme, immunité,
les risques de fausses déglutitions [10, 11].
complications postopératoires
INCONVÉNIENTS
Figure 1 Conséquences du stress chirurgical.
ACH : adrenocorticotrophic hormone ; ADH : hormone antidiurétique ; GH : growth hormone ; TSH : thy- L’acépromazine présente une durée
réostimuline hypophysaire ; IL : interleukine ; TNF : tumour necrosis factor ; TXA : thromboxane A ; PG : d’action importante, avec un délai d’action
prostaglandines ; LT : leucotriènes. de 20 à 30 minutes en intramusculaire et de
10 minutes environ en intraveineuse. Du fait
douloureux avant, pendant et après le PHÉNOTHIAZINES : ACÉPROMAZINE de son action antagoniste des récepteurs a1-
geste chirurgical (confort de l’animal) ; adrénergique, elle entraîne une
• une diminution des quantités d’anesthé- Les phénothiazines sont des agents tran- vasodilatation et une hypotension [12] qui
sique général administrées (et de leurs quillisants, également considérés comme reste modérée chez les animaux normovolé-
risques associés) ; neuroleptiques majeurs. Ces effets sédatifs miques [13]. Cette vasodilatation associée à
sont liés à leur action antidopaminergique, une action directe sur les centres de la ther-
• une induction et un réveil plus calmes ;
et à leur effet dépresseur sur le tronc cérébral morégulation lui confère également une
• une myorelaxation. et la conduction vers le cortex [5]. L’unique action hypothermisante [10]. L’utilisation
Dans certains cas, elle a pour objectif une molécule de cette famille disponible pour d’acépromazine est donc déconseillée chez
prévention de l’augmentation de l’activité du l’usage vétérinaire en France est l’acépro- les insuffisants cardiaques et les jeunes, et
système nerveux vagal associée à certaines mazine (Vetranquil®, Calmivet®). Cet agent lorsqu’elle est administrée chez les animaux
procédures chirurgicales. est très utilisé en médecine vétérinaire pour de petit gabarit des mesures de réchauf-
Les agents participant à l’obtention de cet ses vertus sédatives et ses multiples formes fement doivent être instaurées.
état sont les suivants : les phénothiazines, les d’administration. À dose comparable, les L’acépromazine appartient aux phéno-
benzodiazépines, les a2-agonistes et les mor- effets sont plus importants sur les animaux thiazines de structure aliphatique, qui sont
phiniques, les anticholinergiques. Les de grand gabarit que sur les petits et la dose reconnues pour leurs propriétés proconvul-
posologies de ces agents sont indiquées dans totale à administrer ne devrait pas dépasser sivantes [14]. Les phénothiazines diminuent le
le Tableau 1. 3 mg [6] (Tableau 1). seuil de déclenchement des convulsions et

TABLEAU 1. – POSOLOGIE ET DURÉE DES AGENTS PRÉANESTHÉSIQUES


Classe d’agents Substances Doses chez le chien Doses chez le chat Durée d’action
Anticholinergiques Atropine 0,01 mg/kg s.c., i.m., i.v. idem 1-1,5 heures
Glycopyrrolate 0,02-0,04 mg/kg s.c., i.m. idem 2-3 heures
Neuroleptiques Acépromazine 0,02-0,2 mg/kg s.c., i.m. idem 4-6 heures
(<3 mg)
Diazépam 0,2-0,5 mg/kg i.v. idem 1-3 heures
Midazolam 0,1-0,3 mg/kg i.m., i.v. idem 1-2 heures
α2-agonistes Xylazine 0,1-0,4 mg/kg s.c., i.m., i.v. idem 1/2 -1 heure
Médétomidine 0,005-0,05 mg/kg s.c., i.m., 0,01-0,1 mg/kg i.m., i.v. 1-2 heures
i.v.
Romifidine 0,02-0,1 mg/kg s.c., i.m.,
i.v.
Morphiniques Morphine 0,1-1 mg/kg s.c., i.m., 0,05-0,2 mg/kg s.c., i.m., 3-6 heures
i.v. (lente) i.v. (lente)
Butorphanol 0,1-0,6 mg/kg s.c., i.m., i.v. idem 2-4 heures
s.c. : voie sous-cutanée ; i.m. : voie intramusculaire ; i.v. : voie intraveineuse.
ANESTHÉSIE INTRAVEINEUSE ET TRANQUILLISATION — 0100 3
sont donc contre-indiquées en cas d’atteinte (Anexate®). Leurs propriétés anticonvulsi- • une analgésie associée à une action des a2-
neurologique [15]. Néanmoins, ces données vantes en font des agents prémédicants de agonistes sur les synapses de la corne
restent contradictoires pour l’acépromazine, choix lors d’affection neurologique. dorsale de la moelle épinière ;
car certaines études ont montré un effet • une myorelaxation.
anticonvulsivant de cette molécule INCONVÉNIENTS Néanmoins, ces effets sont à contreba-
lorsqu’elle est utilisée dans le traitement de lancer par un certain nombre de
certaines intoxications [16]. Par ailleurs, deux Ces molécules ont un effet sédatif peu
désagréments, notamment cardiovasculaires,
études récentes sur l’utilisation d’acépro- prévisible, voire très faible, chez l’animal
sain. Chez ces derniers, elles entraînent associés à leur utilisation (cf. infra).
mazine sur des animaux épileptiques ont
montré qu’elle n’augmentait pas l’incidence plutôt une excitation paradoxale qui rend Plusieurs molécules sont disponibles à ce
des crises épileptiques, voire limitait leur l’animal difficilement contrôlable. C’est jour en anesthésie des carnivores domes-
survenue chez certains animaux [17, 18]. pourquoi leur utilisation est privilégiée chez tiques : la xylazine (Rompun ® ), la
L’acépromazine ne doit pas être utilisée les animaux débilités ou présentant des médétomidine (Domitor®) et la romifidine
chez le boxer et les races brachycéphales, chez fonctions cardiovasculaire et respiratoire (Romidys®). Ces molécules diffèrent par leur
qui elle peut entraîner la survenue de altérées. affinité pour les récepteurs a2-adrénergiques
syncope [13] . Enfin, l’acépromazine ne versus les récepteurs a1-adrénergiques (cf.
possède pas de propriété analgésique et ni infra).
d’antidote spécifique. PRINCIPES ACTIFS DISPONIBLES

Diazépam INTÉRÊTS

BENZODIAZÉPINES Le diazépam est le plus communément Les a2-agonistes sont particulièrement


utilisé ; il n’est pas hydrosoluble et doit être
appréciés pour leurs effets sédatifs, myore-
Les benzodiazépines agissent en contenu dans un solvant comme le
laxants, analgésiques puissants. Ces effets
augmentant l’action du neurotransmetteur propylène glycol. Néanmoins, ce solvant lui
inhibiteur, l’acide gamma-amino-butyrique confère du même coup un caractère irritant sont d’autant marqués que l’agent utilisé
(GABA). Les benzodiazépines se fixent sur et limite son usage par voie intramusculaire possède un ratio a2/a1 élevé. L’effet sédatif
des récepteurs endogènes aux benzodiazé- (mauvaise résorption et irritation) ; il est obtenu peut être proche de l’hypnose. L’effet
pines qui sont associés aux récepteurs GABA donc préférable de l’administrer par voie analgésique est proche de celui conféré par
et à un canal chlorique [19]. La stimulation intraveineuse lente. Le diazépam est princi- les morphiniques et ce pour deux raisons
des récepteurs aux benzodiazépines résulte palement utilisé en prémédication avant une principales : d’une part les récepteurs a2-
donc en une ouverture des canaux chloriques anesthésie à la kétamine afin de limiter les adrénergiques et morphiniques se trouvent
membranaires et une hyperpolarisation des effets secondaires de celle-ci ; il est aussi dans les mêmes régions du système nerveux
membranes neuronales limitant leur excita- employé avant l’administration d’autres central et sur les mêmes neurones, et d’autre
bilité. Les effets produits sont variés et agents d’induction comme le thiopental ou part ces récepteurs font appel aux mêmes
associés aux différents niveaux d’action dans le propofol afin de limiter leurs doses (et effecteurs intracellulaires et entraînent la
le cerveau [20] : des effets anxiolytiques, donc leurs effets secondaires). Il doit être mise en jeu d’un canal potassique.
sédatifs, amnésiques et myorelaxants, une utilisé avec précaution chez les insuffisants Leur utilisation permet de diminuer les
modification du comportement avec une hépatiques du fait de la toxicité hépatique doses d’anesthésiques généraux adminis-
désinhibition, ont été décrits chez l’humain. du propylène glycol. trés [23, 24]. Une action anticonvulsivante a été
Chez l’animal, l’effet sédatif est inconstant et également rapportée.
l’usage de benzodiazépines peut le plus Midazolam Enfin, les a2-agonistes disposent d’anta-
souvent s’accompagner d’une réaction
Le midazolam est hydrosoluble et peut gonistes parmi lesquels l’atipamézole
paradoxale marquée par une excitation.
être administré par différentes voies. Il est (Antisedan®) [25].
Les benzodiazépines le plus fréquemment
plus puissant que le diazépam, mais ses effets
utilisées en anesthésie vétérinaire sont le
durent moins longtemps.
diazépam (Valium ® ), le midazolam INCONVÉNIENTS
(Midazolam Aguettant®, Hypnovel®) et le
Zolazépam
zolazépam (associé à la tilétamine selon un Ces agents induisent de fortes perturba-
mélange équimolaire dans le Zoletil ® ) Il est également hydrosoluble comme le tions sur le système cardiovasculaire :
(Tableau 1). midazolam, mais n’est disponible qu’en • une vasoconstriction liée à la stimulation
association avec la tilétamine. des récepteurs a2- et a1-adrénergiques
INTÉRÊTS périphériques vasculaires suivie d’une
bradycardie réflexe importante ;
Les benzodiazépines sont principalement A2-AGONISTES • une bradycardie associée aux effets directs
utilisées en prémédication pour leurs effets sur les récepteurs a2-adrénergiques
synergiques avec les anesthésiques généraux Les a2-agonistes agissent en se fixant sur
centraux et cardiaques ;
et autres agents de prémédication. Leurs les récepteurs a2-agonistes présynaptiques
• une diminution du débit cardiaque ;
propriétés myorelaxantes leur confèrent un dans le système nerveux central, diminuant
intérêt particulier lors de l’utilisation ainsi le relargage de noradrénaline dans les • des effets arythmogènes (blocs auriculo-
d’agents myotoniques comme la synapses du système nerveux sympathi- ventriculaires de type 2) [26, 27] ;
kétamine [21]. Un atout majeur de cette que [22]. • une diminution de la fréquence respira-
famille est le peu d’effets secondaires qu’elle Ces agents présentent plusieurs effets toire sans répercussion néfaste sur la
possède, tant sur le plan cardiovasculaire que d’intérêt majeur en anesthésie : pression partielle en oxygène [28].
sur le plan respiratoire. Il s’agit de molécules • une sédation associée à une fixation des Pour toutes ces raisons, ces agents sont
sûres d’emploi pour lesquelles il existe un molécules sur les récepteurs a2-adréner- contre-indiqués chez les individus pédia-
antagoniste spécifique, le flumazénil giques dans le tronc cérébral ; triques, gériatriques et chez les patients dont
4 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0100 —

TABLEAU 2. – RÉCEPTEURS MORPHINIQUES ET EFFETS OBTENUS PAR LEUR STIMULATION


mu kappa delta sigma
Analgésie spinale et supraspinale Analgésie spinale et Analgésie spinale Effets psychomimétiques
supraspinale
Dépression respiratoire Sédation Effets psychomimétiques
Euphorie Dysphorie
Sédation
Nausées/vomissements
Dépendance physique
Diminution de la motilité intestinale

le système cardiovasculaire n’est pas intègre présente des effets abortifs. Son utilisation a kappa, delta et sigma, dont les effets sont
(risque anesthésique ASA supérieur à 2). été décrite dans le cadre de l’anesthésie pour sensiblement différents lorsqu’ils sont
Les autres effets secondaires rapportés la césarienne [32] ; néanmoins, elle a été stimulés. Ces agents sont rapidement
sont des vomissements par stimulation des associée à un taux de mortalité accrue chez abordés dans cet article car ils sont détaillés
centres du vomissement, une augmentation les nouveau-nés [33]. par ailleurs. Schématiquement, les morphi-
de la diurèse par inhibition de l’hormone niques sont classés différemment selon la
antidiurétique, une diminution de la Médétomidine (Domitor®) réponse obtenue après fixation sur les
motilité gastro-intestinale, une diminution récepteurs morphiniques [40] , selon leur
de la sécrétion d’insuline par le pancréas et La médétomidine possède une affinité action sur les différents récepteurs :
une hyperglycémie associée [13]. marquée pour les récepteurs a2-adréner- • morphiniques agonistes (exemples :
giques avec un ratio de 1 620/1 de morphine, fentanyl) ;
sélectivité [25]. Elle est donc dix fois plus
• morphiniques agonistes antago-
PRINCIPES ACTIFS DISPONIBLES puissante que la xylazine, et possède une
nistes (exemple : butorphanol) ;
durée d’action plus longue (supérieure à
• morphiniques agonistes partiels
Xylazine (Rompun®, Paxman®, Sedaxylan®) 1 heure pour la sédation et aux alentours de
(exemple : buprénorphine) ;
45 minutes pour l’analgésie) et des effets plus
La xylazine présente une affinité a2/a1 de prévisibles, dose-dépendants [34] . Si elle • morphiniques antagonistes (exemple :
160/1 [25] ; de ce fait, elle possède également produit les mêmes effets cardiovasculaires naloxone).
une action non négligeable sur les récepteurs que la xylazine, elle permet néanmoins de La stimulation des récepteurs morphi-
a1-adrénergiques à dose thérapeutique. Sa diminuer les doses d’anesthésiques généraux niques entraîne une augmentation de la
durée d’action chez les carnivores domes- de façon plus importante que la xylazine [35]. conductance membranaire au potassium
tiques est environ de 30 à 60 minutes pour Outre son utilisation comme agent de pré- (récepteurs mu) ou calcique (récepteurs
l’effet sédatif et de 15 à 30 minutes pour médication, la médétomidine est également kappa) et une hyperpolarisation des
l’effet analgésique. Les effets cardiovascu- utilisée comme complément de l’analgésie à membranes neuronales concernées. Elle
laires de la xylazine sont marqués par une faible dose pour une utilisation péri- ou s’accompagne d’une diminution du relargage
hypertension passagère suite à une vasocons- postanesthésique [36]. de neurotransmetteurs et de la transmission
triction périphérique (effet a1-agoniste) [29] synaptique (Tableau 2).
suivie d’une hypotension et d’une brady- Romifidine (Romidys®) Ces agents sont les agents de choix dans
cardie (effets a2 centraux) [ 3 0 ] ; elle la prise en charge de la douleur périopéra-
s’accompagne d’une diminution du débit L a r o m i fi d i n e e s t u n e m o l é c u l e toire, la morphine (hors autorisation de mise
cardiaque, de blocs atrioventriculaires de a2-agoniste récemment mise sur le marché sur le marché) et le butorphanol étant à ce
second degré. Utilisée seule, elle n’entraîne des petits animaux. Son affinité pour les jour les molécules le plus facilement acces-
pas de modification notable des paramètres récepteurs a2-adrénergiques est intermé- sibles en pratique vétérinaire canine. Les
respiratoires [29]. La xylazine est proéméti- diaire entre la xylazine et la médétomidine morphiniques agonistes procurent une
sante par action centrale sur les centres du (440/1) [37], sa durée d’action et sa puissance analgésie dose-dépendante sans effet plafond
vomissement, particulièrement chez le chat, sont moindres que celle de la médétomidine et sont privilégiés lors de douleur modérée à
mais aussi chez le chien à dose élevée [31]. (environ 40 minutes de sédation et sévère. Les morphiniques agonistes partiels
Sa principale utilisation chez les 30 minutes d’analgésie). Les mêmes effets et agonistes-antagonistes ont un effet
carnivores domestiques consiste en une asso- secondaires qu’avec les autres a2-agonistes plafond : au-delà d’une certaine dose, l’anal-
ciation avec de la kétamine pour produire ont été rapportés [38] et, comme les autres a2- gésie n’est pas améliorée. Les morphiniques
une anesthésie chirurgicale injectable de agonistes, elle permet de diminuer les doses agonistes-antagonistes sont réservés pour des
courte durée. Néanmoins, elle peut être d’agents d’induction [39]. douleurs faible à modérée, en cas de contre-
utilisée comme prémédicant avant une indication pour les agonistes mu. Ils peuvent
induction au thiopental ou au propofol, également être administrés lorsque l’on
même si des agents a2-agonistes plus spéci- souhaite antagoniser les effets secondaires des
MORPHINIQUES
fiques lui sont maintenant préférés chez les agonistes mu.
carnivores domestiques. Les morphiniques regroupent une variété L’influence des morphiniques sur le
Son utilisation est donc déconseillée lors de principes actifs présentant une affinité système cardiovasculaire est faible (brady-
d’insuffisance cardiaque, d’insuffisance res- pour les récepteurs morphiniques. Il existe cardie vagale essentiellement) et les effets
piratoire ou sur des animaux en état de choc. plusieurs types de récepteurs morphiniques dépresseurs respiratoires sont dose-
La xylazine est également contre-indiquée intervenant dans la transmission de la dépendants. Ces effets secondaires,
dans le dernier tiers de la gestation, car elle douleur : principalement les récepteurs mu, essentiellement présents avec les agonistes
ANESTHÉSIE INTRAVEINEUSE ET TRANQUILLISATION — 0100 5
mu (pas avec les morphiniques agonistes il est judicieux de l’associer à un tranquil- INCONVÉNIENTS
kappa), sont par ailleurs réduits en présence lisant comme l’acépromazine qui limite les
de stimulation douloureuse. Les morphi- risques de dysphorie et augmente son L’augmentation potentielle de fréquence
niques agonistes mu possèdent également un potentiel analgésique. La morphine peut cardiaque peut s’avérer délétère chez un
effet émétisant par stimulation des centres du également être administrée en combinaison animal prédisposé à des troubles cardiaques
vomissement. avec un a2-agoniste et permet de diminuer puisque le travail du cœur et la consom-
drastiquement les doses de ces derniers. mation d’oxygène sont augmentés. Ces
agents favorisent la survenue d’arythmies
INTÉRÊTS cardiaques, de ralentissement du transit
Butorphanol
gastro-intestinal et engendrent une mydriase
Les morphiniques procurent une (dilatation des pupilles), et donc un
Le butorphanol est un agent agoniste
analgésie puissante avec peu de répercussions inconfort pour l’animal au réveil. Par
kappa antagoniste pour les récepteurs mu ; il
cardiovasculaires à dose thérapeutique, ailleurs, si les sécrétions sont diminuées, elles
permet d’obtenir un effet sédatif de meilleure
permettant de diminuer le stress anesthésique sont également épaissies et donc moins
qualité que la morphine. Son potentiel anal-
et chirurgical. facilement expectorées par l’animal.
gésique est cependant moindre, avec un effet
plafond et une durée d’action moyenne (de
INCONVÉNIENTS 1 à 2 heures chez le chien, de 2 à 4 heures
chez le chat). PRINCIPES ACTIFS DISPONIBLES
Les morphiniques agonistes kappa
présentent peu d’effets secondaires, mais leur Fentanyl Atropine
pouvoir antalgique est limité. À l’inverse, le
pouvoir antalgique des morphiniques Le fentanyl est un morphinique agoniste C’est l’agent anticholinergique le plus
agonistes mu est important et dose- mu très puissant (au moins 100 fois plus utilisé, mais son administration de routine
dépendant, mais ces agents peuvent puissant que la morphine), mais de courte est controversée en raison de l’incidence
présenter un certain nombre d’inconvé- durée d’action (de 15 à 20 minutes). Son élevée d’arythmies cardiaques qui l’accom-
nients [40]. Leur effet sédatif est variable ; un utilisation par voie intraveineuse s’accom- pagne (extrasystoles ventriculaires,
effet dysphorique peut survenir, notamment pagne d’une forte bradycardie et d’une tachycardies sinusales). Elle est intéressante
chez le chat à forte dose. Peuvent également dépression respiratoire dose-dépendante qui dans le cadre de l’urgence car elle agit
être observés : privilégient son utilisation pour la période rapidement, mais elle passe la barrière héma-
• une dépression respiratoire, qui est peranesthésique. Néanmoins, le fentanyl toencéphalique et peut donc être associée à
d’autant plus faible que l’animal est en existe également sous forme de timbre à des effets secondaires (dysphorie
douleur ; diffusion cutanée (voie transdermique), ce notamment).
• une bradycardie vagale, voire une hypo- qui autorise son utilisation chez les petits
tension ; animaux : son délai d’action sous cette forme Glycopyrrolate (Robinul-V®)
• des vomissements d’origine centrale ; est d’environ 7 à 8 heures chez le chat, 20 à
• une perturbation des centres de la ther- 24 heures chez le chien, laps de temps durant C’est un anticholinergique ammonium
morégulation, avec hypothermie chez le lequel un morphinique agoniste mu comme quaternaire. Son avantage par rapport à
chat et hyperthermie chez le chien ; la morphine doit être utilisé [41] en attendant l’atropine est qu’il ne passe pas la barrière
• une rétention urinaire. que le timbre fasse effet. hématoencéphalique ni la barrière placen-
Il est important de noter que ces effets taire. Néanmoins, son délai d’action
secondaires, largement retracés chez (30 minutes) limite son usage à la prémédi-
l’homme, restent rares chez l’animal et ne ANTICHOLINERGIQUES cation. Dans le cadre de l’usage
sauraient effacer l’immense bienfait de ces peranesthésique ou en urgence, l’atropine lui
Les agents anticholinergiques réduisent est préférable de par sa rapidité d’action.
molécules : une analgésie pré-, per- et posto- les effets de l’acétylcholine, neuromédiateur
pératoire de qualité, et donc un confort dans le système nerveux central et le système
optimal pour l’animal, ainsi qu’une potenti- nerveux périphérique. Ils bloquent la mise
alisation des effets des neuroleptiques et des en jeu du système parasympathique : ils
agents anesthésiques. UTILISATION PRATIQUE DES AGENTS
diminuent les bradycardies vagales et DE PRÉMÉDICATION : PROTOCOLES
réduisent les sécrétions salivaires, bron- DE SÉDATION
PRINCIPES ACTIFS DISPONIBLES chiques, gastro-intestinales, mais dans le
même temps augmentent leur viscosité. Il Il n’existe pas de protocole de sédation
était d’usage d’utiliser ces agents de routine idéal pour toutes les situations ; divers
Morphine éléments doivent être pris en compte :
mais à l’heure actuelle, eu égard à leurs effets
La morphine est un agoniste pur des secondaires nombreux, ils sont le plus • la sédation précède-t-elle ou non une
récepteurs mu ; elle procure une excellente souvent utilisés au besoin [13]. anesthésie générale ;
analgésie pendant 2 à 4 heures chez le chien, • la durée de l’intervention ;
4 à 6 heures chez le chat. Elle peut être • l’intensité de la stimulation douloureuse
INTÉRÊTS
administrée en bolus ou en perfusion sans induite ;
effet secondaire majeur aux doses thérapeu- Ils permettent de prévenir les brady- • l’intensité de la sédation souhaitée ;
tiques. Il convient d’être vigilant lors cardies d’origine vagale et les chocs vagaux, • l’état clinique de l’animal.
d’administration par voie intraveineuse, car et sont donc recommandés lors de brady- Quelques indications permettent de
elle est susceptible d’entraîner une histami- cardies accompagnées d’une hypotension. Ils mieux cibler le protocole recherché : si
nolibération avec hypotension associée [6]. sont également indiqués lors des anesthésies l’animal est en bonne santé et qu’un geste
Elle favorise également la survenue de pédiatriques pour leur soutien de la douloureux est anticipé, une association
vomissement et peut engendrer une fréquence cardiaque (et donc du débit acépromazine/morphinique oua2-
dysphorie chez certains animaux. De ce fait, cardiaque à cet âge). agonistes/morphinique est la plus inté-
6 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0100 —

TABLEAU 3. – CRITÈRES DE CHOIX D’UN AGENT PRÉMÉDICANT


Classe d’agents Substances Sédation Analgésie Myo- Voies d’admi- Effets Antagoniste
relaxation nistration secondaires
majeurs
Phénothiazines Acépromazine ++ - +/- s.c., i.m., i.v. hypotension -
hypothermie
α2-agonistes Xylazine +++ +++ +++ s.c., i.m., i.v. bradycardie + (atipamezole)
arythmies
Médétomidine
Romifidine
Benzodiazépines Diazépam +/- - +++ i.v. - + (flumazénil)
Midazolam s.c., i.m., i.v.
Morphiniques Morphine +/- +++ - s.c., i.m., i.v. Bradycardie, + (naloxone)
vomissement
Butorphanol ++ ++ (morphine)
s.c. : voie sous-cutanée ; i.m. : voie intramusculaire ; i.v. : voie intraveineuse.

Effet suivantes : absence de perturbation des


fonctions cardiovasculaire et respiratoire ;
i. v. voie pulmonaire
propriétés analgésiques, myorelaxantes, nar-
cotiques et amnésiantes. Par ailleurs, il
i. m. devrait présenter une marge de sécurité
importante, avoir une durée d’action limitée
s. c. sans effet cumulatif afin de pouvoir être
p. o. administré à effet pour mieux contrôler la
Transdermique profondeur de l’anesthésie. Enfin, il devrait
être métabolisé et excrété rapidement, avec
un antagoniste à disposition en cas de soucis.
Cet agent anesthésique idéal n’existe mal-
1 2 3 4 6 - 12 12 - 120
Temps (h)
heureusement pas, et nous allons nous
attacher à décrire les caractéristiques
Figure 2 Durée d’action approximative des agents selon leur voie d’administration. positives et négatives des différents anesthé-
s.c. : voie sous-cutanée ; i.m. : voie intramusculaire ; i.v. : voie intraveineuse ; p.o. : per os.
siques injectables à disposition en médecine
vétérinaire. Les posologies des agents sont
ressante ; pour une douleur chirurgicale, les de 5 à 10 minutes (de 20 à 30 minutes pour données dans le Tableau 4.
morphiniques et les anti-inflammatoires non l’acépromazine) (Fig. 2).
stéroïdiens (AINS) constituent les antal-
giques de choix. Enfin, quand l’animal est
. dans un état critique, les benzodiazépines et BARBITURIQUES
AGENTS ANESTHÉSIQUES INJECTABLES
. morphiniques sont les agents présentant le
moins d’effets secondaires (Tableau 3). Le Les agents anesthésiques sont utilisés Les barbituriques sont classés selon leur
plus souvent, la voie intramusculaire est pour l’induction et/ou l’entretien de l’anes- structure chimique et leur durée d’action :
choisie comme voie d’administration pour la thésie générale. Seul l’entretien à l’aide • oxybarbituriques : longue durée d’action
prémédication, car elle permet le plus d’injectables est abordé ici, l’entretien volatil (phénobarbital) ; courte durée d’action
souvent d’obtenir un effet couvrant la durée étant abordé dans un article spécifique. (pentobarbital) ;
de l’intervention et la période de réveil. L’agent anesthésique injectable parfait • thiobarbituriques : très courte durée
Néanmoins, elle nécessite un délai d’action devrait regrouper les caractéristiques (thiopental, thiamylal, méthohexital).

TABLEAU 4. – POSOLOGIE ET DURÉE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES


Classe d’agents Substances Doses chez le chien Doses chez le chat Durée d’action
Thiobarbituriques Thiopental 10 mg/kg i.v. idem 10-15 minutes
Dissociatifs Kétamine 2-8 mg/kg i.v., idem 10-40 minutes
3-10 mg/kg i.m.
Tilétamine 3-10 mg/kg i.v., idem 10-40 minutes
4-15 mg/kg i.m.
Alkylphénol Propofol 4-6 mg/kg i.v. 6-8 mg/kg i.v. 10-20 minutes
Agents bloquants Pancuronium 0,04 mg/kg 0,02 mg/kg Chien : 20-100 minutes
neuromusculaires Chat : 15-20 minutes
Atracurium 0,1-0,2 mg/kg idem Chien-chat : 20-40 minutes
Vécuronium 0,01-0,2 mg/kg 0,02-0,04 mg/kg Chien : 15-40 minutes
Chat : 5-10 minutes
s.c. : voie sous-cutanée ; i.m. : voie intramusculaire ; i.v. : voie intraveineuse.
ANESTHÉSIE INTRAVEINEUSE ET TRANQUILLISATION — 0100 7
En général, les barbituriques de courte INCONVÉNIENTS • blocage du tractus spino-réticulo-
durée d’action produisent approximati- Le thiopental possède un effet dépresseur thalamique [51] ;
vement 1 heure d’anesthésie, avec un réveil direct sur le myocarde et prédispose aux • dépression de l’activité de la formation
complet en 6 heures environ. La durée de arythmies [ 4 4 ] . Il présente des effets réticulée [52] ;
l’anesthésie avec les thiobarbituriques est cumulatifs lors d’administrations répétées. Il • interruption de la transmission des influx
environ de 10 à 20 minutes. Les variations est donc préférable d’éviter un entretien de nerveux au sein de la corne dorsale de la
dans la dose/réponse et la durée des effets des l’anesthésie par cet agent afin de ne pas moelle épinière [53, 54].
barbituriques peuvent être très grandes à engendrer une intoxication aux barbitu- Ces effets semblent principalement liés à
l’intérieur des espèces animales et entre elles. riques. N’étant pas analgésique, le thiopental un antagonisme sur les récepteurs
En effet, la concentration plasmatique de la doit être associé à des agents antalgiques si NMDA [55], mais aussi à une interaction avec
molécule dépend de la concentration de la un geste douloureux est prévu [45]. Il est les récepteurs morphiniques [56].
solution, de sa rapidité d’injection, de son contre-indiqué lors de problème cardiovas- Les anesthésiques dissociatifs provoquent
pourcentage de fixation aux protéines plas- culaire, hépatique, d’hypoalbuminémie et une mise en jeu du système nerveux sympa-
matiques, de son pourcentage de d’acidose. Le thiopental doit être évité chez
thique, accompagnée d’une augmentation de
redistribution aux tissus périphériques et de les lévriers type greyhound chez qui il
la fréquence cardiaque, de la pression
son taux de métabolisation [42]. entraîne un réveil prolongé : en effet, les
chiens de cette race disposent de peu de artérielle et du débit cardiaque [57]. Ils sont
L’effet anesthésique des barbituriques est également à l’origine d’une augmentation du
à relier à leur capacité à imiter et augmenter tissus de redistribution (risque de surdosage)
et certaines lignées sont dépourvues en tonus musculaire, voire de réaction halluci-
l’effet d’un neurotransmetteur inhibiteur, le natoire lorsqu’ils sont utilisés seuls. La
GABA, dans le cortex et le thalamus [43]. équipement enzymatique pour le métaboli-
ser [46]. Par extension, il est préférable d’éviter coadministration de benzodiazépines, a2-
Ils n’ont pas de propriétés analgésiques et l’usage du thiopental chez toutes les races de agonistes ou acépromazine limite ces effets
ils sont principalement utilisés pour lévrier [47]. secondaires [58-60].
l’induction et/ou le maintien de l’anesthésie Le thiopental doit être injecté par voie
générale, ainsi que pour le contrôle des crises intraveineuse stricte ; il entraîne en effet un
épileptiques. Les barbituriques ont des effets risque de nécrose tissulaire en cas d’injection INTÉRÊTS
dépresseurs sur les fonctions cardiovasculaire périveineuse. Afin de limiter ce risque, il est
et respiratoire à des degrés divers selon la Ces agents provoquent une immobili-
préférable d’administrer du thiopental en
molécule : le pentobarbital apparaît par sation accompagnée d’une analgésie d’une
solution à 2,5 % ou moins [48].
exemple moins dépresseur que le thiopental. qualité souvent aléatoire s’ils sont utilisés
Seuls les thiobarbituriques de très courte seuls. Ils soutiennent la fonction cardiovas-
durée d’action, en l’occurrence le thiopental culaire et sont peu dépresseurs de la fonction
ANESTHÉSIQUES DISSOCIATIFS
(unique molécule de cette catégorie respiratoire. Leur durée d’action courte à
Les anesthésiques dissociatifs regroupent moyenne autorise leur utilisation pour des
disponible en France pour l’usage vétérinaire
une classe de molécules dérivées de la phen- anesthésies « fixes ».
à ce jour), sont abordés ici, les autres
cyclidine. Les anesthésiques dissociatifs à
molécules (oxybarbituriques) comme le pen- disposition pour la médecine vétérinaire en
tobarbital ne sont plus guère utilisés étant France sont la kétamine (Imalgène®, INCONVÉNIENTS
donné le réveil prolongé et parfois agité Clorketam ® , Kétamine Virbac ® ) et la
qu’elles occasionnent. Le thiopental est tilétamine (associée au zolazépam dans Ces agents sont myotoniques et il est
disponible en France en solution de 5 % à Zoletil®). conseillé de les associer à un agent myore-
reconstituer. Les anesthésiques dissociatifs sont des laxant. Les réflexes laryngé et pharyngé
agents susceptibles d’induire un état catalec- (déglutition) persistent, rendant l’intubation
tique, c’est-à-dire une suspension complète endotrachéale délicate. L’œil reste central et
AVANTAGES le réflexe palpébral peut persister, ce qui peut
des mouvements volontaires. Le terme
Le thiopental procure une perte de d’anesthésique dissociatif provient de l’utili- compliquer la surveillance de l’anesthésie,
conscience avec une myorelaxation ; son sation de la kétamine en anesthésie humaine d’autant que des mouvements spontanés
délai d’action est rapide (de 15 à 30 secondes où les patients décrivent une dissociation peuvent survenir.
après une injection intraveineuse). Il est entre leur corps et l’environnement [49]. Cette Les anesthésiques dissociatifs sont sus-
sensation vient du fait que les anesthésiques ceptibles d’abaisser le seuil de déclenchement
préférable d’injecter le thiopental par voie
dissociatifs ont un effet dépresseur sur le des convulsions et sont contre-indiqués lors
intraveineuse lente afin de permettre l’éta-
système thalamocortical d’une part, et un d’affection neurologique, ainsi que dans les
blissement d’un taux plasmatique optimal,
effet stimulateur sur le système limbique et cas de chirurgie crânienne et intraoculaire car
les injections rapides étant associées à plus la formation réticulaire d’autre part [50].
d’effets secondaires (dépression respiratoire ils augmentent la pression intracrânienne et
Les anesthésiques dissociatifs créent un
notamment) et à un réveil rapide (nécessité intraoculaire. Ces agents sont éliminés à
état d’immobilisation chimique et une
de réadministrer l’agent). Le thiopental est anesthésie accompagnée d’une myotonie. 50 % par voie rénale chez le chat ; ils sont
principalement utilisé comme agent Les globes oculaires ne basculent pas. Divers donc contre-indiqués lors d’insuffisance
d’induction de l’anesthésie afin de permettre réflexes, incluant les réflexes de clignotement rénale chez cette espèce.
une intubation endotrachéale et un relais et du larynx, demeurent intacts et une Ces agents, par leur potentialité analgé-
anesthésique volatil. Il est par ailleurs doté dépression respiratoire modérée peut être sique, leur sécurité d’emploi et leur durée
de propriétés anticonvulsivantes et diminue observée. Les sécrétions salivaires et d’action en font des molécules anesthésiques
la pression intracrânienne, ce qui en fait un lacrymales sont augmentées. Les anesthé- injectables de choix en anesthésie vétérinaire.
composé intéressant comme agent siques dissociatifs sont également dotés de Ils sont également administrables par diffé-
d’induction chez les animaux présentant une propriétés analgésiques expliquées par leurs rentes voies et sont très souvent utilisés pour
affection neurologique. divers effets sur la moelle épinière : la contention chimique d’animaux agressifs.
8 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0100 —
PRINCIPES ACTIFS DISPONIBLES dans cette espèce a été décrite [67, 68] mais doit d’anesthésie intraveineuse : elle possède alors
être effectuée avec précaution du fait d’une des propriétés analgésiques et elle permet de
Kétamine métabolisation hépatique moindre ; des diminuer les doses d’anesthésiques
réveils prolongés ont été décrits [69]. Par généraux [73]. Néanmoins, son utilisation
La kétamine peut être utilisée selon la ailleurs, toujours chez le chat, l’utilisation du seule ne permet pas de procurer une
dose comme prémédicant ou comme anes- propofol pour des anesthésies courtes mais analgésie suffisante ; elle ne doit être utilisée
thésique. Sa durée d’action est d’environ 20 répétées sur plusieurs jours a été associée avec que pour améliorer l’analgésie. Elle doit être
à 30 minutes. Ses effets secondaires incluent des effets indésirables (anorexie, corps de alors administrée en perfusion après un bolus
une forte salivation, une agitation au réveil. Heinz, inconfort) [70]. Le propofol possède de charge de 0,5 à 1 mg/kg suivi d’une
Ces effets associés à la myotonie qu’elle des propriétés hypnotiques supérieures à perfusion de 15 à 50 µg/kg/min chez le
engendre nécessite d’associer la kétamine à celles du thiopental et peut être utilisé selon chien. Les doses doivent être réduites chez le
une benzodiazépine ou un alpha2-agoniste. la dose comme sédatif ou anesthésique. Afin chat, qui est plus sensible à cette molécule
La kétamine peut également être utilisée de limiter la survenue d’une dépression que le chien (de 10 à 20 µg/kg/min).
comme adjuvant de l’analgésie en perfusion cardiovasculaire et respiratoire, le propofol
à la dose de 1 à 10 µg/kg/min. doit être administré par voie intraveineuse
AGENTS BLOQUANTS NEUROMUSCULAIRES
lente à effet.
Tilétamine Les agents bloquants neuromusculaires
INTÉRÊTS agissent sur le système nerveux périphérique,
Cet anesthésique est semblable à la à la jonction neuromusculaire ; ils induisent
kétamine, mais ses effets durent plus Son principal intérêt est le peu d’effets une paralysie des muscles périphériques sans
longtemps et sont plus puissants. La cumulatifs chez le chien (un effet cumulatif perte de conscience ni analgésie. Ces agents
tilétamine est commercialisée en combi- peut apparaître chez le chat), ce qui permet n’induisent pas une perte de conscience et
naison avec la benzodiazépine zolazépam d’entretenir une anesthésie pendant plusieurs ne doivent pas être utilisés en l’absence
selon un mélange équimolaire. Une solution heures avec cet agent sans provoquer un d’anesthésiques généraux. Ils sont utilisés en
de 100 mg de Zoletil® contient donc 50 mg réveil prolongé. Comme les barbituriques, il complément des molécules précédemment
de tilétamine et 50 mg de zolazépam. Chez présente des propriétés anticonvulsivantes et citées lors d’indications spécifiques :
le chien, la demi-vie plasmatique de la peut constituer une option thérapeutique • patients présentant des difficultés ventila-
tilétamine (1,2 heure) excède celle du pour la gestion des crises convulsives. toires ou luttant contre le respirateur ;
zolazépam (1 heure), et ceci peut être à • certaines procédures : chirurgie
l’origine de réveil agité dans cette espèce. À thoracique, microchirurgie, chirurgie de
INCONVÉNIENTS
l’inverse, chez le chat, la demi-vie plasma- l’œil, orthopédie.
tique du zolazépam est d’environ 4,5 heures Le propofol induit une dépression respi- Ces agents agissent en périphérie, sur les
alors que celle de la tilétamine est de ratoire qui est d’autant moins importante jonctions neuromusculaires On distingue
2,5 heures, ce qui peut expliquer le réveil que l’agent est injecté lentement. L’injection deux types de catégories d’agents bloquants
plus calme observé dans cette espèce. doit être intraveineuse stricte et peut parfois neuromusculaires.
provoquer une douleur en début d’injection, Les agents non compétitifs (dépolari-
qui rétrocède spontanément. Du fait de son sants) exercent leur effet en interagissant avec
excipient, le produit, une fois ouvert, ne peut l’acétylcholine sur ses récepteurs de la
PROPOFOL être conservé plus de 24 h. membrane postsynaptique ; ils induisent
Le propofol est un anesthésique dérivé donc une dépolarisation et une contraction
des alkyphénols. Il présente un aspect laiteux musculaire initiale suivie d’une paralysie. La
et est liposoluble. Il est préparé dans une succinylcholine est le principal agent
AUTRES AGENTS DE L’ANESTHÉSIE
émulsion à base d’huile de graine de soja, bloquant neuromusculaire dépolarisant.
lécithine d’œuf et glycérol. Il ne présente pas Les agents compétitifs (non dépolari-
d’agent de conservation et la solution est ÉTOMIDATE sants) agissent en compétition avec
donc très sensible aux contaminations bacté- L’étomidate est un agent anesthésique l’acétylcholine, se fixent sur les récepteurs
riennes [61]. non barbiturique, d’ultracourte durée cholinergiques postsynaptiques en les
Le propofol induit une dépression respi- d’action, dérivé imidazole. Cet agent a bloquant et en empêchant toute dépolari-
ratoire [62] et cardiovasculaire [63] similaire à l’avantage majeur d’avoir très peu d’effets sur sation. Ils ne provoquent pas de contraction
celle du thiopental. Néanmoins, ses effets la fonction cardiovasculaire ; il constitue initiale. Ce sont les agents le plus
arythmogènes sont moindres que ceux des donc un agent de choix chez les insuffisants couramment utilisés de nos jours, parmi
barbituriques [64]. cardiaques ou les animaux en état de lesquels on peut citer le pancuronium, la
Le propofol est pour partie métabolisé choc [71]. Néanmoins, lors d’administrations gallamine, l’atacurium et le vécuronium.
par glucuronoconjugaison par le foie, mais répétées, il déprime l’activité corticosurréna- Les anticholinestérases comme la néos-
aussi dans d’autres tissus [65], les métabolites lienne et donc la cortisolémie, ce qui a limité tigmine et l’édrophonium sont des
étant éliminés par voie rénale. À l’inverse du son utilisation en anesthésie humaine car antagonistes aux agents non dépolarisants,
thiopental, il ne possède pas d’effet cumulatif cela peut s’accompagner d’une diminution mais ils sont inefficaces contre les agents
chez le chien et peut être utilisé en perfusion de la capacité d’adaptation au stress chirurgi- dépolarisants.
pour des anesthésies de moyenne à longue cal [72]. Sa demi-vie plasmatique est d’environ Les agents bloquants neuromusculaires
durée dans cette espèce [66]. Néanmoins, son 30 minutes et il peut être utilisé chez le chien abolissent certains signes qu’on utilise pour
manque de propriétés analgésiques nécessite et le chat à la dose de 2-4 mg/kg. évaluer la profondeur de l’anesthésie et
le recours à des antalgiques forts (a2- rendent la surveillance délicate, essentiel-
agonistes ou morphiniques) [64]. Le propofol lement basée alors sur les indicateurs
LIDOCAÏNE
est également utilisable chez le chat pour des physiologiques (fréquence cardiaque,
anesthésies de courte durée ou comme agent Outre ses effets anesthésiques locaux, la pression artérielle). Leur utilisation nécessite
d’induction ; son utilisation en perfusion lidocaïne peut également être utilisée lors le recours à une ventilation artificielle, les
ANESTHÉSIE INTRAVEINEUSE ET TRANQUILLISATION — 0100 9

TABLEAU 5. – CRITÈRES DE CHOIX D’UN ANESTHÉSIQUE


Classe d’agents Substances Narcose Analgésie Myo- Voies Effets secondaires Antagoniste
relaxation d’administration majeurs
Thiobarbituriques Thiopental +++ - ++ i.v. Hypotension -
Hypoventilation
Dissociatifs Kétamine + à ++ (dose ++ - s.c., i.m., i.v. Myotonie, -
dépendant) hallucination (si
Tilétamine utilisés seuls)
Alkylphénol Propofol ++ à +++ - ++ i.v. Hypotension -
(dose Hypoventilation
dépendant)
s.c. : voie sous-cutanée ; i.m. : voie intramusculaire ; i.v. : voie intraveineuse.

muscles respiratoires étant paralysés. Dans le Effet


même ordre d’idée, la curarisation doit être
suivie à l’aide d’un neurostimulateur, afin de Surdosage
s’assurer qu’il ne subsiste aucune curarisation Anesthésie
résiduelle à la fin de l’anesthésie. Si un agent Réveil
bloquant neuromusculaire fait partie du
protocole d’anesthésie, il est extrêmement
important d’avoir à sa disposition l’équi-
pement adéquat et un personnel qui a de Temps
l’expérience dans l’utilisation de ces agents. Bolus Bolus Bolus Bolus
A
Intérêts
Effet
Ces agents permettent d’obtenir un
confort optimal pour la chirurgie : ils Surdosage
autorisent une ventilation artificielle Anesthésie
optimale car l’animal ne peut pas lutter Réveil
contre le respirateur ; ils permettent une
relaxation musculaire parfaite.

Inconvénients Temps
Perfusion
Ils rendent la surveillance de l’anesthésie Bolus
plus difficile et nécessitent un contrôle B
rigoureux de la douleur. Les muscles respira- Figure 3 Différences entre administration des agents par bolus (A) et par perfusion (B).
toires sont également paralysés et l’animal
doit recevoir une assistance ventilatoire soit • la mise en place d’une voie veineuse afin propofol ou la kétamine constituent une
manuelle soit mécanique. d’administrer les anesthésiques à effet, option ;
effectuer une fluidothérapie peranesthé- • pour des intervention de durée moyenne
sique pour compenser les pertes (de 15 à 45 minutes), l’utilisation de
volémiques et lutter contre les hypoten- kétamine ou de tilétamine en bolus
MISE EN ŒUVRE D’UNE ANESTHÉSIE
INJECTABLE
sions induites, administrer des agents de semble la solution à privilégier, en prenant
réanimation en cas d’accident anesthé- la précaution de ne pas réinjecter plus de
Comme pour la sédation de l’animal, il sique ; deux fois la dose initiale afin de ne
est important de prendre en compte divers • la supplémentation de l’air inspiré en pas avoir d’effet cumulatif ;
facteurs lors de l’élaboration du protocole oxygène afin de limiter les effets délétères
• pour des interventions de longue durée
d’anesthésie : l’état clinique de l’animal, la de la dépression respiratoire induite par
(supérieure à 45 minutes), la perfusion de
durée de l’intervention et sa complexité, la les agents anesthésiques.
propofol est une solution intéressante en
douleur induite par l’intervention, le degré Ces gestes simples doivent être réalisés
même si l’anesthésie est réalisée par voie l’absence d’anesthésique volatil ;
de myorésolution et d’inconscience désiré
injectable, car ils permettent de prévenir la néanmoins, elle doit être administrée avec
(Tableau 5). L’administration des agents en
survenue de complications. une forte antalgie (morphine à dose
bolus présente l’inconvénient de favoriser la
survenue de surdosage et réveils intempestifs. Pour une anesthésie générale, la voie élevée, a2-agonistes) car le propofol ne
Lorsqu’elle est utilisable (avec le propofol intraveineuse doit être privilégiée afin possède pas de propriété antalgique par
notamment), la solution de la perfusion d’obtenir une biodisponibilité de 100 % et lui-même.
limite ces inconvénients (Fig. 3). d’administrer les agents à effet pour éviter les Une fois l’animal endormi, placé sous
Une fois le protocole choisi, il faut surdosages (Fig. 2). oxygène et fluidothérapie, il doit être
sécuriser la procédure anesthésique : ceci Le choix de l’anesthésique général doit surveillé afin de pouvoir déceler précocement
passe par la réalisation de plusieurs gestes être guidé essentiellement par la durée tout signe de complication. Les paramètres
simples : d’intervention et l’état clinique de l’animal : décrits ci-dessous sont utilisables pour la
• une intubation de l’animal afin d’assurer • pour des interventions de courte durée surveillance de l’anesthésie chez les animaux
la perméabilité des voies aériennes ; (moins de 15 minutes), le thiopental, le de compagnie, il faut a minima choisir deux
10 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0100 —
paramètres dans chaque catégorie pour À la fin de l’intervention, l’animal doit grande d’utilisation. Cependant, il est
pouvoir évaluer l’état clinique de l’animal être mis dans un endroit chaud et confor- impératif de connaître leurs limites d’utili-
lors de l’anesthésie : table, et son réveil doit être surveillé jusqu’à sation et d’association. Une anesthésie peut
• surveillance de la profondeur de l’anes- ce que l’animal soit capable de se tenir en être réalisée par voie intraveineuse, mais dès
thésie : réflexe palpébral, tonus de la décubitus sternal. Le réveil doit être calme ; que la durée de l’intervention excède trois
mâchoire, basculement du globe oculaire ; si l’animal s’agite ou hurle, l’analgésie doit quarts d’heure, sa mise en œuvre peut
• surveillance de la fonction cardiovascu- être contrôlée. Si le réveil est long et qu’un devenir plus complexe et le recours à une
laire (paramètre à choisir selon a2-agoniste a été utilisé, de l’atipamézole anesthésie volatile peut s’avérer préférable. Il
l’équipement à disposition) : auscultation, peut être administré mais, une fois encore, est enfin essentiel de ne pas associer nécessai-
fréquence cardiaque, pouls, temps de l’analgésie doit être contrôlée (par un mor- rement anesthésie à perte de conscience, mais
remplissage capillaire, électrocardio- phinique ou un AINS par exemple) si l’a2- surtout à perte de la sensation douloureuse,
gramme, pression artérielle ; agoniste était la seule molécule à visée et ainsi toujours inclure une molécule anal-
• surveillance de la fonction respiratoire antalgique du protocole. gésique dans le protocole anesthésique. En
(paramètre à choisir selon l’équipement à conclusion à ces propos, nous pouvons citer
. disposition) : auscultation, courbe respi- Smith : « il n’existe pas d’agent anesthésique
ratoire, fréquence respiratoire, couleur des CONCLUSION sûr, il n’existe pas de procédure anesthé-
. muqueuses, oxymétrie de pouls, Les agents anesthésiques sont donc variés sique sûre, il n’existe que des anesthésistes
capnographie. de nos jours et offrent une sécurité plus sûrs ».

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¶ 0200

Anesthésie volatile et circuits


C. Desbois

L’anesthésie volatile consiste en l’administration par voie respiratoire d’un mélange


gazeux contenant des vapeurs d’agents anesthésiques. Elle utilise des machines et
circuits spécifiques, et requiert une surveillance adaptée. Le mélange inspiré comporte un
ou plusieurs gaz vecteurs et un agent anesthésique. En médecine vétérinaire, le gaz
vecteur est le plus souvent de l’oxygène pur, stocké sous forme comprimée. Un débit
précis est délivré grâce à un débitmètre. Ce gaz traverse ensuite un évaporateur qui
permet d’y ajouter un pourcentage précis de vapeur d’anesthésique : isoflurane le plus
souvent, sévoflurane éventuellement, exceptionnellement desflurane. Ces produits
diffèrent par leurs caractéristiques physiques et pharmacocinétiques. Ils possèdent
cependant tous un effet anesthésique et un effet dépresseur tant respiratoire que
cardiovasculaire. Les critères d’utilisation sont fondés sur la disponibilité du matériel, la
puissance des produits et des paramètres avant tout cinétiques. Le mélange de gaz frais
est ensuite apporté à une sonde endotrachéale introduite préalablement dans l’animal,
grâce à un circuit anesthésique. On distingue principalement deux types de circuits : des
circuits dits « non réinhalatoires » et des circuits « circulaires ». Les premiers présentent
peu de résistances à l’écoulement de l’air et sont donc adaptés aux animaux de petite
taille. Ils nécessitent de forts débits de gaz frais qui les rendent coûteux à l’usage. Les
seconds permettent une réutilisation des gaz expirés et leur utilisation est beaucoup plus
économique. La présence de valves y rend l’écoulement de l’air plus difficile, ce qui en
limite l’usage à des animaux plus grands (plus de 5 à 10 kg). Tout en prenant en compte
la vitesse de renouvellement des gaz au sein des circuits et les autres molécules utilisées,
la profondeur d’anesthésie est ajustée en réglant le débit et la composition des gaz frais.
C’est la surveillance de l’animal qui guide ces ajustements : quantification clinique de la
dépression du système nerveux central, indices de dépression des fonctions
cardiovasculaire et respiratoire. La connaissance des produits, de leurs effets et du
matériel utilisé est, dans le cadre de l’anesthésie volatile, une garantie d’une utilisation
optimale, même si celle-ci ne peut se faire sans un niveau de surveillance adapté.
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Mots clés : Chien ; Chat ; Agents halogénés ; Isoflurane ; Sévoflurane ; Circuit filtre ; Bain

Plan Circuits 6
Ventilateurs 9
Évacuation des gaz anesthésiques 9
¶ Introduction 2
Vérification d’une machine d’anesthésie 10
¶ Produits utilisés 2
¶ Aspect pratique 10
Agents anesthésiques volatils 2
Quand recourir à l’anesthésie volatile ? 10
Gaz vecteur 3
Quel circuit choisir ? 11
¶ Machine d’anesthésie volatile 4 Quels réglages adopter ? 11
Gaz 4 Surveillance de l’anesthésie 12
Débitmètres 5 ¶ Conclusion 13
Évaporateurs 5

Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 1
0200 ¶ Anesthésie volatile et circuits

■ Introduction d’une accumulation plus ou moins importante dans


l’organisme, responsable de retards de réveil, surtout
Dans la vie courante d’un vétérinaire, le recours à après de longues expositions.
l’anesthésie est souvent quotidien. Les objectifs vont de
la « simple » contention chimique à l’anesthésie géné- Puissance relative
rale de type chirurgical. Le vétérinaire doit alors choisir La concentration alvéolaire minimale (MAC) permet
entre un protocole injectable et un protocole utilisant de comparer la puissance de ces agents et de prévoir la
des anesthésiques volatils (anesthésie dite « gazeuse »). quantité à utiliser. La MAC est la concentration mini-
Ce type d’anesthésie procure un confort d’utilisation male présente dans les alvéoles pulmonaires capable de
certain et autorise un travail de longue durée. D’un bloquer la réponse à une stimulation douloureuse chez
autre côté, l’anesthésie volatile a la réputation d’être 50 % des animaux. Cette valeur est en général obtenue
onéreuse et de demander le recours à un matériel en mesurant les réponses à une stimulation électrique
complexe. Ce sont ces deux éléments que nous allons chez un animal anesthésié. Cliniquement, une concen-
nous attacher à discuter en commençant par présenter tration d’1,5 à 2 MAC est nécessaire pour réaliser une
les aspects pharmacologiques, puis les aspects matériels, chirurgie. Le Tableau 3 montre que selon l’agent utilisé
avant de terminer par l’aspect pratique du recours à la concentration à faire respirer à l’animal peut varier
l’anesthésie volatile. beaucoup (environ 1,4 % d’isoflurane est comparable
avec 10 % de desflurane). Il est important de signaler
que les MAC sont additives, et que d’autres agents
■ Produits utilisés utilisés de manière concomitante (analgésiques, séda-
tifs, etc.) peuvent potentialiser l’anesthésique et dimi-
Agents anesthésiques volatils nuer les doses nécessaires. À titre d’exemple, des doses
courantes de médétomidine peuvent réduire les besoins
Caractéristiques générales en anesthésique de près de 50 % [4].
Les pourcentages de vapeur anesthésique présents
Les agents utilisés sont des anesthésiques volatils,
dans les gaz respiratoires peuvent être mesurés à l’aide
c’est-à-dire des liquides à forte tension de vapeur. Éther
d’appareils dédiés, les analyseurs d’anesthésiques, qui
.
et chloroforme sont des exemples d’une époque révo-
contribuent à la surveillance de l’anesthésie, voire
lue, car de nombreuses molécules ont été depuis intro-
permettent d’en standardiser la profondeur. Ces appa-
duites sur le marché [1-3].
reils, s’ils tendent à se généraliser en médecine
Des produits comme l’halothane ou l’enflurane sont
humaine, ont très peu pénétré le marché vétérinaire.
encore présents dans l’esprit de bon nombre d’entre
Leur intérêt n’est plus à démontrer, mais ils demeurent
nous, mais ne sont plus guère utilisés, voire non
néanmoins très coûteux.
commercialisés. Les molécules actuelles sont l’isoflu-
rane, le sévoflurane et le desflurane, mais ces deux
Pharmacocinétique
.
dernières n’ont pas encore, en France, pénétré le
marché vétérinaire. Tous ces produits sont des agents Isoflurane, sévoflurane et desflurane diffèrent par
halogénés contenant des atomes de chlore ou de fluor. leurs propriétés cinétiques. Ces agents, administrés par
Ce sont des liquides à température ambiante, mais voie pulmonaire, doivent d’abord « saturer » le com-
leur forte tension de vapeur permet d’en faire respirer partiment sanguin avant de gagner le cerveau. Ainsi,
la partie gazeuse aux animaux (Tableau 1). Leur lipo- moins la molécule est soluble dans le sang, plus rapide
solubilité (Tableau 2) leur permet de franchir la barrière apparaît son effet cérébral. L’anesthésie est donc
hématoencéphalique pour exercer un effet anesthési- obtenue le plus rapidement avec le desflurane, puis le
que. Cette liposolubilité est également responsable sévoflurane et enfin l’isoflurane (Tableau 2). Il convient

Tableau 1.
Caractéristiques physicochimiques des agents anesthésiques volatils actuels (d’après Steffey et Mama [2]).

Halothane Isoflurane Sévoflurane Desflurane


Température d’ébullition (°C) 50 49 59 23,5
Pourcentage de vapeur à 20 °C 32 32 21 92

Tableau 2.
Solubilité des agents anesthésiques volatils actuels (chez l’homme) (d’après McKay et al. [1]).

Coefficient de partition Halothane Isoflurane Sévoflurane Desflurane


Sang/gaz 2,54 1,46 0,69 0,42
Muscle/sang 3,4 2,9 3,1 2
Graisse/sang 51 45 48 27

Tableau 3.
Puissance exprimée en concentration alvéolaire minimale (MAC) des agents anesthésiques volatils actuels (d’après Steffey et Mama [2]).
MAC Halothane Isoflurane Sévoflurane Desflurane
Chat 1 - 1,2 1,3 - 2,2 2,6 - 3,4 9,8 - 10,3
Chien 0,9 - 1 1,3 - 1,5 2,1 - 2,4 7,2 - 10,3

2 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
Anesthésie volatile et circuits ¶ 0200

néanmoins d’être prudent car d’autres effets, comme Critères de choix


l’effet dépresseur respiratoire ou cardiaque,
interagissent [5]. Le choix d’un des agents anesthésiques cités ci-dessus
ne se fait plus, comme par le passé, sur les effets
Un phénomène comparable se produit au moment
cardiovasculaires ou respiratoires, ceux-ci étant mainte-
du réveil qui est obtenu quand la concentration céré-
nant proches. L’argumentation repose sur la disponibi-
brale a suffisamment chuté, autrement dit quand le
lité de l’évaporateur et du produit, sur le coût
poumon a extrait assez d’anesthésiques du sang.
(notamment pour les agents les plus récents) et sur des
Cependant, à la fin d’une longue anesthésie (quelques
critères cinétiques comme rapidité d’endormissement
heures), les muscles et les graisses ont accumulé des ou de réveil. L’isoflurane est aujourd’hui la molécule de
quantités importantes d’anesthésique, qu’ils vont référence en médecine vétérinaire en France.
restituer pendant le réveil, ce qui limite la chute de la
concentration sanguine. Ainsi, moins la molécule
s’accumule dans la graisse, plus rapide est le réveil. À Gaz vecteur
cet égard, le desflurane est plus intéressant que l’isoflu-
rane et finalement que le sévoflurane (Tableau 2). Il est Différents gaz
néanmoins clair que des éléments comme la durée de De manière à véhiculer les vapeurs d’anesthésique
l’anesthésie, la qualité de l’analgésie, la température volatile, on utilise un gaz vecteur qui peut être de l’air,
corporelle et le niveau de stimulation extérieure limi- un air enrichi en oxygène, de l’oxygène pur ou un
tent tous la célérité du réveil. mélange contenant du protoxyde d’azote.
Un animal respirant de l’air ambiant pendant une
Pharmacologie anesthésie est exposé à un risque d’hypoxie. L’air
ambiant est en effet composé de 21 % d’oxygène, 78 %
Ce n’est pas l’objet principal de cet article, aussi nous d’azote et 1 % d’autres gaz, et il permet d’obtenir une
ne conserverons que les données les plus pertinentes. oxygénation correcte des tissus dans une situation
Des données plus complètes sont facilement accessibles physiologique. Lorsque l’effet dépresseur respiratoire
pour les vétérinaires [6]. des anesthésiques s’exerce, une diminution de la
Effets circulatoires ventilation est observée, accompagnée d’une chute
rapide de la quantité d’oxygène dans le sang (Fig. 1).
Le développement des agents anesthésiques s’est fait Cette chute peut être compensée en enrichissant le
en recherchant une diminution de la toxicité (rénale, mélange inspiré en oxygène. On recommande ainsi en
hépatique, etc.) et des effets cardiovasculaires, notam- anesthésie de ne jamais faire inspirer un mélange
ment inotropes négatifs [3]. L’isoflurane a été en ce sens contenant moins de 30 % d’oxygène.
un aboutissement, et les derniers agents montrent des L’utilisation de mélanges air-protoxyde d’azote ou
effets cardiovasculaires assez comparables [7]. Le prati- air-oxygène peut être intéressante, elle est fréquente en
cien doit principalement faire face à un effet vasodila- médecine humaine mais plus rare en médecine vétéri-
tateur, assez intense, qui doit être pris en charge par un naire. La faible puissance antalgique du protoxyde
niveau de perfusion suffisant : l’augmentation du d’azote chez les animaux et son coût non négligeable
volume circulant induit par les perfusions limite ont eu raison de son utilisation. De plus, travailler avec
l’hypovolémie relative par vasodilatation. Il est à noter un mélange de deux gaz peut être dangereux : si trop
que les effets cardiovasculaires sont généralement dose d’oxygène est consommé par l’animal et les gaz expirés
dépendants. Cliniquement, les effets circulatoires se réutilisés (circuit circulaire) (cf. infra), le mélange
manifestent par une hypotension, le plus souvent gazeux présent dans le circuit peut devenir hypoxique.
modérée, accompagnée par une bradycardie obtenue Aussi la présence dans un circuit circulaire d’une cellule
par dépression du baroréflexe et réduction du tonus mesurant la concentration en oxygène est-elle obliga-
sympathique. toire en médecine humaine, ce qui est rarement le cas
chez les vétérinaires. Ces mélanges sont donc peu
Effets ventilatoires utilisés.
Les anesthésiques volatils entraînent tous un effet Chez l’animal, nous contournons souvent le pro-
dépresseur respiratoire dose dépendant, notamment par blème en travaillant en oxygène pur. Certes, l’oxygène
diminution de la sensibilité des centres respiratoires à est un gaz oxydant, dont les effets au long cours sont
l’oxygène et au dioxyde de carbone. Cliniquement, la délétères sur la fonction pulmonaire ou la cornée.
fréquence respiratoire chute en parallèle avec l’appro- Cependant, la sécurité apportée par l’oxygène, la
fondissement de l’anesthésie. En cas de surdosage simplicité de ne travailler qu’avec un seul gaz, les
faibles risques liés à l’hyperoxie et le coût modique font
important, une apnée peut apparaître. La concentration
de l’oxygène pur le gaz de référence en médecine
artérielle en gaz carbonique (CO2) augmente, de même
vétérinaire, particulièrement si les gaz expirés sont
que la concentration expirée en CO2. L’oxygénation
réutilisés.
sanguine reste en général largement suffisante quand
l’animal respire de l’oxygène pur ou un mélange
enrichi en oxygène. Utilisation
Effets centraux L’oxygène est acheté et peu de structures disposant
de cuves d’oxygène liquide, la location de bouteilles
Ce sont les effets anesthésiques « classiques » : perte constitue donc la règle. Les bouteilles sont, en France,
de conscience et relaxation musculaire. La composante de couleur blanche et l’oxygène y est stocké sous forme
analgésique est faible et insuffisante pour la réalisation comprimée à 200 bars. Des conditions de sécurité sont
d’une intervention chirurgicale. L’augmentation du à respecter : fixation des bouteilles au mur, utilisation
taux de CO2 sanguin entraîne une augmentation de la de détendeurs adaptés (Fig. 2A), interdiction de fumer
pression intracrânienne, mais elle n’est pas problémati- à proximité, interdiction de graisser les tubulures ou
que sur des animaux « physiologiquement normaux ». raccords sous peine d’inflammation du corps gras. Ce

Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 3
0200 ¶ Anesthésie volatile et circuits

50 %
30 %

150

FIO2 = 21%
PAO2 (mmHg)

100

15 %

10 %
50

0,5 N N 2N
Ventilation alvéolaire

Figure 1. Évolution de la pression partielle en oxygène (PAO2) dans les gaz pulmonaires lors de modification de la ventilation, et effet de
la fraction inspirée en oxygène (FIO2) (d’après Lamb A. Nun’s applied respiratory physiology. Amsterdam: Elsevier ; 2005). Quand un animal
respire de l’air ambiant (FIO2 = 21 %, courbe du milieu) et que sa ventilation alvéolaire est physiologique (N = « normale » sur l’axe des
abscisses), la PAO2 est d’environ 100 mmHg. Si, dans les mêmes conditions, sa ventilation est divisée par deux (0,5 N), ce qui peut être le
cas lors de l’exposition à des quantités importantes d’anesthésiques, la PAO2 est inférieure à 50 mmHg, et l’animal devient alors
hypoxémique. Si la FIO2 est portée à 30 %, la même dépression respiratoire n’entraîne plus d’hypoxémie. Lorsque l’on atteint 50 %
d’oxygène inspiré, le risque d’hypoxémie devient très faible, y compris lors de forte dépression respiratoire.

matériel permet d’obtenir de l’oxygène sous une pres-


sion d’utilisation de 3,5 bars avec un débit suffisant
■ Machine d’anesthésie
pour la plupart des utilisations. volatile
Pour éviter la location des bouteilles d’oxygène, il est
possible d’avoir recours à des « concentrateurs d’oxy- La plupart du temps, l’ensemble du matériel néces-
gène » (Fig. 2B). Ces machines électriques, placées à saire est regroupé pour former une machine
l’intérieur des pièces et au fonctionnement très silen- d’anesthésie.
cieux, étaient destinées initialement à l’oxygénothéra-
pie. Elles permettent d’obtenir un air (très) enrichi en
oxygène mais dont la concentration (de 90 % à 99 %) Gaz
dépend du débit. Celui-ci est le plus souvent limité à
3 ou 4 l/min, ce qui suffit dans un contexte anesthési- Ils sont le plus souvent stockés à l’extérieur du
que. Cependant, ce débit peut être insuffisant dans bâtiment sous forme comprimée. La pression est rame-
certaines conditions de réanimation, même chez les née à une pression d’utilisation d’environ 3,5 bars à
carnivores domestiques. De plus, la pression d’utilisa- l’aide d’un détendeur (Fig. 2A). Acheminés par un
tion est faible et peut être incompatible avec certaines système de distribution rigide, ils arrivent dans les
parties de la machine d’anesthésie (by-pass d’oxygène pièces par des prises dédiées munies de systèmes de
notamment). détrompage, interdisant l’inversion des branchements.
Ajouté à de l’oxygène, de l’air est parfois utilisé. Il Un code de couleur est de plus défini : blanc pour
peut être obtenu à partir de bouteilles d’air comprimé l’oxygène, blanc et noir pour l’air comprimé, bleu pour
ou à l’aide d’un compresseur. Dans ce dernier cas, il est le protoxyde d’azote, vert pour le vide. Des flexibles,
fondamental que le niveau de filtration mis en œuvre respectant le système de détrompage et le code de
soit suffisant : absence de vapeur d’eau, de particules et couleur relient ces prises soit aux machines d’anesthé-
de traces d’huile. sie, soit directement à un débitmètre.

4 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
Anesthésie volatile et circuits ¶ 0200

Figure 2. Deux moyens courants pour disposer d’oxygène : les bouteilles d’oxygène médical et les concentrateurs d’oxygène.
A. Centrale d’oxygène. Les bouteilles d’oxygène sont louées par l’utilisateur. Elles contiennent de l’oxygène comprimé à 200 bars et
nécessitent donc l’utilisation de détendeurs. C’est un moyen sûr pour disposer facilement d’une quantité importante d’oxygène sous
pression de qualité garantie. 1. Détendeurs et manomètres de contrôle ; 2. bouteilles d’oxygène ; 3. fixation au mur.
B. Concentrateur d’oxygène. Les concentrateurs permettent d’obtenir un air très enrichi en oxygène (de 85 % à 99 %), mais le plus souvent
sous un débit assez faible (de 1 à 5 l/min) et peu de pression. Leur faible coût d’utilisation les rend néanmoins attractifs. 1. Débitmètre ;
2. bouton marche-arrêt ; 3. sortie de l’air enrichi en oxygène.

Débitmètres d’utilisation de plusieurs débitmètres, leur agencement


est codifié et un système devrait empêcher l’adminis-
Un ou plusieurs débitmètres équipent toutes les tration d’un mélange hypoxémiant.
machines d’anesthésie, et permettent de délivrer un
débit connu et précis de gaz. Ils sont composés d’un Évaporateurs
robinet à pointeau surmonté d’un tube gradué conte-
Ce sont des cuves à léchage à by-pass variable,
nant une masselotte (Fig. 3). Quand le robinet est localisées en dehors du circuit, spécifiques d’un agent
ouvert, le gaz passe et soulève la masselotte à une volatil, et compensées en débit et en température
hauteur indiquant le débit obtenu (graduations en litre/ (Fig. 4). Les évaporateurs actuels permettent d’ajouter
min), proportionnelle au niveau d’ouverture du au gaz vecteur un pourcentage précis de vapeur d’anes-
robinet. thésique. Celui-ci doit être constant quel que soit (dans
Ces débitmètres sont calibrés et spécifiques d’un gaz : une gamme usuelle) le débit utilisé, ce qui n’était pas
ils ne doivent pas être utilisés pour un gaz de viscosité toujours le cas des anciens évaporateurs. Le desflurane
différente de celui pour lequel ils ont été conçus. Lors représente un cas particulier, car sa faible température

Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 5
0200 ¶ Anesthésie volatile et circuits

pour faire respirer le mélange gaz et anesthésique


volatil à l’animal : les circuits non réinhalatoires,
conçus pour assurer l’évacuation des gaz expirés entre
chaque respiration, et les circuits réinhalatoires pour
leur stockage et leur traitement avant réadministration
à l’animal.

Circuits non réinhalatoires


(circuits dits « ouverts »)
Le principe consiste à administrer un mélange de gaz
connu à l’animal et à éliminer tous les gaz expirés. Un
flux de gaz frais, oxygène et anesthésique le plus
souvent, est acheminé jusqu’au « nez de l’animal ». Les
gaz viciés peuvent être évacués en utilisant soit une
valve unidirectionelle (type DigbyLeight, Rubben, etc.),
ce qui est rarement le cas en médecine vétérinaire, soit
un important débit de gaz frais qui repousse les gaz
expirés avant l’inspiration suivante. Différents circuits
sont alors possibles et ont été classés en cinq configu-
. rations (Mapleson A à E) [8]. Chacune de ces configura-
tions possède des avantages et des limites largement
décrites [9].
Le circuit le plus utilisé en médecine vétérinaire est
le circuit de Bain [10, 11]. C’est une version coaxiale du
Mapleson D (Fig. 5). Il comprend deux tuyaux placés
l’un dans l’autre : le tuyau fin, interne, véhicule les gaz
frais jusqu’à l’animal et le tuyau externe de plus fort
calibre sert à l’élimination les gaz viciés. Un ballon et
une valve de trop-plein sont fixés à l’extrémité du
tuyau expiratoire. L’évacuation des gaz expirés nécessite
de les repousser en utilisant un important débit de gaz
frais. Cependant, le tuyau respiratoire peut être utilisé
pour stocker des gaz frais pendant la pause suivant la
fin de l’expiration, ce qui réduit les besoins en gaz frais
à environ 1,5 fois la ventilation. En pratique, ce sont
des débits de l’ordre de 100 à 150 ml/kg/min qui sont
utilisés par les vétérinaires, qui maintiennent également
des débits supérieurs à 1 l/min.
Ce circuit présente une faible résistance à la respira-
tion du fait de l’absence de valve sur le circuit inspira-
toire, et une forte réactivité du fait du renouvellement
continu du gaz qui y circule. Un fort débit de gaz frais
est nécessaire à son fonctionnement et l’importante
Figure 3. Débimètre d’une machine d’anesthésie : illustration consommation d’anesthésique associée en limite, pour
d’un bloc débitmétrique. Les débitmètres comprennent un des raisons de coût, son utilisation à des animaux de
robinet progressif (robinet à pointeau) et un indicateur de débit petite taille : moins de 10 kg est une limite souvent
(tube gradué contenant une masselotte). Ils sont étalonnés pour choisie. Il est important de ne pas oublier que c’est
un gaz donné. Ils peuvent être regroupés pour constituer des souvent la sonde trachéale, notamment dans les petits
blocs débitmétriques. Dans ce cas, un dispositif doit interdire de diamètres, qui est la principale cause de résistance à
délivrer un mélange contenant moins de 30 % d’oxygène. l’écoulement d’air donc de gêne à la respiration de
Noter la présence d’un bouton « oxygène rapide », d’une mo- l’animal [12].
lette interdisant l’utilisation simultanée de protoxyde d’azote et
d’air, et le respect des codes couleur sur les robinets (blanc pour Circuits réinhalatoires ou circuits
l’oxygène, bleu pour le protoxyde d’azote, blanc et noir pour
dits « filtres » ou de type « fermé »
l’air). 1. Bouton oxygène rapide ; 2. sélection air ou protoxyde
d’azote ; 3. sortie des gaz ; 4. colonnes débitmétriques ; Le principe consiste à faire réinspirer à l’animal une
5. robinets et pointeau. partie du mélange exhalé, car il contient encore de
l’oxygène et des anesthésiques, mais ceci impose le
stockage des gaz expirés et l’élimination du CO2 pro-
d’ébullition (Tableau 1) impose l’utilisation d’un duit. Un ballon de volume suffisant est utilisé pour
évaporateur thermostaté et pressurisé... donc complexe recueillir les gaz expirés : le volume courant d’un
et coûteux. animal étant d’environ 10 ml/kg, il est conseillé d’uti-
liser des ballons de trois à cinq fois ce volume, ce qui
doit permettre à l’animal de se remplir correctement les
Circuits poumons en toutes circonstances. Un ballon trop grand
Après le passage par le(s) débitmètre(s) et l’évapora- n’est pas souhaitable : il augmente le volume du circuit
teur, deux familles de circuits peuvent être utilisées et donc sa réactivité. L’élimination du CO2 est réalisée

6 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
Anesthésie volatile et circuits ¶ 0200

Figure 4. Évaporateur d’halogénés.


Bouton Bilame Passage principal A. Fonctionnement d’un évaporateur. Un
de réglage (by-pass)
bouton de réglage permet de diriger une
partie du gaz administré directement vers
la sortie de la cuve : on parle d’évaporateur
Sortie à by-pass variable. L’autre partie passe au-
Arrivée dessus de l’agent anesthésique et se
de gaz du mélange
charge en vapeur : on parle de cuve à
léchage. Une concentration quasi cons-
tante en agent anesthésique est obtenue à
la sortie, principalement grâce à deux mé-
canismes : les mèches favorisent l’évapo-
ration de l’agent et limitent les effets du
débit, et la présence d’un bilame corrige
Passage dans les vapeurs Orifice de
anesthésiques les effets des variations de température.
remplissage B. Modèle d’évaporateur fréquemment
utilisé en médecine vétérinaire, l’Isotec III.
On peut y voir l’identification de l’agent
Mèches anesthésique en face avant avec le code
couleur correspondant. Le réglage du
pourcentage délivré est réalisé par la rota-
Agent tion du chapeau gradué (ici l’évaporateur
anesthésique est réglé pour délivrer 2 % d’isoflurane).
A
Un verrou interdit la mise en œuvre invo-
lontaire de l’évaporateur. Le niveau
d’anesthésique présent est visible grâce à
une fenêtre, et le dispositif de remplissage,
localisé sur le bas de la cuve, possède un
détrompeur qui protège contre le risque
d’inversion d’agent anesthésique. 1. Dis-
positif de verrouillage ; 2. fenêtre ; 3. cha-
peau de réglage gradué en pour-cent ;
4. dispositif de remplissage.

chimiquement en faisant circuler le gaz dans une cuve de la chaux sodée qui fixe le gaz carbonique. On
contenant de la chaux sodée (« filtre »). La saturation comprend donc que l’usure de la chaux sodée conduit
de cette cuve est indiquée par son changement de à une réinspiration de CO2 de plus en plus importante.
couleur. Plusieurs types de chaux sodée sont commer- De plus l’animal est, par la proximité de la cuve,
cialisés. Ils diffèrent par leur composition, leur capacité .
facilement exposé à l’inspiration de poussière de chaux
de fixation et leur niveau de toxicité potentielle. particulièrement agressive pour les poumons. Ce circuit,
Le circuit le plus ancien est connu sous le nom de peu coûteux, n’est plus guère utilisé.
« va-et-vient de Waters ». Entre l’animal et le ballon qui Le circuit circulaire est le circuit de référence (Fig. 6).
stocke les gaz expirés est intercalée une cuve contenant Il est constitué d’une boucle dans laquelle le sens de

Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 7
0200 ¶ Anesthésie volatile et circuits

Gaz viciés

Valve de sortie
“ Point essentiel
Branchement
de l’animal Chaux sodée
Tuyau coaxial • Composition : il s’agit de granules
d’hydroxyde de calcium associé (ou non) à de
Gaz frais faibles quantités d’une base forte (hydroxyde de
A sodium ou de potassium) qui assurent la fixation
chimique du CO2. Leur usure est indiquée par
l’apparition d’une coloration bleue des granules
grâce à la présence d’un indicateur coloré.
Malheureusement, ce changement de couleur
est réversible alors que la fixation du CO2 ne l’est
pas. Il est donc fondamental de vérifier la couleur
de l’absorbeur à la fin de l’anesthésie, c’est-à-dire
avant que la chaux ne redevienne blanche. Si la
chaux est totalement usée, il est possible
d’observer une couleur blanche alors que sa
capacité de fixation est quasi nulle et que le
niveau de CO2 circulant est devenu excessif.
• Capacité de fixation : la fixation du CO2 se fait
au contact des granules. Elle dépend donc de leur
forme, de leur porosité, de leur diamètre. La
capacité de fixation dépend également du type
Figure 5. Circuit de Bain : le circuit « ouvert » le plus utilisé de chaux : les chaux sans base forte possèdent
par les vétérinaires. des capacités de fixation beaucoup plus limitées.
A. Schéma de principe de ce circuit. Il s’agit d’une modification • Toxicité potentielle : exposée dans un circuit
coaxiale du Mapleson D : le flexible d’arrivée de gaz frais et de anesthésique, la chaux sodée peut produire des
celui d’évacuation sont regroupés. Outre la simplicité de ne déchets toxiques. Deux cas sont à considérer.
manipuler qu’un seul tube au voisinage de la tête de l’animal, Certains anesthésiques sont dégradés en
cette disposition permet également de regrouper loin du mani-
présence de chaux sodée produisant un composé
pulateur l’arrivée des gaz frais et l’élimination des gaz usés. Le
à toxicité rénale, le composé A. C’est
tuyau coaxial sert également à stocker des gaz frais entre deux
respirations, ce qui limite le débit (continu) nécessaire à l’éva- particulièrement vrai pour le sévoflurane ; cela
cuation des gaz viciés. pourrait être problématique en circuit fermé,
B. Installation d’un circuit de Bain sur une machine d’anesthésie. mais dépend également du type de chaux
On peut voir le branchement du circuit par sa branche expira- utilisée. L’absorption de CO2 par la chaux sodée
toire (tuyau annelé et ballon), et le tube apportant les gaz frais. peut s’accompagner de production de
Sur le grossissement de l’extrémité du circuit, on voit l’organi- monoxyde de carbone si la chaux est desséchée
sation coaxiale des deux tubes. 1. Circuit de Bain ; 2. tuyau (teneur en eau inférieure à 5 %). Ce problème a
expiratoire externe ; 3. tuyau inspiratoire interne ; 4. arrivée des été appelé syndrome du lundi matin, et doit
gaz frais.
appeler à la vigilance : ne pas laisser la chaux
sodée à l’air ambiant, penser à la changer
fréquemment.
circulation des gaz est imposé par deux valves unidirec-
• Attention, la fixation du CO 2 par la chaux
tionnelles. Le gaz circule au fur et à mesure des mou-
vements respiratoires de l’animal et subit :
sodée est exothermique : CO 2 + sévoflurane
• à chaque expiration, un stockage des gaz expirés + chaux sèche = risque d’explosion.
dans un ballon ; • L’absorbeur doit toujours être placé
• à chaque cycle respiratoire, un passage des gaz dans verticalement, de manière à éviter le passage de
un absorbeur à CO2 ; gaz entre les granulés et le contenant, c’est-à-dire
• en continu, un apport de gaz frais assurant un sans contact avec les granulés.
renouvellement partiel ;
• en continu, une évacuation des gaz en excès par une
valve de trop-plein.
C’est le choix du débit de gaz injecté qui détermine bas débit »), le contenu du circuit est renouvelé lente-
le comportement du circuit. Le débit d’oxygène injecté ment et la réutilisation des gaz expirés forte : le fonc-
dans le circuit doit être au moins égal à la consomma- tionnement est peu coûteux, le circuit réagit lentement,
tion en oxygène de l’animal, soit environ 5 ml/kg/ mais la concentration des gaz présents fortement
min [13], mais les cliniciens choisissent toujours un influencée par ce qui est consommé par l’animal.
débit largement plus important. Si 50 à 100 ml/kg/min En règle générale, c’est un débit assez important qui
sont utilisés (« haut débit »), le contenu du circuit est est utilisé en début d’anesthésie (disons 50 ml/kg/
renouvelé rapidement et la réutilisation de gaz expirés min), car il autorise une stabilisation rapide du contenu
est faible : le fonctionnement est coûteux, le circuit du circuit (gaz et vapeurs). Une fois qu’un état stable a
réagit vite et la concentration en gaz très proche de été obtenu, soit après environ 15 à 30 minutes, le débit
celle des gaz frais. Si 10 ml/kg/min sont utilisés (« très de gaz frais peut être réduit entre 10 et 20 ml/kg/min

8 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
Anesthésie volatile et circuits ¶ 0200

Arrivée des Sortie des


gaz frais gaz viciés

Absorbeur
à chaux sodée

Valve Valve
inspiratoire expiratoire

Ballon

Branchement A
pour l’animal
Figure 6. Circuit circulaire encore appelé circuit « réinhalatoire ».
A. Schéma de principe d’un circuit circulaire. Il est constitué d’une boucle dans laquelle circule le gaz à chaque cycle respiratoire. Deux
valves unidirectionnelles imposent un sens de rotation. Un ballon stocke le gaz expiré avant l’inspiration suivante. Un absorbeur fixe
chimiquement du dioxyde de carbone au gaz qui le traverse. La boucle est alimentée en gaz frais et les gaz en excès sont éliminés par un
trop-plein. La présence de valves permet de contrôler le flux de gaz, mais représente une résistance qui limite l’utilisation de ce type de
circuit à des animaux d’un poids supérieur à 4 à 10 kg (selon les modèles).
B. Photographie de ce type d’équipement. On peut reconnaître les différents éléments présentés sur le schéma. La commande de la valve
de trop-plein est localisée sur le dessus du bloc circuit, mais l’orifice d’évacuation est localisé à l’arrière et n’est donc pas visible sur ce cliché.
1. Valves unidirectionnelles ; 2. valve de trop-plein ; 3. ballon ; 4. tuyaux inspiratoire et expiratoire ; 5. manomètre ; 6. canister à chaux
sodée (absorbeur) ; 7. arrivée des gaz frais ; 8. bouton oxygène rapide (by-pass).

si le matériel le permet. La plupart des évaporateurs ou une valve de trop plein qu’il est possible de mettre à
des débitmètres n’autorisent pas des débits inférieurs à profit avec une des quatre méthodes suivantes : « met-
0,2 l/min. tre à la fenêtre », utiliser un absorbeur, utiliser un
système de ventilation ou un système d’extraction
Ventilateurs dédié (Fig. 7).
La technique la plus simple consiste à relier la valve
Les machines d’anesthésies peuvent comprendre la de trop-plein à l’extérieur du bâtiment (Fig. 7A). Dans
présence d’un ventilateur permettant la mise en place le cas d’utilisation de deux circuits sur une même
d’une respiration artificielle. Dans ce cas, le ballon est machine, il est possible d’utiliser une pièce en Y pour
manuellement ou automatiquement remplacé par un relier les sorties des deux circuits, mais on prend garde
soufflet qui est mobilisé par le ventilateur et permet à vérifier que les valves de trop-plein soient unidirec-
une insufflation périodique de la cavité thoracique. Il
tionnelles, sous peine de voir le trop-plein d’un circuit
est important de signaler que cette pratique est souvent
dirigé vers l’autre. Ce système simple permet d’éviter la
la règle en anesthésie humaine. Néanmoins, la plus
sortie des gaz dans la pièce de manière efficace... en
grande complexité de sa mise en œuvre et les risques
l’absence de fuites.
associés à une mauvaise utilisation et surtout une
Des filtres à charbon actif peuvent être utilisés. Ils se
mauvaise surveillance en font, en médecine vétérinaire,
présentent sous la forme d’une cartouche posée au sol
une pratique rare et le plus souvent limitée à des
et que l’on peut relier avec le circuit anesthésique par
procédures spécifiques (thoracotomie, chirurgie intra-
un tuyau (Fig. 7B). Ces filtres étant saturables, il
crânienne, etc.).
convient de noter la date de mise en service et de les
peser régulièrement pour savoir quand les changer.
Évacuation des gaz anesthésiques C’est une technique qui est efficace si les filtres sont
Avec l’arrêt d’emploi du méthoxyflurane puis de changés régulièrement... et en l’absence de fuites dans
l’halothane, la toxicité des agents anesthésiques utilisés le circuit.
a diminué, mais une exposition chronique du vétéri- Le trop-plein de la machine peut également être
naire n’est pas pour autant souhaitable. Il est donc connecté à un système d’extraction des locaux (venti-
indispensable de disposer d’un système d’évacuation lation mécanique contrôlée), si l’air prélevé n’est pas
des agents anesthésiques. L’aération en partie basse redistribué dans d’autres pièces ! Il est important dans
préconisée il y a des années n’est plus d’actualité. Tous ce cas de veiller à ce que la dépression soit suffisam-
les circuits d’anesthésie décrits (cf. supra) comportent ment faible pour ne pas vider le circuit d’anesthésie.

Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 9
0200 ¶ Anesthésie volatile et circuits

Figure 7. Moyens d’évacuation des vapeurs d’anesthésique. Pour éviter la pollution du milieu de travail, les vapeurs d’anesthésique
doivent être évacuées ou absorbées.
A. Système d’évacuation passif. Une simple tubulure (1) relie le trop-plein du circuit à l’extérieur. Ce système, pour être efficace, demande
une bonne étanchéité du circuit et une longueur de tubulure réduite. Il peut être facilement mis en place, convenir pour une machine, mais
ne dispense pas d’une ventilation des locaux.
B. Utilisation d’un piégeage des vapeurs d’anesthésique : le trop-plein est connecté à un filtre contenant du charbon actif qui fixe les
halogénés. La cartouche absorbante (1) a une durée de vie limitée, qui dépend de l’intensité d’utilisation, et ne dispose pas de témoin
d’efficacité ou d’usure (il faut la peser pour connaître sa saturation). Dans ces conditions, ce système qui peut apparaître plaisant est à limiter
à des situations de dépannage.
C. Système d’évacuation actif : prise système d’évacuation de gaz anesthésique (SEGA). La prise est alimentée à partir d’une source d’air
comprimé et est en mesure d’évacuer par effet Venturi d’assez gros volumes vers l’extérieur sans toutefois générer une aspiration dans le
circuit. Ce système est très intéressant mais très coûteux. Une alternative consiste à relier le trop-plein à un système de ventilation des locaux
mais en veillant à ce que la dépression générée ne soit pas trop importante. 1. Prise SEGA ; 2. oxygène ; 3. air ; 4. vide.

L’utilisation de prises d’air additionnelles ou de regis- de l’oxygène de manière à atteindre 30 cm H2O de


tres peut aider. D’utilisation aisée, ce système permet pression dans le circuit. Quand on arrête l’insufflation,
conjointement d’extraire les vapeurs d’anesthésique et la pression doit se maintenir. On ouvre ensuite la valve
de renouveler l’air de la pièce. de trop-plein et la chute de pression immédiate permet
L’utilisation de systèmes dédiés, comme un réseau de de vérifier son bon fonctionnement. Une pression
vide adapté (dédié, avec des pompes non lubrifiées) ou rémanente de 2 à 3 cm H2O dans le circuit est possible
de prises « système d’évacuation des gaz anesthésiques » et normale avec certains modèles de valves de
(SEGA) (Fig. 7C) est devenu la règle en médecine trop-plein.
humaine. Le coût de ces systèmes et leur installation le En cas de dysfonctionnement, fuite ou autre, la cause
rendent peu présent chez les vétérinaires. doit être recherchée et résolue avant de démarrer
Dans tous les cas, et quel que soit le système utilisé, l’anesthésie.
il est fondamental d’adopter une attitude responsable.
Ainsi, travailler avec des anesthésiques volatils dans
une pièce non ventilée n’est aujourd’hui plus admissi- ■ Aspect pratique
ble : quelle que soit la procédure, un dégagement de
vapeurs est toujours présent, souvent à l’induction mais Quand recourir à l’anesthésie
toujours au réveil. L’utilisation d’un système connecté
sur le trop-plein du circuit est indispensable, car nous
volatile ?
travaillons toujours avec un excès de gaz frais et des Cela peut être pour des raisons de sécurité. En effet,
vapeurs d’anesthésique sont émises par la machine tout le contrôle du mélange respiré par l’animal permet
au long de son utilisation. Il est important d’essayer de d’augmenter la fraction inspirée en oxygène et
limiter le recours aux procédures les plus polluantes concourt à une protection contre l’hypoxie. Cet élé-
comme les inductions au masque ou « en boîte ». ment est important pour des animaux sains, mais plus
encore sur un animal dont le poumon est lésé. De plus,
Vérification d’une machine le contrôle des voies aériennes par l’intubation tra-
chéale, que l’on ne peut que recommander, permet de
d’anesthésie protéger le poumon en cas de vomissements ou régur-
Avant toute anesthésie, il est souhaitable de vérifier gitations, et autorise la mise en place d’une ventilation
la machine d’anesthésie. On débute par une inspection artificielle. En cas de surdosage anesthésique involon-
visuelle : état physique de la machine, quantité d’oxy- taire, une apnée peut être traitée par une simple
gène disponible, niveau des évaporateurs, branche- ventilation manuelle : la valve de trop-plein est fermée,
ments réalisés, etc. Un test en pression positive permet le remplissage de la cage thoracique est obtenu en
ensuite de détecter la plupart des fuites : après avoir exerçant une pression suffisante sur le ballon (de 15 à
fermé la valve de trop-plein du circuit et obstrué 20 cm d’H2O sur le manomètre du circuit), puis la
l’endroit où se connecte la sonde trachéale, on insuffle pression est relâchée et le trop-plein ouvert. Une

10 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
Anesthésie volatile et circuits ¶ 0200

quand la taille de l’animal le permet, c’est-à-dire pour

“ Point fort
un poids corporel de plus de 5 à 10 kg, dépendant du
poids des valves de la machine utilisée.
Si l’obtention extrêmement rapide d’une anesthésie
Vérification d’une machine d’anesthésie stable est souhaitée, comme dans le cas d’une césa-
avant utilisation rienne, l’utilisation d’un circuit ouvert peut être envi-
• Mise en garde sagée même sur des animaux de plus grand format. Il
La vérification d’une machine d’anesthésie ne convient alors d’utiliser un débit de gaz frais adapté (de
100 à 150 ml/kg/min).
prend que peu de temps et est un élément
essentiel de sécurité.
Un dysfonctionnement observé une fois Quels réglages adopter ?
l’animal connecté est difficile à diagnostiquer et
Dans la plupart des cas, c’est une induction aux
peut avoir des conséquences fatales. La présence
agents injectables qui est utilisée chez les carnivores
de fuites importantes peut compromettre la domestiques. Elle est suivie par une intubation tra-
stabilité de l’anesthésie et donc l’intervention chéale et le branchement sur la machine d’anesthésie
chirurgicale, une inversion de circuit peut tuer un volatile. L’objectif est alors d’obtenir une anesthésie
animal en quelques minutes. stable avec un pourcentage d’agent volatil adapté, soit
• Points à retenir environ 1,5 à 2 MAC. Ce pourcentage doit être réduit
Avant l’utilisation de la machine, il est si des anesthésiques injectables possédant des effets
nécessaire de : rémanents (kétamine, tilétamine), ou des sédatifs ou
C vérifier visuellement l’état de la machine ; analgésiques puissants (alpha2 agonistes ou opioïdes)
C raccorder les alimentations en gaz ; ont été utilisés.
C connecter l’évacuation ;
C vérifier les niveaux d’anesthésique volatil ; Lors de l’utilisation d’un circuit ouvert :
C brancher le(s) circuit(s) patient. débit important et réglage « normal »
Avant de débuter l’anesthésie, il est Le débit de gaz frais à utiliser est celui nécessaire à
indispensable de : l’élimination des gaz viciés (de 100 à 150 ml/kg/min et
C choisir le débit le plus adapté ; plus de 1 l/min). Le réglage de l’évaporateur correspond
C vérifier que celui-ci est raccordé ; à ce que l’on veut administrer à l’animal (de 1,5 à
C réaliser un test d’étanchéité en pression. 2 MAC). Il est fréquent en début d’anesthésie d’aug-
Une machine d’anesthésie n’est qu’une machine. menter un peu ce pourcentage pour accélérer l’appro-
Il convient donc de la comprendre et de la fondissement de l’anesthésie. Il convient d’être prudent
car les évaporateurs permettent de délivrer des pour-
.

connaître pour qu’elle reste un outil et non une


centages parfois élevés (5 % d’isoflurane par exemple)
contrainte.
induisant rapidement un surdosage chez l’animal.
Pendant, le reste de l’anesthésie, le pourcentage est
adapté en fonction de la profondeur de l’anesthésie
ventilation de ce type, mise en œuvre deux à quatre observée. En fin de procédure, on arrête d’administrer
fois par minute, permet de maintenir un niveau d’oxy- des anesthésiques, la couverture antalgique est adaptée
génation suffisant en attendant la redistribution de et l’animal laissé sous oxygène pour limiter les risque
l’anesthésique injectable administré ou la chute de la d’hypoxie lors d’une possible dépression respiratoire.
concentration en anesthésique volatil dans le circuit.
Lorsqu’une procédure de plus d’une heure est envi- Lors de l’utilisation d’un circuit filtre :
sagée, le recours à une anesthésie utilisant des volatils débit moyen et réglage « plutôt élevé »
est particulièrement intéressant. En effet, absorbés et
éliminés par voie pulmonaire, les anesthésiques volatils En début d’anesthésie, la problématique est un peu
sont rapidement éliminés et le risque d’accumulation différente de celle d’un circuit ouvert : il faut apporter
est bien moindre qu’avec les anesthésiques injectables. des anesthésiques à l’animal, mais également remplir le
La durée de réveil s’en retrouve raccourcie. Le coût circuit circulaire qui représente un volume conséquent
d’entretien d’une anesthésie volatile est également assez (en général 5 à 6 litres). Un débit de gaz frais assez
faible, surtout si un travail à bas débit est réalisé. important est donc utilisé (par exemple 50 ml/kg/min)
L’anesthésie volatile procure également un confort et le réglage de l’évaporateur est supérieur à ce que l’on
optimal pour l’animal et le chirurgien. Les produits veut administrer à l’animal (2 ou 2,5 MAC). À ce
utilisés possèdent en effet de bonnes propriétés anes- moment, l’animal rejette peu d’anesthésique car il fixe
thésiques, et leurs propriétés analgésiques insuffisantes la plupart de ce qu’il inspire, ce qui limite la montée
peuvent facilement être compensées par une technique de la concentration en anesthésique dans le circuit.
antalgique adaptée (anesthésie locale, opioïdes, etc.). La Pendant la phase de maintenance, le débit de gaz frais
distribution continue de l’agent anesthésique permet de peut être réduit (20 ml/kg/min semble un bon compro-
plus, beaucoup plus facilement qu’en injectable, mis économie-réactivité) et le réglage de l’évaporateur
d’obtenir un état anesthésique stable et surtout de le adapté en fonction de la profondeur d’anesthésie
maintenir longtemps. observée. En fin d’anesthésie, l’évaporateur est mis sur
zéro, et le débit d’oxygène augmenté de manière à
rincer le circuit en continu car si l’anesthésie a été
Quel circuit choisir ? longue, l’animal peut mettre plusieurs dizaines de
Un des critères de choix important est le coût de minutes pour expirer l’essentiel de l’anesthésique qu’il
l’anesthésie. Dans ces conditions, la réutilisation des a fixé. La couverture antalgique est bien sûr complétée
gaz expirés nous incite à choisir un circuit circulaire si nécessaire.

Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 11
0200 ¶ Anesthésie volatile et circuits

Surveillance de l’anesthésie valves du circuit, etc.). Une anesthésie trop superficielle


se caractérise généralement par une fréquence respira-
La surveillance anesthésique est un élément capital toire trop rapide, souvent couplée avec un rythme
de sécurité. Elle vise à connaître ou quantifier de la irrégulier, une anesthésie trop profonde par l’inverse.
façon la plus précise possible l’état de dépression des Pour des raisons de sécurité, il est toutefois souhai-
grandes fonctions. Il s’agit avant tout du niveau de table de disposer d’un matériel de surveillance automa-
dépression du système nerveux central (effet anesthési- tique, possédant des alarmes. Le minimum est un
que), mais également des fonctions cardiovasculaires et détecteur d’apnée ; un capnomètre serait plus
respiratoires. L’aspect « surveillance instrumentale » intéressant.
dépasse le cadre de cet article et n’est pas abordé ici. Il En cas d’apnée transitoire (phase initiale de l’anes-
est important de signaler qu’aucun paramètre pris thésie), il est important de ventiler artificiellement
isolément n’est représentatif de l’état de l’animal ; il l’animal (de 15 à 20 cm H2O de pression de ventila-
faut donc toujours considérer plusieurs éléments tion). La fréquence de ventilation artificielle doit rester
simultanément. basse (deux ou trois par minute), ce qui permet d’assu-
rer une oxygénation tout en laissant monter la concen-
Évaluation de la profondeur d’anesthésie tration de CO2 qui va stimuler la reprise d’une
Position du globe oculaire et diamètre de la pupille ventilation spontanée.
Ces paramètres sont dépendants de la profondeur
Système cardiovasculaire
d’anesthésie. Normalement, le globe doit être basculé
vers le bas ou légèrement en position centrale à pro- Le système cardiovasculaire est déprimé par les
fondeur d’anesthésie adéquate. De même, le diamètre anesthésiques. Deux éléments sont particulièrement
de la pupille doit être normal. Mais attention, le modifiés : la fréquence cardiaque et la pression
diamètre de la pupille est modifié par certaines molé- artérielle.
cules (atropine, morphiniques), et un œil central Fréquence cardiaque
signifie aussi bien une anesthésie trop légère qu’une
anesthésie trop profonde. Si on utilise des dissociatifs La fréquence cardiaque ne peut être dissociée de la
(kétamine), ce paramètre peut être faussé. pression artérielle pour l’évaluation de l’état de la
fonction cardiovasculaire. Néanmoins, la fréquence
Réflexes palpébral et cornéen cardiaque tend à diminuer lors de l’approfondissement
Le réflexe palpébral est la fermeture des paupières en de l’anesthésie. Il convient néanmoins d’être prudent,
réponse à la stimulation tactile du coin des yeux ou des la fréquence cardiaque pouvant être modifiée en
cils. Ce réflexe disparaît précocement lors de l’appro- réponse à une chute de pression artérielle (baroréflexe),
fondissement de l’anesthésie. Le réflexe cornéen est la affectée par le statut algique de l’animal, sa température
fermeture des paupières en réponse à la stimulation de corporelle, etc. La fréquence cardiaque peut être mesu-
la surface de la cornée. Il ne doit pas disparaître. Sa rée par auscultation directe ou à l’aide d’un stéthoscope
disparition signe une anesthésie beaucoup trop œsophagien introduit dans la portion thoracique de
profonde. l’œsophage. La palpation d’un pouls permet également
Remarque. Les réflexes cornéen et palpébral peuvent d’y avoir accès (cf. infra).
se désensibiliser : disparition consécutive à des stimula-
Pression artérielle
tions répétées.
C’est un élément très fiable d’évaluation. Il peut être
Tonus de la mâchoire obtenu par mesure non invasive (Doppler, appareil
Les anesthésiques entraînent un relâchement muscu- oscillométrique) ou mesure invasive (cathéter intra-
laire qui peut être évalué chez les carnivores domesti- artériel), ou évalué par la palpation d’un pouls (cf.
ques par le tonus de la mâchoire. Une mandibule infra). Il est important de se rappeler qu’une pression
complètement relâchée indique une anesthésie très artérielle minimale est nécessaire pour le maintien des
profonde. Il convient toutefois de noter que des diffé- circulations régionales (c’est la circulation rénale qui
rences importantes existent entre les espèces (un pitbull nous concerne en premier lieu dans le contexte
n’a pas le même tonus de base qu’un caniche). Le anesthésique).
tonus de mâchoire est toutefois un des signes les plus
Pouls
fiables de profondeur d’anesthésie chez les carnivores
domestiques lors d’anesthésie utilisant des anesthési- Relevé, sous anesthésie, à la base de la langue (artère
ques volatils. sublinguale), la mesure du pouls est utile pour contrô-
ler la fréquence cardiaque et avoir des indications sur
Autres la pression artérielle. Quatre éléments sont importants
L’évaluation de la profondeur d’anesthésie doit à rechercher :
également se faire de manière indirecte par l’évaluation • le « tonus » artériel. Si l’artère est facilement palpa-
du niveau de dépression des grandes fonctions. Il s’agit ble, cela signifie que la pression artérielle sous-
notamment de l’état de la fonction respiratoire et de la jacente est importante. Ainsi le « tonus » artériel
fonction cardiovasculaire. est-il un reflet de la pression artérielle moyenne ;
• le pouls. Il s’agit de différence entre la pression
Système respiratoire artérielle systolique (PaS) et la pression artérielle
L’évaluation du système respiratoire comprend la diastolique (PaD). Il est modifié par la vitesse d’éjec-
fonction ventilatoire (fréquence respiratoire, volume tion systolique et le tonus des vaisseaux. Ainsi, sur
courant) et la fonction d’échange (oxymétrie, un animal vasodilaté, l’intensité du pouls augmente
capnométrie). (par chute de la PaD). Sur un animal vasoconstricté,
Au plan clinique, la respiration est déprimée par les c’est l’inverse qui est observé ;
anesthésiques. Il est possible de surveiller la fréquence • la régularité du pouls. Elle renseigne sur la présence
respiratoire et l’amplitude des mouvements (mouve- d’éventuelles arythmies ;
ments du thorax, mouvements du ballon, bruit des • la fréquence cardiaque.

12 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
Anesthésie volatile et circuits ¶ 0200

effet, l’anesthésie se caractérise par une immobilité

“ Points essentiels
complète limitant le métabolisme donc la production
de chaleur. De plus, la plupart des produits utilisés en
anesthésie dépriment le centre thermorégulateur (anes-
Intubation trachéale thésiques, opioïdes, etc.). La conséquence est une
• L’objectif est de maintenir la perméabilité des hypothermie, parfois excessivement importante, majo-
voies aériennes, d’obtenir une voie rée lors d’ouverture des grandes cavités (évaporation).
d’administration de médicaments (oxygène, Une prévention et une lutte contre le refroidissement
anesthésiques, etc.), de disposer d’un outil peropératoire sont indispensables. Il convient de
irremplaçable en cas de ventilation artificielle, de travailler dans une ambiance assez chaude, d’éviter de
limiter les conséquences d’une régurgitation. trop mouiller les animaux lors de la préparation chirur-
gicale, de les isoler de la table par un tapis ou une
• Le matériel nécessaire et la technique de pose
alèse, d’opérer rapidement, de réchauffer les animaux
sont simples, à condition de disposer d’une
dès le début de l’intervention. L’utilisation de généra-
anesthésie suffisamment profonde. C’est une
teurs d’air chaud, tapis chauffants et lampes infrarouge
technique facile à mettre en œuvre. est nécessaire. Il ne faut pas oublier que l’hypothermie
• Les limites sont principalement liées à la taille potentialise l’effet des anesthésiques et favorise l’appa-
de l’animal : chez des animaux de petite taille, rition d’un certain nombre de pathologies.
notamment chez les chats, la sonde trachéale est
facilement obstruée par des sécrétions. Il est
important d’y penser lorsque des bruits
anormaux synchrones avec la respiration sont ■ Conclusion
entendus. L’anesthésie volatile consiste en l’administration par
• Les erreurs à ne pas commettre sont de nature voie pulmonaire d’un mélange oxygène et anesthési-
technique. Un mauvais choix de la taille des que. Contrairement à une simple administration de
sondes est délétère : trop petite, la sonde gêne la dissociatifs, elle permet d’obtenir une véritable anes-
respiration par sa résistance au flux d’air la thésie, facilement modulable en profondeur comme en
traversant ; trop grosse, sa mise en place est durée. Elle offre à l’animal comme au chirurgien
douloureuse, voire traumatique. Le gonflement confort et sécurité, mais au prix de la connaissance et
excessif du ballonnet de la sonde peut léser la de la maîtrise de matériel spécifique.
trachée et il convient de limiter le volume insufflé D’un côté, le choix du circuit et l’optimisation du
à celui évitant les fuites. Une sonde trop débit de gaz influent énormément sur le coût de
extériorisée entraîne une réinspiration de dioxyde fonctionnement. L’idée largement répandue d’un coût
de carbone, une sonde introduite trop exorbitant de l’anesthésie volatile résulte souvent d’une
profondément une hypoxie par exclusion manière de travailler inadaptée. Le choix raisonné de la
pulmonaire (effet shunt). L’introduction machine, du circuit et de la concentration d’anesthési-
que permet un fonctionnement optimal. Il permet au
œsophagienne de la sonde est rare si le larynx est
vétérinaire d’adapter sa pratique à l’animal. Associé à
correctement visualisé, mais il faut y penser. Elle
une surveillance précise, c’est un gage de sécurité
entraîne polypnée, hypoxie, mauvaise anesthésie certain. De plus, une surveillance adaptée permet de
et peut être diagnostiquée par observation, reconnaître et traiter au plus tôt les dysfonctionne-
palpation, capnographie et oxymétrie. ments, ce qui permet de suivre l’animal et limite
.
• Cette technique, indispensable dans l’urgence encore les risques.
d’un arrêt cardiaque par exemple, doit être Dans l’environnement anesthésique des vétérinaires,
parfaitement maîtrisée. l’anesthésie volatile occupe donc une place clé, justifiée
par les possibilités qu’elle offre, mais savoir s’en servir
est essentiel. « La façon de donner vaut mieux que ce
que l’on donne » écrit Corneille dans Le menteur, et
Remarque. Ne pas oublier qu’un bon fonctionne- notre activité clinique en confirme sans cesse la
ment cardiovasculaire est fondé sur une pression justesse.
artérielle adéquate. .

Muqueuses
■ Références
L’observation des muqueuses apporte des renseigne-
ments respiratoires et cardiovasculaires. La couleur peut [1] McKay RE, Sonner J, McKay WR. Inhaled anesthetics. In:
Stoelting RK, Miller RD, editors. Basics of anesthesia.
être pâle, signe d’une hypoperfusion périphérique ou
Philadelphia: Churchill Livingstone; 2007. p. 77-96.
d’une anémie ; rose, dans un état normal ; bleue
[2] Steffey PS, Mama KR. Inhalation anesthetics. In:
(cyanose) en cas d’hypoxémie sérieuse. Le temps de
Tranquilli WJ, Thurmon JC, Grimm KA, editors. Lumb and
remplissage capillaire (TRC) nous donne une évaluation Jones’ Veterninary Anesthesia and Analgesia. Ames:
de la perfusion périphérique. On le mesure sur les Blackwell Publishing; 2007. p. 355-93.
gencives. Le TRC, normal s’il est inférieur à 2 secondes, [3] Whalen FX, Bacon DR, Smith HM. Inhaled anesthetics: an
va être augmenté en cas de vasoconstriction périphéri- historical overview. Best Pract Res Clin Anaesthesiol 2005;
que (douleur, hypovolémie, etc.). 19:323-30.
Autres [4] Ewing KK, Mohammed HO, Scarlett JM, Short CE.
Reduction of isoflurane anesthetic requirement by
Un élément important dans le contexte dans lequel medetomidine and its restoration by atipamezole in dogs. Am
nous travaillons concerne la température corporelle. En J Vet Res 1993;54:294-9.

Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 13
0200 ¶ Anesthésie volatile et circuits

[5] Keegan RD. Inhalant anesthetics: the basics. In: Gleeds RD, [13] Wagner AE, Bednarski RM. Use of low-flow and closed-
Ludders JW, editors. Recent advances in veterinary system anesthesia. J Am Vet Med Assoc 1992;200:1005-10.
anesthesia and analgesia: companion animals. Internatio-
nal Veterinary Information Service. IVIS; 2005.
[6] Keegan RD. Inhalants used in veterinary anesthesia. In: Pour en savoir plus
Gleeds RD, Ludders JW, editors. Recent advances in
veterinary anesthesia and analgesia: companion animals. Schlack W, Van Aken H. Best practice and research clinical
International Veterinary Information Service. IVIS; 2005. anaesthesiology: renaissance of inhalational anaesthesia.
[7] Preckel B, Bolten J. Pharmacology of modern volatile London: Bailliere Tindall-Elsevier; 2005 (p. 323-538).
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[8] Mapleson WW. The elimination of rebreathing in various Tranquilli WJ, Thurmon JC, Grimm KA. Lumb and Jones’
semi closed anaesthetic systems. Br J Anaesth 1954;26: Veterinary Anesthesia and Analgesia. Ames: Blackwell
323-32. Publishing; 2007.
[9] Mapleson WW. Editorial I: Fifty years after reflections on Stoelting RK, Miller RD. Basic’s of Anesthesia. Philadelphia:
« The elimination of rebreathing in various semi-closed Churchill Livingstone Elsevier; 2007.
anaesthetic systems ». Br J Anaesth 2004;93:319-21.
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anesthesia: the Bain coaxial circuit. J Am Anim Hosp Assoc companion animals. International Veterinary Information
1979;15:61-5. Service, Ithaca NY (www.ivis.org).
[11] Manley SV, MacDonnell WN. Clinical evaluation of the bain Verwaerde P, Estrade C. Vade-Mecum d’anesthésie des carnivores
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[12] Shandro J. Resistance to gas flow in the ″new″ anaesthesia BSAVA. Manual of canine and feline anaesthesia and analgesia.
circuits: a comparative study. Can Anaesth Soc J 1982;29: Gloucester: British Small Animal Veterinary Association;
387-90. 2007.

C. Desbois, Maître de conférences en anesthésie réanimation ([email protected]).


Service de reproduction animale, École nationale vétérinaire d’Alfort, 7, avenue du Général-de-Gaulle, 94704 Maisons-Alfort cedex,
France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Desbois C. Anesthésie volatile et circuits. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Vétérinaire,
Anesthésie-réanimation, 0200, 2010.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

14 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
 AN 0400

Anesthésie locale et locorégionale


S. Mahler

Les avantages des techniques d’anesthésie locorégionale incluent une analgésie puis-
sante, une faible incidence de complications spécifiques sévères, une facilité de réalisation,
un apprentissage rapide et un faible coût. La lidocaïne, la bupivacaïne et la ropivacaïne
sont les anesthésiques les plus couramment utilisés en médecine vétérinaire. Ils peuvent
être associés à d’autres analgésiques, comme la morphine, les alpha-2 agonistes et
la kétamine. L’infiltration des plaies opératoires ne demande aucune connaissance ou
expérience spécifique : les indications de cette technique sont quotidiennes. Les injections
intra-articulaires d’anesthésique local et de morphine sont particulièrement intéressantes
en préopératoire pour prévenir les phénomènes d’hypersensibilisation. En dentisterie, le
bloc du nerf maxillaire dans la fosse ptérygopalatine et le bloc du nerf alvéolaire inférieur
au niveau du trou mandibulaire assurent l’analgésie de la totalité des dents. Le bloc
rétrobulbaire procure une analgésie et une relaxation musculaire de l’ensemble du globe
oculaire. Les blocs intercostaux sont efficaces pour soulager une douleur traumatique ou
chirurgicale : ils sont parfois réalisés par le chirurgien, au cours de la chirurgie, en parti-
culier quand les côtes sont difficilement palpables. L’anesthésie des nerfs qui innervent la
paroi abdominale s’appelle le TAP block : c’est une technique prometteuse dont l’intérêt
clinique doit encore être confirmé chez le chien et le chat. L’anesthésie péridurale dans
l’espace L7–S1 est indiquée pour l’analgésie périopératoire de l’abdomen caudal, du bas-
sin, des membres pelviens, de la région périnéale et de la queue : il est possible de placer
un cathéter péridural et d’entretenir l’anesthésie aussi longtemps que nécessaire. Les
blocs des nerfs périphériques pour l’analgésie des membres pelviens et thoraciques sont
moins invasifs que l’anesthésie péridurale, et associés à moins d’effets indésirables : la
neurostimulation et l’échographie augmentent considérablement le succès et la sécurité
de ces techniques.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Anesthésie ; Anesthésie locorégionale ; Chien ; Chat ; Douleur

Plan ■ Anesthésie locorégionale du thorax 7


■ Anesthésie locorégionale de la paroi abdominale 7
■ Introduction 2 ■ Anesthésie péridurale 7
■ Généralités 2 Généralités 7
Évolution des techniques 2 Indications et contre-indications 8
Choix de l’anesthésique local et d’autres molécules 2 Considérations générales 8
Risques et complications en anesthésie locorégionale 2 Réalisation pratique 8
■ Infiltrations et injections locales : anesthésie Conséquences et précautions 9
locorégionale des plaies opératoires 3 ■ Anesthésie locorégionale périphérique du membre
■ Anesthésie locorégionale intra-articulaire 3 pelvien 9
Généralités 9
■ Anesthésie locorégionale en dentisterie 4
Bloc du nerf sciatique par échoguidage et
Bloc du nerf maxillaire 5
neurostimulation 9
Bloc du nerf alvéolaire inférieur 5
Bloc du nerf fémoral par échoguidage et
■ Anesthésie locorégionale de l’œil 6 neurolocalisation dans le muscle iliopsoas 11

EMC - Vétérinaire 1
Volume 12 > n◦ 1 > février 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S1283-0828(14)48670-8
AN 0400  Anesthésie locale et locorégionale

■ Anesthésie locorégionale du membre thoracique 12 extrêmement précises, telles que la visualisation des
Généralités 12 structures nerveuses et vasculaires, le suivi de la progres-
Bloc des nerfs du plexus brachial en région axillaire sion de l’aiguille et la diffusion de l’anesthésique local au
par échoguidage et neurolocalisation 12 contact du nerf [4] . La neurostimulation et l’échographie
sont actuellement utilisées conjointement, mais il est
fort probable que dans l’avenir les progrès de l’image et
l’expérience des anesthésistes feront de l’échographie la
 Introduction seule technique utilisée en première intention.

Lors d’un stimulus important (incision, écartement,


traction, compression), le message nociceptif afférent se Choix de l’anesthésique local
propage par les nerfs périphériques sensitifs, puis dans et d’autres molécules
la moelle épinière et le cerveau, pour y être intégré et
interprété comme de la douleur. Les anesthésiques locaux Le choix d’un agent anesthésique local pour
abolissent cette transmission nerveuse, en bloquant les l’infiltration doit prendre en compte la puissance,
canaux sodiques dans les membranes axonales. Puisqu’ils les propriétés vasomotrices du produit (qui condi-
agissent sur la composante nociceptive de la douleur, ce tionnent la résorption sanguine et la durée d’action),
sont des médicaments de choix pour prévenir et trai- ainsi que le potentiel de toxicité systémique [5] . Même
ter la douleur chirurgicale, en association avec les autres si de nombreuses molécules sont disponibles sur le
antalgiques (morphiniques, anti-inflammatoires, etc.). marché, l’expérience montre qu’en pratique vétérinaire
L’anesthésie locale et l’anesthésie locorégionale (ALR) deux ou trois anesthésiques locaux suffisent à couvrir
sont décrites depuis de très nombreuses années dans toutes les applications possibles (Tableau 1).
les traités d’anesthésie vétérinaire. Longtemps consi- La lidocaïne est privilégiée pour son délai d’action
dérées comme des techniques mineures apportant un court : elle est très peu toxique et son passage intravas-
« petit plus » dans la gestion multimodale de la dou- culaire accidentel n’est généralement pas un problème.
leur, elles s’imposent actuellement comme un élément La bupivacaïne est plus liposoluble et a un effet
majeur de la prise en charge de la douleur périopératoire. vasodilatateur moins marqué que la lidocaïne : ces carac-
Des avancées considérables ont été réalisées ces dix der- téristiques permettent une persistance plus longue au
nières années dans les connaissances et les techniques, site de l’injection et donc une durée d’action prolon-
incluant une meilleure compréhension de l’anatomie, gée. Son inconvénient majeur est sa toxicité cardiaque
l’utilisation de molécules plus récentes et moins toxiques, en cas de passage vasculaire accidentel. Sa probable toxi-
le recours à des assistances techniques (neurostimulation cité pour les chondrocytes incite à la prudence lors
et échographie), de nouveaux outils (cathéters perfu- d’anesthésie intra-articulaire [6] . La ropivacaïne combine
sants, pompes élastomériques, etc.) [1] . La faible incidence une durée d’action prolongée, et une moindre toxi-
de complications spécifiques sévères, la facilité de réa- cité cardiaque et articulaire : son coût est en revanche
lisation, l’apprentissage rapide et le faible coût sont plus important que la bupivacaïne. L’association avec de
des atouts supplémentaires au développement des tech- l’adrénaline provoque une vasoconstriction qui retarde
niques d’ALR. l’absorption locale de l’anesthésique, réduisant la toxi-
Il est aujourd’hui impossible de condenser les connais- cité et augmentant la marge de sécurité. L’intensité de
sances et pratiques en ARL en un article unique : nous l’analgésie est augmentée et l’activité prolongée [7] . En
proposons ici de faire un état des lieux et de décrire les revanche, les vasoconstricteurs peuvent augmenter le
techniques les plus courantes ou qui ont notre préfé- risque d’arythmie cardiaque et de fibrillation ventricu-
rence. laire. L’addition de kétamine ou d’un alpha-2 agoniste
(médétomidine) à un anesthésique local a été décrite en
anesthésie péridurale [8, 9] . L’utilisation de morphiniques
 Généralités est fréquente en anesthésie centrale : en infiltration
cicatricielle et en instillation intra-articulaire, elle reste
Évolution des techniques controversée [10] . Pourtant, des arguments forts, issus de
la recherche fondamentale, montrent une implication
À l’origine, les techniques d’ALR étaient toutes réalisées importante des récepteurs morphiniques et des peptides
« en aveugle », sur la base des connaissances anatomiques opioïdes endogènes dans les douleurs cicatricielles à forte
et de quelques repères de surface. Aujourd’hui encore, les composante inflammatoire [11] .
infiltrations sous-cutanées, les injections péridurales et
certains blocs nerveux superficiels ne nécessitent aucun
matériel spécifique. Pour bloquer des nerfs plus profonds, Risques et complications en anesthésie
ces techniques « en aveugle » peuvent également être locorégionale
utilisées, mais le taux d’échec et le risque de lésions iatro-
gènes (vasculaires, nerveuses) sont alors plus élevés. Avec de l’entraînement et du matériel adapté, les
La neurostimulation a fait son apparition il y a 50 ans et complications en ALR sont rares. Chez l’homme, une
est décrite en médecine vétérinaire depuis une quinzaine analyse prospective a conclu que l’incidence des décès
d’années [2] . La neurostimulation consiste à stimuler la était de 0,007 % et que celle des lésions neurologiques
composante motrice d’un nerf et à observer la réponse de 0,03 % [12] . Ces incidences sont méconnues en méde-
musculaire induite. En modifiant les caractéristiques cine vétérinaire. Les complications des techniques d’ALR
des impulsions électriques (durée, intensité, fréquence), peuvent être divisées en deux catégories : la toxicité sys-
l’opérateur peut avoir une notion de distance entre la témique et les lésions neurologiques.
pointe de l’aiguille et le nerf à bloquer [3] . L’échographie La toxicité systémique des anesthésiques locaux se
a littéralement révolutionné l’ALR : elle est décrite depuis manifeste par des atteintes cardiovasculaires et du sys-
25 ans, mais les publications se sont réellement multi- tème nerveux central [13] . En général, les signes cliniques
pliées depuis une dizaine d’années (5 ans, en médecine neurologiques apparaissent avant les modifications car-
vétérinaire). L’échographie apporte des informations diovasculaires, mais ils peuvent passer inaperçus chez

2 EMC - Vétérinaire
Anesthésie locale et locorégionale  AN 0400

Tableau 1.
Doses, délais et durées d’action des principaux anesthésiques locaux utilisés en médecine vétérinaire.
Anesthésique local Dose recommandée (mg/kg) Délai d’action (minutes) Durée d’action (heures)
et concentration
Lidocaïne 2 % 2à5 5 1–3 BN
1–2 E
Bupivacaïne 0,5 à 0,75 % 1à2 10–20 4–12 BN
2–5 E
Ropivacaïne 0,5 à 1 % 1à2 10–20 5–8 BN

BN : bloc nerveux ; E : épidurale.

le patient sédaté ou anesthésié : l’intérêt de surveiller dans de nombreuses indications (mastectomie, exérèse
les signes cardiovasculaires est donc particulièrement de fibrosarcome, etc.) [16] . Ce mode d’administration
évident en médecine vétérinaire au cours des gestes d’ALR est techniquement très facile, et ne demande aucune
(électrocardiogramme [ECG], pression artérielle). connaissance ou expérience spécifique. Il est pro-
bable que, comme en médecine humaine, l’intérêt de
l’infiltration de plaies opératoires, dans une stratégie

“ Point important globale d’analgésie multimodale et de réduction de la


consommation morphinique, peut s’étendre à de nom-
breuses indications.
Les infiltrations de plaies peuvent être réalisées en fin
Signes cliniques de la toxicité neuro- d’intervention, par le chirurgien lui-même. En cas de
logique et cardiaque des anesthésiques chirurgie délabrante, l’infiltration unique a un intérêt
locaux limité car la durée d’action est courte. Un cathéter de
• Nystagmus. plaie multiperforé peut être mis en place par le chirur-
• Contractions musculaires. gien en fin d’intervention dans la cicatrice opératoire
• Convulsions tonocloniques. et permet de prolonger la durée de l’analgésie (Fig. 1).
• Tremblements et crises épileptiques. Du fait de leur très petit diamètre, ils sont bien tolé-
• Dépression généralisée du système nerveux rés par l’animal. L’injection d’anesthésique local peut
alors se faire par bolus, ou par une perfusion à débit
central (somnolence, inconscience, coma).
constant, par l’intermédiaire d’une pompe à débit cons-
• Hypotension (défaillance de la fonction systo-
tant (Fig. 2). Le cathéter est généralement retiré au bout
lique, vasodilatation, bradycardie, autres aryth- de 24 à 48 heures, en fonction de l’évaluation de la
mies). douleur.
• Modifications de l’ECG : élargissement des QRS,
complexes ventriculaires prématurés, tachycardie
ventriculaire, fibrillation ventriculaire.
• Mort.  Anesthésie locorégionale
intra-articulaire
Les lésions neurologiques sont souvent craintes avec En périopératoire, les injections intra-articulaires
les techniques d’ALR : or, elles sont rares et habituelle- d’anesthésiques locaux, de morphine et d’alpha-2 ago-
ment réversibles [12, 14] . Les lésions que l’on peut évoquer nistes ont été décrites (Tableau 2).
sont des pertes de sensibilité et des paresthésies. L’origine L’injection intra-articulaire préopératoire d’un anes-
de ces lésions est le traumatisme direct de l’aiguille sur le thésique local et de morphine répond certainement le
nerf, l’ischémie neuronale, la toxicité des anesthésiques mieux au principe d’analgésie préventive : elle a montré
locaux ou l’infection. L’absence de résistance au cours de son intérêt en médecine humaine en diminuant signifi-
l’injection reste un des critères les plus fondamentaux cativement la douleur en postopératoire [17] . La hanche,
dans la réalisation d’une ALR : elle suggère l’absence de le genou, l’épaule ou le coude se prêtent très bien à cette
pression autour du nerf ou l’absence d’injection intrafas- technique (Fig. 3).
ciculaire. Les autres moyens de limiter le risque de lésions La position correcte de l’aiguille est confirmée par plu-
neuronales sont l’utilisation d’aiguilles à biseau non tran- sieurs techniques complémentaires :
chant, l’utilisation raisonnée de la neurostimulation ou • l’apparition de liquide synovial dans l’aiguille
de l’échographie [15] . confirme sa position intra-articulaire. On recueille
d’autant plus de liquide synovial que l’animal est de
grand format et que l’articulation est enflammée. En
 Infiltrations et injections revanche, il arrive que malgré la position correcte de
l’aiguille, aucun liquide synovial n’apparaisse ;
locales : anesthésie • une fois l’aiguille introduite dans l’articulation, une
locorégionale des plaies petite quantité de sérum physiologique est injectée
(environ 0,5 à 1 ml). Si l’aiguille est correctement
opératoires placée, l’opérateur peut apprécier l’absence de résis-
tance à l’injection et une distension intra-articulaire
Compte tenu de l’importance des phénomènes de (pour les articulations superficielles). En déconnec-
paroi dans la genèse et l’entretien du message doulou- tant la seringue de l’aiguille, un reflux de sérum
reux, l’infiltration pariétale d’anesthésique local est une physiologique, mélangé à du liquide synovial, appa-
technique efficace et qui apporte un bénéfice analgésique raît (principe du back flow). Si l’aiguille n’est pas

EMC - Vétérinaire 3
AN 0400  Anesthésie locale et locorégionale

A B
Figure 1.
A. Exérèse large d’un mastocytome en région thoracoabdominale chez un chiot boxer.
B. Résultat après mise en place d’un cathéter de plaie et suture : le cathéter va permettre l’infiltration régulière d’anesthésique local en
postopératoire.

Figure 2. Exemple d’une pompe élastomérique : une fois


remplie d’anesthésique local, ce modèle de pompe va assurer
un débit constant et régulier d’un volume de 125 ml à 2 ml/h.
Figure 3. Ponction intra-articulaire dans le genou d’un chien,
Connectée à un cathéter de plaie, elle assure ainsi une analgésie
en vue de l’injection préopératoire d’un mélange anesthésique
de plus de deux jours.
local–morphine, avant la chirurgie correctrice d’une luxation
médiale de la rotule.

Tableau 2. Enfin, l’analgésie intra-articulaire a également été


Molécules utilisées en injection intra-articulaire périopératoire. décrite dans un but diagnostique, en complément de
Molécule Dose l’examen clinique, radiographique et l’analyse du liquide
synovial [19] .
Morphine 0,1 ␮g/kg
Médétomidine 5 ␮g/kg
Bupivacaïne, ropivacaïne 0,5 à 1 mg/kg
 Anesthésie locorégionale
Exemple de volume total pour un genou : 0,2 ml/kg.
en dentisterie
Les soins de dentisterie s’accompagnent souvent
correctement placée, une résistance à l’injection est d’extraction dentaire. La réalisation de bloc est facile à
perçue, le sérum est injecté dans les tissus périphé- mettre en œuvre et très efficace pour garantir aux ani-
riques et aucun reflux n’est observé. maux un confort périopératoire : deux techniques (une
L’injection intra-articulaire peropératoire est réalisée pour le maxillaire et une pour la mandibule) permettent
par le chirurgien à la fin de l’intervention (et en parti- d’obtenir une analgésie de toutes les dents : elles peuvent
culier après la suture de la capsule articulaire) [18] : elle est être réalisées sans aide technique, car les repères anato-
aisée à réaliser, mais l’étanchéité de la suture ne permet miques de surface sont relativement fiables et les nerfs
pas toujours d’éviter les fuites de l’anesthésique local, en superficiels. La lidocaïne ou la bupivacaïne sont utilisées :
particulier après un traumatisme (luxation coxofémorale des volumes de 0,3 à 1 ml chez le chien et 0,1 à 0,3 ml chez
ou fracture articulaire). le chat sont suffisants.

4 EMC - Vétérinaire
Anesthésie locale et locorégionale  AN 0400

A B
Figure 4. Crânes de chiens (clichés du laboratoire d’anatomie, ONI-
RIS – Nantes).
A. Une aiguille est introduite par le trou infraorbitaire dans le canal
infraorbitaire et ressort par la fosse ptérygopalatine.
B, C. Identification du trou infraorbitaire (cercle noir) et de la longueur
du canal infraorbitaire (flèche noire) sur un crâne de chien dolichocé-
phale (B) et brachycéphale (C).

Bloc du nerf maxillaire


Le nerf maxillaire chemine dans la fosse ptérygopala-
tine. Il devient le nerf infraorbitaire en s’engageant dans
le canal infraorbitaire (Fig. 4A).
Le bloc du nerf maxillaire, dans la fosse ptérygopala-
tine, permet de bloquer la babine supérieure et la truffe,
toutes les dents (des incisives aux dernières molaires),
la cavité nasale, l’ensemble du palais et de la cavité
nasale [20] .
Le bloc du nerf infraorbitaire permet de bloquer les
incisives, les canines et les premières prémolaires. Il
n’inclut pas le palais, la cavité nasale, les molaires ni les
deux dernières prémolaires.
Le trou infraorbitaire, par lequel émerge le nerf infraor-
bitaire, est aisément palpé chez le chien doligocéphale,
au-dessus de la troisième prémolaire : il est plus diffi-
cile à localiser chez le chat et les chiens brachycéphales Figure 5. Bloc du nerf maxillaire dans la fosse ptérygopala-
(Fig. 4B, C). tine. Une aiguille de petit diamètre est introduite dans le canal
Pour bloquer le nerf maxillaire, une aiguille peut être infraorbitaire, en direction du nerf maxillaire.
introduite dans le canal infraorbitaire, par le trou infraor-
bitaire (Fig. 5). Cette aiguille doit être de petit diamètre
(25G) pour ne pas léser le nerf infraorbitaire et doit canthus latéral de l’œil (Fig. 6). Chez le chat et les chiens
être introduite dans la fosse ptérygopalatine pour que brachycéphales, le canal intraorbitaire est très court et
l’anesthésique local diffuse vers toutes les branches du il n’est pas nécessaire de le cathétériser sur une grande
nerf maxillaire. Le risque de lésions nerveuses, vascu- longueur (Fig. 4C).
laires ou oculaires n’étant pas négligeable, une alternative
consiste à introduire un cathéter intraveineux plutôt Bloc du nerf alvéolaire inférieur
que l’aiguille elle-même [21] : le mandrin du cathéter est
engagé dans le canal infraorbitaire, puis le cathéter souple Le bloc du nerf alvéolaire inférieur inclut les molaires et
est poussé jusqu’à la fosse ptérygopalatine. Le repère au- prémolaires, canines et incisives, la peau et la muqueuse
delà duquel le cathéter ne doit pas être introduit est le de la mandibule et la babine inférieure. Le site d’injection

EMC - Vétérinaire 5
AN 0400  Anesthésie locale et locorégionale

A B
Figure 6. Bloc du nerf maxillaire dans la fosse ptérygopalatine.
A. Un cathéter est introduit dans le canal infraorbitaire : l’extrémité du cathéter ne doit pas dépasser une ligne passant par la verticale au
canthus latéral de l’œil.
B. Le mandrin est engagé dans le canal infraorbitaire, mais seul le cathéter souple est poussé jusqu’à la fosse ptérygopalatine.

Figure 7. Mise en évidence du trou mandibulaire à la face


médiale de la mandibule chez le chien (cercle noir) (cliché du
laboratoire d’anatomie, ONIRIS – Nantes).

est le point d’entrée du nerf dans le canal mandibulaire


en regard du trou mandibulaire [20] (Fig. 7). Figure 8. Bloc du nerf alvéolaire inférieur par un abord extra-
Pour un abord intraoral, le trou mandibulaire est palpé oral. Le trou mandibulaire est palpé, par l’intérieur de la gueule,
avec un doigt de la main non dominante, en arrière de à la face médiale de la mandibule. L’aiguille est introduite au
la dernière molaire. L’aiguille est introduite avec la main bord ventral de la mandibule, puis dirigée sous la muqueuse,
dominante, sous la muqueuse, en regard du trou man- en regard du trou mandibulaire.
dibulaire. L’injection est réalisée et l’accumulation de
l’anesthésique local est perçue sous le doigt. Cette tech-
nique est difficile à réaliser chez les chiens de petit gabarit,
en raison du manque de place dans la gueule.
L’abord extraoral est plus aisé à réaliser. Un doigt
musculaire du globe oculaire. Il est habituellement uti-
est introduit de la même manière que précédemment
lisé en préopératoire de chirurgie oculaire (énucléation,
pour repérer le trou mandibulaire. L’aiguille est intro-
éviscération, prothèse et chirurgies intraoculaires) [22] . En
duite ventralement et perpendiculairement au corps
pratique, une aiguille spinale de 22 G, coudée d’environ
de la mandibule : elle progresse ensuite médialement
20◦ en son milieu, est utilisée, quel que soit le gabarit de
contre la mandibule, sous la muqueuse, jusqu’au trou
l’animal. Le point d’introduction est situé à mi-chemin
mandibulaire. De la même manière, l’accumulation
entre le canthus latéral de l’œil et le milieu de la paupière
d’anesthésique local est perçue sous le doigt (Fig. 8).
inférieure. L’aiguille est introduite au travers de la pau-
Comme chez les petits chiens, l’abord intraoral est dif-
pière inférieure, biseau dirigé vers le haut et vient buter
ficilement réalisable chez le chat, faute de place dans
contre l’os lacrymal (bord de l’orbite). L’aiguille est rediri-
la cavité buccale. L’abord extraoral est privilégié ; en
gée par-dessus l’orbite et introduite sous le globe oculaire
revanche, dans cette espèce, le trou mandibulaire est dif-
en direction du corps adipeux, caudalement au globe (la
ficilement palpable, ce qui peut être à l’origine d’échecs.
forme incurvée de l’aiguille facilite son positionnement
en arrière du globe). La bupivacaïne à 0,5 % est habituel-
 Anesthésie locorégionale lement utilisée et jusqu’à 2 ml de solution peuvent être
injectés en fonction de la taille du patient. L’injection est
de l’œil toujours précédée d’une aspiration et doit être lente (sur
1 minute), pour éviter la migration de la solution dans le
Le bloc rétrobulbaire inclut les nerfs crâniens II, III, liquide cérébrospinal. Le succès du bloc est objectivé par
IV, V et VI. Il procure une analgésie et une relaxation une mydriase complète.

6 EMC - Vétérinaire
Anesthésie locale et locorégionale  AN 0400

 Anesthésie locorégionale
du thorax
Les blocs intercostaux complètent l’analgésie pério- 3
pératoire lors de thoracotomie [23] . Ils sont également
1
intéressants lors de fractures de côtes car ils contribuent
à soulager la douleur, et à améliorer la ventilation et
4
l’oxygénation du patient, tout en diminuant son stress.
Une étude suggère également qu’ils auraient un intérêt
pour la chirurgie des tumeurs mammaires thoraciques
5
chez la chienne [24] . Ils peuvent être réalisés sur un animal
sédaté ou anesthésié. Le bloc intercostal est technique-
ment très simple : sa réalisation peut être rendue difficile 2
chez les animaux en surpoids, chez lesquels les côtes
ne sont pas palpables. L’échographie est alors une aide
précieuse : elle permet de repérer les côtes et l’espace Ventral
intercostal non palpables, et d’apprécier la profondeur
d’insertion de l’aiguille pour éviter de ponctionner la Latéral
plèvre.
L’espace intercostal (ou la côte) à bloquer est repéré, Figure 9. Échographie de la paroi abdominale chez un
et palpé le plus dorsalement possible. L’aiguille est insé- chien. Les différentes composantes de la paroi abdominale sont
rée perpendiculairement à la peau en direction de la visualisées. 1. Transversus abdominis plane ou plan du muscle
côte pour rechercher le contact osseux. Ensuite, elle est transverse de l’abdomen, situé entre le muscle oblique interne
redirigée caudalement, jusqu’à atteindre le bord caudal et le muscle transverse de l’abdomen ; 2. cavité abdominale ;
de la côte. À ce niveau, l’aiguille est introduite légère- 3. muscle oblique externe ; 4. muscle oblique interne ; 5. muscle
ment sous la côte en l’inclinant en direction craniale transverse de l’abdomen.
d’environ 20◦ . Une aspiration doit être réalisée avant
l’injection puisque les vaisseaux intercostaux cheminent crête iliaque et la dernière côte, approximativement 5 cm
cranialement aux nerfs intercostaux. Un volume de 0,5 à latéralement à la ligne médiane. La sonde d’échographie
1,5 ml suffit par point. Les complications incluent prin- est placée perpendiculairement au grand axe du chien
cipalement l’échec du bloc. La pénétration de la cavité et les différentes composantes de la paroi abdominale
thoracique, la lacération du poumon et le pneumothorax sont visualisées (muscle oblique externe, muscle oblique
peuvent également être évoqués ; en revanche, le choix interne et muscle transverse de l’abdomen) (Fig. 9).
judicieux de la longueur de l’aiguille et un geste mesuré Une aiguille est introduite sous contrôle échographique,
limitent considérablement ces risques. Il est habituelle- son biseau est positionné dans l’espace entre le muscle
ment recommandé de bloquer deux nerfs intercostaux oblique interne et le muscle transverse de l’abdomen, et
cranialement, et deux nerfs intercostaux caudalement à l’anesthésique local est injecté. Un volume de 0,4 ml/kg
la côte ou l’espace intercostal concerné. d’anesthésique local, dans chacun des deux plans du
Le bloc intercostal peut être réalisé par le chirurgien, muscle transverse de l’abdomen, semble permettre
une fois que les côtes et l’espace intercostal ont été d’obtenir une bonne analgésie de la paroi abdominale [24] .
abordés. Le chirurgien peut également en profiter pour
réaliser l’infiltration des plaies cutanée et musculaire au
même moment. Cette option ne respecte pas le principe
d’analgésie préventive : en revanche, elle est préférable à
 Anesthésie péridurale
un échec du bloc préopératoire. Généralités
 Anesthésie locorégionale L’injection dans l’espace intervertébral L7-S1 est la
plus couramment réalisée et permet une distribution
de la paroi abdominale de l’anesthésique local jusqu’en région thoracique.
Cependant, en pratique courante, une diffusion crânia-
L’innervation de la paroi abdominale (peau, muscle) lement aux premières lombaires n’est pas recherchée. Les
et du péritoine pariétal sous-jacent a été bien décrite injections péridurales dans les espaces intervertébraux
chez l’homme, mais manque encore de précision chez lombaires (L4-L5 ou L5-L6) sont possibles : en revanche,
les animaux. Cette innervation dépend des branches la présence de la moelle épinière et du sac dural diminue
ventrales et latérales des nerfs intercostaux T11, T12, sensiblement la taille de l’espace péridural et le risque de
T13 et des premières racines lombaires L1, L2 et L3. Ces faire pénétrer l’aiguille dans l’espace sous-arachnoïdien
branches passent obligatoirement dans un espace situé est plus important. Les injections péridurales dans les
entre le muscle oblique interne et le muscle transverse espaces intervertébraux caudaux, S3-Cd1 ou Cd1-Cd2,
de l’abdomen : le plan du muscle transverse de l’abdomen sont simples et sûres : elles sont intéressantes lorsque la
(transversus abdominis plane [TAP]). La technique du bloc distribution de l’anesthésique local doit se limiter à la
du TAP (plus connu sous le nom de TAP block) consiste région périnéale ou caudale [26] .
donc à déposer l’anesthésique local dans cet espace. Le volume le plus fréquemment injecté chez le chien
Cette technique a été décrite en échographie chez et le chat est de 0,2 ml/kg (1 ml pour 5 kg). Injecté dans
le chien [25] , mais son intérêt clinique est encore l’espace lombosacré, ce volume permet une migration
méconnu pour la chirurgie de la paroi abdominale. Une de la solution jusqu’en L1 et l’anesthésie/analgésie de
étude suggère cependant qu’elle aurait un intérêt pour la l’abdomen caudal, des membres pelviens et de la région
chirurgie des tumeurs mammaires abdominales chez la périnéale. Pour des procédures limitées aux membres pel-
chienne [24] . Les animaux sont placés en décubitus laté- viens, des volumes plus faibles (1 ml pour 7 kg) peuvent
ral. Le site d’injection est situé à mi-chemin entre la être utilisés. Pour les procédures concernant la queue

EMC - Vétérinaire 7
AN 0400  Anesthésie locale et locorégionale

Tableau 3.
Exemples de molécules et d’associations utilisées pour l’anesthésie péridurale.
Molécule Dose (mg/kg) Délai d’action (min) Durée d’action (h)
Morphine 0,1 30–60 6–24
Fentanyl 0,005–0,01 15–20 3–5
Méthadone 0,3 30–40 8–12
Butorphanol 0,25 10–20 3–4
Buprénorphine 0,005 60 16–24
Xylazine 0,02–0,25 20–30 2–5
Médétomidine 0,005–0,01 20–30 2–6
Dexmédétomidine 0,001–0,002 20–30 4–6
Morphine + xylazine 0,1 + 0,02 30–60 5–10
20–30
Morphine + médétomidine 0,1 + 0,005 30–60 10–20
20–30
Morphine + bupivacaïne 0,5 % 0,1 + 1,0 10–15 16–24
Morphine + kétamine 0,05 + 0,5 30–60 8–12
5–10

ou la région périnéale, des volumes encore plus faibles


sont suffisants (1 ml pour 10 kg), en particulier quand ils
sont administrés dans les espaces sacrocaudaux et inter-
caudaux. De nombreuses molécules et associations ont
été décrites pour l’anesthésie péridurale (Tableau 3) : la
solution la plus fréquemment utilisée est un mélange de
1 mg/kg de bupicavaïne et 0,1 mg/kg de morphine.
1 1
Indications et contre-indications L6
Les indications de l’injection péridurale sont essentiel-
lement l’analgésie périopératoire du bassin, des membres L7
pelviens, de la queue, de la région périnéale et de
l’abdomen caudal. Le bloc de la région thoracique est une 2
indication plus rare, mais possible. Habituellement, une
injection unique est réalisée. En revanche, lorsqu’une
douleur prolongée est anticipée, il est possible de placer
un cathéter péridural et de renouveler autant de fois que
nécessaire l’injection.
Les contre-indications incluent [26] :
• les troubles de la coagulation. En effet, en cas de lésions
vasculaires ou sinusales, le risque hémorragique serait
alors important, et potentiellement responsable d’une
Figure 10. Position d’un chien et repères anatomiques en vue
compression spinale et de lésions nerveuses ;
d’une injection péridurale dans l’espace L7-S1 : le chien est en
• l’hypovolémie et l’hypotension non corrigées ;
décubitus sternal avec les membres pelviens tirés vers l’avant.
• les infections ou tumeurs en région lombosacrée.
L’aiguille est introduite perpendiculairement à la peau à mi-
chemin entre les apophyses épineuses des vertèbres L7 et S1.
Considérations générales 1. Épines iliaques dorsocrâniales ; 2. crête sacrée.
Une voie veineuse est systématiquement mise en place.
Généralement, les animaux sont anesthésiés, intubés et
oxygénés. Alternativement, les animaux peuvent être
sédatés et oxygénés. Dans tous les cas, une surveillance La région lombosacrée est tondue et préparée de
instrumentale est recommandée, incluant par exemple manière aseptique. Le port de gants stériles est indispen-
un ECG, une oxymétrie pulsée et une pression artérielle. sable pour palper les repères anatomiques et manipuler
L’animal peut être positionné en décubitus sternal avec l’aiguille.
les membres pelviens tirés vers l’avant ou en décubitus Le site de ponction entre L7 et S1, strictement dans
latéral. Bien que le décubitus sternal soit souvent privi- le plan médian, est déterminé par palpation : chez
légié (pour l’« ouverture » de l’espace lombosacré qu’elle le chien, ce site de ponction se situe à mi-distance
provoque), les deux approches devraient être maîtrisées : entre les apophyses épineuses de ces deux vertèbres
en effet, le manque de souplesse des vieux animaux, des (Fig. 10). Chez le chat (dont le sac dural s’étend plus
fractures du bassin et/ou du fémur, peuvent rendre diffi- caudalement que chez le chien), le site de ponction
cile un décubitus sternal. se situe au tiers caudal de la ligne joignant ces deux
repères.
L’aiguille est introduite perpendiculairement à la peau.
Réalisation pratique Une fois que la peau a été pénétrée, et avant que la
Nous décrivons ici les étapes de l’injection péridurale progression de l’aiguille (aiguille spinale ou aiguille de
dans l’espace lombosacré, avec un animal en décubitus Tuohy) ne soit poursuivie, le mandrin de l’aiguille est
sternal. retiré et le raccord de l’aiguille est rempli par quelques

8 EMC - Vétérinaire
Anesthésie locale et locorégionale  AN 0400

gouttes d’anesthésique local (technique de la « goutte


pendante » : cette technique ne peut pas être réalisée en
décubitus latéral).
La manipulation de l’aiguille se fait habituellement
“ Point important
à deux mains pour stabiliser sa progression et gagner Intérêts de la neurostimulation et de
en sécurité : par exemple, la main dominante assure la
l’échographie dans la réalisation d’une
progression de l’aiguille pendant que la main non domi-
nante est posée sur l’animal et stabilise, entre le pouce et anesthésie péridurale
l’index, le corps de l’aiguille. • Au cours de la réalisation d’une anesthésie
Une résistance à la progression de l’aiguille peut être péridurale, il est parfois difficile d’affirmer que
perçue lorsque l’aiguille pénètre le ligament interépineux l’aiguille est correctement positionnée : la percep-
(plus facilement perceptible avec une aiguille de Tuohy). tion dans les doigts n’est pas toujours précise et
Une vigilance toute particulière est apportée à la perte le test de la goutte pendante pas toujours fiable
de résistance imminente si la progression de l’aiguille se (faux négatifs).
poursuit. • Le recours à la neurostimulation a été décrit
Lorsque cette perte de résistance est perçue, elle chez le chat et le chien pour confirmer cette posi-
s’accompagne habituellement d’une aspiration de la
tion correcte. L’aiguille de Tuohy est remplacée
goutte d’anesthésique local préalablement déposée.
Pour éviter tout déplacement ultérieur de l’aiguille, par une aiguille de neurostimulation connectée
celle-ci est alors fermement maintenue entre le pouce et à un neurostimulateur. Une intensité de 0,2 à
l’index de la main non dominante. 0,3 mA et une durée de stimulation de 0,1 ms
Il est recommandé d’aspirer 1 à 2 ml d’air dans la sont choisies. Pendant la progression de l’aiguille,
seringue contenant l’anesthésique local. Cette bulle d’air aucun mouvement de la queue ou des membres
est déplacée dans la seringue, tout contre le piston, et postérieurs n’est observé. En revanche, dès que
la seringue est connectée à l’aiguille en place. Lorsque l’aiguille franchit le ligament jaune, les nerfs de la
la solution est injectée, la pression appliquée sur le pis- queue-de-cheval sont stimulés et des contractions
ton ne doit pas comprimer cette bulle d’air. Si c’est le
musculaires sont observées.
cas, cela signifie que le biseau de l’aiguille n’est proba-
• L’échographie rend aisée le repérage des
blement pas dans l’espace péridural et qu’elle doit être
repositionnée. Une fois la solution d’anesthésique local espaces intervertébraux et la profondeur à
injectée, l’injection est évidemment interrompue pour laquelle se trouve le canal vertébral : ces infor-
ne pas injecter d’air dans l’espace péridural. mations améliorent la réalisation des injections
L’injection est réalisée lentement, sur 1 à 2 minutes, péridurales ou la montée de cathéters péridu-
pour limiter la diffusion crâniale de la solution raux, en particulier chez les animaux obèses, chez
d’anesthésique local. lesquels la palpation des reliefs osseux n’est pas
Pendant et après l’injection, les effets indésirables, possible. En plus du repérage, la progression de
tels que de la douleur (tachycardie, tachypnée), l’aiguille peut être suivie en échographie jusqu’à
l’hypotension, l’arythmie, les contractions musculaires,
visualiser le passage du ligament jaune.
tremblements ou convulsions doivent être recherchés.
La neurostimulation et l’échographie apportent des
informations très intéressantes pour augmenter les
chances de succès de l’anesthésie péridurale [27–32] .
membre controlatéral et pas de bloc sympathique en
particulier). Différentes voies d’abord sont possibles en
Conséquences et précautions fonction de l’expérience de l’opérateur et de la zone à
anesthésier. Il est difficile de les résumer dans un article
L’anesthésie péridurale obtenue avec un mélange bupi-
et l’auteur a choisi de décrire celles qui ont sa préférence :
vacaïne/morphine provoque un bloc moteur et sensitif
leurs courbes d’apprentissage sont courtes et leurs indi-
qui s’installe en 10 à 15 minutes, et se prolonge 4 à
cations très nombreuses.
6 heures (bloc moteur) et 16 à 24 heures (bloc sensitif).
La reprise des fonctions motrices est progressive et il faut
parfois prévoir d’hospitaliser l’animal une nuit pour évi-
ter qu’il ne se blesse. Le bloc sympathique est prévisible, Bloc du nerf sciatique par échoguidage
et la chute de pression artérielle doit être surveillée et
anticipée. Il faut s’assurer, après une anesthésie péridu- et neurostimulation
rale, que l’animal est en mesure de vider seul sa vessie :
Réalisée à la cuisse, cette technique assure un bloc sen-
contrairement à l’homme, la rétention vésicale est une
sitif de la face latérale du genou, du tibia et tout le tarse,
complication rare chez les animaux domestiques.
des métatarses et des doigts (Fig. 11). Elle permet égale-
ment d’obtenir un bloc moteur des muscles, distalement
au genou (extenseurs et fléchisseurs du pied et des doigts).
 Anesthésie locorégionale Elle peut donc être utilisée seule pour la chirurgie des
doigts et du tarse. Elle est associée au bloc du nerf fémoral
périphérique du membre pour la chirurgie du tibia ou du genou [33, 34] .
pelvien
Généralités Position de l’animal
L’ALR des nerfs périphériques du membre pelvien est L’animal est placé en décubitus latéral, le membre à
moins invasive que l’anesthésie péridurale et est asso- anesthésier en position supérieure, naturellement étendu
ciée à moins d’effets indésirables (pas d’anesthésie du (Fig. 12).

EMC - Vétérinaire 9
AN 0400  Anesthésie locale et locorégionale

4
2

Latéral

Crânial
Figure 13. Image ultrasonique du nerf sciatique chez un
A B chien. 1. Muscle biceps fémoral ; 2. muscle semi-tendineux ;
3. muscle adducteur ; 4. nerf sciatique.

Repères anatomiques et échographiques


La sonde est placée sur la face latérale de la cuisse, à
mi-chemin entre le grand trochanter et le genou, et orien-
tée craniocaudalement pour obtenir des coupes petit
axe du nerf sciatique (Fig. 12). Les images ultrasoniques
obtenues (Fig. 13) permettent d’identifier latéralement
le muscle biceps fémoral, médialement le muscle adduc-
teur et caudalement le muscle semi-tendineux. Le nerf
sciatique se trouve entre ces trois muscles : ses deux
composantes sont nettement individualisées (nerf tibial
C caudalement et nerf péronier commun crânialement). Ce
sont des structures hypoéchogènes entourées d’un halo
Figure 11. Distribution de l’analgésie après un bloc du nerf hyperéchogène. Le nerf sciatique peut ainsi être suivi
sciatique. distalement jusqu’au genou où ses deux composantes
A. Latéral. se séparent. Proximalement, on peut les suivre jusqu’au
B. Caudal. niveau du grand trochanter et parfois jusqu’à la face
C. Médial. médiale de l’aile de l’ilium.

Procédure
La main non dominante manipule la sonde et le nerf
sciatique est repéré. Avec la main dominante, l’aiguille est
introduite, perpendiculairement à la peau, en direction
caudocraniale, au travers du muscle semi-membraneux,
et sa progression est suivie sur l’image échographique.
Lorsque l’aiguille arrive au contact du nerf, la neurosti-
mulation (si elle est utilisée) déclenche des contractions
musculaires des muscles fléchisseurs ou extenseurs du
pied et des doigts. Après un test d’aspiration, l’injection
est réalisée, en s’assurant de l’absence de résistance.
L’aiguille est éventuellement repositionnée au cours de
l’injection pour optimiser la diffusion de l’anesthésique
local autour du nerf. Une dose maximale de 1 à
2 mg/kg de bupivacaïne est préparée : le volume est
fonction de la concentration de la solution choisie. Ce
Figure 12. Position d’un chien pour la réalisation d’un bloc volume est réparti entre les nerfs fémoral et sciatique,
du nerf sciatique par échographie et neurostimulation : le chien si les deux sont à bloquer. Il n’est pas indispensable
est en décubitus latéral et la sonde d’échographie est placée sur d’injecter la totalité du volume préparé : une fois que
la face latérale de la cuisse. L’aiguille est introduite par la face la solution d’anesthésique local s’est correctement dis-
caudale de la cuisse en direction craniale. tribuée au contact du nerf, l’injection peut être stoppée
(Fig. 14).

10 EMC - Vétérinaire
Anesthésie locale et locorégionale  AN 0400

2 3

Latéral

Crânial
Figure 14. Bloc du nerf sciatique assisté par échographie :
la solution d’anesthésique local a été injectée au contact du A B
nerf. 1. Muscle biceps fémoral ; 2. aiguille ; 3. nerf sciatique ;
4. solution d’anesthésique local ; 5. muscle adducteur.

Bloc du nerf fémoral par échoguidage


et neurolocalisation dans le muscle
iliopsoas
Ce bloc inclut la branche motrice du nerf fémoral
pour le muscle quadriceps fémoral et sa branche sensi-
tive, le nerf saphène : l’analgésie obtenue inclut donc la
face médiale du membre pelvien, incluant les structures
intra- et extra-articulaires médiales (Fig. 15). Par analo-
gie avec ce qui est décrit chez l’homme, il est probable
que ce bloc inclut également des branches sensitives pour
l’articulation de la hanche [35] . En raison de la proximité C
anatomique du nerf fémoral et du nerf obturateur, il a Figure 15. Distribution de l’analgésie après un bloc du nerf
été montré que les deux nerfs pouvaient être bloqués par fémoral.
la même injection [36] : peu d’études en médecine vétéri- A. Latéral.
naire ont étudié l’analgésie induite par un bloc du nerf B. Caudal.
obturateur, mais par analogie encore une fois avec ce qui C. Médial.
est décrit chez l’homme, il est probable qu’il inclut des
branches sensitives pour l’articulation de la hanche [37] .

Position de l’animal
L’animal est placé en décubitus dorsal, le membre à
anesthésier étendu vers l’arrière (Fig. 16) [38, 39] .

Repères anatomiques et échographiques


Le muscle iliopsoas est palpé, sous la région lombaire,
latéralement à la chaîne mammaire. La sonde est placée
entre la tétine inguinale et la première tétine abdomi-
nale, afin d’obtenir une coupe transversale du muscle
(Fig. 16). Médialement à ce muscle, l’artère et la veine
iliaques externes sont identifiées. À l’intérieur du muscle
iliopsoas, on repère le nerf fémoral sous la forme d’une
structure hypoéchogène entourée d’un halo hyperécho-
gène (Fig. 17). Le nerf fémoral se déplace dans le corps
du muscle iliopsoas de l’avant vers l’arrière d’une posi-
tion dorsale à une position ventrale. Il sort du muscle
iliopsoas et chemine un court instant avant de rejoindre
la face craniomédiale de l’artère fémorale.
Figure 16. Position d’un chien pour la réalisation d’un bloc du
Procédure nerf fémoral dans le muscle iliopsoas, par échographie et neuro-
stimulation : la sonde d’échographie est placée transversalement
La main non dominante manipule la sonde afin et latéralement à la chaîne mammaire. L’aiguille est introduite
d’identifier le nerf fémoral. Avec la main dominante, perpendiculairement à la peau, en direction latéromédiale.
l’aiguille est introduite perpendiculairement à la peau,

EMC - Vétérinaire 11
AN 0400  Anesthésie locale et locorégionale

Ventral

Latéral
Figure 17. Image ultrasonique du nerf fémoral dans le muscle
iliopsoas chez un chien. 1. Artère iliaque externe ; 2. veine iliaque
externe ; 3. muscle iliopsoas ; 4. nerf fémoral.

dans une direction latéromédiale, et sa progression est


Figure 18. Position d’un chien pour la réalisation d’un bloc
suivie sur l’image échographique. Lorsque l’aiguille arrive
des nerfs du plexus brachial par échographie et neurostimula-
au contact du nerf, la neurostimulation (si elle est uti-
tion. Le chien est en décubitus dorsal, la sonde d’échographie est
lisée) déclenche des contractions du muscle quadriceps
placée dans une position parasagittale, transversalement sur les
fémoral (extension du genou). L’injection est réalisée
muscles pectoraux. L’aiguille est introduite perpendiculairement
après un test d’aspiration, en s’assurant de l’absence de
à la peau en direction craniocaudale.
résistance. L’aiguille est éventuellement repositionnée
au cours de l’injection pour optimiser la diffusion de
l’anesthésique local autour du nerf.

 Anesthésie locorégionale 3
du membre thoracique
Généralités 1
4

Le bloc des nerfs du plexus brachial peut être réalisé 2


sans aide technique : en revanche, le succès de cette tech-
nique est imprévisible, et le risque de ponctionner des
vaisseaux sanguins ou de pénétrer dans l’espace pleural
est important. La neurostimulation et l’échographie amé-
liorent considérablement la sécurité et la réussite de ce
bloc [39, 40] . Ventral

Bloc des nerfs du plexus brachial Crânial


en région axillaire par échoguidage Figure 19. Image ultrasonique des nerfs du plexus brachial
(flèches) chez un chien. 1. Veine axillaire ; 2. artère axillaire ;
et neurolocalisation 3. muscle pectoral superficiel ; 4. muscle pectoral profond.
Le bloc sensitif obtenu s’étend de l’extrémité distale
du bras jusqu’aux doigts. Proximalement, la distribution
muscles, dans l’espace axillaire, on identifie la première
sensitive provient des rameaux cervicaux et thoraciques
côte, puis l’artère et la veine axillaires. Les nerfs du
dorsaux : ils ne sont pas inclus lors d’un bloc des nerfs du
plexus brachial sont identifiés comme des petites struc-
plexus brachial.
tures rondes hypoéchogènes, émergeant au bord crânial
de la première côte, en contact étroit avec l’artère et la
Position de l’animal veine axillaires (Fig. 19).
L’animal est placé en décubitus dorsal : le membre est
manipulé en abduction pour exposer l’espace axillaire Procédure
(Fig. 18).
La main non dominante manipule la sonde et les nerfs
du plexus brachial sont repérés. Avec la main domi-
Repères anatomiques et échographiques nante, l’aiguille est introduite perpendiculairement à la
La sonde est placée verticalement, dans une position peau, en direction craniocaudale, latéralement à la veine
parasagittale, transversalement sur les muscles pectoraux jugulaire, immédiatement dorsalement aux muscles pec-
(Fig. 18). Sur l’image échographique, dorsalement à ces toraux (Fig. 18) : sa progression est suivie sur l’image

12 EMC - Vétérinaire
Anesthésie locale et locorégionale  AN 0400

échographique. Lorsque l’aiguille arrive au contact des [9] Versal N, Cribb PH, Frketic M. Postoperative analgesic and
nerfs, la neurostimulation (si elle est utilisée) déclenche cardiopulmonary effects in dogs of oxymorphone admi-
des contractions musculaires dont les caractéristiques nistered epidurally and intramuscularly, and medetomidine
dépendent du nerf en question. L’injection est réalisée administrered epidurally: a comparative clinical study. Vet
après un test d’aspiration, en s’assurant de l’absence Surg 1996;25:361–9.
de résistance. L’aiguille est repositionnée au cours de [10] Gurney MA, Rysnik M, Comerford EJ, Cripps PJ, Iff I.
l’injection pour optimiser la diffusion de l’anesthésique Intra-articular morphine, bupivacaine or no treatment for
local à tous les nerfs. Une dose maximale de 1 à 2 mg/kg postoperative analgesia following unilateral elbow joint
de bupivacaïne est préparée : le volume est fonction de arthroscopy. J Small Anim Pract 2012;53:387–92.
[11] Rachinger-Adam B, Conzen P, Azad SC. Pharmacology
la concentration de la solution choisie. Il n’est pas indis-
of peripheral opioid receptors. Curr Opin Anaesthesiol
pensable d’injecter la totalité du volume préparé : une fois 2011;24:408–13.
que la solution d’anesthésique a correctement diffusé au [12] Auroy Y, Narchi P, Messiah A, Litt L, Rouvier B, Samii
contact de tous les nerfs, l’injection peut être stoppée. K. Serious complications related to regional anesthesia:
results of a prospective survey in France. Anesthesiology
1997;87:479–86.

“ Points essentiels [13] Wolfe JW, Butterworth JF. Local anesthetic systemic toxi-
city: update on mechanisms and treatment. Curr Opin
Anaesthesiol 2011;24:561–6.
[14] Sites BD, Taenzer AH, Herrick MD, Gilloon C, Antonaka-
• L’anesthésie locorégionale est une des com- kis J, Richins J, et al. Incidence of local anesthetic systemic
posantes majeures de la prise en charge de la toxicity and postoperative neurologic symptoms associa-
douleur périopératoire. ted with 12,668 ultrasound-guided nerve blocks: an analysis
• La lidocaïne, la ropivacaïne et la bupivacaïne from a prospective clinical registry. Reg Anesth Pain Med
sont les anesthésiques locaux le plus couramment 2012;37:478–82.
[15] Read MR. Equipment for loco-regional anesthesia and anal-
utilisés.
gesia. In: Campoy L, Read MR, editors. Small animal
• L’incidence de complications sévères est très regional anaesthesia and analgesia. Ames: Blackwell Publi-
faible en anesthésie locorégionale. shing; 2013. p. 43–64.
• La neurostimulation et l’échographie amé- [16] Read MR. Incisional infiltration of local anesthetics and use
liorent le succès, et diminuent les risques des blocs of wound catheters. In: Campoy L, Read MR, editors. Small
centraux et périphériques. animal regional anaesthesia and analgesia. Ames: Black-
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rurgie des membres sont associés à moins d’effets intra-articular morphine and bupivacaine for pain control
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[18] Soto N, Fauber AE, Ko JC, Moore GE, Lambrechts NE.
Analgesic effect of intra-articularly administered morphine,
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Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens nation immediately following stifle joint surgery in dogs. J
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EMC - Vétérinaire 13
AN 0400  Anesthésie locale et locorégionale

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S. Mahler (stephan [email protected]).


Clinique vétérinaire Pans’Bêtes, Centre commercial des Clouères, place des Clouères, 35690 Acigné, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Mahler S. Anesthésie locale et locorégionale. EMC - Vétérinaire 2015;12(1):1-14
[Article AN 0400].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

14 EMC - Vétérinaire
 AN 0410

Anesthésie du patient gestant


C. Bille

Depuis quelques années, plusieurs principes actifs (analgésiques, tranquillisants, anes-


thésiques injectables et volatils) ont été commercialisés. La plupart des différentes classes
pharmaceutiques peuvent être combinées dans l’objectif de potentialiser leurs effets béné-
fiques tout en diminuant leurs effets indésirables. Virtuellement, le vétérinaire peut choisir
entre une centaine de protocoles anesthésiques. Cet article se propose de faire le point sur
les recommandations de prise en charge périanesthésique qui peuvent être données au
vétérinaire praticien lorsqu’il doit anesthésier une chienne ou une chatte gestante. Il est
important de garder à l’esprit que la gestation a des conséquences importantes sur la phy-
siologie de la femelle. Les fonctions respiratoire, cardiovasculaire et rénale subissent des
modifications majeures. Certains patients atteints de maladies cliniquement silencieuses
peuvent décompenser lors de la période périanesthésique. L’anesthésie générale est à
l’origine de dépressions cardiovasculaire et respiratoire sur un patient dont les grandes
fonctions sont déjà modifiées. Il s’agit d’une anesthésie à risque qu’il convient de sur-
veiller. La quasi-totalité des principes actifs dont le vétérinaire dispose pour anesthésier sa
patiente traversent la barrière placentaire. Leurs effets sur les fœtus sont comparables à
ceux qu’ils exercent sur la mère. La gestion médicale périanesthésique de la patiente ges-
tante est dominée par la recherche et la correction des anomalies hydroélectrolytiques et
biologiques. L’oxygénation préanesthésique de l’animal est recommandée. Plusieurs pro-
tocoles d’anesthésie balancée sont disponibles. Ils sont caractérisés par la durée d’action
courte des molécules qui les composent.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Chien ; Chat ; Gestation ; Césarienne ; Anesthésie

Plan ■ Quelles sont les situations cliniques dans lesquelles


le praticien est amené à anesthésier une patiente
■ Introduction 1 gestante ? 4
Césarienne 4
■ Impact de la gestation sur la physiologie de la
Interventions non obstétriques 5
femelle gestante 2
■ Conclusion 6
Système cardiovasculaire 2
Fonction respiratoire 2
Autres fonctions 2
■ Quels sont les principes actifs dont le praticien  Introduction
dispose pour anesthésier une patiente gestante ? 2
La gestation modifie la pharmacocinétique et la La femelle carnivore domestique gestante est une
pharmacodynamie des principes actifs 2 patiente fréquemment présentée en consultation au vété-
Opioïdes 3 rinaire praticien. Certaines situations cliniques imposent
␣2 agonistes 3 que celle-ci soit anesthésiée. La gestation est à l’origine
Tranquillisants 3 de nombreuses modifications physiologiques. Certaines
Anesthésiques locaux 3 vont avoir un impact sur la prise en charge périanesthé-
Anesthésiques injectables 3 sique de la patiente.
Anesthésiques volatils 4 Depuis quelques années, plusieurs principes actifs
Anticholinergiques 4 (analgésiques, tranquillisants, anesthésiques injectables
Curares 4 et volatils) ont été commercialisés. Leurs autorisations
Études de terrain 4 de mise sur le marché incluent leur utilisation dans

EMC - Vétérinaire 1
Volume 11 > n◦ 3 > août 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S1283-0828(14)66165-2
AN 0410  Anesthésie du patient gestant

un protocole d’anesthésie balancée chez les carnivores une diminution de la capacité résiduelle fonctionnelle. Il
domestiques. Lorsqu’il doit anesthésier un patient, le s’agit du volume d’air encore présent dans les poumons à
vétérinaire dispose désormais d’une quinzaine de prin- la fin de l’expiration. Du fait de cette diminution, chez la
cipes actifs pour établir son protocole anesthésique. La femelle gestante, une hypoxémie (diminution de la pres-
plupart des différentes classes pharmaceutiques peuvent sion partielle en oxygène) intervient plus rapidement que
être combinées dans l’objectif de potentialiser leurs effets sur un patient sain en cas d’apnée. Ce phénomène doit
bénéfiques tout en diminuant leurs effets indésirables. être gardé à l’esprit car plusieurs agents anesthésiques
Virtuellement, le vétérinaire peut choisir entre une cen- sont à l’origine de bradypnées ou d’apnées.
taine de protocoles anesthésiques.
La problématique du vétérinaire lorsqu’il doit anesthé-
sier une patiente gestante pourrait être énoncée de la Autres fonctions
manière suivante : quelles sont les recommandations de La perfusion rénale ainsi que le débit de filtra-
prise en charge périanesthésique qui peuvent être don- tion glomérulaire augmentent proportionnellement à
nées au vétérinaire praticien lorsqu’il doit anesthésier l’hypervolémie et au débit cardiaque. Cela a souvent pour
une chienne ou une chatte gestante ? conséquence de diminuer les valeurs de l’urémie et de la
Dans un premier temps, sont exposées les conséquen- créatininémie.
ces de la gestation sur la physiologie de la femelle. Puis La gestation a généralement peu de conséquences sur
sont listés les différents principes actifs dont le vétérinaire la fonction hépatique. La protéinémie peut être dimi-
dispose pour anesthésier sa patiente, et leurs effets sur la nuée. Néanmoins, compte tenu de l’hypervolémie dont
physiologie de la mère et de ses fœtus. Enfin, sont définies la patiente est le siège, le nombre absolu de protéines plas-
les situations dans lesquelles le praticien peut être amené matiques est en réalité plus élevé que dans la population
à anesthésier une femelle gestante et sont dégagées des générale.
recommandations de prise en charge périanesthésique. La perfusion de l’utérus est proportionnelle à la
pression hydrostatique dans les vaisseaux sanguins et
inversement proportionnelle à la résistance vasculaire
 Impact de la gestation systémique. Ainsi, la libération de catécholamines, lors
sur la physiologie d’épisodes de peur ou d’anxiété, diminue la perfusion de
l’utérus.
de la femelle gestante
La plus grande partie des données physiologiques  Quels sont les principes
disponibles proviennent d’études réalisées sur les
ruminants. Il est couramment accepté que les carni- actifs dont le praticien dispose
vores domestiques subissent des modifications compa-
rables [1–9] .
pour anesthésier une patiente
Lors de la première moitié de la gestation, les chan- gestante ?
gements sont en partie la conséquence de la demande
métabolique des fœtus, des placentas et de l’utérus. Lors La gestation modifie la
de la seconde moitié de la gestation, l’utérus exerce des
contraintes mécaniques sur les organes abdominaux.
pharmacocinétique et la
pharmacodynamie des principes actifs
Système cardiovasculaire Les effets de la gestation de l’animal de compagnie
sur la pharmacocinétique ou la pharmacodynamie des
La volémie de la mère augmente d’environ 40 % pen- médicaments sont méconnus. Ceci ne se limite pas aux
dant la gestation. Les débits sanguins de l’utérus, des substances utilisées dans l’environnement périanesthé-
glandes mammaires, des reins, des muscles striés et sique. La grande majorité des principes actifs utilisés dans
des tissus cutanés sont augmentés. La production de la médecine vétérinaire sont concernés [1–6, 8, 9] .
globules rouges n’augmente pas proportionnellement Il est considéré que la plupart des principes actifs qui
au volume plasmatique. Il en découle une hémodi- sont administrés à la mère vont traverser la barrière pla-
lution. L’hémoglobinémie et l’hématocrite sont donc centaire et, potentiellement, provoquer des effets sur les
plus bas que ceux de la population générale. Le débit fœtus similaires à ceux observés sur la mère. La diffu-
cardiaque augmente de 30 à 50 %. La résistance vascu- sion d’une molécule au travers de la barrière placentaire
laire systémique diminue. Le retour veineux diminue dépend de son poids moléculaire, de la force de sa liaison
du fait de la pression de l’utérus sur la veine cave aux protéines plasmatiques maternelles, de sa liposolu-
caudale. bilité et de son degré de solubilisation plasmatique. La
L’ensemble de ces modifications peuvent être à plupart des substances anesthésiques sont de faible poids
l’origine d’une insuffisance cardiaque sur des patients qui moléculaire, liposolubles et faiblement ionisées. Elles tra-
souffrent d’une maladie cardiaque compensée. versent la barrière placentaire.
Dans l’environnement périanesthésique, il peut être
Fonction respiratoire dégagé un axe de raisonnement. Les molécules d’action
courte, comme la morphine, la méthadone, le thiopen-
La sensibilité des centres respiratoires au gaz carbo- tal, le propofol, l’alfaxalone, l’isoflurane ou le sévoflurane
nique est diminuée. Cela entraîne une diminution de ont une concentration plasmatique qui décline rapi-
la pression partielle en gaz carbonique et de la concen- dement. La barrière placentaire y est exposée moins
tration plasmatique en bicarbonates. La compensation longtemps.
rénale permet de maintenir le pH sanguin entre 7,35 Lorsqu’une molécule passe la barrière placentaire, elle
et 7,45. La consommation en oxygène est augmentée intègre la circulation fœtale dans la veine ombilicale. Une
du fait des demandes fœtale, placentaire et utérine. Le partie du sang de la veine ombilicale est ensuite dirigé
déplacement cranial du diaphragme a pour conséquence vers le foie du fœtus. S’il est fonctionnel, il est possible

2 EMC - Vétérinaire
Anesthésie du patient gestant  AN 0410

que certaines substances soient métabolisées. L’autre par- l’origine d’une dépression cardiovasculaire des fœtus.
tie du sang veineux ombilical est dirigé vers la veine cave Dans la pratique, il semble que l’injection péridurale d’un
caudale. Le principe actif est alors dilué dans le volume anesthésique local provoque rarement une dépression
sanguin du fœtus. Ainsi, il ne peut pas être considéré que cardiovasculaire chez les nouveau-nés [3, 9] .
les effets d’un principe actif sur le métabolisme mater- Les effets secondaires indésirables des anesthésiques
nel sont les mêmes que ceux produits sur le métabolisme locaux sur la mère sont la bradycardie, l’hypotension et
fœtal. Il existe donc probablement une différence, dans une dépression respiratoire [17] . Chez l’humain, 60 % des
la nature et dans l’intensité, des effets d’une substance femmes subissant une césarienne programmée et ayant
sur les métabolismes maternel et fœtal. Ces différences reçu une anesthésie péridurale ont présenté une hypo-
dépendent de la maturité des tissus fœtaux et évoluent tension ayant nécessité l’administration d’une amine
au cours de la gestation. Les données scientifiques qui vasoactive [18] .
permettraient d’appréhender cette notion chez le chien De plus, lorsqu’ils sont administrés par voie péridurale,
et le chat sont, à ce jour, inexistantes. ils peuvent entraîner une paralysie des membres posté-
rieurs pendant plusieurs dizaines de minutes. Cela peut
entraîner une augmentation du risque d’écrasement des
Opioïdes nouveau-nés.
L’efficacité analgésique de l’infiltration des muscles
Les opioïdes (morphine, fentanyl, méthadone, bupré-
abdominaux transverses par des anesthésiques locaux est
norphine, butorphanol) traversent rapidement la bar-
en cours d’investigation [9] .
rière placentaire. Ils peuvent être à l’origine d’une
dépression respiratoire ainsi que d’une dépression du
système nerveux central chez les nouveau-nés [3, 9] . Il Anesthésiques injectables
est recommandé d’utiliser des opioïdes d’action courte
comme la morphine, le fentanyl ou la méthadone. La Thiopental
buprénorphine, dont la durée d’action est comprise entre
C’est un barbiturique à durée d’action courte du fait
quatre et huit heures, n’est pas recommandée [10] . Le
de sa redistribution et de son métabolisme hépatique. Il
butorphanol présente un effet analgésique trop faible
passe rapidement la barrière placentaire. Il est aussi rapi-
pour être utilisé dans un protocole d’analgésie [11] . Lors de
dement éliminé de la circulation fœtale/néonatale. Chez
césarienne, certains cliniciens utilisent les opioïdes dans
les nouveau-nés, il peut être à l’origine d’une dépres-
leur protocole de prémédication. D’autres administrent
sion respiratoire, d’une diminution de l’activité, d’une
l’opioïde une fois la césarienne effectuée. En cas de
somnolence, ainsi que d’une baisse du réflexe de succion
dépression des nouveau-nés, de la naloxone (0,04 mg/kg
pendant quatre jours. Chez la mère, il peut être à l’origine
par voie intraveineuse) peut leur être administrée afin
de réveils agités [1–6, 8, 9] .
d’antagoniser les effets dépresseurs des opioïdes.

Propofol
␣2 agonistes Ses effets sont théoriquement proches de ceux du thio-
Les ␣2 agonistes (xylazine, médétomidine, dexmé- pental. Il passe rapidement la barrière placentaire. Il est
détomidine, romifidine) passent rapidement la barrière rapidement éliminé de la circulation fœtale/néonatale.
placentaire. Ces principes actifs peuvent être à l’origine Chez la mère, le réveil est moins agité [1–6, 8, 9] .
d’une dépression cardiovasculaire et respiratoire chez
la mère et les nouveau-nés. Ils provoquent une Alfaxalone
baisse du débit sanguin de l’utérus [12–14] . L’atipamézole
C’est un anesthésique neurostéroïdien. Il n’existe pas
est un ␣2 antagoniste utilisé comme antidote après
de données sur sa diffusion placentaire. Par défaut, il est
l’administration d’un ␣2 agoniste. Il peut théoriquement
considéré qu’il traverse facilement la barrière placentaire.
être injecté dans les vaisseaux ombilicaux des nouveau-
Le réveil d’une anesthésie induite avec de l’alfaxalone est
nés après une césarienne. Plusieurs auteurs ont identifié
comparable à celui d’une anesthésie induite au propo-
l’utilisation de la xylazine, en association avec la kéta-
fol [19, 20] . Certains auteurs ont décrit un réveil légèrement
mine, comme un facteur de risque de dépression et de
plus agité lors de l’utilisation de l’alfaxalone [21] .
mort des nouveau-nés [15, 16] . L’utilisation de cette classe
thérapeutique est, à ce jour, déconseillée dans la gestion
périanesthésique d’une patiente gestante. Kétamine
La kétamine est un anesthésique dissociatif. La dose
à administrer pour obtenir une induction anesthésique
Tranquillisants est élevée chez le chien (3 à 5 mg/kg) et chez le chat (2
Les benzodiazépines (diazépam, midazolam) ou à 4 mg/kg) comparée à celle de l’humain (< 1 mg/kg). Du
l’acépromazine peuvent provoquer une dépression fait de cette dose élevée, elle est à l’origine d’une dépres-
importante des nouveau-nés caractérisée par une léthar- sion fœtale importante chez l’animal de compagnie. Son
gie, une absence de vocalises, une hypotonie, une utilisation doit être combinée à celle d’un tranquillisant
apnée et une hypothermie. Leur administration apporte (benzodiazépine, acépromazine) pour obtenir une myo-
peu de bénéfice. Il n’est pas recommandé d’y avoir relaxation satisfaisante. Enfin, le réveil d’une anesthésie
recours [3, 9, 14] . induite avec de la kétamine à une dose anesthésique peut
être très agité.

Anesthésiques locaux Tilétamine–zolazépam


Les anesthésiques locaux comme la lidocaïne ou la Il n’existe pas d’information sur l’utilisation du
bupivacaïne sont absorbés depuis leur lieu d’injection mélange tilétamine–zolazépam chez la femelle gestante.
(site incisionnel, péridurale). Ils franchissent alors la Par défaut, il est assimilé à un mélange de kétamine et
barrière placentaire et, théoriquement, peuvent être à d’une benzodiazépine [3] .

EMC - Vétérinaire 3
AN 0410  Anesthésie du patient gestant

Étomidate De plus, leur utilisation nécessite des compétences et


un matériel spécifique qui permettent d’établir, sans que
L’étomidate est un dérivé de l’imidazole. Il semble le doute ne soit permis, que la narcose du patient est
agir selon des modalités semblables à celles des barbi- satisfaisante. En effet, si un animal sous l’effet de curare
turiques et du propofol. Cependant, il n’appartient pas se réveille au cours d’une chirurgie, l’équipe chirurgicale
à leur classe pharmaceutique. Chez l’humain, il a été peut ne pas s’en rendre compte car l’animal est paralysé.
montré que l’étomidate traverse en partie la barrière pla-
centaire [22, 23] . Chez l’humain, la respiration spontanée
du nouveau-né apparaît plus rapidement si la mère a Études de terrain
été anesthésiée avec de l’étomidate, comparé à du thio-
pental. Une plus grande vitalité des nouveau-nés a aussi Plusieurs équipes ont comparé l’utilisation de diffé-
été observée [24] . L’utilisation de l’étomidate sans prémé- rents anesthésiques lors de césariennes chez les chiennes.
dication (benzodiazépine ou acépromazine) est souvent L’utilisation de xylazine, de thiopental, de kétamine ou
associée à des myoclonies et des mouvements involon- de l’association midazolam–kétamine étaient associées à
taires du patient [3] . une augmentation de la dépression et/ou de la morta-
lité des nouveau-nés [15, 16, 28] . Une équipe a comparé la
vitalité des chiots nés de mères anesthésiées avec du pro-
Anesthésiques volatils pofol associé à de l’isoflurane ou avec de l’alfaxalone
associée à de l’isoflurane [29] . La puissance statistique de
Les anesthésiques volatils traversent la barrière pla- l’étude est limitée car elle n’inclue que 22 chiennes pour
centaire. Le degré de dépression chez les fœtus et 21 nouveau-nés. Néanmoins, la vitalité des nouveau-
les nouveau-nés est proportionnel à la profondeur de nés était plus importante dans le groupe dont les mères
l’anesthésie de la mère. Plus l’anesthésie de la mère avaient reçu de l’alfaxalone. La mortalité des nouveau-
est profonde, plus la dépression fœtale est impor- nés était la même à trois mois.
tante [1–6, 8, 9] . Chez le chat, aucune étude satisfaisante n’est dis-
La description des modalités d’utilisation des anes- ponible. Une communication semble indiquer que
thésiques volatils fait souvent appel à la notion de l’utilisation du propofol associé à l’isoflurane est cor-
concentration minimale alvéolaire (minimal alveolar rélée à une diminution de la vitalité des chatons et
concentration [MAC]). Il s’agit, dans la population cible, de à une augmentation du nombre de mort-nés [30] . Ces
la concentration en vapeur anesthésique dans les alvéoles résultats sont cependant difficilement interprétables car
pulmonaires nécessaire pour que 50 % des sujets n’aient aucune comparaison statistique n’a été effectuée entre les
pas de réaction motrice lors de l’incision chirurgicale. groupes.
Plusieurs équipes ont étudié les effets des anesthésiques À ce jour, les protocoles d’anesthésie générale recom-
volatils chez la brebis. Il a été démontré que, chez la mandés peuvent être basés sur une anesthésie gazeuse
femelle gestante, comparée à la femelle non gestante, (isoflurane ou sévoflurane) ou sur l’association d’un
la concentration d’anesthésique volatil nécessaire pour anesthésique injectable (propofol ou alfaxalone) asso-
obtenir une anesthésie satisfaisante était diminuée de cié à un relais gazeux (isoflurane ou sévoflurane). Ils
21 % à 40 % [25, 26] . semblent induire moins de dépression des nouveau-nés
Une concentration de 1 MAC en isoflurane n’a pas eu que les autres. Une prémédication avec un opioïde peut
d’effet sur la perfusion de l’utérus ou sur le métabolisme être effectuée. L’utilisation de lidocaïne et/ou de bupi-
des fœtus. Une concentration de 2 MAC a été à l’origine vacaïne pour infiltrer le site incisionnel ou administré
d’une diminution de la perfusion utérine et d’une acidose par voie péridurale peut compléter le protocole anesthé-
métabolique chez les fœtus après 15 minutes [27] . sique [1, 3, 5, 8, 9, 15, 16, 28, 29, 31] .
L’utilisation d’isoflurane et de sévoflurane à 2 MAC a
induit une diminution de la pression artérielle moyenne
maternelle et fœtale, ainsi qu’une diminution de la fré-  Quelles sont les situations
quence cardiaque fœtale [25, 26] .
Il est recommandé de préférer l’utilisation cliniques dans lesquelles
de l’isoflurane ou du sévoflurane à celle de
l’halothane [15, 26, 27] et d’administrer l’anesthésique
le praticien est amené
volatil dans un mélange gazeux contenant au minimum à anesthésier une patiente
50 % d’oxygène. Cela permet d’optimiser l’oxygénation
des fœtus en cas de bradypnée ou d’apnée maternelle [9] .
gestante ?
L’animal gestant est le siège de modifications méta-
Anticholinergiques boliques qui ont des conséquences sur les fonctions
cardiovasculaire et respiratoire (cf. supra). Certains
Lors d’une césarienne, la manipulation des organes patients atteints de maladies cliniquement silencieuses
abdominaux par le chirurgien peut provoquer une sti- peuvent décompenser lors de la période périanesthé-
mulation du système parasympathique et être à l’origine sique. L’anesthésie générale est à l’origine de dépressions
d’une bradycardie chez la mère. Si une bradycardie mater- cardiovasculaire et respiratoire sur un patient dont les
nelle est identifiée, il peut être recommandé d’avoir grandes fonctions sont déjà modifiées. Il s’agit d’une
recours au glycopyrrolate. Ce dernier ne traverse pas la anesthésie à risque qu’il convient de surveiller.
barrière placentaire. L’utilisation d’atropine, qui traverse
la barrière placentaire, n’est pas recommandée [3, 9] .
Césarienne
Curares La césarienne est un acte couramment pratiqué en
médecine vétérinaire. Elle est indiquée en cas de dystocie
Les curares (vécuronium, rocuronium, atracurium) et de césarienne programmée.
sont des paralysants musculaires. Leur utilisation lors de Considérant la population représentée par les chiennes
chirurgie obstétrique ne semble pas justifiée [9] . de moins de 10 ans, l’incidence de la dystocie est estimée

4 EMC - Vétérinaire
Anesthésie du patient gestant  AN 0410

à 2 %. Parmi la population de chiennes présentant l’animal gestant, il paraît légitime de considérer que ce
une dystocie, 63,8 % nécessitent une césarienne [32] . Les risque est majoré [3, 9] . Il est recommandé de pratiquer une
facteurs de risques de dystocie chez la chienne sont intubation endotrachéale dès que possible afin de dimi-
l’âge supérieur à 7 ans et l’appartenance à une race nuer le risque de fausse déglutition [1, 3, 5, 9, 31] . Le maintien
prédisposée [32] . Les races prédisposées ont été décrites de l’anesthésie peut alors se faire par l’administration
ailleurs [32–34] . Le taux de mortalité des chiennes ayant d’isoflurane ou de sévoflurane mélangé à de l’oxygène
subi une césarienne est de 1,2 % [15] . Le taux de sur- pur.
vie des chiens nouveau-nés est compris entre 80 % et Une valence analgésique supplémentaire peut être
94,7 % [15, 16, 29, 35] . apportée par l’infiltration du site incisionnel avec une
Considérant la population représentée par les chattes, combinaison d’anesthésique locaux (lidocaïne, 2 mg/kg,
l’incidence de la dystocie est comprise entre 3,3 % et associée à la bupivacaïne, 2 mg/kg) [3, 9] .
5,8 %. Parmi la population de chattes présentant une Au cours de l’anesthésie, il est recommandé de porter
dystocie, 79,4 % nécessitent une césarienne. Le persan une attention particulière à la surveillance des fonc-
semble être une race prédisposée à cette affection alors tions cardiovasculaire et respiratoire du patient. Les
que le chat des forêts norvégiennes semble protégé [36] . recommandations ne sont pas spécifiques à l’animal
Chez la chienne, le fait d’effectuer une césarienne en gestant. La fréquence cardiaque doit être adaptée au
urgence est associé à une augmentation significative de gabarit et à l’espèce du patient (80–150 battements par
la mortalité des nouveau-nés [15] . minute). Le rythme cardiaque doit être sinusal et régu-
Il est possible d’avoir recours chez la chienne à une lier. La pression artérielle moyenne doit être au-dessus
césarienne programmée. La date de l’ovulation est déter- de 60 mmHg. L’identification d’une hypotension doit
minée par le dosage quantitatif de la progestéronémie. amener le praticien à ajuster le débit des fluides admi-
Une injection de 15 mg/kg d’aglepristone est effectuée nistrés. L’administration de bolus itératifs de 10 ml/kg de
par voie sous-cutanée 59 à 60 jours après la date de soluté isotonique (chlorure de sodium à 0,9 % ou Ringer
l’ovulation. La césarienne est effectuée dans les 20 à lactate) peut être envisagée. Il peut aussi être recom-
24 heures qui suivent l’injection. Le taux de survie des mandé de diminuer la fraction inspirée de gaz halogéné.
nouveau-nés, deux semaines après l’opération, est de Si l’hypotension persiste, il est possible d’utiliser des
97,4 % [37] . amines vasoactives (dopamine : 1–4 ␮g/kg par minute ;
Quelles que soient les conditions dans lesquelles une dobutamine : 2–20 ␮g/kg par minute ; noradrénaline :
césarienne est effectuée, il est recommandé de médi- 0,05–1 ␮g/kg par minute).
caliser l’animal gestant. Une équipe a montré que la La ventilation de l’animal doit être assurée par huit
stabilisation médicale des animaux de compagnie avant à 12 mouvements respiratoires par minute. Leur ampli-
l’induction de l’anesthésie permettait de diminuer la tude doit être de 10 à 20 ml/kg. Si une hypoventilation est
mortalité périanesthésique [38] . Le recours à une césa- présente, ces mouvements doivent être effectués manuel-
rienne impose donc une gestion médicale préopératoire. lement ou à l’aide d’un ventilateur anesthésique.
Un bilan biologique doit avoir permis d’évaluer le sta- La prise en charge de la douleur postopératoire de la
tut hydroélectrolytique, l’hématocrite, la protéinémie, femelle constitue un véritable défi. Aucune étude ne per-
l’albuminémie, la glycémie ainsi que la calcémie avant met de guider le praticien dans son choix. En l’état actuel
de débuter la chirurgie. Une correction des anoma- des connaissances, il paraît justifié de considérer que les
lies identifiées doit avoir été entreprise avant d’opérer molécules administrées à la mère peuvent être excrétées
l’animal [1–6, 8, 9] . Il est important de garder à l’esprit dans le lait maternel sous leur forme active ou sous forme
qu’environ 35 % des chiennes et 20 % des chattes de métabolites. Les effets de ces molécules sur le métabo-
présentant une dystocie peuvent être gérées médicale- lisme des nouveau-nés sont méconnus chez les animaux
ment [32, 36] . de compagnie [1, 3] . Il peut être recommandé d’adapter le
Lorsque la prise en charge médicale a été effectuée, il protocole analgésique à chaque patient. Les molécules les
est recommandé d’administrer de l’oxygène à la chienne plus utilisées sont les anti-inflammatoires stéroïdiens et
pendant trois à cinq minutes avant l’induction anesthé- le tramadol (2 mg/kg).
sique et de la tondre vigile [1–6, 8, 9] .
L’ensemble du personnel et du matériel nécessaire à la
prise en charge des nouveau-nés doivent être prêts avant Interventions non obstétriques
de débuter l’anesthésie.
La dose des principes actifs à administrer doit être cal- Il s’agit principalement de femelles gestantes ayant
culée en fonction d’une estimation poids de la chienne subi un traumatisme. Aucune étude n’est disponible
non gestante. chez les animaux de compagnie pour guider le pra-
En l’état actuel des connaissances scientifiques, les ticien dans ce cas particulier. Les effets tératogènes
opioïdes tels que la morphine et la méthadone consti- ou abortifs des molécules antalgiques, de prémédica-
tuent la prémédication de choix. Une étude a montré tion, d’induction et de maintien de l’anesthésie sont
que, dans la population générale canine, la morta- méconnus. Cependant, une équipe a étudié les effets
lité anesthésique est moins élevée lorsque le protocole de l’anesthésie chez les brebis gestantes lors de leur
anesthésique comporte une induction réalisée par deuxième tiers de gestation. Les animaux étaient prémé-
l’administration d’un principe actif injectable administré diqués avec du midazolam. L’anesthésie était induite avec
par voie intraveineuse associé à un relais gazeux (iso- du thiopental, puis maintenue pendant quatre heures
flurane ou sévoflurane) comparé à une induction par avec de l’isoflurane. L’ensemble des mesures effectuées
inhalation d’un agent volatil, quel qu’il soit [39] . Chez ont montré que l’anesthésie n’était pas à l’origine d’une
la chienne, les molécules d’induction peuvent être le hypoxie cérébrale fœtale. Le développement du fœtus lui
propofol ou l’alfaxalone. Chez la chatte, l’utilisation a permis de maintenir un débit sanguin cérébral ainsi
du propofol est débattue [30] . L’utilisation de l’alfaxalone qu’une oxygénation cérébrale constants, même en cas
peut être recommandée. d’hypotension maternelle. Les auteurs concluent que, à
L’incidence des régurgitations au cours d’une anesthé- partir du second tiers de gestation, un incident dans le
sie a été estimée à 0,96 % chez le chien [40] . Compte tenu développement fœtal suite à un acte chirurgical ne peut
de l’augmentation de la pression intra-abdominale chez être imputé en totalité à l’anesthésie [41] .

EMC - Vétérinaire 5
AN 0410  Anesthésie du patient gestant

Il est recommandé d’orienter la thérapeutique vers  Références


une diminution du stress et de l’hypoxie de la femelle
gestante qui peuvent provoquer un part prématuré [1] Pascoe PJ, Moon PF. Periparturient and neonatal anesthesia.
ou augmenter la mortinatalité. Le traitement médical Vet Clin North Am Small Anim Pract 2001;31:315–41.
consiste à soutenir la fonction respiratoire par l’apport [2] Ryan SD, Wagner AE. Cesarean section in dogs: physiology
d’oxygène. Une éventuelle hypotension doit être traitée and perioperative considerations. Compend Contin Educ
Pract Vet 2006;28:34.
par l’administration de fluides isotoniques (chlorure de
[3] Raffe MR, Carpenter RE. Anesthetic management of caesa-
sodium à 0,9 % ou Ringer lactate). Le recours aux amines
rean section patients. In: Veterinary anesthesia and analgesia.
vasoactives est possible. Il est recommandé de transfuser London: Blackwell; 2007. p. 955–68.
la chienne si l’hématocrite chute en dessous de 25 %. Il est [4] Smith FO. Challenges in small animal parturition—Timing
alors important de vérifier la compatibilité du donneur et elective and emergency cesarian sections. Theriogenology
du receveur (typage, cross match). Les recommandations 2007;68:348–53.
périanesthésiques sont les mêmes que pour une césa- [5] Traas A. Surgical management of canine and feline dystocia.
rienne. Cependant, le passage de la barrière placentaire Theriogenology 2008;70:337–42.
par les principes actifs semble représenter une variable [6] Pretzer SD. Medical management of canine and feline dys-
moins importante. En effet, l’élimination des produits du tocia. Theriogenology 2008;70:332–6.
sang fœtal se fait par un retour rapide vers la circulation [7] Blanco PG, Tórtora M, Rodríguez R, Arias DO, Gobello C.
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le vétérinaire dispose pour anesthésier sa patiente tra- [11] Taylor PM, Kirby JJ, Robinson C, Watkins EA, Clarke DD,
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sont comparables à ceux qu’ils exercent sur la mère. compare buprenorphine and butorphanol for postoperative
La gestion médicale périanesthésique de la patiente analgesia in cats. J Feline Med Surg 2010;12:247–55.
gestante est dominée par la recherche et la correc- [12] Sakamoto H, Misumi K, Nakama M, Aoki Y. The effect
tion des anomalies hydroélectrolytiques et biologiques. of xylazine on intrauterine pressure, uterine blood flow,
L’oxygénation préanesthésique de l’animal est recom- maternal and fetal cardiovascular and pulmonary function
mandée. Plusieurs protocoles d’anesthésie balancée sont in pregnant goats. J Vet Med Sci 1996;3:211–7.
disponibles. Ils sont caractérisés par la durée d’action [13] Sakamoto H, Kirihara H, Fujiki M, Miura N, Misumi K. The
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ment silencieuses peuvent décompenser lors de
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vétérinaire dispose pour anesthésier sa patiente [18] Banerjee A, Stocche RM, Angle P, Halpern SH. Preload or
traversent la barrière placentaire. Leurs effets sur coload for spinal anesthesia for elective Cesarean delivery:
les fœtus sont comparables à ceux qu’ils exercent a meta-analysis. Can J Anesth 2010;57:24–31.
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patiente gestante est dominée par la recherche et [20] Suarez MA, Dzikiti BT, Stegmann FG, Hartman M. Com-
la correction des anomalies hydroélectrolytiques parison of alfaxalone and propofol administered as total
et biologiques. intravenous anaesthesia for ovariohysterectomy in dogs. Vet
• L’oxygénation préanesthésique de l’animal est Anaesth Analg 2012;39:236–44.
[21] Jiménez CP, Mathis A, Mora SS, Brodbelt D, Alibhai H.
recommandée.
Evaluation of the quality of the recovery after administra-
• Plusieurs protocoles d’anesthésie balancée sont tion of propofol or alfaxalone for induction of anaesthesia in
disponibles. Ils sont caractérisés par la durée dogs anaesthetized for magnetic resonance imaging: quality
d’action courte des molécules qui les composent. of recovery after propofol or alfaxalone. Vet Anaesth Analg
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Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens etomidate concentrations in maternal and umbilical plasma,
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6 EMC - Vétérinaire
Anesthésie du patient gestant  AN 0410

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C. Bille, Docteur vétérinaire ([email protected]).


Centre hospitalier vétérinaire des Cordeliers, 29, avenue du Maréchal-Joffre, 77100 Meaux, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bille C. Anesthésie du patient gestant. EMC - Vétérinaire 2014;11(3):1-7 [Article AN
0410].

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EMC - Vétérinaire 7
 AN 0430

Adaptation du protocole
anesthésique lors
d’une cardiopathie
C. Marly, L. Zilberstein

L’anesthésie ou la sédation d’un patient présentant une cardiopathie est un défi pour le
praticien vétérinaire au quotidien, alors que la mortalité périanesthésique chez les ani-
maux est encore largement supérieure à celle chez les humains. La connaissance détaillée
de la pathophysiologie des maladies cardiaques, de leurs répercussions sur l’organisme,
et l’attention particulière portée par le praticien sur chaque patient sont des points-clés
de la réussite d’une anesthésie ou d’une sédation. Beaucoup de cardiopathies se mani-
festent seulement par un souffle cardiaque ; il est donc important d’effectuer un diagnostic
étiologique du souffle cardiaque. Une fois que le praticien connaît le diagnostic, il peut
ainsi choisir son protocole anesthésique en fonction des effets pharmacodynamiques des
molécules utilisées pour l’anesthésie. L’utilisation de protocoles d’anesthésie balancée
permet non seulement de contrecarrer les effets secondaires de chaque molécule utili-
sée, mais aussi de réduire les doses utilisées, ce qui est un point critique de l’anesthésie
des patients cardiopathes. La prise en charge de ces patients doit être spéciale, de la
prémédication jusqu’au réveil et sous surveillance accrue durant toutes ces étapes, car
reconnaître l’apparition d’une complication périanesthésique très tôt, c’est avoir toutes
les chances de pouvoir traiter l’animal. La douleur a également des conséquences dra-
matiques sur le système cardiovasculaire d’un animal cardiopathe, et l’importance d’un
protocole analgésique adapté et multimodal à toutes les étapes de la procédure ne doit
pas être sous-estimée. La prise en charge du patient cardiopathe requiert une méthode et
se prépare aussi longtemps que possible avant l’anesthésie elle-même. Plus le praticien
connaît les risques associés avec la procédure et la maladie du patient, plus il est en
mesure de limiter la mortalité et la morbidité périanesthésiques.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Anesthésie ; Cardiovasculaire ; Cardiopathie ; Chien ; Chat ; Risque anesthésique

Plan ■ Anesthésie d’un patient présentant une cardiopathie :


considérations générales 6
■ Introduction 2 Prémédication 6
Induction 7
■ Rappels 2
Maintien 8
Risques associés à l’anesthésie d’un patient présentant
Réveil 8
une cardiopathie 2
■ Maladies cardiaques acquises 9
Physiologie cardiovasculaire : points-clés pour
l’anesthésie 2 Insuffisance valvulaire 9
Évaluation de la fonction cardiovasculaire en trois étapes 5 Cardiomyopathie dilatée 9
Une bonne préparation préanesthésique 5 Cardiomyopathie hypertrophique 10
Tamponnade cardiaque 11

EMC - Vétérinaire 1
Volume 11 > n◦ 4 > novembre 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S1283-0828(14)66169-X
AN 0430  Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie

■ Maladies cardiaques congénitales 11 Tableau 1.


Persistance du canal artériel 11 Classification des statuts préanesthésiques décrits par l’American
Sténose pulmonaire 11 Society of Anesthesiologists (ASA) (d’après [5] ).
■ Conclusion 12 ASA 1 Patient sain Ovariectomie, castration
sur un patient jeune et sain
ASA 2 Patient avec une Chirurgie pour une rupture
 Introduction maladie systémique
mineure
de ligament croisé sur un
patient ne présentant
aucune autre maladie
Le système cardiovasculaire a une fonction de trans-
port déterminante au sein de l’organisme. Il assure ASA 3 Patient avec une Détartrage sur un patient
la perfusion des tissus périphériques, la distribution maladie systémique présentant une insuffisance
sévère mais compensée rénale chronique
d’oxygène (DO2 ) et de nutriments indispensable au méta-
bolisme et à la survie cellulaire. En cas de défaut de ASA 4 Patient avec une Sondage sur un chat
perfusion, les tissus périphériques entrent dans un état maladie systémique présentant une obstruction
d’hypoxie et entament un métabolisme anaérobie. Des sévère menaçant le urinaire, une insuffisance
états prolongés d’hypoxie peuvent engendrer un état de pronostic vital rénale aiguë et une
hyperkaliémie sévère
choc, des déficiences multiorganiques graves et des insuf-
fisances d’organes. Le maintien d’une bonne perfusion ASA 5 Patient moribond dont Accident de la voie
d’organe est donc essentiel : la DO2 en périphérie doit être les chances de survie publique présentant en état
suffisante pour satisfaire la demande en oxygène des dif- sont très minces, de choc, un saignement
férents organes (VO2 ). La perfusion périphérique dépend malgré la procédure abdominal, de multiples
factures, hémorragies
de nombreux facteurs tels que la fonction de la pompe
pulmonaires et rupture des
cardiaque, mais aussi du tonus vasomoteur périphérique,
voies urinaires
et du contenu du sang en oxygène et en nutriments.
Le développement d’une cardiopathie, congénitale ou
acquise, s’accompagne dans un premier temps d’un
remodelage cardiaque afin de compenser la baisse • l’anesthésie déprime le système cardiovasculaire : c’est
d’efficacité du cœur avant le stade de la décompensation l’effet secondaire le plus important de tous les
et de l’insuffisance cardiaque. anesthésiques. L’anesthésie augmente le risque de
En médecine vétérinaire, l’anesthésie générale est décompensation cardiaque et la mortalité ;
nécessaire à de très nombreuses procédures. Une sédation • les maladies cardiovasculaires affectent les organes et
peut être suffisante pour des procédures non invasives, augmentent aussi le risque anesthésique : par exemple,
en fonction du degré de coopération de l’animal, mais l’hypertension artérielle chronique provoque une car-
une anesthésie générale est très souvent indispensable, diomyopathie hypertrophique (CMH) ;
notamment pour la réalisation de procédures chirurgi- • les maladies cardiovasculaires vont influencer la ciné-
cales. Les molécules utilisées pour la réalisation d’une tique de métabolisme des molécules anesthésiques ;
sédation comme d’une anesthésie générale ont de très • les traitements administrés pour les maladies cardio-
profonds effets secondaires sur la fonction cardiovas- vasculaires peuvent interagir ou provoquer des effets
culaire et il est donc indispensable d’effectuer une secondaires indésirables des molécules anesthésiques.
bonne évaluation cardiovasculaire avant d’anesthésier Ce risque peut être réduit si :
un patient. • un diagnostic précis est établi. La prise en charge du
Il est important de rappeler les résultats des travaux sur patient dépend de la maladie, de son état et des effets
la mortalité périanesthésique chez les carnivores domes- secondaires ;
tiques [1] . Au Royaume-Uni, ces études multicentriques • les effets secondaires réversibles sont identifiés et trai-
ont montré que le risque de mortalité lié à l’anesthésie tés au cours de l’anesthésie ;
et la sédation est de 0,2 % en moyenne chez les chiens • la préparation préopératoire permet de recruter la
et chats, et que ce risque est multiplié par six lorsque réserve cardiaque ;
le patient présente une affection systémique modérée • les molécules utilisées permettent d’améliorer, et non
et compensée (statut American Society of Anesthesiolo- pas d’aggraver, les effets cardiovasculaires négatifs liés
gists [ASA] 3), et encore multiplié par six lorsque cette à la pathologie ;
affection est décompensée et que la procédure doit être • le monitoring périanesthésique est adapté ;
pratiquée dans l’urgence pour la survie du patient (ASA 4 • les molécules de réanimation sont disponibles et
ou 5) (Tableau 1). l’équipe chirurgicale est préparée en cas d’accident
Compte tenu de la prévalence des cardiopathies chez anesthésique.
les carnivores domestiques, il est donc nécessaire de bien
comprendre l’influence de l’anesthésie sur le système car-
diovasculaire, afin de préparer un protocole anesthésique
Physiologie cardiovasculaire :
adapté à chaque patient et à sa condition, et de diminuer points-clés pour l’anesthésie
le risque de mortalité qui lui est associé.
Anatomie
Le système cardiovasculaire est composé du cœur et
des vaisseaux sanguins. Le cœur comporte quatre cavités
 Rappels normalement non communicantes, où le sang circule de
manière linéaire grâce à quatre valves unidirectionnelles.
Risques associés à l’anesthésie d’un Il délimite deux circulations indépendantes placées en
patient présentant une cardiopathie série : la circulation systémique et la circulation pulmo-
naire. Le sang provenant de la circulation systémique via
Les maladies cardiovasculaires augmentent le risque les veines caves entre dans l’atrium droit (Fig. 1), puis
anesthésique car : dans le ventricule droit à travers la valve tricuspide, puis

2 EMC - Vétérinaire
Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie  AN 0430

T
P
3

Q
4 S
Figure 2. Représentation schématique de l’électrocardio-
gramme enregistré en dérivation II pour un battement car-
diaque normal (d’après Kittleson et Kienle [3] ).
5

qui est majoritairement modulée par les changements de


FC. On comprend donc bien qu’à de basses fréquences
1 cardiaques le temps de remplissage ventriculaire et la
perfusion myocardique sont favorisés, alors que lors de
6 tachycardies le remplissage ventriculaire et la perfusion
myocardiques sont diminués. Dans cette situation, la
demande en oxygène du myocarde est la plus importante
2
alors que l’apport en oxygène est réduit. Le respect de
l’équilibre entre apport et consommation en oxygène est
le point-clé pour favoriser la stabilité cardiovasculaire au
cours d’une anesthésie.
L’ECG apporte des informations très importantes sur
le fonctionnement du cœur, permettant notamment de
mettre en évidence la présence d’arythmies. En revanche,
il faut bien comprendre qu’il n’apporte aucune infor-
Figure 1. Anatomie du cœur (d’après Kittleson et Kienle [3] ). mation quant à la fonction contractile du cœur. Dans
1. Atrium droit ; 2. ventricule droit ; 3. aorte ; 4. tronc pulmo- des cas extrêmes, tels que la dissociation électroméca-
naire ; 5. atrium gauche ; 6. ventricule gauche. nique, on peut observer la présence d’un tracé ECG
sans aucun pouls associé, soit sans aucune contraction
cardiaque.
est éjecté à travers la valve pulmonaire dans le tronc pul- Le bon fonctionnement des valves cardiaques, ainsi
monaire, vers la circulation pulmonaire à basse pression. que l’absence de communication entre les côtés gauche
Le sang provenant de la circulation pulmonaire entre et droit du cœur, sont la condition indispensable pour
dans l’atrium gauche puis le ventricule gauche à travers une efficacité maximale du travail cardiaque. L’efficacité
la valve mitrale, puis est éjecté dans l’aorte à travers la du travail cardiaque se traduit par le débit cardiaque, qui
valve aortique, dans la circulation systémique à haute est le produit du volume de sang éjecté à chaque batte-
pression. ment cardiaque (volume d’éjection systolique [VES]) et
de la FC.
Physiologie
Le rythme cardiaque est imposé par le pacemaker
principal, le nœud sinoatrial. Il s’agit d’un tissu non
contractile, qui se situe dans l’épaisseur de l’atrium droit. “ Point fort
Il reçoit une innervation para- et orthosympathique. La
génération d’un potentiel d’action dans le nœud sinoa- Débit cardiaque : DC = FC × VES
trial est suivie de sa transmission dans le tissu atrial, et
de la contraction atriale, puis de sa transmission via les
fibres de Purkinje dans les ventricules cardiaques, suivie
de leur contraction. Le débit cardiaque peut être augmenté ou diminué par
L’activité électrique du cœur (Fig. 2) peut être suivie des conditions physiologiques, ou des traitements médi-
grâce à l’électrocardiographie : l’onde P est produite par caux, en influençant ces paramètres.
la dépolarisation atriale, le complexe QRS par la dépo-
larisation ventriculaire, et l’onde T par la repolarisation Régulation de la fréquence cardiaque
ventriculaire. La repolarisation atriale n’est pas visible La FC est déterminée par le nœud sinoatrial (pace-
sur l’électrocardiogramme (ECG) car elle intervient au maker) dont le rythme de décharge dépend de la
cours de la dépolarisation ventriculaire et est masquée par balance entre le tonus vagal et le tonus sympathique.
celle-ci. Ce cycle électrique du cœur correspond au cycle En réponse aux changements de pression artérielle enre-
contractile avec la phase de contraction cardiaque, appe- gistrés dans la crosse aortique et les sinus carotidiens
lée systole, et la phase de relaxation cardiaque ou diastole, par les barorécepteurs, cette balance est modulée. Quand
pendant laquelle les vaisseaux coronaires perfusent le les barorécepteurs identifient une baisse de la pression
myocarde à une pression équivalente à la pression dias- artérielle, le système nerveux sympathique est stimulé,
tolique. La durée de la systole est fixe quelle que soit la provoquant une hausse de la FC, une amélioration de
fréquence cardiaque (FC) ; c’est la durée de la diastole la contractilité du myocarde et une vasoconstriction

EMC - Vétérinaire 3
AN 0430  Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie

d’extrasystoles ventriculaires où l’on peut observer un


complexe QRS sur l’ECG, mais où aucun pouls associé
n’est palpable.
Le développement d’arythmies peut être favorisé
Débit cardiaque

Normal par une perfusion cardiaque inadéquate, et un dés-


équilibre entre apport et demande en oxygène. Les
situations de tachycardie majeure, en réduisant le temps
de diastole, et donc de perfusion myocardique, sont
des situations très à risque pour le développement
d’arythmies.

Volume diastolique
Figure 3. Loi de Frank-Starling. “ Point fort
Le débit cardiaque dépend de cinq facteurs :
artérielle systémique. Le résultat final est une augmen- • la fréquence cardiaque ;
tation de la pression artérielle systémique. Lorsqu’une • la précharge ;
hausse de la pression artérielle est identifiée, le sys- • la postcharge, ou résistances vasculaires systé-
tème nerveux parasympathique est stimulé et l’inverse se
miques ;
produit. • la contractilité ;
Régulation du volume d’éjection systolique • la présence d’arythmies.
Le VES dépend de plusieurs paramètres.
La précharge est le volume de sang retournant au cœur
pendant la diastole, ou le volume de sang présent dans le
ventricule juste avant la systole et le degré d’étirement
des myofibrilles cardiaques. La loi de Frank-Starling
Remodelage cardiaque lors de cardiopathie
(Fig. 3) décrit comment le débit cardiaque augmente Les cardiopathies peuvent être classées dans deux caté-
lorsque la précharge augmente sur un cœur sain. Dans le gories : les maladies à surcharge de volume, et les maladies
cadre d’une cardiopathie, l’augmentation de la précharge à surcharge de pression.
peut dans un premier temps permettre de maintenir le Dans les maladies à surcharge volumique, seule une
débit cardiaque, mais par la suite va engendrer un remo- partie du VES est éjecté lors de la systole, et le mou-
delage cardiaque de type hypertrophie excentrique et vement unidirectionnel du sang au sein du cœur est
finir par causer une réduction de l’efficacité cardiaque. perdu. Une portion plus ou moins grande, selon le degré
La postcharge correspond à la force que doivent d’évolution et de compensation de la maladie, n’est pas
générer les fibres musculaires cardiaques pendant la sys- éjectée du cœur dans l’aorte ou le tronc pulmonaire,
tole pour surmonter la pression artérielle et ouvrir la mais retourne dans une cavité précédente : par exemple,
valve aortique. La postcharge est généralement assimi- lors de fuite valvulaire mitrale, une partie du volume
lée à la pression aortique ou aux résistances vasculaires ventriculaire gauche retourne lors de la systole dans
systémiques. Lorsque la postcharge augmente (vasocons- l’atrium, provoquant la surcharge volumique dans la cir-
triction systémique, sténose aortique ou pulmonaire, par culation pulmonaire. Dans le cas d’une persistance du
exemple), la force devant être générée par les fibres mus- canal artériel, une partie du VES retourne dans la circu-
culaires cardiaques afin d’éjecter le sang du ventricule lation pulmonaire, provoquant de même une surcharge
est plus importante, ainsi que leur consommation en volumique pulmonaire.
oxygène. De même, lorsque la postcharge diminue (vaso- Dans les maladies à surcharge de pression, le VES est
dilatation périphérique par exemple), le travail des fibres directement limité par l’augmentation de la postcharge
cardiaques est facilité et leur consommation en oxygène (sténose pulmonaire, hypertension artérielle) et seul un
réduite. faible VES peut être éjecté lors de la systole.
La contractilité cardiaque est la capacité du muscle Dans les deux cas, la diminution du débit cardiaque
cardiaque à se contracter pour une précharge et une risque de rompre la balance entre VO2 et DO2 . Plu-
postcharge données. La contractilité cardiaque dépend sieurs systèmes de compensation sont donc mis en
notamment de l’action de nombreuses molécules intrin- place très rapidement afin de maintenir le débit car-
sèques, comme les catécholamines, mais aussi de diaque. En premier, le système nerveux sympathique et
nombreuses molécules extrinsèques telles que les anes- le système rénine–angiotensine–aldostérone sont activés
thésiques. afin d’augmenter la contractilité cardiaque et le volume
Enfin, le débit cardiaque dépend de la présence sanguin circulant, selon la loi de Frank-Starling. Néan-
d’arythmies. On distingue les arythmies bradycardi- moins, ceci ne fonctionne que sur un cœur sain. Sur
santes et les arythmies tachycardisantes. Certaines un plus long terme, un remodelage cardiaque se met
arythmies ont peu d’influence sur le débit cardiaque, en place.
telles que l’arythmie sinusale respiratoire chez un patient La loi de Laplace (Fig. 4) explique comment, lorsque
sain. En revanche, les arythmies bradycardisantes telles le volume en fin de diastole augmente (diminution du
que les blocs atrioventriculaires diminuent le débit VES), alors pour produire la même pression le ventricule
cardiaque via une diminution de la FC. Les aryth- doit augmenter son épaisseur. Sinon, la tension pariétale,
mies tachycardisantes peuvent aussi diminuer le débit soit la force appliquée au myocarde, sera plus importante,
cardiaque : malgré l’augmentation de la FC associée, tout comme sa consommation en oxygène.
le battement cardiaque peut intervenir tellement tôt On obtient donc au cours de l’évolution d’une car-
que le remplissage ventriculaire est inadéquat, résultant diopathie un remodelage des cavités cardiaques et une
en un VES très faible. C’est le cas par exemple lors augmentation du travail du cœur.

4 EMC - Vétérinaire
Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie  AN 0430

Tableau 2.
Examen de la couleur des muqueuses.
1 3
TRC État cardiovasculaire
2
Roses <2s Tonus vasculaire normal, débit
4 cardiaque normal
Pâles <2s Anémie ?
Pâles >2s Vasoconstriction
périphérique / Bradycardie
Rouges Normal Polycythémie ?
Figure 4. Loi de Laplace appliquée au ventricule cardiaque [4] . Rouges <1s État de choc, vasodilatation
␴ = P × r / 2 h (␴ : tension pariétale ; P = pression ; R : rayon ; massive et/ou augmentation
h = épaisseur du myocarde). 1. Myocarde ; 2. stress ; 3. lumière ; importante du débit cardiaque
4. pression (P). Cyanotiques Hypoxémie

TRC : temps de recoloration capillaire.


