Le Manuel Du Vétérinaire - Volume 01
Le Manuel Du Vétérinaire - Volume 01
Le Manuel Du Vétérinaire - Volume 01
S. JUNOT :
([email protected])
Service de chirurgie/anesthésiologie, École nationale vétérinaire de Lyon, 1, avenue Bourgelat, 69280 Marcy l’Étoile, France.
K. BENREDOUANE :
Service de chirurgie/anesthésiologie, École nationale vétérinaire de Lyon, 1, avenue Bourgelat, 69280 Marcy l’Étoile, France.
L
’anesthésie intraveineuse, ou anesthésie injectable, est une modalité d’anesthésie
complémentaire ou alternative à l’anesthésie volatile. Elle fait appel d’une part à des
agents de prémédication et d’autre part aux agents anesthésiques au sens strict. La
prémédication a pour objectifs de diminuer le stress de l’animal et les doses d’anesthésiques
généraux, mais également de prodiguer une analgésie préventive. Elle peut être réalisée par une
association judicieuse d’agents parmi les phénothiazines, les alpha2-agonistes, les benzodiazé-
pines, les morphiniques. Les agents anesthésiques stricto sensu à disposition en médecine
vétérinaire sont les barbituriques, les anesthésiques dissociatifs, les dérivés alkyphénols. Après
une revue des différents agents à disposition, les principes de réalisation et de sécurisation d’une
anesthésie générale intraveineuse sont détaillés.
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. INTRODUCTION PRINCIPES GÉNÉRAUX POUR CONCEVOIR • effectuer une analgésie préventive : il est
. UN PROTOCOLE D’ANESTHÉSIE préférable d’administrer un antalgique
L’anesthésie correspond à une perte totale GÉNÉRALE avant tout geste douloureux ; cela limite
de sensibilité douloureuse dans tout ou la sensibilisation du système nerveux
partie du corps. Cet état peut être obtenu en Quelques prérequis à l’anesthésie générale nociceptif et améliore le confort de
étant accompagné d’une perte de conscience sont essentiels lorsque l’on conçoit un l’animal à l’entretien et au réveil [3] ;
et on parle alors d’anesthésie générale. protocole d’anesthésie générale : • tendre vers une anesthésie balancée : cette
• limiter le stress de l’animal avant toute technique consiste à associer différents
La mise en œuvre d’une anesthésie
anesthésie : tout état de stress se traduit anesthésiques pour profiter de leur effet
générale se décompose en quatre phases : la
par une réponse neuroendocrinienne synergique afin de diminuer leur dose
prémédication, l’induction, l’entretien et le caractérisée par une activation sympa-
réveil, phases obtenues par l’association respective [4].
thique (relargage de catécholamine), mise
judicieuse d’agents pharmacologiques à visée en jeu d’hormones pituitaires (b-endor-
sédative, analgésique et narcotique. Le phines) et corticosurrénaliennes
respect de ces phases est important et il (cortisol) [1] ; cette réponse au stress est à AGENTS DE PRÉMÉDICATION
permet de sécuriser grandement l’anesthésie. la base protectrice pour l’individu, mais
L’entretien de l’anesthésie peut être réalisé elle peut lui devenir délétère si elle devient La prémédication est une étape
par voie injectable ou volatile. Seule l’anes- exacerbée, puisqu’elle augmente le risque importante souvent négligée. Ses objectifs
thésie injectable (le terme d’anesthésie de complication cardiovasculaire et induit sont multiples :
intraveineuse est également employé) est des retards à la guérison [2] (Fig. 1) ; • une sédation (ou tranquillisation) de
abordée dans cet article, avec une revue des • prendre en considération l’état clinique de l’animal de façon à diminuer sa peur et
différents agents à disposition ainsi que de l’animal : tous les protocoles d’anesthésie son appréhension ;
leurs modalités d’utilisation ; l’entretien ne sont pas identiques et n’ont pas les • une analgésie préventive pour réduire ou
volatil est abordé dans un article spécifique. mêmes répercussions sur l’organisme ; abolir la transmission du message
2 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0100 —
INTÉRÊTS
Facteurs amplificateurs :
hypovolémie, infection, L’acépromazine présente le grand intérêt
anxiété, hypothermie d’agir en synergie avec les morphiniques et
d’augmenter l’analgésie procurée par ces
Réponse neuroendocrine derniers. Cette association constitue la base
ACTH adrénaline de la neuroleptanalgésie en anesthésie vétéri-
ADH noradrénaline naire, cocktail de médications associant un
GH cortisol neuroleptique et un analgésique, utilisé
TSH aldostérone notamment pour des gestes chirurgicaux sur
rénine animal vigile ou lors de prémédication avant
endomorphines une anesthésie générale [7]. L’acépromazine,
sérotonine
outre ses effets tranquillisants, limite l’effet
Réponse inflammatoire
IL2, IL6 arythmique des catécholamines [8, 9]. Elle
TNF possède des propriétés antiémétiques
bradykinines associées à une action dépressive sur les
TXA, PG, LT centres du vomissement, et elle peut ainsi
prévenir les vomissements occasionnés par les
agents anesthésiques généraux et donc limiter
Consommation en oxygène du myocarde,
coagulation, métabolisme, immunité,
les risques de fausses déglutitions [10, 11].
complications postopératoires
INCONVÉNIENTS
Figure 1 Conséquences du stress chirurgical.
ACH : adrenocorticotrophic hormone ; ADH : hormone antidiurétique ; GH : growth hormone ; TSH : thy- L’acépromazine présente une durée
réostimuline hypophysaire ; IL : interleukine ; TNF : tumour necrosis factor ; TXA : thromboxane A ; PG : d’action importante, avec un délai d’action
prostaglandines ; LT : leucotriènes. de 20 à 30 minutes en intramusculaire et de
10 minutes environ en intraveineuse. Du fait
douloureux avant, pendant et après le PHÉNOTHIAZINES : ACÉPROMAZINE de son action antagoniste des récepteurs a1-
geste chirurgical (confort de l’animal) ; adrénergique, elle entraîne une
• une diminution des quantités d’anesthé- Les phénothiazines sont des agents tran- vasodilatation et une hypotension [12] qui
sique général administrées (et de leurs quillisants, également considérés comme reste modérée chez les animaux normovolé-
risques associés) ; neuroleptiques majeurs. Ces effets sédatifs miques [13]. Cette vasodilatation associée à
sont liés à leur action antidopaminergique, une action directe sur les centres de la ther-
• une induction et un réveil plus calmes ;
et à leur effet dépresseur sur le tronc cérébral morégulation lui confère également une
• une myorelaxation. et la conduction vers le cortex [5]. L’unique action hypothermisante [10]. L’utilisation
Dans certains cas, elle a pour objectif une molécule de cette famille disponible pour d’acépromazine est donc déconseillée chez
prévention de l’augmentation de l’activité du l’usage vétérinaire en France est l’acépro- les insuffisants cardiaques et les jeunes, et
système nerveux vagal associée à certaines mazine (Vetranquil®, Calmivet®). Cet agent lorsqu’elle est administrée chez les animaux
procédures chirurgicales. est très utilisé en médecine vétérinaire pour de petit gabarit des mesures de réchauf-
Les agents participant à l’obtention de cet ses vertus sédatives et ses multiples formes fement doivent être instaurées.
état sont les suivants : les phénothiazines, les d’administration. À dose comparable, les L’acépromazine appartient aux phéno-
benzodiazépines, les a2-agonistes et les mor- effets sont plus importants sur les animaux thiazines de structure aliphatique, qui sont
phiniques, les anticholinergiques. Les de grand gabarit que sur les petits et la dose reconnues pour leurs propriétés proconvul-
posologies de ces agents sont indiquées dans totale à administrer ne devrait pas dépasser sivantes [14]. Les phénothiazines diminuent le
le Tableau 1. 3 mg [6] (Tableau 1). seuil de déclenchement des convulsions et
Diazépam INTÉRÊTS
le système cardiovasculaire n’est pas intègre présente des effets abortifs. Son utilisation a kappa, delta et sigma, dont les effets sont
(risque anesthésique ASA supérieur à 2). été décrite dans le cadre de l’anesthésie pour sensiblement différents lorsqu’ils sont
Les autres effets secondaires rapportés la césarienne [32] ; néanmoins, elle a été stimulés. Ces agents sont rapidement
sont des vomissements par stimulation des associée à un taux de mortalité accrue chez abordés dans cet article car ils sont détaillés
centres du vomissement, une augmentation les nouveau-nés [33]. par ailleurs. Schématiquement, les morphi-
de la diurèse par inhibition de l’hormone niques sont classés différemment selon la
antidiurétique, une diminution de la Médétomidine (Domitor®) réponse obtenue après fixation sur les
motilité gastro-intestinale, une diminution récepteurs morphiniques [40] , selon leur
de la sécrétion d’insuline par le pancréas et La médétomidine possède une affinité action sur les différents récepteurs :
une hyperglycémie associée [13]. marquée pour les récepteurs a2-adréner- • morphiniques agonistes (exemples :
giques avec un ratio de 1 620/1 de morphine, fentanyl) ;
sélectivité [25]. Elle est donc dix fois plus
• morphiniques agonistes antago-
PRINCIPES ACTIFS DISPONIBLES puissante que la xylazine, et possède une
nistes (exemple : butorphanol) ;
durée d’action plus longue (supérieure à
• morphiniques agonistes partiels
Xylazine (Rompun®, Paxman®, Sedaxylan®) 1 heure pour la sédation et aux alentours de
(exemple : buprénorphine) ;
45 minutes pour l’analgésie) et des effets plus
La xylazine présente une affinité a2/a1 de prévisibles, dose-dépendants [34] . Si elle • morphiniques antagonistes (exemple :
160/1 [25] ; de ce fait, elle possède également produit les mêmes effets cardiovasculaires naloxone).
une action non négligeable sur les récepteurs que la xylazine, elle permet néanmoins de La stimulation des récepteurs morphi-
a1-adrénergiques à dose thérapeutique. Sa diminuer les doses d’anesthésiques généraux niques entraîne une augmentation de la
durée d’action chez les carnivores domes- de façon plus importante que la xylazine [35]. conductance membranaire au potassium
tiques est environ de 30 à 60 minutes pour Outre son utilisation comme agent de pré- (récepteurs mu) ou calcique (récepteurs
l’effet sédatif et de 15 à 30 minutes pour médication, la médétomidine est également kappa) et une hyperpolarisation des
l’effet analgésique. Les effets cardiovascu- utilisée comme complément de l’analgésie à membranes neuronales concernées. Elle
laires de la xylazine sont marqués par une faible dose pour une utilisation péri- ou s’accompagne d’une diminution du relargage
hypertension passagère suite à une vasocons- postanesthésique [36]. de neurotransmetteurs et de la transmission
triction périphérique (effet a1-agoniste) [29] synaptique (Tableau 2).
suivie d’une hypotension et d’une brady- Romifidine (Romidys®) Ces agents sont les agents de choix dans
cardie (effets a2 centraux) [ 3 0 ] ; elle la prise en charge de la douleur périopéra-
s’accompagne d’une diminution du débit L a r o m i fi d i n e e s t u n e m o l é c u l e toire, la morphine (hors autorisation de mise
cardiaque, de blocs atrioventriculaires de a2-agoniste récemment mise sur le marché sur le marché) et le butorphanol étant à ce
second degré. Utilisée seule, elle n’entraîne des petits animaux. Son affinité pour les jour les molécules le plus facilement acces-
pas de modification notable des paramètres récepteurs a2-adrénergiques est intermé- sibles en pratique vétérinaire canine. Les
respiratoires [29]. La xylazine est proéméti- diaire entre la xylazine et la médétomidine morphiniques agonistes procurent une
sante par action centrale sur les centres du (440/1) [37], sa durée d’action et sa puissance analgésie dose-dépendante sans effet plafond
vomissement, particulièrement chez le chat, sont moindres que celle de la médétomidine et sont privilégiés lors de douleur modérée à
mais aussi chez le chien à dose élevée [31]. (environ 40 minutes de sédation et sévère. Les morphiniques agonistes partiels
Sa principale utilisation chez les 30 minutes d’analgésie). Les mêmes effets et agonistes-antagonistes ont un effet
carnivores domestiques consiste en une asso- secondaires qu’avec les autres a2-agonistes plafond : au-delà d’une certaine dose, l’anal-
ciation avec de la kétamine pour produire ont été rapportés [38] et, comme les autres a2- gésie n’est pas améliorée. Les morphiniques
une anesthésie chirurgicale injectable de agonistes, elle permet de diminuer les doses agonistes-antagonistes sont réservés pour des
courte durée. Néanmoins, elle peut être d’agents d’induction [39]. douleurs faible à modérée, en cas de contre-
utilisée comme prémédicant avant une indication pour les agonistes mu. Ils peuvent
induction au thiopental ou au propofol, également être administrés lorsque l’on
même si des agents a2-agonistes plus spéci- souhaite antagoniser les effets secondaires des
MORPHINIQUES
fiques lui sont maintenant préférés chez les agonistes mu.
carnivores domestiques. Les morphiniques regroupent une variété L’influence des morphiniques sur le
Son utilisation est donc déconseillée lors de principes actifs présentant une affinité système cardiovasculaire est faible (brady-
d’insuffisance cardiaque, d’insuffisance res- pour les récepteurs morphiniques. Il existe cardie vagale essentiellement) et les effets
piratoire ou sur des animaux en état de choc. plusieurs types de récepteurs morphiniques dépresseurs respiratoires sont dose-
La xylazine est également contre-indiquée intervenant dans la transmission de la dépendants. Ces effets secondaires,
dans le dernier tiers de la gestation, car elle douleur : principalement les récepteurs mu, essentiellement présents avec les agonistes
ANESTHÉSIE INTRAVEINEUSE ET TRANQUILLISATION — 0100 5
mu (pas avec les morphiniques agonistes il est judicieux de l’associer à un tranquil- INCONVÉNIENTS
kappa), sont par ailleurs réduits en présence lisant comme l’acépromazine qui limite les
de stimulation douloureuse. Les morphi- risques de dysphorie et augmente son L’augmentation potentielle de fréquence
niques agonistes mu possèdent également un potentiel analgésique. La morphine peut cardiaque peut s’avérer délétère chez un
effet émétisant par stimulation des centres du également être administrée en combinaison animal prédisposé à des troubles cardiaques
vomissement. avec un a2-agoniste et permet de diminuer puisque le travail du cœur et la consom-
drastiquement les doses de ces derniers. mation d’oxygène sont augmentés. Ces
agents favorisent la survenue d’arythmies
INTÉRÊTS cardiaques, de ralentissement du transit
Butorphanol
gastro-intestinal et engendrent une mydriase
Les morphiniques procurent une (dilatation des pupilles), et donc un
Le butorphanol est un agent agoniste
analgésie puissante avec peu de répercussions inconfort pour l’animal au réveil. Par
kappa antagoniste pour les récepteurs mu ; il
cardiovasculaires à dose thérapeutique, ailleurs, si les sécrétions sont diminuées, elles
permet d’obtenir un effet sédatif de meilleure
permettant de diminuer le stress anesthésique sont également épaissies et donc moins
qualité que la morphine. Son potentiel anal-
et chirurgical. facilement expectorées par l’animal.
gésique est cependant moindre, avec un effet
plafond et une durée d’action moyenne (de
INCONVÉNIENTS 1 à 2 heures chez le chien, de 2 à 4 heures
chez le chat). PRINCIPES ACTIFS DISPONIBLES
Les morphiniques agonistes kappa
présentent peu d’effets secondaires, mais leur Fentanyl Atropine
pouvoir antalgique est limité. À l’inverse, le
pouvoir antalgique des morphiniques Le fentanyl est un morphinique agoniste C’est l’agent anticholinergique le plus
agonistes mu est important et dose- mu très puissant (au moins 100 fois plus utilisé, mais son administration de routine
dépendant, mais ces agents peuvent puissant que la morphine), mais de courte est controversée en raison de l’incidence
présenter un certain nombre d’inconvé- durée d’action (de 15 à 20 minutes). Son élevée d’arythmies cardiaques qui l’accom-
nients [40]. Leur effet sédatif est variable ; un utilisation par voie intraveineuse s’accom- pagne (extrasystoles ventriculaires,
effet dysphorique peut survenir, notamment pagne d’une forte bradycardie et d’une tachycardies sinusales). Elle est intéressante
chez le chat à forte dose. Peuvent également dépression respiratoire dose-dépendante qui dans le cadre de l’urgence car elle agit
être observés : privilégient son utilisation pour la période rapidement, mais elle passe la barrière héma-
• une dépression respiratoire, qui est peranesthésique. Néanmoins, le fentanyl toencéphalique et peut donc être associée à
d’autant plus faible que l’animal est en existe également sous forme de timbre à des effets secondaires (dysphorie
douleur ; diffusion cutanée (voie transdermique), ce notamment).
• une bradycardie vagale, voire une hypo- qui autorise son utilisation chez les petits
tension ; animaux : son délai d’action sous cette forme Glycopyrrolate (Robinul-V®)
• des vomissements d’origine centrale ; est d’environ 7 à 8 heures chez le chat, 20 à
• une perturbation des centres de la ther- 24 heures chez le chien, laps de temps durant C’est un anticholinergique ammonium
morégulation, avec hypothermie chez le lequel un morphinique agoniste mu comme quaternaire. Son avantage par rapport à
chat et hyperthermie chez le chien ; la morphine doit être utilisé [41] en attendant l’atropine est qu’il ne passe pas la barrière
• une rétention urinaire. que le timbre fasse effet. hématoencéphalique ni la barrière placen-
Il est important de noter que ces effets taire. Néanmoins, son délai d’action
secondaires, largement retracés chez (30 minutes) limite son usage à la prémédi-
l’homme, restent rares chez l’animal et ne ANTICHOLINERGIQUES cation. Dans le cadre de l’usage
sauraient effacer l’immense bienfait de ces peranesthésique ou en urgence, l’atropine lui
Les agents anticholinergiques réduisent est préférable de par sa rapidité d’action.
molécules : une analgésie pré-, per- et posto- les effets de l’acétylcholine, neuromédiateur
pératoire de qualité, et donc un confort dans le système nerveux central et le système
optimal pour l’animal, ainsi qu’une potenti- nerveux périphérique. Ils bloquent la mise
alisation des effets des neuroleptiques et des en jeu du système parasympathique : ils
agents anesthésiques. UTILISATION PRATIQUE DES AGENTS
diminuent les bradycardies vagales et DE PRÉMÉDICATION : PROTOCOLES
réduisent les sécrétions salivaires, bron- DE SÉDATION
PRINCIPES ACTIFS DISPONIBLES chiques, gastro-intestinales, mais dans le
même temps augmentent leur viscosité. Il Il n’existe pas de protocole de sédation
était d’usage d’utiliser ces agents de routine idéal pour toutes les situations ; divers
Morphine éléments doivent être pris en compte :
mais à l’heure actuelle, eu égard à leurs effets
La morphine est un agoniste pur des secondaires nombreux, ils sont le plus • la sédation précède-t-elle ou non une
récepteurs mu ; elle procure une excellente souvent utilisés au besoin [13]. anesthésie générale ;
analgésie pendant 2 à 4 heures chez le chien, • la durée de l’intervention ;
4 à 6 heures chez le chat. Elle peut être • l’intensité de la stimulation douloureuse
INTÉRÊTS
administrée en bolus ou en perfusion sans induite ;
effet secondaire majeur aux doses thérapeu- Ils permettent de prévenir les brady- • l’intensité de la sédation souhaitée ;
tiques. Il convient d’être vigilant lors cardies d’origine vagale et les chocs vagaux, • l’état clinique de l’animal.
d’administration par voie intraveineuse, car et sont donc recommandés lors de brady- Quelques indications permettent de
elle est susceptible d’entraîner une histami- cardies accompagnées d’une hypotension. Ils mieux cibler le protocole recherché : si
nolibération avec hypotension associée [6]. sont également indiqués lors des anesthésies l’animal est en bonne santé et qu’un geste
Elle favorise également la survenue de pédiatriques pour leur soutien de la douloureux est anticipé, une association
vomissement et peut engendrer une fréquence cardiaque (et donc du débit acépromazine/morphinique oua2-
dysphorie chez certains animaux. De ce fait, cardiaque à cet âge). agonistes/morphinique est la plus inté-
6 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0100 —
Inconvénients Temps
Perfusion
Ils rendent la surveillance de l’anesthésie Bolus
plus difficile et nécessitent un contrôle B
rigoureux de la douleur. Les muscles respira- Figure 3 Différences entre administration des agents par bolus (A) et par perfusion (B).
toires sont également paralysés et l’animal
doit recevoir une assistance ventilatoire soit • la mise en place d’une voie veineuse afin propofol ou la kétamine constituent une
manuelle soit mécanique. d’administrer les anesthésiques à effet, option ;
effectuer une fluidothérapie peranesthé- • pour des intervention de durée moyenne
sique pour compenser les pertes (de 15 à 45 minutes), l’utilisation de
volémiques et lutter contre les hypoten- kétamine ou de tilétamine en bolus
MISE EN ŒUVRE D’UNE ANESTHÉSIE
INJECTABLE
sions induites, administrer des agents de semble la solution à privilégier, en prenant
réanimation en cas d’accident anesthé- la précaution de ne pas réinjecter plus de
Comme pour la sédation de l’animal, il sique ; deux fois la dose initiale afin de ne
est important de prendre en compte divers • la supplémentation de l’air inspiré en pas avoir d’effet cumulatif ;
facteurs lors de l’élaboration du protocole oxygène afin de limiter les effets délétères
• pour des interventions de longue durée
d’anesthésie : l’état clinique de l’animal, la de la dépression respiratoire induite par
(supérieure à 45 minutes), la perfusion de
durée de l’intervention et sa complexité, la les agents anesthésiques.
propofol est une solution intéressante en
douleur induite par l’intervention, le degré Ces gestes simples doivent être réalisés
même si l’anesthésie est réalisée par voie l’absence d’anesthésique volatil ;
de myorésolution et d’inconscience désiré
injectable, car ils permettent de prévenir la néanmoins, elle doit être administrée avec
(Tableau 5). L’administration des agents en
survenue de complications. une forte antalgie (morphine à dose
bolus présente l’inconvénient de favoriser la
survenue de surdosage et réveils intempestifs. Pour une anesthésie générale, la voie élevée, a2-agonistes) car le propofol ne
Lorsqu’elle est utilisable (avec le propofol intraveineuse doit être privilégiée afin possède pas de propriété antalgique par
notamment), la solution de la perfusion d’obtenir une biodisponibilité de 100 % et lui-même.
limite ces inconvénients (Fig. 3). d’administrer les agents à effet pour éviter les Une fois l’animal endormi, placé sous
Une fois le protocole choisi, il faut surdosages (Fig. 2). oxygène et fluidothérapie, il doit être
sécuriser la procédure anesthésique : ceci Le choix de l’anesthésique général doit surveillé afin de pouvoir déceler précocement
passe par la réalisation de plusieurs gestes être guidé essentiellement par la durée tout signe de complication. Les paramètres
simples : d’intervention et l’état clinique de l’animal : décrits ci-dessous sont utilisables pour la
• une intubation de l’animal afin d’assurer • pour des interventions de courte durée surveillance de l’anesthésie chez les animaux
la perméabilité des voies aériennes ; (moins de 15 minutes), le thiopental, le de compagnie, il faut a minima choisir deux
10 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0100 —
paramètres dans chaque catégorie pour À la fin de l’intervention, l’animal doit grande d’utilisation. Cependant, il est
pouvoir évaluer l’état clinique de l’animal être mis dans un endroit chaud et confor- impératif de connaître leurs limites d’utili-
lors de l’anesthésie : table, et son réveil doit être surveillé jusqu’à sation et d’association. Une anesthésie peut
• surveillance de la profondeur de l’anes- ce que l’animal soit capable de se tenir en être réalisée par voie intraveineuse, mais dès
thésie : réflexe palpébral, tonus de la décubitus sternal. Le réveil doit être calme ; que la durée de l’intervention excède trois
mâchoire, basculement du globe oculaire ; si l’animal s’agite ou hurle, l’analgésie doit quarts d’heure, sa mise en œuvre peut
• surveillance de la fonction cardiovascu- être contrôlée. Si le réveil est long et qu’un devenir plus complexe et le recours à une
laire (paramètre à choisir selon a2-agoniste a été utilisé, de l’atipamézole anesthésie volatile peut s’avérer préférable. Il
l’équipement à disposition) : auscultation, peut être administré mais, une fois encore, est enfin essentiel de ne pas associer nécessai-
fréquence cardiaque, pouls, temps de l’analgésie doit être contrôlée (par un mor- rement anesthésie à perte de conscience, mais
remplissage capillaire, électrocardio- phinique ou un AINS par exemple) si l’a2- surtout à perte de la sensation douloureuse,
gramme, pression artérielle ; agoniste était la seule molécule à visée et ainsi toujours inclure une molécule anal-
• surveillance de la fonction respiratoire antalgique du protocole. gésique dans le protocole anesthésique. En
(paramètre à choisir selon l’équipement à conclusion à ces propos, nous pouvons citer
. disposition) : auscultation, courbe respi- Smith : « il n’existe pas d’agent anesthésique
ratoire, fréquence respiratoire, couleur des CONCLUSION sûr, il n’existe pas de procédure anesthé-
. muqueuses, oxymétrie de pouls, Les agents anesthésiques sont donc variés sique sûre, il n’existe que des anesthésistes
capnographie. de nos jours et offrent une sécurité plus sûrs ».
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¶ 0200
Mots clés : Chien ; Chat ; Agents halogénés ; Isoflurane ; Sévoflurane ; Circuit filtre ; Bain
Plan Circuits 6
Ventilateurs 9
Évacuation des gaz anesthésiques 9
¶ Introduction 2
Vérification d’une machine d’anesthésie 10
¶ Produits utilisés 2
¶ Aspect pratique 10
Agents anesthésiques volatils 2
Quand recourir à l’anesthésie volatile ? 10
Gaz vecteur 3
Quel circuit choisir ? 11
¶ Machine d’anesthésie volatile 4 Quels réglages adopter ? 11
Gaz 4 Surveillance de l’anesthésie 12
Débitmètres 5 ¶ Conclusion 13
Évaporateurs 5
Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 1
0200 ¶ Anesthésie volatile et circuits
Tableau 1.
Caractéristiques physicochimiques des agents anesthésiques volatils actuels (d’après Steffey et Mama [2]).
Tableau 2.
Solubilité des agents anesthésiques volatils actuels (chez l’homme) (d’après McKay et al. [1]).
Tableau 3.
Puissance exprimée en concentration alvéolaire minimale (MAC) des agents anesthésiques volatils actuels (d’après Steffey et Mama [2]).
MAC Halothane Isoflurane Sévoflurane Desflurane
Chat 1 - 1,2 1,3 - 2,2 2,6 - 3,4 9,8 - 10,3
Chien 0,9 - 1 1,3 - 1,5 2,1 - 2,4 7,2 - 10,3
2 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
Anesthésie volatile et circuits ¶ 0200
Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 3
0200 ¶ Anesthésie volatile et circuits
50 %
30 %
150
FIO2 = 21%
PAO2 (mmHg)
100
15 %
10 %
50
0,5 N N 2N
Ventilation alvéolaire
Figure 1. Évolution de la pression partielle en oxygène (PAO2) dans les gaz pulmonaires lors de modification de la ventilation, et effet de
la fraction inspirée en oxygène (FIO2) (d’après Lamb A. Nun’s applied respiratory physiology. Amsterdam: Elsevier ; 2005). Quand un animal
respire de l’air ambiant (FIO2 = 21 %, courbe du milieu) et que sa ventilation alvéolaire est physiologique (N = « normale » sur l’axe des
abscisses), la PAO2 est d’environ 100 mmHg. Si, dans les mêmes conditions, sa ventilation est divisée par deux (0,5 N), ce qui peut être le
cas lors de l’exposition à des quantités importantes d’anesthésiques, la PAO2 est inférieure à 50 mmHg, et l’animal devient alors
hypoxémique. Si la FIO2 est portée à 30 %, la même dépression respiratoire n’entraîne plus d’hypoxémie. Lorsque l’on atteint 50 %
d’oxygène inspiré, le risque d’hypoxémie devient très faible, y compris lors de forte dépression respiratoire.
4 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
Anesthésie volatile et circuits ¶ 0200
Figure 2. Deux moyens courants pour disposer d’oxygène : les bouteilles d’oxygène médical et les concentrateurs d’oxygène.
A. Centrale d’oxygène. Les bouteilles d’oxygène sont louées par l’utilisateur. Elles contiennent de l’oxygène comprimé à 200 bars et
nécessitent donc l’utilisation de détendeurs. C’est un moyen sûr pour disposer facilement d’une quantité importante d’oxygène sous
pression de qualité garantie. 1. Détendeurs et manomètres de contrôle ; 2. bouteilles d’oxygène ; 3. fixation au mur.
B. Concentrateur d’oxygène. Les concentrateurs permettent d’obtenir un air très enrichi en oxygène (de 85 % à 99 %), mais le plus souvent
sous un débit assez faible (de 1 à 5 l/min) et peu de pression. Leur faible coût d’utilisation les rend néanmoins attractifs. 1. Débitmètre ;
2. bouton marche-arrêt ; 3. sortie de l’air enrichi en oxygène.
Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 5
0200 ¶ Anesthésie volatile et circuits
6 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
Anesthésie volatile et circuits ¶ 0200
chimiquement en faisant circuler le gaz dans une cuve de la chaux sodée qui fixe le gaz carbonique. On
contenant de la chaux sodée (« filtre »). La saturation comprend donc que l’usure de la chaux sodée conduit
de cette cuve est indiquée par son changement de à une réinspiration de CO2 de plus en plus importante.
couleur. Plusieurs types de chaux sodée sont commer- De plus l’animal est, par la proximité de la cuve,
cialisés. Ils diffèrent par leur composition, leur capacité .
facilement exposé à l’inspiration de poussière de chaux
de fixation et leur niveau de toxicité potentielle. particulièrement agressive pour les poumons. Ce circuit,
Le circuit le plus ancien est connu sous le nom de peu coûteux, n’est plus guère utilisé.
« va-et-vient de Waters ». Entre l’animal et le ballon qui Le circuit circulaire est le circuit de référence (Fig. 6).
stocke les gaz expirés est intercalée une cuve contenant Il est constitué d’une boucle dans laquelle le sens de
Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 7
0200 ¶ Anesthésie volatile et circuits
Gaz viciés
Valve de sortie
“ Point essentiel
Branchement
de l’animal Chaux sodée
Tuyau coaxial • Composition : il s’agit de granules
d’hydroxyde de calcium associé (ou non) à de
Gaz frais faibles quantités d’une base forte (hydroxyde de
A sodium ou de potassium) qui assurent la fixation
chimique du CO2. Leur usure est indiquée par
l’apparition d’une coloration bleue des granules
grâce à la présence d’un indicateur coloré.
Malheureusement, ce changement de couleur
est réversible alors que la fixation du CO2 ne l’est
pas. Il est donc fondamental de vérifier la couleur
de l’absorbeur à la fin de l’anesthésie, c’est-à-dire
avant que la chaux ne redevienne blanche. Si la
chaux est totalement usée, il est possible
d’observer une couleur blanche alors que sa
capacité de fixation est quasi nulle et que le
niveau de CO2 circulant est devenu excessif.
• Capacité de fixation : la fixation du CO2 se fait
au contact des granules. Elle dépend donc de leur
forme, de leur porosité, de leur diamètre. La
capacité de fixation dépend également du type
Figure 5. Circuit de Bain : le circuit « ouvert » le plus utilisé de chaux : les chaux sans base forte possèdent
par les vétérinaires. des capacités de fixation beaucoup plus limitées.
A. Schéma de principe de ce circuit. Il s’agit d’une modification • Toxicité potentielle : exposée dans un circuit
coaxiale du Mapleson D : le flexible d’arrivée de gaz frais et de anesthésique, la chaux sodée peut produire des
celui d’évacuation sont regroupés. Outre la simplicité de ne déchets toxiques. Deux cas sont à considérer.
manipuler qu’un seul tube au voisinage de la tête de l’animal, Certains anesthésiques sont dégradés en
cette disposition permet également de regrouper loin du mani-
présence de chaux sodée produisant un composé
pulateur l’arrivée des gaz frais et l’élimination des gaz usés. Le
à toxicité rénale, le composé A. C’est
tuyau coaxial sert également à stocker des gaz frais entre deux
respirations, ce qui limite le débit (continu) nécessaire à l’éva- particulièrement vrai pour le sévoflurane ; cela
cuation des gaz viciés. pourrait être problématique en circuit fermé,
B. Installation d’un circuit de Bain sur une machine d’anesthésie. mais dépend également du type de chaux
On peut voir le branchement du circuit par sa branche expira- utilisée. L’absorption de CO2 par la chaux sodée
toire (tuyau annelé et ballon), et le tube apportant les gaz frais. peut s’accompagner de production de
Sur le grossissement de l’extrémité du circuit, on voit l’organi- monoxyde de carbone si la chaux est desséchée
sation coaxiale des deux tubes. 1. Circuit de Bain ; 2. tuyau (teneur en eau inférieure à 5 %). Ce problème a
expiratoire externe ; 3. tuyau inspiratoire interne ; 4. arrivée des été appelé syndrome du lundi matin, et doit
gaz frais.
appeler à la vigilance : ne pas laisser la chaux
sodée à l’air ambiant, penser à la changer
fréquemment.
circulation des gaz est imposé par deux valves unidirec-
• Attention, la fixation du CO 2 par la chaux
tionnelles. Le gaz circule au fur et à mesure des mou-
vements respiratoires de l’animal et subit :
sodée est exothermique : CO 2 + sévoflurane
• à chaque expiration, un stockage des gaz expirés + chaux sèche = risque d’explosion.
dans un ballon ; • L’absorbeur doit toujours être placé
• à chaque cycle respiratoire, un passage des gaz dans verticalement, de manière à éviter le passage de
un absorbeur à CO2 ; gaz entre les granulés et le contenant, c’est-à-dire
• en continu, un apport de gaz frais assurant un sans contact avec les granulés.
renouvellement partiel ;
• en continu, une évacuation des gaz en excès par une
valve de trop-plein.
C’est le choix du débit de gaz injecté qui détermine bas débit »), le contenu du circuit est renouvelé lente-
le comportement du circuit. Le débit d’oxygène injecté ment et la réutilisation des gaz expirés forte : le fonc-
dans le circuit doit être au moins égal à la consomma- tionnement est peu coûteux, le circuit réagit lentement,
tion en oxygène de l’animal, soit environ 5 ml/kg/ mais la concentration des gaz présents fortement
min [13], mais les cliniciens choisissent toujours un influencée par ce qui est consommé par l’animal.
débit largement plus important. Si 50 à 100 ml/kg/min En règle générale, c’est un débit assez important qui
sont utilisés (« haut débit »), le contenu du circuit est est utilisé en début d’anesthésie (disons 50 ml/kg/
renouvelé rapidement et la réutilisation de gaz expirés min), car il autorise une stabilisation rapide du contenu
est faible : le fonctionnement est coûteux, le circuit du circuit (gaz et vapeurs). Une fois qu’un état stable a
réagit vite et la concentration en gaz très proche de été obtenu, soit après environ 15 à 30 minutes, le débit
celle des gaz frais. Si 10 ml/kg/min sont utilisés (« très de gaz frais peut être réduit entre 10 et 20 ml/kg/min
8 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
Anesthésie volatile et circuits ¶ 0200
Absorbeur
à chaux sodée
Valve Valve
inspiratoire expiratoire
Ballon
Branchement A
pour l’animal
Figure 6. Circuit circulaire encore appelé circuit « réinhalatoire ».
A. Schéma de principe d’un circuit circulaire. Il est constitué d’une boucle dans laquelle circule le gaz à chaque cycle respiratoire. Deux
valves unidirectionnelles imposent un sens de rotation. Un ballon stocke le gaz expiré avant l’inspiration suivante. Un absorbeur fixe
chimiquement du dioxyde de carbone au gaz qui le traverse. La boucle est alimentée en gaz frais et les gaz en excès sont éliminés par un
trop-plein. La présence de valves permet de contrôler le flux de gaz, mais représente une résistance qui limite l’utilisation de ce type de
circuit à des animaux d’un poids supérieur à 4 à 10 kg (selon les modèles).
B. Photographie de ce type d’équipement. On peut reconnaître les différents éléments présentés sur le schéma. La commande de la valve
de trop-plein est localisée sur le dessus du bloc circuit, mais l’orifice d’évacuation est localisé à l’arrière et n’est donc pas visible sur ce cliché.
1. Valves unidirectionnelles ; 2. valve de trop-plein ; 3. ballon ; 4. tuyaux inspiratoire et expiratoire ; 5. manomètre ; 6. canister à chaux
sodée (absorbeur) ; 7. arrivée des gaz frais ; 8. bouton oxygène rapide (by-pass).
si le matériel le permet. La plupart des évaporateurs ou une valve de trop plein qu’il est possible de mettre à
des débitmètres n’autorisent pas des débits inférieurs à profit avec une des quatre méthodes suivantes : « met-
0,2 l/min. tre à la fenêtre », utiliser un absorbeur, utiliser un
système de ventilation ou un système d’extraction
Ventilateurs dédié (Fig. 7).
La technique la plus simple consiste à relier la valve
Les machines d’anesthésies peuvent comprendre la de trop-plein à l’extérieur du bâtiment (Fig. 7A). Dans
présence d’un ventilateur permettant la mise en place le cas d’utilisation de deux circuits sur une même
d’une respiration artificielle. Dans ce cas, le ballon est machine, il est possible d’utiliser une pièce en Y pour
manuellement ou automatiquement remplacé par un relier les sorties des deux circuits, mais on prend garde
soufflet qui est mobilisé par le ventilateur et permet à vérifier que les valves de trop-plein soient unidirec-
une insufflation périodique de la cavité thoracique. Il
tionnelles, sous peine de voir le trop-plein d’un circuit
est important de signaler que cette pratique est souvent
dirigé vers l’autre. Ce système simple permet d’éviter la
la règle en anesthésie humaine. Néanmoins, la plus
sortie des gaz dans la pièce de manière efficace... en
grande complexité de sa mise en œuvre et les risques
l’absence de fuites.
associés à une mauvaise utilisation et surtout une
Des filtres à charbon actif peuvent être utilisés. Ils se
mauvaise surveillance en font, en médecine vétérinaire,
présentent sous la forme d’une cartouche posée au sol
une pratique rare et le plus souvent limitée à des
et que l’on peut relier avec le circuit anesthésique par
procédures spécifiques (thoracotomie, chirurgie intra-
un tuyau (Fig. 7B). Ces filtres étant saturables, il
crânienne, etc.).
convient de noter la date de mise en service et de les
peser régulièrement pour savoir quand les changer.
Évacuation des gaz anesthésiques C’est une technique qui est efficace si les filtres sont
Avec l’arrêt d’emploi du méthoxyflurane puis de changés régulièrement... et en l’absence de fuites dans
l’halothane, la toxicité des agents anesthésiques utilisés le circuit.
a diminué, mais une exposition chronique du vétéri- Le trop-plein de la machine peut également être
naire n’est pas pour autant souhaitable. Il est donc connecté à un système d’extraction des locaux (venti-
indispensable de disposer d’un système d’évacuation lation mécanique contrôlée), si l’air prélevé n’est pas
des agents anesthésiques. L’aération en partie basse redistribué dans d’autres pièces ! Il est important dans
préconisée il y a des années n’est plus d’actualité. Tous ce cas de veiller à ce que la dépression soit suffisam-
les circuits d’anesthésie décrits (cf. supra) comportent ment faible pour ne pas vider le circuit d’anesthésie.
Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 9
0200 ¶ Anesthésie volatile et circuits
Figure 7. Moyens d’évacuation des vapeurs d’anesthésique. Pour éviter la pollution du milieu de travail, les vapeurs d’anesthésique
doivent être évacuées ou absorbées.
A. Système d’évacuation passif. Une simple tubulure (1) relie le trop-plein du circuit à l’extérieur. Ce système, pour être efficace, demande
une bonne étanchéité du circuit et une longueur de tubulure réduite. Il peut être facilement mis en place, convenir pour une machine, mais
ne dispense pas d’une ventilation des locaux.
B. Utilisation d’un piégeage des vapeurs d’anesthésique : le trop-plein est connecté à un filtre contenant du charbon actif qui fixe les
halogénés. La cartouche absorbante (1) a une durée de vie limitée, qui dépend de l’intensité d’utilisation, et ne dispose pas de témoin
d’efficacité ou d’usure (il faut la peser pour connaître sa saturation). Dans ces conditions, ce système qui peut apparaître plaisant est à limiter
à des situations de dépannage.
C. Système d’évacuation actif : prise système d’évacuation de gaz anesthésique (SEGA). La prise est alimentée à partir d’une source d’air
comprimé et est en mesure d’évacuer par effet Venturi d’assez gros volumes vers l’extérieur sans toutefois générer une aspiration dans le
circuit. Ce système est très intéressant mais très coûteux. Une alternative consiste à relier le trop-plein à un système de ventilation des locaux
mais en veillant à ce que la dépression générée ne soit pas trop importante. 1. Prise SEGA ; 2. oxygène ; 3. air ; 4. vide.
10 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
Anesthésie volatile et circuits ¶ 0200
“ Point fort
un poids corporel de plus de 5 à 10 kg, dépendant du
poids des valves de la machine utilisée.
Si l’obtention extrêmement rapide d’une anesthésie
Vérification d’une machine d’anesthésie stable est souhaitée, comme dans le cas d’une césa-
avant utilisation rienne, l’utilisation d’un circuit ouvert peut être envi-
• Mise en garde sagée même sur des animaux de plus grand format. Il
La vérification d’une machine d’anesthésie ne convient alors d’utiliser un débit de gaz frais adapté (de
100 à 150 ml/kg/min).
prend que peu de temps et est un élément
essentiel de sécurité.
Un dysfonctionnement observé une fois Quels réglages adopter ?
l’animal connecté est difficile à diagnostiquer et
Dans la plupart des cas, c’est une induction aux
peut avoir des conséquences fatales. La présence
agents injectables qui est utilisée chez les carnivores
de fuites importantes peut compromettre la domestiques. Elle est suivie par une intubation tra-
stabilité de l’anesthésie et donc l’intervention chéale et le branchement sur la machine d’anesthésie
chirurgicale, une inversion de circuit peut tuer un volatile. L’objectif est alors d’obtenir une anesthésie
animal en quelques minutes. stable avec un pourcentage d’agent volatil adapté, soit
• Points à retenir environ 1,5 à 2 MAC. Ce pourcentage doit être réduit
Avant l’utilisation de la machine, il est si des anesthésiques injectables possédant des effets
nécessaire de : rémanents (kétamine, tilétamine), ou des sédatifs ou
C vérifier visuellement l’état de la machine ; analgésiques puissants (alpha2 agonistes ou opioïdes)
C raccorder les alimentations en gaz ; ont été utilisés.
C connecter l’évacuation ;
C vérifier les niveaux d’anesthésique volatil ; Lors de l’utilisation d’un circuit ouvert :
C brancher le(s) circuit(s) patient. débit important et réglage « normal »
Avant de débuter l’anesthésie, il est Le débit de gaz frais à utiliser est celui nécessaire à
indispensable de : l’élimination des gaz viciés (de 100 à 150 ml/kg/min et
C choisir le débit le plus adapté ; plus de 1 l/min). Le réglage de l’évaporateur correspond
C vérifier que celui-ci est raccordé ; à ce que l’on veut administrer à l’animal (de 1,5 à
C réaliser un test d’étanchéité en pression. 2 MAC). Il est fréquent en début d’anesthésie d’aug-
Une machine d’anesthésie n’est qu’une machine. menter un peu ce pourcentage pour accélérer l’appro-
Il convient donc de la comprendre et de la fondissement de l’anesthésie. Il convient d’être prudent
car les évaporateurs permettent de délivrer des pour-
.
Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 11
0200 ¶ Anesthésie volatile et circuits
12 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
Anesthésie volatile et circuits ¶ 0200
“ Points essentiels
complète limitant le métabolisme donc la production
de chaleur. De plus, la plupart des produits utilisés en
anesthésie dépriment le centre thermorégulateur (anes-
Intubation trachéale thésiques, opioïdes, etc.). La conséquence est une
• L’objectif est de maintenir la perméabilité des hypothermie, parfois excessivement importante, majo-
voies aériennes, d’obtenir une voie rée lors d’ouverture des grandes cavités (évaporation).
d’administration de médicaments (oxygène, Une prévention et une lutte contre le refroidissement
anesthésiques, etc.), de disposer d’un outil peropératoire sont indispensables. Il convient de
irremplaçable en cas de ventilation artificielle, de travailler dans une ambiance assez chaude, d’éviter de
limiter les conséquences d’une régurgitation. trop mouiller les animaux lors de la préparation chirur-
gicale, de les isoler de la table par un tapis ou une
• Le matériel nécessaire et la technique de pose
alèse, d’opérer rapidement, de réchauffer les animaux
sont simples, à condition de disposer d’une
dès le début de l’intervention. L’utilisation de généra-
anesthésie suffisamment profonde. C’est une
teurs d’air chaud, tapis chauffants et lampes infrarouge
technique facile à mettre en œuvre. est nécessaire. Il ne faut pas oublier que l’hypothermie
• Les limites sont principalement liées à la taille potentialise l’effet des anesthésiques et favorise l’appa-
de l’animal : chez des animaux de petite taille, rition d’un certain nombre de pathologies.
notamment chez les chats, la sonde trachéale est
facilement obstruée par des sécrétions. Il est
important d’y penser lorsque des bruits
anormaux synchrones avec la respiration sont ■ Conclusion
entendus. L’anesthésie volatile consiste en l’administration par
• Les erreurs à ne pas commettre sont de nature voie pulmonaire d’un mélange oxygène et anesthési-
technique. Un mauvais choix de la taille des que. Contrairement à une simple administration de
sondes est délétère : trop petite, la sonde gêne la dissociatifs, elle permet d’obtenir une véritable anes-
respiration par sa résistance au flux d’air la thésie, facilement modulable en profondeur comme en
traversant ; trop grosse, sa mise en place est durée. Elle offre à l’animal comme au chirurgien
douloureuse, voire traumatique. Le gonflement confort et sécurité, mais au prix de la connaissance et
excessif du ballonnet de la sonde peut léser la de la maîtrise de matériel spécifique.
trachée et il convient de limiter le volume insufflé D’un côté, le choix du circuit et l’optimisation du
à celui évitant les fuites. Une sonde trop débit de gaz influent énormément sur le coût de
extériorisée entraîne une réinspiration de dioxyde fonctionnement. L’idée largement répandue d’un coût
de carbone, une sonde introduite trop exorbitant de l’anesthésie volatile résulte souvent d’une
profondément une hypoxie par exclusion manière de travailler inadaptée. Le choix raisonné de la
pulmonaire (effet shunt). L’introduction machine, du circuit et de la concentration d’anesthési-
que permet un fonctionnement optimal. Il permet au
œsophagienne de la sonde est rare si le larynx est
vétérinaire d’adapter sa pratique à l’animal. Associé à
correctement visualisé, mais il faut y penser. Elle
une surveillance précise, c’est un gage de sécurité
entraîne polypnée, hypoxie, mauvaise anesthésie certain. De plus, une surveillance adaptée permet de
et peut être diagnostiquée par observation, reconnaître et traiter au plus tôt les dysfonctionne-
palpation, capnographie et oxymétrie. ments, ce qui permet de suivre l’animal et limite
.
• Cette technique, indispensable dans l’urgence encore les risques.
d’un arrêt cardiaque par exemple, doit être Dans l’environnement anesthésique des vétérinaires,
parfaitement maîtrisée. l’anesthésie volatile occupe donc une place clé, justifiée
par les possibilités qu’elle offre, mais savoir s’en servir
est essentiel. « La façon de donner vaut mieux que ce
que l’on donne » écrit Corneille dans Le menteur, et
Remarque. Ne pas oublier qu’un bon fonctionne- notre activité clinique en confirme sans cesse la
ment cardiovasculaire est fondé sur une pression justesse.
artérielle adéquate. .
Muqueuses
■ Références
L’observation des muqueuses apporte des renseigne-
ments respiratoires et cardiovasculaires. La couleur peut [1] McKay RE, Sonner J, McKay WR. Inhaled anesthetics. In:
Stoelting RK, Miller RD, editors. Basics of anesthesia.
être pâle, signe d’une hypoperfusion périphérique ou
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Tranquilli WJ, Thurmon JC, Grimm KA, editors. Lumb and
remplissage capillaire (TRC) nous donne une évaluation Jones’ Veterninary Anesthesia and Analgesia. Ames:
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va être augmenté en cas de vasoconstriction périphéri- historical overview. Best Pract Res Clin Anaesthesiol 2005;
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nous travaillons concerne la température corporelle. En J Vet Res 1993;54:294-9.
Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 13
0200 ¶ Anesthésie volatile et circuits
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Desbois C. Anesthésie volatile et circuits. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Vétérinaire,
Anesthésie-réanimation, 0200, 2010.
14 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
AN 0400
Les avantages des techniques d’anesthésie locorégionale incluent une analgésie puis-
sante, une faible incidence de complications spécifiques sévères, une facilité de réalisation,
un apprentissage rapide et un faible coût. La lidocaïne, la bupivacaïne et la ropivacaïne
sont les anesthésiques les plus couramment utilisés en médecine vétérinaire. Ils peuvent
être associés à d’autres analgésiques, comme la morphine, les alpha-2 agonistes et
la kétamine. L’infiltration des plaies opératoires ne demande aucune connaissance ou
expérience spécifique : les indications de cette technique sont quotidiennes. Les injections
intra-articulaires d’anesthésique local et de morphine sont particulièrement intéressantes
en préopératoire pour prévenir les phénomènes d’hypersensibilisation. En dentisterie, le
bloc du nerf maxillaire dans la fosse ptérygopalatine et le bloc du nerf alvéolaire inférieur
au niveau du trou mandibulaire assurent l’analgésie de la totalité des dents. Le bloc
rétrobulbaire procure une analgésie et une relaxation musculaire de l’ensemble du globe
oculaire. Les blocs intercostaux sont efficaces pour soulager une douleur traumatique ou
chirurgicale : ils sont parfois réalisés par le chirurgien, au cours de la chirurgie, en parti-
culier quand les côtes sont difficilement palpables. L’anesthésie des nerfs qui innervent la
paroi abdominale s’appelle le TAP block : c’est une technique prometteuse dont l’intérêt
clinique doit encore être confirmé chez le chien et le chat. L’anesthésie péridurale dans
l’espace L7–S1 est indiquée pour l’analgésie périopératoire de l’abdomen caudal, du bas-
sin, des membres pelviens, de la région périnéale et de la queue : il est possible de placer
un cathéter péridural et d’entretenir l’anesthésie aussi longtemps que nécessaire. Les
blocs des nerfs périphériques pour l’analgésie des membres pelviens et thoraciques sont
moins invasifs que l’anesthésie péridurale, et associés à moins d’effets indésirables : la
neurostimulation et l’échographie augmentent considérablement le succès et la sécurité
de ces techniques.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
EMC - Vétérinaire 1
Volume 12 > n◦ 1 > février 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S1283-0828(14)48670-8
AN 0400 Anesthésie locale et locorégionale
■ Anesthésie locorégionale du membre thoracique 12 extrêmement précises, telles que la visualisation des
Généralités 12 structures nerveuses et vasculaires, le suivi de la progres-
Bloc des nerfs du plexus brachial en région axillaire sion de l’aiguille et la diffusion de l’anesthésique local au
par échoguidage et neurolocalisation 12 contact du nerf [4] . La neurostimulation et l’échographie
sont actuellement utilisées conjointement, mais il est
fort probable que dans l’avenir les progrès de l’image et
l’expérience des anesthésistes feront de l’échographie la
Introduction seule technique utilisée en première intention.
2 EMC - Vétérinaire
Anesthésie locale et locorégionale AN 0400
Tableau 1.
Doses, délais et durées d’action des principaux anesthésiques locaux utilisés en médecine vétérinaire.
Anesthésique local Dose recommandée (mg/kg) Délai d’action (minutes) Durée d’action (heures)
et concentration
Lidocaïne 2 % 2à5 5 1–3 BN
1–2 E
Bupivacaïne 0,5 à 0,75 % 1à2 10–20 4–12 BN
2–5 E
Ropivacaïne 0,5 à 1 % 1à2 10–20 5–8 BN
le patient sédaté ou anesthésié : l’intérêt de surveiller dans de nombreuses indications (mastectomie, exérèse
les signes cardiovasculaires est donc particulièrement de fibrosarcome, etc.) [16] . Ce mode d’administration
évident en médecine vétérinaire au cours des gestes d’ALR est techniquement très facile, et ne demande aucune
(électrocardiogramme [ECG], pression artérielle). connaissance ou expérience spécifique. Il est pro-
bable que, comme en médecine humaine, l’intérêt de
l’infiltration de plaies opératoires, dans une stratégie
EMC - Vétérinaire 3
AN 0400 Anesthésie locale et locorégionale
A B
Figure 1.
A. Exérèse large d’un mastocytome en région thoracoabdominale chez un chiot boxer.
B. Résultat après mise en place d’un cathéter de plaie et suture : le cathéter va permettre l’infiltration régulière d’anesthésique local en
postopératoire.
4 EMC - Vétérinaire
Anesthésie locale et locorégionale AN 0400
A B
Figure 4. Crânes de chiens (clichés du laboratoire d’anatomie, ONI-
RIS – Nantes).
A. Une aiguille est introduite par le trou infraorbitaire dans le canal
infraorbitaire et ressort par la fosse ptérygopalatine.
B, C. Identification du trou infraorbitaire (cercle noir) et de la longueur
du canal infraorbitaire (flèche noire) sur un crâne de chien dolichocé-
phale (B) et brachycéphale (C).
EMC - Vétérinaire 5
AN 0400 Anesthésie locale et locorégionale
A B
Figure 6. Bloc du nerf maxillaire dans la fosse ptérygopalatine.
A. Un cathéter est introduit dans le canal infraorbitaire : l’extrémité du cathéter ne doit pas dépasser une ligne passant par la verticale au
canthus latéral de l’œil.
B. Le mandrin est engagé dans le canal infraorbitaire, mais seul le cathéter souple est poussé jusqu’à la fosse ptérygopalatine.
6 EMC - Vétérinaire
Anesthésie locale et locorégionale AN 0400
Anesthésie locorégionale
du thorax
Les blocs intercostaux complètent l’analgésie pério- 3
pératoire lors de thoracotomie [23] . Ils sont également
1
intéressants lors de fractures de côtes car ils contribuent
à soulager la douleur, et à améliorer la ventilation et
4
l’oxygénation du patient, tout en diminuant son stress.
Une étude suggère également qu’ils auraient un intérêt
pour la chirurgie des tumeurs mammaires thoraciques
5
chez la chienne [24] . Ils peuvent être réalisés sur un animal
sédaté ou anesthésié. Le bloc intercostal est technique-
ment très simple : sa réalisation peut être rendue difficile 2
chez les animaux en surpoids, chez lesquels les côtes
ne sont pas palpables. L’échographie est alors une aide
précieuse : elle permet de repérer les côtes et l’espace Ventral
intercostal non palpables, et d’apprécier la profondeur
d’insertion de l’aiguille pour éviter de ponctionner la Latéral
plèvre.
