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LE LIVRE DE L’INTERNE

ANESTHÉSIOLOGIE
Chez le même éditeur

Tous les titres de la collection « Le livre de l’interne » figurent à la page III.

Dans la collection « Le livre de l’interne »


Neurologie, par C. TRANCHANT et J.-Ph. AZULAY
Hématologie, par B. VARET
Gériatrie, par F. PUISIEUX
Psychiatrie, par J.-P. OLIÉ, Th. GALLARDA et E. DUAUX
Obstétrique, par P. HOHLFELD et F. MARTY
ORL, par P. BONFILS
Les urgences, par P. HAUSFATER
Médecine interne, par L. GUILLEVIN
Médecine de la douleur et médecine palliative, par S. ROSTAING-RIGATTIERI
et F. BONNET
Pédiatrie, par B. CHEVALLIER, J.-B. ARMENGAUD et E. MAHÉ
Endocrinologie et maladies métaboliques, par J. LUBETZKI, Ph. CHANSON
et P.-J. GUILLAUSSEAU
Orthopédie, par R. NIZARD
Traumatologie, par R. NIZARD
Cardiologie, par A. CASTAIGNE et M. SCHERRER-CROSBIE
Pathologie infectieuse, par P. YENI
Dermatologie et maladies sexuellement transmissibles, par S. BELAÏCH
Rhumatologie, par D. BONTOUX
Gastro-entérologie par J.-C. RAMBAUD et Y. BOUHNIK
Pneumologie, par S. SALMERON, P. DUROUX et D. VALEYRE
L’hôpital au quotidien, par I. DURANT-ZALESKI et C. GRENIER-SENNELIER

Dans d’autres collections


Anesthésie-réanimation chirurgicale, par K. SAMII
La douleur chez l’enfant, par C. ECOFFEY et D. ANNEQUIN
Atlas de poche d’anesthésie, par N. ROEWER et H. THIEL
Pharmacologie et thérapeutique en anesthésie. Pharmacologie générale
et spécifique pour l’anesthésie, la réanimation chirurgicale, les urgences
et le traitement de la douleur, par H. THIEL et N. ROEWER
Aide-mémoire d’anesthésiologie, par C. ECOFFEY
Chroniques d’un anesthésiste, par S. FROUCHT-HIRSCH
Guide du bon usage du médicament, par G. BOUVENOT et C. CAULIN
Traité de médecine, par P. GODEAU, S. HERSON, P. CACOUB et J.-C. PIETTE
Principes de médecine interne Harrison, par E. BRAUNWALD, A.-S. FAUCI,
D.-L. KASPER, S.-L. HAUSER, D.-L. LONGO et J.-L. JAMESON
La petite encyclopédie médicale Hamburger, par M. LEPORRIER
Dictionnaire français-anglais/anglais-français des termes médicaux et biologiques
et des médicaments, par G. S. HILL
L’anglais médical : spoken and written medical English, par C. COUDÉ
et X.-F. COUDÉ
Guide de conversation médicale français, anglais, allemand, par C. COUDÉ,
F.-X. COUDÉ et K. KASSMANN
LE LIVRE DE L’INTERNE

Nadège LEMBERT
Anne SALENGRO Francis BONNET

ANESTHÉSIOLOGIE

3e édition
Avertissement au lecteur
Les auteurs de cet ouvrage ont vérifié avec le plus grand soin les dosages des produits
pharmaceutiques mentionnés, afin qu’ils se trouvent en accord avec la pratique
médicale en cours au moment de la parution.
Cependant, lorsqu’il envisage l’utilisation de ces produits, le praticien est également
invité à se référer aux notices, laboratoires d’origine et toutes autres sources
disponibles. En effet, les variations ou modifications étant toujours possibles, la
responsabilité des auteurs et de l’éditeur ne saurait se trouver engagée.

1re édition 1998


2e édition 2006

Les déclarations de conflit d’intérêt peuvent être consultées chez l’éditeur.

Direction éditoriale : Emmanuel Leclerc


Édition : Solène Le Gabellec
Fabrication : Estelle Perez
Couverture : Isabelle Godenèche

Composition : Nord Compo, Villeneuve-d’Ascq


Impression : L.E.G.O. SpA, Lavis (Italie)

© 2012, Lavoisier, Paris

ISBN : 978-2-257-20523-0
Ont collaboré à cet ouvrage

AÏSSOU Mourad
Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Saint-
Antoine, Paris.
AIT YAHIA Yasmine
Praticien associé, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Saint-
Antoine, Paris.
AMASSE Linda
Chef de clinique, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Tenon, Paris.
BARBIER Alexandre
Praticien Hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Cochin,
Paris.
BEAUSSIER Marc
Professeur des Universités, Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-
Réanimation, Hôpital Saint-Antoine, Paris.
BECQ Marie-Christine
Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Saint-
Louis, Paris.
BILLARD Valérie
Praticien spécialiste, Service d’Anesthésie-Réanimation, Institut Gustave-
Roussy, Villejuif.
BLAYAU Clarisse
Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Tenon,
Paris.
BONNET Francis
Professeur des Universités, Praticien Hospitalier, Service d’Anesthésie-
Réanimation, Hôpital Tenon, Paris.
BOURGAIN Jean-Louis
Chef du Service d’Anesthésie-Réanimation, Institut Gustave-Roussy,
Villejuif.
De MONTBLANC Jacques
Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Centre hospitalier
universitaire de Kremlin-Bicêtre.
VIII ONT COLLABORÉ À CET OUVRAGE

DEVYS Jean-Michel
Chef du Service d’Anesthésie-Réanimation, Fondation Rothschild, Paris.
DOLBEAU Jean-Baptiste
Chef de Clinique-Assistant, Service d’Anesthésie-Réanimation 2, Centre
hospitalier universitaire de Bordeaux.
DONNETTE François-Xavier
Médecin-Assistant, Service d’Anesthésie-Réanimation, Fondation
Rothschild, Paris.
DUPONT Mélanie
Médecin-Assistant, Service d’Anesthésie-Réanimation, Fondation
Rothschild, Paris.
DUPONT Xavier
Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital
Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt.
EL METAOUA Sonia
Praticien attaché, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Tenon, Paris.
EYRAUD Daniel
Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Consultation
d’anesthésiologie – chirurgie hépato-biliaire, Groupe hospitalier Pitié-
Salpêtrière, Paris.
FARRUGIA Magali
Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital d’enfants
Armand-Trousseau, Paris.
FULGENCIO Jean-Pierre
Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Tenon,
Paris.
GAFSOU Benjamin
Médecin anesthésiste, Clinique du Mousseau, Évry.
GENTILI Marc
Médecin anesthésiste, Service d’Anesthésie-Réanimation, Centre hospi-
talier privé Saint-Grégoire, Saint-Grégoire.
GODIER Anne
Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Cochin,
Paris.
GUIGNARD Bruno
Médecin anesthésiste, Service d’Anesthésie-Réanimation, Clinique du
Val-d’Or, Saint-Cloud.
HOUHOU Anissa
Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Tenon,
Paris.
ONT COLLABORÉ À CET OUVRAGE IX

JEANDEL Thomas
Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Saint-
Roch, Centre hospitalier universitaire de de Nice.
LIU Ngai
Médecin-Assistant, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Foch,
Suresnes.
LEMBERT Nadège
Médecin anesthésiste, Clinique Gaston-Métivet, Saint-Maur-des-Fossés.
MAILLET Michel
Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Unité
d’Anesthésie et Chirurgie ambulatoires, Hôpital Tenon, Paris.
MARCHAND MAILLET Florence
Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Saint-
Antoine, Paris.
MARRET Emmanuel
Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Tenon,
Paris.
MASCHINO Xavier
Médecin anesthésiste, Institut monégasque de Médecine et Chirurgie
sportive, Monaco.
MOVSCHIN Marie
Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Groupe hospitalier
Pitié-Salpêtrière, Paris.
MURAT Isabelle
Professeur des Universités, Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-
Réanimation, Hôpital d’enfants Armand-Trousseau, Paris.
NOIROT Anna
Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Tenon,
Paris.
OHANA Michaël
Médecin anesthésiste, Clinique Geoffroy-Saint-Hilaire, Paris.
OTT Mihai
Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Tenon,
Paris.
OUATTARA Alexandre
Professeur des Universités, Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-
Réanimation 2, Centre hospitalier universitaire de de Bordeaux.
PLAUD Benoît
Professeur des Universités, Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-
Réanimation chirurgicale, Groupe hospitalier et universitaire Albert-
Chenevier – Henri-Mondor, Créteil.
X ONT COLLABORÉ À CET OUVRAGE

QUESNEL Christophe
Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Tenon,
Paris.
RADU Adrian Dragos
Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Cochin,
Paris.
RÉMY Camille
Chef de clinique, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital régional de
Lugano, Suisse.
RIGOUZZO Agnès
Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital d’enfants
Armand-Trousseau, Paris.
SALENGRO Anne
Praticien hospitalier, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Tenon,
Paris.
SUSEN Sophie
Professeur des Universités, Praticien hospitalier, Service d’Hématologie-
Transfusion, Centre hospitalier régional universitaire de Lille.
SZEKELY Barbara
Médecin-Assistant, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Foch,
Suresnes.
TOUNOU-AKUE Edoh Sitou Félix
Médecin-Assistant, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Tenon,
Paris.
VEZINET Corinne
Praticien hospitalier, Service de Réanimation polyvalente, Service
d’Anesthésie-Réanimation, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.
VIGNEAU Axelle
Médecin-Assistant, Hôpital de la Croix-Saint-Simon, Paris.
Sommaire

Chapitre 1 Introduction (F. BONNET) .......................................................... 1

ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE.


STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE ANESTHÉSIQUE
Chapitre 2 Consultation d’anesthésie (B. SZEKELY) ................................. 5
Informations pratiques et aspects réglementaires ...................................... 5
Consultation d’anesthésie .......................................................................... 6
Évaluation du risque anesthésique ..................................................... 7
Prescription des examens complémentaires ....................................... 10
Interactions médicamenteuses (y compris agents antiplaquettaires
et anticoagulants) ..................................................................... 11
Synthèse de la consultation ................................................................. 13
Informer le patient ..................................................................................... 15
Cas particuliers .......................................................................................... 16
Consultation en urgence ..................................................................... 16

Chapitre 3 Stratégie de prise en charge selon le terrain......................... 18


Pathologie cardiovasculaire (E. MARRET).................................................. 18
Hypertension artérielle systémique .................................................... 29
Valvulopathie et cardiomyopathie....................................................... 32
Patient porteur d’un pace-maker et d’un cardio-défibrillateur
implantable ............................................................................... 38
Bronchopneumopathie chronique obstructive – Asthme (X. DUPONT)...... 41
Évaluation préopératoire .................................................................... 42
Préparation préopératoire .................................................................. 44
Anesthésie ........................................................................................... 45
Insuffisance rénale – Insuffisance hépatique (F. BONNET) ......................... 49
Pathologie hépatique et insuffisance hépatocellulaire ....................... 52
Patient diabétique (E. F. TOUNOU-AKUE, M. OHANA) ................................ 56
Évaluation préopératoire .................................................................... 57
Contrôle glycémique périopératoire ................................................... 62
XII SOMMAIRE

Maladies neuromusculaires (C. RÉMY) ...................................................... 63


Myopathies .......................................................................................... 64
Syndromes myasthéniques .................................................................. 65
Lésions des voies motrices .................................................................. 68
Sclérose en plaques ............................................................................. 69
Maladie de Parkinson ......................................................................... 70
Anesthésie du sujet allergique (N. LEMBERT) ............................................ 72
Définitions........................................................................................... 72
Épidémiologie ..................................................................................... 72
Signes cliniques .................................................................................. 73
Conduite du bilan diagnostique .......................................................... 73
Prévention du risque allergique.......................................................... 75
Traitement des réactions allergiques survenant
au cours d’anesthésies .............................................................. 76
Anesthésie du sujet âgé (N. LEMBERT) ....................................................... 77
Modifications physiologiques ............................................................. 78
Évaluation préopératoire .................................................................... 79
Anesthésie ........................................................................................... 80
Période postopératoire ....................................................................... 81
Anesthésie de la femme enceinte (A. SALENGRO) ...................................... 82
Types de chirurgie ............................................................................... 83
Modifications physiologiques induites par la grossesse :
conséquences sur l’anesthésie .................................................. 83
Risque fœtal ........................................................................................ 84
En pratique ......................................................................................... 84
Anesthésie locorégionale .................................................................... 86
Surveillance fœtale.............................................................................. 86
Cas particulier : la cœliochirurgie ..................................................... 86
Anesthésie en urgence (S. EL METAOUA, C. BLAYAU)................................ 87
Anesthésie et états de choc.................................................................. 92
Anesthésie du patient obèse (A. D. RADU, T. JEANDEL) ............................. 100
Physiopathologie ................................................................................ 100
Spécificités pharmacologiques ........................................................... 102
Évaluation préopératoire .................................................................... 102
Période peropératoire ......................................................................... 104

Chapitre 4 Période préanesthésique (X. DUPONT) .................................... 108


Prémédication ..................................................................................... 108

TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES
Chapitre 5 Je prépare ma salle d’anesthésie (J. DE MONTBLANC) ............ 113
Vérification du circuit d’anesthésie .................................................... 114
SOMMAIRE XIII

Airway (contrôle des voies aériennes) ................................................ 118


Succion – aspiration ........................................................................... 118
Tube – Sonde d’intubation – Masques laryngés ................................. 119
ECG – Monitoring cardiovasculaire .................................................. 119
Ringer® – Voie veineuse et solutés ...................................................... 119
Pulse oxymètre : oxymètre de pouls – Monitorage respiratoire ......... 120
Laryngoscope – Plateau d’intubation ................................................ 120
Agents d’anesthésie – Plateau d’induction pour adulte ..................... 120
Dossier et monitorage neuromusculaire ............................................. 121
Annexes (F. BONNET) ................................................................................. 121

Chapitre 6 Accès aux voies aériennes (M. OHANA) .................................. 129


Ventilation au masque ................................................................................ 129
Masque laryngé .......................................................................................... 130
Insertion .............................................................................................. 130
Indications .......................................................................................... 133
Contre-indications .............................................................................. 133
Effets secondaires ............................................................................... 133
Intubation trachéale.................................................................................... 133
Technique d’intubation endotrachéale ............................................... 135
Extubation .................................................................................................. 137
Complications de l’intubation .................................................................... 137
Plateau d’intubation ................................................................................... 138
Intubation trachéale difficile ...................................................................... 138
Détection de l’intubation difficile ....................................................... 138
Intubation difficile prévue................................................................... 140
Stratégie devant une intubation difficile .................................................... 145
Contrôle de la bonne position de la sonde ......................................... 145
Extubation-réintubation ...................................................................... 145
Abord trachéal de sauvetage .............................................................. 147
Chariot d’urgence pour intubation difficile........................................ 147

Chapitre 7 Pharmacologie des agents anesthésiques .............................. 149


Agents anesthésiques inhalés (N. LEMBERT) .............................................. 149
Pharmacocinétique ............................................................................. 149
Pharmacodynamie .............................................................................. 151
Métabolisme et toxicité ....................................................................... 155
Mode d’administration : AINOC ........................................................ 155
Protoxyde d’azote (N. LEMBERT) ............................................................... 156
Diffusion dans les cavités closes......................................................... 156
Effet 2e gaz .......................................................................................... 156
Combustion ......................................................................................... 157
Effet analgésique et anesthésique ....................................................... 157
Effets cardiovasculaires et respiratoires............................................. 158
XIV SOMMAIRE

Autres effets......................................................................................... 158


Principaux hypnotiques intraveineux (M.-C. BECQ, V. BILLARD) .............. 159
Implications cliniques des notions de pharmacocinétique ................. 160
Spécificités des différents agents et utilisation clinique ..................... 161
Opiacés (B. GUIGNARD).............................................................................. 175
Mécanisme d’action ............................................................................ 177
Effets pharmacologiques des opiacés ................................................. 177
Particularités de la voie périmédullaire ............................................. 179
Administration en objectif de concentration (AIVOC) ....................... 181
agonistes morphiniques ...................................................................... 181
Agonistes-antagonistes ....................................................................... 187
Antagonistes opiacés .......................................................................... 188
Curares : pharmacologie, monitorage et décurarisation
pharmacologique (B. PLAUD) ........................................................... 190
Anatomie et physiologie de la transmission neuromusculaire............ 191
Mécanismes d’action des curares ....................................................... 193
Surveillance de la curarisation ........................................................... 200
Curarisation résiduelle et décurarisation pharmacologique ............. 203
Conclusion .......................................................................................... 205

Chapitre 8 Anesthésie intraveineuse à objectif de concentration


(V. BILLARD) ............................................................................................ 206
Définitions........................................................................................... 206
Avec quels médicaments peut-on faire une AIVOC ?.......................... 207
Réglages et terminologie en mode AIVOC ......................................... 208
Choix des concentrations cibles en mode AIVOC .............................. 210

Chapitre 9 Machines d’anesthésie : ventilateur


et ventilation artificielle (J.-L. BOURGAIN, M. FARRUGIA) ................... 212
Ventilateur d’anesthésie ............................................................................. 212
Fonctionnement du circuit manuel ..................................................... 213
Fonctionnement du circuit couplé au respirateur............................... 214
Circuit principal et circuit accessoire................................................. 215
Notion de compliance interne du circuit............................................. 216
Vérification de la machine d’anesthésie avant utilisation .................. 217
Monitorage de la machine d’anesthésie ..................................................... 217
Surveillance de la mécanique respiratoire ......................................... 217
Gestion raisonnée des alarmes ........................................................... 219
Conséquences de l’anesthésie sur la ventilation ........................................ 220
Atélectasies ......................................................................................... 220
Ventilation en pression positive en anesthésie ........................................... 221
Ventilation en pression contrôlée ........................................................ 223
Modes autodéclenchés ........................................................................ 227
Traitement de l’hypoxémie peropératoire .................................................. 229
Conclusion ................................................................................................. 230
SOMMAIRE XV

Chapitre 10 Monitorage .............................................................................. 232


Monitorage hémodynamique (J. DE MONTBLANC) ..................................... 232
Monitorage du signal ECG ................................................................. 232
Monitorage non invasif de la pression artérielle................................ 233
Monitorage invasif des pressions........................................................ 234
Monitorage du débit cardiaque .......................................................... 237
Monitorage du remplissage vasculaire ............................................... 245
Monitorage respiratoire (J. DE MONTBLANC) ............................................. 246
Surveillance non invasive de l’hématose ............................................ 247
Surveillance des paramètres de mécanique ventilatoire..................... 251
Monitorage de la température (J. DE MONTBLANC) .................................... 252
Sites de mesure de la température ...................................................... 253
Prévention de l’hypothermie............................................................... 253
Monitorage de la profondeur de l’anesthésie (V. BILLARD) ....................... 254
Évaluation clinique de la profondeur de l’anesthésie ........................ 255
Monitorage de la profondeur d’anesthésie par l’EEG ....................... 255
Monitorage de l’analgésie .................................................................. 258

Chapitre 11 Anesthésie locorégionale....................................................... 261


Anesthésiques locaux (X. MASCHINO) ....................................................... 261
Physiologie de la conduction nerveuse............................................... 261
Mécanisme d’action des anesthésiques locaux (AL) .......................... 261
Pharmacologie des AL ........................................................................ 262
Pharmacocinétique des AL ................................................................. 266
Toxicité ................................................................................................ 267
Allergie................................................................................................ 268
Techniques de repérage des nerfs (X. MASCHINO) ..................................... 269
Neurostimulation................................................................................. 269
Échoguidage – Échographie (F. BONNET) .......................................... 274
Blocs centraux (A. NOIROT, F. BONNET) .................................................... 279
Rachianesthésie : choix et utilisation des solutions,
aspects techniques (M. GENTILI) ............................................... 292
Autres techniques (M. GENTILI) .......................................................... 298
Blocs périphériques (F. BONNET) ............................................................... 299
Blocs périphériques du membre supérieur : bloc interscalénique,
bloc axillaire, bloc huméral (X. MASCHINO) ............................ 300
Blocs périphériques du membre inférieur (F. MARCHAND MAILLET,
Y. AIT YAHIA) ............................................................................ 313
Blocs de la paroi abdominale (F. BONNET) ......................................... 331
Infiltrations (M. BEAUSSIER, M. AISSOU) ................................................... 336

Chapitre 12 Voies veineuses et artérielles (M. OTT)................................. 339


Voies veineuses périphériques ................................................................... 339
Pose et entretien.................................................................................. 340
Que peut-on faire si la ponction veineuse est difficile aux avant-bras ? .. 340
XVI SOMMAIRE

Complications ..................................................................................... 341


Peripherally Inserted Central Catheters (PICC) ....................................... 341
Voies veineuses centrales ........................................................................... 342
Anatomie clinique ............................................................................... 343
Généralités sur la technique de pose d’un KTC ................................. 343
Voie sous-clavière ............................................................................... 344
Voie jugulaire interne.......................................................................... 344
Apport de l’échographie ..................................................................... 345
Voie fémorale ...................................................................................... 346
Complications des voies veineuses centrales...................................... 346
Voies artérielles .......................................................................................... 347
Généralités .......................................................................................... 348
La technique........................................................................................ 348
Les complications ............................................................................... 348

Chapitre 13 Transfusion et remplissage périopératoire........................... 349


Solutés de remplissage (C. QUESNEL) ........................................................ 349
Cristalloïdes ........................................................................................ 349
Colloïdes ............................................................................................. 352
Orientations thérapeutiques et solutés de remplissage ...................... 353
Modalités de remplissage et surveillance ........................................... 355
Produits sanguins labiles (A. GODIER, S. SUSEN) ....................................... 356
Définitions........................................................................................... 356
Étapes de la transfusion...................................................................... 356
Niveaux d’urgence transfusionnelle ................................................... 358
Transformation des PSL ..................................................................... 359
Qualification des PSL ......................................................................... 359
Concentrés de globules rouges ........................................................... 360
Plasma frais congelé........................................................................... 361
Concentrés plaquettaires .................................................................... 361
Hémovigilance (A. GODIER, S. SUSEN) ...................................................... 362
Définition ............................................................................................ 362
Accident transfusionnel ...................................................................... 363
Conduite à tenir devant une suspicion d’incident transfusionnel ...... 364
Suivi à distance après une transfusion ............................................... 365
Transfusion massive (F. BONNET) .............................................................. 365
Définition ............................................................................................ 365
Complications de la transfusion massive ........................................... 366
Modalités de réchauffement du sang transfusé .................................. 367
Correction des désordres de l’hémostase associés à la transfusion ... 367

Chapitre 14 Antibioprophylaxie en milieu chirurgical


(S. EL METAOUA, C. BLAYAU).................................................................. 368
Pour qui ? ........................................................................................... 368
Comment ? .......................................................................................... 368
SOMMAIRE XVII

Chirurgie viscérale ............................................................................. 370


Chirurgie traumatologique et orthopédique ....................................... 370
Chirurgie ORL, stomatologie et cervico-faciale................................. 374
Chirurgie urologique .......................................................................... 374
Chirurgie thoracique et vasculaire ..................................................... 377
Chirurgie gynéco-obstétricale ............................................................ 377
Neurochirurgie .................................................................................... 380
Antibioprophylaxie en chirurgie ophtalmologique ............................. 380

Chapitre 15 Thromboprophylaxie veineuse (B. GAFSOU, E. MARRET) ..... 383


Moyens thérapeutiques disponibles .................................................... 384

ANESTHÉSIE SELON L’ACTE


Chapitre 16 Anesthésie de l’adulte en chirurgie digestive
(C. VEZINET, M. MOVSCHIN, D. EYRAUD)................................................ 397
Généralités ................................................................................................. 397
Période peropératoire ......................................................................... 401
Période postopératoire ....................................................................... 404
Principales complications rencontrées en postopératoire.................. 408
Cas particuliers .......................................................................................... 412
Chirurgie en urgence .......................................................................... 420

Chapitre 17 Anesthésie en chirurgie orthopédique (F. BONNET) ............ 423


Introduction ................................................................................................ 423
Consultation d’anesthésie ................................................................... 423
Fonction cardiaque ............................................................................. 424
Fonction respiratoire .......................................................................... 424
Critères d’intubation........................................................................... 424
Risque thromboembolique .................................................................. 424
Risque hémorragique et transfusionnel .............................................. 425
Interaction entre les traitements, l’anesthésie et la chirurgie ............ 426
Techniques d’anesthésie...................................................................... 428
Type d’anesthésie ....................................................................................... 431
Membre inférieur ................................................................................ 432
Rachis et bassin .................................................................................. 433
Spécificités orthopédiques ......................................................................... 433
Stratégie transfusionnelle ................................................................... 434
Garrot pneumatique ............................................................................ 436
Ciment ................................................................................................. 438
Conclusion ................................................................................................. 438

Chapitre 18 Anesthésie en chirurgie vasculaire (E. MARRET) ................. 439


Évaluation préopératoire ............................................................................ 439
Pathologie cardiovasculaire ............................................................... 440
XVIII SOMMAIRE

Pathologie respiratoire ....................................................................... 440


Pathologie rénale................................................................................ 440
Pathologie métabolique ...................................................................... 440
Gestion des traitements....................................................................... 441
Chirurgie des artères .................................................................................. 442
Chirurgie de la carotide...................................................................... 442
Chirurgie de l’aorte abdominale sous-rénale..................................... 446
Chirurgie des artères des membres inférieurs
(chirurgie vasculaire périphérique) .......................................... 450

Chapitre 19 Anesthésie en chirurgie urologique (M. OTT) ..................... 453


Généralités .......................................................................................... 453
Particularités de l’évaluation préopératoire ...................................... 453
Positions opératoires en urologie ....................................................... 454
Douleur en chirurgie urologique ........................................................ 455
Chirurgie rénale.................................................................................. 455
Chirurgie de la vessie ......................................................................... 457
Chirurgie de la prostate ...................................................................... 458
Urgences en urologie .......................................................................... 462

Chapitre 20 Anesthésie en chirurgie gynécologique


(A. VIGNEAU, L. AMASSE)........................................................................ 464
Anesthésie pour cœliochirurgie gynécologique ......................................... 464
Physiopathologie ................................................................................ 464
Diversification des indications ........................................................... 465
Précautions et monitorage .................................................................. 466
Technique anesthésique ...................................................................... 466
Période postopératoire ....................................................................... 467
Anesthésie pour laparotomie en chirurgie gynécologique ......................... 468
Indications .......................................................................................... 468
Technique anesthésique ...................................................................... 468
Période postopératoire ....................................................................... 469
Anesthésie pour chirurgie du sein .............................................................. 469
Période préopératoire......................................................................... 470
Technique anesthésique ...................................................................... 470
Période postopératoire ....................................................................... 472

Chapitre 21 Anesthésie en chirurgie ORL (A. HOUHOU) .......................... 475


Intubation difficile en chirurgie ORL ........................................................ 475
Dépistage de l’intubation difficile ...................................................... 476
Conduite à tenir devant une intubation difficile ................................. 476
Critères d’extubation .......................................................................... 478
Obstacles sur les voies aériennes supérieures ............................................ 479
Spécificités de l’anesthésie ................................................................. 479
Anesthésie pour endoscopie des voies aériennes supérieures ................... 480
Terrain................................................................................................. 480
SOMMAIRE XIX

Problèmes anesthésiques .................................................................... 480


Période postopératoire ....................................................................... 483
Chirurgie laser............................................................................................ 483
Combustion de la sonde d’intubation ................................................. 483
Risques environnementaux.................................................................. 484
Chirurgie carcinologique des voies aériennes............................................ 485
Évaluation préopératoire .................................................................... 485
Antibioprophylaxie.............................................................................. 486
Types d’interventions .......................................................................... 486
Période opératoire .............................................................................. 488
Période postopératoire ....................................................................... 488
Sténoses sous-glottiques ............................................................................ 489
Chirurgie de l’oreille .................................................................................. 489
Chirurgie du nez et des sinus ..................................................................... 490
Chirurgie des tumeurs des sinus
(sarcome, adénocarcinome, mélanome) ................................... 491
Cas particuliers .................................................................................. 491
Chirurgie des glandes salivaires................................................................. 492
Amygdalectomie ........................................................................................ 492
Évaluation préopératoire .................................................................... 492
Modalités de l’hospitalisation ............................................................ 493
Techniques anesthésiques ................................................................... 493
Complications ..................................................................................... 494
Adénoïdectomie ......................................................................................... 495

Chapitre 22 Anesthésie en ophtalmologie (F.-X. DONNETTE) .................. 496


Anatomie – Physiologie ...................................................................... 496
Types d’interventions chirurgicales .................................................... 498
Consultation d’anesthésie ................................................................... 501
Techniques d’anesthésie...................................................................... 502

Chapitre 23 Anesthésie en chirurgie pulmonaire (N. LIU) ...................... 505


Interventions ....................................................................................... 505
Évaluation préopératoire .................................................................... 506
Intubation sélective ............................................................................. 506
Conséquences de la ventilation unipulmonaire .................................. 510
Monitorage peropératoire................................................................... 511
Induction et entretien de l’anesthésie ................................................. 511
Problèmes spécifiques des différentes interventions ........................... 514

Chapitre 24 Anesthésie en chirurgie cardiaque


(J.-B. DOLBEAU, A. OUATTARA) ............................................................... 517
Évaluations préopératoires ......................................................................... 517
Consultation d’anesthésie ................................................................... 520
Stratégie transfusionnelle ................................................................... 521
Traitements préopératoires ................................................................. 522
XX SOMMAIRE

Prémédication ..................................................................................... 523


Prise en charge peropératoire ..................................................................... 524
Différents temps opératoires et spécificités ........................................ 529
Analgésie postopératoire .................................................................... 533
Particularités hémodynamiques des valvulopathies ........................... 533
Tamponnade ........................................................................................ 533

Chapitre 25 Anesthésie en neurochirurgie (J.-M. DEVYS) ....................... 536


Choix des agents anesthésiques .......................................................... 536
Monitorage périopératoire et remplissage vasculaire ........................ 539
Mesures préventives ............................................................................ 540
Traitement peropératoire d’une HTIC ................................................ 542
Suivi postopératoire ............................................................................ 542
Cas particuliers .................................................................................. 543

Chapitre 26 Anesthésie en obstétrique (A. SALENGRO) ............................ 544


Analgésie obstétricale : péridurale et solutions alternatives ...................... 544
Analgésie péridurale obstétricale ....................................................... 544
Prise en charge des échecs d’analgésie.............................................. 550
Effets secondaires et complications de l’analgésie péridurale........... 551
Alternatives ......................................................................................... 553
Conclusion .......................................................................................... 554
Anesthésie pour césarienne ........................................................................ 555
Césarienne en urgence........................................................................ 557
Mesures communes lors des césariennes sous AG ou ALR ................ 558
Complications de la césarienne .......................................................... 558
Analgésie postopératoire .................................................................... 559
Hémorragie du post-partum ....................................................................... 560
Facteurs de risques ............................................................................. 560
Diagnostic ........................................................................................... 560
Conduite à tenir .................................................................................. 561
Prévention ........................................................................................... 564
Pré-éclampsie ............................................................................................. 564
Définitions........................................................................................... 565
Physiopathologie ................................................................................ 565
Complications ..................................................................................... 566
Bilan initial ......................................................................................... 567
Traitement d’une pré-éclampsie non compliquée ............................... 569
Traitement d’une pré-éclampsie sévère et de ses complications ........ 569
Critères d’interruption de la grossesse ............................................... 572
Anesthésie de la patiente pré-éclamptique ......................................... 572
En post-partum ................................................................................... 573
Conclusion .......................................................................................... 573
Anesthésie de la parturiente cardiaque ...................................................... 573
Bilan initial ......................................................................................... 574
SOMMAIRE XXI

Cardiopathies congénitales ................................................................ 574


Valvulopathies ..................................................................................... 576
Cardiomyopathies ............................................................................... 577
Troubles du rythme ............................................................................. 578
Insuffisance coronaire......................................................................... 578
Anesthésie et analgésie obstétricales.................................................. 579
Médicaments cardiaques et grossesse ................................................ 579

Chapitre 27 Réanimation du nouveau-né en salle de naissance


(A. BARBIER, A. RIGOUZZO) ..................................................................... 581
Situations à risque .............................................................................. 581
Conduite à tenir en fonction de l’état initial ...................................... 581
Prévention de l’inhalation méconiale ................................................. 583
Réanimation des nouveau-nés en « état de mort apparente » ............ 584
Pathologies médicales fréquentes....................................................... 585

Chapitre 28 Anesthésie en chirurgie pédiatrique (I. MURAT).................. 590


Particularités physiologiques de l’enfant ................................................... 590
Système cardiovasculaire .................................................................... 591
Secteurs hydriques et maturation rénale ............................................ 591
Évaluation préopératoire ............................................................................ 592
Examens complémentaires préopératoires ........................................ 593
Jeûne préopératoire ........................................................................... 593
Prémédication ..................................................................................... 594
Monitorage ................................................................................................. 594
Préparation de la salle d’opération............................................................. 595
Matériel d’intubation .......................................................................... 596
Matériel de perfusion .......................................................................... 597
Moyens de réchauffement ................................................................... 597
Apports liquidiens et remplacement volémique ........................................ 598
Apports hydroélectrolytiques .............................................................. 598
Transfusion ......................................................................................... 599
Pharmacologie ........................................................................................... 600
Halogénés ........................................................................................... 600
Anesthésiques intraveineux ................................................................. 601
Myorelaxants et antagonistes ............................................................ 603
Morphiniques et antagonistes ............................................................. 605
Induction et entretien de l’anesthésie......................................................... 607
Induction intraveineuse ...................................................................... 608
Entretien de l’anesthésie ..................................................................... 608
Anesthésie locorégionale ........................................................................... 609
Anesthésie caudale.............................................................................. 609
Anesthésie péridurale lombaire .......................................................... 610
Blocs périphériques ............................................................................ 611
Période postopératoire ............................................................................... 612
XXII SOMMAIRE

Chapitre 29 Anesthésie en ambulatoire (M. MAILLET)............................. 616


Éligibilité ............................................................................................ 616
Information ......................................................................................... 617
Visite préanesthésique (VPA) .............................................................. 618
Anesthésie ........................................................................................... 618
Gestion des suites opératoires ............................................................ 618
Sortie .................................................................................................. 619
Appel du lendemain ............................................................................ 621
Annexe : Post-Anesthesia Discharge Scoring System ....................... 621

Chapitre 30 Anesthésie en dehors du bloc opératoire (C. RÉMY) .......... 622


Règles générales ................................................................................. 622
Anesthésie pour endoscopie digestive................................................. 623
Anesthésie pour imagerie et radiologie interventionnelle .................. 625
Anesthésie pour sismothérapie ........................................................... 629
Anesthésie pour lithotritie extracorporelle ......................................... 631

PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE


Chapitre 31 Surveillance post-interventionnelle (F. BONNET) ................. 637
Organisation des SSPI ........................................................................ 637
Transport et extubation des patients ................................................... 638
Monitorage en SSPI ............................................................................ 638
Complications en SSPI ...................................................................... 639

Chapitre 32 Nausées et vomissements postopératoires (M. DUPONT) ... 641

Chapitre 33 Rétention aiguë d’urine postopératoire (M. DUPONT) ........ 644

Chapitre 34 Prise en charge de la douleur postopératoire (C. RÉMY) ... 647


Justification d’un traitement antalgique postopératoire ............................. 647
Comment évaluer la douleur postopératoire ? ........................................... 648
Quand évaluer la douleur postopératoire ? ................................................ 649
Comment prévoir la douleur postopératoire ? ........................................... 650
Moyens de prévention de la douleur postopératoire .................................. 650
Analgésie par voie générale ............................................................... 652
Analgésie locorégionale ..................................................................... 659
Conclusion ................................................................................................. 662

Chapitre 35 Réhabilitation postopératoire (J.-P. FULGENCIO) .................. 664

Chapitre 36 Complications postopératoires précoces (C. QUESNEL) ..... 667


Pneumopathie d’inhalation ........................................................................ 667
Diagnostic ........................................................................................... 668
SOMMAIRE XXIII

Traitement ........................................................................................... 668


Ischémie myocardique postopératoire ....................................................... 669
Traitement ........................................................................................... 670
Insuffisance rénale aiguë postopératoire .................................................... 673
Étiologie .............................................................................................. 673
Mécanismes – Épidémiologie ............................................................. 673
Traitement et prévention ..................................................................... 674
Hémorragie postopératoire ........................................................................ 676
Diagnostic ........................................................................................... 676
Prise en charge ................................................................................... 677
Fièvre postopératoire ................................................................................. 678
Démarche diagnostique ...................................................................... 679
Traitement ........................................................................................... 680

Chapitre 37 Catastrophes en anesthésie ................................................... 681


Bronchospasme (N. LEMBERT) ................................................................... 681
Épidémiologie ..................................................................................... 681
Diagnostic ........................................................................................... 682
Prévention ........................................................................................... 683
Traitement ........................................................................................... 684
Conclusion .......................................................................................... 684
Laryngospasme (N. LEMBERT) ................................................................... 685
Choc anaphylactique (N. LEMBERT) ........................................................... 686
Physiopathologie ................................................................................ 686
Signes cliniques .................................................................................. 686
Traitement ........................................................................................... 687
Hyperthermie maligne (N. LEMBERT) ........................................................ 690
Définition – Diagnostic clinique – Diagnostic différentiel ................. 690
Traitement de la crise ......................................................................... 691
Après la crise ...................................................................................... 691
Arrêt cardiaque peropératoire (C. QUESNEL) ............................................. 693
Diagnostic d’ACC au bloc opératoire ................................................ 693
Conduite à tenir .................................................................................. 693
Réanimation après récupération de l’ACR......................................... 694
Situations particulières ....................................................................... 694

ANNEXES
Chapitre 38 Anesthésie : vie professionnelle (F. BONNET) ....................... 699

Abréviations..................................................................................................... 701

Index ................................................................................................................. 705


Chapitre 1

Introduction
F. Bonnet

L’anesthésie a pour objectif l’accomplissement des actes chirur-


gicaux. Son domaine d’application s’étend en fait à tous les gestes
invasifs thérapeutiques ou diagnostiques, susceptibles d’être doulou-
reux, et à l’analgésie obstétricale. Si l’objectif initial de l’anesthésie
est d’assurer une analgésie suffisante pour effectuer la chirurgie ou les
actes apparentés, il apparaît que dans la majorité des cas, un niveau
d’analgésie suffisant ne peut être obtenu sans hypnose c’est-à-dire sans
perte de conscience. Il existe une exception à cette règle représentée
par l’anesthésie locorégionale. Dans ce cas, l’application d’anesthé-
siques locaux au voisinage des structures nerveuses, qu’il s’agisse de
la moelle ou des troncs nerveux, résulte en un blocage transitoire de la
conduction nerveuse qui induit une anesthésie dans un territoire limité.
Les agents anesthésiques n’ont pas seulement des propriétés analgé-
siques et hypnotiques. Ils dépriment les grandes fonctions régulatrices
de l’organisme comme la ventilation, la régulation cardiovasculaire ou
la thermorégulation. Les patients sous anesthésie sont donc en situa-
tion de vulnérabilité. L’usage des agents anesthésiques nécessite un
monitorage étroit de l’ensemble de ces fonctions et une suppléance de
bon nombre d’entre elles. Ainsi, la perte des réflexes de déglutition et
l’apnée provoquées par l’induction d’une anesthésie générale conduit
à contrôler les voies aériennes supérieures par un dispositif adapté et
à instaurer une ventilation mécanique de suppléance. L’ensemble des
fonctions de monitorage et de suppléance sont maintenant regroupées
au sein de stations d’anesthésie qui intègrent des technologies indisso-
ciables de la pratique de l’anesthésie.
Durant l’anesthésie, les patients sont également soumis à une « agres-
sion » chirurgicale qui est non seulement douloureuse mais qui peut
également participer et de façon plus ou moins durable aux perturba-
tions de l’homéostasie. L’anesthésie se doit non seulement d’assurer
une analgésie mais aussi de minimiser et de réparer les conséquences du
2 INTRODUCTION

traumatisme chirurgical. Si la perte de conscience peut prendre fin avec


la fin de l’acte chirurgical, il est ainsi nécessaire d’assurer une analgésie
dans les heures et les jours qui suivent. Cependant, la phase de réveil
anesthésique est marquée par la récupération des fonctions (conscience,
ventilation, etc.) précédemment déprimées. Cette récupération doit être
accompagnée et les patient surveillés de façon attentive notamment
durant les toutes premières heures qui suivent la fin d’une intervention.
La surveillance s’effectue dans les salles de soins post-interventionnelles,
communément dénommées « salles de réveil ». Durant l’anesthésie et
au décours de celle-ci une mobilisation attentive des soignants est donc
nécessaire pour éviter au patient de subir un préjudice.
L’organisation des soins en anesthésie répond à des schémas parti-
culiers. L’anesthésie est une « œuvre collective ». Plusieurs soignants
médecins et non médecins se relaient auprès du patient pour assurer
la mise en œuvre des soins et leur surveillance. Ce travail en équipe
nécessite que le rôle de chacun soit bien défini et que des schémas
organisationnels soient opérationnels. Grâce à une organisation sans
faille, la mortalité directement imputable à l’anesthésie est devenue
infinitésimale, probablement de l’ordre de 1/100 000. Il n’en reste pas
moins que l’anesthésie a une morbidité propre et que par ailleurs, des
complications périopératoires dans lesquelles l’anesthésie a sa part de
responsabilité telles que la survenue d’une ischémie myocardique ou
l’aggravation d’une insuffisance rénale peuvent avoir des conséquences
à moyen terme sur le pronostic des patients. Le travail de l’anesthésiste
est donc de définir des stratégies de prise en charge pour éviter ces
complications et permettre à la très grande majorité des patients de
reprendre une autonomie fonctionnelle dans les plus brefs délais. Les
progrès effectués aussi bien en anesthésie qu’en chirurgie permettent
ainsi d’envisager la pratique de certaines interventions en « ambula-
toire », c’est-à-dire en permettant aux patients de regagner leur domi-
cile le soir de l’intervention. Pour répondre à ces objectifs l’anesthésie
s’appuie maintenant sur une démarche de type assurance-qualité qui
intègre l’évaluation des pratiques et la mise en œuvre de protocoles
de soins dont l’efficacité est démontrée par une approche de type
evidence-based medicine. De plus en plus les attitudes sont codifiées
et les pratiques sont normalisées en fonction de ces données. L’objectif
est, comme dans l’industrie aéronautique notamment, d’aboutir à des
procédures fiabilisées qui garantissent la sécurité des patients.
La conduite de l’anesthésie est de plus en plus codifiée selon les
règles de l’evidence-based medicine (médecine factuelle) qui après
analyse des données de la littérature aboutissent à des recomman-
dations formalisées d’experts (RFE) qui définissent des « bonnes
pratiques cliniques ». Bon nombre de ces RFE sont produites par le
comité des référentiels cliniques de la Société française d’anesthésie
et de réanimation (SFAR) et se trouvent sur son site (www.sfar.org).
ÉVALUATION DU RISQUE
ANESTHÉSIQUE.
STRATÉGIE DE PRISE
EN CHARGE ANESTHÉSIQUE
Chapitre 2

Consultation d’anesthésie
B. Szekely

La consultation préanesthésique, obligatoire depuis le décret 94-1050


du 5 décembre 1994, a 4 objectifs essentiels :
— évaluer le risque anesthésique ;
— décider de la technique d’anesthésie ;
— informer le patient ;
— préparer le patient à l’intervention.

INFORMATIONS PRATIQUES
ET ASPECTS RÉGLEMENTAIRES

La consultation d’anesthésie, comme toute consultation médicale,


doit comporter des locaux adéquats, un accueil-secrétariat, une salle
d’attente. La réalisation d’un ECG et de prélèvements sanguins doi-
vent aussi être possibles.
Seul le médecin anesthésiste-réanimateur est habilité à réaliser cette
consultation, qui est obligatoire pour les anesthésies générales, anes-
thésies ou analgésies locorégionales, et les sédations pour lesquelles
l’intervention d’un spécialiste en anesthésie est nécessaire. Elle doit
s’effectuer au moins 48 h avant une intervention programmée et à une
date permettant de prévoir les investigations nécessaires à l’évaluation
(examens complémentaires) et à la préparation (optimisation transfu-
sionnelle, kinésithérapie respiratoire…) du patient avant l’intervention.
Le médecin anesthésiste doit vérifier l’identité du patient, le motif
et le type d’intervention (en précisant le côté s’il y a lieu), le nom de
l’opérateur, la date de l’hospitalisation et d’intervention.
6 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

Un questionnaire préanesthésique est parfois remis aux patients avant


la consultation d’anesthésie. Il est rempli par le patient ou avec l’aide
d’un tiers ou du médecin traitant. Les antécédents médico-chirurgi-
caux, anesthésiques et transfusionnels, les habitudes de vie et les traite-
ments en cours (ordonnances) y sont demandés. Le questionnaire écrit
ne doit en aucun cas remplacer l’interrogatoire et l’examen clinique.

CONSULTATION
D’ANESTHÉSIE

La consultation a pour objectif de regrouper toutes les informations


qui ont trait au patient afin d’assurer sa sécurité. Celles-ci doivent être
colligées pour permettre d’évaluer le risque anesthésique, de préparer le
patient à l’intervention, de proposer la meilleure stratégie per- et post-
anesthésique. Les informations concernant le patient, ainsi que les docu-
ments permettant de retrouver la trace écrite des informations de type
réglementaire et celles préconisées par les recommandations profession-
nelles (ambulatoire, transfusion…), doivent être regroupées dans le dos-
sier d’anesthésie. Les résultats des examens complémentaires et/ou des
consultations spécialisées sont consignés dans le dossier d’anesthésie, le
tout devant être inséré dans le dossier médical du patient.
L’informatisation du dossier d’anesthésie (y compris la consultation
d’anesthésie) est de plus en plus courante dans de nombreux établisse-
ments de santé. Elle doit obéir à certaines règles : obligations légales,
réglementaires et recommandations de la SFAR. L’un des nombreux
objectifs est de simplifier et de standardiser le recueil des données lors
de la consultation d’anesthésie.
La consultation préanesthésique est différente de la visite préanes-
thésique, qui doit être aussi effectuée par un médecin anesthésiste
dans les heures précédant le moment prévu pour l’intervention. Dès la
consultation préanesthésique, il est établi si l’état médical du patient
nécessite de prévoir la visite préanesthésique la veille de l’interven-
tion, ou si la situation médicale est compatible avec une visite faite
avant l’entrée dans la salle d’opération (ou d’exploration).
L’anesthésie est réalisée sur la base d’un protocole établi et exécuté
sous la responsabilité d’un médecin anesthésiste, en tenant compte
des résultats de la consultation et de la visite préanesthésiques. En
l’absence d’évènement intercurrent, le protocole anesthésique décidé
en consultation sera appliqué. De nouvelles informations (apportées
par le chirurgien ou le patient) ou les habitudes de l’anesthésiste qui
CONSULTATION D’ANESTHÉSIE 7

a en charge le patient peuvent faire modifier cette prise en charge.


Il est alors essentiel de l’expliquer au patient et de le noter dans le
dossier d’anesthésie lors de la visite préanesthésique.

ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

Antécédents

Chirurgicaux
Toutes les interventions (si possible, avec l’année) sont notées. Les
complications postopératoires médicales (accidents thromboembo-
liques, infarctus…), et les complications chirurgicales (transfert en
réanimation, ré-interventions…).
Le type d’anesthésie pratiqué (AG, ALR, AG  +  ALR, sédation),
et ses éventuelles complications  : intubation difficile, hyperthermie
maligne, allergie (latex, curares, antibiotiques…), mais aussi nausées-
vomissements, complications liées à l’ALR (difficultés de ponction,
brèche dure-mérienne, complications neurologiques…).

Gynéco-obstétricaux
Accouchement(s) par voie basse ou par césarienne (sous péridurale
ou sous AG), compliqué(s) ou non d’un syndrome hémorragique,
d’une HTA, d’une éclampsie.
IVG ou fausses couches (immunisations).
Toute femme en âge de procréer doit être interrogée sur la possibi-
lité de grossesse.

Médicaux
Toutes les pathologies qui peuvent interférer ou modifier la prise
en charge médicale du patient ou les techniques anesthésiques sont
systématiquement recherchées.
• Les pathologies cardiovasculaires :
— cardiopathie ischémique (angor stable ou instable, antécédent
d’IDM). Les thérapeutiques interventionnelles réalisées (type d’angio-
plastie, ± stents, et le type de stent coaté ou non) ;
— valvulopathie (type, échocardiographie à éventuellement recontrô-
ler pour évaluer l’évolutivité en préopératoire) ;
— insuffisance cardiaque (classification NYHA, évaluation écho-
cardiographique) ;
— troubles du rythme (AC/FA paroxystique ou chronique) ou de
l’excitabilité (ESV, épisodes de tachycardie…). L’existence d’un pace-
8 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

maker (type, mode de fonctionnement, carnet, dernier contrôle) ou


d’un défibrillateur implantable ;
— pathologies athéromateuses  : artérite oblitérante des membres
inférieurs, sténoses carotidiennes (Doppler des troncs artériels supra-
aortiques) ;
— antécédents thromboemboliques ; phlébite et embolie pulmo-
naire avec leurs circonstances de survenue (postopératoire ou non).
Les résultats du bilan biologique de thrombose doivent être demandés,
s’il a déjà été effectué. Dans le cas où la chirurgie est à haut risque
thromboembolique, il est opportun de pratiquer le bilan biologique
lors du bilan préopératoire.
• Les pathologies respiratoires :
— obstructives :
– asthme non sévère (en général pas de traitement de fond) ou
sévère, fréquence des crises, date de la dernière crise, antécédent d’hos-
pitalisation (en particulier en réanimation) ;
– bronchopneumopathie obstructive (bronchite chronique, emphy-
sème pulmonaire…) ;
— restrictives (fibroses, séquelles de tuberculose pulmonaire…).
• Un diabète de type 1 (insulinodépendant) ou 2 (non insulino-
dépendant) est aussi systématiquement recherché, ainsi que les compli-
cations.

Autres antécédents importants à rechercher


Gastrite, ulcère gastroduodénal, hernie hiatale avec ou sans reflux
gastro-œsophagien.
Glaucome à angle fermé, adénome ou hypertrophie prostatique.

Dépendances

— tabagisme actif ou arrêt (récent ou ancien) ;


— chez les patients fumeurs, tous les moyens pour aider le patient
à s’arrêter de fumer doivent être mis en œuvre : proposition de consul-
tation de tabacologie, ou utilisation de substituts nicotiniques par voie
transdermique ou orale ;
— éthylisme (sevré ou non) ;
— toxicomanie (sevrée ou non) et type de drogues.

Terrain atopique
Antécédents d’allergies :
— médicamenteuses, en particulier aux antibiotiques (pénicilline et
dérivés, etc.), et à l’iode ;
CONSULTATION D’ANESTHÉSIE 9

— et non médicamenteuses (latex, allergies alimentaires) ;


— avec le type de réaction (œdème de Quincke, asthme, éruption
cutanée…).
Un bilan allergologique est parfois nécessaire en préopératoire.

Recherche d’anomalies de l’hémostase


Le patient a-t-il une tendance anormale au saignement, des anté-
cédents d’épistaxis, de gingivorragie, d’hématurie inexpliquée, d’hé-
marthrose, d’hématome, ou des antécédents de saignements anormaux
après une intervention chirurgicale mineure ? Un questionnaire standar-
disé peut aider l’anamnèse.

Données morphologiques
Poids, taille sont systématiquement notés avec éventuellement
calcul du BMI (dénutrition, ou à l’inverse surcharge pondérale voire
obésité).

Évaluer le risque de nausées


et vomissements postopératoires (NVPO)
L’utilisation de scores de prédiction simplifiés (Score d’Apfel et
collaborateurs) est recommandée pour estimer le risque de NVPO.

Examen clinique

Il est orienté par les données de l’interrogatoire, un examen complet


étant inutile. Le plus souvent il se limite à :
• la mesure de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque,
voire de la SPO2 ;
• l’auscultation :
— cardiaque (à la recherche d’un souffle ou d’une arythmie) ;
— pulmonaire (à la recherche d’une asymétrie, de ronchus et/ou de
sibilants) ;
— carotidienne (à la recherche d’un souffle) ;
• état veineux des membres inférieurs (varices, varicosités, dermite
ocre, œdème) ;
• si une ALR est prévue, il faut procéder à l’examen de la zone de
ponction  : état cutané (éruption), infection, adénopathie, déformation
du rachis (scoliose, cyphose) ;
• les critères d’intubation et de ventilation au masque difficiles sont
recherchés (voir Chapitre 6, Accès aux voies aériennes) :
— état dentaire (édentation), présence d’un appareil dentaire mobile
ou non (haut et/ou bas), implants dentaires ;
10 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

— critères morphologiques  : protrusion dentaire, prognathisme,


rétrognathisme, macroglossie, cou court, présence d’une barbe ;
— la raideur de nuque est notée, et le stiff joint test fait, en particu-
lier chez le patient diabétique (faire joindre les mains à plat) ;
— l’existence d’un ronflement ou d’un syndrome d’apnée du sommeil ;
— l’ouverture buccale (< 35 mm, 35 à 50 mm, > 50 mm), le score
de Mallampati (I à IV), et la distance thyromentonnière (<  ou  > à
6,5 cm) sont notés.
Cas particuliers :
— préciser les éventuels déficits neurologiques préopératoires ;
— chez l’insuffisant rénal chronique dialysé : la persistance d’une
diurèse résiduelle ou non et le côté de la fistule artério-veineuse
(FAV), pour interdire l’accès veineux et la pression artérielle non inva-
sive du même côté ;
— préciser les abords veineux  : en cas de chambre implantable,
d’antécédent de curage ganglionnaire (préciser le côté, pour interdire
l’accès veineux), chez les patients toxicomanes ou brûlés…

PRESCRIPTION DES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

Les examens complémentaires ne doivent être motivés que par les


données de l’interrogatoire et de l’examen clinique, du type d’inter-
vention et d’anesthésie envisagées et des risques liés à chaque spécia-
lité chirurgicale.
L’ECG n’est pas systématique (voir Références médicales oppo-
sables). Il est prescrit en fonction de l’âge (> 65  ans), des antécé-
dents et des traitements pris par le patient. Il est recommandé de ne
pas prescrire un nouvel ECG lorsqu’un tracé de moins de 12 mois est
disponible. Il est recommandé de ne pas prescrire un ECG pour une
intervention mineure. Avant 65 ans, il est recommandé de ne pas pres-
crire un ECG avant une intervention à risque intermédiaire ou élevé
sauf en cas de signes d’appel, de facteurs de risque ou de pathologie
cardiovasculaire.
La radiographie pulmonaire préopératoire est prescrite unique-
ment en fonction des antécédents, de l’examen clinique et de la patho-
logie  : insuffisance cardiaque, chirurgie thoracique, thyroïdectomie à
la recherche d’un goitre plongeant, d’une déviation trachéale (risque
d’intubation difficile).
Bilan biologique : aucun de façon systématique, essentiellement en
fonction du terrain, du type de chirurgie et du risque hémorragique.
Il ne faut pas prescrire de bilan d’hémostase chez les patients dont
l’anamnèse et l’examen ne font pas suspecter un désordre d’hémo-
stase, quelle que soit la classe ASA et quelle que soit la chirurgie (à
l’exclusion des enfants avant l’âge de la marche), et quel que soit le
CONSULTATION D’ANESTHÉSIE 11

type d’anesthésie (y compris en obstétrique). Un avis spécialisé est à


l’inverse recommandé en cas de diathèse hémorragique. Chez l’adulte
non interrogeable, il faut prescrire un TP, un TCA et une numération
des plaquettes. Pour une intervention à risque mineur, l’hémogramme
est inutile (quel que soit l’âge) mais il devient nécessaire en cas de
risque intermédiaire ou élevé. La prescription de groupage sanguin
et de RAI ne se conçoit qu’en cas de risque intermédiaire ou élevé
de transfusion, il est inutile alors de disposer des résultats lors de la
visite préanesthésique. Les examens biochimiques sanguins sont inu-
tiles dans le contexte de la chirurgie mineure mais il est utile d’éva-
luer la fonction rénale en cas de chirurgie intermédiaire ou majeure.
Examens complémentaires les plus couramment demandés en
anesthésie, éventuellement après avis spécialisé :
— à visée cardiovasculaire : échocardiographie (recherche ou éva-
luation d’une valvulopathie, appréciation de la fonction ventriculaire
gauche, recherche d’un patent foramen ovale (PFO) (chirurgie en
position assise), épreuve d’effort, scintigraphie myocardique avec un
test à la persantine, écho dobutamine de stress, Holter, coronarogra-
phie, Doppler des troncs artériels supra-aortiques et des arcades pal-
maires, Doppler veineux des membres inférieurs. Il est recommandé
de limiter les indications d’échocardiographie pré-interventionnelle
aux sous-groupes de patients qui sont symptomatiques, tels que ceux
présentant une dyspnée d’effort, une insuffisance cardiaque, un souffle
systolique non connu ou une suspicion d’hypertension artérielle pul-
monaire ;
— à visée respiratoire : épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR),
gaz du sang, scintigraphie pulmonaire de ventilation et de perfusion ne
sont prescrits qu’en cas de pathologie pulmonaire évolutive ou aiguë ;
— en cas de possibilité de grossesse : prescrire un dosage plasma-
tique des β-HCG (avec le consentement de la patiente). S’il est positif,
reporter l’intervention chaque fois que possible.

INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES
(Y COMPRIS AGENTS ANTIPLAQUETTAIRES
ET ANTICOAGULANTS)

Les traitements à visée cardiovasculaire

Ce sont essentiellement les inhibiteurs de l’enzyme de conversion


(IEC) prescrits pour une HTA et les antagonistes de l’angiotensine II
(ARA  II), qui doivent être arrêtés avant l’intervention, en tenant
compte de leur demi-vie. Ils seront remplacés si besoin par un inhibi-
teur calcique. Les diurétiques doivent aussi être stoppés.
12 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

Il n’y a plus d’indication à arrêter les statines en préopératoire chez


les patients traités. La prescription de statines en préopératoire chez
les patients devant bénéficier d’une chirurgie vasculaire (avec ou sans
facteurs de risque) est licite (hors contre-indications). L’emploi de
statines chez les patients avec au moins un facteur de risque cardio-
vasculaire, devant bénéficier d’une chirurgie non vasculaire à risque
intermédiaire ou élevé, peut se discuter.

Relais à envisager

Les anticoagulants doivent le plus souvent être arrêtés avant la


chirurgie (sauf cas particulier). Les antivitamines K (AVK) seront
arrêtées dans les jours qui précèdent l’intervention et relayées en
fonction de la pathologie pour laquelle le traitement anticoagulant a
été institué, soit par une héparine de bas poids moléculaire (HBPM),
soit par une héparine non fractionnée (Calciparine® sous-cutanée
ou héparine intraveineuse). La date d’arrêt de l’AVK est fonction
de la molécule utilisée et de l’INR du patient. Le relais sera effec-
tué en ville (ex.  : AVK pour AC/FA paroxystique) ou en hospitali-
sation (ex.  : patient porteur d’une valve mitrale mécanique). Lors
de l’hospitalisation, un nouveau bilan d’hémostase est prélevé et
si besoin un dosage de l’héparinémie ou de l’activité anti-Xa. En
cas de traitement par l’héparine, celui-ci doit être arrêté entre 2 et
4  h avant la chirurgie. En cas de traitement par HBPM, la dernière
injection aura lieu 12 à 24 h avant l’intervention en fonction du type
de chirurgie (prudence en neurochirurgie par exemple) et d’anesthé-
sie (prudence en cas d’ALR, surtout périmédullaire) pratiquées. De
nouvelles molécules anticoagulantes orales (anti-Xa ou anti-IIa) plus
maniables, mais sans antidotes, sont arrivées sur le marché. La ges-
tion périopératoire de ces molécules n’est pas encore clairement défi-
nie et validée, hormis pour le fondaparinux (Arixtra®) pour lequel un
délai de 36 h est recommandé.
L’arrêt des agents antiplaquettaires (aspirine, Plavix®, Ticlid®…)
ne doit pas être systématique, mais réfléchi notamment en cas de stent
coronaire, car le facteur le plus important de thrombose de stent est
l’interruption des agents antiplaquettaires. Le type de chirurgie (l’ac-
cord du chirurgien est nécessaire, surtout si le traitement est pour-
suivi), le degré d’urgence de l’intervention, la nécessité de pratiquer
une ALR rachidienne ou périmédullaire et l’indication du traitement
(avis du spécialiste) sont autant de facteurs intervenant dans la déci-
sion. Les dernières études montrent que le risque thrombotique en
particulier pour les patients stentés impose de maintenir au moins un
agent antiplaquettaire en périopératoire, d’autant que maintenir l’as-
pirine est possible pour la plupart des gestes chirurgicaux. Ainsi le
CONSULTATION D’ANESTHÉSIE 13

plus souvent l’arrêt est décidé 5 à 10  jours avant l’intervention. Le


relais par un anti-inflammatoire de demi-vie courte (Cébutid® 50 mg
deux fois par jour jusqu’à la veille de l’intervention) n’est plus recom-
mandé. La tendance actuelle étant de poursuivre au moins l’aspirine
si la chirurgie le permet, ou de l’arrêter 5  jours au maximum. Dans
les cas où l’aspirine doit être interrompue au moins 10 jours avant la
chirurgie, il sera relayé par une HBPM à dose curative prescrite en
2 injections quotidiennes.
En ce qui concerne les nouveaux agents antiplaquettaires (prasu-
grel  : Effient®, ticagrelor  : Brilique®), il faut tenir compte de leurs
pharmacocinétiques pour les arrêter avant la chirurgie.
Autres traitements nécessitant des précautions particulières  :
les biguanides doivent être arrêtés 48  h avant l’intervention. Les
patients traités par corticoïdes ou ayant des antécédents récents (< à
1  an) de corticothérapie au long cours sont à risque d’insuffisance
surrénalienne, une supplémentation systématique en glucocorticoïde
est nécessaire.
Le risque thromboembolique doit être évalué dès la consultation
d’anesthésie  : une ordonnance de bas-antithrombose est éventuelle-
ment remise au patient en fonction du risque et la thromboprophylaxie
périopératoire prévue.
La nécessité d’une antibioprophylaxie de l’endocardite doit être
notée, en sachant que les indications actuelles se sont restreintes aux
« cardiopathies à haut risque » devant subir une intervention de la
sphère dentaire (selon les recommandations de l’European Society of
Cardiology de 2009).

SYNTHÈSE DE LA CONSULTATION

À l’issue de la consultation, le patient est évalué selon la classifica-


tion ASA (tableau 2-I).
D’autres scores peuvent aussi être utilisés pour évaluer le risque
chirurgical en fonction du type de chirurgie, à titre d’exemples : l’Euro-
score (chirurgie cardiaque), le Thoracoscore (chirurgie thoracique) et le
POSSUM (toutes chirurgies).
La technique anesthésique ALR et/ou AG est décidée en accord
avec le patient à qui les bénéfices escomptés et les inconvénients et/ou
complications éventuelles de chaque technique sont expliqués en termes
simples.
En cas d’intubation difficile, le matériel nécessaire doit être prévu,
et le patient prévenu de la nécessité éventuelle de pratiquer l’intuba-
tion sous fibroscopie.
Les monitorages et techniques particuliers doivent être aussi expli-
qués  : jet-ventilation (sur cathéter intercricoïdien), cathéter central,
14 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

Tableau 2-I Classification ASA (classification proposée par l’American Society


of Anesthesiologists). (D’après « Les examens préopératoires systématiques »,
ANAES, décembre 1998.)

• ASA I : patient n’ayant pas d’affection autre que celle nécessitant l’acte
chirurgical.
Exemple : hernie inguinale chez un patient par ailleurs en bonne santé.
• ASA II : patient ayant une perturbation modérée d’une grande fonction,
en relation avec l’affection chirurgicale ou une autre affection.
Exemple : bronchite chronique, obésité modérée, diabète contrôlé par le
régime, infarctus ancien, HTA modérée.
• ASA III : patient ayant une perturbation sévère d’une grande fonction,
en relation avec l’affection chirurgicale ou une autre affection.
Exemple : insuffisance coronarienne avec angor, diabète insulinodépendant,
obésité morbide, insuffisance respiratoire modérée.
• ASA IV : patient courant un risque vital du fait de l’atteinte d’une grande
fonction.
Exemple : insuffisance cardiaque sévère, angor rebelle, arythmie réfractaire
au traitement, insuffisance respiratoire, rénale, hépatique ou endocrinienne
avancée.
• ASA V : patient moribond.
Exemple : rupture d’anévrisme de l’aorte abdominale en grand état de choc.

pression artérielle sanglante, échocardiographie transœsophagienne


(ETO), Doppler œsophagien, intubation à double lumière.
Intervention potentiellement hémorragique  : le patient doit
être prévenu de la possibilité de transfusion de produits sanguins.
Les pertes sanguines prévisibles et admissibles doivent être calcu-
lées en fonction de la chirurgie prévue, du taux d’hémoglobine de
départ et de celui qu’on peut tolérer en fin de procédure (saigne-
ment postopératoire compris). Selon cette prévision, en chirurgie
réglée, une stratégie transfusionnelle est mise en place  : traitement
martial préopératoire, transfusion homologue le plus souvent, éven-
tuellement précédée de l’administration préopératoire d’érythro-
poïétine, plus rarement transfusion autologue différée programmée
ou par érythrocytaphérèse nécessitant un délai de 2 à 3  semaines.
Les techniques d’autotransfusion gardent surtout une indication en
cas de groupe rare ou de poly-immunisation. L’indication de récu-
pération sanguine autologue peropératoire (type Cell Saver™) ou
postopératoire (récupération du sang des drainages) est également
posée lors de la consultation. L’établissement transfusionnel doit
être prévenu de la commande prévisible de produits sanguins labiles
pour l’intervention.
CONSULTATION D’ANESTHÉSIE 15

Le type d’analgésie périopératoire et les techniques utilisées


sont expliqués  : PCA, PCEA et autres techniques d’analgésie loco-
régionale. Le patient est prévenu des structures dans lesquelles il sera
accueilli en postopératoire (SSPI, USI, réanimation, salle d’hospitali-
sation ou ambulatoire).
L’hospitalisation se fait habituellement la veille, de plus en plus
souvent le matin de l’intervention. Les consignes de jeûne (minimum
3 h) et la liste des traitements, à prendre ou à interrompre, doivent être
clairement expliquées, voire écrites.
La prémédication associe un anxiolytique type hydroxyzine Ata-
rax® ou une benzodiazépine, le traitement du patient (en totalité ou en
partie, en particulier les traitements cardiovasculaires) et éventuelle-
ment un antiacide (Tagamet® effervescent).

INFORMER LE PATIENT

Des informations écrites concernant l’anesthésie et la transfusion


peuvent être remises au patient avant la consultation préanesthésique
(Les recommandations et modèles rédactionnels de la SFAR concer-
nant l’information aux patients avant l’anesthésie (adulte, pédiatrique
ou obstétricale), la transfusion sanguine et la douleur post-interven-
tionnelle, peuvent être consultés sur le site de la SFAR  : http://www.
sfar.org), ce qui doit permettre au patient de lire les informations
avant celle-ci. Il peut ainsi demander des précisions ou explications
complémentaires au médecin lors de ladite consultation. La signature
du patient au bas d’un document d’information n’a aucune valeur juri-
dique particulière.
Des questions concernant l’acte interventionnel sont aussi souvent
posées, mais c’est à l’opérateur d’expliquer au patient l’intervention
qu’il va effectuer ou de lui remettre des informations écrites concer-
nant l’intervention prévue.
Le patient doit aussi être informé que le médecin qui réalisera l’acte
ne sera pas nécessairement celui qui l’a vu lors de la consultation. Car
les intervenants anesthésistes-réanimateurs peuvent être différents en
pré-, per- et postanesthésie, en fonction de l’organisation de chaque
établissement de santé (public ou privé).
16 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

CAS PARTICULIERS

CONSULTATIONS ITÉRATIVES

Chaque nouvel acte chirurgical (ou exploration) doit être précédé


d’une consultation d’anesthésie. En fonction de l’état médical du
patient, du type d’intervention et de la date à laquelle cette intervention
(ou exploration) est prévue (< 1 mois), on peut, soit faire une nouvelle
consultation d’anesthésie avant la sortie du patient, soit le reconvo-
quer en consultation d’anesthésie. Dans tous les cas, le consentement
éclairé du patient doit être obtenu. Il doit être informé en particulier
de la nécessité, pour sa sécurité, de signaler tout changement dans son
état de santé et/ou dans son traitement. Il doit enfin être averti de la
possibilité d’un report ou d’une annulation de son intervention en cas
d’apparition d’un élément nouveau rendant inappropriée la stratégie
préalablement retenue.
La visite préanesthésique la veille ou dans les heures précédant l’in-
tervention est dans ce cas particulièrement importante. Elle permet de
vérifier qu’aucune modification pathologique ou thérapeutique pou-
vant interférer avec l’intervention n’est apparue entre la consultation
préanesthésique initiale et l’hospitalisation actuelle. Elle doit se faire
avec un délai suffisant avant l’induction pour permettre de faire le
point avec le patient sur son état de santé et son traitement ainsi que la
vérification du respect des consignes préopératoires.
Si le patient reste hospitalisé, une visite préanesthésique est néces-
saire en fonction du degré d’urgence avant l’entrée dans la salle
d’opération (ou d’exploration).

CONSULTATION EN URGENCE

Celle-ci s’apparente plus à une visite préanesthésique avec le bilan


biologique requis pour l’intervention prévue. En fonction du degré
d’urgence de la chirurgie, on peut être amené à différer l’intervention
de quelques heures à quelques jours, pour obtenir des renseignements
médicaux complémentaires, des avis spécialisés et/ou des examens
complémentaires. L’interrogatoire des accompagnants et l’informa-
tion de la famille concernant les risques (si le patient n’est pas en état
de comprendre) doivent être effectués. Les risques et les bénéfices à
effectuer au plus vite ou au contraire à retarder l’intervention doivent
être pesés.
CONSULTATION D’ANESTHÉSIE 17

POUR EN SAVOIR PLUS

Albaladejo P, Rosencher N, Samama Ch-M. Anciens et nouveaux antithrombo-


tiques : perspectives pour l’anesthésiste. 52e congrès national d’anesthésie et de
réanimation. Médecins. Conférences d’actualisation de la SFAR. 2010.
Décret n° 94-1050 du 5 décembre 1994 relatif aux conditions techniques de fonc-
tionnements des établissements de santé en ce qui concerne la pratique de l’anes-
thésie et modifiant le Code de la Santé publique (troisième partie : Décrets). JO
du 8 décembre 1994 ; 8 : 17383-85.
Diemunsch P. Prise en charge des nausées et vomissements postopératoires.
Conférence d’experts de la SFAR. Paris, Elsevier, septembre 2007.
Fusciardi J et le comité de vie professionnelle de la SFAR. La visite préanesthé-
sique « dans les heures précédant le moment prévu pour l’intervention »  : mise
au point. Ann Fr Anesth Réanim. 2005 ; 24 (4) : 449.
GEHT-HAS (service des bonnes pratiques professionnelles). Recommandations
professionnelles. Prise en charge des surdosages, des situations à risque hémor-
ragique et des accidents hémorragiques chez les patients traités par antivita-
mines K en ville et en milieu hospitalier, avril 2008.
Groupe de travail SFAR « Dossier d’anesthésie ». http://www.sfar.org/article/54/
dossier-anesthesique-sfar-2001
Lienhart A, Bricard H. Les consultations préanesthésiques délocalisées et
consultations préanesthésiques pour anesthésies itératives et rapprochées. Ann Fr
Anesth Réanim. 2001 ; 20 : fi166-fi168.
Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du
système de santé.
Martin C, Auboyer C, Dupont H, Gauzit R, Kitzis M, Lepape A et al. Anti-
bioprophylaxie en chirurgie et médecine interventionnelle (patients adultes).
Conférences d’actualisation de la SFAR. Paris, Elsevier, 2010.
Recommandations de la SFAR concernant la période préanesthésique servant à
définir les bonnes pratiques (septembre 1994).
Tabagisme périopératoire. Conférence d’experts. SFAR-OFT-AFC. 17 octobre 2005
(http://www.sfar.org).
Chapitre 3

Stratégie de prise en charge


selon le terrain

PATHOLOGIE
CARDIOVASCULAIRE

E. Marret

INSUFFISANCE CORONARIENNE
La survenue d’une ischémie et a fortiori d’une nécrose myocardique
pendant la période périopératoire conditionne le pronostic vital des
patients à court mais aussi à moyen et à long terme.
La plupart des épisodes ischémiques périopératoires sont asympto-
matiques.
L’amélioration du pronostic de ces patients passe par une évalua-
tion préopératoire du risque puis l’instauration d’une stratégie visant
à diminuer la survenue d’une ischémie myocardique périopératoire
et de ces complications (troubles du rythme, insuffisance cardiaque,
infarctus du myocarde, décès).

Période préopératoire (figure 3-1)


Première étape : évaluer le risque
Selon le score simplifié de Lee (tableau 3-I)
Une chirurgie majeure (vasculaire, orthopédique, intrapéritonéale…)
chez un patient ayant un facteur de risque justifie la mise en œuvre
d’une stratégie pour diminuer le risque de complications cardiaques
périopératoires.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 19

Antécédent de coronarographie
Antécédent d’insuffisance cardiaque
Diabète insulinodépendant
Insuffisance rénale (créat > 177 μmol/l)
Capacité fonctionnelle réduite

NON OUI

Tests non invasifs

Test négatif Test positif*

Coronarographie

Lésion(s) Lésion(s)
Chirurgie β-bloquants
non significative(s) significative(s)

Revascularisation myocardique
par stent(s) ou chirurgie cardiaque

* Une coronarographie est d’autant plus souhaitable si l’ischémie myocardique est étendue lors du test
d’effort cardiaque ou si le patient présente une diminution de la fraction d’éjection du ventricule
gauche.