Évaluation de la fonction
cardiovasculaire en trois étapes (SAM). Il s’agit d’un mouvement de traction antérieure
des valvules mitrales lors de la systole résultant en
La fonction cardiovasculaire doit être évaluée chez une obstruction de la chambre de chasse ventriculaire
chaque patient et avant chaque anesthésie. gauche, et donc d’une obstruction à l’éjection du sang
lors de la systole. Il est donc absolument nécessaire
d’effectuer une bonne auscultation cardiaque avant toute

▲ Attention
anesthésie. Néanmoins, l’auscultation d’un souffle car-
diaque n’est en aucun cas un diagnostic, et chaque
cardiopathie nécessite une prise en charge très parti-
culière (cf. infra). Si un souffle cardiaque est entendu
Un patient sain lors de la dernière consultation ne
à l’auscultation, un examen échocardiographique doit
l’est peut-être plus. donc être réalisé pour un diagnostic de cardiopathie
avant une anesthésie, afin de permettre une prise en
charge adaptée au patient.
L’auscultation cardiaque à gauche et à droite, et au L’examen de la couleur des muqueuses et du temps de
sternum chez le chat, est une étape indispensable de remplissage capillaire sont une étape importante et très
l’examen clinique. rapide de l’examen clinique qui apporte une information
La prise du pouls fémoral simultanément à primordiale. Des muqueuses roses et un temps de rem-
l’auscultation cardiaque permet de vérifier que chaque plissage capillaire inférieur à deux secondes indiquent un
battement cardiaque est associé à un pouls et synchrone, état cardiovasculaire normal, mais d’autres états peuvent
qu’un souffle cardiaque est systolique ou diastolique, être observés (Tableau 2).
mais aussi d’en apprécier la qualité. Il est important de Attention cependant, la cyanose des muqueuses n’est
noter que la présence d’un pouls, ou sa qualité (faible, visible que lorsqu’au moins 5 g/dl d’hémoglobine sont
normal, bondissant, etc.) ne permet jamais d’estimer la désaturés. Chez des animaux fortement anémiés, dont
pression artérielle. Lors de la prise du pouls, entre deux l’hématocrite est inférieur à 15 %, on ne peut donc jamais
battements cardiaques, le tonus senti correspond à la détecter une hypoxémie par le simple examen de la cou-
pression diastolique. Lors du battement cardiaque, la pul- leur des muqueuses !
sation ressentie correspond à la pression systolique. La
qualité du pouls ressentie ne correspond donc qu’à la dif-
férence entre pression systolique et diastolique, et ne doit Une bonne préparation
pas être considérée comme équivalente à une prise de préanesthésique
pression artérielle. Par exemple, pour une pression arté-
rielle de 120/80 (systolique/diastolique), ou une pression Cela commence par le traitement de la condition car-
de 60/20, la qualité du pouls ressentie est identique. diaque. Une insuffisance cardiaque décompensée est une
L’identification d’une arythmie cardiaque doit donner contre-indication majeure pour l’anesthésie et elle doit
lieu à un examen ECG du patient avant de procéder à être traitée par étapes :
son anesthésie. Les arythmies sont très rarement diag- • les états œdémateux doivent être traités à l’aide de
nostiques d’une cardiopathie, en revanche le potentiel diurétiques si nécessaire ; dans les cas d’épanchements
arythmogène de nombreuses molécules anesthésiques péricardiques, une péricardiocenthèse doit être réali-
peut engendrer, sur un patient instable au plan cardio- sée ;
vasculaire, des morts subites à l’induction de l’anesthésie. • la contractilité cardiaque doit être stimulée si néces-
L’auscultation d’un souffle cardiaque est également saire par des inotropes positifs ;
très peu spécifique d’une cardiopathie. Dans certains cas, • le travail du cœur doit être diminué (et donc sa
il ne reflète même pas la présence d’une affection car- consommation en oxygène) en administrant des vaso-
diaque, par exemple lors d’anémie sévère. dilatateurs si c’est indiqué, ou simplement en mettant
Un groupe a étudié des chats apparemment sains [2] . le patient au repos, en cage ou avec des anxiolytiques ;
Dans cette population, 15 % de chats présentaient une • les arythmies doivent être traitées ;
CMH. En revanche, seulement 31 % des chats présen- • les facteurs aggravants doivent être évalués : fonction
tant un souffle cardiaque auraient une CMH, et 13 % des rénale (dosage d’urée et de créatinine, mais aussi
chats ne présentant pas de souffle cardiaque auraient potassium), fonction hépatique (protéines totales,
une CMH. Le souffle cardiaque est plus indicatif chez albumine), fonction respiratoire (présence d’un
ces chats d’un mouvement systolique antérieur mitral œdème pulmonaire ?), capacité du sang à transporter

EMC - Vétérinaire 5
AN 0430  Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie

l’oxygène (hémoglobine, anémie ?, polycythémie qui dans l’anesthésie des patients cardiaques et un résumé
augmente la viscosité sanguine ou qui est marqueur des caractéristiques pharmacologiques des agents le plus
d’un shunt droite-gauche ?) ; couramment utilisés est disponible dans le Tableau 3.
• si la cardiopathie est secondaire à une cause sous-
jacente, le traitement de la cause doit être considéré
en premier. Prémédication
La prémédication est une étape indispensable dans
la prise en charge du patient cardiaque. Le stress, via
▲ Attention une activation du système sympathique, a en effet une
influence très négative sur le cœur présentant une car-
diopathie, augmentant fortement sa consommation en
Une insuffisance cardiaque décompensée est une oxygène alors que sa réserve est déjà diminuée. Les buts
contre-indication majeure pour l’anesthésie ! de la prémédication sont donc : l’anxiolyse, une légère
sédation permettant la coopération de l’animal lors de la
pose du cathéter, et de commencer l’analgésie liée à la
procédure à venir.
 Anesthésie d’un patient Le choix des molécules doit correspondre à leurs effets
cardiovasculaires : il faut choisir la molécule ayant l’effet
présentant une cardiopathie : le plus similaire à celui du traitement médical de cette
pathologie, ou celles ayant le moins d’effets pouvant
considérations générales empirer la pathologie.

L’anesthésie d’un patient présente plusieurs phases


dont le respect et la préparation sont importants. Chaque
Alpha-2 agonistes
molécule anesthésique ou sédative présente des effets Les alpha-2 agonistes sont une famille de sédatifs puis-
désirables et indésirables. Les patients critiques pré- sants dont les effets cardiovasculaires sont profonds. Via
sentent des pathologies plus ou moins sévères qui une action directe sur les récepteurs périphériques, ils
réduisent leur capacité à supporter et compenser les effets induisent une profonde vasoconstriction et une brady-
secondaires des molécules que nous leur administrons. cardie réflexe. Cet effet vasoconstricteur persiste pendant
Un point-clé de l’anesthésie de ces patients est donc une durée limitée dans le temps, et qui varie selon la
bien de connaître la pharmacologie des molécules qui molécule utilisée. Ils agissent également sur les récepteurs
vont être utilisées, afin de limiter leurs effets néfastes centraux de type alpha-2, via lesquels ils induisent une
sur les organes, mais également de pouvoir utiliser cer- suppression orthosympathique. S’ensuivent alors une
tains effets habituellement indésirables, au bénéfice du baisse de la contractilité cardiaque et une bradycardie de
patient. Il ne faut également pas négliger la combinai- longue durée, et donc une baisse du débit cardiaque. Les
son de plusieurs molécules : l’anesthésie « balancée » est alpha-2 agonistes ont également un effet arythmogène
une technique qui permet, en multipliant les agents uti- qu’il faut considérer : le plus fréquemment, ils induisent
lisés, de réduire la dose de chacun. On obtient donc une des blocs atrioventriculaires de degré 1 et 2. En revanche,
sédation plus importante, une analgésie multimodale, ils offrent l’avantage de réduire le métabolisme global et
tout en limitant les effets secondaires de chaque agent donc la consommation en oxygène des tissus périphé-
en réduisant sa dose. Cette technique doit être utilisée riques, et d’avoir une très bonne action analgésique.

Tableau 3.
Résumé des effets hémodynamiques des agents anesthésiques ou analgésiques le plus couramment utilisés.
Agent Débit Contractilité Fréquence Résistances Pression Notes
cardiaque cardiaque vasculaires artérielle
systémiques systémique
Acépromazine = ou - = = --- -
Diazépam/ Midazolam = = = ou + = ou - = ou -
Morphine/ Méthadone = = = ou - = ou - = Attention : la morphine, en
induisant des
vomissements, induit une
augmentation de la
pression intrathoracique
Butorphanol/ = = = ou - = = Butorphanol : effet
Buprénorphine antitussif, profond effet
sédatif mais analgésie très
modérée
Xylazine/ Médétomidine -- = --- +++ + Analgésie importante
Thiopental - - + - -
Kétamine + + + + + Analgésie importante
Propofol/ Alfaxan - - - - -
Étomidate = = = = = Attention : suppression de
la production de cortisol si
réinjection
Isoflurane = ou + = ou - + - -

+ : augmente ; = : aucun effet ; - : réduit.

6 EMC - Vétérinaire
Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie  AN 0430

Compte tenu de la disponibilité de nouveaux agents, Le butorphanol offre une action sédative assez
la xylazine ne doit pas être utilisée car il est prouvé puissante, surtout lorsqu’il est administré par voie
qu’elle augmente la mortalité périanesthésique chez le intraveineuse, et une courte durée d’action (environ
chien et le chat. La médétomidine ou la dexmédétomi- 90 minutes). Son action analgésique est très limitée
dine doivent lui être préférées car le risque de mortalité du fait de son action antagoniste aux récepteurs mu
associé à leur utilisation n’est pas augmenté [1, 3, 4] . opioïdes. Il s’agit donc d’une molécule plus adaptée pour
Leur utilisation doit donc être limitée aux patients une sédation pour une procédure non invasive, diagnos-
dont la contractilité cardiaque est bonne, et qui peuvent tique, et non pas pour une prémédication préopératoire.
donc assumer une augmentation de la postcharge, et Après l’administration de la prémédication, le patient
dans des doses allant de 5 à 20 ␮g/kg par voie intramus- doit être laissé dans le calme, afin de favoriser les effets
culaire ou 0,5 à 5 ␮g/kg par voie intraveineuse. anxiolytiques des molécules administrées. Il est très
important de noter que le délai avant l’effet maximal
de ces molécules peut être très long (15 minutes pour
Acépromazine les alpha-2 agonistes, 30 minutes pour l’acépromazine)
L’acépromazine est un autre puissant sédatif ayant et que l’efficacité de la sédation dépend en grande partie
de profonds effets cardiovasculaires. Via une action sur du respect de ce délai. En effet, le centre de l’éveil est sti-
les récepteurs alpha-1 périphériques, ils provoquent une mulé par le système nerveux sympathique et le stress de
vasodilatation périphérique majeure durant jusqu’à huit l’animal peut totalement annuler les effets sédatifs de ces
heures, une baisse de la pression artérielle et une aug- molécules.
mentation de la capacité veineuse. Une tachycardie peut Chez les patients les plus critiques, la prémédica-
accompagner cette baisse de la pression artérielle, mais tion doit être effectuée sur la table d’anesthésie, sous
plus généralement la FC est maintenue. L’acépromazine surveillance constante, avec un monitoring de base et
ne produit aucune analgésie, mais possède des propriétés administration d’oxygène.
antiarythmiques qui rendent son utilisation intéressante. Attention, surtout chez les patients atteints de mala-
Son utilisation est contre-indiquée chez les molossoïdes die cardiaque, la sédation doit être une période de
qui peuvent présenter des réactions indésirables. surveillance. Compte tenu des profonds effets cardio-
L’acépromazine peut donc être utilisée chez des vasculaires produits par les molécules disponibles pour
patients nécessitant une diminution de la postcharge la prémédication, une décompensation du patient à ce
et de la précharge, et chez les patients dont le débit moment est probable et doit être détectée au plus vite. Le
cardiaque dépend d’une FC conservée. La voie intra- patient simplement prémédiqué n’a souvent pas encore
musculaire doit être préférée, car l’injection par voie de cathéter intraveineux, n’a pas encore reçu d’oxygène
intraveineuse peut engendrer des effets cardiovascu- et n’est pas monitoré. La mise en place d’une procé-
laires ingérables pour de très longues durées. L’absence dure de réanimation à cet instant est donc longue et les
d’antidote disponible et sa très longue durée d’action chances de survie du patient bien plus faibles qu’au cours
doivent être prises en compte lors de son utilisation. de l’anesthésie.

Benzodiazépines Induction
Les benzodiazépines ne doivent jamais être utili- L’induction du patient cardiaque doit être réalisée sans
sées seules en prémédication, en raison des réactions stress, ni pour le patient ni pour le praticien. La prépara-
d’excitation qu’elles peuvent provoquer. En revanche, tion de tout le matériel nécessaire à l’intubation et à la
elles sont des additifs très intéressants au protocole anes- ventilation manuelle ou mécanique doit être prête en cas
thésique d’un patient cardiaque. En effet, elles agissent de décompensation brutale de l’état du patient.
en synergie avec les molécules sédatives, sans avoir Toutes les molécules disponibles pour l’induction de
aucun effet cardiovasculaire. Ils permettent également de l’anesthésie présentent un degré majeur de dépression
réduire les doses nécessaires à l’induction de l’anesthésie. cardiovasculaire. L’induction de l’anesthésie doit donc
Chez les patients critiques, ils peuvent faire partie de la être réalisée calmement et à effet, afin d’administrer la
prémédication, mais chez les patients en bon état géné- dose minimale permettant l’intubation de l’animal.
ral leur utilisation au cours de l’induction de l’anesthésie D’une manière générale, les doses d’agents d’induction
doit être préférée. envisagées doivent être inférieures à celles qui seraient
envisagées pour le même patient sain et la vitesse
d’administration aussi inférieure. Chez ces patients, le
Opioïdes débit cardiaque est diminué, et la vitesse de transport
Les opioïdes ont une place importante dans la entre le site d’injection et le site d’action dans le cerveau
prémédication de l’animal cardiaque. Leurs effets cardio- est donc aussi plus lente.
vasculaires sont minimes et peuvent avoir une action Le thiopental, le propofol et l’alfaxolone sont des
sédative. Le choix de l’opioïde doit prendre en compte agents d’induction rapides et à courte durée d’action.
la disponibilité, mais également la durée d’action et le Ils dépriment fortement le système cardiovasculaire mais
degré d’analgésie souhaitée au cours de la procédure. La aussi la respiration. Les effets liés à l’induction par ces
morphine et la méthadone ont une action analgésique et agents sont principalement une apnée et une hypoten-
sédative importantes, et une durée d’action intermédiaire sion, via une vasodilatation périphérique et une baisse de
d’environ trois à quatre heures qui en font un choix inté- la contractilité cardiaque. L’administration très lente de
ressant en période préopératoire. Les effets secondaires ces agents et à la dose minimale permettant l’intubation
associés à l’utilisation de la morphine (nausée, risque de permet de réduire fortement l’apparition de ces effets
réaction histaminique lors de l’injection) doivent diri- secondaires. Les effets secondaires liés à l’utilisation
ger le praticien plutôt vers la méthadone, lorsqu’elle est de propofol et d’alfaxolone étant considérés comme
disponible. moindres, ils doivent être préférés chez les patients les
La buprénorphine offre une durée d’action plus plus critiques.
longue, environ six heures, mais une action sédative qua- L’étomidate est un agent souvent utilisé lors de cardio-
siment nulle. L’analgésie associée est également modérée. pathies, car il ne provoque aucune baisse de contractilité

EMC - Vétérinaire 7
AN 0430  Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie

cardiaque. En revanche, il provoque une suppression de à la demande représente une éventuelle alternative à
l’axe corticotrope lors d’injections répétées, et doit donc l’anesthésie volatile. Néanmoins, chez les chats, les réin-
être réservé pour l’induction de l’anesthésie, sans réin- jections ou la perfusion continue de propofol doivent
jection ultérieure. En raison de cet effet secondaire, son être réalisées uniquement pour de très courtes durées
utilisation doit être réservée aux patients dont la contrac- étant donné leur insuffisance relative à le métaboliser
tilité cardiaque est critique. (risque d’accumulation provoquant des réveils prolon-
La kétamine est un anesthésique dissociatif. Elle dif- gés) et le risque d’apparition d’anémies à corps de Heinz
fère des autres agents d’induction surtout par le fait spécifiques à cette espèce.
qu’elle provoque une stimulation du système nerveux
sympathique et par sa durée d’action plus longue (envi-
ron 30 minutes). Son utilisation est donc généralement
associée à un maintien de la pression artérielle et un
maintien ou une augmentation de la FC. Elle provoque
“ Point fort
en revanche une augmentation du travail du cœur et de
sa consommation en oxygène. La mise en place d’une bonne analgésie est indis-
pensable quelle que soit la cardiopathie car la
douleur provoque un stress, une libération de

▲ Attention catécholamines et augmente le travail cardiaque !

Chez les patients cardiaques, la fenêtre thérapeu- L’administration de fluides au cours de l’anesthésie
tique des agents anesthésiques est plus étroite ! doit se faire de manière plus précautionneuse que sur un
sujet sain. Toutes les cardiopathies ne supportent pas de
manière similaire l’administration de fluides, mais dans
tous les cas elle doit se faire sous surveillance (cf. infra).
L’examen préanesthésique du patient doit aussi prendre
Maintien en compte l’état d’hydratation, surtout chez les patients
Pour le maintien de l’anesthésie, il faut préférer des déjà traités au moyen de diurétiques. Une hypoperfu-
agents ne provoquant pas d’accumulation et dans des sion périphérique est plus difficile à détecter et peut
doses juste suffisantes pour effectuer la procédure : pour avoir des conséquences à plus long terme qu’une sur-
des procédures non chirurgicales, par exemple, des doses infusion de fluides, mais augmente aussi le risque
inférieures sont suffisantes. anesthésique.
Pour les patients critiques, une anesthésie polymodale, D’autre part, afin de détecter des complications éven-
soit la combinaison de plusieurs agents, peut également tuelles liées à l’anesthésie des patients présentant une
être intéressante. En effet, l’administration concomitante cardiopathie, un monitoring anesthésique doit être mis
d’un agent analgésique peut permettre de réduire forte- en place. Il est prouvé chez l’homme et le chat que
ment la dose d’anesthésique. l’utilisation d’un pulsoxymètre réduit la mortalité péri-
Les anesthésiques volatils tels que l’isoflurane, malgré anesthésique et que cette réduction est majeure lorsque
leur effet fortement dépresseur sur le système cardiovas- l’utilisation du pulsoxymètre est coupée à celle d’un cap-
culaire, sont cependant très intéressants car leur durée nographe. Il est évident que la détection précoce d’un
d’action est très faible et ils sont éliminés uniquement problème périanesthésique permet une prise en charge
par voie respiratoire après un degré de métabolisme hépa- plus rapide de celui-ci. L’ajout d’une mesure non invasive
tique quasiment nul. La régulation de la profondeur de la pression artérielle, méthode Doppler ou oscillomé-
anesthésique grâce à ces agents est donc très précise et trique, permet d’obtenir en plus des informations sur la
peut être modulée très rapidement. perfusion d’organes.
Il est important de noter qu’une anesthésie trop Enfin, la mesure régulière du taux de lactates ren-
superficielle est aussi délétère qu’une anesthésie trop seigne sur la présence de métabolisme anaérobie et peut
profonde : en effet, la réaction de stress de l’organisme indiquer une insuffisance de la distribution périphérique
stimulée par le réveil ou la douleur provoque un relargage d’oxygène.
de catécholamines qui vont provoquer une tachycardie L’hyperlactatémie traduit un métabolisme anaérobie,
et une augmentation de la pression artérielle systémique, donc certains tissus ne reçoivent pas suffisamment
ceci augmentant considérablement le travail du cœur. De d’oxygène. Les causes principales en sont :
plus, pour replonger rapidement le patient dans un stade • l’hypovolémie : le volume sanguin circulant est insuf-
anesthésique adéquat, une large dose d’anesthésique fisant pour perfuser tous les tissus périphériques ;
doit être administrée rapidement, ce qui risque à nou- • l’anémie : l’hémoglobine est le transporteur majeur de
veau d’induire une forte dépression cardiovasculaire. Les l’oxygène dans le sang, donc un taux d’hémoglobine
périodes d’hypotension sont elles aussi à proscrire en rai- insuffisant ne permet pas l’apport de suffisamment
son du risque accru de développement d’une insuffisance d’oxygène dans les tissus périphériques ;
rénale postanesthésique. • l’hypoxémie : si la quantité d’oxygène inspirée
Les états alternant anesthésie trop profonde et anes- est insuffisante, ou si une pathologie pulmonaire
thésie trop superficielle sont donc les pires et doivent être empêche la réalisation d’échanges gazeux suffisants, la
évités absolument. quantité d’oxygène dans le sang est insuffisante pour
D’une manière générale, l’anesthésie volatile doit être couvrir les besoins des tissus périphériques.
préférée à l’anesthésie fixe. Contrairement à des injec-
tions répétées ou une perfusion continue, elle n’est Réveil
associée à aucune accumulation de molécule, quel que
soit le statut hépatique du patient, et permet de changer Le réveil anesthésique doit se faire dans un endroit
la profondeur anesthésique très vite, notamment en cas calme afin de réduire le stress, et sous surveillance. Une
de complication anesthésique. Le propofol administré mesure régulière de la fréquence respiratoire, de la FC et

8 EMC - Vétérinaire
Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie  AN 0430

l’examen des muqueuses sont les soins de base devant


être apportés au patient afin de détecter au plus tôt une
décompensation cardiovasculaire. “ Point important
▲ Attention En cas de fuite mitrale, diminuer les résistances
vasculaires périphériques !

• Être prêt à réagir au pire scénario !


• Anesthésie aussi courte que possible !
• FC : maintenir ou augmenter très légèrement, pour pré-
venir une baisse de la pression diastolique, et donc de
la perfusion coronarienne ;
Les cardiopathies sont souvent classées en catégories • précharge : maintenir ou diminuer faiblement, une
telles que les cardiopathies congénitales ou les cardiopa- augmentation de la capacité veineuse permet de
thies acquises. Dans le cadre de la gestion anesthésique de limiter l’apparition d’un œdème pulmonaire. Le trai-
ces patients, on essaye aussi d’identifier si la cardiopathie tement médical préalable ne doit pas être stoppé, car il
est à surcharge de volume ou à surcharge de pression. participe à cet effet. Cependant, une baisse trop impor-
Il est important de comprendre la pathophysiologie tante de la pression veineuse peut engendrer une baisse
de chaque maladie cardiaque et de son évolution, et de de remplissage ventriculaire et diminuer le débit car-
connaître la pharmacodynamique des molécules utilisées diaque ;
afin de produire un protocole anesthésique qui soutienne • contractilité : on essaye de la maintenir ;
la fonction cardiaque, au lieu de l’empirer. • postcharge : il faut la diminuer ;
• arythmies : ces patients sont généralement peu sujets
aux arythmies.
 Maladies cardiaques Le protocole anesthésique peut donc se composer de :
• prémédication : acépromazine 0,03 mg/kg (chez les
acquises patients traités par des inhibiteurs de l’enzyme de
conversion de l’angiotensine, des doses plus fortes
Insuffisance valvulaire d’acépromazine risquent de causer une hypotension)
et un opioïde (selon la disponibilité ou la procé-
Lors d’incompétence valvulaire, la perte de débit car- dure : morphine, méthadone, butorphanol 0,2 mg/kg,
diaque est expliquée car un volume de sang, plus ou injecté par voie intramusculaire). Après 30 minutes au
moins important selon le degré d’évolution de la mala- calme, mise en place d’un cathéter ;
die, n’est pas éjecté de manière antérograde, vers l’aorte • induction : tous les agents rapides d’induction peuvent
ou le tronc pulmonaire, mais de manière rétrograde. S’il convenir, mais injectés lentement et à effet ; la kéta-
s’agit de la valve mitrale ou tricuspide, cette régurgitation mine doit être évitée ;
se produit dans l’atrium gauche ou droit, respectivement. • maintien : pour des procédures excédant la durée
S’il s’agit de la valve aortique ou pulmonaire, cette régur- d’action de l’agent d’induction, des anesthésiques
gitation se produit dans le ventricule gauche ou droit, inhalatoires doivent être utilisés. L’adjonction de ben-
respectivement. Dans tous les cas, le volume présent dans zodiazépines lors de l’induction peut permettre de
le cœur en fin de systole est trop important, et se réper- réduire la dose nécessaire d’agent d’induction et doit
cute en amont dans les veines pulmonaires (insuffisance être considérée ;
mitrale) ou dans les veines caves (insuffisance tricuspide), • l’administration de fluides périanesthésique est impor-
favorisant le développement d’un œdème pulmonaire ou tante, afin de maintenir le remplissage cardiaque, mais
d’ascite. doit être adaptée à chaque patient et à sa volémie. La
Si l’on prend l’exemple de la valve mitrale : dans un simple mesure de la pression artérielle ne constitue pas
cœur sain, le ventricule se contracte, la pression dans une mesure de la volémie. Une solution de mainte-
le ventricule augmente, car la valve mitrale est fermée. nance de type Ringer lactate peut être utilisée à un
La pression ventriculaire devient supérieure à la pression débit de base de 3 à 5 ml/kg par heure à adapter au
aortique : la valve aortique s’ouvre et le VES est éjecté. fur et à mesure en fonction de la clinique ;
Dans le cœur atteint d’insuffisance mitrale, le ventricule • l’utilisation d’une ventilation mécanique peut être
se contracte, faisant augmenter la pression ventricu- utile en cas d’œdème pulmonaire.
laire gauche. Lorsque cette pression devient supérieure L’utilisation d’alpha-2 agonistes est contre-indiquée
à la pression atriale gauche, la régurgitation commence. dans ces cas en raison du risque d’induire une décom-
Lorsqu’elle devient finalement supérieure à la pression pensation rapide de la pathologie.
aortique, la valve aortique s’ouvre et l’éjection d’un VES
moindre se produit.
On peut donc en conclure que toute augmentation Cardiomyopathie dilatée
de la pression aortique retarde l’ouverture de la valve
aortique, et laisse donc plus de temps pour la régurgi- Chez les chiens atteints de cardiomyopathie dilatée
tation mitrale, risquant par là même une aggravation de (CMD), la paroi du ventricule gauche est affinée et sa
la fuite mitrale et une décompensation de la pathologie. contractilité est très diminuée.
En revanche, une baisse de la pression aortique a l’effet Il faut porter une attention particulière à la recherche
inverse, et favorise l’éjection d’un volume sanguin plus de signes de congestion veineuse, d’œdème pulmonaire
adapté à chaque systole. ou d’épanchement pleural. Les traitements médicaux
Le but premier du protocole anesthésique est donc de ces conditions doivent être mis en place avant
dans ce cas d’abaisser la postcharge, soit les résistances l’anesthésie.
vasculaires périphériques. Ces patients sont également très fréquemment sujets
Pour conserver le débit cardiaque chez un patient aux arythmies, d’origine atriale ou ventriculaire, avec
atteint d’insuffisance mitrale, il faut : une forte prévalence de fibrillation atriale. Un examen

EMC - Vétérinaire 9
AN 0430  Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie

ECG préalable à l’anesthésie est donc fortement conseillé pourtant difficile à établir, avec des cas fréquents de mala-
et le traitement de ces arythmies doit être réalisé avant die occulte. Le seul symptôme peut être une mort subite
l’anesthésie. au cours de l’anesthésie.
La baisse du débit cardiaque chez les patients atteints Des facteurs aggravants peuvent se développer dans des
de CMD est liée à la baisse de contractilité cardiaque. La situations où la FC et la contractilité sont augmentées tel
loi de Frank-Starling ne s’applique pas chez ces patients, qu’un SAM qui obstrue partiellement l’éjection du sang
pour qui une augmentation du volume ventriculaire dias- au cours de la systole. Cette situation est favorisée par
tolique provoque une décompensation. Il s’agit donc de forts gradients de pression entre la chambre de chasse
d’une maladie de surcharge volumique. du ventricule gauche et l’aorte, soit des situations où la
Les buts du protocole anesthésique sont donc : postcharge est diminuée.
• FC : à maintenir, car le débit cardiaque ne peut Chez ces patients, la contractilité cardiaque est très
pas être augmenté par un VES augmenté. Attention : augmentée grâce à l’hypertrophie du muscle cardiaque
éviter toute tachycardie, qui peut facilement déclen- gauche. En revanche, cette paroi ventriculaire hypertro-
cher l’apparition d’arythmies telles que la fibrillation phiée devient moins élastique et la cavité ventriculaire
atriale ; est rétrécie et rigide. De plus, le même nombre de
• précharge : elle doit être maintenue, grâce à la perfu- vaisseaux coronaires doit vasculariser une quantité
sion de fluides, mais à un rythme faible (3 à 5 ml/kg de muscle cardiaque bien plus importante. Le temps
par heure) pour commencer, à surveiller de près et à de diastole doit donc être favorisé pour favoriser la
adapter en fonction de l’évolution du patient ; perfusion du myocarde et le remplissage ventricu-
• contractilité : il faut absolument favoriser la contrac- laire.
tilité cardiaque, et s’assurer d’une bonne oxygénation La recherche de signes d’une décompensation car-
cardiaque (temps de diastole) ; diaque doit là aussi être méticuleuse. Chez les patients
• postcharge : à maintenir ou réduire faiblement, pour déjà traités, les traitements doivent être maintenus, mais
favoriser le travail cardiaque et réduire le besoin en lors de traitements aux bêtabloquants une attention par-
oxygène du myocarde ; ticulière doit être portée au maintien de la FC au cours
• arythmies : très fréquentes. Si une fibrillation atriale est de l’anesthésie.
déjà présente avant l’anesthésie, un traitement médi- Les buts du protocole anesthésique doivent donc être :
cal doit être commencé. Sinon, traiter lorsqu’elles ont • FC : empêcher une forte diminution de la FC, car le
des conséquences hémodynamiques. D’une manière VES est fixé par la rigidité du ventricule et dépend donc
générale, il faut favoriser une bonne perfusion et oxy- principalement de la FC. La tachycardie doit être abso-
génation cardiaque pour limiter leur apparition. lument évitée car elle induit une forte augmentation
Le protocole anesthésique doit donc favoriser la du travail du cœur, et donc de sa consommation en
contractilité cardiaque et ne pas sensibiliser aux aryth- oxygène ;
mies. Ces patients peuvent mourir brutalement au cours • précharge : elle doit être maintenue ;
de l’anesthésie et une bonne préparation est obligatoire. • contractilité : elle peut supporter une dépression ;
La prémédication peut comprendre un opioïde, et si • postcharge : le cœur hypercontractile peut supporter
nécessaire une faible dose d’acépromazine pour amé- une augmentation de la postcharge. Une augmen-
liorer la sédation, diminuer modérément les résistances tation de la postcharge permet même de réduire le
vasculaires périphériques et pour son potentiel antiaryth- gradient entre la chambre de chasse du ventricule et
mique. l’aorte, et de limiter l’apparition d’un SAM ;
Il y a une contre-indication majeure à l’usage des • arythmies : une attention particulière doit être portée
alpha-2 agonistes qui augmentent les résistances vas- pour réduire les risques de déséquilibre entre apport et
culaires périphériques, augmentent fortement le travail demande en oxygène du myocarde afin de réduire le
cardiaque, diminuent la FC, et sont pro-arythmiques ! risque d’apparition d’arythmies. Il faut donc favoriser
Une préoxygénation doit être réalisée, pendant cinq l’apport en oxygène et limiter le travail du cœur.
minutes avec un masque à oxygène, en raison de la faible Le protocole anesthésique peut donc contenir :
réserve cardiovasculaire de ces patients et de la poten- • prémédication : les alpha-2 agonistes peuvent être
tielle décompensation pulmonaire. utilisés, car ils augmentent la postcharge. La dose uti-
Pour l’induction de l’anesthésie, une attention majeure lisée doit être faible : entre 5 et 10 ␮g/kg par voie
doit être apportée à administrer les agents lentement et intramusculaire. À cette dose, les effets cardiovascu-
sans dépasser la dose minimale suffisante pour la procé- laires bénéfiques sont présents et la durée d’action
dure. L’étomidate doit être utilisé s’il est disponible. est faible (environ 30 minutes), ce qui permet un
Durant le maintien de l’anesthésie, l’isoflurane doit réveil tranquille sans antagonisation à l’atipamézole.
être préféré à l’halothane car son potentiel arythmo- En effet, le stress, par la décharge de catéchola-
gène est faible. Cependant, la pression artérielle doit mine, peut avoir des conséquences dramatiques sur
être surveillée attentivement, et l’utilisation d’un agent ces patients, tout comme l’atipamézole, antagoniste
inotrope tel que la dobutamine est presque obligatoire aux récepteurs alpha, qui provoque une vasodilatation
pour maintenir la contractilité cardiaque et la pres- périphérique et une hypotension massive après son
sion artérielle. En cas d’hypotension, l’administration administration ;
de bolus de fluides doit être réalisée uniquement si • préoxygénation : en raison de la demande accrue du
une hypovolémie est constatée, et l’administration de myocarde en oxygène, ainsi que du risque d’œdème
vasoconstricteurs est contre-indiquée, car ils peuvent pulmonaire subclinique, une préoxygénation doit être
entraîner une décompensation et une mort brutale du réalisée, mais uniquement si elle ne provoque pas de
patient. stress chez le patient ;
• induction : la kétamine doit être évitée en raison de
son action stimulante sur la contractilité et la FC ;
Cardiomyopathie hypertrophique • maintien : des anesthésiques inhalatoires peuvent être
utilisés sous réserve de monitorer la pression artérielle.
La CMH est une maladie cardiaque fréquente chez Le réveil, comme la période préopératoire, doit se pas-
les chats (cf. supra) et dont le diagnostic clinique est ser sans stress !

10 EMC - Vétérinaire
Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie  AN 0430

Tamponnade cardiaque manuelle, peut engendrer un shunt droite-gauche. En


cas d’œdème pulmonaire préexistant, une ventilation
Le péricarde est une membrane quasiment inextensible mécanique doit être utilisée, mais avec précaution ;
qui entoure le cœur. Si une masse ou un épanchement se • arythmies : le développement d’arythmies peut être
développent à l’intérieur du sac péricardique, cela pro- favorisé dans des situations d’hypoxie myocardique
voque une augmentation de la pression autour du cœur et le monitoring ECG est très important dans ces
et limite le remplissage de ses cavités. Cela réduit le cas. Si la procédure à effectuer est une embolisation
débit cardiaque gauche, et rend le débit cardiaque global pour la fermeture du canal artériel, la mise en place
complètement dépendant de la FC. d’antiarythmiques est préférable.
Les épanchements péricardiques doivent être drai- Le protocole anesthésique peut donc contenir :
nés avant l’anesthésie et en cas d’œdème pulmonaire • prémédication : le but de la prémédication est
des diurétiques peuvent être administrés avec précau- d’obtenir une sédation suffisante pour la mise en
tion avant l’anesthésie. Ces patients sont très sujets à place d’un cathéter intraveineux sans provoquer une
l’hypotension systémique, le but du protocole anesthé- vasodilatation importante, qui pourrait renverser le
sique doit donc être d’éviter absolument une réduction shunt vers un shunt droite-gauche. Un opioïde peut
de la FC et d’éviter une vasodilatation périphérique. être utilisé, tel que le butorphanol 0,2 mg/kg par
La ventilation mécanique, parce qu’elle augmente voie intramusculaire pour une procédure non inva-
fortement la pression intrathoracique, doit être évitée sive, ou bien la morphine ou la méthadone pour
autant que possible. une procédure plus invasive, telle qu’une stérilisa-
Ces patients sont critiques et doivent bénéficier d’un tion. Selon le degré de coopération de l’animal, une
monitoring complet, incluant des mesures de pression très faible dose de médétomidine peut être ajou-
artérielle, surveillance de la FC, de la fréquence respira- tée : 3 ␮g/kg par voie intramusculaire. L’utilisation
toire et de la saturation en oxygène de l’hémoglobine. d’acépromazine à très faible dose (10 à 15 ␮g/kg par
voie intramusculaire) peut être considérée, pour son
action antiarythmique ou pour éviter une forte hyper-
 Maladies cardiaques tension liée à l’administration de médétomidine ;
• induction : si la sédation obtenue est adéquate,
congénitales l’induction peut être réalisée à l’aide de kétamine à
Persistance du canal artériel faible dose (1 mg/kg par voie intraveineuse) associée
à du propofol à effet. De cette façon, la dose de propo-
La persistance du canal artériel est une maladie le fol administrée est réduite au minimum, ainsi que la
plus fréquemment diagnostiquée chez le jeune, avec la baisse de pression artérielle associée ;
présence d’un souffle cardiaque majeur, et d’un pouls • maintien : le maintien de l’anesthésie peut être réalisé
synchrone et bondissant. Lorsque cette affection est com- avec un agent inhalatoire tel que l’isoflurane. Cepen-
pensée, lors de chaque systole une partie du VES shunte dant, l’isoflurane possède un effet vasodilatateur très
de l’aorte vers le tronc pulmonaire. Il en résulte un shunt important et il est donc très important de ne pas le
gauche-droite : une partie du sang oxygéné retourne dans surdoser. On rappelle que la concentration alvéolaire
la circulation pulmonaire où une surcharge volumique minimale de l’isoflurane chez le chien est de 1,3 % pen-
se développe. Dans les cas les plus graves, le shunt peut dant la procédure chirurgicale ; une bonne analgésie
être droite-gauche : une partie du sang désoxygéné passe est indispensable de façon à pouvoir réduire la quantité
donc directement dans l’aorte, sans avoir été chargé en d’isoflurane nécessaire. Pour les praticiens utilisant des
oxygène dans la circulation pulmonaire. Ces cas pré- pousse-seringue ou des pompes à perfusion, il est pos-
sentent souvent une très forte intolérance à l’effort avec sible de réaliser une perfusion continue de médétomi-
des épisodes cyanotiques très fréquents. Ils peuvent aussi dine à faible dose (0,5 ␮g/kg par heure) dans un volume
présenter une polycythémie compensatrice. de perfusion très faible (1 ml/kg par heure) : elle assure
Les buts du protocole anesthésique sont donc : la préservation du tonus vasculaire systémique et amé-
• FC : elle doit être maintenue, de préférence. Ces liore l’analgésie. Elle permet également de réduire
patients sont le plus souvent jeunes, et le maintien de fortement la quantité d’isoflurane nécessaire ;
leur débit cardiaque est fortement dépendant de leur • monitoring : chez ces patients, la mesure de la pres-
FC ; sion artérielle est indispensable, ainsi que l’utilisation
• précharge : ces patients sont souvent hypotendus, à d’un pulsoxymètre pour mesurer la saturation de
cause du shunt. Il faut maintenir la précharge pour l’hémoglobine en oxygène. La présence d’un assistant
un bon remplissage ventriculaire, mais c’est une mala- évaluant la profondeur anesthésique en permanence
die de surcharge volumique. La perfusion durant est aussi indispensable ;
l’anesthésie doit donc être monitorée de près, et la plus • réveil : si la chirurgie ne vise pas à emboliser ou à ligatu-
faible possible ; rer le shunt, le monitoring doit être maintenu durant
• contractilité : il faut favoriser la contractilité cardiaque, la phase de réveil. La phase de réveil doit se passer dans
surtout dans des cas de surcharge volumique avancée ; le calme, et le patient doit être extubé sans provoquer
• postcharge : il est important de comprendre que la de toux, qui augmenterait la pression artérielle pulmo-
direction du shunt (droite-gauche ou gauche-droite) naire et pourrait engendrer un shunt droite-gauche.
dépend de l’équilibre entre les pressions dans le tronc Si un alpha-2 agoniste tel que la médétomidine a été
pulmonaire et dans l’aorte. Si la pression aortique dimi- intégré au protocol anesthésique, il est contre-indiqué
nue, le shunt droite-gauche est favorisé, et le patient de l’antagoniser : l’anagoniste produit une profonde
développe très vite une hypoxémie. Si la pression aor- vasodilatation périphérique qui provoquerait un
tique est augmentée, le shunt est gauche-droite, ce qui shunt droite-gauche pour une longue période.
est moins grave en termes d’oxygénation, mais risque
d’accélérer le développement d’un œdème pulmo- Sténose pulmonaire
naire. Attention aussi à la pression pulmonaire : tout
ce qui entraîne une augmentation de la pression arté- Lors de sténose pulmonaire, une obstruction au niveau
rielle pulmonaire, tel que la ventilation mécanique ou de la valve pulmonaire empêche l’éjection normale du

EMC - Vétérinaire 11
AN 0430  Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie

le plus précisément et le plus rapidement possible, et

“ Point important l’anesthésiste qui peut se concentrer sur la surveillance


des signes vitaux du patient, offre les meilleures condi-
tions pour l’anesthésie de ces patients critiques.
Les protocoles proposés ici sont des lignes de pensée,
Conduite à tenir
et il faut bien rappeler que le choix du protocole anesthé-
En cas de cyanose au cours de la procédure, et si sique doit se faire après l’évaluation complète du patient,
le patient respire, il est contre-indiqué de le venti- le jour de l’anesthésie, et en fonction des éléments cli-
ler manuellement. Pour se prévenir de l’apparition niques qu’il présente.
d’une hypoxémie, il est important que le patient
reçoive de l’oxygène pur pendant l’anesthésie,
et de garder l’anesthésie aussi superficielle que
possible pour que le patient respire spontané-
ment. Toute ventilation manuelle produirait une
“ Points essentiels
augmentation de la pression pulmonaire, et un • Diagnostic précis de la maladie cardiaque et de
shunt droite-gauche qui est totalement contre- ses conséquences.
productif pour améliorer l’oxygénation. • Mise en place d’un traitement médical adapté
et stabilisé avant l’anesthésie.
• Éviter toute situation de stress.
sang du ventricule droit lors de la systole. La pression • Utiliser un protocole d’anesthésie balancé.
au sein du ventricule droit est donc augmentée, ce qui • Utiliser une analgésie multimodale et adaptée
provoque à terme une insuffisance valvulaire tricuspide à l’intensité de la douleur liée à la procédure.
et une dilatation de l’atrium droit. • Surveillance anesthésique maximale.
De même que pour les autres cardiopathies, les signes • Fluidothérapie à évaluer en fonction de chaque
d’insuffisance cardiaque droite doivent être traités avant
l’anesthésie. D’autre part, c’est une maladie à surcharge
patient.
de pression. Le patient peut donc supporter la perfu-
sion à un débit nécessaire pour maintenir la pression
artérielle : en cas de surperfusion, on observe un épan-
chement abdominal.
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
Le protocole anesthésique doit donc :
d’intérêts en relation avec cet article.
• soutenir la contractilité cardiaque ;
• maintenir la FC ;
• maintenir la précharge qui est le garant d’un bon rem-  Références
plissage ventriculaire.
La ventilation mécanique ou manuelle doit également [1] Brodbelt D, Pfeiffer D, Young L, Wood J. Risk factors for
être évitée afin de ne pas encore augmenter la pression anaesthetic-related death in cats: results from the confidential
intrathoracique. enquiry into perioperative small animal fatalities (CEPSAF).
Br J Anaesth 2007;99:617–23.
[2] Paige CF, Abbott JA, Elvinger F, Pyle RL. Prevalence of
 Conclusion cardiomyopathy in apparently healthy cats. J Am Vet Med
Assoc 2009;234:1398–403.
[3] Kittleson MD, Kienle RD. Small animal cardiovascular
L’anesthésie du patient présentant une cardiopathie medicine. St Louis: CV Mosby; 1998.
est donc un acte délicat, dont le succès repose sur [4] Mayet J, Hughes A. Cardiac and vascular pathophysiology
un diagnostic précis, une bonne connaissance de la in hypertension. Heart 2003;89:1104–9.
pathophysiologie de la maladie cardiaque, ainsi que des [5] Owens WD, Felts JA, Spitznagel Jr EL. ASA physical status
molécules utilisées. L’utilisation d’un monitoring le plus classifications: a study of consistency of ratings. Anesthesio-
complet possible est indispensable afin de pouvoir trai- logy 1978;49:239–43.
ter les complications au plus tôt et d’éviter les accidents
anesthésiques. Néanmoins, la présence d’une personne
entraînée à l’anesthésie est fortement conseillée. Une Pour en savoir plus
bonne répartition des tâches, entre le chirurgien qui peut Chronic heart failure, Washington course : http://courses.
se concentrer uniquement sur la réalisation de son acte washington.edu/conj/heart/heartfailure.htm.

C. Marly, Ancienne interne de l’ENVA, résidente en anesthésie ([email protected]).


Equine Department, Section Anesthesiology, Vetsuisse Faculty, Zürich, Winterthurerstrasse 260, 8057, Zürich, Suisse.
L. Zilberstein, Maître de conférences en anesthésie et réanimation.
Service d’anesthésie, École nationale vétérinaire d’Alfort, 7, avenue du Général-de-Gaulle, 94700 Maisons-Alfort, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Marly C, Zilberstein L. Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie.
EMC - Vétérinaire 2014;11(4):1-12 [Article AN 0430].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

12 EMC - Vétérinaire
 AN 0500

Anesthésie des petits mammifères


de compagnie
D. Boussarie

Cet article décrit les protocoles anesthésiques relatifs aux petits mammifères de compa-
gnie pouvant couramment être mis en œuvre par le praticien afin de réaliser des
examens diagnostiques (radiographies, échographies), divers prélèvements ou inter-
ventions chirurgicales. Il aborde les nouveaux protocoles anesthésiques et nouvelles
molécules apparues sur le marché (anesthésiques, analgésiques, anti-inflammatoires), le
monitoring opératoire, les techniques d’intubation trachéale notamment chez le lapin, le
sondage nasogastrique et les autres techniques de réanimation parentérale. Cet article
se concentre sur le lapin et les rongeurs de compagnie. Les protocoles relatifs au furet et
aux autres espèces ne nécessitent pas de réactualisation et sont détaillés dans d’autres
articles de ce traité.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Anesthésie ; Petits mammifères ; Analgésie ; Lapin ; Rongeurs

Plan  Lapin de compagnie


■ Introduction 1 L’anesthésie du lapin est délicate à mettre en œuvre
■ Lapin de compagnie 1
d’une façon générale [1] . Un certain nombre de problèmes
Spécificités et contraintes physiologiques 1
pratiques sont représentés par la nature hautement stres-
Mesures préanesthésiques 2
sable du lapin (Fig. 1), sa physiologie digestive bien
Gestion de l’anesthésie 8
particulière, sa sensibilité à certaines substances anes-
Soins postopératoires 16
thésiques, sa prédisposition à l’hypothermie per- et
postchirurgicale.
■ Rongeurs de compagnie 18
Mesures préopératoires 18
Contention préopératoire 18 Spécificités et contraintes
Préparation de l’anesthésie 19
Conduite de l’anesthésie 21
physiologiques
Soins postopératoires 27 Les spécificités sont très importantes et elles repré-
■ Conclusion 29 sentent des contraintes qui rentrent en ligne de compte
pour la réussite d’une intervention (Tableau 1).
Le lapin de compagnie est sujet à l’hypothermie per-
et postopératoire, ce qui rallonge le temps de réveil et
expose à des complications postopératoires. Les pertes
de sang, les fluides administrés et les gaz anesthésiques
 Introduction favorisent aussi ce refroidissement corporel [2, 3] .
L’intubation trachéale est difficile pour des raisons
Le praticien doit fréquemment avoir recours dans sa anatomiques (ouverture buccale très limitée, grosse tubé-
pratique de la médecine et de la chirurgie des petits rosité linguale).
mammifères de compagnie à l’anesthésie ou à la séda- La musculature gastrique est fine, ce qui favorise le
tion pour effectuer les interventions chirurgicales, les tympanisme abdominal qui lui-même entrave les mou-
divers prélèvements (sang, urines, épanchements), la vements respiratoires.
pose de cathéters ou pour la réalisation de l’imagerie Le métabolisme basal est élevé, ce qui augmente les
(radiographies, échographie, résonance magnétique et doses anesthésiques nécessaires et diminue leur durée
tomodensitométrie). d’action.

EMC - Vétérinaire 1
Volume 13 > n◦ 3 > août 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S1283-0828(16)52957-3
AN 0500  Anesthésie des petits mammifères de compagnie

mais aussi les jours immédiats qui suivent l’intervention


en raison de la douleur et du stress engendrés. Il est
vivement conseillé d’hospitaliser le lapin opéré jusqu’à
la reprise du transit digestif, la reprise de l’appétit et la
confirmation de l’absence de fièvre. Une bonne gestion
de l’analgésie per- et postopératoire est essentielle [4, 5] .

Mesures préanesthésiques
Préparation à l’intervention
Hospitalisation
Une anesthésie effectuée sur un lapin venant d’être
transporté, parfois sur une longue distance, présente a
priori des risques importants, surtout par temps chaud
ou orageux, ou inversement par temps froid. Il est donc
conseillé d’hospitaliser le lapin la veille de l’intervention,
pour ne pas intervenir sur un animal stressé, en le
maintenant dans une pièce de préférence spécifique aux
nouveaux animaux de compagnie, calme et bien venti-
Figure 1. Le lapin est hypersensible au stress. lée, sombre, à l’écart des chiens agités ou aboyeurs. Il peut
être utile de placer à la demande du propriétaire dans
la cage du patient le congénère avec lequel il cohabite,
Tableau 1. et de mettre dans la cage des tissus ou serviettes impré-
Principaux paramètres physiologiques du lapin de compagnie. gnées de son odeur. On doit mettre aussi à sa disposition
Poids adulte moyen une litière propre, de l’eau fraîche et sa nourriture habi-
- mâle 900–1200 g tuelle. Le Tableau 1 indique les principaux paramètres
- femelle 900–1200 g physiologiques.
Longueur du corps (queue ≤ 21 cm Diète préopératoire
comprise)
Le lapin ne peut pas vomir ; il n’existe donc pas de
Longévité 10 (8–13) ans risques de pneumonie par fausse aspiration. Une absence
Température corporelle 38,8 ± 0,6◦ C complète de diète n’est pas souhaitable car un volume
Durée moyenne du sommeil 8 heures, par petites séquences gastrique important est une cause de variation dans
Nombre de chromosomes 44
l’effet de la dose anesthésique ; il a également tendance à
comprimer le diaphragme et à entraver les mouvements
Âge de la maturité sexuelle respiratoires. Inversement une diète prolongée est dan-
- mâle 5–6 mois
gereuse ; elle favorise l’arrêt du transit digestif et peut
- femelle 3–5 mois
générer une hypoglycémie qui a de grandes chances de
Consommation d’aliments 50–60 g/kg de poids/jour provoquer rapidement une ischémie cérébrale résultant
(en matière sèche) d’un arrêt cardiaque ou respiratoire. Une diète modérée
Consommation d’aliments 2–3 % du poids du corps/jour va réduire le tympanisme abdominal [6] .
complets En pratique, une diète hydrique de 2 à 4 heures réalisée
Consommation d’eau 50–100 ml/kg de poids/jour à la clinique est suffisante dans la plupart des cas, en ne
Durée du transit intestinal 4–5 heures laissant à disposition que du foin et de l’eau. Cette diète
(crottes dures) peut être éventuellement portée à six voire huit heures
Durée du transit intestinal 8–9 heures
lors d’une intervention de laparotomie pour diminuer le
(cæcotrophie)
volume du gros intestin.
Débit cardiaque 140 ml/min Antibiothérapie prophylactique
Durée circulatoire 4,5–6,8 s Elle n’est utile que s’il existe des risques significatifs de
Fréquence cardiaque 270 (120–330) bpm
contamination bactérienne peropératoire (abcès bucco-
dentaire, trichobézoard, occlusion intestinale, etc.), ou si
Fréquence respiratoire 53 (38–66) mouvements/min
l’on intervient sur un sujet infecté ou suspect de l’être
Volume sanguin total 70 ml/kg de poids (présence de Pasteurella notamment). Les fluoroquino-
Pression artérielle moyenne 80–91 mmHg lones sont intéressantes pour leur sécurité d’emploi et
Pression systolique par 93–99 mmHg leur large spectre, mais elles sont inefficaces contre les
télémétrie germes anaérobies. Le métronidazole ou une pénicilline
Pression systolique par 120–180 mmHg naturelle doivent leur être préférés pour une intervention
Doppler buccodentaire [7, 8] .
Pression diastolique 64–75 mmHg
Évaluation du patient
Examen clinique préopératoire
La consommation en oxygène est élevée, ce qui dimi- Un examen clinique préopératoire complet doit être
nue la tolérance à l’hypoxémie. Une apnée entraîne réalisé. Une affection digestive se traduisant par un
très rapidement une hypoxie myocardique et un risque arrêt de transit ou une diarrhée (stase gastrique, tricho-
d’arrêt cardiaque. Une bonne oxygénation peropératoire bézoard, stase cæcale, entéropathie) ou une infection
est donc indispensable. respiratoire (coryza, pneumopathie) doivent faire diffé-
Le risque anesthésique augmente avec la longueur de rer l’intervention, car elles risquent d’être à l’origine
l’intervention. Ce risque concerne le temps chirurgical, d’accidents anesthésiques per- et postopératoires.

2 EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie  AN 0500

“ Point important
Principaux paramètres de la digestion du
lapin [5]
• Consommation de nourriture (en granulés) : 30
à 50 g/kg de poids par jour.
• Consommation d’eau : 50 à 100 ml/kg de poids
par jour.
• Durée du transit intestinal (crottes dures) : 4 à
5 heures (la formation des crottes dures est syn-
chrone de la prise de nourriture).
• Durée du transit intestinal (cæcotrophie) : 8 à
9 heures.
• Quantité de crottes dures excrétées : 5 à
18 g/kg de poids par jour. Figure 2. Prélèvement de sang à la veine cave antérieure chez
• Quantité de cæcotrophes réabsorbée : 50 à un lapin.
60 g/j.
• Durée de la cæcotrophie matinale : 2 à
Tableau 2.
3 heures. Principaux paramètres hématologiques et biochimiques du
• Quantités d’urines émises : 10 à 35 ml/kg de lapin de compagnie à prendre en compte avant une anesthé-
poids par jour. sie [5] .
• Volume gastrique : 50 à 150 ml.
Érythrocytes (106 /mm3 ) 5,1–7,9
• pH gastrique : 1 à 4.
Hémoglobine (g/dl) 10–17,4
• Nombre de repas par jour : 40.
Hématocrite (%) 33–50
Réticulocytes (%) 1,5–4
Leucocytes (10 3 /mm3 ) 2–15
Une attention toute particulière doit être apportée à Thrombocytes (103 /mm3 ) 125–650
l’examen des narines : tout jetage ou toute souillure séro- Volume sanguin (ml/kg) 57–65
muqueuse ou mucopurulente doit faire suspecter une Vitesse de sédimentation (mm/h) 1–3
infection respiratoire, notamment à Pasteurella multo-
Glucose (g/l) 0,75–1,55
cida. De nombreux lapins peuvent ainsi présenter une
infection pulmonaire occulte qui les prédispose aux Urée (g/l) 0,13–0,30
arrêts respiratoires lors d’anesthésie. Le propriétaire doit Créatinine (mg/l) 5–25
être prévenu du risque anesthésique, des risques de Calcium (mg/l) 55–125
complications postopératoires et des éventualités d’une Protéines totales (g/l) 54–83
récupération longue et aléatoire.
Il existe d’importantes variations des valeurs hématologiques selon
Bilan préanesthésique les individus et selon les auteurs.
Un bilan sanguin biochimique, voire hématologique
et biochimique, doit être effectué lorsqu’on intervient Les clichés thoraciques face et profil permettent de déce-
sur un lapin déshydraté, anorexique, présentant un état ler les foyers infectieux subcliniques, les pneumopathies
général dégradé ou des lésions abcédées. Le prélèvement (Fig. 3), les lésions pulmonaires métastatiques, les cardio-
de sang peut être réalisé à la veine de l’oreille, à la mégalies anormales. Les clichés digestifs peuvent mettre
veine saphène externe ou de préférence à la veine cave en évidence des stases digestives gazeuses (Fig. 4) ou par
antérieure (Fig. 2) si on veut recueillir rapidement une surcharge, des images d’iléus qui peuvent faire différer ou
quantité suffisante de sang sans coagulation de celui-ci. annuler l’intervention.
En pratique, on retient l’hématocrite, la glycémie, les Un bilan cardiaque (électrocardiographie voire écho-
protéines totales et les constantes rénales (urée, créati- cardiographie) est indiqué en cas de souffle cardiaque,
nine) (Tableau 2). Une hypoglycémie, une insuffisance d’arythmie auscultatoire ou de fatigue anormale rappor-
rénale et une déshydratation doivent être impérative- tée par le propriétaire. Un électrocardiogramme (ECG)
ment corrigées avant toute intervention chirurgicale. La réalisé à partir de l’application AliveECGV et téléchar-
numération-formule sanguine a un intérêt limité. Un gée sur un portable iPhone® est très pratique d’emploi
hématocrite inférieur à 20 % doit certes faire différer une (Fig. 5).
anesthésie, mais la numération et la formule leucocy-
taire du lapin se caractérisent par de grandes variations Préparation du patient
physiologiques. Néanmoins, il existe une population
majoritaire de lymphocytes ; la proportion de neutro- Contention préopératoire
philes augmente lors d’infection alors que celle de Le lapin de compagnie est un animal hautement stres-
lymphocytes diminue. sable (Fig. 1), aux réactions souvent imprévisibles. Il faut
Un bilan d’imagerie est aussi recommandé. Des clichés allier calme, douceur et fermeté de la contention. Le lapin
radiographiques doivent impérativement être réalisés si ne doit pas être saisi brutalement par les oreilles, en raison
le propriétaire signale des problèmes respiratoires (éter- d’un risque de réflexe otocardiaque mortel. Les conten-
nuements, toux, dyspnée) ou digestifs (diarrhées, absence tions drastiques doivent être proscrites ; elles peuvent être
de crottes, crottes petites et sèches dites de « souris »). à l’origine de mort brutale. Il convient de prévenir tout

EMC - Vétérinaire 3
AN 0500  Anesthésie des petits mammifères de compagnie

mouvement intempestif et imprévisible durant la période


d’induction, le rachis étant fragile, et de ce fait exposé à
des traumatismes médullaires ou rachidiens. Pour cela,
une ou deux mains doivent toujours être placées sur le
dos pour éviter les bonds et les ruades (Fig. 6). Les injec-
tions intramusculaires doivent toujours être effectuées
avec des aiguilles fines (Tableau 3).

Figure 3. Pneumopathie bilatérale chez un lapin.

Figure 5. Enregistrement électrocardiographique à l’aide de


l’application AliveECG Vet sur un lapin.

Figure 4. Stase digestive complète chez un lapin. Figure 6. Contention du lapin à deux mains.

Tableau 3.
Sites d’injection et formats d’aiguille conseillés chez le lapin et les rongeurs de compagnie [2, 5] .
Espèce Lapin Cobaye, chinchilla, Rat Hamster Souris, gerbille,
octodon, chien de écureuil de Corée
prairie
Injection sous-cutanée Abdomen, flanc Flanc, abdomen Flanc, cou Flanc, abdomen Flanc, cou
Aiguille 6/10 6/10 6/10 4/10 4/10
Injection Lombes, cuisse Cuisse (quart Cuisse Cuisse Cuisse
intramusculaire (quart antéroexterne), lombes,
antéroexterne) anconés
Aiguille 6/10 6/10 6/10 4/10 4/10
Injection Ombilic Ombilic Ombilic Ombilic Ombilic
intrapéritonéale
Aiguille 6/10 6/10 6/10 5/10 5/10
Injection Veine de l’oreille a Veine céphalique a Veine saphène externe a Veine jugulaire a Veine saphène a
intraveineuse Veine céphalique a Veine saphène externe Veine pénienne Veine saphéne Veine latérale de la
Veine jugulaire Veine de l’oreille Veine latérale de la Veine céphalique queue
queue
Aiguille 4/10 4/10 4/10 4/10 4/10
a
Sites préférentiels.

4 EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie  AN 0500

Figure 7. Cathéter posé à la veine céphalique chez un lapin. Figure 9. Pose d’une aiguille 25 × 8/10 pour perfusion
intraosseuse dans le tibia proximal sur un lapin.

Les substances indiquées pour la tranquillisation ou la


prémédication figurent dans le Tableau 4.
La tranquillisation est intéressante pour effectuer de
petites interventions du type prélèvement de sang ou
d’urines, radiographies, échographie, coupe de griffes.
Elle permet également la pose d’un cathéter intraveineux
(cf. supra), d’induire une anesthésie gazeuse et d’obtenir
une sédation sur les lapins en état critique, avec un
minimum d’effets cardiodépresseurs. Certains produits
sont devenus obsolètes. C’est le cas de l’acépromazine
(0,1–0,5 mg/kg par voie sous-cutanée) qui favorise la
vasodilatation périphérique et facilite la pose d’un cathé-
Figure 8. Cathéter posé à la veine de l’oreille chez un lapin. ter, mais qui est rarement utilisée aujourd’hui car il ne
comporte pas d’antidote et ses effets sont prolongés [2] .
Le propofol utilisé en perfusion procure une sédation
Mise en place d’une voie veineuse profonde, au prix d’une hypoxie et d’une hypertension
Un cathéter intraveineux de 24G (0,7 × 19 mm) est marquées, mais son action est fugace [5] . Son emploi est
avantageusement mis en place (avant ou après induction peu recommandé chez le lapin, mises à part les interven-
de l’anesthésie), surtout dans les interventions impor- tions césariennes [4, 5] .
tantes, à la veine radiale antérieure (Fig. 7) ou à défaut Une prémédication de qualité associe un sédatif (mida-
à la veine marginale de l’oreille [9] (Fig. 8). Il permet zolam, médétomidine, kétamine à faible dose) et un
l’administration des anesthésiques fixes, et surtout les analgésique morphinique (butorphanol, buprénorphine,
perfusions de solutés pendant et après l’intervention. morphine). Le midazolam présente une grande sécu-
Cette voie veineuse est également essentielle pour main- rité d’emploi chez le lapin [11] . Son administration par
tenir une pression artérielle efficace, restaurer la volémie voie intramusculaire procure une bonne myorelaxa-
en cas de perte sanguine et administrer des molécules en tion qui favorise la contention, la mise en place d’un
cas d’urgence. cathéter ou la réalisation d’une radiographie ou d’une
échographie. Son administration par voie intraveineuse
À défaut d’une voie veineuse, un cathéter intraosseux
procure une sédation profonde pendant une dizaine
peut également être mis en place [9] . Il présente l’avantage
de minutes. On associe utilement le midazolam et le
d’utiliser une voie plus accessible que la voie veineuse
butorphanol (Tableaux 4 et 5). Les analgésiques opia-
(avec un temps d’accès inférieur à 90 secondes contre 2
cés procurent une analgésie puissante et une bonne
à 6 minutes pour la seconde, pour un opérateur expéri-
myorelaxation, mais leurs effets secondaires sont à sur-
menté) [5, 10] . La technique consiste après une anesthésie
veiller (arrêt de transit digestif, dépression respiratoire)
locale facultative de l’extrémité proximale du tibia en
(Tableau 5).
flexion (Fig. 9) ou de la fosse sous-trochantérienne (infil-
Les alpha-2-agonistes (médétomidine, xylazine) sont
tration de 1 ou 2 ml de xylocaïne à 2 %), à la mise en
intéressants car leur action est marquée et ils disposent
place d’une aiguille à aspiration de moelle 22G × 30 mm.
d’un antidote (l’atipamézole). La posologie conseillée
On peut à défaut utiliser une aiguille hypodermique
en prémédication est de 100 ␮g/kg de médétomidine et
25 mm × 8/10 ou 25 mm × 9/10. Contrairement à ce qui
10 mg/kg de kétamine, avant un relais gazeux au masque
est constaté chez le chien, aucune nécrose médullaire
ou après intubation endotrachéale (qui est possible avec
n’est observée dans les conditions normales d’asepsie.
cette prémédication). Ces produits ont un effet sédatif,
Prémédication et analgésie préopératoires mais ils n’empêchent pas le lapin de réagir en cas de
Le but de la tranquillisation ou de la prémédication est stimulus douloureux ou désagréable.
d’abaisser l’excitation du système nerveux cérébrospinal Le lapin de compagnie a peu de sécrétions salivaires
et végétatif. Le lapin de compagnie est particulièrement et bronchiques, et il est par ailleurs souvent habitué à
sensible aux perturbations neurovégétatives, et il est sujet être manipulé. Une prémédication à l’aide des anticho-
en cas d’excitation brutale aux laryngospasmes et aux linergiques peut cependant être utile pour diminuer les
bronchospasmes ainsi qu’aux problèmes cardiaques (dys- sécrétions salivaires et surtout prévenir les effets brady-
rythmies, arrêt cardiaque). cardisants des alpha-2-agonistes, mais la majorité des

EMC - Vétérinaire 5
AN 0500  Anesthésie des petits mammifères de compagnie

Tableau 4.
Principaux tranquillisants et agents préanesthésiques utilisables chez le lapin de compagnie.
Produit Posologie Voie Remarques
Anticholinergiques
Atropine 0,1–1 mg/kg s.c., i.m. Réduit les sécrétions salivaires et bronchiques
À administrer 20 minutes avant l’anesthésie
Protège le cœur des inhibitions vaguales
Les atropinases nécessitent des réinjections toutes les 10 à
15 minutes
Préférer le glycopyrrolate
Glycopyrrolate 0,01–0,02 mg/kg (soit s.c., i.m., i.v. lente Neutralise les bradycardies induites par les ␣2-mimétiques,
(Robinul V® ) 0,05–0,1 ml/kg 15–20 min diminue les sécrétions salivaires, pharyngées et
avant l’induction trachéobronchiques.
anesthésique) Effet vagolytique et antisialagogue plus puissant et plus
prolongé que l’atropine
Contre-indications : hypersensibilité reconnue, gestation,
insuffisance rénale grave
Incomptabilités chimiques : solution bicarbonatée, Ringer
lactate, benzodiazépines, dérivés de la phénothiazine
Neuroleptiques
Acépromazine 0,1–1 mg/kg s.c., i.m., i.v. Tranquillisation modérée, pas d’effet analgésique
Prédispose à l’hypothermie et à l’hypotension
Bonne myorelaxation si associée avec le butorphanol
Chlorpromazine 1–10 mg/kg i.m., i.v. À éviter, risques de nécrose locale
Benzodiazépines
Diazépam 1–5 mg/kg p.o., s.c., i.v. Tranquillisation modérée
Bonne myorelaxation
Utiliser une dose forte chez les races naines (jusqu’à 10 mg/kg)
Risque de choc lors d’induction i.v.
Douleur, risques de mauvaise absorption et nécrose
musculaire par voie i.m.
Midazolam 0,5–2 mg/kg i.v., p.o., i.m. Bonne sédation et myorelaxation, pas d’effet analgésique
(Hypnovel® ) a 1–2 mg/kg Bonne diffusion tissulaire car hydrosoluble/peu
(Versed® ) b potentialisateur
Bonne potentialisation avec kétamine, butorphanol,
médétomidine
Alpha-2-agonistes
Xylazine 1–5 mg/kg i.m. Risques de bradycardie grave (effet inotrope négatif),
d’arythmie cardiaque, de vasoconstriction
Risques de dépression respiratoire
Myorelaxant
Action analgésique centrale modérée
Antidote : atipamézole, yohimbine
Médétomidine 250 ␮g/kg s.c., i.m. Le lapin reste sensible aux bruits
Bonne sédation, myorelaxation et analgésie
Antidote : atipamézole i.v., s.c., i.m. Même volume que
médétomidine
Neuroleptanalgésie
Fentanyl/dropéridol a 0,15–0,44 ml/kg i.m., i.p. Neuroleptanalgésie, le lapin reste sensible aux stimuli auditifs
Bonne analgésie, bradychardie possible, injection douloureuse
Antidote : naloxone 0,1 mg/kg i.v.
Risques de nécrose musculaire

i.m. : voie intramusculaire ; i.v. : voie intraveineuse ; p.o. : per os ; s.c. : voie sous-cutanée.
a
Médecine humaine, milieu hospitalier.
b
Officine.

lapins possèdent des atropinases endogènes spécifiques longue et douloureuse (chirurgie buccodentaire, chi-
qui obligent à renouveler fréquemment les injections rurgie gastro-intestinale et gynécologique). On utilise
d’atropine. C’est pourquoi il est préférable d’utiliser le en pratique principalement la morphine, la buprénor-
glycopyrrolate (0,01 à 0,02 mg/kg) qui n’est pas neutra- phine ou le butorphanol [12–20] . Les anesthésiques locaux
lisé et assure une bonne protection cardiaque contre les sont intéressants mais largement sous-employés. Leur
inhibitions vagales [5, 6] . mode d’action périphérique dépend de la concentra-
Les analgésiques doivent être administrés une demi- tion au site d’injection, ce qui permet de s’affranchir de
heure à une heure avant l’intervention, en même considérations pharmacocinétiques complexes. Les doses
temps que les agents de prémédication. Ils sont tou- habituellement préconisées sont 5 mg/kg pour la lido-
jours recommandés, et impératifs en cas de chirurgie caïne et 2 mg/kg pour la bupivacaïne [21] .

6 EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie  AN 0500

Tableau 5.
Principaux analgésiques utilisables chez le lapin de compagnie.
Opioïdes
Buprénorphine 0,01–0,05 mg/kg/6–12 h s.c., i.m., Analgésique de routine, action plus durable que
pendant 24–48 h i.v. lente la morphine
En moyenne 0,05 mg/kg/6 h Risque moindre de dépression respiratoire,
hypotension et iléus qu’avec la morphine
Pic pharmacocinétique atteint à 0,05 mg/kg
Utilisable en cas de stase digestive
Forte affinité avec les récepteurs ␮
Ne pas associer avec un autre opioïde
À utiliser dans les douleurs moyennes à
modérées non susceptibles d’augmenter
Butorphanol 0,1–0,5 mg/kg/4–6 h s.c., i.m., i.v., Analgésique, sédation légère, action plus courte
perfusion continue Moins analgésique mais plus sédatif que la
buprénorphine
À utiliser dans les douleurs modérées
Peut être utilement associé au midazolam
Fentanyl (Fentanyl® ) a 25 ␮g/h × 3 j Locale Timbre transdermique (lapins > 3 kg)
2,5 ␮g/kg s.c., i.m., i.v. Durée d’action courte 20 min et dépression
0,5 ␮g/kg/h i.v. respiratoire marquée à haute dose nécessitant
une ventilation assistée
Hydromorphone (Sophidone® ) a 0,05–0,2 mg/kg/8–12 h s.c., i.m.
Mépéridine (Démérol® , 5–10 mg/kg/2–3 h s.c., i.m.
Péthidine® ) a
Morphine 1–2 mg/kg/2–4 h s.c., i.m., i.v. lente Agoniste ␮ et ␬
Risques de dépression respiratoire et d’iléus
intestinal à forte dose (5 mg/kg)
Risques d’apnée si administration i.v. lente
Nalbuphine (Nubain® ) a 1–2 mg/kg/4–5 h s.c., i.m., i.v.
Oxymorphone b 0,05–0,2 mg/kg/8–12 h s.c., i.m.
Pentazocine (Fortal® ) a 5 mg/kg/2–4 h s.c., i.m., i.v.
Tramadol (Topalgic® ) 4 mg/kg i.v. Antalgique niveau 2
10 mg/kg p.o. Effet opioïde (agoniste des récepteurs ␮) et
monoaminergique central (inhibition du
recaptage de la noradrénaline et de la
sérotonine, agoniste des récepteurs
␣2-adrénergiques)
Peu de données disponibles
Anti-inflammatoires non stéroïdiens
Acide acétylsalicylique 50–100 mg/kg/6–12 h s.c., p.o.
Acide tolfénamique 2–4 mg/kg/24 h s.c. 3 jours maximum
Carprofène 2–4 mg/kg/12 h p.o.
1,5–2 mg/kg/24 h s.c.
1–2 mg/kg/24 h i.v.
Flunixine méglumine 0,3–2 mg/kg/8–12 h s.c., i.m. Analgésique, anti-inflammatoire anti-cox2 et
anti-cox1
Prévention des entéropathies
Ne pas utiliser avec les corticoïdes
Utilisable avec la buprénorphine
3 jours maximum
Ibuprofène 2–5 mg/kg/6–8 h p.o.
Kétoprofène 1–3 mg/kg/12–24 h i.m.
Méloxicam 0,5–1 mg/kg/12–24 h p.o., s.c. Bien toléré
Indiqué dans les douleurs modérées
Peut être associé avec profit avec les
morphiniques
Insuffisant si iléus paralytique
Variations individuelles très importantes
Paracétamol a 200–500 mg/kg p.o.
1–2 mg/ml d’eau de boisson
Paracétamol/codéine a 200/12 mg/kg p.o.
Piroxicam (Feldène® , Piroxicam® ) 0,2 mg/kg/8 h p.o.

EMC - Vétérinaire 7
AN 0500  Anesthésie des petits mammifères de compagnie

Tableau 5.
(suite) Principaux analgésiques utilisables chez le lapin de compagnie.
Autres analgésiques
Kétamine 0,3–0,4 mg/kg/h i.m., i.v. Effet 4–6 heures
Médétomidine 80–100 ␮g/kg s.c., i.m. ␣2-agoniste
Sédative et analgésique
Effets cardiovasculaires marqués
(bradycardie, baisse du débit cardiaque)
Peut être employée en microdoses ou en
perfusion continue
Xylazine 4–5 mg/kg s.c., i.m. ␣2-agoniste/sédative et analgésique
Protocoles analgésiques dans les chirurgies lourdes
Fentanyl a 0,3–0,4 mg/kg/h en perfusion i.v. Anesthésie dissociative
continue i.v.
Kétamine 0,1–0,3 mg/kg/h en perfusion
continue i.v.
Médétomidine 10–20 ␮g/kg/4–6 h en bolus i.m.,
i.v.
Fentanyl a 3 ␮g/kg i.v. En perfusion continue à débit constant
Kétamine 0,3 mg/kg 24 heures en postopératoire
Lidocaïne 1 mg/kg
Anesthésiques locaux
Bupivacaïne 1 mg/kg Épidurale Diluer dans une solution saline, ne pas
dépasser 2 mg/kg ou 0,33 ml/kg
Anesthésie locale Castration : 0,1 ml de bupivacaïne + 0,1 ml
de lidocaïne + 0,8 ml de Nacl : 0,1 ml du
mélange dans chaque testicule
Lidocaïne 1,5 % 0,4–1 ml/kg Épidurale Ne pas dépasser 4 mg/kg
Anesthésie locale
0,3–0,4 mg/kg/h i.v.
2–4 mg/kg en bolus i.v.
Morphine 0,1 mg/kg Épidurale Diluer dans une solution saline
Ne pas dépasser 0,33 ml/kg

i.m. : voie intramusculaire ; i.v. : voie intraveineuse ; p.o. : per os ; s.c. : voie sous-cutanée.
Paliers de la douleur selon la classification de l’OMS et choix des antalgiques. Palier 1 : antalgiques à action périphérique/douleur légère à modérée :
paracétamol ; anti-inflammatoires non stéroïdiens. Palier 2 : antalgiques opiacés faibles/douleur modérée à sévère et/ou en cas d’échec des antal-
giques de palier 1 : codéine ; dextropropoxyphène ; tramadol ; butorphanol. Palier 3 : antalgiques opiacés forts/douleur sévère et/ou en cas d’échec des
antalgiques de palier 2 : morphine ; pentanyl ; oxymorphe ; hydromorphe ; buprénorphine ; péthidine.
a
Produits de médecine humaine.
b
Non commercialisé en France.

Les analgésiques sont indiqués dans le Tableau 5. Anesthésiques fixes


Les anesthésiques gazeux halogénés sont indispen-
Préparation du matériel sables si l’on doit anesthésier régulièrement des lapins.
Cependant, les anesthésiques fixes sont intéressants pour
Il est impératif de préparer l’ensemble du matériel opé-
la chirurgie buccodentaire (extractions dentaires, parages
ratoire à l’avance pour intervenir sereinement. Le plateau
dentaires, traitements des abcès). Ils sont utiles en prémé-
anesthésique doit comporter le matériel de cathétérisa-
dication pour induire une anesthésie gazeuse. Ils peuvent
tion, de perfusion, de tonte et d’intubation le cas échéant,
aussi être utilisés, à défaut d’anesthésie gazeuse, pour
ainsi que les produits de prémédication et d’induction de
effectuer une intervention majeure telle que castration
l’anesthésie, et la trousse d’urgence.
des mâles et des femelles, chirurgie abdominale ou uri-
naire, chirurgie orthopédique. Ils n’offrent cependant
Gestion de l’anesthésie pas la souplesse d’emploi et la sécurité des anesthésiques
gazeux halogénés.
Principaux anesthésiques utilisables
Le lapin est une espèce plutôt réfractaire à la plupart
L’anesthésie du lapin doit procurer une bonne narcose, des anesthésiques fixes et l’utilisation de ces substances
une bonne myorelaxation, une bonne analgésie, mais ne donne pas toujours satisfaction. Il existe une grande
aussi une souplesse et une sécurité d’emploi lors d’une variation de sensibilité selon les molécules et les effets
intervention longue [22] . Les gaz anesthésiques halogénés sont parfois imprévisibles. Il peut exister un grand temps
sont très peu analgésiques et ils présentent un risque de latence et la dose correcte est difficile à ajuster. Dans
non négligeable de dépression respiratoire lorsqu’on tous les cas, il est impératif d’endormir le lapin dans une
recherche une anesthésie profonde. Il est donc impéra- ambiance calme et d’éviter les réinjections qui peuvent
tif de les associer à d’autres molécules, anesthésiques ou se potentialiser dangereusement.
analgésiques, qui vont en potentialiser les effets, présen- Les alpha-2-agonistes sont les plus intéressants en
ter de préférence un antidote et permettre de les utiliser pratique. La médétomidine (250–300 ␮g/kg) ou la xyla-
dans leur zone de sécurité [22, 23] . zine (3–5 mg/kg) associées à la kétamine (20 mg/kg) en

8 EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie  AN 0500

injection intramusculaire permettent une anesthésie chi- alpha-2-mimétiques associés à la kétamine (médétomi-
rurgicale de bonne qualité, à la condition d’être précédées dine/kétamine ou xylazine/kétamine, cf. supra) peut
d’une bonne analgésie. La médétomidine est antagonisée être utilement réalisée, sans être systématique.
après l’intervention par l’atipamézole, en pratique avec L’intubation endotrachéale est possible mais difficile
un volume égal de celui de la médétomidine (dosée à chez le lapin [5, 25] . Le lapin doit être positionné en décu-
1 mg/kg) [5, 6, 24] . bitus sternoabdominal, tête en extension (Fig. 12). Il est
La kétamine seule ou le tilétamine-zolazépam donnent judicieux de pratiquer une anesthésie locale de surface
des résultats inconstants et ne procurent qu’une faible (du type Tronothane® ou solution de lidocaïne à 10 %)
analgésie, qui se traduit par une hyperesthésie cutanée. avant intubation pour éviter un laryngospame. On utilise
L’induction intraveineuse est possible, mais elle pré- une sonde trachéale de 2,5 mm de diamètre sans ballon-
sente des risques d’apnée. Les barbituriques doivent être net (Fig. 13, 14). Une alternative intéressante consiste à
évités. La dose anesthésique du pentobarbital sodique utiliser le dispositif V-gel® [26] .
intraveineux est de 30 mg/kg (20 mg/kg à l’induction), Les anesthésiques gazeux sont utilisables en pratique
mais la marge de sécurité est très faible puisque la dose avec un jeu de masques anesthésiques, transparents de
létale 50 (DL50) est de 50 mg/kg par voie intraveineuse. préférence, reliés à l’appareil d’anesthésie fonctionnant
Le thiopental sodique procure à la posologie de 30 à en circuit ouvert. On peut à la rigueur en l’absence de
40 mg/kg une anesthésie de 5 à 10 minutes, suffisante masque adéquat confectionner un masque souple en uti-
pour l’intubation, mais avec des risques de dépression lisant un gant chirurgical en latex que l’on coupe au
respiratoire. La kétamine par voie intraveineuse peut être niveau d’un doigt pour y faire pénétrer l’extrémité du
utilisée à la dose de 10 à 20 mg/kg, mais cette utilisation circuit anesthésique, la tête du lapin étant placée dans le
est dangereuse, la DL50 étant de 60 mg/kg. Les anesthé- gant par l’ouverture proprement dite.
siques ultrarapides (propofol, alfaxalone) sont à réserver Afin de limiter les risques d’hypoxémie, il est utile
à la réalisation d’une intubation trachéale. de bien oxygéner le lapin au masque pendant plusieurs
Les principaux anesthésiques fixes sont indiqués dans minutes avant la mise en route des gaz anesthésiques.
le Tableau 6. La tête du lapin doit être placée légèrement en hauteur
et en extension afin de dégager les voies respiratoires
Anesthésiques gazeux supérieures, d’éviter un repli voire une fermeture de la
L’anesthésie gazeuse est à privilégier. Souple, sûre et trachée et de prévenir une compression des viscères sur
profonde, elle permet un réveil rapide. On peut l’utiliser le diaphragme.
de deux façons : Les anesthésiques gazeux halogénés utilisables sont
• soit en anesthésie flash de courte durée pour de petites (Tableau 6) :
interventions ; • l’isoflurane : 4 % voire 5 % à l’induction, puis 1 à
• soit en anesthésie chirurgicale. 2 % à l’entretien, associé à l’oxygène (débit 2 l/min
La préoxygénation des patients est bénéfique, notam- à l’induction, puis 0,5 à 1 l/min) et sans protoxyde
ment pour les sujets très stressés, dyspnéiques ou pour les d’azote. Ce produit est certainement un des meilleurs
sujets de petite taille difficiles à intuber. Les bronchodila- sur le marché, avec une induction rapide et un réveil
tateurs sont préconisés par certains auteurs pour réduire presque instantané, en relation avec sa très grande
le laryngospasme et accroître le volume ventilatoire. Les volatilité et sa faible absorption sanguine. En outre,
bêta-agonistes telle la terbutaline doivent néanmoins être il n’est pas toxique pour l’opérateur. Néanmoins, la
utilisés avec précaution sur les sujets nerveux ou stressés. bradycardie et la dépression respiratoire induites sont
L’anesthésie flash gazeuse est utilisée sans prémédica- parfois importantes. Dans le cas d’une prémédica-
tion préalable. Elle est utile pour réaliser certains examens tion avec le mélange alpha-2-agoniste/kétamine, on
complémentaire (prélèvements, radiographie, échogra- doit démarrer avec une faible concentration de 0,5 %
phie, examen de la cavité buccale). Elle offre l’avantage que l’on augmente ensuite progressivement et à la
d’une récupération rapide et totale, donc de permettre au demande, sous peine d’avoir une apnée prolongée et
lapin de repartir à la fin de la consultation. dangereuse [6] ;
Cependant, sa phase d’induction est très stressante • le sévoflurane, également très efficace et non toxique
pour l’animal qui a tendance à se débattre, avec des mais plus coûteux, nécessite une plus grande concen-
risques de lésions vertébrales ou de chute de la table. tration à l’induction ;
On peut utiliser une cage d’induction ou appliquer un • l’halothane : 3 à 4 % à l’induction, puis 1 à 2 % à
jeu de masques sur la tête (Fig. 10), puis le museau l’entretien. Ce produit, tout en étant très efficace, est
(Fig. 11) du lapin enveloppé dans une serviette. On doit potentiellement toxique pour l’opérateur et moins sûr
procéder graduellement pour éviter toute réaction de (induction et réveil plus longs, syncopes difficilement
défense incontrôlée. Après avoir positionné un masque rattrapables). Il n’est plus guère utilisé.
de bonne taille sur la tête du lapin, on administre de Les concentrations moyennes requises pour obtenir
l’oxygène pur avec un débit de 2 l/min, puis on com- une anesthésie correcte en entretien sont de 2,07 % pour
mence l’induction avec une concentration de gaz à 2 %. l’isoflurane et de 1,42 % pour l’halothane.
On augmente ensuite progressivement la concentration Le Tableau 7 indique quelques protocoles anesthé-
jusqu’à 4 % voire 5 % jusqu’à la perte de l’équilibre, siques utilisables en pratique.
puis on la diminue en utilisant des masques plus
petits [5, 6] .
Si on met en place directement un masque avec dif-
Précautions anesthésiques
fusion du gaz à forte concentration, le lapin retient sa Le lapin est très sensible à l’hypothermie chirurgicale
respiration devant l’odeur désagréable du gaz jusqu’à ce peropératoire et postopératoire, ainsi qu’au collapsus car-
qu’il ne puisse plus résister et il l’inhale brusquement. Il diovasculaire [27–30] . Pour éviter ces complications parfois
en résulte un bronchospasme et une réaction brutale du mortelles, il est conseillé de respecter les règles suivantes :
lapin qui peut effectuer de ruades dangereuses pour son • utiliser un tapis chauffant en plastique (ou à défaut
rachis. une bouillotte, une serviette chaude ou un embal-
Une induction avec la kétamine (15 mg/kg), le lage à bulle) placé sur la table d’opération pendant
tilétamine-zolazépam (10 mg/kg), mais surtout les toute la durée de l’intervention. Les tapis chauffants

EMC - Vétérinaire 9
AN 0500  Anesthésie des petits mammifères de compagnie

Tableau 6.
Anesthésiques généraux utilisables chez le lapin [5] .
Produit Posologie Remarques
Anesthésiques fixes, chirurgie légère
Alphaxalone (Alphaxan® ) Prémédication : 5–10 mg/kg (0,5–1 ml/kg) Anesthésique d’induction préalable à une anesthésie par
i.v. lente inhalation
Une seconde réinjection à la même Ne pas associer avec d’autres anesthésiques en i.v. lente
posologie est réalisable si l’intubation Risques d’apnée à l’induction
endotrachéale n’est pas possible Risques de dépression respiratoire à dose élevée ou lors d’une
Entretien en bolus toutes les 10 minutes : intervention longue
0,16–0,18 ml/kg sans prémédication Intubation endotrachéale recommandée
0,11–0,13 ml/kg avec prémédication Innocuité démontrée avec acépromazine, atropine, diazépam,
␣2-agonistes, opiacés, AINS
Kétamine Non recommandée seule Absence de myorelaxation
Épileptogène (élévation de la pression intracrânienne)
Augmente les sécrétions salivaires et bronchiques
Ne pas utiliser seule, utilisation i.v. dangereuse
DL50 : 60 mg/kg i.v.
Kétamine + acépromazine 25–40 + 0,5–1 mg/kg i.m. Analgésie modérée
Bonne myorelaxation
Association intéressante avec butorphanol
Kétamine + diazépam 10–15 mg/kg + 0,3–0,5 mg/kg En induction d’anesthésie gazeuse
20–30 mg/kg + 0,5 mg/kg Anesthésie générale, en induction d’anesthésie gazeuse
Utilisable en dentisterie (avec ou sans anesthésiques gazeux)
Pentobarbital sodique 30 mg/kg (20 mg/kg à l’induction) i.v. Déconseillé, anesthésie à risque
stricte DL50 : 50 mg/kg i.v.
Anesthésie 5 à 10 min, suffisante pour intubation
Mauvaise analgésie
Effet hypothermisant et dépresseur cardiorespiratoire
Irritant en périveineux
Propofol (Rapinovet® ) 8–10 mg/kg i.v. Anesthésie légère et de courte durée (5 min), réveil rapide
Réinjections possibles
Risques de dépression cardiaque si injection trop rapide
Intéressant pour une opération césarienne
Thiopental sodique 30–40 mg/kg i.v. stricte Déconseillé, anesthésie à risque
(Nesdonal® ) Anesthésie 5 à 10 min, suffisante pour intubation
Mauvaise analgésie
Effet hypothermisant et dépresseur cardiorespiratoire
Irritant en périveineux
Tilétamine-zolazépam 10 mg/kg (5–20) i.m. Hyperesthésie cutanée persistante
(Zoletil® ) Faible et courte myorelaxation
Risques de néphrotoxicité
Anesthésiques fixes, chirurgie lourde
Médétomidine + kétamine 250–300 ␮g/kg Anesthésie chirurgicale de bonne qualité avec
± diazépam 20 mg/kg s.c., i.m. immobilisation, analgésie et myorelaxation
Au réveil 1 mg/kg Risques de dysrythmie cardiaque et de dépression respiratoire
Atipamézole 625–725 ␮g/kg s.c., i.m. Utilisable en dentisterie (parages dentaires, extractions
En pratique, même volume que dentaires, abcès buccodentaires) et chirurgie viscérale
médétomidine
Xylazine + kétamine 4–5 mg/kg + 20 mg/kg i.m. Bonne anesthésie et analgésie, action plus courte
Mêmes indications que ci-dessus
Anesthésiques gazeux
Halothane 4–5 % à l’induction Circuit ouvert ou semi-ouvert
1–2 % à l’entretien Possibilité d’induction avec kétamine (15 mg/kg) ou
tilétamine-zolazépam (10 mg/kg)
Isoflurane Concentration Circuit ouvert
4–5 % à l’induction Possibilité d’induction avec kétamine (15 mg/kg),
1–2 % à l’entretien tilétamine-zolazépam (10 mg/kg) ou de préférence
Débit d’oxygène médétomidine + kétamine (100 ␮g/kg + 10 mg/kg)
2 l/min à l’induction
1–2 l/min entretien
Sévoflurane Concentration Circuit ouvert
5–6 % à l’induction Phase d’induction plus rapide qu’avec isoflurane
2–3 % à l’entretien Possibilité d’induction avec kétamine (15 mg/kg),
Débit d’oxygène tilétamine-zolazépam (10 mg/kg) ou de préférence
2 l/min à l’induction médétomidine + kétamine (100 ␮g/kg + 10 mg/kg)
1–2 l/min entretien

i.m. : voie intramusculaire ; i.v. : voie intraveineuse ; AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens ; DL50 : dose létale 50.

10 EMC - Vétérinaire
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“ Point fort
Dispositif V-gel®
Il s’agit d’un dispositif supraglottique issu de la
recherche en médecine humaine qui permet une
alternative non traumatisante à l’intubation endo-
trachéale toujours délicate chez le lapin.
Le dispositif peut se mettre en place rapide-
ment chez le lapin, facilement, de façon fiable et
sans stress pour l’utilisateur. Après lubrification et
application d’un gel lubrifiant, il est introduit dans
la cavité buccale et poussé jusqu’à rencontrer une
résistance.
Le dispositif V-gel® présente de nombreux avan-
tages : Figure 10. Induction de l’anesthésie au masque sur un lapin.
• mise en place rapide : huit secondes en
moyenne chez le lapin. La pose est guidée par
l’extrémité distale du dispositif qui entre dans
l’œsophage, et par sa forme ergonomique qui
assure le blocage au niveau des piliers du voile
du palais ;
• positionnement stable sans risque de rotation
ou de retrait en cours d’utilisation. Son extré-
mité souple épouse la forme du pharynx de
façon étanche et atraumatique, ce qui permet
l’étanchéité des voies respiratoires, et il obstrue
de façon atraumatique l’œsophage ;
• dispositif atraumatique pour les voies respira-
toires (pharynx, larynx, trachée), ce qui garantit
une récupération postopératoire de qualité sans
risques de spasmes laryngés ni de sténose tra-
chéale ;
Figure 11. Relais avec un masque plus petit sur un lapin.
• passage d’air maximal, ce qui facilite la respira-
tion/ventilation sans occasionner de surpression.
Le canal rigide de V-gel® résiste à l’écrasement et
le diamètre de la trachée n’est pas réduit par le
passage de la sonde endotrachéale ;
• excellente étanchéité. L’orifice du dispositif se
positionne en regard du larynx, qu’il ne touche
pas (ce qui évite le réflexe de spasme laryngé). La
non-pénétration dans la trachée évite les lésions
traumatiques de la trachée (que l’on peut pro-
voquer lors d’intubation endotrachéale chez le
lapin), ainsi que les infections respiratoires.
Le dispositif est réutilisable ; il est stérilisable par
autoclave à 121 ◦ C et résiste à plus de 40 stéri-
lisations. Il existe six modèles non pourvus d’un
ballonnet gonflable pour lapins en fonction de la
taille de l’animal.
Son facteur limitant est représenté par son coût
élevé et la nécessité de vérifier le positionnement Figure 12. Intubation endotrachéale à l’aveugle chez un
du dispositif si le lapin est changé de position. lapin.
De légers déplacements peuvent en effet compro-
mettre la qualité de la ventilation. L’utilisation
d’un capnographe est vivement conseillé pour • utiliser des champs stériles transparents pour visualiser
s’assurer du bon positionnement de la sonde [27] . les mouvements respiratoires sans avoir à soulever le
champ. Ils permettent de surveiller l’apparition d’un
ralentissement respiratoire important ou d’une apnée ;
• éviter les tontes étendues qui suppriment en partie la
métalliques sont déconseillés car trop puissants, à couche isolante de poils ;
moins d’assurer une protection thermique avec une • éviter les larges désinfections à l’alcool qui abaissent la
serviette épaisse ; température corporelle ;

EMC - Vétérinaire 11
AN 0500  Anesthésie des petits mammifères de compagnie

Figure 15. Monitoring respiratoire apAlert® .

Figure 13. Sonde endotrachéale en place sur un lapin anes-


thésie en décubitus dorsal.

Figure 16. Monitoring préparé en vue d’anesthésie avec


sonde trachéale, apAlert® et électrocardiogramme.

Il est pourvu d’une alarme réglable de température


minimale et maximale qui permet de contrôler la tem-
pérature corporelle ;
• un oxymètre portable (du type Oxymètre Palmsat
200 Vet® ou Oxymètre PM-60Vet® ), qui permet de
mesurer la saturation en oxygène de 0 à 100 (oxymétrie
de pouls). Un capteur placé le plus souvent sur l’oreille
Figure 14. Lapin intubé pour examen tomodensitogra- (mais aussi la langue, l’extrémité de la patte, la queue,
phique. les organes génitaux ou la région périnéale) mesure la
saturation de l’hémoglobine en oxygène dans le sang
artériel. Lorsque tous les récepteurs de l’hémoglobine
• mettre en place une perfusion intraveineuse ou sont occupés par l’oxygène, la saturation est de 100 %.
intraosseuse ; Ce paramètre permet donc de juger de l’apport en oxy-
• réchauffer les liquides de perfusion, de rinçage et de gène aux tissus. Un oxymètre de pouls du type Nellcor
réhydratation (avec un réchauffeur de perfusion type N85® offre une lecture précise et fiable de la saturation
Vet Temp® ou au micro-onde en position décongéla- en oxygène, même à faible débit ou si le lapin est agité ;
tion), ainsi que les tubulures de perfusion (avec une • un capnographe, qui mesure le gaz carbonique (CO2 )
bouillote ou un gant en latex rempli d’eau chaude). inspiré et expiré (capnométrie). Il permet la détection
D’autres mesures sont très utiles mais elles nécessitent d’une apnée et la mesure d’une pression partielle en
un équipement plus sophistiqué (Tableau 8) [5, 6] : CO2 de 0 à 75 mmHg. Il nécessite une intubation car le
• un monitoring cardiaque (du type Silogic EC 60® ou taux de CO2 des gaz respiratoires est mesuré à la sortie
VetSpecs® ) avec affichage de l’électrocardiogramme. de la sonde trachéale. Cependant, placé sur un masque,
Ce monitoring doit être capable d’enregistrer des il permet de surveiller la fréquence respiratoire, même
signaux de faible amplitude et de fréquence très éle- si la mesure du CO2 n’est plus possible. La capnogra-
vée. L’application AliveECG Vet téléchargeable sur un phie renseigne sur la ventilation, la circulation, mais
iPhone® est très pratique d’emploi, sans avoir recours également sur le fonctionnement du circuit. L’alerte
à un investissement coûteux (Fig. 5) [31] ; est plus précoce qu’avec l’oxymétrie de pouls ;
• un stéthoscope œsophagien amplifié ; • un combiné oxymètre-capnomètre (du type
• un monitoring respiratoire électronique (du même Nonin 9847V® ), qui permet l’affichage digital de
type Silogic EC 60® , MK 4 ou apAlert® ) (Fig. 15, 16) ; la saturation d’oxygène et de la fréquence cardiaque ;
il ne peut fonctionner correctement que si le poids du • un moniteur multiparamétrique (type appareils
lapin est supérieur à 250 g ; iPM8® , VetSpecs® , BM3 plus VVet® ou Life Scope® ),
• un monitoring thermique : un thermomètre relié à qui offre l’avantage d’assurer le monitorage combiné
une sonde thermométrique mesure en permanence la de nombreux paramètres : ECG, fréquence respira-
température rectale (appareil type Arvard Apparatus® ). toire, température, oxymétrie de pouls, capnographie

12 EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie  AN 0500

Tableau 7.
Quelques exemples de protocoles anesthésiques chez le lapin.
Protocole 1 a
T0 Buprénorphine 0,0 3 mg/kg s.c., i.m. Indications : chirurgie légère
T + 20 min Médétomidine (M) 125 ␮g/kg i.m.
Kétamine 10 mg/kg i.m.
Postopératoire Atipamézole Même volume (M) s.c., i.m.
Méloxicam injectable 0,3 mg/kg s.c.
Protocole 2 b
T0 Morphine 1 mg/kg s.c., i.m. Indications : chirurgie buccodentaire et viscérale
T + 30-60 min Médétomidine (M) 300 ␮g/kg i.m. Remarques : bonne anesthésie, bonne analgésie, anesthésie
réversible
Kétamine 20 mg/kg i.m.
Postopératoire Atipamézole Même volume (M) s.c., i.m.
Méloxicam injectable 0,5 mg/kg s.c.
Protocole 3 c
T0 Butorphanol 0,5 mg/kg s.c., i.m. Indications : examens, procédures non invasives (prélèvements,
Midazolam 0,5 mg/kg i.m. pose cathéter, radiographie, échographie)
Remarques :
effets prolongés (6 heures)
Protocole 4 c
T0 Butorphanol 0,5 mg/kg i.m. Indications : procédures peu invasives (sutures, abcès, parage
dentaire), imagerie
Midazolam 0,5 mg/kg i.m. Remarques : réversibilité rapide, pouvoir analgésique faible
T+ 20 min Isoflurane 2,5 %
ou sévoflurane 3%
Postopératoire Méloxicam 0,2-0,5 mg/kg s.c., i.m.
Protocole 5 c
T0 Buprénorphine 0,03 mg/kg s.c., i.m. Indications : anesthésie chirurgicale, chirurgie de convenance
T + 30-60 min Médétomidine (M) 200 ␮g/kg i.m. Remarques : induction rapide, anesthésie réversible
La médétomidine peut être remplacée par la xylazine
Kétamine 5 mg/kg i.m.
(4 mg/kg) : induction plus longue (20 min), anesthésie plus
Postopératoire Atipamézole Même volume (M) courte (30 min), effets cardiodépresseurs plus importants
Méloxicam 0,3 mg/kg Un complément par anesthésie gazeuse est parfois nécessaire
Protocole 6 c
T0 Buprénorphine 0,03 mg/kg s.c., i.m. Indications : anesthésie chirurgicale, chirurgie orthopédique
Méloxicam 0,3 mg/kg s.c., i.m. Remarques : protocole stable, bonne myorelaxation, anesthésie
longue durée
T + 30 min Kétamine 10 mg/kg i.m.
Midazolam 0,5 mg/kg i.m.
Protocole 7 c
To Morphine 0 :5-1 mg/kg s.c., i.m. Indications : protocole voisin du protocole 6
T + 30 min Médétomidine 200 ␮g/kg i.m. Remarques : réversibilité, cardiodépresseur, bradycardisant,
apnée possible, bonne oxygénation nécessaire
Midazolam 1 mg/kg i.m.
Postopératoire Atipamézole Idem volume (M)
Méloxicam 0,2-0,5 mg/kg

s.c. : voie sous-cutanée ; i.m. : voie intramusculaire.


a
Quinton, 2009.
b
Boussarie, 2007.
c
Hyunh, 2010, modifié Boussarie, 2013.

« sidestream », pression artérielle non invasive. Il • une pompe à perfusion : elle est particulièrement utile
permet un affichage digital de la saturation d’oxygène pour régler correctement le débit des liquides de per-
de 0 à 100 %, ainsi que de la fréquence cardiaque de fusion et éviter ainsi une hyperhydratation qui peut
18 à 450 battements par minute. Il permet aussi la rapidement s’installer. On peut utiliser à défaut un
détection d’une apnée et la mesure d’une pression de pousse-seringue ou un débit-mètre.
CO2 de 0 à 75 mmHg. Les résultats sont fiables sauf en
cas d’hypovolémie (Fig. 17) ;
• un mini-doppler continu (type Vet-Dopp® , Heska Cor-
poration ou Doppler Vet BP® ) : placé avec un brassard à Surveillance de l’anesthésie
la patte ou à l’oreille, il permet la mesure non invasive Un niveau d’anesthésie correcte doit être recherché
de la pression artérielle ainsi qu’un contrôle sonore de (Tableau 9). Il est matérialisé par une respiration ample,
l’activité cardiaque. Il est livré avec une sonde œsopha- régulière et bien rythmée. La surveillance peropératoire
gienne, une sonde de pression artérielle et une sonde doit être très poussée pour intervenir rapidement en cas
stylo pour auscultation ; de problème anesthésique (Fig. 18) [32] . Elle suppose une

EMC - Vétérinaire 13
AN 0500  Anesthésie des petits mammifères de compagnie

Tableau 8.
Intérêt et limites des moyens de monitoring et de quantification de la douleur chez les petits mammifères [5] .
Mesures Intérêt et limites
Fréquence et rythme cardiaque
Électrocardiographie Nécrose cutanée liée à l’emploi de pinces alligators sur la peau fine
de certains NAC (chinchilla, myomorphes)
Oxymétrie de pouls La fréquence cardiaque rapide peut limiter la fiabilité
La petite taille peut limiter l’utilisation
Risques d’écrasement de tissus minces avec la pince de transmission,
atténuant ainsi le signal pulsatile
Interférence possible avec des poils
Doppler ultrasonique Voir auscultation des battements cardiaques
Auscultation des battements cardiaques (stéthoscope externe, L’utilisation d’un stéthoscope œsophagien est corrélée avec une
stéthoscope œsophagien) intubation trachéale (difficile chez le lapin, impossible ou très
difficile chez les NAC de petite taille)
Observation visuelle et palpation des battements cardiaques Bon
Palpation du pouls périphérique Difficile sur les animaux de petite taille
Fréquence respiratoire
Auscultation respiratoire Bon
Fréquence respiratoire Bon
Pression artérielle
Cathéter artériel (mesure de la pression artérielle directe) Difficultés techniques liées au cathétérisme artériel chez la plupart
des NAC
Doppler ultrasonique (mesure de la pression artérielle indirecte) Manque de précision chez les PM de petite taille, le suivi des
tendances est plus important que les valeurs absolues obtenues
Le placement de la sonde peut nécessiter plusieurs essais avant
l’obtention d’une lecture appropriée
Matériel disponible mal adapté aux PM (sonde et brassard doivent
être suffisamment petits)

NAC : nouveaux animaux de compagnie ; PM : petits mammifères.

Tableau 9.
Niveaux de l’anesthésie chez le lapin de compagnie [2, 5] .
Niveau Caractéristiques
Léger Nystagmus
Mâchonnements
Relèvement de la tête
Raideur musculaire
Conservation du tonus des mâchoires
Correct Respiration ample et bien rythmée mais plus profonde et plus lente que sur un lapin vigile
Mouvements abdominaux plus prononcés
Fréquence respiratoire > 40 mouvements/minute
Fréquence cardiaque légèrement diminuée
Absence de retrait de la patte ou de l’oreille au pincement
Perte du tonus temporomaxillaire
Profond Respiration superficielle et intermittente
Augmentation de l’ouverture des paupières (anesthésie isoflurane)
Dangereux Respiration abdominale ample suivie d’apnée
Exophtalmie
Forte protrusion de la membrane nictitante
Mydriase
Disparition du réflexe cornéen (sauf en cas d’utilisation de la médétomidine)
Disparition du réflexe anal
Fréquence cardiaque diminuée < 150 bpm (gaz anesthésiques)
Fréquence cardiaque < 120 bpm (médétomidine)
Augmentation du temps de recoloration de la muqueuse labiale > 2 secondes

bonne connaissance des normes physiologiques cardio- • insensibilité au pincement des oreilles (stade III) ;
vasculaires du lapin (Tableau 10). • absence de retrait de la patte au pincement interdigité
(stade III) ;
Signes à rechercher à l’induction (Tableau 9) • abolition du réflexe d’extension au pincement de la
Ils sont : corde du jarret (stade III) ;
• insensibilité au pincement de la queue (stade II) ; • persistance du réflexe cornéen, mais ce signe n’est
• nystagmus (fin du stade II) ; pas fiable de manière entièrement satisfaisante et il

14 EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie  AN 0500

Tableau 10.
Normes physiologiques cardiovasculaires et respiratoires à
prendre en compte dans la surveillance de l’anesthésie chez le
lapin [5, 28, 33] .
Fréquence cardiaque 270 (120–330) bpm
Débit cardiaque 140 ml/min
Durée circulatoire 4,5 à 6,8 s
PA systolique sous isoflurane 90–150 mmHg
Volume sanguin 5–7 % du poids du corps
Fréquence respiratoire 53 (38–66) mouvements/min
SpO2 > 95 %
PCO2 30–45 mmHg
Température > 34 ◦ C

Figure 17. Monitoring multiparamétrique permettant la PA : pression artérielle ; SpO2 : saturation partielle en oxygène ; PCO2 :
surveillance d’un lapin qui a fait l’objet d’une intubation endo- pression en gaz carbonique ; bpm : battements par minute.
trachéale.
pestive des organes abdominaux en cours de chirurgie
viscérale. L’animal doit être réendormi au plus vite.
Retard au réveil
Le retard au réveil peut traduire un surdosage anes-
thésique, mais il est souvent révélateur d’un état
d’hypothermie postopératoire. Les anesthésiques fixes
possédant un antidote (alpha-2-agonistes) sont à privilé-
gier, car l’antidote est injecté dès la fin de l’intervention,
ce qui permet au patient de se réveiller d’autant plus vite.
Hypothermie (cf. supra)
Il faut, pour l’éviter, placer le lapin anesthésié sur un
tapis chauffant (ou à défaut une bouillotte, une ser-
viette chaude ou un emballage bulle). L’extériorisation
des viscères en cours d’intervention contribue aussi à
l’hypothermie ; elle doit s’accompagner d’une irrigation
de ces derniers avec une solution préalablement tiédie.
Arrêt respiratoire
Toute diminution de la fréquence respiratoire de plus
Figure 18. Monitoring chez un lapin avant ostéosynthèse. de 40 % en cours d’intervention est dangereuse. Un sur-
dosage anesthésique, une hypothermie peropératoire,
une intervention longue et choquante, une chirurgie
est variable selon les anesthésiques utilisés. Il persiste douloureuse, une flexion du cou (qui entraîne un cou-
effectivement avec la kétamine ou le tilétamine- dage de la trachée) peuvent être à l’origine d’une apnée.
zolazépam, mais il disparaît avec l’association Une diminution des risques d’apnée peropératoire est
médétomidine-kétamine ou les anesthésiques gazeux prévenue par un bon positionnement et une bonne oxy-
halogénés. génation du lapin. En cas d’apnée, l’anesthésie gazeuse
Signes inquiétants (Tableau 9) doit être arrêtée et l’anesthésie fixe reversée par un anta-
goniste spécifique si cela est possible (Tableau 11). Le
Les signes inquiétants sont le témoin d’un surdosage
lapin doit impérativement faire l’objet d’une ventilation
anesthésique ou d’un état de choc. Ils sont les suivants :
assistée le temps nécessaire ; cette ventilation est plus effi-
• abolition du réflexe cornéen (avec un anesthésique
cace si le lapin est intubé. La ventilation est pratiquée à
psychotrope dissociatif type kétamine) ;
une fréquence de 10 à 20 respirations par minute sous
• abolition du réflexe anal ;
une pression moyenne de 10 mmHg. Toute surpression
• cyanose des muqueuses et de la région labiale ;
est dangereuse. Le cas échéant, le doxapram (Dopram® 2-
• retard de recoloration de la muqueuse labiale (le temps
5 mg/kg par voie intraveineuse ou perlinguale) peut être
de recoloration doit être inférieur à 2 secondes) ;
utilisé. La compression manuelle du thorax s’avère en
• ralentissement cardiaque (la fréquence cardiaque au
pratique le plus souvent illusoire.
stade chirurgical est de l’ordre de 250 à 150 battements
par minute). Défaillance cardiaque
Les défaillances cardiaques sont souvent brutales et
Prévention et traitement des incidents dramatiques. Elles sont favorisées par l’état de stress, la
et des accidents anesthésiques chaleur, les surdosages anesthésiques, les pertes liqui-
diennes, les cardiopathies préexistantes, et il est de loin
Réveil peropératoire préférable de les prévenir plutôt que d’essayer de les trai-
Ce problème peut surtout se rencontrer avec une ter. Les principes de la réanimation sont semblables à
anesthésie fixe ou en anesthésie gazeuse lorsque la ceux pratiqués chez les carnivores domestiques [34–39] .
concentration en gaz est insuffisante. Il peut engen- Le volume de sang circulant est de l’ordre de
drer une perturbation dans les dispositifs opératoires 70 ml/kg de poids ; il en résulte que toute perte de
(champs, cathéters, perfusion), des défauts d’asepsie, et il sang conséquente est hautement préjudiciable. Pour
peut avoir pour conséquence une extériorisation intem- prévenir les défaillances cardiaques, si on utilise les

EMC - Vétérinaire 15
AN 0500  Anesthésie des petits mammifères de compagnie

Tableau 11.
Antidotes des anesthésiques et analeptiques respiratoires utilisables chez le lapin de compagnie.
Principe actif Posologie Type d’anesthésique Remarques
Atipamézole Même volume que Toutes anesthésies comprenant ␣2-antagoniste puissant et spécifique
(Antisedan® ) l’␣2-agoniste utilisé des ␣2-agonistes (xylazine, La posologie est égale au volume
s.c., i.m., i.p., i.v. médétomidine) d’␣2-agoniste utilisé
Buprénorphine 0,01–0,1 mg/kg Toutes anesthésies comprenant Action moins rapide que la naloxone mais
(Temgesic® ) s.c., i.m., i.v. lente des opiacés de plus longue durée
Doxapram 1 mg/kg (soit 0,1 ml/kg) Tous anesthésiques Analeptique respiratoire général per- et
(Dopram V® i.v., sublingual postopératoire
injectable) Renouvellement possible tous les 15–20 min
Ne pas mélanger avec des solutions alcalines
Naloxone 0,01–0,1 mg/kg i.m., i.v. Toutes anesthésies comprenant Inverse l’analgésie et la dépression
(Narcan® ) des opiacés (exemple : Fentanyl® ) respiratoire

i.m. : voie intramusculaire ; i.v. : voie intraveineuse ; i.p. : voie intrapéritonéale ; s.c. : voie sous-cutanée.

anesthésiques fixes, il est conseillé d’administrer le gly-


copyrrolate en prémédication, d’éviter les réinjections
successives et intempestives d’anesthésiques fixes en cas
de sédation insuffisante et d’assurer un apport liquidien
peropératoire (par voie intraveineuse, intraosseuse ou
intrapéritonéale).
Lors de survenue d’une défaillance cardiaque, on peut
essayer un massage cardiaque (60 à 80 compressions
par minute). L’usage de substances cardiotoniques est
possible mais délicat et souvent illusoire ; il nécessite
l’utilisation d’un monitoring cardiaque peropératoire
pour préciser la nature du problème cardiaque [5–7] .
On peut si cette condition est remplie utiliser, ou du
moins essayer, les substances suivantes selon la nature du
trouble cardiaque observé :
• bradycardie secondaire : injection d’atropine Figure 19. Lapin mis en cage chauffante.
(0,5–1 mg/kg) ou de préférence de glycopyrrolate
(0,01–0,02 mg/kg). L’atropine est déconseillée en rai-
son des atropinases sécrétées par le lapin qui obligent reprises [43, 44] . Il doit être placé de préférence en décubitus
à utiliser de fortes doses, mais celles-ci peuvent pro- sternal (pour limiter les efforts respiratoires), au calme, au
voquer une tachycardie marquée et des arythmies chaud et à l’obscurité dans une cage chauffante (Fig. 19),
ventriculaires ; à défaut dans une pièce de réveil chauffée à 28 à 30 ◦ C,
• arythmie : propranolol (0,1 mg/kg) ; équipée d’un réchauffeur d’air, sur des bouillottes ou
• tachycardie ventriculaire : lignocaïne (1–2 mg/kg) ; enveloppé de serviettes chaudes. En cas d’hypothermie
• extrasystoles ventriculaires : adrénaline (0,1 ml/kg importante, une soufflerie d’air chaud (Fig. 20) et une
d’une solution à 0,1 ‰) ; couverture de survie sont utiles. Dès l’apparition des pre-
• bloc cardiaque complet ou débit cardiaque faible : iso- miers signes de réveil (redressement de la tête, petits
prénaline (0,1 à 1 mg/min). mouvements), la température est abaissée à 25 ◦ C et le
Une absence de reprise de conscience qui dépasse lapin doit continuer à être réchauffé jusqu’à devenir nor-
quatre heures après la réanimation est d’un très mauvais motherme [5, 40] .
pronostic. Il en est de même pour une absence de réflexe Il faut veiller à ce que la cage chauffante ne soit
pupillaire après une journée de coma [34] . pas responsable d’une hyperthermie qui peut intervenir
rapidement en l’absence de surveillance. La tempéra-
Pertes liquidiennes ture rectale doit donc être prise à plusieurs reprises.
Les pertes liquidiennes sont souvent importantes. Il La température ambiante peut être aisément modulée
convient de les prévenir par l’utilisation de solutés isoto- en plaçant le lapin dans une couveuse qui facilite par
niques injectés par voie intraveineuse ou intraosseuse, ou ailleurs l’administration d’oxygène. Le réchauffement
à défaut intrapéritonéale [40–42] . Une dose moyenne de 5 % excessif d’un lapin hypovolémique ou hypoglycémique
du poids du corps à raison de 4 à 8 ml/kg par heure peut peut provoquer une vasodilatation périphérique, une
être retenue, selon l’importance des pertes liquidiennes augmentation des besoins en glucose avec un risque de
et de l’état de déshydratation éventuelle. Le chlorure de mort subite quelques heures après l’intervention [45] .
sodium 9 ‰ et le Ringer lactate sont les solutés de choix, Une hypothermie peut cacher un état de choc sans
associés le cas échéant au glucose 5 % sans que ce dernier tachycardie car les récepteurs adrénergiques ne sont plus
ne dépasse le tiers du mélange. sensibles aux catécholamines sous une température de
36 ◦ C [45] .
Soins postopératoires La perfusion de solutés isotoniques doit être mainte-
nue au moins jusqu’au réveil complet du lapin (Fig. 21).
Réveil À défaut de voie veineuse, des solutés isotoniques
Le lapin doit être surveillé jusqu’au réveil complet sont administrés par voie sous-cutanée ou intrapérito-
et sa température corporelle surveillée à plusieurs néale en quantité variable selon l’importance des pertes

16 EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie  AN 0500

tramadol, la flunixine méglumine, le salicylate de lysine.