L’espace intercostal (ou la côte) à bloquer est repéré, Figure 9. Échographie de la paroi abdominale chez un
et palpé le plus dorsalement possible. L’aiguille est insé- chien. Les différentes composantes de la paroi abdominale sont
rée perpendiculairement à la peau en direction de la visualisées. 1. Transversus abdominis plane ou plan du muscle
côte pour rechercher le contact osseux. Ensuite, elle est transverse de l’abdomen, situé entre le muscle oblique interne
redirigée caudalement, jusqu’à atteindre le bord caudal et le muscle transverse de l’abdomen ; 2. cavité abdominale ;
de la côte. À ce niveau, l’aiguille est introduite légère- 3. muscle oblique externe ; 4. muscle oblique interne ; 5. muscle
ment sous la côte en l’inclinant en direction craniale transverse de l’abdomen.
d’environ 20◦ . Une aspiration doit être réalisée avant
l’injection puisque les vaisseaux intercostaux cheminent crête iliaque et la dernière côte, approximativement 5 cm
cranialement aux nerfs intercostaux. Un volume de 0,5 à latéralement à la ligne médiane. La sonde d’échographie
1,5 ml suffit par point. Les complications incluent prin- est placée perpendiculairement au grand axe du chien
cipalement l’échec du bloc. La pénétration de la cavité et les différentes composantes de la paroi abdominale
thoracique, la lacération du poumon et le pneumothorax sont visualisées (muscle oblique externe, muscle oblique
peuvent également être évoqués ; en revanche, le choix interne et muscle transverse de l’abdomen) (Fig. 9).
judicieux de la longueur de l’aiguille et un geste mesuré Une aiguille est introduite sous contrôle échographique,
limitent considérablement ces risques. Il est habituelle- son biseau est positionné dans l’espace entre le muscle
ment recommandé de bloquer deux nerfs intercostaux oblique interne et le muscle transverse de l’abdomen, et
cranialement, et deux nerfs intercostaux caudalement à l’anesthésique local est injecté. Un volume de 0,4 ml/kg
la côte ou l’espace intercostal concerné. d’anesthésique local, dans chacun des deux plans du
Le bloc intercostal peut être réalisé par le chirurgien, muscle transverse de l’abdomen, semble permettre
une fois que les côtes et l’espace intercostal ont été d’obtenir une bonne analgésie de la paroi abdominale [24] .
abordés. Le chirurgien peut également en profiter pour
réaliser l’infiltration des plaies cutanée et musculaire au
même moment. Cette option ne respecte pas le principe
d’analgésie préventive : en revanche, elle est préférable à
Anesthésie péridurale
un échec du bloc préopératoire. Généralités
Anesthésie locorégionale L’injection dans l’espace intervertébral L7-S1 est la
plus couramment réalisée et permet une distribution
de la paroi abdominale de l’anesthésique local jusqu’en région thoracique.
Cependant, en pratique courante, une diffusion crânia-
L’innervation de la paroi abdominale (peau, muscle) lement aux premières lombaires n’est pas recherchée. Les
et du péritoine pariétal sous-jacent a été bien décrite injections péridurales dans les espaces intervertébraux
chez l’homme, mais manque encore de précision chez lombaires (L4-L5 ou L5-L6) sont possibles : en revanche,
les animaux. Cette innervation dépend des branches la présence de la moelle épinière et du sac dural diminue
ventrales et latérales des nerfs intercostaux T11, T12, sensiblement la taille de l’espace péridural et le risque de
T13 et des premières racines lombaires L1, L2 et L3. Ces faire pénétrer l’aiguille dans l’espace sous-arachnoïdien
branches passent obligatoirement dans un espace situé est plus important. Les injections péridurales dans les
entre le muscle oblique interne et le muscle transverse espaces intervertébraux caudaux, S3-Cd1 ou Cd1-Cd2,
de l’abdomen : le plan du muscle transverse de l’abdomen sont simples et sûres : elles sont intéressantes lorsque la
(transversus abdominis plane [TAP]). La technique du bloc distribution de l’anesthésique local doit se limiter à la
du TAP (plus connu sous le nom de TAP block) consiste région périnéale ou caudale [26] .
donc à déposer l’anesthésique local dans cet espace. Le volume le plus fréquemment injecté chez le chien
Cette technique a été décrite en échographie chez et le chat est de 0,2 ml/kg (1 ml pour 5 kg). Injecté dans
le chien [25] , mais son intérêt clinique est encore l’espace lombosacré, ce volume permet une migration
méconnu pour la chirurgie de la paroi abdominale. Une de la solution jusqu’en L1 et l’anesthésie/analgésie de
étude suggère cependant qu’elle aurait un intérêt pour la l’abdomen caudal, des membres pelviens et de la région
chirurgie des tumeurs mammaires abdominales chez la périnéale. Pour des procédures limitées aux membres pel-
chienne [24] . Les animaux sont placés en décubitus laté- viens, des volumes plus faibles (1 ml pour 7 kg) peuvent
ral. Le site d’injection est situé à mi-chemin entre la être utilisés. Pour les procédures concernant la queue
EMC - Vétérinaire 7
AN 0400 Anesthésie locale et locorégionale
Tableau 3.
Exemples de molécules et d’associations utilisées pour l’anesthésie péridurale.
Molécule Dose (mg/kg) Délai d’action (min) Durée d’action (h)
Morphine 0,1 30–60 6–24
Fentanyl 0,005–0,01 15–20 3–5
Méthadone 0,3 30–40 8–12
Butorphanol 0,25 10–20 3–4
Buprénorphine 0,005 60 16–24
Xylazine 0,02–0,25 20–30 2–5
Médétomidine 0,005–0,01 20–30 2–6
Dexmédétomidine 0,001–0,002 20–30 4–6
Morphine + xylazine 0,1 + 0,02 30–60 5–10
20–30
Morphine + médétomidine 0,1 + 0,005 30–60 10–20
20–30
Morphine + bupivacaïne 0,5 % 0,1 + 1,0 10–15 16–24
Morphine + kétamine 0,05 + 0,5 30–60 8–12
5–10
8 EMC - Vétérinaire
Anesthésie locale et locorégionale AN 0400
EMC - Vétérinaire 9
AN 0400 Anesthésie locale et locorégionale
4
2
Latéral
Crânial
Figure 13. Image ultrasonique du nerf sciatique chez un
A B chien. 1. Muscle biceps fémoral ; 2. muscle semi-tendineux ;
3. muscle adducteur ; 4. nerf sciatique.
Procédure
La main non dominante manipule la sonde et le nerf
sciatique est repéré. Avec la main dominante, l’aiguille est
introduite, perpendiculairement à la peau, en direction
caudocraniale, au travers du muscle semi-membraneux,
et sa progression est suivie sur l’image échographique.
Lorsque l’aiguille arrive au contact du nerf, la neurosti-
mulation (si elle est utilisée) déclenche des contractions
musculaires des muscles fléchisseurs ou extenseurs du
pied et des doigts. Après un test d’aspiration, l’injection
est réalisée, en s’assurant de l’absence de résistance.
L’aiguille est éventuellement repositionnée au cours de
l’injection pour optimiser la diffusion de l’anesthésique
local autour du nerf. Une dose maximale de 1 à
2 mg/kg de bupivacaïne est préparée : le volume est
fonction de la concentration de la solution choisie. Ce
Figure 12. Position d’un chien pour la réalisation d’un bloc volume est réparti entre les nerfs fémoral et sciatique,
du nerf sciatique par échographie et neurostimulation : le chien si les deux sont à bloquer. Il n’est pas indispensable
est en décubitus latéral et la sonde d’échographie est placée sur d’injecter la totalité du volume préparé : une fois que
la face latérale de la cuisse. L’aiguille est introduite par la face la solution d’anesthésique local s’est correctement dis-
caudale de la cuisse en direction craniale. tribuée au contact du nerf, l’injection peut être stoppée
(Fig. 14).
10 EMC - Vétérinaire
Anesthésie locale et locorégionale AN 0400
2 3
Latéral
Crânial
Figure 14. Bloc du nerf sciatique assisté par échographie :
la solution d’anesthésique local a été injectée au contact du A B
nerf. 1. Muscle biceps fémoral ; 2. aiguille ; 3. nerf sciatique ;
4. solution d’anesthésique local ; 5. muscle adducteur.
Position de l’animal
L’animal est placé en décubitus dorsal, le membre à
anesthésier étendu vers l’arrière (Fig. 16) [38, 39] .
EMC - Vétérinaire 11
AN 0400 Anesthésie locale et locorégionale
Ventral
Latéral
Figure 17. Image ultrasonique du nerf fémoral dans le muscle
iliopsoas chez un chien. 1. Artère iliaque externe ; 2. veine iliaque
externe ; 3. muscle iliopsoas ; 4. nerf fémoral.
Anesthésie locorégionale 3
du membre thoracique
Généralités 1
4
12 EMC - Vétérinaire
Anesthésie locale et locorégionale AN 0400
échographique. Lorsque l’aiguille arrive au contact des [9] Versal N, Cribb PH, Frketic M. Postoperative analgesic and
nerfs, la neurostimulation (si elle est utilisée) déclenche cardiopulmonary effects in dogs of oxymorphone admi-
des contractions musculaires dont les caractéristiques nistered epidurally and intramuscularly, and medetomidine
dépendent du nerf en question. L’injection est réalisée administrered epidurally: a comparative clinical study. Vet
après un test d’aspiration, en s’assurant de l’absence Surg 1996;25:361–9.
de résistance. L’aiguille est repositionnée au cours de [10] Gurney MA, Rysnik M, Comerford EJ, Cripps PJ, Iff I.
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Mahler S. Anesthésie locale et locorégionale. EMC - Vétérinaire 2015;12(1):1-14
[Article AN 0400].
14 EMC - Vétérinaire
AN 0410
EMC - Vétérinaire 1
Volume 11 > n◦ 3 > août 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S1283-0828(14)66165-2
AN 0410 Anesthésie du patient gestant
un protocole d’anesthésie balancée chez les carnivores une diminution de la capacité résiduelle fonctionnelle. Il
domestiques. Lorsqu’il doit anesthésier un patient, le s’agit du volume d’air encore présent dans les poumons à
vétérinaire dispose désormais d’une quinzaine de prin- la fin de l’expiration. Du fait de cette diminution, chez la
cipes actifs pour établir son protocole anesthésique. La femelle gestante, une hypoxémie (diminution de la pres-
plupart des différentes classes pharmaceutiques peuvent sion partielle en oxygène) intervient plus rapidement que
être combinées dans l’objectif de potentialiser leurs effets sur un patient sain en cas d’apnée. Ce phénomène doit
bénéfiques tout en diminuant leurs effets indésirables. être gardé à l’esprit car plusieurs agents anesthésiques
Virtuellement, le vétérinaire peut choisir entre une cen- sont à l’origine de bradypnées ou d’apnées.
taine de protocoles anesthésiques.
La problématique du vétérinaire lorsqu’il doit anesthé-
sier une patiente gestante pourrait être énoncée de la Autres fonctions
manière suivante : quelles sont les recommandations de La perfusion rénale ainsi que le débit de filtra-
prise en charge périanesthésique qui peuvent être don- tion glomérulaire augmentent proportionnellement à
nées au vétérinaire praticien lorsqu’il doit anesthésier l’hypervolémie et au débit cardiaque. Cela a souvent pour
une chienne ou une chatte gestante ? conséquence de diminuer les valeurs de l’urémie et de la
Dans un premier temps, sont exposées les conséquen- créatininémie.
ces de la gestation sur la physiologie de la femelle. Puis La gestation a généralement peu de conséquences sur
sont listés les différents principes actifs dont le vétérinaire la fonction hépatique. La protéinémie peut être dimi-
dispose pour anesthésier sa patiente, et leurs effets sur la nuée. Néanmoins, compte tenu de l’hypervolémie dont
physiologie de la mère et de ses fœtus. Enfin, sont définies la patiente est le siège, le nombre absolu de protéines plas-
les situations dans lesquelles le praticien peut être amené matiques est en réalité plus élevé que dans la population
à anesthésier une femelle gestante et sont dégagées des générale.
recommandations de prise en charge périanesthésique. La perfusion de l’utérus est proportionnelle à la
pression hydrostatique dans les vaisseaux sanguins et
inversement proportionnelle à la résistance vasculaire
Impact de la gestation systémique. Ainsi, la libération de catécholamines, lors
sur la physiologie d’épisodes de peur ou d’anxiété, diminue la perfusion de
l’utérus.
de la femelle gestante
La plus grande partie des données physiologiques Quels sont les principes
disponibles proviennent d’études réalisées sur les
ruminants. Il est couramment accepté que les carni- actifs dont le praticien dispose
vores domestiques subissent des modifications compa-
rables [1–9] .
pour anesthésier une patiente
Lors de la première moitié de la gestation, les chan- gestante ?
gements sont en partie la conséquence de la demande
métabolique des fœtus, des placentas et de l’utérus. Lors La gestation modifie la
de la seconde moitié de la gestation, l’utérus exerce des
contraintes mécaniques sur les organes abdominaux.
pharmacocinétique et la
pharmacodynamie des principes actifs
Système cardiovasculaire Les effets de la gestation de l’animal de compagnie
sur la pharmacocinétique ou la pharmacodynamie des
La volémie de la mère augmente d’environ 40 % pen- médicaments sont méconnus. Ceci ne se limite pas aux
dant la gestation. Les débits sanguins de l’utérus, des substances utilisées dans l’environnement périanesthé-
glandes mammaires, des reins, des muscles striés et sique. La grande majorité des principes actifs utilisés dans
des tissus cutanés sont augmentés. La production de la médecine vétérinaire sont concernés [1–6, 8, 9] .
globules rouges n’augmente pas proportionnellement Il est considéré que la plupart des principes actifs qui
au volume plasmatique. Il en découle une hémodi- sont administrés à la mère vont traverser la barrière pla-
lution. L’hémoglobinémie et l’hématocrite sont donc centaire et, potentiellement, provoquer des effets sur les
plus bas que ceux de la population générale. Le débit fœtus similaires à ceux observés sur la mère. La diffu-
cardiaque augmente de 30 à 50 %. La résistance vascu- sion d’une molécule au travers de la barrière placentaire
laire systémique diminue. Le retour veineux diminue dépend de son poids moléculaire, de la force de sa liaison
du fait de la pression de l’utérus sur la veine cave aux protéines plasmatiques maternelles, de sa liposolu-
caudale. bilité et de son degré de solubilisation plasmatique. La
L’ensemble de ces modifications peuvent être à plupart des substances anesthésiques sont de faible poids
l’origine d’une insuffisance cardiaque sur des patients qui moléculaire, liposolubles et faiblement ionisées. Elles tra-
souffrent d’une maladie cardiaque compensée. versent la barrière placentaire.
Dans l’environnement périanesthésique, il peut être
Fonction respiratoire dégagé un axe de raisonnement. Les molécules d’action
courte, comme la morphine, la méthadone, le thiopen-
La sensibilité des centres respiratoires au gaz carbo- tal, le propofol, l’alfaxalone, l’isoflurane ou le sévoflurane
nique est diminuée. Cela entraîne une diminution de ont une concentration plasmatique qui décline rapi-
la pression partielle en gaz carbonique et de la concen- dement. La barrière placentaire y est exposée moins
tration plasmatique en bicarbonates. La compensation longtemps.
rénale permet de maintenir le pH sanguin entre 7,35 Lorsqu’une molécule passe la barrière placentaire, elle
et 7,45. La consommation en oxygène est augmentée intègre la circulation fœtale dans la veine ombilicale. Une
du fait des demandes fœtale, placentaire et utérine. Le partie du sang de la veine ombilicale est ensuite dirigé
déplacement cranial du diaphragme a pour conséquence vers le foie du fœtus. S’il est fonctionnel, il est possible
2 EMC - Vétérinaire
Anesthésie du patient gestant AN 0410
que certaines substances soient métabolisées. L’autre par- l’origine d’une dépression cardiovasculaire des fœtus.
tie du sang veineux ombilical est dirigé vers la veine cave Dans la pratique, il semble que l’injection péridurale d’un
caudale. Le principe actif est alors dilué dans le volume anesthésique local provoque rarement une dépression
sanguin du fœtus. Ainsi, il ne peut pas être considéré que cardiovasculaire chez les nouveau-nés [3, 9] .
les effets d’un principe actif sur le métabolisme mater- Les effets secondaires indésirables des anesthésiques
nel sont les mêmes que ceux produits sur le métabolisme locaux sur la mère sont la bradycardie, l’hypotension et
fœtal. Il existe donc probablement une différence, dans une dépression respiratoire [17] . Chez l’humain, 60 % des
la nature et dans l’intensité, des effets d’une substance femmes subissant une césarienne programmée et ayant
sur les métabolismes maternel et fœtal. Ces différences reçu une anesthésie péridurale ont présenté une hypo-
dépendent de la maturité des tissus fœtaux et évoluent tension ayant nécessité l’administration d’une amine
au cours de la gestation. Les données scientifiques qui vasoactive [18] .
permettraient d’appréhender cette notion chez le chien De plus, lorsqu’ils sont administrés par voie péridurale,
et le chat sont, à ce jour, inexistantes. ils peuvent entraîner une paralysie des membres posté-
rieurs pendant plusieurs dizaines de minutes. Cela peut
entraîner une augmentation du risque d’écrasement des
Opioïdes nouveau-nés.
L’efficacité analgésique de l’infiltration des muscles
Les opioïdes (morphine, fentanyl, méthadone, bupré-
abdominaux transverses par des anesthésiques locaux est
norphine, butorphanol) traversent rapidement la bar-
en cours d’investigation [9] .
rière placentaire. Ils peuvent être à l’origine d’une
dépression respiratoire ainsi que d’une dépression du
système nerveux central chez les nouveau-nés [3, 9] . Il Anesthésiques injectables
est recommandé d’utiliser des opioïdes d’action courte
comme la morphine, le fentanyl ou la méthadone. La Thiopental
buprénorphine, dont la durée d’action est comprise entre
C’est un barbiturique à durée d’action courte du fait
quatre et huit heures, n’est pas recommandée [10] . Le
de sa redistribution et de son métabolisme hépatique. Il
butorphanol présente un effet analgésique trop faible
passe rapidement la barrière placentaire. Il est aussi rapi-
pour être utilisé dans un protocole d’analgésie [11] . Lors de
dement éliminé de la circulation fœtale/néonatale. Chez
césarienne, certains cliniciens utilisent les opioïdes dans
les nouveau-nés, il peut être à l’origine d’une dépres-
leur protocole de prémédication. D’autres administrent
sion respiratoire, d’une diminution de l’activité, d’une
l’opioïde une fois la césarienne effectuée. En cas de
somnolence, ainsi que d’une baisse du réflexe de succion
dépression des nouveau-nés, de la naloxone (0,04 mg/kg
pendant quatre jours. Chez la mère, il peut être à l’origine
par voie intraveineuse) peut leur être administrée afin
de réveils agités [1–6, 8, 9] .
d’antagoniser les effets dépresseurs des opioïdes.
Propofol
␣2 agonistes Ses effets sont théoriquement proches de ceux du thio-
Les ␣2 agonistes (xylazine, médétomidine, dexmé- pental. Il passe rapidement la barrière placentaire. Il est
détomidine, romifidine) passent rapidement la barrière rapidement éliminé de la circulation fœtale/néonatale.
placentaire. Ces principes actifs peuvent être à l’origine Chez la mère, le réveil est moins agité [1–6, 8, 9] .
d’une dépression cardiovasculaire et respiratoire chez
la mère et les nouveau-nés. Ils provoquent une Alfaxalone
baisse du débit sanguin de l’utérus [12–14] . L’atipamézole
C’est un anesthésique neurostéroïdien. Il n’existe pas
est un ␣2 antagoniste utilisé comme antidote après
de données sur sa diffusion placentaire. Par défaut, il est
l’administration d’un ␣2 agoniste. Il peut théoriquement
considéré qu’il traverse facilement la barrière placentaire.
être injecté dans les vaisseaux ombilicaux des nouveau-
Le réveil d’une anesthésie induite avec de l’alfaxalone est
nés après une césarienne. Plusieurs auteurs ont identifié
comparable à celui d’une anesthésie induite au propo-
l’utilisation de la xylazine, en association avec la kéta-
fol [19, 20] . Certains auteurs ont décrit un réveil légèrement
mine, comme un facteur de risque de dépression et de
plus agité lors de l’utilisation de l’alfaxalone [21] .
mort des nouveau-nés [15, 16] . L’utilisation de cette classe
thérapeutique est, à ce jour, déconseillée dans la gestion
périanesthésique d’une patiente gestante. Kétamine
La kétamine est un anesthésique dissociatif. La dose
à administrer pour obtenir une induction anesthésique
Tranquillisants est élevée chez le chien (3 à 5 mg/kg) et chez le chat (2
Les benzodiazépines (diazépam, midazolam) ou à 4 mg/kg) comparée à celle de l’humain (< 1 mg/kg). Du
l’acépromazine peuvent provoquer une dépression fait de cette dose élevée, elle est à l’origine d’une dépres-
importante des nouveau-nés caractérisée par une léthar- sion fœtale importante chez l’animal de compagnie. Son
gie, une absence de vocalises, une hypotonie, une utilisation doit être combinée à celle d’un tranquillisant
apnée et une hypothermie. Leur administration apporte (benzodiazépine, acépromazine) pour obtenir une myo-
peu de bénéfice. Il n’est pas recommandé d’y avoir relaxation satisfaisante. Enfin, le réveil d’une anesthésie
recours [3, 9, 14] . induite avec de la kétamine à une dose anesthésique peut
être très agité.
EMC - Vétérinaire 3
AN 0410 Anesthésie du patient gestant
4 EMC - Vétérinaire
Anesthésie du patient gestant AN 0410
à 2 %. Parmi la population de chiennes présentant l’animal gestant, il paraît légitime de considérer que ce
une dystocie, 63,8 % nécessitent une césarienne [32] . Les risque est majoré [3, 9] . Il est recommandé de pratiquer une
facteurs de risques de dystocie chez la chienne sont intubation endotrachéale dès que possible afin de dimi-
l’âge supérieur à 7 ans et l’appartenance à une race nuer le risque de fausse déglutition [1, 3, 5, 9, 31] . Le maintien
prédisposée [32] . Les races prédisposées ont été décrites de l’anesthésie peut alors se faire par l’administration
ailleurs [32–34] . Le taux de mortalité des chiennes ayant d’isoflurane ou de sévoflurane mélangé à de l’oxygène
subi une césarienne est de 1,2 % [15] . Le taux de sur- pur.
vie des chiens nouveau-nés est compris entre 80 % et Une valence analgésique supplémentaire peut être
94,7 % [15, 16, 29, 35] . apportée par l’infiltration du site incisionnel avec une
Considérant la population représentée par les chattes, combinaison d’anesthésique locaux (lidocaïne, 2 mg/kg,
l’incidence de la dystocie est comprise entre 3,3 % et associée à la bupivacaïne, 2 mg/kg) [3, 9] .
5,8 %. Parmi la population de chattes présentant une Au cours de l’anesthésie, il est recommandé de porter
dystocie, 79,4 % nécessitent une césarienne. Le persan une attention particulière à la surveillance des fonc-
semble être une race prédisposée à cette affection alors tions cardiovasculaire et respiratoire du patient. Les
que le chat des forêts norvégiennes semble protégé [36] . recommandations ne sont pas spécifiques à l’animal
Chez la chienne, le fait d’effectuer une césarienne en gestant. La fréquence cardiaque doit être adaptée au
urgence est associé à une augmentation significative de gabarit et à l’espèce du patient (80–150 battements par
la mortalité des nouveau-nés [15] . minute). Le rythme cardiaque doit être sinusal et régu-
Il est possible d’avoir recours chez la chienne à une lier. La pression artérielle moyenne doit être au-dessus
césarienne programmée. La date de l’ovulation est déter- de 60 mmHg. L’identification d’une hypotension doit
minée par le dosage quantitatif de la progestéronémie. amener le praticien à ajuster le débit des fluides admi-
Une injection de 15 mg/kg d’aglepristone est effectuée nistrés. L’administration de bolus itératifs de 10 ml/kg de
par voie sous-cutanée 59 à 60 jours après la date de soluté isotonique (chlorure de sodium à 0,9 % ou Ringer
l’ovulation. La césarienne est effectuée dans les 20 à lactate) peut être envisagée. Il peut aussi être recom-
24 heures qui suivent l’injection. Le taux de survie des mandé de diminuer la fraction inspirée de gaz halogéné.
nouveau-nés, deux semaines après l’opération, est de Si l’hypotension persiste, il est possible d’utiliser des
97,4 % [37] . amines vasoactives (dopamine : 1–4 g/kg par minute ;
Quelles que soient les conditions dans lesquelles une dobutamine : 2–20 g/kg par minute ; noradrénaline :
césarienne est effectuée, il est recommandé de médi- 0,05–1 g/kg par minute).
caliser l’animal gestant. Une équipe a montré que la La ventilation de l’animal doit être assurée par huit
stabilisation médicale des animaux de compagnie avant à 12 mouvements respiratoires par minute. Leur ampli-
l’induction de l’anesthésie permettait de diminuer la tude doit être de 10 à 20 ml/kg. Si une hypoventilation est
mortalité périanesthésique [38] . Le recours à une césa- présente, ces mouvements doivent être effectués manuel-
rienne impose donc une gestion médicale préopératoire. lement ou à l’aide d’un ventilateur anesthésique.
Un bilan biologique doit avoir permis d’évaluer le sta- La prise en charge de la douleur postopératoire de la
tut hydroélectrolytique, l’hématocrite, la protéinémie, femelle constitue un véritable défi. Aucune étude ne per-
l’albuminémie, la glycémie ainsi que la calcémie avant met de guider le praticien dans son choix. En l’état actuel
de débuter la chirurgie. Une correction des anoma- des connaissances, il paraît justifié de considérer que les
lies identifiées doit avoir été entreprise avant d’opérer molécules administrées à la mère peuvent être excrétées
l’animal [1–6, 8, 9] . Il est important de garder à l’esprit dans le lait maternel sous leur forme active ou sous forme
qu’environ 35 % des chiennes et 20 % des chattes de métabolites. Les effets de ces molécules sur le métabo-
présentant une dystocie peuvent être gérées médicale- lisme des nouveau-nés sont méconnus chez les animaux
ment [32, 36] . de compagnie [1, 3] . Il peut être recommandé d’adapter le
Lorsque la prise en charge médicale a été effectuée, il protocole analgésique à chaque patient. Les molécules les
est recommandé d’administrer de l’oxygène à la chienne plus utilisées sont les anti-inflammatoires stéroïdiens et
pendant trois à cinq minutes avant l’induction anesthé- le tramadol (2 mg/kg).
sique et de la tondre vigile [1–6, 8, 9] .
L’ensemble du personnel et du matériel nécessaire à la
prise en charge des nouveau-nés doivent être prêts avant Interventions non obstétriques
de débuter l’anesthésie.
La dose des principes actifs à administrer doit être cal- Il s’agit principalement de femelles gestantes ayant
culée en fonction d’une estimation poids de la chienne subi un traumatisme. Aucune étude n’est disponible
non gestante. chez les animaux de compagnie pour guider le pra-
En l’état actuel des connaissances scientifiques, les ticien dans ce cas particulier. Les effets tératogènes
opioïdes tels que la morphine et la méthadone consti- ou abortifs des molécules antalgiques, de prémédica-
tuent la prémédication de choix. Une étude a montré tion, d’induction et de maintien de l’anesthésie sont
que, dans la population générale canine, la morta- méconnus. Cependant, une équipe a étudié les effets
lité anesthésique est moins élevée lorsque le protocole de l’anesthésie chez les brebis gestantes lors de leur
anesthésique comporte une induction réalisée par deuxième tiers de gestation. Les animaux étaient prémé-
l’administration d’un principe actif injectable administré diqués avec du midazolam. L’anesthésie était induite avec
par voie intraveineuse associé à un relais gazeux (iso- du thiopental, puis maintenue pendant quatre heures
flurane ou sévoflurane) comparé à une induction par avec de l’isoflurane. L’ensemble des mesures effectuées
inhalation d’un agent volatil, quel qu’il soit [39] . Chez ont montré que l’anesthésie n’était pas à l’origine d’une
la chienne, les molécules d’induction peuvent être le hypoxie cérébrale fœtale. Le développement du fœtus lui
propofol ou l’alfaxalone. Chez la chatte, l’utilisation a permis de maintenir un débit sanguin cérébral ainsi
du propofol est débattue [30] . L’utilisation de l’alfaxalone qu’une oxygénation cérébrale constants, même en cas
peut être recommandée. d’hypotension maternelle. Les auteurs concluent que, à
L’incidence des régurgitations au cours d’une anesthé- partir du second tiers de gestation, un incident dans le
sie a été estimée à 0,96 % chez le chien [40] . Compte tenu développement fœtal suite à un acte chirurgical ne peut
de l’augmentation de la pression intra-abdominale chez être imputé en totalité à l’anesthésie [41] .
EMC - Vétérinaire 5
AN 0410 Anesthésie du patient gestant
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Bille C. Anesthésie du patient gestant. EMC - Vétérinaire 2014;11(3):1-7 [Article AN
0410].
EMC - Vétérinaire 7
AN 0430
Adaptation du protocole
anesthésique lors
d’une cardiopathie
C. Marly, L. Zilberstein
L’anesthésie ou la sédation d’un patient présentant une cardiopathie est un défi pour le
praticien vétérinaire au quotidien, alors que la mortalité périanesthésique chez les ani-
maux est encore largement supérieure à celle chez les humains. La connaissance détaillée
de la pathophysiologie des maladies cardiaques, de leurs répercussions sur l’organisme,
et l’attention particulière portée par le praticien sur chaque patient sont des points-clés
de la réussite d’une anesthésie ou d’une sédation. Beaucoup de cardiopathies se mani-
festent seulement par un souffle cardiaque ; il est donc important d’effectuer un diagnostic
étiologique du souffle cardiaque. Une fois que le praticien connaît le diagnostic, il peut
ainsi choisir son protocole anesthésique en fonction des effets pharmacodynamiques des
molécules utilisées pour l’anesthésie. L’utilisation de protocoles d’anesthésie balancée
permet non seulement de contrecarrer les effets secondaires de chaque molécule utili-
sée, mais aussi de réduire les doses utilisées, ce qui est un point critique de l’anesthésie
des patients cardiopathes. La prise en charge de ces patients doit être spéciale, de la
prémédication jusqu’au réveil et sous surveillance accrue durant toutes ces étapes, car
reconnaître l’apparition d’une complication périanesthésique très tôt, c’est avoir toutes
les chances de pouvoir traiter l’animal. La douleur a également des conséquences dra-
matiques sur le système cardiovasculaire d’un animal cardiopathe, et l’importance d’un
protocole analgésique adapté et multimodal à toutes les étapes de la procédure ne doit
pas être sous-estimée. La prise en charge du patient cardiopathe requiert une méthode et
se prépare aussi longtemps que possible avant l’anesthésie elle-même. Plus le praticien
connaît les risques associés avec la procédure et la maladie du patient, plus il est en
mesure de limiter la mortalité et la morbidité périanesthésiques.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
EMC - Vétérinaire 1
Volume 11 > n◦ 4 > novembre 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S1283-0828(14)66169-X
AN 0430 Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie
2 EMC - Vétérinaire
Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie AN 0430
T
P
3
Q
4 S
Figure 2. Représentation schématique de l’électrocardio-
gramme enregistré en dérivation II pour un battement car-
diaque normal (d’après Kittleson et Kienle [3] ).
5
EMC - Vétérinaire 3
AN 0430 Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie
Volume diastolique
Figure 3. Loi de Frank-Starling. “ Point fort
Le débit cardiaque dépend de cinq facteurs :
artérielle systémique. Le résultat final est une augmen- • la fréquence cardiaque ;
tation de la pression artérielle systémique. Lorsqu’une • la précharge ;
hausse de la pression artérielle est identifiée, le sys- • la postcharge, ou résistances vasculaires systé-
tème nerveux parasympathique est stimulé et l’inverse se
miques ;
produit. • la contractilité ;
Régulation du volume d’éjection systolique • la présence d’arythmies.
Le VES dépend de plusieurs paramètres.
La précharge est le volume de sang retournant au cœur
pendant la diastole, ou le volume de sang présent dans le
ventricule juste avant la systole et le degré d’étirement
des myofibrilles cardiaques. La loi de Frank-Starling
Remodelage cardiaque lors de cardiopathie
(Fig. 3) décrit comment le débit cardiaque augmente Les cardiopathies peuvent être classées dans deux caté-
lorsque la précharge augmente sur un cœur sain. Dans le gories : les maladies à surcharge de volume, et les maladies
cadre d’une cardiopathie, l’augmentation de la précharge à surcharge de pression.
peut dans un premier temps permettre de maintenir le Dans les maladies à surcharge volumique, seule une
débit cardiaque, mais par la suite va engendrer un remo- partie du VES est éjecté lors de la systole, et le mou-
delage cardiaque de type hypertrophie excentrique et vement unidirectionnel du sang au sein du cœur est
finir par causer une réduction de l’efficacité cardiaque. perdu. Une portion plus ou moins grande, selon le degré
La postcharge correspond à la force que doivent d’évolution et de compensation de la maladie, n’est pas
générer les fibres musculaires cardiaques pendant la sys- éjectée du cœur dans l’aorte ou le tronc pulmonaire,
tole pour surmonter la pression artérielle et ouvrir la mais retourne dans une cavité précédente : par exemple,
valve aortique. La postcharge est généralement assimi- lors de fuite valvulaire mitrale, une partie du volume
lée à la pression aortique ou aux résistances vasculaires ventriculaire gauche retourne lors de la systole dans
systémiques. Lorsque la postcharge augmente (vasocons- l’atrium, provoquant la surcharge volumique dans la cir-
triction systémique, sténose aortique ou pulmonaire, par culation pulmonaire. Dans le cas d’une persistance du
exemple), la force devant être générée par les fibres mus- canal artériel, une partie du VES retourne dans la circu-
culaires cardiaques afin d’éjecter le sang du ventricule lation pulmonaire, provoquant de même une surcharge
est plus importante, ainsi que leur consommation en volumique pulmonaire.
oxygène. De même, lorsque la postcharge diminue (vaso- Dans les maladies à surcharge de pression, le VES est
dilatation périphérique par exemple), le travail des fibres directement limité par l’augmentation de la postcharge
cardiaques est facilité et leur consommation en oxygène (sténose pulmonaire, hypertension artérielle) et seul un
réduite. faible VES peut être éjecté lors de la systole.
La contractilité cardiaque est la capacité du muscle Dans les deux cas, la diminution du débit cardiaque
cardiaque à se contracter pour une précharge et une risque de rompre la balance entre VO2 et DO2 . Plu-
postcharge données. La contractilité cardiaque dépend sieurs systèmes de compensation sont donc mis en
notamment de l’action de nombreuses molécules intrin- place très rapidement afin de maintenir le débit car-
sèques, comme les catécholamines, mais aussi de diaque. En premier, le système nerveux sympathique et
nombreuses molécules extrinsèques telles que les anes- le système rénine–angiotensine–aldostérone sont activés
thésiques. afin d’augmenter la contractilité cardiaque et le volume
Enfin, le débit cardiaque dépend de la présence sanguin circulant, selon la loi de Frank-Starling. Néan-
d’arythmies. On distingue les arythmies bradycardi- moins, ceci ne fonctionne que sur un cœur sain. Sur
santes et les arythmies tachycardisantes. Certaines un plus long terme, un remodelage cardiaque se met
arythmies ont peu d’influence sur le débit cardiaque, en place.
telles que l’arythmie sinusale respiratoire chez un patient La loi de Laplace (Fig. 4) explique comment, lorsque
sain. En revanche, les arythmies bradycardisantes telles le volume en fin de diastole augmente (diminution du
que les blocs atrioventriculaires diminuent le débit VES), alors pour produire la même pression le ventricule
cardiaque via une diminution de la FC. Les aryth- doit augmenter son épaisseur. Sinon, la tension pariétale,
mies tachycardisantes peuvent aussi diminuer le débit soit la force appliquée au myocarde, sera plus importante,
cardiaque : malgré l’augmentation de la FC associée, tout comme sa consommation en oxygène.
le battement cardiaque peut intervenir tellement tôt On obtient donc au cours de l’évolution d’une car-
que le remplissage ventriculaire est inadéquat, résultant diopathie un remodelage des cavités cardiaques et une
en un VES très faible. C’est le cas par exemple lors augmentation du travail du cœur.
4 EMC - Vétérinaire
Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie AN 0430
Tableau 2.
Examen de la couleur des muqueuses.
1 3
TRC État cardiovasculaire
2
Roses <2s Tonus vasculaire normal, débit
4 cardiaque normal
Pâles <2s Anémie ?
Pâles >2s Vasoconstriction
périphérique / Bradycardie
Rouges Normal Polycythémie ?
Figure 4. Loi de Laplace appliquée au ventricule cardiaque [4] . Rouges <1s État de choc, vasodilatation
= P × r / 2 h ( : tension pariétale ; P = pression ; R : rayon ; massive et/ou augmentation
h = épaisseur du myocarde). 1. Myocarde ; 2. stress ; 3. lumière ; importante du débit cardiaque
4. pression (P). Cyanotiques Hypoxémie
▲ Attention
anesthésie. Néanmoins, l’auscultation d’un souffle car-
diaque n’est en aucun cas un diagnostic, et chaque
cardiopathie nécessite une prise en charge très parti-
culière (cf. infra). Si un souffle cardiaque est entendu
Un patient sain lors de la dernière consultation ne
à l’auscultation, un examen échocardiographique doit
l’est peut-être plus. donc être réalisé pour un diagnostic de cardiopathie
avant une anesthésie, afin de permettre une prise en
charge adaptée au patient.
L’auscultation cardiaque à gauche et à droite, et au L’examen de la couleur des muqueuses et du temps de
sternum chez le chat, est une étape indispensable de remplissage capillaire sont une étape importante et très
l’examen clinique. rapide de l’examen clinique qui apporte une information
La prise du pouls fémoral simultanément à primordiale. Des muqueuses roses et un temps de rem-
l’auscultation cardiaque permet de vérifier que chaque plissage capillaire inférieur à deux secondes indiquent un
battement cardiaque est associé à un pouls et synchrone, état cardiovasculaire normal, mais d’autres états peuvent
qu’un souffle cardiaque est systolique ou diastolique, être observés (Tableau 2).
mais aussi d’en apprécier la qualité. Il est important de Attention cependant, la cyanose des muqueuses n’est
noter que la présence d’un pouls, ou sa qualité (faible, visible que lorsqu’au moins 5 g/dl d’hémoglobine sont
normal, bondissant, etc.) ne permet jamais d’estimer la désaturés. Chez des animaux fortement anémiés, dont
pression artérielle. Lors de la prise du pouls, entre deux l’hématocrite est inférieur à 15 %, on ne peut donc jamais
battements cardiaques, le tonus senti correspond à la détecter une hypoxémie par le simple examen de la cou-
pression diastolique. Lors du battement cardiaque, la pul- leur des muqueuses !
sation ressentie correspond à la pression systolique. La
qualité du pouls ressentie ne correspond donc qu’à la dif-
férence entre pression systolique et diastolique, et ne doit Une bonne préparation
pas être considérée comme équivalente à une prise de préanesthésique
pression artérielle. Par exemple, pour une pression arté-
rielle de 120/80 (systolique/diastolique), ou une pression Cela commence par le traitement de la condition car-
de 60/20, la qualité du pouls ressentie est identique. diaque. Une insuffisance cardiaque décompensée est une
L’identification d’une arythmie cardiaque doit donner contre-indication majeure pour l’anesthésie et elle doit
lieu à un examen ECG du patient avant de procéder à être traitée par étapes :
son anesthésie. Les arythmies sont très rarement diag- • les états œdémateux doivent être traités à l’aide de
nostiques d’une cardiopathie, en revanche le potentiel diurétiques si nécessaire ; dans les cas d’épanchements
arythmogène de nombreuses molécules anesthésiques péricardiques, une péricardiocenthèse doit être réali-
peut engendrer, sur un patient instable au plan cardio- sée ;
vasculaire, des morts subites à l’induction de l’anesthésie. • la contractilité cardiaque doit être stimulée si néces-
L’auscultation d’un souffle cardiaque est également saire par des inotropes positifs ;
très peu spécifique d’une cardiopathie. Dans certains cas, • le travail du cœur doit être diminué (et donc sa
il ne reflète même pas la présence d’une affection car- consommation en oxygène) en administrant des vaso-
diaque, par exemple lors d’anémie sévère. dilatateurs si c’est indiqué, ou simplement en mettant
Un groupe a étudié des chats apparemment sains [2] . le patient au repos, en cage ou avec des anxiolytiques ;
Dans cette population, 15 % de chats présentaient une • les arythmies doivent être traitées ;
CMH. En revanche, seulement 31 % des chats présen- • les facteurs aggravants doivent être évalués : fonction
tant un souffle cardiaque auraient une CMH, et 13 % des rénale (dosage d’urée et de créatinine, mais aussi
chats ne présentant pas de souffle cardiaque auraient potassium), fonction hépatique (protéines totales,
une CMH. Le souffle cardiaque est plus indicatif chez albumine), fonction respiratoire (présence d’un
ces chats d’un mouvement systolique antérieur mitral œdème pulmonaire ?), capacité du sang à transporter
EMC - Vétérinaire 5
AN 0430 Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie
l’oxygène (hémoglobine, anémie ?, polycythémie qui dans l’anesthésie des patients cardiaques et un résumé
augmente la viscosité sanguine ou qui est marqueur des caractéristiques pharmacologiques des agents le plus
d’un shunt droite-gauche ?) ; couramment utilisés est disponible dans le Tableau 3.
• si la cardiopathie est secondaire à une cause sous-
jacente, le traitement de la cause doit être considéré
en premier. Prémédication
La prémédication est une étape indispensable dans
la prise en charge du patient cardiaque. Le stress, via
▲ Attention une activation du système sympathique, a en effet une
influence très négative sur le cœur présentant une car-
diopathie, augmentant fortement sa consommation en
Une insuffisance cardiaque décompensée est une oxygène alors que sa réserve est déjà diminuée. Les buts
contre-indication majeure pour l’anesthésie ! de la prémédication sont donc : l’anxiolyse, une légère
sédation permettant la coopération de l’animal lors de la
pose du cathéter, et de commencer l’analgésie liée à la
procédure à venir.
Anesthésie d’un patient Le choix des molécules doit correspondre à leurs effets
cardiovasculaires : il faut choisir la molécule ayant l’effet
présentant une cardiopathie : le plus similaire à celui du traitement médical de cette
pathologie, ou celles ayant le moins d’effets pouvant
considérations générales empirer la pathologie.
Tableau 3.
Résumé des effets hémodynamiques des agents anesthésiques ou analgésiques le plus couramment utilisés.
Agent Débit Contractilité Fréquence Résistances Pression Notes
cardiaque cardiaque vasculaires artérielle
systémiques systémique
Acépromazine = ou - = = --- -
Diazépam/ Midazolam = = = ou + = ou - = ou -
Morphine/ Méthadone = = = ou - = ou - = Attention : la morphine, en
induisant des
vomissements, induit une
augmentation de la
pression intrathoracique
Butorphanol/ = = = ou - = = Butorphanol : effet
Buprénorphine antitussif, profond effet
sédatif mais analgésie très
modérée
Xylazine/ Médétomidine -- = --- +++ + Analgésie importante
Thiopental - - + - -
Kétamine + + + + + Analgésie importante
Propofol/ Alfaxan - - - - -
Étomidate = = = = = Attention : suppression de
la production de cortisol si
réinjection
Isoflurane = ou + = ou - + - -
6 EMC - Vétérinaire
Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie AN 0430
Compte tenu de la disponibilité de nouveaux agents, Le butorphanol offre une action sédative assez
la xylazine ne doit pas être utilisée car il est prouvé puissante, surtout lorsqu’il est administré par voie
qu’elle augmente la mortalité périanesthésique chez le intraveineuse, et une courte durée d’action (environ
chien et le chat. La médétomidine ou la dexmédétomi- 90 minutes). Son action analgésique est très limitée
dine doivent lui être préférées car le risque de mortalité du fait de son action antagoniste aux récepteurs mu
associé à leur utilisation n’est pas augmenté [1, 3, 4] . opioïdes. Il s’agit donc d’une molécule plus adaptée pour
Leur utilisation doit donc être limitée aux patients une sédation pour une procédure non invasive, diagnos-
dont la contractilité cardiaque est bonne, et qui peuvent tique, et non pas pour une prémédication préopératoire.
donc assumer une augmentation de la postcharge, et Après l’administration de la prémédication, le patient
dans des doses allant de 5 à 20 g/kg par voie intramus- doit être laissé dans le calme, afin de favoriser les effets
culaire ou 0,5 à 5 g/kg par voie intraveineuse. anxiolytiques des molécules administrées. Il est très
important de noter que le délai avant l’effet maximal
de ces molécules peut être très long (15 minutes pour
Acépromazine les alpha-2 agonistes, 30 minutes pour l’acépromazine)
L’acépromazine est un autre puissant sédatif ayant et que l’efficacité de la sédation dépend en grande partie
de profonds effets cardiovasculaires. Via une action sur du respect de ce délai. En effet, le centre de l’éveil est sti-
les récepteurs alpha-1 périphériques, ils provoquent une mulé par le système nerveux sympathique et le stress de
vasodilatation périphérique majeure durant jusqu’à huit l’animal peut totalement annuler les effets sédatifs de ces
heures, une baisse de la pression artérielle et une aug- molécules.
mentation de la capacité veineuse. Une tachycardie peut Chez les patients les plus critiques, la prémédica-
accompagner cette baisse de la pression artérielle, mais tion doit être effectuée sur la table d’anesthésie, sous
plus généralement la FC est maintenue. L’acépromazine surveillance constante, avec un monitoring de base et
ne produit aucune analgésie, mais possède des propriétés administration d’oxygène.
antiarythmiques qui rendent son utilisation intéressante. Attention, surtout chez les patients atteints de mala-
Son utilisation est contre-indiquée chez les molossoïdes die cardiaque, la sédation doit être une période de
qui peuvent présenter des réactions indésirables. surveillance. Compte tenu des profonds effets cardio-
L’acépromazine peut donc être utilisée chez des vasculaires produits par les molécules disponibles pour
patients nécessitant une diminution de la postcharge la prémédication, une décompensation du patient à ce
et de la précharge, et chez les patients dont le débit moment est probable et doit être détectée au plus vite. Le
cardiaque dépend d’une FC conservée. La voie intra- patient simplement prémédiqué n’a souvent pas encore
musculaire doit être préférée, car l’injection par voie de cathéter intraveineux, n’a pas encore reçu d’oxygène
intraveineuse peut engendrer des effets cardiovascu- et n’est pas monitoré. La mise en place d’une procé-
laires ingérables pour de très longues durées. L’absence dure de réanimation à cet instant est donc longue et les
d’antidote disponible et sa très longue durée d’action chances de survie du patient bien plus faibles qu’au cours
doivent être prises en compte lors de son utilisation. de l’anesthésie.
Benzodiazépines Induction
Les benzodiazépines ne doivent jamais être utili- L’induction du patient cardiaque doit être réalisée sans
sées seules en prémédication, en raison des réactions stress, ni pour le patient ni pour le praticien. La prépara-
d’excitation qu’elles peuvent provoquer. En revanche, tion de tout le matériel nécessaire à l’intubation et à la
elles sont des additifs très intéressants au protocole anes- ventilation manuelle ou mécanique doit être prête en cas
thésique d’un patient cardiaque. En effet, elles agissent de décompensation brutale de l’état du patient.
en synergie avec les molécules sédatives, sans avoir Toutes les molécules disponibles pour l’induction de
aucun effet cardiovasculaire. Ils permettent également de l’anesthésie présentent un degré majeur de dépression
réduire les doses nécessaires à l’induction de l’anesthésie. cardiovasculaire. L’induction de l’anesthésie doit donc
Chez les patients critiques, ils peuvent faire partie de la être réalisée calmement et à effet, afin d’administrer la
prémédication, mais chez les patients en bon état géné- dose minimale permettant l’intubation de l’animal.
ral leur utilisation au cours de l’induction de l’anesthésie D’une manière générale, les doses d’agents d’induction
doit être préférée. envisagées doivent être inférieures à celles qui seraient
envisagées pour le même patient sain et la vitesse
d’administration aussi inférieure. Chez ces patients, le
Opioïdes débit cardiaque est diminué, et la vitesse de transport
Les opioïdes ont une place importante dans la entre le site d’injection et le site d’action dans le cerveau
prémédication de l’animal cardiaque. Leurs effets cardio- est donc aussi plus lente.
vasculaires sont minimes et peuvent avoir une action Le thiopental, le propofol et l’alfaxolone sont des
sédative. Le choix de l’opioïde doit prendre en compte agents d’induction rapides et à courte durée d’action.
la disponibilité, mais également la durée d’action et le Ils dépriment fortement le système cardiovasculaire mais
degré d’analgésie souhaitée au cours de la procédure. La aussi la respiration. Les effets liés à l’induction par ces
morphine et la méthadone ont une action analgésique et agents sont principalement une apnée et une hypoten-
sédative importantes, et une durée d’action intermédiaire sion, via une vasodilatation périphérique et une baisse de
d’environ trois à quatre heures qui en font un choix inté- la contractilité cardiaque. L’administration très lente de
ressant en période préopératoire. Les effets secondaires ces agents et à la dose minimale permettant l’intubation
associés à l’utilisation de la morphine (nausée, risque de permet de réduire fortement l’apparition de ces effets
réaction histaminique lors de l’injection) doivent diri- secondaires. Les effets secondaires liés à l’utilisation
ger le praticien plutôt vers la méthadone, lorsqu’elle est de propofol et d’alfaxolone étant considérés comme
disponible. moindres, ils doivent être préférés chez les patients les
La buprénorphine offre une durée d’action plus plus critiques.
longue, environ six heures, mais une action sédative qua- L’étomidate est un agent souvent utilisé lors de cardio-
siment nulle. L’analgésie associée est également modérée. pathies, car il ne provoque aucune baisse de contractilité
EMC - Vétérinaire 7
AN 0430 Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie
cardiaque. En revanche, il provoque une suppression de à la demande représente une éventuelle alternative à
l’axe corticotrope lors d’injections répétées, et doit donc l’anesthésie volatile. Néanmoins, chez les chats, les réin-
être réservé pour l’induction de l’anesthésie, sans réin- jections ou la perfusion continue de propofol doivent
jection ultérieure. En raison de cet effet secondaire, son être réalisées uniquement pour de très courtes durées
utilisation doit être réservée aux patients dont la contrac- étant donné leur insuffisance relative à le métaboliser
tilité cardiaque est critique. (risque d’accumulation provoquant des réveils prolon-
La kétamine est un anesthésique dissociatif. Elle dif- gés) et le risque d’apparition d’anémies à corps de Heinz
fère des autres agents d’induction surtout par le fait spécifiques à cette espèce.
qu’elle provoque une stimulation du système nerveux
sympathique et par sa durée d’action plus longue (envi-
ron 30 minutes). Son utilisation est donc généralement
associée à un maintien de la pression artérielle et un
maintien ou une augmentation de la FC. Elle provoque
“ Point fort
en revanche une augmentation du travail du cœur et de
sa consommation en oxygène. La mise en place d’une bonne analgésie est indis-
pensable quelle que soit la cardiopathie car la
douleur provoque un stress, une libération de
Chez les patients cardiaques, la fenêtre thérapeu- L’administration de fluides au cours de l’anesthésie
tique des agents anesthésiques est plus étroite ! doit se faire de manière plus précautionneuse que sur un
sujet sain. Toutes les cardiopathies ne supportent pas de
manière similaire l’administration de fluides, mais dans
tous les cas elle doit se faire sous surveillance (cf. infra).
L’examen préanesthésique du patient doit aussi prendre
Maintien en compte l’état d’hydratation, surtout chez les patients
Pour le maintien de l’anesthésie, il faut préférer des déjà traités au moyen de diurétiques. Une hypoperfu-
agents ne provoquant pas d’accumulation et dans des sion périphérique est plus difficile à détecter et peut
doses juste suffisantes pour effectuer la procédure : pour avoir des conséquences à plus long terme qu’une sur-
des procédures non chirurgicales, par exemple, des doses infusion de fluides, mais augmente aussi le risque
inférieures sont suffisantes. anesthésique.
Pour les patients critiques, une anesthésie polymodale, D’autre part, afin de détecter des complications éven-
soit la combinaison de plusieurs agents, peut également tuelles liées à l’anesthésie des patients présentant une
être intéressante. En effet, l’administration concomitante cardiopathie, un monitoring anesthésique doit être mis
d’un agent analgésique peut permettre de réduire forte- en place. Il est prouvé chez l’homme et le chat que
ment la dose d’anesthésique. l’utilisation d’un pulsoxymètre réduit la mortalité péri-
Les anesthésiques volatils tels que l’isoflurane, malgré anesthésique et que cette réduction est majeure lorsque
leur effet fortement dépresseur sur le système cardiovas- l’utilisation du pulsoxymètre est coupée à celle d’un cap-
culaire, sont cependant très intéressants car leur durée nographe. Il est évident que la détection précoce d’un
d’action est très faible et ils sont éliminés uniquement problème périanesthésique permet une prise en charge
par voie respiratoire après un degré de métabolisme hépa- plus rapide de celui-ci. L’ajout d’une mesure non invasive
tique quasiment nul. La régulation de la profondeur de la pression artérielle, méthode Doppler ou oscillomé-
anesthésique grâce à ces agents est donc très précise et trique, permet d’obtenir en plus des informations sur la
peut être modulée très rapidement. perfusion d’organes.
Il est important de noter qu’une anesthésie trop Enfin, la mesure régulière du taux de lactates ren-
superficielle est aussi délétère qu’une anesthésie trop seigne sur la présence de métabolisme anaérobie et peut
profonde : en effet, la réaction de stress de l’organisme indiquer une insuffisance de la distribution périphérique
stimulée par le réveil ou la douleur provoque un relargage d’oxygène.
de catécholamines qui vont provoquer une tachycardie L’hyperlactatémie traduit un métabolisme anaérobie,
et une augmentation de la pression artérielle systémique, donc certains tissus ne reçoivent pas suffisamment
ceci augmentant considérablement le travail du cœur. De d’oxygène. Les causes principales en sont :
plus, pour replonger rapidement le patient dans un stade • l’hypovolémie : le volume sanguin circulant est insuf-
anesthésique adéquat, une large dose d’anesthésique fisant pour perfuser tous les tissus périphériques ;
doit être administrée rapidement, ce qui risque à nou- • l’anémie : l’hémoglobine est le transporteur majeur de
veau d’induire une forte dépression cardiovasculaire. Les l’oxygène dans le sang, donc un taux d’hémoglobine
périodes d’hypotension sont elles aussi à proscrire en rai- insuffisant ne permet pas l’apport de suffisamment
son du risque accru de développement d’une insuffisance d’oxygène dans les tissus périphériques ;
rénale postanesthésique. • l’hypoxémie : si la quantité d’oxygène inspirée
Les états alternant anesthésie trop profonde et anes- est insuffisante, ou si une pathologie pulmonaire
thésie trop superficielle sont donc les pires et doivent être empêche la réalisation d’échanges gazeux suffisants, la
évités absolument. quantité d’oxygène dans le sang est insuffisante pour
D’une manière générale, l’anesthésie volatile doit être couvrir les besoins des tissus périphériques.
préférée à l’anesthésie fixe. Contrairement à des injec-
tions répétées ou une perfusion continue, elle n’est Réveil
associée à aucune accumulation de molécule, quel que
soit le statut hépatique du patient, et permet de changer Le réveil anesthésique doit se faire dans un endroit
la profondeur anesthésique très vite, notamment en cas calme afin de réduire le stress, et sous surveillance. Une
de complication anesthésique. Le propofol administré mesure régulière de la fréquence respiratoire, de la FC et
8 EMC - Vétérinaire
Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie AN 0430
EMC - Vétérinaire 9
AN 0430 Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie
ECG préalable à l’anesthésie est donc fortement conseillé pourtant difficile à établir, avec des cas fréquents de mala-
et le traitement de ces arythmies doit être réalisé avant die occulte. Le seul symptôme peut être une mort subite
l’anesthésie. au cours de l’anesthésie.