Figure 3-1 Arbre décisionnel pour l’évaluation du risque cardiaque et la mise


en place d’un traitement avant une chirurgie à risque modéré ou majeur. La
prescription de bêtabloquants avec un objectif de fréquence cardiaque
périopératoire (FC ≤ 80 b/min) est une alternative à la revascularisation
myocardique en cas de test non invasif positif.

Selon les recommandations de l’American College


of Cardiology et l’American Heart Association (ACC/AHA)
(tableau 3-II)
L’évaluation repose sur 3  éléments  : le risque lié à la chirurgie, le
risque lié au patient et la capacité du malade à réaliser un effort. Elle
20 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

Tableau 3-I Score simplifié de Lee. (D’après Lee et al. Circulation. 1999 ; 100 :
1044-9)

Probabilité
Facteur de risque Point Score Classification de complication
(p. 100)

Chirurgie majeure* +1 0 I 0,4

ATCD de +1 1 II 0,9
coronaropathie

ATCD d’insuffisance +1 2 III 6,6


cardiaque

ATCD d’accident +1 >3 IV 11


vasculaire cérébral

Diabète +1

Créatininémie +1
> 2 mg/dL
* La chirurgie majeure comprend la chirurgie intrapéritonéale, la chirurgie intrathoracique, la
chirurgie vasculaire sus-inguinale.

Tableau  3-II Classification du risque d’évènement cardiovasculaire adverse


et organigramme d’évaluation de la fonction cardiaque selon l’ACC/AHA.
(D’après l’AHA/ACC. Guidelines. Anesth Analg. 2002 ; 94 : 1052-64)

Risque lié à la chirurgie

Activité
Majeur Modéré Mineur
physique
Risque lié au patient

Majeur < 4 MET


Reporter la chirurgie et consultation
cardiologique (exploration, traitement)
> 4 MET

Modéré < 4 MET Test non invasif Test non invasif Chirurgie

> 4 MET Test non invasif Chirurgie Chirurgie

Mineur < 4 MET Test non invasif Chirurgie Chirurgie

> 4 MET Chirurgie Chirurgie Chirurgie


STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 21

débouche sur la décision éventuelle d’explorations complémentaires


avant la chirurgie.
Facteurs liés au patient augmentant le risque des complications
cardiovasculaires :
• majeurs :
— syndrome coronarien récent : infarctus du myocarde à la phase
aiguë (moins de 7 jours) ou récent (datant de moins de 1 mois) avec
ischémie résiduelle, angor instable ou sévère (ex.  : stable chez un
patient sédentaire) ;
— insuffisance cardiaque décompensée ;
— arythmie sévère : bloc auriculo-ventriculaire de haut degré, aryth-
mie ventriculaire symptomatique chez un patient atteint d’une cardio-
pathie, arythmie supra-ventriculaire avec rythme ventriculaire non
contrôlé ;
— valvulopathie sévère ;
• modérés :
— antécédent d’infarctus du myocarde ou onde Q de nécrose sur
l’ECG ;
— angor stable ;
— insuffisance cardiaque compensée ;
— diabète (notamment si insulinodépendant) ;
— insuffisance rénale (créatininémie supérieure à 1,4 mg/dl) ;
• mineurs :
— âge avancé (> 70 ans) ;
— anomalies sur l’ECG : hypertrophie ventriculaire, bloc de branche
gauche, anomalies du segment ST ;
— rythme cardiaque non sinusal (par exemple, arythmie complète
par fibrillation auriculaire) ;
— capacité fonctionnelle à l’effort diminuée ;
— accident vasculaire cérébral ;
— hypertension artérielle (HTA) non contrôlée.
Facteurs liés à l’acte chirurgical augmentant le risque des compli-
cations cardiovasculaires :
• majeurs (incidence des complications cardiovasculaires > 5 p. 100) :
— chirurgie aortique et autre chirurgie vasculaire majeure ;
— chirurgie longue avec des variations importantes des différents
compartiments liquidiens et/ou des pertes sanguines importantes ;
— chirurgie en urgence, notamment chez la personne âgée ;
• modérés (incidence des complications cardiovasculaires entre 1 et
5 p. 100) :
— endartériectomie carotidienne ;
— chirurgie de la tête et du cou ;
— chirurgie thoracique ou intrapéritonéale ;
— chirurgie orthopédique ;
— chirurgie de la prostate ;
22 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

• mineurs (incidence des complications cardiovasculaires < 1 p. 100) ;


— chirurgie par voie endoscopique ;
— chirurgie superficielle ;
— chirurgie de la cataracte ;
— chirurgie du sein.
Évaluation de l’effort du patient  : l’activité physique du patient
est évaluée en MET (metabolic equivalents) selon l’index d’activité
de Duke. L’« équivalent métabolique » d’une activité est le ratio de
la dépense énergétique du métabolisme lors de la pratique de cette
activité sur la dépense énergétique au repos. Le MET est défini en
kilocalorie par kilo et par heure d’activité.
• Moins de 4 MET (activité physique faible). Activité de la vie cou-
rante  : manger, s’habiller, faire la vaisselle, marcher à la maison ou
dans la rue entre 3 à 5 km/h.
• De 4 à 10 MET (activité physique modérée). Activité modérée  :
monter un étage sans s’arrêter, marcher dans la rue entre 5 à 7 km/h,
courir sur une courte distance, activité domestique intense (laver par
terre, déplacer les objets lourds), activité sportive modérée (golf,
danse ou tennis en double).
• Plus de 10 MET (activité physique importante). Activité sportive
importante : natation, ski, faire un match de tennis en simple.

Deuxième étape :
diminuer le risque de complications cardiaques
Test d’effort cardiaque non invasif
Sa réalisation ne doit pas être systématique mais uniquement
lorsqu’il existe un risque important de complications cardiaques (voir
tableau 3-II) ou un score de Lee élevé (score supérieur ou égal à 2).
Les tests d’effort cardiaque ont comme intérêt principal d’avoir une
excellente valeur prédictive négative. Autrement dit, un test négatif réduit
à une probabilité quasi nulle le risque de complications cardiaques pério-
pératoires. Un résultat négatif permet ainsi de surseoir à la coronarogra-
phie. Toutefois, ces patients peuvent justifier d’une surveillance afin de
dépister précocement une complication cardiaque éventuelle.
Le choix entre les différents tests d’effort cardiaque repose le plus
souvent sur les capacités du patient à réaliser une épreuve physique
(marcher, pédaler), des disponibilités et des expertises locales et du
choix du cardiologue. Il n’est pas recommandé de réaliser un test d’ef-
fort si celui-ci risque d’être sous-maximal (< 85 p. 100 FMI).
• Électrocardiogramme d’effort :
— avantages  : examen facilement disponible, détermination d’une
valeur de fréquence cardiaque seuil d’apparition d’une ischémie myo-
cardique ;
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 23

— inconvénients  : réalisation difficile voire impossible chez les


patients ayant une activité physique faible et la plupart des patients
programmés pour une chirurgie vasculaire et orthopédique, interpré-
tation difficile en cas de bloc de branche, HVG importante ou impré-
gnation digitalique.
• Scintigraphie myocardique au thallium/dipyridamole :
— avantages  : évaluation de la fonction VG, de l’ischémie rési-
duelle. Intérêt chez le patient avec une mauvaise échogénicité ou avec
un bloc de branche (sensibilité meilleure) ;
— inconvénients  : réalisation difficile chez les patients souffrant
d’une hyperréactivité bronchique sévère ou ayant des antécédents de
radiothérapie, coût élevé.
• Échocardiographie de stress (par injection de dobutamine) :
— avantages : évaluation de la fonction VG, diagnostic de valvulo-
pathie associée, mesure de l’étendue de l’ischémie (de 1 à 16 segments
de paroi), valeur prédictive négative la plus élevée, non irradiante ;
— inconvénients  : réalisation difficile chez les patients ayant une
arythmie sévère, une hypertension artérielle mal contrôlée, une mau-
vaise échogénicité.
Approche thérapeutique (voir figure 3-1)
Il existe deux stratégies possibles chez les malades ayant un test
cardiaque non invasif positif  : soit une approche médicamenteuse ou
soit une approche interventionnelle.
Les deux stratégies ont été montrées comme équivalentes en termes
de survie à moyen terme (5 ans) chez les patients opérés d’une chirur-
gie vasculaire majeure.
• Approche interventionnelle  : elle consiste à réaliser, avant la
chirurgie, une coronarographie suivie, en cas de sténose significative, de
la pose d’une (ou de plusieurs) endoprothèse(s) coronaire(s) ou de la réa-
lisation d’un pontage aorto-coronaire. Cette approche est préférable en
cas de cardiopathie avancée (pronostic cardiaque à long terme amélioré
par la chirurgie), c’est-à-dire en cas de fraction d’éjection ventriculaire
effondrée, de valvulopathies sévères ou d’atteinte du tronc commun,
voire en cas d’ischémie étendue lors des tests d’effort cardiaque.
Toutefois la mise en place d’un stent actif contre-indique pour plu-
sieurs mois la chirurgie du fait de la nécessité de poursuivre simultané-
ment plusieurs traitements anti-agrégants (aspirine + thiénopyridine).
Cette approche est donc réservée à la chirurgie fonctionnelle (ex.  :
prothèse de hanche) et se pratique de moins en moins.
• Approche médicamenteuse  : elle repose sur l’administration
pré-, per- et postopératoire de bêtabloquants (tableau  3-III), et de
statines qui doit être discutée avec le cardiologue du patient. Les
bêtabloquants sont actuellement les seuls traitements ayant montré
clairement leur efficacité pour diminuer la morbi-mortalité périopé-
24 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

Tableau 3-III Bêtabloquants et anesthésie

Nom Voie
DCI Posologie
commercial d’administration
Bisoprolol Soprol® Per os 5 à 10 mg/j à débuter
Detensiel® en préopératoire plusieurs
jours avant la chirurgie
et à continuer pendant toute
la durée de l’hospitalisation
Aténolol Ténormine® Per os ou IV 5 à 10 mg IV à commencer
Aténolol® avant l’induction
anesthésique puis 5
à 10 mg ⋅ 2/j puis relais
per os (50 à 100 mg)
jusqu’à la sortie de l’hôpital
Esmolol Brévibloc® IV Bolus de 0,5 à 1 mg/kg puis
perfusion continue de 0,15
à 0,3 mg/kg/min

ratoire du patient coronarien. Les bêtabloquants ne sont pas indiqués


en cas de chirurgie à faible risque et chez les patients sans risque car-
diovasculaire.
L’administration des bêtabloquants doit débuter en préopératoire,
idéalement plusieurs jours avant l’intervention. Le patient doit être
anesthésié avec une fréquence cardiaque de base comprise entre 55
et 60 bpm. Les bêtabloquants doivent permettre de maintenir une FC
<  80  bpm pendant toute la durée de l’acte chirurgical et la période
postopératoire.
Les statines sont débutées en même temps que les bêtabloquants et
le traitement est poursuivi jusqu’au matin de l’intervention puis par
voie orale dès qu’elle est disponible.
Les salicylés peuvent être introduits en préopératoire si le risque
thrombotique artériel est jugé supérieur au risque hémorragique mais
cette attitude n’est pas validée aujourd’hui.

Période peropératoire

Éviter les situations qui favorisent la survenue d’une ischémie myo-


cardique (tableau 3-IV).

Prémédication
Anxiolytique  : benzodiazépine (Xanax® 0,5 à 1 mg, par exemple)
ou hydroxyzine (Atarax® 50 à 150 mg) si acte court.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 25

Tableau  3-IV Facteurs favorisant la survenue d’une ischémie myocardique


périopératoire

Fréquence cardiaque supérieure à 80 bpm


Hypotension artérielle, hypertension artérielle
Hypothermie, frissons
Anémie, hypoxémie
Arrêt des traitements : antiangineux (bêtabloquant, inhibiteurs calciques), statine,
antiagrégant plaquettaire
Stress

Traitement anti-ischémique (bêtabloquant, inhibiteur calcique), et


anti-hypertenseur [sauf les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC)
et l’inhibiteur des récepteurs de l’angiotensine II (ARA  II) qui sont
arrêtés 24 à 48 h avant l’anesthésie en cas de prise pour HTA] à admi-
nistrer en début de matinée quelle que soit l’heure de l’intervention.
La clonidine (Catapressan®) à la posologie de 150 à 300 μg peut
être donnée en prémédication à la place des anxiolytiques classiques
notamment chez les patients hypertendus. Elle présente un intérêt
en cas de contre-indication aux bêtabloquants (BPCO spastique par
exemple). La clonidine a plusieurs avantages. Elle diminue la surve-
nue d’épisodes myocardiques périopératoires par la réduction de la
réponse hémodynamique à l’intubation et l’amélioration de la stabilité
hémodynamique peropératoire et diminue aussi les besoins en hypno-
tiques et en analgésiques.

Induction anesthésique
Limiter les effets hémodynamiques (hypotension artérielle, hyper-
tension artérielle, tachycardie).
Utiliser un moniteur de profondeur d’anesthésie (BIS) permet
d’adapter l’induction pour chaque patient à la réponse hypnotique
et d’éviter un surdosage (hypotension) ou un sous-dosage (hyper-
tension). La titration est finalement plus importante que le choix de
tel ou tel hypnotique.
Éviter la survenue d’une tachycardie :
— si pas de prise de bêtabloquant, aténolol intraveineux (voir
tableau 3-III) si FC de base > 60 bpm et PAS > 120 mmHg juste avant
l’induction anesthésique ;
— en cas de prise chronique de bêtabloquant et FC >  80  bpm, il
peut être nécessaire de renforcer le contrôle de la fréquence cardiaque
par une injection intraveineuse de bêtabloquant (aténolol ou esmolol
– voir tableau 3-III).
26 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

Entretien de l’anesthésie
Surveillance
Électrocardioscope à 5  branches avec surveillance des dérivations
V5 et DII. Si scope à 3 branches, dérivation CM5.
Analyse continue du segment ST.
Pression artérielle sanglante si angor instable ou si chirurgie à
risque modéré ou majeur avec variations hémodynamiques attendues
(ex. : chirurgie vasculaire).
Maintien d’une hémodynamique stable  : fréquence cardiaque infé-
rieure à 80  bpm et valeurs tensionnelles proches des valeurs habi-
tuelles (± 20 p. 100).
L’hypotension artérielle est préférentiellement traitée par des bolus
de phényléphrine (Néosynéphrine®) (50 à 100 μg) sinon d’éphédrine
(3 à 6 mg).
En cas de tachycardie, approfondissement de l’anesthésie (intérêt du
monitorage de la profondeur), renforcer l’analgésie et/ou le remplis-
sage. Si persistance, administration intraveineuse d’un bêtabloquant
(voir tableau  3-III) ou diltiazem (bolus 0,15 mg/kg puis perfusion
continue de 0,2 à 0,3 mg/kg/h, amp de 25 et 100 mg).
Le monitorage avec cathéter artériel pulmonaire, le Doppler œso-
phagien ou échocardiographie transœsophagienne n’est pas systé-
matique. Intérêt si chirurgie avec des variations hémodynamiques
majeures et patient à risque élevé (cardiopathie sévère).
Monitorage de la température.
Monitorage du débit cardiaque si chirurgie et patient à risque.

Anesthésie générale
Anesthésie balancée associant morphiniques et hypnotiques. Les agents
halogénés et le propofol diminuent la contractilité myocardique et la post-
charge. Les halogénés induisent expérimentalement un préconditionne-
ment myocardique et pourraient présenter un intérêt chez le coronarien.
Le protoxyde d’azote peut être utilisé en l’absence d’insuffisance
ventriculaire gauche ou d’angor spastique.

Anesthésie locorégionale
En cas d’anesthésie périmédullaire : limiter les variations hémo-
dynamiques en diminuant les doses d’anesthésiques locaux et les épi-
sodes d’hypotension artérielle en utilisant un morphinique (sufentanil)
et/ou une administration titrée des anesthésiques locaux (anesthésie
périmédullaire ou rachianesthésie continue).
En cas d’anesthésie par bloc nerveux périphérique : éviter les solu-
tions adrénalinées car la résorption plasmatique de l’adrénaline pro-
voque une tachycardie.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 27

Période postopératoire

Les épisodes ischémiques surviennent essentiellement pendant


la période postopératoire notamment en SSPI (lors des frissons,
d’une douleur et surtout lors d’une tachycardie). Une prise en charge
optimale de la douleur (analgésie péridurale, rachianalgésie, blocs
nerveux périphériques, infiltration) et une diminution du tonus sympa-
thique présentent un intérêt chez ces patients.
Extubation en normothermie.
Maintien d’une fréquence cardiaque inférieure à 80 bpm.
Surveillance de l’hémoglobinémie (HémoCue® ou NFS) en cas de
chirurgie hémorragique.
ECG et mesures répétées de la troponine Ic si chirurgie à risque
intermédiaire ou élevé.
Continuer la prise des statines et des traitements anti-ischémiques
(bêtabloquant, clonidine, inhibiteur calcique) par voie intraveineuse si
la voie orale est indisponible sinon reprendre le traitement per os le
soir même de l’intervention.
La reprise des antiagrégants plaquettaires (en cas d’arrêt) doit être
précoce si possible (dès que le risque hémorragique est jugé accep-
table). En cas de prise d’aspirine, la première dose doit comporter une
dose de charge (300 à 500 mg d’acide salicylique).

Situations particulières

Patient porteur d’une endoprothèse coronaire (stent)


La mise en place d’un stent comporte principalement deux
risques  : le risque de thrombose et le risque de resténose. Ce der-
nier est actuellement diminué par l’emploi de stent actif, c’est-à-
dire recouvert de sirolimus (Cypher®) ou de paclitaxel (Taxus®).
Cependant, l’emploi de ces molécules antiprolifératives retarde la
réendothélialisation du stent. La thrombose est liée à l’utilisation
d’un matériel métallique prothrombogène. Ce risque est diminué
par l’utilisation de plusieurs antiagrégants (aspirine + clopidogrel)
administrés pendant au moins 1  mois avec les stents classiques ou
pendant 6 à 12 mois (voire plus) avec les stents actifs. La chirurgie
est à éviter pendant cette période de bithérapie antiagrégante (risque
thrombotique si arrêt de la bithérapie ou risque hémorragique si
chirurgie et poursuite de la bithérapie). Après cette période allant de
1 à 12 mois (période de réendothélialisation du stent), l’aspirine est
alors le plus souvent administrée seule. La chirurgie peut alors être
réalisée soit sans arrêter l’aspirine, soit avec un arrêt court de l’aspi-
28 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

rine (3 jours). Si le patient prend du clopidogrel, l’aspirine peut être


arrêtée 5 jours avant la chirurgie si cela est nécessaire.
Les stents non actifs sont ceux qui doivent être posés si on
décide de réaliser une stratégie interventionnelle en préopératoire
car la période de bithérapie par antiagrégants est moins impor-
tante. Cependant, la pose d’un stent non actif s’accompagne d’un
risque de resténose (30  p.  100) qui devient significatif à partir
du 3e-4e  mois. Ces patients sont donc idéalement pris en charge
lorsqu’ils sont opérés entre la sixième et la douzième semaine
post-pose de stent.

Prise en charge d’un épisode ischémique peropératoire


Améliorer le contenu artériel en oxygène  : corriger une anémie et
une hypoxémie.
Améliorer la pression de perfusion en corrigeant une hypotension
artérielle (remplissage et/ou administration de bolus de Néosy-
néphrine® 50 à 100 μg plus que d’éphédrine qui entraîne souvent une
tachycardie).
Diminuer le travail myocardique en diminuant la fréquence
cardiaque (bêtabloquants, renforcement de l’analgésie et/ou remplis-
sage) et le travail du VG [traitement d’une hypertension artérielle
par des vasodilatateurs type inhibiteur calcique bradycardisant (dil-
tiazem)].

Chirurgie en urgence et patient à risque


de coronaropathie
La chirurgie en urgence ne permet pas de réaliser complètement
l’évaluation préopératoire. Dans ce contexte, une évaluation rapide
du risque cardiaque peut être réalisée grâce au score de Lee (voir
tableau 3-I) et des bêtabloquants en périopératoire (voir tableau 3-III)
doivent être prescrits dès que le score de Lee est supérieur ou égal à 2
dans le but de maintenir une FC inférieure ou égale à 80 bpm pendant
toute la période per- et postopératoire.

POUR EN SAVOIR PLUS

Eyraud D, Coriat P. L’insuffisance coronarienne aiguë postopératoire. Confé-


rences d’actualisation de la SFAR. Paris, Elsevier, 1998 : 569-82.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 29

HYPERTENSION ARTÉRIELLE SYSTÉMIQUE

L’hypertension artérielle systémique (HTA) est une maladie fréquente


chez les patients opérés. Elle retentit sur tout le système cardiovascu-
laire en favorisant l’athérome, l’insuffisance coronarienne et cardiaque
(dysfonction diastolique et systolique), les accidents vasculaires céré-
braux, l’insuffisance rénale et l’artériopathie des membres inférieurs.

Période préopératoire

Évaluer la sévérité et le retentissement


de l’hypertension artérielle
Les chiffres de pression artérielle doivent être normalement infé-
rieurs à 140 mmHg (160 mmHg chez le sujet âgé) pour la systole et
90  mmHg pour la diastole. Une anxiété peut être responsable d’une
augmentation des chiffres de pression artérielle. Celle-ci doit être
prise en compte lors de l’interprétation des chiffres de pression arté-
rielle. Chez un patient hypertendu, une pression artérielle systolique
supérieure à 180 mmHg et/ou une pression artérielle diastolique supé-
rieure à 110 mmHg représente une HTA sévère.
Il faut rechercher une insuffisance coronarienne associée notam-
ment par l’évaluation de la tolérance à l’effort. Son incidence aug-
mente avec l’âge.
Une HTA s’accompagne souvent d’une hypertrophie ventriculaire
gauche responsable dans environ 30 p. 100 des cas d’une dysfonction
diastolique. Les variations hémodynamiques (baisse de la précharge
par hypovolémie ou troubles du rythme auriculaire et augmentation de
la postcharge) sont moins bien supportées chez ces patients. L’ECG
permet d’objectiver une HVG. L’échocardiographie cardiaque n’est
réalisée qu’en cas de mauvaise tolérance à l’effort.
L’HTA peut aussi être associée à une atteinte des troncs supra-
aortiques (auscultation des vaisseaux du cou), une néphropathie
(intérêt du ionogramme sanguin) ou à une artériopathie des membres
inférieurs (tolérance à l’effort).

Optimisation préopératoire
L’arrêt des traitements des bêtabloquants ou de la clonidine peut être
responsable d’un rebond d’HTA ou de tachycardie. Il est donc à proscrire.
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ou des antagonistes
des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II) peuvent être responsables
d’une hypotension artérielle sévère en peropératoire. Cette hypotension
peut être réfractaire au traitement standard (remplissage, éphédrine)
30 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

et nécessiter l’utilisation de vasoconstricteur puissant (noradrénaline,


vasopressine). Si le patient ne présente pas d’insuffisance cardiaque, les
IEC et les ARA II doivent être arrêtés 24 à 48 h avant la chirurgie (selon
leur demi-vie). Leur arrêt ne s’accompagne pas d’un rebond hypertensif
et un relais n’est pas nécessaire. En cas de chiffre tensionnel important
observé la veille ou le matin de l’intervention, un bêtabloquant (aténolol
ou Bisoprolol®) ou la clonidine (Catapressan® 150 à 300 μg) peuvent
être prescrits car ces molécules ont démontré leur efficacité dans la
réduction des épisodes d’ischémie myocardique périopératoire.
Les diurétiques sont classiquement évités dans les 24  h qui précè-
dent l’intervention.

Période peropératoire

Les débits coronaires et cérébraux sont autorégulés, ce qui signifie


qu’ils restent adaptés aux besoins métaboliques lorsque la PAM varie
(schématiquement entre 70 et 150  mmHg). Chez le patient hyper-
tendu chronique, la courbe d’autorégulation est décalée vers la droite.
Le seuil supérieur d’autorégulation est plus élevé (pouvant atteindre
200  mmHg de PAM), ce qui explique que les hypertendus sont rela-
tivement bien protégés contre les accès hypertensifs de courte durée,
dont le traitement immédiat est rarement indiqué. En revanche, le seuil
inférieur étant également plus élevé, le débit cérébral diminue pour
une baisse de PA, habituellement sans conséquence chez le sujet sain.
En période périopératoire, le risque pour ces organes sera donc plus
lié à un épisode d’hypotension artérielle qu’à un accès hypertensif.
Les patients hypertendus présentent un risque d’instabilité hémo-
dynamique peropératoire plus important (notamment accès hyper-
tensif) et d’épisodes d’ischémie myocardique.
La prémédication comporte un anxiolytique (l’anxiété peut entraî-
ner une crise hypertensive) et le traitement antihypertenseur si celui-ci
n’a pas été arrêté en préopératoire (diurétique, IEC, ARA II).
L’anesthésie générale entraîne une vasodilatation artérielle. Toute-
fois, il persiste un risque d’accès hypertensif notamment lors de l’intu-
bation orotrachéale, l’incision chirurgicale ou lors du réveil. Ces crises
hypertensives peuvent être atténuées en approfondissant l’anesthésie
ou en utilisant la clonidine (1-2  mcg/kg). L’anesthésie locorégionale
permet d’éviter les accès hypertensifs observés avec l’anesthésie géné-
rale. À l’inverse, elle peut s’accompagner d’hypotension sévère si les
IEC, les ARA II ou les diurétiques n’ont pas été arrêtés et si on réalise
une anesthésie rachidienne.
Un remplissage vasculaire optimal permet d’améliorer les conditions
hémodynamiques peropératoires. Toute modification de la volémie
(hypovolémie, hypervolémie) aggrave la dysfonction diastolique du VG.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 31

Tableau  3-V Molécules utilisables en périopératoire pour traiter un accès


hypertensif

Classe Délai Durée


Agent Posologie
médicamenteuse d’action d’action
Nicardipine Antagoniste 2 à 5 min 1 à 2 h Bolus de 0,5
(Loxen®) des canaux à 1 mg/min
Amp. de 10 mg calciques en titration
puis 1 à 6 mg/h
Esmolol Bêtabloquant 2 à 5 min 10 min 0,5 mg/kg
(Brévibloc®) en 1 min
Amp. de puis 50 à
100 mg 200 μg/kg/min
Labétolol Alpha 5 à 10 min 2 à 6 h 0,5 à 1 mg/kg
(Trandate®) et bêtabloquant puis 0,1 à
Amp. de 0,3 mg/kg/h
100 mg
Urapidil Alpha-1-bloquant 2 à 5 min 1 à 2 h Bolus de 25 mg
(Eupressyl®) et antagoniste puis 0,1 à
Amp. de 5-HT1A 1 mg/kg/h
25/50 mg
Clonidine Agoniste des 2 à 5 min 4 à 6 h 150 à 300 μg
(Catapresssan®) alpha-2 en IVL
Amp. de
150 μg

Période postopératoire

L’HTA observée en postopératoire peut être en rapport avec une


douleur aiguë, une hypoxémie, une hypercapnie, une hypervolémie,
une hypothermie ou une distension vésicale qui réclament chacune un
traitement spécifique.
Les poussées hypertensives postopératoires doivent être traitées
rapidement car elles peuvent majorer le saignement chirurgical ou se
compliquer d’OAP (du fait de la dysfonction diastolique), d’ischémie
myocardique voire de troubles du rythme.
Plusieurs traitements sont disponibles par voie intraveineuse pour
traiter une poussée hypertensive (tableau 3-V).

POUR EN SAVOIR PLUS

Samain E, Brocas E, Marty J. Hypertension artérielle périopératoire. Confé-


rences d’actualisation de la SFAR. Paris, Elsevier, 2001 : 325-48.
32 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

VALVULOPATHIE ET CARDIOMYOPATHIE

En cas de « barrage cardiaque » (rétrécissement aortique et mitrale), évi-


ter une baisse de la précharge (tachycardie, trouble du rythme) qui va
majorer l’obstacle à l’éjection.
En cas de « fuite cardiaque » (insuffisance aortique et mitrale), éviter
une augmentation de la postcharge (HTA) et la bradycardie (maintenir
une fréquence cardiaque proche de 80  bpm) qui vont majorer la régur-
gitation.

Période préopératoire

Évaluation de la valvulopathie (tableau 3-VI)


La plupart des valvulopathies sont pendant longtemps asymptoma-
tiques. Une valvulopathie symptomatique nécessite un avis cardio-
logique avant la chirurgie.
L’interrogatoire et l’examen clinique recherchent des signes en
faveur d’une valvulopathie sévère (insuffisance cardiaque décompen-
sée, angor de repos ou au moindre effort, syncope).
L’électrocardiogramme et la radiographie pulmonaire permettent
d’évaluer le retentissement cardiopulmonaire de la valvulopathie
(troubles du rythme, hypertrophie auriculaire, hypertrophie ventricu-
laire, surcharge pulmonaire).
L’échocardiographie permet de faire le diagnostic précis de la val-
vulopathie ainsi que l’évaluation de sa sévérité et du retentissement
cardiaque de celle-ci.

Tableau  3-VI Risque de complications cardiovasculaires périopératoires en


présence d’une valvulopathie

Risque élevé (> 5 p. 100) :


– insuffisance cardiaque congestive décompensée
– valvulopathie sévère : rétrécissement aortique de surface < 0,75 cm2,
rétrécissement mitral de surface < 1 cm2, insuffisance mitrale ou
insuffisance aortique > 3/4, présence d’une HTAP

Risque modéré (< 5 p. 100) :


– antécédent de décompensation cardiaque
– valvulopathie modérée : rétrécissement aortique de surface > 0,75 cm2,
rétrécissement mitral de surface > 1 cm2, insuffisance mitrale ou
insuffisance aortique < 3/4, absence d’HTAP

Risque faible (< 1 p. 100) :


– valvulopathie sans retentissement sur les cavités cardiaques
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 33

Gestion des traitements chroniques


Les diurétiques sont arrêtés dans les 24-48  h qui précèdent l’acte
chirurgical.
Les digitaliques sont arrêtés 24-48  h avant la chirurgie sauf en cas
d’antécédent de fibrillation auriculaire. Les autres anti-arythmiques
sont maintenus jusqu’au matin de l’intervention.
En cas d’insuffisance cardiaque compensée, les IEC et les antago-
nistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II) ne sont pas arrêtés.
Les antagonistes de la vitamine K (AVK) sont arrêtés 3 à 5  jours
avant la chirurgie et relayés par de l’héparine (HNF ou HBPM) admi-
nistrée à dose curative et interrompue 6 h (si HNF) à 12 h (si HBPM)
avant la chirurgie.
En cas de chirurgie urgente (délai <  12  h) chez un malade sous
AVK, administration de 10 à 20 UI/kg de facteurs de coagulation (II,
VII, IX, X), Kaskadil® pour obtenir un INR inférieur à 1,5.
En cas de chirurgie semi-urgente (délai > 12 h) chez un malade sous
AVK, administration de 2 mg de vitamine K per os ou IV.
Certains actes chirurgicaux (chirurgie de la cataracte, chirurgie den-
taire, chirurgie superficielle) peuvent se faire avec un INR situé entre
2 et 3 sans arrêter les AVK.

Période peropératoire

Prémédication
La prophylaxie de l’endocardite n’est pas systématique et fait l’ob-
jet de recommandations (voir Chapitre 14, Antibioprophylaxie).
Anxiolytique  : hydroxyzine ou benzodiazépine en tenant compte
des particularités liées à l’âge des patients.
Administration des traitements anti-angineux (bêtabloquants) et des
IEC ou des ARA II en cas d’insuffisance cardiaque.

Rétrécissement aortique (RAo)


Physiopathologie
Le RAo entraîne une HVG concentrique (dysfonction diastolique)
avec une perfusion coronaire critique (liée à la faible pression post-
sténose et la forte pression endocavitaire du ventricule gauche (VG)
en systole et diastole).
Le volume d’éjection systolique (VES) est limité. Une bradycardie
entraîne une diminution du débit cardiaque.
La diminution des pressions de remplissage (précharge) majore la
dysfonction diastolique. La contraction auriculaire peut contribuer
34 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

jusqu’à 40  p.  100 du remplissage du VG. La tachycardie diminue le


temps de remplissage du VG.
Les modifications de la postcharge diminuent la perfusion coro-
naire. La diminution de la pression artérielle diastolique ou l’augmen-
tation de la pression dans le VG altèrent la perfusion coronaire.
Le RAo est considéré comme serré si la surface valvulaire est infé-
rieure à 0,75 cm2 et/ou le gradient de pression transvalvulaire est
supérieur à 40-50  mmHg. Ces données doivent être connues en pré-
opératoire.
Anesthésie
Les impératifs : maintenir la précharge (éviter la tachycardie et les
troubles du rythme) et la postcharge (éviter l’hypotension artérielle).
Maintenir une pression artérielle normale. Éviter toute hypotension
et hypertension (diminution de la pression perfusion coronaire).
Maintenir un rythme cardiaque sinusal entre 70 et 90  bpm. Éviter
toute bradycardie et tachycardie.
Maintenir une précharge élevée par un remplissage adapté et par
l’utilisation de vasoconstricteurs (Néosynéphrine® ou éphédrine).
« Timer » les agents anesthésiques en utilisant un moniteur de pro-
fondeur d’anesthésie.
Les anesthésies locorégionales périmédullaires (rachianesthésie,
péridurale) comportent un risque important du fait de la baisse de la
précharge et de la postcharge. Elles ne peuvent être réalisées qu’avec
des doses titrées (rachianesthésie continue ou anesthésie péridurale
lombaire) avec un contrôle parfait de l’hémodynamique.
Les anesthésies locorégionales périphériques (hormis le bloc lom-
baire par voie postérieure du fait de la diffusion péridurale) ont l’avan-
tage de ne pas avoir de retentissement hémodynamique. Les solutions
adrénalinées sont à éviter à cause du risque de tachycardie.
Monitorage de la pression artérielle sanglante (si RAo modéré ou
serré) et du segment ST.

Cardiomyopathie hypertrophique obstructive


Physiopathologie
Ce n’est pas une valvulopathie mais une maladie du ventricule
gauche le plus souvent dont les conséquences de l’anesthésie se rap-
prochent de celles observées lors d’un RAo.
Il s’agit d’une hypertrophie du VG (septum) responsable d’un
obstacle à l’éjection du VG. L’utilisation d’inotropes positifs majore
l’obstacle. Celui-ci peut être aussi majoré par un déplacement anté-
rieur de la valve mitrale (SAM) responsable aussi d’une insuffisance
mitrale.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 35

Le volume d’éjection systolique est limité et la diminution des


pressions de remplissage (précharge) majore la dysfonction dias-
tolique. Les modifications de la postcharge diminuent la perfusion
coronaire.
Anesthésie
Les impératifs : maintenir la précharge (éviter la tachycardie) et la
postcharge (éviter l’hypotension artérielle).
Poursuivre les traitements anti-arythmiques.
Éviter les situations qui majorent l’obstruction  : augmentation de
l’activité sympathique cardiaque (notamment éphédrine, desflurane),
tachycardie, hypovolémie, anémie, vasodilatation.
En cas de tachycardie : administration de bêtabloquant (esmolol) ou
d’un inhibiteur calcique bradycardisant (diltiazem).

Insuffisance aortique (IAo)


Physiopathologie
L’IAo entraîne une diminution de la pression artérielle diastolique
et une diminution du VES effectif responsable d’une surcharge dias-
tolique du VG. En cas d’IAo chronique, le VG se dilate et s’hyper-
trophie pour maintenir un VES normal puis il apparaît une insuffisance
ventriculaire gauche (stade avancé). Une insuffisance mitrale peut être
associée du fait de la dilation du VG.
L’importance de la fuite dépend de la surface de l’orifice valvulaire
aortique, du gradient de pression entre l’aorte et le VG qui règne en
diastole et la durée de la diastole.
Une augmentation des résistances vasculaires périphériques (gra-
dient de pression élevé) ou une bradycardie augmente la régurgitation.
Anesthésie
Les impératifs : éviter la bradycardie et l’augmentation de la post-
charge (hypertension artérielle).
Maintenir une pression artérielle normale. Éviter toute hyperten-
sion (majoration de la régurgitation) et toute baisse importante de la
pression artérielle diastolique (diminution de la pression de perfusion
coronaire).
Éviter toute bradycardie. Maintenir une tachycardie modérée (fré-
quence cardiaque entre 80 et 100 bpm).
L’hypertension artérielle doit être traitée rapidement en maintenant
une hypotension modérée (diminue la régurgitation et améliore le
VES).
« Timer » les agents anesthésiques en utilisant un moniteur de pro-
fondeur d’anesthésie.
36 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

L’anesthésie périmédullaire peut être proposée si le patient n’est pas


sous anticoagulant.

Rétrécissement mitral (RM)


Physiopathologie
Le RM est responsable d’une résistance à l’écoulement du sang
de l’oreillette gauche (OG) vers le VG. Le débit est maintenu grâce
à l’augmentation de la pression dans l’OG (notamment lors de la
contraction auriculaire). L’OG s’hypertrophie et se dilate, augmen-
tant alors le risque de troubles du rythme cardiaque et de thrombus
intra-auriculaire. L’augmentation des pressions OG retentit sur la
circulation pulmonaire (OAP, HTAP). L’HTAP constitue un barrage
entre le cœur droit et le cœur gauche. Il existe un risque d’insuf-
fisance cardiaque par défaillance du ventricule droit si l’HTAP se
majore.
La contraction de l’OG peut contribuer pour 40 p. 100 du remplis-
sage du VG. La survenue d’un trouble du rythme auriculaire (AC/FA)
comporte deux risques  : diminution de la fonction du VG par dimi-
nution du remplissage du VG et augmentation du risque de thrombus
auriculaire. Une tachycardie réduit le temps de remplissage diasto-
lique avec augmentation de la pression dans l’OG, ce qui retentit sur
la circulation pulmonaire (OAP, HTAP, IVD).

Anesthésie
Les impératifs : maintenir la précharge (éviter la tachycardie et les
troubles du rythme) et éviter les facteurs qui aggravent une HTAP
(acidose, hypoxémie, hypercapnie).
Poursuivre les traitements anti-arythmiques.
Maintenir une fréquence cardiaque proche des valeurs habituelles.
Préserver un rythme sinusal, traiter rapidement un trouble du rythme
auriculaire (amiodarone ou cédilanide).
Éviter la tachycardie : remplissage adapté. Éviter atropine, pancuro-
nium, kétamine, solutions avec adrénaline si ALR périphériques.
Les anesthésies locorégionales périmédullaires comportent un
risque important du fait de la baisse de la précharge (diminution de
la pression dans l’OG). Elles ne peuvent être réalisées qu’à dose titrée
(rachianesthésie continue ou anesthésie péridurale lombaire) avec un
contrôle parfait de l’hémodynamique.
En cas d’HTAP (échocardiographie préopératoire), éviter le pro-
toxyde d’azote.
Le réveil est une période à risque car il existe à la fois un risque de
baisse de la précharge (tachycardie) et d’HTAP (acidose, hypoxémie,
hypercapnie).
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 37

Insuffisance mitrale (IM)


Physiopathologie
L’IM est responsable d’une surcharge en volume de tout le cœur
gauche. L’IM est responsable d’une séquestration cardiaque d’une
partie du sang du cœur gauche qui passe alternativement du VG vers
l’OG (IM) puis retourne dans le VG (phase diastole). Ce volume
« oscillant » entre l’OG et le VG est responsable d’une dilatation de
l’OG (liée à l’augmentation de la pression dans l’OG) et d’une dila-
tation du VG (surcharge diastolique du VG). À un stade plus tardif, il
apparaît une insuffisance cardiaque et un retentissement sur la circula-
tion pulmonaire (OAP, HTAP).
La fraction d’éjection du VG (FEVG) est initialement supranormale
liée à l’éjection du VG dans l’Ao (le VES effectif est normal) et dans
l’OG. Une FEVG normale ou légèrement diminuée doit alerter (IVG
latente).

Anesthésie
Les impératifs : éviter la bradycardie et l’augmentation de la post-
charge (hypertension artérielle).
Tout épisode d’HTA entraîne une augmentation de la régurgitation
du VG vers l’OG, d’une majoration de la surcharge volumique du
cœur gauche (aggravation de l’IM par dilatation du VG).
Éviter toute bradycardie qui majore la dilatation du VG. Maintenir
une tachycardie modérée (fréquence cardiaque entre 80 et 100 bpm).
En cas d’HTAP (échocardiaque préopératoire), éviter le pro-
toxyde d’azote et les situations qui la majorent (acidose, hypoxé-
mie, hypercapnie, augmentations importantes des pressions
intrathoraciques).
En cas d’hypotension, les vasoconstricteurs purs sont mal tolérés à
cause de la majoration de la régurgitation.

Période postopératoire

Elle est surtout marquée par la reprise du traitement anticoagulant


(héparine à la seringue électrique ou HBPM) dont l’arrêt doit être le
plus court possible. Le risque d’embolie systémique est d’autant plus
important qu’il existe une valvulopathie mitrale, une dilatation de
l’OG, un antécédent thromboembolique artériel.
Une douleur sévère peut décompenser une cardiopathie valvulaire à
cause de la tachycardie ou de l’hypertension artérielle qu’elle entraîne.
Une prise en charge optimale de la douleur présente un intérêt chez
ces patients.
38 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

PATIENT PORTEUR D’UN PACE-MAKER


ET D’UN CARDIO-DÉFIBRILLATEUR IMPLANTABLE

Le pace-maker (PM) a 2 fonctions  : une activité dite d’écoute


(recueil de l’activité cardiaque spontanée) et une activité dite de sti-
mulation cardiaque. Il en existe de plusieurs types  : monochambre
avec une seule sonde implantée le plus souvent dans le VD (simple
chambre) ou double chambre (DDD) voire triple chambre.
Le type de PM et sa programmation sont définis par un code univer-
sel (tableau 3-VII).
Les cardio-défibrillateurs implantables (CDI) (tableau  3-VIII) ont
pour but de détecter les épisodes de tachycardie ventriculaire ou de
fibrillation ventriculaire et de les interrompre par un choc électrique
interne ou par une salve de stimulation à haute fréquence.

Tableau 3-VII Codification des PM

1re lettre 2e lettre 3e lettre 4e lettre


Cavité(s) Cavité(s) Réponse du PM Fréquence
stimulée(s) détectée(s) si une activité de stimulation
cardiaque est
détectée
O : Aucune O : Aucune O : Absente O : Non asservie
A : Auriculaire A : Auriculaire I : Inhibée R : Asservie
(FC dépendante
V : Ventriculaire V : Ventriculaire T : Déclenchée de l’effort –
mouvement,
D : Double D : Double D : Double vibration,
(A + V) (A + V) (I + T) respiration)

Tableau 3-VIII Codification des CDI

1re lettre 2e lettre 3e lettre 4e lettre


Cavité(s) Activité anti- Détection Activité anti-
défibrillée(s) tachycardie tachycardie bradycardie
O : Aucune O : Aucune E : ECG O : Aucune
A : Auriculaire A : Auriculaire H : Hémodynamique A : Auriculaire
V : Ventriculaire V : Ventriculaire V : Ventriculaire
D : Double D : Double D : Double
(A€+ V) (A + V) (A + V)
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 39

Période préopératoire

• Consultation du carnet :
— type de PM selon classification (voir tableau 3-VII) ;
— indication de la pose ;
— date d’implantation et date du dernier contrôle ;
— mode de fonctionnement – fréquence cardiaque si non asservie.
• Recherche d’un dysfonctionnement du PM ou d’une aggravation
de la cardiopathie sous-jacente [réapparition de symptômes, mau-
vaise tolérance (syncope, palpitations, angor, dyspnée, confusion),
ECG].
• Recherche d’une cardiopathie associée.
• Avis spécialisé si :
— CDI afin d’organiser la désactivation de la fonction cardiover-
sion/défibrillation ;
— PM asservi – lettre R présente ;
— type de PM inconnu ;
— dysfonction du PM ou signes d’aggravation de la cardiopathie ;
— dernier contrôle > 6 mois.

Période peropératoire

Un stimulateur cardiaque percutané doit être disponible dans un


délai rapide.

Surveillance
Surveillance de la fréquence cardiaque (activité circulatoire) par un
signal pulsatile (pléthysmographie ou pression artérielle sanglante).
Surveillance ECG à la recherche d’interférences électromagné-
tiques (bistouri électrique, stimulateur nerveux, téléphone portable)
en désactivant le mode filtre artéfact sur le moniteur (activer le
mode PM).

Bistouri électrique
(risque majeur d’interférence électromagnétique)
Placer la plaque de terre du bistouri à distance du boîtier.
Ne pas placer le boîtier entre la plaque et le bistouri. Préférer le
mode bipolaire. Si utilisation d’un bistouri en mode monopolaire, pré-
férer le mode section à la coagulation.
Régler l’électrocoagulation à l’intensité minimale.
Utiliser l’électrocoagulation de manière brève et espacée.
Ne pas manipuler le bistouri électrique au-dessus du boîtier.
40 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

Troubles du rythme
Éviter les facteurs favorisant les troubles du rythme : hypovolémie,
ischémie myocardique, troubles hydroélectrolytiques.

Conduite à tenir en cas de dysfonctionnement


de PM ou CDI
En cas de dysfonctionnement, les appareils électriques situés à
proximité doivent être arrêtés et l’activité circulatoire (pouls artériel,
courbe pléthysmographie, pression artérielle) doit être mesurée.

Bradycardie ventriculaire par interruption


de stimulation du PM
Placer un aimant sur le boîtier pour essayer de le faire passer en
mode asynchrone.
Si persistance de la bradycardie [mode asynchrone non VOO
ou DOO, pile déchargée, déplacement électrode, augmentation du
seuil de dépolarisation myocardique (ischémie, hypokaliémie, aci-
dose)] :
— soit il existe un rythme spontané ventriculaire lent présent  :
accélération par un agoniste β-adrénergique (isoprénaline, adréna-
line) ;
— soit il y a une absence d’activité spontanée : réanimation cardio-
pulmonaire avec mise en place d’une stimulation cardiaque transitoire
par voie percutanée ou endocavitaire.

Tachycardie avec activité ventriculaire


chez un patient porteur d’un PM
PM en mode VVI : il peut s’agir d’une tachycardie en rapport avec
un changement de programme. La mise en place d’un aimant peut
faire passer le PM en mode asynchrone avec rythme ventriculaire plus
lent.
PM en mode DDD  : tachycardie en rapport avec une tachycardie
sinusale, un trouble du rythme auriculaire ou une réentrée électro-
nique. La mise en place d’un aimant peut interrompre les réentrées
électroniques.
PM asservi (mode VVIR, DDDR)  : asservissement du fait d’une
non-désactivation de cette fonction.

Patient porteur d’un CDI


Un aimant doit être disponible au bloc opératoire pour désactiver le
CDI si celui-ci n’a pas été désactivé en préopératoire.
Il existe un risque de TV et/ou de FV nécessitant un CEE.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 41

Période postopératoire

Contrôle du PM ou CDI avec réactivation des modes désactivés


voire reprogrammation.

POUR EN SAVOIR PLUS

Steib A, Mantz JG, Chauvin M, Dupeyron JP. Anesthésie et défibrillateur


implantable. Conférences d’actualisation de la SFAR. Paris, Elsevier, 1998 : 85-98.

BRONCHOPNEUMOPATHIE
CHRONIQUE OBSTRUCTIVE –
ASTHME

X. Dupont

Les syndromes obstructifs respiratoires sont des pathologies cou-


rantes. Ils sont caractérisés par la diminution des débits gazeux dans
les voies aériennes.
Les bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO) regrou-
pent la plupart des pathologies respiratoires obstructives chroniques,
qu’elles soient liées à un emphysème ou à une bronchite chronique.
L’obstruction y est fixée, parfois partiellement réversible sous traite-
ment bronchodilatateur. Elle s’accompagne fréquemment d’hyper-
sécrétion et d’hyperréactivité bronchique.
L’asthme est une inflammation aiguë ou chronique de la muqueuse
bronchique, qui entraîne une hyperréactivité des bronches (spasme
et hypersécrétion) à la moindre agression. Contrairement au cas de
la BPCO, le spasme bronchique est réversible spontanément ou sous
traitement bronchodilatateur et/ou anti-inflammatoire (corticoïdes) et
les symptômes respiratoires sont absents en dehors des crises.
La conduite à tenir dépend du type et de la gravité de la maladie du
patient, d’éventuels facteurs de co-morbidité et du type d’intervention
envisagé. Les chirurgies thoracique ou abdominale sus-mésocolique
ont un retentissement respiratoire important, entraînant un syndrome
pulmonaire restrictif [baisse de la capacité résiduelle fonctionnelle
(CRF) et de la capacité vitale (CV)] durant plusieurs jours en post-
opératoire auquel s’ajoute dans le cas de la chirurgie abdominale une
42 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

dysfonction diaphragmatique d’origine réflexe. Ces interventions sont


suivies de complications respiratoires bien plus fréquentes que les
interventions de chirurgie périphérique.
Une évaluation préanesthésique est nécessaire pour définir une éven-
tuelle préparation du patient avant l’intervention et optimiser les proto-
coles anesthésique et analgésique postopératoire. Le but est de réduire
le risque de complications respiratoires postopératoires plus fréquentes
sur ce terrain, et dont la gravité est variable : de la simple hypoxémie
transitoire à l’insuffisance respiratoire aiguë pouvant conduire au décès.

ÉVALUATION PRÉOPÉRATOIRE

Asthme
Évaluation clinique
Elle est fondamentale pour évaluer la stabilité et la gravité de la
maladie :
— fréquence et sévérité des crises (importance de la dyspnée, évo-
lution spontanée ou sous traitement) ;
— circonstances de survenue, notamment présence de crises noc-
turnes ;
— antécédents de crises ayant nécessité une hospitalisation, un
séjour en réanimation ;
— présence d’une symptomatologie intercritique ;
— aggravation récente de la maladie ou surinfection récente ;
— traitements en cours et observance thérapeutique ;
— l’auscultation pulmonaire recherche notamment la présence de
râles sibilants.

Examens complémentaires
La mesure du débit expiratoire de pointe (peak flow) est un moyen
simple et bon marché d’apprécier la variabilité de l’obstruction bron-
chique « au lit » du patient.
Les épreuves fonctionnelles respiratoires ne sont utiles qu’en cas de
chirurgie thoracique pour évaluer la réserve expiratoire.

Bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO)

Évaluation clinique (tableau 3-IX)


C’est le meilleur moyen de mesurer la réduction des capacités fonc-
tionnelles du patient et le risque de morbidité respiratoire périopératoire.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 43

Tableau 3-IX Classification de la sévérité des BPCO (D’après Pauwels RA, Buist


AS, Calverley PM, Jenkins CR, Hurd SS, GOLD Scientific Committee. Global
strategy for the diagnosis, management and preventions of chronic obstructive
pulmonary disease. Am J Resp Dis Crit Care Med. 2001 ; 163 : 1256-76)

Stade Gravité Caractéristiques cliniques et fonctionnelles


0 Non Toux et expectoration
Spirométrie normale
I Mineure VEMS/CVF < 70 p. 100
VEMS > 80 p. 100 des valeurs prédites
± toux – expectoration
II Modérée VEMS/CVF < 70 p. 100
30 p. 100 ≤ VEMS < 80 p. 100 des valeurs prédites
± toux – expectoration – dyspnée
III Sévère VEMS/CVF < 70 p. 100
VEMS < 30 p. 100 des valeurs prédites
Ou PaO2 < 60 mmHg ± PaO2 > 50 mmHg
Ou insuffisance ventriculaire droite

Il faut quantifier :
— la dyspnée qui doit être quantifiée par sa sévérité et ses circonstances
de survenue, notamment pour des efforts plus ou moins importants ;
— la toux ;
— la présence d’une expectoration, son volume et son caractère
purulent ou non ;
— la distension thoracique, la mise en jeux des muscles respira-
toires accessoires, l’incoordination thoraco-abdominale, la présence
de lèvres pincées, d’une cyanose ; ce sont des facteurs de gravité,
comme les signes d’une hypertension artérielle pulmonaire et d’un
cœur pulmonaire chronique (reflux hépato-jugulaire, Harzer, galop).
Il faut rechercher :
— un antécédent de complication cardiopulmonaire lors d’une pré-
cédente intervention (embolie pulmonaire, pneumopathie, insuffisance
respiratoire aiguë) ;
— l’existence d’une infection respiratoire récente ;
— la présence d’une hémoptysie.
D’autres éléments de co-morbidité sont fréquemment associés à la
BPCO :
— altération des fonctions cognitives ;
— dénutrition ;
44 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

— pathologies cardiovasculaires ou autres associées ;


— persistance du tabagisme ; c’est un facteur délétère supplémen-
taire.
L’âge est également important à prendre en compte et finalement le
score généraliste de l’American Society of Anesthesiologists (ASA)
donne une bonne idée du risque respiratoire périopératoire du patient
BPCO de même que d’autres scores de co-morbidité non spécifique-
ment respiratoire.
L’auscultation retrouve généralement une diminution du murmure
vésiculaire dans les deux champs pulmonaires. Des râles bronchiques
peuvent être plus ou moins importants et des sibilants peuvent traduire
la présence d’un bronchospasme.

Examens complémentaires (voir tableau 3-IX)


• La radiographie pulmonaire montre le plus souvent l’hyper-
inflation des poumons (aplatissement des coupoles diaphragmatiques,
hyperclarté rétrosternale, dystrophies bulleuses) et recherche d’éven-
tuelles complications parenchymateuses. Une dilatation du tronc de
l’artère pulmonaire peut également être notée.
• La gazométrie artérielle montre généralement une hypoxie et une
hypercapnie, indicateurs d’un risque accru de complications respira-
toires postopératoires.
• Les EFR sont réservées aux patients présentant une maladie sévère
et devant subir une intervention thoracique, particulièrement lorsque
l’examen clinique ne permet pas d’expliquer l’importance de la réduc-
tion de capacité fonctionnelle.

PRÉPARATION PRÉOPÉRATOIRE
Asthme
La préparation concerne les patients porteurs d’une maladie sévère
et surtout instable.
Elle repose sur l’intensification du traitement avec comme base la
nébulisation de bronchodilatateurs β2-mimétiques, au mieux associés
à des anticholinergiques. La corticothérapie périopératoire utilise les
voies orale et/ou intraveineuse. La préparation peut être ultra-courte
en cas d’urgence chirurgicale et à l’inverse durer plusieurs jours en
cas d’intervention programmée, nécessitant éventuellement l’avis d’un
pneumologue. L’examen clinique et la répétition des mesures du débit
expiratoire de pointe permettent d’en vérifier l’efficacité.
La nébulisation préopératoire de β2-mimétiques permet également
d’accroître la marge de sécurité chez les patients stables et/ou pauci-
symptomatiques.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 45

BPCO

L’intérêt d’une préparation est d’autant plus grand que la pathologie


du patient est instable et le retentissement respiratoire de l’interven-
tion prévue est important. Sont donc principalement concernées les
chirurgies thoraciques et abdominales lourdes.
Les mesures visent à optimiser la fonction respiratoire du patient
pour l’intervention mais ont également un rôle d’éducation du patient
pour la période postopératoire. Leur efficacité peut être évaluée par la
clinique et l’éventuelle répétition des EFR. Une prise en charge de 2 à
3 jours suffit chez la majorité des patients.
• Arrêt du tabac : le bénéfice existe dès les premiers jours, notam-
ment en termes d’amélioration de la fonction ciliaire et de la réduction
de la réactivité bronchique. Un arrêt de plus de 8  semaines entraîne
une réduction documentée de la morbidité respiratoire postopératoire.
S’appuyer sur une consultation de tabacologie.
• La kinésithérapie et la physiothérapie préopératoire  réduisent les
complications respiratoires postopératoires  : les exercices respira-
toires et la spirométrie incitative sont faciles à mettre en œuvre et leur
apprentissage préopératoire est important pour leur efficacité postopé-
ratoire. La technique du flux expiratoire contrôlé permet notamment
d’améliorer les patients hypersécrétants.
• La prise en charge nutritionnelle prolongée des patients est déce-
vante mais une supplémentation calorique et azotée, accompagnée de
la correction des déficits électrolytiques notamment phosphorés, cal-
ciques et du magnésium, pourrait théoriquement être intéressante et
moins consommatrice de temps.
• L’antibioprophylaxie est discutée et pour certaines équipes les anti-
biotiques sont réservés au traitement de certains épisodes bronchitiques.
• La nébulisation de bronchodilatateurs anticholinergiques est notam-
ment active sur la (faible) composante réversible de l’obstruction bron-
chique et peut réduire la composante spastique de certains patients. Les
β2-mimétiques peuvent leur être associés.
• La corticothérapie est réservée aux patients qui présentent une
décompensation de leur BPCO.
• L’hydratation, l’humidification et l’administration de muco-fluidi-
fiant n’ont pas d’efficacité documentée.

ANESTHÉSIE
Chez les sujets sains l’anesthésie générale provoque une baisse de
la CRF de 15 à 20  p.  100. Les résistances bronchiques augmentent,
ainsi que l’espace mort alvéolaire et le shunt intrapulmonaire. Des
micro-atélectasies se produisent après une ventilation prolongée.
46 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

Chez les patients porteurs d’un syndrome obstructif l’anesthésie


doit être adaptée afin d’éviter :
— les altérations gazométriques ;
— les épisodes bronchospastiques périopératoires ;
— le trapping gazeux qui est une conséquence de l’auto-PEP chez
les patients BPCO ;
— et de façon générale toutes complications périopératoires car
elles peuvent aboutir à une décompensation respiratoire aiguë.

Asthme

La prémédication peut se faire par hydroxyzine et nébulisation de


β2-mimétique (β2+) avec ou sans anticholinergiques.
Lorsqu’elle est possible, l’anesthésie locorégionale (ALR) est pré-
férable bien qu’elle ne mette pas complètement à l’abri de broncho-
spasme peranesthésique.
L’intubation endotrachéale doit être évitée s’il existe une alternative
acceptable (masque laryngé ou facial). Le masque laryngé présente
cependant l’inconvénient de laisser des fuites importantes en cas d’élé-
vation importante des pressions respiratoires lors d’un bronchospasme,
limitant les possibilités de ventilation des patients dans ce cas.
Les traitements du bronchospasme (β2+, adrénaline) doivent être
immédiatement disponibles.
L’anesthésie générale doit comporter une induction profonde et
faire appel à des agents peu histamino-libérateurs (propofol, kétamine,
sufentanil, alfentanil, cisatracurium, vécuronium). L’administration
intraveineuse de 1,5 mg/kg de lidocaïne en pré-induction a été propo-
sée pour réduire le risque de bronchospasme lors de l’intubation endo-
trachéale. Les gaz anesthésiques doivent être réchauffés et humidifiés
(circuit à bas débit de gaz frais). Les halogénés sont particulièrement
intéressants car bronchodilatateurs.
L’extubation doit être rapide. L’utilisation de néostigmine pour la
décurarisation est déconseillée du fait du risque de majoration des
résistances bronchiques.
Les patients dont la maladie est stable posent rarement de pro-
blèmes périopératoires.

BPCO

La prémédication ne doit pas avoir d’effet dépresseur respiratoire :


l’hydroxyzine et le zolpidem (Stilnox®) peuvent être utilisés. L’admi-
nistration de bronchodilatateurs anticholinergiques ± β2-mimétiques
doit être systématique à l’aide d’aérosols doseurs.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 47

Lorsqu’elle est réalisable, l’ALR doit être privilégiée, seule (per-


mettant d’éviter l’intubation) ou associée à l’anesthésie générale
(chirurgie abdominale haute ou thoracique). Les blocs du plexus
brachial réalisés au-dessus du creux axillaire sont contre-indiqués
(parésie diaphragmatique unilatérale, risque de pneumothorax)
mais les autres techniques d’ALR sont indiquées, permettant éga-
lement d’assurer l’analgésie postopératoire sans les effets sédatifs
et dépresseurs respiratoires des morphiniques. L’administration péri-
médullaire d’anesthésiques locaux permet de limiter la dysfonction
diaphragmatique après chirurgie abdominale haute, en coupant la
boucle réflexe.
Les données de la littérature sont en faveur d’une réduction des
complications respiratoires postopératoires en cas d’ALR, seule ou
associée à une AG.
Les quelques inconvénients de l’ALR peuvent être :
— l’intolérance du patient à l’inconfort des longues durées d’inter-
vention (danger d’une sédation supplémentaire) ;
— le retentissement des ALR périmédullaires « hautes » dont le
territoire d’extension recouvre la région thoracique moyenne et/ou
haute et qui interfèrent avec le fonctionnement des muscles abdomi-
naux et intercostaux, réduisant la capacité vitale et l’efficacité de la
toux ;
— la possibilité de toux perturbant les conditions opératoires.
L’anesthésie générale doit notamment éviter les épisodes de bron-
chospasme (QS asthme) et lutter contre le risque d’hyperinflation
pulmonaire dynamique, majorée lors de la ventilation mécanique.
Ce dernier phénomène est lié à l’augmentation de la CRF (perte de
force de rétraction élastique pulmonaire) et des résistances bron-
chiques chez l’emphysémateux  : l’expiration ralentie (baisse du
VEMS) et inhomogène est stoppée par le début de l’inspiration sui-
vante. Il persiste à la fin de chaque expiration un volume pulmonaire
supérieur à la CRF (trapping gazeux) correspondant à l’hyperinfla-
tion dynamique et à l’origine d’une PEP intrinsèque ou auto-PEP
(figure 3-2).
La durée de la préoxygénation doit être prolongée par rapport aux
patients non BPCO. Après l’induction, l’hyperinflation dynamique
doit être limitée par la réduction du volume courant et l’allongement
du temps expiratoire  : la fréquence respiratoire doit être réglée aux
environs de 10  cycles par minute et le rapport I/E doit être réglé
entre 1/3 et 1/4. Ce mode ventilatoire génère une élévation des pres-
sions inspiratoires et un certain degré d’hypoventilation alvéolaire
avec une hypercapnie, qui doivent être tolérés pendant la durée de
l’intervention. L’élévation des pressions inspiratoires se transmet
peu aux espaces alvéolaires. L’analyse de la capnographie permet de
détecter une bronchoconstriction (pente du capnogramme) mais doit
48 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

HYPERINFLATION DYNAMIQUE
NORMAL

CRF + VT CRF

OBSTRUCTION SÉVÈRE DES VOIES AÉRIENNES

CRF + VT CRF + ΔCRF


TE

Figure 3-2 Auto-PEEP.

tenir compte d’un gradient alvéolo-artériel augmenté chez le patient


BPCO notamment pour les concentrations de CO2 et d’halogé-
nés dont les valeurs alvéolaires télé-expiratoires sous-estiment les
concentrations artérielles. Le protoxyde d’azote est déconseillé en
cas d’emphysème pulmonaire.
La survenue d’une hypotension artérielle peropératoire doit faire
évoquer en plus des causes habituelles liées à l’anesthésie et à l’inter-
vention chirurgicale, un pneumothorax ou un retentissement hémody-
namique de l’hyperinflation dynamique pulmonaire. Dans ce dernier
cas, l’hémodynamique est améliorée après déconnexion du respirateur
pendant 5-10 secondes.
Le réveil est souvent prolongé (sous-évaluation de la concentration
artérielle en halogéné, retard à leur élimination par l’espace mort et
le trapping gazeux). L’extubation doit être rapide et la ventilation non
invasive au masque (avec PEP modérée ; 5 cm d’eau environ) peut
être utile pour passer le cap du réveil sans réintubation.
L’analgésie postopératoire doit faire largement appel aux techniques
locorégionales et aux antalgiques non morphiniques en évitant si pos-
sible le recours aux opioïdes.

POUR EN SAVOIR PLUS

Dureuil B. Optimisation de la fonction respiratoire préopératoire. Conférences


d’actualisation de la SFAR. Paris, Elsevier, 2001 : 139-54.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 49

INSUFFISANCE RÉNALE –
INSUFFISANCE HÉPATIQUE

F. Bonnet

INSUFFISANCE RÉNALE CHRONIQUE

L’insuffisance rénale chronique a un impact significatif sur la conduite


de l’anesthésie et aggrave la morbidité postopératoire.

Évaluation de la fonction rénale

Deux types de situation se rencontrent :


— soit le mécanisme et l’étiologie de l’insuffisance rénale sont clai-
rement identifiés (néphropathie glomérulaire, interstitielle, tubulaire) ;
— soit l’insuffisance rénale est une découverte du bilan préopé-
ratoire. Ce peut être le cas chez des sujets âgés, athéromateux et/ou
diabétiques. Dans ce cas, l’évaluation de la fonction rénale est basée
sur la formule de Cocroft et Gault : [(140 – âge) × poids/0,814 × créa-
tininémie (μmol ⋅ L–1)] × 0,85 chez la femme. Cette formule permet
de réaliser qu’un patient (surtout âgé) peut avoir une valeur de créati-
ninémie normale et une altération significative de la fonction rénale.
D’un point de vue fonctionnel, il peut s’agir :
— soit d’une insuffisance rénale terminale qui est traitée par hémo-
dialyse chronique ;
— soit d’une insuffisance rénale chronique dont le principal risque
est l’aggravation de la fonction rénale aboutissant à la perte d’autono-
mie du patient ;
— par ailleurs la pathologie qui est à l’origine de l’insuffisance
rénale peut justifier d’un traitement propre qui interfère avec l’anes-
thésie (ex. : corticothérapie).
Une fois l’insuffisance rénale diagnostiquée, il faut en apprécier les
éléments qui peuvent perturber la conduite de l’anesthésie et de la
chirurgie :
— ionogramme sanguin  : recherche d’une hyperkaliémie, d’une
hyponatrémie, d’une hypocalcémie et d’une hyperphosphorémie ;
— NFS  : quantification de l’anémie, évaluation du risque trans-
fusionnel ;
— risque de thrombopathie ajoutant ses effets à ceux des agents
interférant avec l’hémostase ;
50 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

— acidose métabolique ;
— hypertension artérielle, hypervolémie chez les patients dialysés
(connaître leur poids « sec ») ;
— neuropathie périphérique ;
— augmentation du contenu gastrique et retard à la vidange gastrique ;
— cœur : épanchement péricardique – insuffisance cardiaque ;
— recherche d’une infection urinaire.

Préparation à l’intervention

• Poursuivre les médications de l’insuffisance rénale en préopéra-


toire telles qu’érythropoïétine, diurétiques, chélateurs du potassium et
du calcium (en contrôlant leur effet).
• Chez les patients dialysés : effectuer une dialyse la veille de l’inter-
vention et contrôler l’ionogramme en fin de dialyse. Préserver le membre
qui porte la fistule artérioveineuse de toute mise en place de perfusion.
• Chez les sujets non dialysés  : indépendamment de la chirurgie
(vasculaire aortique, abdominale majeure, thoracique et cardiaque),
l’objectif est d’éviter les situations qui peuvent aggraver la fonction
rénale : attention aux explorations radiologiques avec injection de pro-
duit de contraste notamment.
• Prémédication  : éventuellement cimétidine et anti-émétiques
compte tenu du retard à la vidange gastrique.

Conduite de l’anesthésie
Effets des agents anesthésiques sur le rein  : le métabolisme des
agents halogénés est susceptible de produire des ions fluorides qui sont
néphrotoxiques. En pratique, les halogénés utilisés actuellement sont
métabolisés pour une très faible proportion (< 2 p. 100) et sans effet
néphrotoxique démontré chez l’homme. Les principales altérations de
la fonction rénale résultant de l’action des agents anesthésiques sont la
conséquence de l’hypotension qui peut altérer la pression de filtration
glomérulaire.
Autres agents thérapeutiques : attention aux AINS qui favorisent la
rétention hydro-sodée et sont néphrotoxiques.
Effets de l’insuffisance rénale sur le métabolisme des agents anes-
thésiques (voir chapitres spécifiques). L’insuffisance rénale modifie la
pharmacocinétique des agents anesthésiques car :
— elle change le volume de distribution ;
— elle diminue la capacité de liaison protéique ;
— elle augmente la proportion de formes non ionisées du fait de
l’acidose métabolique ;
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 51

— elle altère l’élimination rénale ;


— l’hyperurémie peut altérer le niveau de conscience et diminuer
les besoins en hypnotiques.
Spécifiquement :
• Les benzodiazépines sont éliminées sous forme de composés actifs
et inactifs qui peuvent s’accumuler en cas d’insuffisance rénale. Les
benzodiazépines ne sont pas significativement éliminées par dialyse.
• Du fait de la diminution de la liaison protéique et de l’augmenta-
tion des formes non ionisées liée à l’acidose métabolique, les besoins
en propofol, étomidate et barbituriques sont diminués.
• L’élimination rénale des métabolites actifs de certains opiacés
(morphine 6-glucuronide, norpéthidine) peut provoquer une accumu-
lation et un risque postopératoire de dépression respiratoire chez les
insuffisants rénaux. L’administration sur un mode systématique de
ces agents est contre-indiquée. L’élimination du rémifentanil n’est pas
affectée par l’insuffisance rénale.
• Vécuronium et pancuronium ont une élimination rénale prolongée
par l’insuffisance rénale. La répétition des doses et l’antagonisation
doivent être guidées par le monitorage de la curarisation. La pharma-
cocinétique de l’atracurium, du cisatracurium et du rocuronium n’est
pas perturbée.
• L’élimination de la néostigmine est prolongée par l’insuffisance
rénale.
• L’anesthésie locorégionale ne pose pas de problème a priori (sauf
en cas de neuropathie périphérique).
• L’administration d’HBPM peut conduire à une anticoagulation
excessive.
Conduite pratique :
• Préserver le capital veineux des patients. Ne pas poser de perfu-
sion du côté où une fistule artérioveineuse a été réalisée. Protéger le
membre concerné pendant l’installation du patient. Utiliser le repérage
échoguidé. Éviter les hydroxyéthylamidons pour la perfusion.
• Veiller à éviter les compressions nerveuses durant l’installation du
patient.
• Dans la mesure où l’antibioprophylaxie repose le plus souvent sur
l’administration d’une dose unique, il n’y a pas d’adaptation de doses
à effectuer.
• Titrer les doses d’induction anesthésique en utilisant le monito-
rage par BISTM (diminution des besoins). N’utiliser la succinylcholine
que si la kaliémie est normale.
• Limiter le volume des perfusions chez les patients anuriques.
• Si la pratique d’une anesthésie locorégionale est indiquée (par
exemple pour réaliser une fistule artérioveineuse) : s’assurer de la nor-
malité de l’ionogramme sanguin et de l’absence de neuropathie péri-
phérique.
52 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

• L’administration peropératoire de dopamine ou de diurétiques


n’a aucun effet préventif sur l’aggravation postopératoire de la fonc-
tion rénale. La préservation d’un état hémodynamique stable est le
meilleur garant du maintien de la filtration glomérulaire chez les
insuffisants rénaux.
• L’analgésie postopératoire doit être surveillée attentivement
compte tenu du risque de dépression respiratoire avec les opiacés
(et de convulsions avec la péthidine qui est donc contre-indiquée).
Les anti-inflammatoires sont également contre-indiqués. Le néfo-
pam peut s’accumuler et donner un syndrome confusionnel ou des
convulsions.
• Les interventions intermédiaires et majeures comportent un risque
d’aggravation de la fonction rénale. C’est particulièrement le cas pour
la chirurgie vasculaire du fait également d’autres facteurs de risque
(produits de contraste iodés). La prévention repose sur le monitorage
hémodynamique et volémique pour éviter hypotension et hypovolémie
prolongées. Il n’y a pas d’argument pour préconiser l’usage d’agents
pharmacologiques pour prévenir la survenue d’insuffisance rénale
aiguë postopératoire.

PATHOLOGIE HÉPATIQUE
ET INSUFFISANCE HÉPATOCELLULAIRE

Les cirrhoses, quelle qu’en soit l’étiologie, constituent un facteur


de majoration de la morbidité périopératoire. En revanche, l’insuffi-
sance hépatique doit être évoluée pour perturber significativement la
pharmacocinétique des agents anesthésiques. Les complications péri-
opératoires sont soit spécifiques (aggravation de la pathologie et insuf-
fisance hépatique aiguë), soit non spécifiques (risque hémorragique
aggravé, risque de complications septiques, risque de fistules anasto-
motiques, risque d’éviscération, etc.).

Étiologies

L’insuffisance hépatique aiguë peut être le fait d’infections virales


(hépatites) ou d’intoxications (alcool, paracétamol), mais le plus
souvent il s’agit de poussées aiguës sur une pathologie cirrhotique
chronique. Les principales étiologies des cirrhoses sont l’alcool et
les hépatites chroniques actives (hépatite  C), puis viennent les cir-
rhoses biliaires primitives et l’hémochromatose. La fibrose portale
qui complique l’évolution des cirrhoses provoque une hypertension
portale. Les effets combinés de la réduction du métabolisme hépa-
tique et de l’hypertension portale sont l’ascite (qui est un transsudat),
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 53

les hémorragies digestives par rupture de varices œsophagiennes et


l’encéphalopathie. Les patients cirrhotiques peuvent être soumis à une
chirurgie non hépatique ou faire l’objet d’interventions spécifiques,
qu’il s’agisse du traitement de l’hypertension portale (shunts) ou de la
transplantation hépatique.

Conséquences du dysfonctionnement hépatique

Bilirubine
L’hyperbilirubinémie est un marqueur important des pathologies
hépatiques. L’élévation de la bilirubine conjuguée (cholestase) est
la conséquence d’un obstacle sur les voies biliaires intrahépatiques
(cirrhose) ou extrahépatiques (lithiase). L’élévation de la bilirubine
libre résulte d’un excès de production par rapport aux capacités de
conjugaison : transfusion massive, résorption d’hématomes tissulaires
extensifs, anomalie de la glycuro-conjugaison (maladie de Gilbert).
La sévérité de la maladie peut être appréciée par le score de Child-
Pugh (tableau 3-X).