L’utilisation postopératoire d’un patch transdermique de
Fentanyl (Durogésic® ) 25 ␮g/h est efficace après les inter-
ventions lourdes et douloureuses.

“ Point fort
Principaux signes cliniques associés à la
douleur chez le lapin de compagnie
• Signes généraux
◦ Anorexie
◦ Perte de poids
• Signes oculaires
◦ Modification de l’expression faciale
• Signes cardiorespiratoires
◦ Altération de la fréquence respiratoire (poly-
pnée) et de sa profondeur (respiration
courte)
◦ Altération de la fréquence cardiaque
• Signes digestifs
◦ Ptyalisme
◦ Cæcotrophes retrouvées
◦ Émission de crottes petites, dures et sèches,
ou arrêt de transit
• Signes comportementaux
◦ Absence ou diminution de comportements
Figure 20. Soufflerie d’air chaud.
physiologiques normaux (le lapin reste pros-
tré dans son environnement)
◦ Raideur des mouvements, de la démarche
◦ Toilettage insuffisant ou excessif (douleurs
dentaires ou gastriques)
◦ Automutilation
◦ Consommation de carton (douleurs bucco-
dentaires)
◦ Anomalies de posture (abdomen poussé vers
le sol, cyphose)
◦ Agressivité chez des animaux habituellement
dociles
◦ Immobilité, prostration, léthargie
◦ Isolement vis-à-vis des congénères

Alimentation postopératoire
Figure 21. Réanimation postopératoire : sonde naso-
gastrique, cage chauffante et débitmètre de perfusion.
Le lapin doit être réalimenté le jour même de
l’intervention, dès lors qu’il est correctement réveillé et
capable de déglutir sans risque de fausse déglutition [38–40] .
liquidiennes (10–30 ml/kg de poids en moyenne). Le On utilise pour cela le Critical Care® ou sa présentation
lapin correctement réveillé peut être replacé dans sa cage Green Fine® . On doit laisser à sa disposition du foin et de
et réalimenté. l’eau.
Toute anorexie postopératoire est dangereuse car elle
peut s’accompagner d’un arrêt du transit intestinal, d’une
Analgésie postopératoire stase cæcale, et dans un deuxième temps d’une entéro-
L’analgésie est recommandée pour diminuer au maxi- pathie ou d’une lipidose hépatique sur les animaux gras.
mum la douleur postopératoire, ce qui conditionne de Ceci explique certaines morts brutales observées dans les
façon non négligeable le succès opératoire, notamment jours qui suivent une intervention. Une telle anorexie
en chirurgie buccodentaire et abdominale. Elle est néces- postopératoire impose l’administration de complément
saire pour rétablir le transit digestif postopératoire et doit alimentaire type Critical Care® , de compotes de pommes
venir en complément de l’analgésie préopératoire. Les et d’une bonne hydratation pour faire redémarrer le
principaux analgésiques sont indiqués dans le Tableau 5. transit intestinal, favoriser l’élimination des crottes et
Parmi les principaux, on peut retenir la morphine, permettre ainsi une cæcotrophie rapide nécessaire au bon
la buprénorphine, le butorphanol, le méloxicam, le état de santé du lapin.

EMC - Vétérinaire 17
AN 0500  Anesthésie des petits mammifères de compagnie

Figure 22. Sonde nasogastrique en place chez un lapin. Figure 24. Prélèvement de sang à la veine cave antérieure
chez un cobaye.

animaux stressés. Ceci est particulièrement vrai par


temps chaud, et pour les longs trajets entre le domicile
du propriétaire et la clinique [46] .

Diète préopératoire
Chez les Caviomorphes (cobaye, chinchilla, octodon)
Le chinchilla ne vomit pas. Le cobaye et l’octodon
peuvent présenter un reflux gastro-œsophagien pendant
l’anesthésie. Il est recommandé de mettre les Cavio-
morphes à la diète 2 à 4 heures avant l’intervention pour
réduire le volume gastrique. L’eau peut être laissée à dis-
position mais un jeûne hydrique de 2 à 4 heures est
également conseillé en cas d’intervention abdominale.
Chez les Myomorphes (rat, souris, hamster, gerbille)
Le rat et la souris ne vomissent pas. Une diète préopé-
Figure 23. Sonde nasogastrique et cathéter à la veine de ratoire est donc inutile chez ces espèces, d’autant plus
l’oreille chez un lapin. qu’elle peut provoquer une hypoglycémie pouvant rapi-
dement être à l’origine d’une ischémie cérébrale résultant
d’un arrêt cardiaque ou respiratoire. La gerbille et le
La mise en place d’une sonde nasogastrique hamster peuvent vomir. Une diète préopératoire courte
(Fig. 22, 23) facilite considérablement l’alimentation (inférieure à 1 heure) peut être utile pour éviter les vomis-
postopératoire, ainsi que la prise des médicaments par sements mais elle n’a rien d’indispensable.
voie orale.
Chez les Sciumorphes (écureuil de Corée, chien
Le lapin peut être rendu à son propriétaire dès lors que
de prairie)
sa vigilance est bonne, qu’il est normotherme et que le
transit digestif est rétabli. Écureuil de Corée et chien de prairie ne vomissent pas.
Une diète préopératoire de quelques heures est recom-
mandée.
Litière postopératoire
Le lapin est placé sur une alèse jetable recouverte d’un Antibiothérapie prophylactique, examen
peu de foin de bonne qualité, ou sur une litière végétale à
base de paille de chanvre brisée, de lin, de carton recyclé
clinique et bilan préopératoire
ou de rafles de maïs. La sciure et les copeaux de bois, la Ils sont comparables à ceux décrits pour le lapin. Néan-
tourbe, la paille et le bois de cèdre sont à proscrire car ils moins, le bilan hématologique et biochimique peut se
peuvent se coller aux poils et aux orifices de la tête. Cette résumer à une glycémie et aux constantes rénales chez
litière doit être propre, non poussiéreuse, et elle est renou- les Caviomorphes anesthésiés pour un motif patholo-
velée tous les jours pendant la durée de l’hospitalisation gique (pathologie génito-urinaire notamment) [46] . Le site
pour surveiller l’état des crottes, éviter sa souillure par les de prélèvement de choix est la veine cave antérieure
urines, les matières fécales ou les aliments avariés. (Fig. 24).

 Rongeurs de compagnie Contention préopératoire


Caviomorphes
Mesures préopératoires Cobaye
Il est vivement conseillé d’hospitaliser les rongeurs Il mord rarement et est facile à manipuler, mais il est
la veille de l’anesthésie, pour ne pas intervenir sur des vite effrayé. Enserrer le corps avec une main, en veillant

18 EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie  AN 0500

à ne pas comprimer la cage thoracique ; l’autre main sou-


tient l’arrière-train chez les sujets lourds ou les femelles
gestantes.
Chinchilla
Éviter l’extrémité de la queue et le pincement de la
peau (risque de chute de poil ou fur slip dû à une vaso-
constriction réflexe). La manipulation doit être douce
pour éviter les morsures. Placer une main au niveau des
épaules et l’autre au niveau de la croupe ou croiser ses
doigts sur le corps ; on peut également saisir la base de la
queue.
Octodon
Facilement stressable, il doit être manipulé avec dou-
Figure 25. Monitoring cardiaque BE PlusVet chez un cobaye.
ceur sans être effrayé sous peine de morsures. Attention
aux griffes puissantes qui peuvent infliger des blessures
sérieuses. Éviter de saisir l’octodon par l’extrémité de
la queue. La méthode la plus efficace est celle que l’on
emploie chez les Myomorphes (le patient est placé dans
un masque anesthésique retourné).

Myomorphes
La contention est difficile sur ces rongeurs de petite
taille et elle doit être la plus courte possible. Elle n’est
nécessaire en pratique, le plus souvent, que pour les sortir
de la boîte de transport avant leur anesthésie, gazeuse de
préférence.
Hamster
Difficile à tenir, il mord facilement. Éviter le pincement
de la peau au niveau du cou, source de stress et de conten-
tion peu sûre. Il ne craint pas le vide et peut tomber du
bord de la table d’examen. Figure 26. Monitoring cardiaque et thermique VetSpecs-
VSM8 chez un cobaye.
Gerbille
Maintenir la gerbille en enserrant le cou entre le pouce
et l’index, l’autre main étant placée à la base de la queue. Durant la phase d’induction, le patient doit être gardé
Éviter l’extrémité de la queue qui risque de se retrouver le plus au calme possible, en situation de stress minimal.
entre les doigts (fur slip). Tous les rongeurs sont très sensibles à l’hypothermie chi-
Rat de compagnie rurgicale. Pour éviter cette hypothermie, il convient de
respecter les règles suivantes :
Il est généralement doux, sociable et non agressif, mais
• prévoir l’utilisation d’un tapis chauffant, ou à défaut
peu patient. La contention doit être la plus courte pos-
d’une serviette chaude ou d’un matelas à circulation
sible. Prendre le rat d’une main par tout le corps entre
d’eau chaude isolé du corps du patient par une serviette
les pattes. Placer les sujets craintifs ou non coopératifs
épaisse, pour éviter au maximum les déperditions de
sur une surface rugueuse : tirer d’une main vers l’arrière
chaleur ;
la base de la queue, saisir de l’autre main la peau située
• éviter l’alcool qui abaisse la température ;
entre les oreilles. Ne pas saisir un rat par l’extrémité de la
• réchauffer les liquides de perfusion, de rinçage et de
queue (fur slip).
réhydratation. Il faut en revanche éviter les lampes
Souris chauffantes pendant l’anesthésie et plus généralement
La contention est assurée par la base de la queue. un chauffage excessif générateur d’hyperthermie ;
• prévoir un apport d’oxygène avec un masque ou une
Sciuromorphes sonde (lorsque cela est possible) adaptés ;
• il est également important de prévoir un monitoring
Écureuil de Corée opératoire (Fig. 25, 26), qu’il soit cardiaque (sté-
La contention est difficile, il se déplace très vite et mord thoscope, ECG, monitoring sonore du type Silogic),
facilement. Sa récupération est très problématique s’il respiratoire (monitoring respiratoire ou plus simple-
s’enfuit dans la clinique. Se munir d’un gant, et saisir ment observation des mouvements respiratoires) ou
la tête entre le pouce et l’index. Une technique meilleure éventuellement thermique (sonde thermique) ;
consiste à utiliser un masque anesthésique transparent • les yeux restent ouverts pendant l’anesthésie, il est
de grande taille retourné. Ne pas saisir l’écureuil de Corée utile de les humidifier pour éviter une dessicca-
par la queue, celle-ci risque d’être scalpée (fur slip). tion voire une ulcération de la cornée (Ocrygel® ,
Régéfluid® ) ;
• un cathéter intraveineux peut être mis en place chez
Préparation de l’anesthésie les gros rongeurs à la veine céphalique ou à la veine
Les règles décrites précédemment pour le lapin de saphène interne, ou à défaut un cathéter intrapérito-
compagnie sont également valables pour les rongeurs de néal en regard de l’ombilic. On peut aussi utiliser un
compagnie. Mais la connaissance des principaux para- cathéter intraosseux mis en place à partir du plateau
mètres physiologiques (Tableau 12) est utile pour bien tibial sur des animaux choqués ou de petit format à
gérer l’anesthésie. l’aide d’une aiguille 21G 0,8 × 25 mm.

EMC - Vétérinaire 19
20

AN 0500  Anesthésie des petits mammifères de compagnie


Tableau 12.
Principaux paramètres physiologiques des rongeurs de compagnie [2, 3, 6] .
Poids Température Fréquence Fréquence Volume Maturité sexuelle Consommation Consommation Durée de vie (ans)
moyen (g) (◦ C) respiratoire cardiaque sanguin (ml) (mois) d’aliments (g/j) d’eau (ml)
Mâle Femelle Moyenne Maximum
Écureuil de Corée 70–120 38–39,5 200 300–500 5,5–9,5 11 12 10–20 5–8 5 12
Chien de prairie 500–1200 35,3–39 70–100 80–140 40–85 24 36 50–80 50–200 5 10
Gerbille 55–100 38–38,5 90–160 300–400 4,5–7,8 2 3 5–8 4–7 3 4
Rat 250–500 37–38,5 70–150 250–400 17,5–35 2 2 20–35 25–30 3 5
Souris 20–41 37–38 95–250 325–780 1,4–2,8 1,5 1,5 3–6 3–6 2 3
Hamster 85–150 37–38 60–140 250–500 6,8–12 1,5 2 15–25 8–15 3 4
Cobaye 500–1200 37,5–38,5 45–150 150–380 35–90 2 3 50–80 50–200 4 8
Chinchilla 400–800 36–37,8 100 100–150 20–32 4–5 9 20–50 10–20 10 20
Octodon 200–300 37,5–39 100–150 150–300 15–25 3–5 6 20–25 20–30 5 10
EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie  AN 0500

L’intubation endotrachéale est difficile, voire impos-


sible chez les rongeurs. Elle reste cependant possible chez
le cobaye, le chinchilla et le rat.

“ Point important
Intubation endotrachéale des rongeurs
L’intubation endotrachéale des rongeurs est très
difficile, voire impossible pour certaines espèces
en raison de leur petite taille. La région des
choanes est très étroite et l’ouverture buccale
très faible. Elle reste néanmoins possible avec une
certaine expérience chez le rat, et à un degré
moindre chez le cobaye et le chinchilla. Elle néces- Figure 27. Induction dans une cage anesthésique sur un
site des sondes de très petit diamètre, souples, octodon.
montées sur mandrin métallique. Leur mise en
place s’effectue de préférence sous contrôle endo-
scopique à l’aide de petits endoscopes de 1 mm
à 1,9 mm. Les rats peuvent avec profit être placés
en décubitus dorsal pour réaliser l’intubation, en
veillant à ce que la sonde ne soit pas obstruée par
les sécrétions respiratoires.

Conduite de l’anesthésie
Principaux anesthésiques utilisables
Les sites d’injections figurent dans le Tableau 13.
Les tranquillisations et préanesthésies (Tableau 14)
ont peu d’indications pratiques. Les principaux anes-
thésiques [47, 48] sont indiqués dans le Tableau 15.
Une analgésie préopératoire (Tableau 16) est toujours
utile, notamment chez le cobaye et le chinchilla lors
d’intervention abdominale.
L’anesthésie gazeuse est à privilégier (Tableau 15).
Souple, sûre et profonde, elle permet un réveil rapide,
et elle met à l’abri de nombreuses inquiétudes ou
complications per- et postopératoires (hypothermie, état
de choc, collapsus cardiovasculaire, réveil retardé, etc.).
Une induction est possible chez les rongeurs de grande
taille avec une petite dose de kétamine (10 mg/kg en
intramusculaire), le mélange médétomidine/kétamine
(0,1/10 mg/kg par voie intramusculaire) ou le tilétamine-
zolazépam (5 à 10 mg/kg en intramusculaire), mais elle
peut aussi être réalisée plus simplement en plaçant le Figure 28. Induction anesthésie gazeuse avec un masque de
rongeur dans une cage anesthésique (Fig. 27) ou dans grande taille sur un hamster russe.
un masque anesthésique transparent retourné (Fig. 28).
L’anesthésie est ensuite entretenue avec un masque de
taille adaptée (Fig. 29). Il est nécessaire de contrôler l’état d’hydratation, la
L’anesthésie peut être influencée par certains para- coloration des muqueuses, l’absence de diarrhée et de
mètres : signes respiratoires. Il est très important de prévenir
• le sexe : les femelles sont souvent plus sensibles que les l’hypothermie peropératoire par utilisation d’un tapis
mâles ; chauffant.
• l’état d’embonpoint : les graisses fixent les barbitu-
riques et les anesthésiques gazeux, ce qui retarde le
réveil. Ceci est important chez le cobaye, le rat, le ham-
Particularités d’espèces
ster, le chien de prairie ; Cobaye
• les médicaments : le chloramphénicol (100 mg/kg), L’accès veineux est difficile ; on peut cependant mettre
la cimétidine (10 mg/kg), le kétoconazole en place un cathéter de très petite taille à la veine cépha-
(40 mg/kg) augmentent la durée de l’anesthésie lique. À défaut de voie veineuse, l’administration des
kétamine/xylazine par inhibition des enzymes solutés se fait par voie sous-cutanée, intrapéritonéale ou
microsomiales hépatiques. intraosseuse (Fig. 30).

EMC - Vétérinaire 21
22

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Tableau 13.
Sites d’injection et volumes injectés chez les rongeurs de compagnie [2, 3] .
Cobaye Chinchilla Rat Souris Hamster Gerbille Écureuil de Corée
Injection sous-cutanée Nuque, épaule, flanc Nuque, épaule, flanc Flanc Flanc Flanc, abdomen Flanc, abdomen Flanc, abdomen
Aiguille 5/10 à 9/10 5/10 à 9/10 5/10 4,5/10 4,5/10 4,5/10 4,5/10
Volume maximal par site 25–30 ml 10 ml 5–10 ml 2–3 ml 3–5 ml 2–3 ml 3–5 ml
Injection intramusculaire Cuisse À éviter Cuisse Cuisse Cuisse Cuisse Cuisse
Aiguille 4,5/10 4,5/10 4,5/10 4,5/10 4,5/10 4,5/10 4,5/10
Volume maximal par site 0,5 ml 0,3 ml 0,3 ml 0,05 ml 0,1 ml 0,05–0,1 ml 0,1 ml
Injection intrapéritonéale Ombilic, abdomen Ombilic, abdomen Ombilic, abdomen Ombilic, abdomen Ombilic, abdomen Ombilic, abdomen Ombilic, abdomen
ventral ventral ventral ventral ventral ventral ventral
Aiguille 5/10 5/10 5/10 4,5/10 4,5/10 4,5/10 4,5/10
Volume maximal par site 10–15 ml 10/15 ml 10/15 ml 1–3 ml 3–4 ml 3–4 ml 3–5 ml
Injection intraveineuse Veine saphène, Veine saphène, Veine pénienne, – Veine jugulaire Veine jugulaire Veine jugulaire
veine pénienne, veine pénienne, veine saphène
veine de l’oreille veine de l’oreille
Aiguille 4,5/10 4,5/10 4,5/10 – 4,5/10 4,5/10 4,5/10
Volume maximal par site 2 ml 1 ml 0,5 ml – 0,2 ml 0,2 ml 0,2 ml
Injection intraosseuse Fémur, tibia Fémur, tibia Fémur, tibia – – – Fémur, tibia
Aiguille 9/10 7/10 5/10 – – – 5/10
Volume maximal par site 1 ml 0,5 ml 0,5 ml – – – 0,3 ml
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EMC - Vétérinaire

Tableau 14.
Principaux tranquillisants et agents préanesthésiques utilisables chez les rongeurs de compagnie.
Cobaye Chinchilla Rat Souris Hamster Gerbille
a
Acépromazine 0,5–1,5 mg/kg 0,5–1 mg/kg 0,5–2,5 mg/kg 0,5–2,5 mg/kg NR NR a
®
Alfaxolone (Alfaxan ) Prémédication xylazine 2 mg/kg s.c. Induction Prémédication xylazine 2–3 mg/kg s.c.
Induction 3 mg/kg i.v. (i.m.) 2 mg/kg i.v. Induction 10 mg/kg i.m.
Entretien 3 mg/kg i.v. (i.m.) 4 mg/kg i.m. Entretien 10 mg/kg i.m.
Atropine b 0,1–0,2 mg/kg 0,1–0,2 mg/kg 0,1–0,4 mg/kg b 0,1–0,4 mg/kg 0,1–0,4 mg/kg 0,1–0,4 mg/kg
Diazépam 0,5–3 mg/kg 1–5 mg/kg 1–5 mg/kg 1–5 mg/kg 1–5 mg/kg 1–5 mg/kg
Fentanyl-dropéridol c,d 0,22–0,88 ml/kg – 0,1–0,5 ml/kg 0,06–0,3 ml/kg – –
Fentanyl/ 0,5–1 ml/kg i.m. – – – – 0,5–1 ml/kg i.m., i.p.
Fluanisone e
(Hypnorm® )
Glycopyrrolate 0,01–0,02 mg/kg 0,01–0,02 mg/kg 0,01–0,02 mg/kg 0,01–0,02 mg/kg 0,01–0,02 mg/kg 0,01–0,02 mg/kg
Kétamine 2 mg/kg
associée avec buprénorphine
0,05 mg/kg et midazolam 0,3 mg/kg
Médétomidine f 0,1–0,3 mg/kg 0,1–0,3 mg/kg 0,1 mg/kg 0,1 mg/kg 0,1 mg/kg 0,1–0,2 mg/kg
Médétomidine/ 0,1/10 mg/kg
Kétamine

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Midazolam 1–2 mg/kg 1–2 mg/kg 1–2 mg/kg 1–2 mg/kg 1–2 mg/kg 1–2 mg/kg
Nalorphine 2–5 mg/kg 2–5 mg/kg 2–5 mg/kg 2–5 mg/kg 2–5 mg/kg 2–5 mg/kg
Naloxone 0,01–0,1 mg/kg 0,01–0,1 mg/kg 0,01–0,1 mg/kg 0,01–0,1 mg/kg 0,01–0,1 mg/kg 0,01–0,1 mg/kg
Xylazine f 1–5 mg/kg 5–10 mg/kg i.m. NR 5–10 mg/kg 5–10 mg/kg 8–10 mg/kg 5–10 mg/kg

NR : non recommandé, effets très variables d’un animal à l’autre ; i.m. : voie intramusculaire ; i.v. : voie intraveineuse.
a
Risques de convulsions chez la gerbille.
b
Présence d’atropinestérase sérique chez le rat.
c
Antidote : naloxone (0,04 mg/kg i.v. ou i.m.).
e
Sédation modérée.
d
Peut provoquer une excitation chez le hamster et une automutilation au site d’injection chez le cobaye.
f
Antidote : yohimbine (0,2 mg/kg i.v.), atipamézole (1 mg/kg). Effets variables.
23
AN 0500  Anesthésie des petits mammifères de compagnie

Tableau 15.
Principaux anesthésiques utilisables chez les rongeurs de compagnie.
Produit Posologie Espèces concernées Remarques
Anesthésiques fixes
Fentanyl/ 1 ml/kg + 2,5 mg/kg i.m. Cobaye Anesthésie 45–60 min
fluanisone (Hypnorm® ) 0,4 ml/kg + 2,5 mg/kg i.m. Rat
+ diazépam 0,4 ml/kg + 5 mg/kg i.m. Souris
Fentanyl/ 8 ml/kg i.m., i.p. Cobaye Anesthésie 45–60 min
fluanisone 2,5–3 ml/kg i.m., i.p. Rat Préparer la solution : 1 part
+ midazolam 10 ml/kg i.m., i.p. Souris Hypnorm® / 1 part midazolam / 2 parts eau
distillée
Kétamine 40–70 mg/kg i.m. Cobaye, chinchilla, octodon Faible analgésie et faible myorelaxation
100–200 mg/kg i.m. Rat, souris Grandes variations individuelles
Résultats inconstants, plutôt utilisée en
50–100 mg/kg i.m. Hamster, autres rongeurs
sédation associée à d’autres molécules
Kétamine + acépromazine 20–50 + 0,5–1 mg/kg i.m. Cobaye, chinchilla Ne pas utiliser l’acépromazine chez la
40–50 + 0,5 mg/kg i.m. Chien prairie, octodon gerbille
50–150 + 2,5–5 mg/kg i.m. Rat, souris, hamster
Kétamine + diazépam 20–40 + 1–2 mg/kg i.m. Cobaye, chinchilla Faible analgésie
40–150 + 3–5 mg/kg i.m., i.p. Rat, souris, gerbille, hamster
20–30 + 0,4–0,6 mg/kg i.m. Chien de prairie
20–40 + 1–2 mg/kg i.m. Octodon
Kétamine + médétomidine 10 + 0,3 mg/kg i.m., i.p. Chinchilla Bonne myorelaxation
40 + 0,5 mg/kg i.m., i.p. Cobaye Anesthésie variable, 20–30 min
Anesthésie chirurgicale chez le rat et la
75–90 + 5 mg/kg i.m., i.p. Rat
souris (30 à 60 min)
50 + 5 mg/kg i.m., i.p. Souris Anesthésie modérée
50 + 2 mg/kg i.m., i.p. Gerbille
80 + 5 mg/kg i.m., i.p. Hamster
Kétamine + midazolam 5–15 + 0,5–1 mg/kg i.m. Cobaye, chinchilla, chien de Anesthésie modérée
prairie
Kétamine + xylazine 20–40 + 2 mg/kg i.m. Cobaye, octodon Bonne analgésie
35–40 + 4–8 mg/kg i.m. Chinchilla Éviter chez le chinchilla (risque de nécrose
au point d’injection)
75–95 + 5 mg/kg i.m., i.p. Rat
Anesthésie potentialisée par le
50 + 5–10 mg/kg i.p. Souris chloramphénicol, la cimétidine, le
50–70 +2–3 mg/kg i.m. Gerbille kétoconazole
80 + 5 mg/kg Hamster
Pentobarbital sodique 30–45 mg/kg i.p. Cobaye, chinchilla Dose très variable, marge de sécurité
30–45 mg/kg i.p. Rat étroite, risques d’hypothermie et de
dépression respiratoire
50–90 mg/kg i.p. Gerbille, hamster, souris
Propofol 3–5 mg/kg i.v. Cobaye Pas de données chez la gerbille, le hamster,
7,5–10 mg/kg i.v. Rat le cobaye et le chinchilla
Anesthésie légère et de courte durée
10–25 mg/kg i.v. Souris
(5 min)
3–5 mg/kg i.v. Chien de prairie Réveil rapide chez la souris
Anesthésie chirurgicale chez le rat
Tilétamine/zolazépam 10–20 mg/kg i.m. Chinchilla Bonne sécurité anesthésique
20–30 mg/kg i.m. Cobaye, octodon
50–80 mg/kg i.m. Rat, souris
20–30 mg/kg i.m. Autres rongeurs
Tilétamine/zolazépam 10–30 + 10 mg/kg i.m. Rat, souris, hamster Ne pas utiliser chez le chinchilla
+ xylazine 10–30 + 5–10 mg/kg i.m. Gerbille, cobaye Antidote : yohimbine 0,2 mg/kg i.v.
Thiopental 15–20 mg/kg i.v., i.p. Cobaye Réveil rapide
20–40 mg/kg i.p. Rat, hamster Anesthésie chirurgicale chez le rat
Ne pas utiliser chez la gerbille et le
25–40 mg/kg i.p. Souris
chinchilla
Anesthésiques gazeux
Halothane 3–5 % à l’induction CAM 1,5 %
1–2 % à l’entretien Circuit ouvert
Induction avec une cage anesthésique, au
Isoflurane 3–5 % à l’induction
masque, ou avec kétamine ou
1–2 % à l’entretien tilétamine/zolazépam

24 EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie  AN 0500

Tableau 15.
(suite) Principaux anesthésiques utilisables chez les rongeurs de compagnie.
Produit Posologie Espèces concernées Remarques
Sévoflurane 5 % à l’induction
1–2 % à l’entretien
Anesthésiques locaux
Lurocaine 2 % 2 ml/kg

i.m. : voie intramusculaire ; i.p. : voie intrapéritonéale ; i.v. : voie intraveineuse ; CAM : concentration alvéolaire minimale.

A B
Figure 29. Entretien de l’anesthésie avec un petit masque en plexiglass sur un hamster russe (A, B).

Figure 31. Anesthésie gazeuse au masque sur un cobaye et


miction spontanée à l’induction de l’anesthésie.
Figure 30. Pose de cathéter intraosseux à la fosse sous-
trochantérienne sur un cobaye.

L’induction de l’anesthésie à plusieurs conséquences :


• le cobaye urine et parfois défèque spontanément, ce
qui peut souiller les champs opératoires (Fig. 31). Il
est donc utile de vider la vessie par pression du globe
vésical avant ou au début de l’anesthésie ;
• le cobaye peut présenter des régurgitations respon-
sables d’une fausse déglutition (Fig. 32). Tout reflux
dans la cavité buccale doit être soigneusement nettoyé
avec une compresse ;
• les globes oculaires sont souillés par un reflux blanc
épais issu du sac lacrymal (Fig. 33). Les yeux doivent
être soigneusement nettoyés avec une solution saline
type Ocryl® .
Le réflexe podal ne doit pas être pris en compte dans Figure 32. Régurgitations à l’induction de l’anesthésie
la surveillance de l’anesthésie. Le cobaye anesthésié pré- gazeuse chez un cobaye.
sente des tremblements, ce qui peut créer la fausse
impression d’un réveil ; il faut alors proscrire une réinjec- dose plus importante peut s’avérer dangereuse en créant
tion d’anesthésique qui peut tuer l’animal par surdosage. une bradycardie.
Lors de l’utilisation de l’association kétamine-xylazine, L’association médétomidine-kétamine (100 ␮g/kg et
il convient de ne pas dépasser 5 mg/kg de xylazine, une 10 mg/kg par voie intramusculaire) est utilisable pour

EMC - Vétérinaire 25
Tableau 16.
26

AN 0500  Anesthésie des petits mammifères de compagnie


Principaux analgésiques utilisables chez les rongeurs de compagnie (en mg/kg).
Cobaye Chinchilla Rat Souris Hamster Gerbille
Opioïdes
Buprénorphine 0,05–0,1 mg/kg/8–12 h 0,05–0,1 mg/kg/8–12 h 0,05–0,5 mg/kg/8–12 h 0,05–0,1 mg/kg/6–12 h 0,1–0,5 mg/kg/8 h s.c. 0,05–0,1 mg/kg/8 h s.c.
s.c. s.c. stricte/réaction s.c. s.c.
locale sur injection i.m. Peut être utilisée p.o.
de la forme longue Comportements de
action picage possibles
Butorphanol 0,4–2 mg/kg/4–12 h s.c. 1–2 mg/kg/2–4 h s.c. 0,2–2 mg/kg/2–4 h s.c. 1–5 mg/kg/2–4 h s.c. 1–5 mg/kg/8 h/4–12 h 1–5 mg/kg/4 h s.c.
s.c.
Mépéridine a 10–20 mg/kg/2–3 h s.c., 10–20 mg/kg/2–3 h s.c., 10–20 mg/kg/2–3 h s.c., 10–20 mg/kg/2–3 h s.c., 20 mg/kg/2–3 h s.c., 20 mg/kg/2–3 h s.c.,
i.m. i.m. i.m. i.m. i.m. i.m.
Morphine 1–5 mg/kg/4 h s.c. 1–5 mg/kg/4 h s.c. 1–5 mg/kg/2–4 h s.c. 1–5 mg/kg/2–4 h s.c. 2–5 mg/kg/2–4 h s.c. 2–5 mg/kg/2–4 h s.c.
Nalbuphine a 1–2 mg/kg/3 h i.m. 1–2 mg/kg/3 h i.m. 4–8 mg/kg/3 h s.c., i.m. 4–8 mg/kg/3 h s.c., i.m. 4–8 mg/kg/3 h s.c., i.m. 4–8 mg/kg/3 h s.c., i.m.
Oxymorphone a 0,2–0,5 mg/kg/ 0,2–0,5 mg/kg/ 0,2–0,5 mg/kg/6–12 h 0,2–0,5 mg/kg/ 0,2–0,5 mg/kg/ 0,2–0,5 mg/kg/
6–12 h s.c., i.m. 6–12 h s.c., i.m. s.c., i.m. 6–12 h s.c., i.m. 6–12 h s.c., i.m. 6–12 h s.c., i.m.
Pentazocine a 10 mg/kg/2–4 h s.c. 10 mg/kg/2–4 h s.c. 10 mg/kg/2–4 h s.c. 10 mg/kg/2–4 h s.c. 10 mg/kg/2–4 h s.c. 10 mg/kg/2–4 h s.c.
Péthidine a 10 –20 mg/kg/2–3 h s.c., 10–20 mg/kg/2–3 h s.c., 10–20 mg/kg/2–3 h s.c., 10–20 mg/kg/2–3 h s.c., 10–20 mg/ 10 –20 mg/kg/2–3 h s.c.,
i.m. i.m. i.m. i.m. kg/2–3 h s.c., i.m. i.m.
Anti-inflammatoires non stéroïdiens
Acide acétylsalicylique a 50–100 mg/kg/4 h p.o. 100–200 mg/kg/6–8 h 100–150 mg/kg/24 h 100–150 mg/kg/24 h 100–200 mg/kg/24 h 100–200 mg/kg/24 p.o.
p.o. p.o. p.o. p.o.
Acide tolfénamique 2–4 mg/kg/24 h 2–4 mg/kg/24 h 2–4 mg/kg 2–4 mg/kg/24 h 2–4 mg/kg/24 h 2–4 mg/kg/24 h
Carprofène 1–4 mg/kg/24 h 2–5 mg/kg/24 h 5–10 mg/kg/24 h 5 mg/kg/24 h 5 mg/kg/24 h 5 mg/kg/24 h
Flunixine méglumine 1–3 mg/kg/ 1–3 mg/kg/ 1–2 mg/kg/ 1–2 mg/kg/ 1–2 mg/kg/ 0,5 mg/kg/
12–24 h s.c. 12–24 h s.c. 12–24 h s.c. 12–24 h s.c. 12–24 h s.c. 12–24 h s.c.
Ibuprofène 10 mg/kg/4 h p.o. 10–30 mg/4 h/kg 7–15 mg/
kg/4 h p.o.
Kétoprofène 1 mg/kg/12–24 h 1 mg/kg/12–24 h s.c., 5 mg/kg/24 h 5 mg/kg/24 h 5 mg/kg/24 h 5 mg/kg/24 h
i.m.
Méloxicam 0,5–1 mg/kg/12–24 h 0,5–1 mg/kg/12–24 h 1–2 mg/kg/p.o. 1–5 mg/kg/24 h p.o. 1–2 mg/kg/24 h p.o. 1–2 mg/kg/24 h p.o.
Piroxicam a 3,5–20 mg/kg
Autres substances à effet analgésique
Codéine a 60 mg/kg/4 h s.c. 10–20 mg/kg/6 h s.c.
Etomidate 1–2 mg/kg 1–2 mg/kg 1–2 mg/kg 1–2 mg/kg 1–2 mg/kg 1–2 mg/kg
Gabapentine a 50 mg/kg/
24 h p.o.
Paracétamol a
EMC - Vétérinaire

1–2 mg/ml d’eau 1–2 mg/ml d’eau 200 mg/kg p.o. 200 mg/kg p.o. 1–2 mg/ml d’eau 1–2 mg/ml d’eau
Tramadol a 5–10 mg/kg/12–24 h 5–10 mg/kg/12–24 h 5–20 mg/kg/ 5–40 mg/kg/12–24 h 5–10 mg/kg/12–24 h 5–10 mg/kg/12–24 h
p.o., s.c. p.o., s.c. 12–24 h p.o., s.c. s.c., i.p. p.o., s.c. p.o., s.c.

s.c. : voie sous-cutanée ; i.m. : voie intramusculaire ; i.p. : voie intrapéritonéale ; p.o. : per os.
a
Produits de médecine humaine.
Anesthésie des petits mammifères de compagnie  AN 0500

Figure 33. Sécrétion lacrymale à l’induction de l’anesthésie


gazeuse chez un cobaye.
Figure 34. Anesthésie gazeuse d’entretien au masque sur un
octodon.
effectuer une intervention de courte durée. Elle doit être
complétée par un relais gazeux pour une intervention
importante (hystérectomie, cystotomie). On injecte de
l’atipamézole en fin d’intervention (même volume que
la médétomidine).
Lors d’une induction avec des anesthésiques gazeux, le
cobaye bloque sa respiration puis inspire profondément :
il peut s’ensuivre un arrêt respiratoire fatal si l’induction
est trop rapide ou la contention trop drastique.
Un surdosage anesthésique est indiqué par la pro-
trusion du globe oculaire, la dilatation pupillaire ou la
cyanose des muqueuses.
L’anesthésie épidurale est possible et indiquée lors Figure 35. Anesthésie gazeuse d’entretien avec un masque
d’interventions obstétricales (les dystocies sont fré- en plexiglass adapté sur un hamster russe.
quentes chez la femelle). Une injection intramusculaire
d’acépromazine (0,5 à 1 mg/kg) est suivie de l’injection
épidurale lombosacrée de xylocaïne (0,2 à 0,25 mg) en Gerbille
solution à 0,5 ou 1 %. La myorésolution obtenue dure L’acépromazine est à proscrire. Les injections intrapé-
environ 45 minutes [2] . ritonéales sont préférables.
Le cobaye est particulièrement sensible à la douleur. Hamster
Cette hyperesthésie s’observe lors de toute injection, Les injections intramusculaires sont douloureuses et
lors de l’incision cutanée et au réveil. Elle doit être pré- sources de stress ; il convient de préférer les injections
venue par une bonne analgésie pré- et postopératoire intrapéritonéales lorsqu’on a recours aux anesthésiques
(Tableau 15). L’utilisation d’un patch transdermique de fixes. La prémédication éventuelle à l’atropine n’est
Fentanyl (Durogésic® ) 12 ␮g/h est particulièrement utile utile que si elle est suivie d’une anesthésie gazeuse.
après les interventions abdominales. Le tilétamine-zolazépam procure une bonne anesthésie
Chinchilla pour la plupart des interventions (Tableau 14) ; il est
L’injection intramusculaire, notamment dans les utile pour une intervention intrabuccale (granulome de
muscles lombaires, peut être source de nécrose, en l’abajoue notamment). L’anesthésie gazeuse est néan-
particulier avec l’association kétamine-xylazine. Les bar- moins à privilégier dans tous les autres cas (Fig. 35).
bituriques ne doivent pas être utilisés car la marge de Souris et rat
sécurité est très étroite, avec des risques de bradycardie Une diète préopératoire n’est pas utile, ces espèces ne
mortelle. vomissant pas. Une prémédication s’avère aussi inutile.
Les anesthésiques fixes les plus sûrs sont le tilétamine- Le rat souffre fréquemment d’affections respira-
zolazépam, l’association kétamine-acépromazine et toires chroniques (Mycoplasma pneumoniae) facilitées par
l’association kétamine-médétomidine. La kétamine l’étroitesse de ses voies respiratoires. Un examen préopé-
a peu d’effets sur l’appareil respiratoire et elle aug- ratoire minutieux est donc nécessaire chez cette espèce
mente la pression artérielle, mais elle n’entraîne qu’une pour prévenir les complications anesthésiques et infor-
faible relaxation musculaire. L’acépromazine a un effet mer le propriétaire des risques encourus. L’anesthésie
dépresseur sur le système nerveux central, ce qui induit gazeuse est à privilégier à l’aide de petits masques adaptés
une bonne myorelaxation. La médétomidine induit (Fig. 36, 37).
aussi une bonne myorelaxation. Cependant, l’anesthésie Le rat et la souris sont très sensibles à l’hypothermie
gazeuse est de loin la meilleure et elle doit être privilégiée peropératoire et postopératoire.
(Tableau 14).
Octodon
Soins postopératoires
La contention doit être réduite à son strict minimum.
L’octodon doit être placé dans une cage anesthésique ou Les règles générales précédemment décrites pour le
un masque retourné, puis l’anesthésie est entretenue avec lapin de compagnie sont également valables pour les ron-
un masque de taille adaptée (Fig. 34). geurs de compagnie.

EMC - Vétérinaire 27
AN 0500  Anesthésie des petits mammifères de compagnie

Figure 36. Anesthésie gazeuse au masque sur un rat en décu-


bitus dorsal.

Figure 38. Consommation d’aliments dès le réveil chez un


hamster russe.

“ Point fort
Principaux signes cliniques associés à la
douleur chez les rongeurs de compagnie
• Signes généraux
◦ Anorexie
◦ Perte de poids
• Signes oculaires
Figure 37. Rat anesthésié avec un masque en plexiglass
adapté. ◦ Yeux clos ou mi-clos (Myomorphes)
◦ Modification de l’expression faciale
Réveil ◦ Chromodacryorrhée, sécrétion de porphy-
rines oculaires (rat, gerbille, hamster)
Les rongeurs anesthésiés doivent être placés dans un • Signes cardiorespiratoires
environnement chauffé à 30 à 32 ◦ C jusqu’au réveil.
◦ Altération de la fréquence respiratoire (poly-
L’idéal est de disposer d’une cage chauffante ou d’une
couveuse. Ils sont ensuite maintenus à 25 ◦ C dès les
pnée) et de sa profondeur (respiration
premiers signes de réveil (tremblement des moustaches, courte)
petits mouvements). La température rectale doit être ◦ Altération de la fréquence cardiaque
surveillée pour éviter aussi bien une hyperthermie • Signes digestifs
postopératoire dangereuse (séjour trop long en cage ◦ Ptyalisme (Caviomorphes)
chauffante) qu’une hypothermie tout aussi dangereuse. ◦ Émission de crottes petites, dures et sèches
Des solutés isotoniques doivent être administrés par (crottes « de souris ») ou arrêt de transit
voie intraveineuse (cobaye, chinchilla, chien de prairie), • Signes comportementaux
sous-cutanée ou intrapéritonéale : chlorure de sodium ou ◦ Absence ou diminution de comportements
Ringer lactate et glucose à raison de 1 à 3 ml/100 g de
physiologiques normaux
poids, selon les pertes liquidiennes et le poids de l’animal.
Une analgésie postopératoire est impérative, tout ◦ Raideur des mouvements, de la démarche
comme il est important de connaître les signes cliniques ◦ Automutilation
associés à la douleur chez les rongeurs de compagnie. ◦ Anomalies de posture (abdomen poussé vers
le sol, cyphose)
Alimentation postopératoire ◦ Agressivité à la manipulation chez des ani-
Caviomorphes et Sciuromorphes doivent être réali- maux habituellement dociles (rat, octodon)
mentés le jour même de l’anesthésie (alimentation ◦ Facilité de capture ou de contention (rat, ger-
parentérale type Critical Care® ou équivalent), et il bille, cobaye, souris, hamster)
convient de laisser à leur disposition du foin et de l’eau ◦ Immobilité (cobaye), prostration, léthargie
(Fig. 38). (hamster, rat, cobaye)
Les Myomorphes mangent généralement dès qu’ils
◦ Isolement vis-à-vis des congénères
sont réveillés, notamment les hamsters. Ils sont sen-
sibles à l’hypothermie et à l’hypoglycémie génératrice
d’ischémie cérébrale. Il convient de laisser à leur dis-
position des aliments dès lors qu’ils sont correctement
réveillés et capables de déglutir.
alèzes, ou une litière de chanvre ou rafles de maïs. La
Litière paille est contre-indiquée. Une serviette doit être laissée
Les rongeurs opérés et correctement réveillés sont pla- à disposition dans la cage pour que les animaux puissent
cés sur une litière propre. On utilise de préférence des se cacher et avoir chaud.

28 EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie  AN 0500

 Conclusion [21] Langlois I, Mercier B, Kona-Boun JJ. Principes d’analgésie


chez les nouveaux animaux de compagnie. Depeche Tech
2009:39–46.
L’anesthésie des rongeurs et lapins de compagnie est
[22] Hawkins MG, Paqcoe P. Anesthesia, analgesia and sedation
délicate. Elle nécessite des mesures pré-, per- et postopéra-
of small mammals. In: Quesenberry KE, Carpenter JW,
toires rigoureuses et spécifiques pour éviter des accidents
editors. Ferrets, rabbits and rodents: clinical medicine and
anesthésiques rapidement mortels. surgery. St Louis: WB Saunders; 2012. p. 429–51.
[23] Huynh M. Anesthésie des rongeurs et lagomorphes de
compagnie partie 1- Mesures préanesthésiques. PASE
Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens
2009;9:10–8.
d’intérêts en relation avec cet article.
[24] Junot S. L’anesthésie des NAC en 5 points-clés. Axience
documentation, 2011.
[25] Tessier E. Techniques d’intubation. In: Chirurgie des tissus
Remerciements : au Dr Risi pour le prêt des séquences vidéos.
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Point Vet 2009;40(n◦ special):18–9.
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EMC - Vétérinaire 29
AN 0500  Anesthésie des petits mammifères de compagnie

[47] Mayer J. Chemical restraint/anesthetic agents used in [48] Mayer J. Analgesic agents used in rodents. In: Carpenter
rodents. In: Carpenter JW, Marion CJ, editors. Exotic ani- JW, Marion CJ, editors. Exotic animal formulary. Amster-
mal formulary. Amsterdam: Elsevier; 2013. p. 487–91. dam: Elsevier; 2013. p. 492–4.

D. Boussarie, Docteur vétérinaire ([email protected]).


CHV Pommery, 226, boulevard Pommery, 51100 Reims, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Boussarie D. Anesthésie des petits mammifères de compagnie. EMC - Vétérinaire
2016;13(3):1-30 [Article AN 0500].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

30 EMC - Vétérinaire
 AN 0510

Anesthésie et analgésie chez les


oiseaux
A. Duhamelle

La médecine aviaire a beaucoup évolué au cours de ces dernières années, en particulier


l’anesthésie et l’analgésie chez les oiseaux. La pharmacologie de la douleur, la ventilation
et le monitoring sont les domaines où les activités de recherche sont les plus importantes,
et elles sont actuellement en pleine évolution. Cette revue de littérature permet de faire
le point sur les connaissances actuelles dans les domaines de l’évaluation de la dou-
leur, sa prise en charge, l’anesthésie et son monitoring chez les oiseaux. La particularité
qu’ont les oiseaux à masquer les signes de douleur en cas de stress rend l’évaluation de
la douleur plus difficile que chez les mammifères. Les principes d’analgésie préventive,
d’analgésie multimodale et d’anesthésie balancée, décrits chez les mammifères, doivent
être appliqués chez les oiseaux pour les mêmes raisons. L’anesthésie gazeuse (isoflu-
rane ou sevoflurane) est la méthode recommandée d’induction et d’entretien chez les
oiseaux. Les études réalisées sur la ventilation des oiseaux suggèrent que la ventilation
intermittente par pression positive avec monitoring par capnographie est une méthode
efficace de prévention de l’acidose et de l’hypoventilation, survenant rapidement chez
des oiseaux anesthésiés et laissés en respiration spontanée.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Oiseau ; NAC ; Anesthésie ; Analgésie ; Douleur

Plan ■ Entretien de l’anesthésie 7


Position de l’oiseau 7
■ Reconnaître la douleur chez les oiseaux 1 Ventilation 7
Variabilité liée au très grand nombre d’espèces 1 Prévention de l’hypothermie 7
Influence du stress 2 Importance de la durée de l’anesthésie 7
Principaux signes de douleur rencontrés en clinique 2 ■ Monitoring 7
■ Prise en charge de la douleur chez les oiseaux 2 Respiration 7
Gestion non pharmacologique de la douleur 2 Oxygénation 8
Analgésie préventive 2 Système circulatoire 8
Analgésie multimodale 2 Système nerveux 8
Anesthésie locale 2 ■ Accès veineux et fluidothérapie 8
■ Mise à jeun 4 ■ Réveil 9
■ Choix du protocole 4
Anesthésie gazeuse versus anesthésie injectable 4
Anesthésie balancée 5
■ Prémédication 5  Reconnaître la douleur
■ Induction
Importance de la contention
5
5
chez les oiseaux
Induction au masque 5 Variabilité liée au très grand nombre
Cage à induction 5
Préoxygénation et augmentation progressive d’espèces
de la concentration en gaz anesthésique 5
On compte à ce jour approximativement
Intubation 5
10 000 espèces d’oiseaux, dont 200 reconnues comme
Cannulation du sac aérien 6
« animaux de compagnie » [1] . Les comportements

EMC - Vétérinaire 1
Volume 11 > n◦ 4 > novembre 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S1283-0828(14)66168-8
AN 0510  Anesthésie et analgésie chez les oiseaux

algiques d’un aigle royal ne sont probablement pas Comportement social modifié
identiques à ceux d’un perroquet gris d’Afrique ou d’un
• Comportement de protection de la part des autres
canari. L’évaluation fiable de la douleur chez les oiseaux
oiseaux du groupe vis-à-vis de l’oiseau douloureux.
débute donc par une bonne familiarisation avec les
• Diminution des interactions sociales avec les autres
comportements normaux de l’espèce étudiée [1] .
animaux et le propriétaire.
• Isolement du reste du groupe.

Influence du stress
Toute situation stressante, comme par exemple  Prise en charge
l’introduction de l’oiseau dans un environnement nou- de la douleur chez les oiseaux
veau (salle de consultation, cage d’hospitalisation, etc.),
la douleur elle-même, la présence d’une maladie conco- Gestion non pharmacologique
mitante ou l’isolement social (oiseau séparé de ses
congénères dans la cage de transport ou en consulta- de la douleur
tion/hospitalisation), peut provoquer un camouflage de
La gestion de la douleur devrait débuter en trai-
l’expression de la douleur.
tant/prévenant la pathologie à l’origine de la douleur. Par
L’évaluation de la douleur chez les oiseaux devrait donc
exemple, immobiliser une fracture réduit déjà significati-
se faire avec le moins de stress possible et en n’étant pas
vement la douleur, tout comme réaliser une chirurgie la
dans son champ de vision.
moins traumatique possible [4] .
La prévention et le traitement du stress de l’oiseau
peuvent améliorer l’efficacité des analgésiques utilisés.
Principaux signes de douleur Cela peut se faire en gardant l’oiseau dans un environne-
rencontrés en clinique ment chaud, calme et sans prédateurs. Cela peut se faire
aussi par l’administration de sédatifs comme les benzo-
Les principaux signes amenant à suspecter une douleur diazépines [4] .
chez un oiseau [1–3] sont les suivants.

Analgésie préventive
Signes généraux
Les phénomènes de sensibilisation centrale [5] et péri-
• Léthargie. phérique [6, 7] ayant été décrits chez les oiseaux, la
• Immobilité. réalisation d’un traitement analgésique avant la réalisa-
• Baisse d’activité. tion de la procédure douloureuse est recommandée pour
• Yeux mi-clos. les mêmes raisons que chez les mammifères. La douleur
• Tête sous l’aile. postopératoire et l’utilisation des analgésiques après la
• Plumage gonflé. procédure sont donc diminuées et le temps de récupéra-
• Agitation. tion plus rapide [1] .
• Augmentation des vocalisations.
• Tachypnée.
Analgésie multimodale
Signes cutanés Combiner des analgésiques qui agissent sur différents
étages de la transmission et l’intégration de la douleur
• Diminution du toilettage individuel. permet d’augmenter de façon synergique leur efficacité
• Picage au site douloureux. tout en diminuant les doses nécessaires pour chacun et
• Automutilation au site douloureux. leurs effets toxiques [4, 8] .
L’utilisation préventive d’opioïdes et d’une analgésie
locale permet de bloquer le message nerveux noci-
Changement de comportement ceptif avant sa transmission et son intégration par
le système nerveux central, et donc de limiter sa
• Docilité chez un oiseau habituellement agressif. sensibilisation. L’utilisation préventive d’antagonistes
• Agressivité chez un oiseau habituellement docile. N-méthyl-D-aspartate (kétamine) permet de limiter la
sensibilisation du système nerveux central et de poten-
tialiser les effets analgésiques des opioïdes. L’utilisation
Signes digestifs d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) permet de
limiter l’inflammation des tissus, et donc la sensibilisa-
• Anorexie. tion périphérique.
• Dysorexie. Les Tableaux 1 et 2 regroupent les posologies et effets
• Amaigrissement/perte de poids. des opioïdes [9–15] et des AINS [9, 16–18] couramment utilisés
chez les oiseaux.
Troubles locomoteurs
Anesthésie locale
• Position antalgique.
• Patte relevée. L’anesthésique local peut être administré par infiltra-
• Boiterie. tion locale sur le site opératoire ou par spash sur une plaie
• Absence de vol. ou une structure interne [1] .
• Aile pendante. L’utilisation du bloc du plexus brachial a été décrite
• Changements réguliers d’appui. chez l’amazone d’Hispaniola [19] , le poulet [20, 21] et le
• Ataxie. canard [22] , mais ces études n’ont pas mis en évidence

2 EMC - Vétérinaire
Anesthésie et analgésie chez les oiseaux  AN 0510

Tableau 1.
Opioïdes utilisés en analgésie aviaire.
Molécule Dose Voie Espèce Commentaire
Hydromorphone 0,1–0,6 mg/kg/3–6 h i.m. Crécerelle d’Amérique Sédation à 0,6 mg/kg
Morphine 0,1–30 mg/kg/4 h i.m. Poule Hyperalgésie dès la première
injection et à petite dose chez
certaines variétés de poules
Analgésie chez les autres (à dose
élevée)
Fentanyl 0,2 mg/kg s.c. Cacatoès blanc Pas d’analgésie à des doses
inférieures
Effets secondaires d’hyperactivité
Buprénorphine 0,1 mg/kg i. m. Gris d’Afrique Pas d’effet analgésique observable
Butorphanol 0,5 mg/kg i.m. Dinde
1 mg/kg/2–3 h i.m. Gris d’Afrique Analgésie chez 55 % des individus
2 mg/kg i.m. Amazone d’Hispaniola Pas d’effet analgésique observable
1–6 mg/kg i.m. Crécerelle d’Amérique Pas d’effet analgésique observable
Hyperalgésie chez les mâles à
6 mg/kg
Nalbuphine 12,5 mg/kg/3 h i.m. Amazone d’Hispaniola
hydrochloride
Nalbuphine 33,7 mg/kg/12 h i.m. Amazone d’Hispaniola Longue durée d’action
décaonate
Tramadol 5 mg/kg i.v. Amazone d’Hispaniola
30 mg/kg/6 h p.o. Amazone d’Hispaniola
5–30 mg/kg/9 h p.o. Crécerelle d’Amérique

Les molécules et posologies citées ont un effet analgésique documenté sauf mention contraire dans les commentaires.
i.m. : intramusculaire ; s.c. : sous-cutanée ; i.v. : intraveineuse ; p.o. : per os.

Tableau 2.
Effets anti-inflammatoires et toxiques des anti-inflammatoires non stéroïdiens utilisés en analgésie aviaire.
Molécule Dose Voie Espèce Commentaires
Meloxicam 1 mg/kg/12 h i.m. Amazone d’Hispaniola Effet sur les douleurs articulaires
0,1 mg/kg/24 h pendant 7 jours i.m. Perruche ondulée Congestion gloméluraire rénale
0,5–2 mg/kg/12 h pendant i.m. Pigeon Effet sur la douleur orthopédique
9 jours puis postopératoire à 2 mg/kg
p.o. Pas d’effet observable à 0,5 mg/kg
Pas de lésions histologiques rénales
significatives à 2 mg/kg
0,5 mg/kg p.o. Buse à queue rousse, Demi-vie de 30 minutes chez la buse
grand-duc d’Amérique à queue rousse et de 45 minutes chez
le grand-duc d’Amérique
2 mg/kg/12 h pendant 14 jours i.m. Caille Pas de lésions rénales histologiques
ni de modifications
hématobiochimiques
Lésions musculaires au point
d’injection
Carprofène 1 et 30 mg/kg i.m. Poulet Effet sur douleurs articulaires et
boiteries
3 mg/kg/12 h i.m. Amazone d’Hispaniola Réduit partiellement les douleurs
articulaires
Salicylate de sodium 100–200 mg/kg i.m. Poulet Effet sur les douleurs articulaires
Flunixine 5 mg/kg/12 h i.m. Canard Effet anti-inflammatoire
méglumine Nécrose au site d’injection
5,5 mg/kg/24 h pendant 7 jours i.m. Perruche ondulée Lésions rénales sévères
3 mg/kg i.m. Poulet Effet sur les douleurs articulaires
Kétoprofène 12 mg/kg i.m. Poulet Effet sur les douleurs articulaires
2,5 mg/kg/24 h pendant 7 jours i.m. Perruche ondulée Nécrose tubulaire rénale
5 mg/kg/12 h i.m. Canard Effet anti-inflammatoire
2–5 mg/kg i.m. Eider Mortalité chez les mâles

i.m. : intramusculaire ; p.o. : per os.

EMC - Vétérinaire 3
AN 0510  Anesthésie et analgésie chez les oiseaux

Tableau 3.
Effets rapportés des blocs du plexus brachial chez les oiseaux.
Molécule Dose Voie Espèce Commentaires
Lidocaïne 2 mg/kg Bloc du plexus Amazone d’Hispaniola Diminution de l’activité
brachial électrique des nerfs mais absence
d’effet clinique observable
15 mg/kg + adrénaline Bloc du plexus Canard Pas d’anesthésie locale
3,8 ␮g/kg brachial observable
1 ml/kg de lidocaïne Bloc du plexus Poulet Taux de succès de 66 %
20 mg/kg complété avec brachial Très forte dose de lidocaïne dans
une dilution à 10 ␮g/ml cette étude, à utiliser avec
d’adrénaline précaution
1 ml/kg de bupivacaïne Bloc du plexus Poulet Taux de succès de 66 %
Bupivacaïne 5 mg/kg complété avec brachial Très forte dose de bupivacaïne
une dilution à 10 ␮g/ml dans cette étude, à utiliser avec
d’adrénaline précaution
2 et 8 mg/kg Bloc du plexus Canard Pas d’anesthésie locale
brachial observable
Ropivacaïne 1 ml/kg de ropivacaïne à Bloc du plexus Poulet Bloc moteur et sensitif
0,75 % brachial observable
Pas de complications rapportées

Figure 1. Site d’injection pour la réalisation d’un bloc du Figure 2. Réalisation d’un bloc du plexus brachial chez un har-
plexus brachial chez un harfang des neiges (cliché Clinique des fang des neiges (cliché Clinique des oiseaux de proie, Université
oiseaux de proie, Université de Montréal). de Montréal).

d’analgésie chez toutes les espèces (les résultats de ces élevé des oiseaux et leurs faibles réserves de glycogène
études sont résumés dans le Tableau 3). Le site d’injection hépatique, il est recommandé de limiter la durée de la
décrit chez l’amazone d’Hispaniola est l’angle créé par mise à jeun. Cette durée varie selon l’espèce et reste
le muscle pectoral, le triceps et le muscle supracoracoi- controversée, mais ne devrait pas durer en moyenne plus
deus aticimus d’un côté, et l’insertion des tendons des de deux à trois heures chez des oiseaux de poids moyen,
muscles coracobrachial caudal et scapulohuméral caudal et devrait dépendre du statut clinique, de la taille et de
de l’autre [19] (Fig. 1, 2). l’espèce [8, 23] .
La dose totale de lidocaïne ne devrait pas dépasser 2
à 3 mg/kg pour des raisons de toxicité. L’administration
de bupivacaïne à 1 mg/kg ne semble pas provoquer
d’effets toxiques chez les oiseaux. Les doses recomman-  Choix du protocole
dées d’anesthésiques locaux sont plus faibles que chez les
mammifères, car il est suspecté que les oiseaux seraient Anesthésie gazeuse versus anesthésie
plus sensibles à leurs effets toxiques en raison d’une
administration systémique plus rapide et d’un métabo-
injectable
lisme prolongé [1] . L’anesthésie par inhalation de gaz anesthésique (iso-
flurane ou sevoflurane) est la méthode la plus utilisée.
Grâce à la performance des échanges gazeux dans les
 Mise à jeun parabronches, l’inhalation d’un gaz anesthésique pro-
voque une induction rapide et son retrait un réveil rapide,
Afin de prévenir les régurgitations et l’effet de masse ce qui permet un contrôle plus fin de l’anesthésie [8] .
de l’appareil digestif sur les sacs aériens, il est néces- Étant donné la forte variété d’espèces aviaires rencon-
saire de s’assurer que le jabot est vide avant de réaliser trées en clinique, il est difficile de déterminer la dose
l’anesthésie [23] . Cependant, étant donné le métabolisme sûre et efficace d’anesthétique injectable à administrer

4 EMC - Vétérinaire
Anesthésie et analgésie chez les oiseaux  AN 0510

pour une espèce donnée. La profondeur anesthésique


est plus difficile à prévoir et à contrôler, et le réveil est
plus long. Les avantages d’une induction par injectable
sont moins nombreux, et concernent le coût et la facilité
d’administration.

Anesthésie balancée
L’utilisation synergique de plusieurs molécules anes-
thésiques permet de diminuer les doses de chacune
d’entre elles et leurs effets indésirables, notamment
dépresseurs cardiorespiratoires. Il est donc recommandé
chez les oiseaux d’utiliser des molécules sédatives, analgé-
siques et/ou myorelaxantes en fonction de la procédure
réalisée afin de diminuer les doses d’anesthésiques inha-
lés nécessaires [23] .

Figure 3. Induction au masque chez un perroquet gris


 Prémédication d’Afrique (cliché CaduVet).

La prémédication est peu utilisée chez les oiseaux, dans


l’intention d’éviter de manipuler l’oiseau plusieurs fois. être achetés ou fabriqués avec des bouteilles en plas-
De plus, étant donnée l’efficacité des échanges gazeux tique. Le débit d’oxygène utilisé est généralement de 1 à
chez les oiseaux, l’induction est plus rapide et la phase 2 l/min [8] .
d’excitation est plus courte que chez les mammifères.
Cependant, la réalisation d’une sédation préalablement
à l’induction peut être indiquée chez des oiseaux très
Cage à induction
nerveux. L’administration des analgésiques et des autres Des sacs plastiques étanches peuvent être utilisés pour
molécules impliquées dans la réalisation de l’anesthésie envelopper la cage de l’oiseau ou ce dernier peut être
balancée peuvent être administrées lors de l’induction ou placé dans une chambre d’induction. Cette technique
juste après [23] . peut être utilisée pour des oiseaux difficiles à manipuler,
Les molécules de prémédication les plus utilisées en mais il est difficile de surveiller la réponse à l’anesthésie.
médecine aviaire sont les benzodiazépines et les opioïdes. De plus, sans contention, l’oiseau peut se blesser lors de
Les parasympatholytiques (atropine et glycopyrrolate) la phase d’excitation [8] .
sont recommandés en cas d’arythmie. Leur utilisation de
routine est controversée en raison de leur effet épaissis-
sant des sécrétions trachéobronchiques et de la salive, Préoxygénation et augmentation
augmentant le risque d’obstruction des voies respira-
toires supérieures [23] .
progressive de la concentration en gaz
Le Tableau 4 résume les doses et effets des agents de anesthésique
prémédication le plus couramment utilisés en anesthésie
aviaire [24–29] . Certains praticiens préoxygènent l’oiseau au masque
avant l’induction, puis augmentent lentement la concen-
tration en gaz anesthésique inhalée jusqu’à obtention de
 Induction l’effet désiré (low-to-high protocol), afin de réduire le risque
de surdose. Cette méthode a le désavantage de rendre
l’induction plus longue et d’augmenter la durée de stress
Importance de la contention de l’oiseau [8, 23] .
Afin de protéger l’oiseau et les manipulateurs D’autres praticiens débutent l’induction avec une
d’éventuelles blessures, une contention adaptée à haute concentration d’agent anesthésique (4 à 5 % pour
l’espèce et à ses méthodes de défense doit être effectuée l’isoflurane ou 7 à 8 % pour le sevoflurane, à adapter
lors de la prémédication, l’induction et le réveil. Chez en fonction de l’espèce et de l’individu). La concen-
les psittacidés, la tête doit toujours être contrôlée pour tration en agent anesthésique est ensuite diminuée
prévenir les morsures. Chez les rapaces, les pattes et les pour permettre le maintien de l’anesthésie (high-to-
serres sont les instruments de défense les plus dangereux low protocol). Cette méthode a l’avantage de réduire le
et doivent être contrôlés. Les hérons et les grues ont un temps d’induction et le stress associé. À ce jour, aucun
bec long et pointu, et ont tendance à attaquer les yeux. consensus n’a été établi sur la méthode d’induction au
Enrouler l’oiseau autour d’une serviette est une aide à la masque [8, 23] .
contention couramment utilisée (Fig. 3). Il est important
de veiller à ne pas empêcher les mouvements inspira-
toires lors de la contention et d’écourter le plus possible Intubation
celle-ci [8] . Lors de procédures non invasives de moins de dix
minutes (radiographie, prise de sang, examen clinique,
Induction au masque etc.), l’intubation n’est pas forcément nécessaire [8] .
La plupart des oiseaux de plus de 100 g peuvent être
L’induction au masque à l’aide d’un anesthésique intubés facilement. L’orifice glottique est situé à la base
volatile est l’induction le plus couramment utilisée en de la langue et facilement visualisable (Fig. 4, 5). Le bal-
anesthésie aviaire. La taille et la forme du masque doivent lonnet ne doit pas être gonflé en raison des anneaux
être adaptées à celles du bec. Les masques peuvent cartilagineux trachéaux complets. Une surinflation du

EMC - Vétérinaire 5
AN 0510  Anesthésie et analgésie chez les oiseaux

Tableau 4.
Agents de prémédication utilisés couramment chez les oiseaux.
Molécule Dose Voie Espèce Commentaires
Midazolam 0,1–0,5 mg/kg i.m. Prémédication en 5–15 min
0,5–3 mg/kg Sédation modérée à lourde
2 mg/kg Intranasale Amazone d’Hispaniola Sédation modérée d’apparition rapide
Pas d’effets indésirables observés
Réversible avec 0,05 mg/kg de
flumazénil en intranasal
7 mg/kg Perruche à collier Sédation adéquate d’apparition rapide
Réversible avec 0,13 mg/kg de
flumazénil en intranasal
13 mg/kg Diamant mandarin Sédation adéquate d’apparition rapide
25 ␮l par narine Canari Sédation adéquate d’apparition rapide
(5 mg/ml) Réversible avec 2,5 ␮g de flumazénil
par narine
13 mg/kg Perruche ondulée Sédation adéquate d’apparition rapide
Diazépam 13 mg/kg Intranasale Perruche ondulée Sédation adéquate d’apparition rapide
25 ␮l par narine Canari Sédation adéquate d’apparition rapide
(5 mg/ml) Réversible avec 2,5 ␮g de flumazénil
par narine
13 mg/kg Diamant mandarin Sédation adéquate d’apparition rapide
Flumazénil 0,05 mg/kg i.m. Antagoniste des benzodiazépines
Atropine 0,01–1 mg/kg s.c.,
i.m., i.v.
Glycopyrrolate 0,01 mg/kg i.m., i.v.

i.m. : intramusculaire ; s.c. : sous-cutanée ; i.v. : intraveineuse.

Figure 4. Orifice glottique chez un grand-duc d’Amérique Figure 6. Fixation de la sonde trachéale chez un harfang des
(cliché Clinique des oiseaux de proie, Université de Montréal). neiges (cliché Clinique des oiseaux de proie, Université de Mont-
réal).

ballonnet peut provoquer des lésions trachéales se mani-


festant en moyenne deux semaines après la procédure,
par une nécrose ou une sténose trachéale [8, 30] .
Le tube peut ensuite être attaché à la partie inférieure
du bec (Fig. 6) et/ou ensuite être fixé avec un lien derrière
la tête (Fig. 7) selon la morphologie de la tête [8] .

Cannulation du sac aérien


Étant donné l’anatomie des oiseaux, leur ventilation
peut être assurée lors de l’anesthésie par la mise en place
d’une sonde dans un sac aérien. Cette procédure alterna-
tive est recommandée lorsque l’oiseau est anesthésié pour
Figure 5. Intubation chez un grand-duc d’Amérique (cliché une procédure sur l’appareil respiratoire supérieur (endo-
Clinique des oiseaux de proie, Université de Montréal). scopie, résection–anastomose de la trachée, etc.) afin de
conserver une ventilation de l’animal.

6 EMC - Vétérinaire
Anesthésie et analgésie chez les oiseaux  AN 0510

Figure 7. Fixation de la sonde trachéale chez un perroquet


gris d’Afrique (cliché CaduVet). Figure 8. Capnographie chez un harfang des neiges (cliché
Clinique des oiseaux de proie, Université de Montréal).

 Entretien de l’anesthésie Une fréquence respiratoire de 10 à 25 mouvements


par minute chez les grandes espèces et de 30 à
Position de l’oiseau 40 mouvements par minute chez les petites est recom-
mandée. L’efficacité de la ventilation est déterminée par
Il est important de positionner l’oiseau de manière à
l’observation du soulèvement de la poitrine. La pression
faciliter la procédure réalisée tout en permettant le moni-
inspiratoire durant la ventilation ne devrait pas dépasser
toring [23] . Il est supposé que le décubitus dorsal peut
5 à 15 cm d’eau, en fonction de la taille de l’oiseau [23] .
altérer la ventilation de l’oiseau, la masse viscérale com-
Le chirurgien doit être attentif à ne pas exercer de
primant les sacs aériens [8, 31] , tout comme le décubitus
pression sur le corps de l’oiseau afin de ne pas altérer la
ventral, le poids du corps sur le bréchet limitant les mou-
ventilation [23] .
vements respiratoires [32] . Une étude réalisée sur la buse
à queue rousse montre que le volume pulmonaire et le
volume des sacs aériens sont diminués lorsque l’oiseau Prévention de l’hypothermie
est placé en décubitus dorsal par rapport au décubitus
latéral, le décubitus ventral étant celui altérant le moins Les oiseaux de petite taille sont très sujets à
les volumes respiratoires [33] . Cependant, la ventilation en l’hypothermie [23] . Le maintien de la température peut
elle-même n’est pas plus altérée par le décubitus dorsal être assuré par l’utilisation de tapis chauffants, de
que le décubitus latéral [32] . Le décubitus aurait peut-être bouillotes, de fluides chauffés et/ou de lampes chauf-
plus d’impacts sur la ventilation sur des oiseaux plus fantes au cours de l’anesthésie.
lourds.
Importance de la durée de l’anesthésie
Ventilation Il semble que la plupart des complications anesthé-
siques surviennent lorsque la durée d’anesthésie est
L’utilisation de circuits anesthésiques non réinhala- prolongée [23] . La durée de l’anesthésie devrait être la plus
toires est recommandée chez les oiseaux afin de diminuer courte possible. Une préparation préalable de l’ensemble
le plus possible la résistance à leur ventilation [34] , per- du matériel et des drogues nécessaires, ainsi que la réa-
mettre des modifications plus rapides de la profondeur lisation de procédures rapides et efficaces, contribuent à
anesthésique et réduire le volume mort [23] . diminuer ce temps anesthésique.
Une certaine forme de ventilation assistée est recom-
mandée afin de contrer la dépression respiratoire
survenant lors de l’anesthésie [23] . Le volume mort  Monitoring
important chez les oiseaux est compensé par une
respiration profonde et lente. L’effet dépresseur res- Respiration
piratoire de l’anesthésie provoque une respiration
plus superficielle et une moins bonne compensation La ventilation est monitorée cliniquement par
de ce volume mort [34] . De plus, la réalisation d’une l’observation de la fréquence, de la courbe et de
ventilation intermittente à pression positive permet l’amplitude respiratoire. L’utilisation d’un champ chi-
de prévenir les obstructions de la sonde trachéale par rurgical transparent permet d’évaluer facilement les
les sécrétions respiratoires, notamment chez les petits mouvements respiratoires. La méthode la plus précise
oiseaux [8] . Une étude réalisée chez des perroquets gris pour monitorer la ventilation est la mesure du dioxyde
d’Afrique [35] et une autre réalisée chez des oiseaux de carbone artériel, qui est peu applicable en pratique
de proie [16] ont montré une bonne corrélation entre courante [8] .
la pression partielle de dioxyde de carbone en fin Il a été montré une bonne corrélation entre la pression
d’expiration, la pression partielle artérielle en dioxyde partielle de dioxyde de carbone en fin d’expiration, la
de carbone et le pH artériel, et suggèrent que l’utilisation pression partielle artérielle en dioxyde de carbone, et le
de la ventilation intermittente positive assistée par pH artériel chez le perroquet gris d’Afrique et les oiseaux
capnographie (Fig. 8) est une bonne méthode de préven- de proie [16, 35] . La capnographie (Fig. 8) est donc un
tion de l’acidose respiratoire et de l’hypoventilation bon moyen de surveiller la ventilation chez les oiseaux.
lors de l’entretien de l’anesthésie chez les L’oiseau devrait être ventilé manuellement de manière
oiseaux. intermittente afin de maintenir la pression partielle en

EMC - Vétérinaire 7
AN 0510  Anesthésie et analgésie chez les oiseaux

Figure 9. Mise en place d’un Doppler sur l’artère ulnaire d’un Figure 10. Cathéter intraveineux dans la veine ulnaire d’un
harfang des neiges (cliché Clinique des oiseaux de proie, Uni- grand-duc d’Amérique (cliché Clinique des oiseaux de proie,
versité de Montréal). Université de Montréal).
dioxyde de carbone expiré en fin d’expiration entre 30 et
45 mmHg. L’utilisation d’un capnographe augmentant le
moins possible le volume mort est recommandée (capno-
graphe de type side stream) [8] .

Oxygénation
La méthode la plus précise pour monitorer
l’oxygénation est la mesure des gaz sanguins arté-
riels. Cependant, cette méthode est peu applicable en
pratique courante.
L’évaluation de la couleur des muqueuses peut être uti-
lisée, ainsi que la mesure de la saturation en oxygène.
Cependant, la mesure de la saturation en oxygène ne
donne pas une estimation de l’oxygénation aussi fiable
et précise que chez les mammifères [8, 36] . L’oxymètre de
pouls peut être placé sur le patagium ou sur l’articulation
du tarse. Figure 11. Cathéter intraosseux ulnaire chez un harfang des
Un oiseau intubé et ventilé avec 100 % d’oxygène est neiges (cliché Clinique des oiseaux de proie, Université de Mont-
habituellement bien oxygéné. Des problèmes comme de réal).
l’apnée, une hypoventilation ou une obstruction tra-
chéale peuvent altérer l’oxygénation.
de la circonférence de la partie proximale de l’aile ou
de la patte. On considère empiriquement que la pres-
Système circulatoire sion artérielle systolique devrait être comprise entre 90
et 180 mmHg [40] .
Le système circulatoire peut être monitoré par la prise
du pouls, l’auscultation et l’électrocardiogramme.
Le Doppler est un moyen efficace de monitorer la fré- Système nerveux
quence et le rythme cardiaque durant une procédure [8] .
Les réflexes palpébral, cornéen, cloacal, de retrait, et la
Il peut être placé en regard de l’artère ulnaire superfi-
relaxation musculaire peuvent être utilisés pour évaluer
cielle distale (Fig. 9) ou de l’artère ulnaire. L’utilisation
l’oiseau anesthésié [8] .
du Doppler permet de détecter rapidement une baisse de
Les meilleurs outils permettant d’évaluer la profondeur
fréquence cardiaque ou un trouble du rythme survenant
anesthésique chez les oiseaux semblent être la profon-
au cours de l’anesthésie.
deur et la fréquence respiratoires [8] .
Bien que la méthode la plus précise de mesure de pres-
sion artérielle soit sa mesure directe, celle-ci n’est pas
réalisée en pratique courante. Il ne semble pas y avoir
une bonne corrélation entre mesure directe et indirecte  Accès veineux
de la pression artérielle chez les oiseaux [37, 38] . et fluidothérapie
La mesure de la pression artérielle indirecte et son
interprétation doivent donc se faire avec précaution L’oiseau devrait idéalement être perfusé par voie
chez les oiseaux. Une diminution ou une augmentation intraveineuse durant l’anesthésie, notamment lors de
importante de la pression artérielle indirecte, mesurée en procédures longues.
continu sans déplacement de la sonde ni du brassard chez Une voie veineuse peut être posée dans la veine ulnaire
un oiseau anesthésié, peut être interprétée comme étant (Fig. 10) ou la veine métatarsienne médiale. Si la taille
réelle [39] . ou la volémie de l’oiseau ne permettent pas la mise en
Elle peut être mesurée à l’aile sur l’artère ulnaire super- place d’une voie veineuse, une voie intraosseuse peut
ficielle distale ou l’artère ulnaire, ou à la patte sur le être posée dans l’ulna (Fig. 11) ou le tibiotarse (Fig. 12).
segment distal de l’artère ischiatique ou sur l’artère tibiale Le débit de fluides recommandé est de 10 ml/kg par
crâniale. La largeur du brassard devrait mesurer 40 % heure [23] .

8 EMC - Vétérinaire
Anesthésie et analgésie chez les oiseaux  AN 0510

[2] Paul-Murphy J. Pain management for the pet bird. In: Gay-
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 Réveil [10]
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Guzman DS, Drazenovich TL, Olsen GH. Evaluation of
thermal antinociceptive effects after intramuscular admi-
Le réveil est généralement rapide en cas d’anesthésie nistration of hydromorphone hydrochloride to American
gazeuse. L’oiseau peut être extubé lorsqu’il commence à kestrels (Falco sparverius). Am J Vet Res 2013;74:
montrer des mouvements de la mâchoire. Il est ensuite 817–22.
contentionné jusqu’à ce qu’il soit capable de maintenir [11] Guzman DS, Drazenovich TL, Kukanich B. Evaluation
sa tête seul et de tenir debout. Il peut ensuite être placé of thermal antinociceptive effects and pharmacokinetics
au calme dans une cage de réveil chauffée [8] . after intramuscular administration of butorphanol tartrate
to American kestrels (Falco sparverius). Am J Vet Res
2014;75:11–8.

“ Points essentiels [12] Sanchez-Migallon Guzman D, Braun JM, Steagall PV,


Keuler NS, Heath TD, Krugner-Higby LA, et al. Anti-
nociceptive effects of long-acting nalbuphine decanoate
after intramuscular administration to Hispaniolan Ama-
• L’évaluation fiable de la douleur commence zon parrots (Amazona ventralis). Am J Vet Res 2013;74:
par une bonne familiarisation des comportements 196–200.
normaux de l’espèce examinée. [13] Sanchez-Migallon Guzman D, Drazenovich TL, Olsen GH.
• Toute situation stressante peut provoquer un Evaluation of thermal antinociceptive effects after oral admi-
nistration of tramadol hydrochloride to American kestrels
camouflage de l’expression de la douleur.
(Falco sparverius). Am J Vet Res 2014;75:117–23.
• Les principes d’analgésie préventive, [14] Geelen S, Sanchez-Migallon Guzman D, Souza MJ. Antino-
d’analgésie multimodale et d’anesthésie balancée ciceptive effects of tramadol hydrochloride after intravenous
devraient être appliqués pour les mêmes raisons administration to Hispaniolan Amazon parrots (Amazona
que chez les mammifères. ventralis). Am J Vet Res 2013;74:201–6.
• L’anesthésie gazeuse (isoflurane ou sevoflu- [15] Sanchez-Migallon Guzman D, Souza MJ, Braun JM, Cox
rane) est la méthode d’induction et d’entretien SK, Keuler NS, Paul-Murphy JR. Antinociceptive effects
after oral administration of tramadol hydrochloride in His-
recommandée chez les oiseaux. paniolan Amazon parrots (Amazona ventralis). Am J Vet Res
• La ventilation intermittente par pression posi- 2012;73:1148–52.
tive avec monitoring par capnographie est une [16] Desmarchelier M, Rondenay Y, Fitzgerald G. Monitoring
méthode efficace de prévention de l’acidose et of the ventilatory status of anesthetized birds of prey by
de l’hypoventilation, survenant rapidement chez using end-tidal carbon dioxide measured with a microstream
des oiseaux anesthésiés et laissés en respiration capnometer. J Zoo Wildlife Med 2007;38:1–6.
spontanée. [17] Lacasse C, Gamble KC, Boothe DM. Pharmacokinetics
of a single dose of intravenous and oral meloxicam in
red-tailed hawks (Buteo jamaicensis) and great horned
owls (Bubo virginianus). J Avian Med Surg 2013;27:
204–10.
[18] Sinclair KM, Church ME, Farver TB. Effects of meloxicam
Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens on hematologic and plasma biochemical analysis variables
d’intérêts en relation avec cet article. and results of histologic examination of tissue specimens
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A. Duhamelle, Clinicien en médecine zoologique ([email protected]).


Département des sciences cliniques, Centre hospitalier universitaire vétérinaire, Faculté de médecine vétérinaire, Université de Montréal,
3200 Sicotte, Saint-Hyacinthe, Québec, J2S 8H5, Canada.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Duhamelle A. Anesthésie et analgésie chez les oiseaux. EMC - Vétérinaire 2014;11(4):1-
10 [Article AN 0510].

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10 EMC - Vétérinaire
 AN 0600

Anesthésie et analgésie des reptiles


B. Mulot

L’anesthésie et l’analgésie des reptiles ont connu des avancées importantes ces dernières
années, aussi bien dans l’utilisation de molécules connues ou nouvelles que dans la
démonstration de l’inefficacité d’autres. Le praticien dispose aujourd’hui d’un large arse-
nal comprenant les anesthésiques injectables (dissociatifs, hypnotiques, myorelaxants,
bloquants neuromusculaires) et les anesthésiques volatiles qui lui permettent d’affiner son
protocole en fonction du patient et de son état. Cet arsenal est complété par une gamme
d’analgésiques (opioïdes, anti-inflammatoires non stéroïdiens, anesthésiques locaux) qui
lui permettent de prendre en considération la douleur et le stress, tout en potentialisant
son anesthésie pour en limiter la durée. Une meilleure compréhension de l’anatomie et de
la physiologie, associée à l’amélioration des protocoles, donne au praticien la possibilité
de traiter ces nouveaux patients avec autant de professionnalisme qu’il le fait pour les
autres animaux domestiques.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : NAC ; Reptiles ; Anesthésie ; Analgésie

Plan amélioration des connaissances anatomiques et physio-


logiques, développement du diagnostic et de ses outils,
■ Introduction 1 élargissement du panel thérapeutique, etc. Leur anes-
thésie a évolué parallèlement et nous sommes loin
■ Particularités anatomiques et physiologiques des aujourd’hui des protocoles d’engourdissement par le
reptiles 1 froid utilisés autrefois. Après une phase d’utilisation
Thermorégulation 1 basée sur l’extrapolation et l’expérience, l’arsenal déve-
Système cardiovasculaire 2 loppé pour les animaux domestiques est de plus en plus
Système pulmonaire 2 étudié et optimisé pour les spécificités anatomiques et
Système rénal 3 physiologiques de ces nouveaux patients. Aujourd’hui, le
Système hépatique 3 praticien peut choisir un protocole adapté en fonction de
■ Analgésie 3 l’acte qu’il souhaite pratiquer et de l’état clinique de son
Opioïdes 3 patient, que ce soit une sédation pour un examen non
Anti-inflammatoires non stéroïdiens 4 invasif ou une anesthésie profonde pour une chirurgie
Anesthésie locale 4 lourde.
■ Anesthésie 5
Agents bloquants neuromusculaires 5
Anesthésiques injectables 5  Particularités anatomiques
Anesthésie volatile 7
■ Surveillance de l’anesthésie 7
et physiologiques des reptiles
Considérations préanesthésiques 7
Surveillance cardiovasculaire 8
Thermorégulation
Surveillance respiratoire 8 Les reptiles sont des animaux poïkilothermes, ce qui
■ Conclusion 8 signifie que leur température corporelle est directement
dépendante du milieu extérieur. Leur température cor-
porelle a un impact direct sur le métabolisme cellulaire.
L’hypothermie a donc pour conséquences une assimi-
 Introduction lation et une élimination ralenties de toutes drogues
exogènes, et une diminution de la fonction cardiopul-
Avec une représentation de plus en plus importante monaire. Dans le cas d’une anesthésie, l’hypothermie
au sein des animaux de compagnie, les reptiles profitent augmente les temps d’induction et de réveil. Elle entraîne
depuis plusieurs années d’une amélioration notable de un stress supplémentaire pour l’animal, avec un risque
leur prise en charge médicale : vétérinaires spécialisés, anesthésique plus important.

EMC - Vétérinaire 1
Volume 9 > n◦ 2 > mai 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1283-0828(12)52960-1
AN 0600  Anesthésie et analgésie des reptiles

L’hypothermie, même si elle permet de diminuer les


réflexes, n’a pas d’effet analgésique. Elle ne peut être
utilisée, associée à une anesthésie, que dans certaines
chirurgies cardiopulmonaires (retrait de pentastomides
pulmonaires par exemple) [1] .
Il est important que l’animal soit maintenu à une tem-
pérature proche de sa température moyenne préférée.
Celle-ci est la température pour laquelle le métabolisme
cellulaire est optimal. Une hospitalisation dans un terra-
rium de taille adaptée et avec une température ambiante
ajustée est fortement conseillée avant l’anesthésie, pen-
dant les phases d’induction et de réveil. Au cours de
l’anesthésie, il faut favoriser le maintien d’une tempé-
rature proche de la température moyenne préférée par le
biais d’un tapis chauffant, de bouillottes, etc.

Système cardiovasculaire Figure 1. Mise en place d’une sonde endotrachéale chez un


serpent.
En dehors des crocodiliens, le cœur des reptiles est
composé de trois chambres : deux oreillettes distinctes et
un ventricule. Celui-ci est divisé en deux par une struc-
ture comparable à un septum appelée saillie musculaire
ou Muskelleiste qui forme deux chambres : le cavum
pulmonale et le cavum dorsale [2] . La limite dorsolaté-
rale de ce septum peut être libre, permettant un flux
sanguin entre celles-ci. Chez les crocodiliens, le cœur
possède deux oreillettes et deux ventricules. Le foramen
de Panizza permet sous certaines circonstances un shunt
intracardiaque [2] .
Ces shunts cardiaques peuvent se manifester dans les
deux sens et parfois simultanément. La direction du
shunt détermine si la circulation générale ou pulmonaire
est favorisée. Trois fonctions majeures sont associées à ces
shunts :
• stabiliser la teneur en oxygène du sang au cours des
pauses respiratoires ;
• favoriser la circulation générale pour permettre une
meilleure diffusion de la chaleur à l’organisme ;
• éloigner le sang des poumons lors des apnées [2] .
Au cours de l’anesthésie, cela va avoir un effet sur
l’assimilation et l’élimination des anesthésiques volatiles Figure 2. Mise en place d’une sonde endotrachéale chez un
et donc sur les phases d’induction et de réveil. lézard.

Système pulmonaire
Le larynx est facilement mobile si nécessaire. Chez
Les poumons des reptiles sont des structures simples, les chéloniens, la glotte est aussi à la base de la langue,
relativement peu partitionnées. Chez la plupart des rep- mais elle est souvent plus difficile à visualiser. Une bonne
tiles, il s’agit d’une unité linéaire endothéliale [3] . Les extension de la tête permet un meilleur accès (Fig. 3). Leur
unités fonctionnelles sont appelées ediculi et faveoli, uni- trachée bifurque rostralement, au milieu du cou envi-
tés analogues aux alvéoles des mammifères. L’absence de ron, il faut donc faire attention à ne pas les intuber trop
diaphragme implique une participation active de la mus- caudalement. Chez les crocodiliens, l’appareil basihyoïde
culature thoracique, ce qui peut amplifier une dépression (velum palati) divise les cavités orale et nasopharyngée.
respiratoire lors d’anesthésie. Ceci est particulièrement Il bloque l’accès au larynx et doit donc être déprimé ros-
important chez les chéloniens qui n’ont pas de mobilité tralement [3] . Pour faciliter l’intubation, une goutte de
de leur cage thoracique. lidocaïne (diluée à 1 %) peut être utilisée pour désensi-
D’une manière générale, il est recommandé d’intuber biliser la glotte [4] . Chez les chéloniens et crocodiliens,
tout animal anesthésié et d’assister la respiration. Bien les anneaux cartilagineux de la trachée sont complets.
que l’espèce et la taille de l’animal aient une influence D’une manière générale, les sondes endotrachéales avec
sur son rythme respiratoire, on peut considérer que deux ballonnet sont évitées chez l’ensemble des espèces pour
à six insufflations par minute sont une bonne moyenne limiter les risques de traumatisme de la trachée [4] . On fait
lors de respiration assistée [2] . Lors de la phase de réveil, il attention à protéger la sonde endotrachéale, et l’éventuel
est préférable d’utiliser l’air ambiant plutôt que l’oxygène matériel de monitoring et d’imagerie, de la mâchoire et
pur car ce dernier va inhiber la respiration spontanée des dents. Une pièce de bois ou de plastique peut être
et stimuler une phase d’apnée. L’intubation est relative- utilisée chez les individus de grande taille ; un tuyau en
ment aisée chez la plupart des espèces. Chez les serpents polychlorure de vinyle épais par exemple chez les croco-
et lézards, la glotte se situe en position rostrale pour les diliens permet le passage de la sonde et d’un endoscope.
premiers (Fig. 1) et à la base de la langue pour les seconds Chez les serpents de petite taille, la sonde peut être enve-
(Fig. 2). loppée dans une compresse (Fig. 4).

2 EMC - Vétérinaire
Anesthésie et analgésie des reptiles  AN 0600

drainent directement le sang vers la veine abdomi-


nale, entraînant ainsi un passage hépatique direct des
molécules administrées dans les masses musculaires pos-
térieures [8] . Cela peut entraîner une diminution de la
concentration efficace des molécules injectées dans la
partie postérieure de l’animal [9] .

 Analgésie
La gestion de la douleur a longtemps été négligée chez
les reptiles pour plusieurs raisons : non-considération
de la capacité de ces animaux à ressentir la douleur,
puis difficulté à l’objectiver et à évaluer l’efficacité des
moyens thérapeutiques. Une prise de conscience de
l’importance de la gestion de la douleur chez les animaux
d’une manière générale, une meilleure connaissance
aujourd’hui de l’anatomie et de la physiologie nerveuse
de ces animaux, ainsi que la mise en place de protocoles
d’étude permettant d’objectiver l’effet des molécules
analgésiques amènent à reconsidérer le choix des trai-
tements (Tableau 1) [1] . Dans le cadre de l’anesthésie,
Figure 3. Mise en place d’une sonde endotrachéale chez un l’analgésie stabilise le patient, entre autres en limitant
chélonien. l’impact des réactions neurohumorales à la douleur. Il
réduit aussi le stress, peut permettre de diminuer les doses
utilisées et favorise une meilleure récupération.
Trois catégories d’analgésiques sont disponibles :
• les anesthésiques locaux qui interrompent la transmis-
sion de la nociception depuis le récepteur périphérique
jusqu’à la moelle épinière ;
• les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) qui
vont moduler la nociception en périphérie et dans la
moelle épinière ;
• les opioïdes qui vont agir en périphérie et sur
l’ensemble du système nerveux central.

Opioïdes
Des récepteurs nociceptifs, un système nerveux central
approprié, des récepteurs aux opioïdes et des opioïdes
endogènes sont présents chez les reptiles comme chez
les mammifères [10] . La famille de gènes pour les récep-
teurs aux opioïdes (␮, ␬ et ␦) est fortement conservée chez
Figure 4. Exemple de protection de la sonde endotrachéale l’ensemble des vertébrés, mais peu d’informations sont
et du câble de monitoring chez un serpent. disponibles concernant ces récepteurs et leurs ligands
endogènes spécifiquement chez les reptiles. Des études
récentes ont permis de mettre en évidence que l’analgésie
Système rénal reposait vraisemblablement plus sur les récepteurs ␮.

Les reptiles possèdent un système porte-rénal qui dirige Morphine


une partie du sang provenant de la partie caudale de La morphine est un agoniste des récepteurs ␮. Chez les
l’animal directement vers le rein. Ce système a pour chéloniens, les crocodiliens et les lézards, les propriétés
but de conserver une vascularisation rénale même en analgésiques ont pu être démontrées [10] . En, revanche,
cas de diminution de la circulation générale. Pendant pour le moment, son potentiel analgésique n’a toujours
longtemps, les injections dans les masses musculaires pas été mis en évidence chez les serpents [11] . Les doses
caudales ont été proscrites, pour éviter une accélération recommandées sont de 1 à 5 mg/kg en injection sous-
de l’élimination des molécules à excrétion glomérulaire cutanée ou intramusculaire [10] . L’effet secondaire le plus
et tout effet toxique direct sur le rein. Mais des études ont notable est une forte dépression respiratoire engendrée
démontré que ce système a en réalité peu d’impact [5–7] . essentiellement du fait des doses élevées devant être uti-
Par précaution, et surtout chez les patients déshydratés, lisées pour avoir un effet analgésique.
il reste tout de même de pratique courante d’effectuer Par extrapolation, l’hydromorphone est recommandée
l’injection en partie craniale de l’animal. aux doses de 0,5 à 1 mg/kg par injection sous-cutanée
ou intramusculaire, avec les mêmes précautions dues aux
effets dépresseurs respiratoires [10] .
Système hépatique
Le système hépatique des reptiles a une faible capa-
Butorphanol
cité métabolique. En conséquence, le délai d’action de Le butorphanol est un agoniste des récepteurs ␬ et
certaines molécules, comme certains anesthésiques injec- antagoniste des récepteurs ␮. Régulièrement utilisé en
tables, est plus long et donc la phase de réveil est médecine des animaux domestiques pour ses propriétés
prolongée [2] . Chez certaines espèces, les veines fémorales analgésiques et sédatives, il présente moins d’effets

EMC - Vétérinaire 3
AN 0600  Anesthésie et analgésie des reptiles

Tableau 1.
Réflexes et surveillance de la profondeur d’anesthésie [1] .
Sédation ou anesthésie légère Uniquement le réflexe palpébral est inhibé. Le passage d’un coton mouillé sur les paupières entraîne
leur fermeture. Ce réflexe ne peut être utilisé chez les serpents et chez certains lézards qui ne
possèdent pas de paupières mobiles
Anesthésie générale, niveau Sont inhibés ou très fortement diminués :
chirurgical - les réflexes de retrait (retrait des membres ou de la queue lors du pincement de ceux-ci, retrait des
membres et de la tête lors du pincement d’un membre chez les chéloniens) ;
- le réflexe de retournement (intéressant essentiellement chez les serpents : animal mis sur le dos,
redressement spontané sur face ventrale) ;
- le réflexe de Bauchstreich (mouvements/ondulations du corps chez les serpents lorsque l’on stimule
craniocaudalement la face ventrale de l’animal) ;
- la résistance de la mâchoire (utile chez les chéloniens, on teste la résistance de l’animal lors de
l’ouverture forcée de la cavité buccale)
Anesthésie profonde Tous les réflexes énoncés précédemment sont abolis et on observe aussi une inhibition des réflexes :
- du cloaque (contraction de l’orifice cloacal lors du pincement de celui-ci) ;
- de la langue (chez les serpents, rétraction de la langue lors de l’étirement forcé de celle-ci) ;
- cornéen (fermeture des paupières lors du contact avec la cornée d’un coton humide ; impossible chez
les serpents et certains lézards)

secondaires (notamment dépresseurs respiratoires) que la système nerveux central [15] . L’affinité du tramadol pour
morphine du fait de l’antagonisme des récepteurs ␮. Il a les récepteurs ␮ est 6 000 fois moins importante que celle
été l’un des premiers analgésiques utilisés chez les rep- de la morphine. La molécule procure une bonne anal-
tiles, de manière empirique. Deux études menées sur des gésie avec une dépression respiratoire moins importante
tortues de Floride (Trachemys scripta elegans), des dragons que celle entraînée par la morphine chez la tortue de
barbus (Pogona vitticeps) et des serpents des blés (Elaphe Floride [15] . Une dose de 5 à 10 mg/kg per os augmente
guttata) ont montré que le butorphanol, même à haute significativement le temps de retrait lors de stimuli ther-
dose, n’avait pas d’effet analgésique sur les tortues ni sur miques pendant 12 à 96 heures [15] . Bien que la dépression
les dragons [10–12] . De même, aucune différence significa- respiratoire soit moins importante avec le tramadol
tive n’a été observée entre des iguanes verts (Iguan iguana) qu’avec les autres opioïdes (morphine, butorphanol), cer-
prémédiqués par injection de butorphanol et non pré- taines précautions sont à prendre, en particulier lorsque
médiqués [13] . À haute dose, un effet analgésique serait l’animal souffre de maladie respiratoire.
induit sur les serpents [11] . Ce résultat est controversé dans
une autre étude menée sur des pythons royaux (Python Anti-inflammatoires non stéroïdiens
regius) qui n’a montré aucun effet analgésique [14] . Ces
Méloxicam
doses induisent une dépression respiratoire importante.
En tout état de cause, et devant les résultats obtenus Le méloxicam est un AINS ayant un effet inhibiteur
jusqu’à aujourd’hui, le butorphanol n’est pas recom- préférentiellement sur les cyclo-oxygénases 2 (COX2).
mandé comme analgésique chez les reptiles. Bien qu’une étude n’ait pas montré d’effet analgésique du
méloxicam à la posologie de 0,3 mg/kg sur des pythons
Buprénorphine royaux [14] , une publication basée sur des observations
La buprénorphine est un agoniste-antagoniste (ago- personnelles [16] décrit un potentiel analgésique pour
niste partiel sur les récepteurs ␮ et antagoniste partiel la molécule. Au plan pharmacocinétique, une dose de
sur les récepteurs ␬). La buprénorphine a une haute 0,2 mg/kg en injection intraveineuse ou par voie orale
solubilité lipidique qui explique une phase d’induction maintient pendant 24 heures une concentration plasma-
lente mais une durée d’action plus longue que les autres tique supérieure au minimum requis chez l’homme, le
opioïdes [9] . Un des avantages de la buprénorphine est cheval et le chien pour avoir un effet analgésique [16] sans
sa grande marge de sécurité, la dose nécessaire pour avoir d’effets secondaires.
une bonne analgésie étant largement inférieure à celle L’utilisation à la dose de 0,2 mg/kg en injection intra-
entraînant une dépression respiratoire [9] . Bien que le veineuse, intramusculaire ou par voie orale toutes les
potentiel analgésique n’ait pas encore été scientifique- 48 heures est recommandée [17] .
ment démontré, une étude menée sur des tortues de
Floride [9] a montré que des doses de 0,075 à 0,1 mg/kg Kétoprofène
en injection sous-cutanée permettent d’obtenir un pic Le kétoprofène est un AINS non sélectif ayant un effet
plasmatique reconnu comme efficace chez différents ver- inhibiteur sur COX1 et COX2. Bien qu’aucune étude n’ait
tébrés durant 24 heures. Cette étude a aussi montré que démontré l’effet analgésique du kétoprofène, son action
le site d’injection de la molécule, du fait de sa métaboli- inhibitrice non sélective est supposée avoir un meilleur
sation essentiellement hépatique, avait une importance effet analgésique que les AINS sélectifs COX2 [18] . Une
et qu’il était préférable de réaliser l’injection dans la injection intraveineuse ou intramusculaire à la dose de
partie antérieure de l’animal pour éviter une métabolisa- 2 mg/kg chez l’iguane vert serait suffisante pour obte-
tion précoce. L’avantage de la buprénorphine par rapport nir des concentrations plasmatiques considérées comme
à la morphine est sa plus grande durée d’action, son effectives chez les mammifères plus de 24 heures [18] . Une
potentiel analgésique 30 fois supérieur et le risque moins utilisation toutes les 48 heures de cette molécule est à
important de dépression respiratoire aux doses thérapeu- recommander [18] .
tiques [9] .

Tramadol Anesthésie locale


Le tramadol est un agoniste des récepteurs ␮ ; inhibe la L’anesthésie locale agit en supprimant la transmission
recapture de la sérotonine et de la norépinephrine dans le du signal des neurones sensitifs et moteurs. Elle peut être

4 EMC - Vétérinaire
Anesthésie et analgésie des reptiles  AN 0600

utilisée aussi bien seule pour des procédures mineures Les benzodiazépines peuvent aussi être utilisées toutes
qu’en tant qu’analgésique lors d’une anesthésie géné- seules pour obtenir une légère sédation dans le cas de
rale. Leur utilisation est limitée au temps périopératoire procédures non douloureuses [21] .
et aux animaux hospitalisés à cause de leur courte durée
d’action et de la paralysie motrice associée [19] . Le risque
principal est l’administration accidentelle de surdoses,
Tilétamine/zolazépam
potentiellement toxiques. En général, les doses toxiques L’association d’un agent dissociatif et d’une benzo-
à ne pas dépasser sont de 10 à 22 mg/kg pour la lidocaïne diazépine potentialise l’effet anesthésique et améliore
et 5 mg/kg pour la bupivacaïne [19] . Une dilution exces- la myorelaxation. L’association tilétamine/zolazépam
sive risquant de diminuer leur efficacité, ils ne devraient est deux à trois fois plus puissante que la kétamine
pas être dilués à plus de 50 %, les solutions commercia- seule, mais a une durée d’action plus longue [1] . Des
lisées de lidocaïne 1 % et de bupivacaïne 0,25 % étant doses légères (5 à 10 mg/kg) permettent une sédation et
recommandées chez les animaux de petite taille [19] . peuvent être utilisées en prémédication. Un des avan-
tages de ce mélange est la forte concentration pouvant
être obtenue, permettant une induction avec de faibles
volumes et les faibles doses (1 à 2 mg/kg) nécessaires sur
 Anesthésie les animaux de grande taille [2] .

Agents bloquants neuromusculaires Médétomidine


Les agents bloquants neuromusculaires permettent La médétomidine est un alpha2-agoniste qui semble
une immobilisation de courte durée des animaux diffi- avoir des effets de sédation et de myorelaxation chez les
ciles à manipuler. Ils peuvent être utilisés, par exemple, reptiles [2] . Chez les tortues du désert (Gopherus agassi-
en prémédication pour faciliter l’intubation des ché- zii), une dose de 150 ␮g/kg en injection intramusculaire
loniens. Leur intérêt par rapport au propofol est leur a montré des effets sédatifs [22] . En combinaison avec
administration par voie intramusculaire ; par rapport à la la kétamine, la médétomidine a permis une anesthésie
kétamine, ils ont une durée d’action plus courte et sont profonde sans effet secondaire majeur chez la tor-
antagonisables par la néostigmine [20] . Le rocuronium est tue de Floride, la tortue caouanne (Caretta caretta) et
un agent bloquant neuromusculaire non dépolarisant. l’alligator du Mississippi (Alligator mississippiensis) [2, 23] .
Sa durée d’action est intermédiaire. Il est éliminé par Comme chez les carnivores domestiques, la médétomi-
voie hépatique (métabolisme et clairance) et rénale [20] . dine est associée chez les reptiles à une bradycardie et
Il a un effet d’action rapide sans entraîner de relargage une bradypnée [2, 22] . L’atipamézole peut être utilisé pour
d’histamine ni d’effets cardiovasculaires importants [20] . antagoniser l’alpha2-agoniste à cinq fois la dose de médé-
Dans une étude menée sur la tortue boîte du Golfe (Ter- tomidine [2, 22, 23] . Cependant, il semble que l’atipamézole
rapene carolina major), les temps d’induction permettant n’antagonise que partiellement les effets de l’alpha2-
l’intubation étaient en moyenne de 10 minutes avec des agoniste et il est donc recommandé de surveiller avec
doses de 0,25 à 0,5 mg/kg par voie intramusculaire [20] . attention la phase de réveil [2, 22, 23] . L’administration par
Du fait de l’absence d’analgésie, et malgré l’absence de voie intramusculaire est préférée à la voie intravei-
réflexes, il est fortement conseillé, dans le cas de pro- neuse [2] .
cédures invasives et/ou douloureuses, d’antagoniser le
rocuronium après intubation et relais par l’anesthésique
volatile. L’antagonisation peut être réalisée par injec-
Propofol
tion intramusculaire de glycopyrrolate (0,01 mg/kg) ou Le propofol (dérivé phénolique) est un anesthésique
de néostigmine (0,04 mg/kg) [20] . intraveineux de type hypnotique. Malgré un coût impor-
tant, sa rapidité d’induction et sa courte durée d’action
en font une molécule de plus en plus utilisée en
clientèle. Chez les reptiles, c’est la molécule de choix
Anesthésiques injectables (Tableau 2) [1, 2, 26] lorsqu’un accès veineux est disponible. Même si leur
métabolisme entraîne une courte durée d’induction rela-
Kétamine tive (quelques minutes au lieu de quelques secondes),
La kétamine peut être administrée parvoie intravei- celle-ci est significativement plus courte qu’avec les
neuse, intramusculaire et intraosseuse. Bien que son autres molécules injectables. De plus, le propofol a une
utilisation soit répandue, elle procure une anesthésie de durée d’action de quelques dizaines de minutes, ce qui
profondeur variable en fonction des individus, avec une rend son utilisation intéressante dans le cas de pro-
faible myorelaxation et une analgésie superficielle [3] . En cédures de courte durée, ou en prémédication avant
outre, les temps d’induction (10 à 30 minutes par voie intubation et maintenance en relais gazeux. Chez la
intramusculaire) et de réveil (jusqu’à 24 à 96 heures lors tortue caouanne, des doses de 5 mg/kg en injection
de doses élevées) limitent son utilisation sur des ani- intraveineuse ont induit 10 minutes d’anesthésie pro-
maux en mauvais état général [1] . Les effets secondaires fonde suivies de 30 minutes de sédation moyenne à
rencontrés sont hypertension, tachycardie, bradypnée et modérée [24] . Chez la tortue de Floride, des doses de
hypoventilation [19] . La kétamine à faible dose peut être 10 à 20 mg/kg injectées en intraveineuse dans le sinus
utilisée en prémédication avant intubation ou en séda- supravertébral ont induit une anesthésie suffisante pour
tion pour faciliter certaines procédures (extension du permettre l’intubation des animaux [25] . Une anesthésie a
cou chez les chéloniens par exemple) [1] . Les doses uti- été induite par des doses de 5 à 10 mg/kg administrées en
lisées s’échelonnent entre 25 et 100 mg/kg en fonction intraosseux chez l’iguane vert [2] . Chez les serpents, des
de l’animal et du degré d’anesthésie désiré. doses de 5 à 10 mg/kg sont usuellement décrites.
L’utilisation du diazépam (0,2-1,0 mg/kg par voie intra- Le propofol a comme effet secondaire une dépression
musculaire) ou du midazolam (0,5-2,0 mg/kg par voie cardiopulmonaire dépendante de la dose. Une apnée
intramusculaire) en combinaison avec la kétamine est immédiate après injection est commune, et dépendante
fortement conseillée pour améliorer la myorelaxation [1] . de la vitesse d’injection et de la dose [1] .