La baisse du débit cardiaque chez les patients atteints Des facteurs aggravants peuvent se développer dans des
de CMD est liée à la baisse de contractilité cardiaque. La situations où la FC et la contractilité sont augmentées tel
loi de Frank-Starling ne s’applique pas chez ces patients, qu’un SAM qui obstrue partiellement l’éjection du sang
pour qui une augmentation du volume ventriculaire dias- au cours de la systole. Cette situation est favorisée par
tolique provoque une décompensation. Il s’agit donc de forts gradients de pression entre la chambre de chasse
d’une maladie de surcharge volumique. du ventricule gauche et l’aorte, soit des situations où la
Les buts du protocole anesthésique sont donc : postcharge est diminuée.
• FC : à maintenir, car le débit cardiaque ne peut Chez ces patients, la contractilité cardiaque est très
pas être augmenté par un VES augmenté. Attention : augmentée grâce à l’hypertrophie du muscle cardiaque
éviter toute tachycardie, qui peut facilement déclen- gauche. En revanche, cette paroi ventriculaire hypertro-
cher l’apparition d’arythmies telles que la fibrillation phiée devient moins élastique et la cavité ventriculaire
atriale ; est rétrécie et rigide. De plus, le même nombre de
• précharge : elle doit être maintenue, grâce à la perfu- vaisseaux coronaires doit vasculariser une quantité
sion de fluides, mais à un rythme faible (3 à 5 ml/kg de muscle cardiaque bien plus importante. Le temps
par heure) pour commencer, à surveiller de près et à de diastole doit donc être favorisé pour favoriser la
adapter en fonction de l’évolution du patient ; perfusion du myocarde et le remplissage ventricu-
• contractilité : il faut absolument favoriser la contrac- laire.
tilité cardiaque, et s’assurer d’une bonne oxygénation La recherche de signes d’une décompensation car-
cardiaque (temps de diastole) ; diaque doit là aussi être méticuleuse. Chez les patients
• postcharge : à maintenir ou réduire faiblement, pour déjà traités, les traitements doivent être maintenus, mais
favoriser le travail cardiaque et réduire le besoin en lors de traitements aux bêtabloquants une attention par-
oxygène du myocarde ; ticulière doit être portée au maintien de la FC au cours
• arythmies : très fréquentes. Si une fibrillation atriale est de l’anesthésie.
déjà présente avant l’anesthésie, un traitement médi- Les buts du protocole anesthésique doivent donc être :
cal doit être commencé. Sinon, traiter lorsqu’elles ont • FC : empêcher une forte diminution de la FC, car le
des conséquences hémodynamiques. D’une manière VES est fixé par la rigidité du ventricule et dépend donc
générale, il faut favoriser une bonne perfusion et oxy- principalement de la FC. La tachycardie doit être abso-
génation cardiaque pour limiter leur apparition. lument évitée car elle induit une forte augmentation
Le protocole anesthésique doit donc favoriser la du travail du cœur, et donc de sa consommation en
contractilité cardiaque et ne pas sensibiliser aux aryth- oxygène ;
mies. Ces patients peuvent mourir brutalement au cours • précharge : elle doit être maintenue ;
de l’anesthésie et une bonne préparation est obligatoire. • contractilité : elle peut supporter une dépression ;
La prémédication peut comprendre un opioïde, et si • postcharge : le cœur hypercontractile peut supporter
nécessaire une faible dose d’acépromazine pour amé- une augmentation de la postcharge. Une augmen-
liorer la sédation, diminuer modérément les résistances tation de la postcharge permet même de réduire le
vasculaires périphériques et pour son potentiel antiaryth- gradient entre la chambre de chasse du ventricule et
mique. l’aorte, et de limiter l’apparition d’un SAM ;
Il y a une contre-indication majeure à l’usage des • arythmies : une attention particulière doit être portée
alpha-2 agonistes qui augmentent les résistances vas- pour réduire les risques de déséquilibre entre apport et
culaires périphériques, augmentent fortement le travail demande en oxygène du myocarde afin de réduire le
cardiaque, diminuent la FC, et sont pro-arythmiques ! risque d’apparition d’arythmies. Il faut donc favoriser
Une préoxygénation doit être réalisée, pendant cinq l’apport en oxygène et limiter le travail du cœur.
minutes avec un masque à oxygène, en raison de la faible Le protocole anesthésique peut donc contenir :
réserve cardiovasculaire de ces patients et de la poten- • prémédication : les alpha-2 agonistes peuvent être
tielle décompensation pulmonaire. utilisés, car ils augmentent la postcharge. La dose uti-
Pour l’induction de l’anesthésie, une attention majeure lisée doit être faible : entre 5 et 10 g/kg par voie
doit être apportée à administrer les agents lentement et intramusculaire. À cette dose, les effets cardiovascu-
sans dépasser la dose minimale suffisante pour la procé- laires bénéfiques sont présents et la durée d’action
dure. L’étomidate doit être utilisé s’il est disponible. est faible (environ 30 minutes), ce qui permet un
Durant le maintien de l’anesthésie, l’isoflurane doit réveil tranquille sans antagonisation à l’atipamézole.
être préféré à l’halothane car son potentiel arythmo- En effet, le stress, par la décharge de catéchola-
gène est faible. Cependant, la pression artérielle doit mine, peut avoir des conséquences dramatiques sur
être surveillée attentivement, et l’utilisation d’un agent ces patients, tout comme l’atipamézole, antagoniste
inotrope tel que la dobutamine est presque obligatoire aux récepteurs alpha, qui provoque une vasodilatation
pour maintenir la contractilité cardiaque et la pres- périphérique et une hypotension massive après son
sion artérielle. En cas d’hypotension, l’administration administration ;
de bolus de fluides doit être réalisée uniquement si • préoxygénation : en raison de la demande accrue du
une hypovolémie est constatée, et l’administration de myocarde en oxygène, ainsi que du risque d’œdème
vasoconstricteurs est contre-indiquée, car ils peuvent pulmonaire subclinique, une préoxygénation doit être
entraîner une décompensation et une mort brutale du réalisée, mais uniquement si elle ne provoque pas de
patient. stress chez le patient ;
• induction : la kétamine doit être évitée en raison de
son action stimulante sur la contractilité et la FC ;
Cardiomyopathie hypertrophique • maintien : des anesthésiques inhalatoires peuvent être
utilisés sous réserve de monitorer la pression artérielle.
La CMH est une maladie cardiaque fréquente chez Le réveil, comme la période préopératoire, doit se pas-
les chats (cf. supra) et dont le diagnostic clinique est ser sans stress !
10 EMC - Vétérinaire
Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie AN 0430
EMC - Vétérinaire 11
AN 0430 Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie
Toute référence à cet article doit porter la mention : Marly C, Zilberstein L. Adaptation du protocole anesthésique lors d’une cardiopathie.
EMC - Vétérinaire 2014;11(4):1-12 [Article AN 0430].
12 EMC - Vétérinaire
AN 0500
Cet article décrit les protocoles anesthésiques relatifs aux petits mammifères de compa-
gnie pouvant couramment être mis en œuvre par le praticien afin de réaliser des
examens diagnostiques (radiographies, échographies), divers prélèvements ou inter-
ventions chirurgicales. Il aborde les nouveaux protocoles anesthésiques et nouvelles
molécules apparues sur le marché (anesthésiques, analgésiques, anti-inflammatoires), le
monitoring opératoire, les techniques d’intubation trachéale notamment chez le lapin, le
sondage nasogastrique et les autres techniques de réanimation parentérale. Cet article
se concentre sur le lapin et les rongeurs de compagnie. Les protocoles relatifs au furet et
aux autres espèces ne nécessitent pas de réactualisation et sont détaillés dans d’autres
articles de ce traité.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
EMC - Vétérinaire 1
Volume 13 > n◦ 3 > août 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S1283-0828(16)52957-3
AN 0500 Anesthésie des petits mammifères de compagnie
Mesures préanesthésiques
Préparation à l’intervention
Hospitalisation
Une anesthésie effectuée sur un lapin venant d’être
transporté, parfois sur une longue distance, présente a
priori des risques importants, surtout par temps chaud
ou orageux, ou inversement par temps froid. Il est donc
conseillé d’hospitaliser le lapin la veille de l’intervention,
pour ne pas intervenir sur un animal stressé, en le
maintenant dans une pièce de préférence spécifique aux
nouveaux animaux de compagnie, calme et bien venti-
Figure 1. Le lapin est hypersensible au stress. lée, sombre, à l’écart des chiens agités ou aboyeurs. Il peut
être utile de placer à la demande du propriétaire dans
la cage du patient le congénère avec lequel il cohabite,
Tableau 1. et de mettre dans la cage des tissus ou serviettes impré-
Principaux paramètres physiologiques du lapin de compagnie. gnées de son odeur. On doit mettre aussi à sa disposition
Poids adulte moyen une litière propre, de l’eau fraîche et sa nourriture habi-
- mâle 900–1200 g tuelle. Le Tableau 1 indique les principaux paramètres
- femelle 900–1200 g physiologiques.
Longueur du corps (queue ≤ 21 cm Diète préopératoire
comprise)
Le lapin ne peut pas vomir ; il n’existe donc pas de
Longévité 10 (8–13) ans risques de pneumonie par fausse aspiration. Une absence
Température corporelle 38,8 ± 0,6◦ C complète de diète n’est pas souhaitable car un volume
Durée moyenne du sommeil 8 heures, par petites séquences gastrique important est une cause de variation dans
Nombre de chromosomes 44
l’effet de la dose anesthésique ; il a également tendance à
comprimer le diaphragme et à entraver les mouvements
Âge de la maturité sexuelle respiratoires. Inversement une diète prolongée est dan-
- mâle 5–6 mois
gereuse ; elle favorise l’arrêt du transit digestif et peut
- femelle 3–5 mois
générer une hypoglycémie qui a de grandes chances de
Consommation d’aliments 50–60 g/kg de poids/jour provoquer rapidement une ischémie cérébrale résultant
(en matière sèche) d’un arrêt cardiaque ou respiratoire. Une diète modérée
Consommation d’aliments 2–3 % du poids du corps/jour va réduire le tympanisme abdominal [6] .
complets En pratique, une diète hydrique de 2 à 4 heures réalisée
Consommation d’eau 50–100 ml/kg de poids/jour à la clinique est suffisante dans la plupart des cas, en ne
Durée du transit intestinal 4–5 heures laissant à disposition que du foin et de l’eau. Cette diète
(crottes dures) peut être éventuellement portée à six voire huit heures
Durée du transit intestinal 8–9 heures
lors d’une intervention de laparotomie pour diminuer le
(cæcotrophie)
volume du gros intestin.
Débit cardiaque 140 ml/min Antibiothérapie prophylactique
Durée circulatoire 4,5–6,8 s Elle n’est utile que s’il existe des risques significatifs de
Fréquence cardiaque 270 (120–330) bpm
contamination bactérienne peropératoire (abcès bucco-
dentaire, trichobézoard, occlusion intestinale, etc.), ou si
Fréquence respiratoire 53 (38–66) mouvements/min
l’on intervient sur un sujet infecté ou suspect de l’être
Volume sanguin total 70 ml/kg de poids (présence de Pasteurella notamment). Les fluoroquino-
Pression artérielle moyenne 80–91 mmHg lones sont intéressantes pour leur sécurité d’emploi et
Pression systolique par 93–99 mmHg leur large spectre, mais elles sont inefficaces contre les
télémétrie germes anaérobies. Le métronidazole ou une pénicilline
Pression systolique par 120–180 mmHg naturelle doivent leur être préférés pour une intervention
Doppler buccodentaire [7, 8] .
Pression diastolique 64–75 mmHg
Évaluation du patient
Examen clinique préopératoire
La consommation en oxygène est élevée, ce qui dimi- Un examen clinique préopératoire complet doit être
nue la tolérance à l’hypoxémie. Une apnée entraîne réalisé. Une affection digestive se traduisant par un
très rapidement une hypoxie myocardique et un risque arrêt de transit ou une diarrhée (stase gastrique, tricho-
d’arrêt cardiaque. Une bonne oxygénation peropératoire bézoard, stase cæcale, entéropathie) ou une infection
est donc indispensable. respiratoire (coryza, pneumopathie) doivent faire diffé-
Le risque anesthésique augmente avec la longueur de rer l’intervention, car elles risquent d’être à l’origine
l’intervention. Ce risque concerne le temps chirurgical, d’accidents anesthésiques per- et postopératoires.
2 EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie AN 0500
“ Point important
Principaux paramètres de la digestion du
lapin [5]
• Consommation de nourriture (en granulés) : 30
à 50 g/kg de poids par jour.
• Consommation d’eau : 50 à 100 ml/kg de poids
par jour.
• Durée du transit intestinal (crottes dures) : 4 à
5 heures (la formation des crottes dures est syn-
chrone de la prise de nourriture).
• Durée du transit intestinal (cæcotrophie) : 8 à
9 heures.
• Quantité de crottes dures excrétées : 5 à
18 g/kg de poids par jour. Figure 2. Prélèvement de sang à la veine cave antérieure chez
• Quantité de cæcotrophes réabsorbée : 50 à un lapin.
60 g/j.
• Durée de la cæcotrophie matinale : 2 à
Tableau 2.
3 heures. Principaux paramètres hématologiques et biochimiques du
• Quantités d’urines émises : 10 à 35 ml/kg de lapin de compagnie à prendre en compte avant une anesthé-
poids par jour. sie [5] .
• Volume gastrique : 50 à 150 ml.
Érythrocytes (106 /mm3 ) 5,1–7,9
• pH gastrique : 1 à 4.
Hémoglobine (g/dl) 10–17,4
• Nombre de repas par jour : 40.
Hématocrite (%) 33–50
Réticulocytes (%) 1,5–4
Leucocytes (10 3 /mm3 ) 2–15
Une attention toute particulière doit être apportée à Thrombocytes (103 /mm3 ) 125–650
l’examen des narines : tout jetage ou toute souillure séro- Volume sanguin (ml/kg) 57–65
muqueuse ou mucopurulente doit faire suspecter une Vitesse de sédimentation (mm/h) 1–3
infection respiratoire, notamment à Pasteurella multo-
Glucose (g/l) 0,75–1,55
cida. De nombreux lapins peuvent ainsi présenter une
infection pulmonaire occulte qui les prédispose aux Urée (g/l) 0,13–0,30
arrêts respiratoires lors d’anesthésie. Le propriétaire doit Créatinine (mg/l) 5–25
être prévenu du risque anesthésique, des risques de Calcium (mg/l) 55–125
complications postopératoires et des éventualités d’une Protéines totales (g/l) 54–83
récupération longue et aléatoire.
Il existe d’importantes variations des valeurs hématologiques selon
Bilan préanesthésique les individus et selon les auteurs.
Un bilan sanguin biochimique, voire hématologique
et biochimique, doit être effectué lorsqu’on intervient Les clichés thoraciques face et profil permettent de déce-
sur un lapin déshydraté, anorexique, présentant un état ler les foyers infectieux subcliniques, les pneumopathies
général dégradé ou des lésions abcédées. Le prélèvement (Fig. 3), les lésions pulmonaires métastatiques, les cardio-
de sang peut être réalisé à la veine de l’oreille, à la mégalies anormales. Les clichés digestifs peuvent mettre
veine saphène externe ou de préférence à la veine cave en évidence des stases digestives gazeuses (Fig. 4) ou par
antérieure (Fig. 2) si on veut recueillir rapidement une surcharge, des images d’iléus qui peuvent faire différer ou
quantité suffisante de sang sans coagulation de celui-ci. annuler l’intervention.
En pratique, on retient l’hématocrite, la glycémie, les Un bilan cardiaque (électrocardiographie voire écho-
protéines totales et les constantes rénales (urée, créati- cardiographie) est indiqué en cas de souffle cardiaque,
nine) (Tableau 2). Une hypoglycémie, une insuffisance d’arythmie auscultatoire ou de fatigue anormale rappor-
rénale et une déshydratation doivent être impérative- tée par le propriétaire. Un électrocardiogramme (ECG)
ment corrigées avant toute intervention chirurgicale. La réalisé à partir de l’application AliveECGV et téléchar-
numération-formule sanguine a un intérêt limité. Un gée sur un portable iPhone® est très pratique d’emploi
hématocrite inférieur à 20 % doit certes faire différer une (Fig. 5).
anesthésie, mais la numération et la formule leucocy-
taire du lapin se caractérisent par de grandes variations Préparation du patient
physiologiques. Néanmoins, il existe une population
majoritaire de lymphocytes ; la proportion de neutro- Contention préopératoire
philes augmente lors d’infection alors que celle de Le lapin de compagnie est un animal hautement stres-
lymphocytes diminue. sable (Fig. 1), aux réactions souvent imprévisibles. Il faut
Un bilan d’imagerie est aussi recommandé. Des clichés allier calme, douceur et fermeté de la contention. Le lapin
radiographiques doivent impérativement être réalisés si ne doit pas être saisi brutalement par les oreilles, en raison
le propriétaire signale des problèmes respiratoires (éter- d’un risque de réflexe otocardiaque mortel. Les conten-
nuements, toux, dyspnée) ou digestifs (diarrhées, absence tions drastiques doivent être proscrites ; elles peuvent être
de crottes, crottes petites et sèches dites de « souris »). à l’origine de mort brutale. Il convient de prévenir tout
EMC - Vétérinaire 3
AN 0500 Anesthésie des petits mammifères de compagnie
Figure 4. Stase digestive complète chez un lapin. Figure 6. Contention du lapin à deux mains.
Tableau 3.
Sites d’injection et formats d’aiguille conseillés chez le lapin et les rongeurs de compagnie [2, 5] .
Espèce Lapin Cobaye, chinchilla, Rat Hamster Souris, gerbille,
octodon, chien de écureuil de Corée
prairie
Injection sous-cutanée Abdomen, flanc Flanc, abdomen Flanc, cou Flanc, abdomen Flanc, cou
Aiguille 6/10 6/10 6/10 4/10 4/10
Injection Lombes, cuisse Cuisse (quart Cuisse Cuisse Cuisse
intramusculaire (quart antéroexterne), lombes,
antéroexterne) anconés
Aiguille 6/10 6/10 6/10 4/10 4/10
Injection Ombilic Ombilic Ombilic Ombilic Ombilic
intrapéritonéale
Aiguille 6/10 6/10 6/10 5/10 5/10
Injection Veine de l’oreille a Veine céphalique a Veine saphène externe a Veine jugulaire a Veine saphène a
intraveineuse Veine céphalique a Veine saphène externe Veine pénienne Veine saphéne Veine latérale de la
Veine jugulaire Veine de l’oreille Veine latérale de la Veine céphalique queue
queue
Aiguille 4/10 4/10 4/10 4/10 4/10
a
Sites préférentiels.
4 EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie AN 0500
Figure 7. Cathéter posé à la veine céphalique chez un lapin. Figure 9. Pose d’une aiguille 25 × 8/10 pour perfusion
intraosseuse dans le tibia proximal sur un lapin.
EMC - Vétérinaire 5
AN 0500 Anesthésie des petits mammifères de compagnie
Tableau 4.
Principaux tranquillisants et agents préanesthésiques utilisables chez le lapin de compagnie.
Produit Posologie Voie Remarques
Anticholinergiques
Atropine 0,1–1 mg/kg s.c., i.m. Réduit les sécrétions salivaires et bronchiques
À administrer 20 minutes avant l’anesthésie
Protège le cœur des inhibitions vaguales
Les atropinases nécessitent des réinjections toutes les 10 à
15 minutes
Préférer le glycopyrrolate
Glycopyrrolate 0,01–0,02 mg/kg (soit s.c., i.m., i.v. lente Neutralise les bradycardies induites par les ␣2-mimétiques,
(Robinul V® ) 0,05–0,1 ml/kg 15–20 min diminue les sécrétions salivaires, pharyngées et
avant l’induction trachéobronchiques.
anesthésique) Effet vagolytique et antisialagogue plus puissant et plus
prolongé que l’atropine
Contre-indications : hypersensibilité reconnue, gestation,
insuffisance rénale grave
Incomptabilités chimiques : solution bicarbonatée, Ringer
lactate, benzodiazépines, dérivés de la phénothiazine
Neuroleptiques
Acépromazine 0,1–1 mg/kg s.c., i.m., i.v. Tranquillisation modérée, pas d’effet analgésique
Prédispose à l’hypothermie et à l’hypotension
Bonne myorelaxation si associée avec le butorphanol
Chlorpromazine 1–10 mg/kg i.m., i.v. À éviter, risques de nécrose locale
Benzodiazépines
Diazépam 1–5 mg/kg p.o., s.c., i.v. Tranquillisation modérée
Bonne myorelaxation
Utiliser une dose forte chez les races naines (jusqu’à 10 mg/kg)
Risque de choc lors d’induction i.v.
Douleur, risques de mauvaise absorption et nécrose
musculaire par voie i.m.
Midazolam 0,5–2 mg/kg i.v., p.o., i.m. Bonne sédation et myorelaxation, pas d’effet analgésique
(Hypnovel® ) a 1–2 mg/kg Bonne diffusion tissulaire car hydrosoluble/peu
(Versed® ) b potentialisateur
Bonne potentialisation avec kétamine, butorphanol,
médétomidine
Alpha-2-agonistes
Xylazine 1–5 mg/kg i.m. Risques de bradycardie grave (effet inotrope négatif),
d’arythmie cardiaque, de vasoconstriction
Risques de dépression respiratoire
Myorelaxant
Action analgésique centrale modérée
Antidote : atipamézole, yohimbine
Médétomidine 250 g/kg s.c., i.m. Le lapin reste sensible aux bruits
Bonne sédation, myorelaxation et analgésie
Antidote : atipamézole i.v., s.c., i.m. Même volume que
médétomidine
Neuroleptanalgésie
Fentanyl/dropéridol a 0,15–0,44 ml/kg i.m., i.p. Neuroleptanalgésie, le lapin reste sensible aux stimuli auditifs
Bonne analgésie, bradychardie possible, injection douloureuse
Antidote : naloxone 0,1 mg/kg i.v.
Risques de nécrose musculaire
i.m. : voie intramusculaire ; i.v. : voie intraveineuse ; p.o. : per os ; s.c. : voie sous-cutanée.
a
Médecine humaine, milieu hospitalier.
b
Officine.
lapins possèdent des atropinases endogènes spécifiques longue et douloureuse (chirurgie buccodentaire, chi-
qui obligent à renouveler fréquemment les injections rurgie gastro-intestinale et gynécologique). On utilise
d’atropine. C’est pourquoi il est préférable d’utiliser le en pratique principalement la morphine, la buprénor-
glycopyrrolate (0,01 à 0,02 mg/kg) qui n’est pas neutra- phine ou le butorphanol [12–20] . Les anesthésiques locaux
lisé et assure une bonne protection cardiaque contre les sont intéressants mais largement sous-employés. Leur
inhibitions vagales [5, 6] . mode d’action périphérique dépend de la concentra-
Les analgésiques doivent être administrés une demi- tion au site d’injection, ce qui permet de s’affranchir de
heure à une heure avant l’intervention, en même considérations pharmacocinétiques complexes. Les doses
temps que les agents de prémédication. Ils sont tou- habituellement préconisées sont 5 mg/kg pour la lido-
jours recommandés, et impératifs en cas de chirurgie caïne et 2 mg/kg pour la bupivacaïne [21] .
6 EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie AN 0500
Tableau 5.
Principaux analgésiques utilisables chez le lapin de compagnie.
Opioïdes
Buprénorphine 0,01–0,05 mg/kg/6–12 h s.c., i.m., Analgésique de routine, action plus durable que
pendant 24–48 h i.v. lente la morphine
En moyenne 0,05 mg/kg/6 h Risque moindre de dépression respiratoire,
hypotension et iléus qu’avec la morphine
Pic pharmacocinétique atteint à 0,05 mg/kg
Utilisable en cas de stase digestive
Forte affinité avec les récepteurs
Ne pas associer avec un autre opioïde
À utiliser dans les douleurs moyennes à
modérées non susceptibles d’augmenter
Butorphanol 0,1–0,5 mg/kg/4–6 h s.c., i.m., i.v., Analgésique, sédation légère, action plus courte
perfusion continue Moins analgésique mais plus sédatif que la
buprénorphine
À utiliser dans les douleurs modérées
Peut être utilement associé au midazolam
Fentanyl (Fentanyl® ) a 25 g/h × 3 j Locale Timbre transdermique (lapins > 3 kg)
2,5 g/kg s.c., i.m., i.v. Durée d’action courte 20 min et dépression
0,5 g/kg/h i.v. respiratoire marquée à haute dose nécessitant
une ventilation assistée
Hydromorphone (Sophidone® ) a 0,05–0,2 mg/kg/8–12 h s.c., i.m.
Mépéridine (Démérol® , 5–10 mg/kg/2–3 h s.c., i.m.
Péthidine® ) a
Morphine 1–2 mg/kg/2–4 h s.c., i.m., i.v. lente Agoniste et
Risques de dépression respiratoire et d’iléus
intestinal à forte dose (5 mg/kg)
Risques d’apnée si administration i.v. lente
Nalbuphine (Nubain® ) a 1–2 mg/kg/4–5 h s.c., i.m., i.v.
Oxymorphone b 0,05–0,2 mg/kg/8–12 h s.c., i.m.
Pentazocine (Fortal® ) a 5 mg/kg/2–4 h s.c., i.m., i.v.
Tramadol (Topalgic® ) 4 mg/kg i.v. Antalgique niveau 2
10 mg/kg p.o. Effet opioïde (agoniste des récepteurs ) et
monoaminergique central (inhibition du
recaptage de la noradrénaline et de la
sérotonine, agoniste des récepteurs
␣2-adrénergiques)
Peu de données disponibles
Anti-inflammatoires non stéroïdiens
Acide acétylsalicylique 50–100 mg/kg/6–12 h s.c., p.o.
Acide tolfénamique 2–4 mg/kg/24 h s.c. 3 jours maximum
Carprofène 2–4 mg/kg/12 h p.o.
1,5–2 mg/kg/24 h s.c.
1–2 mg/kg/24 h i.v.
Flunixine méglumine 0,3–2 mg/kg/8–12 h s.c., i.m. Analgésique, anti-inflammatoire anti-cox2 et
anti-cox1
Prévention des entéropathies
Ne pas utiliser avec les corticoïdes
Utilisable avec la buprénorphine
3 jours maximum
Ibuprofène 2–5 mg/kg/6–8 h p.o.
Kétoprofène 1–3 mg/kg/12–24 h i.m.
Méloxicam 0,5–1 mg/kg/12–24 h p.o., s.c. Bien toléré
Indiqué dans les douleurs modérées
Peut être associé avec profit avec les
morphiniques
Insuffisant si iléus paralytique
Variations individuelles très importantes
Paracétamol a 200–500 mg/kg p.o.
1–2 mg/ml d’eau de boisson
Paracétamol/codéine a 200/12 mg/kg p.o.
Piroxicam (Feldène® , Piroxicam® ) 0,2 mg/kg/8 h p.o.
EMC - Vétérinaire 7
AN 0500 Anesthésie des petits mammifères de compagnie
Tableau 5.
(suite) Principaux analgésiques utilisables chez le lapin de compagnie.
Autres analgésiques
Kétamine 0,3–0,4 mg/kg/h i.m., i.v. Effet 4–6 heures
Médétomidine 80–100 g/kg s.c., i.m. ␣2-agoniste
Sédative et analgésique
Effets cardiovasculaires marqués
(bradycardie, baisse du débit cardiaque)
Peut être employée en microdoses ou en
perfusion continue
Xylazine 4–5 mg/kg s.c., i.m. ␣2-agoniste/sédative et analgésique
Protocoles analgésiques dans les chirurgies lourdes
Fentanyl a 0,3–0,4 mg/kg/h en perfusion i.v. Anesthésie dissociative
continue i.v.
Kétamine 0,1–0,3 mg/kg/h en perfusion
continue i.v.
Médétomidine 10–20 g/kg/4–6 h en bolus i.m.,
i.v.
Fentanyl a 3 g/kg i.v. En perfusion continue à débit constant
Kétamine 0,3 mg/kg 24 heures en postopératoire
Lidocaïne 1 mg/kg
Anesthésiques locaux
Bupivacaïne 1 mg/kg Épidurale Diluer dans une solution saline, ne pas
dépasser 2 mg/kg ou 0,33 ml/kg
Anesthésie locale Castration : 0,1 ml de bupivacaïne + 0,1 ml
de lidocaïne + 0,8 ml de Nacl : 0,1 ml du
mélange dans chaque testicule
Lidocaïne 1,5 % 0,4–1 ml/kg Épidurale Ne pas dépasser 4 mg/kg
Anesthésie locale
0,3–0,4 mg/kg/h i.v.
2–4 mg/kg en bolus i.v.
Morphine 0,1 mg/kg Épidurale Diluer dans une solution saline
Ne pas dépasser 0,33 ml/kg
i.m. : voie intramusculaire ; i.v. : voie intraveineuse ; p.o. : per os ; s.c. : voie sous-cutanée.
Paliers de la douleur selon la classification de l’OMS et choix des antalgiques. Palier 1 : antalgiques à action périphérique/douleur légère à modérée :
paracétamol ; anti-inflammatoires non stéroïdiens. Palier 2 : antalgiques opiacés faibles/douleur modérée à sévère et/ou en cas d’échec des antal-
giques de palier 1 : codéine ; dextropropoxyphène ; tramadol ; butorphanol. Palier 3 : antalgiques opiacés forts/douleur sévère et/ou en cas d’échec des
antalgiques de palier 2 : morphine ; pentanyl ; oxymorphe ; hydromorphe ; buprénorphine ; péthidine.
a
Produits de médecine humaine.
b
Non commercialisé en France.
8 EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie AN 0500
injection intramusculaire permettent une anesthésie chi- alpha-2-mimétiques associés à la kétamine (médétomi-
rurgicale de bonne qualité, à la condition d’être précédées dine/kétamine ou xylazine/kétamine, cf. supra) peut
d’une bonne analgésie. La médétomidine est antagonisée être utilement réalisée, sans être systématique.
après l’intervention par l’atipamézole, en pratique avec L’intubation endotrachéale est possible mais difficile
un volume égal de celui de la médétomidine (dosée à chez le lapin [5, 25] . Le lapin doit être positionné en décu-
1 mg/kg) [5, 6, 24] . bitus sternoabdominal, tête en extension (Fig. 12). Il est
La kétamine seule ou le tilétamine-zolazépam donnent judicieux de pratiquer une anesthésie locale de surface
des résultats inconstants et ne procurent qu’une faible (du type Tronothane® ou solution de lidocaïne à 10 %)
analgésie, qui se traduit par une hyperesthésie cutanée. avant intubation pour éviter un laryngospame. On utilise
L’induction intraveineuse est possible, mais elle pré- une sonde trachéale de 2,5 mm de diamètre sans ballon-
sente des risques d’apnée. Les barbituriques doivent être net (Fig. 13, 14). Une alternative intéressante consiste à
évités. La dose anesthésique du pentobarbital sodique utiliser le dispositif V-gel® [26] .
intraveineux est de 30 mg/kg (20 mg/kg à l’induction), Les anesthésiques gazeux sont utilisables en pratique
mais la marge de sécurité est très faible puisque la dose avec un jeu de masques anesthésiques, transparents de
létale 50 (DL50) est de 50 mg/kg par voie intraveineuse. préférence, reliés à l’appareil d’anesthésie fonctionnant
Le thiopental sodique procure à la posologie de 30 à en circuit ouvert. On peut à la rigueur en l’absence de
40 mg/kg une anesthésie de 5 à 10 minutes, suffisante masque adéquat confectionner un masque souple en uti-
pour l’intubation, mais avec des risques de dépression lisant un gant chirurgical en latex que l’on coupe au
respiratoire. La kétamine par voie intraveineuse peut être niveau d’un doigt pour y faire pénétrer l’extrémité du
utilisée à la dose de 10 à 20 mg/kg, mais cette utilisation circuit anesthésique, la tête du lapin étant placée dans le
est dangereuse, la DL50 étant de 60 mg/kg. Les anesthé- gant par l’ouverture proprement dite.
siques ultrarapides (propofol, alfaxalone) sont à réserver Afin de limiter les risques d’hypoxémie, il est utile
à la réalisation d’une intubation trachéale. de bien oxygéner le lapin au masque pendant plusieurs
Les principaux anesthésiques fixes sont indiqués dans minutes avant la mise en route des gaz anesthésiques.
le Tableau 6. La tête du lapin doit être placée légèrement en hauteur
et en extension afin de dégager les voies respiratoires
Anesthésiques gazeux supérieures, d’éviter un repli voire une fermeture de la
L’anesthésie gazeuse est à privilégier. Souple, sûre et trachée et de prévenir une compression des viscères sur
profonde, elle permet un réveil rapide. On peut l’utiliser le diaphragme.
de deux façons : Les anesthésiques gazeux halogénés utilisables sont
• soit en anesthésie flash de courte durée pour de petites (Tableau 6) :
interventions ; • l’isoflurane : 4 % voire 5 % à l’induction, puis 1 à
• soit en anesthésie chirurgicale. 2 % à l’entretien, associé à l’oxygène (débit 2 l/min
La préoxygénation des patients est bénéfique, notam- à l’induction, puis 0,5 à 1 l/min) et sans protoxyde
ment pour les sujets très stressés, dyspnéiques ou pour les d’azote. Ce produit est certainement un des meilleurs
sujets de petite taille difficiles à intuber. Les bronchodila- sur le marché, avec une induction rapide et un réveil
tateurs sont préconisés par certains auteurs pour réduire presque instantané, en relation avec sa très grande
le laryngospasme et accroître le volume ventilatoire. Les volatilité et sa faible absorption sanguine. En outre,
bêta-agonistes telle la terbutaline doivent néanmoins être il n’est pas toxique pour l’opérateur. Néanmoins, la
utilisés avec précaution sur les sujets nerveux ou stressés. bradycardie et la dépression respiratoire induites sont
L’anesthésie flash gazeuse est utilisée sans prémédica- parfois importantes. Dans le cas d’une prémédica-
tion préalable. Elle est utile pour réaliser certains examens tion avec le mélange alpha-2-agoniste/kétamine, on
complémentaire (prélèvements, radiographie, échogra- doit démarrer avec une faible concentration de 0,5 %
phie, examen de la cavité buccale). Elle offre l’avantage que l’on augmente ensuite progressivement et à la
d’une récupération rapide et totale, donc de permettre au demande, sous peine d’avoir une apnée prolongée et
lapin de repartir à la fin de la consultation. dangereuse [6] ;
Cependant, sa phase d’induction est très stressante • le sévoflurane, également très efficace et non toxique
pour l’animal qui a tendance à se débattre, avec des mais plus coûteux, nécessite une plus grande concen-
risques de lésions vertébrales ou de chute de la table. tration à l’induction ;
On peut utiliser une cage d’induction ou appliquer un • l’halothane : 3 à 4 % à l’induction, puis 1 à 2 % à
jeu de masques sur la tête (Fig. 10), puis le museau l’entretien. Ce produit, tout en étant très efficace, est
(Fig. 11) du lapin enveloppé dans une serviette. On doit potentiellement toxique pour l’opérateur et moins sûr
procéder graduellement pour éviter toute réaction de (induction et réveil plus longs, syncopes difficilement
défense incontrôlée. Après avoir positionné un masque rattrapables). Il n’est plus guère utilisé.
de bonne taille sur la tête du lapin, on administre de Les concentrations moyennes requises pour obtenir
l’oxygène pur avec un débit de 2 l/min, puis on com- une anesthésie correcte en entretien sont de 2,07 % pour
mence l’induction avec une concentration de gaz à 2 %. l’isoflurane et de 1,42 % pour l’halothane.
On augmente ensuite progressivement la concentration Le Tableau 7 indique quelques protocoles anesthé-
jusqu’à 4 % voire 5 % jusqu’à la perte de l’équilibre, siques utilisables en pratique.
puis on la diminue en utilisant des masques plus
petits [5, 6] .
Si on met en place directement un masque avec dif-
Précautions anesthésiques
fusion du gaz à forte concentration, le lapin retient sa Le lapin est très sensible à l’hypothermie chirurgicale
respiration devant l’odeur désagréable du gaz jusqu’à ce peropératoire et postopératoire, ainsi qu’au collapsus car-
qu’il ne puisse plus résister et il l’inhale brusquement. Il diovasculaire [27–30] . Pour éviter ces complications parfois
en résulte un bronchospasme et une réaction brutale du mortelles, il est conseillé de respecter les règles suivantes :
lapin qui peut effectuer de ruades dangereuses pour son • utiliser un tapis chauffant en plastique (ou à défaut
rachis. une bouillotte, une serviette chaude ou un embal-
Une induction avec la kétamine (15 mg/kg), le lage à bulle) placé sur la table d’opération pendant
tilétamine-zolazépam (10 mg/kg), mais surtout les toute la durée de l’intervention. Les tapis chauffants
EMC - Vétérinaire 9
AN 0500 Anesthésie des petits mammifères de compagnie
Tableau 6.
Anesthésiques généraux utilisables chez le lapin [5] .
Produit Posologie Remarques
Anesthésiques fixes, chirurgie légère
Alphaxalone (Alphaxan® ) Prémédication : 5–10 mg/kg (0,5–1 ml/kg) Anesthésique d’induction préalable à une anesthésie par
i.v. lente inhalation
Une seconde réinjection à la même Ne pas associer avec d’autres anesthésiques en i.v. lente
posologie est réalisable si l’intubation Risques d’apnée à l’induction
endotrachéale n’est pas possible Risques de dépression respiratoire à dose élevée ou lors d’une
Entretien en bolus toutes les 10 minutes : intervention longue
0,16–0,18 ml/kg sans prémédication Intubation endotrachéale recommandée
0,11–0,13 ml/kg avec prémédication Innocuité démontrée avec acépromazine, atropine, diazépam,
␣2-agonistes, opiacés, AINS
Kétamine Non recommandée seule Absence de myorelaxation
Épileptogène (élévation de la pression intracrânienne)
Augmente les sécrétions salivaires et bronchiques
Ne pas utiliser seule, utilisation i.v. dangereuse
DL50 : 60 mg/kg i.v.
Kétamine + acépromazine 25–40 + 0,5–1 mg/kg i.m. Analgésie modérée
Bonne myorelaxation
Association intéressante avec butorphanol
Kétamine + diazépam 10–15 mg/kg + 0,3–0,5 mg/kg En induction d’anesthésie gazeuse
20–30 mg/kg + 0,5 mg/kg Anesthésie générale, en induction d’anesthésie gazeuse
Utilisable en dentisterie (avec ou sans anesthésiques gazeux)
Pentobarbital sodique 30 mg/kg (20 mg/kg à l’induction) i.v. Déconseillé, anesthésie à risque
stricte DL50 : 50 mg/kg i.v.
Anesthésie 5 à 10 min, suffisante pour intubation
Mauvaise analgésie
Effet hypothermisant et dépresseur cardiorespiratoire
Irritant en périveineux
Propofol (Rapinovet® ) 8–10 mg/kg i.v. Anesthésie légère et de courte durée (5 min), réveil rapide
Réinjections possibles
Risques de dépression cardiaque si injection trop rapide
Intéressant pour une opération césarienne
Thiopental sodique 30–40 mg/kg i.v. stricte Déconseillé, anesthésie à risque
(Nesdonal® ) Anesthésie 5 à 10 min, suffisante pour intubation
Mauvaise analgésie
Effet hypothermisant et dépresseur cardiorespiratoire
Irritant en périveineux
Tilétamine-zolazépam 10 mg/kg (5–20) i.m. Hyperesthésie cutanée persistante
(Zoletil® ) Faible et courte myorelaxation
Risques de néphrotoxicité
Anesthésiques fixes, chirurgie lourde
Médétomidine + kétamine 250–300 g/kg Anesthésie chirurgicale de bonne qualité avec
± diazépam 20 mg/kg s.c., i.m. immobilisation, analgésie et myorelaxation
Au réveil 1 mg/kg Risques de dysrythmie cardiaque et de dépression respiratoire
Atipamézole 625–725 g/kg s.c., i.m. Utilisable en dentisterie (parages dentaires, extractions
En pratique, même volume que dentaires, abcès buccodentaires) et chirurgie viscérale
médétomidine
Xylazine + kétamine 4–5 mg/kg + 20 mg/kg i.m. Bonne anesthésie et analgésie, action plus courte
Mêmes indications que ci-dessus
Anesthésiques gazeux
Halothane 4–5 % à l’induction Circuit ouvert ou semi-ouvert
1–2 % à l’entretien Possibilité d’induction avec kétamine (15 mg/kg) ou
tilétamine-zolazépam (10 mg/kg)
Isoflurane Concentration Circuit ouvert
4–5 % à l’induction Possibilité d’induction avec kétamine (15 mg/kg),
1–2 % à l’entretien tilétamine-zolazépam (10 mg/kg) ou de préférence
Débit d’oxygène médétomidine + kétamine (100 g/kg + 10 mg/kg)
2 l/min à l’induction
1–2 l/min entretien
Sévoflurane Concentration Circuit ouvert
5–6 % à l’induction Phase d’induction plus rapide qu’avec isoflurane
2–3 % à l’entretien Possibilité d’induction avec kétamine (15 mg/kg),
Débit d’oxygène tilétamine-zolazépam (10 mg/kg) ou de préférence
2 l/min à l’induction médétomidine + kétamine (100 g/kg + 10 mg/kg)
1–2 l/min entretien
i.m. : voie intramusculaire ; i.v. : voie intraveineuse ; AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens ; DL50 : dose létale 50.
10 EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie AN 0500
“ Point fort
Dispositif V-gel®
Il s’agit d’un dispositif supraglottique issu de la
recherche en médecine humaine qui permet une
alternative non traumatisante à l’intubation endo-
trachéale toujours délicate chez le lapin.
Le dispositif peut se mettre en place rapide-
ment chez le lapin, facilement, de façon fiable et
sans stress pour l’utilisateur. Après lubrification et
application d’un gel lubrifiant, il est introduit dans
la cavité buccale et poussé jusqu’à rencontrer une
résistance.
Le dispositif V-gel® présente de nombreux avan-
tages : Figure 10. Induction de l’anesthésie au masque sur un lapin.
• mise en place rapide : huit secondes en
moyenne chez le lapin. La pose est guidée par
l’extrémité distale du dispositif qui entre dans
l’œsophage, et par sa forme ergonomique qui
assure le blocage au niveau des piliers du voile
du palais ;
• positionnement stable sans risque de rotation
ou de retrait en cours d’utilisation. Son extré-
mité souple épouse la forme du pharynx de
façon étanche et atraumatique, ce qui permet
l’étanchéité des voies respiratoires, et il obstrue
de façon atraumatique l’œsophage ;
• dispositif atraumatique pour les voies respira-
toires (pharynx, larynx, trachée), ce qui garantit
une récupération postopératoire de qualité sans
risques de spasmes laryngés ni de sténose tra-
chéale ;
Figure 11. Relais avec un masque plus petit sur un lapin.
• passage d’air maximal, ce qui facilite la respira-
tion/ventilation sans occasionner de surpression.
Le canal rigide de V-gel® résiste à l’écrasement et
le diamètre de la trachée n’est pas réduit par le
passage de la sonde endotrachéale ;
• excellente étanchéité. L’orifice du dispositif se
positionne en regard du larynx, qu’il ne touche
pas (ce qui évite le réflexe de spasme laryngé). La
non-pénétration dans la trachée évite les lésions
traumatiques de la trachée (que l’on peut pro-
voquer lors d’intubation endotrachéale chez le
lapin), ainsi que les infections respiratoires.
Le dispositif est réutilisable ; il est stérilisable par
autoclave à 121 ◦ C et résiste à plus de 40 stéri-
lisations. Il existe six modèles non pourvus d’un
ballonnet gonflable pour lapins en fonction de la
taille de l’animal.
Son facteur limitant est représenté par son coût
élevé et la nécessité de vérifier le positionnement Figure 12. Intubation endotrachéale à l’aveugle chez un
du dispositif si le lapin est changé de position. lapin.
De légers déplacements peuvent en effet compro-
mettre la qualité de la ventilation. L’utilisation
d’un capnographe est vivement conseillé pour • utiliser des champs stériles transparents pour visualiser
s’assurer du bon positionnement de la sonde [27] . les mouvements respiratoires sans avoir à soulever le
champ. Ils permettent de surveiller l’apparition d’un
ralentissement respiratoire important ou d’une apnée ;
• éviter les tontes étendues qui suppriment en partie la
métalliques sont déconseillés car trop puissants, à couche isolante de poils ;
moins d’assurer une protection thermique avec une • éviter les larges désinfections à l’alcool qui abaissent la
serviette épaisse ; température corporelle ;
EMC - Vétérinaire 11
AN 0500 Anesthésie des petits mammifères de compagnie
12 EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie AN 0500
Tableau 7.
Quelques exemples de protocoles anesthésiques chez le lapin.
Protocole 1 a
T0 Buprénorphine 0,0 3 mg/kg s.c., i.m. Indications : chirurgie légère
T + 20 min Médétomidine (M) 125 g/kg i.m.
Kétamine 10 mg/kg i.m.
Postopératoire Atipamézole Même volume (M) s.c., i.m.
Méloxicam injectable 0,3 mg/kg s.c.
Protocole 2 b
T0 Morphine 1 mg/kg s.c., i.m. Indications : chirurgie buccodentaire et viscérale
T + 30-60 min Médétomidine (M) 300 g/kg i.m. Remarques : bonne anesthésie, bonne analgésie, anesthésie
réversible
Kétamine 20 mg/kg i.m.
Postopératoire Atipamézole Même volume (M) s.c., i.m.
Méloxicam injectable 0,5 mg/kg s.c.
Protocole 3 c
T0 Butorphanol 0,5 mg/kg s.c., i.m. Indications : examens, procédures non invasives (prélèvements,
Midazolam 0,5 mg/kg i.m. pose cathéter, radiographie, échographie)
Remarques :
effets prolongés (6 heures)
Protocole 4 c
T0 Butorphanol 0,5 mg/kg i.m. Indications : procédures peu invasives (sutures, abcès, parage
dentaire), imagerie
Midazolam 0,5 mg/kg i.m. Remarques : réversibilité rapide, pouvoir analgésique faible
T+ 20 min Isoflurane 2,5 %
ou sévoflurane 3%
Postopératoire Méloxicam 0,2-0,5 mg/kg s.c., i.m.
Protocole 5 c
T0 Buprénorphine 0,03 mg/kg s.c., i.m. Indications : anesthésie chirurgicale, chirurgie de convenance
T + 30-60 min Médétomidine (M) 200 g/kg i.m. Remarques : induction rapide, anesthésie réversible
La médétomidine peut être remplacée par la xylazine
Kétamine 5 mg/kg i.m.
(4 mg/kg) : induction plus longue (20 min), anesthésie plus
Postopératoire Atipamézole Même volume (M) courte (30 min), effets cardiodépresseurs plus importants
Méloxicam 0,3 mg/kg Un complément par anesthésie gazeuse est parfois nécessaire
Protocole 6 c
T0 Buprénorphine 0,03 mg/kg s.c., i.m. Indications : anesthésie chirurgicale, chirurgie orthopédique
Méloxicam 0,3 mg/kg s.c., i.m. Remarques : protocole stable, bonne myorelaxation, anesthésie
longue durée
T + 30 min Kétamine 10 mg/kg i.m.
Midazolam 0,5 mg/kg i.m.
Protocole 7 c
To Morphine 0 :5-1 mg/kg s.c., i.m. Indications : protocole voisin du protocole 6
T + 30 min Médétomidine 200 g/kg i.m. Remarques : réversibilité, cardiodépresseur, bradycardisant,
apnée possible, bonne oxygénation nécessaire
Midazolam 1 mg/kg i.m.
Postopératoire Atipamézole Idem volume (M)
Méloxicam 0,2-0,5 mg/kg
« sidestream », pression artérielle non invasive. Il • une pompe à perfusion : elle est particulièrement utile
permet un affichage digital de la saturation d’oxygène pour régler correctement le débit des liquides de per-
de 0 à 100 %, ainsi que de la fréquence cardiaque de fusion et éviter ainsi une hyperhydratation qui peut
18 à 450 battements par minute. Il permet aussi la rapidement s’installer. On peut utiliser à défaut un
détection d’une apnée et la mesure d’une pression de pousse-seringue ou un débit-mètre.
CO2 de 0 à 75 mmHg. Les résultats sont fiables sauf en
cas d’hypovolémie (Fig. 17) ;
• un mini-doppler continu (type Vet-Dopp® , Heska Cor-
poration ou Doppler Vet BP® ) : placé avec un brassard à Surveillance de l’anesthésie
la patte ou à l’oreille, il permet la mesure non invasive Un niveau d’anesthésie correcte doit être recherché
de la pression artérielle ainsi qu’un contrôle sonore de (Tableau 9). Il est matérialisé par une respiration ample,
l’activité cardiaque. Il est livré avec une sonde œsopha- régulière et bien rythmée. La surveillance peropératoire
gienne, une sonde de pression artérielle et une sonde doit être très poussée pour intervenir rapidement en cas
stylo pour auscultation ; de problème anesthésique (Fig. 18) [32] . Elle suppose une
EMC - Vétérinaire 13
AN 0500 Anesthésie des petits mammifères de compagnie
Tableau 8.
Intérêt et limites des moyens de monitoring et de quantification de la douleur chez les petits mammifères [5] .
Mesures Intérêt et limites
Fréquence et rythme cardiaque
Électrocardiographie Nécrose cutanée liée à l’emploi de pinces alligators sur la peau fine
de certains NAC (chinchilla, myomorphes)
Oxymétrie de pouls La fréquence cardiaque rapide peut limiter la fiabilité
La petite taille peut limiter l’utilisation
Risques d’écrasement de tissus minces avec la pince de transmission,
atténuant ainsi le signal pulsatile
Interférence possible avec des poils
Doppler ultrasonique Voir auscultation des battements cardiaques
Auscultation des battements cardiaques (stéthoscope externe, L’utilisation d’un stéthoscope œsophagien est corrélée avec une
stéthoscope œsophagien) intubation trachéale (difficile chez le lapin, impossible ou très
difficile chez les NAC de petite taille)
Observation visuelle et palpation des battements cardiaques Bon
Palpation du pouls périphérique Difficile sur les animaux de petite taille
Fréquence respiratoire
Auscultation respiratoire Bon
Fréquence respiratoire Bon
Pression artérielle
Cathéter artériel (mesure de la pression artérielle directe) Difficultés techniques liées au cathétérisme artériel chez la plupart
des NAC
Doppler ultrasonique (mesure de la pression artérielle indirecte) Manque de précision chez les PM de petite taille, le suivi des
tendances est plus important que les valeurs absolues obtenues
Le placement de la sonde peut nécessiter plusieurs essais avant
l’obtention d’une lecture appropriée
Matériel disponible mal adapté aux PM (sonde et brassard doivent
être suffisamment petits)
Tableau 9.
Niveaux de l’anesthésie chez le lapin de compagnie [2, 5] .
Niveau Caractéristiques
Léger Nystagmus
Mâchonnements
Relèvement de la tête
Raideur musculaire
Conservation du tonus des mâchoires
Correct Respiration ample et bien rythmée mais plus profonde et plus lente que sur un lapin vigile
Mouvements abdominaux plus prononcés
Fréquence respiratoire > 40 mouvements/minute
Fréquence cardiaque légèrement diminuée
Absence de retrait de la patte ou de l’oreille au pincement
Perte du tonus temporomaxillaire
Profond Respiration superficielle et intermittente
Augmentation de l’ouverture des paupières (anesthésie isoflurane)
Dangereux Respiration abdominale ample suivie d’apnée
Exophtalmie
Forte protrusion de la membrane nictitante
Mydriase
Disparition du réflexe cornéen (sauf en cas d’utilisation de la médétomidine)
Disparition du réflexe anal
Fréquence cardiaque diminuée < 150 bpm (gaz anesthésiques)
Fréquence cardiaque < 120 bpm (médétomidine)
Augmentation du temps de recoloration de la muqueuse labiale > 2 secondes
bonne connaissance des normes physiologiques cardio- • insensibilité au pincement des oreilles (stade III) ;
vasculaires du lapin (Tableau 10). • absence de retrait de la patte au pincement interdigité
(stade III) ;
Signes à rechercher à l’induction (Tableau 9) • abolition du réflexe d’extension au pincement de la
Ils sont : corde du jarret (stade III) ;
• insensibilité au pincement de la queue (stade II) ; • persistance du réflexe cornéen, mais ce signe n’est
• nystagmus (fin du stade II) ; pas fiable de manière entièrement satisfaisante et il
14 EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie AN 0500
Tableau 10.
Normes physiologiques cardiovasculaires et respiratoires à
prendre en compte dans la surveillance de l’anesthésie chez le
lapin [5, 28, 33] .
Fréquence cardiaque 270 (120–330) bpm
Débit cardiaque 140 ml/min
Durée circulatoire 4,5 à 6,8 s
PA systolique sous isoflurane 90–150 mmHg
Volume sanguin 5–7 % du poids du corps
Fréquence respiratoire 53 (38–66) mouvements/min
SpO2 > 95 %
PCO2 30–45 mmHg
Température > 34 ◦ C
Figure 17. Monitoring multiparamétrique permettant la PA : pression artérielle ; SpO2 : saturation partielle en oxygène ; PCO2 :
surveillance d’un lapin qui a fait l’objet d’une intubation endo- pression en gaz carbonique ; bpm : battements par minute.
trachéale.
pestive des organes abdominaux en cours de chirurgie
viscérale. L’animal doit être réendormi au plus vite.
Retard au réveil
Le retard au réveil peut traduire un surdosage anes-
thésique, mais il est souvent révélateur d’un état
d’hypothermie postopératoire. Les anesthésiques fixes
possédant un antidote (alpha-2-agonistes) sont à privilé-
gier, car l’antidote est injecté dès la fin de l’intervention,
ce qui permet au patient de se réveiller d’autant plus vite.
Hypothermie (cf. supra)
Il faut, pour l’éviter, placer le lapin anesthésié sur un
tapis chauffant (ou à défaut une bouillotte, une ser-
viette chaude ou un emballage bulle). L’extériorisation
des viscères en cours d’intervention contribue aussi à
l’hypothermie ; elle doit s’accompagner d’une irrigation
de ces derniers avec une solution préalablement tiédie.