Encéphalopathie
Les manifestations vont des troubles du sommeil à l’astérixis, au
syndrome confusionnel et au coma. L’hyperammoniémie ne cor-
rèle pas avec la sévérité de l’encéphalopathie. La physiopatho-
génie fait intervenir l’élévation du taux d’acide γ-aminobutyrique.
L’encéphalopathie se complique d’œdème cérébral qui doit être traité
et comporte un risque de myélinolyse centropontine surtout s’il existe
une hyponatrémie.

Tableau 3-X Score de Child-Pugh


Classe A : 5-6 points ; classe B : 7-9 points ; classe C : 10-15 points.

Paramètres Score 1 Score 2 Score 3

Albumine (g/L) 35 28-35 < 2

Bilirubine (mg/L) *
< 20 20-30 > 30

Ascite non discrète Modérée

Encéphalopathie non Grade I-II Grade III-IV

TP (sec) <4 4-6 > 6


*
En cas de cholestase : bilirubine < 40 = 1 point ; 40-100 = 2 points ; > 100 = 3 points.
54 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

Système cardiovasculaire
Les cirrhoses s’accompagnent d’un état cardiocirculatoire hyper-
dynamique  : élévation du débit cardiaque, hypotension et chute des
résistances artérielles en partie dues aux développements de multiples
shunts artérioveineux (notamment pulmonaires responsables d’hypo-
xémie).

Système respiratoire
Les échanges gazeux sont altérés du fait de l’augmentation des
zones de bas rapport ventilation/perfusion par augmentation du débit
cardiaque et réduction de la vasoconstriction hypoxique, mais aussi
du fait de la création d’atélectasies en cas d’ascite ou d’épanchement
pleural. Cyanose et hippocratisme digital sont les stigmates cliniques
du shunt intrapulmonaire. Chez certains patients, il est possible d’ob-
server une hypertension artérielle pulmonaire associée à l’hyperten-
sion portale.

Système digestif
L’hypertension portal s’accompagne d’une splénomégalie (et
d’un hypersplénisme). Le développement de varices œsophagiennes
comporte un risque de rupture (traitement préventif par bêtablo-
quant).

Fonction rénale
Le syndrome hépatorénal est le stade ultime du retentissement de la
maladie hépatique sur la fonction rénale. Il se caractérise par une oli-
gurie une rétention hydro-sodée et une insuffisance rénale chronique
résultant d’une réduction de la filtration glomérulaire du fait d’une
chute de la pression de perfusion et d’une diminution de la pression
oncotique. Le système rénine-angiotensine est stimulé et il existe un
hyperaldostéronisme.

Coagulopathie
La synthèse des facteurs de coagulation II, VII, IX, X est altérée en
cas d’insuffisance hépatique ou de cholestase et le taux de prothrom-
bine est allongé. Une thrombopénie accompagne l’hypersplénisme et
s’associe également à une CIVD chronique qui peut se décompen-
ser notamment en cas de sepsis. Une anémie peut résulter aussi bien
d’un saignement que d’un déficit de production du fait d’une carence
en folates, fer, B12 et d’un hypersplénisme.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 55

Évaluation préanesthésique

L’évolution clinique de la pathologie hépatique doit être appréciée


ainsi que son retentissement biologique. Les examens de labora-
toires incluent  : ionogramme sanguin (hyponatrémie – hypokaliémie
– alcalose métabolique) ; créatininémie et évaluation de la clairance
de la créatinine ; bilirubine libre et conjuguée, enzymes hépatiques
(transaminases, γ-GT, phosphatases alcalines), albuminémie, taux
de prothrombine, NFS avec plaquettes. Il faut également prendre
connaissance des sérologies hépatiques (hépatite  C). Les désordres
biologiques doivent être corrigés autant que faire se peut avant la
chirurgie (notamment transfusion de PFC pour corriger le déficit de
coagulation). Une élévation importante des transaminases est un fac-
teur de risque de complication qui doit faire reporter les interventions
non urgentes. Les cirrhotiques chroniques sont souvent en situation de
carence nutritionnelle mais sa correction est illusoire. Si l’ascite est
trop importante, elle peut gêner la mécanique ventilatoire et, de même
qu’un épanchement pleural, doit être évacuée avant l’intervention. En
peropératoire, toute hypotension ou bas débit cardiaque prolongé peut
conduire à une ischémie hépatique et majorer l’insuffisance hépatique.
C’est plus ce mécanisme qui est en cause dans l’aggravation de la
fonction hépatique postopératoire que la toxicité des agents anesthé-
siques qui n’est démontrée que pour l’halothane et l’enflurane, qui ne
sont plus utilisés.
En peropératoire les objectifs transfusionnels sont  : maintenir un
taux d’hémoglobine > 7 g/dl, TP > 35 p. 100, plaquettes > 50 000/mm3
et un fibrinogène > 0,8 g/l. Il semble logique de recourir facilement à
la transfusion d’albumine étant donné l’hypoalbuminémie.

Conduite de l’anesthésie

Il faut être attentif à la prémédication chez un cirrhotique car


l’administration d’une benzodiazépine peut induire des troubles
de la vigilance. En matière d’antibioprophylaxie, il faut éviter les
aminosides néphrotoxiques. Un patient cirrhotique surtout s’il est
ascitique doit être considéré comme un « estomac plein » et une
induction à séquence rapide est recommandée. Le risque de désa-
turation artérielle en oxygène est accru pendant la phase d’induc-
tion et la dénitrogénation doit être complète. Les besoins en agents
anesthésiques sont variables : augmentés lorsqu’une induction enzy-
matique prédomine et du fait de la diminution de la concentration
plasmatique en albumine, diminués lorsque la capacité métabolique
du foie est altérée. L’anesthésie doit être titrée et sa profondeur
monitorée (BIS).
56 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

En ce qui concerne l’anesthésie locorégionale, il faut veiller à deux


problèmes : la coopération du patient et la possibilité de désordres de
l’hémostase qui majorent le risque d’hématome périmédullaire.

Chirurgie

La chirurgie peur décompenser la maladie hépatique. C’est encore


plus le cas lorsque des résections hépatiques sont pratiquées du fait
de l’ischémie hépatique résultant du clampage. Les résections sont en
général hémorragiques et peuvent nécessiter l’emploi d’un antifibrino-
lytique comme l’aprotinine. Les dérivations porto-sytémiques peuvent
se compliquer d’encéphalopathie hépatique lorsque le shunt est trop
important et d’insuffisance ventriculaire gauche avec œdème pulmo-
naire lorsque le retour veineux est majoré.

POUR EN SAVOIR PLUS

Ozier Y, Lentschener C. Anesthésie-réanimation de l’insuffisant hépatocellu-


laire. Conférences d’actualisation de la SFAR. Paris, Elsevier, 2002 : 259-85.
Labat F, Leblanc I, Jacob L. Insuffisance rénale aiguë périopératoire. Confé-
rences d’actualisation de la SFAR. Paris, Elsevier, 1999 : 589-603.

PATIENT DIABÉTIQUE

E. F. Tounou-Akue, M. Ohana

Le diabète est une affection métabolique touchant 2 à 3 p. 100 de la


population et caractérisée par la présence d’une hyperglycémie chro-
nique. Est considéré comme diabétique un sujet présentant à deux
reprises une glycémie à jeun (au moins 8 heures de jeûne) supérieure à
7 mmol.l-1 (1,26 g ⋅ l–1) ou une glycémie supérieure à 11,1 mmol ⋅ l–1
(2 g ⋅ l–1) 2 heures après une charge orale de 75 g de glucose.
Il existe deux types de diabète :
— type 1 dit insulinodépendant (10 p. 100) : carence de la sécrétion
d’insuline due à une destruction des cellules β des îlots de Langherans
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 57

du pancréas. Plus fréquent chez le sujet jeune (diabète juvénile) le


diagnostic est souvent facile devant des symptômes (polyurie, poly-
dipsie, amaigrissement). La complication métabolique aigue fréquente
est l’acidocétose.
— type  2 dit non insulinodépendant (90  p.  100)  : altération de
l’effet de l’insuline sur les tissus cibles (insulinorésistance). Plus fré-
quent chez le sujet âgé (diabète de la maturité) et favorisé par l’obé-
sité, il est souvent asymptomatique. Le diagnostic clinique est posé
2 à 10  ans après l’apparition de l’hyperglycémie, de sorte que les
complications vasculaires sont le plus souvent présentes au moment
du diagnostic.
Le diabète, quel que soit le type, entraîne à long terme des com-
plications pouvant toucher des fonctions vitales (macroangiopathie et
microangiopathie diabétique : atteinte cardiovasculaire, rénale, neuro-
logique, respiratoire, infectieuse…).
Le diabète est l’atteinte endocrinienne la plus fréquemment ren-
contrée en anesthésie. Le risque opératoire est essentiellement lié aux
complications dégénératives affectant les systèmes cardiovasculaire et
nerveux autonome ; l’évaluation préopératoire est donc importante.
L’intérêt d’un équilibre glycémique périopératoire est désormais prouvé
et l’euglycémie semble améliorer le pronostic des patients diabétiques.

ÉVALUATION PRÉOPÉRATOIRE

La consultation d’anesthésie a pour objectifs de :


— dépister les complications du diabète pouvant avoir un retentis-
sement au cours de l’intervention et dans les suites opératoires ;
— planifier la gestion périopératoire des traitements ;
— définir et organiser une stratégie anesthésique ;
— informer le patient.
Ces objectifs nécessitent un délai suffisant avant l’intervention.

Complications cardiovasculaires

Cardiopathie ischémique
L’incidence de la maladie coronaire est multipliée par 2 à  3. C’est
la principale cause de décès chez le diabétique de type 2. Lorsque le
patient n’est pas coronarien connu, il faut s’attacher au dépistage de
l’ischémie myocardique silencieuse (IMS). Il s’agit d’un patient ayant
des lésions coronariennes significatives sans douleur thoracique au
repos, à l’effort ou au froid et sans cardiomyopathie ou valvulopathie.
L’ECG de repos peut être normal ou montrer des signes d’ischémies.
58 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

Tableau 3-XI Situations indiquant le dépistage d’une IMS chez le diabétique


Hommes Femmes

> 40 ans (type 1 depuis plus Plus de 65 ans avec une des situations
de 15 ans) ou > 60 ans (type 2) suivantes :
avec un des signes suivants : – ménopause précoce non
– néphropathie substituée
– microalbuminurie/protéinurie – artérite
– artérite des membres inférieurs – antécédent d’AVC
– antécédents d’AVC – protéinurie avec ou sans
– tabagisme majeur ou ancien insuffisance rénale
– association HTA tabac
hyperlipidémie

Le dépistage de l’IMS doit être effectué dans les situations indiquées


dans le tableau 3-XI. Il repose sur l’un des examens suivants : l’ECG
au cours d’une épreuve d’effort, l’échographie de stress ou la scinti-
graphie myocardique.

Hypertension artérielle
Présente chez 40 à 60 p. 100 des diabétiques de type 2, l’hypertension
artérielle est favorisée par l’obésité, l’atteinte rénale, le syndrome
d’apnée du sommeil et le tabagisme. Elle majore les complications
vasculaires du diabète et son contrôle en préopératoire est nécessaire
afin de prévenir une instabilité hémodynamique peropératoire et la
survenue de complications coronarienne ou rénale. Le traitement vise
à maintenir une pression artérielle inférieure à 130/80 mmHg. Toutes
les classes d’antihypertenseurs (bêtabloquant cardiosélectif, diurétique
thiazidique, inhibiteur calcique, inhibiteur de l’enzyme de conversion,
antagoniste des récepteurs de l’angiotensine  II) peuvent être utilisées
en monothérapie ou le plus souvent en association.

Cardiomyopathie diabétique et insuffisance cardiaque


La cardiomyopathie diabétique apparaît après 3 à 5 ans d’évolution
du diabète. Elle évolue d’un simple trouble de la relaxation ventri-
culaire à une insuffisance cardiaque congestive, en passant par une
dysfonction diastolique avec élévation des pressions de remplissage
du VG. La fonction systolique est volontiers préservée.
Cette cardiomyopathie est corrélée à la gravité de la microangio-
pathie rétinienne ainsi qu’à la qualité de l’équilibre glycémique. Donc
devant un fond d’œil pathologique ou une hémoglobine glycosylée
(HbA1C) >  7  p.  100 il faut faire une échocardiographie avant une
chirurgie majeure.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 59

Neuropathie

Neuropathie périphérique
Le diabète provoque une neuropathie sensitivomotrice (mono- ou
polynévrite) par perte de fibres nerveuses myélinisées et non myé-
linisées. Fréquente après 15  ans d’évolution du diabète (50  p.  100),
elle est souvent asymptomatique et prédispose aux plaies du pied avec
risque d’amputation.
Elle doit être recherchée systématiquement car son existence peut
avoir des implications dans l’anesthésie locorégionale (augmentation
de la durée du bloc, risque de complications accru).

Neuropathie dysautonomique
Elle fait suite à une dégénérescence des fibres ortho- et parasympa-
thiques. Elle est retrouvée chez 20 à 50 p. 100 des diabétiques.
• La dysautonomie cardiaque (tableau  3-XII) est un déséquilibre
entre le système vagal dont l’activité est réduite et le système sympa-
thique dont l’activité est maintenue. Ces patients présentent un risque
d’infarctus du myocarde indolore, de troubles du rythme (fibrillation
ventriculaire) et sont exposés au risque d’instabilité hémodynamique
periopératoire.

Tableau 3-XII Symptômes de la dysautonomie diabétique

Cardiovasculaires Hypotension orthostatique


Allongement de QT
Tachycardie sinusale
Digestifs Gastroparésie
Nausées – vomissements
Diarrhées nocturnes
Urogénitaux Mictions par regorgement
Dysurie pollakiurie
Rétention aiguë d’urines
Respiratoires Réduction de la réponse ventilatoire
à l’hypoxémie et à l’hypercapnie
Apnées du sommeil
Dysrégulation thermique Crises sudorales
Hypothermie – hyperthermie
Absence d’accommodation pupillaire
60 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

Le dépistage d’une dysautonomie repose sur la recherche d’une hypo-


tension orthostatique : baisse de la pression artérielle systolique supé-
rieure à 30  mmHg lors du passage à la position debout après 10  min
de décubitus dorsal. D’autres tests simples permettent d’affirmer le
diagnostic de dysautonomie cardiaque  : la manœuvre de Valsalva, la
recherche d’une arythmie respiratoire, la variabilité de la longueur du
QT sur l’ECG. La dispersion des valeurs du QT est corrélée au risque
d’instabilité hémodynamique et à la survenue d’une mort subite.
• La gastroparésie diabétique est suspectée devant la présence de
nausées, vomissements, de douleurs postprandiales ou de distension
épigastrique. Associée à la diminution du tonus du sphincter inférieur
de l’œsophage, elle augmente le risque de régurgitation et d’inhalation
à l’induction. Ces patients doivent donc être considérés sur le plan
anesthésique comme « estomac plein ».
L’érythromycine par son effet motiline-like permet la vidange
gastrique. Certains proposent donc l’administration de 100 mg  IV
d’érythromycine 2  h avant l’induction anesthésique chez les diabé-
tiques souffrant d’une dysautonomie sévère.
• Autres signes de neuropathie dysautonomique :
— altération de la thermorégulation  : crises sudorales, hyperther-
mie lors de l’exposition au chaud. Il existe un risque d’hypothermie
périopératoire ;
— génito-urinaire : dysurie, pollakiurie, rétention aiguë d’urine, incon-
tinence, impuissance ;
— respiratoire : inhalation bronchique avec pneumopathies à répé-
tition ; diminution de la réponse à l’hypoxie et à l’hypercapnie.

Risque rénal

La néphropathie diabétique s’accompagne d’une microalbuminurie


et entraîne en quelques années une insuffisance rénale chronique. Les
IEC diminuent la microalbuminurie et stabilisent la fonction rénale.
Une insuffisance rénale aiguë peut survenir en cas de chirurgie
majeure, d’hyperglycémie avec diurèse osmotique ou après injection
de produits de contraste iodé.
Les patients traités par metformine sont exposés au risque d’acidose
lactique.
La metformine doit être arrêtée au minimum 48 h avant l’interven-
tion chirurgicale et la reprise du traitement ne doit avoir lieu qu’après
vérification de la normalité de la fonction rénale.
Il est recommandé d’interrompre les IEC au moins 12 h avant une
intervention lorsque ceux-ci constituent un traitement de fond de
l’hypertension artérielle. En revanche ils sont maintenus lorsqu’ils
sont prescrits dans le cadre d’une insuffisance cardiaque.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 61

Risque infectieux

Le risque d’infection du site opératoire est plus élevé chez le patient


diabétique ; ce risque est diminué par un meilleur contrôle glycé-
mique. L’infection urinaire est fréquente et doit être recherchée en cas
de vessie dysautonomique.
Néanmoins aucune antibioprophylaxie n’est à prévoir du seul fait
du diabète.

Risque respiratoire postopératoire

Il existe une diminution de la réponse ventilatoire à l’hypoxie et à


l’hypercapnie et une diminution de la réactivité bronchique en rapport
avec la dysautonomie.
La fonction ventilatoire est également modifiée avec une diminution
de la capacité vitale, du VEMS et des troubles de diffusion du DLCO.
Des complications respiratoires chez le diabétique en période post-
opératoire ne sont pas à exclure.

Risque d’intubation difficile

L’hyperglycémie favorise la formation de tissu de collagène résistant


au niveau articulaire. Cette raideur des articulations débute au niveau
des métacarpo-phalangiennes et des interphalangiennes proximales
des 5e  doigts donnant le signe de la prière (impossibilité d’affronte-
ment des faces palmaires des mains). Ce signe est prédictif d’intuba-
tion difficile.
Ces anomalies s’accompagnent d’une raideur cervicale avec une
fixation de l’articulation atlanto-occipitale rendant l’intubation difficile.

Cicatrisation

L’hyperglycémie retarde la cicatrisation. Cette anomalie est corrigée


par l’administration d’insuline. L’atteinte neurologique et la microan-
giopathie ralentissent également la cicatrisation.

Choix de l’anesthésie

Le choix du type d’anesthésie (générale ou locorégionale) est tou-


jours débattu même si les données actuelles semblent être en faveur de
l’ALR qui facilite la gestion périopératoire du diabète.
62 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

L’anesthésie générale expose au risque de compressions cutanée


et nerveuse en per- et postopératoire immédiat. Les nerfs ulnaire et
péronier peuvent être atteints d’où l’importance de la vérification et la
protection des points d’appui lors de l’installation du patient.
Sous ALR, l’équilibre métabolique périopératoire est plus facile à
obtenir.
La réalisation de blocs plexiques ou tronculaires est possible après
avoir recherché une atteinte neurologique préexistante. Il faut réduire
la dose d’anesthésique local du fait du risque de neurotoxicité.

CONTRÔLE GLYCÉMIQUE PÉRIOPÉRATOIRE


Le contrôle glycémique a pour but d’éviter les complications méta-
boliques du diabète (coma hyperosmolaire ou acidocétose) et les épi-
sodes d’hypoglycémie.
L’équilibre glycémique réduit la morbidité et la mortalité. Ainsi à
la phase aiguë de l’infarctus du myocarde, l’insulinothérapie intensive
réduit la mortalité (intérêt du glucose, insuline, potassium).
L’administration d’insuline par voie intraveineuse continue associée
à un apport contrôlé de glucose permet un bon contrôle glycémique.
La clonidine, α2-agoniste à la dose de 4 μg/kg améliore l’équilibre
glycémique et diminue les besoins insuliniques.
L’objectif glycémique dépend des antécédents du patient et du type
de chirurgie.
L’euglycémie est recherchée chez les patients à risque (insuffisance
rénale ou neuropathie) ou en cas de chirurgie majeure (neurochirurgie,
chirurgie cardiaque…). Pour les autres patients la glycémie doit être
inférieure à 11 mmol/l.
L’hypoglycémie présente plus de danger que l’hyperglycémie, raison
pour laquelle la glycémie doit être maintenue entre 5,7 et 11,1 mmol/l.
Cependant, l’euglycémie doit être obtenue (5,5 et 6,7  mmol/l) en cas
de pontage aorto-coronaire, chirurgie avec interruption momentanée de
la circulation cérébrale et en obstétrique en raison du risque d’hypo-
glycémie du nouveau-né.
L’insulinothérapie est associée à un apport de sérum glucosé (125 ml/h).
Les contrôles de la glycémie capillaire doivent être réguliers. La
recherche de corps cétoniques dans les urines doit être faite en cas de
glycémie supérieure à 14 mmol/l.

Diabète de type 2
Si le diabète est équilibré et la chirurgie mineure, les antidiabétiques ne
sont pas arrêtés. En cas de chirurgie majeure les sulfamides doivent être
arrêtés la veille, les biguanides doivent être arrêtés 12 à 24 h avant l’inter-
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 63

vention. Cet arrêt est obligatoire uniquement en cas d’injection de produit


iodé en périopératoire. La glycémie doit être contrôlée régulièrement et
un apport glucosé doit être commencé en même temps que le jeûne.
Si la chirurgie est majeure ou que l’équilibre glycémique est mau-
vais, il faut hospitaliser le patient la veille et commencer une insuli-
nothérapie par voie intraveineuse ou sous-cutanée avec des contrôles
glycémiques répétés.
La reprise des antidiabétiques peut se faire le soir même après
contrôle de la fonction rénale (en cas de chirurgie majeure).

Diabète de type 1

Ne pas donner d’insuline retard la veille et la remplacer par de l’in-


suline intraveineuse.
Ne pas perfuser de solution contenant de lactate.
La reprise de l’insulinothérapie habituelle se fait en même temps
que la reprise de l’alimentation.
Les patients diabétiques doivent arriver au bloc en équilibre glycé-
mique pour éviter les complications postopératoires.
La consultation d’anesthésie doit être programmée à distance du
geste opératoire pour dépister les complications du diabète.

MALADIES NEUROMUSCULAIRES

C. Rémy

Il y a plus de 40 maladies liées à une atteinte primitive et isolée de


l’unité motrice.
• Atteintes de la fibre musculaire : myopathies
— dystrophies musculaires progressives : dystrophie musculaire de
Duchenne ;
— maladies musculaires congénitales ;
— maladies musculaires myotoniques  : dystrophie myotonique de
Steinert ;
— maladies métaboliques du muscle ;
— dermatomyosites.
64 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

• Atteintes de la jonction musculaire :


— myasthénie  : atteinte auto-immune du récepteur de la plaque
motrice ;
— anomalie de libération du neurotransmetteur  : syndrome de
Lambert-Eaton.
• Atteintes du nerf moteur périphérique :
— maladies de Charcot-Marie-Tooth  : hereditary neuropathy with
liability to pressure palsies (HNPP) ;
— atteintes du motoneurone dans la corne antérieure de la moelle :
amyotrophies spinales infantiles.
Les complications éventuelles durant la période périopératoire sont
potentiellement graves, l’évaluation préopératoire est centrée sur les
fonctions respiratoire et cardiaque.
L’emploi des curares est soumis à des règles strictes. L’arrivée
récente du sugammadex sur le marché pourra faciliter et améliorer la
prise en charge dans de nombreux cas.

MYOPATHIES
La succinylcholine est contre-indiquée.
La myopathie de Duchenne et la myotonie de Steinert sont les plus
fréquentes.

Dystrophie musculaire progressive


ou maladie de Duchenne de Boulogne
• Incidence. 3 pour 10 000 naissances. Myopathie la plus fréquente
de l’enfance.
• Physiopathologie, présentation clinique. Concerne les sujets
de sexe masculin (transmission liée au chromosome  X). La maladie
débute vers l’âge de 2 à 6 ans, caractérisée par une fatigue musculaire.
L’atteinte des muscles respiratoires et les déformations thoraciques
réduisent capacité pulmonaire et élimination des sécrétions bron-
chiques. L’atteinte du muscle cardiaque conduit à une insuffisance
cardiaque globale, associée à des troubles du rythme et de la conduc-
tion. Elle est responsable de la mortalité précoce vers l’âge de 25 ans.
• Évaluation préopératoire. L’examen clinique apprécie sévérité et
étendue de l’atteinte musculaire, l’existence de troubles de la dégluti-
tion, d’une insuffisance respiratoire ou cardiaque, parfois sous-estimée
par la réduction de l’activité physique de ces patients.
Les examens complémentaires respiratoires (radiographie thora-
cique, GDS, EFR) et cardiaques (ECG, échocardiographie, Holter,
voire scintigraphie) sont orientés en fonction de la gravité de la mala-
die, de son évolutivité et du geste chirurgical programmé.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 65

• Implications anesthésiques. Complications peropératoires pos-


sibles : insuffisance respiratoire (inhalation), complications cardiaques
(arythmies, défaillance cardiaque, arrêt cardiaque), myoglobinurie,
rhabdomyolyse. Le risque d’hyperthermie maligne semble plus élevé.
Tous les halogénés, la kétamine et la succinylcholine doivent être évi-
tés. La kinésithérapie respiratoire est indispensable.

Myopathie myotonique ou maladie de Steinert


• Physiopathologie, présentation clinique. Maladie génétique, à
transmission autosomique, atteignant muscle squelettique, cardiaque
mais aussi muscle lisse, glandes endocrines et système nerveux cen-
tral. Les premiers symptômes apparaissent à l’âge adulte, avec une
aggravation progressive vers l’insuffisance respiratoire et cardiaque,
des troubles du rythme, des troubles de la déglutition avec pneumo-
pathie récidivante, un diabète et un retard mental.
• Évaluation préopératoire. Les manifestations cliniques cardio-
pulmonaires peuvent être latentes compte tenu de la réduction de l’ac-
tivité physique. L’ECG couplé au Holter est indispensable.
• Implications anesthésiques. En peropératoire  : risque de surve-
nue de crises myotoniques déclenchées par les manipulations chirurgi-
cales, par certains médicaments (clofibrate, propranolol, néostigmine,
potassium), par l’hypothermie ou le frisson postopératoire. Ces crises
sont mal contrôlées par les curares non dépolarisants. Le contrôle
peropératoire de la température est donc indispensable, et les anticho-
linestérasiques sont a priori contre-indiqués. Les agents anesthésiques
doivent être utilisés à dose réduite (risque de dépression respiratoire
prolongée). Du fait du risque périanesthésique d’inhalations, l’anes-
thésie locorégionale lorsqu’elle est possible doit être privilégiée. Les
halogénés doivent être évités (possibilité d’hyperthermie maligne), et
la succinylcholine est formellement contre-indiquée (hyperkaliémie
menaçante). Les curares non dépolarisants peuvent être employés à
dose réduite sous monitorage de la curarisation.
• Prise en charge postopératoire. En unité de soins intensifs, avec
kinésithérapie respiratoire.

SYNDROMES MYASTHÉNIQUES
Myasthénie
• Incidence. 1/50 000.
• Physiopathologie. Destruction des récepteurs nicotiniques post-
synaptiques par auto-anticorps, souvent liée à une anomalie thymique
(65 p. 100) (hyperplasie ou thymome).
66 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

• Clinique. Fatigabilité musculaire à l’effort, améliorée par le repos,


localisée ou généralisée. Atteinte oculaire (diplopie, ptosis) : 95 p. 100.
Atteinte des voies aérodigestives possible et source de complications
(pneumopathie d’inhalation).
• Diagnostic. Clinique, test aux anticholinestérasiques (ACE).
• Évolution. Chronique, alternant poussées et rémissions. Pronos-
tic lié aux complications secondaires à l’atteinte respiratoire et aux
troubles de la déglutition.
— Crises cholinergiques. Surdosage en ACE, paralysie respiratoire
brutale  : polypnée, cyanose, hypersudation, fièvre, encombrement
bronchique, hypoxémie et hypercapnie.
— Crises myasthéniques. Poussée évolutive, avec aggravation des
symptômes préexistants  : dyspnée, cyanose, encombrement bron-
chique.
• Traitement. Éducation (facteurs déclenchants, médicaments contre-
indiqués, signes des complications), traitement symptomatique par
ACE ; immunosuppresseur, thymectomie.
• Médicaments pouvant déclencher une crise myasthénique  :
tous les produits de l’anesthésie générale, hypnotiques et curares sur-
tout. Aminosides, colistine, cyclines injectables, quinidiniques, bêta-
bloquants, triméthadione (psychotrope), magnésium.

Préopératoire
• Évaluation clinique de la gravité. Classification d’Osserman :
— stade I : atteinte localisée (oculaire) ;
— stade II : faiblesse généralisée ; II A/IIB : sans ou avec atteinte
bulbaire (troubles de la déglutition) ;
— stade III : début aigu et/ou troubles respiratoires ;
— stade IV : myasthénie évoluée grave avec troubles de la dégluti-
tion ou ventilatoires.
• Examens complémentaires : GDS, EFR, ionogramme sanguin (si
traitement par corticoïde).
• Préparation à l’intervention. Interrompre les ACE 24  h avant
l’intervention si possible (en fonction de la sévérité). Poursuivre les
traitements immunosuppresseurs. Kinésithérapie respiratoire. Prévenir
le patient du risque de ventilation postopératoire.
• Prémédication. Préférer l’hydroxyzine aux benzodiazépines.
• Prévoir une place en soins intensifs pour la période post-
opératoire.

Anesthésie
• L’extubation précoce est l’objectif principal lors du choix de la
technique anesthésique.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 67

• Anesthésie locorégionale. À privilégier si possible. Après un bloc


central, effectuer une surveillance accrue de la fonction respiratoire
(risque d’aggravation par bloc moteur étendu) (idem après un bloc
interscalénique). L’analgésie péridurale obstétricale n’est pas contre-
indiquée.

Anesthésie générale
• Les halogénés ont un effet propre de myorésolution.
• Le propofol est le produit de choix pour l’induction et l’entretien
de l’anesthésie.
• Les curares :
— dépolarisants  : à réserver aux indications formelles. Puissance
diminuée, risque de bloc de phase  2, allongement du temps de récu-
pération ;
— non dépolarisants  : puissance et durée d’action augmentée.
Monitorage indispensable. Choisir un curare d’action intermédiaire
(vécuronium, atracurium) à 10 p. 100 de sa posologie habituelle, pour
la première dose puis adapter en fonction des résultats du monitorage.
• Éviter les facteurs potentialisant le bloc neuromusculaire  :
médicaments (aminosides, quinidiniques), hypothermie, désordres
métaboliques (acidose, dyskaliémie).
L’extubation répond aux mêmes critères que chez le sujet sain.

Période postopératoire
• Surveillance en soins intensifs. Risque de dépression respiratoire
pendant 48  h. Le diagnostic différentiel dans le contexte postopéra-
toire entre crise myasthénique et crise cholinergique est difficile. En
cas de survenue de difficulté respiratoire, le recours à une ventilation
assistée est nécessaire.
• Reprise du traitement. Les besoins postopératoires immédiats en
ACE sont très diminués voire nuls ; leur réintroduction précoce se fait
à faible dose en titrant en fonction des effets.

Syndrome myasthénique de Lambert-Eaton

• Physiopathologie. Bloc présynaptique lié à une diminution de la


libération de l’acétylcholine par action d’anticorps anti-canaux cal-
ciques voltage-dépendants. Syndrome paranéoplasique avec le plus
souvent une tumeur à petites cellules bronchique.
• Clinique. Fatigabilité proximale, diminuant à l’effort soutenu.
• Traitement étiologique. Traitement symptomatique  : aminopyri-
dine et chlorhydrate.
68 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

• Médicaments contre-indiqués. Les inhibiteurs calciques, de par


leur mécanisme d’action.
Prise en charge anesthésique. Poursuivre la diaminopyridine
jusqu’au matin de l’intervention. L’utilisation des curares non dépo-
larisants est à réserver aux indications formelles, au 1/10e des doses
habituelles, et sous contrôle strict du monitorage de la curarisation.
Tous les facteurs potentialisant le bloc neuromusculaire doivent
être contrôlés (l’hypothermie, l’acidose, l’hypokaliémie, les médi-
caments). Les anticholinestérasiques seuls sont inefficaces pour
antagoniser un bloc résiduel, l’utilisation conjointe de la 4-amino-
pyridine est l’association de choix. Le traitement doit être repris
précocement.

LÉSIONS DES VOIES MOTRICES

• Il peut s’agir :
— d’une atteinte du motoneurone d’origine centrale (accidents vas-
culaires cérébraux, ruptures d’anévrismes, traumatismes médullaires)
avec hémiplégie, paraplégie ou tétraplégie ;
— de lésions périphériques (section nerveuse, polyneuropathie,
poliomyélite), syndrome de Guillain-Barré ;
— de brûlures étendues ;
— de l’utilisation prolongée de curares non dépolarisants en réani-
mation, infection sévère, traumatismes musculaires étendus, polyneuro-
myopathie acquise en réanimation ;
— la prolifération et la modification des récepteurs nicotiniques
à l’acétylcholine dans les zones extra-jonctionnelles de la plaque
motrice (up regulation) entraînent un risque d’hyperkaliémie grave
et mortelle lors de l’utilisation de la succinylcholine, qui est formel-
lement contre-indiquée, passé un délai de quelques jours après la
constitution de la lésion et pour une durée prolongée. En revanche, les
curares non dépolarisants doivent être utilisés à une dose plus impor-
tante (sensibilité diminuée).
• ALR. Une comparaison des risques respectifs de l’anesthésie
générale et l’anesthésie périmédullaire doit être faite en collaboration
avec les neurologues, notée et expliquée au patient ou à sa famille.
Un examen neurologique documenté avant et après le geste permet
d’adopter une attitude thérapeutique adaptée, et d’étayer le choix du
type d’anesthésie.
Cas particulier : une paraplégie ou une tétraplégie ne contre-indique
pas une analgésie péridurale pour le travail obstétrical pour deux rai-
sons : si le niveau lésionnel est bas une sensibilité peut persister, s’il
est haut des réactions neurovégétatives peuvent se produire pendant
le travail.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 69

SCLÉROSE EN PLAQUES

• Physiopathologie. Maladie inflammatoire idiopathique démyé-


linisante touchant de manière diffuse la substance blanche du SNC,
sans atteinte axonale (possibilité de récupération entre les poussées)
entraînant une diminution de l’influx nerveux.
• Clinique. Début entre 20 et 40  ans. Du fait de la prédilection
des lésions pour certains faisceaux, la symptomatologie peut compor-
ter une note paraplégique  : spasticité, déficit ; une note cérébelleuse
aggravant les troubles de statique et de démarche ; une note proprio-
ceptive  : ataxie, signe de Romberg ; un nystagmus ; une dysarthrie ;
une névrite optique, des troubles des fonctionnements sphinctériens et
sexuels (habituels à un stade tardif), des troubles psychiques : dépres-
sion plus ou moins évoluée, une baisse des performances intellec-
tuelles ; des crises d’épilepsie (rares) ; des phénomènes dystoniques :
contracture (avec des paroxysmes tétaniformes) d’un membre ou
d’un hémicorps.
• Évolution. Chronique par poussées successives entrecoupées de
phases de rémission. Les poussées sont favorisées par des facteurs
psychiques (stress), et physiques (grossesse). Après une succession de
poussées régressives, la sclérose en plaques entraîne un tableau défici-
taire permanent.
• Traitement. Corticoïdes et immunosuppresseurs diminuent la
durée et l’intensité des crises. Le traitement symptomatique associe
kinésithérapie motrice et sphinctérienne, traitement de toute affection
intercurrente urinaire ou respiratoire.
• Évaluation préopératoire. Il faut évaluer l’état neurologique et
l’évolutivité de la maladie. En cas de troubles avérés, et si une anes-
thésie locorégionale est décidée, celle-ci doit être encadrée d’un bilan
neurologique précis et objectif encadrant le geste.
• Prémédication. Benzodiazépines (diminuent le risque de contrac-
tion spastique).
• Anesthésie. Il n’y a pas de contre-indication à l’anesthésie médul-
laire :
— lorsque l’atteinte lésionnelle ne concerne pas le territoire à anes-
thésier et que l’IRM ne montre pas de lésion médullaire ;
— lorsque les lésions sont anciennes ou cicatricielles ;
— lorsque la maladie est en poussée il est recommandé d’évi-
ter la rachianesthésie et les fortes concentrations d’anesthésiques
locaux ;
— chez la femme enceinte, en l’absence de poussée récente, le gain
attendu en matière de prévention du stress douloureux justifie l’anes-
thésie péridurale médullaire.
70 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

MALADIE DE PARKINSON

Pathologie fréquente, dont l’incidence augmente avec l’âge. Les


priorités sont : en consultation, dépister les malades à risque respira-
toire ou circulatoire ; en pré- et postopératoire, d’assurer la continuité
thérapeutique.
• Physiopathologie. La dopamine est localisée à 80 p. 100 dans les
noyaux gris centraux, essentiellement le striatum, où elle est un neuro-
transmetteur inhibiteur. Sa déplétion progressive crée un déséquilibre
entre contrôle inhibiteur et excitateur cholinergique central sur la
motricité volontaire.
• Aspects cliniques. Les signes cardinaux  : hypokinésie, rigidité
extrapyramidale, tremblement de repos. La déglutition est touchée
dans 63  p.  100 des cas. Les anomalies des voies aériennes peu-
vent être considérées comme quasi constantes dans les formes évo-
luées, avec atteinte axiale (voix, tremblement du chef), ou en cas de
signes neurovégétatifs associés. Les signes neurovégétatifs (jusqu’à
80 p. 100) regroupent : troubles dyspeptiques (53 p. 100), hypersécré-
tion sébacée (50 p. 100), troubles trophiques (47 p. 100), rétention uri-
naire (40 p. 100), hypersialorrhée (20 p. 100), tachycardie (17 p. 100),
hypotension orthostatique (70 p. 100).
La maladie évolue vers une instabilité posturale, des déformations
osseuses et des troubles neuropsychiques de type anxiété, dépression,
démence.
• Traitements. La L-dopa est le produit de référence. L’association
aux inhibiteurs des dopa-décarboxylases périphériques a permis d’en
réduire les doses. Autres agonistes dopaminergiques  : amantadine,
amphétamines, bromocriptine, stimulant la libération de dopamine ;
sélégiline (Déprényl®)  : inhibiteur sélectif de la MAO B et donc
du métabolisme ; bromocriptine  : agoniste des récepteurs D2. Les
médicaments anticholinergiques (surtout pour tremblement, hyper-
sialorrhée) sont des drogues d’appoint. La chirurgie stéréotaxique est
réservée aux formes graves.
• Évaluation préopératoire. Elle doit être centrée sur la recherche
d’une hypotension orthostatique et d’une obstruction des voies
aériennes supérieures. L’akinésie laryngée peut entraîner une occlusion
inspiratoire ou expiratoire des voies aériennes supérieures, à l’origine
d’insuffisance respiratoire aiguë postopératoire. En préopératoire, l’obs-
truction est dépistable par l’étude de la relation débit-volume forcée.
• Contexte périopératoire. Le traitement médicamenteux ne doit pas
être interrompu en périopératoire  : sont possibles dans la sonde gas-
trique : Modopar® 125 dispersible, Artane® solution buvable 0,4 p. 100.
En cas d’arrêt du transit  : formes injectables  : Cogentin®, Akiné-
ton®, Artane®, Lepticur® ; apomorphine (Apokinon®) 10 mg/ml, voie
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 71

SC ou IV. Seul agoniste dopaminergique de recours, mais durée d’ac-


tion courte (45 à 90 min), et mauvaise tolérance.
• Interactions entre système opioïde et système dopaminergique.
La rigidité morphinique pourrait être d’origine extrapyramidale. N2O
et kétamine sont concernés par le système opioïde, voire la rigidité.
Leur utilisation est cependant possible. La péthidine est à éviter, en
l’absence de données cliniques.
• Agonistes sérotoninergiques. Des médicaments adjuvants
de type neuroleptiques dits atypiques, et antidépresseurs dits de
seconde génération, agonistes sérotoninergiques, sont de plus en
plus prescrits chez le parkinsonien. De nombreuses interactions
médicamenteuses sont décrites, notamment la prolongation d’action
des benzodiazépines. Le tramadol (qui exerce une action d’inhibi-
tion de la recapture de la sérotonine) ne doit pas être prescrit chez
le parkinsonien.
• Drogues et techniques de l’anesthésie. Aucune donnée ne per-
met de recommander une technique plus qu’une autre. L’anesthésie
locorégionale, quand elle n’est pas rendue impossible par le trem-
blement et l’hypertonie, a l’intérêt d’éviter de compliquer le risque
lié à la dysfonction des voies aériennes, et de maintenir le traitement
oral.
Anesthésie générale. La fréquence des troubles de déglutition, joints
à la diminution du tonus du sphincter inférieur de l’œsophage, au
ralentissement du transit, à l’hypersialorrhée, et à la dyskinésie laryn-
gée, incite à l’intubation systématique.
L’atteinte thoracique (rigidité  +  akinésie) peut entraîner un syn-
drome restrictif et obstructif, source de fatigue respiratoire post-
opératoire.
De par la dysautonomie cardiocirculatoire, le parkinsonien est
exposé à une mauvaise tolérance de l’hypovolémie. Le recours à
l’éphédrine et à l’atropine est un choix logique.
Les neuroleptiques classiques, antagonistes dopaminergiques (dro-
péridol, métoclopramide…), sont les seuls produits clairement contre-
indiqués.

POUR EN SAVOIR PLUS

Bourdaud N, Devys J.M., Plaud B. Anesthésie et maladies neurologiques.


Conférences d’actualisation de la SFAR. Paris, Elsevier, 2001 : 245-76.
Pellegrini  L, Mercier  MF, Cornese  A. Rapid sequence induction in a patient
with Steinert myotenic dystrophy  : interest of the association of high doses of
rocuronium and sugammadex. Ann Fr Anesth Reanim. 2012; 31(2) : 155-7.
Unterbuchner C, Fink H, Blobner M. The use of sugammadex in a patient with
myasthenia gravis. Anaesthesia. 2010; 65(3) : 302-5.
72 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

ANESTHÉSIE DU SUJET ALLERGIQUE

N. Lembert

Les réactions d’hypersensibilité immédiate, qu’elles soient médiées


par les immunoglobulines E (anaphylaxie) ou non immunomédiées
(réactions anaphylactoïdes) survenant au cours de l’anesthésie, demeu-
rent un sujet de préoccupation majeure pour les anesthésistes, dans la
mesure où elles surviennent souvent de manière imprévisible, peuvent
menacer la vie, et réagissent parfois mal au traitement habituel.

DÉFINITIONS

• Réaction allergique  : réaction immunologique pathologique lors


d’un contact renouvelé avec un antigène, survenant chez un individu
sensibilisé. La période de sensibilisation préalable est silencieuse et
prend au minimum 10 à 15 jours. L’allergie ou hypersensibilité aller-
gique est liée à la production d’anticorps spécifiques IgE spécifiques
(hypersensibilité allergique immédiate) ou de cellules sensibilisées,
les lymphocytes T (hypersensibilité allergique retardée).
• Réactions d’hypersensibilité  : les réactions d’hypersensibilité
immédiate (RHSI) peuvent être allergiques (habituellement médiées
par des IgE spécifiques, parfois IgG) ou non allergiques (ancienne-
ment réactions anaphylactoïdes, le plus souvent par histaminolibé-
ration non spécifique). Les réactions d’hypersensibilité retardées
allergiques surviennent après un intervalle libre excédant 1 à 2  h et
sont le plus souvent d’expression cutanée.
• Anaphylaxie ou réaction anaphylactique  : terme réservé à une
réaction grave d’hypersensibilité immédiate allergique ou non allergique.
• Atopie  : susceptibilité anormale d’un organisme à synthétiser
des IgE spécifiques contre des antigènes naturels de l’environnement
introduits par voies naturelles (asthme allergique aux pollens, allergie
alimentaire, allergie au latex).

ÉPIDÉMIOLOGIE

La mortalité des réactions d’hypersensibilité immédiate peranesthé-


siques varie de 3 à 9 p. 100 selon les pays. L’incidence des RHSI varie
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 73

selon les pays de 1/10 000 à 1/20 000 anesthésies. Elle a été évaluée en


France en 1996 à 1/13 000  anesthésies, toutes substances responsables
confondues. L’incidence de l’anaphylaxie aux curares a été estimée en
France à 1/6 500 anesthésies ayant comporté un curare et à 1/5 200 en
Norvège.
Les substances responsables des réactions anaphylactiques surve-
nues en cours d’anesthésie sont les curares dans plus de la moitié
des accidents (62,6  p.  100), le latex (13,8  p.  100), les hypnotiques
(7,2  p.  100), les antibiotiques (6  p.  100) puis de façon plus rare les
colloïdes (3,2 p. 100) et les opiacés (2,4 p. 100). L’allergie aux anes-
thésiques locaux est exceptionnelle.
D’autres substances peuvent induire une anaphylaxie en cours
d’anesthésie  : aprotinine, protamine, héparine, bleu patenté ou de
méthylène, chlorhexidine, papaïne.
Tous les curares peuvent être à l’origine d’une RHSI. Les réactions
peuvent survenir dès la première administration. Le curare le plus fré-
quemment impliqué dans les RHSI est la succinylcholine.

SIGNES CLINIQUES

Les manifestations cliniques sont décrites selon 4 stades de gravité


croissante :
— stade  I  : signes cutanéo-muqueux généralisés  : érythème, urti-
caire, avec ou sans œdème ;
— stade  II  : atteinte multiviscérale modérée, avec signes cutanéo-
muqueux, hypotension (chute systolique  >  30  p.  100) et tachycardie
(> 30 p. 100), hyperréactivité bronchique (toux, difficulté ventilatoire) ;
— stade  III  : atteinte multiviscérale sévère menaçant la vie et
imposant une thérapeutique spécifique = collapsus, tachycardie
ou bradycardie, troubles du rythme cardiaque, bronchospasme ;
les signes cutanés peuvent être absents ou n’apparaître qu’après la
remontée tensionnelle ;
— stade IV : arrêt circulatoire et/ou respiratoire.
Les manifestations cliniques sont plus graves et plus durables en
cas de RHSI allergique qu’en cas de RHSI non allergique. Les signes
cliniques ne sont pas toujours au complet, et peuvent prendre des
masques trompeurs. L’absence de signes cutanéo-muqueux n’exclut
pas le diagnostic d’anaphylaxie.

CONDUITE DU BILAN DIAGNOSTIQUE

Tout patient présentant une RHSI au cours d’une anesthésie doit


bénéficier d’une investigation immédiate et à distance pour détermi-
74 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

ner le type de réaction (IgE dépendante ou non), de l’agent causal et


d’une sensibilisation croisée s’il s’agit d’un curare.
L’anesthésiste est responsable de :
— la mise en œuvre des investigations ;
— l’information du patient sur la nature de la réaction peranesthé-
sique et sur la nécessité absolue de réaliser un bilan allergologique
dans un centre d’allergo-anesthésie. La remise d’un courrier détaillé et
d’une carte d’allergie provisoire est recommandée ;
— la déclaration au centre régional de pharmacovigilance si un
médicament est suspecté ; au responsable de la matériovigilance de
l’établissement si le latex est suspecté.
La stratégie diagnostique doit être fondée sur les résultats des tests
biologiques réalisés sur des échantillons sanguins prélevés au décours
de la réaction et sur des tests diagnostiques cutanés et biologiques réa-
lisés 4 à 7 semaines plus tard.

Tests immédiats

Ils ont essentiellement pour objet de confirmer la survenue d’une


dégranulation des mastocytes et basophiles et la mise en cause éven-
tuelle d’un mécanisme immunologique si des IgE spécifiques des
curares sont détectées. Idéalement dans l’heure qui suit une mani-
festation évocatrice d’allergie lors de l’anesthésie, il est souhaitable
de réaliser un dosage de la tryptase sérique et de l’histamine plasma-
tique. Même si une concentration normale n’exclut pas totalement le
diagnostic, l’augmentation franche de la tryptase sérique (> 25 μg/l)
est en faveur d’un mécanisme immunologique IgE dépendant.
La mise en évidence d’une concentration d’histamine augmentée
dans le plasma peut être due à une RHSI allergique ou non allergique
activant exclusivement les basophiles.
Le dosage d’histamine est inutile chez les femmes enceintes et les
patients recevant de l’héparine car dans ces cas l’histamine est indé-
tectable.

Tableau  3-XIII Mode et temps de prélèvements sanguins pour les dosages


d’histamine, de tryptase et d’IgE anti-ammonium quaternaire

Prélèvement Prélèvement Prélèvement


Dosages Tube
< 30’ 1 à 2 h > 24 h
Histamine EDTA + (+) si t30’non fait
Tryptase EDTA/sec + + +
IgE anti-AQ Sec +
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 75

Les dosages nécessitent un prélèvement sanguin de 7 ml sur tube


sec (IgE spécifique des ammoniums quaternaires) et de 7 ml sur tube
EDTA (histamine et tryptase). Les tubes doivent être prélevés idéale-
ment entre 30 min et 2 h après l’accident (jusqu’à 6 h pour la tryptase)
puis transmis au laboratoire local dans les 2 h. En cas d’impossibilité,
ils peuvent être conservés au réfrigérateur à +4 °C pendant 12  h au
maximum (tableau 3-XIII).

Explorations à distance

Les explorations à distance (après 4 à 6 semaines), consistant pour


la plupart en des tests cutanés, ont pour objet l’identification de la ou
des substances incriminées en cas de réactions médiées par des IgE
spécifiques.

PRÉVENTION DU RISQUE ALLERGIQUE

Facteurs de risque allergiques

Ils doivent être recherchés de manière systématique avant toute


anesthésie. Les patients à risque de RHS sont :
— les patients allergiques à une des substances susceptibles d’être
administrées durant l’anesthésie dont le diagnostic a été établi par le
bilan allergologique ;
— les patients ayant manifesté des signes cliniques évocateurs d’al-
lergie lors d’une précédente anesthésie ;
— les patients ayant présenté des manifestations cliniques d’aller-
gie lors d’une exposition au latex ;
— les enfants multi-opérés et notamment pour spina bifida, myé-
loméningocèle en raison de la fréquence importante de la sensibili-
sation au latex et de l’incidence élevée des RHSI au latex chez ces
patients ;
— les patients ayant présenté des manifestations cliniques à l’in-
gestion d’avocat, kiwi, banane, châtaigne, sarrasin ou lors d’exposition
au Ficus benjamina en raison de la fréquence élevée de sensibilisation
croisée avec le latex.
La meilleure prévention secondaire correspond à la non-adminis-
tration du médicament auquel un sujet est sensibilisé. Les patients
sensibilisés au latex doivent être inscrits en première position sur le
programme opératoire dans un environnement exempt de latex.
Il ne faut pas utiliser la méthode de la dose-test par voie IV pour
détecter les sujets sensibilisés aux médicaments anesthésiques.
76 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

Prémédication

Chez le sujet allergique aucune prémédication (anti-H1, anti-H2,


corticothérapie) n’est efficace pour prévenir une RHSI allergique.
L’utilisation d’anti-histaminiques a permis de diminuer l’incidence et
l’intensité des RHSI non allergiques.

Anesthésie

Chez le sujet allergique, il est recommandé d’administrer l’antibio-


prophylaxie préopératoire au bloc chez un patient monitoré et surveillé
avant l’induction anesthésique, afin de déterminer plus facilement, le
cas échéant, l’imputabilité de l’antibiotique. De plus la réanimation
d’un patient n’ayant pas reçu d’agents déprimant le système cardio-
vasculaire est plus facile.
En urgence, en l’absence de bilan allergologique, il faut privilégier
les techniques d’ALR et les techniques d’AG évitant les curares et
les médicaments histaminolibérateurs et réaliser l’intervention dans un
environnement sans latex.
Parmi les hypnotiques, les halogénés n’ont jamais été incriminés
dans les RHSI et l’allergie au propofol et aux benzodiazépines est
exceptionnelle. Les RHS aux opiacés sont essentiellement décrites
avec la morphine et la codéine et il s’agit le plus souvent d’une
RHSI non allergique. Tous les curares peuvent induire des RHSI
allergiques.

TRAITEMENT DES RÉACTIONS ALLERGIQUES


SURVENANT AU COURS D’ANESTHÉSIES

Il doit être adapté à chaque situation selon la gravité clinique, aux


antécédents du patient, aux traitements en cours et à la réponse au
traitement d’urgence.
• Mesures générales :
— arrêt de l’administration du médicament ou produit suspecté ;
— information de l’équipe chirurgicale (+/− arrêt du déroulement
de l’intervention) ;
— administration d’oxygène pur.
Ces mesures sont le plus souvent suffisantes dans les réactions de
grade I.
• Pour les réactions de grade  II et III (voir Chapitre  36, section
Choc anaphylactique), en plus des mesures générales :
— demander de l’aide ;
— contrôle rapide des voies aériennes ;
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 77

— adrénaline par voie IV par bolus à doses titrées : 20 μg pour les


réactions de grade II et 200 μg pour les réactions de grade III, à répé-
ter toutes les 1 à 2  min jusqu’à restauration d’une pression artérielle
suffisante. Dans l’attente d’une voie veineuse efficace la voie intratra-
chéale peut être utilisée chez le patient intubé, en sachant que seul un
tiers de la dose parvient dans la circulation systémique ;
— surélévation des membres inférieurs puis remplissage vasculaire
rapide par cristalloïdes isotoniques.
En cas de bronchospasme sans hypotension artérielle, le traitement
consiste à administrer des β2-mimétiques (ex. : salbutamol) par nébuli-
sation. En cas de résistance, ou de forme sévère, on utilise la forme IV
avec des bolus de 100 à 200 μg suivis d’une perfusion continue (5 à
25 μg ⋅ min–1). Pour les formes les plus graves de bronchospasme, on
utilise une perfusion continue d’adrénaline.
Après l’épisode aigu, le patient doit être surveillé de façon intensive
durant au moins 24 h, en raison du risque d’instabilité tensionnelle lié
à la persistance de l’antigène dans l’organisme jusqu’à son élimination.

POUR EN SAVOIR PLUS

Mertes PM, Laxenaire MC, les membres du GERAP. Épidémiologie des réac-
tions anaphylactiques et anaphylactoïdes peranesthésiques en France. Septième
enquête multicentrique (janvier  2001-décembre  2002). Ann Fr Anesth Réanim.
2004 ; 23 : 1133-43.
Prévention du risque allergique peranesthésique. Texte court. SFAR-SFA. Ann Fr
Anesth Réanim. 2011 ; 30 : 212-22.

ANESTHÉSIE DU SUJET ÂGÉ

N. Lembert

La proportion des personnes âgées est en constante augmentation


en Europe et en Amérique du Nord. En France, 16 p. 100 de la popu-
lation aura plus de 85 ans en 2020. Nous devons donc nous adapter à
la fréquentation croissante des hôpitaux par des patients très âgés. La
plupart des auteurs s’accordent pour considérer que 65 ans constituent
78 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

un tournant dans l’évolution de la santé et après 85  ans on parle de


« grand vieillard ». Mais il n’existe pas de définition précise de la per-
sonne âgée et plus que l’âge chronologique on doit considérer l’âge
clinique qui prend en compte les antécédents du patient ainsi que son
environnement. Toutefois l’âge en lui-même semble être un facteur de
risque de morbidité et de mortalité postopératoire.
Les conséquences du vieillissement peuvent se résumer par une perte
des réserves fonctionnelles de tous les organes et se traduisent par une
grande difficulté de l’organisme à faire face à des situations de stress.

MODIFICATIONS PHYSIOLOGIQUES

• Système nerveux :
— ↓ masse cérébrale (–30 p. 100 à 80 ans) ;
— ↓ connexions neuronales et des neurotransmetteurs ;
— ↓ performances intellectuelles et de la mémoire.
On observe une augmentation d’épisodes confusionnels, troubles du
comportement et délires postopératoires qui sont à l’origine d’une sur-
morbidité.
Et par ailleurs une des conséquences de l’altération des fonctions
supérieures est la sous-estimation de la douleur et une prise en charge
inadaptée.
• Système cardiovasculaire :
— ↑ pression artérielle (± HVG) par ↓ de l’élasticité artérielle
(↑ des résistances systémiques) ;
— ↓ nombre de myocytes occasionnant des troubles du rythme et
de conduction ;
— ↑ athérome coronaire responsable d’insuffisance coronarienne ;
— ↓ réponse cardiovasculaire au stress ;
— ↓ débit cardiaque (–60 p. 100 à 90 ans) très dépendant du retour
veineux.
Le déplacement de l’autorégulation des débits d’organes (cerveau –
rein) vers des pressions supérieures à la normale et l’existence de sté-
noses sur les artères irriguant les organes tels que le cœur, le rein ou le
cerveau rend ces organes particulièrement sensibles à l’hypotension.
• Système respiratoire :
— ↑ rigidité de la cage thoracique (↓ compliance pariétale) ;
— ↓ force des muscles respiratoires ;
— ↓ élasticité pulmonaire ;
— altération du contrôle respiratoire ;
— ↓ clairance mucociliaire ;
— ↓ réflexe de toux et troubles de déglutition.
Ces altérations induisent une diminution de tous les volumes pulmo-
naires, une altération des rapports ventilation/perfusion, une hypoxé-
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 79

Tableau 3-XIV Formule de Cockcroft

Clairance de la créatinine = [(140 – âge) × C × poids] / créatininémie

Âge en années
Poids en kilogrammes
Créatininémie en μmol/L
C = 1,23 pour l’homme et 1,05 pour la femme

mie et une augmentation du risque d’inhalation et d’encombrement


périopératoire.
• Milieu intérieur :
— ↓ volumes de distribution des médicaments ;
— ↓ fonctions rénale et hépatique ;
— ↑ risque d’hypothermie (↓  capacité de vasoconstriction et de
frissons).
La diminution du volume de distribution est responsable d’une
majoration de l’effet au niveau des organes cibles (cerveau).
La diminution du débit hépatique n’affecte la clairance hépatique
que des agents qui sont d’une extraction hépatique élevée (lidocaïne,
bupivacaïne, Hypnomidate®, kétamine, sufentanil et morphine).
La diminution de la fonction rénale doit être évaluée par le calcul
de la clairance de la créatinine (formule de Cockcroft, tableau 3-XIV)
car la créatinine plasmatique dépend aussi du métabolisme protéique
qui est altéré. L’insuffisance rénale peut conduire à l’accumulation de
métabolites pharmacologiquement actifs (ex.  : morphine 6-glucuro-
nide). D’un point de vue pharmacologique les sujets âgés sont carac-
térisés par une variabilité plus grande encore que celle existant dans la
population tout venant, d’où l’importance de la titration.
Il existe également des perturbations vésicales et prostatiques avec
un risque majoré de rétention urinaire postopératoire.
• La polymédication est la règle chez le vieillard puisque moins de
5 p. 100 des patients âgés ne prennent aucun médicament à domicile.
L’iatrogénie doit être systématiquement évoquée en pratique géria-
trique. Cette polymédication, l’augmentation des maladies associées,
les modifications de la pharmacologie des médicaments et les difficul-
tés d’adaptation des fonctions vitales à un stress augmentent le risque
d’interaction médicamenteuse chez le sujet âgé.

ÉVALUATION PRÉOPÉRATOIRE

L’évaluation préopératoire du grand vieillard est l’étape primordiale


de la prise en charge anesthésique en permettant de déterminer les
80 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

capacités d’adaptation face à une agression. Plus que l’âge chronolo-


gique, c’est l’âge physiologique, donc l’état de santé préopératoire et
l’autonomie qu’il faut prendre en compte.
L’interrogatoire permet de préciser les antécédents, les traitements
habituels souvent nombreux ainsi que toute automédication, les symp-
tômes et les facteurs de risque en particulier cardiovasculaires. Il faut
poursuivre la plupart des traitements afin d’éviter tout effet rebond
délétère ou tout déséquilibre de traitements chroniques (HTA, Par-
kinson, diabète…). Toutefois il est recommandé de suspendre tem-
porairement les IEC, les sartans, les anti-agrégants plaquettaires et
anticoagulants ainsi que les IMAO ou IRS afin d’éviter les inter-
actions avec l’anesthésie ou la chirurgie.
L’examen clinique précise les conditions de ventilation et d’intuba-
tion potentiellement difficiles (édentation, raideur rachidienne).
Les indications de bilans non invasifs (échocardiographie ± de
stress) sont larges d’autant plus que l’activité physique est faible et
que la chirurgie est à haut risque.
Le bilan biologique évalue la fonction rénale et recherche des ano-
malies hématologiques.
Au terme de cette étape, le médecin anesthésiste doit pouvoir défi-
nir une stratégie de prise en charge et informer le patient et/ou ses
proches des risques anesthésiques.

ANESTHÉSIE

Le bénéfice de l’anesthésie locorégionale sur l’anesthésie générale


reste controversé chez le patient âgé. Il n’existe pas de différence en
termes de morbi-mortalité ni sur la survenue de dysfonction cognitive
entre ALR et AG. Il semblerait que la qualité globale de prise en charge
soit plus importante à prendre en charge que le type d’anesthésie.
En chirurgie ophtalmologique, l’anesthésie péribulbaire ou topique a
montré un gain significatif en limitant la survenue d’évènement coro-
narien. De même, les blocs tronculaires ou plexiques sont intéressants
chez le vieillard du fait de l’absence d’effets systémiques. Toutefois
il est important de considérer l’installation et le confort peropératoire
souvent de mauvaise qualité lorsque l’intervention se prolonge.
D’autre part l’anesthésie périmédullaire doit être conduite avec
prudence chez le sujet très âgé  : risque majoré d’accident hémorra-
gique chez ces patients souvent sous anticoagulants ou anti-agrégants,
diminution des débits régionaux notamment cérébraux même avec de
faibles doses d’anesthésiques locaux…
À l’inverse une anesthésie générale doit bénéficier d’un monitorage
hémodynamique et neurologique afin de permettre une stabilité ten-
sionnelle et un réveil rapide et de qualité.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 81

• Trois règles :
— réduction des besoins en agents anesthésiques ;
— administration en titration d’agents de courte durée d’action ;
— monitorage de leurs effets.
• Trois objectifs :
— stabilité hémodynamique pour maintenir une pression de perfu-
sion efficace (cérébrale-coronaire) ;
— contrôle de la température ;
— stratégie transfusionnelle.
• Anesthésie ambulatoire possible et souhaitable mais sélection
stricte des patients++ (entourage familial fiable et présent).
• Pas de différence en termes de morbi-mortalité entre anesthésie
générale et anesthésie rachidienne.
• Bénéfice probable de l’anesthésie plexique, tronculaire ou locale
mais attention en cas de sédation associée !
• Anesthésie générale avec agents de courte durée d’action ; admi-
nistration titrée ; monitorage de ses effets. L’installation et les mani-
pulations du patient âgé doivent être prudentes et minutieuses ;
l’ostéoporose et l’arthrose banales chez ces patients exposent aux
risques de fractures, d’étirements ou de luxations. La peau est fragile,
exposée à des risques de nécrose par compression et d’escarres.

PÉRIODE POSTOPÉRATOIRE

• Efficacité de l’analgésie postopératoire souvent surestimée chez


le patient âgé du fait d’un défaut d’évaluation (handicaps sensoriels,
détérioration intellectuelle) et de la crainte d’effets secondaires des
antalgiques. La morphine reste indiquée chez la personne âgée au prix
d’une réduction et d’une titration des doses.
• Le réveil postanesthésique est souvent plus long et de moins
bonne qualité que chez le sujet jeune. Les épisodes confusionnels pos-
topératoires sont fréquents chez le sujet âgé. Les facteurs favorisants
sont nombreux mais pas constants :
— maladie neurologique évolutive (maladie de Parkinson, démence) ;
— alcoolisme ;
— traitements anticholinergiques ;
— troubles de l’audition et/ou de la vue ;
— douleur postopératoire ;
— privation du sommeil ;
— rétention urinaire ;
— troubles métaboliques : hypothermie, hypoxémie, hypercapnie ;
— sevrage en benzodiazépines, en alcool ;
— infections ;
— complication chirurgicale ;
82 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

— troubles ioniques (hyponatrémie) ;


— douleurs.
La confusion postopératoire est elle-même source de complications
(chutes, traitements sédatifs inadaptés) et peut être responsable d’une
durée d’hospitalisation prolongée. L’oxygénothérapie postopératoire,
le réchauffement, la prescription d’antalgiques, une salle de réveil
silencieuse, la mise à disposition des lunettes ou des prothèses audi-
tives dès le réveil permettent de diminuer la fréquence et la gravité des
épisodes confusionnels chez le patient âgé. La diminution des perfor-
mances intellectuelles et les dysfonctions cognitives induites par ces
modifications physiologiques peuvent se traduire en postopératoire
par des confusions et des troubles du comportement eux-mêmes à
l’origine d’une sur-morbidité.
L’hospitalisation d’une personne âgée représente souvent une rup-
ture dans son existence. La polymédication et l’absence de lever
précoce durant l’hospitalisation sont des facteurs de risque très forts
d’apparition d’un déficit à la sortie de l’hôpital. La priorité de l’équipe
médicochirurgicale doit être le retour rapide du sujet dans son envi-
ronnement habituel, avec le moins possible de pertes fonctionnelles.

POUR EN SAVOIR PLUS

Aubrun F, Le Guen M. Anesthésie du grand vieillard. Médecins. Les essentiels.


51e congrès national d’anesthésie et de réanimation de la SFAR. Paris, Elsevier,
2009.

ANESTHÉSIE
DE LA FEMME ENCEINTE

A. Salengro

Un à 2  p.  100 de femmes enceintes subissent une anesthésie pour


chirurgie non obstétricale.
Il faut toujours se méfier, chez une femme en âge de procréer,
d’une possible grossesse méconnue : demander la date des dernières
règles et au moindre doute un dosage de β-HCG (si possible, reporter
l’intervention).
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 83

La prise en charge de ces patientes tient compte :


— de la grossesse qui induit des modifications physiologiques ;
— du fœtus exposé à plusieurs risques : la souffrance fœtale aiguë
par hypoxie ; la fausse couche ou l’accouchement prématuré selon le
terme ; la tératogénicité des drogues utilisées.

TYPES DE CHIRURGIE

• Chirurgie non obstétricale :


— digestive  : appendicectomie, cholécystectomie (diagnostics sou-
vent retardés du fait des difficultés liées aux modifications anatomiques
de la femme enceinte) ;
— gynécologique : kyste de l’ovaire, torsion d’annexes ;
— traumatismes ;
— neurochirurgie, chirurgie cardiaque.
• Chirurgie obstétricale :
— cerclage ;
— interruption volontaire de grossesse.

MODIFICATIONS PHYSIOLOGIQUES INDUITES


PAR LA GROSSESSE : CONSÉQUENCES SUR L’ANESTHÉSIE

• Modifications respiratoires :
— augmentation de la consommation d’oxygène ;
— diminution du volume résiduel ;
— diminution de la capacité résiduelle fonctionnelle  : diminution
de la réserve en oxygène ; hypoxie plus rapide lors de l’apnée ; aug-
mentation de la ventilation minute : hypocapnie de base ;
• Modifications pouvant induire une difficulté d’intubation :
— augmentation du volume des seins ;
— œdème laryngé ;
— prise de poids affectant les tissus mous du cou : risque d’intuba-
tion difficile multiplié par 8.
• Modifications digestives :
— diminution du tonus du sphincter inférieur de l’œsophage ;
— augmentation de la pression intragastrique ;
— ouverture de l’angle de His ;
— sécrétion de gastrine placentaire ;
— une parturiente est considérée comme estomac plein à partir de
20 semaines d’aménorrhée.
• Modifications cardiocirculatoires :
— diminution des résistances vasculaires systémiques : hypotension
lors de la première partie de la grossesse ;
84 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

— augmentation du débit cardiaque par augmentation du volume


d’éjection systolique et augmentation de la fréquence cardiaque.
• Circulation utérine :
— augmentation du débit sanguin utérin (DSU) qui représente
10 p. 100 du débit cardiaque à terme et qui n’est pas autorégulé ;
— le DSU est sensible aux drogues vasoactives et aux variations
de la PaCO2 ;
— le syndrome de compression aortocave (compression par l’uté-
rus gravide de l’aorte diminuant la pression artérielle et de la veine
cave diminuant le retour veineux) entraîne une diminution du débit
sanguin utérin qui peut conduire à une souffrance fœtale aiguë.
• Modifications de l’hémostase :
— hypercoagulabilité ;
— diminution de l’activité fibrinolytique plasmatique ;
— gêne au retour veineux par l’utérus gravide  : augmentation du
risque thromboembolique.

RISQUE FŒTAL

Le fœtus est exposé à plusieurs risques.


• Hypoxie liée à :
— hypotension artérielle maternelle ;
— hypocapnie maternelle ;
— hypoxie maternelle ;
— hypertonie utérine.
• Prématurité. Le risque de prématurité est multiplié par  2 après
une procédure chirurgicale. Ce risque n’est pas corrélé avec la tech-
nique d’anesthésie mais plutôt avec la localisation et surtout l’indi-
cation de celle-ci (un sepsis sur péritonite est plus à risque qu’une
fracture du pied).
• Tératogénicité. Un effet tératogène a été retrouvé dans différentes
espèces animales mais jamais chez l’homme notamment pour les benzo-
diazépines, le protoxyde d’azote ou les halogénés. Il n’existe pas d’argu-
ment pour évincer ces agents anesthésiques aujourd’hui chez la femme
enceinte.

EN PRATIQUE

Prémédication

Les patientes enceintes sont plus anxieuses du fait des circons-


tances, il ne faut donc pas hésiter à les prémédiquer avec des benzo-
diazépines ou de l’hydroxyzine.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 85

Prévention du syndrome de Mendelson : cimétidine 200 mg + citrate


de sodium 0,3 M (Tagamet® effervescent) 1 cp per os avant l’induction
ou ranitidine 150 mg effervescent.

Induction

Prévention du syndrome de compression aortocave  : si installation


en décubitus dorsal, inclinaison systématique en décubitus latéral
gauche de 15° (en basculant la table ou en glissant un drap plié sous
les fesses de la patiente).
• Préoxygénation  : pendant 3 à 5  min pour assurer la dénitro-
génation.
La technique des 4 inspirations profondes est à réserver à l’urgence
extrême car moins efficace.
• Agents anesthésiques :
— thiopental  : nécessité de diminuer les doses en début de gros-
sesse (5 mg/kg) ;
— propofol  : cette drogue n’a pas l’AMM mais de nombreuses
études ont montré son absence de retentissement fœtal en particulier
au cours des césariennes. Il n’existe par contre pas d’étude sur une
éventuelle tératogénicité au premier trimestre.
— kétamine  : augmentation du tonus utérin (à éviter ou injecter
une dose inférieure à 1 mg/kg)).
• Intubation :
— classiquement induction à séquence rapide  : thiopental ou pro-
pofol puis succinylcholine (1,5 mg/kg) ;
— manœuvre de Sellick ;
— intubation orotrachéale avec une sonde de petit calibre (6,5
ou 7) ;
— matériel d’intubation difficile à proximité (notamment Fast
Track® si échec d’intubation) ;
— aspiration à portée de main.

Entretien

• Morphinomimétiques : sufentanil, rémifentanil.


• Halogénés :
— diminution de la MAC de 25 à 40 p. 100 en début de grossesse ;
— effet tocolytique.
• Curares : toujours monitorer la curarisation.
• L’acétylcholine stimule le tonus utérin donc la décurarisation doit
être prudente et titrée.
86 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

Période postopératoire
• Analgésie :
— paracétamol, morphine : pas de contre-indication ;
— AINS : contre-indiqués au 3e trimestre (risque de fermeture pré-
maturée du canal artériel, d’hypertension artérielle pulmonaire et d’in-
suffisance rénale chez le fœtus) ;
— néfopam : études cliniques insuffisantes ;
— tramadol : pas de contre-indication mais on préférera utiliser de
la codéine et réserver cet antalgique en cas d’inefficacité de la codéine.
• Anesthésiques locaux : privilégier les blocs périphériques.
• Prophylaxie thromboembolique par HBPM.

ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE

Ces techniques doivent être privilégiées car elles évitent notamment


l’intubation orotrachéale et ses risques.
Blocs centraux :
— remplissage vasculaire avec cristalloïdes ou colloïdes avant la
réalisation du bloc ;
— prévention du syndrome aortocave+++ par le décubitus latéral ;
— agents vasoactifs  : éphédrine ou phényléphrine  : la phénylé-
phrine provoquerait moins d’altération du pH du cordon ombilical.

SURVEILLANCE FŒTALE

À partir de 24 semaines d’aménorrhée.


Si chirurgie mineure  : l’enregistrement du rythme cardiaque fœtal
(RCF) en pré- et postopératoire suffit.
Si chirurgie majeure  : enregistrement du RCF en peropératoire si
possible.
Si la chirurgie ne permet pas cet enregistrement (chirurgie abdomi-
nale), réaliser une échographie transvaginale.
Il s’agit d’une prise en charge multidisciplinaire comprenant l’ana-
lyse du tracé et le traitement d’une éventuelle menace d’accouche-
ment prématuré.

CAS PARTICULIER : LA CŒLIOCHIRURGIE

Longtemps considérée comme une contre-indication car :


— augmente la pression intra-abdominale et diminue le débit car-
diaque donc le débit sanguin utérin ;
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 87

— augmente la pression artérielle par augmentation des résistances


vasculaires ;
— provoque une acidose respiratoire liée au CO2 chez l’animal.
— difficultés techniques liées à l’utérus gravide.
Mais des cœlioscopies réalisées chez des patientes ne se sachant
pas enceintes n’ont pas montré d’augmentation de prématurité, ni de
malformations par rapport aux laparotomies.
Les avantages de la cœlioscopie sont les mêmes que pour les autres
patientes.
En conclusion, la cœlioscopie est possible dans certaines conditions :
— pression d’insufflation < 15 mmHg ;
— ventilation maternelle adaptée ;
— meilleure période : 2e trimestre ;
— surveillance fœtale par échographie transvaginale ;
— conversion rapide si difficulté peropératoire ;
— praticien entraîné.

ANESTHÉSIE EN URGENCE

S. El Metaoua, C. Blayau

ANESTHÉSIE ET ESTOMAC PLEIN

La prise en charge d’un patient à l’estomac plein se rencontre en


situation d’urgence et en obstétrique où la période classique de jeûne
préopératoire n’a pu être respectée. En dehors de l’urgence, le terme
d’« estomac plein » peut être appliqué à bien d’autres situations.
On se focalise trop souvent sur le risque d’inhalation lors de l’in-
duction de l’anesthésie, il ne faut pas oublier que ce risque existe
aussi lors de la phase de réveil en l’absence de récupération complète
des réflexes de protection des voies aériennes.