EMC - Vétérinaire 5
6

AN 0600  Anesthésie et analgésie des reptiles


Tableau 2.
Récapitulatif des posologies en anesthésie et analgésie des reptiles [1, 2, 26] .
Chéloniens Lézards Serpents Crocodiliens Commentaires
Anesthésie générale
Médétomidine 75-200 ␮g/kg i.m. Sédation variable quand utilisé tout seul
Efficace combiné à la kétamine
Midazolam 0,5-2,0 mg/kg i.m. Sédation variable quand utilisé tout seul
Efficace combiné à la kétamine
Diazépam 0,2 à 1,0 mg/kg i.m. Sédation variable quand utilisé tout seul
Efficace combiné à la kétamine
Kétamine 3-60 mg/kg i.m 25-60 mg/kg i.m. 20-80 mg/kg i.m. 10- Utilisé avec un alpha2-agoniste, les doses peuvent
Doses faibles (5-10 mg/kg) pour sédation 50 mg/kg descendre à 10-15 mg/kg i.m
Doses élevées (20-40 mg/kg) pour anesthésie i.m. Association avec benzodiazépine pour une meilleure
générale myorelaxation
Tilétamine-Zolazépam 3-10 mg/kg i.m. 4-10 mg/kg i.m. 3-20 mg/kg i.m. 1- Réveil prolongé, analgésie superficielle
2 mg/kg
i.m.
Propofol 5-10 mg/kg i.v. ou i.o., 1-3 mg/kg pour les grand chéloniens Anesthésique de choix
Apnée en phase d’induction
Alphaxalone Sédation : 10-15 mg/kg i.v. ou i.m. Anesthésie moyenne à profonde : 20-30 mg/kg i.v. ou i.m.
Analgésique
Morphine 1-5 mg/kg s.c. ou i.m. Surveiller la dépression respiratoire associée
Hydromorphone 0,5-1 mg/kg s.c. ou i.m. Surveiller la dépression respiratoire associée
Buprénorphine 0,075-0,1 mg/kg s.c. NC NC NC
Tramadol 5-10 mg/kg p.o. NC NC NC
Méloxicam 0,2 mg/kg i.v., i.m. ou p.o. Toutes les 48 heures
Kétoprofène 2 mg/kg i.m., s.c. Toutes les 24 à 48 heures
Anesthésie locale
Lidocaïne < 10-22 mg/kg
Bupivacaïne < 5 mg/kg
Agent bloquant neuromusculaire
Rocuronium 0,25-0,5 mg/kg i.m. NC NC NC Pas d’effet analgésique
Antagoniste
Atipamézole 5 fois la dose de médétomidine i.m.
EMC - Vétérinaire

Néostigmine 0,04 mg/kg i.m. NC NC NC

i.m. : intramusculaire ; i.o. : intraosseux ; i.v. : intraveineux ; s.c. : sous-cutané ; p.o. : per os ; NC : non connu.

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Anesthésie et analgésie des reptiles  AN 0600

Alphaxalone/alphadolone
L’utilisation du mélange alphaxalone/alphadolone, un
stéroïde neuroactif, a été décrite à la dose de 9 à
12 mg/kg par voie intraveineuse [1] . Le mélange indui-
rait une anesthésie chirurgicale pendant une durée de
10 minutes, suffisamment pour intuber et maintenir en
relais gazeux l’animal. Le peu de publications sur le
sujet incite à utiliser le mélange avec précaution. Les
effets secondaires observés chez les carnivores domes-
tiques (relargage d’histamine) n’ont pas été étudiés chez
les reptiles.
L’alphaxalone seule, utilisée déjà chez les carnivores
domestiques, semble prometteuse. Une étude récente
menée sur des tortues de Floride et iguanes verts a
montré que des injections intramusculaires à 10 mg/kg
procuraient une sédation courte et légère permettant des
procédures non ou peu invasives [26] . Une induction à
la dose de 20 mg/kg en injection intramusculaire donne Figure 5. Exemple d’induction au masque chez un lézard.
une bonne myorelaxation pendant 10 à 20 minutes [26] .
Une dose de 30 mg/kg chez l’iguane vert semble néces-
saire pour une anesthésie chirurgicale [26] . Cette étude leur capacité à se mettre en apnée. Les serpents et lézards
montre aussi que l’efficacité des doses est dépendante peuvent être induits au masque ou dans des chambres
de la température à laquelle est maintenu l’animal (cf. d’induction (aussi simple qu’un sac empli d’isoflurane
supra). Plus on se rapproche de la température moyenne et oxygène pour les serpents de petite taille) (Fig. 5).
préférée, plus l’induction et le réveil sont rapides [26] . Une Chez ces espèces, leur capacité à se mettre en apnée
dose de 5 à 10 mg/kg en injection intramusculaire est suf- peut aussi entraver la phase d’induction. Généralement,
fisante dans la plupart des cas pour permettre d’intuber celle-ci peut être stoppée et une phase respiratoire ini-
l’animal et de poursuivre sous anesthésie volatile (obser- tiée en stimulant le flanc ou les côtes de l’animal [1] . Une
vations personnelles). méthode est d’intuber les animaux encore éveillés et de
les ballonner pour induire l’anesthésie. Cette solution
induit un stress important chez l’animal et doit donc être
Anesthésie volatile réservée à des cas exceptionnels [2] .
La généralisation de l’anesthésie volatile au sein des
cliniques vétérinaires ces dernières années permet une Sevoflurane
gestion plus fine et une diminution des risques anes- Le sevoflurane est un gaz anesthésique sûr produi-
thésiques. Malgré un coût plus élevé, elle assure une sant une induction rapide (3 à 5 minutes) et une phase
plus grande marge de sécurité en particulier, lors de de réveil courte (10 à 30 minutes) [1] . Chez les chélo-
l’anesthésie des reptiles, en raccourcissant la durée de la niens, le rythme cardiaque ne semble pas être altéré par
phase de réveil de manière significative. Elle implique en le gaz [1] . Son odeur semble avoir moins d’effet sur les
outre une intubation de l’animal et une ventilation assis- reptiles et limite donc les phases d’apnée par rapport à
tée qui limitent les risques d’apnée et de stress organique l’isoflurane [28] .
lié à l’hypoxie.
Protoxyde d’azote
Halothane
Chez les reptiles, la ventilation pulmonaire peut
L’halothane présente moins d’avantages que
significativement diminuer suite à l’exposition à une
l’isoflurane. Il induit une plus grande dépression
concentration élevée en oxygène [28] . Cela pourrait expli-
du système cardiovasculaire, nécessite une plus grande
quer partiellement l’hypoventilation observée lors des
durée d’induction et entraîne un allongement du temps
phases d’induction. Chez le varan de Duméril (Varanus
de réveil chez les reptiles [1] . De plus, ceux-ci semblent
dumerilii), il a été démontré que la phase d’induction
réagir plus vivement à l’odeur de l’halothane qu’à celle
est plus rapide lorsque l’isoflurane ou le sévoflurane sont
de l’isoflurane [1] . Des différences spécifiques d’espèce ont
associés au mélange protoxyde d’azote/oxygène (2/1) que
été décrites amenant à des variations des concentrations
lorsqu’ils sont associés à 100 % d’oxygène [28] . Cepen-
nécessaires à l’induction [1] .
dant, l’impact de ce mélange sur le shunt cardiovasculaire
n’est pas encore connu.
Isoflurane
L’isoflurane est l’anesthésique volatil le plus couram-
ment employé dans les cliniques vétérinaires. Il est  Surveillance de l’anesthésie
presque entièrement éliminé par les poumons, pro-
voque une induction et un réveil rapide, et présente Considérations préanesthésiques
moins d’effets cardiovasculaires que l’halothane [1] . Sa
marge de sécurité est très grande. Chez l’iguane vert, Un examen clinique complet de l’animal doit être
aucun effet cardiovasculaire fatal n’a pu être mis en évi- effectué avant toute anesthésie. Celui-ci conditionne en
dence, même avec des concentrations très élevées [27] . partie le choix du protocole anesthésique utilisé. Un
L’induction, lorsque le patient ne se met pas en apnée, examen à distance peut être effectué sur tous les ani-
à 4 % à 5 % d’isoflurane dans 1 l/min d’oxygène, dure maux. Le recueil de l’historique de l’animal est aussi
de 5 à 20 minutes [1] . Le réveil se produit environ 10 à généralement possible : âge, sexe, conditions de vie, date
30 minutes après l’arrêt complet du gaz anesthésique [1] . des derniers repas, fréquences de ceux-ci, historique des
L’induction est difficile chez les chéloniens du fait de maladies connues, etc.

EMC - Vétérinaire 7
AN 0600  Anesthésie et analgésie des reptiles

Tableau 3. ceau de bande collante. Les artères carotide, fémorale et


Protocoles sur animaux en mauvais état général [29] . coccygiale peuvent être utilisées comme site alternatif
Chéloniens Prémédication : morphine (0,1-1,0 mg/kg
pour le placement de la sonde [2] .
i.m.) + midazolam (2 mg/kg i.m.) Un électrocardiographe peut être utilisé en accrochant
Induction : propofol (2-12 mg/kg i.v. ou i.o.) les pinces à des aiguilles plantées dans la peau du patient.
Maintien : isoflurane ou sevoflurane Il faut cependant garder en mémoire que l’activité élec-
trique peut continuer même sans activité musculaire [2] .
Lézards Prémédication : morphine (1,5 mg/kg i.m.)
Induction : propofol (5-10 mg/kg i.v. ou i.o.)
ou isoflurane 5 %
Maintien : isoflurane ou sevoflurane
Surveillance respiratoire
Serpents Prémédication : morphine (1,5 mg/kg i.m.) La surveillance de la fonction respiratoire chez les
Induction : isoflurane 5 % ou sévoflurane 8 % reptiles anesthésiés n’est pas évidente, la plupart des ani-
dans une chambre d’induction (tube ou sac maux étant en apnée durant la procédure. Même si les
plastique) ou propofol (3-8 mg/kg i.v.) reptiles ont une grande capacité de survie en hypoxie,
Maintien : isoflurane ou sevoflurane il est fortement conseillé de ventiler manuellement ou
par le biais d’un ventilateur l’animal (cf. supra). Cette
i.m. : intramusculaire ; i.o. : intraosseux ; i.v. : intraveineux.
ventilation doit être continuée, même après l’arrêt de
l’anesthésie gazeuse, jusqu’au réveil de l’animal. De pré-
férence, la ventilation durant la phase de réveil se fait à
l’aide d’air ambiant.
Lorsque c’est possible, un bilan préopératoire est L’utilisation d’un oxymètre de pouls permet de sur-
recommandé : numération et formule sanguine, héma- veiller le pouls et la saturation en oxygène. La sonde de
tocrite, taux de protéines, etc. sont des examens simples celui-ci peut être placée dans l’œsophage ou le cloaque.
facilement réalisables au chevet du patient. Les résultats sont à interpréter avec précaution, ce type
Il n’est pas nécessaire de faire jeûner les reptiles, les d’appareil ayant été développé pour être utilisé chez
régurgitations étant rares [1] . Dans le cas des espèces car- les mammifères. On a pu démontrer uniquement chez
nivores, l’animal ne doit pas être nourri juste avant, de l’iguane la corrélation entre les résultats de l’oxymètre et
façon à ce que la ou les proies ne gênent pas l’anesthésie la saturation artérielle en hémoglobine [2] .
et en particulier la fonction cardiorespiratoire [1] .
Dans le cas des animaux débilités, il est impor-
tant de nourrir ou gaver l’animal quelque jours avant
l’anesthésie, surtout lorsque celle-ci accompagne une chi-
rurgie, de manière à améliorer l’état de l’animal, et donc
“ Points essentiels
diminuer les risques anesthésiques et faciliter la récupé-
• La grande variété des espèces de reptiles rend
ration (Tableau 3) [29] .
Avant toute anesthésie, et particulièrement dans le la généralisation des protocoles difficile.
cas d’utilisation de molécules injectables, il faut vérifier • La température est un facteur important et une
l’état d’hydratation de l’animal. Celle-ci peut être corri- attention particulière doit lui être portée.
gée par des bains dans de l’eau tiède ou dans des solutions • L’intubation et la respiration assistée doivent
d’électrolytes. Dans les cas plus graves, une fluidothérapie être mises en place autant que possible du fait
peut être initiée par voie orale, sous-cutanée, intracœlo- des particularités de la fonction respiratoire des
mique, intraosseuse ou intraveineuse. reptiles.
Il n’est pas recommandé d’utiliser le glycopyrrolate ni • L’analgésie doit être considérée sérieusement
l’atropine en prémédication. Il est vraisemblable que ces
deux molécules augmentent la viscosité des sécrétions et dans la gestion péri- et postopératoire de l’animal.
ainsi le risque d’obstruction. • Le propofol est l’anesthésique de choix
lorsqu’un abord veineux est accessible ;
l’alphaxalone semble montrer les mêmes
Surveillance cardiovasculaire avantages avec une plus grande simplicité
d’utilisation.
L’auscultation directe est la méthode la plus simple
• Un bon protocole d’anesthésie est celui avec
pour contrôler le rythme et la fréquence cardiaques. Chez
les serpents et les lézards, le cœur peut être visualisé direc- lequel on est à l’aise, l’expérience personnelle
tement à travers les écailles ventrales dans le premier jouant souvent un rôle essentiel.
tiers de l’animal pour les premiers, et juste en arrière des
membres antérieurs ventralement ou latéralement chez
les seconds.
L’auscultation à l’aide d’un stéthoscope peut être dif-
ficile du fait du frottement des écailles ou de la présence
de la carapace. L’utilisation d’une compresse humidifiée  Conclusion
placée entre les écailles et le stéthoscope peut faciliter
l’examen [2] . L’anesthésie des reptiles a gagné en qualité ces der-
Un stéthoscope œsophagien peut permettre une nières années grâce à l’étude poussée des protocoles et des
meilleure auscultation cardiaque. Celui-ci doit être nouvelles molécules. Cependant, la diversité des espèces
avancé très lentement car l’anatomie et la faible fré- et de leurs spécificités ne permet pas de généraliser leur
quence cardiaque des reptiles en rendent la mise en place utilisation sans précautions.
plus difficile. Parallèlement, il reste encore beaucoup à faire en ce qui
L’utilisation d’un Doppler est la méthode de choix concerne l’analgésie qui, en grande partie, repose encore
pour surveiller l’activité cardiaque du patient. La sonde sur une extrapolation approximative et dans certains cas
peut être placée en regard du cœur et fixée avec un mor- fausse de ce qui se fait chez les animaux domestiques.

8 EMC - Vétérinaire
Anesthésie et analgésie des reptiles  AN 0600

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B. Mulot, Docteur vétérinaire ([email protected]).


Zooparc de Beauval, 41110 Saint-Aignan, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Mulot B. Anesthésie et analgésie des reptiles. EMC - Vétérinaire 2012;9(2):1-9 [Article
AN 0600].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Vétérinaire 9
Douleur
(PAIN)

PHILIPPE MAYNARD : Docteur vétérinaire,


CES d’orthopédie et traumatologie, DU de prise en charge de la douleur, 3, rue Gubernatis, 06000 Nice, France.

S
oulager la douleur est un défi éthique et médical pour le vétérinaire. La douleur est un
ENCYCLOPÉDIE VÉTÉRINAIRE - Anesthésie-Réanimation 0700

phénomène subjectif complexe, impliquant des processus physiologiques et


pathologiques. Non traitée, la douleur physiologique peut permettre la mise en place de
phénomènes de sensibilisation centrale et périphérique, et devenir pathologique. L’absence de
communication avec le patient rend difficile l’évaluation de la douleur. Les modifications
comportementales et physiologiques sont prises en compte pour les échelles d’évaluation. Les
morphiniques, les alpha-2 agonistes, les anesthésiques locaux et les anti-inflammatoires non
stéroïdiens (AINS) sont les principaux traitements médicaux. Les voies d’administration locales,
épidurales et transdermales sont sûres et efficaces, en particulier pour la prise en charge des
douleurs opératoires. L’analgésie préventive inhibe les phénomènes de sensibilisation
périphérique et centrale. Une synergie analgésique et une diminution des effets secondaires
résultent de la combinaison d’analgésiques et de techniques entre elles (analgésie multimodale
ou balancée). Ces deux concepts doivent être pris en compte lors de l’élaboration des protocoles
anesthésiques et analgésiques. Les douleurs chroniques (arthrose, cancer) sont souvent plus
difficiles à apprécier et à traiter. Dans ces cas, les nouveaux AINS et les morphiniques sont les
principales thérapeutiques.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : douleur, chien, chat, analgésiques, analgésie préventive, analgésie balancée.

INTRODUCTION – l’absence de formation spécifique, la nécessité d’un traitement précoce de la


crainte des effets secondaires et les douleur. La familiarisation avec le mode
La prise en charge de la douleur est un obligations légales renforcent la réticence à d’action des analgésiques et les techniques
impératif éthique, légal et médical. utiliser certaines drogues (morphiniques) ; d’analgésie locorégionale doivent permettre
Certaines études récentes montrent des – enfin la douleur est encore trop au praticien d’aborder sans appréhension le
carences dans l’utilisation des analgésiques souvent considérée comme un phénomène concept d’analgésie balancée dans le cadre
en pratique vétérinaire. Plusieurs raisons normal, voire un moyen de contention de la chirurgie. Enfin, l’amélioration de la
peuvent être évoquées : postopératoire. qualité des soins prodigués aux animaux de
– l’absence de communication verbale Cet état de fait témoigne de la compagnie, l’augmentation de leur
directe avec le patient ne permet pas méconnaissance des conséquences de la longévité, sont des facteurs d’émergence des
d’objectiver la douleur, ni de mesurer son douleur, en particulier sur la morbidité douleurs chroniques. L’apparition de
évolution dans le temps ; en ce sens, la postopératoire. nouvelles molécules, plus sûres, doit
pratique vétérinaire connaît les mêmes L’étude des mécanismes physiopatholo- permettre d’apporter une réponse à la
contraintes que la pratique pédiatrique ; giques permet de mieux comprendre la légitime attente des propriétaires.
2 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0700
DÉFINITIONS. CLASSIFICATIONS
Cortex
L’International Association for the Study Neurone 3
of Pain définit la douleur comme « une
sensation désagréable et une expérience Thalamus
émotionnelle en réponse à une atteinte
tissulaire réelle ou potentielle ou décrite en
ces termes ». Cette définition témoigne de la
complexité d’un phénomène qui associe des AαAβ
Réticulée
composantes physiopathologiques et Aδ bulbaire
psychologiques, et des difficultés prévisibles C
d’appréciation de ces composantes chez Lésion Faisceau Faisceau
l’animal. Sur un plan terminologique, il spinoréticulaire spinothalamique
convient d’éviter toute confusion avec la Neurone 2
nociception, ensemble des réactions
physiologiques à un stimulus susceptible de Neurone 1 Moelle épinière
produire une lésion tissulaire : transfor- Récepteurs
mation en influx nerveux et transmission de
ces influx vers les centres supérieurs. 1 Voies de transmission de la douleur [4, 5, 20, 54].
– les douleurs somatiques (peau, DE LA PÉRIPHÉRIE À LA MOELLE
muscles, os, articulations) ;
DOULEUR PHYSIOLOGIQUE – les douleurs viscérales, souvent plus Le stimulus nociceptif va activer des
DOULEUR PATHOLOGIQUE sourdes et moins bien définies. récepteurs, terminaisons sensitives libres
organisées en arborescences plexiformes, les
La douleur est avant tout un signal nocicepteurs. Les fibres nociceptives
d’alarme qui permet à l’organisme empruntent ensuite le trajet normal des
CLASSIFICATION ÉTIOLOGIQUE
d’apporter une réponse adaptée face à une fibres périphériques sensitives : elles
agression (exemple : retrait d’un membre). DOULEURS PAR EXCÈS DE NOCICEPTION pénètrent dans la moelle par la corne
En ce sens, on parle de douleur Les terminaisons libres des nocicepteurs, dorsale, leurs corps cellulaires étant situés
physiologique [49]. activées par un stimulus, vont initier dans les ganglions rachidiens.
Dès lors que l’ensemble des mécanismes l’ensemble des réactions nerveuses de la
mis en route perdure au-delà de cette étape On distingue :
périphérie vers le système nerveux central.
protectrice, une cascade de complications Les mécanismes mis en jeu sont suffi- – des fibres Aa et Ab de gros diamètre,
tissulaires, physiologiques et psychologiques samment homogènes au sein des différentes myélinisées, à conduction rapide, qui
se met en place et constitue le tableau de la espèces pour accréditer l’hypothèse selon transmettent les messages tactiles et
douleur pathologique. Les manifestations laquelle un stimulus qui serait douloureux proprioceptifs ;
cliniques sont variables et peuvent devenir pour l’homme le serait également pour
disproportionnées par rapport au stimulus – des fibres Ad de petit diamètre,
l’animal. myélinisées, à conduction lente, qui
générateur (hyperalgie), voire être
déclenchées par un stimulus normalement transmettent des influx nociceptifs
DOULEURS NEUROPATHIQUES
non douloureux (allodynie) [49]. spécifiques mécaniques ou thermiques ;
Elles résultent de l’atteinte directe ou
indirecte (compression) du système nerveux – des fibres C, de très petit diamètre,
central ou périphérique. Elles ne procèdent sans myéline et à conduction lente,
DOULEUR AIGUË. DOULEUR CHRONIQUE pas des mêmes mécanismes que les polymodales, qui transmettent des messages
précédentes ni ne répondent aux mêmes thermiques, mécaniques et chimiques.
Souvent associée à une lésion organique, traitements. Les messages nociceptifs empruntent
la douleur aiguë varie de moyenne à sévère donc les fibres de fin calibre Ad et C. La
et, par définition, ne devrait pas durer plus DOULEURS PSYCHOGÈNES
répartition des récepteurs est inégale suivant
de quelques jours à quelques semaines [1]. Sans support anatomique (sine materia), les tissus. Certains territoires cutanés sont
Elle répond généralement bien à un elles découlent généralement chez l’homme très richement innervés. Les articulations
traitement adapté. d’un diagnostic par élimination. Elles ne possèdent classiquement des mécanorécep-
Une douleur qui dure depuis plus de sont évoquées que grâce à la description faite
teurs capsulaires et ligamentaires et des fibres
3 mois, qui persiste au-delà du phénomène par le patient et ne peuvent donc être
non myélinisées, disposées en plexus dans la
générateur ou qui accompagne un processus envisagées chez l’animal.
capsule, les ligaments, la synoviale et le tissu
pathologique chronique (exemple : arthrose)
graisseux.
est qualifiée de douleur chronique. Le
traitement des douleurs chroniques est PHYSIOLOGIE DE LA DOULEUR Le périoste est également richement
souvent plus difficile que celui des douleurs innervé. Dans les muscles, les récepteurs
aiguës. polymodaux sont nombreux, particuliè-
VOIES DE LA DOULEUR [4, 5, 20, 28, 49, 54, 86]
(FIG 1)
rement excités par les stimulations
chimiques. Pour les viscères, enfin, il est
CLASSIFICATION TOPOGRAPHIQUE L’essentiel de nos connaissances sur la difficile de savoir si la douleur résulte de
transmission de la douleur par excès de récepteurs spécifiques ou de l’activation
Utilisée notamment en cancérologie, elle nociception provient d’études expérimen- excessive de récepteurs qui participent
permet de distinguer : tales animales [11]. normalement au fonctionnement viscéral.
DOULEUR — 0700 3
DANS LA MOELLE
Les connexions entre les fibres afférentes Hyperalgie secondaire Hyperalgie primaire
et les cellules relais spinales sont situées dans
les couches superficielles de la corne dorsale
de la moelle. Lésion
On distingue deux types de cellules Pg K+,H+
relais : Mastocytes
Bk
Sérotonine
– des neurones spécifiques, exclusi- Plaquettes Sensibilisation Histamine
vement innervés par des neurones périphérique
Sérotonine SP
nociceptifs ; Histamine
– des neurones convergents, qui SP
reçoivent des messages nociceptifs mais Conduction
également des informations somesthési- antidromique
ques ; ainsi, la convergence de terminaisons
viscérales et cutanées sur un même site serait Sensibilisation
à l’origine du phénomène de douleur centrale
projetée.
De nombreuses substances (polypep- 2 Phénomènes d’hyperalgies et de sensibilisations [5, 20]. Bk : bradykinine ; Pg : prostaglandines ; SP :
tides, acides aminés, excitateurs, calcitonine substance P.
gene related peptide...), seraient susceptibles
de jouer le rôle de neurotransmetteurs. Il
Cortex
semble que la substance P (P pour pain),
synthétisée dans les fibres afférentes
périphériques, puisse être véhiculée vers la
Contrôles Thalamus
moelle mais également vers la périphérie
centraux
(transmission antidromique des influx). Mésencéphale
Pour la plupart, les neurones transmet-
teurs croisent la substance grise pour
rejoindre les fibres ascendantes controlaté- Réticulée
bulbaire
rales. On distingue essentiellement :
– le faisceau spinothalamique, qui se
projette au niveau thalamique ; il permet la Lésion CIDN
prise de conscience et la localisation de la Fibres Aδ et C
douleur ;
– le faisceau spinoréticulaire, qui se
projette sur la formation réticulée du tronc Fibres Aα et Aβ Moelle épinière
cérébral ; il est responsable de l’appren- Système du portillon
tissage, de la mémorisation et de l’aspect
émotionnel de la douleur. 3 Systèmes de contrôle de la douleur [5, 55]. CIDN : contrôles inhibiteurs diffus par excès de nociception.

INTÉGRATION CORTICALE exacerbation des réponses pour un stimulus neurones relais. De nouveaux médiateurs
Un troisième neurone, et parfois un donné, éventuellement activité spontanée. (monoxyde d’azote, inositol triphosphate,
quatrième, assurent enfin la transmission Cette sensibilisation sur site constitue prostaglandines) et de nouveaux récepteurs
depuis les formations réticulées et le l’hyperalgie primaire. (N-méthyl-D-aspartate [NMDA]) sont mis
thalamus vers les zones corticales limbiques Dans le même temps, par un mécanisme en jeu. Les champs récepteurs cellulaires
et somesthésiques. On peut considérer qu’à dit de « réflexe d’axone », une propagation sont élargis et les seuils de sensibilité
ce stade d’intégration corticale on passe de la antidromique des influx favorise la abaissés, au point d’être sensibles aux influx
nociception à la douleur. libération de substance P par certaines des fibres de gros calibre (Aa, Ab). Tous ces
terminaisons des fibres nociceptrices. phénomènes peuvent perdurer bien après la
Celle-ci va activer la libération de disparition du foyer pathologique
bradykinine, d’histamine et de sérotonine et périphérique (douleur mémoire). Ils
MÉCANISMES DE LA DOULEUR PAR EXCÈS entraîner la stimulation des fibres voisines. constituent un sérieux handicap pour la
DE NOCICEPTION (FIG 2) Cette véritable contamination permet rééducation fonctionnelle et plaident en
l’extension locale du processus douloureux : faveur d’un traitement aussi précoce que
SENSIBILISATION PÉRIPHÉRIQUE l’hyperalgie secondaire. L’ensemble de ces possible, si possible préventif, de la douleur
Le traumatisme primaire (chirurgical ou processus constitue la sensibilisation (en particulier en chirurgie).
non) entraîne la libération de substances périphérique.
algogènes (K+, H+, bradykinine, sérotonine,
SENSIBILISATION CENTRALE SYSTÈMES DE CONTRÔLE (FIG 3)
histamine) et de substances sensibilisatrices
(prostaglandines, substance P) qui vont Un certain nombre de constatations Afin d’éviter que par le biais des
stimuler ou sensibiliser les terminaisons cliniques et expérimentales prouvent que phénomènes de sensibilisation « la machine
nociceptives. L’influx est transmis aux l’extension de la douleur opératoire et sa ne s’emballe », un certain nombre de
centres spinaux. Des stimulations répétées durée dans le temps impliquent également contrôles endogènes peuvent se mettre en
entraînent une sensibilisation des fibres de une sensibilisation centrale. Les volées place. Leurs mécanismes, complexes, n’ont
fin calibre : diminution de leurs seuils d’influx afférents dans la corne postérieure pas tous été élucidés. Certains constituent
d’activation, de leur temps de réponse, induisent un état d’hyperexcitabilité des d’ores et déjà des bases thérapeutiques.
4 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0700
SYSTÈME DU PORTILLON cicatrisation peuvent être retardés ; les patient au temps t. L’évolution du score en
Le système du portillon, ou gate control risques d’infection sont augmentés [76]. fonction du temps et des thérapeutiques
de Melzak et Wall [94], postule que le bruit – Conséquences cardiovasculaires : les instaurées permet une bonne appréciation
de fond des fibres somesthésiques de gros modifications neurovégétatives vagales ou de l’état douloureux du patient.
calibre (Aa et Ab) aurait un effet inhibiteur adrénergiques peuvent entraîner des risques
d’hypoxie cardiaque, des modifications du
sur la transmission des influx nociceptifs.
rythme [27] et des défaillances cardiaques ÉCHELLES D’AUTOÉVALUATION
Une stimulation nociceptive suffisante serait pouvant conduire à la mort. L’hypertension
capable de lever cette inhibition et d’« ouvrir artérielle peut augmenter les risques Le malade apprécie lui-même sa douleur.
le portillon ». Controversée, puis remaniée, d’hémorragies postopératoires [76]. Généralement unidimensionnelles, ces
cette théorie explique cependant les – Conséquences respiratoires : la douleur échelles prennent essentiellement en compte
techniques d’analgésie par stimulations aggrave l’hypoxémie par limitation des l’intensité de la douleur :
électriques transcutanées. mouvements respiratoires. La diminution de – échelle verbale simple (EVS) : elle est
l’amplitude et la réticence à tousser peuvent constituée de quatre ou cinq paliers allant de
SYSTÈMES DE CONTRÔLE CENTRAUX être des facteurs favorisants d’encombre- l’absence de douleur à la pire douleur
Bien que leurs mécanismes d’action ne ments bronchiques, d’atélectasie et de imaginable ;
soient pas totalement élucidés, les surinfections [27]. – échelle numérique (EN) : elle permet
spécialistes s’accordent à reconnaître L’importance de ces conséquences, qui au patient de donner une note de 0 à 10 (ou
l’existence de systèmes antinociceptifs par ailleurs ne sont pas spécifiques des à 100) en fonction des intensités croissantes
endogènes impliquant la substance grise douleurs aiguës (chirurgicales ou non), de douleur ;
périaqueducale et le noyau du raphé justifie leur anticipation par une prise en – échelle visuelle analogique (EVA) : elle
magnus. Ils seraient à l’origine de deux voies compte aussi précoce que possible des se présente sous la forme d’une réglette sur
descendantes, l’une sérotoninergique, l’autre phénomènes douloureux. laquelle le patient déplace un curseur en
adrénergique. Leurs cibles seraient les relais fonction de la douleur ressentie (absence de
douleur à pire douleur imaginable) ; sur la
de la corne dorsale de la moelle [5].
face opposée de la réglette, des graduations
ÉVALUATION DE LA DOULEUR de 0 à 100 permettent à l’observateur
CONTRÔLES INHIBITEURS DIFFUS
d’attribuer un score en fonction de la
Les neurones à convergence de la corne Étape impérative dans la prise en charge, position du curseur.
dorsale peuvent être inhibés lorsqu’une elle doit permettre notamment le dépistage, Ces échelles globales ont l’avantage d’être
stimulation nociceptive suffisante est la quantification (intensité) de la douleur, la simples et de permettre des évaluations
appliquée sur une partie du corps différente prise de décisions thérapeutiques et, par des rapprochées et facilement comparables. Elles
de leur propre champ excitateur (action à réévaluations successives, d’apprécier sont désormais utilisées pour l’appréciation
distance). Ces mécanismes constituent les l’efficacité et la poursuite éventuelle des des douleurs animales, par le biais d’un
contrôles inhibiteurs diffus par stimulus traitements instaurés. Aux méthodes observateur [62] . Le caractère subjectif
nociceptif (CIDN) [ 5 5 ] . Les CIDN globales d’appréciation clinique subjective supplémentaire que ce dernier semble
interviennent dans une boucle spino-bulbo- (« je pense que ce patient souffre ») se introduire explique pour partie le manque
spinale en inhibant le bruit de fond substituent désormais des échelles d’homogénéité dans les résultats des études
somesthésique et en favorisant l’émergence d’évaluation de la douleur. Leur multiplicité d’appréciation des trois méthodes [9, 13, 37].
du message nociceptif. En présence de deux chez l’homme permet une adaptation aux
douleurs, la plus intense va inhiber la plus différents types de douleurs (postopératoires,
faible : c’est le principe du tord-nez chez le chroniques, psychogènes) ou de patients ÉCHELLE D’HÉTÉROÉVALUATION
cheval, mais également des techniques (enfants, adultes, vieillards).
d’hyperstimulation et d’électroacupuncture. Elles sont réservées aux patients non
communicants (jeunes enfants [ 2 5 ] ,
vieillards). L’évaluation de la douleur est
QUALITÉS D’UNE ÉCHELLE D’ÉVALUATION
confiée à un observateur. Chez l’animal, les
CONSÉQUENCES PHYSIOLOGIQUES DE LA DOULEUR critères le plus couramment retenus sont les
DE LA DOULEUR m o d i fi c a t i o n s c o m p o r t e m e n t a l e s ,
– Spécificité : capacité à mesurer biologiques et physiologiques.
En dehors des considérations tissulaires effectivement la douleur (plutôt que le stress MODIFICATIONS COMPORTEMENTALES
précédemment évoquées, la douleur, ou l’anxiété).
– Sensibilité : capacité à différencier deux Il est classique de distinguer une
notamment si elle persiste, peut entraîner
états douloureux d’intensités voisines mais composante sensoridiscriminative de la
des perturbations physiologiques (véritable
différentes. douleur de composantes psychoaffectives. La
état de « choc douloureux »).
– Reproductibilité : qualité d’une grille première correspond aux modalités de
– Conséquences neurovégétatives : soit transmission neurophysiologique. Elle
adrénergiques, augmentation des taux de qui permet à deux observateurs d’obtenir des
résultats voisins en évaluant le même définit notamment un seuil de sensibilité des
catécholamines, d’angiotensine II
(hypertension, tachycardie, hyperthermie) ; patient. récepteurs, relativement homogène au sein
soit vagales (bradycardie, hypothermie) [29]. des différentes espèces. Les composantes
– Conséquences neuroendocriniennes, psychoaffectives s’apprécient en termes de
hypophysaires : augmentation de l’adrenocor- tolérance individuelle et leur caractère non
ticotrophic hormone (et donc du cortisol), de NOTION DE SCORE univoque va remarquablement compliquer
l’hormone de croissance, de la vasopressine, la tâche de l’observateur. Il n’en demeure pas
de la b-endorphine [27]. En attribuant une valeur chiffrée aux moins que les modifications comportemen-
– Conséquences métaboliques : hypergly- différents items d’évaluation, il est possible tales sont largement utilisées pour
cémie et augmentation des acides gras libres de traduire en chiffres l’intensité de la l’élaboration des grilles d’évaluation [21, 30, 90]
et du catabolisme azoté. Les processus de douleur et d’établir le score douloureux du (tableau I).
DOULEUR — 0700 5

TABLEAU I. - DOULEUR : MODIFICATIONS COMPORTEMENTALES CONSTATÉES CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT


[8, 14, 62].

Posture et attitude générale - protection des zones douloureuses


- cyphose antalgique (lombalgie, douleurs abdominales)
- attitude de prière-lordose
- port de tête bas si cervicalgie
- modifications d’activité : léthargique ou à l’inverse hyperactif
- assis ou couché dans une posture anormale
- chat assis au fond de sa cage ou couché en décubitus sternal
Locomotion - raideur
- refus de mouvement des zones douloureuses
- boiterie
- refus de se déplacer
- tourne en rond sans repos
Vocalisations anormales (à différencier de l’anxiété) - sans raison ou à l’approche du personnel (attire l’attention)
- hurlements ; gémissements (intermittents, constants, à la palpation)
- souvent calmées par les caresses chez le chien
- rares chez le chat ; crache si on l’approche
Apparence - toilette diminuée : poils collés chez le chat
- poils salis (selles et urine) chez le chien
Appétit - diminué, surtout chez le chat
Comportement interactif - modifications du comportement normal
- indifférence (chat)
- éventuellement agressif
- ne bouge plus la queue si sollicité (chien)
Expression faciale - stupeur
- yeux dans le vide-pupilles dilatées
- chat : yeux mi-clos-mimique faciale
Manipulation palpation/pression - retrait du membre avant sollicitation
- pleurs ou agressivité
- hyperalgie-allodynie
- léchage-morsure-mutilation des zones douloureuses

Les modifications comportementales démonstratif de certains chiens de petites et des b-endorphines. Si leur intérêt en
sont appréciées en fonction d’un état de races, à l’inverse du « stoïcisme » de certains pratique quotidienne paraît discutable, elles
« normalité » du patient, qu’il n’est jamais chiens de chasse [8]. pourraient cependant constituer des
très simple d’objectiver, notamment chez un Enfin, l’âge et l’expérience passée sont marqueurs de la douleur. En ce sens, le
animal hospitalisé [13] . Dans ce cas, la également des facteurs susceptibles de cortisol reste un élément de référence,
capacité de l’ensemble du personnel modifier le comportement des animaux face notamment lors d’évaluations croisées de
soignant à s’investir dans l’utilisation des à une situation potentiellement l’efficacité de thérapeutiques analgésiques
échelles d’évaluation semble être un douloureuse [14]. périopératoires [84, 85] ou lors d’évaluations de
impératif pour l’amélioration de la prise en En cas de doute sur certaines modifica- grilles [9].
charge de la douleur [17]. Les propriétaires tions comportementales, il doit toujours MODIFICATIONS PHYSIOLOGIQUES
devraient être également des partenaires bénéficier au patient [1]. L’administration
d’antalgiques permet ainsi souvent Les paramètres physiologiques les plus
privilégiés, notamment lors du retour à la couramment pris en compte, en particulier
maison de l’animal après une hospitalisation d’attribuer a posteriori à la douleur certains
comportements mal définis a priori. dans les grilles d’évaluation des douleurs
prolongée ou lors de maladie douloureuse postopératoires, sont :
chronique. – la fréquence cardiaque [21, 30, 90] ; son
MODIFICATIONS BIOLOGIQUES
augmentation est appréciée en pourcentage
Il convient d’insister sur les différences de Conséquences des modifications par rapport à la fréquence initiale ;
comportement entre les espèces (chiens et endocriniennes précédemment évoquées, – les modifications respiratoires [21, 90] ;
chats) et entre les races au sein d’une même elles concernent l’augmentation des l’augmentation de la fréquence est prise en
espèce : comportement particulièrement catécholamines, du cortisol plasmatique [24] compte ; des modifications de l’amplitude et
6 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0700

TABLEAU II. - GRILLE D’ÉVALUATION DE LA DOULEUR DE L’ÉCOLE NATIONALE VÉTÉRINAIRE DE LYON


(TRONCY ET AL [90], AVEC AUTORISATION).
Expression en fonction de l’intensité de la douleur Remarques
Apparence 0 Normale La douleur et le stress peuvent modifier l’activité
importante de toilette des chats
Expression 1 Changements légers (paupières mi-closes, oreilles
faciale, basses)
yeux,
2 Changements modérés (regard vague)
propreté
3 Changements importants (mydriase, grimace)
Confort 0 Position normale et confortable (dort) Le sommeil est un bon indicateur du confort de
l’animal. Le chien peut continuer à remuer la
Sommeil, 1 Légère agitation, change parfois de position
queue même en subissant une douleur sévère.
agitation,
2 Très agité, posture anormale, ne dort pas Relever les positions « antalgiques » (abdomen
prostration,
(tremblements, machouille la zone sensible, levretté, protection du membre...)
nervosité
difficulté à se positionner)
3 Prostration, hyperesthésie, tremblements ou
mouvements violents, mutilation de la zone algique
Attitude 0 Déplacements et activités normaux On portera une attention particulière à la perte des
Comportement

attitudes normales de l’animal. Si le jeune a


Posture, 1 Légère déviation des attitudes normales (légère
tendance à « montrer sa douleur », le chat et le
démarche, boiterie)
chien âgé ont tendance à l’intérioriser
activités
2 Déplacements difficiles (boiterie nette), activités
réduites
3 Ne vaque à aucune occupation habituelle (urine et
défèque sur place, prostration ou réactions
agressives et violentes)
Vocalisation 0 Attire l’attention lors d’interactions sociales Un chat peut ronronner lors de douleur extrême,
voire jusqu’à la mort. Les races naines et les
1 Gémissements spontanés, stress évident
husky ont la réputation de fortement extérioriser
2 Vocalise, gémissements de tonalité et durée leur douleur, au contraire des terriers : attention
anormales, grognement ou silence anormal dans les deux sens à ne pas sous-estimer leur
degré d’expression
3 Vocalise et grogne souvent, ton de voix anxieux
Appétit 0 Mange normalement L’hospitalisation peut entraîner de l’anorexie chez
les chats : faire la part entre le stress et la douleur
1 Mange si encouragé
2 Mange très peu, prend quelques bouchées
3 Refuse totalement de s’alimenter
Comportement 0 Interaction normale (cherche l’attention, répond aux caresses)
interactif
1 Semble anormalement timide
Réactions aux soins

2 Ne réagit pas beaucoup, ignore le manipulateur, peut devenir agressif


3 Aucune interaction même en insistant, reste fixe sans bouger, peut devenir très violent
Réponse 0 Aucune réaction à la palpation
aux palpations
de la zone 1 Peu de réaction à la palpation
douloureuse 2 Résiste à la palpation (cherche à protéger la zone douloureuse)
3 Difficulté de toucher l’animal, réagit violemment, peut devenir très agité ou agressif
Fréquence 0 Augmentation < à 10 % de la valeur usuelle Chien : 60-120 battements/min
cardiaque
1 11 à 30 % d’augmentation Races naines : 70-180 battements/min
Indicateurs physiologiques

2 31 à 50 % d’augmentation Chat : 110-200, battements/min


3 Plus de 50 % d’augmentation
Fréquence 0 Amplitude normale, 0 à 15 % d’augmentation Chien : 10-40 mouvements respiratoires/min
respiratoire
1 Amplitude augmentée, augmentation de 16 à 29 % Chat : 15-35 mouvements respiratoires/min
2 Amplitude augmentée, assistance abdominale,
augmentation de 16 à 29 %
3 Amplitude augmentée, assistance abdominale
augmentation supérieure à 30 %
DOULEUR — 0700 7
LIMITES
TABLEAU III. - INTERPRÉTATION DU SCORE DE DOULEUR [90].
Score Intensité de la douleur Traitement proposé Liées aux paramètres
0-2 Aucune douleur L’animal est confortable et ne Différentes études, parfois contradic-
nécessite aucune analgésie toires, semblent prouver que le paramètre
idéal n’existe pas [9, 13, 32, 37, 38, 84, 85]. Les
Au choix : paramètres physiologiques, et même
3-9 Douleur faible 1 - Opioïde dose faible. Répéter biologiques [80] , ne sont pas systémati-
selon nécessité et indication q u e m e n t fi a b l e s , n o t a m m e n t e n
Palier I 2 - AINS si non contre-indiqué périopératoire.
Au choix : Liées aux observateurs
10-18 Douleur modérée 1 - Opioïde dose faible et AINS si Il découle du point précédent que les
non contre-indiqué modifications comportementales semblent
Palier II 2 - Opioïde dose forte avec ou sans constituer l’élément d’appréciation le plus
AINS fiable d’un état douloureux, aigu ou
chronique. Leurs évaluations étant laissées à
À combiner :
l’appréciation d’observateurs, l’implication
19-27 Douleur sévère 1 - Opioïde dose forte. Répéter au et la compétence de ces derniers sont des
besoin facteurs essentiels [37]. Cette évidence est
Palier III 2 - AINS si non contre-indiqué confirmée chez l’enfant testé successivement
par autoévaluation puis à l’aide d’une grille
3 - Anesthésie locorégionale si
possible comportementale. Les résultats sont
d’autant plus voisins que la grille est utilisée
Épidurale ou bloc locorégional par un observateur unique et expéri-
AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens.
menté [25].

Cortex
Perception TRAITEMENT
Anesthésie
Tranquillisants
Morphiniques Thalamus
α2 agonistes PRINCIPES DU TRAITEMENT DE LA DOULEUR
Nursing (FIG 4)

AL La nociception met en jeu quatre


α2 agonistes Réticulée
processus physiologiques [86] :
Morphiniques bulbaire
AINS – la transduction, qui est la transfor-
Modulation mation d’une énergie physique (stimulus
Transduction Conduction Kétamine analgésie
Lésion Infiltrations Blocs nociceptif) en activité électrique à la
centrale ;
intra-articulaires A rachidienne A rachidienne périphérie des récepteurs ;
– la conduction, ou transmission, qui
concerne la propagation des influx le long
AINS AL Moelle épinière
AL α2 agonistes des trajets nerveux ;
Morphiniques Morphiniques – la modulation de ces phénomènes, qui
est le fait des voies descendantes endogènes,
4 Principe du traitement de la douleur [22, 86, 92].AL : anesthésique local ;AINS : anti-inflammatoires non notamment dans la corne dorsale de la
stéroïdiens ; A : analgésie. moelle ;
– la perception, processus final qui
une assistance respiratoire abdominale Les outils (réglettes, grilles) sont résulte d’une transmission suffisante et de
peuvent également être considérées comme réglementairement incorporés aux l’intégration corticale.
des signes objectifs ; procédures mises en place en pratique Les antalgiques vont s’adresser à l’un ou à
– la pression artérielle ; bien que son hospitalière (guides de bonnes pratiques, l’autre de ces processus. Ils sont utilisés en
augmentation soit relativement constante, procédures d’accréditation) [2]. En pratique gardant présente à l’esprit une concordance
elle n’est pas couramment retenue, entre la puissance analgésique et l’intensité
vétérinaire, l’utilisation d’une grille
principalement pour des raisons techniques ; de la douleur.
– la dilatation pupillaire n’est pas d’évaluation impose des examens réguliers et
suffisamment spécifique. consciencieux des patients. Le système de
score permet par ailleurs d’apprécier
l’efficacité des traitements instaurés, en MORPHINIQUES
postopératoire, mais également en cas
INTÉRÊT ET LIMITES DES GRILLES d’examens distants lors de maladie Leur chef de file est la morphine, qui sert
D’ÉVALUATION chronique (exemple : arthrose). C’est enfin d’étalon pour apprécier l’efficacité des autres
un excellent outil éducatif qui force drogues. Nous préférons donc le terme
INTÉRÊT l’observateur à ne pas se contenter d’une générique de morphiniques à celui
L’évaluation est une étape impérative de simple appréciation clinique personnelle et d’opioïdes également employé. Ce sont les
la prise en charge de la douleur et du suivi. subjective (tableaux II, III). médicaments les plus efficaces contre les
8 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0700

TABLEAU IV. - PRINCIPAUX MORPHINIQUES UTILISÉS PAR VOIE PARENTÉRALE CHEZ LE CHIEN (Cn) ET LE
CHAT (Ct) [10, 14, 15, 29, 62, 86].
Activité
Posologies Durée (heures) Remarques
analgésique
Morphine 1 Ag Cn : 0,1 à 2 mg/kg IV, IM, SC 4 IV lente. Dépression respira-
(chlorydrate) toire : antidote naloxone
Ct : 0,1 à 0,4 mg/kg IM, SC 6
Mépéridine 0,2 Ag 5 à 10 mg/kg IM, SC 0,5 à 1 Hypotension (surtout IV rapide)
Cn : perf lente, 0,1 mg/kg/h Durée d’action courte
Fentanyl 1 100 Ag 0,02 à 0,04 mg/kg IM, SC 0,5 Sédation, dépression respira-
toire
0,001 à 0,005 mg/kg/h IV Durée d’action courte
Oxymorphone 2 10 Ag Cn : 0,05 à 0,2 mg/kg IV, IM, SC 2à4 Même mode d’action que la
morphine
Ct : 0,05 à 0,1 mg/kg IV, IM, SC 2à6 Moins d’effets secondaires
Dextromoramide 10 Ag 0,5 mg/kg IV, IM 0,5 Dépression respiratoire +
Butorphanol 1 5 Ag-ant Cn et Ct : 0,2 à 0,6 mg/kg IV, IM, 2à4 Sédation plus longue qu’anal-
SC gésie
Inadéquate pour douleurs
sévères
Pentazocine 0,25 Ag-ant 1,5 à 3 mg/kg IV, IM 1à6 Douleurs modérées
Nalbuphine2 05/1 Ag-ant 0,1 à 1 mg/kg IV, IM 1à2 Antagoniste µ (réversion des
effets secondaires)
Buprénorphine2 30 Ag part 0,005 à 0,02 mg/kg IV, IM, SC 6à8 Longue durée d’action
Cn et Ct Non antagonisé par naloxone
Naloxone 0 Ant 0,04 mg/kg IV, IM 0,5 à 2 Antagoniste pur
Cn et Ct Injections répétées si
nécessaire
1 : réservé à l’usage hospitalier. 2 : non commercialisé en France. Agonistes (Ag) : liés au récepteur, ils le stimulent (la morphine est un agoniste µ et κ). Antagonistes : inhibent la réponse de l’agoniste
et se lient au récepteur (la naloxone est l’antagoniste de la morphine). Ag-ant: agoniste–antagoniste; Ag part : agoniste partiel. IV : intraveineuse ; IM : intramusculaire : SC : sous-cutanée.

douleurs par excès de nociception. Ils sont des messages nociceptifs en agissant sur les dont certains sont exploités en thérapeu-
utilisés à la fois en analgésie et en récepteurs aux niveaux spinal (action pré- et tique. D’autres, en revanche, constituent des
anesthésiologie (neuroleptanalgésie, postsynaptique), supraspinal (action directe effets secondaires gênants [28, 70, 72] :
anesthésie balancée). ou indirecte sur les voies inhibitrices – respiratoires : dépression respiratoire,
descendantes) et même périphérique dépression du réflexe de toux ;
NOTION DE RÉCEPTEURS (efficacité analgésique des injections de – cardiaques : bradycardie, hypo-
La mise en évidence en 1973 de morphine intra-articulaires) [74]. Leur affinité tension ;
récepteurs morphiniques cérébraux pour les différents récepteurs permet de les – digestifs : vomissements, consti-
spécialisés, puis de 1975 à 1980 la classer en agonistes, agonistes-antagonistes pation ;
découverte des substances endogènes, ou et antagonistes (tableau IV). – urinaires : diminution de la diurèse,
endomorphines, capables de se fixer sur ces rétention.
récepteurs en reproduisant les effets de la À la différence des agonistes qui Il est cependant important de noter
morphine, ont considérablement éclairé présentent un effet dépendant de la dose, les qu’en présence d’un patient qui souffre, et
l’approche thérapeutique de la douleur. agonistes partiels et les agonistes- dans le strict respect des posologies prévues,
Les récepteurs aux opioïdes constituent antagonistes présentent un « effet plafond », ces effets secondaires sont quasi inexistants
une classe hétérogène au sein de laquelle on seuil au-dessus duquel une augmentation de et ont souvent été extrapolés de la pratique
distingue quatre types principaux (µ, d, j, la dose ne modifie plus les effets. Les humaine. Ils peuvent également résulter, en
r ) sensibles à des endomorphines associations d’agonistes et d’agonistes- particulier chez le chat, de surdosages
différentes. Ces récepteurs sont présents tout antagonistes sont contre-indiquées (les importants. La plupart des morphiniques
au long du névraxe : corne dorsale, seconds pouvant inhiber les effets des ont une demi-vie courte. Ils sont
substance grise périaqueducale, certains premiers). antagonisables en cas de besoin (cf infra). Ce
noyaux thalamiques. Ils sont répartis sont donc des analgésiques efficaces, sûrs et
également au sein d’autres tissus que le tissu EFFETS SECONDAIRES malheureusement sous-employés par
nerveux, ce qui explique les effets manque de formation et d’information.
secondaires et les autres indications La large répartition des récepteurs À partir du modèle naturel de la
thérapeutiques des morphiniques spécifiques sur l’ensemble du système morphine, et pour essayer d’améliorer la
(antitussifs, antidiarrhéiques). nerveux (moelle épinière, tronc cérébral, qualité de l’analgésie, sa durée d’action et de
L’activité antalgique des morphiniques centres supérieurs) laisse prévoir de limiter les effets indésirables, différents
repose sur une inhibition de la transmission nombreux effets latéraux des morphiniques composés synthétiques ont été conçus. Tous
DOULEUR — 0700 9

TABLEAU V. - PRINCIPAUX MORPHINIQUES ADMINISTRABLES PER OS [10, 29, 86].


Doses Durée Commentaires
(heures)
Morphine (sulfate) Cn : 0,3 à 3 mg/kg 4à8 Grandes variabilités individuelles
Ct : 0,1 à 1 mg/kg 12 Formes à libération prolongée
Codéine 0,5 à 2 mg/kg 4à6 Associations au paracétamol
(interdit chez le chat)
Dextropropoxyphène 6,5 mg/kg 8 Associations au paracétamol
(interdit chez le chat)
Tramadol 5 mg/kg (?) 6à8 Pas de données actuelles
Butorphanol1 2 à 10 mg/kg 4à6
Cn : chien ; Ct : chat ; 1 : non commercialisé en France.

ne sont pas référencés en pratique Administration rachidienne (tableau VI) volume total injecté ne doit pas dépasser
vétérinaire. Par ailleurs, peu sont En périopératoire, et notamment lors de 6 mL [74] . Les deux principales contre-
actuellement accessibles aux vétérinaires chirurgie abdominale ou des membres indications aux injections rachidiennes sont
français. postérieurs, l’utilisation par voie rachidienne les infections et les coagulopathies [87].
(principalement épidurale) procure une Injections intra-articulaires
VOIES D’ADMINISTRATION analgésie intéressante par blocage des
Différents travaux montrent que les
récepteurs médullaires, de durée prolongée,
Administration parentérale (tableau IV) morphiniques ont une action périphérique,
tout en limitant les effets secondaires. Ces
en cas d’inflammation préalable, et leur
Les morphiniques peuvent être propriétés sont mises à profit par exemple
utilisation intra-articulaire est efficace
administrés par voie parentérale. Les voies dans le cas de chirurgies orthopédiques
(0,1 mg/kg dilué à 0,5 mL/kg [ 8 2 ] ).
sous-cutanée (SC) et intramusculaire (IM) importantes des membres postérieurs ou du
L’association avec un anesthésique local
sont le plus couramment utilisées. bassin, mais également pour des interven- (bupivacaïne) procure une analgésie de
L’injection intraveineuse (IV) doit être lente tions réputées douloureuses sur les tissus qualité et de durée longue (24 heures) avec
(effets histaminiques de la morphine) ou mous (thoracotomies, hernies diaphragma- des doses de morphine faibles (bupivacaïne
mieux en perfusion lente. tiques, hernies périnéales) [91]. La vitesse de < 3 mg/kg et morphine 0,1 mg/kg [34]).
diffusion des morphiniques à travers la
Voie orale (tableau V) barrière méningée est proportionnelle à leur Administration transdermique
La biodisponibilité des morphiniques solubilité lipidique [87]. Les molécules très Des patchs de fentanyl (Durogesict)
administrés par voie orale est extrêmement lipophiles (fentanyl et ses dérivés) vont sont disponibles en quatre concentrations
variable, suivant les drogues et les patients. diffuser très rapidement et localement (25, 50, 75 et 100 µg/h), correspondant à
La codéine, par exemple, a un ratio (analgésie segmentaire), pour une durée leurs capacités de diffusion. Leur indication
oral/parentéral de 6,5 % chez le chien, dont d’action relativement courte. À l’inverse, les est limitée au traitement des douleurs
moins de 1,5 % sont effectivement convertis effets de la morphine, plutôt hydrophile, se cancéreuses chez l’homme. Plusieurs
en morphine, ce qui rend sa capacité mettent en place plus lentement, mais pour publications [7, 47, 48, 74, 81] montrent leur
analgésique aléatoire par cette voie [74]. Les une durée prolongée (de 6 à 12 heures) et efficacité chez le chien et le chat, pour des
formes de morphine à libération prolongée diffusent plus largement (migration crâniale douleurs modérées à sévères, y compris
(sulfate de morphine) ont une biodisponi- plus prononcée). Il est préférable d’utiliser chirurgicales. Le patch est appliqué sur la
bilité de 20 %. Administrées toutes les 12 des préparations sans conservateur, portées à peau tondue, lavée sans solution irritante et
heures à la dose de 2 à 3 mg/kg, elles température corporelle et injectées séchée, en général en partie latérale du
permettraient d’atteindre des taux lentement. L’injection est généralement thorax. La peau doit être saine, ni blessée, ni
plasmatiques suffisants [18]. Malgré ces aléas, pratiquée dans l’espace lombosacré, soit à irritée. Le patch est maintenu en place
les douleurs modérées restent de bonnes l’aiguille spinale, soit après mise en place 2 minutes puis protégé par un bandage. La
indications pour l’utilisation de la codéine et d’un cathéter spinal [36, 87, 89, 91]. Ce dernier chaleur accélérant considérablement
du dextropropoxyphène, seuls ou associés au peut être laissé en place pour des injections l’assimilation transcutanée, le chauffage du
paracétamol (formellement contre-indiqué répétées lors de douleurs postopératoires patch (couverture chauffante) est prohibé et
chez le chat). Le tramadol est une molécule durables. Dans le cas de chirurgie il doit être retiré si le patient est fébrile [10].
qui présente l’intérêt d’une double action : thoracique, on peut augmenter le volume Le pic d’action est obtenu en moyenne en
morphinique et monoaminergique injecté. La qualité analgésique de la 24 heures chez le chien [81] (nécessité de mise
(inhibition de recaptage de la noradrénaline morphine péridurale est identique à celle en place la veille de la chirurgie), plus
et de la sérotonine). Il est indiqué chez obtenue avec des injections intercostales de rapidement chez le chat. La durée d’action
l’homme pour des douleurs modérées à bupivacaïne [75]. L’association morphine- est de 72 heures chez le chien, de 5 à 6 jours
sévères. Il n’est pas référencé actuellement en bupivacaïne par voie péridurale améliore la chez le chat. Les effets secondaires sont
pratique vétérinaire. L’auteur l’emploie à la durée (au moins 24 heures) et la qualité de exceptionnels (dépression respiratoire, effets
dose de 5 mg/kg/8 h pour des douleurs l’analgésie [36]. Les effets secondaires (prurit, paradoxaux chez le chat) et disparaissent en
modérées, aiguës ou chroniques. Enfin, les rétention urinaire) sont rares [87] . Afin quelques heures après retrait du patch.
formes rectales de morphine ne présentent d’éviter les effets secondaires moteurs (et Les doses recommandées sont les
pas, chez le chien, d’intérêt par rapport aux respiratoires), les concentrations suivantes [74] :
formes orales [74]. d’anesthésiques locaux sont diminuées. Le – chat : 25 µg/h ;
10 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0700

TABLEAU VI. - PRINCIPALES DROGUES ET ASSOCIATIONS UTILISÉES EN ANALGÉSIE ÉPIDURALE [10, 15, 86, 87, 89].
Délai Durée
Posologies Commentaires
(minutes) (heures)
Lidocaïne 2 % 3 à 4,5 mg/kg 5 0,5-1 Durée prolongée par adjonction
d’adrénaline à 1/200000
diluer : 1 mL/4,5 kg
Bupivacaïne 0,5 % Cn : 1 à 2,5 mg/kg 5-15 3à6 Diminuer les doses pour éviter les blocs
moteurs ou associations
Ct : 1 à 2 mg/kg 15-20 Préparations adrénalinées
diluer : 1 mL/4,5 kg
Morphine 0,1 à 0,3 mg/kg 10-60 6-12 Diminution des doses d’halogénés
Fentanyl 0,001 mg/kg 4-10 4-6 Liposoluble : rapidité d’action
Buprénorphine Cn : 0,005 mg/kg 10-60 12-18 Effet prolongé
Oxymorphone 0,05 à 0,1 mg/kg 10-20 7-12 Liposolubilité intermédiaire
Xylazine 0,25 mg/kg 5-10 1-4 Hypotension, bradycardie
Médétomidine 0,015 mg/kg 5-10 1-4 Hypotension, bradycardie
Associations
Morphine 0,1 mg/kg 10-15 10-16 Dilution (NaCl 0,9 %) : 1 mL/4,5 kg
Médétomidine 1 à 5 µg/kg
Morphine 0,1 mg/kg 10-15 10-12 Dilution (NaCl 0,9 %) : 1 mL/4,5 kg
Xylazine 0,02 mg/kg
Morphine 0,1 mg/kg 10-15 16-24 Synergie thérapeutique
Bupivacaine 1 mg/kg Maximum : 6 mL du mélange
Cn : chien ; Ct : chat.

– chien de 3 à 10 kg : 25 µg/h ; – injecter 1 mL/min de cette solution Ils présentent cependant l’inconvénient
– chien de 10 à 20 kg : 50 µg/h ; par voie veineuse, quelle que soit la taille de d’une durée d’action analgésique plus courte
– chien de 20 à 30 kg : 75 µg/h ; l’animal ; que l’effet sédatif et d’effets secondaires non
– chien de moins de 30 kg : 100 µg/h. – arrêter l’administration dès que les négligeables (hypotension). L’adjonction de
Les patchs ne doivent être ni pliés ni effets indésirables sont supprimés (Matthews faibles doses de médétomidine à une
coupés. Pour un très petit chien, il est in [74]). induction anesthésique par diazépam-
éventuellement possible de laisser une partie La naloxone étant plus rapidement kétamine améliore la qualité de l’induction,
de la pellicule protectrice du patch pour métabolisée que la morphine, le protocole facilite l’intubation et prolonge l’anal-
diminuer la surface de diffusion. pourrait être renouvelé si nécessaire. La gésie [45]. De faibles doses peuvent également
Comparé à des injections épidurales de dépression respiratoire engendrée par les être associées à un morphinique (effets
morphine pour des opérations orthopé- agonistes partiels (buprénorphine) n’est pas synergiques). En cas de besoin, les a2
diques chez le chien, le patch s’est montré sensible à la naloxone. Le doxapram semble agonistes peuvent être antagonisés par
plus efficace et sans effet sédatif [81] . efficace. l’atipamizole. Malgré cette sécurité, et
Comparé à l’oxymorphone par voie compte tenu de leurs effets secondaires, leur
intramusculaire sur des chiennes usage parentéral pourrait être limité à des
ovariectomisées, les effets analgésiques sont patients jeunes et en bonne santé. Ils
comparables, mais l’oxymorphone a un effet ALPHA-2 AGONISTES peuvent également être administrés par voie
sédatif beaucoup plus marqué [48] . Il épidurale : une analgésie de 4 heures est
convient enfin de se souvenir que le patch Sédatifs analgésiques, myorelaxants et obtenue avec 0,25 mg/kg de xylazine [79].
contient un morphinique fort. Il est donc anxiolytiques, les a2 agonistes sont Une certaine synergie avec la morphine a été
utile de prendre toutes les précautions pour largement utilisés en anesthésiologie démontrée, qui procure une analgésie de
éviter les accidents domestiques (patch vétérinaire où leurs effets analgésiques sont longue durée (24 heures). Cette synergie est
arraché et sucé par un enfant…). Les patchs prouvés [83]. Leur mode d’action présente mise à profit chez l’homme dans les
usagés devraient être retirés et récupérés par une grande similitude avec celui des associations de clonidine (a2 agoniste) avec
le vétérinaire. morphiniques : blocage de récepteurs des anesthésiques locaux ou des
médullaires et supraspinaux [70] , dont morphiniques [22].
Effets secondaires certains sont d’ailleurs voisins des récepteurs
Les effets secondaires de la morphine, morphiniques. Ils peuvent être utilisés
même s’ils sont exceptionnels, sont annihilés spécifiquement pour leurs propriétés
par la naloxone. Afin d’éliminer les effets antalgiques, chez le chien et le chat, aux ANESTHÉSIQUES LOCAUX (TABLEAU VII)
dangereux (dépression respiratoire) tout en doses suivantes [86] :
conservant les effets analgésiques, un – xylazine : 0,1 à 1 mg/kg (IV, IM, SC) Les anesthésiques locaux permettent une
protocole progressif peut être conseillé : pour une durée d’action de 0,5 à 2 heures ; suppression de la transmission douloureuse
– diluer une ampoule à 0,4 mg/mL dans – médétomidine : 0,001 à 0,01 mg/kg en bloquant la propagation des influx
10 mL de soluté isotonique ; pour la même durée potentielle. nerveux (action sur les canaux sodiques). Ils
DOULEUR — 0700 11

TABLEAU VII. - POSOLOGIES DES ANESTHÉSIQUES LOCAUX EN FONCTION DE LEURS VOIES


D’ADMINISTRATION [89].
Délai d’action Pic d’action Durée d’action
Posologies
(minutes) (minutes) (heures)
Infiltrations cutanées Plusieurs sites d’injection :
Lidocaïne 2 % < 4 mg/kg Ct 0,5-1 < 30 0,5 à 1
Lidocaïne 2 % < 6 mg/kg Cn
Bupivacaïne 0,5 % < 2 mg/kg 2 à 10 30 à 45 4à7
Blocs nerveux 1 à 2 mL lidocaïne 0,5/2 % 0,5-1 < 30 0,5 à 1
1 à 2 mL bupivacaïne 0,5 % 2 à 10 30 à 45 3,5 à 7
Blocs directs tronculaires 5 à 8 mL de lidocaïne à 2 % 0,5-1 15 0,5 à 1
Bloc du plexus brachial 4 à 10 mL de lidocaïne 2 % 4à8 < 30 0,5 à 1
4 à 10 mL de bupivacaïne 0,5 % 6 à 15 30 à 45 3,5 à 7
(suivant la taille de l’animal)
Bloc intercostal 0,25 à 1 mL par site d’injection 6 à 15 30 à 45 3à6
bupivacaïne 0,5 %
Bloc interpleural 1 à 2 mg/kg bupivacaïne 0,5 % 6 à 15 30 à 45 3 à 48
Cn : chien ; Ct : chat.

s’opposent à l’arrivée des signaux dans la traitement des douleurs thoraciques et élevées peut présenter un risque par
moelle. Cette particularité unique devrait en abdominales hautes. L’injection est réalisée suppression de la motricité (arrêts
faire les analgésiques de référence. Les dans l’espace interpleural à l’aide d’un respiratoires lors d’administration
techniques d’anesthésie locorégionale restent cathéter posé en transcutané ou, plus rachidienne trop importante) ou apparition
cependant sous-employées en pratique facilement, en fin de thoracotomie [86]. À la de troubles nerveux centraux (euphorie,
vétérinaire par manque de formation. Elles dose de 0,5 mg/kg/4 h, l’analgésie procurée anxiété, convulsions) [88] . Les injections
font l’objet de nombreux exposés [57, 86, 88, 89]. par la bupivacaïne est nettement meilleure intraveineuses de bupivacaïne ou de doses
Citons cependant celles qui devraient être que celle procurée par 10 mg/kg IV de inadaptées de lidocaïne sont dangereuses
d’usage plus régulier. buprénorphine sur des chiens subissant une (collapsus cardiovasculaire). Les blocs
thoracotomie intercostale [12]. Les tronculaires doivent être réalisés avec
APPLICATIONS LOCALES anesthésiques locaux peuvent aussi être précaution sur l’animal anesthésié (risques
Les sprays ou les gels anesthésiques sont utilisés en injections rachidiennes (seuls ou de lésions directes du nerf par l’aiguille
couramment utilisés (pose de sondes en association avec la morphine). Les d’injection, sans réaction apparente de
endotrachéales). Une crème anesthésique posologies doivent être réduites si l’on l’animal) [73].
locale (Emlat : lidocaïne/prilocaïne) peut souhaite obtenir une analgésie sans déficit
être appliquée pour de petites interventions moteur. Plus rarement enfin, l’adminis-
ou la pose de cathéters veineux (mise en tration intraveineuse (après esmarchisation
et pose de garrot) permet des interventions ANTI-INFLAMMATOIRES NON STÉROÏDIENS
place sous pansement 20 minutes avant (AINS) (TABLEAU VIII)
l’intervention) [57]. de courte durée portant sur les
extrémités [86].
Les effets analgésiques des AINS sont
ANALGÉSIE LOCORÉGIONALE connus depuis longtemps, tant en chirurgie
INJECTION INTRA-ARTICULAIRE
Les blocs locaux ou tronculaires assurent que pour des douleurs chroniques. Ne
une analgésie peropératoire suffisamment L’injection intra-articulaire, en présentant ni les risques de dépression
efficace pour permettre chez le patient à postopératoire immédiat, est un geste simple respiratoire et d’effets cardiovasculaires, ni
risque une diminution parfois considérable (bupivacaïne 0,5 % : de 0,2 à 0,25 mL/kg les problèmes législatifs d’approvision-
des anesthésiques [89]. La lidocaïne et la pour un coude ; de 0,2 à 0,4 mL/kg pour nement des morphiniques, ce sont des
bupivacaïne restent les anesthésiques locaux une épaule [73]). La durée de l’analgésie varie antalgiques de choix en première intention.
les plus couramment utilisés en médecine en fonction des molécules (lidocaïne,
vétérinaire. L’adjonction d’adrénaline à bupivacaïne), des associations thérapeu- MODE D’ACTION
1/200 000 ralentit leur résorption et tiques (solutions adrénalinées, associations à Le mode d’action périphérique des AINS
prolonge l’effet analgésique. Les blocs la morphine), de la dose utilisée et de la est désormais admis : action sur les cyclo-
intercostaux (bupivacaïne 0,5 % : 0,25 à localisation de la chirurgie. Un drain et un oxygénases (COX) et inhibition de la
0,5 mL par site [10]) réalisés par injection garrot laissés en place 10 minutes en fin synthèse des prostaglandines responsables de
d’anesthésique local sur le bord caudal des d’intervention semblent améliorer la qualité la sensibilisation des récepteurs nociceptifs
côtes concernées par la chirurgie de l’analgésie [73]. (par abaissement de leur seuil d’exci-
(thoracotomie, fractures de côtes...) offrent tation) [70]. La plupart des AINS étant des
une qualité d’analgésie identique à celle de la EFFETS SECONDAIRES inhibiteurs compétitifs des COX [59] , il
morphine péridurale [ 7 5 ] . L’injection Les anesthésiques locaux, utilisés semblerait que leur efficacité soit améliorée
interpleurale d’anesthésique local est une correctement, présentent peu d’effets par une administration précoce (analgésie
technique relativement récente de secondaires. L’administration de doses trop préventive ?) [30, 53]. Leur mode d’action n’est
12 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0700

TABLEAU VIII. - PRINCIPAUX ANALGÉSIQUES PÉRIPHÉRIQUES ET ANTI-INFLAMMATOIRES NON


STÉROÏDIENS UTILISÉS CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT DANS LE TRAITEMENT DE LA DOULEUR [14, 15, 29, 63].
Posologie journalière Voies d’administration Commentaires
Aspirine Cn : 10 à 25 mg/kg/8 h VO Douleurs légères à modérées
Ct : 10 à 25 mg/kg/48 h
Carprofène Cn : 4 mg/kg/j VO Administration prolongée possible
4 mg/kg 1 injection IV, SC1
Flunixine Cn : 1 mg/kg/j SC, VO Ne pas dépasser 3 jours
Kétoprofène 2 mg/kg/j IV, IM, SC Douleurs modérées à sévères
1 mg/kg/j VO
Acide méfénamique Cn : 10 à 40 mg/kg/j VO Peu étudié
Jours alternés à partir de j2
Méloxicam Cn : 0,2 mg/kg/j puis 0,1 mg/kg/j VO, SC Administration prolongée possible
Naproxène Cn : 5 mg/kg/j puis 2 mg/kg/j VO E ff e t s s e c o n d a i r e s g a s t r o -
intestinaux
Nimésulide 4 mg/kg IM, SC Une seule injection chez le chat
Cn : 5 mg/kg VO
Phénylbutazone Cn : 10 à 20 mg/kg/8 h VO Pas d’utilisation prolongée
Piroxicam Cn : 0,3 mg/kg/j VO Infections urinaires
Jours alternés à partir de j3
Acide tolfénamique 4 mg/kg/j VO, IM, SC Possibilité de cycles de 3 jours
avec 4 jours sans
Dypirone = noramidopyrine Cn : 10 à 25 mg/kg/8 h IV, IM Antispasmodique
Myélotoxicité (?)
Paracétamol 15 à 25 mg/kg/8 h VO Douleurs modérées
Interdit chez le chat
Cn : chien ; Ct : chat ; 1 : non commercialisé en France ; VO : voie orale ; IV : intraveineuse ; IM : intramusculaire : SC : sous-cutanée.

cependant pas uniquement périphérique. ou/puis per os). Il paraît difficile d’établir en particulier le système nerveux. Ils peuvent
Même si les mécanismes d’action restent des protocoles, et il est en particulier également présenter un intérêt dans le
discutés, certains AINS exercent une action dangereux d’extrapoler des doses d’une traitement de certaines maladies chroniques
centrale plus ou moins marquée [42]. Il peut espèce à l’autre [56]. Leur durée d’adminis- à forte composante inflammatoire [50]. Leurs
arriver, par ailleurs, que leurs propriétés tration va dépendre de leur indication nombreux effets secondaires potentiels
analgésiques soient indépendantes de leurs thérapeutique : injection unique après une contre-indiquent leur emploi en analgésie
mécanismes d’action anti-inflammatoire [65]. intervention faiblement douloureuse, relais chirurgicale. Dans tous les cas, leur
Les molécules les plus récentes ont pour oral pour 3 à 5 jours en cas de douleur association aux AINS est à proscrire (risques
cible les COX inflammatoires (COX2) en modérée [22], administration prolongée pour d’effets secondaires accrus).
respectant si possible les COX constitutives certaines pathologies inflammatoires aiguës
(COX1). Cette particularité permet de (méningites, otites, cystites, arthrites, KÉTAMINE
diminuer de façon considérable leurs effets douleurs dentaires) [63] ou chroniques Anesthésique dissociatif, la kétamine est
secondaires, principalement gastro- (certaines tumeurs, arthrose). Les posologies largement utilisée en anesthésie vétérinaire.
intestinaux et rénaux [72]. Ces molécules devraient être réduites chez les sujets âgés ou Elle possède également des propriétés
devraient également permettre une sensibles [ 2 2 ] . En l’absence d’effets analgésiques, antagoniste spécifique des
utilisation plus prolongée dans le cas de secondaires, seules des réévaluations récepteurs NMDA [70]. Ces récepteurs de la
douleurs chroniques comme lors d’arthrose successives des scores de douleur permettent corne dorsale de la moelle épinière sont
[19, 60, 63]. d’apprécier la nécessité d’arrêter ou de impliqués dans les phénomènes de
poursuivre le traitement. Dans tous les cas, il sensibilisation centrale et responsables de
INTÉRÊT DES AINS convient d’adapter dès que possible le l’autoentretien des phénomènes douloureux.
Les AINS sont indiqués chez l’animal traitement en diminuant les doses au La kétamine fait donc actuellement l’objet
pour traiter des douleurs modérées à sévères. meilleur rapport dose-effet [63]. de nombreux travaux. Chez l’homme, de
En périopératoire, ils ont parfois fait preuve faibles doses administrées en perfusion sous-
d’une efficacité supérieure à certains AUTRES THÉRAPEUTIQUES
c u t a n é e o n t m o n t r é u n e effi c a c i t é
morphiniques [3, 51, 69]. Utilisés conjoin- analgésique, après chirurgie abdominale
tement aux morphiniques, ils présentent un GLUCOCORTICOÏDES lourde ou sur des patients traumatisés [50].
effet synergique et permettent de réduire les Les glucocorticoïdes peuvent être utiles Chez l’enfant, l’administration rachidienne
posologies [22, 63] . Ils sont administrés dans les processus douloureux à composante en début de chirurgie (hernie inguinale)
essentiellement par voie générale (injections inflammatoire ou œdémateuse, concernant procure une bonne analgésie per- et
DOULEUR — 0700 13
postopératoire (8 heures) [46]. Chez le chien
et le chat, la kétamine à faibles doses (0,5 à Td Tf
1 mk/kg IM) procure une bonne analgésie
somatique [10]. La kétamine s’est montrée Période de sensibilisation
efficace per os, à la dose de 10 mg/kg, sur des
chiens souffrant de brûlures [41]. Dans des Temps opératoire Temps postopératoire
Évolution de la sensibilisation
protocoles d’analgésie balancée, combinée à en fonction du temps chirurgical
des morphiniques, la kétamine présente un
eff e t d ’ é p a r g n e m o r p h i n i q u e [ 7 3 ] .
L’anesthésie de chattes ovariohystérecto-
Analgésie
misées avec médétomidine-kétamine
procure une meilleure analgésie postopéra- Analgésies précoces mais
Analgésie de durées insuffisantes
toire que l’association acéproma-
zine-thiopenthal-halothane [83].

TRANQUILLISANTS
Les tranquillisants, en particulier les Analgésie chirurgicale correcte
pas de sensibilisation
benzodiazépines (diazépam, midazolam) et Analgésie
les phénothiazines (acépromazine :
0,05 mg/kg IV, SC, IM), sont utilisables 5 Importance de la durée de l’analgésie en fonction des temps opératoires [43, 95]. T : temps opératoire ;
chez les sujets anxieux ou agités [29] , y Td : T début ; Tf : T fin.
compris en période postopératoire [50]. Il
c o n v i e n t c e p e n d a n t d e v é r i fi e r l a peut être une méthode alternative Les modèles expérimentaux sont variés et
compatibilité avec d’éventuels morphi- intéressante pour les douleurs pathologiques permettent de reproduire des douleurs
niques et de diminuer si besoin les aiguës ou chroniques, mais également en inflammatoires ou neuropathiques.
posologies. Chez le chat, l’association de analgésie chirurgicale de patients à risques Plusieurs études ont montré l’efficacité
[26, 44, 68] . Ces techniques nécessitent une
faibles doses d’acépromazine au butor- préventive des morphiniques, des AINS et
phanol, à l’oxymorphone ou à l’association formation spécifique et leur développement des anesthésiques locaux. Cette efficacité est
des deux a montré dans tous les cas une déborde le cadre de cet exposé. Les moins évidente dans les études cliniques.
amélioration de l’effet analgésique [6]. techniques neurochirurgicales (sections Chez l’homme, McQuay a montré que peu
nerveuses, stimulations médullaires, pompes d’études respectent le schéma thérapeutique
TRAITEMENTS NON PHARMACOLOGIQUES implantées) [ 5 ] semblent réservées à souhaité pour montrer un effet préventif [67].
DE LA DOULEUR l’homme. Enfin, les massages et les Chez l’animal, si plusieurs études prétendent
stimulations électriques peuvent également démontrer un effet analgésique préventif, en
L’importance des phénomènes physiolo-
diminuer les réactions douloureuses [10].
giques dans l’exacerbation du processus particulier pour des AINS [3, 30, 53], d’autres
douloureux laisse supposer que le bien-être ne constatent pas de différences entre
physique et psychologique de l’animal est l’administration pré- ou postopératoire de
primordial, notamment durant toute la MÉTHODOLOGIE ANALGÉSIQUE morphiniques. La méthodologie de ces
période périopératoire. La mise en place de études peut souvent être l’objet des mêmes
pansements correctement rembourrés ANALGÉSIE PRÉVENTIVE critiques que celles précédemment évoquées.
limitera les mouvements et les chocs en Il est vraisemblable que plusieurs
chirurgie articulaire. Une technique Wall en 1988 émettait l’idée qu’une définitions ayant été données au même
chirurgicale évitant les délabrements analgésie préopératoire, qui anticiperait concept, toutes ne soient pas satisfaisan-
tissulaires, les tensions ligamentaires et l’apparition des phénomènes physiologiques tes [43]. L’analgésie préventive doit être en
capsulaires excessives et respectant accompagnant la douleur, devrait avoir un mesure de prévenir la mise en place de la
l’hémostase est souhaitable. La plus grande effet supérieur à la même analgésie sensibilisation centrale causée par le
attention doit également être apportée au administrée en fin de chirurgie [93]. Woolf la traumatisme chirurgical lui-même, mais
respect des structures nerveuses, soit en qualifia de pre-emptive analgesia et insista sur
cours de chirurgie (lésions nerveuses également par les phénomènes inflamma-
la nécessaire prévention des phénomènes de toires qui l’accompagnent (fig 5). Suivant la
chirurgicales, sur des trajets nerveux), soit sensibilisation centrale [95]. Cette théorie
indirectement par le biais des implants posés nature de l’acte chirurgical, ces derniers
repose sur des évidences physiologiques.
(exemple : frottements d’une broche peuvent se prolonger (plusieurs heures à
Les stimuli nociceptifs, chirurgicaux ou
fémorale sur le nerf sciatique). L’hospitali- traumatiques, sont à l’origine de quelques jours). D’autre part, compte tenu
sation doit se faire dans des conditions de phénomènes de sensibilisations périphé- de la complexité des mécanismes de la
stress minimal. Plusieurs études montrent riques et centrales (cf supra). La douleur, toutes les méthodes ne peuvent
l’intérêt particulier que portent les sensibilisation périphérique est responsable prétendre à la même capacité d’annuler
auxiliaires de santé vétérinaires, en de l’extension des phénomènes douloureux l’intégralité de la transmission d’influx de la
particulier féminins, aux problèmes de la (hyperalgie primaire et secondaire), de leur périphérie vers la moelle. Le protocole
douleur [ 1 7 , 5 2 ] . Leur implication est autoentretien et de leur transmission au anesthésique doit inclure un ou plusieurs
impérative dans les protocoles de prise en niveau médullaire. La sensibilisation analgésiques efficaces. Cette analgésie de
charge, à l’identique de ce qui est centrale est, quant à elle, responsable de qualité s’impose dans tous les temps de la
couramment pratiqué en milieu douleurs durables, difficiles à traiter. Le chirurgie et est donc pré-, per- et
hospitalier [2]. principe de l’analgésie préventive consiste postopératoire. Elle est poursuivie, sans
L’acupuncture, dont certaines modalités schématiquement à « mouiller le foyer pour à-coups, aussi longtemps que nécessaire, en
d’action ont été évoquées précédemment, que le feu ne prenne pas ». fonction du type de chirurgie.
14 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0700

Tranquillisants
locaux et morphiniques-a2 agonistes
Cortex
Morphiniques permettent une analgésie de qualité avec des
α2 agonistes doses réduites et moins d’effets secondaires.
Analgésie Elles peuvent donc être conseillées pour des
balancée Thalamus
patients à risques [77]. Les mêmes
constatations sont valables chez le chien [36].
Dans tous les cas, les auteurs rapportent
une analgésie de qualité, une sécurité accrue
AINS, AL, Kéta
Réticulée et une efficacité plus durable que celles
AINS, AL bulbaire obtenues avec chaque composant utilisé
Morphiniques AL Morphiniques
α2 agonistes séparément.
Lésion La familiarisation avec les techniques
d’anesthésie locorégionale et l’accès
souhaitable à plus de morphiniques doivent
permettre le développement de ces
Moelle épinière techniques en pratique vétérinaire. Il n’est
pas rare de voir en médecine humaine des
protocoles complexes pour assurer le
6 Principe de l’analgésie balancée. AL : anesthésique local ; AINS : anti-inflammatoires non stéroï- meilleur confort du patient et une
diens. récupération fonctionnelle précoce
(diminution de la morbidité postopéra-
toire [22]) : anesthésiques locaux par voie
locorégionale/morphiniques périduraux ou
Palier 3 systémiques/AINS systémiques.

Douleurs
sévères
Palier 2 NOTION DE PALIERS
Douleurs Afin de permettre une réponse adaptée à
modérées l’intensité de la douleur, l’Organisation
Palier 1
Morphine mondiale de la santé (OMS) a proposé une
Douleurs démarche par paliers croissants [71] (fig 7). Le
faibles Analgésiques passage à un palier supérieur ne se fait qu’en
Palier 1 cas d’échec des thérapeutiques du palier
+ centraux
de synthèse inférieur. Ce passage, sauf contre-
Paracétamol Morphiniques indications, peut se faire également en
AINS faibles associant des drogues de paliers différents. Il
est par exemple possible d’associer des
morphiniques faibles aux AINS, en cas
d’échec thérapeutique de ces derniers. Bien
qu’initialement prévus pour répondre aux
7 Les trois paliers de l’Organisation mondiale de la santé [71]. exigences des traitements en cancérologie,
les paliers de l’OMS permettent d’adopter
ANALGÉSIE BALANCÉE Ces associations peuvent se faire au cours une démarche thérapeutique cohérente face
d’une même administration ou tenir compte à tout type de douleur.
L’analgésie monothérapique s’expose à la des sites d’action des molécules concernées.
possibilité d’effet-plafond de certaines Certains AINS mis en concurrence avec des
drogues (l’augmentation des doses morphiniques ont fait la preuve d’une DOULEUR ET CHIRURGIE
n’améliore pas la qualité de l’analgésie) et efficacité identique, voire supérieure [51, 69].
d’effets secondaires dont les principaux sont Administrés concomitamment aux
brièvement rappelés : morphiniques, ils permettent une réduction CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
conséquente de ces derniers [ 2 2 ] . Ils
– dépression respiratoire des
présentent par ailleurs une durée d’action La douleur chirurgicale présente la
morphiniques ;
beaucoup plus prolongée et pourront particularité d’une gestion potentielle. Cette
– blocs moteurs et hypotension avec les prendre, si besoin, le relais du morphinique. caractéristique avantageuse permet de
anesthésiques locaux ; Il est ainsi courant, en pratique hospitalière, s’interroger sur les éventuelles carences
– risques potentiels pour la fonction de constater une diminution nette de la affichées par les praticiens interrogés lors de
rénale, la muqueuse digestive, la coagulation consommation autocontrôlée par le patient différentes enquêtes [16, 17, 31, 52]. L’absence de
sanguine avec les AINS ; (analgésie autocontrôlée par le patient ou formation sur le sujet, la crainte des effets
– bradycardie et hypotension avec les a2 « pompe à morphine ») chez les opérés qui secondaires de thérapeutiques mal connues,
agonistes. reçoivent également des AINS. les difficultés d’approvisionnement pour
Afin de diminuer ces effets secondaires Des associations thérapeutiques sont certaines substances soumises à législation
tout en améliorant la qualité et la durée de également utilisées pour les injections sont les raisons les plus couramment
l’analgésie, des associations d’analgésiques rachidiennes. Chez l’homme, les avancées [62]. La confusion est parfois encore
« complémentaires » sont effectuées (fig 6). associations morphiniques-anesthésiques faite entre anesthésie et analgésie [73]. Or
DOULEUR — 0700 15
PÉRIODE POSTOPÉRATOIRE
TABLEAU IX. - DOULEURS PRÉVISIBLES EN FONCTION DE
DIFFÉRENTS TYPES D’INTERVENTIONS CHIRURGICALES [34, 62, 86, 92]. Correctement analgésié, en particulier
Douleurs légères avec les morphiniques, le réveil de l’opéré
doit être progressif et calme [34]. Les AINS
Petite chirurgie cutanée : retrait de corps étrangers, retrait de petites masses, points
de suture, abcès injectables sont administrés en fin
d’intervention, s’ils ne l’ont pas été
Procédures dentaires peu invasives (détartrage) préventivement. Il est parfois difficile de
Petite chirurgie ophtalmique distinguer au réveil des manifestations
douloureuses, malgré les thérapeutiques
Douleurs moyennes (à sévères =1)
instaurées, d’un état d’agitation anxieuse.
Stérilisations, laparotomies peu invasives Dans le premier cas, la titration
Extractions dentaires morphinique est indiquée : injections IV de
faibles doses de morphine (0,1 à 0,2 mg/kg)
Chirurgie anorectale (glandes anales) à intervalles réguliers (3 à 5 minutes) jusqu’à
Chirurgie auriculaire (ablation partielle ou totale du conduit) obtention de l’effet désiré. Dans le cas de
Chirurgie urinaire (urétrostomie1, vessie très enflammée) manifestations anxieuses, les tranquillisants
sont administrés (exemple : acépromazine
Chirurgie ophtalmique des annexes 0,01 mg/kg IV [73] ). La poursuite du
Douleurs sévères (à très sévères =2) protocole analgésique en période
postopératoire est impérative. Elle dure de
Chirurgie ophtalmique et orbitaire 2 quelques heures à plusieurs jours en fonction
Chirurgie maxillofaciale de la chirurgie pratiquée. Les réévaluations
Chirurgie orthopédique et articulaire régulières, à l’aide de grilles, permettent
d’adapter le traitement à l’état du patient
Chirurgie rachidienne thoracique ou lombaire (cervicale2) (fig 8).
Amputation (complications neuropathiques2)
Chirurgie anale (fistules et hernies périnéales)
Chirurgie thoracique (sternotomie2) DOULEURS CHRONIQUES
Toute chirurgie longue, invasive, avec complications neuropathiques potentielles 2
On peut considérer qu’une douleur est
chronique si, traitée ou non, elle dure au-
delà du délai normalement prévisible, après
certaines molécules, couramment utilisées du futur opéré sont appréciés au cours des l’arrêt du phénomène générateur. Il s’agit en
pour leur sécurité anesthésique (propofol, premières heures d’hospitalisation. Une général de plusieurs mois [66]. Elle peut
isoflurane par exemple), n’ont aucune tranquillisation préopératoire est impérative également faire partie du tableau clinique
propriété analgésique et ne peuvent éviter, pour les patients trop agités ou anxieux d’une maladie elle-même chronique
même si le patient dort convenablement, la (influence de l’anxiété sur la douleur). Le (exemple : l’arthrose). L’amélioration de la
mise en place des phénomènes de protocole analgésique doit être adapté à la qualité des soins prodigués aux animaux de
sensibilisation. La prise en charge de la sévérité de la chirurgie envisagée et mis en compagnie, l’augmentation de leur
douleur chirurgicale doit se faire dans le place préventivement. Il est impératif de longévité, sont des facteurs d’émergence des
respect d’un certain nombre de concepts tenir compte des délais de mise en place de douleurs chroniques [60] . Leur prise en
précédemment évoqués : l’effet analgésique et de la durée de celui-ci charge présente un double défi :
– celui de l’évaluation, pour des
– une analgésie adaptée à l’intensité de la (variables suivant les protocoles et les douleurs dont la symptomatologie s’est
(des) douleur(s) prévisible(s) (tableau IX) ; drogues) (fig 4). Ces données sont souvent estompée au fil du temps par
– une analgésie mise en place avant la fondamentales, notamment pour permettre habituation de l’animal à son état ;
chirurgie, poursuivie pendant et après des administrations régulières et éviter les – celui de l’efficacité des traitements, soit
celle-ci ; à-coups thérapeutiques toujours préjudi- parce que les thérapeutiques habituelles sont
ciables à la qualité de l’analgésie. Même si le inefficaces, soit parce que leur utilisation
– une analgésie balancée, optimisée et prolongée s’accompagne d’effets secondaires
débat n’est pas clos sur l’intérêt d’une
sécurisée par l’emploi de méthodes problématiques.
administration préventive des AINS,
synergiques ;
certains auteurs pensent que leur utilisation,
– une analgésie ajustée par des rééva- y compris préventive, devrait devenir
luations successives, si possible à l’aide systématique sur les patients ne présentant
d’échelles (cf supra). DOULEUR NEUROPATHIQUE
pas de risques connus [73]. À leurs capacités
analgésiques propres s’ajoute un effet ÉTIOLOGIE
synergique avec les morphiniques. Dans le On parle de douleur neuropathique
cas de douleurs potentiellement sévères, le lorsque les structures nerveuses sont
TEMPS CHIRURGICAL principe d’une analgésie balancée est à directement impliquées, au niveau
considérer. Il permet d’associer notamment périphérique ou central. Ces douleurs ne
L’examen préopératoire doit prendre en les techniques d’analgésie locorégionales dépendent pas directement des messages
compte l’historique du patient (antécédents (infiltrations, blocs tronculaires, analgésie nociceptifs précédemment décrits mais d’un
pathologiques, allergies médicamenteuses rachidienne) et d’améliorer le confort et la dérèglement consécutif à une réduction des
connues). Le caractère et le comportement sécurité du patient. influx (désafférentation). Ces dérèglements
16 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0700
place. Certaines techniques diagnostiques
peuvent être pénibles (ponctions
Douleur chirurgicale prévisible médullaires, biopsies osseuses). Les douleurs
postradiothérapiques sont bien connues
Faible Modérée Sévère chez l’homme : myélopathies postradiques,
ostéoradionécroses, plexites. Des lésions
inflammatoires, immédiates ou retardées,
sont possibles chez l’animal (dermites,
Analgésie peropératoire Analgésie préventive
ostéites, mucites) [33]. La chimiothérapie
+ + peut entraîner un inconfort immédiat
(nausées, vomissements), des nécroses
Analgésie postopératoire Analgésie postopératoire cutanées en cas d’administration
périveineuse. La chirurgie enfin fait souvent
partie de l’arsenal thérapeutique et sa gestion
Suivi postopératoire
doit respecter les principes précédemment
évoqués.

Douleur TRAITEMENT
Le traitement est d’abord celui du cancer
(chirurgie/chimiothérapie/radiothérapie).
Pas de douleur
Les thérapeutiques palliatives (radiothérapie
et/ou chimiothérapie) peuvent être efficaces
quelque temps [33, 78] . Ces traitements
8 Prise en charge des douleurs chirurgicales.
peuvent n’apporter qu’un soulagement
entraînent rapidement une hyperexcitabilité controversés, semblent être efficaces à partiel de la douleur et des thérapeutiques
des relais spinaux et supraspinaux et la condition d’être administrés à des doses spécifiquement antalgiques s’imposent quasi
chronicité du phénomène est quasiment la supérieures aux doses habituelles. Il a été systématiquement. Les protocoles devraient
règle. Les sensations douloureuses enfin démontré que la prévention des s’inspirer du principe des paliers de l’OMS.
classiquement décrites chez l’homme sont douleurs d’amputation passait par Le paracétamol et les AINS constituent
des décharges (brûlures ou décharges l’utilisation d’anesthésiques locaux et de l’essentiel des thérapeutiques du palier 1. Au
électriques) d’apparition spontanée [5]. Des morphiniques (infiltration, blocs, anesthésie palier 2, la codéine et le dextropropoxy-
douleurs provoquées sont également citées. rachidienne) pré-, per- et post- phène sont sous-employés (sans doute à
Elles sont particulièrement invalidantes car opératoires [39]. tort) en pratique vétérinaire. Ces molécules
elles peuvent être déclenchées par un contact peuvent être associées aux médicaments du
aussi léger que celui d’un vêtement p a l i e r 1 ( e x e m p l e , D i - A n t a l v i ct :
(allodynie). Chez l’animal, les douleurs paracétamol et dextropropoxyphène). Le
DOULEUR ET CANCER tramadol, présente l’intérêt d’une double
neuropathiques sont peu référencées. Les
douleurs radiculaires chroniques action : morphinique et monoaminergique.
Si la gestion de l’analgésie périopératoire
(cervicalgie, syndrome de la queue-de- L’auteur l’utilise à la dose de 50 mg/10 kg,
est relativement bien documentée, peu de
cheval) pourraient en faire partie ; de même, trois fois par jour. De rares cas de
publications concernent la douleur en
l’implication directe ou indirecte des somnolence ou de vomissements rétrocèdent
cancérologie vétérinaire. Chez l’homme, la
structures nerveuses dans certains cancers. rapidement à l’arrêt du traitement. Dans le
douleur est un signe cardinal pour une
Enfin, les amputations peuvent se cas de douleurs sévères (palier 3), la
majorité des patients cancéreux et sa prise en
compliquer du classique « syndrome du morphine ou les patchs de fentanyl sont
charge fait partie intégrante des protocoles
membre fantôme », douleur neuropathique utilisés. Les douleurs neurogènes sont prises
thérapeutiques.
typique, au cours de laquelle le patient en compte comme évoqué précédemment.
ressent des douleurs fulgurantes dans le ÉTIOLOGIE Les glucocorticoïdes peuvent être utilisés en
membre qu’il ne possède plus. Cette douleur cas d’inflammation sévère ou dans les
La douleur cancéreuse est essentiellement
est à différencier de la douleur du moignon, processus entraînant une compression
due à un excès de nociception. Les
neuropathique également, résultant de cérébrale ou médullaire [58]. Les thérapeu-
nocicepteurs sont stimulés chimiquement
l’apparition de névromes cicatriciels sur les tiques non pharmacologiques complètent
(inflammation) ou mécaniquement
terminaisons nerveuses sectionnées [33]. avantageusement l’arsenal thérapeutique.
(distension, compression) par le processus
tumoral. Les envahissements ou les
TRAITEMENT compressions de structures nerveuses sont
Ne procédant pas des mêmes responsables de douleurs neuropathiques. La
mécanismes que les douleurs par excès de douleur du patient cancéreux peut être DOULEUR ET ARTHROSE
nociception, les douleurs neurogènes ne sont consécutive à l’envahissement tumoral
pas sensibles aux mêmes traitements. Elles (75 % chez l’homme). Les localisations ÉTIOLOGIE
peuvent être améliorées par les antidépres- osseuses ou nerveuses sont classiquement Maladie dégénérative, l’arthrose affecte
seurs tricycliques (amitryptyline : 1 à citées comme étant particulièrement l’ensemble des structures articulaires et se
2 mg/kg/j chez le chien) [50] ou, pour les algogènes. Le sont également les cancers manifeste par une destruction cartilagineuse,
composantes plus fulgurantes, par les viscéraux (carcinoses péritonéales, cancer du un remodelage de l’os sous-chondral, une
antiépileptiques (gabapentine : 5 mg/kg/8 h pancréas) [5]. inflammation de la membrane synoviale et
chez le chien ; 2,5 à 5 mg/kg/12 h chez le Dans 25 % des cas (souvent occultés), la le développement d’ostéophytes périarticu-
chat [50] ). Les morphiniques, longtemps douleur est en fait liée au traitement mis en laires [64]. Pour l’essentiel, la douleur est
DOULEUR — 0700 17
attribuée à l’inflammation de la synoviale les AINS présentant une grande affinité pour intra-articulaire aurait les mêmes avantages.
(action sur les chémorécepteurs). Il est les COX 2 (carprofène, nimésulide, Ces effets bénéfiques ne devraient pas faire
cependant vraisemblable que la distension méloxicam) pourraient offrir une plus oublier les effets d’inhibition de la synthèse
des tissus périarticulaires doit avoir une grande sécurité et devraient permettre des cartilagineuse et de fissuration du cartilage
action sur les mécanorécepteurs traitements à long terme [19, 63]. Aucune sain [19] . Les glucocorticoïdes peuvent
(notamment en mouvement). Dans le cas étude ne permet actuellement de définir la également être utiles dans le cas
d’arthrose intervertébrale, une composante durée des traitements. Selon l’auteur, il d’inflammation neurologique associée
neurogène peut intervenir par compression convient de dresser le profil thérapeutique (arthrose lombosacrée avancée). Leur usage
directe des structures nerveuses. du patient, en impliquant le propriétaire de prolongé doit être évité [66]. Leur association
l’animal. Des cures prolongées sont aux AINS est par ailleurs déconseillée.
TRAITEMENT administrées jusqu’à l’obtention du meilleur
Compte tenu de la prépondérance des soulagement de l’animal (intérêt des grilles Les traitements adjuvants de l’arthrose
f a c t e u r s i n fl a m m a t o i r e s , l e s A I N S d’évaluation). La dose minimale efficace doit font appel aux substances chondroprotec-
demeurent les thérapeutiques de référence être recherchée [63]. trices et aux mesures hygiéniques [66] : perte
dans les traitements de l’arthrose [40]. Ces L’usage des glucocorticoïdes est de poids, exercice régulier, non violent. Si
traitements devant par nature se prolonger, controversé. De faibles doses de predni- elles n’ont pas d’action directe sur la
la plus grande attention doit être apportée solone (0,25 mg/kg/j) peuvent ralentir les douleur, ces mesures participent au confort
aux effets secondaires potentiels. En ce sens, signes dégénératifs. [66]. La triamcinolone du patient arthrosique.

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Complications de l’anesthésie du chien
et du chat
S. JUNOT :
([email protected])
Unité de chirurgie-anesthésiologie, École nationale vétérinaire de Lyon, 1, avenue Bourgelat, 69280, Marcy l’Étoile, France.

K. BENREDOUANE :
Unité de chirurgie-anesthésiologie, École nationale vétérinaire de Lyon, 1, avenue Bourgelat, 69280, Marcy l’Étoile, France.

L
’anesthésie est un acte couramment réalisé en pratique vétérinaire. Malgré l’amélioration
des marges thérapeutiques des agents anesthésiques à disposition, cet acte reste à risque
de complications dont la survenue est principalement liée à une dépression des fonctions
cardiovasculaire et respiratoire mais aussi à une altération des capacités de thermorégulation. La
plupart de ces complications sont sous-diagnostiquées par insuffisance de surveillance de
l’anesthésie ; elles peuvent alors être la cause d’une mortalité anesthésique inexpliquée.
Néanmoins, ces complications connaissent le plus souvent une issue favorable à la condition que
le vétérinaire les détecte rapidement et mette en jeu une thérapeutique adaptée. Cet article
détaille les complications fréquemment rencontrées en anesthésie vétérinaire, pour chacune
d’entre elles, les modalités de survenue et de détection sont abordées ainsi que les moyens de
prévention et de traitement.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Anesthésie, Vétérinaire, Urgences, Accidents, Complications, Chien, Chat

. INTRODUCTION ont rapporté une incidence de complications de connaître les complications associées à
Toute anesthésie est susceptible de 2,1 % chez le chien et 1,3 % chez le chat l’anesthésie, leur symptomatologie et
d’engendrer une altération des capacités avec un taux de mortalité de 0,1 % pour ces traitement pour une prise en charge optimale
vitales de l’animal avec un certain nombre deux espèces. Lors de ces deux études, les de l’animal anesthésié. Ces différentes com-
de complications associées. L’incidence de complications les plus fréquemment plications sont détaillées par la suite avec une
ces complications est difficile à quantifier rapportées étaient l’hypotension, les large part pour les complications respira-
puisqu’elle dépend du niveau de pratique arythmies, l’hypercapnie et l’hypoxémie avec toires et cardiovasculaires qui sont les plus
mais aussi de la condition clinique de une majorité d’anesthésie pour des chirurgies fréquentes.
l’animal. Gaynor et al., [1] lors d’une étude de convenance. Ces complications peuvent
rétrospective en pratique universitaire être supportées par l’animal si elles ne sont
COMPLICATIONS RESPIRATOIRES
(Université du Colorado), ont montré que pas sévères ou prolongées mais il est difficile
l’incidence des complications était de 12 % d’évaluer leur sévérité si des modalités de Les complications respiratoires sont
chez le chien et 10,5 % chez le chat avec une surveillance adaptées ne sont pas en œuvre. nombreuses et d’origine variée : liées aux
mortalité associée de 0,4 % dans les deux Par ailleurs, ces situations peuvent être effets des agents anesthésiques, au position-
espèces. Dans une étude similaire s’inté- traitées d’autant plus efficacement qu’elles nement de l’animal, à la mise en œuvre de
ressant à la pratique privée, Dyson et al. [2] sont repérées rapidement, d’où l’importance l’anesthésie et potentiellement à la condition
2 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0900 —
SaO2 (%)
100

90
2%
80

70 pH
Température
60
PCO2
50 2-3 DPG

98 % 40

30
PaO2 SaO2
20

10

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
PO2 (mmHg)

Figure 1 Oxygène contenu dans le sang. PaO2 : pression artérielle partielle en oxygène ; SaO2 : saturation du sang artériel en oxygène ; PCO2 : pression
artérielle partielle en gaz carbonique ; 2-3 DPG : 2-3 diphosphoglycérate.

physique de l’animal. Elles peuvent avoir des • ventilation mécanique à l’aide d’un oxygène (hypoxémie). L’hypoventilation est
conséquences non négligeables sur la respirateur. liée à une respiration trop légère (hypopnée),
morbidité et la mortalité per- et postopéra- Dans tous les cas, la fréquence respira- trop lente (bradypnée) ou une diminution
toires puisqu’elles altèrent la prise d’oxygène toire ne doit alors pas être trop élevée (5- de la capacité pulmonaire. Elle peut avoir
essentielle à la vie cellulaire et limitent 10 resp/min maximum) afin de ne pas plusieurs origines lors d’une anesthésie :
l’excrétion de CO2. baisser la valeur de pression artérielle en CO2 • pharmacologique avec l’administration
(PaCO2) (le CO2 étant un stimulant pour d’anesthésiques qui dépriment les centres
les centres respiratoires) et la pression respiratoires ;
d’insufflation ne doit pas dépasser 20 cm • iatrogène selon le positionnement de
APNÉE d’eau afin de ne pas léser les alvéoles. l’animal.
Outre la ventilation artificielle, il faut
L’apnée est une complication fré- contrôler la profondeur de l’animal et si
quemment rencontrée. Les causes les plus possible diminuer l’administration d’anes-
fréquentes d’apnée sont une obstruction des thésique si l’animal est dans un stade HYPOXÉMIE
voies aériennes, une résistance accrue dans le anesthésique trop profond. Divers réflexes
système respiratoire de la machine d’anes- peuvent permettre un retour à une venti- L’hypoxémie correspond à une
thésie, une dépression des centres lation spontanée : la compression diminution de la quantité d’oxygène
respiratoires suite à un surdosage anesthé- thoracique, la traction de la langue, la piqûre contenue dans le sang ; elle est à différencier
sique. Elle peut survenir avec des agents du septum nasal, le début du geste chirur- de l’hypoxie qui est une diminution de la
comme le thiopental ou le propofol, particu- gical ; néanmoins, tous ces réflexes ont une quantité d’oxygène tissulaire. L’oxygène dans
lièrement s’ils ont été administrés en bolus efficacité variable et inconstante. La place des le sang est majoritairement fixé à l’hémo-
rapides, mais elle peut aussi être liée à une agents analeptiques respiratoires comme le globine (mesuré par la saturation de
diminution de la stimulation des centres doxapram est sujette à débat : le doxapram l’hémoglobine SaO2) mais est aussi présent
respiratoires suite à une baisse de la pression augmente le volume courant et la fréquence sous forme dissoute (mesuré par la pression
artérielle en CO2 (comme par exemple à la respiratoire en stimulant d’une part les artérielle en oxygène PaO2) (Fig. 1). Clini-
suite d’une ventilation artificielle). L’utili- centres respiratoires bulbaires [4] et d’autre quement, on parle d’hypoxémie quand la
sation d’agents bloquants neuromusculaires part les chémorécepteurs carotidiens [5] . SaO2 devient inférieure à 90 % et la PaO2
(« curares ») entraîne également une apnée Néanmoins, il peut aboutir en cas de inférieure à 60 mmHg. La détection de
ainsi que certaines techniques d’anesthésie surdosage à des convulsions mais surtout l’hypoxémie se fait à l’aide de l’oxymètre de
locorégionales comme les anesthésies diminuer la profondeur de l’anesthésie et pouls ; en effet, le changement de couleur
épidurales hautes [3]. provoquer un réveil prématuré de des muqueuses n’est détecté que tardivement
La conduite à tenir consiste à s’assurer de l’animal [6] ; il est préférable de ne pas par l’œil humain, le plus souvent lorsque les
la perméabilité des voies aériennes et à l’utiliser en première intention lors d’apnée. muqueuses sont cyanosées. La cyanose
contrôler la fonction cardiaque. Il faut commence à partir d’une valeur de SaO2
ensuite intuber l’animal si celui-ci ne l’était inférieure à 85 % et une PaO2 comprise
pas afin de mettre en place une ventilation entre 45 et 50 mmHg. Ces changements
artificielle. La ventilation artificielle est en HYPOVENTILATION sont associés à des altérations fonctionnelles
effet essentielle pour maintenir des échanges des organes suite à l’hypoxie engendrée.
gazeux adéquats, il existe diverses modalités L’hypoventilation correspond à une ven- L’hypoxémie peut survenir en cours
pour la réaliser : tilation insuffisante par rapport aux besoins d’anesthésie suite à plusieurs facteurs :
• ventilation manuelle à l’aide du ballon du de l’organisme : elle est associée à une aug- • une baisse de la fraction inspirée en O2,
système respiratoire de l’appareil d’anes- mentation de la pression artérielle en CO2 éventuellement suite à une défaillance du
thésie ou à l’aide d’un ballon de (hypercapnie) et peut aboutir, si elle se matériel si l’animal est relié à une machine
réanimation ; poursuit, à une insuffisance d’apport en d’anesthésie ;
COMPLICATIONS DE L’ANESTHÉSIE DU CHIEN ET DU CHAT — 0900 3

TABLEAU 1. – CAUSES ET TRAITEMENTS DE L’HYPOXÉMIE Si l’animal n’est pas intubé, l’obstruction


PERANESTHÉSIQUE des voies aériennes provient le plus souvent
de la base de la langue ou de l’épiglotte. Les
Causes de l’hypoxémie Traitement animaux brachycéphales sont prédisposés, de
Pneumothorax Rétablir le vide pleural par leurs caractéristiques anatomiques, à ce
Fausse déglutition Bronchoscopie et succion type de complication, de même que les
animaux présentant une tumeur trachéale ou
Atélectasie massive Ventilation à pression positive
pharyngienne. Par ailleurs, l’irritation du
postexpiratoire
larynx par un objet ou des sécrétions peut
Œdème pulmonaire aigu Administration de diurétique et réduction aboutir, particulièrement chez le chat, à un
du débit de perfusion laryngospasme, responsable d’une obs-
Baisse du débit cardiaque Restauration du volume sanguin truction des voies aériennes.
circulant, envisager l’utilisation d’inotrope Si l’animal est intubé, l’obstruction des
Faible taux d’hémoglobine dans le sang Transfusion sanguine et ventilation voies aériennes peut provenir de sécrétions
artificielle abondantes et épaisses chez les animaux de
faible gabarit mais aussi d’un surgonflage du
ballonnet de la sonde endotrachéale ou enfin
• une hypoventilation ; une valeur de PaCO2 de 55 mmHg (excepté d’une défaillance matérielle sur la machine
• des troubles du gradient lors de chirurgies intracrâniennes où la d’anesthésie.
ventilation/perfusion pulmonaire ; PaCO2 doit rester dans les normes physiolo- Les patients à risque, identifiés avant
• des troubles de diffusion (altération de la giques). Lorsque l’hypercapnie est causée par toute procédure d’anesthésie, doivent
barrière alvéolocapillaire) ; une hypoventilation avec un volume minute bénéficier de considérations spéciales
• des shunts artérioveineux intra- inférieur à 100 ml/kg/min, le traitement incluant préoxygénation avant l’induction de
pulmonaires [7]. consiste en l’augmentation du volume/ l’anesthésie, intubation endotrachéale systé-
Une hypoxémie se manifeste clini- minute. matique, mais également surveillance de
quement par une modification de la Si l’hypercapnie ne disparaît pas malgré l’anesthésie, particulièrement lors de la phase
fréquence et de la courbe respiratoires, une la ventilation artificielle, d’autres problèmes de réveil puisqu’à ce stade, l’animal n’a pas
cyanose ou une pâleur des muqueuses, une peuvent être suspectés comme une hyper- repris complètement conscience et ne tolère
tachycardie. Le sang au niveau du site chi- thermie maligne, une crise thyroïdienne plus la sonde endotrachéale [11].
rurgical devient sombre puis en phase de aiguë survenant suite à une thyroïdectomie Pour prévenir le risque de laryngospasme,
décompensation surviennent une brady- ainsi que des dysfonctionnements du circuit il est important de s’assurer que la
cardie, des arythmies, une hypotension puis anesthésique induisant l’augmentation de la profondeur de l’animal est correcte d’une
un arrêt cardiaque. fraction inspiratoire en CO2 (FiO2) [8]. part et d’utiliser, d’autre part, un spray de
Une mesure efficace pour prévenir cette lidocaïne pour anesthésier localement la
complication consiste à enrichir l’air inspiré muqueuse laryngée lors de l’intubation chez
en O2. Il est également impératif avant toute ATÉLECTASIES le chat (Fig. 2).
anesthésie de vérifier le bon fonctionnement
de la machine d’anesthésie et des moniteurs Sous-évaluées en médecine vétérinaire,
et d’assurer une bonne ventilation en elles correspondent à un affaissement des
ajustant le volume courant au patient. alvéoles au sein du parenchyme pulmonaire.
TACHYPNÉE
Dès l’apparition de signes précoces Leur survenue augmente le phénomène de
(baisse de la SaO2), il faut intuber l’animal shunts artérioveineux intrapulmonaires. Le La tachypnée correspond à une augmen-
s’il ne l’est pas, sinon, s’assurer que la sonde plus souvent, elles n’ont aucune conséquence tation significative de la fréquence
endotrachéale est correctement positionnée, clinique et disparaissent 24 ou 48 heures respiratoire. Elle est corrélée, chez les
ausculter les deux poumons pour exclure une après l’intervention. La survenue d’atélec- carnivores domestiques, à un déficit d’anal-
intubation bronchosélective, supplémenter tasies ne peut quasiment pas être évitée lors gésie ou à un réveil de l’animal. Elle peut
l’air inspiré en O2. Si ces mesures ne suffisent d’anesthésie générale ; leur incidence peut aussi être compensatrice d’une hypercapnie.
pas, il faut alors ventiler le patient de façon à néanmoins être limitée par deux mesures : La conduite à tenir lors d’une tachypnée
assurer un déploiement correct des alvéoles • la mise en place d’une ventilation à dépend de l’origine de celle-ci.
et rechercher la cause de cette hypoxémie pression positive en fin d’expiration
(Tableau 1). (PEEP) qui laisse une pression positive
résiduelle dans les poumons à la fin de la
phase d’expiration et limite le collapsus FAUSSE DÉGLUTITION
des alvéoles [9] ;
HYPERCAPNIE • la réalisation de manœuvres de recru- Le passage du bol alimentaire dans la
tement alvéolaire pendant l’anesthésie : trachée survient le plus souvent chez les
L’hypercapnie correspond à une aug- ces manœuvres consistent en l’insufflation animaux anesthésiés mais non intubés ou
mentation de la pression artérielle en CO2. des poumons par un volume de gaz égal après l’extubation alors que l’animal est
Elle peut être due à une augmentation de la ou supérieur à la capacité pulmonaire encore inconscient. Il est important de noter
production de CO2 mais elle est le plus totale [10]. que la vidange gastrique peut prendre
souvent liée à une diminution de l’excrétion jusqu’à 10 heures selon la consistance des
de CO2 suite à une hypoventilation. Les aliments [12]. Des régurgitations passives
complications de l’hypercapnie peuvent être peuvent également survenir suite au relâ-
OBSTRUCTION DES VOIES RESPIRATOIRES
une hypertension, une tachycardie, une chement du sphincter œsophagien inférieur.
hypertension pulmonaire et la survenue L’obstruction des voies aériennes est une Ces régurgitations peuvent prédisposer à la
d’arythmies. Cette augmentation n’est, le complication pouvant survenir à tout survenue d’ulcération œsophagienne, voire
plus souvent, pas un réel problème jusqu’à moment de l’anesthésie. de strictions de l’œsophage [13, 14]. Lors de
4 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0900 —

Obstruction des voies aériennes

Anticipée Inattendue

Avant l'anesthésie Après l'induction de l'animal


Préparation du site de trachéotomie Placer la tête et l'encolure en hyperextension
Laryngoscope et diverses tailles de sondes Instiller de la lidocaïne en cas de spasme
Garder l'animal au calme et sous laryngé
surveillance avant l'induction Intuber l'animal à l'aide d'un laryngoscope
Oxygéner l'animal avant l'induction Pendant l'anesthésie
À la fin de l'anesthésie Vérifier la perméabilité de la sonde
endotrachéale
Extuber l'animal le plus tardivement possible
Extuber puis réintuber l'animal avec une
Assurer une bonne analgésie
autre sonde endotrachéale
Administrer un anti-inflammatoire pour limiter Si l'extubation n'est pas réalisable, aspirer le
l'œdème laryngé chez les races à risque contenu de la sonde
Évaluer la saturation de l'animal après
Après l'anesthésie et l'extubation
extubation
Réinduire l'animal et réintuber
Surveiller l'animal jusqu'à sa reprise Administrer un anti-inflammatoire pour limiter
complète de conscience l'œdème laryngé
Effectuer une trachéotomie si l'obstruction
des voies aériennes supérieures persiste

Figure 2 Conduite à tenir lors d’une obstruction des voies aériennes.