Arrêt respiratoire
Toute diminution de la fréquence respiratoire de plus
Figure 18. Monitoring chez un lapin avant ostéosynthèse. de 40 % en cours d’intervention est dangereuse. Un sur-
dosage anesthésique, une hypothermie peropératoire,
une intervention longue et choquante, une chirurgie
est variable selon les anesthésiques utilisés. Il persiste douloureuse, une flexion du cou (qui entraîne un cou-
effectivement avec la kétamine ou le tilétamine- dage de la trachée) peuvent être à l’origine d’une apnée.
zolazépam, mais il disparaît avec l’association Une diminution des risques d’apnée peropératoire est
médétomidine-kétamine ou les anesthésiques gazeux prévenue par un bon positionnement et une bonne oxy-
halogénés. génation du lapin. En cas d’apnée, l’anesthésie gazeuse
Signes inquiétants (Tableau 9) doit être arrêtée et l’anesthésie fixe reversée par un anta-
goniste spécifique si cela est possible (Tableau 11). Le
Les signes inquiétants sont le témoin d’un surdosage
lapin doit impérativement faire l’objet d’une ventilation
anesthésique ou d’un état de choc. Ils sont les suivants :
assistée le temps nécessaire ; cette ventilation est plus effi-
• abolition du réflexe cornéen (avec un anesthésique
cace si le lapin est intubé. La ventilation est pratiquée à
psychotrope dissociatif type kétamine) ;
une fréquence de 10 à 20 respirations par minute sous
• abolition du réflexe anal ;
une pression moyenne de 10 mmHg. Toute surpression
• cyanose des muqueuses et de la région labiale ;
est dangereuse. Le cas échéant, le doxapram (Dopram® 2-
• retard de recoloration de la muqueuse labiale (le temps
5 mg/kg par voie intraveineuse ou perlinguale) peut être
de recoloration doit être inférieur à 2 secondes) ;
utilisé. La compression manuelle du thorax s’avère en
• ralentissement cardiaque (la fréquence cardiaque au
pratique le plus souvent illusoire.
stade chirurgical est de l’ordre de 250 à 150 battements
par minute). Défaillance cardiaque
Les défaillances cardiaques sont souvent brutales et
Prévention et traitement des incidents dramatiques. Elles sont favorisées par l’état de stress, la
et des accidents anesthésiques chaleur, les surdosages anesthésiques, les pertes liqui-
diennes, les cardiopathies préexistantes, et il est de loin
Réveil peropératoire préférable de les prévenir plutôt que d’essayer de les trai-
Ce problème peut surtout se rencontrer avec une ter. Les principes de la réanimation sont semblables à
anesthésie fixe ou en anesthésie gazeuse lorsque la ceux pratiqués chez les carnivores domestiques [34–39] .
concentration en gaz est insuffisante. Il peut engen- Le volume de sang circulant est de l’ordre de
drer une perturbation dans les dispositifs opératoires 70 ml/kg de poids ; il en résulte que toute perte de
(champs, cathéters, perfusion), des défauts d’asepsie, et il sang conséquente est hautement préjudiciable. Pour
peut avoir pour conséquence une extériorisation intem- prévenir les défaillances cardiaques, si on utilise les
EMC - Vétérinaire 15
AN 0500 Anesthésie des petits mammifères de compagnie
Tableau 11.
Antidotes des anesthésiques et analeptiques respiratoires utilisables chez le lapin de compagnie.
Principe actif Posologie Type d’anesthésique Remarques
Atipamézole Même volume que Toutes anesthésies comprenant ␣2-antagoniste puissant et spécifique
(Antisedan® ) l’␣2-agoniste utilisé des ␣2-agonistes (xylazine, La posologie est égale au volume
s.c., i.m., i.p., i.v. médétomidine) d’␣2-agoniste utilisé
Buprénorphine 0,01–0,1 mg/kg Toutes anesthésies comprenant Action moins rapide que la naloxone mais
(Temgesic® ) s.c., i.m., i.v. lente des opiacés de plus longue durée
Doxapram 1 mg/kg (soit 0,1 ml/kg) Tous anesthésiques Analeptique respiratoire général per- et
(Dopram V® i.v., sublingual postopératoire
injectable) Renouvellement possible tous les 15–20 min
Ne pas mélanger avec des solutions alcalines
Naloxone 0,01–0,1 mg/kg i.m., i.v. Toutes anesthésies comprenant Inverse l’analgésie et la dépression
(Narcan® ) des opiacés (exemple : Fentanyl® ) respiratoire
i.m. : voie intramusculaire ; i.v. : voie intraveineuse ; i.p. : voie intrapéritonéale ; s.c. : voie sous-cutanée.
16 EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie AN 0500
“ Point fort
Principaux signes cliniques associés à la
douleur chez le lapin de compagnie
• Signes généraux
◦ Anorexie
◦ Perte de poids
• Signes oculaires
◦ Modification de l’expression faciale
• Signes cardiorespiratoires
◦ Altération de la fréquence respiratoire (poly-
pnée) et de sa profondeur (respiration
courte)
◦ Altération de la fréquence cardiaque
• Signes digestifs
◦ Ptyalisme
◦ Cæcotrophes retrouvées
◦ Émission de crottes petites, dures et sèches,
ou arrêt de transit
• Signes comportementaux
◦ Absence ou diminution de comportements
Figure 20. Soufflerie d’air chaud.
physiologiques normaux (le lapin reste pros-
tré dans son environnement)
◦ Raideur des mouvements, de la démarche
◦ Toilettage insuffisant ou excessif (douleurs
dentaires ou gastriques)
◦ Automutilation
◦ Consommation de carton (douleurs bucco-
dentaires)
◦ Anomalies de posture (abdomen poussé vers
le sol, cyphose)
◦ Agressivité chez des animaux habituellement
dociles
◦ Immobilité, prostration, léthargie
◦ Isolement vis-à-vis des congénères
Alimentation postopératoire
Figure 21. Réanimation postopératoire : sonde naso-
gastrique, cage chauffante et débitmètre de perfusion.
Le lapin doit être réalimenté le jour même de
l’intervention, dès lors qu’il est correctement réveillé et
capable de déglutir sans risque de fausse déglutition [38–40] .
liquidiennes (10–30 ml/kg de poids en moyenne). Le On utilise pour cela le Critical Care® ou sa présentation
lapin correctement réveillé peut être replacé dans sa cage Green Fine® . On doit laisser à sa disposition du foin et de
et réalimenté. l’eau.
Toute anorexie postopératoire est dangereuse car elle
peut s’accompagner d’un arrêt du transit intestinal, d’une
Analgésie postopératoire stase cæcale, et dans un deuxième temps d’une entéro-
L’analgésie est recommandée pour diminuer au maxi- pathie ou d’une lipidose hépatique sur les animaux gras.
mum la douleur postopératoire, ce qui conditionne de Ceci explique certaines morts brutales observées dans les
façon non négligeable le succès opératoire, notamment jours qui suivent une intervention. Une telle anorexie
en chirurgie buccodentaire et abdominale. Elle est néces- postopératoire impose l’administration de complément
saire pour rétablir le transit digestif postopératoire et doit alimentaire type Critical Care® , de compotes de pommes
venir en complément de l’analgésie préopératoire. Les et d’une bonne hydratation pour faire redémarrer le
principaux analgésiques sont indiqués dans le Tableau 5. transit intestinal, favoriser l’élimination des crottes et
Parmi les principaux, on peut retenir la morphine, permettre ainsi une cæcotrophie rapide nécessaire au bon
la buprénorphine, le butorphanol, le méloxicam, le état de santé du lapin.
EMC - Vétérinaire 17
AN 0500 Anesthésie des petits mammifères de compagnie
Figure 22. Sonde nasogastrique en place chez un lapin. Figure 24. Prélèvement de sang à la veine cave antérieure
chez un cobaye.
Diète préopératoire
Chez les Caviomorphes (cobaye, chinchilla, octodon)
Le chinchilla ne vomit pas. Le cobaye et l’octodon
peuvent présenter un reflux gastro-œsophagien pendant
l’anesthésie. Il est recommandé de mettre les Cavio-
morphes à la diète 2 à 4 heures avant l’intervention pour
réduire le volume gastrique. L’eau peut être laissée à dis-
position mais un jeûne hydrique de 2 à 4 heures est
également conseillé en cas d’intervention abdominale.
Chez les Myomorphes (rat, souris, hamster, gerbille)
Le rat et la souris ne vomissent pas. Une diète préopé-
Figure 23. Sonde nasogastrique et cathéter à la veine de ratoire est donc inutile chez ces espèces, d’autant plus
l’oreille chez un lapin. qu’elle peut provoquer une hypoglycémie pouvant rapi-
dement être à l’origine d’une ischémie cérébrale résultant
d’un arrêt cardiaque ou respiratoire. La gerbille et le
La mise en place d’une sonde nasogastrique hamster peuvent vomir. Une diète préopératoire courte
(Fig. 22, 23) facilite considérablement l’alimentation (inférieure à 1 heure) peut être utile pour éviter les vomis-
postopératoire, ainsi que la prise des médicaments par sements mais elle n’a rien d’indispensable.
voie orale.
Chez les Sciumorphes (écureuil de Corée, chien
Le lapin peut être rendu à son propriétaire dès lors que
de prairie)
sa vigilance est bonne, qu’il est normotherme et que le
transit digestif est rétabli. Écureuil de Corée et chien de prairie ne vomissent pas.
Une diète préopératoire de quelques heures est recom-
mandée.
Litière postopératoire
Le lapin est placé sur une alèse jetable recouverte d’un Antibiothérapie prophylactique, examen
peu de foin de bonne qualité, ou sur une litière végétale à
base de paille de chanvre brisée, de lin, de carton recyclé
clinique et bilan préopératoire
ou de rafles de maïs. La sciure et les copeaux de bois, la Ils sont comparables à ceux décrits pour le lapin. Néan-
tourbe, la paille et le bois de cèdre sont à proscrire car ils moins, le bilan hématologique et biochimique peut se
peuvent se coller aux poils et aux orifices de la tête. Cette résumer à une glycémie et aux constantes rénales chez
litière doit être propre, non poussiéreuse, et elle est renou- les Caviomorphes anesthésiés pour un motif patholo-
velée tous les jours pendant la durée de l’hospitalisation gique (pathologie génito-urinaire notamment) [46] . Le site
pour surveiller l’état des crottes, éviter sa souillure par les de prélèvement de choix est la veine cave antérieure
urines, les matières fécales ou les aliments avariés. (Fig. 24).
18 EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie AN 0500
Myomorphes
La contention est difficile sur ces rongeurs de petite
taille et elle doit être la plus courte possible. Elle n’est
nécessaire en pratique, le plus souvent, que pour les sortir
de la boîte de transport avant leur anesthésie, gazeuse de
préférence.
Hamster
Difficile à tenir, il mord facilement. Éviter le pincement
de la peau au niveau du cou, source de stress et de conten-
tion peu sûre. Il ne craint pas le vide et peut tomber du
bord de la table d’examen. Figure 26. Monitoring cardiaque et thermique VetSpecs-
VSM8 chez un cobaye.
Gerbille
Maintenir la gerbille en enserrant le cou entre le pouce
et l’index, l’autre main étant placée à la base de la queue. Durant la phase d’induction, le patient doit être gardé
Éviter l’extrémité de la queue qui risque de se retrouver le plus au calme possible, en situation de stress minimal.
entre les doigts (fur slip). Tous les rongeurs sont très sensibles à l’hypothermie chi-
Rat de compagnie rurgicale. Pour éviter cette hypothermie, il convient de
respecter les règles suivantes :
Il est généralement doux, sociable et non agressif, mais
• prévoir l’utilisation d’un tapis chauffant, ou à défaut
peu patient. La contention doit être la plus courte pos-
d’une serviette chaude ou d’un matelas à circulation
sible. Prendre le rat d’une main par tout le corps entre
d’eau chaude isolé du corps du patient par une serviette
les pattes. Placer les sujets craintifs ou non coopératifs
épaisse, pour éviter au maximum les déperditions de
sur une surface rugueuse : tirer d’une main vers l’arrière
chaleur ;
la base de la queue, saisir de l’autre main la peau située
• éviter l’alcool qui abaisse la température ;
entre les oreilles. Ne pas saisir un rat par l’extrémité de la
• réchauffer les liquides de perfusion, de rinçage et de
queue (fur slip).
réhydratation. Il faut en revanche éviter les lampes
Souris chauffantes pendant l’anesthésie et plus généralement
La contention est assurée par la base de la queue. un chauffage excessif générateur d’hyperthermie ;
• prévoir un apport d’oxygène avec un masque ou une
Sciuromorphes sonde (lorsque cela est possible) adaptés ;
• il est également important de prévoir un monitoring
Écureuil de Corée opératoire (Fig. 25, 26), qu’il soit cardiaque (sté-
La contention est difficile, il se déplace très vite et mord thoscope, ECG, monitoring sonore du type Silogic),
facilement. Sa récupération est très problématique s’il respiratoire (monitoring respiratoire ou plus simple-
s’enfuit dans la clinique. Se munir d’un gant, et saisir ment observation des mouvements respiratoires) ou
la tête entre le pouce et l’index. Une technique meilleure éventuellement thermique (sonde thermique) ;
consiste à utiliser un masque anesthésique transparent • les yeux restent ouverts pendant l’anesthésie, il est
de grande taille retourné. Ne pas saisir l’écureuil de Corée utile de les humidifier pour éviter une dessicca-
par la queue, celle-ci risque d’être scalpée (fur slip). tion voire une ulcération de la cornée (Ocrygel® ,
Régéfluid® ) ;
• un cathéter intraveineux peut être mis en place chez
Préparation de l’anesthésie les gros rongeurs à la veine céphalique ou à la veine
Les règles décrites précédemment pour le lapin de saphène interne, ou à défaut un cathéter intrapérito-
compagnie sont également valables pour les rongeurs de néal en regard de l’ombilic. On peut aussi utiliser un
compagnie. Mais la connaissance des principaux para- cathéter intraosseux mis en place à partir du plateau
mètres physiologiques (Tableau 12) est utile pour bien tibial sur des animaux choqués ou de petit format à
gérer l’anesthésie. l’aide d’une aiguille 21G 0,8 × 25 mm.
EMC - Vétérinaire 19
20
“ Point important
Intubation endotrachéale des rongeurs
L’intubation endotrachéale des rongeurs est très
difficile, voire impossible pour certaines espèces
en raison de leur petite taille. La région des
choanes est très étroite et l’ouverture buccale
très faible. Elle reste néanmoins possible avec une
certaine expérience chez le rat, et à un degré
moindre chez le cobaye et le chinchilla. Elle néces- Figure 27. Induction dans une cage anesthésique sur un
site des sondes de très petit diamètre, souples, octodon.
montées sur mandrin métallique. Leur mise en
place s’effectue de préférence sous contrôle endo-
scopique à l’aide de petits endoscopes de 1 mm
à 1,9 mm. Les rats peuvent avec profit être placés
en décubitus dorsal pour réaliser l’intubation, en
veillant à ce que la sonde ne soit pas obstruée par
les sécrétions respiratoires.
Conduite de l’anesthésie
Principaux anesthésiques utilisables
Les sites d’injections figurent dans le Tableau 13.
Les tranquillisations et préanesthésies (Tableau 14)
ont peu d’indications pratiques. Les principaux anes-
thésiques [47, 48] sont indiqués dans le Tableau 15.
Une analgésie préopératoire (Tableau 16) est toujours
utile, notamment chez le cobaye et le chinchilla lors
d’intervention abdominale.
L’anesthésie gazeuse est à privilégier (Tableau 15).
Souple, sûre et profonde, elle permet un réveil rapide,
et elle met à l’abri de nombreuses inquiétudes ou
complications per- et postopératoires (hypothermie, état
de choc, collapsus cardiovasculaire, réveil retardé, etc.).
Une induction est possible chez les rongeurs de grande
taille avec une petite dose de kétamine (10 mg/kg en
intramusculaire), le mélange médétomidine/kétamine
(0,1/10 mg/kg par voie intramusculaire) ou le tilétamine-
zolazépam (5 à 10 mg/kg en intramusculaire), mais elle
peut aussi être réalisée plus simplement en plaçant le Figure 28. Induction anesthésie gazeuse avec un masque de
rongeur dans une cage anesthésique (Fig. 27) ou dans grande taille sur un hamster russe.
un masque anesthésique transparent retourné (Fig. 28).
L’anesthésie est ensuite entretenue avec un masque de
taille adaptée (Fig. 29). Il est nécessaire de contrôler l’état d’hydratation, la
L’anesthésie peut être influencée par certains para- coloration des muqueuses, l’absence de diarrhée et de
mètres : signes respiratoires. Il est très important de prévenir
• le sexe : les femelles sont souvent plus sensibles que les l’hypothermie peropératoire par utilisation d’un tapis
mâles ; chauffant.
• l’état d’embonpoint : les graisses fixent les barbitu-
riques et les anesthésiques gazeux, ce qui retarde le
réveil. Ceci est important chez le cobaye, le rat, le ham-
Particularités d’espèces
ster, le chien de prairie ; Cobaye
• les médicaments : le chloramphénicol (100 mg/kg), L’accès veineux est difficile ; on peut cependant mettre
la cimétidine (10 mg/kg), le kétoconazole en place un cathéter de très petite taille à la veine cépha-
(40 mg/kg) augmentent la durée de l’anesthésie lique. À défaut de voie veineuse, l’administration des
kétamine/xylazine par inhibition des enzymes solutés se fait par voie sous-cutanée, intrapéritonéale ou
microsomiales hépatiques. intraosseuse (Fig. 30).
EMC - Vétérinaire 21
22
Tableau 14.
Principaux tranquillisants et agents préanesthésiques utilisables chez les rongeurs de compagnie.
Cobaye Chinchilla Rat Souris Hamster Gerbille
a
Acépromazine 0,5–1,5 mg/kg 0,5–1 mg/kg 0,5–2,5 mg/kg 0,5–2,5 mg/kg NR NR a
®
Alfaxolone (Alfaxan ) Prémédication xylazine 2 mg/kg s.c. Induction Prémédication xylazine 2–3 mg/kg s.c.
Induction 3 mg/kg i.v. (i.m.) 2 mg/kg i.v. Induction 10 mg/kg i.m.
Entretien 3 mg/kg i.v. (i.m.) 4 mg/kg i.m. Entretien 10 mg/kg i.m.
Atropine b 0,1–0,2 mg/kg 0,1–0,2 mg/kg 0,1–0,4 mg/kg b 0,1–0,4 mg/kg 0,1–0,4 mg/kg 0,1–0,4 mg/kg
Diazépam 0,5–3 mg/kg 1–5 mg/kg 1–5 mg/kg 1–5 mg/kg 1–5 mg/kg 1–5 mg/kg
Fentanyl-dropéridol c,d 0,22–0,88 ml/kg – 0,1–0,5 ml/kg 0,06–0,3 ml/kg – –
Fentanyl/ 0,5–1 ml/kg i.m. – – – – 0,5–1 ml/kg i.m., i.p.
Fluanisone e
(Hypnorm® )
Glycopyrrolate 0,01–0,02 mg/kg 0,01–0,02 mg/kg 0,01–0,02 mg/kg 0,01–0,02 mg/kg 0,01–0,02 mg/kg 0,01–0,02 mg/kg
Kétamine 2 mg/kg
associée avec buprénorphine
0,05 mg/kg et midazolam 0,3 mg/kg
Médétomidine f 0,1–0,3 mg/kg 0,1–0,3 mg/kg 0,1 mg/kg 0,1 mg/kg 0,1 mg/kg 0,1–0,2 mg/kg
Médétomidine/ 0,1/10 mg/kg
Kétamine
NR : non recommandé, effets très variables d’un animal à l’autre ; i.m. : voie intramusculaire ; i.v. : voie intraveineuse.
a
Risques de convulsions chez la gerbille.
b
Présence d’atropinestérase sérique chez le rat.
c
Antidote : naloxone (0,04 mg/kg i.v. ou i.m.).
e
Sédation modérée.
d
Peut provoquer une excitation chez le hamster et une automutilation au site d’injection chez le cobaye.
f
Antidote : yohimbine (0,2 mg/kg i.v.), atipamézole (1 mg/kg). Effets variables.
23
AN 0500 Anesthésie des petits mammifères de compagnie
Tableau 15.
Principaux anesthésiques utilisables chez les rongeurs de compagnie.
Produit Posologie Espèces concernées Remarques
Anesthésiques fixes
Fentanyl/ 1 ml/kg + 2,5 mg/kg i.m. Cobaye Anesthésie 45–60 min
fluanisone (Hypnorm® ) 0,4 ml/kg + 2,5 mg/kg i.m. Rat
+ diazépam 0,4 ml/kg + 5 mg/kg i.m. Souris
Fentanyl/ 8 ml/kg i.m., i.p. Cobaye Anesthésie 45–60 min
fluanisone 2,5–3 ml/kg i.m., i.p. Rat Préparer la solution : 1 part
+ midazolam 10 ml/kg i.m., i.p. Souris Hypnorm® / 1 part midazolam / 2 parts eau
distillée
Kétamine 40–70 mg/kg i.m. Cobaye, chinchilla, octodon Faible analgésie et faible myorelaxation
100–200 mg/kg i.m. Rat, souris Grandes variations individuelles
Résultats inconstants, plutôt utilisée en
50–100 mg/kg i.m. Hamster, autres rongeurs
sédation associée à d’autres molécules
Kétamine + acépromazine 20–50 + 0,5–1 mg/kg i.m. Cobaye, chinchilla Ne pas utiliser l’acépromazine chez la
40–50 + 0,5 mg/kg i.m. Chien prairie, octodon gerbille
50–150 + 2,5–5 mg/kg i.m. Rat, souris, hamster
Kétamine + diazépam 20–40 + 1–2 mg/kg i.m. Cobaye, chinchilla Faible analgésie
40–150 + 3–5 mg/kg i.m., i.p. Rat, souris, gerbille, hamster
20–30 + 0,4–0,6 mg/kg i.m. Chien de prairie
20–40 + 1–2 mg/kg i.m. Octodon
Kétamine + médétomidine 10 + 0,3 mg/kg i.m., i.p. Chinchilla Bonne myorelaxation
40 + 0,5 mg/kg i.m., i.p. Cobaye Anesthésie variable, 20–30 min
Anesthésie chirurgicale chez le rat et la
75–90 + 5 mg/kg i.m., i.p. Rat
souris (30 à 60 min)
50 + 5 mg/kg i.m., i.p. Souris Anesthésie modérée
50 + 2 mg/kg i.m., i.p. Gerbille
80 + 5 mg/kg i.m., i.p. Hamster
Kétamine + midazolam 5–15 + 0,5–1 mg/kg i.m. Cobaye, chinchilla, chien de Anesthésie modérée
prairie
Kétamine + xylazine 20–40 + 2 mg/kg i.m. Cobaye, octodon Bonne analgésie
35–40 + 4–8 mg/kg i.m. Chinchilla Éviter chez le chinchilla (risque de nécrose
au point d’injection)
75–95 + 5 mg/kg i.m., i.p. Rat
Anesthésie potentialisée par le
50 + 5–10 mg/kg i.p. Souris chloramphénicol, la cimétidine, le
50–70 +2–3 mg/kg i.m. Gerbille kétoconazole
80 + 5 mg/kg Hamster
Pentobarbital sodique 30–45 mg/kg i.p. Cobaye, chinchilla Dose très variable, marge de sécurité
30–45 mg/kg i.p. Rat étroite, risques d’hypothermie et de
dépression respiratoire
50–90 mg/kg i.p. Gerbille, hamster, souris
Propofol 3–5 mg/kg i.v. Cobaye Pas de données chez la gerbille, le hamster,
7,5–10 mg/kg i.v. Rat le cobaye et le chinchilla
Anesthésie légère et de courte durée
10–25 mg/kg i.v. Souris
(5 min)
3–5 mg/kg i.v. Chien de prairie Réveil rapide chez la souris
Anesthésie chirurgicale chez le rat
Tilétamine/zolazépam 10–20 mg/kg i.m. Chinchilla Bonne sécurité anesthésique
20–30 mg/kg i.m. Cobaye, octodon
50–80 mg/kg i.m. Rat, souris
20–30 mg/kg i.m. Autres rongeurs
Tilétamine/zolazépam 10–30 + 10 mg/kg i.m. Rat, souris, hamster Ne pas utiliser chez le chinchilla
+ xylazine 10–30 + 5–10 mg/kg i.m. Gerbille, cobaye Antidote : yohimbine 0,2 mg/kg i.v.
Thiopental 15–20 mg/kg i.v., i.p. Cobaye Réveil rapide
20–40 mg/kg i.p. Rat, hamster Anesthésie chirurgicale chez le rat
Ne pas utiliser chez la gerbille et le
25–40 mg/kg i.p. Souris
chinchilla
Anesthésiques gazeux
Halothane 3–5 % à l’induction CAM 1,5 %
1–2 % à l’entretien Circuit ouvert
Induction avec une cage anesthésique, au
Isoflurane 3–5 % à l’induction
masque, ou avec kétamine ou
1–2 % à l’entretien tilétamine/zolazépam
24 EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie AN 0500
Tableau 15.
(suite) Principaux anesthésiques utilisables chez les rongeurs de compagnie.
Produit Posologie Espèces concernées Remarques
Sévoflurane 5 % à l’induction
1–2 % à l’entretien
Anesthésiques locaux
Lurocaine 2 % 2 ml/kg
i.m. : voie intramusculaire ; i.p. : voie intrapéritonéale ; i.v. : voie intraveineuse ; CAM : concentration alvéolaire minimale.
A B
Figure 29. Entretien de l’anesthésie avec un petit masque en plexiglass sur un hamster russe (A, B).
EMC - Vétérinaire 25
Tableau 16.
26
1–2 mg/ml d’eau 1–2 mg/ml d’eau 200 mg/kg p.o. 200 mg/kg p.o. 1–2 mg/ml d’eau 1–2 mg/ml d’eau
Tramadol a 5–10 mg/kg/12–24 h 5–10 mg/kg/12–24 h 5–20 mg/kg/ 5–40 mg/kg/12–24 h 5–10 mg/kg/12–24 h 5–10 mg/kg/12–24 h
p.o., s.c. p.o., s.c. 12–24 h p.o., s.c. s.c., i.p. p.o., s.c. p.o., s.c.
s.c. : voie sous-cutanée ; i.m. : voie intramusculaire ; i.p. : voie intrapéritonéale ; p.o. : per os.
a
Produits de médecine humaine.
Anesthésie des petits mammifères de compagnie AN 0500
EMC - Vétérinaire 27
AN 0500 Anesthésie des petits mammifères de compagnie
“ Point fort
Principaux signes cliniques associés à la
douleur chez les rongeurs de compagnie
• Signes généraux
◦ Anorexie
◦ Perte de poids
• Signes oculaires
Figure 37. Rat anesthésié avec un masque en plexiglass
adapté. ◦ Yeux clos ou mi-clos (Myomorphes)
◦ Modification de l’expression faciale
Réveil ◦ Chromodacryorrhée, sécrétion de porphy-
rines oculaires (rat, gerbille, hamster)
Les rongeurs anesthésiés doivent être placés dans un • Signes cardiorespiratoires
environnement chauffé à 30 à 32 ◦ C jusqu’au réveil.
◦ Altération de la fréquence respiratoire (poly-
L’idéal est de disposer d’une cage chauffante ou d’une
couveuse. Ils sont ensuite maintenus à 25 ◦ C dès les
pnée) et de sa profondeur (respiration
premiers signes de réveil (tremblement des moustaches, courte)
petits mouvements). La température rectale doit être ◦ Altération de la fréquence cardiaque
surveillée pour éviter aussi bien une hyperthermie • Signes digestifs
postopératoire dangereuse (séjour trop long en cage ◦ Ptyalisme (Caviomorphes)
chauffante) qu’une hypothermie tout aussi dangereuse. ◦ Émission de crottes petites, dures et sèches
Des solutés isotoniques doivent être administrés par (crottes « de souris ») ou arrêt de transit
voie intraveineuse (cobaye, chinchilla, chien de prairie), • Signes comportementaux
sous-cutanée ou intrapéritonéale : chlorure de sodium ou ◦ Absence ou diminution de comportements
Ringer lactate et glucose à raison de 1 à 3 ml/100 g de
physiologiques normaux
poids, selon les pertes liquidiennes et le poids de l’animal.
Une analgésie postopératoire est impérative, tout ◦ Raideur des mouvements, de la démarche
comme il est important de connaître les signes cliniques ◦ Automutilation
associés à la douleur chez les rongeurs de compagnie. ◦ Anomalies de posture (abdomen poussé vers
le sol, cyphose)
Alimentation postopératoire ◦ Agressivité à la manipulation chez des ani-
Caviomorphes et Sciuromorphes doivent être réali- maux habituellement dociles (rat, octodon)
mentés le jour même de l’anesthésie (alimentation ◦ Facilité de capture ou de contention (rat, ger-
parentérale type Critical Care® ou équivalent), et il bille, cobaye, souris, hamster)
convient de laisser à leur disposition du foin et de l’eau ◦ Immobilité (cobaye), prostration, léthargie
(Fig. 38). (hamster, rat, cobaye)
Les Myomorphes mangent généralement dès qu’ils
◦ Isolement vis-à-vis des congénères
sont réveillés, notamment les hamsters. Ils sont sen-
sibles à l’hypothermie et à l’hypoglycémie génératrice
d’ischémie cérébrale. Il convient de laisser à leur dis-
position des aliments dès lors qu’ils sont correctement
réveillés et capables de déglutir.
alèzes, ou une litière de chanvre ou rafles de maïs. La
Litière paille est contre-indiquée. Une serviette doit être laissée
Les rongeurs opérés et correctement réveillés sont pla- à disposition dans la cage pour que les animaux puissent
cés sur une litière propre. On utilise de préférence des se cacher et avoir chaud.
28 EMC - Vétérinaire
Anesthésie des petits mammifères de compagnie AN 0500
EMC - Vétérinaire 29
AN 0500 Anesthésie des petits mammifères de compagnie
[47] Mayer J. Chemical restraint/anesthetic agents used in [48] Mayer J. Analgesic agents used in rodents. In: Carpenter
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Boussarie D. Anesthésie des petits mammifères de compagnie. EMC - Vétérinaire
2016;13(3):1-30 [Article AN 0500].
30 EMC - Vétérinaire
AN 0510
EMC - Vétérinaire 1
Volume 11 > n◦ 4 > novembre 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S1283-0828(14)66168-8
AN 0510 Anesthésie et analgésie chez les oiseaux
algiques d’un aigle royal ne sont probablement pas Comportement social modifié
identiques à ceux d’un perroquet gris d’Afrique ou d’un
• Comportement de protection de la part des autres
canari. L’évaluation fiable de la douleur chez les oiseaux
oiseaux du groupe vis-à-vis de l’oiseau douloureux.
débute donc par une bonne familiarisation avec les
• Diminution des interactions sociales avec les autres
comportements normaux de l’espèce étudiée [1] .
animaux et le propriétaire.
• Isolement du reste du groupe.
Influence du stress
Toute situation stressante, comme par exemple Prise en charge
l’introduction de l’oiseau dans un environnement nou- de la douleur chez les oiseaux
veau (salle de consultation, cage d’hospitalisation, etc.),
la douleur elle-même, la présence d’une maladie conco- Gestion non pharmacologique
mitante ou l’isolement social (oiseau séparé de ses
congénères dans la cage de transport ou en consulta- de la douleur
tion/hospitalisation), peut provoquer un camouflage de
La gestion de la douleur devrait débuter en trai-
l’expression de la douleur.
tant/prévenant la pathologie à l’origine de la douleur. Par
L’évaluation de la douleur chez les oiseaux devrait donc
exemple, immobiliser une fracture réduit déjà significati-
se faire avec le moins de stress possible et en n’étant pas
vement la douleur, tout comme réaliser une chirurgie la
dans son champ de vision.
moins traumatique possible [4] .
La prévention et le traitement du stress de l’oiseau
peuvent améliorer l’efficacité des analgésiques utilisés.
Principaux signes de douleur Cela peut se faire en gardant l’oiseau dans un environne-
rencontrés en clinique ment chaud, calme et sans prédateurs. Cela peut se faire
aussi par l’administration de sédatifs comme les benzo-
Les principaux signes amenant à suspecter une douleur diazépines [4] .
chez un oiseau [1–3] sont les suivants.
Analgésie préventive
Signes généraux
Les phénomènes de sensibilisation centrale [5] et péri-
• Léthargie. phérique [6, 7] ayant été décrits chez les oiseaux, la
• Immobilité. réalisation d’un traitement analgésique avant la réalisa-
• Baisse d’activité. tion de la procédure douloureuse est recommandée pour
• Yeux mi-clos. les mêmes raisons que chez les mammifères. La douleur
• Tête sous l’aile. postopératoire et l’utilisation des analgésiques après la
• Plumage gonflé. procédure sont donc diminuées et le temps de récupéra-
• Agitation. tion plus rapide [1] .
• Augmentation des vocalisations.
• Tachypnée.
Analgésie multimodale
Signes cutanés Combiner des analgésiques qui agissent sur différents
étages de la transmission et l’intégration de la douleur
• Diminution du toilettage individuel. permet d’augmenter de façon synergique leur efficacité
• Picage au site douloureux. tout en diminuant les doses nécessaires pour chacun et
• Automutilation au site douloureux. leurs effets toxiques [4, 8] .
L’utilisation préventive d’opioïdes et d’une analgésie
locale permet de bloquer le message nerveux noci-
Changement de comportement ceptif avant sa transmission et son intégration par
le système nerveux central, et donc de limiter sa
• Docilité chez un oiseau habituellement agressif. sensibilisation. L’utilisation préventive d’antagonistes
• Agressivité chez un oiseau habituellement docile. N-méthyl-D-aspartate (kétamine) permet de limiter la
sensibilisation du système nerveux central et de poten-
tialiser les effets analgésiques des opioïdes. L’utilisation
Signes digestifs d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) permet de
limiter l’inflammation des tissus, et donc la sensibilisa-
• Anorexie. tion périphérique.
• Dysorexie. Les Tableaux 1 et 2 regroupent les posologies et effets
• Amaigrissement/perte de poids. des opioïdes [9–15] et des AINS [9, 16–18] couramment utilisés
chez les oiseaux.
Troubles locomoteurs
Anesthésie locale
• Position antalgique.
• Patte relevée. L’anesthésique local peut être administré par infiltra-
• Boiterie. tion locale sur le site opératoire ou par spash sur une plaie
• Absence de vol. ou une structure interne [1] .
• Aile pendante. L’utilisation du bloc du plexus brachial a été décrite
• Changements réguliers d’appui. chez l’amazone d’Hispaniola [19] , le poulet [20, 21] et le
• Ataxie. canard [22] , mais ces études n’ont pas mis en évidence
2 EMC - Vétérinaire
Anesthésie et analgésie chez les oiseaux AN 0510
Tableau 1.
Opioïdes utilisés en analgésie aviaire.
Molécule Dose Voie Espèce Commentaire
Hydromorphone 0,1–0,6 mg/kg/3–6 h i.m. Crécerelle d’Amérique Sédation à 0,6 mg/kg
Morphine 0,1–30 mg/kg/4 h i.m. Poule Hyperalgésie dès la première
injection et à petite dose chez
certaines variétés de poules
Analgésie chez les autres (à dose
élevée)
Fentanyl 0,2 mg/kg s.c. Cacatoès blanc Pas d’analgésie à des doses
inférieures
Effets secondaires d’hyperactivité
Buprénorphine 0,1 mg/kg i. m. Gris d’Afrique Pas d’effet analgésique observable
Butorphanol 0,5 mg/kg i.m. Dinde
1 mg/kg/2–3 h i.m. Gris d’Afrique Analgésie chez 55 % des individus
2 mg/kg i.m. Amazone d’Hispaniola Pas d’effet analgésique observable
1–6 mg/kg i.m. Crécerelle d’Amérique Pas d’effet analgésique observable
Hyperalgésie chez les mâles à
6 mg/kg
Nalbuphine 12,5 mg/kg/3 h i.m. Amazone d’Hispaniola
hydrochloride
Nalbuphine 33,7 mg/kg/12 h i.m. Amazone d’Hispaniola Longue durée d’action
décaonate
Tramadol 5 mg/kg i.v. Amazone d’Hispaniola
30 mg/kg/6 h p.o. Amazone d’Hispaniola
5–30 mg/kg/9 h p.o. Crécerelle d’Amérique
Les molécules et posologies citées ont un effet analgésique documenté sauf mention contraire dans les commentaires.
i.m. : intramusculaire ; s.c. : sous-cutanée ; i.v. : intraveineuse ; p.o. : per os.
Tableau 2.
Effets anti-inflammatoires et toxiques des anti-inflammatoires non stéroïdiens utilisés en analgésie aviaire.
Molécule Dose Voie Espèce Commentaires
Meloxicam 1 mg/kg/12 h i.m. Amazone d’Hispaniola Effet sur les douleurs articulaires
0,1 mg/kg/24 h pendant 7 jours i.m. Perruche ondulée Congestion gloméluraire rénale
0,5–2 mg/kg/12 h pendant i.m. Pigeon Effet sur la douleur orthopédique
9 jours puis postopératoire à 2 mg/kg
p.o. Pas d’effet observable à 0,5 mg/kg
Pas de lésions histologiques rénales
significatives à 2 mg/kg
0,5 mg/kg p.o. Buse à queue rousse, Demi-vie de 30 minutes chez la buse
grand-duc d’Amérique à queue rousse et de 45 minutes chez
le grand-duc d’Amérique
2 mg/kg/12 h pendant 14 jours i.m. Caille Pas de lésions rénales histologiques
ni de modifications
hématobiochimiques
Lésions musculaires au point
d’injection
Carprofène 1 et 30 mg/kg i.m. Poulet Effet sur douleurs articulaires et
boiteries
3 mg/kg/12 h i.m. Amazone d’Hispaniola Réduit partiellement les douleurs
articulaires
Salicylate de sodium 100–200 mg/kg i.m. Poulet Effet sur les douleurs articulaires
Flunixine 5 mg/kg/12 h i.m. Canard Effet anti-inflammatoire
méglumine Nécrose au site d’injection
5,5 mg/kg/24 h pendant 7 jours i.m. Perruche ondulée Lésions rénales sévères
3 mg/kg i.m. Poulet Effet sur les douleurs articulaires
Kétoprofène 12 mg/kg i.m. Poulet Effet sur les douleurs articulaires
2,5 mg/kg/24 h pendant 7 jours i.m. Perruche ondulée Nécrose tubulaire rénale
5 mg/kg/12 h i.m. Canard Effet anti-inflammatoire
2–5 mg/kg i.m. Eider Mortalité chez les mâles
EMC - Vétérinaire 3
AN 0510 Anesthésie et analgésie chez les oiseaux
Tableau 3.
Effets rapportés des blocs du plexus brachial chez les oiseaux.
Molécule Dose Voie Espèce Commentaires
Lidocaïne 2 mg/kg Bloc du plexus Amazone d’Hispaniola Diminution de l’activité
brachial électrique des nerfs mais absence
d’effet clinique observable
15 mg/kg + adrénaline Bloc du plexus Canard Pas d’anesthésie locale
3,8 g/kg brachial observable
1 ml/kg de lidocaïne Bloc du plexus Poulet Taux de succès de 66 %
20 mg/kg complété avec brachial Très forte dose de lidocaïne dans
une dilution à 10 g/ml cette étude, à utiliser avec
d’adrénaline précaution
1 ml/kg de bupivacaïne Bloc du plexus Poulet Taux de succès de 66 %
Bupivacaïne 5 mg/kg complété avec brachial Très forte dose de bupivacaïne
une dilution à 10 g/ml dans cette étude, à utiliser avec
d’adrénaline précaution
2 et 8 mg/kg Bloc du plexus Canard Pas d’anesthésie locale
brachial observable
Ropivacaïne 1 ml/kg de ropivacaïne à Bloc du plexus Poulet Bloc moteur et sensitif
0,75 % brachial observable
Pas de complications rapportées
Figure 1. Site d’injection pour la réalisation d’un bloc du Figure 2. Réalisation d’un bloc du plexus brachial chez un har-
plexus brachial chez un harfang des neiges (cliché Clinique des fang des neiges (cliché Clinique des oiseaux de proie, Université
oiseaux de proie, Université de Montréal). de Montréal).
d’analgésie chez toutes les espèces (les résultats de ces élevé des oiseaux et leurs faibles réserves de glycogène
études sont résumés dans le Tableau 3). Le site d’injection hépatique, il est recommandé de limiter la durée de la
décrit chez l’amazone d’Hispaniola est l’angle créé par mise à jeun. Cette durée varie selon l’espèce et reste
le muscle pectoral, le triceps et le muscle supracoracoi- controversée, mais ne devrait pas durer en moyenne plus
deus aticimus d’un côté, et l’insertion des tendons des de deux à trois heures chez des oiseaux de poids moyen,
muscles coracobrachial caudal et scapulohuméral caudal et devrait dépendre du statut clinique, de la taille et de
de l’autre [19] (Fig. 1, 2). l’espèce [8, 23] .
La dose totale de lidocaïne ne devrait pas dépasser 2
à 3 mg/kg pour des raisons de toxicité. L’administration
de bupivacaïne à 1 mg/kg ne semble pas provoquer
d’effets toxiques chez les oiseaux. Les doses recomman- Choix du protocole
dées d’anesthésiques locaux sont plus faibles que chez les
mammifères, car il est suspecté que les oiseaux seraient Anesthésie gazeuse versus anesthésie
plus sensibles à leurs effets toxiques en raison d’une
administration systémique plus rapide et d’un métabo-
injectable
lisme prolongé [1] . L’anesthésie par inhalation de gaz anesthésique (iso-
flurane ou sevoflurane) est la méthode la plus utilisée.
Grâce à la performance des échanges gazeux dans les
Mise à jeun parabronches, l’inhalation d’un gaz anesthésique pro-
voque une induction rapide et son retrait un réveil rapide,
Afin de prévenir les régurgitations et l’effet de masse ce qui permet un contrôle plus fin de l’anesthésie [8] .
de l’appareil digestif sur les sacs aériens, il est néces- Étant donné la forte variété d’espèces aviaires rencon-
saire de s’assurer que le jabot est vide avant de réaliser trées en clinique, il est difficile de déterminer la dose
l’anesthésie [23] . Cependant, étant donné le métabolisme sûre et efficace d’anesthétique injectable à administrer
4 EMC - Vétérinaire
Anesthésie et analgésie chez les oiseaux AN 0510
Anesthésie balancée
L’utilisation synergique de plusieurs molécules anes-
thésiques permet de diminuer les doses de chacune
d’entre elles et leurs effets indésirables, notamment
dépresseurs cardiorespiratoires. Il est donc recommandé
chez les oiseaux d’utiliser des molécules sédatives, analgé-
siques et/ou myorelaxantes en fonction de la procédure
réalisée afin de diminuer les doses d’anesthésiques inha-
lés nécessaires [23] .
EMC - Vétérinaire 5
AN 0510 Anesthésie et analgésie chez les oiseaux
Tableau 4.
Agents de prémédication utilisés couramment chez les oiseaux.
Molécule Dose Voie Espèce Commentaires
Midazolam 0,1–0,5 mg/kg i.m. Prémédication en 5–15 min
0,5–3 mg/kg Sédation modérée à lourde
2 mg/kg Intranasale Amazone d’Hispaniola Sédation modérée d’apparition rapide
Pas d’effets indésirables observés
Réversible avec 0,05 mg/kg de
flumazénil en intranasal
7 mg/kg Perruche à collier Sédation adéquate d’apparition rapide
Réversible avec 0,13 mg/kg de
flumazénil en intranasal
13 mg/kg Diamant mandarin Sédation adéquate d’apparition rapide
25 l par narine Canari Sédation adéquate d’apparition rapide
(5 mg/ml) Réversible avec 2,5 g de flumazénil
par narine
13 mg/kg Perruche ondulée Sédation adéquate d’apparition rapide
Diazépam 13 mg/kg Intranasale Perruche ondulée Sédation adéquate d’apparition rapide
25 l par narine Canari Sédation adéquate d’apparition rapide
(5 mg/ml) Réversible avec 2,5 g de flumazénil
par narine
13 mg/kg Diamant mandarin Sédation adéquate d’apparition rapide
Flumazénil 0,05 mg/kg i.m. Antagoniste des benzodiazépines
Atropine 0,01–1 mg/kg s.c.,
i.m., i.v.
Glycopyrrolate 0,01 mg/kg i.m., i.v.
Figure 4. Orifice glottique chez un grand-duc d’Amérique Figure 6. Fixation de la sonde trachéale chez un harfang des
(cliché Clinique des oiseaux de proie, Université de Montréal). neiges (cliché Clinique des oiseaux de proie, Université de Mont-
réal).
6 EMC - Vétérinaire
Anesthésie et analgésie chez les oiseaux AN 0510
EMC - Vétérinaire 7
AN 0510 Anesthésie et analgésie chez les oiseaux
Figure 9. Mise en place d’un Doppler sur l’artère ulnaire d’un Figure 10. Cathéter intraveineux dans la veine ulnaire d’un
harfang des neiges (cliché Clinique des oiseaux de proie, Uni- grand-duc d’Amérique (cliché Clinique des oiseaux de proie,
versité de Montréal). Université de Montréal).
dioxyde de carbone expiré en fin d’expiration entre 30 et
45 mmHg. L’utilisation d’un capnographe augmentant le
moins possible le volume mort est recommandée (capno-
graphe de type side stream) [8] .
Oxygénation
La méthode la plus précise pour monitorer
l’oxygénation est la mesure des gaz sanguins arté-
riels. Cependant, cette méthode est peu applicable en
pratique courante.
L’évaluation de la couleur des muqueuses peut être uti-
lisée, ainsi que la mesure de la saturation en oxygène.
Cependant, la mesure de la saturation en oxygène ne
donne pas une estimation de l’oxygénation aussi fiable
et précise que chez les mammifères [8, 36] . L’oxymètre de
pouls peut être placé sur le patagium ou sur l’articulation
du tarse. Figure 11. Cathéter intraosseux ulnaire chez un harfang des
Un oiseau intubé et ventilé avec 100 % d’oxygène est neiges (cliché Clinique des oiseaux de proie, Université de Mont-
habituellement bien oxygéné. Des problèmes comme de réal).
l’apnée, une hypoventilation ou une obstruction tra-
chéale peuvent altérer l’oxygénation.
de la circonférence de la partie proximale de l’aile ou
de la patte. On considère empiriquement que la pres-
Système circulatoire sion artérielle systolique devrait être comprise entre 90
et 180 mmHg [40] .
Le système circulatoire peut être monitoré par la prise
du pouls, l’auscultation et l’électrocardiogramme.
Le Doppler est un moyen efficace de monitorer la fré- Système nerveux
quence et le rythme cardiaque durant une procédure [8] .
Les réflexes palpébral, cornéen, cloacal, de retrait, et la
Il peut être placé en regard de l’artère ulnaire superfi-
relaxation musculaire peuvent être utilisés pour évaluer
cielle distale (Fig. 9) ou de l’artère ulnaire. L’utilisation
l’oiseau anesthésié [8] .
du Doppler permet de détecter rapidement une baisse de
Les meilleurs outils permettant d’évaluer la profondeur
fréquence cardiaque ou un trouble du rythme survenant
anesthésique chez les oiseaux semblent être la profon-
au cours de l’anesthésie.
deur et la fréquence respiratoires [8] .
Bien que la méthode la plus précise de mesure de pres-
sion artérielle soit sa mesure directe, celle-ci n’est pas
réalisée en pratique courante. Il ne semble pas y avoir
une bonne corrélation entre mesure directe et indirecte Accès veineux
de la pression artérielle chez les oiseaux [37, 38] . et fluidothérapie
La mesure de la pression artérielle indirecte et son
interprétation doivent donc se faire avec précaution L’oiseau devrait idéalement être perfusé par voie
chez les oiseaux. Une diminution ou une augmentation intraveineuse durant l’anesthésie, notamment lors de
importante de la pression artérielle indirecte, mesurée en procédures longues.
continu sans déplacement de la sonde ni du brassard chez Une voie veineuse peut être posée dans la veine ulnaire
un oiseau anesthésié, peut être interprétée comme étant (Fig. 10) ou la veine métatarsienne médiale. Si la taille
réelle [39] . ou la volémie de l’oiseau ne permettent pas la mise en
Elle peut être mesurée à l’aile sur l’artère ulnaire super- place d’une voie veineuse, une voie intraosseuse peut
ficielle distale ou l’artère ulnaire, ou à la patte sur le être posée dans l’ulna (Fig. 11) ou le tibiotarse (Fig. 12).
segment distal de l’artère ischiatique ou sur l’artère tibiale Le débit de fluides recommandé est de 10 ml/kg par
crâniale. La largeur du brassard devrait mesurer 40 % heure [23] .
8 EMC - Vétérinaire
Anesthésie et analgésie chez les oiseaux AN 0510
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contentionné jusqu’à ce qu’il soit capable de maintenir [11] Guzman DS, Drazenovich TL, Kukanich B. Evaluation
sa tête seul et de tenir debout. Il peut ensuite être placé of thermal antinociceptive effects and pharmacokinetics
au calme dans une cage de réveil chauffée [8] . after intramuscular administration of butorphanol tartrate
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EMC - Vétérinaire 9
AN 0510 Anesthésie et analgésie chez les oiseaux
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Duhamelle A. Anesthésie et analgésie chez les oiseaux. EMC - Vétérinaire 2014;11(4):1-
10 [Article AN 0510].
10 EMC - Vétérinaire
AN 0600
L’anesthésie et l’analgésie des reptiles ont connu des avancées importantes ces dernières
années, aussi bien dans l’utilisation de molécules connues ou nouvelles que dans la
démonstration de l’inefficacité d’autres. Le praticien dispose aujourd’hui d’un large arse-
nal comprenant les anesthésiques injectables (dissociatifs, hypnotiques, myorelaxants,
bloquants neuromusculaires) et les anesthésiques volatiles qui lui permettent d’affiner son
protocole en fonction du patient et de son état. Cet arsenal est complété par une gamme
d’analgésiques (opioïdes, anti-inflammatoires non stéroïdiens, anesthésiques locaux) qui
lui permettent de prendre en considération la douleur et le stress, tout en potentialisant
son anesthésie pour en limiter la durée. Une meilleure compréhension de l’anatomie et de
la physiologie, associée à l’amélioration des protocoles, donne au praticien la possibilité
de traiter ces nouveaux patients avec autant de professionnalisme qu’il le fait pour les
autres animaux domestiques.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
EMC - Vétérinaire 1
Volume 9 > n◦ 2 > mai 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1283-0828(12)52960-1
AN 0600 Anesthésie et analgésie des reptiles
Système pulmonaire
Le larynx est facilement mobile si nécessaire. Chez
Les poumons des reptiles sont des structures simples, les chéloniens, la glotte est aussi à la base de la langue,
relativement peu partitionnées. Chez la plupart des rep- mais elle est souvent plus difficile à visualiser. Une bonne
tiles, il s’agit d’une unité linéaire endothéliale [3] . Les extension de la tête permet un meilleur accès (Fig. 3). Leur
unités fonctionnelles sont appelées ediculi et faveoli, uni- trachée bifurque rostralement, au milieu du cou envi-
tés analogues aux alvéoles des mammifères. L’absence de ron, il faut donc faire attention à ne pas les intuber trop
diaphragme implique une participation active de la mus- caudalement. Chez les crocodiliens, l’appareil basihyoïde
culature thoracique, ce qui peut amplifier une dépression (velum palati) divise les cavités orale et nasopharyngée.
respiratoire lors d’anesthésie. Ceci est particulièrement Il bloque l’accès au larynx et doit donc être déprimé ros-
important chez les chéloniens qui n’ont pas de mobilité tralement [3] . Pour faciliter l’intubation, une goutte de
de leur cage thoracique. lidocaïne (diluée à 1 %) peut être utilisée pour désensi-
D’une manière générale, il est recommandé d’intuber biliser la glotte [4] . Chez les chéloniens et crocodiliens,
tout animal anesthésié et d’assister la respiration. Bien les anneaux cartilagineux de la trachée sont complets.
que l’espèce et la taille de l’animal aient une influence D’une manière générale, les sondes endotrachéales avec
sur son rythme respiratoire, on peut considérer que deux ballonnet sont évitées chez l’ensemble des espèces pour
à six insufflations par minute sont une bonne moyenne limiter les risques de traumatisme de la trachée [4] . On fait
lors de respiration assistée [2] . Lors de la phase de réveil, il attention à protéger la sonde endotrachéale, et l’éventuel
est préférable d’utiliser l’air ambiant plutôt que l’oxygène matériel de monitoring et d’imagerie, de la mâchoire et
pur car ce dernier va inhiber la respiration spontanée des dents. Une pièce de bois ou de plastique peut être
et stimuler une phase d’apnée. L’intubation est relative- utilisée chez les individus de grande taille ; un tuyau en
ment aisée chez la plupart des espèces. Chez les serpents polychlorure de vinyle épais par exemple chez les croco-
et lézards, la glotte se situe en position rostrale pour les diliens permet le passage de la sonde et d’un endoscope.
premiers (Fig. 1) et à la base de la langue pour les seconds Chez les serpents de petite taille, la sonde peut être enve-
(Fig. 2). loppée dans une compresse (Fig. 4).
2 EMC - Vétérinaire
Anesthésie et analgésie des reptiles AN 0600
Analgésie
La gestion de la douleur a longtemps été négligée chez
les reptiles pour plusieurs raisons : non-considération
de la capacité de ces animaux à ressentir la douleur,
puis difficulté à l’objectiver et à évaluer l’efficacité des
moyens thérapeutiques. Une prise de conscience de
l’importance de la gestion de la douleur chez les animaux
d’une manière générale, une meilleure connaissance
aujourd’hui de l’anatomie et de la physiologie nerveuse
de ces animaux, ainsi que la mise en place de protocoles
d’étude permettant d’objectiver l’effet des molécules
analgésiques amènent à reconsidérer le choix des trai-
tements (Tableau 1) [1] . Dans le cadre de l’anesthésie,
Figure 3. Mise en place d’une sonde endotrachéale chez un l’analgésie stabilise le patient, entre autres en limitant
chélonien. l’impact des réactions neurohumorales à la douleur. Il
réduit aussi le stress, peut permettre de diminuer les doses
utilisées et favorise une meilleure récupération.
Trois catégories d’analgésiques sont disponibles :
• les anesthésiques locaux qui interrompent la transmis-
sion de la nociception depuis le récepteur périphérique
jusqu’à la moelle épinière ;
• les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) qui
vont moduler la nociception en périphérie et dans la
moelle épinière ;
• les opioïdes qui vont agir en périphérie et sur
l’ensemble du système nerveux central.
Opioïdes
Des récepteurs nociceptifs, un système nerveux central
approprié, des récepteurs aux opioïdes et des opioïdes
endogènes sont présents chez les reptiles comme chez
les mammifères [10] . La famille de gènes pour les récep-
teurs aux opioïdes (, et ␦) est fortement conservée chez
Figure 4. Exemple de protection de la sonde endotrachéale l’ensemble des vertébrés, mais peu d’informations sont
et du câble de monitoring chez un serpent. disponibles concernant ces récepteurs et leurs ligands
endogènes spécifiquement chez les reptiles. Des études
récentes ont permis de mettre en évidence que l’analgésie
Système rénal reposait vraisemblablement plus sur les récepteurs .
EMC - Vétérinaire 3
AN 0600 Anesthésie et analgésie des reptiles
Tableau 1.
Réflexes et surveillance de la profondeur d’anesthésie [1] .