Sujets et situations à risque

• Chirurgie en urgence. Le risque d’inhalation est multiplié


par  4 (troubles de conscience, traumatismes, douleur, consomma-
88 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

tion de tabac, d’alcool ou de médicaments ralentissant la vidange


gastrique).
• Grossesse. La femme enceinte est considérée comme ayant « l’es-
tomac plein » à partir de la 20e  semaine d’aménorrhée et jusqu’à
48 heures au moins après l’accouchement.
• Autres sujets à risque. Les sujets atteints de pathologies favo-
risant un reflux gastro-œsophagien ou entraînant une diminution du
tonus du sphincter œsophagien inférieur ou une diminution de la
vidange gastrique sont reconnus à haut risque d’inhalation du contenu
gastrique en particulier :
— les patients obèses ;
— les patients diabétiques.

Aspects pratiques de l’anesthésie

Consultation d’anesthésie
L’évaluation du patient doit particulièrement rechercher des élé-
ments susceptibles d’aggraver une situation déjà délicate, tels qu’une
intubation difficile ou des risques allergiques.

Préparation du patient
Prémédication
Elle a pour objectif de diminuer le volume gastrique et d’augmenter
le pH du liquide gastrique.
Deux classes de produit sont utilisables :
— les antiacides : le citrate de sodium 0,3 molaire est le produit de
référence. Son délai d’action est rapide (5 à 15 min), sa durée d’action
varie de 2 à 3 h. Les hydroxydes d’aluminium sont contre-indiqués en
raison de leur caractère particulaire.
— les antihistaminiques H2  : ils n’ont aucun intérêt à l’induction
mais sont intéressants au réveil et à l’extubation. En effet ils ont une
longue durée d’action (4 à 12 h) mais leur délai d’action est supérieur
à 30 min par voie orale.
Les formes effervescentes (Ranitidine® 150 mg, Tagamet® 200 mg),
où l’anti-ulcéreux est associé au citrate de sodium, permettent de
réduire le délai d’action tout en conservant une durée d’action suf-
fisante pour couvrir les périodes per- et postopératoires immédiates.
Aspiration gastrique
L’attitude est controversée. En effet la sonde gastrique diminue le
volume du contenu gastrique mais ne garantit pas la vacuité de l’es-
tomac ni l’évacuation des débris solides et elle est source de stress et
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 89

de variations hémodynamiques chez le patient vigile. L’unique indica-


tion non discutée est l’occlusion intestinale. Par ailleurs, il est recom-
mandé de retirer la sonde gastrique au moment de l’induction car elle
induit une perte de continence du sphincter inférieur de l’œsophage
avec risque de régurgitations.

Induction anesthésique
Généralités
• Induction à séquence rapide  : elle nécessite au moins deux per-
sonnes expérimentées et une bonne coordination.
• Ventilation assistée au masque facial proscrite car l’insufflation de
gaz dans l’estomac peut engendrer une surpression gastrique majorant
le risque de régurgitations.
• Sonde d’intubation vérifiée de calibre adapté.
• Deux vérifications sont primordiales avant l’induction :
— avoir la possibilité de mettre le patient en position déclive
(table basculante avec commande électrique ou manivelle à portée
de main) ;
— disposer du matériel d’aspiration de forte puissance en état de
marche à la tête du patient.

Anesthésiques utilisables
• Les hypnotiques :
— le thiopental (5 à 7 mg ⋅ kg–1) reste l’agent de référence pour
l’induction rapide car il est puissant, rapide et il déprime les centres
du vomissement et les réflexes pharyngo-laryngés ;
— le propofol (2,5 mg ⋅ kg–1) : ses effets hémodynamiques condui-
sent à ne l’utiliser qu’en cas de stabilité hémodynamique. Les dou-
leurs à l’injection du propofol peuvent être un frein à son utilisation
dans cette situation où l’on cherche à éviter toute stimulation noci-
ceptive ;
— l’étomidate (0,3 mg ⋅ kg–1) ou la kétamine (2-3 mg ⋅ kg–1) sont
utilisés en cas d’état hémodynamique instable.
• Les curares :
— la succinylcholine reste l’agent de référence capable d’assurer
très rapidement (moins d’une minute) une curarisation puissante, mais
néanmoins réversible dans des délais acceptables (moins de 10 min) ;
— le rocuronium ou le mivacurium peuvent toutefois être utilisés
en cas de contre-indications de la succinylcholine. Les doses doivent
être augmentées (3 fois ED95) pour diminuer le délai d’installation et
améliorer la qualité de la curarisation. Le rocuronium peut être anta-
gonisé par le sugammadex en cas d’intubation difficile. Il n’y a pas de
possibilité d’antagonisation immédiate du mivacurium.
90 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

• Les morphinomimétiques :
Ces produits sont exclus des protocoles d’induction rapide du fait
des vomissements qu’ils peuvent provoquer sauf dans les situations
où le retentissement hémodynamique de l’intubation pourrait être
délétère pour le patient (cardiopathie ischémique et toxémie gravi-
dique). Dans ces situations, on choisira un morphinomimétique avec
un délai d’action rapide et une courte durée d’action comme l’alfenta-
nil (30-40 μg ⋅ kg–1) ou le rémifentanil (> 1 μg ⋅ kg–1).
Dénitrogénation
Elle est effectuée en ventilation spontanée en oxygène pur pendant
3 min ou réduite à 4 inspirations forcées lors des situations d’extrême
urgence. Le meilleur témoin d’une bonne préoxygénation est une frac-
tion expirée en oxygène (FEO2) > 90 p. 100.
Manœuvre de Sellick
Elle consiste à exercer une pression sur le cartilage cricoïde et per-
met d’empêcher la régurgitation du contenu gastrique dans le pha-
rynx en maintenant une pression œsophagienne supérieure à celle de
l’estomac (figure  3-3). Cette technique est efficace si elle est appli-
quée correctement. La manœuvre de Sellick doit être effectuée avant
l’induction et maintenue jusqu’au contrôle de la bonne position de la
sonde d’intubation (capnographe, auscultation).
En cas d’échec de l’intubation, la manœuvre de Sellick sera mainte-
nue, pour permettre la ventilation au masque.

Figure 3-3 Manœuvre de Sellick.


STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 91

En cas de vomissements actifs au cours de l’induction, la pression


doit être relâchée afin d’éviter la rupture œsophagienne.

Réveil anesthésique

Les risques d’inhalation persistent après l’induction et lors de la


phase de réveil, ce qui justifie l’utilisation en prémédication d’anti-
histaminique H2 à demi-vie longue, permettant de couvrir les périodes
per- et postopératoires.
L’extubation doit être entreprise chez un patient complètement
réveillé. La recherche d’une curarisation résiduelle doit être systéma-
tique (monitorage) et l’antagonisation doit être effectuée chaque fois
que persistent des signes de curarisation résiduelle.

Intubation difficile et estomac plein

En cas d’intubation difficile prévisible chez un sujet à l’estomac


plein, seules les techniques d’intubation vigile doivent être envisagées
en première intention. La technique sous fibroscopie est plus sécu-
risante. En effet l’intubation à l’aveugle nécessite une coopération
du patient, une grande habilité de l’opérateur et est grevée d’un taux
d’échec non négligeable.

Place de l’anesthésie locorégionale

Quand elle est possible, l’anesthésie locorégionale (ALR) est la


meilleure technique pour réaliser une intervention chirurgicale chez
un sujet à l’estomac plein.
Cependant une ALR ne met pas à l’abri d’une conversion en anes-
thésie générale (complication ou échec) et donc d’une induction avec
un malade à l’estomac plein.

POUR EN SAVOIR PLUS

Debaene B, Jeanny A. Anesthésie et estomac plein. Conférences essentielles de la


SFAR. Paris, Elsevier, 2005 : 263-77.
92 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

ANESTHÉSIE ET ÉTATS DE CHOC

Physiopathologie

Choc septique
Quelques définitions :
• Le syndrome de réponse inflammatoire systémique (SIRS) est
caractérisé par la présence de 2 ou plus des signes suivants :
— température centrale > 38 °C ou < 36 °C ;
— rythme cardiaque > 90 b ⋅ min–1 ;
— tachypnée (rythme respiratoire > 20 c ⋅ min–1) ;
— altération du chiffre de GB : > 12 000 cellules/mm3 ou <  4 000
cellules/mm3 ou présence de près de 10  p.  100 de formes immatures
de PNN.
• Le sepsis est un SIRS secondaire à un processus infectieux.
• Le sepsis sévère est un sepsis avec une défaillance d’organe ou
l’évidence de signes d’hypoperfusion ou une hypotension artérielle.
• Le choc septique est un sepsis sévère persistant malgré le rem-
plissage ou nécessitant l’introduction de drogues vasoactives ou de
catécholamines.
Un état de choc septique est caractérisé par une pression artérielle
basse en raison de résistances vasculaires effondrées, associées à
une dysfonction myocardique. Un certain degré de dépression myo-
cardique existe probablement chez tous les patients en état de choc
septique, mais seuls 10  p.  100 à  20  p.  100 des patients nécessitent
l’usage d’inotropes. La dysfonction myocardique débute préco-
cement dans l’histoire du sepsis (24 à 48  premières heures). Elle
est réversible en 5 à 10  jours pour les survivants. Elle est diag-
nostiquée par l’association d’un index cardiaque <  2,5 l/m2, une
SvO2 <  70  p.  100 et une pression artérielle pulmonaire d’occlusion
(PAPO) > 15 mmHg.
L’hypotension systémique entraîne une diminution de la pression
de perfusion des organes pouvant aboutir à une défaillance viscé-
rale. Grâce au phénomène d’autorégulation, le débit sanguin d’un
organe reste constant lorsque la pression de perfusion varie dans
une large plage de valeurs. En dessous de leur seuil d’autorégula-
tion, le flux sanguin des organes devient linéairement dépendant
de la pression de perfusion. C’est pourquoi l’une des priorités thé-
rapeutiques du choc septique est le rétablissement d’une pression
de perfusion d’organe adéquate. Cet objectif requiert le plus sou-
vent l’administration de vasopresseurs. Par ailleurs, l’hypovolémie
(relative ou absolue) est un facteur qui contribue à l’instabilité
hémodynamique initiale du choc septique et qu’il faut corriger
rapidement.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 93

Tableau 3-XV Classification du degré d’hypovolémie selon l’Advanced Trauma


Life Support

Type Pouls TA Conscience Pertes sanguines Diurèse


1 < 100 Normale Anxiété < 15 p. 100 < 750 ml > 30 ml/h
2 > 100 Normale Anxiété 15-30 p. 100 750-1 500 ml 25 ml/h

3 < 120 Abaissée Confusion 30-40 p. 100 1 500-2 000 ml 10 ml/h

4 > 140 Effondrée Léthargie > 40 p. 100 > 2 000 ml nulle

Choc hémorragique
Une hémorragie se traduit par des manifestations cliniques et des
signes de choc lorsque la perte sanguine est supérieure à 40 p. 100 de
la masse sanguine estimée à 70 à 80 ml/kg (tableau 3-XV).
Cette spoliation sanguine entraîne une hypovolémie et des phéno-
mènes compensateurs pour maintenir la perfusion tissulaire. Plusieurs
phases du choc hémorragique peuvent ainsi être artificiellement indi-
vidualisées. Dans un premier temps, les conséquences tissulaires du
choc sont compensées par la mise en jeu d’une stimulation sympa-
thique responsable d’une tachycardie et d’une vasoconstriction arté-
rielle dans certains territoires (peau, muscles, territoire splanchnique)
et une redistribution du débit cardiaque vers le cœur et le cerveau. Ces
différents mécanismes de compensation ont une durée limitée dans le
temps. Secondairement, lorsque les mécanismes compensateurs sont
épuisés, une souffrance tissulaire apparaît avec la libération de nom-
breux facteurs responsables d’une vasodilatation et d’une baisse du
débit cardiaque.
La dernière phase correspond à un état de choc irréversible entraî-
nant le décès du patient quelle que soit la thérapeutique mise en route.
À ce stade, la souffrance tissulaire est telle qu’elle est responsable
d’une dépression myocardique évoluant pour son propre compte et
d’une défaillance multiviscérale avec, en particulier, une coagulation
intravasculaire disséminée.

Effets cardiovasculaires des drogues anesthésiques

Hypnotiques
• Protoxyde d’azote  : c’est un dépresseur myocardique direct. Le
protoxyde d’azote n’est pas recommandé chez les patients en état de
défaillance multiviscérale secondaire à une infection sévère ou à une
hémorragie massive.
94 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

• Halogénés  : l’isoflurane, le desflurane et le sévoflurane dimi-


nuent la pression artérielle de façon dose-dépendante par baisse de la
contractilité myocardique et/ou une diminution des résistances arté-
rielles systémiques. Le débit cardiaque semble préservé sous desflu-
rane et sévoflurane.
• Thiopental : déprime la contractilité myocardique proportionnel-
lement à la dose. À cette action s’ajoute une veinodilatation, provo-
quant une diminution du retour veineux. L’association de ces deux
mécanismes entraîne une chute de la pression artérielle de 10 à
25  p.  100 avec une tachycardie importante (+ 30  p.  100). Ce produit
est particulièrement mal toléré chez les patients en instabilité hémo-
dynamique.
• Étomidate : n’a aucun effet sur le système nerveux sympathique
et les barorécepteurs et donc pas d’effets sur la mécanique myocar-
dique et la dynamique cardiovasculaire, ce qui explique la stabilité
hémodynamique observée avec ce produit. Il pourrait donc être large-
ment utilisé chez le patient instable sur le plan hémodynamique.
• Propofol  : entraîne une diminution de la pression artérielle de
l’ordre de 25 p. 100 par un effet inotrope négatif associé à une vasodi-
latation à la fois artérielle et veineuse. Cette diminution de la pression
artérielle est plus fréquente et plus profonde chez les patients instables
sur le plan hémodynamique.
• Kétamine : entraîne une stimulation du système nerveux sympa-
thique marquée par une augmentation de la pression artérielle et du
débit cardiaque. C’est le seul des agents anesthésiques qui possède
une action de ce type.
• Midazolam  : entraîne des changements hémodynamiques avec
une chute de la pression artérielle moyenne de l’ordre de 25  p.  100,
associée à une tachycardie (+ 25 p. 100).

Morphinomimétiques
Ils ont peu d’effets cardiovasculaires. Les morphinomimétiques his-
taminolibérateurs (morphine) créent une vasodilatation artériolaire et
veineuse dépendante de la dose. Les autres morphiniques ne modifient
ni la précharge ni la post-charge quand le système sympathique n’est
pas stimulé au préalable à leur administration.

Curares
La succinylcholine  : dans le cadre de l’anesthésie d’un patient en
état de choc, l’injection de succinylcholine provoque une élévation
transitoire de la kaliémie d’environ 0,5 mmol · l-1. En ce qui concerne
les autres curares, leurs effets dépendent de l’interaction avec le sys-
tème nerveux autonome et des pouvoirs histaminolibérateurs.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 95

Conduite pratique de l’anesthésie

L’anesthésie d’un patient en état de choc représente un défi certain


dont l’objectif est de maintenir un transport en oxygène maximal, en
choisissant une technique d’anesthésie qui déprimera le moins pos-
sible l’état hémodynamique déjà altéré. Idéalement, l’anesthésie ne
devrait débuter qu’après stabilisation de la situation hémodynamique.

Évaluation préanesthésique
Elle consiste à préciser les antécédents médico-chirurgicaux et aller-
giques du patient, les traitements éventuels, de s’enquérir des mesures
de réanimation déjà prises et de rechercher des critères prédictifs d’in-
tubation difficile.
Les signes de choc, telles les marbrures, la pâleur, la soif, la poly-
pnée, sont à rechercher et doivent attirer l’attention s’ils sont présents.

Bilan préopératoire
Celui-ci doit être le plus simple. Un groupage sanguin comprenant
deux déterminations et la recherche d’agglutinines irrégulières (RAI),
ainsi qu’un bilan prétransfusionnel doivent impérativement être dispo-
nibles aussi bien dans le choc hémorragique que septique. Une numé-
ration des plaquettes ainsi qu’une crase sanguine permettent d’évaluer
la nécessité de corriger un éventuel trouble de l’hémostase. Un bilan
comportant un ionogramme sanguin avec urée, créatinine sanguine,
un dosage du lactate sanguin, des enzymes hépatico-pancréatiques et
du calcium ionisé et une mesure des gaz du sang artériel, permet de
diagnostiquer une éventuelle défaillance d’organe débutante, d’évaluer
le degré de l’hypoperfusion d’organe et servira de référence pour les
périodes per- et postopératoires.

Monitorage
Outre la surveillance des paramètres classiques que sont la fréquence
cardiaque, l’oxymétrie de pouls et la capnométrie, la surveillance de
la pression artérielle mesurée par une technique invasive continue est
préférable car elle rend compte de façon instantanée des variations.
De plus, l’étude des variations de la PAS permet d’apprécier la volé-
mie du patient ventilé et anesthésié. Enfin, la présence d’un abord
artériel simplifie la réalisation de bilans sanguins répétés. Cependant,
la pose d’un cathéter artériel ne doit en aucun cas retarder la prise en
charge chirurgicale du patient. L’abord fémoral reste le plus fiable et
le plus simple, notamment quand l’urgence est extrême et la pression
artérielle très basse. Cependant ce site de ponction est plus difficile à
96 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

contrôler avec l’installation chirurgicale et chaque fois que possible


un abord radial doit être privilégié.
Une évaluation du débit cardiaque permet également de guider la
thérapeutique. Une première évaluation indirecte peut se faire de façon
simple par la mesure, chez le patient ventilé, de la pression télé-expi-
ratoire en CO2 (PetCO
• 2). En effet, chez le patient anesthésié, la pro-
duction de CO2 (VCO2) varie avec le débit cardiaque, si les paramètres
de ventilation sont stables. Une PetCO• 2 basse est alors péjorative car
elle témoigne d’une diminution de la VCO2 du fait de l’hypoperfusion
des organes. La mesure du débit cardiaque peut, sinon, être réalisée
par diverses techniques  : le cathétérisme droit, n’ayant qu’une place
limitée en urgence, est remplacé par l’échocardiographie et le Doppler
œsophagien qui permettent une étude non invasive du profil hémody-
namique.
La surveillance de la diurèse, témoin de la perfusion rénale, justifie
la pose d’une sonde vésicale à demeure.
Enfin, la surveillance de la température est impérative chez ces
patients fortement exposés à une hypothermie (remplissage vasculaire
massif, instabilité hémodynamique…).

Conditionnement
La nécessité d’assurer un remplissage vasculaire rapide, et souvent
massif, et l’administration de catécholamines imposent de disposer
d’abords veineux de fort calibre. En situation où l’abord veineux est
difficile, la veine fémorale est l’abord de choix. Les dispositifs de
réchauffement des solutés et d’accélération de perfusion doivent être
disponibles et être préparés avant l’arrivée du patient en salle d’inter-
vention dans le cas d’un choc hémorragique.

Induction
L’induction de l’anesthésie se fait selon une séquence rapide. Elle
doit tenir compte du fait que la correction de l’état hémodynamique
n’est que partielle et qu’il faut donc réduire, en les titrant, les doses
des différents agents (en monitorant la profondeur d’anesthésie). Le
choix de l’agent d’induction est débattu car aucune substance ne pro-
voque une narcose tout en préservant une perfusion adéquate chez un
patient choqué.
La kétamine (0,5-1,5 mg ⋅ kg–1) est souvent considérée comme
l’hypnotique idéal pour le patient en état de choc.
L’étomidate (0,2-0,4 mg/kg) est utilisable chez les malades instables
au plan hémodynamique. Cependant, son effet dépresseur sur la fonc-
tion surrénalienne peut poser un problème théorique dans le cadre
d’un choc septique. En effet, cet agent diminue la sécrétion du cortisol
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 97

en inhibant la synthèse des stéroïdes. Cette inhibition peut durer de 4


à 6 h après une dose d’induction. De plus, cet agent peut perturber les
résultats d’un test au Synacthène® lorsque l’on veut introduire des cor-
ticoïdes dans le traitement du choc septique, ce qui peut faire modé-
rer les indications du produit dans le cadre du choc septique. Plus
que l’agent utilisé, c’est la titration qui est importante et la correction
parallèle de l’état hémodynamique.
Les patients en état de choc étant considérés à estomac plein, la
succinylcholine (1 mg ⋅ kg–1) est utilisée pour la séquence d’induction
rapide.

Entretien
Si l’état hémodynamique est instable, on utilise préférentiellement
les morphinominétiques, adaptés à la profondeur d’anesthésie.
Les morphinomimétiques utilisés ont peu d’effets hémodynamiques
mais majorent cependant les effets cardiovasculaires des hypnotiques.
Les halogénés, dont la place est restreinte, peuvent être utilisés une
fois le problème hémorragique contrôlé. Le protoxyde d’azote doit
être évité du fait de son retentissement hémodynamique et du risque
de majoration des épanchements gazeux.

Réanimation peropératoire
L’objectif est de maintenir une pression artérielle compatible avec
la perfusion tissulaire, soit une valeur de pression artérielle moyenne
(PAM) à 70  mmHg sauf en cas de traumatisme crânien grave, où
l’objectif sera alors de 90  mmHg pour maintenir la pression de per-
fusion cérébrale. Le premier traitement consiste en la restauration
d’une volémie efficace par un remplissage vasculaire rapide et sou-
vent massif dans le cadre d’un choc hémorragique. Selon les recom-
mandations  : les cristalloïdes isotoniques sont utilisés en première
intention lors de pertes modérées, mais ont un pouvoir d’expansion
volémique plus faible que les colloïdes. Les colloïdes [les gélatines
fluides modifiées et les hydroxyéthylamidons (HEA)] sont utilisés si
le contrôle tensionnel est difficile. Toutefois, leur utilisation doit tenir
compte de leurs inconvénients respectifs  : allergie pour les gélatines,
effets néfastes sur l’hémostase et volume autorisé limité pour les HEA
(33 ml/kg).
Le maintien de l’objectif tensionnel s’appuie sur l’administration
d’amines vasopressives. La noradrénaline trouve, de par son action
vasoconstrictrice, une place de choix. Elle permet d’atteindre plus
rapidement l’objectif tensionnel, de diminuer les volumes perfusés, de
lutter contre une éventuelle vasoplégie d’origine inflammatoire (qui
peut être précoce) et de limiter les accès d’hypotension, notamment
98 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

lors de l’induction anesthésique. Toutefois, l’utilisation de noradréna-


line à forte posologie nécessite une exploration hémodynamique plus
précise, une vasoconstriction excessive pouvant induire des phéno-
mènes ischémiques.
Un autre objectif est d’assurer le transport d’oxygène. Le maintien
d’un chiffre d’hémoglobine compris entre 7 et 9 g/dl est acceptable
pour la plupart des patients mais en cas d’insuffisance coronarienne
ou d’atteinte neurologique (AVC, trauma crânien…) ce chiffre doit
être maintenu >  9 g/dl. La transfusion sanguine fait appel à l’auto-
transfusion (choc hémorragique) ou à la transfusion homologue iso-
groupe isorhésus. La transfusion de produits dérivés du sang est très
fréquente.
La fréquence très élevée des coagulopathies au cours des trauma-
tismes et des chocs hémorragiques ou septiques impose une prise en
charge agressive. Les causes de cette coagulopathie sont multiples,
incluant le remplissage vasculaire massif et la dilution des facteurs
de coagulation qui en découle, les effets propres de certains solutés
de remplissage (choc hémorragique) et la consommation de facteurs
de coagulation, l’hypothermie, l’acidose (choc septique et hémorra-
gique). La correction d’une anémie discutée plus haut participe au
traitement de cette coagulopathie. Les autres mesures thérapeutiques
consistent à transfuser des plaquettes et des facteurs de coagulation.
L’objectif d’une concentration des plaquettes >  50 000/mm3, d’un
taux de prothrombine > 35 p. 100 et d’un taux de fibrinogène > 0,5 g/l
est compatible avec une hémostase normale. En cas de lésions intra-
crâniennes hémorragiques, ces chiffres doivent être revus à la hausse,
une concentration des plaquettes > 100 000/mm3 et un temps de Quick
> 50-60  p.  100 sont impératifs. Bien sûr, en cas de traitement anti-
coagulant ou antiagrégant plaquettaire, l’administration de PPSB et la
transfusion plaquettaire doivent être réalisées sans délai.
La prévention de l’hypothermie doit être rigoureuse. En effet, la
prise en charge initiale du patient, la chirurgie et le remplissage vas-
culaire massif provoquent une hypothermie dont les conséquences sur
l’hémostase, le risque infectieux et la pharmacocinétique des agents
employés peuvent être délétères. Le réchauffement des solutés est
impératif même si son efficacité est limitée en cas de remplissage
rapide. La peau étant le principal échangeur avec l’environnement,
le réchauffement cutané est logiquement le moyen le plus efficace
de lutte contre l’hypothermie. La couverture à air pulsé réchauffe le
patient par convection forcée d’air chaud.
Une antibioprophylaxie est nécessaire en cas de choc hémorragique
du fait de la translocation bactérienne digestive. Le choix des antibio-
tiques et leurs posologies doivent être adaptés au terrain, à la patholo-
gie, à l’acte chirurgical réalisé et aux modifications pharmacologiques
induites par le choc.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 99

En cas de choc septique, une antibiothérapie empirique ou orientée


fait partie intégrante du traitement, elle sera adaptée en fonction des
résultats bactériologiques des prélèvements peropératoires.

Période postopératoire

L’intervention terminée, le patient doit être acheminé dans une


unité de réanimation pour une prise en charge globale associant un
soutien hémodynamique, la prévention et le traitement d’éventuelles
défaillances d’organes, et une surveillance intensive.

Place de l’anesthésie locorégionale

Elle est contre-indiquée car responsable d’une vasoplégie qui


aggrave l’hypovolémie en rapport avec l’abolition du tonus sympa-
thique dans les territoires bloqués. L’importance du retentissement
hémodynamique et respiratoire dépend directement du niveau du blo-
cage.

Conclusion

Le choix des agents anesthésiques se fait principalement sur la base


de leur effet cardiovasculaire. La kétamine et l’étomidate sont les
agents les plus utilisés pour l’induction. La dose initiale des agents
anesthésiques doit être titrée en fonction des variations de pression
artérielle pour éviter la survenue d’une hypotension artérielle pro-
fonde. Le monitorage à l’aide d’un BIS permet d’évaluer la profon-
deur d’anesthésie et de réduire la quantité d’agent anesthésique en
épargnant ainsi leurs conséquences hémodynamiques. Ce monitorage
a de plus l’intérêt d’éviter une anesthésie trop légère qui peut être
à l’origine de mémorisation postopératoire, plus fréquente dans ces
circonstances.

POUR EN SAVOIR PLUS

Allaouchiche B, Benatir F, Danton N. Anesthésie du patient en choc septique.


Conférence d’actualisation de la SFAR. Paris, Elsevier, 2003 : 11-28.
Van der Linder Ph. Nouvelles données dans la réanimation du choc hémorra-
gique. Conférence d’actualisation de la SFAR. Paris, Elsevier, 2000 : 571-9.
100 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

ANESTHÉSIE DU PATIENT OBÈSE

A. D. Radu, T. Jeandel

L’obésité est un état pathologique consécutif à un excès de tissus


graisseux et ce, défini par un index de masse corporelle (IMC = poids/
taille2) > 30 kg/m2. L’obésité morbide correspond à un IMC > 40 kg/m2
(ou > 35 kg/m2 avec des co-morbidités importantes) et la « super-obé-
sité » à un IMC > 55 kg/m2.
Le risque anesthésique périopératoire est plus élevé chez l’obèse
morbide.
La prévalence de l’obésité atteindrait 15  p.  100 de la population
des pays développés hors États-Unis. En 2003 en France, 30,3 p. 100
de la population était en surpoids, 11,3  p.  100 souffrait d’obésité
avec une même prévalence pour les femmes et les hommes. Cette
tranche de la population adulte constitue un véritable problème de
santé publique.
La chirurgie bariatrique est devenue une composante thérapeutique
majeure de l’obésité morbide, et nécessite une prise en charge anes-
thésique spécifique.

PHYSIOPATHOLOGIE

Système cardiovasculaire

L’excès de masse corporelle et l’augmentation de la demande méta-


bolique modifient le travail du ventricule gauche. La précharge est
augmentée à la suite de l’élévation de la volémie, ce qui entraîne une
augmentation du volume d’éjection systolique, du débit cardiaque et
du travail myocardique. Le débit cardiaque augmente de 0,1 l/min
pour perfuser 1 kg supplémentaire de tissu adipeux. En conséquence
de ces modifications, le ventricule gauche se dilate et s’hypertrophie,
favorisant ainsi l’apparition d’une dysfonction diastolique. L’hyper-
volémie et l’hypertension pulmonaire (à la suite de l’hypoxémie et
de l’augmentation des pressions au niveau des cavités gauches) favo-
risent des modifications similaires au niveau du ventricule droit. Les
patients obèses présentent le risque de développer une insuffisance
cardiaque globale.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 101

Une défaillance cardiaque gauche peut survenir d’autant plus faci-


lement que l’augmentation des résistances vasculaires périphériques
est responsable pour partie d’une hypertension artérielle. En moyenne,
cette augmentation de la pression artérielle est de 3 mmHg pour 10 kg
de poids excédentaire. L’infiltration graisseuse des voies de conduc-
tion intracardiaque peut également provoquer des troubles du rythme
et/ou de conduction.

Fonction respiratoire

Les volumes pulmonaires chez les patients obèses (capacité pul-


monaire totale, capacité vitale, capacité résiduelle fonctionnelle) sont
diminués proportionnellement à l’IMC. La baisse de la CRF expose
les patients obèses à une désaturation rapide lors de l’induction anes-
thésique (inférieure à une minute), malgré une préoxygénation soi-
gneuse.
Le travail respiratoire et la consommation d’oxygène de la muscu-
lature respiratoire augmentent du fait des troubles de compliance, de
l’élévation des résistances au niveau des voies aériennes supérieures
et de l’augmentation de la production de CO2. L’incidence élevée du
syndrome d’apnée du sommeil (SAS) chez ces patients (40  p.  100
selon les études) contribue à l’apparition d’une polyglobulie, de
l’hypertension artérielle systémique et pulmonaire, de troubles du
rythme pouvant conduire à la mort subite.

Troubles gastro-intestinaux

La question posée fréquemment est de savoir s’il faut considérer


les patients obèses comme estomac plein. Les conditions qui aug-
mentent le risque d’inhalation sont  : la diminution du pH gastrique,
l’augmentation du volume intragastrique et la présence d’un reflux
gastro-œsophagien (RGO). En réalité, la vidange gastrique, le pH
gastrique et la barrière œsogastrique sont similaires chez les obèses
et non-obèses. La présence d’un RGO expose le patient obèse à un
risque d’inhalation.

Diabète

L’obésité est un facteur de risque pour l’apparition du diabète non


insulinodépendant. La réponse catabolique à l’agression chirurgicale
et anesthésique peut nécessiter l’utilisation d’insuline dans la période
périopératoire.
102 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

Risques thromboemboliques

Le risque de survenue d’évènements thromboemboliques est mul-


tiplié par 2 à 3 en cas d’obésité. L’embolie pulmonaire est respon-
sable de 30  p.  100 des décès dans le groupe des patients présentant
plus de deux facteurs de risque (les variables analysées étaient IMC
> 50 kg/m2, sexe masculin, HTA, âge > 45 ans et présence de facteurs
de risque pour l’embolie pulmonaire). L’embolie pulmonaire peut sur-
venir après 1 à 3  mois post-chirurgie (un quart des patients). Il a été
montré aussi une augmentation des microparticules circulantes pro-
coagulantes chez les patients dont l’IMC était > à 40 kg/m2.

SPÉCIFICITÉS PHARMACOLOGIQUES

Les obèses présentent des perturbations du volume de distribution,


de la fixation protéique et de l’élimination de nombreux agents théra-
peutiques. Le volume du compartiment central est augmenté (augmen-
tation du volume sanguin et de la taille des organes). Ceci nécessite
d’administrer une dose initiale plus importante pour obtenir le même
effet. L’élimination des médicaments est aussi modifiée. L’augmenta-
tion du débit cardiaque et du flux sanguin rénal augmentent la filtra-
tion glomérulaire, la sécrétion tubulaire et la clairance rénale. Il est
recommandé de mesurer la clairance de la créatinine car les formules
habituelles (Cockroft et Gault) ne sont pas adaptées pour les patients
obèses. En même temps, en dépit de modifications anatomiques hépa-
tiques (stéatose), la métabolisation des médicaments n’est pas altérée
au niveau du foie. En cas d’insuffisance rénale ou cardiaque, l’élimi-
nation des médicaments sera modifiée.
Il existe plusieurs modèles d’adaptation de la posologie des agents
anesthésiques à l’obésité. En pratique la solution la plus simple
consiste à monitorer la profondeur d’anesthésie.

ÉVALUATION PRÉOPÉRATOIRE

Co-morbidités

Cinq co-morbidités majeures sont classées en fonction de leur


gravité potentielle  : la maladie coronarienne, l’hypertension arté-
rielle, le diabète, le syndrome d’apnée du sommeil (SAS), la
maladie thromboembolique veineuse (MTEV). La stratégie de l’éva-
luation préopératoire repose sur l’estimation des risques associés à
ces cinq co-morbidités.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 103

D’autres comorbidités sont fréquemment associées à l’obésité


morbide comme le reflux gastro-œsophagien, la stéatose hépatique,
la lithiase vésiculaire, les varices des membres inférieurs, l’embolie
pulmonaire, les abcès et cellulites, les problèmes d’arthrose, les dor-
salgies et les pathologies discales cervicales.

Consultation d’anesthésie

Elle permet :
— l’évaluation des pathologies associées (SAS, RGO, HTA, dia-
bète) et de leurs traitements susceptibles d’interagir avec l’anesthésie ;
— l’évaluation du retentissement cardiaque et ventilatoire de l’obésité ;
— la recherche des critères d’intubation difficile, et de difficulté
d’abords veineux périphériques.
L’évaluation du risque de ventilation au masque et de contrôle des
voies aériennes supérieures (ventilation au masque difficile et intuba-
tion difficile) est importante. Les critères prédictifs habituels d’une intu-
bation difficile sont peu fiables chez l’obèse qui présente des critères
spécifiques comme l’augmentation de la circonférence du cou (si la cir-
conférence du cou = 40 cm, la probabilité d’IOT difficile est de 5 p. 100
et si cette circonférence est > 60 cm, la probabilité d’IOT difficile est de
35 p. 100), ou la présence d’un syndrome d’apnée du sommeil (ronfle-
ment, somnolence diurne voire inversion du cycle nycthéméral, et arrêts
respiratoires pendant la nuit signalés par le conjoint). La probabilité
d’un SAS est évaluée par le score d’Epworth (tableau 3-XVI).

Tableau 3-XVI Score d’Epworth

Somnolence ou endormissement diurne dans les situations suivantes


Lecture d’un document
Télévision – cinéma
Assis inactif dans un lieu public
Passager (> 1 heure) d’un transport
Allongé pour la sieste
Assis au cours d’une conversation
Assis en fin de repas (sans alcool)
Au volant d’une voiture immobilisée dans un embouteillage
0 = exclu ; 1 = pas impossible ; 2 = probable ; 3 = systématique.
9 < score < 14 : déficit de sommeil.
Score > 15 : risque de SAS.
104 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

La mesure de la saturation en oxygène en air ambiant, et surtout la


tolérance à l’effort complètent cet examen.
L’appareillage des SAS (CPAP nasale) peut réduire les dysfonctions
cardiovasculaires en cas de SAS sévère (réduction de l’HTAP, de l’HTA,
de l’HVG, des épisodes d’ischémie myocardique). Les patients hospi-
talisés doivent apporter leur appareillage et l’utiliser en postopératoire.
La maladie coronarienne étant la deuxième cause de mortalité posto-
pératoire des patients obèses, le dépistage d’une atteinte coronarienne
infraclinique ainsi que la recherche d’une symptomatologie d’effort
sont importants. Le score de NYHA est calculé pour évaluer le risque
cardiaque dans le cadre de la chirurgie, ainsi que le score de Lee (voir
Chapitre 3 Stratégie de prise en charge selon le terrain, section Insuffi-
sance coronarienne).

Visite préanesthésique

Les sédatifs de type benzodiazépines sont à éviter en prémédication


en raison du risque de majoration du SAS. Des anti-H2 sont admi-
nistrés per os une heure avant l’induction afin de réduire le volume
du contenu gastrique et augmenter le pH. Il existe une place pour la
clonidine en prémédication chez les patients qui présentent un SAS
sévère (contrôle de la pression artérielle périopératoire, diminution
des besoins morphiniques per- et postopératoires sans détériorer la
ventilation). La dose proposée est de 2 μg/kg la veille et 2  h avant
l’induction.

PÉRIODE PEROPÉRATOIRE

Préparation de la salle et installation du patient

Les moyens humains et matériels doivent être adaptés aux dimen-


sions du patient. Ainsi, on doit disposer d’un brassard à tension devant
couvrir 70  p.  100 de la circonférence brachiale, de masques faciaux
de grande taille, d’une table d’opération pouvant recevoir des patients
obèses morbides. Il faut disposer en salle d’un chariot d’intubation
difficile et de l’algorithme adapté au matériel présent. Il est suggéré
d’associer la compression veineuse intermittente à la prophylaxie
médicamenteuse postopératoire.
Une attention toute particulière doit être apportée à la protection
des points d’appui avec des matériaux de type gélose pour éviter des
neuropathies ou rhabdomyolyse postopératoires par compression.
L’installation du patient doit être faite avant l’induction anesthésique
pour éviter toute mobilisation inutile. Pendant toute la période de pré-
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 105

paration et l’induction de l’anesthésie, le patient obèse doit rester en


position proclive.

Monitorage et voie veineuse

La mise en place d’une voie veineuse périphérique peut être facili-


tée par un échoguidage. Outre le monitorage habituel, un cathétérisme
artériel peut être nécessaire pour des interventions longues, à haut
risque d’instabilité hémodynamique, pour le contrôle des gaz du sang
ou en raison de la difficulté à obtenir une pression artérielle fiable
par mesure non invasive (surestimation de 20 à 30 p. 100). L’analyse
en continu de l’index bispectral (BIS) est utile pour adapter la dose
d’agents anesthésiques. Elle permet de diminuer la durée de la phase
de réveil.

Préoxygénation et ventilation peropératoire

La réserve d’oxygène en apnée étant réduite chez les patients obèses


par baisse de la CRF, la préoxygénation doit être soigneuse. Elle peut
être améliorée par l’administration d’oxygène pur pendant 3  min en
pression positive continue en position demi-assise. Toutefois, aucune
technique de préoxygénation, même optimisée, ne permet d’obtenir
une durée de tolérance à l’apnée équivalente à celle obtenue dans une
population de poids normal.
En période peropératoire, différentes techniques sont à connaître. La
position proclive permet de doubler la CRF et améliore la PaO2, mais
le bénéfice sur l’oxygénation n’est pas toujours retrouvé en chirurgie
cœlioscopique. La pression d’expiration positive (PEP) augmente les
volumes pulmonaires avec un effet de recrutement alvéolaire. La réa-
lisation de manœuvres de recrutement permet une amélioration très
significative de la PaO2, malheureusement ce bénéfice disparaît dès
l’extubation.
En présence de difficultés ventilatoires, ces différentes approches
peuvent être utilisées et/ou combinées pour apporter une solution à la
condition d’en évaluer l’efficacité.

Induction et entretien de l’anesthésie

L’induction à séquence rapide est recommandée chez les patients


qui présentent un risque de reflux gastrique. Pour les autres patients, il
n’est pas obligatoire de faire une induction en séquence rapide, mais
vu les risques de ventilation difficile au masque ou d’intubation dif-
106 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

ficile, le curare de choix reste la succinylcholine. La dose de succi-


nylcholine doit être calculée à partir du poids réel (augmentation de
l’activité plasmatique des pseudocholinestérases et augmentation du
volume extracellulaire chez l’obèse). L’hypnotique utilisé la plupart
du temps est le propofol. L’induction inhalatoire au sévoflurane est
une alternative surtout en cas d’intubation difficile prévue car elle per-
met de maintenir une ventilation spontanée. Cette technique n’est pas
recommandée en cas d’estomac plein.
Les posologies des morphiniques et des curares non dépolarisantes
doivent être calculées sur le poids idéal. Le rémifentanil ne s’accu-
mule pas chez les patients obèses mais les besoins postopératoires en
morphiniques sont augmentés. L’utilisation de l’AIVOC est plus dif-
ficile chez les patients obèses. Les algorithmes habituels ne sont pas
validés pour les BMI >  40. Les dernières études sur l’AIVOC mon-
trent que le poids utilisé pour le propofol doit être le poids réel et pour
les morphiniques le poids idéal. L’anesthésie doit être de toute façon
guidée par le monitorage de la profondeur d’anesthésie.
La curarisation, quasiment indispensable chez les obèses pour l’in-
tubation et pour faciliter la ventilation peropératoire pendant le geste
chirurgical, doit être monitorée de façon continue et être l’objet d’une
antagonisation pharmacologique en fin d’intervention.

Extubation et période postopératoire

L’extubation est envisagée chez des patients parfaitement conscients,


complètement décurarisés, ayant récupéré les réflexes des voies
aériennes supérieures, non hypoxémiques et non hypercapniques.
L’extubation en position demi-assise est recommandée pour diminuer
la compression du diaphragme par le contenu abdominal. La ventila-
tion peut se poursuivre sous forme de ventilation non invasive (VNI)
ou au masque, de toute manière l’oxygénothérapie est de rigueur. La
reprise de la ventilation en pression positive continue (PPC) doit se
faire immédiatement après l’extubation chez les patients porteurs d’un
SAS appareillé, si nécessaire on peut enrichir en oxygène l’air admi-
nistré par la PPC.
Il est recommandé de surveiller les patients porteurs de SAS (sur-
tout non appareillés) avec analgésie morphinique en salle de réveil
(SSPI) pendant 24 h (figure 3-4).
Les épisodes d’obstruction des VAS peuvent persister en post-
opératoire.
Une analgésie postopératoire efficace est impérative et permet la
mobilisation et la kinésithérapie. La morphine en PCA peut être utilisée
en recours, mais il faut privilégier l’analgésie locorégionale (instillation
péritonéale, infiltration pariétale) et les analgésiques non opiacés.
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE SELON LE TERRAIN 107

SAS connu chez le patient

nCPAP

Oui Non

Bonne utilisation

Oui Non Morphine

Salle d’hospitalisation* Non Oui

Salle d’hospitalisation SSPI 24 H + SpO2 ± O2

* Même si morphiniques utilisés pour l’analgésie postopératoire.

Figure 3-4 Proposition de prise en charge postopératoire. [D’après M. Siyam


et D.  Benhamon, Anaesthetic management of adult patients with obstructive
sleep apnea syndrome. Ann Fr Anesth Reanim. 2007 ; 26 (1) : 39-52.]
nCPAP : CPAP la nuit à domicile. (CPAP : continuous positive airway pressure.)

La thromboprophylaxie postopératoire médicamenteuse doit être


accompagnée de moyens mécaniques (compression veineuse inter-
mittente). Les recommandations de l’ACCP (American College of
Chest Physicians) de 2004 sont d’augmenter de 25 p. 100 les doses de
HBPM utilisées pour la thromboprophylaxie (ex. : énoxaparine 40 mg
2 fois par jour). Pour les patients avec un poids > 150 kg ou un IMC
> 50 kg/m2, il est raisonnable de faire un dosage d’anti-Xa, la valeur
cible de référence étant celle de la troisième injection.
Chapitre 4

Période préanesthésique
X. Dupont

JEÛNE PRÉOPÉRATOIRE

Le jeûne préopératoire a pour but d’éviter la régurgitation et l’inhala-


tion du contenu de l’estomac dans les poumons. Avec peu d’arguments
scientifiques ce risque est généralement considéré comme corrélé au
volume et au pH du contenu gastrique. Les consignes de jeûne ont
évolué depuis quelques années vers un certain « assouplissement » de
la règle de l’absence totale d’apport per os le jour de l’intervention.
Cette règle reste une bonne base mais en l’absence de facteurs de
risque d’inhalation (obésité, diabète, anxiété majeure, tabagisme, éthy-
lisme, risque de difficulté d’intubation, grossesse avancée) l’ingestion de
liquide clair (café noir, thé sans lait, eau, jus de pomme) peut être auto-
risée jusqu’à 2-3 h avant l’induction. Elle permet d’améliorer le confort
du patient, tout en assurant la vacuité de l’estomac et en améliorant les
conditions de pH. Pour certains un repas léger (pain grillé + liquide
clair) peut être absorbé jusqu’à 6 h avant l’induction anesthésique.

PRÉMÉDICATION

La prescription de l’antibioprophylaxie fait partie de la prémédi-


cation et est l’objet de recommandations notamment de la part de la
Société française d’anesthésie et de réanimation (voir Chapitre 14,
Antibioprophylaxie en chirurgie).
Prémédication : le traitement du patient doit être adapté à la période
périopératoire.
• Certains médicaments doivent être interrompus, comme les
biguanides, les inhibiteurs de la monoamine-oxydase, la lévodopa,
l’isoniazide, les inhibiteurs du système rénine-angiotensine chez les
hypertendus, etc. (tableau 4-I).
PÉRIODE PRÉANESTHÉSIQUE 109

Tableau  4-I Principales classes médicamenteuses à interrompre avant une


anesthésie

Complications
Classes Interruption possibles (en Traitement
de médicaments du traitement cas de non- de relais
arrêt)
IEC (excepté si 24 à 48 heures Hypotension Inhibiteur calcique
l’indication du artérielle, (en fonction de
traitement est voire l’augmentation
l’insuffisance collapsus de PA)
cardiaque),
ARA II
Diurétiques Ne pas donner Hypovolémie Aucun
le matin de
l’intervention
AVK Fonction Hémorragiques HBPM ou
de l’INR et Calciparine®
de la molécule ou héparine IV
d’AVK
∼ 4 à 5 jours
Antiplaquettaires Non systématique Hémorragiques HBPM
(clopidogrel) Si arrêt, 5 jours
Biguanides 48 heures Hypoglycémie Perfusion de G5 %
Acidose ± Actrapid® en
lactique fonction de l’HGT

Bêtabloquants Ne pas Aucun


interrompre
Corticoïdes Ne pas Insuffisance HSHC en
interrompre surrénale périopératoire
aiguë

• Les traitements antidiabétiques doivent être adaptés.


• D’autres doivent être maintenus comme les bêtabloquants, les sta-
tines, etc.
• Un anti-acide gastrique (anti-H2, inhibiteur de la pompe à proton
cimétidine 200 mg – ranitidine 150 mg) peut être proposé en cas de
facteur de risque d’inhalation broncho-pulmonaire, la veille au soir et
le matin de l’intervention.
• L’anxiolyse médicamenteuse, en dehors de la chirurgie ambula-
toire, peut être assurée par l’hydroxyzine prescrite à la dose de 0,5 à
1,5 mg/kg (ou par une benzodiazépine per os) au mieux la veille au
110 ÉVALUATION DU RISQUE ANESTHÉSIQUE

soir car elle permet au patient de passer une bonne nuit, et éventuelle-
ment répétée le matin de l’intervention quelle que soit l’heure de pas-
sage au bloc opératoire. L’hydroxyzine présente l’intérêt d’une action
antiallergique et bronchodilatatrice malgré des effets anxiolytiques
plus modestes que ceux des benzodiazépines. Au bloc opératoire le
midazolam IV peut être administré en titration selon les besoins du
patient. En chirurgie ambulatoire les patients ne sont pas prémédiqués.
• L’anticipation de l’analgésie postopératoire peut débuter pour les
interventions de courte durée par la prescription le matin de l’inter-
vention de paracétamol per os ou d’un AINS.
• La prévention des nausées et vomissements postopératoires peut
être assurée avant l’induction de l’anesthésie par l’administration de
dexaméthasone (8 mg).
• Tous les médicaments prescrits per os le matin de l’intervention
doivent être administrés dans un volume minimum d’eau (1/4 verre).

POUR EN SAVOIR PLUS

Nathan N. Règles de jeûne préopératoire. Conférences d’actualisation de la


SFAR. Paris, Elsevier, 2007 : 13-26.
TECHNIQUES
ANESTHÉSIQUES
Chapitre 5

Je prépare
ma salle d’anesthésie
J. de Montblanc

Dans quel but prépare-t-on une salle d’anesthésie ? Pour assurer la


sécurité du patient avant tout (patient safety first).
Il existe plusieurs définitions de la culture de sécurité. Une définition
proposée par la Société européenne pour la qualité des soins (Euro-
pean Society for Quality in Health Care) est la suivante  : la culture
de sécurité désigne un ensemble cohérent et intégré de comportements
individuels et organisationnels, fondé sur des croyances et des valeurs
partagées, qui cherche continuellement à réduire les dommages aux
patients, lesquels peuvent être liés aux soins. Par « ensemble cohérent
et intégré de comportements », il est fait référence à des façons d’agir,
des pratiques communes, mais aussi à des façons de ressentir et de
penser partagées en matière de sécurité des soins. Le contrôle du site
d’anesthésie en début de journée et avant tout acte d’anesthésie fait
partie intégrante de cette culture de sécurité.
Le décret Sécurité en anesthésie (décret n°  94-1050 du 5  décembre
1994) remplacé par les articles D-6124-91 et suivants du code de
Santé publique prévoit les éléments suivants.
Pour tout patient dont l’état nécessite une anesthésie générale ou loco-
régionale, les établissements de santé, y compris les structures de soins
alternatives à l’hospitalisation, doivent assurer les garanties suivantes :
— une consultation préanesthésique, lorsqu’il s’agit d’une inter-
vention programmée ;
— les moyens nécessaires à la réalisation de cette anesthésie ;
— une surveillance continue après l’intervention ;
— une organisation permettant de faire face à tout moment à une
complication liée à l’intervention ou à l’anesthésie effectuées.
Ces dispositions garantissent aux patients l’existence d’un socle
sécuritaire minimal dans la pratique de l’anesthésie.
114 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Les défaillances matérielles entraînant le décès du patient sont des


évènements indésirables graves évitables.
Plusieurs articles de la littérature1 mettent en évidence une relation
entre la diminution de la mortalité périopératoire et la mise en place
d’une check-list au bloc opératoire.
La check-list « Sécurité du patient au bloc opératoire » de la Haute
Autorité de Santé (HAS) est un des instruments utilisés dans les procé-
dures de certification des établissements et d’accréditation des médecins.
La préparation du site d’anesthésie a pour objectif de garantir la
sécurité du patient anesthésié. Cette procédure s’appuie sur des listes
de vérifications (check-lists) des équipements biomédicaux, élaborées
dans chaque service d’anesthésie pour chaque site d’anesthésie et
périodiquement réévaluées.
Les vérifications doivent être réalisées minutieusement chaque jour
avant la première anesthésie de la journée ainsi qu’avant chacune des
anesthésies suivantes. Les résultats de ces vérifications sont consignés par
écrit dans un registre spécifique. On doit trouver, pour chacune des vérifi-
cations, la date et l’heure ainsi que les noms et qualités de celui ou ceux
qui ont effectué ces vérifications. Il existe un registre par site d’anesthésie.

Aide-mémoire
Avant de pratiquer une anesthésie, je vérifie le « MASTER PLAN »
M  : machine d’anesthésie P  : pulse oxymètre
A  : airway (tous les dispositifs assurant L  : laryngoscope
le contrôle des voies aériennes) A  : anesthetic agents
S  : succion (aspiration) N  : notes (dossier du patient)
T  : tube (sondes d’intubation)
E  : ECG (scope)
R  : Ringer (solutés)

Cette vérification s’effectue par étapes successives.

VÉRIFICATION DU CIRCUIT D’ANESTHÉSIE (figure 5-1)

Mise en service

Le raisonnement est établi, à titre d’exemple, à partir de la plate-


forme du Primus™ Drager® médical.
Le principe de la vérification d’une machine concerne notamment  :
— la suppléance en gaz (mural, bouteille, évaporateur, circuit O2) ;
1. Notamment Haynes AB, Weiser TG, Berry WR, Lipsitz SR, Breizat AH,
Dellinger  EP, N Engl J Med. 2009 ; 360(5)  : 491-9.
JE PRÉPARE MA SALLE D’ANESTHÉSIE 115

Patient
Pièce en Y

Valve inspiratoire
Valve
expiratoire
Bac à chaux

Évaporateur

Sélecteur Débit gaz frais


Man - VC

O2 rapide

Soufflet
Valve
APL Cloche étanche

Ballon
Contrôle électronique
du flux

Contrôles de
Pmax & PEEP

Figure  5-1 Circuit d’anesthésie.

— la possibilité de fuites dans le circuit (tuyaux, bac à chaux


sodée) ;
— le bon fonctionnement de l’électronique qui assure le monito-
rage (spirométrie, analyseur de gaz, capnométrie).
Brancher les tuyaux d’alimentation en gaz (oxygène, air comprimé
médical, protoxyde d’azote, vide) sur les prises murales et éventuel-
lement le système d’évacuation des gaz anesthésiques. En France, en
2011, le code couleur de l’oxygène est blanc, celui de l’air comprimé
médical est bicolore blanc et noir, celui du protoxyde d’azote est bleu
et celui du vide mural vert. Vérifier le branchement de l’alimentation
électrique. Les machines d’anesthésie modernes possèdent des batte-
ries internes destinées à pallier une panne d’alimentation électrique
(220 V), l’autonomie est limitée (30 min si les batteries sont chargées).
Il ne faut donc jamais débrancher l’alimentation électrique du secteur
sauf en cas de non-utilisation prolongée.
116 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Mettre la machine d’anesthésie sous tension en appuyant sur l’in-


terrupteur principal, un signal sonore retentit et toutes les diodes élec-
troluminescentes (LED) sont automatiquement testées. Les machines
actuelles possèdent un programme d’autotest qui se met en charge. (Il
est possible d’annuler l’autotest en cas d’urgence réelle. Il est recom-
mandé d’effectuer les vérifications complètes.)

Alimentation en gaz

Alimentation centrale des gaz


Toutes les LED vertes sont allumées si les pressions se situent entre
2,7 et 6,9 bar. Les LED sont éteintes si la pression est inférieure à
2,7 bar ou si le tuyau d’alimentation est débranché. Hiérarchisation
des pressions  : O2 >  air comprimé médical >  N2O.

Alimentation bouteille
Elle est destinée à pallier une panne dans l’alimentation centrale
des gaz (oxygène et/ou protoxyde d’azote). Les bouteilles doivent
être raccordées à la partie postérieure de la machine. L’autonomie est
fonction de la capacité de la bouteille (gravée sur la bouteille) et de
la pression (à lire sur le manomètre) régnant à l’intérieur de celle-ci.
Après la vérification de la pression dans la bouteille, il convient de
refermer le robinet principal afin d’éviter le prélèvement de gaz de la
bouteille de réserve pendant le fonctionnement normal.
Exemple  : les bouteilles d’oxygène de type Présence® ont une capa-
cité de 5 l. Lorsque le manomètre indique 150 bar, l’utilisateur dispose
de 150 × 5 l soit 750 l. Si la consommation est de 10 l par minute,
l’autonomie est de 750/10 soit 75  min. Ceci est l’autonomie maxi-
male théorique. Il convient d’être prudent et de considérer que seuls
75  p.  100 sont utilisables. L’autonomie est alors de l’ordre de 56  min.

Unités de mesure de pression


Le pascal (Pa) est l’unité internationale de pression. Les autres
unités (bar, atm, mmHg, cm  H2O) sont régulièrement utilisées en
anesthésie réanimation. Les équivalences suivantes peuvent être
utiles  : 1 bar  =  100 000 Pa ; 1  atm  =  101 325 Pa ; 1  mmHg  =  133 Pa ;
1 cm  H2O  =  98 Pa.

By-pass en oxygène (arrivée rapide d’oxygène)


Fermer la pièce en Y (en l’enfonçant sur l’obturateur), presser sur
le bouton « 02+ » et le ballon de ventilation se remplit en faisant un
bruit audible.
JE PRÉPARE MA SALLE D’ANESTHÉSIE 117

Débit de sécurité en oxygène


Fermer la pièce en Y (en l’enfonçant sur l’obturateur), presser sur
le bouton rotatif « débit de sécurité en oxygène » pour le déverrouiller
et régler le débit en le tournant. Le ballon de ventilation se remplit
en faisant un bruit audible. Remettre le bouton « Débit de sécurité en
oxygène » à sa position initiale et l’enfoncer à nouveau.

Évaporateurs
Fixation : l’évaporateur est bien droit et solidement fixé sur son rac-
cord. Le levier de verrouillage est dirigé vers la gauche.
Position « zéro » : le volant est en position fermée, encliqueté sur la
valeur « 0 ».
Le niveau d’agent anesthésique volatile est suffisant. On remplit la
cuve si besoin.
Rappel : la cuve se remplit le volant en position fermée.

Circuit patient
Connexions
Vérifier la solidité des connexions des tuyaux sur la machine ainsi
que leur étanchéité. De façon optionnelle, il est possible d’intercaler
un filtre entre le circuit patient et la machine d’anesthésie. Si on ne
met qu’un filtre entre le circuit patient et la machine, il doit être posi-
tionné sur le circuit expiratoire.
Rappel  : il y a toujours un filtre antibactérien, réchauffeur et humi-
dificateur, entre le patient et la pièce en Y.

Chaux sodée
Vérifier la chaux sodée qui doit être non colorée, ce qui témoi-
gnerait du virage de l’indicateur et d’une péremption, évacuer l’eau
éventuellement accumulée. En cas de coloration, procéder à son rem-
placement. Vérifier l’étanchéité des connexions de la cuve à chaux
sodée souvent source de fuite.
Vider l’eau éventuellement accumulée dans les pièges à eau si le
circuit en dispose.

Piège à eau du circuit de prélèvement

Contrôler le niveau de remplissage du piège à eau. Si le niveau


d’eau atteint le repère, retirer le piège à eau de son support et le vider
118 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

en aspirant l’eau avec une seringue (20 ml) connectée par son embout
Luer à la douille du piège à eau. En remettant en place le piège à eau
vide, on perçoit alors un « clic ».

Préparation à l’autotest

Fermer la pièce en Y (en l’enfonçant sur l’obturateur), s’assurer que


la ligne de prélèvement de l’analyseur de gaz est branchée sur la pièce
en Y et sur le piège à eau. La valve APL (Adjustable Pressure Limit)
est en position « MAN » (ventilation manuelle) réglée sur 30 mbar.

Réalisation de l’autotest

Démarrer l’autotest en pressant le bouton rotatif. Il dure environ


5 min. En cas d’urgence réelle, il peut être interrompu (dix fois consé-
cutives au maximum) en pressant la touche « Annuler test ».
En fonction des résultats de l’autotest, il peut être demandé « d’ac-
cepter » des anomalies de gravité intermédiaires (anomalies « jaunes »).
En cas d’anomalies graves « rouges », la machine ne peut fonctionner
en l’état. Les anomalies doivent alors être corrigées et l’autotest refait.
La machine calcule la compliance actuelle du circuit selon les
tuyaux et les filtres utilisés et la pièce en Y (environ 1,2 ml/mbar).
La machine teste les fuites dans les différentes parties du système et
du circuit de ventilation. L’appareil tolère des fuites jusqu’à 150 ml/min.
En fin d’autotest, la machine passe en position d’attente, prête pour
le premier patient de la journée.

AIRWAY (CONTRÔLE DES VOIES AÉRIENNES)

Vérifier la présence et le bon fonctionnement de l’insufflateur


manuel autoremplissant à usage unique (Ambu®) avec filtre antibac-
térien dans le cas d’un insufflateur réutilisable. Le jeu des valves
est-il correct ? Sont-elles montées dans le bon sens ? Dispose-t-on de
masques faciaux de différentes tailles et modèles ? Dispose-t-on de la
bouteille d’oxygène de secours pleine avec son raccord s’adaptant à
l’insufflateur de secours ?

SUCCION – ASPIRATION

Cette aspiration est destinée à l’usage exclusif de l’anesthésie.


L’aspiration est-elle fonctionnelle ? Le système est-il correctement
JE PRÉPARE MA SALLE D’ANESTHÉSIE 119

monté, est-il monté dans le bon sens ? La sonde d’aspiration tra-


chéale est-elle montée ? La puissance de l’aspiration est-elle suffi-
sante ?

TUBE – SONDE D’INTUBATION – MASQUES LARYNGÉS

Il faut disposer de plusieurs sondes d’intubation de différents


calibres. Selon les recommandations de la SFAR (Conférence de
consensus sur la prise en charge des voies aériennes en anesthésie
adulte, à l’exception de l’intubation difficile, 2002), on retiendra pour
le cas ordinaire, une sonde de calibre 7,0 pour la femme et 7,5 pour
l’homme. Selon la chirurgie, on utilise des sondes ordinaires, armées,
préformées, à double lumière… Vérifier l’étanchéité des ballonnets
des sondes, des coussinets des masques laryngés et celle de la valve.
Prévoir une seringue pour gonfler le ballonnet de la sonde ou le cous-
sinet du masque laryngé ainsi qu’un manomètre pour en contrôler la
pression.

ECG – MONITORING CARDIOVASCULAIRE

Vérifier l’alimentation électrique du moniteur et les connexions.


Dispose-t-on des électrodes en nombre suffisant ? Dispose-t-on de
brassards de tailles différentes et adaptées aux patients prévus pour la
mesure de la pression artérielle non invasive ?
Dispose-t-on du matériel consommable, des transducteurs adaptés
et des connexions électriques pour mettre en place le cathéter artériel
pour la mesure de la pression artérielle par voie sanglante ?
Vérifier la localisation au sein du bloc opératoire, la fonctionnalité
et l’intégrité du défibrillateur.

RINGER® – VOIE VEINEUSE ET SOLUTÉS

Prévoir une boîte de gants non stériles pour toute manipula-


tion concernant le patient (pose de voie veineuse, intubation). Le
cathéter périphérique est d’un calibre dépendant de la procédure
envisagée, du capital veineux du patient et des habitudes locales.
Dispose-t-on de cathéters périphériques de différents calibres et en
quantité suffisante ? Dispose-t-on de garrots sans latex, tubulure
avec robinet à trois voies, compresses et antiseptiques cutanés ?
Dispose-t-on des pansements occlusifs transparents pour couvrir et
fixer la perfusion ?
120 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

PULSE OXYMÈTRE :
OXYMÈTRE DE POULS – MONITORAGE RESPIRATOIRE

Vérifier l’alimentation électrique du moniteur et les connexions. Le


capteur de SpO2 fonctionne-t-il ? (On peut le tester sur soi-même.)
L’analyseur de gaz est-il opérationnel ? (Si on souffle sur l’extrémité
de la ligne de prélèvement de l’analyseur de gaz, on doit observer un
accident sur le capnogramme.)

LARYNGOSCOPE – PLATEAU D’INTUBATION

Le manche du laryngoscope doit être doté de piles ou d’accus


rechargeables. En fonction des habitudes de service, on peut pré-
voir un ou deux manches de laryngoscope dont, éventuellement,
un manche court. Il faut disposer d’un jeu de piles supplémentaires
ainsi que d’une ampoule de rechange. Les lames jetables de diffé-
rentes tailles et modèles doivent s’adapter au manche du laryngo-
scope.
Vérifier la présence de canules de Guedel de différentes tailles,
d’une pince de Magill, d’un mandrin béquillé à bout mousse (de type
mandrin d’Eschmann), de sparadrap destiné à fixer le dispositif de
contrôle des voies aériennes.
Vérifier la localisation et l’intégrité du chariot (ou du kit) d’intuba-
tion difficile.

AGENTS D’ANESTHÉSIE – PLATEAU D’INDUCTION


POUR ADULTE

Plateau, étiquettes

Le plateau stérile à usage unique est suffisamment grand pour


que les différentes seringues soient bien individualisées et que le
risque de confusion soit le plus faible possible. Chaque seringue
est soigneusement étiquetée et identifiée. Idéalement, les étiquettes
de couleurs différentes sont pré-imprimées selon les recommanda-
tions de la SFAR sur la prévention des erreurs médicamenteuses.
Sur l’étiquette doit figurer de façon lisible le contenu de la seringue
et la dilution du produit de préférence en unité de masse par unité
de volume. Il est préférable d’éviter les pourcentages. Les gradua-
tions de la seringue ne seront pas masquées par l’étiquette. La liste
des agents sera adaptée en fonction du terrain et de la procédure
envisagée.
JE PRÉPARE MA SALLE D’ANESTHÉSIE 121

Agents d’anesthésie

Le plateau contiendra les agents destinés à induire une anesthésie


générale en urgence (hypnotique, myorelaxant et morphinique)  : pro-
pofol (ou nesdonal) prêt à l’emploi ; succinylcholine diluée à 10 mg/ml
(selon les habitudes de service) et sufentanil.

Agents de réanimation

Le plateau contient également l’éphédrine diluée à 3 mg/ml en


seringue préremplie et l’atropine à 0,5 mg/ml. Vérifier la présence
d’adrénaline dans le chariot d’anesthésie.

DOSSIER ET MONITORAGE NEUROMUSCULAIRE

Vérifier la présence d’un moniteur de curarisation fonctionnel avec


son cordon (ou ses cordons) et ses piles.
Les notes sont constituées par un éventuel aide-mémoire d’anesthé-
sie-réanimation et par le dossier du patient (sa partie médicale, chirur-
gicale et anesthésique).
On trouvera en annexe une proposition de méthode rapide d’ouver-
ture de salle ainsi que la check-list de la HAS.

ANNEXES

Annexe 1  : fiche de contrôle avant ouverture de  salle d’opération.


Annexe  2  : check-list « Sécurité du patient au bloc opératoire ».
• Commentaires sur la check-list de la HAS : une nouvelle check-list
de bloc opératoire.
122 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

ANNEXE 1 : FICHE DE CONTRÔLE AVANT OUVERTURE


DE SALLE D’OPÉRATION

Date  : Bloc  : N° de salle  :


Réouverture de salle  : oui – non.
Effectuer le MASTER PLAN c’est vérifier dans l’ordre  :
1. Machine d’anesthésie
Alimentation en énergie électrique
Alimentation en fluides médicaux (O2 > 3  bars ; O2 > air comprimé > N2O)
Alimentation de secours en oxygène
Absence de fuites sur le circuit principal et auxiliaire
Circuit rapide d’oxygène fonctionnel
Débitmètres et mélangeurs
Alarme sonore de débranchement en oxygène
Bac à chaux sodée
Évaporateur d’agent anesthésique
Test de fonctionnement du ventilateur
Filtre bactérien
Analyseur de CO2 (à tester sur soi-même) et d’agents halogénés
2. Airway
Insufflateur autoremplissant de secours en ordre de marche
Filtre bactérien
Masque facial
Obus d’oxygène pour le transfert du patient

3. Succion – Aspiration
Vide médical opérationnel
Sondes d’aspiration
Circuit d’aspiration à usage unique
4. Tube – Sonde d’intubation
Sondes d’intubation de différentes tailles et modèles adaptées aux patients
et  interventions prévus
Dispositifs alternatifs à l’intubation trachéale  : masque laryngé…
Chariot d’intubation difficile
5. ECG
Moniteur ECG en ordre de marche
Cordon en bon état
JE PRÉPARE MA SALLE D’ANESTHÉSIE 123

Électrodes
Moniteur non invasif de la pression artérielle
Vérification du défibrillateur

6. Ringer® – Solutés et voies de perfusion


Solutés de perfusion de nature et en quantité adaptées aux patients et
interventions prévus
Réchauffeur de perfusion

7. Pulse oxymeter – Oxymètre de pouls


Moniteur de SpO2 en ordre de marche (que l’on teste sur soi-même)

8. Laryngoscope
Jeu complet de lames
Manche(s) de laryngoscope
Piles ou batterie chargées
Canules de Guedel
Pince de Magill
Mandrin souple béquillé (mandrin d’Eschmann)
Jeu de piles et de lampe de rechange
9. Agents
Plateau d’urgence prêt à l’emploi (atropine, éphédrine)
Plateau d’anesthésie prêt à l’emploi (hypnotique, morphinique, myorelaxant)
Agent d’urgence dans le chariot d’anesthésie  : adrénaline 5 mg
Agents d’anesthésie adaptés aux patients et interventions prévus
10. Notes (dossier) et monitorage neuromusculaire
Dossier du patient
Dossier d’anesthésie
Vérification du moniteur de curarisation – électrodes de BIS
Aide-mémoire
124 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

ANNEXE 2 : CHECK-LIST « SÉCURITÉ DU PATIENT AU BLOC


OPÉRATOIRE »

F. Bonnet
Adaptée de la check-list de l’Organisation mondiale de la santé
« WHO Surgical Safety Check-list », http://www.who.int/patientsa-
fety/safesurgery/en, © World Health Organization 2008.

Avant intervention chirurgicale


Temps de pause avant incision
• Vérification « ultime » croisée au sein de l’équipe  :
— identité patient correcte … Oui … Non
— intervention prévue confirmée … Oui … Non
— site opératoire correct … Oui … Non
— installation correcte … Oui … Non
— documents nécessaires disponibles … Oui … N/A*

• Partage des informations essentielles dans l’équipe


sur des éléments à risque/points critiques de l’intervention  :
— sur le plan chirurgical (temps opératoire difficile,
points spécifiques de l’intervention, etc.) … Oui … Non
— sur le plan anesthésique (risques potentiels liés au terrain
ou à des traitements éventuellement maintenus) … Oui … Non
— Antibioprophylaxie effectuée … Oui … Non …  N/R**

Avant induction anesthésique


Temps de pause avant anesthésie
— Identité du patient  : le patient a décliné son nom,
sinon, par défaut, autre moyen de vérification de son identité … Oui … Non

• L’intervention et site opératoire sont confirmés  :


— idéalement par le patient et dans tous les cas,
par le dossier ou procédure spécifique … Oui … Non
— la documentation clinique et paraclinique nécessaire
est disponible en salle … Oui … Non
— Le mode d’installation est connu de l’équipe en salle,
cohérent avec le site/intervention et non dangereuse
pour le patient … Oui … N/A

• Le matériel nécessaire pour l’intervention est vérifié  :


— pour la partie chirurgicale … Oui … Non
— pour la partie anesthésique … Oui … Non
JE PRÉPARE MA SALLE D’ANESTHÉSIE 125

• Vérification croisée par l’équipe de points critiques


et des mesures adéquates à prendre  :
— allergie du patient … Oui … Non
— risque d’inhalation, de difficulté d’intubation
ou de ventilation au masque … Oui … Non
— risque de saignement important … Oui … Non

Après intervention

Pause avant sortie de salle d’opération

• Confirmation orale par le personnel auprès de l’équipe  :


— de l’intervention enregistrée … Oui … Non
— du compte final correct des compresses, aiguilles,
instruments, etc. … Oui … N/A
— de l’étiquetage des prélèvements, pièces opératoires,
etc. … Oui … N/A
— du signalement de dysfonctionnements matériels
et des évènements indésirables … Oui … Non
— Les prescriptions pour les suites opératoires
immédiates sont faites de manière conjointe … Oui … Non … N/R

* N/A non applicable, ** N/R non recommandé.