Facteurs favorisant la survenue


d'un œdème pulmonaire

Œdème pulmonaire non cardiogénique

Diminution de la pression hydrostatique interstitielle


Obstruction des voies aériennes supérieures
Thromboembolie

Augmentation de la perméabilité capillaire


Endotoxémie
Sepsis
Pancréatite
Traumatisme crânien

Œdème pulmonaire cardiogénique

Défaillance cardiaque gauche ou globale


Perfusion intraveineuse excessive
Hypoxémie

Figure 3 Facteurs favorisant l’apparition d’un œdème pulmonaire.


fausse déglutition, le tableau clinique est ballonnet de la sonde partiellement gonflé perméabilité capillaire ou une diminution de
sérieux avec souvent une bronchopneumonie afin d’enlever le contenu gastrique qui aurait la pression hydrostatique capillaire (œdème
grave [15]. Un moyen simple et efficace de pu s’engager entre la sonde et la trachée. pulmonaire non cardiogénique (Fig. 3).
prévenir cette complication consiste à L’œdème pulmonaire se manifeste par une
intuber tout animal anesthésié à l’aide d’une dyspnée, une hypoxémie, une augmentation
sonde endotrachéale. En cas de régurgitation ŒDÈME PULMONAIRE de la fréquence respiratoire, l’apparition de
constatée, il faut maintenir la tête plus basse bruits liquidiens à l’auscultation pulmonaire
que l’œsophage et nettoyer la sphère oropha- Cette complication peut survenir suite à accompagnés d’un liquide mousseux au
ryngée à l’aide de compresses ou de matériel une augmentation de la pression hydrosta- niveau des voies respiratoires superficielles.
de succion ; lors de la phase de réveil, il est tique capillaire (œdème pulmonaire Le traitement de l’œdème pulmonaire
préférable d’extuber l’animal en laissant le cardiogénique), ou à une augmentation de la consiste à rétablir les échanges gazeux en
COMPLICATIONS DE L’ANESTHÉSIE DU CHIEN ET DU CHAT — 0900 5
réalisant une intubation trachéale puis une • l’isoflurane et l’halothane sont aussi • si l’hypotension fait suite à une brady-
supplémentation en oxygène et en instaurant hypotenseurs : l’isoflurane par vasodila- cardie vagale, l’administration d’atropine
une ventilation assistée. Par ailleurs, tation, l’halothane par diminution de peut améliorer le problème.
l’injection de furosémide (2 à 4 mg/kg chez l’inotropisme [23, 24] ;
le chien, 1 à 2 mg/kg chez le chat par voie • tout surdosage anesthésique peut
intraveineuse), renouvelée à effet, favorise le engendrer une dépression cardiovasculaire
drainage du liquide alvéolaire, avant de avec une hypotension associée. HÉMORRAGIE
rechercher la cause sous-jacente [16]. Toute atteinte de la pompe cardiaque est
susceptible de favoriser la survenue d’une
hypotension peranesthésique ; une vigilance PHYSIOPATHOLOGIE
COMPLICATIONS CARDIOVASCULAIRES accrue est donc nécessaire lors de l’anesthésie L’hémorragie peut être soudaine et
BRADYCARDIE SINUSALE des animaux présentés dans les situations massive, mais le plus souvent, ce sont des
suivantes : valvulopathies, arythmies, car- saignements diffus et difficiles à quantifier.
On parle de bradycardie quand la diomyopathies, insuffisances cardiaques Physiologiquement, une hémorragie
fréquence cardiaque est inférieure à congestives, effusions péricardiques, entraîne la mise en jeu du système nerveux
65 battements/min chez le chien et traitement à base d’inhibiteurs de l’enzyme sympathique qui s’accompagne d’une vaso-
100 battements/min chez le chat. Cette de conversion. constriction périphérique et d’une
baisse de la fréquence cardiaque peut être La diminution du volume circulant, autre tachycardie ainsi que celle du système réni-
due à une anesthésie trop profonde, à une cause majeure d’hypotension, peut survenir ne-angiotensine qui favorise la réabsorption
stimulation vagale ou encore à l’utilisation dans les cas suivants : hémorragies non hydrosodée ; le débit cardiaque est préféren-
d’agents bradycardisants (a2-agonistes, contrôlées, compression de la veine cave tiellement redistribué vers les organes vitaux
opioïdes). Le traitement se fait en fonction (tiraillement pendant la chirurgie, tumeur, (cœur, cerveau) au détriment des autres
des causes : réduction de la profondeur de poids des viscères chez l’animal en décubitus organes [25] . Néanmoins, la plupart des
l’anesthésie, anticholinergiques (glycopyr- dorsal, distension abdominale lors des lapa- agents anesthésiques abolissent ces
rolate 0,01 mg/kg intramusculaire ou roscopies, dilatation gastrique, volvulus), mécanismes compensateurs avec les consé-
intraveineux, atropine 0,005 à 0,02 mg/kg augmentation de la pression intrathoracique quences suivantes : altération de la
intraveineux) ou l’administration d’agents interférant avec le retour veineux (lors de performance cardiaque, baisse des capacités
antagonistes (atipamézole 0,04 à 0,5 mg/kg ventilation artificielle par exemple), d’extraction tissulaire en O 2 , perte du
intramusculaire, naloxone 0,003 à changement brutal de position pendant volume plasmatique et diminution de la
0,01 mg/kg intramusculaire ou intravei- l’anesthésie. perfusion tissulaire.
neux) [17]. Enfin, l’injection peranesthésique de
certains antibiotiques (comme par exemple
la pénicilline sodique), les réactions anaphy- SIGNES CLINIQUES DE L’HÉMORRAGIE
lactiques (cf. paragraphe consacré), la
HYPOTENSION libération d’endotoxines vasoactives dans Les signes d’appel d’une hémorragie
certaines conditions (dilatation-torsion importante sont les suivants : pouls filant,
DÉFINITION gastrique, volvulus intestinal, torsion de rate muqueuses pâles, temps de remplissage
ou de lobe pulmonaire, choc septique) sont capillaire augmenté, respirations très amples.
L’hypotension est définie comme une
pression artérielle systolique inférieure à autant de causes supplémentaires d’hypo-
80 mmHg et une pression artérielle tension. TRAITEMENT
moyenne inférieure à 60 mmHg [18]. Lors
SIGNES CLINIQUES Les pertes volémiques doivent être
d’une anesthésie, elle peut être liée à une
compensées à partir du moment où elles
diminution du débit cardiaque, à une aug- Les signes d’appel d’une hypotension excèdent 10 % du volume circulant (soit
mentation de la capacitance vasculaire ou à sont les suivants : pouls faible, temps de 88 ml/kg, estimation du volume sanguin
une baisse du volume circulant. remplissage capillaire augmenté, tachycardie chez les animaux). Cette compensation doit
compensatrice, saignement réduit sur le site s’accompagner d’une baisse des anesthé-
CAUSES opératoire. Néanmoins, ces signes restent siques administrés, afin de ne pas accroître la
subjectifs et le recours à une mesure de baisse de débit cardiaque et l’hypotension
La plupart des agents anesthésiques
pression artérielle non invasive ou invasive associées à l’hémorragie.
utilisés en anesthésie vétérinaire provoquent
est souvent nécessaire pour préciser le La fluidothérapie est un élément essentiel
une hypotension suite à une vasodilatation
diagnostic. du traitement ; elle a pour objectif le rem-
périphérique ou une dépression du
myocarde : placement du volume circulant perdu par
• les neuroleptiques majeurs (phéno- TRAITEMENT l’animal, mais elle va de pair avec l’hémostase
thiazine) induisent une hypotension Le traitement de l’hypotension est avant chirurgicale lorsque l’hémorragie est interne
relative suite à une vasodilatation. Aux tout étiologique, mais certaines mesures ou a été provoquée par un geste chirurgical.
doses utilisées, cette hypotension peut être doivent être prises rapidement lors d’une Plusieurs types de solutés sont à la dispo-
préjudiciable chez les animaux âgés, anesthésie, afin d’éviter toute aggravation du sition du praticien : les solutés cristalloïdes
hypovolémiques [19] ; processus (Fig. 4) : isotoniques, les solutés cristalloïdes hyperto-
• la morphine injectée par voie intravei- • diminuer l’administration d’anesthésique niques, les solutés colloïdaux de synthèse ou
neuse peut entraîner une si la profondeur de l’animal le permet ; dérivés du sang.
histaminolibération et une hypotension • augmenter le rythme d’administration des Les solutés isotoniques (Ringer lactate,
associée [20] ; fluides (10-20 ml/kg/h) ; NaCl 0,9 %) sont préférentiellement utilisés
• propofol et thiopental peuvent engendrer • administrer des agents inotropes positifs lors de pertes sanguines mineures et/ou
une hypotension par dépression myocar- si l’hypotension persiste (dobutamine par déshydratation alors que les solutés
dique [21, 22] ; exemple : 1-10 µg/kg/min). colloïdaux sont privilégiés pour le rem-
6 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0900 —

Hypotension

Sévère (PAm < 60 mmHg) Modérée (60 mmHg < PAm < 80 mmHg

Arrêt de l'administration des anesthésiques Diminution de la profondeur d'anesthésie


Oxygénation et intubation si non réalisées Oxygénation et intubation si non réalisées
Augmentation de la fluidothérapie Ajustement de la fluidothérapie
Vérification de l'efficacité de la ventilation

Cause

Reconnue Non reconnue


Choc anaphylactique
Arrêt cardiaque
Profondeur de l'anesthésie
Arythmie Diminuer la profondeur de l'anesthésie
Hémorragie Fluidothérapie : cristalloïdes isotoniques
Hypovolémie/vasodilatation 10-20 ml/kg/h
Endotoxémie/sepsis Inotropes positifs : dobutamine, dopamine

Traitement de la cause

Figure 4 Conduite à tenir lors d’hypotension. PAm : pression artérielle moyenne.

TABLEAU 2. – POUVOIR D’EXPANSION VOLÉMIQUE DES DIFFÉRENTS – hématocrite du patient)/(hématocrite


SOLUTÉS À DISPOSITION du donneur).
La transfusion doit débuter très
Expansion volémique lentement les 2 premières minutes, afin de
En % du volume perfusé Durée (heures) détecter précocement des réactions transfu-
NaCl à 0,9 % 20 – 30 0,5 - 1 sionnelles. Le volume de sang transfusé ne
doit pas dépasser 20 ml/kg. Il existe une
Ringer lactate 20 – 30 0,5 - 1
alternative efficace à la transfusion, avec des
NaCl à 7,5 % 700 0,5 solutés®dérivés d’hémoglobine bovine (Oxy-
Albumine à 5 % 70 6à8 globin ) [27, 28] (Fig. 5).
Albumine à 20 % 350 6à8
Gélatines fluides 80 à 100 4à5
HYPERTENSION
Dextran 40 à 3,5 % 100 à 120 4à5
Hydroxy-éthyl-amidons 200 à 6 % 100 à 140 12 à 18 L’hypertension peut être définie comme
une pression artérielle moyenne supérieure à
120 mmHg.
plissage vasculaire : en effet, le pouvoir d’augmenter le volume sanguin par appel
d’expansion volumique (PEV), c’est-à-dire la d’eau des tissus interstitiels vers le compar-
capacité du soluté à remplir le compartiment timent vasculaire ; elle est contre-indiquée ÉTIOLOGIE
vasculaire, est faible et de courte durée pour lors d’œdème pulmonaire ou d’insuffisance L’hypertension artérielle lors d’anesthésie
les solutés cristalloïdes alors qu’il est cardiaque. générale peut avoir plusieurs causes :
important et de longue durée pour les Que ce soit avec les colloïdes ou les • la mise en jeu du système nerveux sympa-
colloïdes (Tableau 2) [26]. hypertoniques, la déshydratation doit être thique suite par exemple à un état
Pour un remplacement volumique avec prévenue par administration en parallèle de anesthésique superficiel ou une analgésie
un soluté cristalloïde, il faut ajouter, au cristalloïdes. insuffisante, un stimulus douloureux ;
rythme d’entretien (10 ml/kg/h), un volume La transfusion sanguine pendant l’anes- • une hypertension préexistante suite à une
équivalent à trois fois le volume des pertes ; thésie est indiquée quand les pertes excèdent insuffisance rénale, une hyperthyroïdie ou
pour une même utilisation, la quantité de 20 % du volume circulant ou si la valeur de un phéochromocytome ;
colloïde à perfuser en plus du rythme l’hématocrite descend au-dessous de 15 %. • la conséquence d’un processus physiopa-
d’entretien est une fois le volume des pertes La quantité de sang à administrer peut être thologique lors de l’anesthésie comme une
sanguines. déterminée par l’estimation des pertes ou par hypoxémie, une hyperthermie maligne,
Les fluides cristalloïdes hypertoniques la formule suivante : une ischémie cérébrale.
sont également intéressants par leur fort • quantité nécessaire en ml (chien) = poids
PEV ; néanmoins, l’expansion volumique est du chien * 90 * (hématocrite désiré
TRAITEMENT
de plus courte durée qu’avec les colloïdes. La – hématocrite du patient)/(hématocrite
solution de NaCl à 7,5 % doit être admi- du donneur) ; Avant d’entamer tout traitement, il faut
nistrée à raison de 4 ml/kg répartis sur • quantité nécessaire en ml (chat) = poids d’abord exclure les artefacts en répétant la
10 minutes. Cette procédure a pour but du chat * 66 * (hématocrite désiré mesure de pression artérielle et vérifier la
COMPLICATIONS DE L’ANESTHÉSIE DU CHIEN ET DU CHAT — 0900 7

Hémorragie

Faible ou compensée
Cristalloïdes isotoniques 20-30 ml/kg rapides

Importante

Chien : cristalloïdes isotoniques 10-20 ml/kg


colloïdes 5-10 ml/kg

Chat : cristalloïdes isotoniques 5-10 ml/kg


colloïdes 2-5 ml/kg

Massive

Chien : cristalloïdes isotoniques 20-30 ml/kg


colloïdes 5-10 ml/kg
puis Oxyglobin® 5 ml/kg ou sang total 20 ml/kg

Chat : cristalloïdes isotoniques 5-10 ml/kg


colloïdes 2-5 ml/kg
puis sang total 10-15 ml/kg
Figure 5 Conduite à tenir lors d’une hémorragie.

profondeur de l’anesthésie et la qualité de EXTRASYSTOLES SUPRAVENTRICULAIRES (ESS) Si les ESV persistent, une perfusion peut être
l’analgésie [29]. Par la suite, il convient de ET FIBRILLATION ATRIALES entreprise au rythme de 30-80 µg/kg/min
définir l’étiologie de cette hypertension afin La survenue de ces troubles en cours (chien), 20-40 µg/kg/min (chat).
de mettre en place le traitement adéquat. d’anesthésie s’avère relativement rare ; ils
Néanmoins, le vétérinaire se trouve souvent sont le plus souvent déjà présents sur BLOCS ATRIOVENTRICULAIRES
démuni pour traiter une hypertension pera- l’animal vigile. En cas d’ESS occasionnelle, Ces troubles de la conduction peuvent
nesthésique car les médicaments efficaces il n’est pas nécessaire d’envisager un avoir diverses origines : une atteinte du
comme les vasodilatateurs ou bêtabloquants traitement, simplement supplémenter l’air myocarde, un phénomène douloureux, une
sont difficiles d’accès à ce jour pour le inspiré en oxygène. Si les ESS deviennent hyperkaliémie, une hypoxémie, l’utilisation
praticien. Parmi l’arsenal thérapeutique, les plus fréquentes et entraînent une diminution d’a2-agonistes. Aucun traitement n’est
vasodilatateurs (sodium nitroprusside 2,5- du débit cardiaque, le traitement de choix nécessaire en l’absence de répercussion
5 mg/kg/min pour le chien, 0,5- repose sur l’administration de bêtabloquants hémodynamique. En cas d’hypotension
2 mg/kg/min pour le chat) et les (esmolol de préférence du fait de sa courte associée, l’atropine (0,02-0,04 mg/kg par
bêtabloquants ultracourte durée durée d’action, propranolol sinon). voie intraveineuse) peut être utilisée tout en
d’action (esmolol 500 mg/kg puis s’assurant que l’animal est correctement
50 mg/kg/min) sont les plus intéressants. EXTRASYSTOLES VENTRICULAIRES (ESV) oxygéné avec une analgésie satisfaisante.
La survenue d’ESV per- et postanesthé-
siques est assez fréquente [32]. La conduite à
tenir dépend de la fréquence de ces
ARYTHMIES ARRÊT CARDIAQUE
arythmies : si les ESV sont rares, il n’est pas
besoin de les traiter mais il faut s’assurer de
Les arythmies en cours d’anesthésie la profondeur de l’anesthésie ainsi que de la DÉFINITION
peuvent avoir plusieurs origines : une couverture analgésique, administrer de L’arrêt cardiaque peut être défini comme
affection cardiaque préexistante, certains l’oxygène et ventiler l’animal afin de limiter une défaillance cardiocirculatoire aiguë ; elle
agents prémédicants (a2-agonistes par l’augmentation de la PaCO 2 . Plusieurs se matérialise par une éjection systolique
exemple) ou anesthésiques (thiopental, conditions peuvent amener à mettre en place défaillante, voire absente, et a pour origine
halothane par exemple), une stimulation un traitement : si la fréquence des ESV trois processus : l’asystolie, la fibrillation
chirurgicale, un désordre hydroélectrolytique dépasse 15/min, si elles sont multifocales ou ventriculaire, la dissociation électroméca-
ou acidobasique, une torsion d’organe ou un chevauchent l’onde T précédente. Le nique.
polytraumatisme [30]. traitement repose sur l’administration d’un
antiarythmique de classe IB (lidocaïne) [33].
Quelle que soit l’arythmie diagnostiquée, ÉTIOLOGIE
La lidocaïne est administrée par voie intra-
il est fondamental d’évaluer ses répercussions veineuse par bolus dans un premier temps L’arrêt cardiaque peut avoir de multiples
hémodynamiques ; en effet, seules les (1-2 mg/kg chez le chien, 0,5-1 mg/kg chez origines [34] : arythmies cardiaques, affections
arythmies engendrant une diminution du le chat) réitéré à la demande sans dépasser respiratoires, choc, polytraumatismes, septi-
débit cardiaque doivent être traitées [31]. 8 mg/kg chez le chien, 6 mg/kg chez le chat. cémies, endotoxémies, crises convulsives,
8 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0900 —
électrocution, surdosages anesthésiques, s’assurer que cette dernière n’est pas La vasopressine, dérivée de l’hormone
déséquilibres acidobasiques ou hydroélectro- obstruée. La ventilation artificielle peut être antidiurétique, est une molécule récemment
lytiques, stimulations vagales, hypoxémie/ réalisée à l’aide d’un ballon de réanimation étudiée en réanimation pour ses propriétés
hypercapnie. ou du ballon de l’appareil d’anesthésie. Elle vasoconstrictrices puissantes. La vasopressine
doit être immédiatement instaurée à une comparée à l’adrénaline améliore le débit
fréquence de 10 à 20 mouvements/min, la cardiaque [40]. La dose préconisée est 1 à
DIAGNOSTIC DE L’ARRÊT CARDIAQUE pression inspiratoire doit être modérée 2 UI/kg par voie intratrachéale chez le chien
Il est établi par l’absence de pouls associée (< 20 mm d’eau) pour ne pas occasionner de et 0,4 à 0,8 UI/kg par voie intraveineuse chez
à des altérations électrocardiographiques : lésions des alvéoles et ne pas limiter le retour le chien et le chat [41]. Néanmoins, à ce jour,
asystolie, fibrillation ventriculaire, disso- veineux. son accès reste difficile pour le praticien
ciation électromécanique. Pour optimiser les Le but du massage cardiaque est de vétérinaire en France.
chances de succès de la réanimation, la suppléer la pompe cardiaque défaillante afin L’atropine, un anticholinergique, n’est
détection de l’arrêt cardiaque doit être la plus de maintenir une perfusion adéquate du intéressante qu’après reprise d’une activité
rapide possible, d’où l’intérêt d’un cerveau et du myocarde. Le massage cardiaque spontanée, en cas de bradycardie
monitorage adéquat de l’anesthésie. En cardiaque peut dans un premier temps être marquée. Elle est administrée sous forme de
pratique clinique, outre la mesure de la réalisé en externe (thorax fermé) sauf en cas bolus 0,001 mg/kg, jusqu’à une dose totale
pression artérielle et la surveillance de l’élec- de chirurgie à thorax ouvert. Un rythme de de 0,05 mg/kg.
trocardiogramme (ECG), l’appréciation de 100 compressions/min doit être maintenu. Si le tracé de l’ECG est normal et que le
données simples comme la palpation du Les respirations doivent s’interposer entre les pouls est faible à absent, on peut mettre en
pouls, l’appréciation du temps de rem- compressions (une inspiration toutes les dix place une perfusion de dopamine 2 à
plissage capillaire (2 s ou plus), la coloration compressions par exemple). Un assistant 10 µg/kg/min ou dobutamine 1 à
des muqueuses (pâles ou cyanosées), contrôle la présence d’un pouls après chaque 5 µg/kg/min tout en continuant le massage
l’absence de ventilation spontanée, la compression et la présence d’un tracé capno- cardiaque.
mydriase et la sécheresse de la cornée consti- graphique après chaque ventilation : La lidocaïne n’est pas utilisée en première
tuent les principaux signes d’appel [35]. À ceci l’absence de pouls et un ETCO2 < 5 mmHg intention, on ne l’utilise qu’après retour du
peut s’ajouter le suivi électrocardiographique signent l’inefficacité du massage. Dans ce cas, cœur à une activité spontanée et en cas
ainsi que le suivi de la capnométrie. En effet, un massage cardiaque interne (thorax ouvert) d’extrasystoles récidivantes. Les bicarbonates
le CO2 expiré reflète le débit de perfusion doit être instauré ; la décision doit être prise et le calcium ne sont pas non plus utilisés en
pulmonaire et donc du débit cardiaque (la dans les cinq minutes qui suivent un massage première intention [42].
valeur de l’ETCO2 aura donc tendance à cardiaque inefficace. L’avantage de cette
En présence d’une fibrillation, la défi-
baisser drastiquement lors d’arrêt cardia- technique, outre un massage direct, est que
brillation électrique (cardioversion) doit être
que) [36]. l’aorte peut être clampée pour permettre une
envisagée avant même les manœuvres de
distribution du sang au niveau cérébral et
base [43] . L’animal doit être placé en
pulmonaire ; le cœur pendant le massage
TRAITEMENT DE L’ARRÊT CARDIAQUE décubitus dorsal ; du côté gauche, l’électrode
doit être laissé dans sa position normale pour
est placée au niveau du sixième espace inter-
Le traitement de l’arrêt cardiaque peut éviter les tractions sur les gros vaisseaux de la
costal près du sternum et du côté droit, au
être divisé en deux parties : les manœuvres base.
niveau du quatrième espace intercostal. Les
de base pour soutenir les fonctions vitales et Manœuvres avancées de soutien des fonctions électrodes doivent êtres humidifiées avec du
les manœuvres de soutien avancées. vitales gel (jamais d’alcool), personne ne doit être
Les manœuvres de base pour soutenir les en contact avec l’animal, ni la table pendant
fonctions vitales consistent à intuber La fluidothérapie doit être mise en place
l’application de la charge. Pour les animaux
l’animal, effectuer une ventilation artificielle à un rythme modéré (10-20 ml/kg/h)
de petite taille (chien de petite taille et chat),
et un massage cardiaque [37]. Les manœuvres excepté si l’arrêt cardiaque est la conséquence
la charge à utiliser est de 50 J (watt/s), pour
avancées de réanimation consistent à rétablir d’une hypovolémie. Les solutés cristalloïdes
les animaux de taille moyenne 100 à 200 J,
la volémie si besoin, administrer des médica- sont le plus souvent utilisés [39].
et pour les animaux de grande taille 200 à
tions, effectuer une cardioversion en cas de L’adrénaline reste la molécule de choix
400 J. La défibrillation peut être réalisée en
fibrillation ventriculaire et surveiller la même si son utilisation est de plus en plus
interne directement sur le cœur, si le thorax
survenue de dysfonctionnements organiques controversée en médecine humaine : elle
est préalablement ouvert : la puissance
post réanimation [38]. Le moyen mnémo- améliore la pression de perfusion corona-
utilisée est alors de 10 J pour les animaux de
technique A (airway), B (breathing), C rienne et le débit sanguin cérébral grâce à
petite taille et 50 J pour les animaux de
(circulation) D (drugs), E (ECG), F son effet alpha sympathomimétique. Il est
grande taille (Fig. 6).
(fibrillation control), G (gauging patient préférable de commencer par une faible dose
response), H (hopeful measures for the brain), I de 10 µg/kg (moins arythmogène) ; des doses
(intensive care) permet de retenir ces étapes. plus fortes sont utilisées (50 à 100 µg/kg) si ARRÊT DE LA RÉANIMATION
le cœur ne reprend pas d’activité autonome.
La voie intraveineuse constitue la voie Le pronostic dépend de la rapidité avec
Manœuvres basiques de soutien des fonctions
vitales
préférentielle. La voie endotrachéale peut laquelle la circulation spontanée a été rétablie
être utilisée en secours lorsqu’une voie et de la cause sous-jacente. La mydriase
Les manœuvres de base sont essentielles à veineuse ne peut pas être obtenue bilatérale n’est pas obligatoirement le témoin
la réussite d’une réanimation cardiopulmo- rapidement, la dose d’adrénaline doit alors d’une souffrance cérébrale irréversible. Toute
naire et cérébrale : l’intubation être deux fois supérieure à celle utilisée par manœuvre inefficace (absence de pouls,
endotrachéale permet de prendre le contrôle voie intraveineuse, diluée dans 5 à 10 ml de ETCO2 bas) durant 5 minutes doit conduire
des voies aériennes et autorise ainsi une solution de chlorure de sodium à 9 pour à changer le mode de réanimation (interne
ventilation artificielle avec une concentration mille. L’injection est réalisée si possible au versus externe) ou arrêter la réanimation ; en
élevée en oxygène inspiré. Si la sonde moyen d’une tubulure descendue dans la effet, le risque de séquelles neurologiques
trachéale est déjà en place, il est impératif de sonde d’intubation jusqu’à la carène. irréversibles est alors très important.
COMPLICATIONS DE L’ANESTHÉSIE DU CHIEN ET DU CHAT — 0900 9

Suspicion
d'arrêt cardiaque

Évaluation de l'animal
Battements cardiaques
Pouls
TRC
Réflexe pupillaire
Ventilation

Pouls et/ou battements cardiaques Pouls et/ou battements cardiaques


présents absents
Intuber et ventiler Intuber et ventiler
Adapter la fluidothérapie 100 % oxygène
Inotropes positifs si nécessaires Massage cardiaque
Adapter la fluidothérapie

Contrôle ECG
Contrôle ECG

Tachycardie ventriculaire : lidocaïne


Asystolie : adrénaline
Normal : continuer la surveillance
Fibrillation ventriculaire :
Bradycardie sinusale : atropine cardioversion électrique

Dissociation électromécanique :
adrénaline +/- dobutamine
Figure 6 Conduite à tenir lors d’un arrêt cardiaque. TRC : temps de remplissage capillaire ; ECG : électrocardiogramme.

SUIVI DE LA RÉANIMATION lors des procédures d’anesthésie (atropine, Il a en effet été montré que la plus grande
morphine, barbituriques), [46] par certains chute de température survient entre la phase
Une fois une activité cardiaque spontanée
antibiotiques (pénicilline, céphalosporines), d’induction et le début de la chirurgie ; cette
et efficace retrouvée, il est important de
ainsi que par les produits de contraste utilisés chute se poursuit ensuite en l’absence de
continuer une surveillance rapprochée de
pour les angiographies, mais aussi par les moyens de prévention. La thermorégulation
l’animal afin d’évaluer les conséquences
produits utilisés lors de fluidothérapie n’est pas supprimée, mais la mise en marche
organiques de l’ischémie subie. Plus cette
(dextran) et lors des transfusions. des mécanismes correcteurs est plus
dernière a été longue, plus des soins intensifs
tardive [47].
importants sont nécessaires [44, 45].
TRAITEMENT
CONSÉQUENCES DE L’HYPOTHERMIE
En cas d’arrêt cardiorespiratoire, il faut
AUTRES COMPLICATIONS entamer les procédures de réanimation. L’hypothermie induit des modifications
L’administration d’antihistaminique est pharmacocinétiques comme une augmen-
RÉACTION ANAPHYLACTIQUE fortement conseillée (diphénydramine tation de la puissance des agents halogénés
2,2 mg/kg par voie intraveineuse) ainsi que (baisse de la minimal alveolar concentration
DÉFINITION le traitement de l’hypotension, par perfusion [MAC]), [48] une augmentation de la durée
rapide de fluides (lactates de Ringer, sérum d’action des agents anesthésiques. Elle induit
La réaction anaphylactique correspond à physiologique), associé à des inotropes une dépression cardiovasculaire et une baisse
une défaillance circulatoire suite à une positifs (dopamine 2-10 µg/kg/min ou de la fonction plaquettaire (augmentation du
réaction allergique ; elle survient dans l’heure dobutamine 1-10 µg/kg/min). En cas de temps de saignement).
après exposition à la substance allergénique. bronchospasme, il est possible d’administrer En phase postanesthésique, l’hypo-
de l’aminophylline (6 à 10 mg/kg). Si une thermie entraîne des frissons et une
MANIFESTATIONS CLINIQUES hypotension sévère est constatée, des augmentation des besoins en oxygène de
manœuvres de réanimation cardiopulmo- l’organisme. Elle occasionne également un
Les signes cliniques sont des manifesta- naire doivent être entreprises avec retard au réveil. Enfin, elle est associée à une
tions et conséquences variées : arrêt administration d’adrénaline. augmentation des complications septiques
cardiaque, hypotension, tachycardie, postopératoires [49].
arythmies, respiration difficile, broncho-
spasme, œdème laryngé, cyanose, rigidité ou
PRÉVENTION DE L’HYPOTHERMIE
flaccidité musculaire, crises d’urticaire HYPOTHERMIE
localisées, hyperhémie cutanée. Il est important de prendre des mesures
préventives face à l’hypothermie peranesthé-
ÉTIOLOGIE
sique, parmi lesquelles : diminution du
CAUSES
L’hypothermie est une complication temps de préparation et de réalisation de la
Les réactions anaphylactiques peuvent fréquente de l’anesthésie, elle intervient très chirurgie, mise en place d’un système de
êtres provoquées par les substances utilisées rapidement après l’induction de l’anesthésie. réchauffement dès l’induction de l’anesthésie
10 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0900 —
(matelas chauffants, soufflerie d’air chaud). humaine, n’a été que peu rapporté chez le 5 mg/kg) qui a montré son efficacité en
La température ne doit pas excéder les 40 °C chien et le chat [50-53] . L’hyperthermie médecine humaine a montré des résultats
au risque de provoquer des brûlures survient au cours ou au décours immédiat de contrastés en médecine vétérinaire. L’utili-
cutanées ; utiliser si possible un circuit fermé l’anesthésie générale et est déclenchée par les sation de myorelaxant musculaire comme les
pour conserver la chaleur ; utiliser des fluides agents anesthésiques volatils halogénés benzodiazépines peut constituer une alter-
réchauffés pour la perfusion ; effectuer un essentiellement (desflurane, enflurane, native pour lutter contre la spasticité
lavage abdominal avec un liquide réchauffé halothane, isoflurane, sévoflurane) [54]. musculaire.
lors de laparotomie. Le tableau clinique est une hyperthermie
associée à une tachypnée et une tachycardie,
. une augmentation du CO 2 expiré, une CONCLUSION
. HYPERTHERMIE acidose métabolique et une hyperkaliémie.
Les lésions musculaires se traduisent par une Si les complications de l’anesthésie s’avèrent
L’hyperthermie est un phénomène rare myoglobinurie, une élévation des créatines relativement nombreuses, elles passent souvent
lors d’une anesthésie ; elle peut survenir suite kinases (CK) et aspartate aminotransférases inaperçues par manque de surveillance d’une
à un travail dans un environnement chaud (ASAT). L’hyperthermie supérieure à 40 °C part, et du fait de la rapidité de la majeure
ou à un réchauffement excessif de l’animal induit une défaillance multiorganique dont partie des interventions d’autre part.
mais elle peut aussi être la conséquence du un dysfonctionnement myocardique qui Néanmoins, leurs conséquences sont imprévi-
syndrome d’hyperthermie maligne. contribue à un très mauvais pronostic. sibles et peuvent être fatales pour l’animal. Il
Le syndrome d’hyperthermie maligne Le traitement de la crise repose prioritai- est essentiel de mettre en œuvre les moyens pour
correspond à un état hypermétabolique pri- rement sur l’arrêt de l’administration des les traiter mais surtout détecter leurs signes
mitivement musculaire, souvent agents déclenchants et la réalisation de précurseurs, d’où l’importance d’avoir à dispo-
accompagné de rigidité ; il peut aboutir à manœuvres de refroidissement de l’animal : sition une trousse d’urgence et un matériel de
une destruction généralisée du muscle sque- douche froide, pain de glace sur les jugulaires surveillance de l’anesthésie adéquat. Ainsi, le
lettique et secondairement à une défaillance et les fémorales, lavage colorectal à l’eau risque anesthésique peut être grandement
multiviscérale. Le syndrome d’hyperthermie froide [55]. Le traitement médicamenteux à diminué et la prise en charge de l’anesthésie
maligne, couramment décrit en anesthésie base de dantrolène intraveineux (2,5 à optimisée.

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 AN 1100

Techniques d’alimentation entérale


assistée
A. Boyeaux

La malnutrition touche fréquemment les animaux de compagnie souffrant d’affections


à l’origine d’une anorexie par perte d’appétit ou par incapacité de s’alimenter seuls.
Souvent négligée, la réalimentation est pourtant reconnue dans les guides de bonnes
pratiques de la prise en charge d’un animal critique grâce à ses effets bénéfiques sur
le processus de guérison. L’évaluation du risque de malnutrition se fait dès l’admission
et se poursuit quotidiennement durant l’hospitalisation. Elle passe principalement par
l’étude du dossier de l’animal et son examen clinique, et aide à détecter précocement les
animaux nécessitant un support nutritionnel. En l’absence de contre-indications, la voie
entérale est préférée car elle permet l’apport direct de nutriments aux cellules digestives.
L’alimentation entérale assistée consiste en la pose d’une sonde d’alimentation dont le
choix dépend de plusieurs critères propres à chaque situation : les portions fonctionnelles
du tube digestif de l’animal, la capacité de protéger les voies respiratoires, le risque anes-
thésique, le coût et le temps estimé de la réalimentation. On essaye autant que possible
de poser la sonde la plus proximale possible. Ainsi, lorsque la tête et les voies diges-
tives sont intègres, les sondes naso-œsophagiennes ou nasogastriques sont préférées. En
cas d’affections touchant la tête sur un animal ayant un tractus digestif fonctionnel, la
sonde d’œsophagostomie est indiquée. Pour les pathologies de l’œsophage, on utilise une
sonde de gastrostomie et lorsqu’une pathologie de l’estomac y est associée, on préfère
une sonde de jéjunostomie. L’animal doit être réévalué quotidiennement afin d’adapter
le plan de réalimentation et de surveiller l’apparition d’éventuelles complications pou-
vant mettre en jeu la vie de l’animal déjà débilité. Le support nutritionnel est arrêté
puis retiré lorsque l’animal est capable de s’alimenter par lui-même tout en couvrant ses
besoins énergétiques journaliers. Lorsque l’alimentation entérale n’est pas supportée, la
voie parentérale peut être envisagée.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Alimentation entérale ; Réalimentation ; Sonde naso-œsophagienne ;


Sonde nasogastrique ; Sonde œsophagienne ; Sonde gastrique ; Sonde de gastrostomie ;
Sonde de jéjunostomie

Plan ■ Sondes naso-œsophagiennes et sondes


nasogastriques 4
■ Introduction 2 Indications 4
Contre-indications 4
■ Évaluation du risque de malnutrition 2
Pose de la sonde 5
■ Calcul des besoins énergétiques 3 Utilisation de la sonde 5
■ Choix de la voie de support nutritionnel 3 Inconvénients 5
Voie entérale versus parentérale 3 Complications 5
Prise orale versus sonde d’alimentation 3
Choix de la sonde d’alimentation 3

EMC - Vétérinaire 1
Volume 13 > n◦ 2 > mai 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S1283-0828(16)58721-3
AN 1100  Techniques d’alimentation entérale assistée

■ Sondes d’œsophagostomie 6 catécholamines, des corticostéroïdes et des médiateurs de


Indications 6 l’inflammation (interleukine 1 et tumor necrosis factor α)
Contre-indications 7 qui favorisent un état catabolique. Cette modification du
Pose de la sonde 7 métabolisme couplée à la diminution de la prise alimen-
Utilisation de la sonde 9 taire est à l’origine de la malnutrition observée [4] .
Inconvénients 9 Un support nutritionnel est donc indiqué afin de cou-
Complications 9 vrir les besoins caloriques et nutritionnels journaliers de
■ Sondes de gastrostomie 9 l’animal, et de prévenir les effets néfastes de la malnutri-
Indications 9 tion [1, 4, 7] .
Contre-indications 9
Pose de la sonde 9
Utilisation de la sonde 11  Évaluation du risque
Inconvénients 11
Complications 11
de malnutrition
■ Sondes de jéjunostomie 11 L’évaluation du risque de malnutrition consiste à défi-
Indications 11 nir si l’animal présente un risque de malnutrition faible,
Contre-indications 11 modéré ou fort. Elle doit se faire dès l’admission et être
Pose de la sonde 12 répétée quotidiennement afin de détecter précocement
Utilisation de la sonde 12 les animaux à risque et ceux nécessitant déjà un soutien
Inconvénients 12 nutritionnel. On estime à 50 % la proportion d’animaux
Complications 12 hospitalisés souffrant de malnutrition [5] .
■ Mode d’emploi des sondes 12 Les méthodes permettant d’évaluer objectivement
Vérification de la position de la sonde 12 l’état nutritionnel (anthropométrie, impédancemétrie,
Prévention de l’obstruction de la sonde 13 etc.) utilisées en médecine humaine ne le sont quasiment
Administration des repas 13 pas en médecine vétérinaire. Une approche globalement
Retrait de la sonde 13 subjective est donc utilisée [8] .
■ Complications 13 L’évaluation du risque de malnutrition commence
Prévention de l’obstruction de la sonde 13 par une étude du dossier médical : appétit, durée de
Prévention du déplacement de la sonde 14 la dysorexie ou de l’anorexie, quantité et nature de
Prévention du risque de bronchopneumonie par fausse l’alimentation ingérée avant et pendant la maladie,
déglutition 14 perte de poids, troubles digestifs, traitements en cours,
Prévention de l’infection au site d’entrée de la sonde 14 etc. [2, 4, 5] . Certaines molécules sont connues pour avoir
Prévention des effets gastro-intestinaux 14 des effets secondaires gastro-intestinaux [9] . On consi-
Prévention des complications métaboliques 14 dère que les patients qui n’ont pas consommé 100 %
de leur besoin énergétique de repos (BER) pendant trois
■ Conclusion 14 ou cinq jours ou qui ont perdu 10 % de leur poids de
forme (5 % pour les patients pédiatriques) présentent un
haut risque de malnutrition, et nécessitent un support
nutritionnel après correction de l’hydratation, du sta-
 Introduction tut hémodynamique, et des désordres électrolytiques et
acidobasiques [4, 7, 8] .
La réalimentation des patients joue un rôle primordial
dans le processus de guérison et fait partie intégrante de
la prise en charge thérapeutique [1, 2] .
Des études en médecine humaine et vétérinaire ont
▲ Mise en garde
montré que la dénutrition a un impact négatif sur
la récupération postopératoire, sur le système immuni- Molécules ayant des effets indésirables
taire, sur l’intégrité intestinale et sur le métabolisme des gastro-intestinaux [9]
médicaments. Elle augmente alors le temps et le coût • Amoxicilline.
d’hospitalisation, ainsi que le risque de mortalité et de • Céphalexine.
morbidité [1, 3–5] . Parallèlement, une alimentation enté- • Chloramphénicol.
rale précoce, dans les 24 à 48 heures suivant l’admission, • Érythromycine.
diminue significativement le taux de mortalité et fait par-
• Tétracyclines.
tie des guides de bonnes pratiques de la prise en charge
d’un animal en soins intensifs [2, 6] . • Sulfadiazine/triméthoprime.
Une diminution, voire une absence, de la prise alimen- • Glycosides cardiaques.
taire spontanée peut être observée lorsque l’animal est • Anti-inflammatoires non stéroïdiens.
incapable de s’alimenter par lui-même (traumatisme, fai- • Agents de chimiothérapie.
blesse, état critique, troubles neurologiques, chirurgie) ou • Narcotiques analgésiques.
lorsqu’il souffre d’une perte d’appétit (nausées, vomis-
sements, douleur, stress) [1] . En hospitalisation, la mise
à jeun parfois prolongée et/ou répétée pour des soins
thérapeutiques (anesthésie, chirurgie) ou diagnostiques Elle se poursuit par l’examen clinique de l’animal pour
(échographie, bilan sanguin, etc.) contribue également évaluer notamment sa condition physique (poids, note
à diminuer l’apport calorique sur la journée. L’absence d’état corporel, masse musculaire). Le propriétaire doit
de calcul des rations alimentaires de la part du clinicien être questionné sur les variations de poids et leur chroni-
peut amener à proposer à l’animal un apport insuffi- cité. L’attention doit également être portée à la qualité du
sant [3] . Parallèlement, les animaux malades présentent pelage et de la peau qui peut être le reflet d’une malnutri-
une altération de leur métabolisme par le biais des tion. D’éventuelles anomalies physiques pouvant freiner

2 EMC - Vétérinaire
Techniques d’alimentation entérale assistée  AN 1100

une réalimentation spontanée et/ou orienter le choix intestinale, ce qui diminue le risque de translocation
de la sonde d’alimentation sont recherchées (fracture de bactérienne et préserve la fonction immunologique
la tête, perméabilité des voies respiratoires supérieures, du tube digestif [1, 4, 8, 9] . On envisage la nutrition par
etc.) [4, 5] . voie parentérale uniquement quand la voie entérale
Bien que non spécifiques, certaines anomalies du bilan n’est pas suffisante, mal tolérée ou contre-indiquée [2, 6] .
sanguin pouvant être secondaires à une malnutrition Les contre-indications de la voie entérale concernent
sont intéressantes à prendre en compte dans l’évaluation les vomissements incoercibles, les occlusions intesti-
de ce risque : hypoalbuminémie, anémie, leucopénie, nales, les iléus, les malabsorptions, les maldigestions ou
diminution de l’urée, hypokaliémie. Les autres données l’incapacité à protéger les voies respiratoires. Elles varient
extraites des examens complémentaires n’apportent en cependant selon le type de sonde de réalimentation et
général pas d’information pertinente [4, 5] . sont détaillées pour chacune dans les parties correspon-
Enfin, la pathologie dont souffre l’animal conditionne dantes [4] .
bien sûr la nature et la voie de la réalimentation. Quand la voie entérale est appropriée, le clinicien choi-
L’intégrité anatomique et fonctionnelle de chaque par- sit alors le mode de réalimentation entérale, calcule le
tie du tube digestif est primordiale à prendre en compte. besoin énergétique et choisit l’aliment adéquat [4] .
Certaines pathologies à l’origine d’une perte massive
de protéines (entéropathie, néphropathie, hépatopathie,
chylothorax, brûlures, drains, etc.) nécessitent un apport Prise orale versus sonde d’alimentation
assez rapide et agressif de protéines et de calories pour
Dans un premier temps, il faut stimuler la prise orale
pallier cette perte [2, 4, 8] .
spontanée. La gestion de la douleur et du stress de
Les besoins nutritionnels étant calculés selon des para-
l’environnement sont primordiales pour aider cette réali-
mètres propres à chaque individu et évoluant au cours de
mentation volontaire. Dans la mesure du possible, les
l’hospitalisation, il convient de réévaluer l’animal quoti-
aliments proposés doivent être adaptés à la pathologie de
diennement afin d’adapter son plan de réalimentation.
l’animal. Néanmoins, en cas de persistance de l’anorexie,
Certains paramètres sanguins (glucose, albumine, pro-
des aliments plus appétents peuvent être proposés. À
téines totales, urée, ionogramme) doivent également être
noter que chauffer les aliments permet d’augmenter leur
suivis au cours du processus de réalimentation [4] .
appétence. Des orexigènes (diazépam chez le chat, cypro-
heptadine, mirtazapine) sont parfois utiles pour aider à
 Calcul des besoins stimuler l’appétit. Le gavage à la seringue peut être envi-
sagé sur les animaux coopératifs mais devient en général
énergétiques trop stressant. Le gavage doit se faire lentement pour lais-
ser le temps à l’animal de déglutir et éviter ainsi le risque
Les animaux doivent initialement être réalimentés afin de fausse déglutition. La quantité de nourriture ingérée
de couvrir leur BER, c’est-à-dire l’énergie (ou les calo- est notée afin de vérifier que les besoins journaliers sont
ries) nécessaire(s) pour maintenir leur homéostasie dans bien couverts. Pour ne pas risquer d’aversion alimentaire,
un environnement à température neutre. On calcule le l’alimentation per os est stoppée aux premiers signes de
BER (en kcal/j) selon la formule : 70 × (poids vif en kg)0,75 . nausées [4] .
Le calcul pour les patients obèses doit tenir compte du Lorsque la prise orale spontanée n’est pas envisageable
poids de forme pour prévenir la « surnutrition » [4] . Le but ou pas suffisante, on se tourne alors vers une alimenta-
du support nutritionnel durant l’hospitalisation n’est en tion entérale assistée via la pose d’une sonde (Fig. 1).
aucun cas de faire prendre ou perdre du poids à l’animal, Quelle que soit la voie de support nutritionnel choisie,
mais plutôt de maintenir le poids initial en évitant la le statut hémodynamique du patient doit être stabi-
perte de masse maigre [7] . Pour les animaux souffrant lisé [4, 7] . En effet, la présence d’aliments dans le tractus
d’anorexie prolongée, on cherche à atteindre le BER en digestif augmente localement le débit sanguin. Or, sur
quelques jours : par exemple, le premier jour l’animal un animal en état de choc, la perfusion mésentérique
est réalimenté sur la base de 30 % du BER. La quantité est altérée au profit des « organes nobles » (cœur, cer-
d’aliment administrée est ensuite augmentée progressi- veau, poumons). L’apport de nutriments dans un intestin
vement si l’animal le tolère bien : 50 % du BER le second incapable de fournir la perfusion nécessaire peut ainsi
jour, 75 % du BER le troisième jour puis 100 % du BER le conduire à une ischémie intestinale avec diminution de
quatrième jour [4] . l’intégrité de la barrière gastro-intestinale [7, 10] .

 Choix de la voie de support Choix de la sonde d’alimentation


On distingue plusieurs types de sondes d’alimentation
nutritionnel entérale dont le choix dépend de l’indication, des por-
Voie entérale versus parentérale tions fonctionnelles du tractus digestif, du temps estimé
de réalimentation et des contraintes liées à la technique
On distingue deux voies possibles de réalimentation : de pose (anesthésie, technicité, coût, etc.) : sonde naso-
la voie entérale où les nutriments sont directement œsophagienne (NO), sonde nasogastrique (NG), sonde
apportés dans le tube digestif, par opposition à la voie d’œsophagostomie, sonde de gastrostomie et sonde de
parentérale où les nutriments sont administrés par voie jéjunostomie (Fig. 1). Les avantages et inconvénients de
intraveineuse. Voies entérale et parentérale peuvent être chaque sonde sont détaillés dans les parties correspon-
combinées. dantes, et sont résumés dans le Tableau 1. L’idée générale
Si le fonctionnement du système gastro-intestinal le est de choisir, autant que l’intégrité du tractus digestif
permet, on choisit préférentiellement la voie entérale. Il et des voies respiratoires le permettent, la sonde la plus
s’agit de la voie la plus physiologique, la plus sûre et la proximale [4] .
moins chère. De plus, la présence directe de nutriments Les sondes le plus couramment utilisées à l’heure
dans la lumière entérale prévient l’atrophie des villosi- actuelle sont en silicone ou en polyuréthane, matériaux
tés intestinales et maintient l’intégrité de la muqueuse plus résistants aux sucs gastriques et moins irritants

EMC - Vétérinaire 3
AN 1100  Techniques d’alimentation entérale assistée

Patient hémodynamiquement Non


Stabilisation du patient
stable?

Oui

Protection des voies respiratoires Non


Envisager la voie parentérale
et tractus digestif fonctionnel?

Oui

Oui Calcul et surveillance des besoins


Prise de nourriture spontanée ?
énergétiques ingérés

Non
Non Traumatisme facial ou détresse Oui
Anesthesie générale envisageable?
respitatoire?
Non

Oui Envisager une sonde NO ou NG

Tractus digestif intègre jusqu’au Non Tractus digestif intègre au-delà du Non
pylore? duodénum?

Oui

Oui Envisager une sonde de jéjunostomie

Non Non
Œsophage intègre? Fonction gastrique normale ?

Oui Oui

Envisager une sonde


Envisager une sonde de gastrostomie
d’œsophagostomie

Figure 1. Schéma décisionnel de la voie de réalimentation (d’après [4] ).

que les anciens matériaux à base de polyvinylchloride. La sonde NG, poussée jusque dans l’estomac, contraire-
Le diamètre externe de la sonde, exprimé en French, ment à la sonde NO qui s’arrête dans l’œsophage, permet
est choisi en fonction de la taille de l’animal et de la d’aspirer le contenu stomacal. Cette propriété trouve
technique de pose. Les sondes disposent également de un intérêt dans la gestion des dilatations de l’estomac
composants radio-opaques qui permettent un contrôle (contenu aérique ou liquidien), des animaux en décu-
radiographique de leur position [8] . bitus prolongé ou des animaux présentant un retard de
vidange gastrique. Elle permet également de mesurer
le volume gastrique résiduel. En dehors de ces indica-
tions, on privilégie la sonde NO pour éviter le risque de
 Sondes naso-œsophagiennes reflux gastro-œsophagien lié au passage du cardia par la
et sondes nasogastriques sonde [1, 4, 8] .

Indications
Contre-indications
Il s’agit d’une réalimentation dans la portion distale
de l’œsophage (sonde NO) ou de l’estomac (sonde NG) Ces sondes sont en revanche contre-indiquées lors de
via une sonde posée dans la cavité nasale. Elles sont indi- lésions organiques ou fonctionnelles situées sur le trajet
quées pour réalimenter les animaux anorexiques ayant de la sonde : cavité nasale, tête, œsophage et estomac.
un tractus digestif haut fonctionnel, ainsi que les cavités Les animaux présentant des difficultés respiratoires ne
nasales et buccales. Elles n’empêchent pas la possibilité sont pas de bons candidats, la présence de la sonde
d’une reprise d’alimentation spontanée [1, 2, 8] . dans la narine exacerbant les troubles respiratoires. Les
Il s’agit de techniques simples, efficaces et peu coû- coagulopathies sont également un frein à leur utilisa-
teuses pour une réalimentation à court terme (moins de tion du fait de risque de saignement lors de la pose.
2 semaines environ) et/ou pour un animal trop instable Enfin, on évite de poser une sonde nasale sur les ani-
pour être sédaté ou anesthésié. La pose se fait en effet sur maux suspects d’hypertension intracrânienne : la pose de
animal vigile. Une sédation peut néanmoins être néces- la sonde ainsi que sa présence peut générer des éternue-
saire sur les animaux non coopératifs [1, 2, 4, 8] . ments risquant d’augmenter la pression intracrânienne.

4 EMC - Vétérinaire
Techniques d’alimentation entérale assistée  AN 1100

Tableau 1.
Avantages et inconvénients des différents types de sondes d’alimentation [4] .
Type de sonde Avantages Inconvénients
Sonde NO ou NG Pose facile Alimentation liquide uniquement
Animal vigile Réalimentation à court terme
Sonde NG permet une vidange gastrique Peut être mal tolérée (rhinite, etc.)
Déplacement possible dans les voies respiratoires
Contre-indiquée dans les cas de traumatisme facial
et/ou de détresse respiratoire
Sonde d’œsophagostomie Alimentation mixée possible Anesthésie générale
Pose facile Complications : infection au site d’insertion,
Bien tolérée par les patients déplacement dans les voies respiratoires ou la cavité
Réalimentation possible dès le réveil d’anesthésie buccale, œsophagite par irritation
Pas de délai entre la pose et le retrait
Réalimentation à long terme
Sonde de gastrostomie Alimentation mixée possible Anesthésie générale
Bien tolérée par les patients Technicité de la pose
Réalimentation à long terme Délai de 24 heures avant la réalimentation
Court-circuite cavité buccale et œsophage Délai de 10 à 14 jours avant le retrait
Complications : infection au site d’insertion, péritonite
Sonde de jéjunostomie Réalimentation distale au pylore et au canal Anesthésie générale
pancréatique Technicité de la pose
Délai de 24 heures avant la réalimentation
Complications : infection au site d’insertion,
péritonite, corps étranger, diarrhée
Réalimentation à court terme
Administration des aliments par perfusion continue
préférée
Nécessite un monitoring étroit

NO : naso-œsophagienne ; NG : nasogastrique.

Une contre-indication relative est appliquée aux ani- La collerette est indispensable afin d’éviter que
maux souffrant de vomissements incoercibles, le risque l’animal ne retire la sonde (Fig. 6).
étant le vomissement de la sonde et son déplacement Une radiographie de contrôle permet de vérifier
dans la cavité buccale ou les voies respiratoires [1, 4] . l’emplacement de la sonde (Fig. 7, 8).

Pose de la sonde Utilisation de la sonde


[1, 8, 10]
Matériel (Fig. 2) La réalimentation est possible immédiatement après la
• Anesthésique local : xylocaïne 5 %, lidocaïne/prilo- mise de la sonde, sauf si une sédation a été nécessaire. Il
caïne crème 5 %. n’y a pas de contrainte de temps entre la pose et le retrait
• Lubrifiant : chlorhydrate de pramocaïne 1 %. de la sonde. Il suffit juste de retirer les points d’insertion
• Sondes en silicone ou polyuréthane : 5 à 14 Fr. et de tirer doucement sur la sonde [1] .
• Matériel de suture.
• Collerette. Inconvénients
• Scotch.
Les sondes NO et NG ne conviennent pas pour des
Technique de pose [1, 8] réalimentations à long ou moyen terme. L’inconfort lié à
la présence de la sonde et de la collerette risque d’inhiber
Anesthésie locale : une pulvérisation de spray anesthé-
le retour à une alimentation spontanée, surtout chez le
sique de xylocaïne est instillée dans la narine où va être
chat. Le petit diamètre des sondes contraint à fournir une
posée la sonde. De la crème anesthésique est déposée sur
alimentation liquide, augmentant d’une part la survenue
le lieu de fixation de la sonde.
de diarrhée et d’autre part les volumes à administrer [1, 2, 8] .
Mesure de la sonde : la sonde va de l’extrémité de
la narine jusqu’aux huitième-neuvième côtes pour une
sonde NO et jusqu’à la treizième côte pour une sonde Complications
NG (Fig. 3, 4). Le repère est pris grâce aux graduations de
la sonde ou à l’aide d’une marque effectuée sur la sonde. Des épistaxis, des rhinites, des dacryocystites ou des
L’extrémité de la sonde est lubrifiée pour faciliter le sinusites peuvent être observées du côté de la sonde.
passage. Des aliments stagnants peuvent boucher la sonde. Le
La sonde est introduite dans la narine puis poussée risque majeur, pouvant être fatal pour l’animal, est que
rapidement jusqu’au repère en direction ventromédiale la sonde se place accidentellement dans les voies res-
(Fig. 5). piratoires (mauvais placement initial, déplacement lors
Un réflexe de déglutition lors du passage de la sonde d’éternuements ou de vomissements) à l’origine d’une
dans le pharynx est généralement observé. bronchopneumopathie par fausse déglutition. Une véri-
La sonde est fixée sur l’aile du nez par un laçage chinois fication de la position de la sonde est impérative avant
et sécurisée par un point d’appui sur la tête. La fixation chaque repas (cf. infra). Enfin, une œsophagite par irrita-
peut également se faire à l’aide d’agrafe ou de glue. tion peut être observée [1, 2, 8] .

EMC - Vétérinaire 5
AN 1100  Techniques d’alimentation entérale assistée

Figure 5. Pose de la sonde naso-œsophagienne (cliché du Dr


Boyeaux, CHV Frégis).

Figure 2. Matériel nécessaire à la pose d’une sonde naso-


œsophagienne ou nasogastrique (cliché du Dr Boyeaux, CHV
Frégis).

Figure 6. Sonde naso-œsophagienne (cliché du Dr Boyeaux,


CHV Frégis).
Figure 3. Mesure de la sonde naso-œsophagienne jusqu’à la
neuvième côte (cliché du Dr Boyeaux, CHV Frégis).
 Sondes d’œsophagostomie
Indications
La sonde d’œsophagostomie est une sonde strictement
œsophagienne : elle est placée dans l’œsophage au milieu
du côté cervical gauche et s’arrête dans la portion distale
de l’œsophage (Fig. 9). Elle permet de court-circuiter les
cavités buccales et nasales, et trouve donc son indica-
tion dans toutes les pathologies de la tête (traumatisme
principalement mais également processus tumoral, fente
palatine, chirurgie, brûlures, etc.) sur des animaux ayant
un tube digestif proximal (œsophage, estomac) intègre
et fonctionnel. Elle se pose sous anesthésie générale et
implique donc que l’animal puisse tolérer cette anesthé-
sie [1, 4] .
Figure 4. Mesure de la sonde nasogastrique jusqu’à la trei- Elle permet une réalimentation à plus long terme, sur
zième côte (cliché du Dr Boyeaux, CHV Frégis). plusieurs semaines, parfois nécessaire sur les patients les
plus instables ou incapables de manger sur une longue

6 EMC - Vétérinaire
Techniques d’alimentation entérale assistée  AN 1100

période. Souvent de plus gros diamètre que les sondes NO d’alimentation spontanée. Grâce à une utilisation facile
ou NG, elle permet l’administration d’aliments liquides pour les propriétaires, un retour au domicile avec la sonde
ou mixés, en plus petits volumes. Plus confortable, elle est possible [1, 2, 4] .
est mieux tolérée et interfère donc moins avec une reprise
Contre-indications
Des lésions organiques ou fonctionnelles de
l’œsophage sont une contre-indication absolue à la
pose de cette sonde. Le pansement autour du cou peut
augmenter la pression intracrânienne, les animaux
souffrant d’hypertension intracrânienne doivent donc
bénéficier d’un autre mode de réalimentation. Les
animaux trop débilités pour supporter l’anesthésie
inhérente à la pose de la sonde ne sont pas de bons
candidats. Les vomissements incoercibles constituent
également une contre-indication relative [1] .

Pose de la sonde
Matériel (Fig. 10) [1, 2, 8]
• Clamp, pinces Kelly ou pinces Carmalt.
• Lame de scalpel.
• Sondes : 12 à 19 Fr selon la taille de l’animal.
• Matériel de suture.
• Pansement : compresses, coton, bandes crêpes.

Figure 7. Contrôle radiographique, sonde naso-œsopha-


gienne (cliché du Dr Boyeaux, CHV Frégis).

Figure 8. Contrôle radiographique, sonde nasogastrique (cli- Figure 10. Matériel nécessaire à la pose d’une sonde
ché du Dr Boyeaux, CHV Frégis). d’œsophagostomie (cliché du Dr Boyeaux, CHV Frégis).

Figure 9. Mise en place d’une sonde d’œsophagostomie.


1 1. Sonde d’œsophagostomie ; 2. œsophage ; 3. larynx ; 4. trachée.

2
3

EMC - Vétérinaire 7
AN 1100  Techniques d’alimentation entérale assistée

Figure 13. Sonde d’œsophagostomie : mise en place (cliché


Figure 11. Mesure de la sonde d’œsophagostomie (cliché du
du Dr Boyeaux, CHV Frégis).
Dr Boyeaux, CHV Frégis).

Figure 14. Sonde d’œsophagostomie : fixation (cliché du Dr


Boyeaux, CHV Frégis).
Figure 12. Sonde d’œsophagostomie : introduction et exté-
riorisation du clamp (cliché du Dr Boyeaux, CHV Frégis).

Technique de pose [1, 2, 8]


La pose se fait sous anesthésie générale gazeuse.
L’animal est en décubitus latéral droit. La partie
cervicale latérale gauche est tondue et préparée chirur-
gicalement.
La longueur de la sonde est mesurée entre le milieu
du cou et le huitième ou neuvième espace intercostal
(Fig. 11).
Un clamp (ou pinces Kelly, ou pinces Carmalt selon
la taille de l’animal) est introduit dans la cavité buc-
cale jusque dans l’œsophage cervical. Une pression est
exercée sur la paroi afin de visualiser l’extrémité du
clamp sur la zone de tonte. Une incision à l’aide d’un
scalpel est effectuée sur le point de pression du clamp
jusqu’à son extériorisation. Choisir une insertion dans Figure 15. Sonde d’œsophagostomie : protection (cliché du
un endroit avasculaire et dorsal à la veine jugulaire Dr Boyeaux, CHV Frégis).
(Fig. 12).
L’extrémité distale de la sonde est insérée dans le clamp
puis extériorisée dans la cavité buccale sur une longueur La sonde est fixée sur son site d’entrée par un laçage
suffisante pour permettre l’étape suivante. Le bout proxi- chinois. Elle peut être sécurisée par un second point
mal reste à l’extérieur du site d’incision cutanée. d’attache (Fig. 14).
Elle est ensuite réorientée puis poussée dans Le point d’entrée de la sonde est protégé par des
l’œsophage à l’aide du clamp ou manuellement. compresses imbibées de solution antiseptique puis un
On rappelle que l’animal est intubé pour permettre une pansement circonférentiel est apposé sur le cou. Une
anesthésie gazeuse et sécuriser les voies respiratoires attention particulière doit être effectuée à ne pas poser
lors du passage de la sonde dans l’œsophage (Fig. 13). un pansement trop serré (Fig. 15).
Puis elle est retirée doucement jusqu’au repère effectué Une radiographie de profil de thorax peut être effectuée
précédemment. Cette étape permet aussi de « déplier » la afin de contrôler la position de la sonde. Celle-ci doit se
sonde dans l’œsophage. trouver dans le tiers distal de l’œsophage.

8 EMC - Vétérinaire
Techniques d’alimentation entérale assistée  AN 1100

Utilisation de la sonde
La réalimentation peut se faire dès que l’animal est bien
réveillé de son anesthésie.
Lors de déplacement ou d’obstruction de la sonde, une
nouvelle sonde peut être posée via la même voie d’entrée.
Cela nécessite une nouvelle anesthésie générale.
Il n’y a pas de limite de temps entre la pose et le retrait
de la sonde. Une simple traction de la sonde permet son
retrait. L’animal n’a pas besoin d’être anesthésié. Le point
d’entrée est nettoyé avec un antiseptique et une agrafe est
posée sur le plan cutané.

Inconvénients
La pose de la sonde nécessite une anesthésie générale,
parfois délicate sur les animaux les plus débilités. Cette
technique d’alimentation entérale assistée est de fait plus
coûteuse que les sondes NO ou NG [1] .

Complications
Les complications concernent une pose accidentelle
dans l’espace périœsophagien (médiastin) ou dans les
voies respiratoires supérieures, une infection en regard
du site d’entrée de la sonde ou le déplacement possible Figure 16. Matériel nécessaire à la pose d’une sonde de gas-
dans la trachée ou dans la cavité buccale lors de vomis- trostomie (cliché du Dr Boyeaux, CHV Frégis).
sements. Cette dernière situation constitue un risque de
corps étranger gastrique si l’extrémité de la sonde est mas-
tiquée puis ingérée. Enfin, comme les sondes NO et NG,
la sonde peut être bouchée par de l’alimentation ou être
à l’origine d’irritation de l’œsophage [1, 2, 4] .

 Sondes de gastrostomie
Indications
Il s’agit d’une technique d’alimentation plus inva-
sive qui consiste en la pose d’une sonde gastrique par
voie percutanée ou par lararotomie. En court-circuitant
l’œsophage et les cavités nasale et buccale, elle trouve
une indication chez les animaux ayant une pathologie
organique ou fonctionnelle de cette portion proximale
du tube digestif (œsophagite, sténose, jabot ou méga- Figure 17. Principe de la pose d’une sonde de gastrostomie
œsophage, etc.) ou de la tête (traumatisme, chirurgie, percutanée endoscopique (d’après [8] ).
néoplasie, etc.). Elle est bien tolérée par les animaux et
facile à utiliser au domicile par les propriétaires. C’est la
• Aiguille ou trocart de gros diamètre.
sonde qui peut être laissée en place le plus longtemps :
• Cône de pipeteur.
jusqu’à quelques mois si la propreté est bien maintenue.
• Fil de nylon de diamètre inférieur à celui de l’aiguille
Elle est préconisée uniquement si son utilisation est esti-
ou du trocart.
mée à plus de deux semaines. Le plus gros diamètre de la
• Boîte de petite chirurgie et champs stériles.
sonde permet d’administrer des aliments mixés [1, 2, 4, 8] .
• Matériel de suture.
• Pansement.
Contre-indications
Technique de pose
Les lésions gastriques (gastrite, ulcères, néoplasies,
retard de vidange, obstruction, etc.), ainsi que les affec- Il existe trois techniques de pose : la pose percutanée
tions de l’espace péritonéal (épanchement, péritonite), endoscopique, la pose percutanée à l’aveugle ou la pose
sont des contre-indications absolues du fait du risque de chirurgicale.
développer des complications [1, 8] . La gastrostomie percutanée endoscopique est préférée
car elle permet de voir directement le site d’insertion
de la sonde (Fig. 17). De plus, la possibilité d’insuffler
Pose de la sonde de l’air dans l’estomac évite la ponction par inadver-
tance d’autres organes et évite ainsi de potentielles
Matériel [1, 8] (Fig. 16) complications. C’est donc la technique de pose d’une
• Endoscope. sonde de gastrostomie la moins invasive, la moins coû-
• Sonde de gastrostomie : il en existe différentes sortes ; teuse, la plus rapide et la moins risquée [1] . On réserve
la plus courante est la sonde Pezzer de 16 à 24 Fr. en général la pose de la sonde par voie chirurgicale aux

EMC - Vétérinaire 9
AN 1100  Techniques d’alimentation entérale assistée

Figure 20. Troisième étape de la modification de la sonde de


Pezzer (cliché du Dr Boyeaux, CHV Frégis).

Figure 18. Première étape de la modification de la sonde de


Pezzer (cliché du Dr Boyeaux, CHV Frégis).

Figure 21. Visualisation du site d’insertion de la sonde de


gastrostomie par transillumination (cliché du Dr Poncet, CHV
Frégis).
Figure 19. Seconde étape de la modification de la sonde de
Pezzer (cliché du Dr Boyeaux, CHV Frégis).

cas où une laparotomie exploratrice est nécessaire pour


d’autres indications. Elle présente cependant l’avantage
de voir directement le site chirurgical ou de pouvoir
réaliser une gastropexie sur le site d’insertion de la
sonde. Beaucoup de techniques décrites sont opérateurs-
dépendants ; une est décrite [1, 8] : la technique de pose de
sonde gastrique percutanée endoscopique (percutaneous
endoscopic gastrostomy).
Modification de la sonde de Pezzer : l’extrémité de la
sonde est coupée sur environ 2 cm (Fig. 18) et perforée
transversalement de manière à pouvoir être insérée dans
la sonde jusqu’au « champignon ». (Fig. 19). L’extrémité
proximale de la sonde est découpée afin de pouvoir ren-
trer dans un cône de pipeteur (Fig. 20).
Le patient est anesthésié, intubé et placé en décubi-
tus latéral droit afin de pouvoir avoir accès à la grande
courbure de l’estomac.
Une zone de 8 × 8 cm en derrière des côtes à gauche est
tondue et nettoyée de manière aseptique. Figure 22. Pose d’une sonde gastrique percutanée endosco-
L’endoscope est introduit jusque dans l’estomac. De pique, première étape (d’après [8] ).
l’air y est insufflé jusqu’à ce que la paroi de l’estomac
soit en contact avec la paroi abdominale. Cela permet de
repousser des viscères du site de ponction. endroit doit être vérifiée. Une transillumination de la
Le site d’insertion est choisi derrière les dernières côtes, paroi abdominale par l’endoscope peut aider à choisir le
ce qui correspond au niveau du fundus. Il doit être visua- site d’insertion (Fig. 21).
lisé par l’endoscope en exerçant une pression avec le La paroi abdominale et gastrique est ponctionnée par
doigt sur la paroi. L’absence de vaisseaux sanguins à cet une aiguille de gros diamètre ou un trocart (Fig. 22). Le

10 EMC - Vétérinaire
Techniques d’alimentation entérale assistée  AN 1100

Les sondes étant de plus gros diamètre, on peut fournir


des aliments liquides ou mixés [1] .
La sonde de gastrostomie ne doit pas être retirée dans
les 10 à 14 jours suivant la pose. C’est le temps néces-
saire pour que l’estomac forme une adhérence avec la
paroi abdominale qui permet de prévenir le risque de
fuite du contenu stomacal dans l’espace péritonéal et par
conséquent la survenue d’une péritonite septique [1, 4, 8] .
Un retrait prématuré de la sonde nécessite une réinter-
vention [7] . Le retrait se fait sous anesthésie générale de
courte durée, sous endoscopie ou à l’aveugle. Une tech-
nique de retrait consiste à couper la sonde au niveau de
la paroi abdominale externe. L’extrémité de la sonde de
Pezzer est poussée dans l’estomac et est ensuite évacuée
par les selles. Cette technique est uniquement envisa-
geable sur les chiens de moyen à gros gabarit du fait du
risque d’occlusion suite à la présence d’un corps étranger.
Pour les petits animaux, on utilise une technique sous
anesthésie générale par gastroscopie [8] .

Figure 23. Pose d’une sonde gastrique percutanée endosco- Inconvénients


pique, deuxième étape (d’après [8] ).
Les inconvénients de la sonde de gastrostomie sont
inhérents à sa technique de pose qui nécessite une anes-
thésie générale, du matériel particulier et une technicité
de la part du manipulateur. Le coût plus élevé que les
autres sondes est également à prendre en compte. La
sonde percutanée peut s’avérer difficile à poser sur les
animaux obèses par manque de repères anatomiques [1] .

Complications
On note des complications septiques (fuite du contenu
de l’estomac, sonde qui se déplace de l’estomac dans
l’espace péritonéal), des abcès au site d’insertion ou des
lésions des organes adjacents lors de la pose de la sonde
(lacération de la rate, hémorragie gastrique, pneumopéri-
toine). Lors de pression excessive de la sonde sur la paroi
de l’estomac, on peut observer une nécrose gastrique ou
cutanée [1, 2, 8] .

Figure 24. Fixation d’une sonde gastrique percutanée endo-


scopique (cliché du Dr Poncet, CHV Frégis).  Sondes de jéjunostomie
fil de nylon est introduit dans l’estomac par le chas de
Indications
l’aiguille où il est remonté jusqu’à la gueule de l’animal Il s’agit de sondes placées directement dans le jéju-
via une pince de l’endoscope. L’extrémité du fil est laissée num proximal qui permettent ainsi de court-circuiter
à l’extérieur de la paroi abdominale. La longueur du fil l’œsophage et l’estomac. À noter que certains auteurs
doit donc être suffisante. préfèrent la placer jusqu’au dernier tiers du duodénum,
La sonde fixée sur le cône du pipeteur est introduite mais cette position est controversée car elle favoriserait le
sur l’extrémité du fil sortant par la gueule. déplacement de la sonde lors de péristaltisme rétrograde
L’extrémité du fil sortant par la peau sur le flanc est tirée de l’intestin. Elle trouve son indication pour les animaux
jusqu’à ce que le cône butte contre la paroi gastrique. ne pouvant supporter un autre type de sonde (lésions
La peau et la paroi gastrique sont incisées à la lame de organiques ou fonctionnelles de l’œsophage et/ou de
bistouri pour permettre l’extériorisation de la sonde et l’estomac, vomissements incoercibles, pancréatite, etc.)
de son guide (Fig. 23). ou pour ceux pour lesquels le risque de bronchopneu-
Le bon positionnement du champignon de Pezzer monie est trop important (altération de la vigilance,
contre la paroi gastrique est vérifié à l’aide de l’endoscope. incapacité de protéger les voies respiratoires). En général,
L’extrémité de la sonde préparée préalablement est glis- la sonde de jéjunostomie est laissée moins longtemps que
sée sur la sonde jusqu’à la peau pour maintenir la sonde les sondes d’œsophagostomie ou de gastrostomie [2, 4, 8, 11] .
dans la bonne position. Puis elle est fixée sur la paroi
abdominale par un laçage chinois et l’incision est proté-
gée par un pansement. L’extrémité de la sonde est fermée Contre-indications
par un bouchon (Fig. 24). De la même manière que les sondes de gastrostomie,
les affections de l’espace péritonéal (épanchement, péri-
Utilisation de la sonde tonite) sont des contre-indications à la pose d’une sonde
de jéjunostomie. Si la portion du tube digestif postpylo-
La réalimentation peut commencer environ 24 heures rique n’est pas fonctionnelle, une alimentation par voie
après la pose. parentale est préférée.

EMC - Vétérinaire 11
AN 1100  Techniques d’alimentation entérale assistée

Pose de la sonde
La pose de la sonde de jéjunostomie peut se faire
de plusieurs manières : par voie chirurgicale, par voie
transcutanée endoscopique ou par voie transpylo-
rique [2, 11] .

Pose par abord chirurgical


Il s’agit de la méthode la plus courante. La sonde de
jéjunostomie posée par voie chirurgicale consiste à faire
aboutir la sonde directement dans le jéjunum par laparo-
tomie. Les techniques chirurgicales sont très variées selon
le manipulateur [11] .
La technique chirurgicale permet de vérifier in situ le Figure 25. Contrôle de la position des sondes (cliché du Dr
bon positionnement de la sonde et de pexier l’intestin à Boyeaux, CHV Frégis).
la paroi abdominale afin d’éviter le passage du contenu
de l’intestin dans la cavité péritonéale. Ceci constitue la
complication principale de cette sonde. L’extrémité de la nasales et le jéjunum proximal, ce qui diminue la dispo-
sonde ne peut être déplacée dans les voies respiratoires nibilité des sondes selon le gabarit de l’animal tout en
lors de vomissements ou de toux [11] . augmentant le risque d’occlusion de la sonde [4, 11] .
La pose par voie chirurgicale est une technique très
invasive qui nécessite une laparotomie sous anesthésie
générale qui peut ne pas être envisageable sur cer- Utilisation de la sonde
tains animaux présentant un risque anesthésique ou La sonde de jéjunostomie posée par laparotomie ou
des risques de retard de cicatrisation (hypoalbuminé- les sondes gastrojéjunales ne peuvent être utilisées avant
mie, diabète, péritonite, glucocorticoïdes, etc.). Le risque la formation du caillot de fibrine sur la paroi abdomi-
qu’elle soit retirée par l’animal ou lors des manipula- nale, soit dans les 12 à 24 heures suivant la pose de la
tions est plus élevé qu’avec les autres types de sondes sonde. Le petit diamètre de la sonde contraint à fournir
jéjunales [11] . une alimentation liquide [4, 11] .

Pose par voie transcutanée endoscopique


ou sonde de gastrojéjunostomie Inconvénients
La pose de sonde de gastrojéjunostomie par voie Pour éviter les douleurs abdominales et les vomisse-
transcutanée endoscopique suit le principe de la pose ments, une constante rate infusion (CRI) est préférée à
de la sonde de gastrostomie en avançant la sonde une alimentation par bolus. Les obstructions de la sonde
jusqu’au jéjunum. Plusieurs techniques sont également sont ainsi plus fréquentes. L’utilisation de la sonde par
décrites et le choix est opérateur-dépendant. Cette tech- les propriétaires au domicile est impossible ; elle est donc
nique présente l’avantage d’être moins invasive et d’être réservée au milieu hospitalier et contraint à un monito-
plus appropriée pour les animaux ayant une contre- ring étroit de l’animal [4, 11] .
indication chirurgicale secondaire au risque de retard de
cicatrisation (hypoalbuminémie, diabète, péritonite, glu-
cocorticoïdes, etc.). Elle ne permet pas en revanche de Complications
s’affranchir de la nécessité d’une anesthésie générale, et
des risques de péritonite par fuite du contenu gastrique On distingue des complications infectieuses (infec-
et de déplacement lors de vomissements ou de péristal- tion au site d’entrée de la sonde, péritonite septique
tisme rétrograde. Elle est relativement bien tolérée. Son par fuite des aliments dans la cavité abdominale), méca-
passage par l’estomac permet une aspiration du contenu niques (obstruction de la sonde, obstruction intestinale
gastrique résiduel [11] . du fait de la sonde, migration rétrograde de la sonde
pour les sondes non posées chirurgicalement) et gastro-
intestinales (diarrhées) [2, 4, 8, 11] .
Pose par voie transpylorique ou sonde
nasojéjunale
La technique transpylorique consiste à passer la sonde  Mode d’emploi des sondes
dans le jéjunum par une voie d’entrée nasale. Elle pré-
sente l’avantage d’être moins invasive et de s’affranchir Vérification de la position de la sonde
du risque de péritonite septique par passage du contenu
intestinal dans la cavité péritonéale. Néanmoins, elle La position de la sonde dans le système digestif doit être
nécessite des techniques avancées (endoscopie ou fluoro- impérativement vérifiée avant chaque repas. La sonde
scopie) pour vérifier le positionnement de la sonde. Une est donc aspirée à l’aide d’une seringue sèche (Fig. 25).
sédation peut parfois être suffisante mais une anesthé- La présence de vide lors de l’aspiration signe proba-
sie générale est le plus souvent pratiquée, notamment blement la présence de la sonde dans le tube digestif.
lors de guide par endoscopie. À noter cependant que L’absence de vide et une aspiration d’air sont en revanche
le positionnement de la sonde nasojéjunale peut être compatibles avec la présence de la sonde dans les voies
contrôlé visuellement lors d’une laparotomie. Le passage respiratoires. À noter cependant que lors de la première
dans les cavités nasales confère à cette sonde les incon- utilisation il est fréquent de retirer de l’air correspon-
vénients des sondes NO et NG (rhinite, déplacement lors dant au volume d’air résiduel présent dans la sonde.
de vomissements ou de toux, nécessité d’une collerette, La seconde vérification consiste en l’administration de
réalimentation de courte durée). Elle nécessite une lon- quelques millilitres d’eau : une toux ou un inconfort
gueur suffisante pour couvrir la distance entre les cavités peuvent signifier un mauvais positionnement de la

12 EMC - Vétérinaire
Techniques d’alimentation entérale assistée  AN 1100

Tableau 2.
Complications liées au support nutritionnel par voie entérale [9] .
Complications mécaniques Obstruction de la sonde
Retrait prématuré de la sonde
Déplacement de la sonde
Nécrose de la paroi de l’estomac
Complications gastro-intestinales Nausées et vomissements
Diarrhée
Douleur et crampes intestinales
Ischémie intestinale et lésions de la muqueuse
Complications métaboliques Hyperglycémie
Lipémie
Azotémie
Hyperammoniémie
Hypokaliémie
Hypophosphatémie
Hypomagnésémie
Complications infectieuses Infections au site d’entrée
Péritonite septique
Bronchopneumonie par fausse déglutition

sonde. De la même manière, la survenue de ces symp- Retrait de la sonde


tômes lors de la réalimentation doit amener à suspecter
une erreur de localisation. Une radiographie de profil de La sonde est retirée quand l’animal reprend une ali-
thorax ou d’abdomen permet de vérifier la position de la mentation spontanée permettant de couvrir les besoins
sonde en cas de doute [1, 8] . énergétiques journaliers, lorsque les inconvénients ou
complications sont trop importants ou lorsque l’animal
est assez stable pour la pose d’un autre type de sonde,
Prévention de l’obstruction de la sonde plus appropriée à la condition de l’animal (par exemple :
retrait d’une sonde NO posée sur un animal trop instable
Les sondes sont systématiquement nettoyées avant et
pour recevoir une sonde de stomie). Les délais sont
après chaque repas avec une seringue d’eau tiède dont le
propres à chaque type de sonde et détaillés dans les par-
volume est adapté à la taille de la sonde utilisée. Les ali-
ties correspondantes [1] .
ments et les médicaments sont dilués de manière à éviter
la présence de parties solides de gros diamètre pouvant
obstruer la sonde (cf. infra) [9] .  Complications
Administration des repas Les complications du support nutritionnel par
voie entérale comprennent des complications méca-
Selon le diamètre de la sonde utilisée, les aliments niques, gastro-intestinales, métaboliques et infectieuses
doivent être donnés sous forme liquide ou mixée. Plus (Tableau 2). Elles ont été détaillées spécifiquement pour
le repas est liquide, plus les volumes à administrer pour chaque type de sonde dans les parties correspondantes.
couvrir les besoins de l’animal sont importants. Les Dans la plupart des cas, les complications sont
repas sont donc fractionnés sur la journée pour évi- mineures, mais certaines (bronchopneumonie par fausse
ter d’augmenter le volume résiduel gastrique dont les déglutition, désordres électrolytiques, péritonite sep-
conséquences sont multiples : diminution de l’apport tique notamment) peuvent mettre la vie de l’animal en
calorique, vomissements, reflux gastriques, broncho- jeu [9] .
pneumonies par fausse déglutition, etc. [3] . Une surveillance de l’animal et l’application des
Des études en médecine humaine et vétérinaire se bonnes pratiques de l’utilisation des sondes lors de
sont intéressées à la comparaison des deux techniques chaque repas permettent d’anticiper la survenue de ces
d’administration des aliments : une administration inter- complications [9] . Lorsque la sonde est utilisée au domi-
mittente par bolus à la seringue et une administration en cile, le propriétaire doit impérativement être accompagné
continue par perfusion des aliments dans la sonde (CRI). par le clinicien avec une démonstration de l’utilisation de
Aucune différence significative n’a été mise en évidence la sonde et des consignes laissées à l’écrit.
concernant les bénéfices cliniques et les complications
observées entre les deux méthodes de réalimentation. Prévention de l’obstruction de la sonde
L’administration par bolus est la technique qui apparaît
comme étant la plus physiologique, et pouvant s’adapter Les obstructions sont des complications très fré-
aux soins diagnostiques et thérapeutiques de l’animal, quentes. Elles peuvent être secondaires à la présence
l’administration par CRI devant être interrompue pen- d’aliments séchés sur les parois de la sonde, d’aliments
dant cette période [3] . La CRI permettant de délivrer de trop épais, de morceaux de médicaments, à la précipita-
faible volume peut être une alternative intéressante pour tion de certains médicaments avec les formulations de
les animaux ne supportant pas une réalimentation par réalimentation (sucralfate et antiacides notamment), ou
bolus [7] . enfin au vrillage ou au pliage de la sonde. Les sondes de
Les aliments doivent être administrés lentement afin petits diamètres sont plus sujettes à l’obstruction. Pour
d’éviter les vomissements. Lors de sonde gastrique (sonde éviter cette complication, les aliments ou médicaments
NG ou de gastrostomie), le volume résiduel gastrique administrés par la sonde sont dilués jusqu’à obtenir une
peut être aspiré avant chaque nouveau gavage afin texture fluide qui permet une administration facile. La
d’éviter ces inconvénients. sonde doit systématiquement être nettoyée avant et après

EMC - Vétérinaire 13
AN 1100  Techniques d’alimentation entérale assistée

chaque repas avec de l’eau tiède. Lors d’administration


de l’alimentation par CRI, ce nettoyage doit également
 Conclusion
être fait à chaque interruption de la réalimentation, Parfois jugée à tort comme trop compliquée ou inva-
même de courte durée. Lorsque la sonde est bouchée, sive, l’alimentation entérale assistée permet au contraire
une alternance d’aspiration et de pression à l’eau tiède de couvrir les besoins énergétiques d’un animal ano-
peut permettre de dissoudre le bouchon. On rapporte rexique dans les meilleures conditions possibles. C’est
également l’utilisation d’eau gazeuse ou d’enzymes pan- en effet une voie relativement sûre et facile d’utilisation,
créatiques laissées environ une heure dans la sonde au qui permet de contrôler la nature et la valeur calorique
contact de l’obstruction pour aider à sa dissolution [8, 9] . de l’aliment fourni, de s’adapter à la pathologie et à la
tolérance de l’animal, et qui interfère très peu avec la pos-
Prévention du déplacement de la sonde sibilité d’une réalimentation spontanée. Les différentes
techniques offrent au clinicien un éventail de possibili-
Le point d’entrée de la sonde doit être protégé afin tés pour répondre à chaque situation. Les bénéfices d’une
d’éviter que la sonde ne soit déplacée par l’animal ou réalimentation via une sonde sont très nombreux mais ne
lors des manipulations. En fonction du type de sonde, doivent pas faire oublier la possibilité de complications
une collerette ou un pansement sont utilisés. Un repère dont le propriétaire doit être averti. Le respect des bonnes
au marqueur peut être effectué sur la sonde au niveau pratiques concernant la pose, l’utilisation et le monito-
de la peau pour repérer sa position normale. Toute gêne ring conditionne le bon déroulement d’une alimentation
lors de la réalimentation ou du nettoyage de la sonde entérale assistée par sonde.
doit laisser suspecter un déplacement pour les sondes les
plus proximales (risque de passage dans les voies respira-
toires), ainsi que toute augmentation de la température
ou douleur abdominale pour les sondes les plus distales
(risque de péritonite). Une radiographie permet de déter-
miner l’emplacement de la sonde en cas de doute [8, 9] . La
“ Points essentiels
mesure de l’end-tidal CO2 à travers la sonde permet aussi • La malnutrition est un facteur favorisant de
de déterminer l’emplacement de la sonde : la valeur doit
être nulle lorsque la sonde est correctement placée dans mortalité et de morbidité en milieu hospitalier
le tractus digestif [7] . aussi bien en médecine humaine qu’en médecine
vétérinaire.
• L’évaluation du risque de malnutrition permet
Prévention du risque de détecter les animaux qui ne couvrent pas
de bronchopneumonie par fausse leur besoins énergétiques journaliers et qui néces-
déglutition sitent un support nutritionnel.
• La réalimentation par voie entérale est préférée
Les bonnes conduites concernant la vérification systé- à la voie parentérale si la clinique de l’animal le
matique du positionnement de la sonde avant chaque permet.
repas ainsi que la gestion des vomissements et des régur- • L’alimentation entérale assistée consiste en la
gitations permettent de limiter le risque de survenue
de bronchopneumonie. La présence d’une toux grasse,
pose d’une sonde de réalimentation.
de difficultés respiratoires ou d’une hyperthermie doit
• Le choix de la sonde dépend de l’intégrité des
amener à suspecter cette complication. Une radiogra- différentes portions du tractus digestif, du temps
phie pulmonaire permet de vérifier l’emplacement de la estimé de la réalimentation, de la possibilité ou
sonde [9] . non d’anesthésier l’animal, et enfin des coûts
engendrés par la pose de la sonde.
• La sonde doit être posée le plus proximalement
Prévention de l’infection
possible.
au site d’entrée de la sonde • Le risque majeur des sondes de réalimentation
Le site d’entrée de la sonde doit être surveillé et nettoyé est le déplacement dans les voies respiratoires
à l’aide d’antiseptiques quotidiennement. La protection pouvant être à l’origine de bronchopneumonie.
avec un pansement permet de limiter les surinfections [9] . • Les bonnes pratiques d’utilisation des sondes et
l’évaluation quotidienne de l’animal permettent
de limiter au maximum les complications.
Prévention des effets
gastro-intestinaux
Les aliments administrés trop rapidement, trop chauds
ou trop froids, ou par de trop gros volumes, peuvent être à Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens
l’origine de troubles digestifs. Le mode d’administration d’intérêts en relation avec cet article.
doit être adapté à la tolérance de l’animal et des
traitements symptomatiques (antiémétique, antiacides,
gastroprotecteurs, etc.) peuvent être nécessaires [9] .  Références
[1] Han E. Esophageal and gastric feeding tubes in ICU patient.
Clin Tech Small Anim Pract 2004;19:22–31.
Prévention des complications [2] Perea SC. Critical care nutrition for feline patients. Top Comp
métaboliques Anim Med 2008;23:207–15.
[3] Holahan M, Abood S. Intermittent and continuous enteral
Un suivi de la glycémie et de l’ionogramme permet de nutrition in critically ill dogs, a prospective randomized trial.
détecter et de traiter les anomalies [9] . J Vet Intern Med 2010;24:520–6.

14 EMC - Vétérinaire
Techniques d’alimentation entérale assistée  AN 1100

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critical care medicine. Philadelphia: WB Saunders; 2009. enteral nutrition. Vet Clin North Am Small Anim Pract
p. 53–8. 1998;28:677–708.
[5] Elliott DA. Nutritional assessment. In: Small animal critical [9] Michel KE. Preventing and managing complications of
care medicine. Philadelphia: WB Saunders; 2009. p. 856–9. enteral nutritional support. Clin Tech Small Anim Pract
[6] Ridley E, Gantner D, Pellegrino V. Nutrition therapy in criti- 2004;19:49–53.
cally ill patients: a review of current evidence for clinicians. [10] Remillard RL. Nutritional support in critical care patients.
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[7] Chan DL, Freeman LM. Nutrition in critical illness. Vet Clin [11] Heuter K. Placement of jejunal feeding tubes for post-gastric
Small Anim 2006;36:1225–41. feeding. Clin Tech Small Anim Pract 2004;19:32–42.

A. Boyeaux ([email protected]).
Centre hospitalier vétérinaire Frégis, 43, avenue Aristide-Briand, 94110 Arcueil, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Boyeaux A. Techniques d’alimentation entérale assistée. EMC - Vétérinaire 2016;13(2):1-
15 [Article AN 1100].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Vétérinaire 15
 AN 1110

Statut nutritionnel, dénutrition


et réalimentation entérale
L. Yaguiyan-Colliard

La dénutrition est associée à une augmentation de la morbidité et de la mortalité chez


les humains atteints de maladie chronique et/ou hospitalisés. Les études chez le chien
ou le chat sont encore rares mais semblent montrer les mêmes conséquences. Afin de
détecter une dénutrition, l’évaluation du statut nutritionnel est donc indispensable chez
l’animal malade, d’autant que cela va conditionner le plan d’alimentation. En effet, un
animal dénutri qui est réalimenté de façon inappropriée peut développer un syndrome de
renutrition, parfois mortel. Une perte de poids récente, une dysorexie, une amyotrophie
généralisée, font partie des critères d’alerte de la dénutrition. En plus de l’évaluation de
l’animal, il est nécessaire d’estimer le risque de malnutrition au cours de l’hospitalisation
et/ou du suivi de l’animal afin de prévenir une dénutrition. Lors de maladie chronique,
la cachexie étant un facteur pronostique négatif quelle que soit l’affection en cause, il
convient de limiter la perte de masse maigre tout au long de la maladie via un soutien
nutritionnel énergétique et protéique adéquat. Le plan d’alimentation ou de réalimen-
tation est adapté à l’état nutritionnel de l’animal et au risque de malnutrition afin de
lutter contre un état de dénutrition délétère en termes de morbidité et de mortalité.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Alimentation ; Dénutrition ; Réalimentation ; Statut nutritionnel ;


Syndrome de renutrition

Plan  Introduction
■ Introduction 1 La malnutrition est un état pathologique due à un
■ Évaluation du statut nutritionnel 2 excès ou à un déficit d’un ou plusieurs nutriments. La
Historique alimentaire 2 dénutrition est une malnutrition résultant d’une inadé-
Poids corporel et ses variations 2 quation par défaut entre les apports protéiques et/ou
Note d’état corporel 3 énergétiques et les besoins de l’individu. Elle peut être
Score musculaire 3 due à une diminution de l’ingéré alimentaire, à un dés-
Détecter les animaux dénutris 4 équilibre alimentaire, à une malassimilation et/ou à des
Détecter les animaux à risque de dénutrition 5 besoins nutritionnels augmentés.

Depuis plus de 70 ans maintenant, un lien entre la
Plan d’alimentation ou de réalimentation 5
dénutrition et les complications postopératoires est établi
Estimation du besoin énergétique de repos d’un chien
en médecine humaine [1] . Nombreuses sont actuelle-
ou d’un chat 5
ment les preuves de l’effet délétère de la dénutrition,
Plan de réalimentation d’un animal dénutri 6
en termes de complications, de morbidité et de morta-
Plan d’alimentation d’un animal non dénutri 6
lité, de durée moyenne de séjour, et sur la qualité et
Suivi de l’animal 7
l’efficacité des soins prodigués aux malades hospitali-
■ Arrêt de l’alimentation assistée 7 sés [2, 3] . Bien que les études soient peu nombreuses chez
■ Conclusion 7 le chien et le chat, tout indique que la situation est
similaire [4, 5] .

EMC - Vétérinaire 1
Volume 10 > n◦ 4 > novembre 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S1283-0828(13)63805-3
AN 1110  Statut nutritionnel, dénutrition et réalimentation entérale

Dans un but de sélection et d’harmonisation des Chez les carnivores domestiques, comme chez
outils les plus pertinents, les pouvoirs publics ont éla- l’homme, la dénutrition a un effet délétère sur la
boré un guide des outils de dépistage de la malnutrition santé et la survie. C’est pourquoi, il est indispensable
et d’évaluation du risque nutritionnel pour le patient d’évaluer le statut nutritionnel de chaque animal reçu
hospitalisé [6] . Cette évaluation s’articule autour de trois en consultation ou en hospitalisation.
outils : les outils anthropométriques (poids, taille, indice
de Quételet, etc.), les outils biochimiques et biologiques
(albuminémie, taux de protéine C réactive, etc.) et enfin
des index nutritionnels validés [7] . Ces outils ont été rete-
 Évaluation du statut
nus pour leur faisabilité, leur fiabilité et leur caractère non nutritionnel
invasif : ils sont mis en place en routine à l’hôpital... ou
le devraient. Historique alimentaire
La variabilité des morphologies, des formats et des
espèces, la non-coopérativité des patients et le coût C’est le préalable à toute prise en charge médicale.
de certains matériels font que les outils d’évaluation
nutritionnelle validés sont encore peu nombreux en
médecine vétérinaire. Néanmoins, des outils zoomé-
triques (poids corporel, échelles) sont à notre disposition
pour évaluer l’état corporel du chat et du chien.
“ Point important
Ont été également acceptés comme indicateurs de
malnutrition chez le chien : la perte de poids, une But de l’historique alimentaire : détecter
mauvaise qualité du pelage, une amyotrophie générali- une malnutrition
sée, un défaut de cicatrisation, une hypoalbuminémie, • Détecter un défaut d’apport énergétique et/ou
une lymphopénie et la présence d’une coagulopa- protéique
thie. • Détecter un déséquilibre alimentaire
Lors de l’hospitalisation d’un animal, il est nécessaire
de réaliser deux évaluations. La première consiste à défi-
nir le statut nutritionnel du patient à son admission. Elle
permet la prise en charge rapide sur le plan nutritionnel Le régime alimentaire (qualité, quantité et équilibre
des malades déjà dénutris. La seconde va être d’estimer nutritionnel), un changement de ration pouvant expli-
le risque de dénutrition que le patient encourt lors de quer des signes digestifs, une variation de poids ou
son séjour à l’hôpital dans un souci de prévention et d’appétit noté par le propriétaire, et/ou l’existence d’une
d’amélioration du pronostic. maladie chronique diagnostiquée peuvent être à l’origine
La dénutrition va d’abord toucher les cellules ayant de malnutrition.
un métabolisme élevé, avec pour conséquence une Le chat peut se laisser mourir de faim devant une
perte de fonctionnalité des tissus concernés : cellules gamelle remplie d’aliment si celui-ci ne lui plaît pas. Le
de la muqueuse digestive et cellules de l’immunité [8] . changement brutal d’alimentation s’accompagne donc
Il est important de rappeler que la muqueuse diges- souvent d’une anorexie qui, si elle se prolonge au-delà
tive est en première ligne des défenses de l’organisme d’une semaine, peut induire une lipidose hépatique chez
contre les agents pathogènes et leurs toxines. La l’animal en surpoids ou obèse. Cette affection est mor-
baisse d’immunité, associée à une translocation bac- telle dans 50 % des cas malgré une prise en charge
térienne rendue possible par la perméabilité digestive, médicale [11] . Il convient donc d’être particulièrement
sont en partie responsables de l’augmentation de attentif à la prise alimentaire du chat en hospitalisa-
la morbidité, en dépit de l’utilisation des antibio- tion et de prendre en compte les jours de jeûne avant
tiques. celle-ci.
Même si l’animal en situation d’agression utilise les Il semble que chez le chien, comme chez l’homme,
graisses corporelles pour ses besoins énergétiques, il va un épisode d’anorexie de 3 à 5 jours doit être pris en
aussi utiliser ses protéines afin de couvrir ses besoins éner- charge nutritionnellement [12] . Les particularités métabo-
gétiques et protéiques si les apports sont insuffisants. liques du chat laisse à penser que la prise en charge
Il n’y a aucune réserve de protéines dans l’organisme ; doit être encore plus précoce : 24 à 48 heures d’anorexie
les protéines musculaires, viscérales et plasmatiques sont devraient être un maximum.
donc mises à contribution, augmentant ainsi le risque
de défaillance organique multiple. Chez le sujet obèse, le
risque est d’autant plus grand que la masse musculaire Poids corporel et ses variations
n’est pas facilement visualisable. C’est pour cela qu’une
amyotrophie généralisée, même modérée, doit alerter le C’est un outil simple et facilement disponible. Bien
clinicien, quel que soit par ailleurs l’état d’engraissement qu’indispensable, il est important d’en connaître les
de l’animal. limites.
Les aliments utilisés chez les chiens et les chats dénu- Tout d’abord, la précision de la balance est importante :
tris doivent être adaptés au métabolisme particulier de les chats et les chiens de petit format doivent être pesés
l’animal subissant un stress métabolique. L’animal dénu- sur des balances de cuisine ou des pèse-bébés (précision
tri et/ou agressé est schématiquement intolérant au de 1 ou 5 g).
glucose (associé à une résistance à l’insuline), a un cata- Ensuite, quel est le poids optimal de cet animal ? Il
bolisme protéique augmenté et utilise préférentiellement existe des standards de race chez le chien et le chat four-
les lipides (corps cétoniques) comme source énergétique. nissant le poids moyen. Malheureusement, ce ne sont
Les aliments industriels diététiques spécialement formu- que des fourchettes de valeurs et la grande variabilité
lés pour la phase critique sont parfaitement adaptés pondérale au sein d’une même race ne permet pas de
puisque pauvres en glucides, riches en lipides, avec un comparer un individu avec ses semblables. La situation
apport protéique augmenté tant en qualité qu’en quan- est encore pire pour tous les animaux de race indéfinie
tité (Tableau 1). ou croisée.

2 EMC - Vétérinaire
Statut nutritionnel, dénutrition et réalimentation entérale  AN 1110

Tableau 1.
Aliments diététiques pour réalimentation en phase critique.
Fabricant Dechra Hill’s Intervet Nestlé Purina Royal Canin Royal Canin
Nom Specific Recovery a/d Fortol CN Convalescence Recovery
Plus Support support-instant
(reconstitué)
DE (kcalEM/100 g) 119 112 100 110 116 114
Protéines (g/Mcal) 92 95 80 102 90 105
Lipides (g/Mcal) 59 65 53 71 52 55
Glucides (g/Mcal) 24 33 50 (glucose) 11 43 21

EM : énergie métabolisable ; Mcal : 1000 kcal ; les chiffres sont arrondis à l’unité.

“ Point important
Le poids et ses variations
• Peser les animaux à chaque visite, et noter ce
poids dans le dossier médical et le carnet de santé.
Utiliser un pèse-bébé pour les animaux de petit
format
• Faire peser l’animal en dehors des visites vac-
cinales. Une pesée trimestrielle est conseillée,
mensuelle ou bimensuelle pour un animal atteint
d’une maladie chronique
• Une variation de poids de 10 % ou plus dans Figure 1. L’épaisseur de la couche adipeuse sur les côtes est
les 6 derniers mois doit alerter le clinicien facilement estimable. Poser les mains à plat de chaque côté du
• En hospitalisation, les variations rapides de thorax et appliquer un mouvement d’avant en arrière. Pour un
poids sont principalement dues à des variations état corporel optimal, les côtes doivent pouvoir être comptées
d’hydratation avec la pulpe des doigts et ce sans appuyer.
• Toujours associer au poids corporel la note
d’état corporel et le score musculaire de l’animal et de la palpation des principaux reliefs
osseux, mains à plat sur le thorax puis le long de la
colonne vertébrale (Fig. 1). La précision de cette évalua-
tion pour mesurer la masse grasse est de ± 10 % (intervalle
La notion dynamique du poids, à savoir ses modifi- de confiance 95 %). Malgré la variabilité des races dans
cations dans le temps, est plus intéressante. Ainsi chez chaque espèce, la note d’état corporel est très satisfai-
l’homme, une perte de poids de 2 % en une semaine, sante en termes répétabilité et de reproductivité dans les
5 % en 1 mois ou 10 % en 6 mois constitue un signe différentes enquêtes lorsque les enquêteurs sont entraî-
d’alerte fort pour le clinicien. Une perte de poids de nés [16, 17] .
10 % dans les mois précédents est également considérée Cette échelle met surtout l’accent sur la masse grasse
comme un signe d’alerte en médecine vétérinaire [13–15] . de l’animal. Il arrive, en particulier chez les individus en
La référence au poids habituel du patient est donc surpoids, qu’une amyotrophie soit sévère alors même que
indispensable. le tissu adipeux est encore présent en quantité impor-
Cependant, le suivi quotidien du poids en hospita- tante. Le poids, la note d’état corporel, doivent donc être
lisation a une valeur limitée. En effet, une prise de accompagnés de l’évaluation de la masse musculaire.
poids rapide est généralement due à l’augmentation
de l’hydratation ou, dans le sens opposé, une perte
de poids brutale peut être due à l’utilisation de diu- Score musculaire
rétiques ! Par ailleurs, un animal peut avoir un poids
stable mais perdre de la masse maigre au profit de la Dans une première approche, il a été proposé d’établir
masse grasse si, par exemple, l’apport en calories est une note d’état musculaire [18] . C’est une échelle en trois
excessif mais insuffisant en protéines. La pesée seule points :
n’est donc pas suffisante pour l’évaluation nutritionnelle • amyotrophie généralisée sévère ;
de l’animal. • amyotrophie généralisée modérée ;
• masse musculaire normale.
Les muscles concernés sont les muscles temporaux, les
Note d’état corporel muscles lombaires et les muscles pelviens. Pour ce faire,
il convient de palper les masses musculaires lombaires :
Une échelle pour le chien [9] et une autre pour le chat [10] il est normal de sentir les apophyses épineuses, mais en
ont été validées. Les critères sont résumés et regroupés aucun cas la colonne vertébrale ne doit saillir (Fig. 2). Si
dans le Tableau 2. Elles représentent une méthode semi- c’est le cas, il convient alors de vérifier que l’amyotrophie
quantitative d’évaluation principalement de la masse est généralisée en palpant les autres masses musculaires.
grasse d’un chien ou d’un chat. L’évaluation se fait à En effet, une amyotrophie localisée n’est jamais d’origine
partir de la silhouette (vue de profil et vue du dessus) nutritionnelle.