Sédation ou anesthésie légère Uniquement le réflexe palpébral est inhibé. Le passage d’un coton mouillé sur les paupières entraîne
leur fermeture. Ce réflexe ne peut être utilisé chez les serpents et chez certains lézards qui ne
possèdent pas de paupières mobiles
Anesthésie générale, niveau Sont inhibés ou très fortement diminués :
chirurgical - les réflexes de retrait (retrait des membres ou de la queue lors du pincement de ceux-ci, retrait des
membres et de la tête lors du pincement d’un membre chez les chéloniens) ;
- le réflexe de retournement (intéressant essentiellement chez les serpents : animal mis sur le dos,
redressement spontané sur face ventrale) ;
- le réflexe de Bauchstreich (mouvements/ondulations du corps chez les serpents lorsque l’on stimule
craniocaudalement la face ventrale de l’animal) ;
- la résistance de la mâchoire (utile chez les chéloniens, on teste la résistance de l’animal lors de
l’ouverture forcée de la cavité buccale)
Anesthésie profonde Tous les réflexes énoncés précédemment sont abolis et on observe aussi une inhibition des réflexes :
- du cloaque (contraction de l’orifice cloacal lors du pincement de celui-ci) ;
- de la langue (chez les serpents, rétraction de la langue lors de l’étirement forcé de celle-ci) ;
- cornéen (fermeture des paupières lors du contact avec la cornée d’un coton humide ; impossible chez
les serpents et certains lézards)
secondaires (notamment dépresseurs respiratoires) que la système nerveux central [15] . L’affinité du tramadol pour
morphine du fait de l’antagonisme des récepteurs . Il a les récepteurs est 6 000 fois moins importante que celle
été l’un des premiers analgésiques utilisés chez les rep- de la morphine. La molécule procure une bonne anal-
tiles, de manière empirique. Deux études menées sur des gésie avec une dépression respiratoire moins importante
tortues de Floride (Trachemys scripta elegans), des dragons que celle entraînée par la morphine chez la tortue de
barbus (Pogona vitticeps) et des serpents des blés (Elaphe Floride [15] . Une dose de 5 à 10 mg/kg per os augmente
guttata) ont montré que le butorphanol, même à haute significativement le temps de retrait lors de stimuli ther-
dose, n’avait pas d’effet analgésique sur les tortues ni sur miques pendant 12 à 96 heures [15] . Bien que la dépression
les dragons [10–12] . De même, aucune différence significa- respiratoire soit moins importante avec le tramadol
tive n’a été observée entre des iguanes verts (Iguan iguana) qu’avec les autres opioïdes (morphine, butorphanol), cer-
prémédiqués par injection de butorphanol et non pré- taines précautions sont à prendre, en particulier lorsque
médiqués [13] . À haute dose, un effet analgésique serait l’animal souffre de maladie respiratoire.
induit sur les serpents [11] . Ce résultat est controversé dans
une autre étude menée sur des pythons royaux (Python Anti-inflammatoires non stéroïdiens
regius) qui n’a montré aucun effet analgésique [14] . Ces
Méloxicam
doses induisent une dépression respiratoire importante.
En tout état de cause, et devant les résultats obtenus Le méloxicam est un AINS ayant un effet inhibiteur
jusqu’à aujourd’hui, le butorphanol n’est pas recom- préférentiellement sur les cyclo-oxygénases 2 (COX2).
mandé comme analgésique chez les reptiles. Bien qu’une étude n’ait pas montré d’effet analgésique du
méloxicam à la posologie de 0,3 mg/kg sur des pythons
Buprénorphine royaux [14] , une publication basée sur des observations
La buprénorphine est un agoniste-antagoniste (ago- personnelles [16] décrit un potentiel analgésique pour
niste partiel sur les récepteurs et antagoniste partiel la molécule. Au plan pharmacocinétique, une dose de
sur les récepteurs ). La buprénorphine a une haute 0,2 mg/kg en injection intraveineuse ou par voie orale
solubilité lipidique qui explique une phase d’induction maintient pendant 24 heures une concentration plasma-
lente mais une durée d’action plus longue que les autres tique supérieure au minimum requis chez l’homme, le
opioïdes [9] . Un des avantages de la buprénorphine est cheval et le chien pour avoir un effet analgésique [16] sans
sa grande marge de sécurité, la dose nécessaire pour avoir d’effets secondaires.
une bonne analgésie étant largement inférieure à celle L’utilisation à la dose de 0,2 mg/kg en injection intra-
entraînant une dépression respiratoire [9] . Bien que le veineuse, intramusculaire ou par voie orale toutes les
potentiel analgésique n’ait pas encore été scientifique- 48 heures est recommandée [17] .
ment démontré, une étude menée sur des tortues de
Floride [9] a montré que des doses de 0,075 à 0,1 mg/kg Kétoprofène
en injection sous-cutanée permettent d’obtenir un pic Le kétoprofène est un AINS non sélectif ayant un effet
plasmatique reconnu comme efficace chez différents ver- inhibiteur sur COX1 et COX2. Bien qu’aucune étude n’ait
tébrés durant 24 heures. Cette étude a aussi montré que démontré l’effet analgésique du kétoprofène, son action
le site d’injection de la molécule, du fait de sa métaboli- inhibitrice non sélective est supposée avoir un meilleur
sation essentiellement hépatique, avait une importance effet analgésique que les AINS sélectifs COX2 [18] . Une
et qu’il était préférable de réaliser l’injection dans la injection intraveineuse ou intramusculaire à la dose de
partie antérieure de l’animal pour éviter une métabolisa- 2 mg/kg chez l’iguane vert serait suffisante pour obte-
tion précoce. L’avantage de la buprénorphine par rapport nir des concentrations plasmatiques considérées comme
à la morphine est sa plus grande durée d’action, son effectives chez les mammifères plus de 24 heures [18] . Une
potentiel analgésique 30 fois supérieur et le risque moins utilisation toutes les 48 heures de cette molécule est à
important de dépression respiratoire aux doses thérapeu- recommander [18] .
tiques [9] .
4 EMC - Vétérinaire
Anesthésie et analgésie des reptiles AN 0600
utilisée aussi bien seule pour des procédures mineures Les benzodiazépines peuvent aussi être utilisées toutes
qu’en tant qu’analgésique lors d’une anesthésie géné- seules pour obtenir une légère sédation dans le cas de
rale. Leur utilisation est limitée au temps périopératoire procédures non douloureuses [21] .
et aux animaux hospitalisés à cause de leur courte durée
d’action et de la paralysie motrice associée [19] . Le risque
principal est l’administration accidentelle de surdoses,
Tilétamine/zolazépam
potentiellement toxiques. En général, les doses toxiques L’association d’un agent dissociatif et d’une benzo-
à ne pas dépasser sont de 10 à 22 mg/kg pour la lidocaïne diazépine potentialise l’effet anesthésique et améliore
et 5 mg/kg pour la bupivacaïne [19] . Une dilution exces- la myorelaxation. L’association tilétamine/zolazépam
sive risquant de diminuer leur efficacité, ils ne devraient est deux à trois fois plus puissante que la kétamine
pas être dilués à plus de 50 %, les solutions commercia- seule, mais a une durée d’action plus longue [1] . Des
lisées de lidocaïne 1 % et de bupivacaïne 0,25 % étant doses légères (5 à 10 mg/kg) permettent une sédation et
recommandées chez les animaux de petite taille [19] . peuvent être utilisées en prémédication. Un des avan-
tages de ce mélange est la forte concentration pouvant
être obtenue, permettant une induction avec de faibles
volumes et les faibles doses (1 à 2 mg/kg) nécessaires sur
Anesthésie les animaux de grande taille [2] .
EMC - Vétérinaire 5
6
i.m. : intramusculaire ; i.o. : intraosseux ; i.v. : intraveineux ; s.c. : sous-cutané ; p.o. : per os ; NC : non connu.
és. - Document téléchargé le 19/05/2012 par UNIVERSITE NICE SOPHIA ANTIPOLIS - SCD - (6574)
Anesthésie et analgésie des reptiles AN 0600
Alphaxalone/alphadolone
L’utilisation du mélange alphaxalone/alphadolone, un
stéroïde neuroactif, a été décrite à la dose de 9 à
12 mg/kg par voie intraveineuse [1] . Le mélange indui-
rait une anesthésie chirurgicale pendant une durée de
10 minutes, suffisamment pour intuber et maintenir en
relais gazeux l’animal. Le peu de publications sur le
sujet incite à utiliser le mélange avec précaution. Les
effets secondaires observés chez les carnivores domes-
tiques (relargage d’histamine) n’ont pas été étudiés chez
les reptiles.
L’alphaxalone seule, utilisée déjà chez les carnivores
domestiques, semble prometteuse. Une étude récente
menée sur des tortues de Floride et iguanes verts a
montré que des injections intramusculaires à 10 mg/kg
procuraient une sédation courte et légère permettant des
procédures non ou peu invasives [26] . Une induction à
la dose de 20 mg/kg en injection intramusculaire donne Figure 5. Exemple d’induction au masque chez un lézard.
une bonne myorelaxation pendant 10 à 20 minutes [26] .
Une dose de 30 mg/kg chez l’iguane vert semble néces-
saire pour une anesthésie chirurgicale [26] . Cette étude leur capacité à se mettre en apnée. Les serpents et lézards
montre aussi que l’efficacité des doses est dépendante peuvent être induits au masque ou dans des chambres
de la température à laquelle est maintenu l’animal (cf. d’induction (aussi simple qu’un sac empli d’isoflurane
supra). Plus on se rapproche de la température moyenne et oxygène pour les serpents de petite taille) (Fig. 5).
préférée, plus l’induction et le réveil sont rapides [26] . Une Chez ces espèces, leur capacité à se mettre en apnée
dose de 5 à 10 mg/kg en injection intramusculaire est suf- peut aussi entraver la phase d’induction. Généralement,
fisante dans la plupart des cas pour permettre d’intuber celle-ci peut être stoppée et une phase respiratoire ini-
l’animal et de poursuivre sous anesthésie volatile (obser- tiée en stimulant le flanc ou les côtes de l’animal [1] . Une
vations personnelles). méthode est d’intuber les animaux encore éveillés et de
les ballonner pour induire l’anesthésie. Cette solution
induit un stress important chez l’animal et doit donc être
Anesthésie volatile réservée à des cas exceptionnels [2] .
La généralisation de l’anesthésie volatile au sein des
cliniques vétérinaires ces dernières années permet une Sevoflurane
gestion plus fine et une diminution des risques anes- Le sevoflurane est un gaz anesthésique sûr produi-
thésiques. Malgré un coût plus élevé, elle assure une sant une induction rapide (3 à 5 minutes) et une phase
plus grande marge de sécurité en particulier, lors de de réveil courte (10 à 30 minutes) [1] . Chez les chélo-
l’anesthésie des reptiles, en raccourcissant la durée de la niens, le rythme cardiaque ne semble pas être altéré par
phase de réveil de manière significative. Elle implique en le gaz [1] . Son odeur semble avoir moins d’effet sur les
outre une intubation de l’animal et une ventilation assis- reptiles et limite donc les phases d’apnée par rapport à
tée qui limitent les risques d’apnée et de stress organique l’isoflurane [28] .
lié à l’hypoxie.
Protoxyde d’azote
Halothane
Chez les reptiles, la ventilation pulmonaire peut
L’halothane présente moins d’avantages que
significativement diminuer suite à l’exposition à une
l’isoflurane. Il induit une plus grande dépression
concentration élevée en oxygène [28] . Cela pourrait expli-
du système cardiovasculaire, nécessite une plus grande
quer partiellement l’hypoventilation observée lors des
durée d’induction et entraîne un allongement du temps
phases d’induction. Chez le varan de Duméril (Varanus
de réveil chez les reptiles [1] . De plus, ceux-ci semblent
dumerilii), il a été démontré que la phase d’induction
réagir plus vivement à l’odeur de l’halothane qu’à celle
est plus rapide lorsque l’isoflurane ou le sévoflurane sont
de l’isoflurane [1] . Des différences spécifiques d’espèce ont
associés au mélange protoxyde d’azote/oxygène (2/1) que
été décrites amenant à des variations des concentrations
lorsqu’ils sont associés à 100 % d’oxygène [28] . Cepen-
nécessaires à l’induction [1] .
dant, l’impact de ce mélange sur le shunt cardiovasculaire
n’est pas encore connu.
Isoflurane
L’isoflurane est l’anesthésique volatil le plus couram-
ment employé dans les cliniques vétérinaires. Il est Surveillance de l’anesthésie
presque entièrement éliminé par les poumons, pro-
voque une induction et un réveil rapide, et présente Considérations préanesthésiques
moins d’effets cardiovasculaires que l’halothane [1] . Sa
marge de sécurité est très grande. Chez l’iguane vert, Un examen clinique complet de l’animal doit être
aucun effet cardiovasculaire fatal n’a pu être mis en évi- effectué avant toute anesthésie. Celui-ci conditionne en
dence, même avec des concentrations très élevées [27] . partie le choix du protocole anesthésique utilisé. Un
L’induction, lorsque le patient ne se met pas en apnée, examen à distance peut être effectué sur tous les ani-
à 4 % à 5 % d’isoflurane dans 1 l/min d’oxygène, dure maux. Le recueil de l’historique de l’animal est aussi
de 5 à 20 minutes [1] . Le réveil se produit environ 10 à généralement possible : âge, sexe, conditions de vie, date
30 minutes après l’arrêt complet du gaz anesthésique [1] . des derniers repas, fréquences de ceux-ci, historique des
L’induction est difficile chez les chéloniens du fait de maladies connues, etc.
EMC - Vétérinaire 7
AN 0600 Anesthésie et analgésie des reptiles
8 EMC - Vétérinaire
Anesthésie et analgésie des reptiles AN 0600
Toute référence à cet article doit porter la mention : Mulot B. Anesthésie et analgésie des reptiles. EMC - Vétérinaire 2012;9(2):1-9 [Article
AN 0600].
EMC - Vétérinaire 9
Douleur
(PAIN)
S
oulager la douleur est un défi éthique et médical pour le vétérinaire. La douleur est un
ENCYCLOPÉDIE VÉTÉRINAIRE - Anesthésie-Réanimation 0700
INTÉGRATION CORTICALE exacerbation des réponses pour un stimulus neurones relais. De nouveaux médiateurs
Un troisième neurone, et parfois un donné, éventuellement activité spontanée. (monoxyde d’azote, inositol triphosphate,
quatrième, assurent enfin la transmission Cette sensibilisation sur site constitue prostaglandines) et de nouveaux récepteurs
depuis les formations réticulées et le l’hyperalgie primaire. (N-méthyl-D-aspartate [NMDA]) sont mis
thalamus vers les zones corticales limbiques Dans le même temps, par un mécanisme en jeu. Les champs récepteurs cellulaires
et somesthésiques. On peut considérer qu’à dit de « réflexe d’axone », une propagation sont élargis et les seuils de sensibilité
ce stade d’intégration corticale on passe de la antidromique des influx favorise la abaissés, au point d’être sensibles aux influx
nociception à la douleur. libération de substance P par certaines des fibres de gros calibre (Aa, Ab). Tous ces
terminaisons des fibres nociceptrices. phénomènes peuvent perdurer bien après la
Celle-ci va activer la libération de disparition du foyer pathologique
bradykinine, d’histamine et de sérotonine et périphérique (douleur mémoire). Ils
MÉCANISMES DE LA DOULEUR PAR EXCÈS entraîner la stimulation des fibres voisines. constituent un sérieux handicap pour la
DE NOCICEPTION (FIG 2) Cette véritable contamination permet rééducation fonctionnelle et plaident en
l’extension locale du processus douloureux : faveur d’un traitement aussi précoce que
SENSIBILISATION PÉRIPHÉRIQUE l’hyperalgie secondaire. L’ensemble de ces possible, si possible préventif, de la douleur
Le traumatisme primaire (chirurgical ou processus constitue la sensibilisation (en particulier en chirurgie).
non) entraîne la libération de substances périphérique.
algogènes (K+, H+, bradykinine, sérotonine,
SENSIBILISATION CENTRALE SYSTÈMES DE CONTRÔLE (FIG 3)
histamine) et de substances sensibilisatrices
(prostaglandines, substance P) qui vont Un certain nombre de constatations Afin d’éviter que par le biais des
stimuler ou sensibiliser les terminaisons cliniques et expérimentales prouvent que phénomènes de sensibilisation « la machine
nociceptives. L’influx est transmis aux l’extension de la douleur opératoire et sa ne s’emballe », un certain nombre de
centres spinaux. Des stimulations répétées durée dans le temps impliquent également contrôles endogènes peuvent se mettre en
entraînent une sensibilisation des fibres de une sensibilisation centrale. Les volées place. Leurs mécanismes, complexes, n’ont
fin calibre : diminution de leurs seuils d’influx afférents dans la corne postérieure pas tous été élucidés. Certains constituent
d’activation, de leur temps de réponse, induisent un état d’hyperexcitabilité des d’ores et déjà des bases thérapeutiques.
4 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0700
SYSTÈME DU PORTILLON cicatrisation peuvent être retardés ; les patient au temps t. L’évolution du score en
Le système du portillon, ou gate control risques d’infection sont augmentés [76]. fonction du temps et des thérapeutiques
de Melzak et Wall [94], postule que le bruit – Conséquences cardiovasculaires : les instaurées permet une bonne appréciation
de fond des fibres somesthésiques de gros modifications neurovégétatives vagales ou de l’état douloureux du patient.
calibre (Aa et Ab) aurait un effet inhibiteur adrénergiques peuvent entraîner des risques
d’hypoxie cardiaque, des modifications du
sur la transmission des influx nociceptifs.
rythme [27] et des défaillances cardiaques ÉCHELLES D’AUTOÉVALUATION
Une stimulation nociceptive suffisante serait pouvant conduire à la mort. L’hypertension
capable de lever cette inhibition et d’« ouvrir artérielle peut augmenter les risques Le malade apprécie lui-même sa douleur.
le portillon ». Controversée, puis remaniée, d’hémorragies postopératoires [76]. Généralement unidimensionnelles, ces
cette théorie explique cependant les – Conséquences respiratoires : la douleur échelles prennent essentiellement en compte
techniques d’analgésie par stimulations aggrave l’hypoxémie par limitation des l’intensité de la douleur :
électriques transcutanées. mouvements respiratoires. La diminution de – échelle verbale simple (EVS) : elle est
l’amplitude et la réticence à tousser peuvent constituée de quatre ou cinq paliers allant de
SYSTÈMES DE CONTRÔLE CENTRAUX être des facteurs favorisants d’encombre- l’absence de douleur à la pire douleur
Bien que leurs mécanismes d’action ne ments bronchiques, d’atélectasie et de imaginable ;
soient pas totalement élucidés, les surinfections [27]. – échelle numérique (EN) : elle permet
spécialistes s’accordent à reconnaître L’importance de ces conséquences, qui au patient de donner une note de 0 à 10 (ou
l’existence de systèmes antinociceptifs par ailleurs ne sont pas spécifiques des à 100) en fonction des intensités croissantes
endogènes impliquant la substance grise douleurs aiguës (chirurgicales ou non), de douleur ;
périaqueducale et le noyau du raphé justifie leur anticipation par une prise en – échelle visuelle analogique (EVA) : elle
magnus. Ils seraient à l’origine de deux voies compte aussi précoce que possible des se présente sous la forme d’une réglette sur
descendantes, l’une sérotoninergique, l’autre phénomènes douloureux. laquelle le patient déplace un curseur en
adrénergique. Leurs cibles seraient les relais fonction de la douleur ressentie (absence de
douleur à pire douleur imaginable) ; sur la
de la corne dorsale de la moelle [5].
face opposée de la réglette, des graduations
ÉVALUATION DE LA DOULEUR de 0 à 100 permettent à l’observateur
CONTRÔLES INHIBITEURS DIFFUS
d’attribuer un score en fonction de la
Les neurones à convergence de la corne Étape impérative dans la prise en charge, position du curseur.
dorsale peuvent être inhibés lorsqu’une elle doit permettre notamment le dépistage, Ces échelles globales ont l’avantage d’être
stimulation nociceptive suffisante est la quantification (intensité) de la douleur, la simples et de permettre des évaluations
appliquée sur une partie du corps différente prise de décisions thérapeutiques et, par des rapprochées et facilement comparables. Elles
de leur propre champ excitateur (action à réévaluations successives, d’apprécier sont désormais utilisées pour l’appréciation
distance). Ces mécanismes constituent les l’efficacité et la poursuite éventuelle des des douleurs animales, par le biais d’un
contrôles inhibiteurs diffus par stimulus traitements instaurés. Aux méthodes observateur [62] . Le caractère subjectif
nociceptif (CIDN) [ 5 5 ] . Les CIDN globales d’appréciation clinique subjective supplémentaire que ce dernier semble
interviennent dans une boucle spino-bulbo- (« je pense que ce patient souffre ») se introduire explique pour partie le manque
spinale en inhibant le bruit de fond substituent désormais des échelles d’homogénéité dans les résultats des études
somesthésique et en favorisant l’émergence d’évaluation de la douleur. Leur multiplicité d’appréciation des trois méthodes [9, 13, 37].
du message nociceptif. En présence de deux chez l’homme permet une adaptation aux
douleurs, la plus intense va inhiber la plus différents types de douleurs (postopératoires,
faible : c’est le principe du tord-nez chez le chroniques, psychogènes) ou de patients ÉCHELLE D’HÉTÉROÉVALUATION
cheval, mais également des techniques (enfants, adultes, vieillards).
d’hyperstimulation et d’électroacupuncture. Elles sont réservées aux patients non
communicants (jeunes enfants [ 2 5 ] ,
vieillards). L’évaluation de la douleur est
QUALITÉS D’UNE ÉCHELLE D’ÉVALUATION
confiée à un observateur. Chez l’animal, les
CONSÉQUENCES PHYSIOLOGIQUES DE LA DOULEUR critères le plus couramment retenus sont les
DE LA DOULEUR m o d i fi c a t i o n s c o m p o r t e m e n t a l e s ,
– Spécificité : capacité à mesurer biologiques et physiologiques.
En dehors des considérations tissulaires effectivement la douleur (plutôt que le stress MODIFICATIONS COMPORTEMENTALES
précédemment évoquées, la douleur, ou l’anxiété).
– Sensibilité : capacité à différencier deux Il est classique de distinguer une
notamment si elle persiste, peut entraîner
états douloureux d’intensités voisines mais composante sensoridiscriminative de la
des perturbations physiologiques (véritable
différentes. douleur de composantes psychoaffectives. La
état de « choc douloureux »).
– Reproductibilité : qualité d’une grille première correspond aux modalités de
– Conséquences neurovégétatives : soit transmission neurophysiologique. Elle
adrénergiques, augmentation des taux de qui permet à deux observateurs d’obtenir des
résultats voisins en évaluant le même définit notamment un seuil de sensibilité des
catécholamines, d’angiotensine II
(hypertension, tachycardie, hyperthermie) ; patient. récepteurs, relativement homogène au sein
soit vagales (bradycardie, hypothermie) [29]. des différentes espèces. Les composantes
– Conséquences neuroendocriniennes, psychoaffectives s’apprécient en termes de
hypophysaires : augmentation de l’adrenocor- tolérance individuelle et leur caractère non
ticotrophic hormone (et donc du cortisol), de NOTION DE SCORE univoque va remarquablement compliquer
l’hormone de croissance, de la vasopressine, la tâche de l’observateur. Il n’en demeure pas
de la b-endorphine [27]. En attribuant une valeur chiffrée aux moins que les modifications comportemen-
– Conséquences métaboliques : hypergly- différents items d’évaluation, il est possible tales sont largement utilisées pour
cémie et augmentation des acides gras libres de traduire en chiffres l’intensité de la l’élaboration des grilles d’évaluation [21, 30, 90]
et du catabolisme azoté. Les processus de douleur et d’établir le score douloureux du (tableau I).
DOULEUR — 0700 5
Les modifications comportementales démonstratif de certains chiens de petites et des b-endorphines. Si leur intérêt en
sont appréciées en fonction d’un état de races, à l’inverse du « stoïcisme » de certains pratique quotidienne paraît discutable, elles
« normalité » du patient, qu’il n’est jamais chiens de chasse [8]. pourraient cependant constituer des
très simple d’objectiver, notamment chez un Enfin, l’âge et l’expérience passée sont marqueurs de la douleur. En ce sens, le
animal hospitalisé [13] . Dans ce cas, la également des facteurs susceptibles de cortisol reste un élément de référence,
capacité de l’ensemble du personnel modifier le comportement des animaux face notamment lors d’évaluations croisées de
soignant à s’investir dans l’utilisation des à une situation potentiellement l’efficacité de thérapeutiques analgésiques
échelles d’évaluation semble être un douloureuse [14]. périopératoires [84, 85] ou lors d’évaluations de
impératif pour l’amélioration de la prise en En cas de doute sur certaines modifica- grilles [9].
charge de la douleur [17]. Les propriétaires tions comportementales, il doit toujours MODIFICATIONS PHYSIOLOGIQUES
devraient être également des partenaires bénéficier au patient [1]. L’administration
d’antalgiques permet ainsi souvent Les paramètres physiologiques les plus
privilégiés, notamment lors du retour à la couramment pris en compte, en particulier
maison de l’animal après une hospitalisation d’attribuer a posteriori à la douleur certains
comportements mal définis a priori. dans les grilles d’évaluation des douleurs
prolongée ou lors de maladie douloureuse postopératoires, sont :
chronique. – la fréquence cardiaque [21, 30, 90] ; son
MODIFICATIONS BIOLOGIQUES
augmentation est appréciée en pourcentage
Il convient d’insister sur les différences de Conséquences des modifications par rapport à la fréquence initiale ;
comportement entre les espèces (chiens et endocriniennes précédemment évoquées, – les modifications respiratoires [21, 90] ;
chats) et entre les races au sein d’une même elles concernent l’augmentation des l’augmentation de la fréquence est prise en
espèce : comportement particulièrement catécholamines, du cortisol plasmatique [24] compte ; des modifications de l’amplitude et
6 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0700
Cortex
Perception TRAITEMENT
Anesthésie
Tranquillisants
Morphiniques Thalamus
α2 agonistes PRINCIPES DU TRAITEMENT DE LA DOULEUR
Nursing (FIG 4)
TABLEAU IV. - PRINCIPAUX MORPHINIQUES UTILISÉS PAR VOIE PARENTÉRALE CHEZ LE CHIEN (Cn) ET LE
CHAT (Ct) [10, 14, 15, 29, 62, 86].
Activité
Posologies Durée (heures) Remarques
analgésique
Morphine 1 Ag Cn : 0,1 à 2 mg/kg IV, IM, SC 4 IV lente. Dépression respira-
(chlorydrate) toire : antidote naloxone
Ct : 0,1 à 0,4 mg/kg IM, SC 6
Mépéridine 0,2 Ag 5 à 10 mg/kg IM, SC 0,5 à 1 Hypotension (surtout IV rapide)
Cn : perf lente, 0,1 mg/kg/h Durée d’action courte
Fentanyl 1 100 Ag 0,02 à 0,04 mg/kg IM, SC 0,5 Sédation, dépression respira-
toire
0,001 à 0,005 mg/kg/h IV Durée d’action courte
Oxymorphone 2 10 Ag Cn : 0,05 à 0,2 mg/kg IV, IM, SC 2à4 Même mode d’action que la
morphine
Ct : 0,05 à 0,1 mg/kg IV, IM, SC 2à6 Moins d’effets secondaires
Dextromoramide 10 Ag 0,5 mg/kg IV, IM 0,5 Dépression respiratoire +
Butorphanol 1 5 Ag-ant Cn et Ct : 0,2 à 0,6 mg/kg IV, IM, 2à4 Sédation plus longue qu’anal-
SC gésie
Inadéquate pour douleurs
sévères
Pentazocine 0,25 Ag-ant 1,5 à 3 mg/kg IV, IM 1à6 Douleurs modérées
Nalbuphine2 05/1 Ag-ant 0,1 à 1 mg/kg IV, IM 1à2 Antagoniste µ (réversion des
effets secondaires)
Buprénorphine2 30 Ag part 0,005 à 0,02 mg/kg IV, IM, SC 6à8 Longue durée d’action
Cn et Ct Non antagonisé par naloxone
Naloxone 0 Ant 0,04 mg/kg IV, IM 0,5 à 2 Antagoniste pur
Cn et Ct Injections répétées si
nécessaire
1 : réservé à l’usage hospitalier. 2 : non commercialisé en France. Agonistes (Ag) : liés au récepteur, ils le stimulent (la morphine est un agoniste µ et κ). Antagonistes : inhibent la réponse de l’agoniste
et se lient au récepteur (la naloxone est l’antagoniste de la morphine). Ag-ant: agoniste–antagoniste; Ag part : agoniste partiel. IV : intraveineuse ; IM : intramusculaire : SC : sous-cutanée.
douleurs par excès de nociception. Ils sont des messages nociceptifs en agissant sur les dont certains sont exploités en thérapeu-
utilisés à la fois en analgésie et en récepteurs aux niveaux spinal (action pré- et tique. D’autres, en revanche, constituent des
anesthésiologie (neuroleptanalgésie, postsynaptique), supraspinal (action directe effets secondaires gênants [28, 70, 72] :
anesthésie balancée). ou indirecte sur les voies inhibitrices – respiratoires : dépression respiratoire,
descendantes) et même périphérique dépression du réflexe de toux ;
NOTION DE RÉCEPTEURS (efficacité analgésique des injections de – cardiaques : bradycardie, hypo-
La mise en évidence en 1973 de morphine intra-articulaires) [74]. Leur affinité tension ;
récepteurs morphiniques cérébraux pour les différents récepteurs permet de les – digestifs : vomissements, consti-
spécialisés, puis de 1975 à 1980 la classer en agonistes, agonistes-antagonistes pation ;
découverte des substances endogènes, ou et antagonistes (tableau IV). – urinaires : diminution de la diurèse,
endomorphines, capables de se fixer sur ces rétention.
récepteurs en reproduisant les effets de la À la différence des agonistes qui Il est cependant important de noter
morphine, ont considérablement éclairé présentent un effet dépendant de la dose, les qu’en présence d’un patient qui souffre, et
l’approche thérapeutique de la douleur. agonistes partiels et les agonistes- dans le strict respect des posologies prévues,
Les récepteurs aux opioïdes constituent antagonistes présentent un « effet plafond », ces effets secondaires sont quasi inexistants
une classe hétérogène au sein de laquelle on seuil au-dessus duquel une augmentation de et ont souvent été extrapolés de la pratique
distingue quatre types principaux (µ, d, j, la dose ne modifie plus les effets. Les humaine. Ils peuvent également résulter, en
r ) sensibles à des endomorphines associations d’agonistes et d’agonistes- particulier chez le chat, de surdosages
différentes. Ces récepteurs sont présents tout antagonistes sont contre-indiquées (les importants. La plupart des morphiniques
au long du névraxe : corne dorsale, seconds pouvant inhiber les effets des ont une demi-vie courte. Ils sont
substance grise périaqueducale, certains premiers). antagonisables en cas de besoin (cf infra). Ce
noyaux thalamiques. Ils sont répartis sont donc des analgésiques efficaces, sûrs et
également au sein d’autres tissus que le tissu EFFETS SECONDAIRES malheureusement sous-employés par
nerveux, ce qui explique les effets manque de formation et d’information.
secondaires et les autres indications La large répartition des récepteurs À partir du modèle naturel de la
thérapeutiques des morphiniques spécifiques sur l’ensemble du système morphine, et pour essayer d’améliorer la
(antitussifs, antidiarrhéiques). nerveux (moelle épinière, tronc cérébral, qualité de l’analgésie, sa durée d’action et de
L’activité antalgique des morphiniques centres supérieurs) laisse prévoir de limiter les effets indésirables, différents
repose sur une inhibition de la transmission nombreux effets latéraux des morphiniques composés synthétiques ont été conçus. Tous
DOULEUR — 0700 9
ne sont pas référencés en pratique Administration rachidienne (tableau VI) volume total injecté ne doit pas dépasser
vétérinaire. Par ailleurs, peu sont En périopératoire, et notamment lors de 6 mL [74] . Les deux principales contre-
actuellement accessibles aux vétérinaires chirurgie abdominale ou des membres indications aux injections rachidiennes sont
français. postérieurs, l’utilisation par voie rachidienne les infections et les coagulopathies [87].
(principalement épidurale) procure une Injections intra-articulaires
VOIES D’ADMINISTRATION analgésie intéressante par blocage des
Différents travaux montrent que les
récepteurs médullaires, de durée prolongée,
Administration parentérale (tableau IV) morphiniques ont une action périphérique,
tout en limitant les effets secondaires. Ces
en cas d’inflammation préalable, et leur
Les morphiniques peuvent être propriétés sont mises à profit par exemple
utilisation intra-articulaire est efficace
administrés par voie parentérale. Les voies dans le cas de chirurgies orthopédiques
(0,1 mg/kg dilué à 0,5 mL/kg [ 8 2 ] ).
sous-cutanée (SC) et intramusculaire (IM) importantes des membres postérieurs ou du
L’association avec un anesthésique local
sont le plus couramment utilisées. bassin, mais également pour des interven- (bupivacaïne) procure une analgésie de
L’injection intraveineuse (IV) doit être lente tions réputées douloureuses sur les tissus qualité et de durée longue (24 heures) avec
(effets histaminiques de la morphine) ou mous (thoracotomies, hernies diaphragma- des doses de morphine faibles (bupivacaïne
mieux en perfusion lente. tiques, hernies périnéales) [91]. La vitesse de < 3 mg/kg et morphine 0,1 mg/kg [34]).
diffusion des morphiniques à travers la
Voie orale (tableau V) barrière méningée est proportionnelle à leur Administration transdermique
La biodisponibilité des morphiniques solubilité lipidique [87]. Les molécules très Des patchs de fentanyl (Durogesict)
administrés par voie orale est extrêmement lipophiles (fentanyl et ses dérivés) vont sont disponibles en quatre concentrations
variable, suivant les drogues et les patients. diffuser très rapidement et localement (25, 50, 75 et 100 µg/h), correspondant à
La codéine, par exemple, a un ratio (analgésie segmentaire), pour une durée leurs capacités de diffusion. Leur indication
oral/parentéral de 6,5 % chez le chien, dont d’action relativement courte. À l’inverse, les est limitée au traitement des douleurs
moins de 1,5 % sont effectivement convertis effets de la morphine, plutôt hydrophile, se cancéreuses chez l’homme. Plusieurs
en morphine, ce qui rend sa capacité mettent en place plus lentement, mais pour publications [7, 47, 48, 74, 81] montrent leur
analgésique aléatoire par cette voie [74]. Les une durée prolongée (de 6 à 12 heures) et efficacité chez le chien et le chat, pour des
formes de morphine à libération prolongée diffusent plus largement (migration crâniale douleurs modérées à sévères, y compris
(sulfate de morphine) ont une biodisponi- plus prononcée). Il est préférable d’utiliser chirurgicales. Le patch est appliqué sur la
bilité de 20 %. Administrées toutes les 12 des préparations sans conservateur, portées à peau tondue, lavée sans solution irritante et
heures à la dose de 2 à 3 mg/kg, elles température corporelle et injectées séchée, en général en partie latérale du
permettraient d’atteindre des taux lentement. L’injection est généralement thorax. La peau doit être saine, ni blessée, ni
plasmatiques suffisants [18]. Malgré ces aléas, pratiquée dans l’espace lombosacré, soit à irritée. Le patch est maintenu en place
les douleurs modérées restent de bonnes l’aiguille spinale, soit après mise en place 2 minutes puis protégé par un bandage. La
indications pour l’utilisation de la codéine et d’un cathéter spinal [36, 87, 89, 91]. Ce dernier chaleur accélérant considérablement
du dextropropoxyphène, seuls ou associés au peut être laissé en place pour des injections l’assimilation transcutanée, le chauffage du
paracétamol (formellement contre-indiqué répétées lors de douleurs postopératoires patch (couverture chauffante) est prohibé et
chez le chat). Le tramadol est une molécule durables. Dans le cas de chirurgie il doit être retiré si le patient est fébrile [10].
qui présente l’intérêt d’une double action : thoracique, on peut augmenter le volume Le pic d’action est obtenu en moyenne en
morphinique et monoaminergique injecté. La qualité analgésique de la 24 heures chez le chien [81] (nécessité de mise
(inhibition de recaptage de la noradrénaline morphine péridurale est identique à celle en place la veille de la chirurgie), plus
et de la sérotonine). Il est indiqué chez obtenue avec des injections intercostales de rapidement chez le chat. La durée d’action
l’homme pour des douleurs modérées à bupivacaïne [75]. L’association morphine- est de 72 heures chez le chien, de 5 à 6 jours
sévères. Il n’est pas référencé actuellement en bupivacaïne par voie péridurale améliore la chez le chat. Les effets secondaires sont
pratique vétérinaire. L’auteur l’emploie à la durée (au moins 24 heures) et la qualité de exceptionnels (dépression respiratoire, effets
dose de 5 mg/kg/8 h pour des douleurs l’analgésie [36]. Les effets secondaires (prurit, paradoxaux chez le chat) et disparaissent en
modérées, aiguës ou chroniques. Enfin, les rétention urinaire) sont rares [87] . Afin quelques heures après retrait du patch.
formes rectales de morphine ne présentent d’éviter les effets secondaires moteurs (et Les doses recommandées sont les
pas, chez le chien, d’intérêt par rapport aux respiratoires), les concentrations suivantes [74] :
formes orales [74]. d’anesthésiques locaux sont diminuées. Le – chat : 25 µg/h ;
10 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0700
TABLEAU VI. - PRINCIPALES DROGUES ET ASSOCIATIONS UTILISÉES EN ANALGÉSIE ÉPIDURALE [10, 15, 86, 87, 89].
Délai Durée
Posologies Commentaires
(minutes) (heures)
Lidocaïne 2 % 3 à 4,5 mg/kg 5 0,5-1 Durée prolongée par adjonction
d’adrénaline à 1/200000
diluer : 1 mL/4,5 kg
Bupivacaïne 0,5 % Cn : 1 à 2,5 mg/kg 5-15 3à6 Diminuer les doses pour éviter les blocs
moteurs ou associations
Ct : 1 à 2 mg/kg 15-20 Préparations adrénalinées
diluer : 1 mL/4,5 kg
Morphine 0,1 à 0,3 mg/kg 10-60 6-12 Diminution des doses d’halogénés
Fentanyl 0,001 mg/kg 4-10 4-6 Liposoluble : rapidité d’action
Buprénorphine Cn : 0,005 mg/kg 10-60 12-18 Effet prolongé
Oxymorphone 0,05 à 0,1 mg/kg 10-20 7-12 Liposolubilité intermédiaire
Xylazine 0,25 mg/kg 5-10 1-4 Hypotension, bradycardie
Médétomidine 0,015 mg/kg 5-10 1-4 Hypotension, bradycardie
Associations
Morphine 0,1 mg/kg 10-15 10-16 Dilution (NaCl 0,9 %) : 1 mL/4,5 kg
Médétomidine 1 à 5 µg/kg
Morphine 0,1 mg/kg 10-15 10-12 Dilution (NaCl 0,9 %) : 1 mL/4,5 kg
Xylazine 0,02 mg/kg
Morphine 0,1 mg/kg 10-15 16-24 Synergie thérapeutique
Bupivacaine 1 mg/kg Maximum : 6 mL du mélange
Cn : chien ; Ct : chat.
– chien de 3 à 10 kg : 25 µg/h ; – injecter 1 mL/min de cette solution Ils présentent cependant l’inconvénient
– chien de 10 à 20 kg : 50 µg/h ; par voie veineuse, quelle que soit la taille de d’une durée d’action analgésique plus courte
– chien de 20 à 30 kg : 75 µg/h ; l’animal ; que l’effet sédatif et d’effets secondaires non
– chien de moins de 30 kg : 100 µg/h. – arrêter l’administration dès que les négligeables (hypotension). L’adjonction de
Les patchs ne doivent être ni pliés ni effets indésirables sont supprimés (Matthews faibles doses de médétomidine à une
coupés. Pour un très petit chien, il est in [74]). induction anesthésique par diazépam-
éventuellement possible de laisser une partie La naloxone étant plus rapidement kétamine améliore la qualité de l’induction,
de la pellicule protectrice du patch pour métabolisée que la morphine, le protocole facilite l’intubation et prolonge l’anal-
diminuer la surface de diffusion. pourrait être renouvelé si nécessaire. La gésie [45]. De faibles doses peuvent également
Comparé à des injections épidurales de dépression respiratoire engendrée par les être associées à un morphinique (effets
morphine pour des opérations orthopé- agonistes partiels (buprénorphine) n’est pas synergiques). En cas de besoin, les a2
diques chez le chien, le patch s’est montré sensible à la naloxone. Le doxapram semble agonistes peuvent être antagonisés par
plus efficace et sans effet sédatif [81] . efficace. l’atipamizole. Malgré cette sécurité, et
Comparé à l’oxymorphone par voie compte tenu de leurs effets secondaires, leur
intramusculaire sur des chiennes usage parentéral pourrait être limité à des
ovariectomisées, les effets analgésiques sont patients jeunes et en bonne santé. Ils
comparables, mais l’oxymorphone a un effet ALPHA-2 AGONISTES peuvent également être administrés par voie
sédatif beaucoup plus marqué [48] . Il épidurale : une analgésie de 4 heures est
convient enfin de se souvenir que le patch Sédatifs analgésiques, myorelaxants et obtenue avec 0,25 mg/kg de xylazine [79].
contient un morphinique fort. Il est donc anxiolytiques, les a2 agonistes sont Une certaine synergie avec la morphine a été
utile de prendre toutes les précautions pour largement utilisés en anesthésiologie démontrée, qui procure une analgésie de
éviter les accidents domestiques (patch vétérinaire où leurs effets analgésiques sont longue durée (24 heures). Cette synergie est
arraché et sucé par un enfant…). Les patchs prouvés [83]. Leur mode d’action présente mise à profit chez l’homme dans les
usagés devraient être retirés et récupérés par une grande similitude avec celui des associations de clonidine (a2 agoniste) avec
le vétérinaire. morphiniques : blocage de récepteurs des anesthésiques locaux ou des
médullaires et supraspinaux [70] , dont morphiniques [22].
Effets secondaires certains sont d’ailleurs voisins des récepteurs
Les effets secondaires de la morphine, morphiniques. Ils peuvent être utilisés
même s’ils sont exceptionnels, sont annihilés spécifiquement pour leurs propriétés
par la naloxone. Afin d’éliminer les effets antalgiques, chez le chien et le chat, aux ANESTHÉSIQUES LOCAUX (TABLEAU VII)
dangereux (dépression respiratoire) tout en doses suivantes [86] :
conservant les effets analgésiques, un – xylazine : 0,1 à 1 mg/kg (IV, IM, SC) Les anesthésiques locaux permettent une
protocole progressif peut être conseillé : pour une durée d’action de 0,5 à 2 heures ; suppression de la transmission douloureuse
– diluer une ampoule à 0,4 mg/mL dans – médétomidine : 0,001 à 0,01 mg/kg en bloquant la propagation des influx
10 mL de soluté isotonique ; pour la même durée potentielle. nerveux (action sur les canaux sodiques). Ils
DOULEUR — 0700 11
s’opposent à l’arrivée des signaux dans la traitement des douleurs thoraciques et élevées peut présenter un risque par
moelle. Cette particularité unique devrait en abdominales hautes. L’injection est réalisée suppression de la motricité (arrêts
faire les analgésiques de référence. Les dans l’espace interpleural à l’aide d’un respiratoires lors d’administration
techniques d’anesthésie locorégionale restent cathéter posé en transcutané ou, plus rachidienne trop importante) ou apparition
cependant sous-employées en pratique facilement, en fin de thoracotomie [86]. À la de troubles nerveux centraux (euphorie,
vétérinaire par manque de formation. Elles dose de 0,5 mg/kg/4 h, l’analgésie procurée anxiété, convulsions) [88] . Les injections
font l’objet de nombreux exposés [57, 86, 88, 89]. par la bupivacaïne est nettement meilleure intraveineuses de bupivacaïne ou de doses
Citons cependant celles qui devraient être que celle procurée par 10 mg/kg IV de inadaptées de lidocaïne sont dangereuses
d’usage plus régulier. buprénorphine sur des chiens subissant une (collapsus cardiovasculaire). Les blocs
thoracotomie intercostale [12]. Les tronculaires doivent être réalisés avec
APPLICATIONS LOCALES anesthésiques locaux peuvent aussi être précaution sur l’animal anesthésié (risques
Les sprays ou les gels anesthésiques sont utilisés en injections rachidiennes (seuls ou de lésions directes du nerf par l’aiguille
couramment utilisés (pose de sondes en association avec la morphine). Les d’injection, sans réaction apparente de
endotrachéales). Une crème anesthésique posologies doivent être réduites si l’on l’animal) [73].
locale (Emlat : lidocaïne/prilocaïne) peut souhaite obtenir une analgésie sans déficit
être appliquée pour de petites interventions moteur. Plus rarement enfin, l’adminis-
ou la pose de cathéters veineux (mise en tration intraveineuse (après esmarchisation
et pose de garrot) permet des interventions ANTI-INFLAMMATOIRES NON STÉROÏDIENS
place sous pansement 20 minutes avant (AINS) (TABLEAU VIII)
l’intervention) [57]. de courte durée portant sur les
extrémités [86].
Les effets analgésiques des AINS sont
ANALGÉSIE LOCORÉGIONALE connus depuis longtemps, tant en chirurgie
INJECTION INTRA-ARTICULAIRE
Les blocs locaux ou tronculaires assurent que pour des douleurs chroniques. Ne
une analgésie peropératoire suffisamment L’injection intra-articulaire, en présentant ni les risques de dépression
efficace pour permettre chez le patient à postopératoire immédiat, est un geste simple respiratoire et d’effets cardiovasculaires, ni
risque une diminution parfois considérable (bupivacaïne 0,5 % : de 0,2 à 0,25 mL/kg les problèmes législatifs d’approvision-
des anesthésiques [89]. La lidocaïne et la pour un coude ; de 0,2 à 0,4 mL/kg pour nement des morphiniques, ce sont des
bupivacaïne restent les anesthésiques locaux une épaule [73]). La durée de l’analgésie varie antalgiques de choix en première intention.
les plus couramment utilisés en médecine en fonction des molécules (lidocaïne,
vétérinaire. L’adjonction d’adrénaline à bupivacaïne), des associations thérapeu- MODE D’ACTION
1/200 000 ralentit leur résorption et tiques (solutions adrénalinées, associations à Le mode d’action périphérique des AINS
prolonge l’effet analgésique. Les blocs la morphine), de la dose utilisée et de la est désormais admis : action sur les cyclo-
intercostaux (bupivacaïne 0,5 % : 0,25 à localisation de la chirurgie. Un drain et un oxygénases (COX) et inhibition de la
0,5 mL par site [10]) réalisés par injection garrot laissés en place 10 minutes en fin synthèse des prostaglandines responsables de
d’anesthésique local sur le bord caudal des d’intervention semblent améliorer la qualité la sensibilisation des récepteurs nociceptifs
côtes concernées par la chirurgie de l’analgésie [73]. (par abaissement de leur seuil d’exci-
(thoracotomie, fractures de côtes...) offrent tation) [70]. La plupart des AINS étant des
une qualité d’analgésie identique à celle de la EFFETS SECONDAIRES inhibiteurs compétitifs des COX [59] , il
morphine péridurale [ 7 5 ] . L’injection Les anesthésiques locaux, utilisés semblerait que leur efficacité soit améliorée
interpleurale d’anesthésique local est une correctement, présentent peu d’effets par une administration précoce (analgésie
technique relativement récente de secondaires. L’administration de doses trop préventive ?) [30, 53]. Leur mode d’action n’est
12 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0700
cependant pas uniquement périphérique. ou/puis per os). Il paraît difficile d’établir en particulier le système nerveux. Ils peuvent
Même si les mécanismes d’action restent des protocoles, et il est en particulier également présenter un intérêt dans le
discutés, certains AINS exercent une action dangereux d’extrapoler des doses d’une traitement de certaines maladies chroniques
centrale plus ou moins marquée [42]. Il peut espèce à l’autre [56]. Leur durée d’adminis- à forte composante inflammatoire [50]. Leurs
arriver, par ailleurs, que leurs propriétés tration va dépendre de leur indication nombreux effets secondaires potentiels
analgésiques soient indépendantes de leurs thérapeutique : injection unique après une contre-indiquent leur emploi en analgésie
mécanismes d’action anti-inflammatoire [65]. intervention faiblement douloureuse, relais chirurgicale. Dans tous les cas, leur
Les molécules les plus récentes ont pour oral pour 3 à 5 jours en cas de douleur association aux AINS est à proscrire (risques
cible les COX inflammatoires (COX2) en modérée [22], administration prolongée pour d’effets secondaires accrus).
respectant si possible les COX constitutives certaines pathologies inflammatoires aiguës
(COX1). Cette particularité permet de (méningites, otites, cystites, arthrites, KÉTAMINE
diminuer de façon considérable leurs effets douleurs dentaires) [63] ou chroniques Anesthésique dissociatif, la kétamine est
secondaires, principalement gastro- (certaines tumeurs, arthrose). Les posologies largement utilisée en anesthésie vétérinaire.
intestinaux et rénaux [72]. Ces molécules devraient être réduites chez les sujets âgés ou Elle possède également des propriétés
devraient également permettre une sensibles [ 2 2 ] . En l’absence d’effets analgésiques, antagoniste spécifique des
utilisation plus prolongée dans le cas de secondaires, seules des réévaluations récepteurs NMDA [70]. Ces récepteurs de la
douleurs chroniques comme lors d’arthrose successives des scores de douleur permettent corne dorsale de la moelle épinière sont
[19, 60, 63]. d’apprécier la nécessité d’arrêter ou de impliqués dans les phénomènes de
poursuivre le traitement. Dans tous les cas, il sensibilisation centrale et responsables de
INTÉRÊT DES AINS convient d’adapter dès que possible le l’autoentretien des phénomènes douloureux.
Les AINS sont indiqués chez l’animal traitement en diminuant les doses au La kétamine fait donc actuellement l’objet
pour traiter des douleurs modérées à sévères. meilleur rapport dose-effet [63]. de nombreux travaux. Chez l’homme, de
En périopératoire, ils ont parfois fait preuve faibles doses administrées en perfusion sous-
d’une efficacité supérieure à certains AUTRES THÉRAPEUTIQUES
c u t a n é e o n t m o n t r é u n e effi c a c i t é
morphiniques [3, 51, 69]. Utilisés conjoin- analgésique, après chirurgie abdominale
tement aux morphiniques, ils présentent un GLUCOCORTICOÏDES lourde ou sur des patients traumatisés [50].
effet synergique et permettent de réduire les Les glucocorticoïdes peuvent être utiles Chez l’enfant, l’administration rachidienne
posologies [22, 63] . Ils sont administrés dans les processus douloureux à composante en début de chirurgie (hernie inguinale)
essentiellement par voie générale (injections inflammatoire ou œdémateuse, concernant procure une bonne analgésie per- et
DOULEUR — 0700 13
postopératoire (8 heures) [46]. Chez le chien
et le chat, la kétamine à faibles doses (0,5 à Td Tf
1 mk/kg IM) procure une bonne analgésie
somatique [10]. La kétamine s’est montrée Période de sensibilisation
efficace per os, à la dose de 10 mg/kg, sur des
chiens souffrant de brûlures [41]. Dans des Temps opératoire Temps postopératoire
Évolution de la sensibilisation
protocoles d’analgésie balancée, combinée à en fonction du temps chirurgical
des morphiniques, la kétamine présente un
eff e t d ’ é p a r g n e m o r p h i n i q u e [ 7 3 ] .
L’anesthésie de chattes ovariohystérecto-
Analgésie
misées avec médétomidine-kétamine
procure une meilleure analgésie postopéra- Analgésies précoces mais
Analgésie de durées insuffisantes
toire que l’association acéproma-
zine-thiopenthal-halothane [83].
TRANQUILLISANTS
Les tranquillisants, en particulier les Analgésie chirurgicale correcte
pas de sensibilisation
benzodiazépines (diazépam, midazolam) et Analgésie
les phénothiazines (acépromazine :
0,05 mg/kg IV, SC, IM), sont utilisables 5 Importance de la durée de l’analgésie en fonction des temps opératoires [43, 95]. T : temps opératoire ;
chez les sujets anxieux ou agités [29] , y Td : T début ; Tf : T fin.
compris en période postopératoire [50]. Il
c o n v i e n t c e p e n d a n t d e v é r i fi e r l a peut être une méthode alternative Les modèles expérimentaux sont variés et
compatibilité avec d’éventuels morphi- intéressante pour les douleurs pathologiques permettent de reproduire des douleurs
niques et de diminuer si besoin les aiguës ou chroniques, mais également en inflammatoires ou neuropathiques.
posologies. Chez le chat, l’association de analgésie chirurgicale de patients à risques Plusieurs études ont montré l’efficacité
[26, 44, 68] . Ces techniques nécessitent une
faibles doses d’acépromazine au butor- préventive des morphiniques, des AINS et
phanol, à l’oxymorphone ou à l’association formation spécifique et leur développement des anesthésiques locaux. Cette efficacité est
des deux a montré dans tous les cas une déborde le cadre de cet exposé. Les moins évidente dans les études cliniques.
amélioration de l’effet analgésique [6]. techniques neurochirurgicales (sections Chez l’homme, McQuay a montré que peu
nerveuses, stimulations médullaires, pompes d’études respectent le schéma thérapeutique
TRAITEMENTS NON PHARMACOLOGIQUES implantées) [ 5 ] semblent réservées à souhaité pour montrer un effet préventif [67].
DE LA DOULEUR l’homme. Enfin, les massages et les Chez l’animal, si plusieurs études prétendent
stimulations électriques peuvent également démontrer un effet analgésique préventif, en
L’importance des phénomènes physiolo-
diminuer les réactions douloureuses [10].
giques dans l’exacerbation du processus particulier pour des AINS [3, 30, 53], d’autres
douloureux laisse supposer que le bien-être ne constatent pas de différences entre
physique et psychologique de l’animal est l’administration pré- ou postopératoire de
primordial, notamment durant toute la MÉTHODOLOGIE ANALGÉSIQUE morphiniques. La méthodologie de ces
période périopératoire. La mise en place de études peut souvent être l’objet des mêmes
pansements correctement rembourrés ANALGÉSIE PRÉVENTIVE critiques que celles précédemment évoquées.
limitera les mouvements et les chocs en Il est vraisemblable que plusieurs
chirurgie articulaire. Une technique Wall en 1988 émettait l’idée qu’une définitions ayant été données au même
chirurgicale évitant les délabrements analgésie préopératoire, qui anticiperait concept, toutes ne soient pas satisfaisan-
tissulaires, les tensions ligamentaires et l’apparition des phénomènes physiologiques tes [43]. L’analgésie préventive doit être en
capsulaires excessives et respectant accompagnant la douleur, devrait avoir un mesure de prévenir la mise en place de la
l’hémostase est souhaitable. La plus grande effet supérieur à la même analgésie sensibilisation centrale causée par le
attention doit également être apportée au administrée en fin de chirurgie [93]. Woolf la traumatisme chirurgical lui-même, mais
respect des structures nerveuses, soit en qualifia de pre-emptive analgesia et insista sur
cours de chirurgie (lésions nerveuses également par les phénomènes inflamma-
la nécessaire prévention des phénomènes de toires qui l’accompagnent (fig 5). Suivant la
chirurgicales, sur des trajets nerveux), soit sensibilisation centrale [95]. Cette théorie
indirectement par le biais des implants posés nature de l’acte chirurgical, ces derniers
repose sur des évidences physiologiques.