Commentaires sur la check-list de la HAS :


Une nouvelle check-list de bloc opératoire

La notion de check-list est dérivée des procédures sécuritaires éta-


blies dans l’industrie et notamment dans l’aviation civile. Le principe
est d’effectuer une vérification systématique du matériel avant la mise
en route d’une procédure. En ce qui concerne l’anesthésie, le principe
d’une check-list avant l’ouverture d’une salle d’anesthésie était établi
depuis longtemps et appliqué quotidiennement. Cette check-list portait
essentiellement sur le matériel utilisé et consistait en une suite d’opé-
rations effectuées systématiquement et dans un ordre prédéterminé.
L’objectif était de ne pas se retrouver, en cours d’anesthésie, dans une
situation difficile, préjudiciable au patient, à la suite d’une défaillance
de matériel. Ainsi la vérification des gaz administrés pendant l’anes-
thésie, de leur possibilité de suppléance, des différentes fonctions du
respirateur faisaient et font toujours partie de la check-list d’anesthé-
sie. La détection d’un défaut de procédure interrompt l’ensemble des
opérations jusqu’à résolution de celui-ci. Avec le temps cette check-
126 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

list s’est automatisée, les stations d’anesthésie faisant elles-mêmes le


contrôle des différentes fonctions avant leur mise en route.
Malgré ces contrôles extrêmement précis, la littérature médicale,
voire la presse générale, se font périodiquement l’écho des erreurs
liées à la pratique de la chirurgie telles que  : erreur de côté, oubli
de compresse ou de champs dans le site opératoire, erreur trans-
fusionnelle, etc. Ces erreurs dépassent le cadre strict de l’anesthésie
et font intervenir d’autres professionnels travaillant au bloc opéra-
toire. Elles peuvent prendre leur source dans les interactions qui
existent entre ces mêmes professionnels. Elles soulignent le fait
que les erreurs humaines sont plus fréquentes que les défaillances
techniques. Le défaut de communication entre les professionnels
(chirurgiens, anesthésistes, infirmières) peut être en effet à l’origine
d’erreurs d’interprétation qui conduisent à des erreurs médicales.
L’extension du concept de check-list à l’ensemble des procédures
de bloc opératoire devait donc améliorer la sécurité des patients.
L’évaluation de cette hypothèse a fait l’objet d’une étude prospec-
tive menée dans 8  hôpitaux nord-américains et publiée en 2009
dans le New England Journal of Medicine. Cette étude a consisté à
évaluer le devenir des patients avant et après la mise en place d’une
check-list de bloc opératoire qui impliquait l’ensemble des acteurs
de soins.
• Avant l’induction de l’anesthésie, il fallait vérifier  :
— que le patient décline son identité, qu’il donne son consente-
ment et confirme le côté à opérer ;
— que le site d’intervention était marqué sur le patient (ou qu’il
n’y avait pas d’indication à un tel repérage) ;
— que le capteur de l’oxymètre de pouls était placé sur le patient et
que le moniteur était fonctionnel ;
— que tous les intervenants avaient connaissance d’une allergie
éventuelle ;
— que les voies aériennes du patient et le risque d’inhalation
avaient été évalués et que les équipements appropriés à la prise en
charge de ce type de problèmes étaient disponibles ;
— que s’il existait un risque hémorragique > 500 ml (ou 7 ml/kg
chez les enfants), les accès veineux et les solutés adaptés étaient dis-
ponibles.
• Avant l’incision chirurgicale, les intervenants devaient confirmer  :
— qu’ils s’étaient tous (infirmières, anesthésistes, chirurgiens)
présentés et avaient précisé leur rôle (Mme  XX infirmière panseuse,
etc.) ;
— qu’ils connaissaient l’identité du patient, le site d’intervention
et la procédure ;
— et revoir les évènements critiques prévus  : les chirurgiens
revoyaient les étapes critiques de l’intervention, sa durée et les
JE PRÉPARE MA SALLE D’ANESTHÉSIE 127

pertes hémorragiques anticipées ; les anesthésistes revoyaient les


problèmes spécifiques du patient ; les infirmières (IBODE) confir-
maient la stérilisation des équipements et leur disponibilité, une
confirmation ou une absence d’indication de l’antibioprophylaxie
était faite ;
— la disponibilité dans les blocs opératoires de l’imagerie concer-
nant le patient.
Enfin, avant que le patient ne quitte le bloc opératoire, les infir-
mières vérifiaient que la procédure avait été enregistrée, que les pré-
lèvements opératoires étaient correctement étiquetés avec notamment
le nom du patient, et que tout problème concernant les équipements
avait été pris en compte. Le chirurgien, l’IBODE, l’anesthésiste
avaient revu ensemble les points concernant le soin du patient et son
évolution.
3 133 patients adultes ont été ainsi suivis avant la mise en place de la
check-list et 3 955 après. Le résultat le plus important était une baisse
significative de la mortalité hospitalière de 1,5  p.  100 à  0,8  p.  100. La
morbidité a également diminué de 11  p.  100 à  7  p.  100. Vu sous un
autre angle, la mortalité a donc diminué de 80  p.  100 et la morbidité
de 36  p.  100. Les raisons de cette amélioration faisaient notamment
intervenir l’amélioration de la compliance vis-à-vis de l’antibiopro-
phylaxie. Par ailleurs la check-list a pu éviter des erreurs médicales
qui bien que rares auraient eu des conséquences désastreuses pour les
patients (erreur de côté).
Dans un contexte où les erreurs médicales sont légitimement mises
à l’index et où une « professionnalisation » de leur prévention s’avère
nécessaire, la mise en place de ce type de procédure en routine a été
encouragée à la suite de cet article par l’Organisation Mondiale de la
Santé et en France par la Haute Autorité de Santé. La mise en place
progressive de cette check-list s’effectue dans les établissements de
santé MCO. Des éditoriaux récents soulignent par ailleurs à la fois
la révolution culturelle que représente l’application de cette check-list
dans l’organisation du travail et son impact sur la morbidité et la mor-
talité que d’autres études s’attachent à vérifier. Ces résultats montrent
que, au-delà de l’innovation technologique, des progrès significatifs
peuvent être faits en médecine grâce à l’amélioration de l’organisation
du travail.

POUR EN SAVOIR PLUS

Hayne AB, Weiser TG, Berry WR, Lipsitz SR, Breizat AH, Dellinger EP
et al. A surgical safety check-list to reduce morbidity and mortality in global
population for the Safe Surgery Saves Lives Study Group. N Engl J Med. 2009 ;
360  : 491-9.
128 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Toff NJ. Check-list culture. We need a safety system (and an operation manual).
Brit Med J, 2010 Feb 23 ; 340  : c917 doi  : 10.1136/bmj.c917.
Weiser TG, Haynes AB, Dziekan G, Berry WR, Lipsitz SR, Gawande AA.
Effect of a 19-item surgical safety check-list during urgent operations in a global
patient population. Ann Surg. 2010 ; 251  : 976-80.
Chapitre 6

Accès aux voies aériennes


M. Ohana

VENTILATION AU MASQUE

Les masques faciaux permettent de ventiler les patients avant l’intu-


bation. Ils sont faits en caoutchouc ou en plastique. Ils existent en dif-
férentes tailles adultes (3, 4 et 5) et pédiatriques (0, 1 et 2) et peuvent
être noirs, opaques ou transparents. Le masque comporte un corps
et un coussinet gonflable avec une valve permettant au masque de
s’adapter au visage. Au sommet se trouve un raccord permettant l’ar-
rivée de gaz et pouvant être entouré d’un anneau avec des crochets.
Après avoir choisi la taille correspondant au patient, il doit être appli-
qué sur la face avec la main en prenant appui sur l’os mandibulaire.
La ventilation manuelle impose de plaquer le masque avec le pouce
et l’index gauche alors qu’avec les trois autres doigts, on subluxe la
mandibule en avant pour libérer les voies aériennes. L’extension du
rachis cervical associée à la subluxation de la mâchoire réduit l’obs-
truction des voies aériennes lors de l’anesthésie. On peut être amené
à tenir le masque à deux mains pour libérer la filière pendant qu’une
autre personne assure la ventilation manuelle.
La ventilation au masque peut être difficile dans les situations sui-
vantes  : obésité, pathologie tumorale infectieuse, inflammatoire, syn-
drome polymalformatif ou patients âgés édentés.
En cas de difficulté ventilatoire, on a recours à une canule oropha-
ryngée ou nasopharyngée qui a pour but d’éviter l’obstruction de la
filière aérienne par la chute de la langue.
La mise en place d’une canule oropharyngée (canule de Guedel)
expose le patient au risque de toux, de vomissements, de laryngo-
spasme ou de bronchospasme lorsque l’anesthésie est superficielle.
130 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Il existe des canules de différentes tailles adultes (3, 4 et 5) et pédia-


triques (0, 1 et 2). La canule est soit mise d’emblée dans le bon sens
soit on lui fait faire une rotation de 180 degrés pour bien la positionner.
Une canule nasopharyngée peut être introduite perpendiculairement
au visage après avoir réalisé une anesthésie et une vasoconstriction
locale (xylocaïne naphazolinée) et après lubrification de la canule. Les
contre-indications sont les suivantes  : troubles de l’hémostase, frac-
tures de la base du crâne, infection ou déformations nasales.
La ventilation au masque ne doit pas durer longtemps car les voies
aériennes ne sont pas protégées. Les complications que l’on peut
observer sont les suivantes : dilatation gastrique, inhalation du liquide
gastrique, lésions oculaires, traumatisme des lèvres, hypercapnie,
lésions nerveuses (V, VII).

MASQUE LARYNGÉ

DESCRIPTION

Par comparaison au masque facial, il assure une meilleure étanchéité


et donc une meilleure sécurité et libère les mains de l’anesthésiste.
Le masque laryngé est moins invasif que l’intubation et ne nécessite
pas de laryngoscopie.
Le masque laryngé comporte 3  parties  : le tube, le masque et la
ligne de gonflage (figure 6-1).
Le tube peut-être rigide ou flexible, renforcé par une spirale métal-
lique (masque laryngé armé). Le tube comporte d’un côté un raccord
standard (15 mm) et l’autre extrémité est reliée à un masque en sili-
cone en forme de coussinet qui peut se gonfler et se dégonfler par une
valve reliée au coussinet.
Les masques laryngés ne contiennent pas de latex.

INSERTION

Le matériel est préparé avant l’induction (figure  6-2). Le matériel


nécessaire à une intubation trachéale doit être prêt. Il faut vérifier le
bon fonctionnement de l’aspiration, que la taille du masque laryngé
est adaptée au patient, la lubrification du dos du masque (gel à l’eau)
et l’absence de fuite.
ACCÈS AUX VOIES AÉRIENNES 131

Figure  6-1 Le masque laryngé a été conçu par le Docteur Brain en 1981. Il
permet le contrôle des voies aériennes supérieures. Après insertion, il permet
une ventilation mécanique du patient à faible niveau de pression positive
(volume ou pression contrôlée) ou une ventilation spontanée. (Avec l’aimable
autorisation d’Intersurgical.)

Figure  6-2 Matériels d’intubation  : laryngoscope avec lame de Macintosch,


canule de Guedel, mandrin, pince de Magill, seringue et fixateur.

Il faut disposer à proximité de masques de taille supérieure et infé-


rieure.
Après préoxygénation, il faut atteindre une profondeur d’anesthé-
sie comparable à celle obtenue pour une intubation, quelle que soit
132 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

la technique d’induction avant d’introduire le masque laryngé, tête en


extension (sniff position).
Il faut appliquer la pointe du coussinet dégonflé sur le palais et
aplatir la concavité puis insérer l’index pour orienter le masque.
Une fois en place la pointe du masque appuie sur la bouche œso-
phagienne.
Le gonflage du coussinet doit permettre d’obtenir l’étanchéité sans
dépasser une pression de 60 cm d’H2O. Lors du gonflage, le tube
remonte un peu lorsque le masque prend sa place dans l’hypopharynx.
La ligne noire reste médiane vers le haut.
On vérifie par l’auscultation l’adéquation de la ventilation pul-
monaire, l’absence de fuite (pour une pression ≤ 30 cm H2O,
contrôle sur le circuit de ventilation) et l’absence d’insufflation
gastrique.
Après avoir mis un cale-dents fait de compresses roulées paral-
lèlement au tube, la fixation du masque est faite en position cen-
trale.
Une anesthésie insuffisante pour abolir les réflexes de protection
peut entraîner un déplacement secondaire du masque lié à son into-
lérance.
En pression positive, le masque laryngé forme un joint autour de la
filière laryngée lorsque la pression ne dépasse pas 20 cm d’eau. Des
fuites en peropératoire peuvent être dues à une anesthésie peu pro-
fonde, à un bloc neuromusculaire insuffisant ou à un déplacement du
masque laryngé. Même en l’absence de fuite importante, le débit de
gaz frais dans le circuit d’anesthésie ne doit pas être inférieur à 2 l/min.
Le protoxyde d’azote diffuse et augmente la pression du coussinet
qui doit être contrôlée en cours d’anesthésie.
Le déplacement du masque peut se traduire par une inefficacité de
la ventilation (capnogramme), une modification des pressions (aug-
mentation des pressions d’insufflation), une insufflation gastrique.
Une régurgitation de liquide gastrique se manifeste par la toux, par
la remontée de liquide dans le circuit ventilatoire ou par la désatu-
ration du patient. Les masques les plus récents disposent d’un canal
d’aspiration pour éviter la stagnation de liquide dans le pharynx.
L’extraction du masque laryngé est faite lorsque le patient est
réveillé et qu’il a récupéré son réflexe de déglutition pour éviter les
fausses routes. Il faut éviter de stimuler le patient pendant la phase de
réveil. En effet, une aspiration dans le masque laryngé peut provoquer
un laryngospasme pendant la phase de réveil.
Les masques laryngés sont couramment utilisés en pédiatrie.
En cas d’intervention chirurgicale avec risque de coudures du tube,
on peut être amené à utiliser un masque laryngé flexible renforcé par
une spirale métallique.
ACCÈS AUX VOIES AÉRIENNES 133

INDICATIONS

Le masque laryngé permet le contrôle des voies aériennes lorsque


le patient est à jeun pour des interventions programmées et dans
les situations d’urgence en cas de difficulté de ventilation ou d’in-
tubation. Le masque peut être utilisé en ventilation spontanée ou
contrôlée.

CONTRE-INDICATIONS

Le masque laryngé ne doit pas être utilisé dans les situations à risque
de régurgitation ou de vomissement (hernie hiatale, obésité, grossesse,
patient à l’estomac plein) en périopératoire car il ne protège pas les voies
aériennes du risque d’inhalation. Les principales contre-indications sont :
l’estomac plein, la cœliochirurgie, le décubitus latéral ou ventral.

EFFETS SECONDAIRES

L’utilisation d’un masque laryngé expose au risque d’inhalation, de


douleurs pharyngées, voire de dysphagie.
Les autres effets secondaires sont les suivants  : lésions du grand
hypoglosse, atteinte du nerf lingual, cyanose de la langue, paralysie
des cordes vocales (récurrent). Elles sont le fait de masques trop gon-
flés ou mal insérés.

INTUBATION TRACHÉALE

MATÉRIEL

Laryngoscope

Le laryngoscope comporte une lame détachable avec une lumière qui


se monte sur un manche contenant les piles. L’éclairage du laryngo-
scope peut être assuré soit par une lumière froide soit par une lampe.
Le manche contient les piles ; dans le cas d’une ampoule lumineuse
fixée sur la lame du laryngoscope, l’enclenchement de la lame sur le
manche ferme le circuit électrique et éclaire l’extrémité du laryngoscope.
134 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Pour les laryngoscopes à lumière froide, la source lumineuse se


trouve dans le manche, elle est transmise à la lame par des fibres
optiques. Comme précédemment, c’est l’enclenchement de la lame
sur le manche qui éclaire les fibres optiques de la lame.
La taille du manche varie suivant les modèles (diamètre, longueur).
La lame possède un rebord pour refouler la langue sur le côté et un
côté ouvert sur le larynx.
Il existe différentes tailles de lames qui s’échelonnent de 0 (Miller)
ou 1 (Macintosh) pour les plus petites jusqu’à 4 (Miller ou Macin-
tosh) pour les plus grandes. Les plus petites lames sont utilisées en
pédiatrie.
La lame peut être courbe (Macintosh ou Macintosh modifiée) ou
droite avec une extrémité droite (Wisconsin) ou recourbée (Miller).
Les lames (Macintosh) de taille  3 sont les plus utilisées chez
l’adulte.
Lorsque la laryngoscopie est difficile avec un type de lame, il
faut utiliser un autre type de lame qui peut permettre une exposi-
tion satisfaisante du larynx particulièrement avec les lames droites
lorsque le larynx est antérieur ou que l’ouverture de bouche est
limitée.
Les lames doivent être démontées et stérilisées entre chaque
patient, mais l’utilisation de lames à usage unique se répand de plus
en plus.

Sondes d’intubation endotrachéales

Les sondes d’intubation utilisées en pratique courante sont en


chlorure de polyvinyle (PVC) avec un ballonnet de basse pression
et grand volume. Elles peuvent aussi être en silicone, caoutchouc
ou en polyuréthane. Elles sont à usage unique et sont fabriquées de
façon stérile.
La plupart des sondes ont un trou au niveau de la paroi opposée au
biseau. Cet orifice permet le passage des gaz en cas d’obstruction de
la sonde au niveau du biseau : c’est l’œillet de Murphy.
Les sondes possèdent une ligne incluse dans la paroi faite d’un
matériau radio-opaque ainsi qu’un marquage centimétrique aidant à
sa mise en place.
Les ballonnets des sondes d’intubation sont des ballonnets en plas-
tique à basse pression et à haut volume. Il y a une augmentation de
volume importante avant l’augmentation de la pression.
Une pression élevée dans le ballonnet peut comprimer la muqueuse
trachéale et provoquer une ischémie. Il faut donc contrôler la pres-
sion du ballonnet régulièrement. Le gonflage du ballonnet doit se faire
jusqu’à la disparition des fuites en ventilation en pression positive
ACCÈS AUX VOIES AÉRIENNES 135

protégeant les voies aériennes contre les risques d’inhalation, mais


cette protection n’est pas absolue. La pression doit être maintenue
avec un manomètre entre 25 et 30 cm d’eau. Le protoxyde d’azote
diffuse dans le ballonnet et augmente la pression. Il faut donc contrô-
ler la pression en cours d’anesthésie et dégonfler éventuellement le
ballonnet (p > 30 cm H2O).
La sonde d’intubation doit être vérifiée avant son utilisation, en par-
ticulier, on vérifie que la sonde est perméable, que le ballonnet est
étanche et symétrique et que la valve est fonctionnelle.
Chaque sonde est définie par son diamètre interne (DI). La taille
des sondes varie de 2,5 à 9 mm en augmentant de 0,5 mm à chaque
fois.
La longueur de la sonde et son diamètre interne conditionnent les
résistances au passage des gaz. Plus le diamètre de la sonde est faible
et plus les résistances sont importantes. Les courbures augmentent les
résistances. La longueur de la sonde et des raccords augmentent l’es-
pace mort.
Il existe des sondes sans ballonnet utilisées en pédiatrie.
Différents modèles de sondes sont commercialisés :
— sonde armée  : sonde renforcée par une spirale métallique qui
réduit le risque d’écrasement et de plicature ;
— sonde préformée  : orale ou nasale, les courbures permettent
l’éloignement de la sonde et du circuit du champ opératoire et une
meilleure fixation ;
— sonde de Montandon de laryngectomie ;
— sonde pour chirurgie laser ;
— sonde pour jet-ventilation ;
— sonde d’intubation sélective permettant la ventilation unipulmo-
naire.

TECHNIQUE D’INTUBATION ENDOTRACHÉALE


Intubation endotrachéale

L’intubation endotrachéale par voie orale est la méthode de réfé-


rence. La tête doit être maintenue dans la position classique « en train
de renifler » pour aligner les axes de la bouche du pharynx et du
larynx avec un coussin sous la tête (position de Jackson) pour obtenir
une flexion du rachis cervical bas (figure 6-3).
Le laryngoscope est tenu dans la main gauche. Les doigts de la
main droite permettent d’ouvrir la bouche : l’index appuie sur l’arcade
dentaire supérieure alors que le pouce croisé appuie sur l’arcade den-
taire inférieure.
136 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

A B C
Figure 6-3 Position modifiée de Jackson.

La lame du laryngoscope est délicatement insérée par le côté droit


de la bouche pour permettre au rebord de la lame de dévier la langue
vers la gauche.
Un protège-dents peut être utilisé pour diminuer le risque de surve-
nue de traumatisme dentaire.
Après exposition de l’épiglotte, la lame courbe est introduite au
niveau du sillon glosso-épiglottique puis en soulevant, on aperçoit la
glotte. On insère alors la sonde d’intubation entre les cordes vocales.
La lame droite est avancée au-delà de l’épiglotte que l’on charge
pour visualiser la glotte.
Lorsque l’on soulève le laryngoscope, il faut éviter de prendre appui
sur les incisives supérieures pour ne pas provoquer de traumatisme
dentaire.
On peut être amené à exercer une pression sur le cartilage thyroïde
vers le bas et la droite pour visualiser la glotte.
La sonde est généralement enfoncée jusqu’à 21 cm chez la femme et
23 cm chez l’homme au niveau de l’arcade dentaire supérieure de telle
sorte que le ballonnet soit 2 cm sous les cordes vocales. La taille de la
sonde utilisée chez la femme est 7 ou 7,5 et chez l’homme de 8 ou 8,5.
La sonde doit être vérifiée et lubrifiée à son extrémité.
Une fois le patient intubé, il faut s’assurer que l’auscultation est
symétrique et que l’intubation n’est pas sélective.
Le CO2 expiré permet également de confirmer la présence endotra-
chéale de la sonde.
La sonde d’intubation doit être fixée au maxillaire supérieur avec du
sparadrap et s’assurer de la solidité de la fixation.
Une canule de Guedel est mise en place pour protéger la sonde
d’intubation en cas de morsure au réveil.
Après fixation de la sonde, il faut ausculter à nouveau le patient
pour s’assurer que la sonde n’a pas été mobilisée, de même qu’après
chaque changement de position du patient (décubitus latéral-ventral).
ACCÈS AUX VOIES AÉRIENNES 137

Intubation nasotrachéale

L’intubation nasotrachéale se fait soit sous anesthésie générale soit


en ventilation spontanée.
Le méchage des fosses nasales avec de la xylocaïne 5 p. 100 napha-
zolinée permet une vasoconstriction et donc diminue le risque de sai-
gnement lors du passage de la sonde.
La sonde est introduite perpendiculairement à la face puis l’intu-
bation peut se faire à l’aveugle lors de l’inspiration ou à l’aide d’une
pince de Magill ; on pousse la sonde dans la lumière glottique sous
laryngoscopie directe.

EXTUBATION

• Les critères de réveil et d’extubation doivent être présents.


• Aspiration dans la trachée avec une sonde stérile.
• Aspiration dans la cavité buccale et dans l’oropharynx.
• Retirer le système de fixation.
• Dégonfler le ballonnet avec une seringue.
• Retirer la sonde d’intubation lors d’un effort inspiratoire.
• Mettre un masque à oxygène.

COMPLICATIONS
DE L’INTUBATION

La douleur d’origine pharyngée, laryngée ou trachéale est fréquente.


Les autres complications sont les suivantes  : œdème laryngé, de
la luette, supraglottique, rétroarythénoïdien, la paralysie des cordes
vocales par traumatisme du nerf récurent ou par le ballonnet, ulcéra-
tions ou granulomes sur les cordes vocales, les lésions dentaires, les
laryngites, les lacérations et hématomes du pharynx et du larynx, les
fractures de cornets, le passage sous-muqueux de la sonde, l’épistaxis,
l’emphysème sous-cutané.
138 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

PLATEAU D’INTUBATION

Il contient :
— un laryngoscope ;
— des lames de tailles et de formes différentes ;
— une pince de Magill ;
— un mandrin rigide et un mandrin souple (Echmann) ;
— une seringue ;
— une canule de Guedel ;
— des sondes d’intubation de tailles différentes ;
— du sparadrap, des larmes artificielles ;
— il faut avoir à proximité le matériel d’intubation difficile et la
possibilité d’une aspiration.

INTUBATION TRACHÉALE
DIFFICILE

On considère qu’une intubation est difficile pour un anesthésiste


expérimenté, lorsqu’elle nécessite plus de 10  min et/ou plus de
deux laryngoscopies, dans la position modifiée de Jackson (voir
figure  6-3) (un coussin sous l’occiput et le laryngoscope permet-
tent d’aligner les trois axes (A  : axe buccal ; B  : axe pharyngé ;
C  : axe laryngé), avec ou sans compression laryngée (manœuvre
de Sellick).
Une ventilation est considérée comme inefficace lorsque la SpO2 est
inférieure à 90 p. 100 en ventilant en O2 pur un sujet normal.
La fréquence d’intubation difficile est plus élevée en obstétrique et
en chirurgie ORL carcinologique.
Malgré l’évaluation préopératoire, 15 à 30  p.  100 des intubations
difficiles ne sont pas dépistées.

DÉTECTION DE L’INTUBATION DIFFICILE

Elle est faite lors de la consultation préanesthésique par l’interroga-


toire et l’examen clinique. On recherche des complications lors de pré-
cédentes intubations (lésions dentaires et/ou gingivales). On recherche
ACCÈS AUX VOIES AÉRIENNES 139

une pathologie à haut risque d’intubation difficile comme le diabète,


une maladie rhumatismale, un syndrome d’apnée du sommeil, une
obésité morbide, des traumatismes maxillo-faciaux, une trachéotomie
ou une intubation prolongée.
L’examen se fait de face et de profil bouche fermée et ouverte. On
recherche des cicatrices, un cou court, un goitre, une asymétrie man-
dibulaire, une fragilité dentaire, la possibilité de subluxation de la
mandibule, une rétrognathie avec la mesure de la distance menton-os
hyoïde, la souplesse cervicale par la mesure de la distance menton-
cartilage thyroïde et enfin la distance interdentaire lors de l’ouverture
de bouche maximale et la classe de Mallampati.
Les trois critères à rechercher systématiquement sont les suivants :
— la mesure de l’ouverture de bouche ;
— la classe de Mallampati (effectuée chez le patient assis, regard à
l’horizontale, sans phonation) ;
— la distance thyromentonnière.
• Classe de Mallampati  : (en consultation d’anesthésie chez un
patient en position assisse) :
— classe 1 : toute la luette et les loges amygdaliennes sont visibles ;
— classe 2 : la luette est partiellement visible ;
— classe 3 : le palais membraneux est visible ;
— classe 4 : seul le palais osseux est visible.
• Grade de Cormack et Lehane : au bloc opératoire après laryngo-
scopie (figure 6-4) :
— grade 1 : toute la fente glottique est vue ;
— grade 2 : seule la partie antérieure de la glotte est vue ;
— grade 3 : seule l’épiglotte est visible ;
— grade 4 : l’épiglotte n’est pas visible.
Une laryngoscopie difficile se définit par l’absence de vision
de la fente glottique (grades 3 et 4). Les critères de Cormack et
Lehane sont appréciés lors de la première laryngoscopie au bloc
opératoire.
Il faut suspecter une intubation difficile si l’un des critères sui-
vants est retrouvé  : ouverture de bouche inférieure à 35 mm, classe
de Mallampati supérieure à 2, distance thyromentonnière inférieure
à 60 mm.
Une intubation orotrachéale est impossible si l’ouverture de bouche
est inférieure à 20 mm, en cas de rachis cervical bloqué ou d’échec
lors d’une tentative précédente.
L’incidence d’intubation difficile est plus élevée en cas de radio-
thérapie cervicale, de grossesse, de syndrome polymalformatif.
Le critère de Belhouse évalue la mobilité cervicale (la course du
maxillaire supérieur doit être supérieure à 35°) :
— stade 1 : mobilité supérieure à 35° ;
— stade 2 : réduction de la mobilité d’1/3 ;
140 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Classe 1 Classe 2 Classe 3 Classe 4

Grade 1 Grade 2 Grade 3 Grade 4

Figure 6-4 Classe de Mallampati et grade de Cormack.

— stade 3 : réduction de la mobilité de 2/3 ;


— stade 4 : mobilité nulle.
L’imagerie (scanner cérébral – IRM) peut aider à prévoir une intu-
bation difficile lorsque l’on en dispose.
En résumé :
— une intubation est prévue facile si  : l’ouverture de bouche est
supérieure à 35 mm, la distance thyromentonnière supérieure à 6 cm, le
score de Mallampati inférieur à 3 et le score de Belhouse supérieur à 3 ;
— une intubation est prévue difficile si : l’ouverture de bouche est
inférieure à 35 mm, le score de Mallampati supérieur à 2 et la distance
thyromentonnière inférieure à 6 cm.
Deux situations peuvent se présenter :
— soit l’intubation difficile a été prévue ;
— soit l’intubation difficile est imprévue.

INTUBATION DIFFICILE PRÉVUE

Après préoxygénation, l’intubation trachéale peut se faire sur un


patient vigile (patient somnolent mais pouvant être réveillé, niveau
ACCÈS AUX VOIES AÉRIENNES 141

de sédation ne dépassant pas le stade  3 de Ramsay), sous anesthésie


générale en ventilation spontanée ou sous anesthésie générale avec
curarisation.
La curarisation avec un curare de demi-vie courte ne doit être faite
qu’après s’être assuré que la ventilation au masque est possible et
que la curarisation est jugée indispensable à la réussite de l’intuba-
tion.
Lorsque l’intubation orotrachéale est jugée impossible ou en cas
d’estomac plein, seule une intubation sous anesthésie vigile est
autorisée avec un niveau de sédation ne dépassant pas le stade  3 de
Ramsay.
Stades de Ramsay :
— stade 1 : anxieux et agité ;
— stade 2 : coopérant orienté et tranquille ;
— stade 3 : réponse uniquement à la commande ;
— stade 4 : vive réponse à une légère stimulation de la glabelle ;
— stade 5 : faible réponse à une légère stimulation de la glabelle ;
— stade 6 : aucune réponse à une légère stimulation de la glabelle.
La préoxygénation repose sur la ventilation spontanée au masque
facial en oxygène pur pendant au moins 4  min ou quatre cycles de
ventilation à pleine capacité vitale.
La ventilation au masque assure l’oxygénation avant l’intubation ;
elle peut être difficile ou le devenir dans les situations suivantes  :
macroglossie (obésité, syndrome d’apnée du sommeil), fuites au
niveau du masque (barbe, édentation), corps étrangers, rétrécissements
des voies aériennes (sténose postintubation, tumeur). Dans ce cas de
désaturation, une oxygénation par ponction transtrachéale au niveau
de la membrane cricothyroïdienne avec un cathéter  14 G est recom-
mandée.
La surveillance repose sur le monitorage de la SpO2 avec un oxy-
mètre de pouls, de la fréquence cardiaque, de la fraction expirée de
CO2, de la fréquence respiratoire en cas d’anesthésie générale en ven-
tilation spontanée et sur des paramètres cliniques (coloration, signes
de détresse respiratoire, etc.).
Il faut de préférence utiliser des produits anesthésiques d’élimina-
tion rapide afin de pouvoir réveiller rapidement le patient en cas d’in-
tubation impossible.

Technique d’intubation difficile avec vision glottique

Intubation sous fibroscope


C’est la technique de référence en cas d’intubation difficile prévue.
Elle nécessite un apprentissage et une pratique régulière. L’intubation
142 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

se fait habituellement par le nez ; elle peut être gênée par les secré-
tions et le saignement.
L’intubation se fait chez un patient sédaté en ventilation spontanée.

Laryngoscopes spéciaux
Le laryngoscope à fibres optiques (de Bullard) (figure  6-5) est un
laryngoscope conventionnel associé à un canal opérateur et un man-
drin. Il est indiqué en cas de traumatisme du rachis cervical. Il est à
éviter en cas d’ouverture de bouche limitée.
Le laryngoscope doté d’un prisme de Hufman s’adapte à une lame
ordinaire et permet de gagner 30° de champ de vision. Il permet d’évi-
ter les hyperextensions du rachis cervical. La sonde est guidée par un
mandrin déformable.

Airtraq®
L’Airtraq® (figure  6-6) se présente comme un système doté d’un
canal latéral dans lequel se loge la sonde d’intubation. Sa forme est

Figure 6-5 Laryngoscope à fibres optiques (de Bullard).


ACCÈS AUX VOIES AÉRIENNES 143

Figure 6-6 Airtraq®.

celle d’une canule de Guedel de telle sorte qu’une fois introduite, l’ex-
trémité se trouve placée dans le sillon glosso-épiglottique sans néces-
sité de luxer le maxillaire inférieur. Grâce à un système de miroir,
la glotte est visible directement et la sonde peut être introduite sous
contrôle visuel après un discret mouvement d’ascension du système
permettant de positionner l’extrémité de la sonde en face de la glotte.

C-Trach®
Le C-Trach® (figure 6-7) est un dispositif qui permet l’intubation à
travers un masque laryngé (comme le Fastrach®) ; il possède en plus
des fibres optiques de part et d’autres permettant la visualisation de la
glotte sur un petit écran.

Intubation difficile à l’aveugle

Intubation sur guide


Lorsque la glotte n’est pas exposée, on peut passer un guide souple
(bougie ou mandrin d’Eschmann) sous l’épiglotte puis dans la tra-
chée ; on fait coulisser la sonde d’intubation sur le mandrin pour intu-
ber le patient. Ces guides souples peuvent être perforés, permettant
l’oxygénation du patient. Les guides peuvent être rigides mais expo-
sent au risque de traumatismes. Il existe d’autres mandrins  : guide
144 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Figure 6-7 C-Trach®. (Source : LMA North America)

Macintosh, mandrin à extrémité orientable, mandrin doté d’une source


lumineuse à son extrémité.

Augustine guide et stylets lumineux (Trachlight®)


Ils permettent l’intubation par transillumination de la trachée. Ils
existent sous forme pédiatrique.

Intubation à travers un masque laryngé


(LMA : Laryngeal Mask Airway)
Le diamètre de la sonde est limité et le taux d’échec est important.
La pose d’un masque laryngé de type Fastrach® permet la venti-
lation du patient mais ne protège pas contre le risque d’inhalation.
Il permet le passage de sonde de grande taille (n°  8) et pourra être
enlevé après intubation. On peut intuber le patient avec un fibroscope
à travers le masque laryngé.
Le masque laryngé Proseal® est comparable au masque laryngé
classique. Il améliore la protection contre les régurgitations et l’insuf-
flation gastrique et permet d’assurer la ventilation du patient devant
une intubation impossible.

Intubation rétrograde
C’est une technique invasive qui présente un taux d’échec faible
après apprentissage. Elle consiste à ponctionner la membrane crico-
ACCÈS AUX VOIES AÉRIENNES 145

thyroïdienne et à monter le guide en direction céphalique. On peut


utiliser soit un kit de voie centrale, de péridurale ou pour intubation
rétrograde de Cook. La vérification de la position intratrachéale après
ponction se fait par le test d’aspiration qui ramène de l’air facilement.
Le guide est récupéré dans la bouche avec la pince de Magill. On glisse
ensuite la sonde par l’orifice principal ou par l’œillet latéral de Murphy.
Cette technique est utilisée en cas de traumatologie maxillofaciale
ou du rachis cervical.

Combitube®
Il s’agit d’une sonde œsotrachéale à double lumière permettant la
ventilation et la protection des voies aériennes. Il comporte deux tubes
et deux ballonnets (proximal pharyngien et distal).
Sa mise en place se fait sans laryngoscope après lubrification et
sans mobilisation céphalique. Il permet la ventilation du patient en
cathétérisant soit la trachée, soit l’œsophage. Les deux ballonnets doi-
vent être gonflés.

STRATÉGIE DEVANT
UNE INTUBATION DIFFICILE

Elle est présentée dans la figure 6-8.

CONTRÔLE DE LA BONNE POSITION DE LA SONDE

La présence d’un capnogramme sur 6  cycles est le test le plus


fiable. L’auscultation pulmonaire est indispensable pour s’assurer que
la ventilation pulmonaire est bilatérale et symétrique.

EXTUBATION-RÉINTUBATION

Après une intubation difficile, l’extubation doit se faire chez un


patient parfaitement conscient.
Il faut se méfier du risque d’œdème pharyngolaryngé en cas d’in-
tubation difficile ayant nécessité des manœuvres itératives. Le test de
fuite recherche la présence de l’œdème en dégonflant le ballonnet, en
bouchant la sonde et en demandant au patient de respirer.
146 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Intubation Intubation AG avec ou


prévue prévue sans curares
impossible difficile

Intubation AG Intubation
vigile, ventilation difficile
fibroscopie, spontanée imprévue
trachéotomie

Ventilation Ventilation
au masque au masque
efficace inefficace

Autres Masque
Échec laryngé
techniques,
mandrins,
etc.

Succès Masque Succès :


laryngé chirurgie, Échec ou CI
intubation,
réveil

Chirurgie Échec O2
Succès
transtrachéal

Fibroscopie,
Chirurgie Succès Échec
lame droite
Réveil
(2 essais
Intubation
< 5 min)

Trachéo-
Succès Échec Réveil
tomie

Réveil

Figure 6-8 Arbre décisionnel de l’intubation difficile. (D’après SFAR. Confé-


rence d’expert. Intubation difficile. AFAR, 1996 ; 15 : 207-14.)
ACCÈS AUX VOIES AÉRIENNES 147

Si on a un doute, on peut extuber le patient sous fibroscope ou sur


un guide (Cook). Avant toute manipulation de la sonde, il faut penser
à bien préoxygéner le patient.
Un chariot d’urgence pour intubation difficile doit être disponible et
comporter le matériel nécessaire à une intubation difficile.

ABORD TRACHÉAL DE SAUVETAGE

Devant l’impossibilité d’assurer une ventilation efficace, le geste


essentiel consiste à assurer une oxygénation à l’aide d’un cathéter
transtrachéal. La ventilation se fait par Ambu® ou par jet-ventilation à
travers le cathéter (cathlon G14 ou aiguille de Tuohy).
La coniotomie ou cricothyroïdotomie avec des dispositifs utilisant
la technique de Seldinger permet l’insertion d’un matériel de mini-
trachéotomie dans la trachée.
La trachéotomie est difficile à réaliser dans les situations d’urgence
en l’absence de chirurgien spécialisé.

CHARIOT D’URGENCE POUR INTUBATION DIFFICILE

Il regroupe le matériel utile à une intubation difficile et doit


se trouver à proximité du site d’anesthésie. Il doit être régulière-
ment vérifié. Sa composition doit être établie en fonction du type
de patients, du type de chirurgie et des pratiques de l’ensemble de
l’équipe.
On doit y trouver :
— des mandrins rigides ;
— des mandrins souples permettant la ventilation ;
— des masques laryngés ;
— des masques laryngés Fastrach® de différentes tailles ;
— des sondes d’intubation de petit diamètre ;
— un Combitube® ;
— un prisme de Hufman ;
— des lames Macintosh modifiées ;
— des lames droites ;
— un kit d’intubation rétrograde ;
— un kit pour ventilation transtrachéale ;
— le matériel de mini-trachéotomie ;
— un fibroscope adulte et pédiatrique ;
Un patient difficile à intuber doit être informé avec remise d’un
compte rendu précisant la survenue d’une intubation difficile et les
moyens utilisés pour résoudre le problème.
148 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

POUR EN SAVOIR PLUS

Conférence de consensus. Prise en charge des voies aériennes en anesthésie


adulte à l’exception de l’intubation difficile. Recommandations du jury. Texte
long. Ann Fr Anesth Réanim. 2003 ; 22 : 35-175.
Cros AM, Bourgain JL, Diemunsch P, Francon D, Langeron O. Intubation
difficile. Conférence essentielle de la SFAR. Paris, Elsevier, 2005 : 389-401.
Chapitre 7

Pharmacologie
des agents anesthésiques

AGENTS ANESTHÉSIQUES INHALÉS

N. Lembert

Les agents anesthésiques halogénés (AAH) actuellement dispo-


nibles en France sont l’isoflurane, le desflurane et le sévoflurane. Le
protoxyde d’azote (N2O) est l’anesthésique général le plus ancien et le
plus administré depuis 150 ans.
Le desflurane et le sévoflurane sont les derniers agents mis sur le
marché. Ils tendent à améliorer la qualité de l’induction et du réveil
grâce à leurs caractéristiques physicochimiques.

PHARMACOCINÉTIQUE

La pharmacocinétique des agents anesthésiques inhalés est expli-


quée par le seul coefficient de solubilité dans le sang (λs ou coeffi-
cient de partage sang/gaz).
Trois classes d’agents peuvent être identifiées, d’un point de vue ciné-
tique, à partir de leur solubilité dans le sang : le protoxyde d’azote est
très peu soluble, le sévoflurane et le desflurane le sont un peu plus, et
l’isoflurane est le plus soluble de ces agents (tableau 7-I et figure 7-1).
Le coefficient de solubilité dans le sang permet de quantifier la
captation plasmatique et tissulaire de l’agent anesthésique. Moins
un agent est soluble, moins la captation tissulaire sera importante et
150 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Tableau 7-I Pharmacocinétiques des AAH

Agents inhalés λs FA/FI à 5’ FA/Fao à 5’


Protoxyde d’azote 0,47 0,92 0,12
Desflurane 0,49 0,75 0,14
Sévoflurane 0,68 0,72 0,15
Isoflurane 1,38 0,57 0,28

0,9

0,8

0,7

0,6 Isoflurane
Sévoflurane
Fa/Fi

0,5
Desflurane
0,4 N2O
0,3

0,2

0,1

0
0 2 5 10 15 20 25 30

Temps (min)

Figure 7-1 Pharmacocinétique des agents anesthésiques inhalés.

plus la concentration alvéolaire augmentera vite. De même, lorsque la


solubilité est faible, l’écart entre la concentration inspirée (FI) et la
concentration alvéolaire (FA) est faible et le rapport FA/FI est proche
de 1 ; FA figurant la concentration alvéolaire (appréciée par la fraction
télé-expiratoire de l’agent lue sur l’analyseur de gaz) et FI figurant la
concentration inspirée. La concentration inspirée dépend elle-même de
la fraction délivrée (affichée sur l’évaporateur) et du débit de gaz frais.
D’un point de vue pratique, plus la solubilité dans le sang est faible,
plus l’équilibre entre la fraction inspirée et la fraction alvéolaire (FA/FI)
va être rapide lors de l’administration de l’agent inhalé ; plus la mania-
bilité de l’anesthésie sera grande, et plus la décroissance de la fraction
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 151

alvéolaire (FA/FAO) va être rapide à l’arrêt de son administration. L’in-


térêt des courbes FA/FI et FA/FAO réside dans le fait que la pression
partielle cérébrale d’un AAH est directement liée à sa pression alvéo-
laire. Les anesthésiques inhalés sont donc les seuls agents anesthésiques
pour lesquels nous disposons du monitorage continu de la « profon-
deur » d’anesthésie par la mesure de leur fraction alvéolaire.
Bien sûr, les modifications de la ventilation alvéolaire, du débit
cardiaque, des concentrations administrées et l’importance de la bio-
transformation peuvent modifier de façon significative les cinétiques
de captation et d’élimination des AAH. En pratique, la rapidité de la
cinétique est proportionnelle à la ventilation alvéolaire et inversement
proportionnelle au débit cardiaque.

En conclusion
Moins l’agent est soluble (λs faible) :
→ moins la captation tissulaire est importante
→ plus la CA (reflet de la concentration cérébrale) augmente rapide-
ment (FA/FI rapidement proche de 1)
→ → plus l’induction anesthésique est rapide
→ plus la décroissance de la CA est rapide après arrêt administration
(FA/FAO rapidement proche de 0)
→ → plus le réveil est rapide
→ → → plus l’agent AAH est maniable

En pratique clinique, la vitesse de réveil liée à l’utilisation du sévo-


flurane ou du desflurane par rapport à l’isoflurane est de 4 à 5  min
en moyenne. C’est un avantage certain en chirurgie ambulatoire et
en période postopératoire d’actes chirurgicaux ou radiologiques sous
anesthésie générale nécessitant une évaluation précoce et fiable des
fonctions neurologiques (chirurgie carotidienne, neurochirurgie,
embolisation d’anévrysmes intracrâniens).

PHARMACODYNAMIE

Effets sur le système nerveux central

L’effet princeps des AAH est l’induction d’une narcose sans analgé-
sie. Les sites d’action des AAH ont été récemment précisés : le récep-
teur GABA, les canaux potassiques et le récepteur NMDA.
Le coefficient de solubilité dans l’huile (λH ou coefficient de partage
huile/gaz) explique quant à lui la puissance de l’agent inhalé, expri-
mée le plus souvent par la concentration alvéolaire minimale (CAM).
152 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Tableau 7-II Puissance des AAH

CAM CAM
Agents inhalés λH en 100 p. 100 à 70 p. 100
à FiO2 = 1 de N2O
Protoxyde d’azote 1,40 104 –
Desflurane 18,7 7,25 3,5

Sévoflurane 53,40 2,05 1,1


Isoflurane 91 1,15 0,5

La CAM est définie comme la concentration alvéolaire minimale qui


entraîne l’immobilité chez 50 p. 100 des patients soumis à un stimulus
nociceptif d’origine chirurgicale. Les CAM des divers AAH sont addi-
tives. Ainsi, l’isoflurane à 0,5  CAM associée à 0,5  CAM de N2O a le
même effet anesthésique que 1 CAM d’isoflurane ou de N2O administré
seul. D’autres types de CAM ont été décrits. La CAM 95 est la concen-
tration alvéolaire qui empêche la réaction motrice au stimulus chirurgi-
cal chez 95 p. 100 des patients ; sa valeur correspond à environ 1,2 fois
la CAM standard. La « CAM awake » est la concentration alvéolaire à
laquelle le patient anesthésié ouvre les yeux sur commande ; la valeur
correspond à environ la moitié de la CAM standard (tableau 7-II).
Tous les AAH induisent les modifications suivantes de façon dose-
dépendante et réversible :
— ↑ dose-dépendante du débit sanguin cérébral par vasodilatation
artérielle cérébrale ;
— ↓ de la consommation cérébrale d’O2 ;
— ↓ de l’amplitude et de la latence de l’onde corticale des poten-
tiels évoqués ;
— jusqu’à 0,5 MAC : ↑ de l’activité électrique cérébrale ;
— à partir d’1 MAC : ↓ de la fréquence de l’EEG et apparition de
burst suppression ;
— à partir de 2 MAC : périodes de plus en plus longues de silence
électrique.
Des crises convulsives ont été décrites au cours de l’induction anes-
thésique avec du sévoflurane. Leur relation avec la survenue de burst
suppression (silence EEG) chez l’enfant est discutée.

Effets cardiovasculaires (tableau 7-III)


Les effets cardiovasculaires sont dose-dépendants et réversibles.
Tous les AAH (isoflurane, sévoflurane, desflurane) induisent un effet
inotrope négatif modeste et comparable.
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 153

Tableau 7-III Effets cardiovasculaires des AAH

Isoflurane Sévoflurane Desflurane N2O


Contractilité ↓ ↓ ↓ ↓
Baroréflexe ↓ ↓ ↓ 0

RVS ↓↓↓ ↓ ↓ ↑
Débit cardiaque ↓ ↓ ↓ →
PAM ↓ ↓ ↓ ↑
Fréquence cardiaque ↑ → ↑ →
Arythmogénicité + + + 0
RV coronaires ↓↓↓ ↓ ↓ →

La vasodilatation induite par l’isoflurane est importante au niveau


de la circulation coronaire alors que les circulations splanchnique et
rénale ne sont pas modifiées de façon significative. La vasodilata-
tion coronaire induite par l’isoflurane a été accusée d’induire un vol
coronaire en présence d’un réseau coronaire pathologique. Il s’agit
d’une redistribution du flux sanguin coronaire au détriment du sous-
endocarde et du myocarde situé en aval d’une sténose coronaire. Chez
l’homme, la pertinence clinique de ce phénomène n’a pas été claire-
ment établie et il est admis que l’isoflurane n’augmente pas le risque
d’ischémie myocardique ou d’infarctus chez le patient coronarien
tant que la pression de perfusion coronaire est maintenue. Quoi qu’il
en soit, il paraît raisonnable d’éviter l’utilisation d’isoflurane chez les
patients au réseau coronaire très pathologique, particulièrement si une
dysfonction ventriculaire est associée. En présence d’une circulation
coronaire saine, l’augmentation du flux sanguin coronaire induit par
la vasodilatation coronaire compense la baisse de la pression de per-
fusion induite par la chute des résistances vasculaires systémiques.
Le desflurane est susceptible d’induire une stimulation sympathique
plus particulièrement lors d’administrations rapides de fortes concen-
trations (8  p.  100). Ce phénomène induit une tachycardie et une
hypertension artérielle qui sont délétères chez le patient atteint d’un
angor instable. Les répercussions de cette stimulation sympathique
sont diminuées voire abolies en présence de morphiniques.

Effet de préconditionnement
Il a été démontré de façon expérimentale un effet cardioprotecteur
des AAH, plus difficile à mettre en évidence chez l’homme. Toutefois
154 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

il existe chez les patients de chirurgie cardiaque une diminution de la


mortalité et de l’ischémie périopératoire lors d’une anesthésie utilisant
les AAH par rapport à une anesthésie intraveineuse stricte.

Effets respiratoires

Les effets respiratoires sont également dose-dépendants et réver-


sibles.
Tous les AAH diminuent la ventilation alvéolaire (isoflurane
> desflurane > sévoflurane) et induisent une augmentation dose-
dépendante de la PaCO2. La dépression ventilatoire plus pronon-
cée avec l’isoflurane est liée à une moindre augmentation de la
fréquence respiratoire. Cette dépression respiratoire résulte d’une
dépression de l’activité des centres nerveux respiratoires et d’une
diminution de la contractilité des muscles respiratoires. Tous les
AAH diminuent la réponse ventilatoire au CO2 et à l’hypoxie. Ceci
est particulièrement important à considérer lors de la phase de
réveil en SSPI.
Les AAH sont dits bronchodilatateurs. En fait ils n’augmentent pas
le calibre des bronches normales mais diminuent le bronchospasme
induit par une action antigénique, vagale ou médicamenteuse. Les
fonctions ciliaire (évacuation du mucus) et macrophagique pulmonaire
sont altérées par les AAH.
Enfin seul le sévoflurane est dépourvu d’effet irritant sur les voies
aériennes supérieures autorisant l’induction de l’anesthésie par inhala-
tion avec cet agent chez l’enfant comme chez l’adulte.

Autres effets

Tous les AAH induisent une relaxation des muscles striés squelet-
tiques et sont susceptibles de déclencher une crise d’hyperthermie
maligne chez les patients génétiquement prédisposés. En pratique cli-
nique, les AAH potentialisent l’effet des curares.
Tous les AAH induisent de façon comparable une relaxation des
muscles lisses de l’utérus et diminuent le flux sanguin utérin. Ces
effets sont surtout marqués au-delà d’une CAM. La relaxation utérine
induite par les AAH contre-indique son utilisation en chirurgie obs-
tétricale. Les AAH traversent rapidement la barrière fœto-placentaire
mais sont rapidement exhalés par le nouveau-né.
Tous les AAH diminuent la pression intra-oculaire d’autant plus
que le patient est en ventilation contrôlée avec une PaCO2 normale
ou basse.
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 155

MÉTABOLISME ET TOXICITÉ

La biotransformation hépatique de l’isoflurane et du desflurane pro-


duit de l’acide trifluoro-acétique. Ce métabolite lorsqu’il se lie à des
protéines hépatocytaires peut être à l’origine d’hépatites fulminantes
immuno-allergiques décrites après administration d’halothane. Toute-
fois, la très faible proportion d’isoflurane et de desflurane métabolisé
diminue les risques d’hépatite immuno-allergique. La biotransforma-
tion du sévoflurane ne produit pas d’acide trifluoro-acétique.
En passant au travers du canister contenant de la chaux sodée, le
sévoflurane est dégradé en composé A, ayant démontré des propriétés
néphrotoxiques chez le rat mais aucun cas de toxicité n’a été rapporté
depuis l’utilisation clinique du sévoflurane (1990).
Le desflurane est, lui, susceptible de produire du monoxyde de car-
bone en passant dans un circuit filtre.
Mais l’utilisation dans les circuits d’un absorbeur de CO2 dépourvu
de bases fortes (soude et potasse) a permis l’absence de formation du
composé A et de monoxyde de carbone, conférant aux AAH une toxi-
cité clinique extrêmement faible.

MODE D’ADMINISTRATION : AINOC

L’AINOC (anesthésie inhalatoire à objectif de concentration) est


un mode d’administration des AAH se rapprochant de l’AIVOC pour
l’anesthésie intraveineuse.
En effet la MAC n’a en pratique aucun intérêt car elle dépend de
nombreux paramètres intriqués : l’âge et la température du patient, la
concentration de N2O et surtout la concentration plasmatique du mor-
phinique administré de façon concomitante.
Le seul paramètre à prendre en compte pour piloter l’anesthésie est
la fraction télé-expiratoire de l’AAH, qui à l’équilibre est égale à sa
concentration cérébrale.
Il existe actuellement plusieurs stations d’anesthésie automati-
sées permettant de conduire l’anesthésie en ciblant la fraction télé-
expiratoire de l’AAH (Fet cible).
Des techniques de rétrocontrôle adaptent automatiquement la
fraction délivrée de l’AAH et le débit de gaz frais pour atteindre et
maintenir cette concentration cible. Leur utilisation générerait une
économie en AAH d’autant plus importante que l’anesthésie a été
longue.
156 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

PROTOXYDE D’AZOTE

N. Lembert

PHARMACOCINÉTIQUE

Le N2O a la cinétique la plus rapide de tous les anesthésiques par


inhalation, étant le moins soluble. Cette cinétique détermine trois de
ses caractéristiques majeures :
— sa vitesse d’induction, c’est-à-dire la possibilité d’induire l’anes-
thésie au masque ;
— sa diffusion dans les cavités closes ;
— la vitesse du réveil même après une administration prolongée.

DIFFUSION DANS LES CAVITÉS CLOSES

Étant environ 30  fois plus diffusible que l’azote, le N2O, au début
de son administration, pénètre beaucoup plus rapidement dans les
cavités aériennes closes que l’azote n’en sort. De ce fait il en aug-
mente le volume quand les parois sont distensibles ou la pression
intracavitaire quand elles sont rigides. Les cavités à paroi distensibles
sont l’estomac et l’intestin, le pneumothorax, la bulle d’emphysème
pulmonaire, l’emphysème sous-cutané, l’embole gazeux, le pneumo-
péritoine pathologique ou celui créé avec le CO2 pour la cœliochirur-
gie, les ballonnets (tube endotrachéal en particulier).
Les cavités à paroi rigide sont la boîte crânienne (pneumencéphale),
les sinus ne communiquant pas avec les voies aériennes pour des rai-
sons pathologiques, l’oreille moyenne en l’absence de déglutition ou
si la trompe d’Eustache n’est pas perméable, le globe oculaire (décol-
lement de rétine traité par injection d’air).

EFFET 2e GAZ

Le N2O étant peu soluble dans le sang, son absorption et l’élévation


de sa concentration alvéolaire sont très rapides. Le passage alvéole-
sang du N2O est plus rapide que pour l’O2 et les vapeurs halogénées.
Cette captation plus rapide détermine une élévation relative de la
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 157

concentration alvéolaire de l’O2 et de la vapeur anesthésique (effet du


2e gaz).
En fin d’administration, l’élimination du N2O est rapide et lors
de cette élimination, le volume des gaz expirés dépasse celui des
gaz inspirés. Le passage sang-alvéole est suffisamment rapide pour
que le N2O diminue la concentration des autres gaz présents dans
l’alvéole (effet du 2e gaz inverse). En ventilation spontanée à l’air
ambiant, à plus forte raison en cas d’hypotension alvéolaire, ce
retour alvéolaire du N2O peut être à l’origine d’une hypoxie de dif-
fusion ou effet Fink.

COMBUSTION

Le N2O est un gaz non inflammable mais comburant, c’est-à-dire


qu’il se décompose en azote et oxygène si la température excède
450 °C. Cette dernière particularité amène à prendre des précautions
en cas de chirurgie au laser ou utilisation de bistouri électrique à proxi-
mité des voies aériennes ou des cavités où le protoxyde d’azote aurait
diffusé. En cas de chirurgie laparoscopique compliquée d’une perfo-
ration intestinale accidentelle avec libération de méthane et d’hydro-
gène, la présence de N2O qui avait diffusé dans la cavité péritonéale
comporte un risque théorique de combustion et d’explosion. Même
si ce fait est rarissime, il faut renouveler régulièrement le mélange
gazeux contenu dans la cavité péritonéale et arrêter le N2O en cas de
perforation intestinale.

EFFET ANALGÉSIQUE ET ANESTHÉSIQUE

Le N2O a un effet analgésique et anesthésique notable, comparé aux


autres anesthésiques par inhalation actuellement sur le marché. Avec
une fraction de 0,25 dans de l’O2, insuffisante pour provoquer une
perte de connaissance, il établit une analgésie équivalente à celle pro-
duite par 15 mg de morphine IM. C’est pourquoi il est utilisé comme
analgésique par inhalation dans certains états douloureux.
Son utilisation comme agent adjuvant d’anesthésie générale a aussi
montré un intérêt en termes d’épargne morphinique postopératoire.
De par ses propriétés anti-NMDA, il a été rapporté que le N2O limi-
terait les phénomènes d’hyperalgésie et d’allodynie consécutives à
l’administration de fortes doses d’opioïdes chez l’animal.
Le N2O est le moins liposoluble des anesthésiques par inhalation
et donc le moins puissant. Du fait de sa faible puissance, le N2O est
administré à la fraction de 0,70 p. 100 pour l’induction d’une anesthé-
sie par inhalation et dans le cadre d’une anesthésie combinée avec un
158 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

agent IV, soit seul, soit associé à un agent halogéné. Le N2O diminue
en effet la dose d’anesthésiques IV requise pour prévenir une réponse
à un stimulus chirurgical, ainsi que la MAC des autres anesthésiques
par inhalation, et ce de façon dose-dépendante.

EFFETS CARDIOVASCULAIRES ET RESPIRATOIRES

Le N2O est un dépresseur myocardique direct, effet compensé par


ses propriétés sympathomimétiques. Il ne provoque donc au total
qu’une relativement faible dépression cardiovasculaire. Celle-ci peut
toutefois devenir importante en cas d’association à un morphinique
à dose suffisante pour supprimer les effets sympathicomimétiques
du N2O.
Le N2O élève modérément les résistances vasculaires pulmonaires.
Quand celles-ci sont déjà hautes, en particuliers chez les très jeunes
enfants, leur augmentation supplémentaire par le N2O peut perturber
le shunt et perturber l’oxygénation. Le N2O a des effets respiratoires
mineurs.

AUTRES EFFETS

Le N2O dilate les vaisseaux cérébraux et augmente la PIC. Ces


effets sont accentués par l’adjonction d’un anesthésique halogéné et
atténués ou prévenus par l’administration d’une benzodiazépine.
L’effet du N2O sur les nausées et vomissements postopératoires a
donné lieu à de nombreux travaux. Une majorité d’entre eux a conclu
à un effet favorisant. Face à un patient à fort risque de NVPO il est
logique d’éviter l’administration de protoxyde d’azote.
Le N2O inactive la vitamine B12 (cobalamine), en oxydant de façon
irréversible l’ion cobalt qui la constitue. Cette inactivation donne
naissance à un état comparable à celui observé en cas de déficit en
vitamine B12 (anémie de Biermer). Ces effets néfastes sur l’hémato-
poïèse ont été mis en évidence lors de l’administration prolongée de
N2O ; elle n’apparaît pas dans les conditions normales d’utilisation
en anesthésie. Le N2O inhalé au long cours a également des effets
indésirables nerveux et donne lieu à une polyneuropathie sensitivo-
motrice par démyélinisation des fibres longues. Compte tenu de ces
effets, l’administration de N2O dans le cadre d’une anesthésie ne doit
pas dépasser 24 h.
Le N2O est un agent d’appoint qui est utile et qui diminue le coût
des autres agents. Presque tous ses inconvénients peuvent être minimi-
sés voire supprimés par un certain nombre de précautions et le respect
de ses contre-indications.
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 159

• Contre-indications absolues :
— chirurgie avec laser ou bistouri électrique proche d’une zone de
diffusion du N2O ;
— chirurgie de l’oreille moyenne ou sinusale occlusive ;
— interventions itératives répétées à moins d’une semaine d’intervalle.
• Contre-indications relatives :
— compliance intracrânienne limitée ;
— traumatisme du thorax et suspicion de pneumothorax ;
— insuffisance ventriculaire gauche ;
— antécédents de NVPO sévères ;
— occlusion digestive et interventions chirurgicales longues ;
— patients présentant un déficit connu en vitamine B12 ;
— défaillance multiviscérale et états de choc.

POUR EN SAVOIR PLUS

Debaene B. Les halogénés. Les essentiels. 53e congrès d’anesthésie et de réanima-


tion. Médecins. SFAR, Paris, 2011.
Richebé P, Pfeiff R, Simonnet G, Janvier G. Faut-il supprimer le protoxyde
d’azote au bloc opératoire ? Conférences d’actualisation de la SFAR. Paris, Else-
vier, 2006 : 133-155.

PRINCIPAUX HYPNOTIQUES
INTRAVEINEUX

M.-C. Becq, V. Billard

GÉNÉRALITÉS ET PROPRIÉTÉS COMMUNES

Le principal rôle des hypnotiques en anesthésie est d’assurer la


perte de la conscience et l’amnésie de la période opératoire de façon
rapidement réversible.
À l’échelon moléculaire, les agents anesthésiques modulent positi-
vement la transmission inhibitrice médiée par les récepteurs GABAA.
Leur cible principale est le système nerveux central (SNC), ce qui a
plusieurs conséquences :
— sur le plan pharmacologique (PD) : les hypnotiques agissent à
la fois sur les structures cérébrales profondes et sur le cortex, ce qui
a permis d’utiliser l’électroencéphalogramme (EEG) pour monitorer
160 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

l’intensité de leurs effets. Ils agissent aussi à des degrés divers sur
le système nerveux autonome et ont par ce biais un retentissement
cardiovasculaire ;
— sur le plan pharmacocinétique (PK)  : tous les hypnotiques IV
doivent passer la barrière hémato-encéphalique. Ils doivent donc être
lipophiles et ont un grand volume de distribution à l’équilibre avec un
risque d’accumulation en cas d’administration prolongée et de retard
de réveil.
Deux principaux facteurs influencent la pharmacocinétique des hyp-
notiques IV :
— la fixation protéique : les hypnotiques IV sont largement liés aux
protéines (albumine) mais seule la fraction libre diffuse. Une hypo-
albuminémie peut donc augmenter la fraction libre et l’intensité des
effets ;
— le débit cardiaque : tous les hypnotiques IV sont dépendants du
métabolisme hépatique, dont la vitesse dépend du débit sanguin et du
métabolisme enzymatique hépatique.
Relation PKPD. La probabilité de perdre conscience, comme l’in-
tensité des effets secondaires des hypnotiques intraveineux, est paral-
lèle à la concentration à leur site d’action :
— à faible concentration, tous les patients sont éveillés et peuvent
mémoriser des évènements peropératoires, ce qui constitue une expé-
rience traumatisante, surtout s’ils sont curarisés ;
— à concentration intermédiaire, la perte de conscience est obtenue
avec peu d’effets indésirables ;
— à forte concentration, il n’y a plus de bénéfice sur le sommeil
mais seulement une accumulation inutile de médicament qui retarde le
réveil, et majore les effets secondaires.
Contrôler la concentration en ajustant les doses selon les propriétés
pharmacocinétiques de chaque agent permet de contrôler l’intensité
des effets pharmacologiques. Titrer la concentration pour maintenir la
concentration minimale nécessaire à la perte de conscience en mini-
misant les effets secondaires est nécessaire à l’induction comme pen-
dant l’entretien de l’anesthésie.

IMPLICATIONS CLINIQUES DES NOTIONS


DE PHARMACOCINÉTIQUE

Induction

Le bolus IVD est le moyen le plus rapide d’atteindre la concen-


tration d’endormissement d’un agent IV. Augmenter la dose rac-
courcit le délai d’action mais prolonge la durée et aggrave les
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 161

effets secondaires liés au surdosage. Pour les hypnotiques comme


pour les morphiniques et les curares, les doses habituellement
recommandées à l’induction sont un compromis entre délai, durée
et surdosage.
La perfusion, à vitesse constante, met plusieurs dizaines de minutes
pour atteindre une concentration stable, ce qui est inacceptable en
anesthésie.
La combinaison d’un bolus initial et d’une perfusion à vitesse pro-
gressivement décroissante permet d’atteindre aussi vite que possible
une concentration choisie puis de la maintenir stable. C’est le principe
de l’AIVOC (voir Chapitre 8, Anesthésie intraveineuse à objectif de
concentration).

Entretien et réveil

Un hypnotique d’entretien doit permettre un réveil rapide.


Pour prévoir ce délai de réveil, on utilise un paramètre appelé
temps de décroissance, défini comme le temps que met la concen-
tration pour décroître de la valeur où elle est à l’arrêt de la perfu-
sion à une valeur supposée de réveil. Le temps de décroissance est
d’autant plus long que la perfusion a été longue et à concentration
élevée.
En pratique, seul le propofol est utilisé en perfusion pour l’entretien
d’une anesthésie générale alors que le midazolam sera plutôt utilisé
en bolus pour la sédation en anesthésie et que les deux sont utilisés
en perfusion en réanimation où des délais de réveil longs sont accep-
tables (tableau  7-IV). Mais même le propofol s’accumule et il est
recommandé de titrer les doses pendant l’entretien (par exemple en
s’aidant de l’EEG) pour administrer les doses minimales nécessaires
afin de réduire le délai de réveil.

SPÉCIFICITÉS DES DIFFÉRENTS AGENTS


ET UTILISATION CLINIQUE

Thiopental (Pentothal®)

Le thiopental est un barbiturique soufré, soluble dans l’eau et pré-


senté sous forme de flacons de poudre que l’on dilue à 2,5  p.  100
(25 mg/ml) ou 1  p.  100 (pédiatrie). La solution a un pH à 10,5 qui
explique un effet très irritant pouvant aller jusqu’à la nécrose cutanée
en cas d’injection extravasculaire ou intra-artérielle.
162

Tableau 7-IV Principales indications des hypnotiques intraveineux

Thiopental Propofol Étomidate Kétamine Midazolam


Induction AG Oui Oui Oui ± ± (co-induction)
Entretien AG Non Oui Non ± Non

Sédation en anesthésie Non Oui Non ± Oui (en bolus)

Sédation en réanimation Non Oui Non Non Oui (en perfusion)


TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Indications spécifiques État de mal Ambulatoire État de choc État de choc Prémédication
convulsif Sédation + ALR Intubation en Tamponnade Sédation + ALR
HIC rebelle Cardio/radio- réanimation ou Asthme aigu Cardio/radio-
interventionnelle préhospitalier interventionnelle
Chir. de guerre
Endoscopies Endoscopies
Effet IIe spécifique Non Non Dépression ↑ pression art. Non
surrénale Hallucinations
Accumulation Oui +++ Faible Faible Faible Oui
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 163

Effets pharmacologiques
• Effets sur le système nerveux central :
— effets hypnotique et anticonvulsivant ;
— pas d’effet antalgique d’où un contrôle insuffisant de la réacti-
vité à l’intubation nécessitant l’association d’autres classes médica-
menteuses (morphinique, curare…) ;
— diminution de la PIC (pression intracrânienne), du DSC (débit
sanguin cérébral) et de la CMRO2 (consommation cérébrale moyenne
régionale en O2, d’où une protection cérébrale contre l’hypoxie ou
l’hypertension intracrânienne) ainsi que la pression intraoculaire ;
— pas de dépression du centre du vomissement ;
— dépression des centres vasomoteurs et thermorégulateurs à forte
dose ;
— effets sur l’EEG : activation des fréquences rapides à faible dose,
puis dépression dose-dépendante de l’activité EEG jusqu’au tracé plat.
• Effets cardiovasculaires :
— dépression myocardique directe et diminution du tonus sympa-
thique induisent une baisse de la pression artérielle, du débit cardiaque
et des débits sanguins régionaux ;
— tachycardie fréquente responsable d’une augmentation de la
consommation d’oxygène du myocarde et pouvant induire une isché-
mie myocardique ;
• effets respiratoires : dépression respiratoire centrale se traduisant à
l’induction par une apnée de quelques dizaines de secondes, suivie par
une dépression de la commande ventilatoire.
• Autres effets :
— utérus : effet tocolytique modeste ;
— diurèse  : diminuée par stimulation post-hypophysaire et baisse
du débit sanguin rénal ;
— possible histaminolibération : du rash cutané (fréquent) au choc
anaphylactique (très rare) ;
— nausées, vomissements postopératoires, toux, hoquet ;
— ischémie si injection intra-artérielle et/ou nécrose tissulaire si
diffusion extravasculaire ;
— phlébothrombose ;
— enfin, le thiopental aurait à long terme un effet dépresseur de
l’immunité cellulaire à prendre en compte en chirurgie carcinologique ;
— incompatibilité chimique avec les curares (précipitation) impo-
sant un rinçage de tubulure entre les 2 agents.

Pharmacocinétique (tableau 7-V)
• Diffusion rapide au SNC et fixation massive à l’albumine : une injec-
tion rapide permet de saturer la liaison et augmente la forme libre active.
164

Tableau 7-V Principales caractéristiques pharmacocinétiques des agents hypnotiques intraveineux

Thiopental Propofol Étomidate Kétamine Midazolam


Type de molécule Acide faible Base Base
pKa 7,6 4,24 7,5 6,2
Fixation protéique 85 p. 100 98 p. 100 75 p. 100 12 p. 100 96 p. 100
Volume de distribution (l/kg) 3à6 ~ 10 2à5 2,5-3,5 1,7

CL (ml ⋅ min–1 ⋅ kg–1) 3 28 18-24 16-19 8,6


TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

T1/2 élimination (h) 8-11 2-4 ? 2-4 3h 2à3


Délai de pic d’action (min) 1-1,5 1,5-2,5 1,5-2 3
Temps de décroissance de 50 p. 100 (min) (20 ans/80 ans)
après 60 min de perfusion 40 6 30/40
après 120 min de perfusion 57 8 50/60
après 4 h de perfusion 125 10 100/140
après 8 h de perfusion 5 h 20 min 12 160/260
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 165

• Métabolisme essentiellement hépatique (cytochrome P450 ou


« CYP450 » puis glucurono-conjugaison). Produit surtout des méta-
bolites inactifs et un métabolite actif, le pentobarbitone, en quantité
négligeable après un bolus unique mais non négligeable après une
perfusion. L’activité enzymatique hépatique est l’élément limitant de
la clairance et est saturable.
• L’élimination est urinaire (70  p.  100 sous forme métabolisée,
30 p. 100 sous forme inchangée).
• Modifications en fonction du terrain :
— nouveau-né : la fraction libre est augmentée par hypoprotidémie
et doit faire réduire les doses ;
— sujet âgé  : le volume de distribution est diminué mais la dose
d’induction varie peu ;
— femme enceinte ou patient obèse : le volume de distribution est
augmenté et augmente la demi-vie d’élimination alors que la clairance
rapportée au poids ne varie pas. Le passage de la barrière hémato-
placentaire est massif et rapide ;
— insuffisant rénal chronique  : augmentation de la fraction libre
(×  2) due à l’hypoprotidémie. Elle induit à la fois une augmentation
du volume de distribution et de la clairance mais aussi de la diffusion
vers le SNC et peut faire diminuer la dose d’induction ;
— insuffisant hépatocellulaire : l’augmentation de la fraction libre
est contrebalancée par la diminution de clairance.

Utilisation clinique
• Induction de l’anesthésie :
— Dose : 5 à 7 mg/kg en bolus IVD lent ;
— délai d’action (à cette dose)  : 30 à 60  s ; durée d’action  : 5 à
10 min ;
— réduire la dose chez le nouveau-né, l’insuffisant rénal et hépa-
tique, le sujet dénutri, obèse ou en état de choc.
• Contre-indications :
— absolues : porphyries ; allergie aux barbituriques ;
— relatives : insuffisance cardiaque sévère, hypovolémie non com-
pensée.
• Présentation  : flacon de 1 g (ou 500 mg) de lyophilisat à diluer
dans 40 (ou 20 ml) pour obtenir 25 mg/ml (2,5 p. 100).

Propofol (Diprivan®)

Le propofol (di-isopropyl phénol) est un dérivé phénolique, inso-


luble dans l’eau, présenté dans une émulsion lipidique (d’où sa cou-
leur lactée), à une concentration à 1 ou 2 p. 100.
166 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Effets pharmacologiques
• Effets sur le système nerveux central :
— effet hypnotique ; anxiolytique à faible dose ;
— pas d’effet antalgique ;
— effet anti-émétique démontré ;
— mouvements tonico-cloniques à l’induction, rares ;
— désinhibition au réveil avec sensations agréables ;
— diminution de la PIC, du DSC et de la CMRO2 mais effet pro-
tecteur cérébral non démontré chez l’homme ;
— effets sur l’EEG biphasique  : composantes rapides (α et β) pen-
dant la phase de logorrhée qui précède l’endormissement (concentra-
tion ~ 1,5  μg/ml) ; remplacées progressivement, à partir de la perte de
conscience et de l’apnée, par des composantes lentes (θ et δ). À forte
dose (concentration > 5  μg/ml), lambeaux de tracés plats séparés de
bouffées de plus en plus rares d’activité électrique (burst suppressions) ;
— effet à la fois proconvulsivant (rare) et anticonvulsivant (après
sismothérapie).
• Effets cardiovasculaires :
— diminue la pression artérielle systolo-diastolique, essentiellement
par vasodilatation, ± dépression myocardique modérée à forte dose ;
— diminution modérée de la fréquence cardiaque ;
— diminution modérée du débit cardiaque, du débit sanguin coro-
naire et de la consommation d’oxygène du myocarde ;
— ces effets sont renforcés par l’association d’un morphinique et
majorés en cas d’hypovolémie ou d’atteinte cardiaque préalable ;
— le surdosage en propofol peut provoquer une hypotension pro-
fonde simulant un choc anaphylactique.
• Effets respiratoires :
— dépression de la commande ventilatoire parallèle à la concentra-
tion, portant sur la fréquence et le volume, et pouvant aller jusqu’à l’ap-
née. La concentration d’apnée, toujours supérieure à la concentration
sédative, permet par titration le maintien d’une ventilation spontanée ;
— dépression respiratoire potentialisée par les morphiniques et les
benzodiazépines ;
— diminution des réflexes laryngés et trachéo-bronchiques et relâ-
chement des muscles pharyngo-laryngés facilitant l’insertion d’un
masque laryngé ou l’intubation sans curare, mais pouvant provoquer
une apnée obstructive à l’induction, surtout chez l’obèse ;
— absence de bronchoconstriction (intérêt chez l’asthmatique).
• Autres effets :
— douleur à l’injection, fréquente sur voie périphérique distale
(30 à 60 p. 100), diminuée en faisant précéder l’injection d’un bolus
de lidocaïne (0,4 mg/kg avec garrot veineux) ou en utilisant une for-
mulation diluée dans des lipides à chaînes moyennes (Lipuro®) ;
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 167

— risque infectieux : a priori limité à de mauvaises pratiques pro-


fessionnelles (seringues « ouvertes » sur un long délai avant injec-
tion). En France, certaines formulations de propofol ne contiennent
ni conservateur, ni agent antimicrobien, ce qui impose une asepsie de
préparation rigoureuse et une utilisation immédiate après ouverture.
Les ponctions-aspirations multiples dans un même flacon sont formel-
lement interdites. Les seringues pré-remplies lorsqu’elles sont dispo-
nibles doivent être préférées ;
— risque de déstabilisation de l’émulsion par le mélange avec
d’autres médicaments comme la xylocaïne avec constitution de
micelles pouvant induire une embolie graisseuse. Ce risque peut être
évité si le mélange propofol-xylocaïne est préparé immédiatement
avant l’injection ;
— rares cas d’acidose métabolique, rhabdomyolyse et insuffisance
cardiaque après des perfusions de plusieurs jours et à forte dose sur
des patients en état critique ou chez des enfants ;
— effet anti-émétique à faible dose.