EMC - Vétérinaire 3
AN 1110  Statut nutritionnel, dénutrition et réalimentation entérale

Tableau 2.
Détail de l’échelle d’état corporel chez le chien et le chat. Chaque point équivaut à un pourcentage de variation de poids par rapport au
poids optimal (d’après Laflamme [9, 10] ).
Observation de l’animal de profil et de Palpation de l’animal avec les mains à
dessus plat (sans pression des doigts) sur les
côtes, la colonne vertébrale, les masses
musculaires lombaires, les hanches
Très maigre : poids au moins 40 % 1/9 1/5
inférieur au poids optimal Les os sont évidents à distance (côtes, Tous les os sont à fleur de peau
processus vertébraux, pointe de l’ilium) Peu ou pas de masse musculaire
(amyotrophie sévère)
Aucune masse graisseuse détectable
Maigre : poids 30 à 40 % inférieur au 2/9 Faible masse musculaire (amyotrophie
poids optimal Les os sont visibles à distance (côtes, marquée)
processus vertébraux, pointe de l’ilium) Aucune masse graisseuse détectable
Très mince : poids 20 à 30 % inférieur au 3/9 2/5
poids optimal Les os sont discernables à distance Os facilement palpables
Creux du flanc marqué (taille et pli Masses musculaires peu développées
abdominal) (amyotrophie modérée)
Peu de graisse palpable
Mince : poids 10 % inférieur au poids 4/9 Os facilement palpables, couverture
optimal Les os sont peu visibles à distance graisseuse minimale
Creux du flanc présent (taille et pli Masses musculaires présentes,
abdominal) inférieures à la normale
Mince couche graisseuse (côtes)
Idéal : poids optimal 5/9 3/5
Taille (de dessus) et pli abdominal (de Os palpables avec une couverture
profil) nets minimale de graisse (côtes)
Os non visibles à distance (sauf côtes Masse musculaire harmonieuse
flottantes) Masse graisseuse ventrale minimale
Surpoids modéré : poids 10 % supérieur 6/9 Os palpables à la pression
au poids optimal Taille (de dessus) et pli abdominal (de Comptage des côtes possible
profil) un peu effacés
Masse graisseuse ventrale évidente
Surpoids marqué : poids 20 à 30 % 7/9 4/5
supérieur au poids optimal Taille (de dessus) et pli abdominal (de Os difficilement palpables
profil) peu visibles Comptage des côtes difficile
Masse graisseuse ventrale évidente
Obésité : poids 30 à 40 % supérieur au 8/9 Os peu palpables
poids optimal Taille (de dessus) et pli abdominal (de Comptage des côtes impossible
profil) absents
Masse graisseuse ventrale évidente
Obésité morbide : poids au moins 40 % 9/9 5/5
supérieur au poids optimal Taille (de dessus) et pli abdominal (de Os non palpables
profil) absents Graisse abondante
Poche graisseuse ventrale importante

En pratique, il semble que l’utilisation d’une échelle en


quatre points est plus facile à utiliser :
• masse musculaire normale ;
• amyotrophie généralisée modérée ;
• amyotrophie généralisée marquée ;
• amyotrophie généralisée sévère.
Bien que cela ne soit pas encore une échelle validée,
en complément des évaluations précédentes, elle permet
d’affiner le statut nutritionnel du patient.

Détecter les animaux dénutris


Est considéré comme dénutri tout animal répondant à
Figure 2. En palpant les muscles lombaires, on sent les apo- au moins un des critères suivants (Fig. 3) :
physes épineuses, mais le dos reste plat et charnu. Si la colonne • note d’état corporel inférieur ou égal à 2/5 (ou 3/9) ;
vertébrale ressort en pointe, il convient de vérifier sur les autres • amyotrophie généralisée, qu’elle soit modérée, mar-
groupes musculaires si l’amyotrophie est localisée ou généra- quée ou sévère ;
lisée. Seule une amyotrophie généralisée peut être d’origine • amaigrissement : plus de 5 % en 1 mois, ou plus de 10 %
nutritionnelle. en 6 mois ;

4 EMC - Vétérinaire
Statut nutritionnel, dénutrition et réalimentation entérale  AN 1110

• apport énergétique inférieur aux trois quarts du besoin être inhérent à la tumeur de par sa localisation ou être
énergétique d’entretien depuis plus de 3 jours ; la conséquence prévisible de la prise en charge médi-
• signes digestifs aigus majeurs (vomissements, diar- cale (chimiothérapie, confinement, chirurgie vulnérante,
rhées) ; etc.).
• signes digestifs chroniques affectant l’état général ; Si un risque de dénutrition est présent, il convient
• maladie chronique affectant l’état général (diabète de mettre en place, avant ou au moment de la prise
sucré, insuffisance organique, maladies intestinales) ; en charge, une alimentation assistée, que ce soit en
• hypoalbuminémie. améliorant l’appétence de la ration, sa densité calo-
Pour chaque animal dénutri, un plan de réalimen- rique ou en posant une sonde d’alimentation. Le choix
tation assistée est établi et mis en place dès que la de la sonde dépend de la localisation de l’atteinte et
réanimation médicale est effectuée et efficace. du temps estimé pour que l’animal remange spon-
tanément. Si au premier abord un propriétaire peut
être réticent à la pose d’une sonde, une explication
Détecter les animaux à risque vient souvent à bout de ses craintes. Et il est rap-
de dénutrition pelé que manger est un besoin primaire et donc non
optionnel !
Il s’agit ici de conserver à l’animal un statut nutri- La décision de mettre ou non en place une alimenta-
tionnel satisfaisant tout au long de la thérapie afin d’en tion assistée est résumée sur la Figure 4.
optimiser les effets. Pour cela, il suffit de répondre à la
question suivante : l’animal va-t-il manger ou pouvoir
manger suffisamment dans les jours ou les semaines à
venir ? Par exemple, en cas de cancer, le risque peut  Plan d’alimentation
ou de réalimentation
Les conseils et méthodes décrits ici sont issus princi-
palement de la littérature et de la pratique en nutrition
humaine, et généralement cités dans la littérature vété-
rinaire. Il convient de protocoliser la prise en charge
des animaux hospitalisés afin d’améliorer la pratique,
et de limiter les risques et les conséquences de la
malnutrition.

Estimation du besoin énergétique


de repos d’un chien ou d’un chat
L’estimation du besoin énergétique est indispensable
pour objectiver la prise alimentaire réelle de l’animal.
Ainsi, un soutien nutritionnel peut être mis en place en
cas d’anorexie ou d’apports insuffisants.
Le besoin énergétique de repos (BER) correspond au
besoin énergétique de l’animal nourri, n’ayant aucune
activité physique, dans un environnement neutre ther-
Figure 3. Femelle cocker pesant 4,5 kg à l’arrivée en hospitali- miquement et au calme :
sation. Elle a une note d’état corporel de 1/9 et une amyotrophie BER (kcalEM/j) = 1,1 × 70 × P0,75 (avec EM : énergie
généralisée sévère, résultats de 7 mois de régime végétalien. métabolisable ; P : poids corporel en kg)
Cette chienne est sévèrement dénutrie, due à une carence éner- Cette formule est valable chez tous les mammifères [19] .
gétique et protéique. Un plan de réalimentation progressive Bien qu’il existe une grande variabilité, en particulier
spécifique a été réalisé. Après 1 mois avec ses nouveaux pro- chez le chien (proportion de masse musculaire), « une
priétaires, la chienne mangeait un aliment industriel diététique estimation fondée sur des données empiriques vaut
d’entretien et a retrouvé un statut nutritionnel normal en 3 mois mieux que pas d’estimation du tout » [20] . Bien qu’aucune
(Crédit : CHUVA – ENVA). mesure directe de dépense énergétique n’ait été réalisée

Figure 4. Arbre décisionnel. Soutien


L’animal est-il dénutri ? nutritionnel.

Oui Non

Y a-t-il un risque de dénutrition ?


Sévère Modérée

Oui Non

L’animal va-t-il
Alimentation Adaptation consommer ou Oui 1/sem : pesée, masse
musculaire
assistée alimentation consomme-t-il un apport
1/j : prise alimentaire
calorique suffisant ?
Non

EMC - Vétérinaire 5
AN 1110  Statut nutritionnel, dénutrition et réalimentation entérale

de façon indiscutable sur les animaux malades, cette jours. Par exemple, le jeûne induit la lipolyse et la
estimation est généralement acceptée comme base pour protéolyse responsables d’une fonte musculaire ainsi
l’alimentation des animaux hospitalisés. qu’une perte d’eau, de minéraux et de vitamines (cofac-
teurs). Le métabolisme, en particulier glucidique, est
fortement perturbé. Lors de la réalimentation, sur-

“ Point important tout si l’apport en glucides est élevé, l’augmentation


de la sécrétion d’insuline entraîne un flux massif
de glucose, de phosphore, de potassium et d’eau
à l’intérieur des cellules. L’hypophosphatémie résul-
Quel poids utilisé pour le calcul du besoin tant s’accompagne d’une diminution importante de la
énergétique de repos ? synthèse des composés phosphorés (dont l’adénosine tri-
• En hospitalisation, le but n’est pas de faire gros- phosphate) et induit donc un déficit cellulaire majeur [26] .
sir l’animal mais de limiter la phase catabolique de Les conséquences sont multiorganiques et graves quant
l’organisme dénutri et/ou agressé, tout en limi- au pronostic vital à court terme. Il convient donc, afin
tant les risques digestifs et métaboliques de la de prévenir ce syndrome, de réalimenter avec précaution
réalimentation. Le principe appliqué ici est celui tout animal dénutri.
souvent cité en médecine humaine.
• Pour un animal ayant une note d’état corpo- Proposition de protocole de réalimentation
rel inférieure ou égale à 5/9 (ou 3/5), prendre le Il semble prudent de nourrir les animaux hospitalisés
poids actuel de l’animal. à partir du BER en prenant le poids actuel de l’animal
• Pour un animal en surpoids (note de 6/9, 7/9 comme base de calcul [27, 28] . Chez les animaux dénutris,
ou 4/5), prendre le poids optimal de l’animal. il convient de les réalimenter progressivement :
• Pour un animal obèse (note supérieure à 7/9 ou • premier jour : apport calorique équivalent à un tiers du
BER ;
4/5), prendre le poids actuel diminué de 20 %. • deuxième jour : apport calorique équivalent à deux
tiers du BER ;
• à partir du troisième jour, apport calorique équivalent
au BER.
Plan de réalimentation d’un animal La ration doit être répartie en première intention en
quatre à six repas par jour, espacés d’au moins 3 heures.
dénutri La fréquence et le volume des repas sont ensuite adpatés
Risque digestif de la réalimentation à la tolérance digestive de l’animal.

Les cellules intestinales sont renouvelées tous les


3 à 5 jours. Leur vitesse de renouvellement dépend
en grande partie de l’apport nutritionnel de ces cel-
lules. Pour les entérocytes, la majorité des apports
“ Point important
proviennent de la lumière intestinale (principalement
sous forme de glutamine et de glucose) [21] . Pour À vérifier avant de renourrir un animal :
les colonocytes, 80 % des apports proviennent de la • la température corporelle doit être dans les
lumière, majoritairement sous forme de butyrate [22] . normes physiologiques pour l’espèce ;
Ainsi, l’absence de prise alimentaire diminue l’apport • l’animal doit être hydraté normalement ;
nutritionnel des cellules intestinales et donc ralen- • l’animal doit être hémodynamiquement
tit leur renouvellement. Il s’ensuit rapidement une stable ;
diminution des capacités de digestion et d’absorption. • aucun désordre électrolytique ou acidobasique
Une réalimentation excessive induit alors un phé- majeur ne doit être présent ;
nomène de maldigestion/malabsortion. Les composés • ainsi, il convient de réaliser une réanimation
non digérés et/ou non absorbés ainsi que leurs pro-
duits de dégradation par le microbiote intestinal sont médicale avant toute réalimentation. Dans la
à l’origine de diarrhées osmotiques, d’inflammation majorité des cas, l’animal peut être renourri dans
de la muqueuse digestive et de dysmicrobisme. Les les 24 heures de son admission.
conséquences pour un organisme débilité peuvent être
dramatiques.
Les symptômes digestifs peuvent être limités par une
réalimentation progressive et raisonnée [23] . Il existe six aliments diététiques spécialement for-
mulés pour la phase critique (Tableau 1) et adaptés à
Syndrome de renutrition inappropriée l’alimentation assistée par sonde. Il est important de se
rappeler que plus que la concentration d’un nutriment
Il regroupe un ensemble de signes cliniques et dans l’aliment, c’est la quantité donnée à l’animal qui
de perturbations métaboliques qui apparaît dans les est importante.
quelques jours suivant la réalimentation entérale ou
parentérale d’un patient dénutri. Bien décrit en méde-
cine humaine, les publications sont encore rares chez Plan d’alimentation d’un animal
les animaux de compagnie et concernent surtout le non dénutri
chat [23–25] . Les manifestations biochimiques sont prin-
cipalement une hyperglycémie, une hypokaliémie, une Pour les animaux non dénutris, le BER est couvert dès
hypophosphatémie, une hypomagnésémie, une réten- le premier jour. L’apport nutritionnel peut ensuite être
tion en eau et sodium, ainsi qu’un déficit en thiamine. augmenté progressivement sur plusieurs jours en fonc-
La privation de nourriture induit des perturbations tion de l’évolution de l’état nutritionnel de l’animal. La
métaboliques et endocriniennes profondes en quelques ration est préférentiellement répartie en trois ou quatre

6 EMC - Vétérinaire
Statut nutritionnel, dénutrition et réalimentation entérale  AN 1110

repas par jour en première intention. Le rythme de la en grande partie subjective. Cependant, il existe des
distribution des repas est ensuite adapté à la tolérance outils simples aidant le clinicien à se forger une opi-
digestive de l’animal. nion. L’évaluation de l’état corporel à partir des échelles
Le choix de l’aliment dépend de la maladie dont validées ainsi que l’évaluation de la masse musculaire
souffre le patient. Il est toutefois rappelé que si l’apport sont fiables. Elles permettent d’attirer l’attention du clini-
calorique est diminué en hospitalisation, il ne va cien sur des modifications morphologiques. Ces échelles
pas de même pour l’apport protéique ou minéral. peuvent être également utilisées par les propriétaires pour
Il faut donc être particulièrement vigilant à l’apport les sensibiliser à la surveillance de leur animal. Ainsi, un
protéique si des aliments restreints en protéines sont plan de réalimentation et d’alimentation peut être per-
utilisés. En médecine vétérinaire, le développement sonnalisé aux besoins de l’animal et offrir un soutien
d’aliments industriels diététiques secs et humides a thérapeutique efficace.
permis, en plus d’aliments appétents et facilement
disponibles, l’émergence de résultats expérimentaux
établissant des recommandations nutritionnelles pour  Références
les grandes entités pathologiques (affections gastro- [1] Studley HO. Percentage of weight loss: a basic indicator
intestinales, hépatiques, rénales, cardiaques, urinaires, of surgical risk in patients with chronic peptic ulcer. JAMA
etc.). Sept grandes marques offrent chacune une variété 1936;106:458–60.
d’aliments diététiques qui permettent de satisfaire [2] Bernard M, Aussel C, Cynober L. Marqueurs de la dénutri-
l’adaptation nutritionnelle de la majorité des affections. tion et de son risque ou marqueurs des complications liées à
Pendant l’hospitalisation, il est rarement souhaitable la dénutrition. Nutr Clin Metab 2007;21:52–9.
de faire consommer les aliments qui seront utilisés en [3] Kubrak C, Jensen L. Malnutrition in acute care patients: A
entretien de retour à la maison. En effet, le stress, narrative review. Int J Nurs Stud 2007;44:1036–54.
l’inconfort ou la douleur peuvent être sources d’aversion [4] Peterson RM, Gurtler RE, Cecere MC, Rubel DN, Lauricella
alimentaire. MA, Hansen D, et al. Association between nutritional indi-
cators and infectivity of dogs seroactive for Trypanosoma
cruzi in a rural area of North-Western Argentina. Parasitol
Suivi de l’animal Res 2001;87:439–76.
[5] Brunetto MA, Gomes MO, Andre MR, Teshima E,
Quel que soit le statut nutritionnel de l’animal à la prise Gonçalves KN, Pereira GT, et al. Effects of nutritional sup-
en charge, il convient de suivre avec attention quelques port on hospital outcome in dogs and cats. J Vet Emerg Crit
paramètres : Care 2010;20:224–31.
• le poids de l’animal ; [6] ANAES. Évaluation diagnostique de la dénutrition protéino-
• sa masse musculaire ; énergétique des adultes hospitalisés. Septembre 2003.
• sa prise alimentaire ; http://www.has-sante.fr/portail/display.jsp?id=c 432199.
• son activité et son comportement rapportés par le pro- [7] Mercadel-Orfila G, Lluch-Taltavull J, Campillo-Artero C,
priétaire ; Torrent-Quetglas M. Association between nutritional risk
• l’intensité des effets secondaires. based on the NRS-2002 test and hospital morbidity and
La fréquence d’évaluation va dépendre de la prise mortality. Nutr Hosp 2012;27:1248–54.
en charge médicale et du protocole utilisé. En hospi- [8] Saker KE. Nutrition and immune function. Vet Clin Small
talisation, elle est quotidienne ou hebdomadaire selon Anim Pract 2006;36:1199–224.
les critères, et elle peut être mensuelle, trimestrielle ou [9] Laflamme D. Development and validation of a body condi-
semestrielle lors de suivi de maladies chroniques. Ces élé- tion score system for dogs. Canine Pract 1997;22:10–5.
ments vont permettre d’adapter le protocole et la ration [10] Laflamme D. Development and validation of a body condi-
alimentaire. tion score system for cats. Feline Pract 1997;25:13–8.
[11] Center SA. Feline hepatic lipidosis. Vet Clin North Am Small
Anim Pract 2005;35:225–69.
[12] Remillard RL, Armstrong PJ, Davenport DJ. Assisted fee-
 Arrêt de l’alimentation ding in hospitalized patients: enteral and parenteral nutrition.
In: Hand MS, Thatcher CD, Remillard RI, Roudebush P, edi-
assistée tors. Small animal clinical nutrition. Topeka: Mark Morris
Associates; 2010. p. 351–90.
Quand l’animal est autorisé à consommer de l’aliment [13] Besson C, Verwaerde P, Bret-Bennis L, Priymenko N.
per os, il est généralement admis d’arrêter l’alimentation L’évaluation nutritionnelle de l’état nutritionnel chez les car-
assistée par sonde lorsque l’animal couvre 75 % de son nivores domestiques. Rev Med Vet 2005;156:269–74.
besoin énergétique d’entretien. [14] Chan DL, Freeman LM. Nutrition in critical illness. Vet Clin
North Am Small Anim Pract 2006;36:1225–41.
[15] Amstrong PJ. Enteral feeding of critically ill pets: the choices
 Conclusion [16]
and techniques. Vet Med 1992;87:900–9.
German AJ, Holden SH, Moxham GL, Holmes KL, Hackett
RM, Rawlings JM. A simple, reliable tool for owners
La quantité de nourriture ingérée par un animal hos-
to assess the body condition of their dog or cat. J Nutr
pitalisé ou souffrant d’une maladie chronique devrait 2006;136:2031S–3S.
être mesurée en routine dans les hôpitaux vétérinaires et [17] Colliard L, Ancel J, Benet JJ, Paragon BM, Blanchard
l’anorexie ne devrait pas être tolérée. Elle nuit gravement G. Risk factors for obesity in dogs in France. J Nutr
aux capacités de défense et de récupération du malade. 2006;136:1951S–4S.
Il faut se rappeler que si la perte de muscle est assez évi- [18] Buffington T, Holloway C, Abood A. Nutritional assessment.
dente par observation, les pertes de protéines structurales In: Buffington T, Holloway C, Abood S, editors. Manual of
et fonctionnelles de tissus ou d’organes tels que le cœur veterinary dietetics. St Louis: WB Saunders; 2007. p. 1–7.
et les intestins, bien que non visibles, ne sont que plus [19] Kleiber M. The fire of life: an introduction to animal ener-
dramatiques. getics. Huntington, NY: Krieger; 1975.
L’identification d’un animal ayant besoin d’un support [20] Burkholder WJ. Metabolic rates and nutrient requirements
nutritionnel lors de l’hospitalisation reste aujourd’hui of sick dogs and cats. J Am Vet Med Assoc 1995;206:614–8.

EMC - Vétérinaire 7
AN 1110  Statut nutritionnel, dénutrition et réalimentation entérale

[21] MacCauley R, Kong SE, Hall J. Review: glutamine and [25] Schropp DM, Kovacic J. Phosphorus and phosphate meta-
nucleotide metabolism within enterocytes. JPEN J Parenter bolism in veterinary patients. J Vet Emerg Crit Care
Enteral Nutr 1998;22:105–11. 2007;17:127–34.
[22] Roediger WE. The starved colon – Diminished mucosal [26] Skipper A. Refeeding syndrome or refeeding hypophos-
nutrition, diminished absorption, and colitis. Dis Colon Rec- phatemia: a systemic review of cases. Nutr Clin Pract
tum 1990;33:858–62.
2012;27:34–40.
[23] Brenner K, KuKanich KS, Smee NM. Refeeding syn-
drome in a cat with hepatic lipidosis. J Felin Med Surg [27] Donoghue S. Nutritional support of hospitalized animals. J
2011;13:614–7. Small Anim Pract 1992;33:183–90.
[24] Armitage-Chan EA, O’Toole T, Chan DL. Management of [28] Kerl ME, Johnson PA. Nutritional plan: Matching diet
prolonged food deprivation, hypothermia, and refeeding syn- to disease. Clin Techn Small Anim Pract 2004;19:
drome in a cat. J Vet Emerg Crit Care 2006;16:S34–41. 9–21.

L. Yaguiyan-Colliard, Docteur vétérinaire, maître de conférences en nutrition clinique ([email protected]).


Unité de médecine de l’élevage et du sport, École nationale vétérinaire d’Alfort, 7, avenue du Général-de-Gaulle, 94700 Maisons-Alfort,
France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Yaguiyan-Colliard L. Statut nutritionnel, dénutrition et réalimentation entérale.
EMC - Vétérinaire 2013;10(4):1-8 [Article AN 1110].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

8 EMC - Vétérinaire
Transfusion sanguine chez le chien
et le chat : aspects pratiques
(Blood transfusion in dogs and cats)

JEAN-PHILIPPE CORLOUER : Docteur vétérinaire,


clinique vétérinaire Frégis, service de médecine, 43, avenue Aristide-Briand, 94110 Arcueil, France.
ENCYCLOPÉDIE VÉTÉRINAIRE - Anésthésie-Réanimation 1300

L
’auteur présente les nombreuses indications de la transfusion sanguine chez le chien et le
chat. Il développe et compare les avantages et les intérêts du sang total et des différents
dérivés du sang avant d’aborder la technique proprement dite de la transfusion sanguine :
récolte du sang, voies d’abord, réchauffement et filtrage du sang, vitesse d’administration… Il
souligne l’intérêt des techniques de transfusion autologue en médecine vétérinaire puis aborde
les différents accidents transfusionnels, en insistant sur les particularités de la transfusion
sanguine du chat.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : transfusion, chien, chat, accidents transfusionnels.

INTRODUCTION sanguine a permis à la réanimation médicale techniques et les complications possibles…


et à la chirurgie vétérinaires de faire de très Il est donc utile de bien connaître les
L’intérêt de la transfusion sanguine dans indications, les contre-indications, les
importants progrès. Néanmoins, pour
le traitement de nombreuses maladies ou au modalités pratiques et les complications de
beaucoup de vétérinaires, la transfusion
cours d’interventions chirurgicales est la transfusion sanguine dans ces espèces.
sanguine reste trop souvent limitée à
depuis longtemps, en médecine humaine, Enfin, il semble utile de rappeler que
l’administration de sang total non groupé à
une évidence. Largement utilisée jusqu’au l’autotransfusion est, dans un certain
début des années 1980, les risques et les un animal anémié ou intoxiqué aux
anticoagulants [51] et nous sommes encore nombre de situations, une bonne solution.
accidents de contamination par le virus de
l’immunodéficience humaine ont été à loin des performances de la médecine
l’origine d’un regain d’intérêt pour des humaine en la matière. Néanmoins, des
techniques alors moins utilisées comme produits fort intéressants commencent à être PRINCIPALES INDICATIONS ET CONTRE-
l’autotransfusion ou l’hémodilution commercialisés. Nous nous attachons donc INDICATIONS DE LA TRANSFUSION
ici à développer les nombreuses possibilités, SANGUINE CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT.
normovolémique intentionnelle. POSOLOGIES
La première transfusion sanguine chez le méthodes et indications offertes par la
chien a été effectuée en 1665 par Richard transfusion sanguine, sans oublier d’élargir Le sang est un milieu complexe
Lower ; les quatre premiers antigènes l’horizon aux techniques du futur proche. schématiquement composé d’hématies, de
érythrocytaires du chien ont été décrits en Malheureusement, il existe actuellement leucocytes, de plaquettes et d’un certain
1910 et les agglutinines naturelles ou encore d’importantes contraintes ou nombre de protéines dont les rôles sont aussi
isoagglutinines félines en 1912. Depuis, nos difficultés en ce qui concerne le groupage des variés que fondamentaux (coagulation,
connaissances en matière d’immunologie et chiens et surtout des chats, l’approvision- immunité humorale, nutrition, endocrino-
de techniques de transfusion se sont nement en sang (particulièrement pour le logie, pharmacologie…).
considérablement étendues. Le recours de chat), la faible durée de conservation et sa On peut pratiquement dire que chaque
plus en plus fréquent à la transfusion conséquence sur le coût, les contraintes déficit ou anomalie d’un des constituants du
2 ANÉSTHÉSIE-RÉANIMATION 1300
sang est une indication de transfusion
sanguine (ou d’apport d’un constituant TABLEAU I. - TRANSFUSION SANGUINE : CRITÈRES DE DÉCISION
LORS D’ANÉMIE.
sanguin). Les principaux signes cliniques et
affections justifiant le recours à une • Intensité de l’anémie
transfusion sanguine peuvent être regroupés Une anémie est proportionnellement mieux supportée chez le chat
en quatre grandes catégories :
– maintien ou restauration de la masse • Rapidité d’apparition de l’anémie
érythrocytaire et du taux d’hémoglobine À intensité équivalente, une anémie chronique est mieux supportée qu’une forme
chez les animaux souffrant d’anémie aiguë aiguë
ou chronique ;
• Caractère régénératif de l’anémie
– maintien ou restauration de la
numération plaquettaire lors de thrombocy- Il est apprécié à travers les index érythrocytaires, l’étude morphologique des hématies
topénie ou de thrombopathie ; sur frottis (anisocytose, polychromatophilie...), la recherche de formes jeunes
– apport de facteurs de coagulation dans circulantes (réticulocytes, érythroblastes), l’appréciation de l’érythropoïèse médullaire
les coagulopathies congénitales ou acquises ; • Examen clinique et état général du patient
– maintien ou restauration de la
protéinémie (et surtout de l’albuminémie) À gravité égale, une anémie sur un patient dont l’état général est sérieusement altéré
chez les patients présentant une nécessite une prise de décision transfusionnelle urgente
hypoprotéinémie. • Nature de l’affection causale
En dehors de ces cas, de loin les plus Elle permet souvent de déterminer le degré d’urgence, le volume et le type de sang
fréquents, il ne faut pas oublier de nécessaires
mentionner l’apport de globulines lors de
déficits immunitaires chez le jeune ou dans • Pronostic de l’affection causale
la lutte ou la prévention contre certaines L’information préalable du propriétaire est souhaitable, dans la mesure du possible et
maladies infectieuses ou inflammatoires de l’urgence
(apport de macroglobulines dans les • Disponibilité en sang
pancréatites aiguës par exemple).
Il faut prendre en compte l’espèce à transfuser, la qualité du sang (frais, conservé...), la
quantité nécessaire...
• Possibilité techniques et biologiques
ANÉMIES Personnel, techniques et matériel disponibles pour l’appréciation des besoins, la
détermination du groupe ou de la compatibilité, la qualité biologique du sang
Si l’hématocrite ou le taux d’hémo- (hématocrite, absence de virus, de parasites...)
globine sont des paramètres utiles pour
• Motivations du propriétaire
savoir si un patient anémié doit être
transfusé, les signes cliniques, la chronicité À pronostic égal, l’attachement affectif du propriétaire à son animal influe sur les
de l’anémie, l’état des fonctions cardiaque et critères de la décision
respiratoire, la nécessité d’une chirurgie, etc, • Coût financier
doivent toujours être pris en compte
Il dépend de la quantité de sang nécessaire, de la volonté du propriétaire à engager
(tableau I). des frais puis de ses capacités financières
Chez le chat, les anémies sont les
indications les plus fréquentes de transfusion La décision de transfuser doit être prise si pronostic vital est en jeu. En effet, la
sanguine. l’hématocrite tombe en dessous de transfusion de sang total est susceptible
Au plan transfusionnel, on peut 0,20 L/L [76]. Mais attention, en cas de choc d’aggraver la crise hémolytique, d’aug-
distinguer trois grands types d’anémies : les hémorragique, une splénocontraction menter la réponse immunitaire ou de
anémies par hémorragie, les anémies aiguës immédiate permet un apport correspondant diminuer l’érythropoïèse. Il est important de
hémolytiques et les anémies chroniques. à environ 20 % de la volémie, ce qui peut choisir un sang compatible. Malheureu-
fausser l’appréciation de l’hématocrite [76]. sement, si le groupe sanguin du chien
ANÉMIES AIGUËS PAR HÉMORRAGIE OU CHOC Dans ces situations, on utilise du sang receveur est inconnu, sa détermination est
HÉMORRAGIQUE total à raison de 10 à 20 mL/kg (chez le souvent rendue impossible par l’hémolyse
Elles sont le plus souvent consécutives à chien) en association avec des solutés intravasculaire.
des traumatismes ou à des interventions macromoléculaires si nécessaire. Il est Chez le chat, les anémies hémolytiques
chirurgicales. Elles se caractérisent impératif de surveiller étroitement le patient auto-immunes sont moins fréquentes que
cliniquement par une pâleur des muqueuses, alors susceptible de développer des troubles chez le chien [35]. Les anémies hémolytiques
une augmentation du temps de remplissage secondaires à une surcharge vasculaire. dans cette espèce sont surtout la
vasculaire, une tachycardie, une tachypnée, L’administration de concentrés globulaires conséquence de maladies infectieuses
une oligurie etc. Tous ces troubles évoluent associés à des substituts colloïdaux est (hémobartonellose, virus leucémogène félin
rapidement et la chute de la pression certainement la voie d’avenir, sauf pour les de type A), toxiques (anémie à corps de
artérielle est responsable d’un état de choc pertes massives [49, 54, 75]. Heinz, méthémoglobinémie…) ou
hémorragique dominé par l’hypovolémie. métaboliques (lipidose hépatique et
Chez le chat, on observe fréquemment ANÉMIES AIGUËS PAR HÉMOLYSE hypophosphatémie par exemple) [35].
une diminution postopératoire de La décision de transfusion doit être très
l’hématocrite, même en l’absence réfléchie selon l’origine de l’hémolyse. ANÉMIES CHRONIQUES
d’hémorragie per- ou postopératoire Dans les formes auto-immunes d’anémie L’organisme ayant le temps de s’adapter,
importante. Une telle situation nécessite hémolytique [76], l’indication est elles sont mieux supportées, particuliè-
rarement une transfusion [35]. pratiquement limitée aux cas dans lesquels le rement chez le chat qui peut ne pas
TRANSFUSION SANGUINE CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT : ASPECTS PRATIQUES — 1300 3
extérioriser de signes cliniques avec un – toutes les contre-indications d’une LEUCOPÉNIES
hématocrite de 0,05 L/L [63]. La transfusion surcharge volémique et notamment les
est rarement indiquée si l’anémie est insuffisances cardiaques décompensées. Toutes les affections générant des
régénérative et/ou si l’hématocrite est neutropénies importantes sont une
supérieur à 0,15 L/L chez le chien et indication de transfusion. C’est notamment
0,10 L/L chez le chat. Il existe plusieurs le cas lors d’infection sévère (septicémie
méthodes pour déterminer la quantité de THROMBOCYTOPÉNIES notamment), d’aplasie médullaire (post-
sang à transfuser (fig 1) (tableau II) [40, 76, 77]. ET THROMBOPATHIES chimiothérapique, toxique, secondaire à une
Dans ces formes chroniques d’anémie, les infection virale, idiopathique) ou
patients subissent souvent plusieurs Les indications sont résumées dans le d’envahissement médullaire par des cellules
transfusions. La compatibilité du sang tableau III. La transfusion est nécessaire malignes [69]. Une décision transfusionnelle
transfusé est donc primordiale. Dans les lorsque la numération plaquettaire devient s’impose si la neutropénie est inférieure à
anémies chroniques, il faut par ailleurs inférieure à 20 × 109/L. 500/mm3. Malheureusement, le bénéfice
toujours s’attacher à rechercher et si possible Si le chien présente des troubles de thérapeutique est faible. En effet, une
à traiter la cause de l’anémie. La transfusion l’hémostase primaire et un hématocrite transfusion de sang total n’apporte qu’une
est particulièrement utile dans certaines faible quantité de neutrophiles, la demi-vie
inférieur à 0,15 L/L, il peut être transfusé
insuffisances rénales chroniques ou dans les des leucocytes transfusés est très faible (10 à
avec du sang total frais ou du plasma frais
maladies cancéreuses [69]. 16 heures environ chez l’homme) [78] et il
(de préférence enrichi en plaquettes). Le
Chez le chat, les affections le plus n’existe pas de concentré leucocytaire pour
sang doit être prélevé, suivant les auteurs,
souvent associées aux anémies chroniques le chien ou le chat.
depuis moins de 4 heures [76] ou moins de
arégénératives sont les infections par le virus 12 heures [32].
leucémogène félin (type B et C), par le virus Si la durée de vie des plaquettes est
de l’immunodéficience féline et l’insuffi- d’environ 5 à 8 jours, celle des plaquettes TROUBLES DE LA COAGULATION
sance rénale chronique [35]. transfusées peut être réduite à quelques PLASMATIQUE
Les principales contre-indications lors heures [32]. Il est par ailleurs rapporté [75] que
d’anémie sont : Les troubles de la coagulation
le chien développe très rapidement des plasmatique susceptibles de nécessiter une
– les incompatibilités de groupe ; chez le isoanticorps envers les plaquettes.
chien, lors de primotransfusion, elles sont transfusion sont nombreux (tableau IV)
Dans les thrombocytopénies médica- chez le chien. Ils sont nettement moins
responsables d’une hémolyse retardée et menteuses par toxicité médullaire, l’apport
d’une sensibilisation du système fréquents chez le chat. Dans cette espèce, les
de plaquettes par transfusion est un déficits congénitaux semblent peu courants
immunitaire ; elles entraînent une réaction
transfusionnelle immédiate en cas de complément thérapeutique intéressant et les affections acquises (notamment les
[14, 46, 69].
sensibilisation antérieure ; chez le chat (cf intoxications aux antivitamines K) assez peu
infra), en raison de la présence d’aggluti- Les contre-indications sont essentiel- rencontrées [14, 35].
nines dites naturelles, de graves accidents lement les incompatibilités de groupe Les trois indications principales sont les
transfusionnels immédiats sont possibles ; sanguin. intoxications par des anticoagulants

mL de sang du donneur poids du receveur hématocrite souhaité - hématocrite du receveur


(sur anticoagulant) (en kg) x 88 x hématocrite du donneur
(sur anticoagulant)

1 Calcul du volume de sang à transfuser chez le chien.

TABLEAU II. – TRANSFUSION DU CHAT. CALCUL DU VOLUME DE SANG À TRANSFUSER (EN ML) POUR 500 G
DE POIDS VIF ET POUR OBTENIR UN HÉMATOCRITE POST-TRANSFUSIONNEL DE 0,18 L/L (D’APRÈS
NORSWORTHY [63], MODIFIÉ).
Hématocrite (L/L) du sang transfusé (sur anticoagulant)
Héma- 0,30 0,32 0,34 0,36 0,38 0,40 0,42 0,44 0,46 0,48 0,50
tocrite
(L/L) 0,04 18,0 16,9 15,9 15,0 14,2 13,6 12,9 12,3 11,7 11,3 10,8
du 0,06 15,5 14,5 13,7 12,9 12,3 11,6 11,0 10,5 10,0 9,7 9,3
receveur
0,08 12,9 12,0 11,4 10,7 10,2 9,7 9,2 8,8 8,4 8,1 7,7
0,10 10,3 9,7 9,0 8,6 8,2 7,7 7,4 7,1 6,7 6,4 6,2
0,12 7,7 7,3 6,4 6,4 6,1 5,8 5,5 5,3 5,1 4,9 4,6
0,14 5,2 4,7 4,5 4,3 4,1 3,9 3,6 3,5 3,3 3,2 3,1
Exemple : Hématocrite du receveur 0,06 L/L
Hématocrite du sang transfusé 0,46 L/L
Poids du receveur 3,5 kg
Volume de sang pour 500 g 10 mL
multiplié par le poids (7 × 500 g) ×7
Volume total de sang à transfuser = 70 mL
4 ANÉSTHÉSIE-RÉANIMATION 1300
de thrombose [14]. Il est utile de mélanger la
TABLEAU III. – TRANSFUSION SANGUINE : INDICATIONS DANS LES première dose d’héparine au sang à
AFFECTIONS PLAQUETTAIRES.
transfuser et de laisser incuber 30 minutes
Thrombopénies • Par diminution de la production avant de l’administrer [55].
Aplasie toxique En raison de la grande labilité de certains
facteurs et des plaquettes, le sang doit être
Aplasie postvirale prélevé depuis très peu de temps.
Aplasie postchimiothérapique
Envahissement médullaire (processus myéloprolifératif)
HYPOPROTÉINÉMIES
Aplasie idiopathique
• Par augmentation de la destruction Lorsque la protéinémie devient inférieure
Coagulation intravasculaire disséminée
à 50 g/L ou que l’albuminémie chute au-
dessous de 15 g/L, l’apport de plasma (frais
Thrombopénies immunologiques ou congelé) ou d’albumine est conseillé par
Thrombopénies idiopathiques certains mais controversé par d’autres
[49, 75, 76] . En effet, environ 60 % de
Thrombopathies
l’albumine de tout l’organisme se trouve
dans le milieu interstitiel et en équilibre avec
TABLEAU IV. – TRANSFUSION SANGUINE : INDICATIONS DANS LES le plasma. La compensation d’une
TROUBLES DE LA COAGULATION PLASMATIQUE (D’APRÈS FOGH ET hypoalbuminémie suppose donc que soient
FOGH [33]). pris en compte le milieu intravasculaire mais
Affections héréditaires Affections acquises aussi le milieu extravasculaire. Les quantités
de plasma qui doivent être administrées sont
Hypofibrinogénémie (saint-bernard) Intoxication aux antivitamines K alors considérables et ces auteurs préfèrent
(accidentelle ou iatrogène) utiliser des substituts colloïdaux comme le
Hypoprothrombinémie (boxer) Néoplasie (inhibition ou déficit de dextran ou l’hydroxyéthylamidon [49, 72].
certains facteurs) La quantité de plasma habituellement
Hypoproconvertinémie (beagle, alaskan Coagulation intravasculaire disséminée préconisée est d’environ 5 à 20 mL/kg [34]. Si
malamute) l’on ne dispose pas de dérivés sanguins, le
sang total est utilisable, mais les risques de
Hémophilie A (berger allemand et Insuffisance hépatique sévère
nombreuses autres races)
surcharge vasculaire sont accrus.
Dans les cas les plus sérieux, l’amélio-
Hémophilie B ration de l’état de l’animal n’est que très
Maladie de von Willebrand (alaskan fugace si l’origine des fuites protéiques n’est
malamute, cocker, cairn et scottish pas identifiée et traitée.
terriers, labrador...) Les causes les plus fréquentes sont
Déficit en facteur X (cocker) certaines affections rénales (syndrome
néphrotique notamment), les entéropathies
Déficit en facteur XI (montagne des chroniques avec fuite protéique, les troubles
Pyrénées, kerry blue terrier, springer graves des fonctions de synthèse hépatique
spaniel)
(cirrhose notamment), les brûlures
étendues… Les hypoprotéinémies graves
(coumariniques plus particulièrement), les sont secondaires à des néoplasies (déficit ou secondaires à ces affections sont moins
déficits acquis ou congénitaux en un ou inhibition de certains facteurs, CIVD) ou à courantes chez le chat [35].
plusieurs facteurs de coagulation et les des affections hépatiques.
coagulations intravasculaires disséminées En dehors du traitement de la cause, si
(CIVD). elle est connue, l’apport de sang frais ou de DÉFICITS IMMUNITAIRES
Dans les deux premières catégories dérivés sanguins est la thérapeutique de
d’affections, l’utilisation de plasma (frais ou choix lors de CIVD en phase aiguë. Le but L’administration de sang total ou de
congelé) est préférable. plasma à des chiots atteints de certaines
est d’éviter un choc hémorragique, de
maladies virales telles que la parvovirose
Dans les intoxications, l’animal doit être maintenir la numération plaquettaire autour
permet, outre la lutte contre la déshydra-
transfusé si l’hématocrite est inférieur à de 30 000/mm3, la fibrinogénémie autour
tation ou l’anémie éventuelles, la
0,20 L/L, s’il présente des hémorragies de 50 mg/dL et d’apporter des facteurs de transmission d’une certaine immunité
pulmonaires importantes ou s’il est en état coagulation [55, 71, 76]. La notion selon laquelle passive, par l’intermédiaire des anticorps
de choc hypovolémique. Il est recommandé le traitement de la CIVD par du sang ou des plasmatiques apportés [13].
de ne pas dépasser 20 mL/kg et la vitesse de dérivés sanguins met « de l’huile sur le feu »
4 à 6 mL/min [61]. est très controversée [34, 71] . Il semble
Les affections héréditaires de la souhaitable de transfuser dans la première
coagulation plasmatique sont nombreuses PRODUITS UTILISABLES : SANG, DÉRIVÉS
phase de la CIVD. On administre alors 6 à
SANGUINS ET SUBSTITUTS
mais peu courantes, voire très rares pour 10 mL/kg de sang frais, une ou deux fois en TRANSPORTEURS D’OXYGÈNE
certaines (tableau IV) [33]. 24 heures. Il est nécessaire d’associer de
Les principales coagulopathies acquises l’héparine à raison de 75 UI/kg toutes les Pour garder son intégrité physique et
non toxiques rencontrées chez le chien et 8 heures pour améliorer l’action de biologique, le sang doit être mélangé à un
pouvant nécessiter une transfusion sanguine l’antithrombine III et limiter ainsi les risques anticoagulant au moment du prélèvement.
TRANSFUSION SANGUINE CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT : ASPECTS PRATIQUES — 1300 5
L’anticoagulant empêche l’activation des durée de conservation recommandée – pas d’activation du facteur VIII ;
mécanismes de la coagulation, mais n’excède jamais 21 jours. Selon les solutions – moindre contamination bactérienne ;
n’améliore pas les possibilités de et les conditions de stockage, elle peut être – possibilité de centrifugation et de
conservation. Dans ce dessein, il est inférieure. séparation aseptique des différents
nécessaire d’ajouter des additifs ou de La conservation du sang a pour objectif constituants ;
séparer les différents composants du sang. La de maintenir le plus longtemps possible la – pas d’entrée d’air lors de la
préparation de dérivés sanguins a pour viabilité des différents constituants, de transfusion ;
objectifs d’optimiser l’utilisation de cette prévenir les modifications physicochimiques – pas de risque de casse lors des
matière première rare qu’est le sang, et de limiter la prolifération bactérienne. différentes manipulations ;
– coût inférieur du récipient ;
d’améliorer la conservation de ses différents Les solutions anticoagulantes le plus – stockage facilité par un encombrement
constituants et de limiter les risques de classiquement utilisées en médecine moindre.
contamination et de prolifération vétérinaire sont l’ACD et le citrate phosphate Chez le chat, il est également possible de
bactérienne. dextrose (CPD). Le pH du CPD est plus faire directement le prélèvement sur une
élevé. Il contient des phosphates sous forme seringue en plastique dans laquelle on a mis
de phosphate monosodique monohydraté, la solution anticoagulante.
plus de citrate et moins d’acide citrique que La composition du sang total conservé à
SANG FRAIS l’ACD [78] . La solution CPD présente 4 °C se modifie progressivement au cours du
plusieurs avantages. Les plus importants temps. L’altération cellulaire progressive est
On appelle sang frais du sang prélevé sont : responsable d’une hémolyse post-
depuis moins de 24 heures. – un meilleur maintien du potassium transfusionnelle. Chez le chien, la demi-vie
En médecine humaine, l’intérêt actuel du intracellulaire ; des hématies transfusées est de 25 jours
sang frais par rapport au sang total conservé – un meilleur maintien de l’hémo- environ pendant les 4 premières semaines de
se limite pratiquement à l’exsanguino- globine intracellulaire ;
conservation. Elle chute ensuite très
transfusion [78] . Les vétérinaires ayant – un maintien pendant un temps plus
rapidement [65]. On note également au cours
rarement à leur disposition des stocks de long des taux de 2,3 diphosphoglycérate
(2,3 DPG) et d’acide adénosine triphospho- du temps une augmentation progressive de
sang conservé et pratiquement aucun dérivé l’hémoglobine et du potassium plasmatiques
du sang, l’utilisation du sang frais est rique (ATP) ; ils sont considérés comme des
indicateurs de la viabilité mais aussi des alors que le potassium intraérythrocytaire
beaucoup plus répandue. chute régulièrement. Pour assurer une
Si l’on ne dispose pas de dérivés sanguins fonctions du sang, c’est-à-dire de l’affinité de
l’hémoglobine pour l’oxygène ; ces meilleure conservation, il est souhaitable de
et compte tenu de ces contraintes remuer délicatement le sang pendant son
observations ont été faites pour la
techniques, il est important de rappeler que conservation du sang humain mais stockage, en moyenne deux fois par semaine
le sang frais est particulièrement intéressant également pour celle du sang de chien [35, 76]. Les modifications de la composition
à utiliser dans un certain nombre de [26, 28, 64, 65, 67, 78, 81] ; chez le chat, il a été électrolytique du sang conservé sont
situations : montré [57] que la conservation des hématies toutefois différentes chez l’homme et le
– lorsqu’un trouble de l’hémostase sur ACD à 4 °C est d’une trentaine de jours. chien. Dans cette espèce, l’augmentation de
primaire ou secondaire doit être combattu ; D’autres milieux de conservation comme la teneur en potassium et en sodium est peu
en effet, la viabilité des plaquettes diminue le storage medium for blood (SMB) importante dans la mesure où la concen-
très rapidement dans le sang conservé ; de la permettent une conservation d’environ tration intraérythrocytaire en potassium et
même façon, on observe une rapide 6 semaines, mais leur usage ne s’est pas en sodium est faible [65, 67].
diminution de certains facteurs (V et VIII développé [74]. Le CPDA-1 ou CPD adénine
notamment), alors que d’autres sont activés Par ailleurs, dans le sang total conservé à
(citrate phosphate dextrose adénine), très 4 °C, la durée de vie des leucocytes et des
(IX, X et XI) [3, 78] ;
utilisé chez l’homme parce qu’il assure une plaquettes n’excède pas quelques heures
– en cas d’insuffisance rénale aiguë et
dans tous les cas où l’on redoute une conservation plus longue des hématies, est [32, 56, 78].

surcharge en potassium ; dans le sang total encore peu répandu en médecine La conservation entraîne la diminution
prélevé sur acid citrate dextrose (ACD) et vétérinaire [53]. L’héparine peut être utilisée, d’un certain nombre de facteurs de
conservé à 4 °C, la quantité de potassium mais elle n’a aucune action conservatrice. coagulation (cf supra).
passe de 4 mEq/L à 23 mEq/L après 21 Par ailleurs, elle entraîne une activation La contamination du sang de chien
jours de conservation ; plaquettaire. Le sang prélevé sur héparine conservé par des bactéries (bacilles à Gram
– en cas d’insuffisance hépatique grave et doit être utilisé dans les 48 heures au négatif notamment) semble fréquente [65].
d’apport sanguin important parce que maximum et de préférence dans les 2 heures. Néanmoins, elle ne paraît pas modifier
l’hémolyse post-transfusionnelle est Selon les auteurs, la dose d’héparine varie significativement la qualité de conservation
supérieure avec le sang conservé [80] ; entre 250 et 625 unités pour 50 mL de des hématies.
– en cas de choc septique ; dans une telle sang [4].
situation, le transport et le relargage La nature du récipient est également
périphérique de l’oxygène sont essentiels et importante. Ainsi, il a été montré [3, 27, 53, 77] CONCENTRÉ DE GLOBULES ROUGES
supérieurs avec du sang frais [78] ; que les poches en plastique présentaient
– si l’on doit administrer une quantité plusieurs avantages par rapport aux flacons Il est défini en médecine humaine [78]
très importante de sang. de verre : comme une suspension de globules rouges
– moins de mousse et de traumatismes dont la teneur minimale en hémoglobine est
mécaniques des cellules lors du remplissage, de 22 g/100 mL. Il est obtenu à partir de
surtout en cas de prélèvement sous vide ; flacons de sang conservé, centrifugés au plus
SANG CONSERVÉ TOTAL – viabilité accrue des hématies grâce au tard dans les 3 jours qui suivent le
maintien du pH à des valeurs plus élevées au prélèvement. Il est conservé entre 0 et 6 °C
On appelle sang conservé total du sang cours du temps ; pendant 8 jours.
prélevé aseptiquement dans un récipient – pas d’adhésion (et donc d’activation) En médecine vétérinaire, ces dérivés
contenant une solution anticoagulante. La des plaquettes sur les parois ; sanguins commencent à être utilisés dans
6 ANÉSTHÉSIE-RÉANIMATION 1300
certaines universités mais il n’existe pas composants du sang, des difficultés transforme en fibrine sous l’action de la
actuellement de standardisation [5, 56, 75]. d’approvisionnement en produits humains thrombine. Il se conserve à 4 °C, 3 ans au
Les auteurs rapportent une conservation de (auprès des centres de transfusion sanguine) plus.
21 à 35 jours [4, 59, 67], sous réserve, comme et de leur coût souvent très important. C’est surtout dans les processus de
pour le sang total, d’un retournement Enfin, les troubles de l’hémostase sont sous- défibrination par destruction (fibrinolyse)
délicat et fréquent des poches destiné à diagnostiqués ou biologiquement difficiles à qu’il est utilisé. Cela suppose un diagnostic
brasser les hématies et à maintenir un taux explorer de façon approfondie en pratique biologique précis car en cas de CIVD ou
correct en ATP, glucose et 2,3 DPG [76]. quotidienne. processus de défibrination par consom-
L’obtention d’un concentré de globules
PROTÉINES COAGULANTES mation, il peut entretenir le processus et
rouges nécessite une centrifugation à
aggraver le syndrome.
2 000 g pendant 30 minutes [77] ou à Plasma frais
5 000 g pendant 5 minutes à 1-6 °C [3, 4]. En théorie, il est également indiqué dans
C’est un plasma séparé des hématies
L’hématocrite d’un concentré est les déficits héréditaires en fibrinogène. Ces
moins de 4 heures après le prélèvement et
d’environ 60 à 80 %. Le concentré renferme affections sont vraisemblablement très rares
utilisé dans les 24 heures [3].
peu d’anticoagulant, de plasma, de (ou en tout cas rarement diagnostiquées) en
plaquettes et de fibrinogène [59, 77]. Plasma conservé médecine vétérinaire et, en l’absence de rôle
Le concentré de globules est particuliè- Il est conservé entre 1 et 6 °C mais la curatif, l’intérêt pratique et les contraintes
rement intéressant en cas de risque de diminution rapide de certains facteurs de économiques d’une telle thérapeutique
surcharge circulatoire, particulièrement en coagulation en fait un produit peu limitent considérablement son utilisation
cas d’affection cardiaque congestive, intéressant [3, 59]. dans ces dernières indications.
d’œdème pulmonaire ou chez les patients
Plasma frais congelé
très hypoxiques. De plus, les risques PPSB
d’immunisation vis-à-vis des antigènes En médecine humaine, on appelle
plasma frais congelé du plasma provenant La fraction coagulante PPSB est un
leucocytaires ou plaquettaires, et donc
d’un seul donneur, séparé et congelé dans les produit lyophilisé préparé à partir du plasma
d’accidents transfusionnels ultérieurs, sont
vraisemblablement diminués [75]. 6 heures, dépourvu de débris cellulaires, humain et contenant sous forme concentrée
Par ailleurs, la séparation et la conservé à – 30 °C pendant moins de 4 mois de la prothrombine (facteur II), de la
conservation du plasma permettent une (ou moins de 1 an à – 60 °C) et injecté proconvertine (facteur VII), le facteur Stuart
utilisation plus rationnelle et plus moins de 2 heures après décongélation. Sa (facteur X) et le facteur antihémophilique B
économique du sang prélevé. teneur en facteurs de coagulation ne doit pas (facteur IX). Il se conserve à 4 °C, 3 ans au
La viscosité plus élevée diminue la vitesse être inférieure à 70 % de celle d’un plasma plus.
d’administration. En cas de nécessité, il est normal pour les facteurs les plus labiles (V et En médecine vétérinaire, l’indication
possible de faire une dilution avec du VIII). principale est le déficit acquis et associé des
chlorure de sodium (NaCl) isotonique à Chez le chien, la stabilité des facteurs de facteurs II, VII, IX et X, tous les quatre
raison de 0,5 à 1 mL par mL de concentré coagulation n’est pas parfaite, mais reste vitamine K-dépendants : défaut d’assimi-
[59, 77]. satisfaisante pendant 1 an si les conditions lation de la vitamine K ou, le plus souvent,
de stockage sont bonnes (– 30 °C) [3, 41, 75]. intoxication par des antivitamines K
Pour l’albumine et les facteurs vitamine
(accidentelle ou lors de traitement
K-dépendants (II, VII, IX, X), elle est de
anticoagulant sur des animaux en état
PLASMA RICHE EN PLAQUETTES 3 ans [3, 75].
d’hypercoagulabilité par exemple).
Les indications du plasma frais congelé
Pour la préparation d’un plasma riche en sont :
– le remplissage vasculaire en cas ALBUMINE
plaquettes, la centrifugation se fait à
température ambiante et à 1 200 g pendant d’hypovolémie aiguë ou subaiguë (chocs L’albumine représente environ 60 % des
seulement 2,5 minutes [3] ou à 375 g traumatiques, réanimation chirurgicale) ; protéines plasmatiques. De l’albumine
– le traitement des déficits en facteurs de canine fut longtemps commercialisée en
pendant 15 à 20 minutes [ 7 0 , 7 7 ] . La
coagulation (notamment en facteur IX ou médecine vétérinaire [17]. Malheureusement,
conservation est possible pendant 8 heures hémophilie B) et les intoxications par les
et se fait à température ambiante. elle est retirée du marché depuis plusieurs
antivitamines K ;
– le traitement des hypoalbuminémies. années.
Actuellement, pour les vétérinaires Les principales indications de son
français, seules des méthodes de préparation administration sont la restauration du
PLASMA ET DÉRIVÉS et de conservation très « artisanales » volume plasmatique dans les chocs
permettent d’avoir du plasma frais congelé. hypovolémiques, brûlures…
De nombreuses protéines plasmatiques Sa conservation dans un congélateur
sont préparées à partir du plasma humain. domestique semble pouvoir atteindre 3 mois IMMUNOGLOBULINES HUMAINES (IG) G
Ces dérivés sanguins ont, chez l’homme, [76, 77].
considérablement limité l’utilisation du sang Elles sont recommandées comme
Le plasma frais congelé doit être traitement adjuvant lors de thérapeutiques
total en permettant de traiter spécifi- décongelé à 30-37 °C pendant 30 minutes
quement certains déficits, pour autant qu’ils immunosuppressives chez les chiens atteints
environ et administré sans tarder [59]. La
aient été précisément diagnostiqués d’anémie hémolytique à médiation immune
posologie moyenne recommandée est de 6 à
cliniquement et surtout biologiquement. et à la dose de 0,5 à 1 g/kg. On les
10 mL/kg par voie intraveineuse [50, 77].
Leur utilisation en médecine vétérinaire est administre en perfusion intraveineuse lente
encore très restreinte en raison de l’absence Fibrinogène (6 à 8 heures). Malheureusement leur coût
de produits spécifiquement vétérinaires, des C’est une préparation lyophilisée est très élevé et il existe des risques
contraintes techniques pour effectuer une renfermant du fibrinogène (ou facteur I), d’accident grave si l’injection est renouvelée
séparation de bonne qualité des différents constituant soluble du plasma qui se (fort pouvoir immunogène) [50].
TRANSFUSION SANGUINE CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT : ASPECTS PRATIQUES — 1300 7
AUTRES DÉRIVÉS SANGUINS ASPECTS TECHNIQUES Le stockage doit se faire entre 1 et 6 °C.
DE LA TRANSFUSION Toute variation de plus de 2 °C au cours du
Ils sont peu ou pas utilisés en médecine stockage est préjudiciable et en aucun cas on
vétérinaire. RÉCOLTE DU SANG ne doit restocker du sang qui serait resté plus
de 30 minutes à une température supérieure
TRANSFUSION DE PLAQUETTES CHEZ LE CHIEN
à 10 °C [76].
Seuls quelques cas lors de greffe de Il peut être très intéressant pour une Tout flacon entamé (ou simplement
moelle osseuse, de maladie de Chediak- clinique de disposer d’un chien donneur. Le ponctionné) doit être utilisé dans les 24 heures.
Higashi ou de thrombocytopénie à sujet idéal est un chien docile de 25 à 30 kg,
médiation immune sont rapportés [50]. âgé de 1 à 9 ans, de groupe A– (c’est-à-dire CHEZ LE CHAT
DEA 1.1 et DEA 1.2 négatif), si possible
Chez l’homme, la transfusion de Si les mêmes recommandations
DEA 7 négatif, n’ayant jamais été transfusé
plaquettes est indiquée dans les thrombo- s’appliquent au chat, il existe certaines
et dont l’état sanitaire est connu ou contrôlé,
pénies ou les thrombopathies associées à un particularités [35, 43, 52, 70].
particulièrement en ce qui concerne la
syndrome hémorragique. Le délai entre le Le donneur idéal est un animal adulte de
piroplasmose, l’ehrlichiose et autres
prélèvement et l’utilisation est inférieur à 5 kg, ayant un hématocrite de 35 % et une
affections plus ou moins régionales
36 heures. protéinémie de 60 g/L. Il doit être vacciné
(dirofilariose etc). Il doit être régulièrement
vacciné (rage, maladie de Carré, hépatite, contre la rage, la leucose, la panleucopénie,
TRANSFUSION DE NEUTROPHILES
leptospirose). Il peut donner en moyenne la chlamydiose, les calicivirus. Il est
Elle nécessite un séparateur de cellules et 20 mL de sang par kg de poids, toutes les 2 souhaitable que les femelles soient castrées
sa conservation est très fugace (quelques semaines. Après un rappel de vaccination, pour des raisons équivalentes à celles que
heures) [50]. aucun prélèvement ne doit être effectué dans nous avons vues précédemment. En
les 10 jours qui suivent (modification des revanche, une gestation antérieure n’est pas,
fonctions plaquettaires…) [3, 4, 5] . Si le dans cette espèce, une contre-indication au
donneur est une femelle, la castration est don du sang [35]. En effet, puisqu’il existe des
SUBSTITUTS TRANSPORTEURS D’OXYGÈNE souhaitable en raison de l’action des iso-agglutinines « naturelles », il ne peut y
œstrogènes sur la numération et les avoir iso-immunisation ( 2 ) lors de la
Des substituts transporteurs d’oxygène fonctions plaquettaires [4]. Une femelle A– gestation ou de la mise-bas.
sont à l’étude depuis quelques années [83]. peut s’immuniser durant une gestation ou Si on admet que la répartition raciale des
L’un d’eux (Oxyglobint)(1) est maintenant une mise bas, il est donc important qu’elle groupes sanguins des chats français est
commercialisé aux États-Unis. Il s’agit d’une n’ait jamais eu de petits [5, 48]. Un donneur comparable à celle d’autres pays [9, 30, 35, 63], il
hémoglobine bovine polymérisée, dans une régulier doit recevoir une alimentation est préférable de choisir un donneur de race
solution modifiée de lactate de Ringer. Sa équilibrée et supplémentée en fer (0,5 mg commune. Il est possible, sur un tel sujet, de
demi-vie chez le chien est de 30 à 40 heures. par mL de sang prélevé) [3, 4, 70]. prélever 50 mL de sang tous les 15 jours,
Apportant de l’oxygène des poumons Pour prévenir tout risque de contami- mais de nombreux auteurs admettent que
jusqu’aux tissus, ses indications sont celles nation, le prélèvement doit être effectué l’on peut ponctionner en moyenne
des anémies. Son administration est contre- aseptiquement (préparation chirurgicale du 20 mL/kg, tous les 10 à 15 jours [44]. Le
indiquée en cas d’insuffisance cardiaque site de ponction) et sur un animal à jeun. volume prélevé est remplacé par un volume
congestive (risque de surcharge vasculaire) Chez le chien, la ponction se fait le plus égal de liquide isotonique administré par
ou rénale. Son administration est associée à souvent à la veine jugulaire, parfois à l’artère voie intraveineuse ou intrapéritonéale. Si le
un certain nombre d’effets secondaires : fémorale ou par ponction intracardiaque. donneur est prélevé plus d’une fois par mois,
baisse de l’appétit, de la soif, abattement Pour ne pas endommager les cellules l’hématocrite doit être mesuré avant le
pendant 48 heures, troubles digestifs, sanguines et activer le système de prélèvement [3, 63].
coloration orangée de la peau et des coagulation, la ponction doit être franche et L’anesthésie du chat donneur est souvent
muqueuses, modification de la couleur des le prélèvement rapide [76]. nécessaire. On utilise une association de
selles et des urines… On note également des Le sang est recueilli sur un milieu diazépam et de kétamine par voie
modifications de l’hématocrite, de anticoagulant (ACD, CPD…) dans une intraveineuse. L’acépromazine modifie les
l’hémoglobinémie et de la numération poche plastique ou un flacon en verre. Pour fonctions plaquettaires. Elle ne doit pas être
érythrocytaire pendant environ 24 heures. limiter sensiblement la formation d’agrégats, utilisée [63].
Un certain nombre de dosages le flacon doit être agité doucement pendant
biochimiques peuvent être anormalement toute la durée du prélèvement [79]. Le prélèvement se fait à la veine jugulaire
modifiés en fonction des techniques et des À la fin du prélèvement, le récipient doit à l’aide d’une aiguille 18G ou 19G, montée
analyseurs utilisés. C’est souvent le cas pour être parfaitement identifié (date de sur une seringue de 60 mL contenant une
la kaliémie, la natrémie, les transaminases prélèvement, date d’expiration, espèce solution anticoagulante. La voie intracar-
(ALT, AST)… animale, nom du donneur, groupe). diaque est utilisée par certains [76]. Si le sang
On doit contrôler la qualité biologique doit être utilisé immédiatement, on peut
Le produit est stable sur plus de 24 mois
et se conserve entre 2 et 30 °C. Il est du sang prélevé. Le risque infectieux avec mettre dans la seringue 750 unités
administré par voie veineuse, à la dose de contamination du receveur est un des plus d’héparine. S’il doit être conservé, on utilise
30 mL/kg et à raison de 10 mL/kg/h. importants. Les agents infectieux potentiels 8 mL d’une solution ACD ou CPD. Le sang
sont nombreux et variables selon les régions. est ensuite délicatement transvasé dans un
Toutes les indications, contre-
Mais, pour des raisons de coût, de temps etc, récipient (poche plastique ou flacon en
indications et effets secondaires de ce
il n’est guère possible de tout éliminer. Il est verre) et stocké à 4 °C.
produit ne sont pas encore connus mais c’est
un premier pas très encourageant. prudent de faire au minimum un
(2) Iso-immunisation (ou allo-immunisation) : apparition
hémogramme, la recherche du groupe
d’anticorps (allo-anticorps) dans un organisme qui a reçu un
(1) Biopure Corporation, Cambridge, Massachusetts, États- sanguin, vérifier l’absence de parasites antigène provenant d’un sujet de la même espèce (allo-
Unis. sanguins. antigène).
8 ANÉSTHÉSIE-RÉANIMATION 1300
Si le chat n’est pas un donneur habituel
dont l’état sanitaire est parfaitement connu, chien à transfuser
le virus de la leucose, les anticorps contre le
virus de l’immunodéficience féline ou de la primotransfusion retransfusion
péritonite infectieuse féline et l’hémobarto-
nellose doivent bien sûr être recherchés.

groupe connu groupe inconnu groupe connu groupe inconnu


CHOIX DU SANG
A+ A- A+ A- déterminer
Dans le but de limiter les risques
le groupe
d’accident transfusionnel immunologique
(immédiat ou retardé) et de prolonger le
plus longtemps possible les bienfaits de la « receveur universel » sang A- « receveur universel » sang A-
transfusion effectuée, il est nécessaire de sang A-
choisir le sang que l’on administre en (et déterminer le groupe)
agglutinations croisées
fonction de l’indication médicale (cf supra),
mais aussi du groupe sanguin de l’animal ou
de son possible « statut immunologique » positives négatives
vis-à-vis des antigènes érythrocytaires. Les
groupes sanguins du chien et du chat, les transfusion dangereuse transfusion possible
techniques de groupage et les méthodes
d’agglutination croisée ayant été largement 2 Transfusion sanguine chez le chien : choix du sang à utiliser en fonction du groupe.
développées dans la littérature [2, 3, 4, 5, 10, 11, 12,
13, 22, 31, 35, 37, 43, 45, 63, 73, 77, 82] , nous ne immunitaire explique que l’on observe des A−. Les chiens de groupe A− sont les moins
reviendrons que sur les éléments importants accidents lors d’une deuxième transfusion nombreux (40 %) et sont susceptibles de
pour choisir le sang à utiliser. avec du sang incompatible. développer des accidents transfusionnels s’ils
Si tous les déterminants antigéniques ont acquis des anticorps anti-DEA 1.1 ou
CHEZ LE CHIEN sont susceptibles d’entraîner les mêmes anti-DEA 1.2.
Chez le chien, il n’existe pas de système réponses du système immunitaire, en Chez le chien, les solutions sont résumées
équivalant au système humain ABO. De pratique, les accidents transfusionnels sont dans la figure 2 :
façon schématique, on peut dire que, chez essentiellement observés avec les antigènes – la solution immunologiquement la
l’homme, tout individu possède de façon DEA 1.1 et DEA 1.2. Les réactions les plus plus performante consiste à grouper le
naturelle des anticorps dirigés contre les graves sont celles qui surviennent si l’on receveur, trouver un sang compatible et
déterminants antigéniques des autres administre à un chien possédant des effectuer les réactions d’agglutination
groupes sanguins que le sien. Toute anticorps anti-DEA 1.1 du sang contenant croisées sur lame (importantes surtout si le
transfusion de sang d’un autre groupe l’antigène DEA 1.1. En ce qui concerne donneur a été transfusé antérieurement) ;
entraîne alors immédiatement une réaction l’antigène DEA 1.2, les accidents sont – la deuxième solution, la plus facile à
entre les antigènes des globules rouges du généralement moins graves. En raison de la mettre en œuvre en pratique quotidienne ou
présence possible d’anticorps anti-DEA 7 en urgence, consiste à n’utiliser que du sang
donneur et les anticorps correspondants qui
A− si le groupe du receveur est inconnu ; il
sont naturellement présents dans le sang du sur des animaux DEA 7 négatifs (50 % des
suffit d’avoir à sa disposition un donneur
receveur. cas environ) et jamais transfusés, il existe A−.
On a longtemps considéré que le chien chez ces sujets un risque d’érythrolyse s’ils S’il s’agit d’une retransfusion effectuée
ne possédait pas d’isoagglutinines naturelles. reçoivent du sang DEA 7 positif. Si plus de 5 à 7 jours après la première, le
Si des isoanticorps naturels contre les l’importance de l’antigène DEA 7 est encore problème est plus compliqué. En effet,
groupes DEA3, 4, 5 et 7 ont toutefois été controversée [ 1 0 , 1 2 , 2 0 , 4 9 , 5 8 , 7 3 ] , c’est même s’il y avait compatibilité pour le
mis en évidence chez environ 15 à 50 % de probablement parce que cet antigène n’est groupe DEA 1 lors de la première
chiens jamais transfusés [49, 58, 73] , il est pas systématiquement recherché et que les transfusion, on ne peut pas exclure la
reconnu que des accidents transfusionnels accidents transfusionnels ont une expression possibilité d’une allo-immunisation envers
pour incompatibilité sont peu probables clinique comparable à ceux qui sont les autres antigènes érythrocytaires. S’il est
dans l’espèce canine lors d’une primotrans- produits pour l’antigène DEA 1. Pour tous impératif lors d’une retransfusion d’utiliser
fusion. En revanche, la transfusion d’un les autres déterminants antigéniques, les un sang compatible vis-à-vis de l’antigène
sang possédant des antigènes différents de accidents sont infracliniques ou excep- DEA 1, il est tout aussi fondamental de faire
ceux du receveur va stimuler son système tionnels (cas des antigènes présents chez une réaction d’agglutination croisée, même
immunitaire et aboutir à la formation 98 % des sujets comme le DEA 4 ou le si des réactions positives semblent
d’anticorps contre les déterminants DEA 6). relativement rares [75].
antigéniques des hématies du donneur. Dans la pratique quotidienne, on ne
L’apparition de ces anticorps est observée prend en compte que le statut du chien vis- CHEZ LE CHAT
très rapidement et atteint en 7 jours des à-vis des déterminants antigéniques Le statut immunitaire du chat vis-à-vis
valeurs significatives [11, 17]. Leur apparition alléliques DEA 1.1 et DEA 1.2 [15, 16]. En des antigènes érythrocytaires est très
n’entraîne généralement pas de manifes- France, les chiens dont les globules rouges différent de celui du chien. En effet, dans
tation clinique grave, mais, en revanche, sont porteurs d’un de ces deux déterminants cette espèce, il existe des agglutinines
diminue considérablement l’action antigéniques sont généralement appelés naturelles susceptibles d’entraîner des
thérapeutique de la transfusion. chiens de groupe A+ (ou plus précisément accidents transfusionnels immédiats qui
Le taux des anticorps baisse ensuite A1+ ou A2+) [22]. Les chiens non porteurs de peuvent être très graves [2, 36, 37, 43] . Par
rapidement, mais la mémoire du système ces antigènes sont appelés chiens de groupe ailleurs, un choix inadapté entraîne une
TRANSFUSION SANGUINE CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT : ASPECTS PRATIQUES — 1300 9
destruction rapide des hématies transfusées. VOIE ARTÉRIELLE et troubles du rythme, notamment par
La demi-vie d’hématies autologues Parfois utilisée chez l’homme [79], elle ne mauvaise détoxification du citrate lors
retransfusées varie entre 29 et 39 jours. Elle semble qu’exceptionnellement utilisée chez d’hypothermie [79].
est identique pour une transfusion avec un l’animal. Nous n’en avons personnellement Il a également été montré que l’affinité de
sang de même groupe que celui du receveur. aucune expérience. l’hémoglobine pour l’oxygène est supérieure
En revanche, elle n’est que de 2,3 jours si avec du sang refroidi. Le relargage de
l’on transfuse un chat de groupe A avec un VOIE MÉDULLAIRE l’oxygène au niveau tissulaire est donc
sang de groupe B et seulement de 1,4 heure diminué, ce qui peut favoriser l’hypoxie [79].
Elle est particulièrement adaptée pour les
si du sang A est administré à un chat de De plus, réchauffer du sang entraîne une
animaux chez lesquels il est difficile d’avoir
groupe B [37, 63]. Le groupe O n’a jamais été dépense énergétique non négligeable. Sur un
un bon abord vasculaire. C’est le cas pour les
identifié jusqu’à présent [9, 35]. Les chats de organisme affaibli et pour lequel l’apport
patients de très petite taille (chiots, chatons)
groupe AB sont extrêmement rares, mais ils calorique est souvent faible, c’est un stress
ou ceux qui sont en état de choc
peuvent recevoir du sang de groupe A [2, 42]. supplémentaire important.
hypovolémique grave. Par cette voie,
Enfin, la viscosité du sang froid est
Pour limiter les risques d’incompati- environ 95 % des hématies passent dans la
beaucoup plus importante que celle du sang
bilité, il est utile de prendre en considération circulation dans les 5 minutes qui suivent
à 37 °C, ce qui peut nuire à la vitesse
la race de l’animal. Selon les pays (voire la l’administration [19, 21].
d’administration [77].
région), la fréquence du groupe A est de 85 à On utilise un trocart à ponction
Les animaux jeunes ou de petite taille
99,7 % chez les chats communs [35]. Dans la médullaire muni d’un embout Luer (20G et
sont particulièrement exposés aux
seule étude disponible en France [30], et qui 4 cm de long pour les plus petits animaux ou
conséquences d’une transfusion de sang
remonte à 1962, le pourcentage de groupe A 16G et 6 cm pour un chien d’environ
froid.
est de 85 % chez les chats communs. En ce 15 kg). Il est implanté dans la cavité
Si le réchauffement du sang est donc une
qui concerne les chats de race, d’importantes médullaire du fémur, au niveau de la fosse
nécessité, il faut veiller à ne pas provoquer
variations sont observées. Ainsi, on peut trochantérienne, dans une direction parallèle
d’hémolyse. Il est souhaitable de ne pas
trouver jusqu’à 43 % de groupe B chez le à l’axe long de l’os et après préparation
dépasser 37 °C [3, 79].
devon rex et 58,8 % chez le british aseptique de la région. Chez les adultes, une
Les réchauffeurs infrarouges ou de type
shorthair [38] . Malheureusement, aucune anesthésie locale est recommandée. En
Fenwall sont rarement à la disposition des
donnée précise sur la répartition raciale raison d’une minéralisation osseuse
vétérinaires. Il est donc nécessaire de faire
n’existe en France. Il serait hasardeux de supérieure à celle du jeune, l’implantation
appel à des moyens artisanaux. Ainsi, il est
vouloir utiliser les valeurs obtenues dans demande une pression nettement
possible de mettre le récipient contenant le
d’autres pays, les pools génétiques pouvant supérieure. Une implantation humérale au
sang dans un bain-marie avec thermostat
être sensiblement différents. Toutefois, niveau du trochiter est également
entre 37 et 40 °C ou de faire passer le sang
aucune observation de ce type n’a possible [77].
dans une très longue tubulure, elle-même
actuellement été rapportée [35]. Après retrait du mandrin, la canule est plongée dans un bain-marie. Cette dernière
Des kits de groupage sanguin sont raccordée au matériel habituel de technique est particulièrement adaptée aux
transfusion. La vitesse d’administration situations d’urgence mais impossible pour
maintenant disponibles [ 3 1 , 5 0 ] . Si la
recommandée est d’environ une goutte de des faibles volumes transfusés.
détermination des groupes du donneur et du
sang par seconde.
receveur est impossible, il est souhaitable,
pour limiter les risques d’accident
VOIE PÉRITONÉALE
transfusionnel par incompatibilité sanguine,
de choisir un donneur de race commune, de Par voie péritonéale, environ 50 % des FILTRES
faire systématiquement des réactions hématies passent dans la circulation (à partir
d’agglutination croisées et d’être des lymphatiques) au bout de 24 heures, Ils ne sont pas indispensables pour une
particulièrement prudent chez les chats de 65 % après 48 heures et 81,7 % après 1 à 2 transfusion de sang frais.
race. semaines [19]. Cette voie, d’utilisation facile, En revanche, avec le sang conservé, il a
est donc malheureusement peu adaptée aux été démontré que des microagrégats, des
situations d’urgence. macroagrégats et des débris cellulaires se
La durée de vie des globules ainsi forment au cours du temps. Leur diamètre
VOIES D’ABORD administrés est plus courte de 11 jours varie entre 10 et 200 µm [53]. L’adhésivité
environ que celle des globules administrés plaquettaire étant augmentée dans un bon
VOIE VEINEUSE par voie intramédullaire. Bien évidemment, nombre de situations nécessitant une
cette voie est contre-indiquée en cas de transfusion sanguine, la présence d’agrégats
C’est de très loin la voie la plus répandue. péritonite. dans le sang administré augmente de façon
Elle permet d’avoir immédiatement 100 % importante les risques de thrombose
des hématies transfusées dans le secteur pulmonaire et d’embolisations myocar-
vasculaire. Les veines céphaliques ou diques, rénales, hépatiques, cérébrales…
jugulaires sont le plus couramment utilisées. RÉCHAUFFEMENT DU SANG [77, 79].
On préconise des cathéters 20G chez les S’il est souhaitable de filtrer le sang
chiens de grande taille, 22G chez les petits En cas de transfusion massive, transfusé, cette opération ne doit pas ralentir
chiens et les chats, 23G pour les chiots ou les l’administration de sang froid a de anormalement la vitesse d’administration ou
chatons. Les aiguilles de gros calibre sont nombreuses répercussions sur l’organisme : nuire au passage des cellules viables. La
déconseillées chez les animaux hémophiles abaissement du pH, augmentation du taux plupart des transfuseurs commercialisés
ou thrombopéniques [77]. Avec les aiguilles des catécholamines circulantes avec possèdent un filtre de 170 µm. Ils
de petit diamètre, il est souvent utile de vasoconstriction périphérique intense, permettent d’arrêter environ 50 % des
diminuer la viscosité sanguine en diluant le hypoglycémie, augmentation de la débris indésirables mais pas les microagré-
sang avec une solution de NaCl isotonique. lactacidémie, diminution du débit cardiaque gats [53]. Chez l’homme, l’intérêt des filtres
10 ANÉSTHÉSIE-RÉANIMATION 1300
de 20 à 40 µm est discuté et leur coût est particulièrement utile si l’on ne dispose que TRANSFUSION AUTOLOGUE PROGRAMMÉE
beaucoup plus élevé [77, 79] . Ils sont en d’un cathéter veineux de petit diamètre. Les
revanche recommandés en cas d’autotrans- solutés hypotoniques doivent être proscrits Elle est surtout utilisée lorsqu’une
fusion de sang recueilli [77] . Lors d’une car ils provoquent une hémolyse. Le lactate intervention chirurgicale nécessitant une
transfusion de faible volume à l’aide d’une de Ringer également, en raison de la transfusion peut être programmée. Le sang
seringue (cas des chats ou des petits chiens), présence de calcium qui favorise la du patient est prélevé et stocké quelques
il peut être intéressant d’utiliser des filtres coagulation [3, 77]. jours ou semaines avant.
pédiatriques. Chez l’homme, les indications sont
Une administration trop rapide peut
essentiellement chirurgicales : orthopédie,
entraîner des nausées, des vomissements, un chirurgie thoracique ou abdominale. Les
œdème pulmonaire… principales contre-indications sont les
VITESSE D’ADMINISTRATION PAR VOIE anémies, les maladies infectieuses avec
INTRAVEINEUSE bactériémie, l’épilepsie, l’insuffisance
cardiaque grave, l’insuffisance rénale ou
Avant de débuter la transfusion, il est QUANTITÉ DE SANG À ADMINISTRER hépatique [8].
souhaitable d’examiner attentivement le ET CONTRÔLES POST-TRANSFUSIONNELS On peut prélever 10 % de la masse
patient. Il faut consigner sur la feuille de sanguine et effectuer si besoin une
soins intensifs le poids, la température Selon l’indication de la transfusion, la compensation volémique avec du Ringer
corporelle, la coloration des muqueuses et le quantité de sang à administrer est variable lactate. Le dernier don se fait au plus tard
temps de recoloration capillaire, les (cf supra). D’une manière générale, la 72 heures avant la date de l’intervention [8].
fréquences respiratoire et cardiaque, quantité apportée doit améliorer l’état de En médecine vétérinaire, cette technique
l’hématocrite et la protéinémie. Ces l’animal sans toutefois diminuer la réponse est relativement récente [24].
paramètres doivent être surveillés pendant la médullaire et l’érythropoïèse post-
transfusion, particulièrement au début. transfusionnelle. Ainsi, chez le chat par
La vitesse d’administration du sang par exemple, on considère [62, 63] que l’hémato-
voie intraveineuse dépend en grande partie crite post-transfusionnel doit être de HÉMODILUTION NORMOVOLÉMIQUE
de l’indication (degré de l’anémie, trouble INTENTIONNELLE PRÉOPÉRATOIRE
0,18 L/L (tableau II), sauf dans les cas
de l’hémostase…), des signes d’hypovolémie d’anémies non régénératives dans lesquelles C’est également une technique de
(choc hémorragique…) et de l’intégrité de la on cherche à obtenir un hématocrite voisin transfusion autologue. Juste avant une
fonction cardiaque. de 0,35 L/L [35]. intervention, on prélève au patient un
Dans les états de choc hémorragique, la En cas de transfusion pour anémie volume sanguin permettant d’amener
rapidité d’administration est souvent un chronique, l’hématocrite post-transfu- l’hématocrite à 0,30 L/L, tout en
facteur primordial. Toutefois, il est prudent sionnel du receveur ne doit être mesuré que maintenant simultanément la volémie par
chez le chien de ne pas dépasser 24 heures après l’administration, délai perfusion d’un substitut du plasma. Outre la
22 mL/kg/h [3]. Compte tenu de la viscosité nécessaire pour obtenir un équilibre entre les réserve de sang autologue ainsi constituée,
du sang, l’utilisation d’une pompe à différents compartiments hydriques de en améliorant le retour veineux, le débit
perfusion est parfois nécessaire.
l’organisme [63]. cardiaque et la microcirculation cette
Si la volémie n’est pas modifiée, cas
Pour apprécier l’efficacité d’une technique assure également une meilleure
fréquent dans les anémies chroniques, la
transfusion de sang (ou de plasma) lors du oxygénation tissulaire [7, 8, 77].
vitesse préconisée varie selon les auteurs
traitement d’un trouble de l’hémostase, il Chez le chien, il est conseillé de prélever
entre 4,5 et 22 mL/kg/24 h [3, 76].
faut comparer la numération plaquettaire, 20 mL/kg juste avant la chirurgie et
Chez le chat, on préconise une vitesse
les temps de Quick et de céphaline-kaolin d’administrer 40 à 60 mL/kg d’un substitut
lente, de 11 à 22 mL/kg/h [35] . Plus le
prétransfusionnels avec ceux mesurés du plasma [24, 29, 49, 68]. Le sang est conservé à
patient est petit, plus la vitesse doit être
1 heure après la transfusion [3]. température ambiante pour préserver les
lente. En cas d’hypovolémie, la vitesse peut
plaquettes. Il est utilisé moins de 6 heures
atteindre, chez le chat, de 22 à
après le prélèvement [68].
66 mL/kg/h [35].
Cette technique est contre-indiquée si le
En cas d’insuffisance cardiaque, la vitesse patient est incapable de bien compenser
TECHNIQUES PARTICULIÈRES
d’administration doit être très lente et ne pas l’hémodilution : insuffisance cardiaque
dépasser 4 mL/kg/h chez le chien [3] et 1 à gauche, hémopéritoine, hémothorax.
4,4 mL/kg/h chez le chat [35, 44]. Avec l’explosion de l’épidémie de
Même avec un sang compatible, il est syndrome immunodéficitaire acquis de ces
souhaitable de commencer doucement la dernières années, la médecine humaine a
transfusion (5 mL/kg pendant 10 à 30 minutes pris conscience des risques liés à la AUTOTRANSFUSION DU SANG RECUEILLI
chez un chien de 25 kg et de 1 à 3 mL sur 5 transfusion homologue et les techniques
minutes chez le chat) dans le but de dépister particulières de transfusion connaissent un Contrairement aux deux méthodes
des signes d’intolérance aux composants important développement. Si des situations précédentes qui sont programmées, cette
sanguins autres que les hématies [35, 77]. similaires existent en médecine vétérinaire, dernière est plus souvent utilisée dans
Il est déconseillé d’alimenter les chats c’est surtout parce qu’elles peuvent être un certaines situations d’urgence. Elle consiste à
pendant une transfusion, faute de quoi des palliatif au manque de sang que ces recueillir du sang épanché dans une cavité
vomissements sont classiquement techniques méritent notre attention. De close, en général le thorax ou l’abdomen, ou
observés [35]. plus, les techniques de transfusion autologue dans le champ opératoire. Cette dernière
Si une viscosité élevée nuit à l’adminis- limitent considérablement les risques procédure peut être effectuée pendant une
tration du sang, elle peut être réduite en d’accident transfusionnel immunologique intervention mais également après, en
mélangeant le sang avec du NaCl isotonique mais également ceux qui sont liés à récupérant le sang à l’aide d’un système de
avant l’administration. Cette technique est l’hypothermie, la surcharge circulatoire… drainage.
TRANSFUSION SANGUINE CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT : ASPECTS PRATIQUES — 1300 11
Les principaux inconvénients tiennent à
la qualité du sang recueilli et aux TABLEAU V. - ACCIDENTS TRANSFUSIONNELS POSSIBLES CHEZ LE
CHIEN ET LE CHAT.
complications possibles. Ainsi, on observe
des altérations érythrocytaires avec • D’origine immunologique : • D’origine non immunologique :
hémolyse, des agrégats leucocytaires et - accidents immunologiques - accidents infectieux
plaquettaires, une consommation de hémolytiques
facteurs de coagulation (II, V et VIII
- accidents immunologiques non transmission de maladies infectieuses
surtout), une augmentation des produits de
hémolytiques ou parasitaires
dégradation de la fibrine, une diminution
des protéines plasmatiques. En raison des incompatibilité leucocytaire administration de sang contaminé
risques de contamination du sang et de incompatibilité plaquettaire - accidents non infectieux
dissémination de cellules néoplasiques, cette
incompatibilité plasmatique surcharge circulatoire
technique est particulièrement contre-
indiquée en cas de chirurgie oncologique, réactions anaphylactiques ou accident dû au citrate
septique ou digestive avec ouverture d’un anaphylactoïdes
organe creux [1, 8, 23, 68, 85]. maladie hémolytique du nouveau-né accident dû à l’ion calcium
accident hémorragique
accident hémolytique non
ACCIDENTS TRANSFUSIONNELS immunologique

S’il existe un grand nombre d’accidents hypothermie, fièvre


transfusionnels possibles, nombreux sont thromboembolie pulmonaire
ceux qui peuvent être évités si les donneurs hyperviscosité
sont en bonne santé, si le sang est
correctement prélevé, stocké et administré, hyperkaliémie
enfin si les groupes sanguins sont recherchés encéphalose hépatique
ou si des réactions d’agglutination croisées
surcharge en fer
sont effectuées.
Les accidents transfusionnels peuvent
être immédiats ou différés, bénins ou graves. Les signes cliniques sont très variables obligatoirement l’apparition de signes
On distingue classiquement deux grands [3, 47, 77].
Ils peuvent se réduire à une simple cliniques graves [3, 4, 11, 15, 16, 17, 18, 47, 49, 66, 76].
groupes d’accidents transfusionnels inefficacité de la transfusion (hématocrite Les accidents immunologiques sont
(tableau V) : les accidents d’origine non amélioré), se manifester par une essentiellement secondaires, comme le
immunologique (hémolytiques ou non réaction hyperthermique, un ictère dans les schématise la figure 3, à l’administration de
hémolytiques) et les accidents d’origine non jours qui suivent la transfusion ou aller globules rouges incompatibles chez un chien
immunologique (accidents infectieux ou jusqu’au choc hémolytique grave. antérieurement sensibilisé (cf supra). Les
toxi-infectieux et accidents non infectieux). L’hémolyse intravasculaire est immédiate et différentes formes cliniques décrites
massive. Le choc se manifeste par une auparavant se rencontrent.
vasoconstriction périphérique, une
tachycardie, une polypnée, une hémoglobi- Chez le chat
ACCIDENTS D’ORIGINE IMMUNOLOGIQUE némie, une hémoglobinurie. Des Le système des groupes sanguins du chat
vomissements et tremblements musculaires est proche de celui de l’homme. La présence
ACCIDENTS IMMUNOLOGIQUES HÉMOLYTIQUES sont possibles. En l’absence d’une d’agglutinines et d’hémolysines(3) naturelles
Chez l’homme, les accidents transfu- réanimation médicale intensive, l’évolution rend possible l’existence d’accidents
sionnels immunologiques hémolytiques sont v e r s u n e i n s uffi s a n c e r é n a l e a i g u ë hémolytiques intravasculaires immédiats
considérés comme les plus graves. On les fonctionnelle puis organique et une CIVD graves. C’est la faible fréquence du groupe B
estime à 1 pour 10 000 transfusions et, le est fréquente. C’est surtout chez le chat que dans certaines populations (ou races) de
plus souvent, ils sont consécutifs à une l’on peut rencontrer cette forme grave. Le chats (et un recours à la transfusion moins
erreur humaine [80]. diagnostic d’accident immunologique fréquent que chez le chien) qui expliquent
En médecine vétérinaire, la fréquence et hémolytique peut être difficile, particuliè- leur nombre relativement faible.
la gravité de tels accidents dépendent avant rement si l’animal est anesthésié ou en état Néanmoins, il existe de nombreuses
tout de l’espèce concernée. de choc hémorragique. Comme il existe des descriptions dans la littérature [2, 6, 9, 36, 37, 62,
Deux grands types de mécanismes causes d’hémolyse non immunologiques, un 63, 82] et nous en avons, à quelques reprises,
pathogéniques peuvent être rencontrés : diagnostic différentiel doit toujours être personnellement été le témoin.
– une hémolyse intravasculaire envisagé. Ce sont surtout les chats de groupe B qui
immédiate ; il y a alors libération présentent les accidents hémolytiques
d’hémoglobine en grande quantité dans le Chez le chien immédiats les plus graves. En effet, les
plasma ; isoanticorps anti-A qu’ils possèdent sont à la
– une hémolyse extravasculaire ; elle est Tous les auteurs reconnaissent que les
accidents transfusionnels aigus lors d’une fois beaucoup plus puissants et plus
plus lente et s’effectue dans la rate ou le foie ; abondants que les isoanticorps anti-B que
elle aboutit à la libération de pigments primotransfusion sont rares. Toutefois, une
biliaires ; l’hémogramme post-transfu- primotransfusion de sang incompatible l’on trouve chez les chats de groupe A [35].
sionnel met classiquement en évidence une induit en 7 à 10 jours une réaction
(3) Hémolysine : nom donné aux substances qui ont la
leucocytose avec déviation à gauche de immunitaire qui, en détruisant les hématies
propriété de détruire les globules rouges du sang. Dans le cas
l’image d’Arneth et des images transfusées, fait perdre à l’animal le bénéfice qui nous intéresse, il s’agit d’anticorps mais il existe d’autres
d’érythrophagocytose [49]. de la transfusion, sans entraîner hémolysines (toxines bactériennes, venin,…)
12 ANÉSTHÉSIE-RÉANIMATION 1300
penchent pour une activation du système
A+ A- des kinines ou celle des IgE [77] . Les
manifestations cliniques surviennent dans
les 60 secondes et jusqu’à 45 minutes. Elles
transfusion se caractérisent par de l’urticaire, un prurit
A+ + A-
sang A+ généralisé avec des frottements de la tête, un
érythème généralisé et parfois de la dyspnée,
A+ Globule rouge A+
une hypotension et des arythmies
apparition cardiaques [35].
d' anticorps
La transfusion doit être immédiatement
A- Globule rouge A- arrêtée et l’on administre des corticoïdes ou
(7e-9e jour) des antihistaminiques.
Anticorps anti- A+
Maladie hémolytique du nouveau-né
A+ + A- +
A+ À la suite d’une transfusion de sang
A+ Globule A+ détruit incompatible, une chienne reproductrice
A+ par les anticorps anti- A+ subit une allo-immunisation. Le croisement
avec un mâle de groupe incompatible peut
alors être à l’origine d’une maladie
2e transfusion destruction des
de sang A+ globules A+
hémolytique chez certains produits du
croisement. Elle survient au moment où ils
absorbent le colostrum contenant des allo-
anticorps contre les hématies du père
[25, 73, 75, 76, 84].
A+ + A- Les accidents transfusionnels dus à des
A+
incompatibilités leucocytaires, plaquettaires
3 Mécanisme de l’accident transfusionnel chez le chien (d’après [22]). ou plasmatiques ne sont malheureusement
pas détectables, en pratique quotidienne, par
les tests de Coombs, de groupage ou
Dans les formes les plus graves, les premiers antigéniques des globules blancs du
d’agglutination sur lame. Ils peuvent
signes peuvent survenir dans les minutes qui donneur [11]. Elles entraînent la libération de
survenir lors d’une première transfusion.
suivent l’administration d’un seul millilitre substances pyrogènes pouvant être
Afin de limiter les risques, la transfusion doit
de sang incompatible. Les plus fréquents responsables d’un syndrome fébrile et
toujours être commencée lentement.
sont : apnée transitoire ou tachypnée, parfois de vomissements ou d’hypotension
Certains auteurs préconisent l’utilisation de
bradycardie ou tachycardie, arythmies [47, 76].
chlorhydrate de diphénhydramine à raison
cardiaques, pouls fémoral impalpable,
Incompatibilité plaquettaire de 4 mg/kg per os, 20 à 40 minutes avant la
pâleur des muqueuses et allongement du
transfusion [3, 4, 76].
temps de recoloration capillaire, mydriase Ce type d’incompatibilité existe chez le
ou anisocorie, nystagmus horizontal, chat ou le chien mais il ne fait pas l’objet de
strabisme, syndrome de Claude Bernard- descriptions approfondies dans la littérature
Horner, allongement du temps de [47, 76] . Il est possible que, comme chez
ACCIDENTS D’ORIGINE
saignement, convulsions, opisthotonos, arrêt l’homme [80], l’aspect clinique soit quasi nul. NON IMMUNOLOGIQUE
cardiaque temporaire, miction ou défécation Néanmoins, c’est un des mécanismes qui
involontaires… L’insuffisance rénale aiguë, peut expliquer la disparition rapide des ACCIDENTS INFECTIEUX, TOXI-INFECTIEUX
bien connue chez l’homme, n’est pas décrite plaquettes transfusées. ET PARASITAIRES
chez le chat [35] . L’hémoglobinémie et
l’hémoglobinurie sont des signes biologiques Incompatibilité plasmatique
Accidents infectieux ou parasitaires
importants pour le diagnostic mais on ne les Il est également vraisemblable qu’à la
Différentes maladies infectieuses ou
observe qu’après transfusion d’au moins suite d’une transfusion les carnivores
parasitaires peuvent être transmises comme
10 mL de sang, contrairement aux autres domestiques soient capables de développer
la babésiose, l’ehrlichiose, la dirofilariose, la
symptômes qui sont indépendants de la une immunisation antiprotéine contre les
toxoplasmose, l’hémobartonellose, la leucose
quantité transfusée [35]. motifs antigéniques de différents types d’Ig.
féline, la péritonite infectieuse féline, le virus
En l’absence de protocole thérapeutique
Réactions anaphylactiques ou anaphylactoïdes de l’immunodéficience féline… Un cas de
clairement établi chez le chat, il est
transmission de Brucella canis par
recommandé d’arrêter la transfusion. Elles se manifestent le plus souvent par
transfusion est également rapporté dans la
L’animal doit être placé sous oxygène, des allergies peu graves mais parfois par un
littérature [60].
recevoir des corticoïdes (100 mg de choc anaphylactique. Ces accidents
succinate de méthylprednisolone) et un semblent plus fréquents lors d’utilisation de Le sang administré doit donc impérati-
traitement symptomatique. sang frais [77]. Plusieurs mécanismes sont vement être soumis à un contrôle biologique
invoqués comme le fait que le sujet sérieux.
ACCIDENTS IMMUNOLOGIQUES
NON HÉMOLYTIQUES transfusé, et par ailleurs allergique, reçoive
Administration de sang contaminé
un sang contenant l’allergène (un
Incompatibilité leucocytaire antibiotique par exemple) ou, inversement, C’est un accident redoutable.
De la même façon, il peut exister des l’administration de sang prélevé à un sujet Le sang conservé est un milieu facilement
incompatibilités immunologiques entre des allergique et transfusé à un patient en contaminé. Le plasma prend généralement
anticorps du receveur et les déterminants contact avec l’allergène [80] . Certains un aspect brun noirâtre.
TRANSFUSION SANGUINE CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT : ASPECTS PRATIQUES — 1300 13
Les sources de contamination sont Le tableau clinique se caractérise par une transfusion : piroplasmose, leptospirose,
multiples [3, 80] : dyspnée aiguë, une toux, une cyanose, une CIVD, anémie toxique à corps de Heinz,
– par le matériel de prélèvement : expectoration mousseuse, une tachycardie et etc.
matériel non stérile, contamination des d e s m o d i fi c a t i o n s r a d i o g r a p h i q u e s
solutions ACD ou CPD, etc ; caractéristiques. Hypothermie
– par le donneur : mauvaise préparation Après arrêt de la transfusion, le
du site de ponction, prélèvement en période Seule la transfusion d’importants
postprandiale avec bactériémie passagère, traitement fait appel à l’oxygénothérapie et volumes de sang froid est susceptible
infection cutanée, etc ; aux diurétiques par voie intraveineuse, plus d’entraîner une hypothermie. Le risque est
– lors du stockage : rupture dans la particulièrement le furosémide. toutefois relativement important chez les
chaîne du froid, réutilisation d’un flacon chiens de petite taille et les chats. Cet
entamé, etc. Accidents dus au citrate accident transfusionnel ne doit pas être sous-
Les bactéries à Gram négatif, plus estimé car il peut entraîner la mort.
Des intoxications par le citrate sont
particulièrement les Pseudomonas,
Citrobacter, Yersinia et différents coliformes, également possibles en cas de transfusion Sur un patient déjà hypothermique, la
sont le plus souvent en cause. Elles sont massive et rapide ou d’insuffisance hépatique transfusion de sang non réchauffé, même en
également responsables des accidents les plus (le citrate est détoxifié par le foie). Le risque quantité raisonnable, aggrave l’hypothermie,
graves [47, 65, 80]. Les bactéries anaérobies ne est majoré par l’hypothermie qui empêche augmente les dépenses énergétiques de
doivent pas être oubliées. une bonne détoxification du citrate [47, 79, 80]. l’organisme, perturbe considérablement le
La libération rapide d’endotoxine Les troubles rencontrés sont essentiellement métabolisme du citrate et diminue
entraîne une vasoconstriction des artérioles des arythmies cardiaques : extrasystoles considérablement la dissociation de
et veinules rénales, mésentériques et ventriculaires polymorphes, tachycardie l’oxyhémoglobine (cf supra).
pulmonaires. L’hypoperfusion et l’anoxie ventriculaire, voire fibrillation ventriculaire Il est donc impératif de réchauffer le sang
tissulaires sont alors responsables d’une évoluant vers un arrêt cardiocirculatoire. mais également de surveiller étroitement la
acidose lactique locale qui induit une température centrale et de réchauffer les
vasodilatation artériolaire alors que la Accidents liés à l’ion calcium animaux si nécessaire.
vasoconstriction des veinules est maintenue.
Il y a augmentation de la pression En présence d’ACD, la chélation du
calcium entraîne une diminution du Fièvre
hydrostatique, passage de plasma dans le
milieu interstitiel, diminution du volume calcium ionisé circulant, la seule forme Ce symptôme est associé à de nombreux
circulant et aggravation de l’anoxie biologiquement active. Une hypocalcémie accidents transfusionnels. Les causes
cellulaire [80]. peut apparaître, surtout en cas d’adminis- peuvent être multiples : incompatibilité
Le tableau clinique s’installe très peu de tration très rapide. Les symptômes leucocytaire, plaquettaire ou plasmatique,
temps après la transfusion. C’est celui du enregistrés sont des contractions musculaires hémolyse, sang contaminé, substances
choc septique : tremblements, douleurs involontaires et une action sur le myocarde pyrogènes, transmission de maladies
abdominales, vomissements, diarrhée, se traduisant à l’électrocardiogramme par un parasitaires… [3, 76, 77] . Les substances
hyperthermie, tachycardie, tachypnée et allongement de la systole électrique avec pyrogènes seraient essentiellement des
dyspnée. Une insuffisance rénale aiguë et augmentation de l’espace QT, sans anticorps antileucocytes mais leur
une CIVD peuvent se développer [80]. modification du ventriculogramme et de importance réelle chez le chien est
Le diagnostic de certitude peut être l’onde T. inconnue [49].
obtenu par examen microscopique du sang Le plus souvent, le taux de calcium revient
transfusé et mise en évidence d’un nombre rapidement à la normale à l’arrêt de la Thromboembolies pulmonaires
important de germes. Il faut également transfusion. En cas de transfusion massive, on
réaliser un examen bactériologique sur le Elles peuvent survenir si des agrégats de
peut injecter du chlorure de calcium à raison
sang transfusé ou une hémoculture sur le plaquettes, de fibrine et de leucocytes sont
de 1 mL pour 100 mL de sang citraté ou du
patient. présents dans le sang transfusé et mal filtrés
gluconate de calcium [3, 80]. [3, 4, 47].
Bien évidemment, la transfusion doit
être immédiatement interrompue.
Accidents hémorragiques
Hyperviscosité
ACCIDENTS NON INFECTIEUX Les accidents hémorragiques post-
En cas d’anémie aiguë, il ne faut pas
transfusionnels dus à la perte rapide de
Surcharge circulatoire vouloir faire remonter l’hématocrite au-delà
l’activité fonctionnelle des plaquettes ou à
de 0,30 à 0,35 L/L, faute de quoi
Comme lors de toute thérapeutique une diminution des facteurs de coagulation
l’augmentation de la viscosité peut nuire à la
liquidienne, la transfusion peut entraîner (V, VIII et IX) sont décrits chez l’homme et
une surcharge circulatoire. Il faut être perfusion capillaire [80].
le chien en cas de transfusion massive et
particulièrement méfiant chez les chats et les semblent être relativement mineurs [47, 80].
chiens de petite taille. Les risques sont accrus Hyperkaliémie
si le sujet est normovolémique avant la Accidents hémolytiques non immunologiques Cet accident rapporté chez l’homme
transfusion mais également en cas de semble exceptionnel chez le chien ou le chat.
cardiopathie ou de néphropathie. Ils peuvent être consécutifs à un mauvais
Dans ces espèces, la kalicytie érythrocytaire
Le mécanisme physiopathologique est stockage du sang (< 2 °C), un réchauffage
est beaucoup plus proche de la kaliémie [3, 35].
encore discuté : œdème aigu du poumon de excessif, au mélange avec des solutés
type hémodynamique ou de type lésion hypotoniques, à l’utilisation d’aiguilles ou
de cathéters de trop petit diamètre, mais Encéphalose hépatique
alvéolocapillaire par réaction d’hypersensi-
bilité secondaire à des anticorps anti- également à la coexistence d’autres maladies Si l’on observe une augmentation de
leucocytes [47, 80]. hémolytiques indépendantes de la l’ammoniémie dans le sang conservé, les
14 ANÉSTHÉSIE-RÉANIMATION 1300
risques d’aggravation chez les chiens l’apport abondant de fer par le sang CONCLUSION
présentant une encéphalose hépatique ne transfusé alors qu’il n’y a pas eu de perte
font pas l’unanimité [3, 47, 49]. sanguine avant la transfusion (cas des Il est heureux que l’on puisse utiliser de
anémies chroniques par exemple). façon courante du sang total frais ou conservé.
L’élimination du fer par l’organisme étant On ne peut que souhaiter que les dérivés
Surcharge en fer
très lente, il y a risque d’accumulation, de sanguins et les substituts transporteurs
Elle est décrite chez le chien [47] mais saturation des capacités de stockage et d’oxygène se développent et soient facilement
surtout chez l’homme [80]. Elle survient lors apparition d’une sidérose dont les disponibles, condition indispensable aux
de transfusions importantes et répétées. conséquences hépatiques, cardiaques et progrès de la réanimation médicale en
C’est une complication tardive due à endocriniennes peuvent être redoutables [80]. médecine vétérinaire.

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¶ 1500

Coup de chaleur
A. Colson, M. Gogny

Les organismes endothermes sont capables de maintenir constante la température de


leurs tissus profonds. La thermorégulation peut cependant être dépassée lors
d’importantes variations de la température ambiante. Le coup de chaleur est un
syndrome aigu, progressif et autoaggravant qui se rencontre surtout lors des périodes de
chaleur. Il est provoqué par une exposition excessive à un environnement chaud et
humide ; il en résulte une élévation brutale et extrême de la température corporelle.
Certaines races sont prédisposées, comme les brachycéphales, et des maladies
intercurrentes favorisent l’apparition du coup de chaleur, comme les maladies
cardiaques. Les capacités thermorégulatrices des organismes homéothermes s’en
trouvent rapidement perturbées, ce qui amène à de graves lésions à l’échelle cellulaire
puis à l’échelle de l’organisme. Les conséquences principales du coup de chaleur sont une
défaillance cardiorespiratoire, évoluant rapidement vers un choc hypovolémique et
cardiogénique, un dysfonctionnement du système nerveux central, une souffrance de
l’appareil digestif, des déséquilibres hydroélectrolytiques et acidobasiques sévères, un
état d’hypocoagulabilité et des lésions rénales. Un choc septique peut parfois compliquer
le tableau clinique. Le coup de chaleur est une urgence médicale. Sa prise en charge
repose avant tout sur le refroidissement de l’animal, une fluidothérapie adaptée, une
oxygénothérapie et un soutien des fonctions vitales. Le refroidissement doit même être
initié avant l’admission, par le propriétaire. Plus l’exposition à la chaleur a été longue,
plus le pronostic est sombre. La prise en charge en urgence repose d’abord sur un
refroidissement, une oxygénothérapie et une fluidothérapie massive. Malgré des mesures
thérapeutiques adaptées, des séquelles peuvent subsister, en particulier : lésions
permanentes du système nerveux central, lésions myocardiques irréversibles, insuffisance
hépatique et insuffisance rénale.
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Mots clés : Coup de chaleur ; Choc thermique ; Hyperthermie ; Température ;


Thermorégulation ; Urgence

Plan ¶ Diagnostic et conséquences physiopathologiques 5


Présentation clinique 5
¶ Introduction 2 Conséquences physiopathologiques 5
Examens biochimiques et hématologiques 6
¶ Physiologie de la thermorégulation 2
Endothermie et variations de la température corporelle 2 ¶ Traitement en urgence et monitorage 7
Notion de neutralité thermique 2 Consignes au propriétaire par téléphone 7
Centres et contrôle de la thermorégulation 2 Prise en charge en urgence 7
Échanges thermiques 3 Monitorage et suivi 8
Lutte contre l’hyperthermie 3 ¶ Pronostic 8
¶ Épidémiologie 4 ¶ Prévention 9
Classification et hiérarchisation des coups de chaleur 4
¶ Conclusion 9
Facteurs prédisposants et favorisants 4

Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 1
1500 ¶ Coup de chaleur

■ Introduction En deçà de cette zone de neutralité, l’organisme lutte


contre le froid et la thermogenèse prime sur la thermo-
Le coup de chaleur est un syndrome grave apparais- lyse. Au-delà de cette gamme, l’organisme lutte contre
sant dès que les capacités de régulation d’un organisme le chaud et la thermolyse augmente au détriment de la
endotherme, exposé à un environnement chaud et thermogenèse. Les températures limites de cette zone
humide, sont dépassées. de neutralité thermique sont appelées températures
critiques inférieure et supérieure.
Il existe des températures ambiantes à partir desquel-
■ Physiologie les les possibilités de thermorégulation sont dépassées :
de la thermorégulation il s’agit respectivement des températures létales infé-
rieure et supérieure (Fig. 1).
Certains auteurs ont rapporté qu’à partir d’une
Endothermie et variations température rectale de 42 °C le taux de survie était de
de la température corporelle 50 % avec une prise en charge thérapeutique adap-
L’endothermie désigne la capacité propre aux mam- tée [3] ; d’autres ont rapporté qu’à partir de 43 °C les
mifères et aux oiseaux de maintenir leur température lésions causées étaient irréversibles [4].
centrale malgré d’éventuelles variations thermiques
environnementales [1].
Si la température des homéothermes peut être main- Centres et contrôle
tenue, elle n’en est pas moins la même à tout instant de la thermorégulation
et dans toutes les parties de l’organisme. Néanmoins,
chaque espèce se caractérise par sa température corpo- De nombreux thermorécepteurs sont présents dans
relle moyenne, la référence étant, en pratique, la l’organisme, certains sensibles au chaud, d’autres au
température rectale. Chez le chien, la température froid. Les plus nombreux sont périphériques, mais la
corporelle moyenne est de 38,9 °C (37,9-39,9), tandis moelle épinière et l’hypothalamus sont aussi directe-
que chez le chat elle est de 38,6 °C (38,1-39,2) [2]. ment sensibles à la température sanguine [5].
Les centres de la thermorégulation sont hypothala-
Notion de neutralité thermique miques. Lorsque la température critique supérieure est
dépassée, les thermorécepteurs envoient des signaux à
Un équilibre permanent existe, dans l’organisme la région préoptique de l’hypothalamus (partie rostrale),
homéotherme, entre la production de chaleur (thermo- lequel déclenche des réactions afin d’abaisser la tempé-
genèse) et la perte de chaleur (thermolyse). rature corporelle. A contrario, lorsque la température
La neutralité thermique désigne une plage de tem- critique inférieure n’est plus atteinte, les thermorécep-
pératures ambiantes dans laquelle la thermolyse com-
teurs activent la partie caudale de l’hypothalamus afin
pense exactement la thermogenèse, soit un bilan calori-
d’augmenter la température corporelle [5].
fique nul.