(exemple : frottements d’une broche peuvent se prolonger (plusieurs heures à
Les stimuli nociceptifs, chirurgicaux ou
fémorale sur le nerf sciatique). L’hospitali- traumatiques, sont à l’origine de quelques jours). D’autre part, compte tenu
sation doit se faire dans des conditions de phénomènes de sensibilisations périphé- de la complexité des mécanismes de la
stress minimal. Plusieurs études montrent riques et centrales (cf supra). La douleur, toutes les méthodes ne peuvent
l’intérêt particulier que portent les sensibilisation périphérique est responsable prétendre à la même capacité d’annuler
auxiliaires de santé vétérinaires, en de l’extension des phénomènes douloureux l’intégralité de la transmission d’influx de la
particulier féminins, aux problèmes de la (hyperalgie primaire et secondaire), de leur périphérie vers la moelle. Le protocole
douleur [ 1 7 , 5 2 ] . Leur implication est autoentretien et de leur transmission au anesthésique doit inclure un ou plusieurs
impérative dans les protocoles de prise en niveau médullaire. La sensibilisation analgésiques efficaces. Cette analgésie de
charge, à l’identique de ce qui est centrale est, quant à elle, responsable de qualité s’impose dans tous les temps de la
couramment pratiqué en milieu douleurs durables, difficiles à traiter. Le chirurgie et est donc pré-, per- et
hospitalier [2]. principe de l’analgésie préventive consiste postopératoire. Elle est poursuivie, sans
L’acupuncture, dont certaines modalités schématiquement à « mouiller le foyer pour à-coups, aussi longtemps que nécessaire, en
d’action ont été évoquées précédemment, que le feu ne prenne pas ». fonction du type de chirurgie.
14 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0700
Tranquillisants
locaux et morphiniques-a2 agonistes
Cortex
Morphiniques permettent une analgésie de qualité avec des
α2 agonistes doses réduites et moins d’effets secondaires.
Analgésie Elles peuvent donc être conseillées pour des
balancée Thalamus
patients à risques [77]. Les mêmes
constatations sont valables chez le chien [36].
Dans tous les cas, les auteurs rapportent
une analgésie de qualité, une sécurité accrue
AINS, AL, Kéta
Réticulée et une efficacité plus durable que celles
AINS, AL bulbaire obtenues avec chaque composant utilisé
Morphiniques AL Morphiniques
α2 agonistes séparément.
Lésion La familiarisation avec les techniques
d’anesthésie locorégionale et l’accès
souhaitable à plus de morphiniques doivent
permettre le développement de ces
Moelle épinière techniques en pratique vétérinaire. Il n’est
pas rare de voir en médecine humaine des
protocoles complexes pour assurer le
6 Principe de l’analgésie balancée. AL : anesthésique local ; AINS : anti-inflammatoires non stéroï- meilleur confort du patient et une
diens. récupération fonctionnelle précoce
(diminution de la morbidité postopéra-
toire [22]) : anesthésiques locaux par voie
locorégionale/morphiniques périduraux ou
Palier 3 systémiques/AINS systémiques.
Douleurs
sévères
Palier 2 NOTION DE PALIERS
Douleurs Afin de permettre une réponse adaptée à
modérées l’intensité de la douleur, l’Organisation
Palier 1
Morphine mondiale de la santé (OMS) a proposé une
Douleurs démarche par paliers croissants [71] (fig 7). Le
faibles Analgésiques passage à un palier supérieur ne se fait qu’en
Palier 1 cas d’échec des thérapeutiques du palier
+ centraux
de synthèse inférieur. Ce passage, sauf contre-
Paracétamol Morphiniques indications, peut se faire également en
AINS faibles associant des drogues de paliers différents. Il
est par exemple possible d’associer des
morphiniques faibles aux AINS, en cas
d’échec thérapeutique de ces derniers. Bien
qu’initialement prévus pour répondre aux
7 Les trois paliers de l’Organisation mondiale de la santé [71]. exigences des traitements en cancérologie,
les paliers de l’OMS permettent d’adopter
ANALGÉSIE BALANCÉE Ces associations peuvent se faire au cours une démarche thérapeutique cohérente face
d’une même administration ou tenir compte à tout type de douleur.
L’analgésie monothérapique s’expose à la des sites d’action des molécules concernées.
possibilité d’effet-plafond de certaines Certains AINS mis en concurrence avec des
drogues (l’augmentation des doses morphiniques ont fait la preuve d’une DOULEUR ET CHIRURGIE
n’améliore pas la qualité de l’analgésie) et efficacité identique, voire supérieure [51, 69].
d’effets secondaires dont les principaux sont Administrés concomitamment aux
brièvement rappelés : morphiniques, ils permettent une réduction CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
conséquente de ces derniers [ 2 2 ] . Ils
– dépression respiratoire des
présentent par ailleurs une durée d’action La douleur chirurgicale présente la
morphiniques ;
beaucoup plus prolongée et pourront particularité d’une gestion potentielle. Cette
– blocs moteurs et hypotension avec les prendre, si besoin, le relais du morphinique. caractéristique avantageuse permet de
anesthésiques locaux ; Il est ainsi courant, en pratique hospitalière, s’interroger sur les éventuelles carences
– risques potentiels pour la fonction de constater une diminution nette de la affichées par les praticiens interrogés lors de
rénale, la muqueuse digestive, la coagulation consommation autocontrôlée par le patient différentes enquêtes [16, 17, 31, 52]. L’absence de
sanguine avec les AINS ; (analgésie autocontrôlée par le patient ou formation sur le sujet, la crainte des effets
– bradycardie et hypotension avec les a2 « pompe à morphine ») chez les opérés qui secondaires de thérapeutiques mal connues,
agonistes. reçoivent également des AINS. les difficultés d’approvisionnement pour
Afin de diminuer ces effets secondaires Des associations thérapeutiques sont certaines substances soumises à législation
tout en améliorant la qualité et la durée de également utilisées pour les injections sont les raisons les plus couramment
l’analgésie, des associations d’analgésiques rachidiennes. Chez l’homme, les avancées [62]. La confusion est parfois encore
« complémentaires » sont effectuées (fig 6). associations morphiniques-anesthésiques faite entre anesthésie et analgésie [73]. Or
DOULEUR — 0700 15
PÉRIODE POSTOPÉRATOIRE
TABLEAU IX. - DOULEURS PRÉVISIBLES EN FONCTION DE
DIFFÉRENTS TYPES D’INTERVENTIONS CHIRURGICALES [34, 62, 86, 92]. Correctement analgésié, en particulier
Douleurs légères avec les morphiniques, le réveil de l’opéré
doit être progressif et calme [34]. Les AINS
Petite chirurgie cutanée : retrait de corps étrangers, retrait de petites masses, points
de suture, abcès injectables sont administrés en fin
d’intervention, s’ils ne l’ont pas été
Procédures dentaires peu invasives (détartrage) préventivement. Il est parfois difficile de
Petite chirurgie ophtalmique distinguer au réveil des manifestations
douloureuses, malgré les thérapeutiques
Douleurs moyennes (à sévères =1)
instaurées, d’un état d’agitation anxieuse.
Stérilisations, laparotomies peu invasives Dans le premier cas, la titration
Extractions dentaires morphinique est indiquée : injections IV de
faibles doses de morphine (0,1 à 0,2 mg/kg)
Chirurgie anorectale (glandes anales) à intervalles réguliers (3 à 5 minutes) jusqu’à
Chirurgie auriculaire (ablation partielle ou totale du conduit) obtention de l’effet désiré. Dans le cas de
Chirurgie urinaire (urétrostomie1, vessie très enflammée) manifestations anxieuses, les tranquillisants
sont administrés (exemple : acépromazine
Chirurgie ophtalmique des annexes 0,01 mg/kg IV [73] ). La poursuite du
Douleurs sévères (à très sévères =2) protocole analgésique en période
postopératoire est impérative. Elle dure de
Chirurgie ophtalmique et orbitaire 2 quelques heures à plusieurs jours en fonction
Chirurgie maxillofaciale de la chirurgie pratiquée. Les réévaluations
Chirurgie orthopédique et articulaire régulières, à l’aide de grilles, permettent
d’adapter le traitement à l’état du patient
Chirurgie rachidienne thoracique ou lombaire (cervicale2) (fig 8).
Amputation (complications neuropathiques2)
Chirurgie anale (fistules et hernies périnéales)
Chirurgie thoracique (sternotomie2) DOULEURS CHRONIQUES
Toute chirurgie longue, invasive, avec complications neuropathiques potentielles 2
On peut considérer qu’une douleur est
chronique si, traitée ou non, elle dure au-
delà du délai normalement prévisible, après
certaines molécules, couramment utilisées du futur opéré sont appréciés au cours des l’arrêt du phénomène générateur. Il s’agit en
pour leur sécurité anesthésique (propofol, premières heures d’hospitalisation. Une général de plusieurs mois [66]. Elle peut
isoflurane par exemple), n’ont aucune tranquillisation préopératoire est impérative également faire partie du tableau clinique
propriété analgésique et ne peuvent éviter, pour les patients trop agités ou anxieux d’une maladie elle-même chronique
même si le patient dort convenablement, la (influence de l’anxiété sur la douleur). Le (exemple : l’arthrose). L’amélioration de la
mise en place des phénomènes de protocole analgésique doit être adapté à la qualité des soins prodigués aux animaux de
sensibilisation. La prise en charge de la sévérité de la chirurgie envisagée et mis en compagnie, l’augmentation de leur
douleur chirurgicale doit se faire dans le place préventivement. Il est impératif de longévité, sont des facteurs d’émergence des
respect d’un certain nombre de concepts tenir compte des délais de mise en place de douleurs chroniques [60] . Leur prise en
précédemment évoqués : l’effet analgésique et de la durée de celui-ci charge présente un double défi :
– celui de l’évaluation, pour des
– une analgésie adaptée à l’intensité de la (variables suivant les protocoles et les douleurs dont la symptomatologie s’est
(des) douleur(s) prévisible(s) (tableau IX) ; drogues) (fig 4). Ces données sont souvent estompée au fil du temps par
– une analgésie mise en place avant la fondamentales, notamment pour permettre habituation de l’animal à son état ;
chirurgie, poursuivie pendant et après des administrations régulières et éviter les – celui de l’efficacité des traitements, soit
celle-ci ; à-coups thérapeutiques toujours préjudi- parce que les thérapeutiques habituelles sont
ciables à la qualité de l’analgésie. Même si le inefficaces, soit parce que leur utilisation
– une analgésie balancée, optimisée et prolongée s’accompagne d’effets secondaires
débat n’est pas clos sur l’intérêt d’une
sécurisée par l’emploi de méthodes problématiques.
administration préventive des AINS,
synergiques ;
certains auteurs pensent que leur utilisation,
– une analgésie ajustée par des rééva- y compris préventive, devrait devenir
luations successives, si possible à l’aide systématique sur les patients ne présentant
d’échelles (cf supra). DOULEUR NEUROPATHIQUE
pas de risques connus [73]. À leurs capacités
analgésiques propres s’ajoute un effet ÉTIOLOGIE
synergique avec les morphiniques. Dans le On parle de douleur neuropathique
cas de douleurs potentiellement sévères, le lorsque les structures nerveuses sont
TEMPS CHIRURGICAL principe d’une analgésie balancée est à directement impliquées, au niveau
considérer. Il permet d’associer notamment périphérique ou central. Ces douleurs ne
L’examen préopératoire doit prendre en les techniques d’analgésie locorégionales dépendent pas directement des messages
compte l’historique du patient (antécédents (infiltrations, blocs tronculaires, analgésie nociceptifs précédemment décrits mais d’un
pathologiques, allergies médicamenteuses rachidienne) et d’améliorer le confort et la dérèglement consécutif à une réduction des
connues). Le caractère et le comportement sécurité du patient. influx (désafférentation). Ces dérèglements
16 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0700
place. Certaines techniques diagnostiques
peuvent être pénibles (ponctions
Douleur chirurgicale prévisible médullaires, biopsies osseuses). Les douleurs
postradiothérapiques sont bien connues
Faible Modérée Sévère chez l’homme : myélopathies postradiques,
ostéoradionécroses, plexites. Des lésions
inflammatoires, immédiates ou retardées,
sont possibles chez l’animal (dermites,
Analgésie peropératoire Analgésie préventive
ostéites, mucites) [33]. La chimiothérapie
+ + peut entraîner un inconfort immédiat
(nausées, vomissements), des nécroses
Analgésie postopératoire Analgésie postopératoire cutanées en cas d’administration
périveineuse. La chirurgie enfin fait souvent
partie de l’arsenal thérapeutique et sa gestion
Suivi postopératoire
doit respecter les principes précédemment
évoqués.
Douleur TRAITEMENT
Le traitement est d’abord celui du cancer
(chirurgie/chimiothérapie/radiothérapie).
Pas de douleur
Les thérapeutiques palliatives (radiothérapie
et/ou chimiothérapie) peuvent être efficaces
quelque temps [33, 78] . Ces traitements
8 Prise en charge des douleurs chirurgicales.
peuvent n’apporter qu’un soulagement
entraînent rapidement une hyperexcitabilité controversés, semblent être efficaces à partiel de la douleur et des thérapeutiques
des relais spinaux et supraspinaux et la condition d’être administrés à des doses spécifiquement antalgiques s’imposent quasi
chronicité du phénomène est quasiment la supérieures aux doses habituelles. Il a été systématiquement. Les protocoles devraient
règle. Les sensations douloureuses enfin démontré que la prévention des s’inspirer du principe des paliers de l’OMS.
classiquement décrites chez l’homme sont douleurs d’amputation passait par Le paracétamol et les AINS constituent
des décharges (brûlures ou décharges l’utilisation d’anesthésiques locaux et de l’essentiel des thérapeutiques du palier 1. Au
électriques) d’apparition spontanée [5]. Des morphiniques (infiltration, blocs, anesthésie palier 2, la codéine et le dextropropoxy-
douleurs provoquées sont également citées. rachidienne) pré-, per- et post- phène sont sous-employés (sans doute à
Elles sont particulièrement invalidantes car opératoires [39]. tort) en pratique vétérinaire. Ces molécules
elles peuvent être déclenchées par un contact peuvent être associées aux médicaments du
aussi léger que celui d’un vêtement p a l i e r 1 ( e x e m p l e , D i - A n t a l v i ct :
(allodynie). Chez l’animal, les douleurs paracétamol et dextropropoxyphène). Le
DOULEUR ET CANCER tramadol, présente l’intérêt d’une double
neuropathiques sont peu référencées. Les
douleurs radiculaires chroniques action : morphinique et monoaminergique.
Si la gestion de l’analgésie périopératoire
(cervicalgie, syndrome de la queue-de- L’auteur l’utilise à la dose de 50 mg/10 kg,
est relativement bien documentée, peu de
cheval) pourraient en faire partie ; de même, trois fois par jour. De rares cas de
publications concernent la douleur en
l’implication directe ou indirecte des somnolence ou de vomissements rétrocèdent
cancérologie vétérinaire. Chez l’homme, la
structures nerveuses dans certains cancers. rapidement à l’arrêt du traitement. Dans le
douleur est un signe cardinal pour une
Enfin, les amputations peuvent se cas de douleurs sévères (palier 3), la
majorité des patients cancéreux et sa prise en
compliquer du classique « syndrome du morphine ou les patchs de fentanyl sont
charge fait partie intégrante des protocoles
membre fantôme », douleur neuropathique utilisés. Les douleurs neurogènes sont prises
thérapeutiques.
typique, au cours de laquelle le patient en compte comme évoqué précédemment.
ressent des douleurs fulgurantes dans le ÉTIOLOGIE Les glucocorticoïdes peuvent être utilisés en
membre qu’il ne possède plus. Cette douleur cas d’inflammation sévère ou dans les
La douleur cancéreuse est essentiellement
est à différencier de la douleur du moignon, processus entraînant une compression
due à un excès de nociception. Les
neuropathique également, résultant de cérébrale ou médullaire [58]. Les thérapeu-
nocicepteurs sont stimulés chimiquement
l’apparition de névromes cicatriciels sur les tiques non pharmacologiques complètent
(inflammation) ou mécaniquement
terminaisons nerveuses sectionnées [33]. avantageusement l’arsenal thérapeutique.
(distension, compression) par le processus
tumoral. Les envahissements ou les
TRAITEMENT compressions de structures nerveuses sont
Ne procédant pas des mêmes responsables de douleurs neuropathiques. La
mécanismes que les douleurs par excès de douleur du patient cancéreux peut être DOULEUR ET ARTHROSE
nociception, les douleurs neurogènes ne sont consécutive à l’envahissement tumoral
pas sensibles aux mêmes traitements. Elles (75 % chez l’homme). Les localisations ÉTIOLOGIE
peuvent être améliorées par les antidépres- osseuses ou nerveuses sont classiquement Maladie dégénérative, l’arthrose affecte
seurs tricycliques (amitryptyline : 1 à citées comme étant particulièrement l’ensemble des structures articulaires et se
2 mg/kg/j chez le chien) [50] ou, pour les algogènes. Le sont également les cancers manifeste par une destruction cartilagineuse,
composantes plus fulgurantes, par les viscéraux (carcinoses péritonéales, cancer du un remodelage de l’os sous-chondral, une
antiépileptiques (gabapentine : 5 mg/kg/8 h pancréas) [5]. inflammation de la membrane synoviale et
chez le chien ; 2,5 à 5 mg/kg/12 h chez le Dans 25 % des cas (souvent occultés), la le développement d’ostéophytes périarticu-
chat [50] ). Les morphiniques, longtemps douleur est en fait liée au traitement mis en laires [64]. Pour l’essentiel, la douleur est
DOULEUR — 0700 17
attribuée à l’inflammation de la synoviale les AINS présentant une grande affinité pour intra-articulaire aurait les mêmes avantages.
(action sur les chémorécepteurs). Il est les COX 2 (carprofène, nimésulide, Ces effets bénéfiques ne devraient pas faire
cependant vraisemblable que la distension méloxicam) pourraient offrir une plus oublier les effets d’inhibition de la synthèse
des tissus périarticulaires doit avoir une grande sécurité et devraient permettre des cartilagineuse et de fissuration du cartilage
action sur les mécanorécepteurs traitements à long terme [19, 63]. Aucune sain [19] . Les glucocorticoïdes peuvent
(notamment en mouvement). Dans le cas étude ne permet actuellement de définir la également être utiles dans le cas
d’arthrose intervertébrale, une composante durée des traitements. Selon l’auteur, il d’inflammation neurologique associée
neurogène peut intervenir par compression convient de dresser le profil thérapeutique (arthrose lombosacrée avancée). Leur usage
directe des structures nerveuses. du patient, en impliquant le propriétaire de prolongé doit être évité [66]. Leur association
l’animal. Des cures prolongées sont aux AINS est par ailleurs déconseillée.
TRAITEMENT administrées jusqu’à l’obtention du meilleur
Compte tenu de la prépondérance des soulagement de l’animal (intérêt des grilles Les traitements adjuvants de l’arthrose
f a c t e u r s i n fl a m m a t o i r e s , l e s A I N S d’évaluation). La dose minimale efficace doit font appel aux substances chondroprotec-
demeurent les thérapeutiques de référence être recherchée [63]. trices et aux mesures hygiéniques [66] : perte
dans les traitements de l’arthrose [40]. Ces L’usage des glucocorticoïdes est de poids, exercice régulier, non violent. Si
traitements devant par nature se prolonger, controversé. De faibles doses de predni- elles n’ont pas d’action directe sur la
la plus grande attention doit être apportée solone (0,25 mg/kg/j) peuvent ralentir les douleur, ces mesures participent au confort
aux effets secondaires potentiels. En ce sens, signes dégénératifs. [66]. La triamcinolone du patient arthrosique.
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Complications de l’anesthésie du chien
et du chat
S. JUNOT :
([email protected])
Unité de chirurgie-anesthésiologie, École nationale vétérinaire de Lyon, 1, avenue Bourgelat, 69280, Marcy l’Étoile, France.
K. BENREDOUANE :
Unité de chirurgie-anesthésiologie, École nationale vétérinaire de Lyon, 1, avenue Bourgelat, 69280, Marcy l’Étoile, France.
L
’anesthésie est un acte couramment réalisé en pratique vétérinaire. Malgré l’amélioration
des marges thérapeutiques des agents anesthésiques à disposition, cet acte reste à risque
de complications dont la survenue est principalement liée à une dépression des fonctions
cardiovasculaire et respiratoire mais aussi à une altération des capacités de thermorégulation. La
plupart de ces complications sont sous-diagnostiquées par insuffisance de surveillance de
l’anesthésie ; elles peuvent alors être la cause d’une mortalité anesthésique inexpliquée.
Néanmoins, ces complications connaissent le plus souvent une issue favorable à la condition que
le vétérinaire les détecte rapidement et mette en jeu une thérapeutique adaptée. Cet article
détaille les complications fréquemment rencontrées en anesthésie vétérinaire, pour chacune
d’entre elles, les modalités de survenue et de détection sont abordées ainsi que les moyens de
prévention et de traitement.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
. INTRODUCTION ont rapporté une incidence de complications de connaître les complications associées à
Toute anesthésie est susceptible de 2,1 % chez le chien et 1,3 % chez le chat l’anesthésie, leur symptomatologie et
d’engendrer une altération des capacités avec un taux de mortalité de 0,1 % pour ces traitement pour une prise en charge optimale
vitales de l’animal avec un certain nombre deux espèces. Lors de ces deux études, les de l’animal anesthésié. Ces différentes com-
de complications associées. L’incidence de complications les plus fréquemment plications sont détaillées par la suite avec une
ces complications est difficile à quantifier rapportées étaient l’hypotension, les large part pour les complications respira-
puisqu’elle dépend du niveau de pratique arythmies, l’hypercapnie et l’hypoxémie avec toires et cardiovasculaires qui sont les plus
mais aussi de la condition clinique de une majorité d’anesthésie pour des chirurgies fréquentes.
l’animal. Gaynor et al., [1] lors d’une étude de convenance. Ces complications peuvent
rétrospective en pratique universitaire être supportées par l’animal si elles ne sont
COMPLICATIONS RESPIRATOIRES
(Université du Colorado), ont montré que pas sévères ou prolongées mais il est difficile
l’incidence des complications était de 12 % d’évaluer leur sévérité si des modalités de Les complications respiratoires sont
chez le chien et 10,5 % chez le chat avec une surveillance adaptées ne sont pas en œuvre. nombreuses et d’origine variée : liées aux
mortalité associée de 0,4 % dans les deux Par ailleurs, ces situations peuvent être effets des agents anesthésiques, au position-
espèces. Dans une étude similaire s’inté- traitées d’autant plus efficacement qu’elles nement de l’animal, à la mise en œuvre de
ressant à la pratique privée, Dyson et al. [2] sont repérées rapidement, d’où l’importance l’anesthésie et potentiellement à la condition
2 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0900 —
SaO2 (%)
100
90
2%
80
70 pH
Température
60
PCO2
50 2-3 DPG
98 % 40
30
PaO2 SaO2
20
10
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
PO2 (mmHg)
Figure 1 Oxygène contenu dans le sang. PaO2 : pression artérielle partielle en oxygène ; SaO2 : saturation du sang artériel en oxygène ; PCO2 : pression
artérielle partielle en gaz carbonique ; 2-3 DPG : 2-3 diphosphoglycérate.
physique de l’animal. Elles peuvent avoir des • ventilation mécanique à l’aide d’un oxygène (hypoxémie). L’hypoventilation est
conséquences non négligeables sur la respirateur. liée à une respiration trop légère (hypopnée),
morbidité et la mortalité per- et postopéra- Dans tous les cas, la fréquence respira- trop lente (bradypnée) ou une diminution
toires puisqu’elles altèrent la prise d’oxygène toire ne doit alors pas être trop élevée (5- de la capacité pulmonaire. Elle peut avoir
essentielle à la vie cellulaire et limitent 10 resp/min maximum) afin de ne pas plusieurs origines lors d’une anesthésie :
l’excrétion de CO2. baisser la valeur de pression artérielle en CO2 • pharmacologique avec l’administration
(PaCO2) (le CO2 étant un stimulant pour d’anesthésiques qui dépriment les centres
les centres respiratoires) et la pression respiratoires ;
d’insufflation ne doit pas dépasser 20 cm • iatrogène selon le positionnement de
APNÉE d’eau afin de ne pas léser les alvéoles. l’animal.
Outre la ventilation artificielle, il faut
L’apnée est une complication fré- contrôler la profondeur de l’animal et si
quemment rencontrée. Les causes les plus possible diminuer l’administration d’anes-
fréquentes d’apnée sont une obstruction des thésique si l’animal est dans un stade HYPOXÉMIE
voies aériennes, une résistance accrue dans le anesthésique trop profond. Divers réflexes
système respiratoire de la machine d’anes- peuvent permettre un retour à une venti- L’hypoxémie correspond à une
thésie, une dépression des centres lation spontanée : la compression diminution de la quantité d’oxygène
respiratoires suite à un surdosage anesthé- thoracique, la traction de la langue, la piqûre contenue dans le sang ; elle est à différencier
sique. Elle peut survenir avec des agents du septum nasal, le début du geste chirur- de l’hypoxie qui est une diminution de la
comme le thiopental ou le propofol, particu- gical ; néanmoins, tous ces réflexes ont une quantité d’oxygène tissulaire. L’oxygène dans
lièrement s’ils ont été administrés en bolus efficacité variable et inconstante. La place des le sang est majoritairement fixé à l’hémo-
rapides, mais elle peut aussi être liée à une agents analeptiques respiratoires comme le globine (mesuré par la saturation de
diminution de la stimulation des centres doxapram est sujette à débat : le doxapram l’hémoglobine SaO2) mais est aussi présent
respiratoires suite à une baisse de la pression augmente le volume courant et la fréquence sous forme dissoute (mesuré par la pression
artérielle en CO2 (comme par exemple à la respiratoire en stimulant d’une part les artérielle en oxygène PaO2) (Fig. 1). Clini-
suite d’une ventilation artificielle). L’utili- centres respiratoires bulbaires [4] et d’autre quement, on parle d’hypoxémie quand la
sation d’agents bloquants neuromusculaires part les chémorécepteurs carotidiens [5] . SaO2 devient inférieure à 90 % et la PaO2
(« curares ») entraîne également une apnée Néanmoins, il peut aboutir en cas de inférieure à 60 mmHg. La détection de
ainsi que certaines techniques d’anesthésie surdosage à des convulsions mais surtout l’hypoxémie se fait à l’aide de l’oxymètre de
locorégionales comme les anesthésies diminuer la profondeur de l’anesthésie et pouls ; en effet, le changement de couleur
épidurales hautes [3]. provoquer un réveil prématuré de des muqueuses n’est détecté que tardivement
La conduite à tenir consiste à s’assurer de l’animal [6] ; il est préférable de ne pas par l’œil humain, le plus souvent lorsque les
la perméabilité des voies aériennes et à l’utiliser en première intention lors d’apnée. muqueuses sont cyanosées. La cyanose
contrôler la fonction cardiaque. Il faut commence à partir d’une valeur de SaO2
ensuite intuber l’animal si celui-ci ne l’était inférieure à 85 % et une PaO2 comprise
pas afin de mettre en place une ventilation entre 45 et 50 mmHg. Ces changements
artificielle. La ventilation artificielle est en HYPOVENTILATION sont associés à des altérations fonctionnelles
effet essentielle pour maintenir des échanges des organes suite à l’hypoxie engendrée.
gazeux adéquats, il existe diverses modalités L’hypoventilation correspond à une ven- L’hypoxémie peut survenir en cours
pour la réaliser : tilation insuffisante par rapport aux besoins d’anesthésie suite à plusieurs facteurs :
• ventilation manuelle à l’aide du ballon du de l’organisme : elle est associée à une aug- • une baisse de la fraction inspirée en O2,
système respiratoire de l’appareil d’anes- mentation de la pression artérielle en CO2 éventuellement suite à une défaillance du
thésie ou à l’aide d’un ballon de (hypercapnie) et peut aboutir, si elle se matériel si l’animal est relié à une machine
réanimation ; poursuit, à une insuffisance d’apport en d’anesthésie ;
COMPLICATIONS DE L’ANESTHÉSIE DU CHIEN ET DU CHAT — 0900 3
Anticipée Inattendue
Hypotension
Sévère (PAm < 60 mmHg) Modérée (60 mmHg < PAm < 80 mmHg
Cause
Traitement de la cause
Hémorragie
Faible ou compensée
Cristalloïdes isotoniques 20-30 ml/kg rapides
Importante
Massive
profondeur de l’anesthésie et la qualité de EXTRASYSTOLES SUPRAVENTRICULAIRES (ESS) Si les ESV persistent, une perfusion peut être
l’analgésie [29]. Par la suite, il convient de ET FIBRILLATION ATRIALES entreprise au rythme de 30-80 µg/kg/min
définir l’étiologie de cette hypertension afin La survenue de ces troubles en cours (chien), 20-40 µg/kg/min (chat).
de mettre en place le traitement adéquat. d’anesthésie s’avère relativement rare ; ils
Néanmoins, le vétérinaire se trouve souvent sont le plus souvent déjà présents sur BLOCS ATRIOVENTRICULAIRES
démuni pour traiter une hypertension pera- l’animal vigile. En cas d’ESS occasionnelle, Ces troubles de la conduction peuvent
nesthésique car les médicaments efficaces il n’est pas nécessaire d’envisager un avoir diverses origines : une atteinte du
comme les vasodilatateurs ou bêtabloquants traitement, simplement supplémenter l’air myocarde, un phénomène douloureux, une
sont difficiles d’accès à ce jour pour le inspiré en oxygène. Si les ESS deviennent hyperkaliémie, une hypoxémie, l’utilisation
praticien. Parmi l’arsenal thérapeutique, les plus fréquentes et entraînent une diminution d’a2-agonistes. Aucun traitement n’est
vasodilatateurs (sodium nitroprusside 2,5- du débit cardiaque, le traitement de choix nécessaire en l’absence de répercussion
5 mg/kg/min pour le chien, 0,5- repose sur l’administration de bêtabloquants hémodynamique. En cas d’hypotension
2 mg/kg/min pour le chat) et les (esmolol de préférence du fait de sa courte associée, l’atropine (0,02-0,04 mg/kg par
bêtabloquants ultracourte durée durée d’action, propranolol sinon). voie intraveineuse) peut être utilisée tout en
d’action (esmolol 500 mg/kg puis s’assurant que l’animal est correctement
50 mg/kg/min) sont les plus intéressants. EXTRASYSTOLES VENTRICULAIRES (ESV) oxygéné avec une analgésie satisfaisante.
La survenue d’ESV per- et postanesthé-
siques est assez fréquente [32]. La conduite à
tenir dépend de la fréquence de ces
ARYTHMIES ARRÊT CARDIAQUE
arythmies : si les ESV sont rares, il n’est pas
besoin de les traiter mais il faut s’assurer de
Les arythmies en cours d’anesthésie la profondeur de l’anesthésie ainsi que de la DÉFINITION
peuvent avoir plusieurs origines : une couverture analgésique, administrer de L’arrêt cardiaque peut être défini comme
affection cardiaque préexistante, certains l’oxygène et ventiler l’animal afin de limiter une défaillance cardiocirculatoire aiguë ; elle
agents prémédicants (a2-agonistes par l’augmentation de la PaCO 2 . Plusieurs se matérialise par une éjection systolique
exemple) ou anesthésiques (thiopental, conditions peuvent amener à mettre en place défaillante, voire absente, et a pour origine
halothane par exemple), une stimulation un traitement : si la fréquence des ESV trois processus : l’asystolie, la fibrillation
chirurgicale, un désordre hydroélectrolytique dépasse 15/min, si elles sont multifocales ou ventriculaire, la dissociation électroméca-
ou acidobasique, une torsion d’organe ou un chevauchent l’onde T précédente. Le nique.
polytraumatisme [30]. traitement repose sur l’administration d’un
antiarythmique de classe IB (lidocaïne) [33].
Quelle que soit l’arythmie diagnostiquée, ÉTIOLOGIE
La lidocaïne est administrée par voie intra-
il est fondamental d’évaluer ses répercussions veineuse par bolus dans un premier temps L’arrêt cardiaque peut avoir de multiples
hémodynamiques ; en effet, seules les (1-2 mg/kg chez le chien, 0,5-1 mg/kg chez origines [34] : arythmies cardiaques, affections
arythmies engendrant une diminution du le chat) réitéré à la demande sans dépasser respiratoires, choc, polytraumatismes, septi-
débit cardiaque doivent être traitées [31]. 8 mg/kg chez le chien, 6 mg/kg chez le chat. cémies, endotoxémies, crises convulsives,
8 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0900 —
électrocution, surdosages anesthésiques, s’assurer que cette dernière n’est pas La vasopressine, dérivée de l’hormone
déséquilibres acidobasiques ou hydroélectro- obstruée. La ventilation artificielle peut être antidiurétique, est une molécule récemment
lytiques, stimulations vagales, hypoxémie/ réalisée à l’aide d’un ballon de réanimation étudiée en réanimation pour ses propriétés
hypercapnie. ou du ballon de l’appareil d’anesthésie. Elle vasoconstrictrices puissantes. La vasopressine
doit être immédiatement instaurée à une comparée à l’adrénaline améliore le débit
fréquence de 10 à 20 mouvements/min, la cardiaque [40]. La dose préconisée est 1 à
DIAGNOSTIC DE L’ARRÊT CARDIAQUE pression inspiratoire doit être modérée 2 UI/kg par voie intratrachéale chez le chien
Il est établi par l’absence de pouls associée (< 20 mm d’eau) pour ne pas occasionner de et 0,4 à 0,8 UI/kg par voie intraveineuse chez
à des altérations électrocardiographiques : lésions des alvéoles et ne pas limiter le retour le chien et le chat [41]. Néanmoins, à ce jour,
asystolie, fibrillation ventriculaire, disso- veineux. son accès reste difficile pour le praticien
ciation électromécanique. Pour optimiser les Le but du massage cardiaque est de vétérinaire en France.
chances de succès de la réanimation, la suppléer la pompe cardiaque défaillante afin L’atropine, un anticholinergique, n’est
détection de l’arrêt cardiaque doit être la plus de maintenir une perfusion adéquate du intéressante qu’après reprise d’une activité
rapide possible, d’où l’intérêt d’un cerveau et du myocarde. Le massage cardiaque spontanée, en cas de bradycardie
monitorage adéquat de l’anesthésie. En cardiaque peut dans un premier temps être marquée. Elle est administrée sous forme de
pratique clinique, outre la mesure de la réalisé en externe (thorax fermé) sauf en cas bolus 0,001 mg/kg, jusqu’à une dose totale
pression artérielle et la surveillance de l’élec- de chirurgie à thorax ouvert. Un rythme de de 0,05 mg/kg.
trocardiogramme (ECG), l’appréciation de 100 compressions/min doit être maintenu. Si le tracé de l’ECG est normal et que le
données simples comme la palpation du Les respirations doivent s’interposer entre les pouls est faible à absent, on peut mettre en
pouls, l’appréciation du temps de rem- compressions (une inspiration toutes les dix place une perfusion de dopamine 2 à
plissage capillaire (2 s ou plus), la coloration compressions par exemple). Un assistant 10 µg/kg/min ou dobutamine 1 à
des muqueuses (pâles ou cyanosées), contrôle la présence d’un pouls après chaque 5 µg/kg/min tout en continuant le massage
l’absence de ventilation spontanée, la compression et la présence d’un tracé capno- cardiaque.
mydriase et la sécheresse de la cornée consti- graphique après chaque ventilation : La lidocaïne n’est pas utilisée en première
tuent les principaux signes d’appel [35]. À ceci l’absence de pouls et un ETCO2 < 5 mmHg intention, on ne l’utilise qu’après retour du
peut s’ajouter le suivi électrocardiographique signent l’inefficacité du massage. Dans ce cas, cœur à une activité spontanée et en cas
ainsi que le suivi de la capnométrie. En effet, un massage cardiaque interne (thorax ouvert) d’extrasystoles récidivantes. Les bicarbonates
le CO2 expiré reflète le débit de perfusion doit être instauré ; la décision doit être prise et le calcium ne sont pas non plus utilisés en
pulmonaire et donc du débit cardiaque (la dans les cinq minutes qui suivent un massage première intention [42].
valeur de l’ETCO2 aura donc tendance à cardiaque inefficace. L’avantage de cette
En présence d’une fibrillation, la défi-
baisser drastiquement lors d’arrêt cardia- technique, outre un massage direct, est que
brillation électrique (cardioversion) doit être
que) [36]. l’aorte peut être clampée pour permettre une
envisagée avant même les manœuvres de
distribution du sang au niveau cérébral et
base [43] . L’animal doit être placé en
pulmonaire ; le cœur pendant le massage
TRAITEMENT DE L’ARRÊT CARDIAQUE décubitus dorsal ; du côté gauche, l’électrode
doit être laissé dans sa position normale pour
est placée au niveau du sixième espace inter-
Le traitement de l’arrêt cardiaque peut éviter les tractions sur les gros vaisseaux de la
costal près du sternum et du côté droit, au
être divisé en deux parties : les manœuvres base.
niveau du quatrième espace intercostal. Les
de base pour soutenir les fonctions vitales et Manœuvres avancées de soutien des fonctions électrodes doivent êtres humidifiées avec du
les manœuvres de soutien avancées. vitales gel (jamais d’alcool), personne ne doit être
Les manœuvres de base pour soutenir les en contact avec l’animal, ni la table pendant
fonctions vitales consistent à intuber La fluidothérapie doit être mise en place
l’application de la charge. Pour les animaux
l’animal, effectuer une ventilation artificielle à un rythme modéré (10-20 ml/kg/h)
de petite taille (chien de petite taille et chat),
et un massage cardiaque [37]. Les manœuvres excepté si l’arrêt cardiaque est la conséquence
la charge à utiliser est de 50 J (watt/s), pour
avancées de réanimation consistent à rétablir d’une hypovolémie. Les solutés cristalloïdes
les animaux de taille moyenne 100 à 200 J,
la volémie si besoin, administrer des médica- sont le plus souvent utilisés [39].
et pour les animaux de grande taille 200 à
tions, effectuer une cardioversion en cas de L’adrénaline reste la molécule de choix
400 J. La défibrillation peut être réalisée en
fibrillation ventriculaire et surveiller la même si son utilisation est de plus en plus
interne directement sur le cœur, si le thorax
survenue de dysfonctionnements organiques controversée en médecine humaine : elle
est préalablement ouvert : la puissance
post réanimation [38]. Le moyen mnémo- améliore la pression de perfusion corona-
utilisée est alors de 10 J pour les animaux de
technique A (airway), B (breathing), C rienne et le débit sanguin cérébral grâce à
petite taille et 50 J pour les animaux de
(circulation) D (drugs), E (ECG), F son effet alpha sympathomimétique. Il est
grande taille (Fig. 6).
(fibrillation control), G (gauging patient préférable de commencer par une faible dose
response), H (hopeful measures for the brain), I de 10 µg/kg (moins arythmogène) ; des doses
(intensive care) permet de retenir ces étapes. plus fortes sont utilisées (50 à 100 µg/kg) si ARRÊT DE LA RÉANIMATION
le cœur ne reprend pas d’activité autonome.
La voie intraveineuse constitue la voie Le pronostic dépend de la rapidité avec
Manœuvres basiques de soutien des fonctions
vitales
préférentielle. La voie endotrachéale peut laquelle la circulation spontanée a été rétablie
être utilisée en secours lorsqu’une voie et de la cause sous-jacente. La mydriase
Les manœuvres de base sont essentielles à veineuse ne peut pas être obtenue bilatérale n’est pas obligatoirement le témoin
la réussite d’une réanimation cardiopulmo- rapidement, la dose d’adrénaline doit alors d’une souffrance cérébrale irréversible. Toute
naire et cérébrale : l’intubation être deux fois supérieure à celle utilisée par manœuvre inefficace (absence de pouls,
endotrachéale permet de prendre le contrôle voie intraveineuse, diluée dans 5 à 10 ml de ETCO2 bas) durant 5 minutes doit conduire
des voies aériennes et autorise ainsi une solution de chlorure de sodium à 9 pour à changer le mode de réanimation (interne
ventilation artificielle avec une concentration mille. L’injection est réalisée si possible au versus externe) ou arrêter la réanimation ; en
élevée en oxygène inspiré. Si la sonde moyen d’une tubulure descendue dans la effet, le risque de séquelles neurologiques
trachéale est déjà en place, il est impératif de sonde d’intubation jusqu’à la carène. irréversibles est alors très important.
COMPLICATIONS DE L’ANESTHÉSIE DU CHIEN ET DU CHAT — 0900 9
Suspicion
d'arrêt cardiaque
Évaluation de l'animal
Battements cardiaques
Pouls
TRC
Réflexe pupillaire
Ventilation
Contrôle ECG
Contrôle ECG
Dissociation électromécanique :
adrénaline +/- dobutamine
Figure 6 Conduite à tenir lors d’un arrêt cardiaque. TRC : temps de remplissage capillaire ; ECG : électrocardiogramme.
SUIVI DE LA RÉANIMATION lors des procédures d’anesthésie (atropine, Il a en effet été montré que la plus grande
morphine, barbituriques), [46] par certains chute de température survient entre la phase
Une fois une activité cardiaque spontanée
antibiotiques (pénicilline, céphalosporines), d’induction et le début de la chirurgie ; cette
et efficace retrouvée, il est important de
ainsi que par les produits de contraste utilisés chute se poursuit ensuite en l’absence de
continuer une surveillance rapprochée de
pour les angiographies, mais aussi par les moyens de prévention. La thermorégulation
l’animal afin d’évaluer les conséquences
produits utilisés lors de fluidothérapie n’est pas supprimée, mais la mise en marche
organiques de l’ischémie subie. Plus cette
(dextran) et lors des transfusions. des mécanismes correcteurs est plus
dernière a été longue, plus des soins intensifs
tardive [47].
importants sont nécessaires [44, 45].
TRAITEMENT
CONSÉQUENCES DE L’HYPOTHERMIE
En cas d’arrêt cardiorespiratoire, il faut
AUTRES COMPLICATIONS entamer les procédures de réanimation. L’hypothermie induit des modifications
L’administration d’antihistaminique est pharmacocinétiques comme une augmen-
RÉACTION ANAPHYLACTIQUE fortement conseillée (diphénydramine tation de la puissance des agents halogénés
2,2 mg/kg par voie intraveineuse) ainsi que (baisse de la minimal alveolar concentration
DÉFINITION le traitement de l’hypotension, par perfusion [MAC]), [48] une augmentation de la durée
rapide de fluides (lactates de Ringer, sérum d’action des agents anesthésiques. Elle induit
La réaction anaphylactique correspond à physiologique), associé à des inotropes une dépression cardiovasculaire et une baisse
une défaillance circulatoire suite à une positifs (dopamine 2-10 µg/kg/min ou de la fonction plaquettaire (augmentation du
réaction allergique ; elle survient dans l’heure dobutamine 1-10 µg/kg/min). En cas de temps de saignement).
après exposition à la substance allergénique. bronchospasme, il est possible d’administrer En phase postanesthésique, l’hypo-
de l’aminophylline (6 à 10 mg/kg). Si une thermie entraîne des frissons et une
MANIFESTATIONS CLINIQUES hypotension sévère est constatée, des augmentation des besoins en oxygène de
manœuvres de réanimation cardiopulmo- l’organisme. Elle occasionne également un
Les signes cliniques sont des manifesta- naire doivent être entreprises avec retard au réveil. Enfin, elle est associée à une
tions et conséquences variées : arrêt administration d’adrénaline. augmentation des complications septiques
cardiaque, hypotension, tachycardie, postopératoires [49].
arythmies, respiration difficile, broncho-
spasme, œdème laryngé, cyanose, rigidité ou
PRÉVENTION DE L’HYPOTHERMIE
flaccidité musculaire, crises d’urticaire HYPOTHERMIE
localisées, hyperhémie cutanée. Il est important de prendre des mesures
préventives face à l’hypothermie peranesthé-
ÉTIOLOGIE
sique, parmi lesquelles : diminution du
CAUSES
L’hypothermie est une complication temps de préparation et de réalisation de la
Les réactions anaphylactiques peuvent fréquente de l’anesthésie, elle intervient très chirurgie, mise en place d’un système de
êtres provoquées par les substances utilisées rapidement après l’induction de l’anesthésie. réchauffement dès l’induction de l’anesthésie
10 ANESTHÉSIE-RÉANIMATION 0900 —
(matelas chauffants, soufflerie d’air chaud). humaine, n’a été que peu rapporté chez le 5 mg/kg) qui a montré son efficacité en
La température ne doit pas excéder les 40 °C chien et le chat [50-53] . L’hyperthermie médecine humaine a montré des résultats
au risque de provoquer des brûlures survient au cours ou au décours immédiat de contrastés en médecine vétérinaire. L’utili-
cutanées ; utiliser si possible un circuit fermé l’anesthésie générale et est déclenchée par les sation de myorelaxant musculaire comme les
pour conserver la chaleur ; utiliser des fluides agents anesthésiques volatils halogénés benzodiazépines peut constituer une alter-
réchauffés pour la perfusion ; effectuer un essentiellement (desflurane, enflurane, native pour lutter contre la spasticité
lavage abdominal avec un liquide réchauffé halothane, isoflurane, sévoflurane) [54]. musculaire.
lors de laparotomie. Le tableau clinique est une hyperthermie
associée à une tachypnée et une tachycardie,
. une augmentation du CO 2 expiré, une CONCLUSION
. HYPERTHERMIE acidose métabolique et une hyperkaliémie.
Les lésions musculaires se traduisent par une Si les complications de l’anesthésie s’avèrent
L’hyperthermie est un phénomène rare myoglobinurie, une élévation des créatines relativement nombreuses, elles passent souvent
lors d’une anesthésie ; elle peut survenir suite kinases (CK) et aspartate aminotransférases inaperçues par manque de surveillance d’une
à un travail dans un environnement chaud (ASAT). L’hyperthermie supérieure à 40 °C part, et du fait de la rapidité de la majeure
ou à un réchauffement excessif de l’animal induit une défaillance multiorganique dont partie des interventions d’autre part.
mais elle peut aussi être la conséquence du un dysfonctionnement myocardique qui Néanmoins, leurs conséquences sont imprévi-
syndrome d’hyperthermie maligne. contribue à un très mauvais pronostic. sibles et peuvent être fatales pour l’animal. Il
Le syndrome d’hyperthermie maligne Le traitement de la crise repose prioritai- est essentiel de mettre en œuvre les moyens pour
correspond à un état hypermétabolique pri- rement sur l’arrêt de l’administration des les traiter mais surtout détecter leurs signes
mitivement musculaire, souvent agents déclenchants et la réalisation de précurseurs, d’où l’importance d’avoir à dispo-
accompagné de rigidité ; il peut aboutir à manœuvres de refroidissement de l’animal : sition une trousse d’urgence et un matériel de
une destruction généralisée du muscle sque- douche froide, pain de glace sur les jugulaires surveillance de l’anesthésie adéquat. Ainsi, le
lettique et secondairement à une défaillance et les fémorales, lavage colorectal à l’eau risque anesthésique peut être grandement
multiviscérale. Le syndrome d’hyperthermie froide [55]. Le traitement médicamenteux à diminué et la prise en charge de l’anesthésie
maligne, couramment décrit en anesthésie base de dantrolène intraveineux (2,5 à optimisée.
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AN 1100
EMC - Vétérinaire 1
Volume 13 > n◦ 2 > mai 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S1283-0828(16)58721-3
AN 1100 Techniques d’alimentation entérale assistée
2 EMC - Vétérinaire
Techniques d’alimentation entérale assistée AN 1100
une réalimentation spontanée et/ou orienter le choix intestinale, ce qui diminue le risque de translocation
de la sonde d’alimentation sont recherchées (fracture de bactérienne et préserve la fonction immunologique
la tête, perméabilité des voies respiratoires supérieures, du tube digestif [1, 4, 8, 9] . On envisage la nutrition par
etc.) [4, 5] . voie parentérale uniquement quand la voie entérale
Bien que non spécifiques, certaines anomalies du bilan n’est pas suffisante, mal tolérée ou contre-indiquée [2, 6] .
sanguin pouvant être secondaires à une malnutrition Les contre-indications de la voie entérale concernent
sont intéressantes à prendre en compte dans l’évaluation les vomissements incoercibles, les occlusions intesti-
de ce risque : hypoalbuminémie, anémie, leucopénie, nales, les iléus, les malabsorptions, les maldigestions ou
diminution de l’urée, hypokaliémie. Les autres données l’incapacité à protéger les voies respiratoires. Elles varient
extraites des examens complémentaires n’apportent en cependant selon le type de sonde de réalimentation et
général pas d’information pertinente [4, 5] . sont détaillées pour chacune dans les parties correspon-
Enfin, la pathologie dont souffre l’animal conditionne dantes [4] .
bien sûr la nature et la voie de la réalimentation. Quand la voie entérale est appropriée, le clinicien choi-
L’intégrité anatomique et fonctionnelle de chaque par- sit alors le mode de réalimentation entérale, calcule le
tie du tube digestif est primordiale à prendre en compte. besoin énergétique et choisit l’aliment adéquat [4] .
Certaines pathologies à l’origine d’une perte massive
de protéines (entéropathie, néphropathie, hépatopathie,
chylothorax, brûlures, drains, etc.) nécessitent un apport Prise orale versus sonde d’alimentation
assez rapide et agressif de protéines et de calories pour
Dans un premier temps, il faut stimuler la prise orale
pallier cette perte [2, 4, 8] .
spontanée. La gestion de la douleur et du stress de
Les besoins nutritionnels étant calculés selon des para-
l’environnement sont primordiales pour aider cette réali-
mètres propres à chaque individu et évoluant au cours de
mentation volontaire. Dans la mesure du possible, les
l’hospitalisation, il convient de réévaluer l’animal quoti-
aliments proposés doivent être adaptés à la pathologie de
diennement afin d’adapter son plan de réalimentation.
l’animal. Néanmoins, en cas de persistance de l’anorexie,
Certains paramètres sanguins (glucose, albumine, pro-
des aliments plus appétents peuvent être proposés. À
téines totales, urée, ionogramme) doivent également être
noter que chauffer les aliments permet d’augmenter leur
suivis au cours du processus de réalimentation [4] .
appétence. Des orexigènes (diazépam chez le chat, cypro-
heptadine, mirtazapine) sont parfois utiles pour aider à
Calcul des besoins stimuler l’appétit. Le gavage à la seringue peut être envi-
sagé sur les animaux coopératifs mais devient en général
énergétiques trop stressant. Le gavage doit se faire lentement pour lais-
ser le temps à l’animal de déglutir et éviter ainsi le risque
Les animaux doivent initialement être réalimentés afin de fausse déglutition. La quantité de nourriture ingérée
de couvrir leur BER, c’est-à-dire l’énergie (ou les calo- est notée afin de vérifier que les besoins journaliers sont
ries) nécessaire(s) pour maintenir leur homéostasie dans bien couverts. Pour ne pas risquer d’aversion alimentaire,
un environnement à température neutre. On calcule le l’alimentation per os est stoppée aux premiers signes de
BER (en kcal/j) selon la formule : 70 × (poids vif en kg)0,75 . nausées [4] .
Le calcul pour les patients obèses doit tenir compte du Lorsque la prise orale spontanée n’est pas envisageable
poids de forme pour prévenir la « surnutrition » [4] . Le but ou pas suffisante, on se tourne alors vers une alimenta-
du support nutritionnel durant l’hospitalisation n’est en tion entérale assistée via la pose d’une sonde (Fig. 1).
aucun cas de faire prendre ou perdre du poids à l’animal, Quelle que soit la voie de support nutritionnel choisie,
mais plutôt de maintenir le poids initial en évitant la le statut hémodynamique du patient doit être stabi-
perte de masse maigre [7] . Pour les animaux souffrant lisé [4, 7] . En effet, la présence d’aliments dans le tractus
d’anorexie prolongée, on cherche à atteindre le BER en digestif augmente localement le débit sanguin. Or, sur
quelques jours : par exemple, le premier jour l’animal un animal en état de choc, la perfusion mésentérique
est réalimenté sur la base de 30 % du BER. La quantité est altérée au profit des « organes nobles » (cœur, cer-
d’aliment administrée est ensuite augmentée progressi- veau, poumons). L’apport de nutriments dans un intestin
vement si l’animal le tolère bien : 50 % du BER le second incapable de fournir la perfusion nécessaire peut ainsi
jour, 75 % du BER le troisième jour puis 100 % du BER le conduire à une ischémie intestinale avec diminution de
quatrième jour [4] . l’intégrité de la barrière gastro-intestinale [7, 10] .
EMC - Vétérinaire 3
AN 1100 Techniques d’alimentation entérale assistée
Oui
Oui
Non
Non Traumatisme facial ou détresse Oui
Anesthesie générale envisageable?
respitatoire?
Non
Tractus digestif intègre jusqu’au Non Tractus digestif intègre au-delà du Non
pylore? duodénum?
Oui
Non Non
Œsophage intègre? Fonction gastrique normale ?
Oui Oui
que les anciens matériaux à base de polyvinylchloride. La sonde NG, poussée jusque dans l’estomac, contraire-
Le diamètre externe de la sonde, exprimé en French, ment à la sonde NO qui s’arrête dans l’œsophage, permet
est choisi en fonction de la taille de l’animal et de la d’aspirer le contenu stomacal. Cette propriété trouve
technique de pose. Les sondes disposent également de un intérêt dans la gestion des dilatations de l’estomac
composants radio-opaques qui permettent un contrôle (contenu aérique ou liquidien), des animaux en décu-
radiographique de leur position [8] . bitus prolongé ou des animaux présentant un retard de
vidange gastrique. Elle permet également de mesurer
le volume gastrique résiduel. En dehors de ces indica-
tions, on privilégie la sonde NO pour éviter le risque de
Sondes naso-œsophagiennes reflux gastro-œsophagien lié au passage du cardia par la
et sondes nasogastriques sonde [1, 4, 8] .
Indications
Contre-indications
Il s’agit d’une réalimentation dans la portion distale
de l’œsophage (sonde NO) ou de l’estomac (sonde NG) Ces sondes sont en revanche contre-indiquées lors de
via une sonde posée dans la cavité nasale. Elles sont indi- lésions organiques ou fonctionnelles situées sur le trajet
quées pour réalimenter les animaux anorexiques ayant de la sonde : cavité nasale, tête, œsophage et estomac.
un tractus digestif haut fonctionnel, ainsi que les cavités Les animaux présentant des difficultés respiratoires ne
nasales et buccales. Elles n’empêchent pas la possibilité sont pas de bons candidats, la présence de la sonde
d’une reprise d’alimentation spontanée [1, 2, 8] . dans la narine exacerbant les troubles respiratoires. Les
Il s’agit de techniques simples, efficaces et peu coû- coagulopathies sont également un frein à leur utilisa-
teuses pour une réalimentation à court terme (moins de tion du fait de risque de saignement lors de la pose.