Pharmacocinétique (voir tableau 7-V)


• Caractérisée par une clairance d’élimination 8 à 10 fois supérieure
au thiopental.
• La décroissance initiale de la concentration et la demi-vie contex-
tuelle sont rapides même après une perfusion de longue durée (demi-
vie contextuelle  : temps pour une décroissance de 50  p.  100 de la
concentration plasmatique).
• Le métabolisme est principalement hépatique (CYP450 puis glu-
corono- et sulfoconjugaison) et débit cardiaque-dépendant mais un
métabolisme pulmonaire a aussi été décrit.
• L’élimination est urinaire (à 90 p. 100 sous forme métabolisée).
• Modifications en fonction du terrain :
— chez le sujet âgé, la clairance et le volume de distribution sont
diminués, alors que la sensibilité est augmentée, et doivent faire dimi-
nuer les doses de 30 à 50 p. 100 ;
— la cinétique du propofol est peu modifiée chez la femme
enceinte, l’insuffisant rénal ou le cirrhotique ;
— le délai de pic d’action et le délai d’endormissement sont allon-
gés chez l’alcoolique et peuvent être pris à tort pour une augmentation
des besoins ;
— le passage de la barrière hématoplacentaire est facile.

Utilisation clinique
• Induction de l’anesthésie :
— dose habituelle : 2-3 mg/kg IVD lente chez l’adulte ;
168 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

— augmentée à 3-4 mg/kg chez l’enfant ou pour une intubation


sans curare ;
— induction par titration (patient fragile)  : 1-1,5 mg/kg + bolus
additionnels de 0,5 mg/kg si besoin ou AIVOC.
• Entretien :
— en l’absence de stimulation douloureuse, la perte de conscience
peut être maintenue chez la plupart des patients avec une concentra-
tion de l’ordre de 3 μg/ml par la posologie suivante : 1-1,5 mg/kg IVD,
10 mg/kg/h pendant 10 min, 8 mg/kg/h pendant 10 min puis 6 mg/kg/h ;
— pour la chirurgie, la dose nécessaire est d’autant plus forte que
la stimulation est intense et la dose de morphinique associée faible
(chirurgie viscérale  > ORL  > chirurgie de surface  > chirurgie car-
diaque). Une perfusion de 8 à 15 mg/kg/h induit un niveau d’anesthé-
sie adéquat dans la plupart des cas ;
— toute augmentation de vitesse de perfusion doit être précédée
d’un bolus pour avoir un effet rapide ;
— attention : même si le patient ne réagit pas à la chirurgie grâce au
morphinique, diminuer excessivement les doses de propofol expose à
un risque de réveil peropératoire et de mémorisation postopératoire. Il
est recommandé de maintenir la concentration > 2 μg/ml (ou la vitesse
de perfusion > 4 mg/kg/h) sauf si l’on dispose d’un monitorage de la
profondeur de l’hypnose (EEG).
• Sédation en anesthésie ou en réanimation  : ~1/3 des doses
d’anesthésie soit 0,5 mg/kg puis 1 à 2 mg/kg/h sans excéder 4 mg/kg/h.
• Contre-indications :
— allergie au propofol ou aux dérivés de l’œuf et de l’huile de soja ;
— à manipuler avec précautions chez le patient hypovolémique.
• Présentation  : ampoules de 20 ml à 1  p.  100, seringues prérem-
plies de 50 ml à 1  p.  100 ou  2  p.  100, flacons de 50 ou 100 ml à
1 p. 100.

Étomidate

Dérivé imidazolé, en solution dans du propylène glycol (Hypno-


midate®) ou dans une émulsion lipidique (Étomidate Lipuro®).

Effets pharmacologiques
• Effets sur le système nerveux central :
— effet hypnotique et anti-convulsivant ;
— pas d’effet antalgique ;
— diminution de la PIC, du DSC, de la CMRO2 et de la pression
intraoculaire. Maintient la pression de perfusion cérébrale ;
— possible agitation et confusion au réveil.
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 169

• Effets cardiovasculaires :
— action négligeable sur la pression artérielle, le débit cardiaque,
le baroréflexe et la consommation d’oxygène du myocarde aux doses
cliniques habituelles, ce qui en fait l’agent d’induction du patient fra-
gile ou en détresse vitale ;
— discrète augmentation du débit coronaire par vasodilatation ;
— pas d’histaminolibération.
• Effets respiratoires :
— dépression respiratoire faible ;
— pas de bronchospasme ;
— relâchement pharyngo-laryngé facilitant l’intubation.
• Autres effets :
— douleurs à l’injection sur veine périphérique distale (réduites
avec la suspension lipidique) ;
— thrombophlébites ;
— myoclonies voire rigidité à l’induction (réduites si benzodiazé-
pine en prémédication ou morphinique) ;
— dépression de la fonction cortico-surrénale même en injection
unique. Ce blocage est réversible en 24 à 48 h ;
— nausées et vomissements postopératoires.

Pharmacocinétique (voir tableau 7-V)


Modification selon le terrain : le volume de distribution initial est
augmenté chez l’enfant, et diminué chez le sujet âgé d’où la nécessité
d’adapter la dose d’induction dans ces populations.

Utilisation clinique
• Induction en anesthésie ou en médecine d’urgence. Dose d’in-
duction  : 0,2-0,4 mg/kg en IVD lente (+  30  p.  100 chez l’enfant,
– 50 p. 100 chez le sujet âgé).
• Contre-indications :
— absolues  : hypersensibilité à l’étomidate ; enfant âgé de moins
de 2 ans ;
— relatives : insuffisance surrénalienne non traitée.
• Présentation : ampoules de 10 ml dosées à 2 mg/ml.

Chlorhydrate de kétamine (Kétalar®)

La kétamine est un dérivé de la phencyclidine dont l’utilisation


comme agent anesthésique a été presque abandonnée à cause d’effets
hallucinatoires jugés inacceptables. Elle garde d’excellentes indica-
tions chez des patients en état hémodynamique ou respiratoire pré-
170 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

caire, en médecine de guerre ou de catastrophe (voir tableau 7-IV). En


revanche, ses effets analgésiques, présents à faible dose, sont associés
à peu d’effets secondaires et en ont récemment relancé les indications.
La kétamine est une molécule asymétrique, commercialisée sous
forme d’un mélange racémique dont les 2  composantes ne sont pas
équivalentes  : la S+  kétamine est un analgésique plus puissant que la
R-  kétamine et environ 2 fois plus puissant que le racémique. Elle est
plus amnésiante et induit moins d’effets psychodysleptiques et d’agi-
tation au réveil. Elle a une clairance élevée ce qui raccourcit le délai
de réveil. Elle n’est pour l’instant pas commercialisée en France.
L’administration de la kétamine est possible par quasiment toutes les
voies (IV, IM, SL). Cependant, le solvant de la kétamine (Kétalar®), le
chlorbutanol, est un neurotoxique contre-indiquant l’injection périneu-
rale. Malgré ses propriétés anesthésiques locales, la solution de kétamine
ne doit pas être utilisée en anesthésie locorégionale.
Son mécanisme d’action est complexe. Il est réputé pour interagir
avec de nombreux systèmes biologiques, notamment les récepteurs
opiacés, cholinergiques, monoaminergiques, purinergiques et NMDA.
Néanmoins, les récepteurs NMDA semblent être à la base de l’effet de
la kétamine sur la douleur postopératoire.

Effets pharmacologiques
• Effets sur le système nerveux central :
— effet hypnotique  : induit une anesthésie « dissociative » (état
cataleptique avec analgésie profonde, sommeil superficiel et amnésie) ;
— effet analgésique  : apparaît pour des doses 10  fois plus faibles
que l’effet hypnotique, lié à un blocage non compétitif du récepteur
au NMDA. Inhibe par ce mécanisme les phénomènes d’hyperalgésie
secondaire au traumatisme chirurgical ou de tolérance aiguë aux mor-
phiniques. Cet effet peut aussi être utilisé dans le traitement des dou-
leurs chroniques rebelles aux morphiniques ;
— effets psychodysleptiques (10 à 30 p. 100 des cas chez l’adulte) :
rêves éveillés voire cauchemars, hallucinations auditives et visuelles,
délire, sensations de dissociation survenant pendant ou après la phase de
réveil. Ces effets sont atténués par l’association d’une benzodiazépine ;
— nystagmus horizontal et vertical ;
— augmentation de la PIC, du DSC et de la CMRO2 en cas d’aug-
mentation de la pression artérielle ;
— effets sur l’EEG : à dose anesthésique, le tracé de veille est rem-
placé par des ondes θ et β, puis par un rythme α rapide, contemporain
des cauchemars. Les paramètres dérivés de l’EEG (analyse spectrale,
BIS…) augmentent et ne permettent souvent pas de distinguer un
patient éveillé d’un patient anesthésié. Les effets sur les potentiels
évoqués auditifs sont peu marqués.
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 171

• Effets cardiovasculaires  : effet sympathomimétique, inhibition


du recaptage des catécholamines, effet inotrope positif et vasodilata-
teur direct. En conséquence :
— augmentation de la pression artérielle systolo-diastolique (sur-
tout après une injection IV rapide) et la PAP ;
— augmentation du débit cardiaque, de la consommation du myo-
carde en oxygène et du débit sanguin coronaire ;
— ces effets sont atténués par l’association à une benzodiazépine
ou à du dropéridol ou par l’utilisation d’une perfusion continue au
lieu de bolus.
• Effets respiratoires :
— préserve la ventilation spontanée et l’activité des muscles inter-
costaux (ce qui maintient la CRF et l’hématose) mais diminue la
réponse ventilatoire au CO2 (pédiatrie) et à l’hypoxie ;
— tonus et réflexes laryngés, pharyngés et de déglutition sont par-
tiellement conservés, mais pas assez pour prévenir le risque d’inhala-
tion et éviter une intubation lors d’une induction rapide ;
— hypersécrétion salivaire et bronchique, parfois importante, jus-
tifiant pour certains la prescription d’atropine. Toux, hoquet, laryngo-
spasme peuvent survenir chez l’enfant ;
— effet bronchodilatateur.
• Effets divers :
— augmentation fréquente du tonus musculaire squelettique, utili-
sée chez des myopathes ;
— non histaminolibératrice, réactions allergiques exceptionnelles ;
— nausées et vomissements peu fréquents ;
— femme enceinte  : possibles contractions utérines pendant la
grossesse ou le travail. Ne modifie pas le score d’Apgar et les tests
comportementaux du nouveau-né, et ne déprime pas sa ventilation
spontanée mais les hallucinations chez la mère sont assez fréquentes
pour préférer d’autres agents.

Pharmacocinétique (voir tableau 7-V)


La kétamine est très liposoluble (5 à 10 fois plus que le thiopental)
et faiblement liée à l’albumine.
Sa diffusion au SNC est si rapide que la courbe entre concentration
plasmatique et effet ne comporte pas d’hystérésis.
Son métabolisme est à 95  p.  100 hépatique (CYP450) et produit
entre autres de la norkétamine, métabolite actif avec une puissance
anesthésique ~1/3 de celle de la kétamine pouvant contribuer aux
effets prolongés de celle-ci.
L’élimination est essentiellement urinaire (90  p.  100 sous forme
métabolisée), et un peu fécale (5 p. 100).
172 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Utilisation clinique
• Comme analgésique ou antihyperalgésique peropératoire. Les
doses recommandées sont encore discutées :
— 0,15-0,3 mg/kg en bolus IV  : analgésie courte mais épargne
morphinique per- et postopératoire de 25-30 p. 100 ;
— associée à une perfusion per- ou postopératoire, à dose fixe
(1-2  μg ⋅ kg–1 ⋅ min–1) pendant 24 à 48  h ou ajustée à la dose de mor-
phinique (10 mg de kétamine/mg de rémifentanil ou 1 mg de kéta-
mine/mg de morphine en PCA) ;
— la perfusion sans bolus préalable semble moins efficace ;
— les effets neuropsychiques apparaissent pour une dose peropéra-
toire totale supérieure à 0,3 à 0,5 mg/kg ;
— un bolus de 0,15 à 0,3 mg/kg peut aussi être administré en
SSPI pour compléter une analgésie insuffisante, en particulier chez le
patient tolérant aux morphiniques.
• Comme hypnotique (plutôt en réanimation ou médecine d’ur-
gence qu’en anesthésie) :
— 1 à 3 mg/kg IV (à diminuer de 50 p. 100 chez le patient en état
de choc) ; 5 à 10 mg/kg IM ;
— délai d’action à ces doses 15 à 60 s en IV, 2 à 5 min en IM ;
— durée d’action 5 à 10 min en IV, 15 à 25 min en IM ;
— dose d’entretien  : 1/2 dose d’induction IV ou IM, ou 0,08 mg/
kg/min IV SE ;
— sédation vigile : 0,2 mg/kg.
L’association au propofol ou au midazolam permet de diminuer les
doses et les effets secondaires des 2.
• Contre-indications :
— absolues  : porphyrie ; insuffisance coronaire ou cardiaque non
équilibrée, HTA sévère, infarctus récent, thyrotoxicose ; pré-éclampsie
ou éclampsie ; hypertension intracrânienne ou intraoculaire, plaie du
globe oculaire, traumatisé crânien ;
— relatives  : épilepsie, maladie psychiatrique (psychoses) ; AVC,
neurochirurgie, chirurgie ophtalmologique (glaucome) ; chirurgie bron-
chique.
• Présentation  : ampoules de 5 ml à 50 mg soit 10 mg/ml ou de
5 ml à 250 mg soit 50 mg/ml.

Midazolam (Hypnovel®)

Le midazolam est la plus récente des benzodiazépines injectables


et a progressivement remplacé en anesthésie le diazépam (Valium®)
et le flunitrazépam (Narcozep®) en raison de sa maniabilité et de sa
moindre accumulation.
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 173

Effets pharmacologiques
• Effets sur le système nerveux central :
— effet hypnotique, sédatif ou anxiolytique selon la dose, avec
amnésie antérograde ;
— pas d’effet antalgique ;
— diminue la PIC, le DSC, la CMRO2 et la pression intraoculaire ;
— possible agitation paradoxale ;
— somnolence, confusion ou troubles mnésiques résiduels (sujet âgé) ;
— risque de dépendance avec syndrome de sevrage si administration
prolongée ;
— effet sur l’EEG  : induit essentiellement des fréquences rapides
et ralentissement à très forte dose ;
— effet anticonvulsivant.
• Effets cardiovasculaires :
— diminution modérée de pression artérielle par diminution des
résistances vasculaires, majorée en cas d’hypovolémie ;
— pas de dépression myocardique ;
— diminution de la consommation du myocarde en oxygène ;
— dépression associée du baroréflexe, pas de tachycardie.
• Effets respiratoires :
— dépression des centres respiratoires diminuant le volume cou-
rant et augmentant la fréquence ;
— apnée possible, limite l’utilisation aux structures pouvant prendre
en charge un arrêt respiratoire.
• Effets divers :
— action myorelaxante (potentialise les curares) ;
— pas d’histamino-libération ;
— très importante variabilité intra-individuelle de tous les effets.
Pharmacocinétique (voir tableau 7-V)
L’hydroxylation par le seul CYP450 3A4 produit du α-OH midazo-
lam qui est lui-même sédatif.
Modification selon le terrain :
— le sujet âgé a à la fois une plus grande sensibilité au midazolam
et une diminution de la clairance qui conduit à diminuer les doses de
75 p. 100 (1/3 pour des raisons cinétiques, 2/3 pour des raisons phar-
macologiques) ;
— en administration continue, la demi-vie contextuelle augmente
presque 2  fois plus vite chez le patient âgé que chez l’adulte jeune
(voir tableau 7-IV) ;
— chez le cirrhotique, la clairance est diminuée et l’élimination
ralentie ;
— chez l’insuffisant rénal, la clairance est plutôt accélérée par
augmentation de la fraction libre liée à l’hypoprotidémie, mais
174 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

cet effet est neutralisé par une augmentation du volume de distri-


bution ;
— enfin, la clairance du midazolam peut être diminuée et la durée
de sédation prolongée, en présence de traitements interférant avec le
CYP450 3A4 (macrolides, inhibiteurs calciques, antiviraux, kétocona-
zole, immunosuppresseurs…) avec en plus un risque de surdosage de
ce traitement ou en présence d’aliments (jus de pamplemousse).

Utilisation clinique
• Prémédication :
— IM (douloureux) ou per os : 0,05-0,10 mg/kg, 30 min avant bloc ;
— intrarectal (enfant) 0,3-0,4 mg/kg 15-30 min avant bloc.
• Sédation en anesthésie :
— IV : titration par bolus de 1 à 2 mg sans dépasser 0,05-0,1 mg/kg
au total chez l’adulte ;
— dose augmentée chez l’enfant de moins de 12  ans jusqu’à
0,25 mg/kg ;
— intrarectal (enfant) : 0,3-0,4 mg/kg.
• Co-induction : bolus IV de 1 à 2 mg, en complément d’un autre
hypnotique d’induction (voir ci-dessus).
• Anesthésie totale intraveineuse (chirurgie cardiaque avec mor-
phinique) :
— de moins en moins utilisée comme seul hypnotique ;
— titration en 3 ou 4  bolus jusqu’à une dose totale maximale de
0,15-0,2 mg/kg ;
— entretien par bolus IV itératifs : 0,03- à 0,1 mg/kg (ou 50 p. 100
de la dose d’induction) ou perfusion de 0,03 à 0,1 mg/kg/h.
• Chez le patient âgé : diviser la dose par 2 ou 3.
• Chez l’insuffisant hépatique et cardiaque : réduction des doses
et titration sur le niveau de sédation.
• Indications (voir tableau 7-IV) :
— en raison de l’accumulation en perfusion continue (voir tableau 7-V),
l’utilisation comme hypnotique sera limitée aux patients nécessitant une
sédation postopératoire (chirurgie cardiaque par exemple) ;
— les principales indications restent donc la prémédication, la séda-
tion vigile et la co-induction en association avec un autre hypnotique.
• Contre-indications :
— absolues  : myasthénie ; patient non ventilé en insuffisance
respiratoire sévère ou en détresse respiratoire aiguë ; intolérance ou
hypersensibilité aux benzodiazépines ;
— relatives : hypovolémie non corrigée ; insuffisance hépatique ou
respiratoire grave ; myopathies ; traitement par antiprotéase.
• Présentation  : ampoules de 50 mg dans 10 ml, 5 mg dans 1 ml,
5 mg dans 5 ml.
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 175

Les hypnotiques intraveineux du futur

De nouveaux hypnotiques issus structurellement des benzodiazé-


pines, du propofol et de l’étomidate sont en cours de développement.
Certains, comme le CNS 7056, le THRX 918661/AZD 3043 et le fos-
propofol ont atteint le stade des essais cliniques.
• Le CNS 7056. Ce nouvel agoniste des récepteurs aux benzodiazé-
pines est hydrolysé par les estérases plasmatiques. Il a un délai d’ac-
tion, une durée d’action plus courtes et entraîne un réveil 4 fois plus
rapide que le midazolam pour un effet similaire.
• Le THRX 918661/AZD 3043. Cette molécule est un modulateur
allostérique des récepteurs GABAA. Il a une structure similaire au
propanidide et il est hydroxylé par les estérases en un métabolite inac-
tif. Les essais cliniques sont en cours.
• Le fospropofol. C’est une prodrogue qui, par injection intra-
veineuse, est transformée en quelques minutes en propofol. Le délai
d’action est plus long que le propofol et le réveil est comparativement
plus lent. L’indication validée par la FDA est la sédation modérée.
Il n’entraîne pas de douleur à l’injection, il est liposoluble. Il pré-
sente des effets secondaires différents du propofol comme des dou-
leurs périnéales et des paresthésies.
• Les nouveaux étomidates. Deux formulations sont en cours de
développement :
— le méthoxycarbonyl-étomidate (MOC-étomidate) se distingue de
l’étomidate essentiellement par un métabolisme hépatique ultra-rapide,
ce qui limite la durée de blocage corticosurrénalien à moins de 30 min ;
— le carbo-étomidate est un analogue de l’étomidate qui partage
à peu près les mêmes propriétés pharmacologiques (chez le rongeur)
mais ne se fixe pas sur la 11-β-hydroxylase et n’induit donc pas la
dépression de la synthèse du cortisol.

OPIACÉS

B. Guignard

Les opioïdes comprennent les opiacés naturels provenant du pavot


(opium, morphine, codéine) et leurs dérivés synthétiques. Leur princi-
pale propriété est une analgésie dose-dépendante, sans effet plafond pour
la plupart d’entre eux, mais leurs effets secondaires (nausées, vomisse-
176 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

ments, sédation, dépression respiratoire…) peuvent se révéler particu-


lièrement gênants lors de l’augmentation des doses. La morphine est
l’opiacé de référence auquel sont comparés les autres opiacés. La mor-
phine est efficace dans les douleurs sévères par excès de nociception.
Outre les agonistes morphiniques, il existe des agonistes partiels, et
des antagonistes des récepteurs morphiniques qui possèdent chacun
des indications thérapeutiques particulières (tableau 7-VI).

Tableau 7-VI Classification des agonistes et des antagonistes opiacés et prin-


cipaux noms de spécialités

Type d’opiacé
Nom de spécialité
et nom de substance
Agonistes morphiniques
Morphine Morphine*
– orale immédiate Sévrédol®, Actiskenan®
– orale 2 prise par jour Skénan LP®, Moscontin LP®
– orale 1 prise par jour Kapanol®
Oxycodone Oxycontin®, Oxynorm®, Eubine®
Codéine Codéine*
Hydromorphone Sophidone®
Mépéridine Péthidine Renaudin®
Fentanyl Fentanyl®, Durogésic®
Sufentanil Sufenta®
Alfentanil Rapifen®
Rémifentanil Ultiva®
Agonistes partiels
ou agonistes-antagonistes
Pentazocine Fortal®
Butorphanol nc
Nalbuphine Nalbuphine*
Buprénorphine Temgésic®, Subutex®
Dezocine nc
Antagonistes
Naloxone Narcan®
Naltrexone Nalorex®, Revia®
Nalmefène nc
Méthylnaltrexone Relistor®
Alvimopan Entereg®
* : différentes spécialités existent sur le marché.
nc : non commercialisé en France.
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 177

MÉCANISME D’ACTION

Les opiacés agissent sur des récepteurs spécifiques mu, kappa et delta,
centraux, spinaux et supraspinaux. Malgré ce mécanisme d’action com-
mun, les caractéristiques pharmacocinétiques et pharmacodynamiques
des différents opiacés vont générer d’importantes différences dans leur
action clinique.

EFFETS PHARMACOLOGIQUES DES OPIACÉS

Leur intensité dépend de l’opiacé considéré.

Action antalgique

Constante, dose-dépendante, survenant sur toutes les douleurs par


excès de nociception.

Action sur la fonction respiratoire

• Bradypnée par effet dépresseur respiratoire avec réduction de la


sensibilité des centres respiratoires à l’augmentation de la pression
partielle en CO2. Augmentation du volume courant. Cet effet dépres-
seur est la cause principale des décès par surdosage en opiacés. Il est
lié aux récepteurs mu, et pratiquement indissociable de l’effet anal-
gésique.
• Action antitussive par action au niveau de la médulla oblongata du
bulbe rachidien. Cette action est utilisée pour la codéine uniquement.
La morphine exerce un effet histamino-libérateur qui peut être à l’ori-
gine d’une bronchoconstriction.
• Rigidité thoracique, surtout lors de l’administration intravei-
neuse :
— par diminution de la compliance thoraco-pulmonaire, avec pos-
sibilité d’empêcher l’insufflation ;
— mécanisme d’action supraspinal qui peut être prévenu par cura-
risation ;
— est proportionnelle à la dose et à la rapidité d’injection.

Action cardiovasculaire

Les opiacés n’ont pas d’effet sur l’inotropisme. Ils entraînent


une baisse modérée de la pré- et postcharge pouvant aboutir à une
178 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

baisse tensionnelle avec hypotension orthostatique chez les patients


précharge-dépendants (hypovolémie) dont le système sympathique est
stimulé. Il existe le plus souvent une bradycardie par augmentation de
l’activité parasympathique. La morphine injectée rapidement produit
une vasodilatation artériolaire et veineuse dépendante de la dose due à
une histamino-libération.

Action sur le système nerveux central

Légère baisse du débit sanguin cérébral et de la consommation en


oxygène.
Baisse de la pression intracrânienne (PIC), après possible augmenta-
tion transitoire précoce pour des posologies correspondant à 10 μg/kg
de fentanyl chez des patients traumatisés crâniens. Ceci est dû à une
réponse vasodilatatrice cérébrale en réponse à l’hypotension artérielle
(autorégulation cérébrale). La PIC n’augmente pas lorsque la pression
artérielle reste stable. Il existe également un effet vasodilatateur céré-
bral propre des opiacés.
La morphine diminue, de manière dépendante de la dose, la durée
du sommeil lent et du sommeil paradoxal (REM) chez des volontaires
sains.
Action psychodysleptique  : l’administration de morphine chez un
sujet présentant des souffrances physiques ou morales aboutit au
développement d’un état de bien-être, d’euphorie, d’indifférence aux
sensations désagréables qu’il s’agisse de douleurs, de fatigue, d’an-
xiété, de phénomènes d’inhibition. Il peut exister une tolérance et une
dépendance physique.
Action émétisante : cette action est due à une stimulation des récep-
teurs mus présents dans l’area postrema située au plancher du IVe ven-
tricule (Trigger zone).

Effets sur la musculature lisse

Sur le tube digestif, la morphine exerce un effet contracturant sur


les muscles circulaires sphinctériens et un effet de relâchement sur les
muscles longitudinaux conduisant à une diminution des contractions
propulsives. Ainsi la morphine ralentit le transit intestinal, prolonge
l’iléus postopératoire et provoque une constipation. Elle entraîne un
effet spastique vis-à-vis du sphincter d’Oddi.
Myosis par contraction du muscle circulaire de l’iris.
Effet spastique sur l’uretère, augmentation du tonus du sphincter
interne de la vessie, donc risque de rétention urinaire.
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 179

Action sur le système immunitaire

Diminution de l’activité des lymphocytes killer, stimule la néo-


angiogénèse tumorale.

Action sur la thermorégulation

Les opiacés altèrent la thermorégulation par leurs liaisons aux


récepteurs mu hypothalamiques dont la stimulation diminuerait de
façon parallèle le seuil de déclenchement du frisson et le seuil de
vasoconstriction. Ils sont inhibiteurs des frissons postanesthésiques,
chacun avec une puissance différente.

Inhibition de la sécrétion d’hormone antidiurétique

PARTICULARITÉS DE LA VOIE PÉRIMÉDULLAIRE

Les opiacés injectés en périmédullaire agissent préférentiellement


sur les récepteurs présynaptiques qui limitent la libération des neu-
rotransmetteurs afférents de la nociception provoquée. Les rapports
d’activité spinale/supraspinale et la durée d’analgésie dépendent essen-
tiellement du passage transarachnoïdien et de la liposolubilité (coeffi-
cient de partage octanol/eau) des molécules (voir tableau 7-VIII).

Administration péridurale

Après injection péridurale d’un opiacé, il existe une diffusion vers


les récepteurs de la corne dorsale de la moelle et le cerveau (migra-
tion céphalique) par traversée des méninges. L’arachnoïde représente
95  p.  100 du barrage transméningé des opioïdes. Après leur passage
dans le LCR, les molécules très lipophiles (sufentanil, fentanyl) vont
préférentiellement dans la substance blanche de la moelle par rapport à
la substance grise, et les molécules hydrosolubles (morphine) ont une
migration rostrale. Les opiacés liposolubles peuvent avoir une certaine
action médullaire métamérique mais agissent principalement par pas-
sage systémique et action centrale.

Administration intrathécale

La durée de l’action antinociceptive est liée à la polarité et à l’hydro-


philie de la molécule. La baisse de la concentration dans le LCR
180 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

résulte de la fixation dans la moelle et de la migration céphalique. La


morphine pénètre lentement dans la moelle et sa durée d’action est
prolongée. Les opiacés lipophiles ont une faible durée d’action car
leur concentration dans la corne dorsale baisse rapidement en dessous
des niveaux efficaces par diffusion dans le reste de la moelle puis dans
le compartiment vasculaire.

Complications de la voie périmédullaire

Dépression respiratoire
La dépression respiratoire retardée représente la crainte la plus fré-
quente lors de l’utilisation d’une analgésie péridurale lombaire utili-
sant des opiacés, surtout après morphine. L’administration par bolus
majore le risque par rapport à l’administration en continue ou en
PCEA. Une surveillance régulière du patient (niveau de conscience,
fréquence respiratoire) toutes les 3 à 4  h est suffisante pour détecter
ce risque.

Rétention aiguë d’urines


Sa fréquence est sous-estimée mais elle peut concerner jusqu’à
50 p. 100 des patients.

Prurit
Sa fréquence est de 25 à 50  p.  100 des patients recevant des
opiacés par voie péridurale, il est plus fréquent avec la morphine
qu’avec les opiacés de synthèse et plus fréquent dans le péripar-
tum. L’intensité est variable, et il peut devenir insomniant. Il se
localise préférentiellement au niveau du visage, en particulier au
niveau du nez. Il peut être généralisé. Il ne semble pas exister de
relation dose-intensité. Le traitement préventif consiste en l’admi-
nistration de dropéridol à la dose de 2,5 mg ou de naloxone à doses
de 0,15 μg/kg/h.

Nausées et vomissements
L’incidence des nausées et vomissements après administration péri-
durale des opiacés varie entre 30 et 100  p.  100. Les vomissements
semblent plus fréquents avec la morphine qu’avec les autres opiacés.
La dexaméthasone (8 mg en intraveineux) réduit de façon très impor-
tante l’incidence des vomissements après administration péridurale de
morphine.
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 181

Tableau  7-VII Concentrations habituelles au site effet pour l’administration


en objectif de concentration des opiacés suivant le temps opératoire

Rémifentanil Sufentanil Alfentanil


Agent
ng ⋅ ml–1 ng ⋅ ml–1 ng ⋅ ml–1

Intubation 4à8 0,2 à 0,6 200 à 500

Entretien 3à6 0,15 à 0,3 150 à 300


Chirurgie moyennement
douloureuse
Réveil 1à3 0,08 à 0,15 60 à 150

L’adjonction de protoxyde d’azote diminue les concentrations nécessaires de 30 à 40 p. 100.


Chez les sujets âgés, si la pharmacocinétique est peu modifiée, la pharmacodynamique et la
sensibilité aux opiacés est beaucoup plus importante que chez les sujets jeunes, en conséquence
les concentrations doivent être réduites de 30 à 60 p. 100, et les effets titrés.

ADMINISTRATION EN OBJECTIF DE CONCENTRATION


(AIVOC)

L’objectif de ce mode d’administration est de perfuser un médica-


ment en tenant compte du modèle pharmacocinétique. Ainsi l’adapta-
tion de la posologie se fera non plus en débit massique (mg/kg) mais
en concentration théorique souhaitée. La concentration cible souhaitée
est déterminée en fonction d’un objectif donné et le logiciel adapte
la vitesse en tenant compte du temps écoulé depuis le début de la
perfusion. L’objectif de concentration peut être défini au niveau plas-
matique ou au niveau du compartiment effet, c’est-à-dire pour les
opiacés, le cerveau. Les concentrations habituelles pour l’AIVOC sont
présentées en tableau 7-VII.

AGONISTES MORPHINIQUES

Les caractéristiques pharmacologiques des principaux agonistes


morphiniques utilisés en anesthésie-réanimation sont résumées en
tableau 7-VIII.

Rémifentanil

Le rémifentanil est de même puissance que le fentanyl et 20 à


30 fois plus puissant que l’alfentanil.
182

Tableau 7-VIII Principales caractéristiques pharmacologiques des opiacés utilisés pour l’anesthésie générale

Délai
Coefficient ½ vie
% liaison Clairance Vd d’équilibration
Métabolisme pKa Puissance de partage contextuelle
protéines (ml/min) (l) sang/cerveau
octanol/eau à H4 (min)
(min)
Morphine Glucuro- 7,9 1 35 1,4 1 000 224 20 180
TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

conjugaison
Alfentanil CYT P450 6,5 20 92 128 238 27 1,4 137
Rémifentanil Estérases 7,3 100 66-93 18 4 000 30 1,1 4
Fentanyl CYT P450 8,4 100 84 813 1 530 335 6,8 152
Sufentanil CYT P450 8,0 1 000 93 1 727 900 123 6,2 30
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 183

• Pharmacocinétique  : le rémifentanil a la particularité unique


d’avoir un groupement ester au sein de sa structure moléculaire per-
mettant son élimination extrahépatique par les estérases non spéci-
fiques tissulaires et sanguines. La demi-vie contextuelle (4 à 5  min)
est la plus courte de tous les opiacés et ne dépend pas de la durée de
perfusion. Son pKa est de 7,3, et donc la forme non ionisée prédomine
dans le plasma, ce qui lui confère une rapidité de transfert intracéré-
bral. Chez les sujets âgés, on note une réduction du volume de distribu-
tion de 25 p. 100 et de la clairance de 33 p. 100, de plus, la sensibilité
est augmentée, et impose une réduction des doses. Les caractéristiques
pharmacocinétiques du rémifentanil imposent l’administration conti-
nue, même pour des actes brefs de quelques dizaines de minutes.
• Métabolisme : indépendant de la clairance hépatique.
• Relais analgésique indispensable par morphine ± kétamine à
faible dose (0,15 à 0,3 mg/kg). Du fait de sa cinétique particulière, le
rémifentanil peut être utilisé en administration continue comme agent
sédatif et antalgique.
• Posologies :
— induction d’anesthésie : 0,5 à 1 μg/kg sur 1 min ;
— entretien : 0,1 à 0,3 μg/kg/min ;
— une concentration plasmatique de 3  ng/ml de rémifentanil cor-
respond à 0,1 μg/kg/min en entretien, de même 6 ng/ml correspondent
à 0,2 μg/kg/min, et ainsi de suite ;
— sédation ;
— 0,05 à 0,25 μg/kg/min ou bolus titrés de 0,2 à 1 μg/kg avec sur-
veillance attentive de la fonction respiratoire, ce qui correspond à des
concentrations au site effet de 2 à 6 ng ∙ ml–1.
• Présentations. Lyophilisat de 1, 2 et 5 mg. Le rémifentanil n’est
pas utilisable par voie périmédullaire car stabilisé dans sa présentation
commerciale par un solvant neurotoxique.

Sufentanil

Le sufentanil est un analogue du fentanyl, de puissance 12  fois


supérieure en mesurant l’effet sur l’EEG. Cette puissance d’action est
due à une grande affinité pour les récepteurs mu.
• Pharmacocinétique : la demi-vie d’élimination est intermédiaire
entre l’alfentanil et le fentanyl. La liposolubilité élevée permet un
délai d’action maximum de 6  min environ après une administration
en bolus.
• Métabolisme : hépatique par les cytochromes P450.
• Administration péridurale : le sufentanil passe rapidement dans les
méninges, l’analgésie est immédiate. La durée d’analgésie est de 4 h et
nécessite l’utilisation de PCEA pour l’optimisation de l’administration.
184 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

• Posologies :
— induction d’anesthésie : 0,1 à 0,4 μg/kg, pic d’effet à 6-10 min ;
— entretien : 0,2 à 0,5 μg/kg/h ;
— administration péridurale  : 10  μg en bolus, ou 0,5 à 1  μg/ml,
en association avec les anesthésiques locaux à un débit de 4-8 ml/h ;
— administration rachidienne : 2,5 à 10 μg en association avec les
anesthésiques locaux.
• Présentations : ampoules de 10 ml et 2 ml à 5 μg/ml ; ampoules
de 5 ml à 50 μg/ml.

Fentanyl

Le fentanyl est un opiacé de synthèse dérivé de la phénylpipéridine.


Il est environ 100 fois plus puissant que la morphine.
• Pharmacocinétique : la rapidité d’action et la courte durée d’ac-
tion comparées à la morphine sont expliquées par sa plus grande
liposolubilité. La demi-vie d’élimination du fentanyl est longue, elle
s’explique par son grand volume de distribution. Elle est augmentée
chez les sujets âgés mais pas en cas d’insuffisance rénale ou hépa-
tique.
• Métabolisme : hépatique par les cytochromes P450.
• Posologies :
— induction d’anesthésie : 1 à 3 μg/kg, pic d’effet à 5-8 min ;
— entretien : 0,5 à 3 μg/kg/h ;
— administration péridurale  : 50  μg en bolus, ou 0,5 à 1  μg/ml,
en association avec les anesthésiques locaux à un débit de 4-8 ml/h ;
— administration rachidienne : 10 à 40 μg en association avec les
anesthésiques locaux.
• Présentations : ampoules de 10 ml et 2 ml à 50 μg/ml.

Alfentanil

L’alfentanil est un analogue du fentanyl de 5 à 10 fois moins puis-


sant, mais qui possède une rapidité d’équilibration au site effet com-
paré aux autres opiacés et équivalente au rémifentanil.
• Pharmacocinétique  : la constante d’équilibration est d’envi-
ron 90  secondes. Il existe une variabilité considérable pour les para-
mètres pharmacocinétiques et la liaison aux protéines plasmatiques.
90 p. 100 de la fraction de l’alfentanil est libre à cause du pKa infé-
rieur au pH plasmatique ; c’est cette fraction non ionisée qui passe la
barrière méningée et qui explique la rapidité d’action. Le volume de
distribution est petit, 6  fois moindre que celui du fentanyl. L’âge ne
modifie pas la cinétique de l’alfentanil de façon importante.
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 185

• Métabolisme  : l’alfentanil est un substrat pour le cytochrome


hépatique P450.
• Posologies :
— induction d’anesthésie : 20 à 40 μg/kg ;
— entretien : 25 à 100 μg/kg/h ;
— sédation : 5 à 10 μg/kg toutes les 10-15 min pour maintenir une
ventilation spontanée.
• Présentation : ampoules de 10 ml et 2 ml à 500 μg/ml.

Morphine

• Pharmacocinétique : la morphine est hydrophile : elle se distribue


rapidement à tous les tissus mais passe difficilement dans ceux-ci. La
demi-vie de la morphine est d’environ 2 à 3 h. L’élimination est avant
tout rénale, mais il existe aussi un cycle entéro-hépatique au cours
duquel la morphine est glucuroconjuguée en morphine 6-glucuronide
(produit actif) et morphine 3-glucuronide. Lors d’une administration
unique, 90  p.  100 de la dose est éliminée au cours des 24 premières
heures. En cas d’insuffisance rénale, une accumulation des métabo-
lites se produit, ce qui, cliniquement, peut se traduire par l’apparition
ou la majoration des effets secondaires.
Après injection péridurale de morphine, l’absorption est rapide et
importante. Le passage des méninges est lent. Le soulagement com-
mence à 30  min mais peut prendre 60  min. La morphine disparaît
lentement du LCR (6 h), ce qui entraîne une analgésie de 12 à 24 h.
Par voie orale, l’effet de premier passage hépatique est supérieur à
50  p.  100. La biodisponibilité des formes orales par rapport à celles
administrées par voie sous-cutanée est de 50 p. 100.
• Métabolisme : la morphine est métabolisée en partie en morphine
3-glucuronide et morphine 6-glucuronide, qui est 10 à 40  fois plus
active que la morphine et qui s’accumule chez l’insuffisant rénal, avec la
possibilité d’effets secondaires plusieurs heures après l’administration.
• Posologies :
— voie intraveineuse  : effet analgésique rapide en 10  min envi-
ron. Titration de 2 à 3 mg toutes les 5  min tant que l’EVA ≤  4/10,
en surveillant la sédation et la fréquence respiratoire qui doit rester
> 10 cycles/min ;
— administration péridurale  : 3 à 6 mg toutes les 18-24  h, avec
surveillance respiratoire rapprochée ;
— administration rachidienne  : l’injection est faite préférentielle-
ment proche du site métamérique de la douleur : 100 μg de morphine
intrathécale pour l’analgésie postopératoire de la césarienne ; 300  μg
à 600  μg pour la chirurgie douloureuse, qui impose une surveillance
clinique rapprochée pendant 24 h ;
186 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

— voie orale, dans le cadre de l’analgésie postopératoire  : sirop de


morphine Aguettant®, cette forme galénique est particulièrement adaptée à
la prise en charge des enfants. Ce sirop est dosé à 5 mg/ml ; Actiskénan®
(gélules à 5, 10, 20, 30 mg), Sevredol® (cp à 10 et 20 mg) en 4 à 6 prises/j.

Péthidine (mépéridine)

La péthidine est un agoniste mu, mais elle possède aussi des pro-
priétés de type « anesthésique local ».
• Caractéristiques pharmacologiques : elle est fortement liée aux
protéines et plus liposoluble que la morphine. Son effet analgésique
se manifeste après 15 min lors d’une administration sous-cutanée ou
intramusculaire. Le pic d’action est obtenu après environ 1 h et sa
durée d’action est de 3 à 4  h. Elle est responsable d’une histamino-
libération notable, ce qui fait que ses effets cardiovasculaires sont plus
marqués que ceux de la morphine, d’autant que son administration
peut être responsable d’une tachycardie du fait d’un effet vagolytique.
• Métabolisme : il existe une production au niveau du foie de nor-
péthidine, métabolite excrété par le rein, qui, lorsqu’il s’accumule,
est neurotoxique avec possibilité de dysphorie, tremblements, voire
convulsions. La demi-vie de ce produit, chez un adulte jeune ayant
une fonction rénale normale, est de 15 à 20 h, mais elle s’accroît for-
tement chez les personnes âgées ou en cas d’atteinte rénale.
• Posologie  : 60 à 100 mg sous-cutanés sont équivalents à 10 mg
de morphine, administrés toutes les 4  h ; traitement du frisson post-
anesthésique : 25 mg IVL.
• Effets secondaires  : similaires à ceux de la morphine, la consti-
pation et la rétention urinaire cependant seraient moindres. Risque de
convulsions par accumulation de norpéthidine.
• Contre-indications absolues :
— hypersensibilité à la péthidine ;
— enfant de moins de 6 mois ;
— insuffisance hépatocellulaire grave ;
— traumatisme crânien et hypertension intracrânienne ;
— états convulsifs ;
— intoxication alcoolique aiguë et delirium tremens ;
— IMAO sélectifs et non sélectifs.
• Présentation : péthidine Renaudin® : ampoule 100 mg/2 ml.

Codéine

La codéine est un alcaloïde voisin de la morphine qui se lie peu aux


récepteurs morphiniques. C’est un agoniste mu pur de faible affinité.
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 187

Elle n’a presque pas de pouvoir analgésique en elle-même, mais son


métabolisme conduit à la production de morphine et de M-6-G (mor-
phine 6-glucuronide). Dans la population européenne, 5 à 10 p. 100 des
patients sont dépourvus de la structure enzymatique responsable de cette
transformation, et donc insensibles à l’effet antalgique de la codéine.
Elle est classée antalgique de palier IIa par l’OMS. Une accumulation
de codéine se produit en cas d’insuffisance rénale. Cette accumulation
serait potentiellement responsable d’une dépression respiratoire. En fait,
même à des doses très fortes, aucune accumulation de morphine ou de
M-6-G ne semble réellement à craindre dans la période postopératoire.
• Pharmacocinétique  : par voie orale, sa biodisponibilité est de
l’ordre de 60  p.  100, elle est faiblement liée aux protéines plasma-
tiques, de l’ordre de 25 p. 100. L’analgésie est obtenue en 20 min et
est maximale entre 60 et 120  min. La demi-vie d’élimination de la
codéine est de 2,5 à 3 h.
• Posologie : 2 à 4 mg ⋅ kg–1 par jour en 4 à 6 prises. Maximum de
1 mg ⋅ kg–1 par prise et 6 mg ⋅ kg–1 par jour. Le seuil toxique peut appa-
raître pour 5 mg ⋅ kg–1 en une prise.
• Contre-indications :
— enfant de moins de 1 an ;
— crise d’asthme ;
— insuffisance respiratoire sévère ;
— agoniste-antagoniste morphinique.
• Effets indésirables : la codéine aux doses habituelles en clinique
ralentit peu la vidange gastrique, mais à doses plus élevées elle pos-
sède un effet très net.

AGONISTES-ANTAGONISTES

Nalbuphine

La nalbuphine est agoniste-antagoniste morphinique (agoniste κ,


antagoniste μ). Elle présente comme inconvénient majeur un effet
plafond pour l’analgésie (survenant à des doses de 0,3 mg/kg), limi-
tant son efficacité pour des douleurs modérées à intenses. L’effet
sédatif de la nalbuphine est supérieur à celui des agonistes purs et la
fréquence des nausées-vomissements et du ralentissement du transit
semble identique à celle produite par la morphine. Son délai d’action
est rapide (5 à 7 min en intraveineux) et sa durée d’action de 3 à 6 h.
• Posologies :
— chez l’adulte : la posologie habituelle est de 10 à 20 mg par voie
intraveineuse, intramusculaire ou sous-cutanée, pouvant être renouve-
lée toutes les 3 à 6 h, selon les besoins, sans dépasser 160 mg/jour ;
188 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

— chez l’enfant de 18  mois à 15  ans  : la posologie est de 0,2 mg/
kg par voie intraveineuse, intramusculaire ou sous-cutanée et peut être
renouvelée toutes les 4 et 6 h. La voie intraveineuse ou sous-cutanée doit
être préférée chez l’enfant : 0,25 mg/kg toutes les 4 à 6 h. Il peut être uti-
lisé par voie intrarectale chez l’enfant, dont l’abord veineux est difficile.
• Présentation : ampoules de 2 ml, 20 mg.

Buprénorphine

La buprénorphine est une substance extrêmement liposoluble qui diffuse


rapidement dans l’organisme et à travers la barrière hémato-encéphalique.
Les effets secondaires sont le véritable facteur limitant de son utilisation :
somnolence, nausées, vomissements. Malgré la forte liposolubilité, l’effet
maximal n’est atteint qu’en 30 à 60 min et la durée d’action est longue (6
à 8 h). En cas de surdosage, la réversibilité est difficile.
• Pharmacocinétique  : sa durée d’action ne correspond pas à sa
demi-vie d’élimination car la buprénorphine a une très forte affinité
aux récepteurs mu. La dissociation buprénorphine/récepteur est très
lente (t1/2 = 166  min) et incomplète, soit 50  fois plus d’affinité que
la morphine. Sa résorption par voie sublinguale est bonne (55 p. 100),
0,4 mg correspondant à 0,3 mg par voie intramusculaire.
• Métabolisme : essentiellement hépatique.
• Posologie :
— voie orale  : 4 à 6  mg ⋅ kg–1. L’effet plafond du produit est de
l’ordre de 8 mg ⋅ kg–1 ;
— administration péridurale  : 1,2 à 1,5  μg/kg en solution dans de
l’eau pour préparations injectables pour un volume de 7 à 8 ml ;
— administration rachidienne  : 1,2  μg/kg en solution dans du
sérum glucosé à 10 p. 100 pour un volume de 4 ml.
• Présentation : Temgésic® 0,2 mg cp sublingual, ampoules 0,3 mg/ml.
• Effets secondaires  : ralentissement de la vidange gastrique. Un
état euphorique, une dysphorie, des hallucinations, des vertiges, une
impression ébrieuse sont quelquefois constatés.
En résumé, la buprénorphine est peu adaptée au contexte postopératoire.

ANTAGONISTES OPIACÉS

Naloxone

La naloxone reste l’antagoniste opiacé de référence. Très liposoluble,


elle possède une forte affinité pour les récepteurs μ, plus faible pour
les récepteurs δ et κ. Cette différence d’affinité selon les récepteurs
explique pourquoi les doses de naloxone nécessaires pour antagoniser
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 189

les effets agonistes sont dépendantes du type d’effet. Les doses seront
plus élevées avec les agonistes-antagonistes qu’avec les agonistes purs.
Son administration supprime l’analgésie, la dépression respiratoire, le
prurit, le myosis ou les effets cardiovasculaires induits par les opiacés.
La naloxone est dépourvue d’effets cardiovasculaires propres, mais
entraîne une stimulation sympathique lors des états de choc qui est
liée à l’inhibition des bêta-endorphines circulantes. L’administration de
naloxone après un opiacé peut entraîner un phénomène de rebond avec
hyperalgésie.
• Pharmacocinétique  : la naloxone a un effet maximal en 2  min
après administration intraveineuse. Sa durée d’action est de l’ordre
de 45  min chez l’adulte lors de l’administration d’un bolus de
0,4 mg IV et de 2 h après administration de par voie IM. Cette brève
durée d’action s’explique par une demi-vie d’élimination courte de
l’ordre de 60  min indiquant un relais par perfusion continue. En
raison d’une forte diffusion tissulaire, les concentrations cérébrales
peuvent être 10 à 15 fois plus importantes que celles de la morphine.
La durée d’action de la naloxone est inférieure à celle des substances
agonistes.
• Indications  : antagonisation de la dépression respiratoire en cas
de surdosage opiacé.
• Posologie :
— dépression respiratoire liée aux opiacés  : 1  ampoule de 0,4 mg
diluée dans 10 ml, une dose de 0,5 à 1 μg/kg administrée toutes
les 2 à 3  min jusqu’à réapparition d’une fréquence ventilatoire à
12  cycles/min. Relais par perfusion intraveineuse à la dose moyenne
de 0,2 mg/h ;
— prurit ou rétention d’urines : 40 μg avec le risque de réapparition
de douleurs ;
— dépression respiratoire du nouveau-né liée à l’administration des
opiacés lors du travail  : la posologie est de 10  μg/kg IV ou IM, le
relais sera pris par l’administration de 10 μg/kg IM. Il existe une pré-
sentation spéciale à 0,04 mg/2 ml.
• Effets secondaires :
— réveil brutal avec douleurs, phénomènes d’agitation, tachy-
cardie voire hypertension artérielle liées à la libération de catécho-
lamines ;
— vasoconstriction veineuse pulmonaire et augmentation de la per-
méabilité vasculaire pulmonaire avec œdème aigu pulmonaire ;
— consommation d’oxygène et ventilation minute peuvent être
multipliées par 2 à 3 en cas d’hypothermie associée ;
— pas d’action directe sur le transit gastro-intestinal chez le sujet sain.
• Contre-indications :
— prudence extrême en cas d’insuffisance cardiaque ou coronarienne ;
— HTA.
190 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Alvimopan (Entereg®)

L’alvimopan est un antagoniste des récepteurs μ qui ne passe pas


la barrière digestive. Non commercialisé en France, il est utilisé pour
antagoniser l’iléus induit par les opiacés.

Méthylnaltrexone (Relistor®)

La méthylnaltrexone ne traverse pas la barrière hématoencépha-


lique. Elle antagonise les effets secondaires « périphériques » des
opiacés. Elle est commercialisée par voie sous-cutanée comme traite-
ment de deuxième intention de la constipation induite par les opiacés.

CURARES :
PHARMACOLOGIE,
MONITORAGE
ET DÉCURARISATION
PHARMACOLOGIQUE

B. Plaud

Les curares sont des substances qui empêchent la transmission de


l’influx nerveux au muscle squelettique et qui, ainsi, provoquent une
paralysie musculaire. Utilisés en anesthésie depuis 1942, ils ont contri-
bué au développement de la chirurgie en permettant la réalisation d’in-
terventions de plus en plus complexes. Dans le concept d’anesthésie
dite balancée, ils sont une des trois composantes pharmacologiques
avec l’hypnotique (intraveineux ou inhalé) et le morphinique. L’anes-
thésiste adapte l’effet de ces trois composantes (sédation, analgésie et
curarisation) en fonction du temps de l’intervention (induction, entre-
tien et réveil), de son type (intervention majeure ou périphérique) et
du terrain du patient (co-morbidités, âge notamment). L’anesthésie est
certainement la spécialité qui utilise le plus fréquemment les curares
(intubation de la trachée, faciliter l’acte opératoire ou bien la venti-
lation mécanique). La connaissance de leur mécanisme d’action, des
indications respectives des différentes molécules, de leurs effets secon-
daires, des modalités de la surveillance ainsi que celle des moyens
pharmacologiques pour lever un bloc résiduel sont fondamentales.
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 191

ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE
DE LA TRANSMISSION NEUROMUSCULAIRE

Les nerfs périphériques dont les fibres se destinent aux muscles sque-
lettiques naissent dans le système nerveux central au niveau de la corne
antérieure de la moelle épinière. L’extrémité de l’axone moteur se divise
en arborisations appelées terminaisons nerveuses. Chacune se termine
par une structure spécialisée, la synapse, juxtaposée à une fibre muscu-
laire. L’ensemble neurone et fibres musculaires qui lui sont rattachées
s’appelle une unité motrice. La jonction neuromusculaire (figure 7-2) est
constituée de deux éléments : la synapse, contenant des vésicules d’acé-
tylcholine, et la plaque motrice, zone spécialisée adjacente de la fibre
musculaire. L’information entre la terminaison nerveuse d’une part, et la
cellule musculaire striée squelettique d’autre part, est transmise par un
processus biochimique. Le neuromédiateur physiologique de cette trans-
mission neuromusculaire est l’acétylcholine pour laquelle existent des
récepteurs spécialisés sur la plaque motrice avec lesquels elle interagit.
L’acétylcholine est synthétisée dans la terminaison de l’axone du neurone
moteur. Lorsqu’un influx nerveux gagne la terminaison nerveuse, les
vésicules fusionnent avec la membrane neuronale (phénomène calcium

Gaine de myéline

Cellule
de Schwann
terminale
Terminaison
nerveuse Vésicules synaptiques
Mitochondrie
contenant le neuromédiateur
Lame basale Tubule transverse
Zone active
Réticulum sarcoplasmique

Fibre musculaire
Figure 7-2 Représentation schématique de la jonction neuromusculaire. (D’après
Plaud B, Meistelman C, Krejci E. Physiologie de la transmission neuromusculaire.
In : Martin C, Riou B, Vallet B (eds). Physiologie humaine appliquée. Rueil-Mal-
maison. Arnette. 2006 : 859-74. Reproduit avec autorisation.)
192 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

dépendant) et libèrent l’acétylcholine dans la fente synaptique. L’acétyl-


choline est rapidement inactivée et dégradée en composés inactifs dans
cet espace par une enzyme spécifique, l’acétylcholinestérase. Celle-ci
peut voir son action inhibée par un inhibiteur réversible de l’acétylcholi-
nestérase, la néostigmine, prolongeant la durée de vie de l’acétylcholine.
Cette propriété pharmacologique est utilisée notamment dans le traite-
ment symptomatique de la myasthénie et la décurarisation pharmacolo-
gique (improprement dénommée antagonisation) d’un bloc résiduel après
l’utilisation d’un curare non dépolarisant. Au niveau post-synaptique, la
membrane de la cellule musculaire striée squelettique porte de nombreux
récepteurs sensibles à l’acétylcholine  : les récepteurs cholinergiques ou
nicotiniques de la plaque motrice (figure 7-3). Ces récepteurs sont consti-
tués de 5  sous-unités protéiques  : 2  sous-unités α (site de fixation de
l’acétylcholine) et 3 sous-unités dénommées β, δ et ε (pour le récepteur
adulte) et γ (pour le récepteur fœtal). L’interaction entre le médiateur et
le récepteur modifie la conformation de celui-ci et ouvre un canal intra-
membranaire, fermé au repos, avec constitution d’un pore par lequel dif-
fusent dans le sens du gradient de concentration les ions Na+ et K+ de

Figure 7-3 Représentation schématique d’un récepteur post-synaptique nicoti-


nique à l’acétylcholine. (D’après Plaud B, Meistelman C, Krejci E. Physiologie
de la transmission neuromusculaire. In : Martin C, Riou B, Vallet B (eds). Physio-
logie humaine appliquée. Rueil-Malmaison. Arnette. 2006 : 859-74. Reproduit
avec autorisation.)
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 193

part et d’autre de la membrane musculaire. Cette dépolarisation localisée,


en générant un potentiel de plaque, d’intensité insuffisante pour déclen-
cher un potentiel d’action, va se propager à toute la fibre musculaire par
l’intermédiaire de canaux sodiques afin de générer un potentiel d’action
qui va permettre la contraction musculaire : c’est le couplage excitation-
contraction. Cette phase implique la libération de calcium dans le cyto-
plasme qui va modifier l’interaction entre les filaments d’actine et de
myosine, permettant le raccourcissement et donc la contraction de la fibre
musculaire. Le calcium intracytoplasmique est ensuite à nouveau capté
pour permettre le relâchement de la fibre musculaire.

MÉCANISMES D’ACTION DES CURARES

L’occupation des récepteurs par des curares inhibe la transmission


neuromusculaire et provoque une paralysie réversible des muscles
striés squelettiques. En fonction de leur mode d’action, on en dis-
tingue deux classes  : les curares dépolarisants dont il existe un seul
composé, la succinylcholine, et les non dépolarisants dont cinq sont
disponibles en France. Ces derniers peuvent être distingués par leur
structure chimique  : benzylisoquinoline (atracurium, cisatracurium
et mivacurium) ou stéroïdienne (rocuronium et vécuronium) ainsi
que leur durée d’action : courte (mivacurium) ou intermédiaire (atra-
curium, cisatracurium, rocuronium et vécuronium). Le tableau  7-IX

Tableau 7-IX Pharmacodynamique comparée des curares

Dose* Installation** TH25 %*** TH90 %****


(mg/kg) (min) (min) (min)
Dépolarisant
Succinylcholine 1,0-1,5 < 1,0 8-10 12
Non dépolarisant*****
Vécuronium 0,07-0,1 3-5 30-40 50-60
Atracurium 0,4-0,5 3-5 30-40 50-60
Mivacurium 0,15-0,2 3-5 15-30 < 30
Rocuronium 0,6-1,0 1-2 30-40 50-60
Cisatracurium 0,10-0,15 3-5 40-60 70-80
* Dose moyenne pour faciliter l’intubation de la trachée (2 à 3  fois la dose active 95 % ou
DA95). DA95 correspond à la dose entraînant 95 % de dépression de la force musculaire à l’ad-
ducteur du pouce.
** Délai moyen d’installation de l’effet maximum pour 2 DA95.
*** TH25 % : durée d’action clinique, récupération de 25 % de la force musculaire initiale.
**** TH90 % : durée d’action totale, récupération de 90 % de la force musculaire initiale.
***** Par ordre d’ancienneté.
194

Tableau 7-X Métabolisme et élimination des curares

Métabolisme, élimination Puissance


comparée
Foie Rein Sang (%)*
Dépolarisant
Succinylcholine – – Butyrylcholinestérase** –
Non dépolarisant
TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

3-OH 3-OH –
Vécuronium Vécuronium+++ Vécuronium+++ 70
Atracurium – Laudanosine Voie de Hofmann, estérases plasmatiques 0
Mivacurium – – Butyrylcholinestérases** –
Rocuronium Pas de métabolite identifié, Inchangée – 0
élimination biliaire
Cisatracurium – ± laudanosine Voie de Hofmann, ± estérases plasmatiques 0
* Puissance du métabolite actif par rapport à la molécule mère (important en cas d’administration prolongée).
** Improprement dénommée pseudocholinestérase. Quand il existe une anomalie de cette enzyme (quantitative ou qualitative), les durées d’action de la succi-
nylcholine et du mivacurium peuvent être significativement prolongées.
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 195

résume les principales propriétés pharmacodynamiques des curares et


le tableau  7-X leurs principales voies métaboliques. Le tableau  7-XI
mentionne les principales indications des curares et le tableau  7-XII
les critères de choix du produit selon différentes situations cliniques.

Curare dépolarisant

La succinylcholine est le seul représentant de cette classe. Elle


est constituée de deux molécules d’acétylcholine mises bout à bout.
Ainsi, initialement, elle agit en mimant les effets de l’acétylcholine
sur tous les récepteurs de l’acétylcholine (agoniste non compétitif).
Ses propriétés essentielles sont un délai d’action court (1 min environ)
et une durée d’action brève (5 à 10 min). En revanche, à la différence
de l’acétylcholine, métabolisée par l’acétylcholinestérase au niveau de
la jonction neuromusculaire, la succinylcholine est métabolisée par

Tableau  7-XI Indications des curares, suggestion de choix du composé,


modalité d’administration

Modalité
Indication Choix du composé
d’administration
Faciliter l’intubation
de la trachée
– en urgence (« estomac Succinylcholine Injection unique
plein ») Rocuronium à forte dose (en
cas de contre-indication
à la succinylcholine)
– en dehors de l’urgence Succinylcholine (adulte Injection unique
uniquement)
Tous les curares
non dépolarisants
Permettre l’acte opératoire Curares non dépolarisants Injections
(immobilité, réduire de durée intermédiaire itératives
le tonus musculaire) Perfusion continue
Faciliter la ventilation Curares non dépolarisants Injections
mécanique de durée intermédiaire itératives
(en anesthésie (anesthésie) Perfusion continue
ou en réanimation) Cisatracurium (réanimation)
Électroconvulsivothérapie Succinylcholine à faible dose Injection unique
Laryngospasme Succinylcholine Injection unique
(IV ou IM)
196 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Tableau 7-XII Critères d’utilisation d’un curare en anesthésie

•  La procédure est-elle à risque potentiel d’inhalation du contenu gastrique


(estomac plein) ?
• Le curare est-il seulement indiqué pour faciliter l’intubation de la trachée ?
• En cas d’indication d’un curare pour l’intervention, quelle est la durée
prévisible de celle-ci et quel est le degré de curarisation souhaité ?
• Quel composé en cas de populations particulières telles que :
– insuffisant hépatique ou rénal
– allergie documentée aux curares
– enfant, personne âgée
– surpoids
– pathologie neuromusculaire (myasthénie, myopathie)

une cholinestérase plasmatique (butyrylcholinestérase ou pseudocho-


linestérase). La succinylcholine n’est pas inactivée par l’acétylcholi-
nestérase. La succinylcholine provoque ainsi une ouverture prolongée
du canal ionique du récepteur à l’acétylcholine (action agoniste) de la
jonction neuromusculaire, entraînant une désensibilisation de celui-ci,
rendant la fibre musculaire inexcitable. Les cinq caractéristiques
essentielles du bloc dépolarisant sont :
— des fasciculations lors de l’installation du bloc (contractions
musculaires) ;
— une diminution de la réponse à une stimulation (effet curarisant
proprement dit) ;
— une absence de fatigue à une stimulation répétée (train-de-quatre
ou tétanos) ;
— l’absence de facilitation post-tétanique ;
— l’impossibilité d’accélérer la décurarisation par la néostigmine
en cas de bloc prolongé (bloc non compétitif).
Les effets secondaires de la succinylcholine sont en grande partie liés
à ses propriétés agonistes qui consistent en une phase initiale d’excita-
tion. Les fasciculations sont des mouvements musculaires désordonnés
de courte durée observés moins d’une minute après l’injection de suc-
cinylcholine chez la plupart des patients. Des douleurs musculaires, ou
myalgies, surviennent de 24 à 48 h après l’administration chez plus de la
moitié des patients. L’administration de succinylcholine s’accompagne
d’une légère hyperkaliémie (une augmentation de 0,5 à 1,0  mEq/l)
chez les sujets sains. Toutefois, cette augmentation est majorée et peut
avoir des effets délétères dans certaines situations particulières. C’est
le cas des séquelles de lésions du neurone moteur, quelle que soit la
localisation  : intracérébrale (hémiplégie), intramédullaire (paraplégie,
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 197

tétraplégie) ou périphérique (monoplégie). C’est également le cas dans


les brûlures étendues et profondes et de traumatisme musculaire étendu
avec rhabdomyolyse. La succinylcholine peut produire une rigidité
musculaire chez certains patients, en particulier chez les sujets porteurs
de maladies musculaires (dystrophie myotonique de Steinert, dystro-
phie musculaire de Duchenne-Boulogne, notamment) et peut aggraver,
en présence d’agents anesthésiques halogénés, une crise d’hyperther-
mie maligne. Toutes ces situations représentent des contre-indications
absolues à l’utilisation de la succinylcholine (tableau 7-XIII). Les effets
cardiovasculaires de la succinylcholine sont imprévisibles. Chez cer-
tains patients, en particulier les enfants de moins d’un an, l’effet para-
sympathomimétique (bradycardie) est fréquent. Il est ainsi habituel
dans cette classe d’âge d’administrer préalablement de l’atropine. Chez
l’adulte, une tachycardie et une hypertension résultant d’une libération
de catécholamines peuvent être observées. Enfin, du fait de son méta-
bolisme enzymatique, une anomalie quantitative (par défaut de synthèse
au niveau hépatique) ou qualitative (par mutation génétique, estimée à
1/2 000) peut allonger très significativement la durée d’action de la suc-
cinylcholine. En cas de mutation, la butyrylcholinestérase est inefficace,
et la durée d’action de la succinylcholine peut être de plusieurs heures.
La transmission de cette mutation est génétique, autosome récessive,
d’où l’importance de l’histoire familiale. L’activité de la butyrylcho-
linestérase plasmatique peut être mesurée dans le sang. Le traitement
d’un bloc prolongé à la succinylcholine, aussi appelé apnée à la succi-
nylcholine, consiste à laisser la sonde d’intubation dans la trachée et à
poursuivre la ventilation contrôlée jusqu’à la récupération complète. La
succinylcholine s’utilise principalement pour faciliter l’intubation tra-
chéale, en particulier dans les situations d’urgence, notamment celles
comportant un risque d’inhalation du contenu de l’estomac (urgences
digestives notamment). Si un entretien de la curarisation est indiqué
pour faciliter l’acte opératoire, un curare non dépolarisant est utilisé en

Tableau 7-XIII Contre-indications à la succinylcholine

• Antécédent personnel ou familial d’hyperthermie maligne


• Fragilité musculaire : myopathie, myotonie, traumatisme musculaire étendu
(risque de rhabdomyolyse)
• Hyperkaliémie ou situations à risque d’hyperkaliémie (augmentation
du nombre de récepteurs à l’acétylcholine) :
– séquelles de brûlures étendues et profondes
– séquelles d’hémiplégie, de tétraplégie, de paraplégie ou de de monoplégie
• Allergie documentée à la succinylcholine
• Déficit (quantitatif ou qualitatif) en butyrylcholinestérase
198 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

relais. La dose recommandée de succinylcholine est de 1 mg/kg chez


l’adulte et 2 mg/kg chez l’enfant de moins d’un an. Pour diminuer l’in-
cidence et la sévérité des fasciculations et des myalgies postopératoires,
une très faible dose de curare non dépolarisant (précurarisation) peut
être administrée préalablement. Dans ce cas il est recommandé d’aug-
menter la dose de succinylcholine à 1,5 mg/kg.

Curare non dépolarisant

Il s’agit d’antagonistes compétitifs du site de fixation de l’acé-


tylcholine sur son récepteur nicotinique. La fixation de l’antago-
niste sur l’une des deux sous-unités α est suffisante pour bloquer
le récepteur en position fermée. Le bloc induit par les curares non
dépolarisants n’est détectable cliniquement et la force musculaire
diminuée qu’à partir de 75 p. 100 d’occupation des récepteurs post-
synaptiques. C’est le concept de marge de sécurité de la transmis-
sion neuromusculaire. Le bloc est complet, au niveau des muscles
périphériques, quand environ 92  p.  100 des récepteurs sont occu-
pés. Les muscles respiratoires comme le diaphragme, les muscles
adducteurs du larynx ou bien encore les muscles de la paroi abdo-
minale ont une marge de sécurité encore plus importante. Cette
observation justifie que pour paralyser ces muscles et ainsi faciliter
l’intubation, la chirurgie abdominale ou bien la ventilation méca-
nique, il est nécessaire d’utiliser des doses élevées de curares non
dépolarisants.
Les cinq caractéristiques essentielles du bloc non dépolarisant sont :
— l’absence de fasciculations à l’installation du bloc ;
— la diminution de la réponse à une stimulation (effet curarisant
proprement dit) ;
— l’observation d’une fatigue après une stimulation répétée (train-
de-quatre ou tétanos) ;
— l’observation d’une facilitation post-tétanique (bloc compétitif) ;
— la possibilité de lever une curarisation résiduelle par un inhibi-
teur de l’acétylcholinestérase (la néostigmine) quel que soit le curare
non dépolarisant, ou par un agent encapsulant (le sugammadex) spéci-
fique des curares à structure stéroïdienne.
Il existe un grand nombre de curares non dépolarisants disponibles
en France (voir tableau 7-IX). Ils diffèrent les uns des autres par leur
délai d’installation et leur durée d’action, et aucun n’a un délai d’ins-
tallation et une récupération aussi rapides que la succinylcholine.
Les curares non dépolarisants sont dépourvus des effets secondaires
de la succinylcholine (fasciculations, myalgies, hyperkaliémie, rigi-
dité, hyperthermie maligne) et ne sont pas contre-indiqués en cas de
séquelle de dénervation motrice ou de brûlures, de traumatisme mus-
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 199

culaire étendu ou bien de myopathies. De plus, l’effet paralysant des


curares non dépolarisants peut être levé par un inhibiteur de l’acé-
tylcholinestérase (néostigmine) ou un agent encapsulant (sugamma-
dex), lorsque certaines conditions sont réunies (récupération suffisante
notamment).

Curare à durée d’action courte (voir tableaux 7-IX et 7-X)

Cette classe n’a qu’un seul représentant, le mivacurium. Comme


l’atracurium et le cisatracurium, le mivacurium est un dérivé des ben-
zylisoquinolines. Comme la succinylcholine, il est métabolisé par la
butyrylcholinestérase. Ceci explique sa durée d’action courte et éga-
lement le risque de curarisation prolongée en cas de déficit quantitatif
ou qualitatif de cette enzyme. L’activité de celle-ci est aussi diminuée
par la néostigmine. Ainsi, il n’est pas recommandé d’utiliser la néo-
stigmine pour annuler les effets résiduels du mivacurium. La dose
d’intubation du mivacurium est de 0,2 mg/kg. Le délai d’installation
de la curarisation est plus long que pour la succinylcholine. La durée
d’action du mivacurium est la plus courte (30 min) de tous les curares
non dépolarisants. Elle est en moyenne 3 fois plus longue que celle de
la succinylcholine. Comme pour l’atracurium, le mivacurium possède
la propriété d’entraîner une libération spontanée d’histamine (méca-
nisme non allergique) qui se manifeste à des degrés divers par un
érythème, une hypotension, une tachycardie, un bronchospasme. L’in-
tensité des symptômes dépend de la dose et de la vitesse d’injection.

Curares à durée d’action intermédiaire


(voir tableaux 7-IX et 7-X)

Cette classe de curare regroupe des molécules à structure stéroï-


dienne (rocuronium et vécuronium) ou benzylisoquinoline (atracurium
et cisatracurium).
Le rocuronium est en partie redistribué, en partie capté et métabolisé
par le foie, de sorte que la dose recommandée pour l’intubation tra-
chéale (0,6 mg/kg) a une durée d’action de 30 à 45 min. Le délai d’ac-
tion est d’environ 1,5 à 3,0 min. Pour maintenir le patient curarisé, des
doses répétées de 0,2 à 0,3 mg/kg sont employées, prolongeant l’effet
de 15 à 20 min, ou bien une perfusion de 5 à 10 μg/kg/min. Le rocu-
ronium est dépourvu d’effets cardiovasculaires. Il peut s’utiliser pour
l’intubation et la curarisation pour les chirurgies réglées d’une durée
prévisible d’au moins 30 à 45 min, en particulier si aucune difficulté
à l’intubation n’est anticipée. Il est aussi le curare de choix lorsque la
succinylcholine est contre-indiquée (voir tableau 7-XIII).
200 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Le vécuronium est également un dérivé stéroïdien sans effets cardio-


vasculaires à durée intermédiaire (30 à 45  min) très proche du rocu-
ronium. Il est 6 à 7 fois plus puissant que le rocuronium, et agit ainsi
plus lentement.
Comme le mivacurium, l’atracurium est une benzylisoquinoline
qui possède la propriété de libérer spontanément de l’histamine à des
doses cliniques (0,5 mg/kg). Il a été en partie remplacé par un de ses
isomères, appelé cisatracurium, qui est 4-5 fois plus puissant, qui n’a
pas d’effets sur la libération spontanée d’histamine et un délai d’ac-
tion plus long. Une dose de 0,1 mg/kg agit en 4 à 6  min pour une
durée d’action clinique comprise entre 30 à 45  min. L’augmentation
de la dose permet de raccourcir le délai d’action au prix d’une pro-
longation de la durée d’action de l’ordre de 15 à 20  min. L’atracu-
rium et le cisatracurium se dégradent spontanément dans le plasma
et sont ainsi indépendants d’un organe pour leur métabolisme ou leur
élimination. Leur utilisation est particulièrement adaptée en cas d’in-
suffisance hépatique ou rénale. Le cisatracurium est le seul curare non
dépolarisant disposant d’une AMM spécifique en réanimation.

SURVEILLANCE DE LA CURARISATION

Pendant une anesthésie, il est grandement recommandé de suivre


le degré de paralysie musculaire à l’aide d’un moniteur spécifique.
Le monitorage instrumental de la curarisation est une technique qui
simplifie le maniement des curares et permet de mettre en évidence
la grande variabilité de la réponse à un curare d’un patient à un autre.
Pourtant cette technique reste sous-utilisée. En pratique, le monito-
rage de la curarisation nécessite un stimulateur de nerf périphérique,
la réponse musculaire aux stimulations étant évaluée visuellement
ou tactilement (monitorage dit subjectif) ou quantitativement par la
mesure de la force musculaire (monitorage dit objectif).
Plusieurs sites de stimulation ont été proposés. Le plus utilisé est
le nerf ulnaire au poignet dont la stimulation entraîne la contraction
de l’adducteur du pouce. De même, il existe plusieurs modes de sti-
mulation. Le plus courant est le train-de-quatre (Td4) à l’adducteur
du pouce (figure  7-4), qui consiste en l’application de 4  impulsions
électriques à une fréquence de 2 par seconde. En l’absence de curare,
le Td4 produit les 4  contractions de même amplitude. L’administra-
tion d’un curare non dépolarisant entraîne une diminution progressive
de l’amplitude qui n’est pas identique pour les 4  contractions. Ce
phénomène est appelé fatigue. Lorsque la curarisation est complète,
les 4  contractions disparaissent. Lors de la récupération, la première
réponse apparaît d’abord, ensuite les deux premières sont détectables,
puis les trois premières et enfin la quatrième. La mesure de l’ampli-
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 201

Électrode négative

Figure 7-4 Stimulation par train-de-quatre (Td4) au nerf ulnaire.