Mort de Lutte contre le Neutralité Lutte contre le Coup de


froid froid thermique chaud chaleur

Pr
od
uc
tio
nd
Échanges thermiques

ec
ha
Ra leu
dia r
tio
n,
co
nd
uc Entretien
tio
n,
co
nv
ec
tio
n

Pertes de chaleur par évaporation

TLI TCI TCS TLS


Température ambiante
Figure 1. Diagramme des équilibres entre thermogenèse et thermolyse en fonction de la température ambiante. TLI : température
létale inférieure ; TCI : température critique inférieure ; TCS : température critique supérieure ; TLS : température létale supérieure.

2 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
Coup de chaleur ¶ 1500

Environnement Métabolisme
- Chaleur Facteurs prédisposants
- Humidité - Exercice
- Défaut de ventilation Augmentation de - Paralysie laryngée
la température - BAOS
corporelle - Maladies cardiaques
- Obésité
Activité musculaire - Affections du SNC
Hypothalamus

Vasodilatation Polypnée thermique


périphérique et
augmentation du débit
cardiaque
Pertes de chaleur par
évaporation

Augmentation de la
circulation sanguine
cutanée

Pertes de chaleur par


radiation, conduction
et convection

Figure 2. Réponse physiologique à l’hyperthermie [6]. BAOS : brachycephalic airway obstruction syndrome (syndrome brachycéphale) ;
SNC : système nerveux central.

Échanges thermiques profit via la sudation tandis que chez le chien, il s’agit
de la polypnée thermique. En effet, l’air sortant de la
Les pertes de chaleur font intervenir plusieurs phé- bouche et des cavités nasales se charge à chaque
nomènes physiques que sont la radiation, la conduc- passage de vapeur d’eau. Cependant, la polypnée
tion, la convection et l’évaporation (Fig. 2) [6]. requiert une activité intense de la part des muscles
La radiation, ou rayonnement, correspond aux ondes respiratoires, elle-même génératrice de chaleur. Par
électromagnétiques, essentiellement infrarouges, émises ailleurs, une atmosphère déjà saturée en vapeur d’eau
par la peau. (degré d’hygrométrie élevé) limite considérablement les
La conduction est un échange thermique principale- pertes calorifiques par évaporation.
ment entre deux solides, à condition qu’ils aient un
coefficient de conduction thermique suffisant. Ce
phénomène est utilisé chaque fois qu’un animal cher- Lutte contre l’hyperthermie
che à se coucher sur un sol frais. La conduction est
favorisée par une vasodilatation périphérique et une Diminution de la thermogenèse
élévation du rythme cardiaque. Dans la lutte contre l’hyperthermie, la production de
La convection est un échange thermique entre un chaleur (effet Joule) liée aux réactions métaboliques
solide et un fluide. L’air réchauffé par l’animal monte cellulaires est baissée jusqu’à sa valeur minimale
et emporte la chaleur ; ce mouvement renouvelle l’air (métabolisme d’entretien).
au contact de l’organisme et améliore l’élimination de Les réactions comportementales accentuent ce phé-
la chaleur. La ventilation d’un bâtiment ou le vent nomène, avec une baisse de l’activité motrice et de
jouent un rôle important dans les pertes calorifiques l’appétit.
d’un organisme ; ils contribuent également à abaisser le
degré hygrométrique autour de l’animal. Augmentation de la thermolyse
La radiation et la convection représentent plus de Les échanges thermiques précédemment cités per-
70 % des pertes calorifiques chez le chien et le chat. mettent à l’organisme de perdre de la chaleur.
Bien que la conduction ne représente que 3 % des Des réactions comportementales tendent à augmen-
pertes totales en chaleur chez l’être humain, on estime ter l’efficacité de ces échanges : recherche d’un endroit
que sa participation est beaucoup plus importante chez frais et ventilé, d’un sol humide et frais, étalement des
le chien [6]. Lorsque la peau est mouillée, la conduction membres (augmentation de la surface de contact), etc.
est environ cinq fois supérieure et l’élimination de Malheureusement, ces échanges peuvent s’inverser,
chaleur nettement accrue. en particulier si l’animal repose sur des surfaces brûlan-
L’eau demande une quantité non négligeable d’éner- tes (sièges de voiture par exemple). C’est la pire des
gie pour passer de l’état liquide à l’état gazeux, l’évapo- configurations : aucune thermolyse n’est possible et
ration. Chez l’être humain, cette propriété est mise à l’évolution défavorable est très rapide.

Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 3
1500 ¶ Coup de chaleur

Le système nerveux autonome met en place divers favorise l’augmentation de l’hygrométrie et le milieu
moyens pour favoriser les pertes calorifiques : vasodila- n’est pas, ou peu, ventilé. Une étude a montré que
tation périphérique, augmentation du débit cardiaque, 50 % des chiens hyperthermes emprisonnés dans une
hypersalivation, polypnée, etc. [5]. voiture dans laquelle la température est de 29 °C et le
taux d’hygrométrie est de 90 % ont un temps de survie
de 48 minutes [3].
■ Épidémiologie Un autre cas fréquent est celui du chien enchaîné
dans un enclos en ciment exposé au soleil. Dans ce cas,
le chien est victime de la radiation directe du soleil et,
Classification et hiérarchisation indirectement, du béton, et il est victime de transferts
des coups de chaleur caloriques du ciment vers son organisme.
Le coup de chaleur peut malheureusement aussi être
En médecine humaine, les maladies causées par la iatrogène ; c’est typiquement le cas de l’animal dysp-
chaleur sont classifiées selon leur sévérité. néique que l’on confine en cage à oxygène. En effet,
Les crampes de chaleurs (heat cramps) sont caractéri- l’accumulation de dioxyde de carbone (gaz à « effet de
sées par une forte déshydratation, des crampes muscu- serre ») et le confinement dans une cage à oxygène
laires et un déficit en sodium. Elles sont rarement favorisent l’augmentation de température et
diagnostiquées en médecine vétérinaire. d’hygrométrie.
L’épuisement par la chaleur (heat exhaustion) est
caractérisé par une léthargie et une incapacité à fournir Acclimatation
un effort.
Comme les êtres humains, les animaux tolèrent
La prostration provoquée par la chaleur (heat prostra-
mieux les hautes températures s’ils y sont habitués.
tion) est caractérisée par des céphalées, des vomisse-
On estime qu’il faut entre 7 et 21 jours à un être
ments, une tachycardie et de l’hypotension.
humain pour s’acclimater partiellement à un environ-
Le coup de chaleur (heatstroke) est le dernier degré et
nement chaud [7].
le plus grave. Il correspond à un état de choc provoqué
Il semble qu’il faille environ 10 à 20 jours à un
par la chaleur [6].
animal pour s’acclimater partiellement et 2 mois pour
En médecine vétérinaire, on préfère parler de « coup
s’acclimater en totalité [6, 8].
de chaleur classique » et de « coup de chaleur d’exer-
cice ». Ce dernier, le moins fréquent, concerne les Facteurs individuels
animaux de travail comme les chiens de course.
De nombreux facteurs individuels sont susceptibles
de favoriser l’apparition d’un coup de chaleur [6, 8-10].
Facteurs prédisposants et favorisants Les animaux jeunes ou âgés supportent moins bien
la chaleur, sans doute à cause d’une moins bonne
efficacité de la polypnée thermique et d’un contrôle
moins bon de la thermorégulation.

“ Points forts
Les animaux en situation d’insuffisance respiratoire
sont plus sensibles au coup de chaleur. Ainsi
reconnaît-on les races brachycéphales (bouledogue
français, bulldog anglais, boxer, etc.) [11], les chiens
Facteurs favorisant au coup de chaleur
atteints de paralysie laryngée (Labrador retriever,
• Endroit chaud, humide et mal ventilé
rottweiler, etc.) et les chiens atteints de collapsus
• Défaut d’acclimatation trachéal (Yorkshire terrier).
• Privation d’eau L’obésité est aussi un facteur prédisposant car les
• Syndrome brachycéphale, paralysie laryngée, lipides jouent leur rôle d’isolant thermique entre la
collapsus trachéal peau et les parties profondes de l’organisme. De la
• Maladies intercurrentes (cardiovasculaires, même façon, un pelage épais ou dense diminue l’élimi-
pyrogènes, etc.) nation de chaleur en milieu clos non ventilé. En
• Maladies du système nerveux central revanche, sous réserve d’une circulation d’air suffisante,
• Obésité il pourrait mieux protéger la peau du rayonnement
• Animal très jeune ou âgé solaire direct.
• Robe à poils longs, de couleur sombre Les animaux de couleur sombre supportent moins
bien l’exposition au chaud, puisqu’ils jouent le rôle de
corps noir et absorbent proportionnellement plus de
rayons infrarouges que des animaux de couleur plus
claire.
Facteurs environnementaux La prise d’un repas augmente la production de
Le coup de chaleur apparaît pendant des périodes chaleur métabolique ; en période chaude, il vaut donc
estivales de chaleur intense, surtout lorsque le degré mieux alimenter les animaux en début et en fin de
d’hygrométrie ambiant est élevé, et le plus souvent en journée.
milieu confiné. La privation d’eau est bien entendu un facteur
Chez les carnivores domestiques, le cas le plus aggravant, la déshydratation étant l’une des composan-
classique est celui du chien enfermé dans une voiture. tes du coup de chaleur. Il est fondamental de veiller à
L’animal est prisonnier d’un véhicule en stationnement mettre à disposition de l’animal, en permanence, de
en plein soleil ou bien coincé avec son propriétaire l’eau fraîche et renouvelée.
dans un important embouteillage en période de cani- Les maladies intercurrentes, notamment l’insuffi-
cule. Dans ces cas, la température monte rapidement sance cardiaque, affaiblissent les moyens de lutte contre
jusqu’à dépasser 45 °C, le faible volume de l’habitacle la chaleur.

4 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
Coup de chaleur ¶ 1500

D’autres états encore prédisposent au coup de cha- In fine, les troubles hémodynamiques et le stress
leur, comme la douleur, l’excitation, le stress, etc. cellulaire participent au développement de lésions
myocardiques et pulmonaires [6].

■ Diagnostic et conséquences Répercussions nerveuses


physiopathologiques Les neurones, notamment ceux du cortex cérébral et
les cellules de Purkinje du cervelet, sont particulière-
ment sensibles aux variations physicochimiques de leur
Présentation clinique environnement. Ces neurones possèdent néanmoins
Le coup de chaleur doit être suspecté dès que la une protection intrinsèque contre la chaleur grâce à la
température corporelle d’un animal atteint 41 °C, avec synthèse d’HSP [12].
des éléments anamnestiques en faveur [6]. Cependant, Les mécanismes conduisant à la formation de
la température rectale peut être normale ou subnor- l’œdème cérébral [13] ne sont pas clairement identifiés,
male, surtout si le propriétaire a entamé des procédures mais il semble que certains médiateurs (dopamine,
de refroidissement avant de venir en consultation (cf. sérotonine, interleukine 1, interleukine 6, tumor necrosis
infra). factor a, etc.) soient impliqués [14].
Le signe clinique le plus fréquent est la polypnée. Les Par ailleurs, l’hypotension systémique associée à une
muqueuses gingivales sont le plus souvent hyperhémi- situation d’hypertension intracrânienne, causées par
ques et sèches. Le temps de recoloration capillaire est l’œdème cérébral, diminue la pression de perfusion
généralement très rapide, voire indétectable (valeurs cérébrale, ce qui provoque une hypoxie du tissu nerveux.
usuelles : 1 à 2 secondes). Des études expérimentales montrent qu’une tempé-
Lors d’œdème cérébral, le niveau de conscience est rature corporelle de 41 °C cause déjà des lésions céré-
altéré (stupeur, voire coma) et les réflexes sont dimi- brales permanentes, à tel point que les centres
nués (hyporéflexies photomotrices par exemple). Il peut thermorégulateurs sont eux-mêmes lésés [6].
également être responsable de crises convulsives.
La présence de pétéchies sur les muqueuses et le Répercussions gastro-intestinales
revêtement cutané doit faire suspecter une coagulation et hépatiques
intravasculaire disséminée (CIVD) ; une tachycardie est
Lorsque l’hypotension systémique s’installe, la masse
toujours de rigueur à cause de l’hypovolémie [6, 8-10].
sanguine est redistribuée préférentiellement aux orga-
Enfin, la présence d’une diarrhée hémorragique est
nes nobles (cf. supra).
souvent le premier signe clinique d’un syndrome de
Le premier système à pâtir de cette situation est
défaillance multiorganique (multi-organic deficiency
l’appareil digestif. L’hypoperfusion intestinale provoque
syndrome [MODS]).
une diminution du péristaltisme, voire un iléus paraly-
tique, propice aux translocations bactériennes depuis la
Conséquences physiopathologiques lumière intestinale vers le sang et à l’installation d’une
endotoxémie [15].
Répercussions à l’échelle cellulaire Une dégénérescence vasculaire hépatocellulaire
associée à l’hyperthermie avec nécrose centrolobulaire
Les enzymes cellulaires fonctionnement toutes dans
a été rapportée chez l’homme et le chien [13].
une gamme de pH et dans une gamme de températures
spécifiques. En dehors de ces gammes, leur activité
diminue, voire s’arrête. Répercussions rénales
Les situations extrêmes d’hyperthermie sont de ce L’hypoperfusion rénale induit rapidement une insuf-
fait responsables de l’arrêt du métabolisme cellulaire à fisance rénale aiguë d’origine prérénale. De plus, la
l’origine de la mort et de la lyse des cellules. S’ensuit destruction des néphrons (nécrose tubulaire) à cause
alors une libération massive de produits de dégradation d’une trop forte température centrale peut être à
cellulaire, comme les radicaux libres. l’origine d’une insuffisance rénale aiguë, cette fois
Un mécanisme génétique existe néanmoins pour d’origine rénale [13]. Cliniquement, cela se traduit par
protéger les cellules. Sous l’effet d’une brusque aug- une oligoanurie, difficile à objectiver au début de la
mentation de la température, presque toutes les cellules prise en charge du coup de chaleur.
sont capables de synthétiser des protéines particulières
(heat shock proteins [HSP]). Les HSP protègent les autres Répercussions sanguines
protéines contre la chaleur et soutiennent la fonction
cardiovasculaire [10, 12]. Malheureusement, ce système La déshydratation extrême se traduit par une forte
de protection est très vite dépassé. hémoconcentration, l’hématocrite pouvant atteindre
82 % [6], ce qui augmente considérablement la viscosité
sanguine au point de provoquer des stases dans les
Répercussions cardiovasculaires vaisseaux capillaires, et donc de l’hypoxie [16]. Cette
et respiratoires stase contribue à la formation de microthrombi et
L’hyperthermie sévère provoque physiologiquement d’infarcissement des tissus [13].
une polypnée, une tachycardie et une vasodilatation Certains animaux peuvent également souffrir d’ané-
périphérique. Or, le coup de chaleur est responsable mie malgré l’hémoconcentration, vraisemblablement à
d’une forte déshydratation qui, associée à la vasodila- cause d’une diminution du temps de demi-vie des
tation, provoque une hypovolémie et une hypotension hématies, d’hémorragies dans le tube digestif et de
systémique. l’augmentation de la perméabilité vasculaire en cas de
Ces perturbations vasculaires induisent une redistri- CIVD [17].
bution de la masse sanguine vers les organes nobles en Par ailleurs, l’endothélium des capillaires et des
priorité. veines est particulièrement sensible aux agressions

Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 5
1500 ¶ Coup de chaleur

thermiques ; il en résulte une libération massive de Tableau 1.


facteurs thromboplastiques, comme la thromboplastine Analyses sanguines effectuées à l’admission chez 51 chiens
et le facteur de coagulation VIII, qui activent la cascade souffrant de coup de chaleur [10].
de la coagulation [17]. L’issue de cette cascade autoag- Paramètre Nombre Valeur Valeurs Intervalle
gravante est la CIVD. de chiens médiane limites de
référence
Répercussions musculaires Analyses biochimiques
La nécrose musculaire résulte tout d’abord directe- PAL (UI/l) 14 294 51-749 13-190
ment des fortes températures. La rhabdomyolyse libère, ALAT (UI/l) 18 136 45-1 810 10-70
entre autres, énormément de myoglobine dans le sang.
Urée (g/l) 19 0,54 0,26-7,14 0,11-0,50
Cette protéine, particulièrement néphrotoxique, ne fait
Créatinine 51 13,2 0,5-80,0 5,0-15,0
qu’aggraver les lésions rénales déjà présentes [18].
(mg/l)
Ces lésions musculaires sont beaucoup plus impor-
Glucose 24 0,49 0,10-2,00 0,65-1,03
tantes lors de coup de chaleur d’exercice, comparé au
(g/l)
coup de chaleur classique.
Enfin, la rhabdomyolyse peut être exacerbée lors de Protéines 12 61,5 43,0-88,0 55,0-75,0
totales (g/l)
convulsions provoquées par l’œdème cérébral.
Albumine 14 28,6 22,5-45,0 26,0-40,0
(g/l)
Examens biochimiques CPK (UI/l) 14 7 350 6-2 390 34-360
et hématologiques Ionogramme
Sodium 39 152 47-163 140-155
Examen biochimique sanguin (mmol/l)
Plus l’exposition à l’hyperthermie a duré, plus les Potassium 39 3,9 2,2-5,7 3,8-5,6
paramètres biochimiques sanguins sont modifiés. Un (mmol/l)
examen biochimique sanguin complet doit être effectué Chlorure 3 118 115-141 102-117
pendant la prise en charge du coup de chaleur et répété (mmol/l)
régulièrement afin de détecter les systèmes les plus Calcium 12 89 58-120 85-113
défaillants. Le Tableau 1 rassemble des analyses sangui- total (mg/l)
nes réalisées chez 54 chiens admis pour coup de Phosphate 12 42 14-271 26-58
chaleur [10]. (mg/l)
Une hyperazotémie signe une insuffisance rénale. La Analyses hématologiques
cytolyse hépatique se traduit biochimiquement par une Thrombo- 50 104 0-614 150-500
augmentation de la concentration sérique en cytes
alanine-aminotransférase. (105/mm3)
Une augmentation des concentrations plasmatiques Hémoglobi- 51 191 132-241 120-180
en créatine-phosphokinase et en aspartate-amino- némie (g/l)
transférase est le reflet d’une rhabdomyolyse intense. Leucocytes 49 8,9 1,31-41 6-17
Enfin, une hypoprotéinémie et une hypoalbuminé- (103/mm3)
mie traduisent une défaillance hépatique et/ou une
PAL : phosphatases alcalines ; ALAT : alanine-aminotransférase ; CPK :
perte dans la lumière intestinale. Toutes deux sont créatine-phosphokinase.
associées à un pronostic sombre.

Examen biochimique urinaire Le dosage des lactates permet d’avoir une idée du
L’examen biochimique des urines peut fournir de pronostic vital immédiat. La lactatémie normale est
nombreux renseignements utiles. Une densité urinaire inférieure à 1 mmol/l chez le chat et comprise entre
très élevée (supérieure à 1,060) est compatible avec une 0,5 et 3,0 mmol/l chez le chien. Elle varie très rapide-
insuffisance rénale aiguë. ment et doit être suivie au cours de la réanimation.
Une couleur marron des urines est évocatrice de L’ionogramme met presque toujours en évidence une
myoglobinurie, reflet d’une hypermyoglobinémie et hypernatrémie, secondaire à la déshydratation, associée
donc d’une rhabdomyolyse importante [17]. le plus souvent à une hyperkaliémie modérée. Une
Enfin, une glucosurie sans hyperglycémie signe une hypophosphatémie et une hypocalcémie sont classi-
tubulopathie (nécrose tubulaire). ques ; leur mécanisme n’est pas encore connu [10, 17].

Gazométrie sanguine et ionogramme Numération-formule sanguine, frottis


L’idéal est de mettre en place un cathéter artériel afin sanguin, temps de coagulation
de doser les gaz dans le sang artériel. À défaut, l’analyse La déshydratation provoque le plus souvent une
des gaz du sang veineux fournit des renseignements forte hémoconcentration ; cependant, chez certains
très utiles au clinicien. animaux, il est possible de noter une anémie, provo-
Lors de la polypnée, l’organisme rejette de grandes quée par une érythrolyse sous l’effet de la chaleur.
quantités de dioxyde de carbone (CO2), ce qui induit Une leucocytose modérée est très fréquente. Néan-
une hypocapnie à l’origine d’une alcalose respiratoire. moins, dans des cas très sévères, il est possible d’obser-
Cependant, l’hypoxie généralisée force les cellules à ver une leucopénie.
utiliser l’anaérobiose pour produire leur énergie. Ce Les thrombocytes sont les cellules sanguines les plus
métabolisme anaérobie produit de l’acide lactique sensibles à la chaleur, ce qui se traduit par une throm-
comme déchet, ce qui provoque une acidose métaboli- bopénie à l’examen hématologique, d’autant plus
que majeure, mal supportée par les cellules. sévère s’il y a des saignements digestifs [17].

6 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
Coup de chaleur ¶ 1500

Le frottis sanguin peut permettre de constater la


présence de schizocytes, signe de CIVD, ou encore celle
d’érythroblastes. En effet, lorsque l’érythrolyse est
importante, la moelle osseuse décharge dans le courant
sanguin circulant de grandes quantités d’hématies 2
immatures nucléées [19, 20]. 1
Un allongement des temps de coagulation, à savoir
le temps de Quick, le temps de céphaline activée et le
temps de thrombine, sont fortement évocateurs d’une 4
CIVD.

■ Traitement en urgence
et monitorage 3

Consignes au propriétaire Figure 3. Mesures de refroidissement chez un bouledogue


par téléphone français admis en urgence pour coup de chaleur (cliché du
service d’urgences © ONIRIS). 1. Linge imbibé d’eau froide ;
Lorsque le propriétaire téléphone au cabinet vétéri- 2. système de refroidissement chimique (Articare Cold Pack®) ;
naire pour lui communiquer une anamnèse compatible 3. compresses imbibées d’alcool nouées autour des coussinets ;
avec un coup de chaleur, il est fondamental de lui 4. fluidothérapie.
fournir les consignes nécessaires au refroidissement de
son animal : l’envelopper d’un linge imbibé d’eau
fraîche, le transporter dans un véhicule muni d’une
climatisation ou bien les fenêtres ouvertes, etc.
péritonéal, à l’eau fraîche [21-25]. Ces procédés sont
En effet, les chances de survie de l’animal sont
longs, laborieux, parfois invasifs, et ne sont pas prati-
d’autant meilleures que le refroidissement est entrepris
ques pour assurer le monitorage.
précocement (cf. infra) [10].
Le refroidissement ne doit pas être trop rapide : il est
fortement déconseiller d’utiliser des pains de glace ou de
Prise en charge en urgence l’eau glacée. En effet, le contact avec l’eau glacée provo-
que une vasoconstriction périphérique, laquelle freine les
Les mesures thérapeutiques décrites ci-dessous doi- échanges thermiques et favorise la CIVD [8, 17, 26].
vent être initiées le plus rapidement possible, presque Cependant, il est possible d’utiliser des systèmes de
simultanément, avant même d’avoir les résultats refroidissement rapide. Ils utilisent une réaction forte-
d’analyse. ment endothermique entre deux produits chimiques
que l’on mélange (Articare Col Pack®). Ils sont très
froids mais leur action est de courte durée (quelques
minutes) et sont particulièrement intéressants pour
refroidir des zones peu accessibles, comme la tête.
“ Points forts Les mesures de cryothérapie doivent être arrêtées
lorsque la température rectale de l’animal passe en
dessous de 40 °C, afin de ne pas provoquer une hypo-
Mesures de réanimation
thermie [8, 17].
• Cryothérapie (linge imbibé d’eau froide, bain
d’eau froide)
• Fluidothérapie intensive Oxygénothérapie
• Oxygénothérapie L’animal doit être correctement oxygéné pour dimi-
• Monitorage continu et complet nuer le métabolisme anaérobie et la production d’acide
• Soutien des fonctions vitales lactique [8, 17].
Plusieurs possibilités s’offrent au clinicien : la sonde
nasale, la sonde nasotrachéale, les lunettes nasales ou
mieux la sonde endotrachéale. Ces systèmes sont alors
connectés à un concentrateur à oxygène ou mieux à un
Cryothérapie appareil d’anesthésie gazeuse qui délivre de l’oxygène
Plus l’animal est exposé à de fortes températures, pur. Il est bien entendu exclu de placer l’animal en
plus ses chances de survie s’amenuisent. Plusieurs cage à oxygène.
protocoles de refroidissement ont été décrits par divers Selon l’état clinique de l’animal et son niveau de
études. conscience, plusieurs molécules sédatives sont utilisa-
Le plus simple et le plus rapide est d’envelopper bles pour l’intubation endotrachéale ; le but n’est pas
l’animal dans un linge imbibé d’eau fraîche, de le une anesthésie générale profonde mais une contention
doucher à l’eau froide ou encore de l’immerger dans un chimique flash.
bain d’eau fraîche. En association avec cette méthode, Si l’animal est comateux, l’intubation peut être
il est possible de nouer des compresses imbibées réalisée vigile. S’il est stuporeux ou semi-comateux,
d’alcool autour des coussinets (Fig. 3). l’utilisation de benzodiazépines (diazépam ou midazo-
Plusieurs protocoles de cryothérapie ont été propo- lam) à la dose de 0,2 à 0,5 mg/kg par voie intravei-
sés : lavages gastriques, lavements rectocoliques, lavage neuse, peut suffire.

Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 7
1500 ¶ Coup de chaleur

Si l’animal est conscient, le clinicien peut avoir Médicaments à proscrire


recourt à un bolus intraveineux de propofol à la dose
Les a2-agonistes (médétomidine, dexmédétomidine,
de 5 à 7 mg/kg, d’alfaxalone à la dose de 1 à 2 mg/kg
etc.) sont fortement contre-indiqués en situation
ou encore d’étomidate à la dose de 2 mg/kg.
d’hypovolémie, d’hypotension, d’arythmie, d’insuffi-
sance rénale et d’état de choc. En effet, ils provoquent
Fluidothérapie une bradycardie et une hypotension.
Les phénothiazines (acépromazine, L-mépromazine,
L’état de choc provoqué par l’hypovolémie et
etc.) et les butyrophénones (dropéridol, halopéridol)
l’hypotension systémique justifie la perfusion intravei-
sont aussi à proscrire ; en effet, ils sont hypotenseurs et
neuse de grands volumes de solutés : de 60 à 70 ml/
leur durée d’action est trop longue (quelques heures).
kg/h chez le chat et 80 à 90 ml/kg/h chez le chien de
Compte tenu de leurs effets délétères sur les reins et
Ringer lactate ou bien du chlorure de sodium à 0,9 %
le tube digestif, les anti-inflammatoires non stéroïdiens
en première intention. Après environ une heure de
ne doivent pas être utilisés [8, 17, 27].
fluidothérapie massive, le débit est adapté en fonction
Le recours à la corticothérapie massive (hémisucci-
de l’état d’hydratation de l’animal, de son état clinique
nate de méthylprednisolone à 30 mg/kg, phosphate
et de sa pression artérielle [8, 17].
sodique de dexaméthasone à 5 mg/kg) est actuellement
Lorsque l’animal présente une hypoalbuminémie et
largement controversé. En effet, leurs effets secondaires
une hypotension artérielle, il faut privilégier l’adminis-
in vivo (immunosuppression, pancréatite, ulcères
tration de colloïdes, comme l’hydroxyéthylamidon
gastroduodénaux, dépression de l’axe hypothalamo-
(Voluven ® ), à une dose de 20 à 40 ml/kg par voie
hypophyso-corticotrope, etc.) sont trop importants et
intraveineuse répartie sur 24 heures.
assombrissent le pronostic vital à moyen terme [28].
Toute suspicion d’œdème cérébral justifie l’utilisation
Néanmoins, les glucocorticoïdes peuvent être adminis-
de mannitol, à la dose de 0,5 à 1 g/kg par voie intra-
trés à doses dites « classiques » (respectivement 0,5 à
veineuse sur 20 minutes, répétable toutes les 4 à
1 mg/kg et 0,1 à 0,2 mg/kg) pour leur effet hypergly-
6 heures, ou de chlorure de sodium hypertonique à
cémiant, en cas de nécessité.
7,5 % à la dose de 2 à 5 ml/kg par voie intraveineuse,
en remplacement des autres solutés. Le mannitol a
également l’avantage de piéger les radicaux libres [8, 17]. Monitorage et suivi
Si une CIVD, ou du moins un état d’hypocoagulabi- En urgence, le monitorage doit être continu et
lité, est suspectée, le meilleur des traitements est la comprend :
transfusion de sang totale, qui apporte des plaquettes et • un électrocardiogramme ;
des facteurs de coagulation [8]. La transfusion de sang • une capnométrie (EtCO2) ;
total est possible si l’état d’hydratation est correct. • une oxymétrie pulsée (SpO2) ;
Certains auteurs préconisent l’héparinothérapie, à la • un suivi de la pression artérielle non invasive, ou
dose de 100 UI/kg, mais elle est le plus souvent mieux invasive, via un cathéter artériel ;
déconseillée. • un suivi thermométrique via une sonde thermique
placée dans le rectum ou l’œsophage.
Médicaments de seconde intention La pose d’une sonde urétrale à demeure connectée à
un système de collecte des urines permet de quantifier
Une fois les mesures précédemment décrites instau-
la diurèse. Si elle est inférieure à 1-2 ml/kg/h, l’animal
rées, d’autres médicaments peuvent être utilisés, selon
doit être considéré comme oligoanurique, et donc en
l’état clinique, les analyses sanguines et le monito-
situation d’insuffisance rénale aiguë, justifiant l’admi-
rage [8, 17].
nistration de diurétiques (furosémide et/ou mannitol).
Une légère sédation est parfois nécessaire en cas Un suivi biochimique régulier doit être effectué afin
d’excitation. Dans ce cas, le plus sûr est probablement de rendre compte de l’efficacité des mesures de réani-
le butorphanol, à la dose de 0,2 à 0,5 mg/kg, et/ou les mation mises en place et de vérifier les fonctions
benzodiazépines (diazépam, midazolam). En revanche, organiques, en particulier des mesures régulières de la
les a2-agonistes, les phénothiazines et les butyrophéno- glycémie et de la lactatémie.
nes sont à proscrire (cf. infra). Le fentanyl est égale- Enfin, l’évolution des signes nerveux peut être
ment à éviter, car trop dépresseur respiratoire. surveillée via l’échelle de Glasgow modifiée [29].
Les troubles du rythme supraventriculaire sont traités
par bolus intraveineux de lidocaïne à la dose de 1 à
2 mg/kg, puis en perfusion intraveineuse continue au
débit de 30 à 60 µg/kg/min chez le chien, et 15 à 30
■ Pronostic
µg/kg/min chez le chat. La lidocaïne permettrait en En règle générale, plus l’animal a été exposé à une
même temps de piéger les radicaux libres. forte hyperthermie, plus le pronostic est sombre. Le
Une chute de la pression artérielle peut nécessiter taux de survie a été rapporté de 64 % chez le chien
l’administration de dobutamine en perfusion continue dans une étude [9]. Par ailleurs, chez les animaux qui
au débit de 5 à 10 µg/kg/min. décèdent, la mort intervient dans les premières 24 heu-
L’hypoglycémie doit être traitée par l’administration res d’hospitalisation [9].
intraveineuse lente de glucose, à la dose de 0,5 g/kg. Une étude tend à montrer que la présence d’héma-
Si une acidose métabolique sévère (pH < 7,2) persiste ties immatures nucléées (érythroblastes) dans le sang
après les mesures de réanimation, du bicarbonate de est un facteur péjoratif, surtout si elle persiste après les
sodium peut être administré à la dose de 1 à 2 mmol/l procédures de réanimation [20].
par voie intraveineuse sur 20 à 30 minutes. L’hypoglycémie est également un élément péjoratif
Enfin, il est conseillé d’avoir recours à une antibio- . pour le pronostic. De même, une aggravation des signes
thérapie à large spectre afin de lutter contre les bacté- nerveux (score de Glasgow modifié de plus en plus
ries issues de translocations depuis les intestins [8, 15, 17]. bas) [29] est associée à un taux de mortalité élevé [20].

8 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
Coup de chaleur ¶ 1500

Enfin, la présence de myoglobine dans les urines [4] Holloway SA. Heatstroke in dogs. Compend Contin Educ
permet de s’attendre à une insuffisance rénale aiguë. Pract Vet 1992;14:1598-604.
De nombreux critères sont associés à un pronostic [5] Barone R, Bortolami R. Anatomie comparée des mammifè-
sombre [17]. res domestiques. Tome 6. Neurologie I. Système nerveux
central. Paris: Vigot; 2004.
[6] Flournoy WS, Wohl JS, Macintire DK. Heatstroke in dogs:
pathophysiology and predisposing factors. Compend Contin

“ Points forts [7]


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• Coma à l’admission ou aggravation des signes [8] Johnson SI, McMichael M, White G. Heatstroke in small
nerveux au cours de la réanimation animal medicine : a clinical practice review. J Vet Emerg Crit
• Hypothermie à l’admission Care 2006;16:112-9.
[9] Drobatz KJ, Macintire DK. Heat-induced illness in dogs : 42
• Hyperlactatémie persistante malgré la
cases (1976 – 1993). J Am Vet Med Assoc 1996;209:1894-9.
réanimation
[10] Bruchim Y, Klement E, Saragusty J, Finkeilstein E, Kass P,
• Hypoglycémie persistante Aroch I. Heat stroke in dogs : a retrospective study of 54
• Hyperazotémie persistante malgré une cases (1999 – 2004) and analysis of risk factors for death.
fluidothérapie adaptée J Vet Intern Med 2006;20:38-46.
• Signes de CIVD [11] Koch DA, Arnold S, Hubler M, Montavon PM.
• Hypotension réfractaire Brachycephalic syndrome in dogs. Compend Contin Educ
• Arythmie ventriculaire Pract Vet 2003;25:48-55.
• Hypoprotéinémie persistante [12] Oglesbee MJ, Alldinger S, Vasconcelos D, Diehl KA,
• Difficultés respiratoires, œdème pulmonaire Shinko PD, Baumgärtner W, et al. Intrinsic thermal resistance
• Oligoanurie persistante malgré une of the canine brain. Neurosci 2002;113:55-64.
fluidothérapie adaptée (mannitol, furosémide). [13] Bruchim Y, Loeb E, Saragusty J, Aroch I. Pathological
findings in dogs with fatal heatstroke. J Comp Pathol 2009;
140:97-104.
[14] Lin MT. Heatstroke-induced cerebral ischemia and neuronal
■ Prévention damage. Involvement of cytokines and monoamines. Ann N
Y Acad Sci 1997;813:572-80.
Le propriétaire doit être informé sur les mesures à [15] Graber CD, Reinhold RB, Breman JG, Harley RA,
adopter pour éviter un coup de chaleur : Hennigar GR. Fatal heat stroke. Circulating endotoxin and
• éviter d’enfermer son animal dans un endroit mal Gram-negative sepsis as complications. JAMA 1971;216:
ventilé susceptible d’être exposé au soleil (véhicule, 1195-6.
véranda, enclos en béton, etc.) ; [16] Hall DM, Baumgardner KR, Oberley TD, Gisolfi CV.
• donner les repas le matin et/ou le soir ; Splanchnic tissues undergo hypoxic stress during whole
• faire les promenades et les exercices plutôt en début body hyperthermia. Am J Physiol Gastrointest Liver Physiol
de matinée ou en début de soirée. 1999;276:G1195-G1203.
Les propriétaires d’animaux à risque (races brachy- [17] Flournoy WS, Wohl JS, Macintire DK. Heatstroke in dogs:
céphales, maladies intercurrentes, animaux très jeunes clinical signs, treatment, prognosis, and prevention.
ou âgés) doivent être avertis de la dangerosité du coup Compend Contin Educ Pract Vet 2003;25:422-31.
de chaleur. [18] Tan W, Herzlich BC, Funaro R, Koutelos K, Pagala M,
Enfin, il est conseillé de corriger chirurgicalement les Amaladevi B, et al. Rhabdomyolysis and myoglobinuric
animaux atteints d’un syndrome brachycéphale avant acute renal failure associated with classic heatstroke. South
les périodes chaudes [11]. Med J 1995;88:1065-8.
[19] Stachon A, Segbers E, Holland-Letz T, Kempf R, Hering S,
Krieg M. Nucleated red blood cells in the blood of medical
■ Conclusion intensive care patients indicate increased mortality risk : a
retrospective cohort study. Crit Care 2007;11:R62.
Le coup de chaleur est une maladie dont le pronostic [20] Aroch I, Segev G, Loeb E, Bruchim Y. Peripheral nucleated
vital à court terme et à moyen terme est réservé. La red blood cells as a prognostic indicator in heatstroke in dogs.
prise en charge en urgence doit être entreprise le plus J Vet Intern Med 2009;23:544-51.
tôt possible et être la plus efficace possible. La préven- [21] Syverud SA, Barker WJ, Amsterdam JT, Bills GL,
tion du coup de chaleur reste bien sûr le moyen « thé- Goltra DD, Armao JC, et al. Iced gastric lavage for treatment
rapeutique » le plus efficace. of heatstroke : efficacy in a canine model. Ann Emerg Med
.
1985;14:424-32.
[22] Graham BS, Lichtenstein MJ, Hinson JM, Theil GB.
■ Références Nonexertional heatstroke. Physiologic management and
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Reece WO, editor. Physiology of domestic animals. [24] White JD, Riccobene E, Nucci R, Johnson C, Butterfield AB,
Baltimore: William & Wilkins company; 1997. p. 334-41. Kamath R. Evaporation versus iced gastric lavage treatment
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Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 9
1500 ¶ Coup de chaleur

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Indications and contraindications for pain management in Philadelphia: Lippincott Williams & Wilkins; 2005.
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within 14 days in 10 008 adults with clinically significant 2006.
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J Vet Intern Med 2001;15:581-4. Veterinary Association; 1999.

A. Colson, DMV, assistant hospitalier ([email protected]).


Service d’urgences – soins intensifs, École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l’alimentation Nantes-Atlantique – ONIRIS, BP
40706, 44307 Nantes cedex 03, France.
M. Gogny, Professeur.
Unité de physiologie, pharmacodynamie, thérapeutique, École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l’alimentation
Nantes-Atlantique – ONIRIS, BP 40706, 44307 Nantes cedex 03, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Colson A., Gogny M. Coup de chaleur. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Vétérinaire,
Anesthésie-réanimation, 1500, 2011.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

10 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
 AN 2100

Choc hypovolémique et choc


septique
F. Roux, J.-P. Pagès, J. Crochemore, J.-Y. Deschamps

L’état de choc correspond à une inadéquation entre les apports et les besoins tissulaires
en oxygène. Il est presque toujours secondaire à une défaillance hémodynamique. La
connaissance de la physiopathologie des différents états de choc permet une prise en
charge adéquate. L’hypovolémie est présente dans la plupart des états de choc, choc
cardiogénique excepté. Le traitement du choc hypovolémique passe par une correction
rapide et durable de la volémie par un remplissage vasculaire. La connaissance de la
pharmacologie des solutés permet de prédire leur comportement et de choisir le soluté
approprié. La restauration d’une hémodynamique normale est souvent associée à un bon
pronostic. Le choc septique est caractérisé par une infection associée à une défaillance du
système cardiovasculaire pouvant conduire à une hypovolémie. L’exposition aux lésions
de reperfusion est augmentée lorsque cet état de choc se prolonge, ce qui aggrave le
risque de défaillance multiviscérale. La prise en charge initiale de l’état de choc septique
est une urgence. Elle associe un traitement étiologique de l’infection et un traitement
symptomatique de l’hypovolémie. Le remplissage vasculaire demeure un aspect fonda-
mental du traitement et sa mise en route fait partie des soins de réanimation d’urgence.
La connaissance précise des caractéristiques, effets bénéfiques et secondaires des solutés
est donc primordiale.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Choc hypovolémique ; Choc septique ; Sepsis ; Fluidothérapie ;


Remplissage vasculaire ; Cristalloïdes ; Colloïdes

Plan ■ Choc septique 11


Définitions 11
■ Définition des états de choc 1 Prise en charge et traitement du sepsis 12
■ Conclusion 13
■ Classification des états de choc 2
Choc hypovolémique 2
Choc septique 2
Choc cardiogénique 2
■ Physiopathologie des états de choc 2  Définition des états de choc
Mécanismes physiologiques généraux 2
Conséquences des altérations hémodynamiques 3 Le choc se définit comme une défaillance cardio-
vasculaire non spontanément réversible aboutissant à
■ Choc hypovolémique 4 l’incapacité de l’organisme à délivrer suffisamment
Étiologie des hypovolémies 4 d’oxygène aux tissus [1] . Les causes en sont un défi-
Diagnostic des hypovolémies 4 cit volumique, une défaillance myocardique ou une
Traitement des hypovolémies 5 modification du tonus des vaisseaux. En l’absence de trai-
Gestion d’une hypovolémie 8 tement, les états de choc évoluent systématiquement vers
la mort ; le pronostic dépend de l’étiologie et de la rapidité
du traitement.

EMC - Vétérinaire 1
Volume 9 > n◦ 2 > mai 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1283-0828(12)24946-4
AN 2100  Choc hypovolémique et choc septique

Tableau 1.
Les différents états de choc.
Type de choc Volémie Fonctionnement Résistances Exemple Pronostic
myocardique vasculaires
Choc hypovolémique Diminuée Normal Normales Hémorragies Bon si traitement
Déshydratations sévères précoce
Choc septique Normale à diminuée Normal à diminué Diminuées : Perforation intestinale Mauvais
vasodilatation
Choc cardiogénique Normale Insuffisant Normales Cardiomyopathie Mauvais
décompensée

 Classification des états guin adapté aux besoins en oxygène. Chez l’homme, il
s’agit le plus souvent d’un infarctus myocardique étendu.
de choc Chez les carnivores domestiques, il s’agit le plus souvent
d’une cardiomyopathie décompensée ou plus rarement
Les états de choc sont la conséquence d’une défaillance d’une arythmie sévère empêchant une contraction myo-
d’un ou plusieurs des constituants de l’appareil cardiovas- cardique efficace, par exemple une tachyarythmie très
culaire [1] : le volume circulant (choc hypovolémique), le rapide. Une autre cause est la tamponnade cardiaque.
cœur (choc cardiogénique) ou les vaisseaux (choc distri- Il peut également exister dans le cœur un obstacle à
butif dont le modèle est le choc septique). L’hypovolémie l’éjection du sang, par exemple lors d’une valvulopathie
est la perturbation le plus souvent rencontrée dans les sténosante ou d’une tumeur intracardiaque.
états de choc ; elle peut être déterminante (cas du choc Le pronostic des chocs cardiogéniques est mauvais.
hypovolémique) ou constituer une composante du choc La tamponnade cardiaque est de bon pronostic à court
(cas du choc septique). terme après ponction péricardique.
Il n’est pas question du choc cardiogénique dans le
développement qui va suivre ; seuls les chocs hypo-
Choc hypovolémique volémique et septique sont abordés dans cet article
(Tableau 1).
Le choc hypovolémique est le plus fréquent des chocs
rencontrés en médecine vétérinaire. Dans ce modèle
de choc, le volume circulant est insuffisant mais la
pompe cardiaque est performante et il n’y a pas de dys-  Physiopathologie des états
fonctionnement vasculaire. L’hypovolémie est le plus
souvent absolue (déficit en liquide), c’est le cas lors de
de choc
perte de sang total (hémorragie, digestive ou trauma- Mécanismes physiologiques généraux
tique) ou de perte d’eau (diarrhée profuse, vomissements
incoercibles, diurèse excessive, etc.). L’hypovolémie peut Pour mieux comprendre le concept d’état de choc ou
également être relative (les liquides sont présents mais d’insuffisance circulatoire aiguë, il convient de rappeler
non disponibles), c’est le cas lors de la constitution d’un les composants du système hémodynamique [1] :
troisième secteur (cas des occlusions) ou en cas d’obstacle • le volume intravasculaire, ou volémie, qui détermine
le long du système cardiovasculaire (cas du syndrome le retour veineux (ou précharge) ;
dilatation-torsion de l’estomac durant lequel la dilatation • le cœur, dont le débit (DC) est fonction de la fréquence
de l’estomac comprime la veine cave caudale et gêne le cardiaque (FC) et du volume d’éjection systolique
retour veineux). Si le traitement est précoce, le pronostic (VEs) : DC = FC × VEs ;
des chocs hypovolémiques est favorable. • le circuit de résistance, formé par les artérioles, qui
détermine la postcharge, encore appelée résistances
vasculaires systémiques (RVS) ;
Choc septique • le système de capacitance veineuse, formé de veines de
moyen calibre et de grosses veines, incluant la veine
Le choc septique est le modèle du choc distributif. Lors
cave, qui constitue un réservoir sanguin (environ 70 %
d’un choc distributif, le volume circulant est normal, la
à 80 % du sang total). Les modifications de la compli-
fonction myocardique est elle aussi normale, mais les
ance veineuse régulent la capacitance qui, à son tour,
résistances vasculaires périphériques sont abaissées à la
régule le volume circulant effectif.
suite d’une défaillance de la réponse vasculaire périphé-
La pression artérielle (PA) est déterminée par le débit
rique (augmentation de la vasodilatation) induite par des
cardiaque et les RVS (Fig. 1) :
médiateurs de l’inflammation produits en réaction à des
PA = DC × RVS = FC × VEs × RVS
agents infectieux. Les autres causes de dysrégulation du
L’apport en oxygène (O2 ) est fonction du débit car-
tonus vasculaire sont des affections cérébrales (trauma-
diaque, de l’hémoglobinémie et de la saturation de
tisme crânien, coma anoxique, hémorragie cérébrale),
l’hémoglobine en O2 :
et le choc anaphylactique (piqûre d’insectes, réaction
apport en O2 (DaO2 ) (mlO2 /min) = débit cardiaque
médicamenteuse). Le pronostic des chocs distributifs est
(l/min) × concentration en hémoglobine (g/litre) × 1,31
variable : le choc septique est de mauvais pronostic, le
(mlO2 /gHb) × % de saturation de l’Hb.
choc anaphylactique est de bon pronostic.
L’état de choc résulte du dysfonctionnement d’un ou
plusieurs maillons de cette chaîne.
Choc cardiogénique L’hypotension artérielle est une composante
commune de tous les états de choc.
Le choc cardiogénique est un type de choc dans lequel De manière générale, il y a une baisse de débit
la pompe cardiaque est incapable d’assurer un débit san- cardiaque liée soit à un déficit volémique (choc

2 EMC - Vétérinaire
Choc hypovolémique et choc septique  AN 2100

Figure 1. Principaux déterminants de la


Résistances pression artérielle (PA) et des apports en
Résistances vasculaires
systémiques oxygène (DaO2). VES : volume d’éjection
Postcharge systolique ; FC : fréquence cardiaque ;
SaO2 : saturation en O2 ; PaO2 : pression
PA partielle en O2.
Contractilité
VES
Débit cardiaque Précharge
FC
DaO2

Hémoglobine, SaO2, PaO2

hypovolémique), soit à un déficit de contractilité myo- Augmentation de la perméabilité


cardique (choc cardiogénique), soit à une diminution des vasculaire
RVS (choc vasoplégique comme le choc septique). Tous
les états de choc, au stade ultime, aboutissent à un choc L’hypoperfusion tissulaire entraîne également un
vasoplégique. Certains états de choc combinent plusieurs remaniement, voire une destruction des cellules endo-
types de choc. théliales (endothelial failure) se traduisant par une fuite
capillaire (capillary leak syndrom). La fuite capillaire
entraîne une fuite des liquides du secteur circulant, ce
Conséquences des altérations qui contribue encore à diminuer la volémie. Ce trans-
fert est à l’origine d’un œdème interstitiel. Ce syndrome
hémodynamiques d’insuffisance endothéliale est la conséquence directe
Réactions de compensation de l’anoxie tissulaire, mais également d’interactions
complexes avec le système de l’inflammation. Le système
En réponse à la baisse de la pression artérielle, il y a de la coagulation et celui de l’inflammation étant inti-
une réaction du système nerveux autonome, ce qui favo- mement liés, ces agressions de l’endothélium ont des
rise l’augmentation de la contractilité myocardique et répercussions néfastes sur la coagulation (hyperagréga-
de la fréquence cardiaque qui tend à augmenter le débit tion plaquettaire, hypercoagulabilité, etc.).
sanguin, ainsi qu’une vasoconstriction périphérique qui
augmente les RVS.
La baisse du débit cardiaque s’accompagne d’une Syndrome de défaillance multiviscérale
réaction hormonale avec libération de catécholamines, L’insuffisance circulatoire et l’anoxie tissulaire pro-
de cortisol, de rénine, d’angiotensine II, d’aldostérone, longées entraînent une défaillance progressive et
d’hormones antidiurétiques, d’insuline et de glucagon. séquentielle de différents organes se traduisant par
Ces réactions de l’organisme tendent à : une insuffisance rénale, respiratoire, myocardique, hépa-
• maintenir la perfusion des organes dits « nobles » tels tique, voire cérébrale, aboutissant à une défaillance
que le cœur et le cerveau (flux sanguin coronaire et multiviscérale.
cérébral) aux dépends des viscères, du rein, des muscles
et de la peau ; Mécanismes inflammatoires
• favoriser la rétention hydrosodée dans le but de main-
tenir un volume circulant suffisant ; Au cours du choc, quelle que soit son origine, de
• favoriser la libération de substrats énergétiques tels que nombreux médiateurs de l’inflammation sont activés,
le glucose et des acides gras libres pour apporter des notamment :
nutriments aux cellules. • des systèmes vasodilatateurs : kinine-kalicréine-
bradykinine, histamine, prostaglandines, voie de la
cyclo-oxygénase II, voie de l’oxyde nitrique ;
Conséquences de l’anoxie • des médiateurs vasoconstricteurs : thromboxane A2 ,
En raison de l’insuffisance circulatoire aiguë, l’apport sérotonine, endothélines ;
en oxygène aux tissus, et notamment aux organes non • des cytokines pro-inflammatoires : tumor necrosis factor
nobles, est fortement diminué. La privation des tissus en ␣, interleukines 1ß et 6 ;
O2 conduit à une diminution du métabolisme aérobie • des cytokines anti-inflammatoires : interleukines
au profit du métabolisme anaérobie. Le cycle de Krebs 4, 8 et 10, dont les effets hémodynamiques et
cesse car il n’y a plus d’accepteur d’électrons (O2 ), il fait métaboliques sont complexes et variables dans le
place à la glycolyse anaérobie. La production d’adénosine temps ;
triphosphate (ATP), substrat énergétique de la cellule, • des endorphines ;
s’en trouve fortement diminuée : à partir d’une molécule • le système du complément, en partie responsable des
de glucose, il y a production de quatre ATP en méta- phénomènes de coagulation intravasculaire et de fibri-
bolisme anaérobie au lieu de 36 ATP en métabolisme nolyse.
aérobie. Parallèlement, il y a production importante de Ces phénomènes inflammatoires sont fortement intri-
lactate avec risque d’acidose lactique. La glycolyse anaé- qués avec les modifications endothéliales et la cascade
robie conduit à une augmentation de la production de de la coagulation, ce qui conduit à l’installation d’un
lactate proportionnelle au déficit d’apport en O2 aux tis- syndrome de réponse inflammatoire systémique (SIRS).
sus. L’anoxie prolongée conduit à un arrêt de la synthèse Le SIRS est une réaction inflammatoire exagérée de
cellulaire, une augmentation de la perméabilité cellulaire l’organisme en réponse à une agression et notamment
avec œdème cellulaire et finalement mort cellulaire. à une infection (cf. infra).

EMC - Vétérinaire 3
AN 2100  Choc hypovolémique et choc septique

 Choc hypovolémique Biologie


Hématocrite et protidémie. Une hypovolémie peut
Le choc hypovolémique est le plus fréquent des états être suspectée sur la base d’un hématocrite élevé,
de choc ; son traitement repose sur le remplissage vascu- supérieur à 50 % chez le chien. Lors d’hémorragie,
laire [2–4] . les hématies fuient en même temps que le plasma,
l’hématocrite reste donc inchangé initialement ; ce n’est
qu’après le transfert d’eau provenant du secteur inter-
Étiologie des hypovolémies stitiel que l’hématocrite chute et simultanément la
Les hypovolémies peuvent être absolues ou relatives protidémie.
selon que le volume circulant dans le secteur vascu- Lactates. L’élévation des taux sanguins de lactates,
laire est diminué ou non. Le choc hypovolémique est signe d’hypoperfusion périphérique, est le signe bio-
l’évolution ultime d’une hypovolémie décompensée. logique cardinal de l’état de choc. La concentration
normale est de 1 à 2 mmol/l chez le chien et de 1 à
Hypovolémies absolues 3 mmol/l chez le chat. Une lactatémie comprise entre
3 et 5 mmol/l signe une hypoperfusion modérée, une lac-
Les hypovolémies absolues traduisent un déficit volu- tatémie supérieure à 7 mmol/l signe une hypoperfusion
mique. On les observe : sévère.
• lors d’hémorragies (traumatisme, chirurgie, intoxica- Glycémie. L’hyperglycémie, fréquente à la phase ini-
tions aux anticoagulants, etc.) ; tiale, est secondaire à l’augmentation de la sécrétion du
• lors de pertes hydriques (vomissements, diarrhée, diu- glucagon et de glucocorticoïdes. Quand les stocks de gly-
rèse excessive, etc.). cogène sont diminués, à la phase tardive de l’état de choc,
Les déficits volémiques brutaux sont la principale l’hypoglycémie est de règle.
cause de choc hypovolémique ; les déficits progressifs Kaliémie et gaz du sang. En raison de
conduisent moins fréquemment à un état de choc car l’hypoperfusion rénale associée à l’état de choc,
des mécanismes compensateurs se mettent en place. une hyperkaliémie et une acidose métabolique sont
observées car les ions K+ et H+ ne sont pas excrétés. Cette
Hypovolémies relatives acidose métabolique aggrave l’acidose lactique due au
Les hypovolémies relatives traduisent une diminution métabolisme anaérobie.
du retour veineux au cœur sans déficit hydrique. On les Insuffisances organiques. L’insuffisance rénale, les
observe : perturbations hépatiques et de l’hémostase sont des
• lors de gêne à la circulation veineuse de retour (cas du anomalies biologiques qui témoignent de défaillances
syndrome dilatation-torsion de l’estomac) ; d’organes compliquant l’état de choc. Lorsque deux
• lors de fuites de liquides vers un troisième secteur (cas organes ou plus sont défaillants, on parle de syndrome
des occlusions) ; de défaillance multiviscérale (multiple organ dysfunction
• lors de vasodilatation avec perte des RVS (cas du choc syndrome [MODS]).
septique). Hormones de stress. Les taux circulants de caté-
Le volume sanguin total n’est pas modifié ; en cholamines, de facteurs natriurétiques, de rénine,
revanche, la pression de perfusion, à savoir la différence d’angiotensine, d’aldostérone, de glucocorticoïdes, de
entre la PA et la pression veineuse, est abaissée, ce qui vasopressine, sont en général augmentés mais ne sont
diminue l’apport en O2 aux tissus. pas dosés en pratique.

Diagnostic des hypovolémies Diagnostic instrumental


Diurèse
Le diagnostic de choc hypovolémique est relativement
simple en raison d’une clinique spécifique survenant Lors d’hypovolémie, la baisse de la perfusion rénale se
dans un contexte évocateur. traduit par une oligurie et une élévation de la densité
Le diagnostic d’une composante hypovolémique d’un urinaire. La mesure de la diurèse est le moyen le plus
autre type de choc est plus délicat. Il s’établit à l’aide d’un simple de monitorer la volémie.
faisceau d’arguments recueillis à partir du contexte, de la Pression artérielle
clinique, de la biologie et du monitorage. La pression artérielle moyenne (PAM) reflète la per-
fusion tissulaire. Quand la PAM chute en dessous de
Diagnostic clinique et biologique 65 mmHg, les organes ne sont plus correctement per-
Contexte fusés. Chez le patient vigile, la chute de la PAM ne
Le contexte peut suffire à faire suspecter une hypo- s’observe qu’après un déficit volémique supérieur à 30 % ;
volémie (hémorragie, diarrhée profuse et prolongée, c’est donc un signe tardif d’hypovolémie et un critère
syndrome dilatation-torsion de l’estomac, etc.). En trau- de gravité. Si la PAM chute chez un animal vigile, le
matologie, l’origine hypovolémique du choc est évidente choc hypovolémique est présent ou imminent. Chez
si une hémorragie est présente ou si une hémorragie un patient anesthésié, la chute de la PAM est propor-
interne est suspectée. tionnelle à l’hypovolémie, ce qui en fait un paramètre
Symptômes intéressant à surveiller, d’autant que tous les agents
anesthésiques sont potentiellement vasodilatateurs. Une
Des extrémités froides, une tachycardie, un pouls
hypotension peropératoire peut être soit le signe d’un
filant, un temps de remplissage capillaire allongé, un
surdosage anesthésique, soit le signe d’une hémorragie
cathétérisme veineux difficile, une hypothermie, sont
(perte volumique), qui si elle n’est pas compensée rapi-
des éléments du diagnostic clinique d’hypovolémie.
dement peut conduire à un choc hypovolémique (Fig. 2).
Associés à une baisse de la vigilance, ces éléments sont
très évocateurs d’un choc hypovolémique. Parfois, des Pression veineuse centrale
signes de déshydratation du secteur interstitiel comme En l’absence d’insuffisance cardiaque, la pression vei-
un pli de peau persistant ou un enfoncement des globes neuse centrale (PVC) est un excellent reflet de la volémie.
oculaires se surajoutent. Sa mesure nécessite la mise en place d’un cathéter

4 EMC - Vétérinaire
Choc hypovolémique et choc septique  AN 2100

Traitement des hypovolémies


Gravité de l’hypovolémie
Seules les hypovolémies brutales ou très sévères sont
susceptibles d’entraîner un état de choc. L’acuité du
déficit volémique est un élément déterminant dans
l’établissement du choc. Quand le déficit est brutal,
l’organisme n’est pas en mesure de mettre en œuvre
les mécanismes compensateurs. Cela peut conduire à un
désamorçage de la pompe cardiaque suivi d’un arrêt car-
diocirculatoire. Un choc hypovolémique ne s’installe que
lorsque le déficit volémique dépasse 30 % du volume
sanguin total, estimé à 80-90 ml/kg chez le chien et
50-60 ml/kg chez le chat.

Remplissage vasculaire : classification


Figure 2. La chute de la pression artérielle est commune à des solutés
tous les types de choc ; le suivi de la pression artérielle est essen- Le traitement des hypovolémies passe par le traitement
tiel à la gestion des états de choc. de la cause (hémostase, décompression gastrique, etc.) et
par le remplissage vasculaire.
Le remplissage vasculaire consiste à introduire des
veineux central connecté à une colonne d’eau. Une PVC fluides dans les vaisseaux afin de garantir l’adéquation
basse (< 0 cmH2 O) impose un remplissage vasculaire ; sa entre le débit sanguin et les besoins en oxygène. La restau-
normalisation (2-8 cmH2 O) témoigne de l’efficacité du ration de la volémie peut être obtenue à l’aide de solutés
remplissage vasculaire ; une augmentation importante ou à l’aide de produits sanguins.
(> 12 cmH2 O) signe une surcharge volémique. En médecine humaine, la pénurie de sang et le risque
de transmission d’agents infectieux ont conduit les pou-
Imagerie du cœur : radiographie voirs publics français à préconiser dès 1987 l’épargne
et échocardiographie des produits sanguins. Dans le cadre de cette stratégie,
La radiographie du thorax peut montrer des signes l’utilisation de substituts du plasma s’est développée.
indirects d’hypovolémie, microcardie et diminution de Cette pratique repose sur le fait que, si la volémie est res-
la taille des vaisseaux. taurée, l’organisme supporte l’anémie. C’est ce que l’on
L’échographie cardiaque est un examen rapide et peu appelle la tolérance à l’hémodilution normovolémique.
invasif qui peut être utile pour évaluer l’efficacité du rem- Il est même établi que le transport de l’oxygène aux tissus
plissage vasculaire. Généralement, lors d’hypovolémie, est meilleur pour un hématocrite inférieur à la normale.
les cavités cardiaques sont de taille diminuée, notam- En raison de cette tolérance, lors d’hémorragie, une par-
ment l’atrium gauche ; leur taille augmente au fur et tie des apports peut se faire sous forme de sang tandis
à mesure de l’apport de fluides. Lorsque les cavités que le reste du déficit peut être corrigé à l’aide de substi-
cardiaques sont peu remplies, les parois ventriculaires tuts du plasma, appelés solutés de remplissage vasculaire.
peuvent apparaître artificiellement épaissies [5] . En l’absence d’hémorragie, l’administration de produits
sanguins ne s’impose pas. La perfusion de solutés de rem-
Mesure du débit cardiaque plissage vasculaire suffit à assurer l’oxygénation tissulaire
La mesure du débit cardiaque est la seule méthode sans qu’il soit nécessaire d’apporter les différents consti-
qui puisse évaluer avec certitude une hypovolémie. tuants sanguins.
Elle repose sur des techniques de mesures de dilution Il n’existe pas de soluté de remplissage vasculaire idéal.
d’échantillons sanguins à l’aide de cathéters veineux Le choix d’un soluté dépend du contexte clinique et se
central et artériel périphérique qui restent invasives et fait en fonction de quatre principaux critères :
coûteuses, et qui sont peu pratiquées en médecine vété- • son pouvoir d’expansion volémique ;
rinaire. Le débit cardiaque normal d’un chien est de • son innocuité ;
120 à 200 ml/kg/min. • sa cinétique ;
• son coût.
Oxygénation À terme, c’est l’efficacité clinique qui détermine
Les paramètres de l’oxygénation, comme la saturation l’utilisation d’un ou plusieurs solutés. Ces derniers sont
artérielle en oxygène ou la pression partielle artérielle en classés en fonction de leur composition chimique (glu-
oxygène, sont de mauvais indicateurs d’une hypovolé- cides, cristalloïdes ou colloïdes), de leur concentration
mie. par rapport au plasma (osmolalité) et de leur capacité ou
non à attirer l’eau (tonicité et pouvoir oncotique). Leur
comportement dépend de ces trois paramètres.
Diagnostic thérapeutique : efficacité
des mesures de restauration de la volémie Solutés glucidiques
Le diagnostic de certitude d’une hypovolémie est par- Le soluté glucosé à 5 % est une solution d’eau sucrée
fois difficile. En cas de doute, c’est la disparition des iso-osmolaire dépourvue d’électrolytes. Il se comporte
signes évocateurs après restauration de la volémie qui comme un soluté hypotonique en se distribuant essen-
confirme la suspicion. Cette technique s’appelle « test de tiellement dans le milieu intracellulaire. C’est donc un
remplissage » (fluid challenge en anglais) ; elle consiste à mauvais soluté de remplissage vasculaire, contre-indiqué
administrer un bolus de soluté cristalloïde (20 à 40 ml/kg dans le traitement du choc. Les solutés glucosés à 10 % ou
chez le chien et 10 à 20 ml/kg chez le chat) et d’en appré- 30 % sont transitoirement hypertoniques ; ils ne servent
cier l’efficacité clinique. qu’à compenser des hypoglycémies sévères.

EMC - Vétérinaire 5
AN 2100  Choc hypovolémique et choc septique

Tableau 2.
Composition électrochimique des principaux solutés cristalloïdes.
Type de cristalloïdes Osmolarité (mOsm/l) pH Na+ (mmol/l) Cl- (mmol/l) K+ (mmol/l)
NaCl 0,9 % 308 5 154 154 0
Ringer lactate 276 6,7 130 111 5,4
NaCl 7,5 % 2 567 5,7 1 283 1 283 0

Choix d’un soluté


“ Point fort
Différents types de solutés de remplissage
vasculaire
“ Point fort
• Solutés cristalloïdes isotoniques.
Caractéristiques de choix d’un soluté
• Solutés colloïdes.
de remplissage vasculaire
• Solutés cristalloïdes hypertoniques. • Pouvoir d’expansion volumique
• Dérivés sanguins (sang total, culots globulaires, • Innocuité
plasma, albumine). • Cinétique
• Coût
• Efficacité

Solutés cristalloïdes
Les solutés cristalloïdes isotoniques, représentés par
le chlorure de sodium (NaCl) à 0,9 % et le Ringer lac- Notion de pouvoir d’expansion volumique
tate, sont des solutions d’eau salée à la même osmolalité L’efficacité d’un soluté de remplissage vasculaire
que le plasma. Le NaCl à 7,5 % est une solution d’eau dépend d’abord de sa capacité à rester dans le secteur
salée hypertonique. Pour les solutés cristalloïdes, on vasculaire ou pouvoir d’expansion volémique (PEV). Un
assimile pouvoir osmotique et tonicité. L’efficacité des PEV de 20 % signifie que 20 % seulement du volume per-
solutés cristalloïdes repose sur leur pouvoir osmotique fusé participe à la restauration de la volémie, les 80 %
(Tableau 2). restants gagnent les autres compartiments hydriques de
l’organisme, c’est-à-dire le milieu intracellulaire ou le sec-
Solutés colloïdes teur interstitiel.
Les solutés colloïdes sont constitués de macromolé- La quantité de fluide à perfuser dépend du PEV qui
cules en solution dans de l’eau salée isotonique. On est fonction de la nature du soluté. Les volumes admi-
distingue les solutés colloïdes naturels (sang, plasma, nistrés sont d’autant plus grands que le PEV est faible
etc.), les solutés colloïdes synthétiques (polymères (cristalloïdes) ; les doses requises sont parfois délétères,
d’amidon). Les solutés colloïdes synthétiques sont désor- ce qui impose le recours à des solutés au PEV plus élevé
mais surtout représentés par les hydroxyéthylamidons (colloïdes). Nous étudierons les solutés par ordre de PEV
(HEA) [6] . Les HEA sont des polymères de l’amidon de maïs croissant.
modifiés par hydrolyse et hydroxylation. Ces solutés dif- Parce qu’ils se comportent comme des solutés hypoto-
fèrent par la taille des molécules qui les composent et le niques, les solutés glucidiques n’ont pas leur place dans
taux de substitution molaire des molécules de glucose. le remplissage vasculaire.
Schématiquement, plus le poids moléculaire diminue, L’ion sodium étant le déterminant de l’osmolalité plas-
plus l’élimination est rapide et les effets secondaires matique, tous les solutés utilisés dans le remplissage
rares. En France, seuls sont disponibles les HEA de bas vasculaire sont des solutés sodés.
poids moléculaire (Voluven® , Restorvol® , PlasmaVolume Les solutés colloïdes contiennent des macromolécules
6 %® ). L’efficacité des solutés colloïdes repose sur leur qui ne franchissent pas la barrière capillaire et sont donc
pouvoir oncotique. responsables d’un pouvoir oncotique.
Cristalloïdes isotoniques. Isotoniques, iso-
Place de la transfusion sanguine osmotiques au plasma, le NaCl à 0,9 % ou le Ringer
Les hémorragies étant une cause majeure de choc lactate ne migrent pas vers la cellule car les mouvements
hypovolémique, la transfusion sanguine constitue le trai- d’eau induits par l’osmose sont déterminés par les
tement de choix du choc hémorragique. En plus des différences de concentration entre deux compartiments.
liquides, l’apport de constituants sanguins (hématies, Cependant, le sodium franchissant librement la paroi
thrombocytes, facteurs de coagulation, etc.) participe à vasculaire, ces solutés se répartissent dans l’ensemble
l’oxygénation tissulaire, objectif premier du traitement du secteur extracellulaire au prorata de leur importance,
du choc, et au traitement des troubles de l’hémostase. c’est-à-dire à 75 % dans le secteur interstitiel et 25 % dans
le secteur vasculaire. Leur PEV n’est donc que de 25 %.
Transporteur d’oxygène Il faut administrer quatre fois le déficit volémique pour
Dans les conditions de notre exercice, les produits rétablir la volémie. Par exemple, si une perte sanguine
sanguins ne sont pas toujours immédiatement dispo- est estimée à 1 litre, il faut théoriquement perfuser
nibles. Un soluté contenant un transporteur d’oxygène, 4 litres de soluté cristalloïde isotonique pour la corriger.
l’hémoglobine bovine polymérisée (Oxyglobin® ), est dis- Parmi les solutés cristalloïdes isotoniques, malgré une
ponible mais son prix en limite l’emploi. osmolalité moindre et donc un PEV légèrement plus

6 EMC - Vétérinaire
Choc hypovolémique et choc septique  AN 2100

faible, le Ringer lactate est souvent préféré au NaCl à d’autant plus marqué que le volume perfusé est impor-
0,9 % en raison de la présence de potassium, d’une plus tant, donc le risque est théoriquement plus élevé avec
faible teneur en chlore, de ses effets alcalinisants (pH à les solutés cristalloïdes isotoniques qu’avec les solutés
6,7 contre 5,0) dans un contexte où l’acidose est de règle colloïdes.
et apport de lactate métabolisé en bicarbonates, bien que Solutés colloïdes. Les solutés colloïdes, porteurs
cette transformation soit discutable en anaérobiose. Ces d’haptènes, exposent à des accidents allergiques de type
considérations sont très théoriques : si le Ringer lactate réaction anaphylactique. Chez l’homme, du temps de
est le soluté de choix en pratiquement toute circons- l’emploi des dextrans et des gélatines, les colloïdes étaient
tance, le NaCl à 0,9 % a des effets équivalents et lui est régulièrement incriminés dans des réactions anaphy-
totalement substituable. lactiques. Avec les HEA de bas poids moléculaire, les
Solutés colloïdes. Les colloïdes ne franchissent pas seuls disponibles en France, les réactions allergiques sont
l’endothélium vasculaire ; ils exercent ainsi un pouvoir exceptionnelles.
oncotique qui retient l’eau perfusée dans le secteur vas- Chlorure de sodium 7,5 %. Déshydratation. Le NaCl
culaire, l’eau ne gagne pas le milieu interstitiel. Leur PEV à 7,5 % enrichit en eau le secteur vasculaire aux dépens
est donc voisin de 100 %. Les solutés colloïdes corrigent des autres secteurs hydriques de l’organisme. Lors de
donc la volémie volume pour volume. déshydratation globale, cas classique lors de vomisse-
Chlorure de sodium 7,5 %. L’osmolalité très éle- ments ou de diarrhée, l’efficacité de ce soluté est moindre
vée du NaCl à 7,5 % (2 400 mosmol/l contre environ et le déficit hydrique des compartiments extravasculaires
300 mosmol/l pour le plasma des carnivores) induit un est aggravé. Le NaCl à 7,5 % n’est donc pas recommandé
transfert massif et rapide d’eau provenant du comparti- lors de déshydratation globale ; on réserve son emploi
ment intracellulaire (hématies surtout mais aussi cellules aux situations où le déficit hydrique concerne surtout le
de l’endothélium vasculaire) et du milieu interstitiel. Le secteur vasculaire ou pour déshydrater le milieu intracel-
PEV de ce soluté est d’environ 500 %. De faibles volumes lulaire en cas d’œdème cérébral, par exemple.
de NaCl à 7,5 % sont suffisants pour restaurer la volémie. Hypernatrémie. L’hypernatrémie induite est transitoire
et sans conséquence aux doses recommandées.
Effets secondaires Toxicité veineuse. Parce que son administration est
Les solutés précités sont bien tolérés aux doses requises ponctuelle, le NaCl à 7,5 % peut être injecté par une
pour un remplissage vasculaire. Des effets indésirables voie veineuse périphérique sans risque pour la veine ;
peuvent néanmoins être rencontrés. les abords veineux centraux requis lors d’alimentation
Cristalloïdes isotoniques. Œdèmes. La crainte parentérale ne sont pas nécessaires. En revanche, une
majeure lors de l’utilisation massive de solutés cristal- extravasation périveineuse occasionne des lésions impor-
loïdes isotoniques dans le remplissage vasculaire est une tantes.
inflation du milieu interstitiel à l’origine de la cons-
titution d’œdèmes. Après administration intraveineuse Cinétique
d’un soluté cristalloïde isotonique, 75 % du volume per- Le remplissage vasculaire relevant de l’urgence, le
fusé gagne rapidement le secteur interstitiel. En cas de soluté utilisé doit être efficace dans les meilleurs délais ;
déshydratation extracellulaire globale (pertes hydroso- l’urgence traitée, on veille à maintenir durablement une
dées lors de vomissements par exemple), cette répartition volémie efficace.
est souhaitable car elle permet de réhydrater le secteur Rapidité d’action. La première limite à l’efficacité
interstitiel déficitaire ; l’utilisation de solutés cristalloïdes d’un soluté dans le remplissage vasculaire est sa vitesse
est alors pleinement justifiée. Lors d’hémorragie aiguë ou d’administration, très dépendante de la dose nécessaire et
d’hypovolémie relative, cette répartition expose à une donc du PEV. À débit de perfusion égal, compte tenu des
surcharge hydrique du secteur interstitiel non déficitaire ; volumes requis, les solutés colloïdes sont efficaces quatre
la baisse de la pression oncotique par effet de dilution fois plus rapidement que les solutés cristalloïdes isoto-
majore ce risque. niques. En raison des petits volumes requis, le NaCl à
Au niveau périphérique, les œdèmes ont peu de consé- 7,5 % peut être administré en bolus ; une injection de
quences mais dans le poumon, organe de l’hématose, et 4 ml/kg procure en quelques secondes une expansion
le cerveau, incapable d’expansion, une telle inflation du volémique d’environ 20 ml/kg mais son effet est fugace.
secteur interstitiel pourrait avoir des répercussions beau- Durée d’action. La durée d’action des solutés dépend
coup plus graves. Cet événement se révèle exceptionnel. surtout de la vitesse d’élimination rénale des particules
Les solutés cristalloïdes isotoniques s’avèrent en pra- en solution, cristalloïdes ou colloïdes, qui détermine leur
tique remarquablement tolérés. Les exceptions sont pouvoir de remplissage.
l’insuffisance cardiaque, l’hypoprotidémie majeure ou le Solutés cristalloïdes. L’efficacité du NaCl à 7,5 % sur
syndrome de fuite capillaire lors d’inflammation systé- le remplissage vasculaire est très rapide mais elle est de
mique. courte durée, environ 30 minutes.
Le risque d’œdème pulmonaire grave voire fatal est Un relais avec un autre soluté est nécessaire pour
cependant réel chez les animaux de petit format, les maintenir une volémie efficace. À cet effet, les solutés
petits chiens et surtout les chats chez qui la volémie cristalloïdes isotoniques peuvent être utilisés mais leur
est proportionnellement plus faible que chez le chien. action est également de courte durée (environ 2 heures).
Pour prévenir ce risque, il faut veiller à ne pas perfuser Après élimination urinaire, ils doivent donc être rempla-
plus du volume sanguin de Ringer lactate en 1 heure, cés volume par volume.
autrement dit ne pas dépasser 80 ml/kg chez le chien et Solutés colloïdes. L’action des solutés colloïdes est
50 ml/kg chez le chat de Ringer lactate en 1 heure. La durable. En effet, ce sont des solutions polydisper-
prudence veut également que l’on n’utilise pas un flacon sées, c’est-à-dire constituées d’un mélange de molécules
d’un volume supérieur à ce qu’un animal peut tolérer en de poids moléculaires différents. Les petites molécules
1 heure, autrement dit ne pas utiliser de flacons de plus exercent un pouvoir oncotique puis sont éliminées rapi-
de 100 ml chez le chat. dement ; les grosses molécules sont progressivement
Coagulopathie. Tous les solutés de remplissage sont scindées en plus petites molécules qui exercent chacune
susceptibles de provoquer des perturbations non spéci- un pouvoir oncotique avant d’être scindées à nouveau
fiques de l’hémostase par effet de dilution ; cet effet est puis éliminées à leur tour. La durée d’efficacité des HEA

EMC - Vétérinaire 7
AN 2100  Choc hypovolémique et choc septique

Tableau 3.
Descriptif des principaux solutés de remplissage.
Cristalloïdes isotoniques Colloïdes Cristalloïde hypertonique
Soluté NaCl 0,9 % Naturel : sang, plasma, etc. NaCl 7,5 %
Ringer lactate Synthétique : dextran, HEA, etc.
PEV Faible : 25 % Élevé : ≥ 100 % Très élevé : 500 %
Perfuser quatre fois le volume perdu Perfuser le volume perdu Perfuser un quart du volume perdu
Innocuité Risque d’œdème du poumon Risque de surcharge volémique Déshydratation intracellulaire
Risque d’aggravation de l’hémorragie
Toxicité périveineuse
Rapidité d’action Dépend surtout du temps
nécessaire pour administrer
le volume requis donc
l’action est plus rapide
quand de petits volumes
sont suffisants
Durée d’action Moyenne : 2 heures Longue : 6 heures Courte : 30 minutes
Coût - ++ -
Efficacité Équivalente À privilégier lors d’hypovolémie
En pratique : majeure et brutale
- cristalloïdes en première Très bonne efficacité
intention
- colloïdes en cas
d’hypovolémie majeure

PEV : pouvoir d’expansion volumique ; HEA : hydroxyéthylamidons.

actuellement disponible est de 4 à 6 heures. Les HEA Les effets du NaCl à 7,5 % ne peuvent s’expliquer par
réalisent le meilleur compromis entre action rapide et la seule hypertonicité car, à tonicité identique, d’autres
efficacité durable. solutés comme le mannitol ne sont pas aussi efficaces.
Coût À cette concentration, le NaCl agit comme un véritable
médicament à action cardiovasculaire.
Le coût faible des solutés cristalloïdes explique leur très
Association NaCl à 7,5 % et colloïdes. Le NaCl à
large utilisation dans le remplissage vasculaire. Les solu-
7,5 % agit très rapidement mais ses effets sont fugaces.
tés colloïdes sont nettement plus chers. Toutefois, pour
Afin de prolonger l’expansion volémique, on peut
une comparaison juste, il est nécessaire de rapporter le
lui associer un soluté d’action durable. Les colloïdes
prix du litre au volume nécessaire et à la durée d’action
répondent le mieux à cet objectif. Les associations NaCl
du soluté.
à 7,5 %-dextrans, et NaCl à 7,5 %-HEA, ont été parti-
Efficacité culièrement étudiées. L’association NaCl 7,5 %-dextran
L’efficacité comparée des solutés de remplissage vascu- 70 à 6 % est commercialisée en France sous le nom de
laire a fait l’objet de nombreuses études expérimentales Rescueflow® .
menées sur l’animal mais les données cliniques sont plus
rares ; elles émanent surtout de la médecine humaine
(Tableau 3). Gestion d’une hypovolémie
Cristalloïdes versus colloïdes. Bien que la contro- Pour un bénéfice maximal, la gestion des hypovolé-
verse « soluté cristalloïde versus soluté colloïde » soit mies consiste à :
ancienne, aucun consensus ne s’est dégagé ; ceci laisse • prévoir l’éventualité d’un remplissage ;
supposer une absence de réelle différence en termes • choisir les solutés les plus adaptés ;
d’efficacité. Les études cliniques menées chez l’homme • déterminer le volume à perfuser ;
restent contradictoires : elles soulignent tantôt la supério- • associer les autres mesures de réanimation.
rité des cristalloïdes tantôt celle des colloïdes, ou encore
l’absence de différence. En raison de leur faible coût et Préparation au remplissage vasculaire
de leur innocuité, les cristalloïdes isotoniques sont sou-
vent les solutés de choix en première intention. Lors Technique de remplissage vasculaire rapide
d’hypovolémie majeure, les données théoriques et expé- Lors d’hypovolémie aiguë, le remplissage vasculaire
rimentales suggèrent que les grands volumes nécessaires doit être rapide. Pour un soluté donné, cela sous-entend :
rendent ces solutés inadaptés ; le recours aux solutés col- • une administration par voie veineuse ;
loïdes est alors préférable. • de solutés tièdes ;
Chlorure de sodium 7,5 %. Chez des chiens ayant • par des cathéters de gros calibre ;
subi une hémorragie habituellement mortelle sans traite- • éventuellement sous pression ;
ment, une injection unique de 4 ml/kg de NaCl à 7,5 % a • en privilégiant les organes nobles.
permis une survie proche de 100 %. Des résultats compa- Voie veineuse. Voie veineuse périphérique. La voie
rables ont été obtenus chez des patients humains en état veineuse périphérique doit être préférée en première
de choc réfractaire. Cependant, bien qu’il agisse plus vite, intention car elle est plus rapide et plus facile à mettre
le sérum salé hypertonique n’a pas montré de supériorité en place. Elle possède en plus l’avantage d’être meilleur
en termes de survie sur le Ringer lactate dans le traitement marché et associée à une morbidité moindre que la voie
du choc hémorragique. centrale. Afin d’augmenter le débit de perfusion, la mise

8 EMC - Vétérinaire
Choc hypovolémique et choc septique  AN 2100

cependant, cette mesure ne suffit pas toujours à un


remplissage vasculaire rapide. Le conditionnement des
solutés sous poches plastiques permet une perfusion sous
pression.
Priorité donnée aux organes nobles. Dans certaines
situations d’extrême urgence, la perfusion du cerveau et
du cœur doit constituer un objectif prioritaire, quitte à
sacrifier provisoirement d’autres territoires.
Une surélévation du train postérieur éventuellement
associée à un bandage compressif des membres posté-
rieurs et de l’abdomen participe à cet objectif. Au cours
d’une chirurgie abdominale ou à l’occasion d’un massage
cardiaque interne, la compression de l’aorte descendante,
manuelle ou à l’aide d’un ruban, restreint le volume san-
guin circulant en privilégiant l’irrigation du cerveau et
du cœur.
Anticipation et prévoyance
Dans l’attente de l’arrivée d’un chien accidenté ou pré-
sentant un syndrome dilatation-torsion de l’estomac, le
matériel nécessaire à la mise en place d’une ou deux voies
veineuses de gros calibre doit être préparé et les solutés
Figure 3. La mesure de la pression veineuse centrale est un réchauffés. Afin de limiter le temps perdu à changer les
excellent moyen d’apprécier la volémie mais elle nécessite la poches de perfusion, on choisit des conditionnements
mise en place d’un cathéter veineux central. adaptés aux volumes requis. Afin de limiter les risques
d’hypervolémie accidentelle, on choisit des poches de
faible volume (100 ml) pour les chats et les petits chiens.
en place d’une deuxième voie veineuse périphérique est Certaines situations propices aux hypovolémies (anes-
souvent souhaitable, surtout si on ne dispose que de thésie, chirurgie, etc.) requièrent la mise en place
solutés cristalloïdes isotoniques. Le remplissage vascu- systématique d’une voie veineuse et une perfusion.
laire ne peut se concevoir sans voie veineuse. Lorsque L’apport des besoins d’entretien et la compensation des
l’accès veineux est difficile, ce qui est fréquent chez les pertes sanguines préviennent l’apparition d’une hypovo-
petits animaux en état d’hypovolémie, une dénudation lémie. Une suspicion de déficit volémique peropératoire
doit être entreprise. conduit à l’augmentation du débit de perfusion.
Voie veineuse centrale. La voie veineuse centrale ne
doit être envisagée qu’en seconde intention : Choix d’un liquide de remplissage
• en cas d’impossibilité de disposer d’une voie périphé-
Le choix d’un ou de plusieurs solutés de remplissage
rique ;
se fait en fonction de la nature et de l’importance de
• afin d’accroître les performances du remplissage vas-
l’hypovolémie ainsi que du contexte clinique.
culaire tandis qu’une voie périphérique assure déjà un
apport liquidien ; En fonction de la nature de l’hypovolémie
• afin de mesurer la PVC (Fig. 3) ; Sang. Si l’hypovolémie est provoquée par une
• afin de multiplier les prélèvements de sang sans préju- hémorragie, la transfusion sanguine est le traitement de
dice pour l’animal ; choix. La quantité de sang apportée est théoriquement
• afin de mettre en place une alimentation parentérale. équivalente à la quantité de sang perdu. En pratique,
Voie intraosseuse. La voie intraosseuse peut être cependant, il n’est pas nécessaire de compenser le déficit
intéressante chez les animaux de petit format : chiots, volume pour volume. Un apport de 10 ml/kg de sang est
chatons, furets, cobayes, etc. Son efficacité est compa- très bénéfique tandis que le complément est apporté sous
rable à celle de la voie veineuse. Elle doit être relayée par forme de solutés.
une voie veineuse dès que possible. Solutés. La principale différence entre les solutés
Réchauffement des solutés. Quand un remplissage cristalloïdes isotoniques et les solutés colloïdes est leur
vasculaire rapide est envisagé, les solutés doivent être volume de distribution :
réchauffés pour avoisiner la température corporelle. • les solutés cristalloïdes se répartissant dans l’ensemble
Outre la prévention des effets délétères de l’hypothermie, du compartiment extracellulaire, ils sont préférés dans
le réchauffement des solutés améliore le débit de perfu- le traitement des déshydratations extracellulaires glo-
sion en diminuant la viscosité du soluté. bales, les plus fréquentes ;
Calibre des cathéters et système de perfusion. La • les solutés colloïdes, demeurant dans le lit vascu-
mesure la plus efficace pour perfuser de grands volumes laire, conviennent aux hypovolémies relatives ou aux
est l’utilisation de cathéters de gros calibre. Le débit de hémorragies récentes.
perfusion dépend du calibre du cathéter à la puissance
4 (loi de Poiseuille) : en doublant le calibre, on multiplie En fonction de l’importance de l’hypovolémie
par 16 le débit. On utilise donc un voire deux cathéters du En raison de leur efficacité, de leur innocuité et de leur
plus gros calibre possible (par exemple 18G) relayé éven- faible coût, les solutés cristalloïdes sont les solutés de
tuellement par une voie centrale de très gros diamètre. remplissage de première intention. Ils suffisent à la cor-
Plus on réduit la longueur du système de perfusion et rection des hypovolémies modérées. Le Ringer lactate est
plus le débit est élevé. Ainsi, ajouter un prolongateur au le soluté de première intention dans pratiquement toutes
système de perfusion ralentit significativement le débit. les situations, le NaCl à 0,9 % lui est substituable.
Perfusion sous pression. La surélévation du soluté Dans les déficits volumiques majeurs, la nécessité
de perfusion par rapport au site d’injection permet d’être efficace rapidement doit faire préférer les solutés
d’augmenter le débit de perfusion par simple gravité ; colloïdes comme les HEA.

EMC - Vétérinaire 9
AN 2100  Choc hypovolémique et choc septique

Dans les situations relevant de l’urgence absolue,


comme les déficits volémiques brutaux, l’administration
d’un bolus lent de 2 à 4 ml/kg de NaCl à 7,5 % suivi
immédiatement d’un relais par un soluté colloïde permet
un remplissage vasculaire rapide et durable. L’association
NaCl à 7,5 %-HEA s’avère très intéressante.

En fonction du contexte clinique


Hémorragies non contrôlées. Tant que l’hémorragie
n’est pas contrôlée, le remplissage vasculaire ne doit
pas chercher à restaurer une pression artérielle normale
sous peine d’aggraver le saignement. Pour cette raison,
l’utilisation de NaCl à 7,5 %, seul ou en association,
n’est pas souhaitable. Dans ce contexte, un remplissage
vasculaire modéré est recommandé en attendant l’arrêt
de l’hémorragie. C’est le concept de réanimation à bas
volume [7] . Dans toutes les autres situations, un retard Figure 4. La mesure de la diurèse est le moyen le plus simple
dans le remplissage vasculaire est préjudiciable. d’apprécier la volémie.
Traumatisme crânien. Chez le patient traumatisé
crânien en état d’hypovolémie, le remplissage vasculaire La mesure de la diurèse est le moyen le plus simple
est indispensable mais il risque d’aggraver l’œdème céré- d’apprécier la volémie (Fig. 4) :
bral [8] . Le NaCl à 0,9 % et les solutés colloïdes peuvent • une diurèse comprise entre 1 et 2 ml/kg/h signe une
être utilisés sans danger. Le Ringer lactate étant légère- perfusion rénale correcte, bon reflet de la volémie ; les
ment hypotonique, il doit être évité. Le mannitol reste pertes urinaires sont dès lors compensées volume pour
le soluté de choix dans cette indication. C’est un soluté volume ;
glucidique macromoléculaire commercialisé en solution • une diurèse supérieure signe une perfusion excessive ;
à 20 %. En tant que soluté hypertonique, il est efficace • une diurèse inférieure doit conduire à renouveler une
dans le remplissage vasculaire mais son action est fugace ou deux fois l’épreuve de remplissage ;
car il conduit ensuite à une diurèse osmotique risquant • une réponse transitoire évoque l’existence d’une
de majorer l’hypovolémie ; il doit être relayé par des HEA hémorragie ;
ou du NaCl à 0,9 %. • l’absence de réponse fait craindre une insuffisance
rénale ou cardiaque.
En fonction des déficits volémiques Chez l’insuffisant rénal et l’insuffisant cardiaque, la
Déficits estimés. En cas d’hémorragie peropératoire, diurèse ne permet pas d’apprécier la volémie ; la mesure
les pertes volémiques peuvent être mesurées avec une de la PVC s’impose car un remplissage vasculaire exces-
relative précision. Chez l’animal vigile, on apprécie le sif peut s’avérer dangereux. Une PVC basse (< 2 cmH2 O)
déficit en considérant que les premiers signes d’un choc signe la nécessité de poursuivre le remplissage vascu-
hypovolémique apparaissent pour un déficit volémique laire ; une PVC élevée (> 8 cmH2 O) signe une surcharge
voisin de 20 %, soit environ 20 ml/kg. Compte tenu du volémique. Si l’on ne dispose pas de cette mesure, le
PEV des différents solutés, on obtient une élévation de la remplissage vasculaire doit être prudent car le risque
volémie de 20 ml/kg en perfusant 80 ml/kg de soluté cris- d’inflation hydrique est majeur (Tableau 4).
talloïde isotonique ou 20 ml/kg de colloïde ou seulement
4 ml/kg de NaCl à 7,5 %. On utilise des doses moindres Thérapeutiques associées
chez le chat chez qui le volume sanguin total n’est que
Le remplissage vasculaire s’intègre dans une stratégie
de 50 à 60 ml/kg contre 80 à 90 ml/kg chez le chien. Il
thérapeutique visant à assurer une oxygénation tissulaire
convient d’administrer des doses « tests » de l’ordre de
correcte. Les différentes mesures participant à cet objectif
30 à 40 ml/kg chez le chien et 10 à 20 ml/kg chez le
sont prioritaires ; les autres ne relèvent pas de l’urgence.
chat, puis de réévaluer. La disparition des signes ayant
conduit au diagnostic signe l’efficacité du remplissage Mesures prioritaires
qui doit donc être ralenti pour ne couvrir que les besoins Oxygénothérapie. L’oxygénothérapie améliore le
d’entretien. transport en oxygène ; elle est donc toujours souhaitable
Déficits inconnus. Si un doute existe quant au lors d’hypovolémie.
diagnostic d’hypovolémie, on réalise une épreuve de Molécules vasoactives et inotropes. Dans certaines
remplissage. Cette épreuve consiste à perfuser rapide- hypovolémies relatives (anesthésie, choc septique, choc
ment 20 à 30 ml/kg de Ringer lactate et à surveiller anaphylactique, arrêt cardiaque, etc.), il peut s’avérer
l’évolution des paramètres hémodynamiques. Elle per- nécessaire de rétablir un tonus vasculaire à l’aide de
met d’apprécier l’efficacité du remplissage et d’en décider médicaments vasoactifs comme la dopamine ou la
l’arrêt. noradrénaline. En règle générale, ces amines vasoactives

Tableau 4.
Volume moyen de solutés de remplissage à perfuser lors d’état de choc hypovolémique.
Type de solutés Dose de choc Test de remplissage
Chien Chat Chat Chien
Cristalloïdes isotoniques 40 à 80 ml/kg 20 à 40 ml/kg 20 à 30 ml/kg 10 à 20 ml/kg
Colloïdes synthétiques 10 à 30 ml/kg 5 à 15 ml/kg 5 ml/kg 3 ml/kg
NaCl 7,5 % 2 à 4 ml/kg 1 à 2 ml/kg - -
Association NaCl 7,5 %-colloïdes 4 à 6 ml/kg 2 à 4 ml/kg - -

10 EMC - Vétérinaire
Choc hypovolémique et choc septique  AN 2100

ne sont pas employées dans le traitement du choc hypo- Une réponse modérée est souvent bénéfique pour
volémique, mais elles sont particulièrement indiquées l’organisme tandis qu’une réponse sévère conduit à des
dans le choc septique (cf. infra). dysfonctionnements cellulaires et des lésions tissulaires
Mesures non prioritaires souvent bien supérieurs à ceux causés par l’affection de
départ.
Prévention de l’hypokaliémie. Parce que tous les
solutés de remplissage sont pauvres en potassium, on
assiste classiquement à une hypokaliémie de dilution
après un remplissage vasculaire. Celle-ci ne relève pas de
l’urgence et n’est prise en compte qu’une fois la volémie
“ Point fort
rétablie. L’apport rapide d’un soluté enrichi en potassium
risquerait de provoquer une hyperkaliémie potentielle- Différentes causes de SIRS
ment mortelle. • Infections
Prévention de l’acidose. De même, l’acidose méta- • Pancréatite
bolique classiquement observée lors d’hypovolémie ne • Péritonite
mérite pas un traitement spécifique. Elle est surtout la • Coup de chaleur
conséquence de l’hypoxie. En restaurant la volémie, le
• Traumatismes graves
remplissage vasculaire rétablit l’oxygénation tissulaire et
corrige ainsi l’acidose sans qu’il soit nécessaire d’apporter
• Envenimations
un soluté à base de bicarbonates. • Cancer généralisé
• Maladies auto-immunes

 Choc septique
Identification clinique du SIRS
Le sepsis se définit comme un processus infectieux On parle de SIRS quand deux ou plus des critères sui-
associé à une réponse inflammatoire systémique (SIRS) vants sont présents chez le chien et trois ou plus chez le
se manifestant par de la fièvre, une tachypnée, une chat [11] (Tableau 5).
tachycardie ou une bradycardie et une leucocytose ou
une leucopénie. Il s’ensuit des perturbations de certaines Sepsis au sens large
fonctions organiques, processus connu sous le nom de
syndrome de défaillance multiviscérale (MODS) dont Le sepsis est définit par l’association d’un SIRS et d’une
l’évolution ultime est la mort [9, 10] . infection documentée, le plus souvent bactérienne, à
Ce syndrome est caractérisé par des anomalies se déve- Gram positif ou négatif. Les saccharides de surface des
loppant dans des organes qui n’étaient pas concernés par bactéries à Gram négatif sont très pro-inflammatoires.
l’affection d’origine ; il est associé à une mortalité éle-
vée. La gestion de patients septiques est complexe, elle Syndrome de défaillance multiviscérale
passe par la reconnaissance précoce du syndrome, une Le SIRS aboutit à l’activation globale des endothéliums
approche drastique avec monitorage en unité de soins vasculaires, ce qui cause une vasodilatation et une aug-
intensifs et la gestion de chaque défaillance d’organe au mentation de la perméabilité capillaire. Ceci contribue
fur et à mesure qu’elle se développe. à une hypovolémie, une hypotension, une hypoproti-
démie, un œdème interstitiel et à l’installation d’une
Définitions coagulation intravasculaire disséminée.
Dans les organes vitaux sévèrement atteints, la
Syndrome de réponse inflammatoire combinaison de l’hypoperfusion, de la microthrombose
systémique vasculaire et des agressions cellulaires directes conduit à
Physiopathologie un MODS [12] .
Face à une agression, l’organisme réagit en produi-
sant des médiateurs de l’inflammation. Les agressions Sepsis sévère
peuvent être des infections (péritonite septique, endocar- Le sepsis sévère se définit comme un sepsis associé au
dite, pneumonie d’aspiration), des traumatismes sévères, MODS ou à une hypotension et/ou une hypoperfusion.
des pancréatites, des brûlures ou encore des réactions
immunitaires. Choc septique
Quand ces médiateurs de l’inflammation sont produits
en grande quantité, ils dépassent leur action locale et se Le choc septique se définit par un sepsis accompagné
propagent dans la circulation générale, il se produit alors d’une hypotension ne répondant pas à une thérapeu-
une réponse de l’organisme appelée SIRS. La magnitude tique liquidienne adéquate et nécessitant l’emploi de
du SIRS va de modérée à sévère. vasopresseurs.

Tableau 5.
Critères de syndrome de réponse inflammatoire systémique chez le chien et le chat.
Chien Chat
Fréquence respiratoire > 40 mpm > 40 mpm
Fréquence cardiaque > 140 bpm < 140 bpm
> 225 bpm
◦ ◦
< 37,8 C ou > 39,7 C < 37,8 ◦ C ou > 39,7 ◦ C
Leucocytes < 5 000 ou > 18 000/mm3 + de 10 % d’immatures < 5 000 ou > 19 500/mm3 + de 10 % d’immatures

mpm : mouvements par minute ; bpm : battements par minute.

EMC - Vétérinaire 11
AN 2100  Choc hypovolémique et choc septique

Antibiothérapie

“ Points forts Si un processus infectieux est suspecté, une antibio-


thérapie probabiliste à large spectre contre les bactéries à
Gram positif, à Gram négatif et anaérobies (par exemple :
• Fièvre + leucocytose = SIRS amoxicilline, quinolone, métronidazole) est mise en
• SIRS + infection = sepsis place immédiatement jusqu’à obtention des résultats de
• Sepsis + défaillance multiviscérale = MODS l’antibiogramme. Si l’infection primaire n’est pas identi-
fiée mais que le patient risque un MODS, là encore une
• Sepsis sévère + hypotension réfractaire = choc
antibiothérapie à large spectre doit être instaurée pour
septique prévenir les risques de translocation bactérienne à partir
du tube digestif ; en effet, ce risque est élevé en raison de
l’hypoperfusion digestive.
Prise en charge et traitement du sepsis Fluidothérapie
Il n’existe pas encore de consensus quant à la La mise en place d’une fluidothérapie est essen-
prise en charge du sepsis en médecine vétérinaire. Les tielle pour lutter contre l’hypoperfusion tissulaire. Elle
recommandations se fondent essentiellement sur les consiste à restaurer la volémie, puis à assurer les besoins
recommandations issues de la médecine humaine [13, 14] . d’entretien et enfin à compenser les pertes à venir. Le
choc septique est un choc vasoplégique par pertes des
Monitorage du patient septique RVS, la PA est donc diminuée. L’objectif du remplissage
vasculaire est la restauration d’une PA normale. L’animal
Le monitorage du patient septique dépend de l’état du hypotendu tente de compenser la chute de sa PA en
patient et des moyens du propriétaire ; un monitorage augmentant sa fréquence cardiaque ; l’efficacité du rem-
idéal nécessite une unité de soins intensifs. plissage se traduit par la disparition de cette tachycardie.
Les fluides employés sont les mêmes que ceux utilisés
pour le remplissage vasculaire lors du choc hypovolé-
“ Point important mique. Dans l’impossibilité de déterminer avec précision
les besoins en fluides, il convient de commencer par
perfuser un bolus de 20 ml/kg de solutés cristalloïdes iso-
Monitorage optimal du patient septique toniques (Ringer lactate ou NaCl à 0,9 %) ou un bolus
• Examen clinique de 3 à 5 ml/kg d’HEA. Le plasma est utilisé lorsque la
• Mesure de la pression artérielle (idéalement en défaillance d’organes porte sur des troubles de la coagu-
continu via un cathéter artériel, sinon toutes les lation. L’albumine peut être utilisée afin de restaurer la
pression oncotique lors d’hypoalbuminémie sévère, mais
heures)
il est difficile de s’en procurer.
• Poids corporel (au moins une fois par jour)
• Électrocardiogramme en continu Oxygénothérapie
• Température (idéalement en continu par sonde L’oxygénothérapie est indiquée dès lors que le patient
sinon toutes les 2 heures) présente des signes d’hypoxémie définie comme une
• Pression veineuse centrale (toutes les heures) pression artérielle partielle en oxygène (PaO2 ) inférieure
• Débit urinaire en recueil sur système clos à 80 mmHg ou, à défaut de posséder une mesure des gaz
du sang artériels, une saturation artérielle en oxygène de
(mesure du volume toutes les 2 à 4 heures) l’hémoglobine inférieure à 95 %.
• Gaz du sang artériel (une fois par jour ou plus Dans un contexte de SIRS, il convient d’être parti-
souvent si on observe une hypoxie) ou à défaut culièrement vigilant à l’apparition d’un syndrome de
oxymétrie de pouls détresse respiratoire aigüe, conséquence d’une hyper-
• Mesure de la glycémie, de la lactatémie, des perméabilité capillaire au niveau pulmonaire en raison
électrolytes, de l’hématocrite et des protéines de l’inflammation exubérante. Le patient hospitalisé en
totales (toutes les 4 à 8 heures) soins intensifs est également particulièrement exposé à
• Hémogramme, biochimie complète (toutes les l’apparition de pneumonie.
24 à 48 heures) Si le patient reste hypoxémique pendant plusieurs
• Coagulation : mesure des temps de Quick et de heures en dépit d’une oxygénothérapie externe, il
faut considérer la mise sous ventilation mécanique en
céphaline activée, comptage des plaquettes sur utilisant la plus petite fraction inspirée en oxygène per-
frottis sanguin (toutes les 24 à 48 heures) mettant de maintenir une PaO2 supérieure à 80 mmHg.
• Radiographies du thorax (une fois initialement
Molécules vasoactives
et dès que l’on suspecte une atteinte respiratoire
profonde) Lorsque, en dépit d’une fluidothérapie agressive, la
pression artérielle ne remonte pas, les médicaments vaso-
presseurs doivent être utilisés ; ils visent à augmenter les
RVS. Les « vasopresseurs » sont des médicaments capables
de provoquer une vasoconstriction. Parmi les substances
Traitement vasoactives, certaines agissent sur les récepteurs du sys-
Le traitement du sepsis et du SIRS passe avant tout tème orthosympathique (␣ et ␤), c’est le cas des « amines
par celui de la cause. Il convient d’identifier le foyer vasoactives » que sont la dopamine, la dobutamine, la
infectieux et de le traiter spécifiquement ; un geste chi- noradrénaline ou l’adrénaline. En ce qui concerne l’effet
rurgical mérite souvent d’être entrepris, malgré l’état vasoconstricteur, seule l’affinité de la molécule pour les
du patient : il est souvent illusoire d’espérer combattre récepteurs ␣1 est recherchée, mais aucune des drogues
efficacement une infection sévère avec seulement des utilisées n’est purement ␣1. Le chef de file des molé-
antibiotiques (cas des péritonites par perforation diges- cules orthosympathiques est l’adrénaline, qui a des effets
tive par exemple). ␣1, ␣2, ␤1 et ␤2. La dopamine et la noradrénaline sont

12 EMC - Vétérinaire
Choc hypovolémique et choc septique  AN 2100

Tableau 6. Il a été montré qu’une insuffisance surrénalienne rela-


Doses usuelles des molécules adrénergiques. tive peut se développer lors de sepsis [15] . Il s’agit d’une
Molécule CRI
production insuffisante de cortisol par rapport à ce
qu’elle devrait être avec l’agression que subit l’animal. En
Noradrénaline 0,1 à 10 ␮g/kg/min médecine humaine, lors de choc septique, il a été montré
Dopamine Dose maximale de 10 ␮g/kg/min l’intérêt d’une dose physiologique d’hydrocortisone en
cas de choc vasoplégique ne répondant pas aux vasopres-
Vasopressine 0,5 à 5 ␮g/kg/min seurs. Cette efficacité n’a pas été clairement démontrée
CRI : constant rate infusion. en médecine vétérinaire ; cependant, une administration
de 0,25 à 1 mg/kg de méthylprednisolone en deux prises
ou de 0,04 à 0,4 mg/kg de dexaméthasone en une prise
des précurseurs de l’adrénaline et conservent à ce titre peut être envisagée lors de choc septique réfractaire aux
des propriétés ␣ et ␤, à des degrés divers. Seules trois vasopresseurs [15] .
molécules sont recommandées dans le traitement du
choc septique, la noradrénaline, la dopamine et la vaso- Objectifs de réanimation
pressine ; un consensus se détache pour le choix de la
noradrénaline en première intention. Ces molécules sont En médecine humaine, un concept récent appelé early
titrées à effet en fonction de l’augmentation ou non de goal directed therapy (EGDT) préconise de traiter précoce-
la PA (Tableau 6). ment toute perturbation rencontrée lors de sepsis sévère
et de choc septique jusqu’à obtention de valeurs seuils
Place de la transfusion sanguine fixées comme objectifs à atteindre [16] . La mise en pratique
Les hématies et leur hémoglobine sont les transpor- de ce concept a considérablement amélioré le pronos-
teurs de l’O2 . Dès lors que le patient est sévèrement tic du choc septique. Ces objectifs ont été adaptés à la
anémié (hématocrite inférieur à 15-20 l/l), l’oxygénation médecine vétérinaire récemment [17] .
est perturbée et la transfusion est indiquée, de même
lors de troubles de l’hémostase assortis de saignements.
L’administration de culot globulaire est suffisante pour
pallier une anémie. L’administration de sang frais total
 Conclusion
est très intéressante pour apporter des globules rouges,
des plaquettes et des facteurs de la coagulation. Le plasma À l’exception du choc cardiogénique dans lequel la flui-
frais congelé est apporté en cas de trouble majeur de la dothérapie est contre-indiquée, le traitement des chocs
coagulation. passe par la correction des hypovolémies grâce à un rem-
plissage vasculaire. La restauration de la volémie participe
Corticothérapie à l’amélioration de l’oxygénation tissulaire constamment
Les corticoïdes sont formellement contre-indiqués en perturbée lors de choc. Le choix d’un liquide de remplis-
cas d’infection. De plus, ils retardent la cicatrisation, sage (sang, soluté cristalloïde ou soluté colloïde) dépend
favorisent les hémorragies digestives et l’hyperglycémie. du contexte clinique. La quantité à perfuser est appréciée

“ Points importants
Objectif fixés pour la prise en charge précoce des sepsis sévères et choc septiques
• EGDT adapté à la médecine vétérinaire.
• La PVC doit être maintenue entre 8 et 12 cmH2 O.
• La pression artérielle systolique doit être supérieure à 90 mmHg, ou la pression artérielle moyenne doit être
supérieure à 65 mmHg.
• La saturation du sang veineux mêlé est très rarement utilisée en médecine vétérinaire mais on peut utiliser la
PaO2 dans la décision de recours ou non à la ventilation mécanique et l’hématocrite pour un recours éventuel à
une transfusion sanguine.
• La production d’urines doit être supérieure à 0,5 ml/kg/h.
• Toute valeur inférieure aux valeurs seuils doit conduire à une action thérapeutique jusqu’à ce que les objectifs
thérapeutiques soient atteints.

“ Points essentiels
• Le choc est caractérisé par un apport insuffisant d’O2 aux tissus.
• La composante hypovolémique doit être combattue par un remplissage vasculaire.
• Le soluté de remplissage vasculaire doit être choisi en fonction de ses caractéristiques et du contexte clinique.
• Lors de déficits volémiques majeurs ou brutaux, les techniques de remplissage vasculaire rapide et le recours à
des HEA ou à l’association NaCl à 7,5 %-HEA offrent les meilleures garanties d’efficacité.
• Le sepsis doit être pris en charge de toute urgence par un remplissage vasculaire et une lutte précoce contre
l’infection.
• Le recours à des molécules vasoactives (noradrénaline) peut être nécessaire lors de choc septique.

EMC - Vétérinaire 13
AN 2100  Choc hypovolémique et choc septique

en fonction de la réponse thérapeutique. Dans l’urgence, [7] Hammond TN, Holm JL. Limited fluid volume resuscitation.
on préfère les solutés nécessitant de petits volumes, Compend Contin Educ Vet 2009;31:309–20.
même si finalement le soluté de Ringer lactate reste [8] Syring RS. Assessment and treatment of central nervous sys-
approprié en pratiquement toute circonstance. tem abnormalities in the emergency patient. Vet Clin Small
Dans le choc septique, en plus de la composante hypo- Anim 2005;35:343–58.
volémique, il faut lutter de manière spécifique contre [9] Claessens YE, André S, Vinsonneau C, Pourriat JL. Choc
l’infection et éviter tout phénomène d’emballement et de septique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Anesthésie-
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F. Roux, Docteur vétérinaire ([email protected]).


École vétérinaire d’Alfort, Service des urgences et des soins intensifs, 7, avenue du Général-de-Gaulle, 94704 Maisons-Alfort cedex, France.
J.-P. Pagès, Docteur vétérinaire.
Clinique vétérinaire Croix du Sud, 45, avenue Toulouse, 31650 Saint Orens de Gameville, France.
J. Crochemore, Docteur vétérinaire.
J.-Y. Deschamps, Docteur vétérinaire.
LUNAM Université, ONIRIS, Service d’urgences et de soins intensifs, École nationale vétérinaire, BP 40706, 44307 Nantes cedex 3, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Roux F, Pagès JP, Crochemore J, Deschamps JY. Choc hypovolémique et choc septique.
EMC - Vétérinaire 2012;9(2):1-14 [Article AN 2100].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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