2 semaines environ) et/ou pour un animal trop instable Enfin, on évite de poser une sonde nasale sur les ani-
pour être sédaté ou anesthésié. La pose se fait en effet sur maux suspects d’hypertension intracrânienne : la pose de
animal vigile. Une sédation peut néanmoins être néces- la sonde ainsi que sa présence peut générer des éternue-
saire sur les animaux non coopératifs [1, 2, 4, 8] . ments risquant d’augmenter la pression intracrânienne.
4 EMC - Vétérinaire
Techniques d’alimentation entérale assistée AN 1100
Tableau 1.
Avantages et inconvénients des différents types de sondes d’alimentation [4] .
Type de sonde Avantages Inconvénients
Sonde NO ou NG Pose facile Alimentation liquide uniquement
Animal vigile Réalimentation à court terme
Sonde NG permet une vidange gastrique Peut être mal tolérée (rhinite, etc.)
Déplacement possible dans les voies respiratoires
Contre-indiquée dans les cas de traumatisme facial
et/ou de détresse respiratoire
Sonde d’œsophagostomie Alimentation mixée possible Anesthésie générale
Pose facile Complications : infection au site d’insertion,
Bien tolérée par les patients déplacement dans les voies respiratoires ou la cavité
Réalimentation possible dès le réveil d’anesthésie buccale, œsophagite par irritation
Pas de délai entre la pose et le retrait
Réalimentation à long terme
Sonde de gastrostomie Alimentation mixée possible Anesthésie générale
Bien tolérée par les patients Technicité de la pose
Réalimentation à long terme Délai de 24 heures avant la réalimentation
Court-circuite cavité buccale et œsophage Délai de 10 à 14 jours avant le retrait
Complications : infection au site d’insertion, péritonite
Sonde de jéjunostomie Réalimentation distale au pylore et au canal Anesthésie générale
pancréatique Technicité de la pose
Délai de 24 heures avant la réalimentation
Complications : infection au site d’insertion,
péritonite, corps étranger, diarrhée
Réalimentation à court terme
Administration des aliments par perfusion continue
préférée
Nécessite un monitoring étroit
NO : naso-œsophagienne ; NG : nasogastrique.
Une contre-indication relative est appliquée aux ani- La collerette est indispensable afin d’éviter que
maux souffrant de vomissements incoercibles, le risque l’animal ne retire la sonde (Fig. 6).
étant le vomissement de la sonde et son déplacement Une radiographie de contrôle permet de vérifier
dans la cavité buccale ou les voies respiratoires [1, 4] . l’emplacement de la sonde (Fig. 7, 8).
EMC - Vétérinaire 5
AN 1100 Techniques d’alimentation entérale assistée
6 EMC - Vétérinaire
Techniques d’alimentation entérale assistée AN 1100
période. Souvent de plus gros diamètre que les sondes NO d’alimentation spontanée. Grâce à une utilisation facile
ou NG, elle permet l’administration d’aliments liquides pour les propriétaires, un retour au domicile avec la sonde
ou mixés, en plus petits volumes. Plus confortable, elle est possible [1, 2, 4] .
est mieux tolérée et interfère donc moins avec une reprise
Contre-indications
Des lésions organiques ou fonctionnelles de
l’œsophage sont une contre-indication absolue à la
pose de cette sonde. Le pansement autour du cou peut
augmenter la pression intracrânienne, les animaux
souffrant d’hypertension intracrânienne doivent donc
bénéficier d’un autre mode de réalimentation. Les
animaux trop débilités pour supporter l’anesthésie
inhérente à la pose de la sonde ne sont pas de bons
candidats. Les vomissements incoercibles constituent
également une contre-indication relative [1] .
Pose de la sonde
Matériel (Fig. 10) [1, 2, 8]
• Clamp, pinces Kelly ou pinces Carmalt.
• Lame de scalpel.
• Sondes : 12 à 19 Fr selon la taille de l’animal.
• Matériel de suture.
• Pansement : compresses, coton, bandes crêpes.
Figure 8. Contrôle radiographique, sonde nasogastrique (cli- Figure 10. Matériel nécessaire à la pose d’une sonde
ché du Dr Boyeaux, CHV Frégis). d’œsophagostomie (cliché du Dr Boyeaux, CHV Frégis).
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AN 1100 Techniques d’alimentation entérale assistée
8 EMC - Vétérinaire
Techniques d’alimentation entérale assistée AN 1100
Utilisation de la sonde
La réalimentation peut se faire dès que l’animal est bien
réveillé de son anesthésie.
Lors de déplacement ou d’obstruction de la sonde, une
nouvelle sonde peut être posée via la même voie d’entrée.
Cela nécessite une nouvelle anesthésie générale.
Il n’y a pas de limite de temps entre la pose et le retrait
de la sonde. Une simple traction de la sonde permet son
retrait. L’animal n’a pas besoin d’être anesthésié. Le point
d’entrée est nettoyé avec un antiseptique et une agrafe est
posée sur le plan cutané.
Inconvénients
La pose de la sonde nécessite une anesthésie générale,
parfois délicate sur les animaux les plus débilités. Cette
technique d’alimentation entérale assistée est de fait plus
coûteuse que les sondes NO ou NG [1] .
Complications
Les complications concernent une pose accidentelle
dans l’espace périœsophagien (médiastin) ou dans les
voies respiratoires supérieures, une infection en regard
du site d’entrée de la sonde ou le déplacement possible Figure 16. Matériel nécessaire à la pose d’une sonde de gas-
dans la trachée ou dans la cavité buccale lors de vomis- trostomie (cliché du Dr Boyeaux, CHV Frégis).
sements. Cette dernière situation constitue un risque de
corps étranger gastrique si l’extrémité de la sonde est mas-
tiquée puis ingérée. Enfin, comme les sondes NO et NG,
la sonde peut être bouchée par de l’alimentation ou être
à l’origine d’irritation de l’œsophage [1, 2, 4] .
Sondes de gastrostomie
Indications
Il s’agit d’une technique d’alimentation plus inva-
sive qui consiste en la pose d’une sonde gastrique par
voie percutanée ou par lararotomie. En court-circuitant
l’œsophage et les cavités nasale et buccale, elle trouve
une indication chez les animaux ayant une pathologie
organique ou fonctionnelle de cette portion proximale
du tube digestif (œsophagite, sténose, jabot ou méga- Figure 17. Principe de la pose d’une sonde de gastrostomie
œsophage, etc.) ou de la tête (traumatisme, chirurgie, percutanée endoscopique (d’après [8] ).
néoplasie, etc.). Elle est bien tolérée par les animaux et
facile à utiliser au domicile par les propriétaires. C’est la
• Aiguille ou trocart de gros diamètre.
sonde qui peut être laissée en place le plus longtemps :
• Cône de pipeteur.
jusqu’à quelques mois si la propreté est bien maintenue.
• Fil de nylon de diamètre inférieur à celui de l’aiguille
Elle est préconisée uniquement si son utilisation est esti-
ou du trocart.
mée à plus de deux semaines. Le plus gros diamètre de la
• Boîte de petite chirurgie et champs stériles.
sonde permet d’administrer des aliments mixés [1, 2, 4, 8] .
• Matériel de suture.
• Pansement.
Contre-indications
Technique de pose
Les lésions gastriques (gastrite, ulcères, néoplasies,
retard de vidange, obstruction, etc.), ainsi que les affec- Il existe trois techniques de pose : la pose percutanée
tions de l’espace péritonéal (épanchement, péritonite), endoscopique, la pose percutanée à l’aveugle ou la pose
sont des contre-indications absolues du fait du risque de chirurgicale.
développer des complications [1, 8] . La gastrostomie percutanée endoscopique est préférée
car elle permet de voir directement le site d’insertion
de la sonde (Fig. 17). De plus, la possibilité d’insuffler
Pose de la sonde de l’air dans l’estomac évite la ponction par inadver-
tance d’autres organes et évite ainsi de potentielles
Matériel [1, 8] (Fig. 16) complications. C’est donc la technique de pose d’une
• Endoscope. sonde de gastrostomie la moins invasive, la moins coû-
• Sonde de gastrostomie : il en existe différentes sortes ; teuse, la plus rapide et la moins risquée [1] . On réserve
la plus courante est la sonde Pezzer de 16 à 24 Fr. en général la pose de la sonde par voie chirurgicale aux
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AN 1100 Techniques d’alimentation entérale assistée
10 EMC - Vétérinaire
Techniques d’alimentation entérale assistée AN 1100
Complications
On note des complications septiques (fuite du contenu
de l’estomac, sonde qui se déplace de l’estomac dans
l’espace péritonéal), des abcès au site d’insertion ou des
lésions des organes adjacents lors de la pose de la sonde
(lacération de la rate, hémorragie gastrique, pneumopéri-
toine). Lors de pression excessive de la sonde sur la paroi
de l’estomac, on peut observer une nécrose gastrique ou
cutanée [1, 2, 8] .
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AN 1100 Techniques d’alimentation entérale assistée
Pose de la sonde
La pose de la sonde de jéjunostomie peut se faire
de plusieurs manières : par voie chirurgicale, par voie
transcutanée endoscopique ou par voie transpylo-
rique [2, 11] .
12 EMC - Vétérinaire
Techniques d’alimentation entérale assistée AN 1100
Tableau 2.
Complications liées au support nutritionnel par voie entérale [9] .
Complications mécaniques Obstruction de la sonde
Retrait prématuré de la sonde
Déplacement de la sonde
Nécrose de la paroi de l’estomac
Complications gastro-intestinales Nausées et vomissements
Diarrhée
Douleur et crampes intestinales
Ischémie intestinale et lésions de la muqueuse
Complications métaboliques Hyperglycémie
Lipémie
Azotémie
Hyperammoniémie
Hypokaliémie
Hypophosphatémie
Hypomagnésémie
Complications infectieuses Infections au site d’entrée
Péritonite septique
Bronchopneumonie par fausse déglutition
EMC - Vétérinaire 13
AN 1100 Techniques d’alimentation entérale assistée
14 EMC - Vétérinaire
Techniques d’alimentation entérale assistée AN 1100
[4] Eirmann L, Michel KE. Enteral nutrition. In: Small animal [8] Marks SL. The principles and practical application of
critical care medicine. Philadelphia: WB Saunders; 2009. enteral nutrition. Vet Clin North Am Small Anim Pract
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[5] Elliott DA. Nutritional assessment. In: Small animal critical [9] Michel KE. Preventing and managing complications of
care medicine. Philadelphia: WB Saunders; 2009. p. 856–9. enteral nutritional support. Clin Tech Small Anim Pract
[6] Ridley E, Gantner D, Pellegrino V. Nutrition therapy in criti- 2004;19:49–53.
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Small Anim 2006;36:1225–41. feeding. Clin Tech Small Anim Pract 2004;19:32–42.
A. Boyeaux ([email protected]).
Centre hospitalier vétérinaire Frégis, 43, avenue Aristide-Briand, 94110 Arcueil, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Boyeaux A. Techniques d’alimentation entérale assistée. EMC - Vétérinaire 2016;13(2):1-
15 [Article AN 1100].
EMC - Vétérinaire 15
AN 1110
Plan Introduction
■ Introduction 1 La malnutrition est un état pathologique due à un
■ Évaluation du statut nutritionnel 2 excès ou à un déficit d’un ou plusieurs nutriments. La
Historique alimentaire 2 dénutrition est une malnutrition résultant d’une inadé-
Poids corporel et ses variations 2 quation par défaut entre les apports protéiques et/ou
Note d’état corporel 3 énergétiques et les besoins de l’individu. Elle peut être
Score musculaire 3 due à une diminution de l’ingéré alimentaire, à un dés-
Détecter les animaux dénutris 4 équilibre alimentaire, à une malassimilation et/ou à des
Détecter les animaux à risque de dénutrition 5 besoins nutritionnels augmentés.
■
Depuis plus de 70 ans maintenant, un lien entre la
Plan d’alimentation ou de réalimentation 5
dénutrition et les complications postopératoires est établi
Estimation du besoin énergétique de repos d’un chien
en médecine humaine [1] . Nombreuses sont actuelle-
ou d’un chat 5
ment les preuves de l’effet délétère de la dénutrition,
Plan de réalimentation d’un animal dénutri 6
en termes de complications, de morbidité et de morta-
Plan d’alimentation d’un animal non dénutri 6
lité, de durée moyenne de séjour, et sur la qualité et
Suivi de l’animal 7
l’efficacité des soins prodigués aux malades hospitali-
■ Arrêt de l’alimentation assistée 7 sés [2, 3] . Bien que les études soient peu nombreuses chez
■ Conclusion 7 le chien et le chat, tout indique que la situation est
similaire [4, 5] .
EMC - Vétérinaire 1
Volume 10 > n◦ 4 > novembre 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S1283-0828(13)63805-3
AN 1110 Statut nutritionnel, dénutrition et réalimentation entérale
Dans un but de sélection et d’harmonisation des Chez les carnivores domestiques, comme chez
outils les plus pertinents, les pouvoirs publics ont éla- l’homme, la dénutrition a un effet délétère sur la
boré un guide des outils de dépistage de la malnutrition santé et la survie. C’est pourquoi, il est indispensable
et d’évaluation du risque nutritionnel pour le patient d’évaluer le statut nutritionnel de chaque animal reçu
hospitalisé [6] . Cette évaluation s’articule autour de trois en consultation ou en hospitalisation.
outils : les outils anthropométriques (poids, taille, indice
de Quételet, etc.), les outils biochimiques et biologiques
(albuminémie, taux de protéine C réactive, etc.) et enfin
des index nutritionnels validés [7] . Ces outils ont été rete-
Évaluation du statut
nus pour leur faisabilité, leur fiabilité et leur caractère non nutritionnel
invasif : ils sont mis en place en routine à l’hôpital... ou
le devraient. Historique alimentaire
La variabilité des morphologies, des formats et des
espèces, la non-coopérativité des patients et le coût C’est le préalable à toute prise en charge médicale.
de certains matériels font que les outils d’évaluation
nutritionnelle validés sont encore peu nombreux en
médecine vétérinaire. Néanmoins, des outils zoomé-
triques (poids corporel, échelles) sont à notre disposition
pour évaluer l’état corporel du chat et du chien.
“ Point important
Ont été également acceptés comme indicateurs de
malnutrition chez le chien : la perte de poids, une But de l’historique alimentaire : détecter
mauvaise qualité du pelage, une amyotrophie générali- une malnutrition
sée, un défaut de cicatrisation, une hypoalbuminémie, • Détecter un défaut d’apport énergétique et/ou
une lymphopénie et la présence d’une coagulopa- protéique
thie. • Détecter un déséquilibre alimentaire
Lors de l’hospitalisation d’un animal, il est nécessaire
de réaliser deux évaluations. La première consiste à défi-
nir le statut nutritionnel du patient à son admission. Elle
permet la prise en charge rapide sur le plan nutritionnel Le régime alimentaire (qualité, quantité et équilibre
des malades déjà dénutris. La seconde va être d’estimer nutritionnel), un changement de ration pouvant expli-
le risque de dénutrition que le patient encourt lors de quer des signes digestifs, une variation de poids ou
son séjour à l’hôpital dans un souci de prévention et d’appétit noté par le propriétaire, et/ou l’existence d’une
d’amélioration du pronostic. maladie chronique diagnostiquée peuvent être à l’origine
La dénutrition va d’abord toucher les cellules ayant de malnutrition.
un métabolisme élevé, avec pour conséquence une Le chat peut se laisser mourir de faim devant une
perte de fonctionnalité des tissus concernés : cellules gamelle remplie d’aliment si celui-ci ne lui plaît pas. Le
de la muqueuse digestive et cellules de l’immunité [8] . changement brutal d’alimentation s’accompagne donc
Il est important de rappeler que la muqueuse diges- souvent d’une anorexie qui, si elle se prolonge au-delà
tive est en première ligne des défenses de l’organisme d’une semaine, peut induire une lipidose hépatique chez
contre les agents pathogènes et leurs toxines. La l’animal en surpoids ou obèse. Cette affection est mor-
baisse d’immunité, associée à une translocation bac- telle dans 50 % des cas malgré une prise en charge
térienne rendue possible par la perméabilité digestive, médicale [11] . Il convient donc d’être particulièrement
sont en partie responsables de l’augmentation de attentif à la prise alimentaire du chat en hospitalisa-
la morbidité, en dépit de l’utilisation des antibio- tion et de prendre en compte les jours de jeûne avant
tiques. celle-ci.
Même si l’animal en situation d’agression utilise les Il semble que chez le chien, comme chez l’homme,
graisses corporelles pour ses besoins énergétiques, il va un épisode d’anorexie de 3 à 5 jours doit être pris en
aussi utiliser ses protéines afin de couvrir ses besoins éner- charge nutritionnellement [12] . Les particularités métabo-
gétiques et protéiques si les apports sont insuffisants. liques du chat laisse à penser que la prise en charge
Il n’y a aucune réserve de protéines dans l’organisme ; doit être encore plus précoce : 24 à 48 heures d’anorexie
les protéines musculaires, viscérales et plasmatiques sont devraient être un maximum.
donc mises à contribution, augmentant ainsi le risque
de défaillance organique multiple. Chez le sujet obèse, le
risque est d’autant plus grand que la masse musculaire Poids corporel et ses variations
n’est pas facilement visualisable. C’est pour cela qu’une
amyotrophie généralisée, même modérée, doit alerter le C’est un outil simple et facilement disponible. Bien
clinicien, quel que soit par ailleurs l’état d’engraissement qu’indispensable, il est important d’en connaître les
de l’animal. limites.
Les aliments utilisés chez les chiens et les chats dénu- Tout d’abord, la précision de la balance est importante :
tris doivent être adaptés au métabolisme particulier de les chats et les chiens de petit format doivent être pesés
l’animal subissant un stress métabolique. L’animal dénu- sur des balances de cuisine ou des pèse-bébés (précision
tri et/ou agressé est schématiquement intolérant au de 1 ou 5 g).
glucose (associé à une résistance à l’insuline), a un cata- Ensuite, quel est le poids optimal de cet animal ? Il
bolisme protéique augmenté et utilise préférentiellement existe des standards de race chez le chien et le chat four-
les lipides (corps cétoniques) comme source énergétique. nissant le poids moyen. Malheureusement, ce ne sont
Les aliments industriels diététiques spécialement formu- que des fourchettes de valeurs et la grande variabilité
lés pour la phase critique sont parfaitement adaptés pondérale au sein d’une même race ne permet pas de
puisque pauvres en glucides, riches en lipides, avec un comparer un individu avec ses semblables. La situation
apport protéique augmenté tant en qualité qu’en quan- est encore pire pour tous les animaux de race indéfinie
tité (Tableau 1). ou croisée.
2 EMC - Vétérinaire
Statut nutritionnel, dénutrition et réalimentation entérale AN 1110
Tableau 1.
Aliments diététiques pour réalimentation en phase critique.
Fabricant Dechra Hill’s Intervet Nestlé Purina Royal Canin Royal Canin
Nom Specific Recovery a/d Fortol CN Convalescence Recovery
Plus Support support-instant
(reconstitué)
DE (kcalEM/100 g) 119 112 100 110 116 114
Protéines (g/Mcal) 92 95 80 102 90 105
Lipides (g/Mcal) 59 65 53 71 52 55
Glucides (g/Mcal) 24 33 50 (glucose) 11 43 21
EM : énergie métabolisable ; Mcal : 1000 kcal ; les chiffres sont arrondis à l’unité.
“ Point important
Le poids et ses variations
• Peser les animaux à chaque visite, et noter ce
poids dans le dossier médical et le carnet de santé.
Utiliser un pèse-bébé pour les animaux de petit
format
• Faire peser l’animal en dehors des visites vac-
cinales. Une pesée trimestrielle est conseillée,
mensuelle ou bimensuelle pour un animal atteint
d’une maladie chronique
• Une variation de poids de 10 % ou plus dans Figure 1. L’épaisseur de la couche adipeuse sur les côtes est
les 6 derniers mois doit alerter le clinicien facilement estimable. Poser les mains à plat de chaque côté du
• En hospitalisation, les variations rapides de thorax et appliquer un mouvement d’avant en arrière. Pour un
poids sont principalement dues à des variations état corporel optimal, les côtes doivent pouvoir être comptées
d’hydratation avec la pulpe des doigts et ce sans appuyer.
• Toujours associer au poids corporel la note
d’état corporel et le score musculaire de l’animal et de la palpation des principaux reliefs
osseux, mains à plat sur le thorax puis le long de la
colonne vertébrale (Fig. 1). La précision de cette évalua-
tion pour mesurer la masse grasse est de ± 10 % (intervalle
La notion dynamique du poids, à savoir ses modifi- de confiance 95 %). Malgré la variabilité des races dans
cations dans le temps, est plus intéressante. Ainsi chez chaque espèce, la note d’état corporel est très satisfai-
l’homme, une perte de poids de 2 % en une semaine, sante en termes répétabilité et de reproductivité dans les
5 % en 1 mois ou 10 % en 6 mois constitue un signe différentes enquêtes lorsque les enquêteurs sont entraî-
d’alerte fort pour le clinicien. Une perte de poids de nés [16, 17] .
10 % dans les mois précédents est également considérée Cette échelle met surtout l’accent sur la masse grasse
comme un signe d’alerte en médecine vétérinaire [13–15] . de l’animal. Il arrive, en particulier chez les individus en
La référence au poids habituel du patient est donc surpoids, qu’une amyotrophie soit sévère alors même que
indispensable. le tissu adipeux est encore présent en quantité impor-
Cependant, le suivi quotidien du poids en hospita- tante. Le poids, la note d’état corporel, doivent donc être
lisation a une valeur limitée. En effet, une prise de accompagnés de l’évaluation de la masse musculaire.
poids rapide est généralement due à l’augmentation
de l’hydratation ou, dans le sens opposé, une perte
de poids brutale peut être due à l’utilisation de diu- Score musculaire
rétiques ! Par ailleurs, un animal peut avoir un poids
stable mais perdre de la masse maigre au profit de la Dans une première approche, il a été proposé d’établir
masse grasse si, par exemple, l’apport en calories est une note d’état musculaire [18] . C’est une échelle en trois
excessif mais insuffisant en protéines. La pesée seule points :
n’est donc pas suffisante pour l’évaluation nutritionnelle • amyotrophie généralisée sévère ;
de l’animal. • amyotrophie généralisée modérée ;
• masse musculaire normale.
Les muscles concernés sont les muscles temporaux, les
Note d’état corporel muscles lombaires et les muscles pelviens. Pour ce faire,
il convient de palper les masses musculaires lombaires :
Une échelle pour le chien [9] et une autre pour le chat [10] il est normal de sentir les apophyses épineuses, mais en
ont été validées. Les critères sont résumés et regroupés aucun cas la colonne vertébrale ne doit saillir (Fig. 2). Si
dans le Tableau 2. Elles représentent une méthode semi- c’est le cas, il convient alors de vérifier que l’amyotrophie
quantitative d’évaluation principalement de la masse est généralisée en palpant les autres masses musculaires.
grasse d’un chien ou d’un chat. L’évaluation se fait à En effet, une amyotrophie localisée n’est jamais d’origine
partir de la silhouette (vue de profil et vue du dessus) nutritionnelle.
EMC - Vétérinaire 3
AN 1110 Statut nutritionnel, dénutrition et réalimentation entérale
Tableau 2.
Détail de l’échelle d’état corporel chez le chien et le chat. Chaque point équivaut à un pourcentage de variation de poids par rapport au
poids optimal (d’après Laflamme [9, 10] ).
Observation de l’animal de profil et de Palpation de l’animal avec les mains à
dessus plat (sans pression des doigts) sur les
côtes, la colonne vertébrale, les masses
musculaires lombaires, les hanches
Très maigre : poids au moins 40 % 1/9 1/5
inférieur au poids optimal Les os sont évidents à distance (côtes, Tous les os sont à fleur de peau
processus vertébraux, pointe de l’ilium) Peu ou pas de masse musculaire
(amyotrophie sévère)
Aucune masse graisseuse détectable
Maigre : poids 30 à 40 % inférieur au 2/9 Faible masse musculaire (amyotrophie
poids optimal Les os sont visibles à distance (côtes, marquée)
processus vertébraux, pointe de l’ilium) Aucune masse graisseuse détectable
Très mince : poids 20 à 30 % inférieur au 3/9 2/5
poids optimal Les os sont discernables à distance Os facilement palpables
Creux du flanc marqué (taille et pli Masses musculaires peu développées
abdominal) (amyotrophie modérée)
Peu de graisse palpable
Mince : poids 10 % inférieur au poids 4/9 Os facilement palpables, couverture
optimal Les os sont peu visibles à distance graisseuse minimale
Creux du flanc présent (taille et pli Masses musculaires présentes,
abdominal) inférieures à la normale
Mince couche graisseuse (côtes)
Idéal : poids optimal 5/9 3/5
Taille (de dessus) et pli abdominal (de Os palpables avec une couverture
profil) nets minimale de graisse (côtes)
Os non visibles à distance (sauf côtes Masse musculaire harmonieuse
flottantes) Masse graisseuse ventrale minimale
Surpoids modéré : poids 10 % supérieur 6/9 Os palpables à la pression
au poids optimal Taille (de dessus) et pli abdominal (de Comptage des côtes possible
profil) un peu effacés
Masse graisseuse ventrale évidente
Surpoids marqué : poids 20 à 30 % 7/9 4/5
supérieur au poids optimal Taille (de dessus) et pli abdominal (de Os difficilement palpables
profil) peu visibles Comptage des côtes difficile
Masse graisseuse ventrale évidente
Obésité : poids 30 à 40 % supérieur au 8/9 Os peu palpables
poids optimal Taille (de dessus) et pli abdominal (de Comptage des côtes impossible
profil) absents
Masse graisseuse ventrale évidente
Obésité morbide : poids au moins 40 % 9/9 5/5
supérieur au poids optimal Taille (de dessus) et pli abdominal (de Os non palpables
profil) absents Graisse abondante
Poche graisseuse ventrale importante
4 EMC - Vétérinaire
Statut nutritionnel, dénutrition et réalimentation entérale AN 1110
• apport énergétique inférieur aux trois quarts du besoin être inhérent à la tumeur de par sa localisation ou être
énergétique d’entretien depuis plus de 3 jours ; la conséquence prévisible de la prise en charge médi-
• signes digestifs aigus majeurs (vomissements, diar- cale (chimiothérapie, confinement, chirurgie vulnérante,
rhées) ; etc.).
• signes digestifs chroniques affectant l’état général ; Si un risque de dénutrition est présent, il convient
• maladie chronique affectant l’état général (diabète de mettre en place, avant ou au moment de la prise
sucré, insuffisance organique, maladies intestinales) ; en charge, une alimentation assistée, que ce soit en
• hypoalbuminémie. améliorant l’appétence de la ration, sa densité calo-
Pour chaque animal dénutri, un plan de réalimen- rique ou en posant une sonde d’alimentation. Le choix
tation assistée est établi et mis en place dès que la de la sonde dépend de la localisation de l’atteinte et
réanimation médicale est effectuée et efficace. du temps estimé pour que l’animal remange spon-
tanément. Si au premier abord un propriétaire peut
être réticent à la pose d’une sonde, une explication
Détecter les animaux à risque vient souvent à bout de ses craintes. Et il est rap-
de dénutrition pelé que manger est un besoin primaire et donc non
optionnel !
Il s’agit ici de conserver à l’animal un statut nutri- La décision de mettre ou non en place une alimenta-
tionnel satisfaisant tout au long de la thérapie afin d’en tion assistée est résumée sur la Figure 4.
optimiser les effets. Pour cela, il suffit de répondre à la
question suivante : l’animal va-t-il manger ou pouvoir
manger suffisamment dans les jours ou les semaines à
venir ? Par exemple, en cas de cancer, le risque peut Plan d’alimentation
ou de réalimentation
Les conseils et méthodes décrits ici sont issus princi-
palement de la littérature et de la pratique en nutrition
humaine, et généralement cités dans la littérature vété-
rinaire. Il convient de protocoliser la prise en charge
des animaux hospitalisés afin d’améliorer la pratique,
et de limiter les risques et les conséquences de la
malnutrition.
Oui Non
Oui Non
L’animal va-t-il
Alimentation Adaptation consommer ou Oui 1/sem : pesée, masse
musculaire
assistée alimentation consomme-t-il un apport
1/j : prise alimentaire
calorique suffisant ?
Non
EMC - Vétérinaire 5
AN 1110 Statut nutritionnel, dénutrition et réalimentation entérale
de façon indiscutable sur les animaux malades, cette jours. Par exemple, le jeûne induit la lipolyse et la
estimation est généralement acceptée comme base pour protéolyse responsables d’une fonte musculaire ainsi
l’alimentation des animaux hospitalisés. qu’une perte d’eau, de minéraux et de vitamines (cofac-
teurs). Le métabolisme, en particulier glucidique, est
fortement perturbé. Lors de la réalimentation, sur-
6 EMC - Vétérinaire
Statut nutritionnel, dénutrition et réalimentation entérale AN 1110
repas par jour en première intention. Le rythme de la en grande partie subjective. Cependant, il existe des
distribution des repas est ensuite adapté à la tolérance outils simples aidant le clinicien à se forger une opi-
digestive de l’animal. nion. L’évaluation de l’état corporel à partir des échelles
Le choix de l’aliment dépend de la maladie dont validées ainsi que l’évaluation de la masse musculaire
souffre le patient. Il est toutefois rappelé que si l’apport sont fiables. Elles permettent d’attirer l’attention du clini-
calorique est diminué en hospitalisation, il ne va cien sur des modifications morphologiques. Ces échelles
pas de même pour l’apport protéique ou minéral. peuvent être également utilisées par les propriétaires pour
Il faut donc être particulièrement vigilant à l’apport les sensibiliser à la surveillance de leur animal. Ainsi, un
protéique si des aliments restreints en protéines sont plan de réalimentation et d’alimentation peut être per-
utilisés. En médecine vétérinaire, le développement sonnalisé aux besoins de l’animal et offrir un soutien
d’aliments industriels diététiques secs et humides a thérapeutique efficace.
permis, en plus d’aliments appétents et facilement
disponibles, l’émergence de résultats expérimentaux
établissant des recommandations nutritionnelles pour Références
les grandes entités pathologiques (affections gastro- [1] Studley HO. Percentage of weight loss: a basic indicator
intestinales, hépatiques, rénales, cardiaques, urinaires, of surgical risk in patients with chronic peptic ulcer. JAMA
etc.). Sept grandes marques offrent chacune une variété 1936;106:458–60.
d’aliments diététiques qui permettent de satisfaire [2] Bernard M, Aussel C, Cynober L. Marqueurs de la dénutri-
l’adaptation nutritionnelle de la majorité des affections. tion et de son risque ou marqueurs des complications liées à
Pendant l’hospitalisation, il est rarement souhaitable la dénutrition. Nutr Clin Metab 2007;21:52–9.
de faire consommer les aliments qui seront utilisés en [3] Kubrak C, Jensen L. Malnutrition in acute care patients: A
entretien de retour à la maison. En effet, le stress, narrative review. Int J Nurs Stud 2007;44:1036–54.
l’inconfort ou la douleur peuvent être sources d’aversion [4] Peterson RM, Gurtler RE, Cecere MC, Rubel DN, Lauricella
alimentaire. MA, Hansen D, et al. Association between nutritional indi-
cators and infectivity of dogs seroactive for Trypanosoma
cruzi in a rural area of North-Western Argentina. Parasitol
Suivi de l’animal Res 2001;87:439–76.
[5] Brunetto MA, Gomes MO, Andre MR, Teshima E,
Quel que soit le statut nutritionnel de l’animal à la prise Gonçalves KN, Pereira GT, et al. Effects of nutritional sup-
en charge, il convient de suivre avec attention quelques port on hospital outcome in dogs and cats. J Vet Emerg Crit
paramètres : Care 2010;20:224–31.
• le poids de l’animal ; [6] ANAES. Évaluation diagnostique de la dénutrition protéino-
• sa masse musculaire ; énergétique des adultes hospitalisés. Septembre 2003.
• sa prise alimentaire ; http://www.has-sante.fr/portail/display.jsp?id=c 432199.
• son activité et son comportement rapportés par le pro- [7] Mercadel-Orfila G, Lluch-Taltavull J, Campillo-Artero C,
priétaire ; Torrent-Quetglas M. Association between nutritional risk
• l’intensité des effets secondaires. based on the NRS-2002 test and hospital morbidity and
La fréquence d’évaluation va dépendre de la prise mortality. Nutr Hosp 2012;27:1248–54.
en charge médicale et du protocole utilisé. En hospi- [8] Saker KE. Nutrition and immune function. Vet Clin Small
talisation, elle est quotidienne ou hebdomadaire selon Anim Pract 2006;36:1199–224.
les critères, et elle peut être mensuelle, trimestrielle ou [9] Laflamme D. Development and validation of a body condi-
semestrielle lors de suivi de maladies chroniques. Ces élé- tion score system for dogs. Canine Pract 1997;22:10–5.
ments vont permettre d’adapter le protocole et la ration [10] Laflamme D. Development and validation of a body condi-
alimentaire. tion score system for cats. Feline Pract 1997;25:13–8.
[11] Center SA. Feline hepatic lipidosis. Vet Clin North Am Small
Anim Pract 2005;35:225–69.
[12] Remillard RL, Armstrong PJ, Davenport DJ. Assisted fee-
Arrêt de l’alimentation ding in hospitalized patients: enteral and parenteral nutrition.
In: Hand MS, Thatcher CD, Remillard RI, Roudebush P, edi-
assistée tors. Small animal clinical nutrition. Topeka: Mark Morris
Associates; 2010. p. 351–90.
Quand l’animal est autorisé à consommer de l’aliment [13] Besson C, Verwaerde P, Bret-Bennis L, Priymenko N.
per os, il est généralement admis d’arrêter l’alimentation L’évaluation nutritionnelle de l’état nutritionnel chez les car-
assistée par sonde lorsque l’animal couvre 75 % de son nivores domestiques. Rev Med Vet 2005;156:269–74.
besoin énergétique d’entretien. [14] Chan DL, Freeman LM. Nutrition in critical illness. Vet Clin
North Am Small Anim Pract 2006;36:1225–41.
[15] Amstrong PJ. Enteral feeding of critically ill pets: the choices
Conclusion [16]
and techniques. Vet Med 1992;87:900–9.
German AJ, Holden SH, Moxham GL, Holmes KL, Hackett
RM, Rawlings JM. A simple, reliable tool for owners
La quantité de nourriture ingérée par un animal hos-
to assess the body condition of their dog or cat. J Nutr
pitalisé ou souffrant d’une maladie chronique devrait 2006;136:2031S–3S.
être mesurée en routine dans les hôpitaux vétérinaires et [17] Colliard L, Ancel J, Benet JJ, Paragon BM, Blanchard
l’anorexie ne devrait pas être tolérée. Elle nuit gravement G. Risk factors for obesity in dogs in France. J Nutr
aux capacités de défense et de récupération du malade. 2006;136:1951S–4S.
Il faut se rappeler que si la perte de muscle est assez évi- [18] Buffington T, Holloway C, Abood A. Nutritional assessment.
dente par observation, les pertes de protéines structurales In: Buffington T, Holloway C, Abood S, editors. Manual of
et fonctionnelles de tissus ou d’organes tels que le cœur veterinary dietetics. St Louis: WB Saunders; 2007. p. 1–7.
et les intestins, bien que non visibles, ne sont que plus [19] Kleiber M. The fire of life: an introduction to animal ener-
dramatiques. getics. Huntington, NY: Krieger; 1975.
L’identification d’un animal ayant besoin d’un support [20] Burkholder WJ. Metabolic rates and nutrient requirements
nutritionnel lors de l’hospitalisation reste aujourd’hui of sick dogs and cats. J Am Vet Med Assoc 1995;206:614–8.
EMC - Vétérinaire 7
AN 1110 Statut nutritionnel, dénutrition et réalimentation entérale
[21] MacCauley R, Kong SE, Hall J. Review: glutamine and [25] Schropp DM, Kovacic J. Phosphorus and phosphate meta-
nucleotide metabolism within enterocytes. JPEN J Parenter bolism in veterinary patients. J Vet Emerg Crit Care
Enteral Nutr 1998;22:105–11. 2007;17:127–34.
[22] Roediger WE. The starved colon – Diminished mucosal [26] Skipper A. Refeeding syndrome or refeeding hypophos-
nutrition, diminished absorption, and colitis. Dis Colon Rec- phatemia: a systemic review of cases. Nutr Clin Pract
tum 1990;33:858–62.
2012;27:34–40.
[23] Brenner K, KuKanich KS, Smee NM. Refeeding syn-
drome in a cat with hepatic lipidosis. J Felin Med Surg [27] Donoghue S. Nutritional support of hospitalized animals. J
2011;13:614–7. Small Anim Pract 1992;33:183–90.
[24] Armitage-Chan EA, O’Toole T, Chan DL. Management of [28] Kerl ME, Johnson PA. Nutritional plan: Matching diet
prolonged food deprivation, hypothermia, and refeeding syn- to disease. Clin Techn Small Anim Pract 2004;19:
drome in a cat. J Vet Emerg Crit Care 2006;16:S34–41. 9–21.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Yaguiyan-Colliard L. Statut nutritionnel, dénutrition et réalimentation entérale.
EMC - Vétérinaire 2013;10(4):1-8 [Article AN 1110].
8 EMC - Vétérinaire
Transfusion sanguine chez le chien
et le chat : aspects pratiques
(Blood transfusion in dogs and cats)
L
’auteur présente les nombreuses indications de la transfusion sanguine chez le chien et le
chat. Il développe et compare les avantages et les intérêts du sang total et des différents
dérivés du sang avant d’aborder la technique proprement dite de la transfusion sanguine :
récolte du sang, voies d’abord, réchauffement et filtrage du sang, vitesse d’administration… Il
souligne l’intérêt des techniques de transfusion autologue en médecine vétérinaire puis aborde
les différents accidents transfusionnels, en insistant sur les particularités de la transfusion
sanguine du chat.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
TABLEAU II. – TRANSFUSION DU CHAT. CALCUL DU VOLUME DE SANG À TRANSFUSER (EN ML) POUR 500 G
DE POIDS VIF ET POUR OBTENIR UN HÉMATOCRITE POST-TRANSFUSIONNEL DE 0,18 L/L (D’APRÈS
NORSWORTHY [63], MODIFIÉ).
Hématocrite (L/L) du sang transfusé (sur anticoagulant)
Héma- 0,30 0,32 0,34 0,36 0,38 0,40 0,42 0,44 0,46 0,48 0,50
tocrite
(L/L) 0,04 18,0 16,9 15,9 15,0 14,2 13,6 12,9 12,3 11,7 11,3 10,8
du 0,06 15,5 14,5 13,7 12,9 12,3 11,6 11,0 10,5 10,0 9,7 9,3
receveur
0,08 12,9 12,0 11,4 10,7 10,2 9,7 9,2 8,8 8,4 8,1 7,7
0,10 10,3 9,7 9,0 8,6 8,2 7,7 7,4 7,1 6,7 6,4 6,2
0,12 7,7 7,3 6,4 6,4 6,1 5,8 5,5 5,3 5,1 4,9 4,6
0,14 5,2 4,7 4,5 4,3 4,1 3,9 3,6 3,5 3,3 3,2 3,1
Exemple : Hématocrite du receveur 0,06 L/L
Hématocrite du sang transfusé 0,46 L/L
Poids du receveur 3,5 kg
Volume de sang pour 500 g 10 mL
multiplié par le poids (7 × 500 g) ×7
Volume total de sang à transfuser = 70 mL
4 ANÉSTHÉSIE-RÉANIMATION 1300
de thrombose [14]. Il est utile de mélanger la
TABLEAU III. – TRANSFUSION SANGUINE : INDICATIONS DANS LES première dose d’héparine au sang à
AFFECTIONS PLAQUETTAIRES.
transfuser et de laisser incuber 30 minutes
Thrombopénies • Par diminution de la production avant de l’administrer [55].
Aplasie toxique En raison de la grande labilité de certains
facteurs et des plaquettes, le sang doit être
Aplasie postvirale prélevé depuis très peu de temps.
Aplasie postchimiothérapique
Envahissement médullaire (processus myéloprolifératif)
HYPOPROTÉINÉMIES
Aplasie idiopathique
• Par augmentation de la destruction Lorsque la protéinémie devient inférieure
Coagulation intravasculaire disséminée
à 50 g/L ou que l’albuminémie chute au-
dessous de 15 g/L, l’apport de plasma (frais
Thrombopénies immunologiques ou congelé) ou d’albumine est conseillé par
Thrombopénies idiopathiques certains mais controversé par d’autres
[49, 75, 76] . En effet, environ 60 % de
Thrombopathies
l’albumine de tout l’organisme se trouve
dans le milieu interstitiel et en équilibre avec
TABLEAU IV. – TRANSFUSION SANGUINE : INDICATIONS DANS LES le plasma. La compensation d’une
TROUBLES DE LA COAGULATION PLASMATIQUE (D’APRÈS FOGH ET hypoalbuminémie suppose donc que soient
FOGH [33]). pris en compte le milieu intravasculaire mais
Affections héréditaires Affections acquises aussi le milieu extravasculaire. Les quantités
de plasma qui doivent être administrées sont
Hypofibrinogénémie (saint-bernard) Intoxication aux antivitamines K alors considérables et ces auteurs préfèrent
(accidentelle ou iatrogène) utiliser des substituts colloïdaux comme le
Hypoprothrombinémie (boxer) Néoplasie (inhibition ou déficit de dextran ou l’hydroxyéthylamidon [49, 72].
certains facteurs) La quantité de plasma habituellement
Hypoproconvertinémie (beagle, alaskan Coagulation intravasculaire disséminée préconisée est d’environ 5 à 20 mL/kg [34]. Si
malamute) l’on ne dispose pas de dérivés sanguins, le
sang total est utilisable, mais les risques de
Hémophilie A (berger allemand et Insuffisance hépatique sévère
nombreuses autres races)
surcharge vasculaire sont accrus.
Dans les cas les plus sérieux, l’amélio-
Hémophilie B ration de l’état de l’animal n’est que très
Maladie de von Willebrand (alaskan fugace si l’origine des fuites protéiques n’est
malamute, cocker, cairn et scottish pas identifiée et traitée.
terriers, labrador...) Les causes les plus fréquentes sont
Déficit en facteur X (cocker) certaines affections rénales (syndrome
néphrotique notamment), les entéropathies
Déficit en facteur XI (montagne des chroniques avec fuite protéique, les troubles
Pyrénées, kerry blue terrier, springer graves des fonctions de synthèse hépatique
spaniel)
(cirrhose notamment), les brûlures
étendues… Les hypoprotéinémies graves
(coumariniques plus particulièrement), les sont secondaires à des néoplasies (déficit ou secondaires à ces affections sont moins
déficits acquis ou congénitaux en un ou inhibition de certains facteurs, CIVD) ou à courantes chez le chat [35].
plusieurs facteurs de coagulation et les des affections hépatiques.
coagulations intravasculaires disséminées En dehors du traitement de la cause, si
(CIVD). elle est connue, l’apport de sang frais ou de DÉFICITS IMMUNITAIRES
Dans les deux premières catégories dérivés sanguins est la thérapeutique de
d’affections, l’utilisation de plasma (frais ou choix lors de CIVD en phase aiguë. Le but L’administration de sang total ou de
congelé) est préférable. plasma à des chiots atteints de certaines
est d’éviter un choc hémorragique, de
maladies virales telles que la parvovirose
Dans les intoxications, l’animal doit être maintenir la numération plaquettaire autour
permet, outre la lutte contre la déshydra-
transfusé si l’hématocrite est inférieur à de 30 000/mm3, la fibrinogénémie autour
tation ou l’anémie éventuelles, la
0,20 L/L, s’il présente des hémorragies de 50 mg/dL et d’apporter des facteurs de transmission d’une certaine immunité
pulmonaires importantes ou s’il est en état coagulation [55, 71, 76]. La notion selon laquelle passive, par l’intermédiaire des anticorps
de choc hypovolémique. Il est recommandé le traitement de la CIVD par du sang ou des plasmatiques apportés [13].
de ne pas dépasser 20 mL/kg et la vitesse de dérivés sanguins met « de l’huile sur le feu »
4 à 6 mL/min [61]. est très controversée [34, 71] . Il semble
Les affections héréditaires de la souhaitable de transfuser dans la première
coagulation plasmatique sont nombreuses PRODUITS UTILISABLES : SANG, DÉRIVÉS
phase de la CIVD. On administre alors 6 à
SANGUINS ET SUBSTITUTS
mais peu courantes, voire très rares pour 10 mL/kg de sang frais, une ou deux fois en TRANSPORTEURS D’OXYGÈNE
certaines (tableau IV) [33]. 24 heures. Il est nécessaire d’associer de
Les principales coagulopathies acquises l’héparine à raison de 75 UI/kg toutes les Pour garder son intégrité physique et
non toxiques rencontrées chez le chien et 8 heures pour améliorer l’action de biologique, le sang doit être mélangé à un
pouvant nécessiter une transfusion sanguine l’antithrombine III et limiter ainsi les risques anticoagulant au moment du prélèvement.
TRANSFUSION SANGUINE CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT : ASPECTS PRATIQUES — 1300 5
L’anticoagulant empêche l’activation des durée de conservation recommandée – pas d’activation du facteur VIII ;
mécanismes de la coagulation, mais n’excède jamais 21 jours. Selon les solutions – moindre contamination bactérienne ;
n’améliore pas les possibilités de et les conditions de stockage, elle peut être – possibilité de centrifugation et de
conservation. Dans ce dessein, il est inférieure. séparation aseptique des différents
nécessaire d’ajouter des additifs ou de La conservation du sang a pour objectif constituants ;
séparer les différents composants du sang. La de maintenir le plus longtemps possible la – pas d’entrée d’air lors de la
préparation de dérivés sanguins a pour viabilité des différents constituants, de transfusion ;
objectifs d’optimiser l’utilisation de cette prévenir les modifications physicochimiques – pas de risque de casse lors des
matière première rare qu’est le sang, et de limiter la prolifération bactérienne. différentes manipulations ;
– coût inférieur du récipient ;
d’améliorer la conservation de ses différents Les solutions anticoagulantes le plus – stockage facilité par un encombrement
constituants et de limiter les risques de classiquement utilisées en médecine moindre.
contamination et de prolifération vétérinaire sont l’ACD et le citrate phosphate Chez le chat, il est également possible de
bactérienne. dextrose (CPD). Le pH du CPD est plus faire directement le prélèvement sur une
élevé. Il contient des phosphates sous forme seringue en plastique dans laquelle on a mis
de phosphate monosodique monohydraté, la solution anticoagulante.
plus de citrate et moins d’acide citrique que La composition du sang total conservé à
SANG FRAIS l’ACD [78] . La solution CPD présente 4 °C se modifie progressivement au cours du
plusieurs avantages. Les plus importants temps. L’altération cellulaire progressive est
On appelle sang frais du sang prélevé sont : responsable d’une hémolyse post-
depuis moins de 24 heures. – un meilleur maintien du potassium transfusionnelle. Chez le chien, la demi-vie
En médecine humaine, l’intérêt actuel du intracellulaire ; des hématies transfusées est de 25 jours
sang frais par rapport au sang total conservé – un meilleur maintien de l’hémo- environ pendant les 4 premières semaines de
se limite pratiquement à l’exsanguino- globine intracellulaire ;
conservation. Elle chute ensuite très
transfusion [78] . Les vétérinaires ayant – un maintien pendant un temps plus
rapidement [65]. On note également au cours
rarement à leur disposition des stocks de long des taux de 2,3 diphosphoglycérate
(2,3 DPG) et d’acide adénosine triphospho- du temps une augmentation progressive de
sang conservé et pratiquement aucun dérivé l’hémoglobine et du potassium plasmatiques
du sang, l’utilisation du sang frais est rique (ATP) ; ils sont considérés comme des
indicateurs de la viabilité mais aussi des alors que le potassium intraérythrocytaire
beaucoup plus répandue. chute régulièrement. Pour assurer une
Si l’on ne dispose pas de dérivés sanguins fonctions du sang, c’est-à-dire de l’affinité de
l’hémoglobine pour l’oxygène ; ces meilleure conservation, il est souhaitable de
et compte tenu de ces contraintes remuer délicatement le sang pendant son
observations ont été faites pour la
techniques, il est important de rappeler que conservation du sang humain mais stockage, en moyenne deux fois par semaine
le sang frais est particulièrement intéressant également pour celle du sang de chien [35, 76]. Les modifications de la composition
à utiliser dans un certain nombre de [26, 28, 64, 65, 67, 78, 81] ; chez le chat, il a été électrolytique du sang conservé sont
situations : montré [57] que la conservation des hématies toutefois différentes chez l’homme et le
– lorsqu’un trouble de l’hémostase sur ACD à 4 °C est d’une trentaine de jours. chien. Dans cette espèce, l’augmentation de
primaire ou secondaire doit être combattu ; D’autres milieux de conservation comme la teneur en potassium et en sodium est peu
en effet, la viabilité des plaquettes diminue le storage medium for blood (SMB) importante dans la mesure où la concen-
très rapidement dans le sang conservé ; de la permettent une conservation d’environ tration intraérythrocytaire en potassium et
même façon, on observe une rapide 6 semaines, mais leur usage ne s’est pas en sodium est faible [65, 67].
diminution de certains facteurs (V et VIII développé [74]. Le CPDA-1 ou CPD adénine
notamment), alors que d’autres sont activés Par ailleurs, dans le sang total conservé à
(citrate phosphate dextrose adénine), très 4 °C, la durée de vie des leucocytes et des
(IX, X et XI) [3, 78] ;
utilisé chez l’homme parce qu’il assure une plaquettes n’excède pas quelques heures
– en cas d’insuffisance rénale aiguë et
dans tous les cas où l’on redoute une conservation plus longue des hématies, est [32, 56, 78].
surcharge en potassium ; dans le sang total encore peu répandu en médecine La conservation entraîne la diminution
prélevé sur acid citrate dextrose (ACD) et vétérinaire [53]. L’héparine peut être utilisée, d’un certain nombre de facteurs de
conservé à 4 °C, la quantité de potassium mais elle n’a aucune action conservatrice. coagulation (cf supra).
passe de 4 mEq/L à 23 mEq/L après 21 Par ailleurs, elle entraîne une activation La contamination du sang de chien
jours de conservation ; plaquettaire. Le sang prélevé sur héparine conservé par des bactéries (bacilles à Gram
– en cas d’insuffisance hépatique grave et doit être utilisé dans les 48 heures au négatif notamment) semble fréquente [65].
d’apport sanguin important parce que maximum et de préférence dans les 2 heures. Néanmoins, elle ne paraît pas modifier
l’hémolyse post-transfusionnelle est Selon les auteurs, la dose d’héparine varie significativement la qualité de conservation
supérieure avec le sang conservé [80] ; entre 250 et 625 unités pour 50 mL de des hématies.
– en cas de choc septique ; dans une telle sang [4].
situation, le transport et le relargage La nature du récipient est également
périphérique de l’oxygène sont essentiels et importante. Ainsi, il a été montré [3, 27, 53, 77] CONCENTRÉ DE GLOBULES ROUGES
supérieurs avec du sang frais [78] ; que les poches en plastique présentaient
– si l’on doit administrer une quantité plusieurs avantages par rapport aux flacons Il est défini en médecine humaine [78]
très importante de sang. de verre : comme une suspension de globules rouges
– moins de mousse et de traumatismes dont la teneur minimale en hémoglobine est
mécaniques des cellules lors du remplissage, de 22 g/100 mL. Il est obtenu à partir de
surtout en cas de prélèvement sous vide ; flacons de sang conservé, centrifugés au plus
SANG CONSERVÉ TOTAL – viabilité accrue des hématies grâce au tard dans les 3 jours qui suivent le
maintien du pH à des valeurs plus élevées au prélèvement. Il est conservé entre 0 et 6 °C
On appelle sang conservé total du sang cours du temps ; pendant 8 jours.
prélevé aseptiquement dans un récipient – pas d’adhésion (et donc d’activation) En médecine vétérinaire, ces dérivés
contenant une solution anticoagulante. La des plaquettes sur les parois ; sanguins commencent à être utilisés dans
6 ANÉSTHÉSIE-RÉANIMATION 1300
certaines universités mais il n’existe pas composants du sang, des difficultés transforme en fibrine sous l’action de la
actuellement de standardisation [5, 56, 75]. d’approvisionnement en produits humains thrombine. Il se conserve à 4 °C, 3 ans au
Les auteurs rapportent une conservation de (auprès des centres de transfusion sanguine) plus.
21 à 35 jours [4, 59, 67], sous réserve, comme et de leur coût souvent très important. C’est surtout dans les processus de
pour le sang total, d’un retournement Enfin, les troubles de l’hémostase sont sous- défibrination par destruction (fibrinolyse)
délicat et fréquent des poches destiné à diagnostiqués ou biologiquement difficiles à qu’il est utilisé. Cela suppose un diagnostic
brasser les hématies et à maintenir un taux explorer de façon approfondie en pratique biologique précis car en cas de CIVD ou
correct en ATP, glucose et 2,3 DPG [76]. quotidienne. processus de défibrination par consom-
L’obtention d’un concentré de globules
PROTÉINES COAGULANTES mation, il peut entretenir le processus et
rouges nécessite une centrifugation à
aggraver le syndrome.
2 000 g pendant 30 minutes [77] ou à Plasma frais
5 000 g pendant 5 minutes à 1-6 °C [3, 4]. En théorie, il est également indiqué dans
C’est un plasma séparé des hématies
L’hématocrite d’un concentré est les déficits héréditaires en fibrinogène. Ces
moins de 4 heures après le prélèvement et
d’environ 60 à 80 %. Le concentré renferme affections sont vraisemblablement très rares
utilisé dans les 24 heures [3].
peu d’anticoagulant, de plasma, de (ou en tout cas rarement diagnostiquées) en
plaquettes et de fibrinogène [59, 77]. Plasma conservé médecine vétérinaire et, en l’absence de rôle
Le concentré de globules est particuliè- Il est conservé entre 1 et 6 °C mais la curatif, l’intérêt pratique et les contraintes
rement intéressant en cas de risque de diminution rapide de certains facteurs de économiques d’une telle thérapeutique
surcharge circulatoire, particulièrement en coagulation en fait un produit peu limitent considérablement son utilisation
cas d’affection cardiaque congestive, intéressant [3, 59]. dans ces dernières indications.
d’œdème pulmonaire ou chez les patients
Plasma frais congelé
très hypoxiques. De plus, les risques PPSB
d’immunisation vis-à-vis des antigènes En médecine humaine, on appelle
plasma frais congelé du plasma provenant La fraction coagulante PPSB est un
leucocytaires ou plaquettaires, et donc
d’un seul donneur, séparé et congelé dans les produit lyophilisé préparé à partir du plasma
d’accidents transfusionnels ultérieurs, sont
vraisemblablement diminués [75]. 6 heures, dépourvu de débris cellulaires, humain et contenant sous forme concentrée
Par ailleurs, la séparation et la conservé à – 30 °C pendant moins de 4 mois de la prothrombine (facteur II), de la
conservation du plasma permettent une (ou moins de 1 an à – 60 °C) et injecté proconvertine (facteur VII), le facteur Stuart
utilisation plus rationnelle et plus moins de 2 heures après décongélation. Sa (facteur X) et le facteur antihémophilique B
économique du sang prélevé. teneur en facteurs de coagulation ne doit pas (facteur IX). Il se conserve à 4 °C, 3 ans au
La viscosité plus élevée diminue la vitesse être inférieure à 70 % de celle d’un plasma plus.
d’administration. En cas de nécessité, il est normal pour les facteurs les plus labiles (V et En médecine vétérinaire, l’indication
possible de faire une dilution avec du VIII). principale est le déficit acquis et associé des
chlorure de sodium (NaCl) isotonique à Chez le chien, la stabilité des facteurs de facteurs II, VII, IX et X, tous les quatre
raison de 0,5 à 1 mL par mL de concentré coagulation n’est pas parfaite, mais reste vitamine K-dépendants : défaut d’assimi-
[59, 77]. satisfaisante pendant 1 an si les conditions lation de la vitamine K ou, le plus souvent,
de stockage sont bonnes (– 30 °C) [3, 41, 75]. intoxication par des antivitamines K
Pour l’albumine et les facteurs vitamine
(accidentelle ou lors de traitement
K-dépendants (II, VII, IX, X), elle est de
anticoagulant sur des animaux en état
PLASMA RICHE EN PLAQUETTES 3 ans [3, 75].
d’hypercoagulabilité par exemple).