• Deux électrodes à ECG positionnées au poignet sur le trajet du nerf ulnaire.
• Électrode négative (flèche) sur la portion distale du nerf.
• 4 stimuli électriques à une fréquence de 2 Hz toutes les 15 s.
• Évaluation visuelle ou tactile de la réponse :
– le nombre de réponses (0 à 4) ;
– ne permet pas de distinguer une valeur de Td4 comprise entre 0,3 et 0,9 ;
– utile pour décider quand et à quelle dose administrer un médicament
décurarisant (néostigmine ou sugammadex) et d’en mesurer l’efficacité.
• Évaluation quantitative avec un capteur (accélérographe, cinémyographe,
électromyographe, jauge de contrainte) :
– mesure de la fatigue entre la 1re et la 4e réponse = rapport de Td4 (T4/
T1 = B/A) ;
– permet de définir l’absence de curarisation résiduelle (Td4 ≥ 0,9 à 1,0).
• L’épuisement de la réponse reflète la diminution de la libération de l’acé-
tylcholine.

tude de la quatrième réponse sur la première définit le rapport de Td4


et sa valeur est comprise entre 0 et 1,0 ou 100 p. 100. Ce mode de sti-
mulation est peu douloureux et peut être répété toutes les 10 à 15 s. Il
est ainsi particulièrement adapté à la période de réveil pour déterminer
le moment opportun pour administrer ou non un agent décurarisant
(estimation visuelle ou tactile du nombre de réponses) et diagnostiquer
la présence ou non d’une curarisation résiduelle (mesure objective du
rapport de Td4) afin de permettre le retrait de la sonde d’intubation en
toute sécurité.
Un autre mode de stimulation peut être utilisé, le post-tetanic
count (PTC) ou décompte post-tétanique (figure 7-5). Comme avec
le Td4, le nerf stimulé et le muscle surveillé sont le nerf ulnaire au
poignet et l’adducteur du pouce. Ce mode de stimulation a été pro-
posé pour explorer la curarisation profonde pendant laquelle aucune
réponse au Td4 à l’adducteur du pouce n’est détectable. Le PTC
202 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Électrode négative

Figure 7-5 Stimulation par décompte post-tétanique (PTC) au nerf ulnaire.


• Deux électrodes à ECG positionnées au poignet sur le trajet du nerf ulnaire.
• Électrode négative (flèche) sur la portion distale du nerf.
• Stimuli simples ou par Td4 suivis d’une stimulation tétanique à 50 Hz de
5 s suivie de stimulations uniques simples toutes les secondes.
• Évaluation uniquement visuelle ou tactile de la réponse :
– le nombre de réponses (0 à 10) ;
– utile pour évaluer un bloc profond (<  2 réponses) et adapter ainsi le
niveau de curarisation à l’acte opératoire ;
– permet quand et à quelle dose administrer du sugammadex pour annu-
ler un bloc profond au rocuronium ou au vécuronium, et d’en mesurer
l’efficacité.
• Ne peut pas être répété dans un intervalle inférieur à 5  min (reconstitu-
tion des stocks d’acétylcholine à la jonction neuromusculaire).

associe une stimulation tétanique à une fréquence de 50 Hz pendant


5  s, suivie de 10  stimulations simples à la fréquence de 1 Hz (une
stimulation par seconde). L’absence de réponse détectable après le
tétanos signifie que le bloc est trop profond. La présence de trois à
cinq réponses après le tétanos témoigne d’un niveau de curarisation
suffisant. À l’inverse du Td4, le PTC est douloureux et est appliqué
uniquement chez un patient avec un niveau d’anesthésie profond.
Enfin, il ne peut pas être répété trop souvent, c’est-à-dire toutes
les 5 min.
En pratique, le monitorage de la curarisation a plusieurs objectifs.
Le premier est d’apprécier la vitesse d’installation de la curarisation
et sa profondeur afin de fixer le moment idéal et le plus précoce pour
intuber la trachée et de maintenir un niveau de curarisation adapté au
bon déroulement de l’intervention. Le second objectif est de détermi-
ner le moment optimal pour une éventuelle décurarisation pharmaco-
logique du bloc neuromusculaire (néostigmine ou sugammadex) et en
mesurer son effet. Enfin il permet de diagnostiquer une curarisation
prolongée ou résiduelle.
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 203

CURARISATION RÉSIDUELLE
ET DÉCURARISATION PHARMACOLOGIQUE
Une curarisation qui persiste au-delà de la période d’anesthésie peut
provoquer une insuffisance respiratoire, une obstruction des voies
aériennes, une hypoxémie, un sentiment d’inconfort, une période de
réveil prolongée et des pneumopathies. Malheureusement, au réveil
d’une anesthésie comportant l’administration d’un curare non dépo-
larisant, il n’est pas simple d’estimer cliniquement quand un patient
est complètement décurarisé. Les tests cliniques de décurarisation sont
d’une sensibilité et d’une spécificité faibles. Par exemple, le test du
lever de la tête ou head lift test consiste à soulever la tête au-dessus du
plan du lit pendant au moins 5  s. Toutefois certains patients peuvent
réussir ce test malgré des niveaux de curarisation significatifs. La récu-
pération d’une ventilation spontanée ou la possibilité de serrer la main
ne sont pas non plus synonymes de décurarisation complète. L’absence
de curarisation résiduelle ou la récupération complète est basée sur la
mesure objective du rapport de Td4 à l’adducteur du pouce. Ainsi, l’ob-
servation répétée d’une valeur de ce rapport inférieure à 0,9 définit la
curarisation résiduelle. Même après l’administration d’une dose unique
de curare non dépolarisant, une curarisation résiduelle reste possible
chez 20 à 50 p. 100 des patients. Dans un nombre plus restreint de cas
(1 à 5 p. 100), elle peut avoir des effets délétères allant d’une simple
sensation d’inconfort à une obstruction des voies aériennes supé-
rieures, une hypoxémie ou des complications pulmonaires postopéra-
toires (pneumopathies). Pour éviter les conséquences morbides de la
curarisation résiduelle il est possible d’accélérer le retour à une force
musculaire normale avec une décurarisation pharmacologique. Pour
cela, deux produits sont utilisables : la néostigmine et le sugammadex.
La néostigmine augmente la durée de vie de l’acétylcholine. Pour être
efficace il est nécessaire que la récupération spontanée soit suffisante.
Elle peut être utilisée avec tous les curares non dépolarisants (stéroïdiens
et benzylisoquinolines) exception faite du mivacurium. En pratique une
récupération suffisante survient lorsque l’on peut observer 4  réponses
après une stimulation en Td4 à l’adducteur du pouce. La néostigmine
a un effet sur tous les récepteurs cholinergiques, incluant le récepteur
nicotinique à la jonction neuromusculaire, et le récepteur muscarinique
parasympathique post-ganglionnaire. Ainsi, pour éviter une bradycardie
causée par une stimulation parasympathique, la néostigmine doit être
injectée avec un médicament anticholinergique, l’atropine. La figure 7-6
résume les modalités pratiques d’utilisation de la néostigmine.
En cas d’utilisation de curares non dépolarisants stéroïdiens (rocu-
ronium ou vécuronium), il est possible d’annuler l’effet curarisant de
ceux-ci avec le sugammadex. Celui-ci encapsule de façon spécifique les
curares de cette classe. Il n’interagit pas avec les curares de type benzy-
204 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Après n’importe quel curare non dépolarisant (benzylisoquinoline ou stéroïdiens)


sauf pour le mivacurium

Évaluation visuelle ou tactile du nombre


de réponse après un Td4 à l’adducteur
du pouce : N = 0 à 4

N<4 N=4
Attendre et maintenir l’anesthésie Néostigmime (0,04 mg/kg) + atropine (0,02 mg/kg)
Contrôler à nouveau le Td4 Efficacité : rapport de Td4 ≥ 0,9 en 10 à 20 min
(toutes les 15 s)

Figure 7-6 Décurarisation avec la néostigmine.

lisoquinoline comme l’atracurium ou le cisatracurium. L’interaction entre


le sugammadex et le rocuronium ou le vécuronium forme un complexe
stable qui est éliminé sous forme inchangée par le rein. Une molécule de
sugammadex encapsule une molécule de curare stéroïdien. Ainsi, il est
possible de neutraliser un bloc neuromusculaire induit par le rocuronium
ou le vécuronium, quel que soit le niveau, en prenant toutefois la précau-
tion d’injecter le sugammadex à une dose adaptée à celui-ci. Ce niveau de
curarisation est là encore estimé par le monitorage de la curarisation. La
figure 7-7 résume les modalités pratiques d’utilisation du sugammadex.

Uniquement après le rocuronium ou le vécuronium

Décurarisation immédiate (rocuronium uniquement) Évaluation visuelle ou tactile


Pas de test de curarisation à ce niveau de bloc du nombre de réponses
Sugammadex 8 à 16 mg/kg après un Td4 à l’AP** : N = 0 à 4
Efficacité : RTd4* > 0,9 en 3 à 5 min

N=0 N=2
Tester le PTC à l’AP Sugammadex 2 mg/kg
Efficacité : RTd4* > 0,9 en 3-5 min

N=0 N=1à2
Attendre et maintenir l’anesthésie Sugammadex 4 mg/kg
Contrôler à nouveau le PTC (≥ 5 min) Efficacité : RTd4* > 0,9 en 3-5 min
* Rapport de Td4
** Adducteur du pouce
Figure 7-7 Décurarisation avec le sugammadex.
PHARMACOLOGIE DES AGENTS ANESTHÉSIQUES 205

CONCLUSION

Les curares permettent de faciliter l’intubation de la trachée, le


geste opératoire et la ventilation mécanique. Ils n’ont pas d’autre effet
que celui de paralyser les muscles striés squelettiques. Leur utilisation
implique donc un contrôle adapté des voies aériennes et de la ventila-
tion qui est abolie. Leur maniement est simplifié par le monitorage de
la curarisation. Celui-ci permet d’adapter la dose de curare en fonc-
tion de l’objectif recherché, de diagnostiquer et de traiter une curarisa-
tion résiduelle par une décurarisation pharmacologique à l’aide de la
néostigmine ou du sugammadex.

POUR EN SAVOIR PLUS

Donati F, Plaud B. Curarisation, monitorage et décurarisation. Conférence d’ac-


tualisation de la SFAR. 2011.
Naguib M, Lien CA. Pharmacology of muscle relaxants and their antagonists.
In  : Miller RD. Miller’s anesthesia. 7th ed. Philadelphie. Elsevier, Churchill
Livingstone. 2010 : 859-912.
Plaud B, Meistelman C, Krejci E. Physiologie de la transmission neuromus-
culaire. In  : Martin C, Riou B, Vallet  B. Physiologie humaine appliquée. Rueil
Malmaison. Arnette. 2006 : 859-74.
Stoelting RK. Neuromuscular blocking drugs. In  : Stoelting RK, Hillier SC.
Pharmacolgy and physiology in anesthetic practice. 4th ed. Philadelphie. Lippin-
cott Williams and Wilkins. 2006 : 208-50.
Viby-Mogensen J. Neuromuscular monitoring. In : Miller RD. Miller’s anesthesia,
7th ed. Philadelphie. Elsevier. Churchill Livingstone. 2010 : 1515-32.
Chapitre 8

Anesthésie intraveineuse
à objectif de concentration
V. Billard

DÉFINITIONS

L’anesthésie intraveineuse à objectif de concentration (AIVOC) (ou


Target Controlled Infusion ou TCI) est une modalité d’administration
continue des agents anesthésiques intraveineux dans laquelle l’anes-
thésiste ne règle pas la dose perfusée mais directement la concen-
tration de l’agent qu’il veut obtenir dans le sang ou au site d’action
(c’est-à-dire le système nerveux central) du patient. Les doses néces-
saires pour maintenir cette concentration « cible » sont calculées de
façon itérative (toutes les 1 à 10  s) par un dispositif médical spéci-
fique qui associe un module de calcul, un modèle pharmacocinétique
du médicament et un pousse-seringue.
L’utilisation clinique de l’AIVOC est basée sur 2 principes :
— l’intensité des effets des agents intraveineux est parallèle à la
concentration prédite au site d’action. Contrôler la concentration per-
met donc de contrôler à tout instant l’intensité des effets et de titrer la
concentration minimale nécessaire selon les besoins de chacun ;
— pour chaque dose administrée, la concentration varie au cours
du temps en fonction de l’équilibre entre distribution et élimination
(voir Chapitre 7, Principaux hypnotiques intraveineux) et il est très
difficile de maintenir manuellement une concentration choisie, surtout
si celle-ci doit changer au cours du temps. En maintenant des paliers
de concentrations choisis par l’utilisateur, le mode AIVOC permet
une plus grande stabilité hémodynamique, un meilleur contrôle de la
profondeur de l’anesthésie, le maintien si nécessaire de la ventilation
spontanée, tout en diminuant le nombre d’interventions humaines de
réglages et moyennant une formation initiale courte.
ANESTHÉSIE INTRAVEINEUSE À OBJECTIF DE CONCENTRATION 207

L’AIVOC ne doit pas être confondue avec une perfusion réglée en


unités massiques (μg/kg/min) puisqu’il s’agit dans ce cas de doses et
non de concentrations.
Le modèle pharmacocinétique est en général un modèle compartimen-
tal à 2 ou 3  compartiments, c’est-à-dire que la distribution de l’agent
anesthésique dans l’organisme et son élimination sont décrits comme
si l’organisme pouvait se résumer à 2 ou 3  compartiments homogènes
entre lesquels les échanges se font selon les gradients de concentra-
tion. Les équations qui constituent ce modèle sont caractéristiques d’un
agent, éventuellement modulées par des covariables pharmacocinétiques
pertinentes comme le poids, la taille, l’âge, la masse maigre…

AVEC QUELS MÉDICAMENTS PEUT-ON FAIRE UNE AIVOC ?

En théorie : il est possible d’administrer en AIVOC tous les agents


intraveineux (hypnotiques, morphiniques, curares) pour lesquels on dis-
pose d’un modèle pharmacocinétique. Mais l’administration en AIVOC
ne modifie pas les propriétés pharmacocinétiques ni pharmacodyna-
miques des médicaments comme l’accumulation (responsable d’un
retard de réveil) ou les effets secondaires.
L’AIVOC sera donc à éviter en anesthésie pour :
— les agents qui s’accumulent beaucoup et rapidement (thiopental,
fentanyl, midazolam) ;
— ceux ayant à long terme des effets secondaires (étomidate et sur-
rénale) ;
— ceux qui ont des métabolites actifs en quantité (morphine, kéta-
mine…) car les effets ne dépendent plus uniquement de la concentra-
tion de la molécule mère.
En pratique clinique, l’AIVOC doit également réunir 2 conditions
réglementaires :
— la notice d’AMM du médicament doit inclure le mode AIVOC
et les concentrations cibles recommandées ;
— l’administration doit être faite par un dispositif médical de per-
fusion comportant un mode d’administration en AIVOC et ayant le
marquage CE.
Ces conditions sont remplies pour le propofol (depuis 1996), le
sufentanil ou le rémifentanil (depuis 2003) et l’alfentanil (depuis
2009) chez l’adulte ou l’enfant âgé de plus de 16 ans, séparément ou
ensemble.
Les principales indications cliniques d’AIVOC sont donc celles de
ces médicaments :
• pour le propofol (voir Chapitre 7, section Principaux hypnotiques
intraveineux) :
— induction et entretien d’une anesthésie générale balancée ;
208 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

— sédation en ventilation spontanée (endoscopie, radiologie, car-


diologie) ;
• pour les morphiniques (voir Chapitre 7, section Morphine) :
— induction et entretien d’une anesthésie balancée, associé au pro-
pofol ou à un halogéné ;
— sédation en ventilation spontanée pour des gestes douloureux
(fibroscopie).

RÉGLAGES ET TERMINOLOGIE EN MODE AIVOC

À l’allumage d’un dispositif d’AIVOC, 4  éléments doivent être


choisis.
• Les caractéristiques du patient  : poids, âge, taille et sexe sont
des covariables qui modifient certains modèles pharmacocinétiques.
• Le médicament et sa dilution  : ils doivent être validés manuel-
lement au lancement et à chaque changement de seringue, sauf avec
le Diprifusor® où ils sont automatiquement vérifiés grâce à un tag
magnétique présent sur le piston de chaque seringue préremplie.
• Le modèle pharmacocinétique  : les coefficients des équations
reliant la dose avec la concentration pour un médicament donné
constituent un modèle pharmacocinétique. Tous les modèles phar-
macocinétiques utilisés pour l’AIVOC ont été publiés dans la litté-
rature médicale en incluant la performance du modèle (c’est-à-dire
la différence entre la concentration sanguine prédite par le modèle
et la concentration mesurée). Cette différence est de l’ordre de 10 à
30 p. 100 mais elle est stable au cours du temps. Un modèle pharma-
cocinétique peut être modifié par des covariables (poids, âge) ou par
le contexte (haute concentration en anesthésie versus basse concen-
tration en réanimation). Quand plusieurs modèles sont disponibles, la
meilleure performance est obtenue pour celui qui a été établi dans une
population proche du patient à endormir. Les modèles les plus utilisés
sont résumés dans le tableau 8-I.
Le modèle de Schnider, établi chez l’adulte, est également utilisable
en pédiatrie. Le temps d’équilibration entre les concentrations san-
guine et cérébrale est plus court et la concentration d’endormissement
est plus élevée chez l’enfant prépubère que chez l’adulte.
• Le type de cible  : les logiciels d’AIVOC sont programmés
pour atteindre la concentration cible aussi vite que possible sans la
dépasser.
La cible peut être la concentration plasmatique. Dans ce cas, la
concentration au site d’action augmente lentement et s’équilibre avec
la concentration plasmatique au bout de 5 à 15 min selon les agents.
Il est aussi possible de cibler directement la concentration au site
d’action. Pour atteindre cette cible aussi vite que possible, le logiciel
ANESTHÉSIE INTRAVEINEUSE À OBJECTIF DE CONCENTRATION 209

Tableau  8-I Principaux modèles pharmacocinétiques utilisables pour l’AI-


VOC

Médicament 1er auteur Population étudiée Covariables


Propofol Marsh Adultes jeunes, anesthésie Poids
Schnider 26-81 ans, anesthésie Poids, âge, taille,
Barr Adultes, sédation masse maigre
réanimation
Sufentanil Gepts Adultes, anesthésie Non
Rémifentanil Minto 20-85 ans, anesthésie Poids, âge, taille,
masse maigre
Alfentanil Scott Anesthésie Non
Midazolam Zomorodi Adultes, sédation réanimation Non

surdose transitoirement la concentration plasmatique, ce qui raccour-


cit le délai d’action.
Pour les agents anesthésiques dont la cible est le système nerveux
central, l’élément cliniquement important est la concentration au site
d’action, et il est donc logique de la choisir systématiquement comme
cible. Si le patient est fragile et risque de mal supporter un surdosage,
il suffit d’augmenter la cible par paliers prudents jusqu’à obtenir l’ef-
fet souhaité. C’est la titration.
Médicament, dilution, modèle pharmacocinétique et type de cible
constituent un protocole thérapeutique qui peut être mémorisé dans
le dispositif médical et rappelé en une seule commande, ce qui fait
gagner du temps au démarrage et limite le risque d’erreurs.
En cours d’utilisation, l’appareil affiche plusieurs paramètres qu’il
faut distinguer :
— la concentration cible (associée au type de cible : plasma ou site
d’action) est la valeur réglée par l’utilisateur. Elle est maintenue par la
machine jusqu’à réception d’une nouvelle consigne ;
— les concentrations prédites dans le sang et au site d’action sont
calculées périodiquement par le dispositif en fonction de la quantité
de médicament qui a été et qui est perfusé. Elles ne sont pas réglables.
Elles ne sont égales à la concentration cible qu’après un délai d’équi-
libration ;
— la concentration de réveil est la concentration à laquelle le
patient est supposé se réveiller. Sa valeur est réglable et peut être
modifiée selon la sensibilité que montre le patient à l’agent. Elle est
en général affichée à côté du temps de décroissance, c’est-à-dire le
temps que mettrait la concentration prédite pour atteindre la concen-
210 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

tration de réveil si la perfusion était stoppée. Pour une même concen-


tration de réveil, le temps de décroissance est d’autant plus long que
la perfusion a été prolongée et la concentration élevée et son affichage
aide à gérer l’entretien de l’anesthésie pour éviter les retards de réveil.

CHOIX DES CONCENTRATIONS CIBLES


EN MODE AIVOC

Les critères de choix sont différents pour le propofol et les morphi-


niques.

Propofol

C’est un hypnotique qui a pour premier objectif de maintenir le


patient inconscient. Il n’a pas d’effet antalgique suffisant pour per-
mettre la plupart des chirurgies lorsqu’il est utilisé seul, mais l’associa-
tion propofol-morphinique agit en synergie pour contrôler la réactivité
aux stimulations douloureuses. La concentration de propofol néces-
saire pour la chirurgie est plus élevée que celle nécessaire au sommeil
(tableau 8-II). La concentration au site d’action à l’endormissement peut
être notée et conservée comme valeur minimale pendant tout l’entretien.

Morphiniques

Ce sont des antalgiques puissants, mais faiblement sédatifs. Ils sont


peu efficaces pour maintenir le patient inconscient et doivent donc
être utilisés principalement pendant les stimulations nociceptives, à
une concentration d’autant plus haute que la stimulation est forte.
Les concentrations habituellement nécessaires selon les différents
temps opératoires sont résumées dans le tableau 8-II.
La prémédication, l’âge avancé et l’instabilité hémodynamique doi-
vent faire diminuer les concentrations cibles ou conduire à les atteindre
par paliers successifs (titration).
Cependant, les patients n’ayant pas tous les mêmes besoins, il est
toujours nécessaire d’évaluer les effets cliniques de ces concentrations
par défaut et d’ajuster si nécessaire la cible à chaque patient.
Ainsi la concentration cible de propofol, de morphinique ou des
2 doit être augmentée si le patient bouge pendant la chirurgie, est
tachypnéique, ou présente une hypertension, une tachycardie ou des
larmes.
Inversement, elle doit être diminuée en présence d’une bradycardie
ou d’une hypotension.
ANESTHÉSIE INTRAVEINEUSE À OBJECTIF DE CONCENTRATION 211

Tableau 8-II Ordre de grandeur des concentrations cibles nécessaires en AIVOC


et doses de morphinique correspondantes

Propofol Rémifentanil Sufentanil


Concen- Concen- Concen-
tration tration Doses tration Doses
cible cible (μg/kg/min) cible (μg/kg/h)
(μg/ml) (ng/ml) (ng/ml)
Induction/ 4-6 4-6 0,5-1 μg/kg 0,3-0,4 0,2-0,3 μg/kg
intubation puis 0,1-0,3 puis stop 5’
Préparation 2-4 0-2 0-0,1 0,05-0,1 Stop après
bolus
Incision 3-4 2-4 0,05-0,15 0,1-0,2 0,1-0,2

Chirurgie 1,5-2 5-20 0,15-0,6 0,4-2 0,4-2


cardiaque
Chirurgie 4-10 5-15 0,15-0,45 0,15-0,6 0,15-0,6
abdominale
Chirurgie ORL 3-6 2-5 0,05-0,15 0,1-0,3 0,1-0,3

Chirurgie 3-5 2-4 0,05-0,15 0,1-0,2 0,1-0,2


périphérique
Reprise VS/réveil 1-2 <1 0,1
Sédation en VS 1-2 <1 < 0,05

En l’absence de ces effets secondaires, la concentration minimale


nécessaire doit en permanence être recherchée (titration décroissante)
pour éviter un retard de réveil, en particulier lorsque la stimulation dou-
loureuse diminue (délai entre intubation et incision, attente de résul-
tat peropératoire…). L’affichage du temps de décroissance permet de
détecter et de corriger une concentration trop haute pour permettre un
réveil rapide (sufentanil ou propofol).

POUR EN SAVOIR PLUS

Billard V. AIVOC de morphinique en pratique clinique. Le praticien en anesthésie-


réanimation. 2008 ; 13 : 34-40.
Chapitre 9

Machines d’anesthésie :
ventilateur et ventilation
artificielle
J.-L. Bourgain, M. Farrugia

Les machines d’anesthésie comportent un système d’administration


des gaz et vapeurs d’anesthésie, couplé à un respirateur. Y sont adjoints
de façon variable d’autres composants, moniteur de surveillance et sys-
tème d’aspiration par exemple. La connaissance de cet outil est indis-
pensable pour sécuriser l’anesthésie et adapter les différents paramètres
réglables aux circonstances cliniques  : techniques d’anesthésie ; actes
opératoires et pathologie concomitante. Récemment, les machines
d’anesthésie ont été équipées de nouvelles fonctions [ventilation en
pression contrôlée (VPC), aide inspiratoire (AI)] et de nouvelles moda-
lités de surveillance (courbes boucle en particulier).

VENTILATEUR D’ANESTHÉSIE

Le système d’administration des gaz anesthésiques comprend une ali-


mentation en gaz frais, un circuit de circulation séparant les gaz inspirés
et expirés, un système d’élimination des gaz excédentaires permettant
leur évacuation à l’extérieur. Ces gaz sont stockés dans un réservoir
(ballon ou soufflet) afin d’être administrés au patient sous forme d’un
volume courant. La grande majorité de ces ventilateurs sont couplés
à un circuit filtre qui est composé d’un ballon, d’un bac à absorption
de CO2, de valves inspiratoire et expiratoire. La ré-inhalation des gaz
expirés permet l’anesthésie à faible débit de gaz frais (figure 9-1).
MACHINES D’ANESTHÉSIE  213

Sens de circulation
des gaz
Ballon
réservoir
Valves
unidirectionnelles

Valve d’échappement

Arrivée Bac à chaux


des gaz frais sodé

Figure 9-1 Schéma d’un circuit filtre.


Le réservoir de gaz est un ballon dans le circuit manuel et un soufflet en
ventilation mécanique. Lorsque le soufflet est actionné par un piston, son
remplissage est assuré à partir d’un ballon réservoir visuellement accessible.

FONCTIONNEMENT DU CIRCUIT MANUEL


Lors de l’utilisation du circuit manuel, le réservoir de gaz est le
ballon d’anesthésie et le patient respire librement dans ce ballon, les
gaz inspiratoires et expiratoires étant séparés grâce à des valves unidi-
rectionnelles. Pour que ce ballon reste gonflé, la valve d’échappement
des gaz excédentaires est tarée à 2  cmH2O ; l’existence d’une pres-
sion positive télé-expiratoire est donc normale. Pour ventiler manuelle-
ment les patients, la mise en pression positive de ce circuit manuel est
rendue possible par la valve APL (adjust pressure limit). Sa plage de
réglage va de 2 à 40  cmH2O, voire plus. Le plus souvent, cette valve
est mécanique et non linéaire, de telle sorte que les chiffres gravés sur
le bouton ne sont donnés qu’à titre indicatif. Pendant l’expiration, les
gaz anesthésiques s’accumulent dans le ballon réservoir et commen-
cent à s’échapper à l’extérieur lorsque la pression dans le circuit atteint
la valeur réglée par la valve APL. Si l’on n’y prend pas garde, le débit
de gaz frais induit une élévation permanente de la pression dans les
voies aériennes, si la valve est fermée (partiellement ou complètement)
et si le circuit est en position manuelle.
214 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Pour ventiler le patient en pression positive dans le circuit manuel,


il convient d’ajuster la valve APL à un certain niveau et de presser le
ballon. Ce mode de ventilation permet de bénéficier du monitorage
des pressions des voies aériennes, des gaz inspirés et expirés. Néan-
moins, il est maintenant recommandé d’utiliser le respirateur pendant
la ventilation au masque facial. Ceci permet de limiter les pressions
d’insufflation et donc le risque d’insufflation gastrique pour un même
niveau de ventilation alvéolaire.

FONCTIONNEMENT DU CIRCUIT
COUPLÉ AU RESPIRATEUR

Les gaz anesthésiques sont accumulés dans le soufflet du ventilateur


pendant l’expiration. Ils sont insufflés dans le patient soit par l’action
d’un moteur électrique (Primus® par exemple) soit par l’action de gaz
qui vont comprimer le soufflet par l’extérieur  : système bag in a box.
Lorsque le ventilateur est électrique, le soufflet se remplit lors du retrait
du piston par des gaz provenant d’un ballon extérieur qui doit donc être
toujours rempli. Lorsque le ventilateur est pneumatique, le soufflet, qui
sert de réservoir de gaz, se trouve dans une enceinte. Le gaz moteur
contenu dans cette enceinte est pressurisé pendant l’insufflation pour
chasser les gaz anesthésiques vers le patient. Le patient expire dans le
soufflet jusqu’à ce qu’il arrive en bout de course, moment où les gaz
s’échappent à l’extérieur après ouverture d’une valve d’échappement
(figure 9-2).
Les systèmes à soufflet ascendant ou descendant présentent chacun
des avantages et des inconvénients.
• Avec un soufflet descendant :
— en position de repos, le soufflet est rempli et il n’est pas néces-
saire de le remplir lorsque l’on débute la ventilation mécanique ;
— la ventilation est maintenue même en cas de fuite ;
— l’aspiration d’air additionnel étant possible, la concentration des
gaz dans la machine n’est pas garantie et les alarmes de FiO2 doivent
être resserrées ;
— la pression du circuit peut devenir négative en cas de fuites.
• Avec un soufflet ascendant :
— en position de repos, le soufflet est vide et il est nécessaire de le
remplir avant le début de la ventilation mécanique ;
— en cas de fuites, le volume dans le soufflet peut ne pas être suf-
fisant pour permettre de délivrer le Vt souhaité. Dans ce cas, la venti-
lation minute diminue ;
— la composition des gaz dans le circuit est constante, d’autant
plus que, pour certains appareils, le remplissage rapide peut se faire à
partir des gaz frais réglés par le clinicien (Felix® Taema).
MACHINES D’ANESTHÉSIE  215

cmH2O

10
Paw

0 Pression positive
expiratoire
Vitesse balayage : 12:5 mm/s
Expiration à travers
Expiration la valve
dans le soufflet d’échappement

Débit
0
Le débit
expiratoire
doit être nul en
fin d’expiration

Figure 9-2 Courbe de pression et de débit dans un respirateur à enceinte (bag


in a box).
À l’inspiration, les gaz anesthésiques sont insufflés grâce à la pressurisation
du gaz moteur situé dans l’enceinte. À l’expiration, il existe une pression
positive télé-expiratoire. Les gaz expirés remplissent le soufflet jusqu’à ce
qu’il arrive en butée. Dès lors les gaz expirés s’échappent à l’extérieur via
la prise SEGA après ouverture de la valve permettant l’échappement de ces
gaz. En fin d’expiration, le débit expiratoire doit être nul ; lorsque l’expiration
n’est pas terminée au moment de l’insufflation suivante, il y a phénomène
d’hyperinflation dynamique ou trapping gazeux.

Lorsque l’oxygène rapide est utilisé avec un système bag in a


box, il y a risque d’élévation importante des pressions des voies
aériennes et cette fonction utile pour remplir le soufflet doit être
utilisée sous contrôle visuel du monitorage de pression du respi-
rateur.

CIRCUIT PRINCIPAL ET CIRCUIT ACCESSOIRE

L’utilisation d’un circuit accessoire est intéressante quand le circuit


principal ou le respirateur est défaillant. Le monitorage prévient le cli-
nicien de l’anomalie de fonctionnement et lui permet de prendre la
décision de passer sur le circuit accessoire.
216 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

L’intérêt du circuit accessoire à l’induction et au réveil se résume


à la puissance des habitudes acquises précocement… Il n’apporte
aucun avantage du point de vue mécanique ou cinétique puisque la
rapidité de l’induction et du réveil n’est pas meilleure avec ces cir-
cuits comparés au circuit filtre à haut débit de gaz frais. La vérifica-
tion avant utilisation pose souvent des problèmes du fait de l’absence
de procédures validées et de la difficulté des mesures sur ces appa-
reils rudimentaires. La composition des gaz inspirés et expirés ainsi
que le volume et les pressions des voies aériennes doivent être sur-
veillés. Ceci est rarement possible, en particulier en ce qui concerne
les pressions.
Fait important et récent  : la mise en ventilation contrôlée par le
respirateur après l’induction et avant l’intubation permet de contrôler
réellement la ventilation. Ceci permet de réduire considérablement les
pressions d’insufflation (de l’ordre de 10  cmH2O) surtout lorsque la
ventilation est effectuée en mode pression.
Autre fait important : la réalisation de la pré-oxygénation dans
le circuit principal permet de vérifier avant l’induction son bon
fonctionnement (valves, connexion des tuyaux, monitorage des
gaz).

NOTION DE COMPLIANCE INTERNE DU CIRCUIT


Les respirateurs d’anesthésie contiennent un volume de gaz impor-
tant (bac à chaux, soufflet, tuyaux connecteurs en particulier). Lors
de l’insufflation, les gaz contenus dans cet espace mort instrumental
sont comprimés et ne participent pas aux échanges gazeux bien que
comptabilisés par le spiromètre expiratoire. Lors de l’insufflation, si
P est la pression d’insufflation, Vd l’espace mort du ventilateur, le
volume courant sera amputé du produit P  ×  Vd. Cet effet de com-
pression interne est particulièrement critique en pédiatrie et lorsque
la pression d’insufflation est élevée.
Pour corriger ce défaut, les respirateurs d’anesthésie mesu-
rent la compliance interne du circuit pendant l’autotest et corri-
gent le volume réellement insufflé en fonction de ce paramètre.
Toute modification du circuit, changement de tuyau en particulier,
impose de refaire l’autotest afin que la machine calcule sa nouvelle
compliance. Les systèmes de correction autorisent l’utilisation
de la même machine pour les adultes et les enfants, à condition
d’adapter les tuyaux, le ballon et le filtre antibactérien) au poids
de l’enfant. Seule, la ventilation des prématurés et des nouveau-nés
nécessite un matériel spécifique. Un changement de tuyau impose
de refaire le test de fuite et de compliance pour modifier le facteur
correctif de compliance. Les respirateurs les plus récents ont des
MACHINES D’ANESTHÉSIE  217

performances comparables à celles des ventilateurs de réanimation,


autorisant ainsi à ventiler des patients en insuffisance respiratoire
aiguë.

VÉRIFICATION DE LA MACHINE D’ANESTHÉSIE


AVANT UTILISATION

La Société française d’anesthésie et de réanimation a édité des


recommandations concernant l’appareil d’anesthésie et sa vérifica-
tion avant utilisation (janvier  1994). La vérification du respirateur
ou check-list doit être réalisée de façon quotidienne. Le plus souvent
l’autotest du respirateur est automatique mais il faut faire très atten-
tion aux messages d’erreur qui sont générés en cas de problème.
Sauf urgence vitale (et avec grande prudence), il n’est pas conce-
vable de démarrer une anesthésie avec un appareil partiellement
fonctionnel.

MONITORAGE DE LA MACHINE
D’ANESTHÉSIE

CAPTEURS

Les capteurs sont de plus en plus fiables et sont étalonnés pen-


dant les autotests. Les analyseurs d’oxygène paramagnétiques
permettent le monitorage de la FeO2 pendant la préoxygénation.
L’utilisation de bas débit de gaz frais majore les problèmes de
mesure liés à l’humidité. Ceci concerne autant la mesure des gaz
que celle du Vt.

SURVEILLANCE DE LA MÉCANIQUE RESPIRATOIRE

Elle se fait le plus souvent sur les courbes en fonction du temps


comme indiqué en figure 9-2. Bien que ce ne soit pas toujours aisé-
ment visible, il faut s’attacher à reconnaître les points caractéris-
tiques : pression de plateau, débit de fin d’expiration entre autres.
L’affichage des courbes de débit, volume et pression des voies
aériennes rend de grands services. Les étapes du cycle respiratoire sont
identifiées par des marques (figures  9-3 et 9-4). Il est recommandé
218 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

600 Volume ml

Expiration

Fin d’inspiration

Inspiration

Paw cmH2O
0 40

Fin d’expiration

Figure  9-3 Schéma de la boucle pression-volume en ventilation à volume


contrôlé.
Il est facile de reconnaître les différentes étapes du cycle respiratoire. L’une
des courbes est fixe car elle a été mémorisée (courbe de référence), l’autre se
renouvèle à chaque cycle et la comparaison des deux courbes est très facile.

60 Débit l/min

Expiration
Début Fin

Volume ml

Fin Début
Inspiration

– 60

Figure 9-4 Schéma de la boucle débit-volume.


Sur cette figure, le débit est en ordonnée et le volume en abscisse. Ceci n’est pas
le cas pour d’autres machines. Il existe également une boucle de référence. Le
volume expiré est plus petit que le volume inspiré du fait de l’existence d’une fuite.
MACHINES D’ANESTHÉSIE  219

de mémoriser une ou des courbes pour les comparer d’un instant à


l’autre. Si la représentation de la boucle pression-volume est la même
pour tous les fabricants (pression en abscisse et volume en ordonnée),
la boucle débit-volume et la courbe de débit en fonction du temps ne
sont pas représentées de la même façon. La lecture des unités sur les
axes et le repérage de l’inspiration sont nécessaires à l’interprétation
des signaux.

GESTION RAISONNÉE DES ALARMES

Il faut dissocier les paramètres monitorés qui doivent être alarmés


de ceux qui ne doivent être consultés qu’à titre informatif. Un para-
mètre monitoré est alarmé quand :
— le dépassement du seuil met en jeu l’homéostasie, quel que soit
le contexte ;
— le fonctionnement de la station d’anesthésie est compromis
(alarmes techniques) ;
— le contexte clinique invite à monitorer un paramètre réputé
prédictif d’une complication attendue (capnographie et embolie
gazeuse…).
Pour ne pas saturer l’attention du clinicien, les autres paramètres
ne sont pas alarmés et sont affichés sur l’écran à la demande.
Certaines alarmes sont réglementaires et ne doivent pas être inhi-
bées (tableau  9-I). En pratique, le paramétrage de la configura-
tion est essentiel et sa standardisation facilite l’apprentissage et
l’utilisation.

Tableau 9-I Alarmes réglementaires de la machine d’anesthésie (Recomman-


dations SFAR, janvier 1994)

• Alarme de défaut d’alimentation électrique et en O2


• Manomètre de pression des voies aériennes avec valve de surpression
et alarme de pression haute
• Spiromètre inclus dans le segment expiratoire avec alarme de débranchement
• Analyseur d’O2 alarmé
• Capnographe alarmé
• Analyseur de gaz et vapeurs anesthésiques
220 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

CONSÉQUENCES DE L’ANESTHÉSIE
SUR LA VENTILATION

MÉCANIQUE VENTILATOIRE

L’hypotonie induite par l’anesthésie avec ou sans curare augmente la


compliance pariétale et donc thoraco-pulmonaire. Lorsque l’anesthésie ou
la curarisation s’allège, la compliance diminue et la pression des voies
aériennes augmente pour un Vt donné. L’absence de tonus musculaire
facilite la transmission des contraintes pariétales au compartiment pulmo-
naire. Ceci est particulièrement vrai lors des changements de position et
justifie pleinement les protocoles d’installation en décubitus ventral, laté-
ral et lors de l’installation du billot. Certains opiacés (alfentanil, rémifen-
tanil) augmentent le tonus musculaire et altèrent la compliance et la CRF.
La surveillance de la mécanique respiratoire est utile pour apprécier le
relâchement musculaire.

ATÉLECTASIES

L’anesthésie générale induit précocement des micro-atélectasies des


bases du fait du relâchement musculaire et de la ventilation en pression
positive. L’utilisation d’une FiO2 élevée favorise l’extension des micro-
atélectasies et doit être utilisée le moins longtemps possible (tableau 9-II).
Ces atélectasies, plus importantes chez l’obèse, sont à l’origine d’une

Tableau 9-II Mécanismes et facteurs favorisants les atélectasies peropératoires

• Mécanismes
– Anesthésie avec relâchement musculaire + ventilation en pression positive
– Absence de soupir
– Surcharge liquidienne dans les zones déclives
• Facteurs favorisants
– AG >> ALR
– Décubitus latéral, position de Trendelenburg
– FiO2 > 0,8
– Enfants âgés de 1 à 3 ans
– Obésité
– Ventilation à petit volume courant (< 6 ml ⋅ kg–1)
MACHINES D’ANESTHÉSIE  221

hypoxémie peropératoire qui se prolonge après l’anesthésie. La baisse


de la CRF et la diminution de compliance qui l’accompagne justifient un
traitement préventif et curatif.

VENTILATION EN PRESSION
POSITIVE EN ANESTHÉSIE

VENTILATION VOLUME CONTRÔLÉ

Principes de fonctionnement
La ventilation minute est déterminée par le réglage du volume cou-
rant et de la fréquence respiratoire. Pendant l’insufflation, le débit inspi-
ratoire est constant (voir figure 9-3). Le volume courant est réglé autour
de 8 ml ⋅ kg–1 environ et la fréquence respiratoire est ajustée en fonction
de la PetCO2 qui doit être située entre 35 et 40  mmHg. L’hypocapnie
sévère (PetCO2 > 30  mmHg) est à proscrire. Le temps de pause ins-
piratoire et le rapport I/E n’ont pas d’effet sur la ventilation minute
mais affectent la valeur du débit d’insufflation (figure  9-5). La pres-
sion de crête atteinte en fin d’insufflation dépend de plusieurs facteurs :
réglages du ventilateur (Vt, durée et débit d’insufflation), la compliance
thoraco-pulmonaire du patient, la résistance du tube endotrachéal et des
voies aériennes. La pression de plateau est inférieure à la pression de
crête. Contrairement aux idées reçues, l’adjonction d’un temps de pause
n’homogénéise pas vraiment la distribution du gaz inspiré ; en revanche
la mesure de la pression de plateau est utile pour estimer les propié-
tés statiques du système thorax-poumon. La pression d’insufflation est
d’autant plus élevée que les conditions d’aval sont défavorables.
En ventilation contrôlée, l’expiration est passive et doit être termi-
née au moment où débute l’insufflation suivante. Si tel n’est pas le
cas, cette hyperinflation dynamique (ou trapping gazeux) peut être à
l’origine d’une surdistension pulmonaire (figure 9-6).

Réglages
Les réglages autres que ceux du Vt, du I  : E, de la fréquence res-
piratoire et de la PEP sont globalement inutiles. Les paramètres sont
ajustés pour éviter l’hyperinflation dynamique, source potentielle de
barotraumatisme particulièrement chez le sujet emphysémateux. Les
modifications induites par ces réglages sont évaluées sur les courbes en
222 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

600 Vol 30 Débit

Vol
1 : 1 (gras) 600

1 : 2 (fin)

Paw
0 20 – 30
Figure  9-5 Comparaison des effets induits par les modifications de réglage
du respirateur en mode volume contrôlé.
Le réglage du rapport I  : E ne change pas le Vt mais affecte la valeur du débit
d’insufflation.

900 Vol 30 Débit

Vol
F = 12 600

F = 18

Paw
0 – 30

Figure  9-6 Boucle pression-volume et débit-volume chez un patient obèse


intubé pour une laryngoscopie directe avec une sonde d’intubation de faible
calibre.
À une fréquence respiratoire de 18, l’expiration n’est pas terminée avant le début
de l’insufflation comme l’atteste le débit de fin d’expiration ; la pression d’in-
sufflation est élevée. Une diminution de fréquence à 12 limite le phénomène
d’hyperinflation dynamique et réduit sensiblement la pression d’insufflation.
MACHINES D’ANESTHÉSIE  223

fonction du temps ou sur les boucles (voir figure 9-6). Le soupir auto-


matique (allongement du temps d’insufflation de 100 p. 100 tous les 50
ou 100 cycles) est inefficace. L’utilisation d’un temps de pause inspira-
toire revient à augmenter le débit d’insufflation et donc à augmenter la
pression d’insufflation ; son intérêt sur la distribution de la ventilation
n’a pas été démontré. Les changements du rapport I  : E (de 1  : 5 à
1 : 1) sur la distribution de la ventilation et l’hématose ont fait l’objet
de publications contradictoires. En pratique, l’effet de ces modifications
dépend de plusieurs facteurs dont le diamètre de la sonde d’intubation,
l’élasticité pulmonaire et la fréquence respiratoire. L’efficacité de ces
réglages est jugée sur les courbes boucle et sur l’hématose.

VENTILATION EN PRESSION CONTRÔLÉE

Principes de fonctionnement

Ce mode est caractérisé par la forme du débit inspiratoire. Le


débit est décélérant pour maintenir constante la pression d’insuffla-

600 Vol Débit


30

mode volume (gras)

Vol
600 0

Paw
0 20 – 30

mode pression (fin)

Figure  9-7 Comparaison des boucles pression-volume et débit-volume en


ventilation à volume contrôlé et à pression contrôlée.
En mode volume contrôlé, le débit est constant et la pression d’insufflation
s’accroît progressivement en cours d’insufflation ; en mode pression contrô-
lée, la pression est réglable et constante, le débit d’insufflation est décélérant.
224 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

tion (figure 9-7). En cela, ce mode en pression s’oppose au mode en


volume où le débit est constant pendant l’insufflation et la pression
s’accroît progressivement (tableau  9-III). Les appareils modernes
sont suffisamment performants pour couvrir les besoins cliniques.
Fait très important, le paramètre de réglage principal est la pression
qui conditionne le débit et, en conséquence, le volume courant délivré
(voir tableau 9-III) :
— en mode volume, le volume courant est réglé et la pression
d’insufflation est d’autant plus élevée que les conditions mécaniques
d’aval sont défavorables (compliance ou résistance) ;
— en mode pression, la pression d’insufflation est réglée et le
volume courant délivré est d’autant plus important que les conditions
mécaniques d’aval sont favorables (figure 9-8).
Le mode en pression contrôlée nécessite une surveillance atten-
tive du volume courant et un réglage serré des alarmes hautes et
basses. En cas d’augmentation des résistances ou de diminution de
compliance, le volume courant diminue ; en cas d’amélioration de
l’impédance thoraco-pulmonaire (curarisation, changement de posi-
tion, évacuation du pneumopéritoine lors des cœlioscopies…), des
augmentations majeures de volume courant peuvent être observées.

Réglage
Parce que la VPC agit comme un générateur de débit, l’augmen-
tation de fréquence respiratoire ne modifie pas la ventilation minute
mais induit une diminution de Vt (figure 9-9) avec un risque d’aug-
mentation de l’effet espace mort. Une hypoventilation alvéolaire ne
doit donc pas être traitée par une augmentation de la fréquence res-
piratoire. L’augmentation du rapport I  : E induit une augmentation

Tableau 9-III Comparaison des propriétés de la ventilation contrôlée en mode


volume et en mode pression

Volume contrôlé Pression contrôlée


Consigne de réglage Réglage du Vt : la pression Réglage de la pression
d’insufflation dépend d’insufflation :
de l’impédance thoraco- le volume insufflé
pulmonaire dépend de l’impédance
thoraco-pulmonaire
Débit d’insufflation Débit constant Débit décélérant
Ventilation à fuites Diminution du Vt expiré Meilleur maintien du Vt
Monitorage Pression d’insufflation Volume courant
MACHINES D’ANESTHÉSIE  225

600 Vol 60 Débit

compliance 50 ml/cmH2O

Vol
1 200

compliance 24 ml/cmH2O

Paw
– 60
0 20

Figure  9-8 Boucles pression-volume et débit-volume en ventilation à pres-


sion contrôlée pour deux niveaux de compliance (modèle de poumon).
La diminution de compliance induit une franche diminution du Vt. L’augmen-
tation des résistances a le même effet sur le Vt. En mode pression contrôlée,
la ventilation minute dépend donc des conditions mécaniques du système
thoraco-pulmonaire et doit être étroitement surveillée.

du Vt parce que le respirateur insuffle pendant plus longtemps (voir


figure 9-8) ; l’augmentation du Vt et la diminution concomitante du
temps expiratoire exposent au risque d’hyperinflation dynamique.

Avantages du mode de ventilation en pression


En cas de fuites, la ventilation est mieux préservée en mode pression
qu’en mode volume. Pour un même Vt, la pression d’insufflation est sen-
siblement plus basse en mode pression contrôlée qu’en mode volume.
Les indications démontrées en anesthésie découlent de ces avan-
tages  : le masque laryngé et la ventilation sur sonde sans ballonnet
en pédiatrie sont deux indications largement reconnues, surtout en
présence de fuites et lorsque la pression d’insufflation est supérieure
à la pression de fuite. La limitation des pressions d’insufflation est
intéressante en cas de ventilation unipulmonaire et, par analogie, lors
de l’utilisation des sondes de microchirurgie laryngée.
À l’exception de la ventilation au masque facial et du masque
laryngé, le bénéfice réel de la réduction de la pression d’insufflation
n’a pas été prouvé.
L’utilisation de ce mode nécessite une formation et une vigilance
augmentée du fait des risques d’hypoventilation alvéolaire.
I E I E
226

FR 1 2 F R16
I:E 1:2 I : E 1: 2

FR12
TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

F R 16 I : E 1: 2
I : E 1: 2

F R12
I : E 1: 1
Mode volume contrôlé

Mode pression contrôlée

Figure 9-9 Comparaison des effets induits par les modifications de réglage du respirateur en mode pression contrôlée.
Les changements de fréquence et de rapport I : E modifient le Vt par changement de la durée de l’insufflation ; ils n’affectent pas
la valeur du débit d’insufflation. Les repères de I et de E ont été calés pour le réglage FR = 12 cpm et I : E = 1 : 2.
MACHINES D’ANESTHÉSIE  227

Mode « autoflow » ou « pression contrôlée à volume garanti »


Le mode dit « autoflow » a été conçu pour pallier les variations de
ventilation en rapport avec les modifications d’impédance thoraco-
pulmonaire. L’anesthésiste règle une consigne de Vt et la machine
en mode pression ajuste la pression d’insufflation pour garantir l’ad-
ministration du volume désiré. La qualité de la ventilation sous ce
mode de ventilation n’est pas différente de celle du mode en pression
contrôlée. L’avantage est qu’il évite des variations inopinées du Vt
lors de brusques changements de la mécanique respiratoire. En cela,
il apparaît plus sécuritaire à condition que le clinicien porte attention
aux mécanismes qui ont conduit à ces modifications.

MODES AUTODÉCLENCHÉS
Principes de fonctionnement
Les circuits filtre permettent le passage aisé de la ventilation sponta-
née à la ventilation contrôlée en activant un simple commutateur tout
en gardant le même niveau de sécurité. Cette fonction n’est pas un
simple gadget puisqu’elle est utilisée au moins deux fois pour chaque
anesthésie générale : lors de l’induction (passage de la ventilation spon-
tanée lors de la préoxygénation à la ventilation en pression positive)
et lors du réveil (sevrage de la ventilation mécanique). Le respirateur
déclenche une insufflation lorsqu’il reconnaît un appel inspiratoire du
patient. Cette fonction s’appelle un trigger qui scrute le plus souvent
une inversion de débit lors de l’expiration. Ailleurs, il repose sur l’iden-
tification d’une variation négative de pression dans le circuit pendant
l’expiration. Cette dernière méthode moins sensible n’est plus utilisée.
A priori, il apparaît logique de régler le niveau de trigger au mini-
mum ; néanmoins, un trigger trop sensible expose au risque d’auto-
déclenchement pour des dépressions trachéales très faibles.
Il convient de distinguer deux modes : la VACI (ventilation assistée
contrôlée intermittente) où les cycles de ventilation mécanique sont
effectués sur le mode volume contrôlé et l’aide inspiratoire (AI) où ils
sont effectués en mode pression contrôlée.
La littérature concernant l’intérêt de la VACI en anesthésie est
pauvre. Ceci est probablement lié à la difficulté d’adapter le patient
à ce mode. En effet, le patient tolère l’insufflation mécanique qu’il a
déclenchée si l’augmentation inspiratoire du volume pulmonaire est
rapidement satisfaite. En VACI, le débit en début d’inspiration n’est
pas toujours suffisant pour contenter le patient.
Le trigger expiratoire permet d’arrêter l’insufflation dès que le
patient débute l’expiration. Il est nécessaire d’y adjoindre un temps
228 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

inspiratoire maximum autorisé pour arrêter l’insufflation en présence


de fuites. L’irrégularité des cycles est fréquente en cas d’anesthésie
légère. En ce sens, elle ne doit pas inquiéter si c’est le niveau de pro-
fondeur d’anesthésie souhaité.

Réglage

Le niveau d’aide est adapté aux conditions mécaniques du système


respiratoire, au patient (obésité, BPCO) et au niveau d’assistance res-
piratoire que le clinicien choisit. Ce réglage a un impact sur la PetCO2
et le pourcentage d’assistance (p. 100 de débit généré par le patient),
paramètre qui donne une idée des capacités du patient à ventiler spon-
tanément. Il est important de bien surveiller le niveau de PetCO2 : des
épisodes d’hypocapnie profonde ne sont pas rares dans ce contexte.
Ils sont liés au fait que sous anesthésie légère la commande respira-
toire n’est pas toujours sensible à la valeur de la capnie.
Un réglage trop sensible du trigger expose le patient au risque de
l’auto-trigger où l’insufflation est déclenchée par les variations de
pression trachéale liées à l’éjection du volume systolique en dehors de
la cage thoracique. Un niveau de trigger trop élevé laissera des appels
du patient non satisfaits par une insufflation. Une fuite importante
peut être également cause d’un autotrigger, l’appareil reconnaisant la
fuite comme un appel inspiratoire.
Tous les appareils possèdent une fonction de ventilation d’apnée. Il
s’agit du déclenchement d’un cycle contrôlé lorsque le temps expiratoire
dépasse un seuil réglé par la fréquence minimale. Ceci est une sécurité
indispensable, souvent utilisée pour laisser le patient reprendre une res-
piration spontanée tout en lui imposant une ventilation « a minima ».
Certains appareils d’anesthésie imposent une ventilation dite de sécurité
en intercalant des cycles imposés au milieu des cycles déclenchés. Ce
système n’est pas efficace car l’insufflation tombant sur une phase expi-
ratoire rencontre des cordes vocales le plus souvent fermées.

Avantages de l’aide inspiratoire à l’étude

Pendant la ventilation sous masque laryngé, le régime de pression


est plus faible qu’avec les autres modes de ventilation. Lors de l’in-
duction en ventilation spontanée, l’AI procure un niveau de venti-
lation alvéolaire proche de la normale ; ceci est intéressant lors des
inductions au sévoflurane chez l’adulte et l’enfant et lors de l’intuba-
tion sous fibroscopie en réanimation et au bloc opératoire. Ce mode
de ventilation s’est également avéré utile lors des sédations au cours
des anesthésies locorégionales. Il est maintenant possible d’extuber
MACHINES D’ANESTHÉSIE  229

la grande majorité des patients sur table. L’aide inspiratoire en fin


d’intervention permet d’alléger l’anesthésie sans observer une désa-
daptation du patient au respirateur. La ventilation non invasive post-
opératoire est au mieux réalisée par des appareils conçus à cet usage.
Fait très important, ces nouveaux modes requièrent une attention
soutenue pour adapter les réglages du respirateur et/ou la profondeur
d’anesthésie aux circonstances.

TRAITEMENT DE L’HYPOXÉMIE
PEROPÉRATOIRE

L’hypoxémie peropératoire est largement dépendante de la présence


de micro-atélectasies. Les manœuvres de préoxygénation ont été incri-
minées dans la genèse des atélectasies. Les anesthésies sous ventilation
contrôlée font baisser la CRF avec collapsus alvéolaire et altération de
l’oxygénation, plus ou moins réversibles sous PEP. Cette pratique est
peu utilisée au cours des anesthésies car les problèmes d’oxygénation
sont traités, de première intention, par une augmentation de la FiO2.
Néanmoins, l’utilisation de FiO2 élevées favorise l’extension des micro-
atélectasies et son usage doit être limité (voir tableau  9-II). Le soupir
automatique (augmentation du temps d’insufflation de 100 p. 100 tous
les 50 ou 100  cycles) est inefficace. Une stratégie de prise en charge
des hypoxémies peropératoires est nécessaire (tableau 9-IV).
Pour restaurer l’oxygénation, la PEP et les manœuvres de recrutement
alvéolaire sont proposées. La manœuvre de recrutement en apnée est
simple à utiliser (tableau 9-V). L’autre manœuvre de recrutement consiste

Tableau 9-IV Conduite à tenir devant une SpO2 basse en cours d’anesthésie

• Vérifications préalables
– Vérifier la bonne qualité du signal (pulsatilité de la courbe)
– Vérifier la FiO2
– Auscultation pulmonaire du patient : intubation sélective ?
– Aspect du capnogramme (pente de la courbe de fin d’expiration, régularité ?
• Si vérifications OK
– Pratiquer une manœuvre de recrutement alvéolaire
– PEP si le résultat est insuffisant ou transitoire
– Augmenter la FiO2 en cas d’échec
230 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Tableau 9-V Manœuvre de recrutement en apnée

• Passer la machine d’anesthésie en mode manuel


• Régler la valve APL à la pression souhaitée (de 30 à 40 cmH2O)
• Ne pas actionner l’O2 rapide ni modifier le débit de gaz frais pour ne pas
changer la FiO2
• Presser sur le ballon d’anesthésie pour maintenir la pression pendant 15
à 40 secondes en contrôlant sur le moniteur du respirateur (habituellement
de 30 à 40 cmH2O). La tolérance hémodynamique et la durée d’apnée avant
désaturation limitent le niveau et la durée de la manœuvre
• Contrôler l’efficacité de la manœuvre sur la SpO2 et la boucle pression volume
• Appliquer une PEP > 5 cmH2O systématiquement ou si la manœuvre
de recrutement a un effet transitoire

à ventiler pendant une minute à haut niveau de PEP (20  cmH2O) et


grand Vt pour obtenir une pression d’insufflation proche de 40 cmH2O.
Les effets hémodynamiques de ces manœuvres ne sont pas négligeables
et l’hypovolémie est une contre-indication à ces manœuvres. Après l’in-
duction anesthésique, il faut attendre la stabilité hémodynamique avant
de faire ces manœuvres.
L’amélioration de la compliance peut être fugace et justifie, dans ce
cas, l’application d’une PEP entre 7 et 10 cmH2O.
L’efficacité de cette manœuvre a été prouvée pour :
— lever les micro-atélectasies postinduction ;
— pendant les cholécystectomies laparoscopiques ;
— chez les obèses en l’associant avec une PEP ;
— en pédiatrie.
Cette fonction est maintenant automatisée sur les tous derniers res-
pirateurs.

CONCLUSION

Les nouveaux respirateurs d’anesthésie proposent des nouvelles


fonctions qui permettent une meilleure adaptation de la ventilation
aux contraintes liées au patient (niveau d’anesthésie) ou au contexte
(le masque laryngé, la position du patient). Ces modes de ventilation
nécessitent une surveillance étroite dont l’analyse est facilitée par l’af-
fichage des boucles pression-volume et débit-volume. Des consignes
MACHINES D’ANESTHÉSIE  231

standards de réglage ne peuvent plus être recommandées, en particu-


lier en cas de poumons pathologiques  : le clinicien doit adapter les
réglages du respirateur à l’hématose souhaitée en évitant l’utilisa-
tion de pression d’insufflation élevée et l’hyperinflation dynamique.
L’existence des micro-atélectasies justifie leur prévention et leur
identification, particulièrement en cas de circonstances favorisantes
comme l’obésité.
Ces nouvelles machines bénéficient d’un meilleur niveau de sécu-
rité que leurs aînées. Ceci ne dispense pas les cliniciens d’effectuer les
contrôles avant utilisation et d’exiger que la maintenance soit effec-
tuée selon les préconisations du fabricant. Il est important d’apprendre
le fonctionnement des machines sur le terrain et sur un e-learning qui
permet de tester en temps réel son niveau de connaissance.

POUR EN SAVOIR PLUS

Bourgain JL. Gags de la machine d’anesthésie. Conférence d’actualisation de la


SFAR. Paris, Elsevier, 2000 : 11-20.
Recommandations concernant l’appareil d’anesthésie et sa vérification avant utili-
sation. http : //www.sfar.org/recomappareil.html
Chapitre 10

Monitorage

MONITORAGE HÉMODYNAMIQUE

J. de Montblanc

MONITORAGE DU SIGNAL ECG


En cours d’anesthésie et en SSPI, le contrôle continu du rythme
cardiaque et du tracé électrocardioscopique sont obligatoires.
L’électrocardiogramme (ECG) mesure l’activité électrique du cœur,
l’affiche sur le moniteur sous forme d’une ou plusieurs courbes ECG,
d’une valeur numérique de la fréquence cardiaque, d’informations sur
les troubles du rythme ainsi que sur le segment ST.

Monitorage de l’ECG
Les causes les plus fréquentes d’artefacts sont les interférences
électriques (bistouri), les mouvements du patient ou des câbles et la
déconnexion partielle du circuit. En cas de troubles du rythme, l’ob-
tention d’un ECG 12 dérivations sur papier est indispensable en SSPI
pour en confirmer le diagnostic précis.

Dérivation ECG principale et secondaire


Les dérivations principales et secondaires sont utilisées pour calculer la
fréquence cardiaque, détecter les arythmies et monitorer le segment ST.
Une dérivation principale doit avoir les caractéristiques suivantes :
— complexe QRS complètement positif (complètement au-
dessus de la ligne isoélectrique) ou complètement négatif (com-
MONITORAGE 233

plètement au-dessous de la ligne isoélectrique). Il ne doit pas être


biphasique ;
— QRS fin et ample.
L’amplitude des ondes P et T doit être inférieure à 0,2 mV sous peine
d’être interprétées par le moniteur comme étant des complexes QRS.
Chez les patients stimulés par un pace-maker, l’amplitude des QRS
doit être au moins deux fois celle des spikes de stimulation.

Tracé ECG
Les appareils situés à proximité du patient (bistouri électrique, télé-
phone…) peuvent générer des interférences susceptibles de modifier
la courbe de l’ECG.
En début de procédure, il convient de définir l’état de stimulation du
patient (le patient est-il électro-entraîné ? oui/non). Le moniteur risque
de confondre le spike d’un pace-maker avec un complexe QRS.
Les valeurs numériques de ST apparaissent sur certains moniteurs.
Si une des courbes ECG affichée à l’écran paraît trop peu ample, il est
possible de modifier le gain. Ceci ne concerne que l’aspect visuel de la
courbe. Elle ne modifie pas le signal analysé. On peut comparer le gain
de la courbe avec la barre de calibration de 1 mV en début de courbe.
Le réglage du filtre ECG permet de sélectionner le mode d’élimina-
tion de certaines interférences du signal ECG.

Monitorage du segment ST (figure 10-1)

La pertinence du monitorage du segment ST dépend du choix de la


dérivation ECG. Le monitorage de l’ischémie myocardique s’effectue
avec la meilleure sensibilité et spécificité sur les dérivations V3, V4 et V5.
Le moniteur calcule les élévations et les baisses du segment ST par
rapport à la ligne isoélectrique à condition d’avoir défini la ligne de base
(isoélectrique), le point J (fin de la dépolarisation ventriculaire ; raccor-
dement entre la fin du QRS et le début du segment ST) et le point de
mesure du segment ST. Ces points de mesure sont à redéfinir en cas de
variation significative de la fréquence cardiaque. Le moniteur ne peut
effectuer d’analyse automatique du segment ST en cas de dérivation para-
sitée, ligne de base irrégulière (AC/FA), stimulation ventriculaire, bloc de
branche gauche. Le moniteur exprime les variations du segment ST en
dixièmes de mV.

MONITORAGE NON INVASIF DE LA PRESSION ARTÉRIELLE

Il correspond à la mesure de la pression artérielle au brassard par la


méthode oscillométrique (mesure de l’amplitude des modifications de
234 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Sommet de R à 0 ms

Point J par défaut = 48 ms

T
P

Différence = valeur
du décalage
Q du segment ST
S
Point de mesure du segment ST
par défaut = J + 60 ms

Point de mesure de la ligne isoélectrique


par défaut = – 80 ms

Figure 10-1 Repères ligne isoélectrique/ST.

la pression dans le brassard). La pression artérielle moyenne est mesu-


rée lorsque l’amplitude des pulsations est maximale.
La mesure non invasive de la pression artérielle est difficile en
cas de troubles du rythme, mouvements du patient ou du brassard,
variation rapide de la pression, obésité, œdème des membres, valeurs
extrêmes de la pression artérielle.
La largeur du brassard doit être entre 40  p.  100 et  50  p.  100 de la
circonférence du membre et la partie gonflable du brassard doit entou-
rer au moins 80 p. 100 du membre.

MONITORAGE INVASIF DES PRESSIONS

Principe de l’acquisition et de traitement du signal

Un cathéter est introduit dans une cavité dans laquelle on souhaite


effectuer la mesure. Les pressions sont transmises le long d’une chaîne
d’éléments en série : la lumière du cathéter, une rampe de robinets, un
tube de connexion rigide et la chambre du transducteur de pression
constituent la partie hydraulique de la chaîne de mesure. Le transduc-
teur, le câble et le moniteur constituent la partie électrique de la chaîne.
Le circuit comporte un système de rinçage continu et discontinu. La
transmission de la pression le long de la partie hydraulique de la chaîne
de mesure entraîne obligatoirement une déformation du signal (pré-
sence de macro- ou de microbulles, compliance des tubulures…). Afin
MONITORAGE 235

d’obtenir une mesure correcte de la pression il faut purger la partie


hydraulique avec soin de toutes les bulles et initialiser la partie élec-
trique (c’est-à-dire « faire le zéro »). Ensuite, on fixe le transducteur à
la hauteur retenue comme référence. En général on utilise l’oreillette
droite comme site de référence (zéro de référence). Pour faire le zéro,
il faut, après la purge hydraulique, mettre le transducteur de pression à
la pression atmosphérique en ouvrant son robinet et en appuyant sur la
touche « zéro » du moniteur. Après chaque changement de position du
patient, il faut repositionner le transducteur.

Mesure invasive de la pression artérielle (tableau 10-I)


Le site de mesure le plus fréquent est l’artère radiale au poignet.
Cette ponction ne peut être réalisée qu’après avoir effectué le test
d’Allen. Ce test permet de vérifier la suppléance ulnaire vascularisant
la main en cas d’occlusion de l’artère radiale.

Test d’Allen
Pratiquer une compression manuelle et simultanée des artères
radiale et ulnaire. Demander au patient d’effectuer des mouvements

Tableau 10-I Indication du monitorage invasif de la pression artérielle

Bénéfice attendu du monitorage Indications


Prélèvements sanguins itératifs Chirurgie prolongée (carcinologique),
neurochirurgie
Chirurgie thoracique (gaz du sang)
Variations hémodynamiques brutales Chirurgie majeure, notamment
hémorragique
Clampage aortique
Chirurgie du phéochromocytome
Chirurgie cardiaque
Contrôle précis de la PA indispensable Coronaropathies ou cardiopathies
sévères
Hypertension artérielle sévère
Chirurgie carotidienne, neurochirurgie
Hypotension contrôlée AC/FA
Mesure non invasive impossible Circulation extracorporelle
Évaluation de la réponse Chirurgie exposant à des variations
au remplissage vasculaire (ΔPP) importantes de volémie
236 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

d’ouverture et de fermeture des doigts pour obtenir une main exsan-


gue. La main blanchit. Relâcher alors la compression ulnaire tout en
maintenant la compression radiale. Mesurer le temps et la qualité de
la recoloration de la main.
La suppléance cubitale est satisfaisante (test d’Allen positif) si la
surface palmaire se recolore en moins de 10 s.

Technique de ponction de l’artère radiale


par la méthode de Seldinger
Anticiper, si possible, la réalisation du geste en réalisant une anes-
thésie locale avec de la crème Emla® sous un pansement occlusif 1 à
2 h avant la ponction artérielle.
Le patient est installé en décubitus dorsal, le bras en rotation
externe, la paume vers le haut et le poignet est surélevé en hyper-
extension pour dégager la gouttière radiale (figure 10-2). L’opérateur
repère le site de ponction par les battements artériels perçus sous ses
doigts. Dans les conditions d’asepsie chirurgicale, il complète l’anes-
thésie locale de la peau par une infiltration cutanée de lidocaïne. Le
biseau de l’aiguille est dirigé vers le haut, l’aiguille fait un angle
de 45° avec le plan cutané, elle est dirigée en direction de l’artère
vers l’amont. Lors de l’apparition d’un reflux franc de sang rouge
(artériel), le guide métallique est introduit par son bout mousse sans
rencontrer de résistance. L’aiguille est retirée tout en maintenant le
guide métallique en place et en gardant son contrôle (attention à ne
pas perdre le guide à l’intérieur du vaisseau !). Le cathéter est intro-
duit sur le guide métallique que l’on contrôle en permanence. Une
fois le cathéter en place, enlever le guide métallique. Le cathéter est

Canule
15°-20°

Artère radiale

Figure 10-2 Technique de ponction de l’artère radiale.


MONITORAGE 237

alors fixé à la peau et connecté à la partie hydraulique de la chaîne


de mesure. Le point de ponction est protégé par un pansement occlu-
sif. La partie hydraulique est soigneusement purgée de toutes les
bulles. L’opérateur fait le zéro.
Les principales limites sont liées au caractère invasif comportant
des risques d’infection (asepsie chirurgicale) et de thrombose artérielle
(0,2 p. 100). La prévention des thromboses passe par le choix d’un cathé-
ter adapté à l’artère et au site de ponction : les artères radiales et fémorales
sont choisies préférentiellement, mais les artères axillaires et pédieuses
sont utilisables, alors que le cathétérisme huméral est à proscrire.

Mesure invasive de la pression veineuse centrale


La mesure de la pression veineuse centrale est effectuée au moyen
d’un cathéter veineux central dont l’extrémité distale se trouve dans
l’oreillette droite. La valeur est mesurée en fin d’expiration sur plu-
sieurs cycles respiratoires.
Les sites de ponction habituels sont la veine jugulaire interne et la
veine fémorale (voir Chapitre 12, Voies veineuses centrales) doivent
être préférées (dans cet ordre) à la veine sous-clavière.
La PVC varie en fonction de facteurs périphériques (volémie, com-
pliance veineuse, pressions intrathoraciques) et cardiaques (fonction
ventriculaire droite, compliance des cavités droites, qualité de la valve
tricuspide). En l’absence de pathologie tricuspidienne, la PVC reflète
la pression télédiastolique du ventricule droit, elle-même reflet du
volume télédiastolique du ventricule doit.
Bien que la PVC reste l’un des moyens les plus utilisés pour guider le
remplissage vasculaire, ses limites dans cette indication sont importantes :
— la PVC est un témoin médiocre de la précharge-dépendance ven-
triculaire (réponse au remplissage). Néanmoins, une réponse favorable
au remplissage est probable en cas de valeur basse de PVC < 5 mmHg.
Aucune valeur de PVC ne peut donc représenter un objectif thérapeu-
tique à atteindre ;
— l’augmentation de la PVC au cours du remplissage n’est pas un
témoin de l’efficacité du remplissage vasculaire qui devra être jugé
sur d’autres paramètres hémodynamiques ou cliniques.
Les complications sont celles du cathétérisme veineux central.

MONITORAGE DU DÉBIT CARDIAQUE


Analyse des variations de la pression artérielle
L’analyse des variations de la pression artérielle systémique au
cours de la ventilation mécanique permet par l’analyse de la variabilité
238 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

respiratoire de cette mesure d’évaluer le degré de l’hypovolémie et la


réponse hémodynamique au remplissage vasculaire.
Au cours de la ventilation contrôlée en pression positive, l’insuffla-
tion entraîne une diminution du retour veineux vers le ventricule droit.
Le volume d’éjection systolique du ventricule droit baisse, entraînant
ensuite une baisse du volume d’éjection systolique du ventricule gauche.
Il s’ensuit une diminution cyclique proportionnelle de la pression arté-
rielle rythmée par la ventilation. Les variations de pression artérielle
sont quantifiées à partir des variations de la pression artérielle systo-
lique ou par les variations de la pression différentielle (pression pulsée).
La variation respiratoire de la pression artérielle systolique est
décomposée en deux parties, l’une négative (Δdown) et l’autre posi-
tive (Δup) déterminées à partir de la pression artérielle systolique
mesurée lors d’une pause télé-expiratoire (figure 10-3).
Le Δdown est un indice d’hypovolémie (il augmente avec l’hypo-
volémie et baisse avec la correction de l’hypovolémie). On retient une
valeur de Δdown de plus de 5 mmHg comme signe d’hypovolémie.
Les variations de pressions pulsées de plus de 13  p.  100
(ΔPP > 13 p. 100) donnent des résultats similaires avec ΔPP (p. 100) =
(PPmax – PPmin) / [(PPmax + PPmin)/ 2] * 100.
Pour interpréter correctement ce paramètre, la ventilation doit être
constante et adaptée, la fréquence cardiaque régulière et inférieure à
120 b/min et le thorax fermé.

Doppler œsophagien
Le Doppler œsophagien peut être utilisé pour monitorer les varia-
tions de débit sanguin dans l’aorte descendante. Il peut guider le trai-
tement de l’hypovolémie.

PAS max
PAS télé-expiratoire
PP max

PAS min
PA mmHg

PP min

Pause expiratoire

(PP max – PP min)* 100


Δdown = PAS télé-expiratoire – PAS min ΔPP =
(PP max + PP min) / 2
seuil d’hypovolémie : 5 mmHg seuil d’hypovolémie : 13 %

Figure 10-3 Variabilité de la pression artérielle.