Les indications du plasma frais congelé
Pour la préparation d’un plasma riche en sont :
– le remplissage vasculaire en cas ALBUMINE
plaquettes, la centrifugation se fait à
température ambiante et à 1 200 g pendant d’hypovolémie aiguë ou subaiguë (chocs L’albumine représente environ 60 % des
seulement 2,5 minutes [3] ou à 375 g traumatiques, réanimation chirurgicale) ; protéines plasmatiques. De l’albumine
– le traitement des déficits en facteurs de canine fut longtemps commercialisée en
pendant 15 à 20 minutes [ 7 0 , 7 7 ] . La
coagulation (notamment en facteur IX ou médecine vétérinaire [17]. Malheureusement,
conservation est possible pendant 8 heures hémophilie B) et les intoxications par les
et se fait à température ambiante. elle est retirée du marché depuis plusieurs
antivitamines K ;
– le traitement des hypoalbuminémies. années.
Actuellement, pour les vétérinaires Les principales indications de son
français, seules des méthodes de préparation administration sont la restauration du
PLASMA ET DÉRIVÉS et de conservation très « artisanales » volume plasmatique dans les chocs
permettent d’avoir du plasma frais congelé. hypovolémiques, brûlures…
De nombreuses protéines plasmatiques Sa conservation dans un congélateur
sont préparées à partir du plasma humain. domestique semble pouvoir atteindre 3 mois IMMUNOGLOBULINES HUMAINES (IG) G
Ces dérivés sanguins ont, chez l’homme, [76, 77].
considérablement limité l’utilisation du sang Elles sont recommandées comme
Le plasma frais congelé doit être traitement adjuvant lors de thérapeutiques
total en permettant de traiter spécifi- décongelé à 30-37 °C pendant 30 minutes
quement certains déficits, pour autant qu’ils immunosuppressives chez les chiens atteints
environ et administré sans tarder [59]. La
aient été précisément diagnostiqués d’anémie hémolytique à médiation immune
posologie moyenne recommandée est de 6 à
cliniquement et surtout biologiquement. et à la dose de 0,5 à 1 g/kg. On les
10 mL/kg par voie intraveineuse [50, 77].
Leur utilisation en médecine vétérinaire est administre en perfusion intraveineuse lente
encore très restreinte en raison de l’absence Fibrinogène (6 à 8 heures). Malheureusement leur coût
de produits spécifiquement vétérinaires, des C’est une préparation lyophilisée est très élevé et il existe des risques
contraintes techniques pour effectuer une renfermant du fibrinogène (ou facteur I), d’accident grave si l’injection est renouvelée
séparation de bonne qualité des différents constituant soluble du plasma qui se (fort pouvoir immunogène) [50].
TRANSFUSION SANGUINE CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT : ASPECTS PRATIQUES — 1300 7
AUTRES DÉRIVÉS SANGUINS ASPECTS TECHNIQUES Le stockage doit se faire entre 1 et 6 °C.
DE LA TRANSFUSION Toute variation de plus de 2 °C au cours du
Ils sont peu ou pas utilisés en médecine stockage est préjudiciable et en aucun cas on
vétérinaire. RÉCOLTE DU SANG ne doit restocker du sang qui serait resté plus
de 30 minutes à une température supérieure
TRANSFUSION DE PLAQUETTES CHEZ LE CHIEN
à 10 °C [76].
Seuls quelques cas lors de greffe de Il peut être très intéressant pour une Tout flacon entamé (ou simplement
moelle osseuse, de maladie de Chediak- clinique de disposer d’un chien donneur. Le ponctionné) doit être utilisé dans les 24 heures.
Higashi ou de thrombocytopénie à sujet idéal est un chien docile de 25 à 30 kg,
médiation immune sont rapportés [50]. âgé de 1 à 9 ans, de groupe A– (c’est-à-dire CHEZ LE CHAT
DEA 1.1 et DEA 1.2 négatif), si possible
Chez l’homme, la transfusion de Si les mêmes recommandations
DEA 7 négatif, n’ayant jamais été transfusé
plaquettes est indiquée dans les thrombo- s’appliquent au chat, il existe certaines
et dont l’état sanitaire est connu ou contrôlé,
pénies ou les thrombopathies associées à un particularités [35, 43, 52, 70].
particulièrement en ce qui concerne la
syndrome hémorragique. Le délai entre le Le donneur idéal est un animal adulte de
piroplasmose, l’ehrlichiose et autres
prélèvement et l’utilisation est inférieur à 5 kg, ayant un hématocrite de 35 % et une
affections plus ou moins régionales
36 heures. protéinémie de 60 g/L. Il doit être vacciné
(dirofilariose etc). Il doit être régulièrement
vacciné (rage, maladie de Carré, hépatite, contre la rage, la leucose, la panleucopénie,
TRANSFUSION DE NEUTROPHILES
leptospirose). Il peut donner en moyenne la chlamydiose, les calicivirus. Il est
Elle nécessite un séparateur de cellules et 20 mL de sang par kg de poids, toutes les 2 souhaitable que les femelles soient castrées
sa conservation est très fugace (quelques semaines. Après un rappel de vaccination, pour des raisons équivalentes à celles que
heures) [50]. aucun prélèvement ne doit être effectué dans nous avons vues précédemment. En
les 10 jours qui suivent (modification des revanche, une gestation antérieure n’est pas,
fonctions plaquettaires…) [3, 4, 5] . Si le dans cette espèce, une contre-indication au
donneur est une femelle, la castration est don du sang [35]. En effet, puisqu’il existe des
SUBSTITUTS TRANSPORTEURS D’OXYGÈNE souhaitable en raison de l’action des iso-agglutinines « naturelles », il ne peut y
œstrogènes sur la numération et les avoir iso-immunisation ( 2 ) lors de la
Des substituts transporteurs d’oxygène fonctions plaquettaires [4]. Une femelle A– gestation ou de la mise-bas.
sont à l’étude depuis quelques années [83]. peut s’immuniser durant une gestation ou Si on admet que la répartition raciale des
L’un d’eux (Oxyglobint)(1) est maintenant une mise bas, il est donc important qu’elle groupes sanguins des chats français est
commercialisé aux États-Unis. Il s’agit d’une n’ait jamais eu de petits [5, 48]. Un donneur comparable à celle d’autres pays [9, 30, 35, 63], il
hémoglobine bovine polymérisée, dans une régulier doit recevoir une alimentation est préférable de choisir un donneur de race
solution modifiée de lactate de Ringer. Sa équilibrée et supplémentée en fer (0,5 mg commune. Il est possible, sur un tel sujet, de
demi-vie chez le chien est de 30 à 40 heures. par mL de sang prélevé) [3, 4, 70]. prélever 50 mL de sang tous les 15 jours,
Apportant de l’oxygène des poumons Pour prévenir tout risque de contami- mais de nombreux auteurs admettent que
jusqu’aux tissus, ses indications sont celles nation, le prélèvement doit être effectué l’on peut ponctionner en moyenne
des anémies. Son administration est contre- aseptiquement (préparation chirurgicale du 20 mL/kg, tous les 10 à 15 jours [44]. Le
indiquée en cas d’insuffisance cardiaque site de ponction) et sur un animal à jeun. volume prélevé est remplacé par un volume
congestive (risque de surcharge vasculaire) Chez le chien, la ponction se fait le plus égal de liquide isotonique administré par
ou rénale. Son administration est associée à souvent à la veine jugulaire, parfois à l’artère voie intraveineuse ou intrapéritonéale. Si le
un certain nombre d’effets secondaires : fémorale ou par ponction intracardiaque. donneur est prélevé plus d’une fois par mois,
baisse de l’appétit, de la soif, abattement Pour ne pas endommager les cellules l’hématocrite doit être mesuré avant le
pendant 48 heures, troubles digestifs, sanguines et activer le système de prélèvement [3, 63].
coloration orangée de la peau et des coagulation, la ponction doit être franche et L’anesthésie du chat donneur est souvent
muqueuses, modification de la couleur des le prélèvement rapide [76]. nécessaire. On utilise une association de
selles et des urines… On note également des Le sang est recueilli sur un milieu diazépam et de kétamine par voie
modifications de l’hématocrite, de anticoagulant (ACD, CPD…) dans une intraveineuse. L’acépromazine modifie les
l’hémoglobinémie et de la numération poche plastique ou un flacon en verre. Pour fonctions plaquettaires. Elle ne doit pas être
érythrocytaire pendant environ 24 heures. limiter sensiblement la formation d’agrégats, utilisée [63].
Un certain nombre de dosages le flacon doit être agité doucement pendant
biochimiques peuvent être anormalement toute la durée du prélèvement [79]. Le prélèvement se fait à la veine jugulaire
modifiés en fonction des techniques et des À la fin du prélèvement, le récipient doit à l’aide d’une aiguille 18G ou 19G, montée
analyseurs utilisés. C’est souvent le cas pour être parfaitement identifié (date de sur une seringue de 60 mL contenant une
la kaliémie, la natrémie, les transaminases prélèvement, date d’expiration, espèce solution anticoagulante. La voie intracar-
(ALT, AST)… animale, nom du donneur, groupe). diaque est utilisée par certains [76]. Si le sang
On doit contrôler la qualité biologique doit être utilisé immédiatement, on peut
Le produit est stable sur plus de 24 mois
et se conserve entre 2 et 30 °C. Il est du sang prélevé. Le risque infectieux avec mettre dans la seringue 750 unités
administré par voie veineuse, à la dose de contamination du receveur est un des plus d’héparine. S’il doit être conservé, on utilise
30 mL/kg et à raison de 10 mL/kg/h. importants. Les agents infectieux potentiels 8 mL d’une solution ACD ou CPD. Le sang
sont nombreux et variables selon les régions. est ensuite délicatement transvasé dans un
Toutes les indications, contre-
Mais, pour des raisons de coût, de temps etc, récipient (poche plastique ou flacon en
indications et effets secondaires de ce
il n’est guère possible de tout éliminer. Il est verre) et stocké à 4 °C.
produit ne sont pas encore connus mais c’est
un premier pas très encourageant. prudent de faire au minimum un
(2) Iso-immunisation (ou allo-immunisation) : apparition
hémogramme, la recherche du groupe
d’anticorps (allo-anticorps) dans un organisme qui a reçu un
(1) Biopure Corporation, Cambridge, Massachusetts, États- sanguin, vérifier l’absence de parasites antigène provenant d’un sujet de la même espèce (allo-
Unis. sanguins. antigène).
8 ANÉSTHÉSIE-RÉANIMATION 1300
Si le chat n’est pas un donneur habituel
dont l’état sanitaire est parfaitement connu, chien à transfuser
le virus de la leucose, les anticorps contre le
virus de l’immunodéficience féline ou de la primotransfusion retransfusion
péritonite infectieuse féline et l’hémobarto-
nellose doivent bien sûr être recherchés.
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¶ 1500
Coup de chaleur
A. Colson, M. Gogny
Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 1
1500 ¶ Coup de chaleur
Pr
od
uc
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Échanges thermiques
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2 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
Coup de chaleur ¶ 1500
Environnement Métabolisme
- Chaleur Facteurs prédisposants
- Humidité - Exercice
- Défaut de ventilation Augmentation de - Paralysie laryngée
la température - BAOS
corporelle - Maladies cardiaques
- Obésité
Activité musculaire - Affections du SNC
Hypothalamus
Augmentation de la
circulation sanguine
cutanée
Figure 2. Réponse physiologique à l’hyperthermie [6]. BAOS : brachycephalic airway obstruction syndrome (syndrome brachycéphale) ;
SNC : système nerveux central.
Échanges thermiques profit via la sudation tandis que chez le chien, il s’agit
de la polypnée thermique. En effet, l’air sortant de la
Les pertes de chaleur font intervenir plusieurs phé- bouche et des cavités nasales se charge à chaque
nomènes physiques que sont la radiation, la conduc- passage de vapeur d’eau. Cependant, la polypnée
tion, la convection et l’évaporation (Fig. 2) [6]. requiert une activité intense de la part des muscles
La radiation, ou rayonnement, correspond aux ondes respiratoires, elle-même génératrice de chaleur. Par
électromagnétiques, essentiellement infrarouges, émises ailleurs, une atmosphère déjà saturée en vapeur d’eau
par la peau. (degré d’hygrométrie élevé) limite considérablement les
La conduction est un échange thermique principale- pertes calorifiques par évaporation.
ment entre deux solides, à condition qu’ils aient un
coefficient de conduction thermique suffisant. Ce
phénomène est utilisé chaque fois qu’un animal cher- Lutte contre l’hyperthermie
che à se coucher sur un sol frais. La conduction est
favorisée par une vasodilatation périphérique et une Diminution de la thermogenèse
élévation du rythme cardiaque. Dans la lutte contre l’hyperthermie, la production de
La convection est un échange thermique entre un chaleur (effet Joule) liée aux réactions métaboliques
solide et un fluide. L’air réchauffé par l’animal monte cellulaires est baissée jusqu’à sa valeur minimale
et emporte la chaleur ; ce mouvement renouvelle l’air (métabolisme d’entretien).
au contact de l’organisme et améliore l’élimination de Les réactions comportementales accentuent ce phé-
la chaleur. La ventilation d’un bâtiment ou le vent nomène, avec une baisse de l’activité motrice et de
jouent un rôle important dans les pertes calorifiques l’appétit.
d’un organisme ; ils contribuent également à abaisser le
degré hygrométrique autour de l’animal. Augmentation de la thermolyse
La radiation et la convection représentent plus de Les échanges thermiques précédemment cités per-
70 % des pertes calorifiques chez le chien et le chat. mettent à l’organisme de perdre de la chaleur.
Bien que la conduction ne représente que 3 % des Des réactions comportementales tendent à augmen-
pertes totales en chaleur chez l’être humain, on estime ter l’efficacité de ces échanges : recherche d’un endroit
que sa participation est beaucoup plus importante chez frais et ventilé, d’un sol humide et frais, étalement des
le chien [6]. Lorsque la peau est mouillée, la conduction membres (augmentation de la surface de contact), etc.
est environ cinq fois supérieure et l’élimination de Malheureusement, ces échanges peuvent s’inverser,
chaleur nettement accrue. en particulier si l’animal repose sur des surfaces brûlan-
L’eau demande une quantité non négligeable d’éner- tes (sièges de voiture par exemple). C’est la pire des
gie pour passer de l’état liquide à l’état gazeux, l’évapo- configurations : aucune thermolyse n’est possible et
ration. Chez l’être humain, cette propriété est mise à l’évolution défavorable est très rapide.
Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 3
1500 ¶ Coup de chaleur
Le système nerveux autonome met en place divers favorise l’augmentation de l’hygrométrie et le milieu
moyens pour favoriser les pertes calorifiques : vasodila- n’est pas, ou peu, ventilé. Une étude a montré que
tation périphérique, augmentation du débit cardiaque, 50 % des chiens hyperthermes emprisonnés dans une
hypersalivation, polypnée, etc. [5]. voiture dans laquelle la température est de 29 °C et le
taux d’hygrométrie est de 90 % ont un temps de survie
de 48 minutes [3].
■ Épidémiologie Un autre cas fréquent est celui du chien enchaîné
dans un enclos en ciment exposé au soleil. Dans ce cas,
le chien est victime de la radiation directe du soleil et,
Classification et hiérarchisation indirectement, du béton, et il est victime de transferts
des coups de chaleur caloriques du ciment vers son organisme.
Le coup de chaleur peut malheureusement aussi être
En médecine humaine, les maladies causées par la iatrogène ; c’est typiquement le cas de l’animal dysp-
chaleur sont classifiées selon leur sévérité. néique que l’on confine en cage à oxygène. En effet,
Les crampes de chaleurs (heat cramps) sont caractéri- l’accumulation de dioxyde de carbone (gaz à « effet de
sées par une forte déshydratation, des crampes muscu- serre ») et le confinement dans une cage à oxygène
laires et un déficit en sodium. Elles sont rarement favorisent l’augmentation de température et
diagnostiquées en médecine vétérinaire. d’hygrométrie.
L’épuisement par la chaleur (heat exhaustion) est
caractérisé par une léthargie et une incapacité à fournir Acclimatation
un effort.
Comme les êtres humains, les animaux tolèrent
La prostration provoquée par la chaleur (heat prostra-
mieux les hautes températures s’ils y sont habitués.
tion) est caractérisée par des céphalées, des vomisse-
On estime qu’il faut entre 7 et 21 jours à un être
ments, une tachycardie et de l’hypotension.
humain pour s’acclimater partiellement à un environ-
Le coup de chaleur (heatstroke) est le dernier degré et
nement chaud [7].
le plus grave. Il correspond à un état de choc provoqué
Il semble qu’il faille environ 10 à 20 jours à un
par la chaleur [6].
animal pour s’acclimater partiellement et 2 mois pour
En médecine vétérinaire, on préfère parler de « coup
s’acclimater en totalité [6, 8].
de chaleur classique » et de « coup de chaleur d’exer-
cice ». Ce dernier, le moins fréquent, concerne les Facteurs individuels
animaux de travail comme les chiens de course.
De nombreux facteurs individuels sont susceptibles
de favoriser l’apparition d’un coup de chaleur [6, 8-10].
Facteurs prédisposants et favorisants Les animaux jeunes ou âgés supportent moins bien
la chaleur, sans doute à cause d’une moins bonne
efficacité de la polypnée thermique et d’un contrôle
moins bon de la thermorégulation.
“ Points forts
Les animaux en situation d’insuffisance respiratoire
sont plus sensibles au coup de chaleur. Ainsi
reconnaît-on les races brachycéphales (bouledogue
français, bulldog anglais, boxer, etc.) [11], les chiens
Facteurs favorisant au coup de chaleur
atteints de paralysie laryngée (Labrador retriever,
• Endroit chaud, humide et mal ventilé
rottweiler, etc.) et les chiens atteints de collapsus
• Défaut d’acclimatation trachéal (Yorkshire terrier).
• Privation d’eau L’obésité est aussi un facteur prédisposant car les
• Syndrome brachycéphale, paralysie laryngée, lipides jouent leur rôle d’isolant thermique entre la
collapsus trachéal peau et les parties profondes de l’organisme. De la
• Maladies intercurrentes (cardiovasculaires, même façon, un pelage épais ou dense diminue l’élimi-
pyrogènes, etc.) nation de chaleur en milieu clos non ventilé. En
• Maladies du système nerveux central revanche, sous réserve d’une circulation d’air suffisante,
• Obésité il pourrait mieux protéger la peau du rayonnement
• Animal très jeune ou âgé solaire direct.
• Robe à poils longs, de couleur sombre Les animaux de couleur sombre supportent moins
bien l’exposition au chaud, puisqu’ils jouent le rôle de
corps noir et absorbent proportionnellement plus de
rayons infrarouges que des animaux de couleur plus
claire.
Facteurs environnementaux La prise d’un repas augmente la production de
Le coup de chaleur apparaît pendant des périodes chaleur métabolique ; en période chaude, il vaut donc
estivales de chaleur intense, surtout lorsque le degré mieux alimenter les animaux en début et en fin de
d’hygrométrie ambiant est élevé, et le plus souvent en journée.
milieu confiné. La privation d’eau est bien entendu un facteur
Chez les carnivores domestiques, le cas le plus aggravant, la déshydratation étant l’une des composan-
classique est celui du chien enfermé dans une voiture. tes du coup de chaleur. Il est fondamental de veiller à
L’animal est prisonnier d’un véhicule en stationnement mettre à disposition de l’animal, en permanence, de
en plein soleil ou bien coincé avec son propriétaire l’eau fraîche et renouvelée.
dans un important embouteillage en période de cani- Les maladies intercurrentes, notamment l’insuffi-
cule. Dans ces cas, la température monte rapidement sance cardiaque, affaiblissent les moyens de lutte contre
jusqu’à dépasser 45 °C, le faible volume de l’habitacle la chaleur.
4 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
Coup de chaleur ¶ 1500
D’autres états encore prédisposent au coup de cha- In fine, les troubles hémodynamiques et le stress
leur, comme la douleur, l’excitation, le stress, etc. cellulaire participent au développement de lésions
myocardiques et pulmonaires [6].
Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 5
1500 ¶ Coup de chaleur
Examen biochimique urinaire Le dosage des lactates permet d’avoir une idée du
L’examen biochimique des urines peut fournir de pronostic vital immédiat. La lactatémie normale est
nombreux renseignements utiles. Une densité urinaire inférieure à 1 mmol/l chez le chat et comprise entre
très élevée (supérieure à 1,060) est compatible avec une 0,5 et 3,0 mmol/l chez le chien. Elle varie très rapide-
insuffisance rénale aiguë. ment et doit être suivie au cours de la réanimation.
Une couleur marron des urines est évocatrice de L’ionogramme met presque toujours en évidence une
myoglobinurie, reflet d’une hypermyoglobinémie et hypernatrémie, secondaire à la déshydratation, associée
donc d’une rhabdomyolyse importante [17]. le plus souvent à une hyperkaliémie modérée. Une
Enfin, une glucosurie sans hyperglycémie signe une hypophosphatémie et une hypocalcémie sont classi-
tubulopathie (nécrose tubulaire). ques ; leur mécanisme n’est pas encore connu [10, 17].
6 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
Coup de chaleur ¶ 1500
■ Traitement en urgence
et monitorage 3
Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 7
1500 ¶ Coup de chaleur
8 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
Coup de chaleur ¶ 1500
Enfin, la présence de myoglobine dans les urines [4] Holloway SA. Heatstroke in dogs. Compend Contin Educ
permet de s’attendre à une insuffisance rénale aiguë. Pract Vet 1992;14:1598-604.
De nombreux critères sont associés à un pronostic [5] Barone R, Bortolami R. Anatomie comparée des mammifè-
sombre [17]. res domestiques. Tome 6. Neurologie I. Système nerveux
central. Paris: Vigot; 2004.
[6] Flournoy WS, Wohl JS, Macintire DK. Heatstroke in dogs:
pathophysiology and predisposing factors. Compend Contin
Vétérinaire - Anesthésie-réanimation 9
1500 ¶ Coup de chaleur
Toute référence à cet article doit porter la mention : Colson A., Gogny M. Coup de chaleur. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Vétérinaire,
Anesthésie-réanimation, 1500, 2011.
10 Vétérinaire - Anesthésie-réanimation
AN 2100
L’état de choc correspond à une inadéquation entre les apports et les besoins tissulaires
en oxygène. Il est presque toujours secondaire à une défaillance hémodynamique. La
connaissance de la physiopathologie des différents états de choc permet une prise en
charge adéquate. L’hypovolémie est présente dans la plupart des états de choc, choc
cardiogénique excepté. Le traitement du choc hypovolémique passe par une correction
rapide et durable de la volémie par un remplissage vasculaire. La connaissance de la
pharmacologie des solutés permet de prédire leur comportement et de choisir le soluté
approprié. La restauration d’une hémodynamique normale est souvent associée à un bon
pronostic. Le choc septique est caractérisé par une infection associée à une défaillance du
système cardiovasculaire pouvant conduire à une hypovolémie. L’exposition aux lésions
de reperfusion est augmentée lorsque cet état de choc se prolonge, ce qui aggrave le
risque de défaillance multiviscérale. La prise en charge initiale de l’état de choc septique
est une urgence. Elle associe un traitement étiologique de l’infection et un traitement
symptomatique de l’hypovolémie. Le remplissage vasculaire demeure un aspect fonda-
mental du traitement et sa mise en route fait partie des soins de réanimation d’urgence.
La connaissance précise des caractéristiques, effets bénéfiques et secondaires des solutés
est donc primordiale.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
EMC - Vétérinaire 1
Volume 9 > n◦ 2 > mai 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1283-0828(12)24946-4
AN 2100 Choc hypovolémique et choc septique
Tableau 1.
Les différents états de choc.
Type de choc Volémie Fonctionnement Résistances Exemple Pronostic
myocardique vasculaires
Choc hypovolémique Diminuée Normal Normales Hémorragies Bon si traitement
Déshydratations sévères précoce
Choc septique Normale à diminuée Normal à diminué Diminuées : Perforation intestinale Mauvais
vasodilatation
Choc cardiogénique Normale Insuffisant Normales Cardiomyopathie Mauvais
décompensée
Classification des états guin adapté aux besoins en oxygène. Chez l’homme, il
s’agit le plus souvent d’un infarctus myocardique étendu.
de choc Chez les carnivores domestiques, il s’agit le plus souvent
d’une cardiomyopathie décompensée ou plus rarement
Les états de choc sont la conséquence d’une défaillance d’une arythmie sévère empêchant une contraction myo-
d’un ou plusieurs des constituants de l’appareil cardiovas- cardique efficace, par exemple une tachyarythmie très
culaire [1] : le volume circulant (choc hypovolémique), le rapide. Une autre cause est la tamponnade cardiaque.
cœur (choc cardiogénique) ou les vaisseaux (choc distri- Il peut également exister dans le cœur un obstacle à
butif dont le modèle est le choc septique). L’hypovolémie l’éjection du sang, par exemple lors d’une valvulopathie
est la perturbation le plus souvent rencontrée dans les sténosante ou d’une tumeur intracardiaque.
états de choc ; elle peut être déterminante (cas du choc Le pronostic des chocs cardiogéniques est mauvais.
hypovolémique) ou constituer une composante du choc La tamponnade cardiaque est de bon pronostic à court
(cas du choc septique). terme après ponction péricardique.
Il n’est pas question du choc cardiogénique dans le
développement qui va suivre ; seuls les chocs hypo-
Choc hypovolémique volémique et septique sont abordés dans cet article
(Tableau 1).
Le choc hypovolémique est le plus fréquent des chocs
rencontrés en médecine vétérinaire. Dans ce modèle
de choc, le volume circulant est insuffisant mais la
pompe cardiaque est performante et il n’y a pas de dys- Physiopathologie des états
fonctionnement vasculaire. L’hypovolémie est le plus
souvent absolue (déficit en liquide), c’est le cas lors de
de choc
perte de sang total (hémorragie, digestive ou trauma- Mécanismes physiologiques généraux
tique) ou de perte d’eau (diarrhée profuse, vomissements
incoercibles, diurèse excessive, etc.). L’hypovolémie peut Pour mieux comprendre le concept d’état de choc ou
également être relative (les liquides sont présents mais d’insuffisance circulatoire aiguë, il convient de rappeler
non disponibles), c’est le cas lors de la constitution d’un les composants du système hémodynamique [1] :
troisième secteur (cas des occlusions) ou en cas d’obstacle • le volume intravasculaire, ou volémie, qui détermine
le long du système cardiovasculaire (cas du syndrome le retour veineux (ou précharge) ;
dilatation-torsion de l’estomac durant lequel la dilatation • le cœur, dont le débit (DC) est fonction de la fréquence
de l’estomac comprime la veine cave caudale et gêne le cardiaque (FC) et du volume d’éjection systolique
retour veineux). Si le traitement est précoce, le pronostic (VEs) : DC = FC × VEs ;
des chocs hypovolémiques est favorable. • le circuit de résistance, formé par les artérioles, qui
détermine la postcharge, encore appelée résistances
vasculaires systémiques (RVS) ;
Choc septique • le système de capacitance veineuse, formé de veines de
moyen calibre et de grosses veines, incluant la veine
Le choc septique est le modèle du choc distributif. Lors
cave, qui constitue un réservoir sanguin (environ 70 %
d’un choc distributif, le volume circulant est normal, la
à 80 % du sang total). Les modifications de la compli-
fonction myocardique est elle aussi normale, mais les
ance veineuse régulent la capacitance qui, à son tour,
résistances vasculaires périphériques sont abaissées à la
régule le volume circulant effectif.
suite d’une défaillance de la réponse vasculaire périphé-
La pression artérielle (PA) est déterminée par le débit
rique (augmentation de la vasodilatation) induite par des
cardiaque et les RVS (Fig. 1) :
médiateurs de l’inflammation produits en réaction à des
PA = DC × RVS = FC × VEs × RVS
agents infectieux. Les autres causes de dysrégulation du
L’apport en oxygène (O2 ) est fonction du débit car-
tonus vasculaire sont des affections cérébrales (trauma-
diaque, de l’hémoglobinémie et de la saturation de
tisme crânien, coma anoxique, hémorragie cérébrale),
l’hémoglobine en O2 :
et le choc anaphylactique (piqûre d’insectes, réaction
apport en O2 (DaO2 ) (mlO2 /min) = débit cardiaque
médicamenteuse). Le pronostic des chocs distributifs est
(l/min) × concentration en hémoglobine (g/litre) × 1,31
variable : le choc septique est de mauvais pronostic, le
(mlO2 /gHb) × % de saturation de l’Hb.
choc anaphylactique est de bon pronostic.
L’état de choc résulte du dysfonctionnement d’un ou
plusieurs maillons de cette chaîne.
Choc cardiogénique L’hypotension artérielle est une composante
commune de tous les états de choc.
Le choc cardiogénique est un type de choc dans lequel De manière générale, il y a une baisse de débit
la pompe cardiaque est incapable d’assurer un débit san- cardiaque liée soit à un déficit volémique (choc
2 EMC - Vétérinaire
Choc hypovolémique et choc septique AN 2100
EMC - Vétérinaire 3
AN 2100 Choc hypovolémique et choc septique
4 EMC - Vétérinaire
Choc hypovolémique et choc septique AN 2100
EMC - Vétérinaire 5
AN 2100 Choc hypovolémique et choc septique
Tableau 2.
Composition électrochimique des principaux solutés cristalloïdes.
Type de cristalloïdes Osmolarité (mOsm/l) pH Na+ (mmol/l) Cl- (mmol/l) K+ (mmol/l)
NaCl 0,9 % 308 5 154 154 0
Ringer lactate 276 6,7 130 111 5,4
NaCl 7,5 % 2 567 5,7 1 283 1 283 0
Solutés cristalloïdes
Les solutés cristalloïdes isotoniques, représentés par
le chlorure de sodium (NaCl) à 0,9 % et le Ringer lac- Notion de pouvoir d’expansion volumique
tate, sont des solutions d’eau salée à la même osmolalité L’efficacité d’un soluté de remplissage vasculaire
que le plasma. Le NaCl à 7,5 % est une solution d’eau dépend d’abord de sa capacité à rester dans le secteur
salée hypertonique. Pour les solutés cristalloïdes, on vasculaire ou pouvoir d’expansion volémique (PEV). Un
assimile pouvoir osmotique et tonicité. L’efficacité des PEV de 20 % signifie que 20 % seulement du volume per-
solutés cristalloïdes repose sur leur pouvoir osmotique fusé participe à la restauration de la volémie, les 80 %
(Tableau 2). restants gagnent les autres compartiments hydriques de
l’organisme, c’est-à-dire le milieu intracellulaire ou le sec-
Solutés colloïdes teur interstitiel.
Les solutés colloïdes sont constitués de macromolé- La quantité de fluide à perfuser dépend du PEV qui
cules en solution dans de l’eau salée isotonique. On est fonction de la nature du soluté. Les volumes admi-
distingue les solutés colloïdes naturels (sang, plasma, nistrés sont d’autant plus grands que le PEV est faible
etc.), les solutés colloïdes synthétiques (polymères (cristalloïdes) ; les doses requises sont parfois délétères,
d’amidon). Les solutés colloïdes synthétiques sont désor- ce qui impose le recours à des solutés au PEV plus élevé
mais surtout représentés par les hydroxyéthylamidons (colloïdes). Nous étudierons les solutés par ordre de PEV
(HEA) [6] . Les HEA sont des polymères de l’amidon de maïs croissant.
modifiés par hydrolyse et hydroxylation. Ces solutés dif- Parce qu’ils se comportent comme des solutés hypoto-
fèrent par la taille des molécules qui les composent et le niques, les solutés glucidiques n’ont pas leur place dans
taux de substitution molaire des molécules de glucose. le remplissage vasculaire.
Schématiquement, plus le poids moléculaire diminue, L’ion sodium étant le déterminant de l’osmolalité plas-
plus l’élimination est rapide et les effets secondaires matique, tous les solutés utilisés dans le remplissage
rares. En France, seuls sont disponibles les HEA de bas vasculaire sont des solutés sodés.
poids moléculaire (Voluven® , Restorvol® , PlasmaVolume Les solutés colloïdes contiennent des macromolécules
6 %® ). L’efficacité des solutés colloïdes repose sur leur qui ne franchissent pas la barrière capillaire et sont donc
pouvoir oncotique. responsables d’un pouvoir oncotique.
Cristalloïdes isotoniques. Isotoniques, iso-
Place de la transfusion sanguine osmotiques au plasma, le NaCl à 0,9 % ou le Ringer
Les hémorragies étant une cause majeure de choc lactate ne migrent pas vers la cellule car les mouvements
hypovolémique, la transfusion sanguine constitue le trai- d’eau induits par l’osmose sont déterminés par les
tement de choix du choc hémorragique. En plus des différences de concentration entre deux compartiments.
liquides, l’apport de constituants sanguins (hématies, Cependant, le sodium franchissant librement la paroi
thrombocytes, facteurs de coagulation, etc.) participe à vasculaire, ces solutés se répartissent dans l’ensemble
l’oxygénation tissulaire, objectif premier du traitement du secteur extracellulaire au prorata de leur importance,
du choc, et au traitement des troubles de l’hémostase. c’est-à-dire à 75 % dans le secteur interstitiel et 25 % dans
le secteur vasculaire. Leur PEV n’est donc que de 25 %.
Transporteur d’oxygène Il faut administrer quatre fois le déficit volémique pour
Dans les conditions de notre exercice, les produits rétablir la volémie. Par exemple, si une perte sanguine
sanguins ne sont pas toujours immédiatement dispo- est estimée à 1 litre, il faut théoriquement perfuser
nibles. Un soluté contenant un transporteur d’oxygène, 4 litres de soluté cristalloïde isotonique pour la corriger.
l’hémoglobine bovine polymérisée (Oxyglobin® ), est dis- Parmi les solutés cristalloïdes isotoniques, malgré une
ponible mais son prix en limite l’emploi. osmolalité moindre et donc un PEV légèrement plus
6 EMC - Vétérinaire
Choc hypovolémique et choc septique AN 2100
faible, le Ringer lactate est souvent préféré au NaCl à d’autant plus marqué que le volume perfusé est impor-
0,9 % en raison de la présence de potassium, d’une plus tant, donc le risque est théoriquement plus élevé avec
faible teneur en chlore, de ses effets alcalinisants (pH à les solutés cristalloïdes isotoniques qu’avec les solutés
6,7 contre 5,0) dans un contexte où l’acidose est de règle colloïdes.
et apport de lactate métabolisé en bicarbonates, bien que Solutés colloïdes. Les solutés colloïdes, porteurs
cette transformation soit discutable en anaérobiose. Ces d’haptènes, exposent à des accidents allergiques de type
considérations sont très théoriques : si le Ringer lactate réaction anaphylactique. Chez l’homme, du temps de
est le soluté de choix en pratiquement toute circons- l’emploi des dextrans et des gélatines, les colloïdes étaient
tance, le NaCl à 0,9 % a des effets équivalents et lui est régulièrement incriminés dans des réactions anaphy-
totalement substituable. lactiques. Avec les HEA de bas poids moléculaire, les
Solutés colloïdes. Les colloïdes ne franchissent pas seuls disponibles en France, les réactions allergiques sont
l’endothélium vasculaire ; ils exercent ainsi un pouvoir exceptionnelles.
oncotique qui retient l’eau perfusée dans le secteur vas- Chlorure de sodium 7,5 %. Déshydratation. Le NaCl
culaire, l’eau ne gagne pas le milieu interstitiel. Leur PEV à 7,5 % enrichit en eau le secteur vasculaire aux dépens
est donc voisin de 100 %. Les solutés colloïdes corrigent des autres secteurs hydriques de l’organisme. Lors de
donc la volémie volume pour volume. déshydratation globale, cas classique lors de vomisse-
Chlorure de sodium 7,5 %. L’osmolalité très éle- ments ou de diarrhée, l’efficacité de ce soluté est moindre
vée du NaCl à 7,5 % (2 400 mosmol/l contre environ et le déficit hydrique des compartiments extravasculaires
300 mosmol/l pour le plasma des carnivores) induit un est aggravé. Le NaCl à 7,5 % n’est donc pas recommandé
transfert massif et rapide d’eau provenant du comparti- lors de déshydratation globale ; on réserve son emploi
ment intracellulaire (hématies surtout mais aussi cellules aux situations où le déficit hydrique concerne surtout le
de l’endothélium vasculaire) et du milieu interstitiel. Le secteur vasculaire ou pour déshydrater le milieu intracel-
PEV de ce soluté est d’environ 500 %. De faibles volumes lulaire en cas d’œdème cérébral, par exemple.
de NaCl à 7,5 % sont suffisants pour restaurer la volémie. Hypernatrémie. L’hypernatrémie induite est transitoire
et sans conséquence aux doses recommandées.
Effets secondaires Toxicité veineuse. Parce que son administration est
Les solutés précités sont bien tolérés aux doses requises ponctuelle, le NaCl à 7,5 % peut être injecté par une
pour un remplissage vasculaire. Des effets indésirables voie veineuse périphérique sans risque pour la veine ;
peuvent néanmoins être rencontrés. les abords veineux centraux requis lors d’alimentation
Cristalloïdes isotoniques. Œdèmes. La crainte parentérale ne sont pas nécessaires. En revanche, une
majeure lors de l’utilisation massive de solutés cristal- extravasation périveineuse occasionne des lésions impor-
loïdes isotoniques dans le remplissage vasculaire est une tantes.
inflation du milieu interstitiel à l’origine de la cons-
titution d’œdèmes. Après administration intraveineuse Cinétique
d’un soluté cristalloïde isotonique, 75 % du volume per- Le remplissage vasculaire relevant de l’urgence, le
fusé gagne rapidement le secteur interstitiel. En cas de soluté utilisé doit être efficace dans les meilleurs délais ;
déshydratation extracellulaire globale (pertes hydroso- l’urgence traitée, on veille à maintenir durablement une
dées lors de vomissements par exemple), cette répartition volémie efficace.
est souhaitable car elle permet de réhydrater le secteur Rapidité d’action. La première limite à l’efficacité
interstitiel déficitaire ; l’utilisation de solutés cristalloïdes d’un soluté dans le remplissage vasculaire est sa vitesse
est alors pleinement justifiée. Lors d’hémorragie aiguë ou d’administration, très dépendante de la dose nécessaire et
d’hypovolémie relative, cette répartition expose à une donc du PEV. À débit de perfusion égal, compte tenu des
surcharge hydrique du secteur interstitiel non déficitaire ; volumes requis, les solutés colloïdes sont efficaces quatre
la baisse de la pression oncotique par effet de dilution fois plus rapidement que les solutés cristalloïdes isoto-
majore ce risque. niques. En raison des petits volumes requis, le NaCl à
Au niveau périphérique, les œdèmes ont peu de consé- 7,5 % peut être administré en bolus ; une injection de
quences mais dans le poumon, organe de l’hématose, et 4 ml/kg procure en quelques secondes une expansion
le cerveau, incapable d’expansion, une telle inflation du volémique d’environ 20 ml/kg mais son effet est fugace.
secteur interstitiel pourrait avoir des répercussions beau- Durée d’action. La durée d’action des solutés dépend
coup plus graves. Cet événement se révèle exceptionnel. surtout de la vitesse d’élimination rénale des particules
Les solutés cristalloïdes isotoniques s’avèrent en pra- en solution, cristalloïdes ou colloïdes, qui détermine leur
tique remarquablement tolérés. Les exceptions sont pouvoir de remplissage.
l’insuffisance cardiaque, l’hypoprotidémie majeure ou le Solutés cristalloïdes. L’efficacité du NaCl à 7,5 % sur
syndrome de fuite capillaire lors d’inflammation systé- le remplissage vasculaire est très rapide mais elle est de
mique. courte durée, environ 30 minutes.
Le risque d’œdème pulmonaire grave voire fatal est Un relais avec un autre soluté est nécessaire pour
cependant réel chez les animaux de petit format, les maintenir une volémie efficace. À cet effet, les solutés
petits chiens et surtout les chats chez qui la volémie cristalloïdes isotoniques peuvent être utilisés mais leur
est proportionnellement plus faible que chez le chien. action est également de courte durée (environ 2 heures).
Pour prévenir ce risque, il faut veiller à ne pas perfuser Après élimination urinaire, ils doivent donc être rempla-
plus du volume sanguin de Ringer lactate en 1 heure, cés volume par volume.
autrement dit ne pas dépasser 80 ml/kg chez le chien et Solutés colloïdes. L’action des solutés colloïdes est
50 ml/kg chez le chat de Ringer lactate en 1 heure. La durable. En effet, ce sont des solutions polydisper-
prudence veut également que l’on n’utilise pas un flacon sées, c’est-à-dire constituées d’un mélange de molécules
d’un volume supérieur à ce qu’un animal peut tolérer en de poids moléculaires différents. Les petites molécules
1 heure, autrement dit ne pas utiliser de flacons de plus exercent un pouvoir oncotique puis sont éliminées rapi-
de 100 ml chez le chat. dement ; les grosses molécules sont progressivement
Coagulopathie. Tous les solutés de remplissage sont scindées en plus petites molécules qui exercent chacune
susceptibles de provoquer des perturbations non spéci- un pouvoir oncotique avant d’être scindées à nouveau
fiques de l’hémostase par effet de dilution ; cet effet est puis éliminées à leur tour. La durée d’efficacité des HEA
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Tableau 3.
Descriptif des principaux solutés de remplissage.
Cristalloïdes isotoniques Colloïdes Cristalloïde hypertonique
Soluté NaCl 0,9 % Naturel : sang, plasma, etc. NaCl 7,5 %
Ringer lactate Synthétique : dextran, HEA, etc.
PEV Faible : 25 % Élevé : ≥ 100 % Très élevé : 500 %
Perfuser quatre fois le volume perdu Perfuser le volume perdu Perfuser un quart du volume perdu
Innocuité Risque d’œdème du poumon Risque de surcharge volémique Déshydratation intracellulaire
Risque d’aggravation de l’hémorragie
Toxicité périveineuse
Rapidité d’action Dépend surtout du temps
nécessaire pour administrer
le volume requis donc
l’action est plus rapide
quand de petits volumes
sont suffisants
Durée d’action Moyenne : 2 heures Longue : 6 heures Courte : 30 minutes
Coût - ++ -
Efficacité Équivalente À privilégier lors d’hypovolémie
En pratique : majeure et brutale
- cristalloïdes en première Très bonne efficacité
intention
- colloïdes en cas
d’hypovolémie majeure
actuellement disponible est de 4 à 6 heures. Les HEA Les effets du NaCl à 7,5 % ne peuvent s’expliquer par
réalisent le meilleur compromis entre action rapide et la seule hypertonicité car, à tonicité identique, d’autres
efficacité durable. solutés comme le mannitol ne sont pas aussi efficaces.
Coût À cette concentration, le NaCl agit comme un véritable
médicament à action cardiovasculaire.
Le coût faible des solutés cristalloïdes explique leur très
Association NaCl à 7,5 % et colloïdes. Le NaCl à
large utilisation dans le remplissage vasculaire. Les solu-
7,5 % agit très rapidement mais ses effets sont fugaces.
tés colloïdes sont nettement plus chers. Toutefois, pour
Afin de prolonger l’expansion volémique, on peut
une comparaison juste, il est nécessaire de rapporter le
lui associer un soluté d’action durable. Les colloïdes
prix du litre au volume nécessaire et à la durée d’action
répondent le mieux à cet objectif. Les associations NaCl
du soluté.
à 7,5 %-dextrans, et NaCl à 7,5 %-HEA, ont été parti-
Efficacité culièrement étudiées. L’association NaCl 7,5 %-dextran
L’efficacité comparée des solutés de remplissage vascu- 70 à 6 % est commercialisée en France sous le nom de
laire a fait l’objet de nombreuses études expérimentales Rescueflow® .
menées sur l’animal mais les données cliniques sont plus
rares ; elles émanent surtout de la médecine humaine
(Tableau 3). Gestion d’une hypovolémie
Cristalloïdes versus colloïdes. Bien que la contro- Pour un bénéfice maximal, la gestion des hypovolé-
verse « soluté cristalloïde versus soluté colloïde » soit mies consiste à :
ancienne, aucun consensus ne s’est dégagé ; ceci laisse • prévoir l’éventualité d’un remplissage ;
supposer une absence de réelle différence en termes • choisir les solutés les plus adaptés ;
d’efficacité. Les études cliniques menées chez l’homme • déterminer le volume à perfuser ;
restent contradictoires : elles soulignent tantôt la supério- • associer les autres mesures de réanimation.
rité des cristalloïdes tantôt celle des colloïdes, ou encore
l’absence de différence. En raison de leur faible coût et Préparation au remplissage vasculaire
de leur innocuité, les cristalloïdes isotoniques sont sou-
vent les solutés de choix en première intention. Lors Technique de remplissage vasculaire rapide
d’hypovolémie majeure, les données théoriques et expé- Lors d’hypovolémie aiguë, le remplissage vasculaire
rimentales suggèrent que les grands volumes nécessaires doit être rapide. Pour un soluté donné, cela sous-entend :
rendent ces solutés inadaptés ; le recours aux solutés col- • une administration par voie veineuse ;
loïdes est alors préférable. • de solutés tièdes ;
Chlorure de sodium 7,5 %. Chez des chiens ayant • par des cathéters de gros calibre ;
subi une hémorragie habituellement mortelle sans traite- • éventuellement sous pression ;
ment, une injection unique de 4 ml/kg de NaCl à 7,5 % a • en privilégiant les organes nobles.
permis une survie proche de 100 %. Des résultats compa- Voie veineuse. Voie veineuse périphérique. La voie
rables ont été obtenus chez des patients humains en état veineuse périphérique doit être préférée en première
de choc réfractaire. Cependant, bien qu’il agisse plus vite, intention car elle est plus rapide et plus facile à mettre
le sérum salé hypertonique n’a pas montré de supériorité en place. Elle possède en plus l’avantage d’être meilleur
en termes de survie sur le Ringer lactate dans le traitement marché et associée à une morbidité moindre que la voie
du choc hémorragique. centrale. Afin d’augmenter le débit de perfusion, la mise
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Choc hypovolémique et choc septique AN 2100
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AN 2100 Choc hypovolémique et choc septique
Tableau 4.
Volume moyen de solutés de remplissage à perfuser lors d’état de choc hypovolémique.
Type de solutés Dose de choc Test de remplissage
Chien Chat Chat Chien
Cristalloïdes isotoniques 40 à 80 ml/kg 20 à 40 ml/kg 20 à 30 ml/kg 10 à 20 ml/kg
Colloïdes synthétiques 10 à 30 ml/kg 5 à 15 ml/kg 5 ml/kg 3 ml/kg
NaCl 7,5 % 2 à 4 ml/kg 1 à 2 ml/kg - -
Association NaCl 7,5 %-colloïdes 4 à 6 ml/kg 2 à 4 ml/kg - -
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Choc hypovolémique et choc septique AN 2100
ne sont pas employées dans le traitement du choc hypo- Une réponse modérée est souvent bénéfique pour
volémique, mais elles sont particulièrement indiquées l’organisme tandis qu’une réponse sévère conduit à des
dans le choc septique (cf. infra). dysfonctionnements cellulaires et des lésions tissulaires
Mesures non prioritaires souvent bien supérieurs à ceux causés par l’affection de
départ.
Prévention de l’hypokaliémie. Parce que tous les
solutés de remplissage sont pauvres en potassium, on
assiste classiquement à une hypokaliémie de dilution
après un remplissage vasculaire. Celle-ci ne relève pas de
l’urgence et n’est prise en compte qu’une fois la volémie
“ Point fort
rétablie. L’apport rapide d’un soluté enrichi en potassium
risquerait de provoquer une hyperkaliémie potentielle- Différentes causes de SIRS
ment mortelle. • Infections
Prévention de l’acidose. De même, l’acidose méta- • Pancréatite
bolique classiquement observée lors d’hypovolémie ne • Péritonite
mérite pas un traitement spécifique. Elle est surtout la • Coup de chaleur
conséquence de l’hypoxie. En restaurant la volémie, le
• Traumatismes graves
remplissage vasculaire rétablit l’oxygénation tissulaire et
corrige ainsi l’acidose sans qu’il soit nécessaire d’apporter
• Envenimations
un soluté à base de bicarbonates. • Cancer généralisé
• Maladies auto-immunes
Choc septique
Identification clinique du SIRS
Le sepsis se définit comme un processus infectieux On parle de SIRS quand deux ou plus des critères sui-
associé à une réponse inflammatoire systémique (SIRS) vants sont présents chez le chien et trois ou plus chez le
se manifestant par de la fièvre, une tachypnée, une chat [11] (Tableau 5).
tachycardie ou une bradycardie et une leucocytose ou
une leucopénie. Il s’ensuit des perturbations de certaines Sepsis au sens large
fonctions organiques, processus connu sous le nom de
syndrome de défaillance multiviscérale (MODS) dont Le sepsis est définit par l’association d’un SIRS et d’une
l’évolution ultime est la mort [9, 10] . infection documentée, le plus souvent bactérienne, à
Ce syndrome est caractérisé par des anomalies se déve- Gram positif ou négatif. Les saccharides de surface des
loppant dans des organes qui n’étaient pas concernés par bactéries à Gram négatif sont très pro-inflammatoires.
l’affection d’origine ; il est associé à une mortalité éle-
vée. La gestion de patients septiques est complexe, elle Syndrome de défaillance multiviscérale
passe par la reconnaissance précoce du syndrome, une Le SIRS aboutit à l’activation globale des endothéliums
approche drastique avec monitorage en unité de soins vasculaires, ce qui cause une vasodilatation et une aug-
intensifs et la gestion de chaque défaillance d’organe au mentation de la perméabilité capillaire. Ceci contribue
fur et à mesure qu’elle se développe. à une hypovolémie, une hypotension, une hypoproti-
démie, un œdème interstitiel et à l’installation d’une
Définitions coagulation intravasculaire disséminée.
Dans les organes vitaux sévèrement atteints, la
Syndrome de réponse inflammatoire combinaison de l’hypoperfusion, de la microthrombose
systémique vasculaire et des agressions cellulaires directes conduit à
Physiopathologie un MODS [12] .
Face à une agression, l’organisme réagit en produi-
sant des médiateurs de l’inflammation. Les agressions Sepsis sévère
peuvent être des infections (péritonite septique, endocar- Le sepsis sévère se définit comme un sepsis associé au
dite, pneumonie d’aspiration), des traumatismes sévères, MODS ou à une hypotension et/ou une hypoperfusion.
des pancréatites, des brûlures ou encore des réactions
immunitaires. Choc septique
Quand ces médiateurs de l’inflammation sont produits
en grande quantité, ils dépassent leur action locale et se Le choc septique se définit par un sepsis accompagné
propagent dans la circulation générale, il se produit alors d’une hypotension ne répondant pas à une thérapeu-
une réponse de l’organisme appelée SIRS. La magnitude tique liquidienne adéquate et nécessitant l’emploi de
du SIRS va de modérée à sévère. vasopresseurs.
Tableau 5.
Critères de syndrome de réponse inflammatoire systémique chez le chien et le chat.
Chien Chat
Fréquence respiratoire > 40 mpm > 40 mpm
Fréquence cardiaque > 140 bpm < 140 bpm
> 225 bpm
◦ ◦
< 37,8 C ou > 39,7 C < 37,8 ◦ C ou > 39,7 ◦ C
Leucocytes < 5 000 ou > 18 000/mm3 + de 10 % d’immatures < 5 000 ou > 19 500/mm3 + de 10 % d’immatures
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AN 2100 Choc hypovolémique et choc septique
Antibiothérapie
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Choc hypovolémique et choc septique AN 2100
“ Points importants
Objectif fixés pour la prise en charge précoce des sepsis sévères et choc septiques
• EGDT adapté à la médecine vétérinaire.
• La PVC doit être maintenue entre 8 et 12 cmH2 O.
• La pression artérielle systolique doit être supérieure à 90 mmHg, ou la pression artérielle moyenne doit être
supérieure à 65 mmHg.
• La saturation du sang veineux mêlé est très rarement utilisée en médecine vétérinaire mais on peut utiliser la
PaO2 dans la décision de recours ou non à la ventilation mécanique et l’hématocrite pour un recours éventuel à
une transfusion sanguine.
• La production d’urines doit être supérieure à 0,5 ml/kg/h.
• Toute valeur inférieure aux valeurs seuils doit conduire à une action thérapeutique jusqu’à ce que les objectifs
thérapeutiques soient atteints.
“ Points essentiels
• Le choc est caractérisé par un apport insuffisant d’O2 aux tissus.
• La composante hypovolémique doit être combattue par un remplissage vasculaire.
• Le soluté de remplissage vasculaire doit être choisi en fonction de ses caractéristiques et du contexte clinique.
• Lors de déficits volémiques majeurs ou brutaux, les techniques de remplissage vasculaire rapide et le recours à
des HEA ou à l’association NaCl à 7,5 %-HEA offrent les meilleures garanties d’efficacité.
• Le sepsis doit être pris en charge de toute urgence par un remplissage vasculaire et une lutte précoce contre
l’infection.
• Le recours à des molécules vasoactives (noradrénaline) peut être nécessaire lors de choc septique.
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AN 2100 Choc hypovolémique et choc septique
en fonction de la réponse thérapeutique. Dans l’urgence, [7] Hammond TN, Holm JL. Limited fluid volume resuscitation.
on préfère les solutés nécessitant de petits volumes, Compend Contin Educ Vet 2009;31:309–20.
même si finalement le soluté de Ringer lactate reste [8] Syring RS. Assessment and treatment of central nervous sys-
approprié en pratiquement toute circonstance. tem abnormalities in the emergency patient. Vet Clin Small
Dans le choc septique, en plus de la composante hypo- Anim 2005;35:343–58.
volémique, il faut lutter de manière spécifique contre [9] Claessens YE, André S, Vinsonneau C, Pourriat JL. Choc
l’infection et éviter tout phénomène d’emballement et de septique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Anesthésie-
MODS. Une antibiothérapie large spectre doit être mise Réanimation, 36-840-D-10, 2008.
en place de manière précoce et le recours à des molé- [10] Qureshi K, Rajah A. Septic shock: a review article. Br J Med
cules vasoactives peut être nécessaire pour lutter contre Pract 2008;1:7–12.
[11] Brady CA, Otto CM, Van Winkle TJ, King LG. Severe
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Roux F, Pagès JP, Crochemore J, Deschamps JY. Choc hypovolémique et choc septique.
EMC - Vétérinaire 2012;9(2):1-14 [Article AN 2100].
14 EMC - Vétérinaire