MONITORAGE 239

La mesure instantanée de la vitesse du flux sanguin dans l’aorte tho-


racique descendante par effet Doppler permet de calculer le volume
d’éjection systolique à partir du diamètre aortique. Le diamètre de
l’aorte est soit estimé à partir d’un abaque, soit mesuré directement
par échographie TM. Le produit du volume d’éjection systolique
(VES) par la fréquence cardiaque donne le débit cardiaque. Un facteur
de correction doit être appliqué car on mesure le flux aortique des-
cendant (environ 70 p. 100 du flux total), toute la partie destinée aux
troncs supra-aortiques et coronaires n’est pas mesurée.
La sonde est insérée dans l’œsophage par la bouche sur une lon-
gueur telle que la mesure Doppler est effectuée dans la portion des-
cendante de l’aorte parallèle à l’œsophage (3e espace intercostal
environ). On recherche le signal Doppler maximal en faisant tourner
la sonde sur elle-même. Selon le type de sonde utilisée, on mesure
le diamètre aortique à l’écho TM. Le pic de vélocité doit être le plus
grand possible pour aligner le flux sanguin et le signal Doppler.
Les paramètres suivants sont mesurés (figure 10-4) :
— débit aortique ;
— fréquence cardiaque ;
— accélération moyenne (MA) ;
— pic de vélocité (Vmax) ;
— temps d’éjection du ventricule gauche (Tej).
D’autres paramètres sont calculés :
— volume d’éjection systolique indexé au débit aortique qui est un
paramètre essentiel de surveillance de la volémie ;
— résistances vasculaires systémiques indexées au débit aortique.
Une forte variabilité respiratoire du pic de vélocité mesuré dans
l’aorte descendante devrait être un indice prédictif fiable de la réponse
hémodynamique au remplissage vasculaire.
Son intérêt réside dans son caractère non invasif et un apprentissage
simplifié.
Les limites de ce monitorage résident dans le fait que la valeur abso-
lue du DC calculée est imprécise. C’est donc plus la variation du DC
dans le temps ou sous l’effet d’une thérapeutique qui est intéressante.
L’intérêt des autres paramètres dérivés est plus controversé mais pour-
rait participer à l’analyse de la situation hémodynamique du patient.

PiCCO (Pulse intermittent Contour Cardiac Output)


Cette technique nécessite un cathéter veineux et un cathéter artériel
muni d’une thermistance, inséré par voie fémorale de préférence. Les
paramètres hémodynamiques disponibles à partir du moniteur PiCCO
sont obtenus par deux techniques distinctes : thermodilution transpulmo-
naire (pour obtenir le débit cardiaque moyen) et analyse du contour de
l’onde de pouls (pour obtenir le débit cardiaque battement par battement).
240 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

MA
Spectre normal

VMax
Vitesse

Temps
TEjc

Figure 10-4 Doppler transœsophagien.

Mesure du volume télédiastolique global


et de l’eau extravasculaire pulmonaire
L’analyse mathématique de la courbe de thermodilution permet de
calculer les volumes de distribution de l’indicateur froid  : le volume
télédiastolique global (quantité de sang contenue dans les quatre cavi-
tés cardiaques et dans l’aorte descendante) et l’eau pulmonaire extra-
vasculaire (EPEV). La validité clinique de la mesure de l’EPEV reste
à démontrer.
MONITORAGE 241

Le rapport du débit cardiaque et du volume télédiastolique global


est appelé indice de fonction cardiaque. C’est un indicateur de la fonc-
tion cardiaque équivalent à une fraction d’éjection cardiaque globale.

Analyse du contour de l’onde de pouls


On mesure battement par battement le volume d’éjection ventriculaire
gauche à chaque systole (VES) et le débit cardiaque. Ceci est fondé sur
le fait que le VES est proportionnel à la surface sous la courbe de l’onde
de pouls. La variation du VES induite par la ventilation mécanique est
un indice dynamique de précharge permettant d’identifier correctement
les patients susceptibles de bénéficier du remplissage vasculaire.

Limites de la technique
Cette méthode ne peut s’appliquer en cas de troubles du rythme
et nécessite des calibrations régulières afin de vérifier que le résul-
tat obtenu par la technique de l’onde de pouls ne s’écarte pas de la
mesure obtenue par thermodilution.

NICO (Non Invasive Cardiac Output)

La mesure du DC par le NICO repose sur le principe de Fick, adapté


à l’analyse des variations de CO2 expiratoire, induite artificiellement
par une réinhalation rapide et transitoire du gaz expiré. Le moniteur
calcule automatiquement la valeur de DC au terme du cycle de réin-
halation. L’intérêt principal de cette technique réside dans le caractère
non invasif de la mesure du DC et de son caractère quasiment continu
(une mesure toutes les 3 min).
Toutefois la mesure de ce monitorage ne peut être effectuée que
chez un patient intubé en ventilation contrôlée, en situation hémo-
dynamique stable pendant la durée du cycle. Aucune complication,
notamment liée à la réinhalation des gaz expirés, n’a été rapportée.

Échocardiographie transœsophagienne (ETO)

L’ETO est un outil à part car elle permet une analyse morpho-
logique et fonctionnelle des structures cardiaques et des flux intra-
cardiaques et/ou transvalvulaires. Elle permet :
— d’évaluer les fonctions VG et VD et leur interaction ;
— d’analyser la cinétique ventriculaire ;
— d’estimer le débit cardiaque par effet Doppler ;
— de diagnostiquer une hypovolémie par mesure des dimensions
télédiastoliques du VG ;
242 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

— d’estimer la réponse au remplissage ;


— de détecter les patients à risque d’embolie paradoxales ;
— de détecter certaines embolies.
Les limites de ce monitorage viennent de la disponibilité de l’ap-
pareil, et surtout d’un opérateur compétent. Hormis en chirurgie car-
diaque, l’ETO doit être actuellement considérée plus comme un outil
diagnostic des défaillances circulatoires, qu’un moyen de monitorage
hémodynamique.

Cathéter artériel pulmonaire (cathéter de Swan-Ganz)

L’exploration hémodynamique par cathétérisme cardiaque droit


permet de mesurer, en fonction du type de cathéter utilisé, les pres-
sions dans l’oreillette droite (POD), dans l’artère pulmonaire (PAP),
de mesurer la pression de l’artère pulmonaire bloquée (PAPO), de
mesurer le débit cardiaque (DC) par diverses techniques (mesures
discontinues par thermodilution, mesures automatiques continues du
débit cardiaque), de mesurer l’oxygénation du sang veineux mêlé (dis-
continue ou continue par infrarouges SvO2) et pour certains capteurs,
de mesurer automatiquement la fraction d’éjection du ventricule droit.
Limites du monitorage :
— la PAPO est un reflet approximatif de la précharge ventriculaire
gauche ;
— le cathétérisme représente un risque iatrogène réel ;
— les difficultés d’interprétation des mesures obtenues aboutissent
à des défauts d’évaluation, voire à des attitudes inappropriées ;
— le bénéfice de ce monitorage sur la morbi-mortalité n’est pas
démontré, voire est lié à une surmortalité.
La morbidité associée au cathétérisme cardiaque droit est connue :
complications liées à l’insertion du cathéter (ponctions multiples,
hématomes, pneumothorax), rupture d’artère pulmonaire, complica-
tions cardiaques (troubles du rythme), infection du site de ponction.

Indications du cathétérisme cardiaque droit en anesthésie


Cette morbidité liée au caractère invasif de la technique explique
que le cathétérisme droit ait été supplanté par les autres techniques de
monitorage. Néanmoins cette technique constitue « historiquement » la
référence en matière d’évaluation hémodynamique « au lit du malade ».

Technique d’insertion du cathéter artériel pulmonaire


Le patient est en décubitus dorsal avec un monitorage ECG en place
afin de dépister les troubles du rythme liés à l’insertion du cathéter.
MONITORAGE 243

Dans les conditions d’asepsie chirurgicale, le cathéter est mis en place


après un introducteur. La veine jugulaire interne droite est la plus utili-
sée. La progression du cathéter est guidée par la morphologie des courbes
de pression affichées sur le moniteur. La sonde est introduite ballonnet
dégonflé puis le ballonnet est gonflé de 0,2 à 0,5 ml. La sonde poussée
cm par cm est entraînée par le flux sanguin dans l’oreillette droite, le
ventricule droit puis l’artère pulmonaire. La sonde est encore poussée
jusqu’à l’obtention d’une courbe de pression ayant la morphologie d’une
courbe de pression artérielle pulmonaire d’occlusion. En cas de difficulté,
on peut mettre le patient en position de Trendelenburg. La sonde est en
place lorsque son extrémité distale transmet une courbe d’artère pulmo-
naire avec le ballonnet dégonflé, puis une courbe de pression artérielle
pulmonaire d’occlusion après avoir gonflé le ballonnet (figure 10-5).

Figure  10-5 Cathétérisme cardiaque droit  : courbes de pression. (D’après Ros-


signol M. et Mebazaa A. Monitorage hémodynamique en réanimation. In  :
K.  Samii. Anesthésie réanimation chirurgicale, 3e édition. Paris, Flammarion
Médecine-Sciences, 2003 : 705-56)
244 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Variables mesurées et calculées


Les pressions et débits sont présentés dans le tableau 10-II.
Les variables gazométriques sont présentées dans le tableau 10-III.

Quelques recommandations pour l’utilisation du cathéter


de l’artère pulmonaire
• Surveiller en continu le tracé de la PAP, la modification du tracé
doit faire suspecter la migration distale de la sonde ou un ballonnet
non dégonflé. Il convient de vérifier que le ballonnet est bien dégonflé
puis de retirer la sonde de quelques millimètres sous contrôle du tracé
de la courbe.

Tableau 10-II Pressions, débit

Variables mesurées Valeurs normales au repos


PASm PA systémique moyenne 70-105 mmHg
FC Fréquence cardiaque 60-90 bpm
POD P oreillette droite (moyenne) 0-8 mmHg
PAPm PA pulmonaire moyenne 10-22 mmHg
PAPs PA pulmonaire systolique 15-28 mmHg
PAPd PA pulmonaire télédiastolique 5-16 mmHg
PAPO PA pulmonaire d’occlusion 5-10 mmHg

Variables calculées Valeurs normales au repos


IC Index cardiaque 2,8-4,2 l/min/m2
IS Index systolique 30-65 ml/batt
RVS Résistances vasculaires 900-1 400 dynes ⋅ s ⋅ cm–5
systémiques
RVP Résistances vasculaires 45-120 dynes ⋅ s ⋅ cm–5
pulmonaires
TSVG Travail systolique du VG 48-85 g ⋅ m ⋅ m–2
indexé à la SC
TSVD Travail systolique du VD 5-7 g ⋅ m ⋅ m–2
indexé à la SC
MONITORAGE 245

Tableau 10-III Variables gazométriques

Variables mesurées Valeurs normales au repos


SaO2 Saturation du sang artériel > 93 p. 100 (en air ambiant)
en oxygène
SvO2 Saturation du sang veineux mêlé 68 p. 100-78 p. 100
Hb Taux d’hémoglobine Homme : 14-1 g/dl
Femme : 12-14 g/dl

Variables calculées Valeurs normales au repos


CaO2 Contenu artériel en oxygène 160-220 ml/l
CvO2 Contenu veineux mêlé 120-180 ml/l
en oxygène
C(a-v)O2 Différence artérioveineuse 30-55 ml/l
en oxygène
DO2 Transport d’oxygène indexé 500-650 ml ⋅ min–1 ⋅ m–2
à la SC
VO2 Consommation en oxygène 110-150 ml ⋅ min–1 ⋅ m–2
indexée à la SC
Qs/Qt Shunt intrapulmonaire < 6 p. 100

• Ne jamais laisser un ballonnet gonflé.


• Lors de la mesure de la PAPO, il faut arrêter de gonfler le bal-
lonnet dès que la pression pulmonaire bloquée est obtenue (volume
ballonnet < 1,5 cc).
• Ne jamais gonfler le ballonnet avec un liquide.
• Ne pas purger le cathéter à haute pression lorsque le tracé devient
amorti sans s’être assuré que la sonde n’est pas en position bloquée.

MONITORAGE DU REMPLISSAGE VASCULAIRE

La fréquence cardiaque et la pression artérielle constituent la


surveillance hémodynamique de base des patients anesthésiés. La
pression artérielle peut cependant rester normale alors que le débit car-
diaque est abaissé. Le recours au monitorage de la pression veineuse
centrale est invasif et insuffisant pour prédire la précharge. Le monito-
rage hémodynamique a progressé avec l’évaluation du débit cardiaque
246 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

↑ VES < 10 % Arrêt remplissage

1er bolus 200 ± 50 ml


en 10 min

Nouveau bolus
↓ VES > 10 %
200 ± 50 ml en 10 min

↑ VES > 10 %

Figure 10-6 Guide de remplissage vasculaire.

par Doppler œsophagien et celle des indices précharge-dépendant. Les


variations du VES induites par la ventilation répondent à cet objec-
tif, ces variations peuvent se traduire par des variations de pression
artérielle en fonction de la ventilation. Une variation de pression pul-
sée supérieure à 12  p.  100 indique une hypovolémie. De même une
variation du volume d’éjection systolique supérieure à 10  p.  100 est
en faveur d’une hypovolémie. Chez les patients chirurgicaux à haut
risque, il est recommandé de « timer » le remplissage vasculaire en se
guidant sur une mesure du volume d’éjection systolique. Il est recom-
mandé d’interrompre le remplissage vasculaire en l’absence d’aug-
mentation du VES (figure 10-6).

MONITORAGE RESPIRATOIRE

J. de Montblanc

Le monitorage respiratoire concerne l’ensemble des paramètres qui


rendent compte de la physiologie de la respiration. Ce monitorage est
nécessaire au cours de l’anesthésie générale car les agents anesthé-
siques dépriment la ventilation et il faut donc assurer une suppléance
et la surveiller. Ce monitorage porte alors à la fois sur les paramètres
qui sont fonction de la machine d’anesthésie et plus particulièrement
MONITORAGE 247

du ventilateur (ex. : mode de ventilation) et sur les paramètres qui ren-


dent compte de l’état du patient (ex.  : concentration télé-expiratoire
en CO2). Même au cours de l’anesthésie locorégionale, un monitorage
minimal de la fonction respiratoire est nécessaire (saturation artérielle
en oxygène).

SURVEILLANCE NON INVASIVE DE L’HÉMATOSE

Même s’il ne faut jamais oublier de vérifier l’état clinique du


patient (rechercher par exemple une cyanose des marbrures), il faut
reconnaître qu’au cours de l’anesthésie, la surveillance des échanges
gazeux repose sur le monitorage de deux paramètres ; la saturation
artérielle en oxygène et la concentration télé-expiratoire de CO2.

Oxymétrie pulsée

L’oxymétrie de pouls permet d’obtenir plusieurs paramètres :


— saturation en oxygène du sang artériel ;
— courbe de pléthysmographie ;
— fréquence du pouls.
HbO2
Saturation de l’hémoglobine : SO2 =
Hb + COHb + MetHb + HbO2
Le principe de l’oxymétrie pulsée est fondé sur les différences d’ab-
sorption d’un rayonnement rouge et infrarouge par l’hémoglobine
oxygénée (HbO2) par rapport à l’hémoglobine désoxygénée (spectro-
photométrie d’absorption infrarouge). Le détecteur, placé le plus sou-
vent au doigt, calcule la saturation de l’hémoglobine d’après le rapport
de l’intensité lumineuse réfléchie par l’oxyhémoglobine (HbO2) par
rapport à l’intensité lumineuse réfléchie par l’oxyhémoglobine et la
désoxyhémoglobine. À partir d’un abaque, on obtient la valeur de la
saturation pulsée en oxygène SpO2. La technique d’oxymétrie pulsée
ne mesure pas la carboxyhémoglobine (COHb) ni la méthémoglobine
(MetHb). L’injection de bleu de méthylène (à des fins chirurgicales),
de vert d’indocyanine abaisse faussement la valeur de la SpO2.
HbO2
Oxymétrie pulsée : SpO2 =
Hb + HbO2
Pour détecter la saturation du sang artériel, il faut soustraire l’ab-
sorption tissulaire. Ceci est possible grâce au couplage avec la pléthys-
mographie qui permet de détecter l’onde de pouls et de soustraire ainsi
l’absorption tissulaire (constante) de l’absorption artérielle (pulsée).
248 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

La pléthysmographie permet ainsi d’afficher une courbe correspondant


à l’onde systolique et une fréquence cardiaque. À l’écran, l’amplitude
de la courbe n’est pas directement proportionnelle à la perfusion tissu-
laire en raison de l’application d’algorithmes de calcul au signal.
Habituellement, le capteur de SpO2 se présente sous la forme d’une
« pince » placée au bout d’un doigt du patient. Il existe des capteurs
adhésifs cutanés et des capteurs d’oreille. Les mouvements du patient,
les troubles de perfusion périphérique ainsi que certains vernis appli-
qués sur les ongles des patients peuvent perturber fortement la mesure.
Lors d’hypoxémies sévères (SaO2 < 80  p.  100), la SpO2 manque de
précision et ne reflète pas la SaO2. Les industriels développent des
systèmes et des algorithmes de traitement du signal pour le rendre
moins sensible à ces artéfacts qui sont à l’origine de fausses alarmes.

Capnographie

L’analyse du dioxyde de carbone (CO2) dans les mélanges gazeux


respiratoires constitue la capnométrie. Cette mesure continue de la
concentration en CO2 dans le gaz du circuit respiratoire se fait le
plus souvent sur échantillon de gaz aspiré en continu au niveau de la
pièce en T ou du filtre placé à l’extrémité de la sonde d’intubation. Le
débit d’aspiration (< 200 ml/min) doit être pris en compte en pédiatrie
lorsque l’on travaille en circuit fermé à faible débit de gaz frais.
Le capnogramme a une forme particulière (figures 10-7 et 10-8), il
représente l’évolution de la concentration du CO2 dans les gaz respirés
en fonction du temps.

Phases : 0 I II III
C02 (mmHg)

inspiration expiration

Figure 10-7 Capnogramme normal.


MONITORAGE 249

A B

Figure 10-8 Exemples de capnogrammes anormaux.


Exemple A, bronchospasme  : disparition du plateau expiratoire. Exemple B,
décurarisation  : mouvements diaphragmatiques avec encoche sur le capno-
graphe. Exemple C, intubation œsophagienne  : disparition rapide du capno-
gramme après évacuation du gaz intragastrique.

Le capnogramme comporte une partie inspiratoire (phase 0) et une


partie expiratoire (phases I, II et III). Le début de l’expiration fait
suite à la fin de l’expiration du cycle précédent.
• Phase I. La phase  I est plate, elle correspond à l’expiration d’un
gaz dépourvu de CO2. Elle correspond à la ventilation de l’espace
mort total (espace mort du patient et du respirateur). La présence de
CO2 dans le circuit indique une péremption de la chaux sodée.
• Phase II. Au cours de cette phase expiratoire, le gaz alvéolaire
expiré se mélange progressivement au gaz expiré correspondant à l’es-
pace mort. La phase II est ascendante.
• Phase III. La phase de plateau légèrement ascendante corres-
pond à l’expiration du CO2 des alvéoles. La pression partielle télé-
expiratoire en CO2 (PETCO2) est mesurée à la fin de la phase III. La
pente de la phase III dépend du rapport ventilation/perfusion.
• Phase 0. L’inspiration termine la phase III au point de mesure de
la PETCO2 et se poursuit jusqu’au début de la phase I.
La composition du gaz en fin d’expiration est assimilée à celle du
gaz alvéolaire. On admet que la pression artérielle en CO2 (PaCO2) et
la pression alvéolaire en CO2 (PACO2) sont très proches car le gra-
dient alvéolo-artériel en CO2 est faible (de l’ordre de 2-3  mmHg en
ventilation spontanée ; 4-5  mmHg en ventilation contrôlée). Cepen-
dant ce gradient peut être plus important en cas d’affections broncho-
pulmonaires préexistantes et peut varier en fonction de la situation
chez un même malade (modifications hémodynamiques, chirurgie tho-
racique, embolies…).
250 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Les premiers cycles de capnométrie permettent la confirmation de


la position endotrachéale du tube.
Les variations de la capnométrie et du capnogramme doivent être
interprétées conjointement et rapidement, car elles dépendent :
— de la ventilation alvéolaire (ETCO2 augmente quand la VA dimi-
nue) ;
— une modification de la production de CO2, (ETCO2 diminue quand
la profondeur d’anesthésie augmente) ;
— une résorption de CO2 en cœliochirurgie (insufflation du péri-
toine ou du rétropéritoine avec du CO2) ;
— une modification du débit cardiaque (ETCO2 diminue quand le
débit cardiaque diminue) ;
— une embolie pulmonaire (ETCO2 diminue car le gradient alvéolo-
capillaire augmente et la perfusion tissulaire diminue).

Analyse de la concentration en oxygène dans le circuit

La concentration en oxygène dans le circuit (fractions inspirée


et expirée) est monitorée dans le but d’éviter l’administration d’un
mélange gazeux hypoxique (notamment du fait de l’utilisation de cir-
cuit avec réinhalation (= circuit fermé). Les gaz sont prélevés entre le
patient et la pièce en Y. L’analyse de la fraction en O2 en fin d’expi-
ration (FeO2) n’est pas obligatoire et n’est possible de manière fiable
qu’avec certains capteurs rapides (paramagnétiques). Le monitorage
de la FiO2 est obligatoire ; il est utilisé dès la phase de dénitrogénation
au début de la période d’induction. Lorsque la FeO2 est supérieure
à 90  p.  100, la quasi-totalité de l’air alvéolaire a été remplacé par
de l’oxygène. La différence entre les concentrations inspirée et expi-
rée multipliée par la ventilation alvéolaire indique la consommation
d’oxygène du patient.

Analyse de la concentration des gaz anesthésiques

Le monitorage des gaz anesthésiques (fractions inspirée et expirée)


permet d’évaluer la quantité délivrée et la profondeur de l’anesthé-
sie. La fraction télé-expiratoire en gaz halogéné est le reflet de la
concentration artérielle et permet une estimation de la concentra-
tion au site-effet. La concentration inspiratoire dépend de la quantité
de gaz délivré dans le circuit [débit de gaz frais ⋅ concentration du
gaz dans les gaz frais (= concentration affichée sur la cuve)] et de
la réinhalation. Plus le débit de gaz frais est élevé et plus la concen-
tration de gaz halogéné dans le circuit est proche de la concentration
dans les gaz frais.
MONITORAGE 251

SURVEILLANCE DES PARAMÈTRES


DE MÉCANIQUE VENTILATOIRE

Au cours de l’anesthésie générale, le patient est connecté au respi-


rateur d’anesthésie dans le but d’assurer une hématose optimale. Dès
la connexion du patient au respirateur, on règle les paramètres sui-
vants  : volume courant (volume gazeux insufflé au patient à chaque
cycle par le respirateur), fréquence respiratoire, pression expiratoire
(le plus souvent à 0  mmHg pour la ventilation en anesthésie, parfois
faible niveau de pression expiratoire positive), fraction inspirée en
oxygène (FiO2) dans les gaz frais et mélange gazeux (oxygène-air ou
oxygène-protoxyde d’azote). S’il y a lieu, on règle l’évaporateur des
agents anesthésiques inhalés. Pour finir, on règle les alarmes du respi-
rateur et on s’assure qu’elles sont audibles. En dernier lieu, on règle le
débit de gaz frais administrés au patient.

Réglage de départ

Pour l’adulte, le réglage de départ du volume courant en anesthésie


est de 5 ml/kg de poids. Le rapport du temps inspiratoire sur le temps
expiratoire (rapport I  : E) est de 1  : 2. C’est-à-dire que la durée du
temps expiratoire est le double de celle du temps inspiratoire.
On s’assure que le patient est réellement ventilé. Le capnogramme
doit être stable et normal (le patient doit expirer du CO2 à chaque
expiration). Compte tenu du gradient alvéolo-capillaire, la valeur du
CO2 expiré qui correspond à une ventilation alvéolaire adaptée est
de 35  +  1  mmHg (il ne sert à rien d’hyperventiler les patients). On
observe le thorax qui doit se soulever de façon symétrique à chaque
inspiration. L’auscultation pulmonaire est symétrique et le murmure
alvéolaire est audible. L’oxymétrie de pouls donne une valeur stable
(> 98 p. 100), il n’y a pas de désaturation progressive.
Régler les alarmes à un niveau audible, à des seuils en rapport avec
le patient et sa physiologie.

Réglage des alarmes

La plupart des machines d’anesthésie affichent une configuration


préréglée des alarmes, que l’on peut ensuite adapter à chaque patient.
• Alarme du capnomètre. Régler l’alarme supérieure de PETCO2
que l’on va accepter chez le patient ainsi qu’un seuil d’alarme infé-
rieur. Le seuil d’alarme inférieur est utile (entre autres) pour le diag-
nostic de déconnexion du patient du respirateur (incident fréquent lors
des manipulations du patient, installation, retournement…).
252 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

• Alarme de FiO2. Il faut assurer au patient un mélange gazeux non


hypoxique. Une attention particulière est portée lors de la ventilation
en bas débit ou très bas débit (moins de 1 litre par minute) de gaz frais.
• Alarmes de spirométrie. On règle le respirateur en ventilation
contrôlée en lui donnant une consigne de fréquence et une consigne
de volume courant. L’alarme existe sur la mesure des gaz expirés en
1 minute. Il existe une borne haute et une borne inférieure. La borne
inférieure sera une aide au diagnostic de déconnexion. La borne supé-
rieure peut contribuer à diagnostiquer une décurarisation et un passage
en ventilation spontanée.
• Alarmes de pression. On règle les seuils d’alarme inférieure et
supérieure. L’alarme inférieure contribue au diagnostic de débranche-
ment ou de fuite dans le circuit et l’alarme supérieure est utile pour
le diagnostic d’obstructions des voies aériennes (bronchospasme, bou-
chon…) ou de plicature du circuit de ventilation.
• Alarmes d’agent anesthésique inhalé. On règle un seuil haut qui
prévient le surdosage en agent anesthésique inhalé (cuve laissée ouverte
par inadvertance). On règle aussi le seuil bas qui permet de dépister
le bas niveau de remplissage en agent anesthésique inhalé. Le niveau
d’anesthésie s’allège si l’agent anesthésique inhalé n’est plus adminis-
tré. C’est une des causes de mémorisation peropératoire.
En cours d’intervention, les différents paramètres de ventilation
ainsi que les seuils d’alarme seront adaptés aux conditions de l’anes-
thésie et de la chirurgie.
Les paramètres de ventilation (FiO2, VT et fréquence) seront ajus-
tés en fonction des valeurs de capnométrie, pressions de ventilation et
oxymétrie.

MONITORAGE
DE LA TEMPÉRATURE

J. de Montblanc

Dans les conditions physiologiques normales, la température cor-


porelle est constante à 37 °C ± 0,4 °C. On peut distinguer schéma-
tiquement une partie chaude (noyau central) constituée par la tête et
le tronc, et une partie plus périphérique constituée par les membres
et dont la température subit les variations les plus importantes. Le
siège de la thermorégulation est l’hypothalamus. Lorsque la tem-
pérature descend en dessous de la borne inférieure, l’hypothalamus
MONITORAGE 253

déclenche une réponse au froid (modification du comportement, vaso-


constriction, thermogenèse, frisson…). Lorsqu’elle est au-dessus de
la borne supérieure, l’hypothalamus déclenche une réponse au chaud
(modification du comportement, vasodilatation, sudation…). L’anes-
thésie générale abaisse le seuil de déclenchement des mécanismes de
défense de l’hypothermie (frisson). L’anesthésie générale, locorégio-
nale ou combinée entraîne une altération du contrôle homéothermique
du patient. Lors de l’induction de l’anesthésie ou lors de la réalisa-
tion d’un bloc central, la chaleur corporelle est redistribuée au profit
des tissus périphériques et la température du noyau central diminue…
En peropératoire la perte de chaleur continue, par échange thermique
avec l’environnement (conduction, convection, évaporation et convec-
tion) et continue d’abaisser la température centrale. Pour un seuil
thermique très abaissé, l’hypothalamus déclenche les mécanismes de
thermorégulation (vasoconstriction…).
L’anesthésie est donc associée à une hypothermie.

SITES DE MESURE DE LA TEMPÉRATURE

Il existe différentes méthodes (électrique ou non) et de nombreux


sites de mesure (tympan, œsophage, rectum…) de la température cor-
porelle.
Les sites de mesure de la température sont les suivants :
— membrane tympanique : sa température est proche de la tem-
pérature de l’hypothalamus. Elle a un temps de réponse rapide. Il
existe un risque de perforation tympanique associé à cette technique ;
— œsophage  : ce site de mesure de la température est précis à
condition de la réaliser dans le troisième tiers de l’œsophage. Cette
mesure peut être influencée par la température des gaz inspirés ;
— rectum  : la température mesurée y est habituellement supé-
rieure de 0,5 à 1,0 °C à la température centrale en raison de la fermen-
tation bactérienne ;
— artère pulmonaire  : la thermistance placée dans un cathéter
artériel pulmonaire permet de mesurer la température en continu ;
— peau : la température cutanée ne reflète pas la température centrale.
Sa valeur peut donner des informations sur la perfusion périphérique.

PRÉVENTION DE L’HYPOTHERMIE

L’hypothermie involontaire est responsable d’une morbidité cer-


taine. L’hypothermie est un facteur de risque d’infection pariétale. Le
frisson thermorégulateur qui survient au réveil anesthésique favorise la
survenue d’ischémie myocardique en augmentant le travail cardiaque.
254 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

L’hypothermie modifie l’hémostase et favorise le saignement. Le


monitorage de la température s’est largement répandu au bloc opéra-
toire avec du matériel à usage unique pour des sites de mesure fiables
œsophagiens et vésicaux.
La prévention de l’hypothermie repose sur :
— l’identification des sujets à risque  : sujets âgés, enfants, sujets
dénutris, chirurgie prolongée, pertes sanguines abondantes, ouverture
de la cavité abdominale ;
— le monitorage de la température pendant l’anesthésie ;
— le maintien de la température ambiante adaptée et d’une hygro-
métrie voisine de 50  p.  100 (compromis entre l’objectif de maintien
de la température du patient et le confort de l’équipe opératoire) ;
— l’utilisation de la couverture chauffante à air pulsé ;
— le réchauffement des perfusions ;
— l’humidification des gaz inspirés et la ventilation du patient avec
de bas (ou très bas) débits de gaz frais.
Si l’on veut minimiser l’hypothermie de redistribution, le réchauf-
fement de l’enveloppe périphérique par un matelas à air pulsé doit
être débuté avant l’anesthésie. Il constitue donc le premier geste lors
de l’installation d’un patient sur table opératoire ou sur un brancard
d’attente en salle d’induction.

MONITORAGE
DE LA PROFONDEUR
DE L’ANESTHÉSIE

V. Billard

L’anesthésie générale a pour but de permettre la réalisation d’actes ou


de procédures invasives dans de bonnes conditions de confort et de sécu-
rité tant pour le patient que pour l’opérateur. Elle doit donc assurer :
— la perte de conscience et l’amnésie de la procédure ;
— le contrôle des réactions motrices ou neurovégétatives aux sti-
mulations douloureuses ;
— un réveil rapide ;
— des effets indésirables minimaux.
Chacun de ces effets dépend de la concentration des agents anesthé-
siques à leur site d’action, mais la concentration nécessaire varie selon
les patients et l’intensité des stimulations.
MONITORAGE 255

Évaluer la profondeur de l’anesthésie revient donc à vérifier pour


chaque patient si les agents anesthésiques sont à la concentration mini-
male et nécessaire pour éviter à la fois un réveil peropératoire avec
mémorisation, des réactions intempestives aux stimulations chirurgicales
et un retard de réveil ou des effets indésirables liés à un surdosage.
Cette évaluation en temps réel débouche directement sur l’ajuste-
ment des doses ou des concentrations cibles et constitue un élément
irremplaçable de la qualité de l’anesthésie.

ÉVALUATION CLINIQUE DE LA PROFONDEUR


DE L’ANESTHÉSIE

Elle doit distinguer perte de conscience et réponse aux stimulations


douloureuses (voir Chapitre 10 Monitorage, section Monitorage de
l’analgésie).
• La perte de conscience peut être vérifiée à l’induction par la perte
du contact verbal car le patient qui ne répond plus et n’a plus non
plus de mémorisation explicite. Inversement, le patient qui répond aux
ordres est à très haut risque de mémorisation.
• Cette perte de conscience observée après un bolus d’induction ne
présage pas de la perte de conscience pendant l’entretien de l’anesthé-
sie, sauf quand les 2 ont fait appel à une AIVOC de propofol. Dans ce
cas, la concentration prédite au site d’action au moment de la perte de
conscience peut être considérée comme la limite inférieure de concen-
tration à maintenir pendant l’entretien.
• La perte du contact verbal n’a plus de valeur chez le patient cura-
risé. Le risque de réveil et de mémorisation peropératoire non détecté
est d’ailleurs doublé chez le patient curarisé.
Les valeurs de PA et FC sont des indicateurs peu fiables de la perte
de conscience.

MONITORAGE DE LA PROFONDEUR D’ANESTHÉSIE


PAR L’EEG

Le monitorage EEG a été développé après avoir constaté que


les agents hypnotiques (les premiers impliqués dans la perte de
conscience) modifiaient l’EEG de façon dose-dépendante. Plusieurs
moniteurs ont été développés qui extraient de cet EEG un index
simple. Les principaux sont l’index bispectral (BISTM) et l’entropie.
Les potentiels évoqués auditifs (PEA) de latence intermédiaire ont
également été utilisés pour estimer la profondeur de l’anesthésie mais
aucun moniteur n’est plus commercialisé aujourd’hui.
256 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

L’index bispectral de l’EEG ou BISTM

Il évalue le degré de synchronisation du tracé EEG, sachant que la


synchronisation augmente avec l’approfondissement de l’anesthésie.
L’algorithme de calcul inclut également le p. 100 de tracé plat ou rap-
port de suppression (signe d’anesthésie très profonde), le p.  100 de
fréquences rapides bêta (signe de sédation légère), après avoir sous-
trait l’activité électromyogramme (EMG), considéré comme un arte-
fact.
Il est enregistré par un sensor à usage unique de 4 électrodes. Après
dégraissage de la peau, l’électrode  1 doit être positionnée en haut
du front, sur la ligne médiane, l’électrode  4 (qui détecte l’EMG) au-
dessus du sourcil et l’électrode 3 entre l’œil et l’oreille.
Le BISTM varie de 100 (sujet complètement éveillé) à 0 (tracé com-
plètement plat, anesthésie profonde). Une valeur autour de 50 est
réputée associée à une probabilité > 95 p. 100 d’être inconscient et
de ne pas avoir de mémorisation explicite de la période opératoire.
Le BISTM est étroitement corrélé à la concentration d’hypnotique
(propofol, thiopental ou halogéné) même si cette corrélation n’est pas
linéaire sur toute l’étendue des valeurs de BISTM. Il est peu sensible
à l’imprégnation morphinique et ne permet donc pas de prédire avant
d’appliquer une stimulation douloureuse si le patient va réagir sauf
si cette réaction est prévenue par le seul hypnotique, ce qui nécessite
une concentration nettement plus haute (et un BISTM plus bas) que
pour assurer la perte de conscience. Mais l’augmentation brutale de
BIS après la stimulation douloureuse peut être interprétée comme une
analgésie insuffisante.
Il faut savoir que la valeur affichée est moyennée sur les dernières
15 à 30 s, et est donc toujours un peu en retard par rapport aux varia-
tions de l’EEG lui-même, en particulier à l’endormissement et au
réveil.
Les moniteurs de BIS affichent également le rapport de suppression
(qui n’est >  0 qu’en cas d’anesthésie très profonde) et un index de
qualité de signal (IQS) qui estime le p. 100 de tracé reconnu comme
sans artefact. Si cet IQS est inférieur à 50  p.  100 la valeur de BISTM
est en filigrane et à interpréter avec prudence. S’il est inférieur à
20 p. 100, la valeur de BISTM n’est plus affichée.
Enfin, le moniteur affiche le p. 100 de fréquences rapides attribuées
à l’EMG. Lorsque ce rapport est élevé, la valeur de BISTM peut être
surestimée par rapport à la profondeur réelle de profondeur d’anes-
thésie. Différents artefacts de haute fréquence peuvent aussi élever
artificiellement le BISTM comme les couvertures à air pulsé, pompes
de CEC, bistouris électriques, appareils de radiofréquence, certains
endoscopes, etc.
MONITORAGE 257

Par ailleurs la réponse du BISTM en présence de kétamine ou de


N2O est très variable et peut aussi bien augmenter que diminuer. Le
BISTM est donc d’interprétation plus incertaine lors de l’utilisation de
ces 2 agents.

Entropie spectrale

Ce moniteur développé par Datex GE évalue le degré de désordre


du tracé EEG, sachant que le désordre diminue avec l’approfondisse-
ment de l’anesthésie. Il affiche 2 paramètres :
— l’entropie basale ou SE analyse la même bande de fréquences
que le BISTM (0,5 à 32 Hz) et exclut donc comme lui les fréquences
rapides ;
— l’entropie réactionnelle ou RE étend l’analyse aux fréquences
rapides de l’EEG et de l’EMG (de 32 à 48 Hz). Ce paramètre était
initialement supposé sensible à la fois à l’hypnose et à l’analgésie et
la différence (RE-SE) devait donc refléter l’analgésie. En pratique ce
n’est pas le cas car les 2 paramètres augmentent lors d’une stimulation
douloureuse lorsque l’analgésie est insuffisante.
L’EEG est enregistré par un sensor à usage unique de 3 électrodes.
Après dégraissage de la peau, l’électrode  1 doit être positionnée en
haut du front, sur la ligne médiane et l’électrode  3 entre l’œil et
l’oreille.
RE et SE varient de 100 chez le sujet éveillé à 0 lorsque le tracé est
plat en sachant que RE est toujours supérieur à SE.
Une valeur de SE autour de 50 est réputée associée à une proba-
bilité supérieure à 95 p. 100 d’être inconscient et de ne pas avoir
de mémorisation explicite.
L’entropie se caractérise également par une fenêtre de calcul variable
selon les fréquences et d’autant plus longue que les fréquences sont
lentes et le sommeil profond, ce qui améliore sa réactivité par rapport
au BISTM lors de la sédation légère ou du réveil.
Les algorithmes de calcul du BISTM et de l’entropie sont suffisam-
ment différents pour que les valeurs de BISTM et d’entropie ne soient
pas extrapolables d’un moniteur à l’autre.
Comme le BISTM, l’entropie est corrélée à la concentration d’hypno-
tique et peu sensible à l’imprégnation morphinique.
Après une stimulation douloureuse, l’augmentation de RE est un
paramètre plus sensible que celle de SE (RE-SE) ou BISTM pour
détecter une analgésie insuffisante.
Bien que moins décrits dans la littérature, le risque de pollution des
valeurs par des artefacts de haute fréquence (Bair Huger, CEC, bis-
touri, etc.) et les difficultés d’interprétation en présence de kétamine
ou de N2O sont a priori similaires à ceux observés avec le BISTM.
258 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Bénéfices cliniques des moniteurs dérivés de l’EEG

L’utilisation des moniteurs de profondeur de l’anesthésie permet


une diminution de 10 à 40 p. 100 des doses cumulées d’hypnotiques,
associée à une diminution statistiquement significative mais clini-
quement négligeable des délais de réveil et des durées de séjour en
SSPI.
Les moniteurs de profondeur de l’anesthésie peuvent être parti-
culièrement utiles pour les patients pour lesquels la relation dose/
concentration-effets des médicaments anesthésiques est inhabituelle
(ATCD de mémorisation) ou perturbée par différents états physio-
pathologiques (état de choc, insuffisance cardiaque, respiratoire ou
hépatique, grossesse, tumeurs endocrines…) ou par des traitements
associés (bêtabloquants, anti-épileptiques, antipsychotiques, antipro-
téases, toxicomanies diverses…).
Le BISTM peut dépister certains épisodes de mémorisation explicite
en particulier dans les populations à risque mais son utilisation n’abo-
lit pas totalement ce risque.
Le BISTM peut aussi permettre de diminuer l’incidence des NVPO
favorisés par les agents halogénés, sauf si les patients bénéficient
d’une prévention systématique.
L’influence du monitorage EEG sur la stabilité hémodynamique
peropératoire est inconstante.
Le monitorage de la profondeur de l’anesthésie par le BISTM ne
permet pas de détecter spécifiquement les tracés épileptiformes qui
peuvent être observés au cours d’une induction de l’anesthésie avec
du sévoflurane.
Il n’existe à ce jour pas de données suffisantes pour affirmer avec
certitude le bénéfice du monitorage de la profondeur de l’anesthésie
sur le devenir à long terme après une anesthésie générale.
Les deux moniteurs de profondeur d’anesthésie commercialisés en
France reposent sur des algorithmes de calcul validés chez l’adulte.
Néanmoins leur utilisation est possible chez l’enfant de plus de 2 ans
avec les mêmes qualités et réserves que chez l’adulte.
La concentration d’hypnotique requise pour obtenir un effet cortical
donné (ou une valeur de BIS) semble plus haute chez l’enfant que
chez l’adulte.

MONITORAGE DE L’ANALGÉSIE

Il est difficile de définir la douleur chez un patient endormi, les élé-


ments de conscience de la douleur, de mémorisation de la douleur et
la verbalisation ayant disparu.
MONITORAGE 259

La première méthode d’estimation était basée sur la réponse


motrice à une stimulation douloureuse et a conduit au concept de
MAC (concentration alvéolaire minimale permettant d’inhiber la
réponse motrice à l’incision chez un patient sur deux). La MAC a été
utilisée pour comparer la puissance des halogénés entre eux puis pour
quantifier l’influence des morphiniques pour prévenir le mouvement.
Un affichage de la MAC qui ne tient pas compte du morphinique
associé est dénué de sens.
En dehors du mouvement, l’application d’une stimulation doulou-
reuse stimule le système nerveux autonome à différents niveaux et
mesurer cette stimulation peut potentiellement déboucher sur une tech-
nique de monitorage. Toutes ces techniques ont deux points communs :
— elles sont toutes rétrospectives, c’est-à-dire qu’il faut d’abord
appliquer la stimulation et observer la réponse pour conclure que
l’analgésie était insuffisante. Pour aucune d’entre elles, la valeur avant
stimulation n’est prédictive de la réponse ;
— la quantité de données cliniques disponibles à ce jour est encore
trop faible pour apprécier leurs performances et discerner leurs limites
d’utilisation en pratique clinique.

Réponse et variabilité cardiovasculaire

La première réponse cardiovasculaire à la douleur est la variation


brute de pression artérielle et de fréquence cardiaque que nous obser-
vons quotidiennement et sur laquelle nous ajustons l’administration
d’analgésiques. Cependant, cette variabilité manque de spécificité, en
particulier en cas d’hémorragie, de sepsis, ou de traitement à visée
cardiovasculaire périopératoire…
Plusieurs équipes ont eu l’idée d’essayer de monitorer plus finement
le degré de blocage du système nerveux autonome. Deux principaux
prototypes sont actuellement disponibles.
• Le Surgical Stress Index (SSI ou SPI) développé par Datex GE.
C’est un index composite :
SSI = 100 – (0,7 × PPGAnorm + 0,3 × HBInorm)

où PPGA est l’amplitude de l’onde de pouls et HBI la variabilité de la


période cardiaque, enregistrés par plethysmographie et normalisés ;
• l’ANI Physiodoloris développé par Metrodoloris. Cet index
reflète la composante parasympathique de la variabilité de fréquence
cardiaque. Le signal recueilli est l’ECG et il fait l’objet d’une ana-
lyse automatique avec détection de la période cardiaque (RR), repré-
sentation des variations de cette période RR en fonction du temps et
analyse par ondelettes des composantes de ces variations. L’analyse
260 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

focalisée sur le système parasympathique a été choisie pour aug-


menter la spécificité qui était mauvaise avec le monitorage du sys-
tème sympathique.

Réponse pupillaire

L’augmentation du tonus sympathique en réponse à une douleur a


pour effet d’augmenter le diamètre de la pupille par une action sur
les muscles dilatateurs de l’iris. Cette dilatation est donc logiquement
inhibée à forte concentration de morphinique. Plusieurs dispositifs
médicaux sont disponibles, qui mesurent le diamètre de la pupille en
temps réel mais il est nécessaire de garder l’œil ouvert au moment des
mesures et de l’hydrater régulièrement.

Conductance cutanée

Les glandes sudoripares cutanées sont innervées par le système


sympathique. En cas de stimulation de celui-ci, les glandes sudori-
pares se remplissent puis se vident puis se remplissent à nouveau par
réabsorption, ce qui résulte à la fois en un pic de conductance élec-
trique, une augmentation de l’aire sous la courbe de conductance et
une augmentation du nombre de pics. Ces réponses sont abolies en
augmentant la concentration de morphinique.

POUR EN SAVOIR PLUS

Billard V, Constant I. Analyse automatique de l’électroencéphalogramme : quel


intérêt en l’an 2000 dans le monitorage de la profondeur de l’anesthésie ? Ann
Fr Anesth Réanim, 2001, 20 : 763-768.
Longrois D, Albaladejo P, Barvais L et al. Monitorage de la profondeur de
l’anesthésie. Recommandation formalisée d’experts. SFAR, 2009 (http://www.
sfar.org).
Chapitre 11

Anesthésie locorégionale

ANESTHÉSIQUES LOCAUX

X. Maschino

PHYSIOLOGIE DE LA CONDUCTION NERVEUSE (figure 11-1)

Au repos, il existe un gradient électrique de chaque côté de la mem-


brane nerveuse. Ce gradient est entretenu principalement par la Na-
K-ATPase. Des canaux ioniques perméables à des cations (sodium,
potassium et calcium) permettent de moduler de façon très rapide
cette différence de potentiel. La conduction nerveuse est le résultat
d’un mouvement rapide et bref d’entrée et de sortie de ces ions. Cette
onde, appelée potentiel d’action, comporte une partie initiale très brève
(1-2 ms) qui correspond à l’irruption de sodium dans le cytoplasme au
travers des canaux sodiques sensibles au voltage. Le courant généré se
propage le long de la membrane nerveuse. Cette propagation se fait de
proche en proche dans le cas des fibres non myélinisées de petit dia-
mètre. Les fibres myélinisées comportent une gaine de myéline isolante
interrompue de place en place par les nœuds de Ranvier où se concen-
trent des canaux sodiques. Un champ électrique est généré à ce niveau
et la conduction saute de nœud en nœud, c’est la conduction saltatoire.

MÉCANISME D’ACTION DES ANESTHÉSIQUES LOCAUX (AL)

Les AL sont des bases faibles en solution acide sous forme ioni-
sée. Selon le pKa des AL et le pH des tissus, une proportion des AL
262 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

mV

100

50
Potentiel d’action
0 du neurone
– 50

– 100
1 2 3 4 ms

Variations
30 correspondantes
μOhm . cm–2

gNa de perméabilité
20 membranaire
gK
10

0
1 2 3 4 ms

Figure 11-1 Physiologie de la conduction nerveuse.

est transportée sous forme libre non ionisée pour traverser la couche
phospholipidique de la membrane nerveuse. Le pH intracellulaire,
acide, permet à nouveau à l’AL d’être ionisé et ainsi de se fixer sur
les récepteurs des canaux sodium. Les AL bloquent, temporairement,
ces canaux empêchant les mouvements ioniques (flux entrant de
sodium) nécessaires à la dépolarisation membranaire. Le bloc nerveux
concerne en premier les fibres non myélinisées (C) puis les fibres
fines myélinisées (Aδ) puis les fibres Aβ et Aα. Le bloc affecte suc-
cessivement la nociception et la sensibilité thermique, le toucher, la
proprioception puis la motricité.

PHARMACOLOGIE DES AL

Une molécule d’anesthésique local est constituée d’un noyau aro-


matique lipophile, lié à un groupe amine tertiaire hydrophile, par une
chaîne intermédiaire sur laquelle se fixe soit un groupe amide soit un
groupe ester (figure 11-2). Le pKa, la liposolubilité, le taux de fixation
aux protéines sont des caractéristiques essentielles qu’il faut prendre
en compte lors du choix des AL (tableau 11-I).
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 263

BUPIVACAÏNE ETIDOCAÏNE

LIDOCAÏNE MEPIVACAÏNE

ROPIVACAÏNE 2-CHLOROPROCAÏNE

PRILOCAÏNE PROCAÏNE

ARTICAÏNE TETRACAÏNE

Figure 11-2 Structure chimique des principaux anesthésiques locaux.


Tableau  11-I Propriétés des principaux anesthésiques locaux amides. Les doses maximales recommandées sont parfois un peu 264
supérieures à celles de l’AMM, souvent inférieures (ropivacaïne). Pour la lidocaïne et la bupivacaïne racémique, les doses maxi-
males sont celles des solutions adrénalinées.

Agent Lidocaïne Mépivacaïne Bupivacaïne Lévobupivacaïne Ropivacaïne


pKa 7,7 7,9 8,1 8,1 8,1
Fix. Prot. (p. 100) 64 77 95 96 94
Coefficient de partage 43 21 346 346 115
octanol/eau (liposolubilité)
Délai d’action Rapide Rapide Long Long Long
Concentration (mg/ml) 5-10-20 20 2,5 ; 5 ; 5* 2,5 ; 5 2 ; 7,5, 10
TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Concentration adrénalinée 10-20 – 2-5 – –


(1/200 000 et 1/100 000) (1/200 000)
Délai d’action (min) 5-10 5-10 10-30 10-30 10-30
Durée d’action (h) 1-2** 1-2** 2-3** 2-3** 2-3**
2-4*** 2-3*** 3-12*** 3-12*** 3-12***
Dose maximale (mg/kg) 400-600**** 400 150 150 180
Dose maximale chez l’enfant 4-5 – 2 2-2,5 2-2,5
(mg/kg)
* 0,5 p. 100 HB hyperbare ; ** blocs centraux et infiltrations ; *** blocs périphériques ; **** solutions adrénalinées.
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 265

Stéréochimie

Certaines molécules, dites chirales, possèdent une symétrie optique


autour d’un atome de carbone relié à 4 groupes différents. On parle
dans ce cas de stéréo-isomère  : S et R selon le sens de substitution
des atomes. Ces molécules font « tourner » la lumière polarisée dans
un sens ou dans un autre, il s’agit des formes lévogyres ou dextro-
gyres. On appelle cette propriété le pouvoir rotatoire de la molécule
(attention, il n’y a pas de correspondance directe entre le sens de
substitution, forme R ou S, et le sens de rotation). Les propriétés
physico-chimiques sont identiques mais les effets pharmacologiques
peuvent être très différents selon l’isomère. Le plus souvent on
trouve sur le marché des mélanges dits racémiques (50  p.  100 de
forme S et R) (ex.  : bupivacaïne) sauf pour la lidocaïne (achirale).
La ropivacaïne et la lévobupivacaïne sont des énantiomères S purs
tous deux lévogyres. Les énantiomères R semblent plus toxiques que
les énantiomères S.

Ionisation

Tous les AL sont des bases faibles de poids moléculaire compris


entre 220 et 288. Le pKa de l’AL et le pH ambiant déterminent la pro-
portion de forme ionisée et non ionisée. Seule la forme non ionisée,
liposoluble, est diffusible alors que la forme ionisée, hydrosoluble, est
active. Le bloc s’installe d’autant plus vite que la concentration de
la forme liposoluble (non ionisée), permet une traversée rapide de la
membrane. Les AL à pKa élevé ont un délai d’action plus long car
leur fraction ionisée est importante.

Liposolubilité

C’est une caractéristique primordiale d’un AL. Elle détermine le


passage transmembranaire et l’affinité pour les récepteurs. Plus un AL
est liposoluble, plus le délai d’action est rapide, plus il est puissant et
plus sa durée d’action est longue. Par ailleurs, la toxicité d’un AL est
étroitement liée à sa liposolubilité.
L’affinité au site de fixation dans le canal sodique varie selon la
molécule. Les agents d’action courte comme la lidocaïne, la pri-
locaïne ou la mépivacaïne ont une constante d’association et une
constante de dissociation rapides (fast in – fast out). Par contre, la
bupivacaïne et la ropivacaïne ont des cinétiques plus lentes (slow
in – slow out). En fait, la dissociation dépend de l’état du canal.
Lorsque la fréquence de stimulation de celui-ci augmente, la dis-
266 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

sociation devient moins probable et l’intensité du bloc augmente,


c’est la use-dependence qui fait toute la toxicité de la bupivacaïne.
À cet égard, les énantiomères S, ropivacaïne et lévobupivacaïne,
présentent moins ce phénomène, ce qui les rend moins toxique pour
le cœur.

Vasomotricité

La plupart des AL ont un effet vasoconstricteur à faible concen-


tration et une activité vasodilatatrice à forte concentration. Les
énantiomères S, ropivacaïne et lévobupivacaïne, sont légèrement vaso-
constrictrices.

PHARMACOCINÉTIQUE DES AL

Fixation protéique

Les AL se fixent sur les protéines plasmatiques principalement


à l’orosomucoïde ou α1-glycoprotéine acide et dans une moindre
mesure à l’albumine. Les concentrations d’orosomucoïde augmen-
tent considérablement au cours des états inflammatoires, dans les
suites de traumatisme, en cas de douleur chronique ou de can-
cer et en postopératoire. À l’inverse, au cours d’un traitement
contraceptif, pendant la grossesse, chez les nouveau-nés et les
nourrissons (<  6  mois), on constate une plus faible concentration
d’orosomucoïde.

Absorption

L’absorption des AL dépend principalement de la liposolubilité, du


pKa, de la fixation protéique et du site d’injection de l’AL.

Dégradation et élimination

Les AL de type ester sont rapidement hydrolysés dans le plasma


par des cholinestérases (les mêmes qui dégradent la succinylcholine)
en métabolites non actifs. Les AL de type amide (actuellement qua-
siment les seuls à être utilisés en anesthésie), sont métabolisés au
niveau du foie par les isoformes 3A4 et 1A2 du cytochrome P450.
La lidocaïne a un coefficient d’extraction hépatique élevé, tout fac-
teur qui baisse le débit cardiaque, donc le débit sanguin hépatique,
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 267

risque d’entraîner une augmentation importante des concentrations


sanguines. À l’inverse, bupivacaïne, ropivacaïne et lévobupivacaïne
ne dépendent que des capacités métaboliques du foie pour leur éli-
mination.

TOXICITÉ

Les accidents toxiques des AL sont dus à une résorption massive ou


à leur administration accidentelle intravasculaire.
Ils sont d’autant plus graves que l’AL est puissant et que l’éléva-
tion de la concentration plasmatique est rapide et importante. Les
effets d’une réabsorption des AL dépend de la toxicité de la solu-
tion utilisée, de la dose administrée, de la vitesse et du site d’injec-
tion, du patient (âge, état général). Les règles de sécurité en ALR
incluent :
— des tests répétés d’aspiration ;
— des injections lentes et fractionnées.
Dans certains sites richement vascularisés (intercostal, caudal, lom-
baire, cervical) l’absorption des AL est rapide, ce qui expose à un pic
de concentration sanguin plus important.

Neurotoxicité

En cas d’augmentation progressive de la concentration toxique, les


signes neurologiques apparaissent en premier. Les premiers symp-
tômes ressentis par le patient sont des paresthésies péribuccales, un
goût métallique dans la bouche, des acouphènes puis une diplopie
suivie de tremblements des extrémités, d’une logorrhée, d’une confu-
sion, de myoclonies et de convulsions. Pour un taux plasmatique plus
élevé, le blocage des canaux sodium est généralisé, pouvant conduire
au coma.

Cardiotoxicité

Elle s’exerce au niveau électrique (tissu de conduction) et mus-


culaire (contractilité). Les énantiomères S, ropivacaïne et lévobu-
pivacaïne, sont bien moins toxiques que la bupivacaïne racémique
qui doit être abandonnée sauf pour la rachianesthésie. Les symp-
tômes cardiovasculaires suivent souvent les signes neurologiques
sauf si le taux plasmatique toxique est atteint rapidement (injection
intravasculaire par exemple). Une bradycardie avec un allongement
du PR apparaît en premier, suivie par des complexes QRS élargis.
268 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Secondairement apparaissent des troubles du rythme de type tachy-


cardie et de fibrillation ventriculaire par réentrée (asynchronisme
de la repolarisation des cellules myocardiques ventriculaires). La
réanimation de l’arrêt cardiocirculatoire doit être prolongée au-delà
d’une demi-heure si besoin et les bolus d’adrénaline (seul médica-
ment ayant une efficacité dans ce contexte) doivent être limités afin
d’éviter des troubles du rythme ventriculaires.
L’apparition des émulsions lipidiques comme antidote a transformé
le pronostic des accidents. Elles agissent par un effet d’absorption très
rapide des molécules d’AL dans les chylomicrons. La posologie est de
100 à 150 ml d’Intralipide® à 20 p. 100 en bolus dès l’apparition des
signes annonciateurs de toxicité. Cette administration peut être com-
plétée jusqu’à 500 ml en perfusion rapide si besoin. Cependant, les
émulsions lipidiques ne remplacent pas la réanimation classique qui
est prioritaire.

Myotoxicité

Ce mécanisme est encore mal connu mais c’est expérimentale-


ment une réalité confirmée. La toxicité locale des AL s’observe à
des concentrations élevées, 100 à 1 000  fois supérieures à celles
qui entraînent les accidents convulsifs ou les arythmies car-
diaques. Elles sont vraisemblablement dues à l’effet découplant sur
la mitochondrie. Cette toxicité se voit le plus souvent au niveau
des muscles de l’œil et se traduit par une diplopie qui régresse le
plus souvent en quelques mois. Une intervention correctrice peut
s’avérer nécessaire. Une chondrotoxicité existe également. C’est
pourquoi il convient de ne pas injecter d’AL dans les petites arti-
culations comme l’épaule, et surtout de ne pas perfuser d’AL en
continu dans ces articulations.

ALLERGIE

Le plus souvent les AL sont responsables de réactions de type


hypersensibilité plutôt qu’anaphylactique. Pour les AL de type ester,
l’allergène semble être l’acide para-aminobenzoïque (PABA), méta-
bolite intermédiaire lors de l’hydrolyse des AL de type ester. Les
réactions allergiques lors de l’utilisation des AL de type amide sont
très rares (< 1 p. 100), et ce d’autant que seules les solutions conte-
nant de l’adrénaline sont stabilisées par des conservateurs comme
des sulfites.
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 269

TECHNIQUES DE REPÉRAGE
DES NERFS

NEUROSTIMULATION
X. Maschino

L’application d’un courant électrique sur un nerf provoque une inver-


sion de potentiel de membrane. Ce phénomène rend la membrane per-
méable et engendre un potentiel d’action. Les impulsions électriques
appliquées à l’extrémité de l’aiguille déclenchent un influx nerveux dans
le nerf et une réponse musculaire spécifique de ce nerf. Après stimula-
tion, les nerfs ont une période réfractaire durant laquelle le déclenchement
d’un potentiel d’action est plus difficile par rapport à l’état de repos, voire
impossible. La neurostimulation a été pendant 10-15 ans la technique de
repérage des nerfs de référence en anesthésie locorégionale. Bien que
supplantée par l’échoguidage, elle reste utilisée seule ou en association.

Quelles sont les caractéristiques essentielles


d’un neurostimulateur ?

• Courant constant de sortie réglable à la sortie du neurostimulateur


assurant une compensation automatique des changements de résis-
tance dans les tissus pour délivrer réellement le courant spécifié.
• Impulsion électrique de type rectangulaire monophasique.
• Écran de contrôle du courant délivré permettant à l’opérateur
d’avoir une idée de la distance nerf-aiguille.
• Bouton de réglage précis de l’intensité de stimulation de 0,05 à 5 mA.
• Réglage de la durée de l’impulsion de 0,1 à 1 ms.
• Choix de la fréquence de stimulation de 1 ou 2 Hz. En pratique
1 Hz car à 2 Hz la manipulation de l’aiguille est plus rapide mais les
contractions sont difficiles à différencier des fasciculations musculaires.
• Alarme de mauvais fonctionnement visuel et sonore.

Aiguilles de stimulation

L’utilisation d’une aiguille gainée isolée permet d’évaluer la dis-


tance entre la pointe et le nerf selon la quantité de courant délivrée. Les
aiguilles à biseau court sont plus agressives pour les fibres nerveuses par
rapport aux aiguilles à biseau long mais la résistance à la pénétration per-
270 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

met au clinicien de ressentir le click lors du passage des fascias et donne


finalement une meilleure garantie de prévention des lésions nerveuses.

Réponses motrices en fonction de la stimulation nerveuse

Elles sont présentées dans le tableau 11-II et les figures 11-3 et 11-4.

Règles de sécurité en anesthésie locorégionale


et gestion de l’échec

Repérage des nerfs en neurostimulation


Après vérification du fonctionnement du neurostimulateur et de
l’intégrité du circuit :
— mise en marche après passage cutané de l’aiguille isolée, aug-
mentation progressive de l’intensité ;

Tableau 11-II Réponses motrices à la stimulation nerveuse

Racines Réponse
Stimulation
nerveuses motrice
Plexus cervical C2-C3-C4-C5 Abduction épaule
Membre suppérieur

Nerf médian C5-C6-C7- Fléchisseur radial du carpe,


C8-T1 pronation, opposition pouce
Nerf radial C6-C7-C8 Extenseur doigts et poignet,
supination
Nerf ulnaire C8-T1 Fléchisseur ulnaire du carpe
Nerf musculocutané C5-C6 Contraction biceps brachial
Nerf phrénique C4 Contraction diaphragme, hoquet
Plexus lombaire L1-L2 Adduction cuisse, extension genou
Nerf fémoral L1-L4 Extension genou, ascension rotule
Membre inférieur

Nerf obturateur L2-L3-L4 Adduction cuisse


Nerf sciatique S1-S3 Flexion genou, flexion dorsale
et plantaire pied
Nerf péronier Flexion dorsale pied, éversion pied
commun
Nerf saphène Flexion plantaire, inversion pied
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 271

Stimulation musculo-cutanée

Stimulation radiale

Stimulation médiane

Stimulation ulnaire

Figure 11-3 Membre supérieur.


(D’après Paqueron X. Guide pratique d’anesthésie locorégionale, 2e éd. Paris,
Arnette, 2005 : 50.)
272 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Stimulation du nerf tibial

Stimulation du nerf fibulaire superficiel

Stimulation du nerf fibulaire profond

Figure 11-4 Membre inférieur.


(D’après Paqueron X. Guide pratique d’anesthésie locorégionale, 2e éd. Paris,
Arnette, 2005 : 73.)

— recherche débutée à 1,5-2 mA pour une durée de stimulation


de 100 μs en l’absence de réponse motrice, mobilisation de l’aiguille
dans les trois axes de l’espace dès l’obtention d’une réponse ;
— recherche de l’intensité minimale de stimulation (retrait de
l’aiguille si < 0,2 mA) ;
— test d’aspiration précédant l’injection d’1 ml d’anesthésique local,
disparition instantanée de la réponse motrice  (dans le cas contraire
soupçonner une injection intravasculaire) ;
— injection indolore et sans résistance, ne déclenchant pas de pares-
thésie ;
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 273

— réponse motrice facilement retrouvée en augmentant l’intensité ;


— injection lente et fractionnée du volume d’anesthésique local ;
— tests d’aspiration répétés.

Complication et morbidité de l’ALR


Traumatiques. Lésion des structures nerveuses lors du repérage l’ai-
guille de neurostimulation avec des séquelles plus ou moins importantes
dans la topographie et dans le temps. Prise en charge associant une sur-
veillance médicale (anesthésiste et neurologue) et des examens complé-
mentaires (EMG, IRM). Récupération, le plus souvent, sans séquelle
possible au terme de plusieurs mois de suivi.
Beaucoup plus fréquente, la ponction vasculaire peut survenir pour
tous les blocs en raison de la proximité des structures vasculaires
proches des structures nerveuses. La gravité d’une ponction vasculaire
est liée à la possibilité d’injection accidentelle intravasculaire des AL,
de la constitution d’un hématome difficilement comprimable respon-
sable d’une compression des structures adjacentes ou plus rarement
hémorragie importante.
Toxiques
Secondaires à une injection ou une réabsorption vasculaire des AL.
Il est important de savoir prévenir de tels accidents en respectant cer-
taines règles de sécurité :
— toujours réaliser des injections lentes et fractionnées (5 ml) de
l’AL et répéter les tests d’aspiration ;
— toujours réaliser une dose test lors de la réalisation d’un bloc
profond ;
— toujours adapter le volume et la concentration en fonction du
patient (sujet âgé, femme enceinte, insuffisant hépatique ou rénal) et
du site de ponction (région cervicale ou intercostale).
• Toxicité neurologique  : tous les AL sont susceptibles de provo-
quer des accidents convulsifs dont la prise en charge classique (assu-
rer la liberté des VAS, anticonvulsivants : benzodiazépines) doit être la
plus rapide possible.
• Toxicité cardiaque  : tous les AL sont susceptibles de provoquer
des accidents cardiaques, précédés souvent par des signes de toxicité
neurologique. Ces accidents sont rares mais graves, mettant en jeu le
pronostic vital du patient.

Contre-indications de l’ALR
Il existe peu de contre-indications absolues à l’ALR :
— refus du patient ;
— infection locale au niveau du point de ponction ;
274 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

— trouble constitutionnel ou acquis de la coagulation ;


— neuropathies sévères et évolutives.
Les pathologies neurologiques à prédominance centrale (sclérose en
plaque, épilepsie) ne contre-indiquent pas la réalisation d’une ALR.

Gestion de l’échec d’une ALR


Réaliser une ALR quel que soit le niveau et l’expérience du prati-
cien est corollaire d’un risque d’échec. Même si ce risque est de plus
en plus faible avec l’expérience, il est utopique d’obtenir 100  p.  100
de réussite contrairement à une anesthésie générale. Il est donc pri-
mordial de savoir gérer l’échec.
L’échec en ALR ne se limite pas simplement à un bloc incom-
plet. Un repérage impossible, une injection difficile ou la survenue
de signes de toxicité sont des situations qu’il faut savoir gérer. Il est
possible de réduire au minimum cet échec, en adoptant une attitude
rigoureuse :
— préférer la multistimulation des nerfs périphériques même lorsque
plusieurs nerfs sont situés dans le même espace de diffusion ;
— préférer un effet volume à un effet concentration en cas d’injec-
tion unique (diluer les AL) ;
— évaluer la qualité du bloc sensitivomoteur en fonction du délai
d’action des AL utilisés (inférieur à 30 min) ;
— évaluer la qualité du bloc sensitivomoteur dans chacun des terri-
toires nerveux concernés par l’intervention et le garrot ;
— réaliser si besoin une réinjection de complément.

ÉCHOGUIDAGE – ÉCHOGRAPHIE
F. Bonnet

L’utilisation de l’échographie a supplanté la neurostimulation pour


la recherche et l’identification de structures nerveuses susceptibles de
faire l’objet d’un bloc anesthésique. La recherche s’effectue « au lit
du malade » à l’aide d’appareils compacts et maniables. La pratique
de l’échographie nécessite un apprentissage systématique. Elle a fait
l’objet de recommandations de bonne pratique clinique de la part de la
Société française d’anesthésie réanimation.

Principe des ultrasons

Les ultrasons sont émis par des sondes piézoélectriques avec une
fréquence variable de 1 à 15 MHz. La sonde émet des ultrasons sur
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 275

une courte période et capte les ultrasons réfléchis sur le reste du temps.
L’onde émise est sinusoïdale et se déplace à une vitesse qui dépend du
milieu dans lequel elle chemine. La fenêtre acoustique désigne l’en-
semble des structures traversées par les ultrasons. La diffusion des
ultrasons est facile dans les tissus mais elle est moins bonne dans l’air.
Les ultrasons réfléchis sont convertis en un signal électrique à son
tour transformé sur une image. Le réglage du gain permet d’amplifier
le signal électrique et la brillance de l’image. La plus grande partie
des ultrasons est réfléchie lorsque le faisceau est perpendiculaire à la
surface étudiée. La réflexion des ultrasons est accentuée par l’inter-
face entre deux tissus de consistance différente. Une structure anécho-
gène donne une image noire (ex. : racines médullaires), une structure
échogène donne une image grise.
La résolution (capacité de distinguer deux points dans l’axe d’émis-
sion) est d’autant meilleure que la fréquence d’émission est élevée.
La pénétration des ultrasons dans le corps humain est d’autant
plus grande que la fréquence d’émission est basse. La fréquence des
sondes doit donc être adaptée à la profondeur de la structure que l’on
souhaite identifier. Pour les nerfs périphériques on utilise des sondes
de 7,5 à 15 MHz (distants de moins de 5 cm) et pour les structures
profondes des sondes de 2 à 5 MHz (nerf sciatique blocs périmédul-
laires).
Les ultrasons émis en parallèle divergent au-delà d’une certaine dis-
tance dite focale. L’adaptation de la distance focale améliore la réso-
lution.
Les sondes sont de forme convexe (champ large  : structures pro-
fondes) ou linéaires (fréquence d’émission supérieure). Les sondes en
« canne de golfe » sont utilisées en pédiatrie.
Artefacts. Les images anatomiques ont des contours parfois défor-
més par la vitesse de propagation inégale des ultrasons (ex. : aiguille
en baïonnette). Une ombre acoustique est une image anéchogène
(noire) en aval d’une structure osseuse qui masque les structures sous-
jacentes. Un écho de réverbération ou de répétition est généré par une
structure aérique. Des tissus échogènes comme la graisse peuvent
créer des échos parasites dans la lumière d’un vaisseau. Le renforce-
ment postérieur s’observe derrière une image liquidienne (vaisseau) et
peut simuler la présence d’un nerf (figures 11-5 et 11-6).

Réalisation de l’échographie et repérage des structures

La pratique de l’échographie implique de conserver l’asepsie du


geste. Les zones cutanées doivent être désinfectées, les sondes doivent
être protégées par une gaine stérile, la surface de contact doit être un
gel ou un liquide stérile et l’opérateur doit s’habiller stérilement s’il
276 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

3.3

Figure 11-5 Image de renforcement acoustique en arrière de la paroi artérielle.

décide d’introduire un cathéter qui restera en place plusieurs jours.


Pour les opérateurs débutants il est toutefois envisageable d’effectuer
un repérage préalable avant d’effectuer le geste prévu. Les sondes sont
considérées comme un matériel médical non critique car elles ne sont
en contact qu’avec une peau saine, elles peuvent donc être désinfec-
tées de façon ordinaire entre chaque patient.
Le blocage d’une ou plusieurs structures nerveuses est précédé de
l’identification de l’ensemble des structures anatomiques situées à
son voisinage (technique de balayage). Parmi celles-ci, les vaisseaux
(artères et veines) doivent être identifiés avec certitude en se servant
de l’aide du Doppler qui visualise les flux. Les veines sont compres-
sibles, ce qui les différencie des artères qui sont pulsatiles. Les struc-
tures nerveuses apparaissent d’autant moins échogènes qu’elles sont
proches de leur origine médullaire. Les nerfs distaux sont en effet
associés à des enveloppes fibreuses qui leur donnent un aspect trabé-
culé ou en nid d’abeille lorsqu’ils sont visualisés en coupe. Il est plus
facile d’identifier de prime abord une structure (un nerf) en coupe
transversale plutôt que longitudinale. Une fois repérée la zone où se
trouve la structure nerveuse, on peut ajuster la profondeur du champ
et adapter le gain dans la zone d’intérêt. Lorsqu’un nerf est visua-
lisé, il importe d’en suivre le trajet aux confins de la zone anatomique
concernée pour en préciser l’identité et les rapports anatomiques. Le
trajet des nerfs n’est pas toujours perpendiculaire à la peau, il faut
donc incliner la sonde pour obtenir la meilleure image possible.
Les aiguilles peuvent être introduites soit dans le plan de la sonde
soit perpendiculairement à ce plan. La progression de l’aiguille en
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 277

Figure 11-6 Injection intraneurale lors de la réalisation d’un bloc supraclavi-


culaire. (A : avant, B : après.)

dehors du plan est souvent « aveugle » jusqu’à ce que son extrémité


apparaisse dans le champ des ultrasons. Pour mieux visualiser l’ai-
guille on peut s’aider de l’hydrolocalisation qui consiste à injecter
1 ou 2 ml de la solution anesthésique qui donne une image noire et
mobilise les structures où elle est injectée. La progression de l’ai-
guille dans le plan est plus facile à identifier mais elle pose néanmoins
quelques difficultés. Il est important de pouvoir identifier l’extrémité
de l’aiguille avant injection, or celle-ci n’est pas toujours dans le plan
des ultrasons si l’aiguille a progressé en biais par rapport à ce plan.
L’orientation de l’aiguille placée sous le champ de la sonde n’est pas
278 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

toujours facile, c’est pourquoi il faut veiller à ce que l’orifice d’entrée


soit quelques centimètres en avant ou en arrière de la sonde. La plu-
part du temps, la sonde est placée perpendiculairement aux structures
nerveuses, ce qui permet de mieux les identifier. De ce fait lorsque
l’aiguille est introduite dans le plan des ultrasons, elle est également
perpendiculaire aux structures nerveuses, ce qui peut rendre plus déli-
cate l’insertion d’un cathéter.

Identification des structures nerveuses

Les fibres nerveuses sont entourées d’un endonèvre, les faisceaux


sont recouverts d’un périnèvre et les nerfs eux-mêmes sont entourés
d’un paranèvre. Le tissu conjonctif est hyperéchogène et le tissu ner-
veux est hypoéchogène (noir). Les structures nerveuses apparaissent
au voisinage de structures vasculaires le plus souvent. En coupe, les
racines et les nerfs ont un aspect en nid d’abeille d’autant plus mar-
qué que l’on est à distance de l’origine du nerf. L’image des nerfs est
rehaussée après injection d’une solution qui souvent détache le nerf
des structures adjacentes. On obtient la fameuse image en « donut »
lorsque le nerf est complètement entouré par la solution d’anesthé-
sique local. Avec le développement de leur expertise, les opérateurs
officient de plus en plus souvent sans se servir de la neurostimula-
tion. Cependant, il faut éviter toute approche dogmatique sur ce sujet
et s’il existe un doute sur l’image observée, l’usage simultané de la
neurostimulation peut aider à identifier une structure nerveuse. Cette
approche est d’autant plus justifiée que les variations anatomiques
sont fréquentes et trompeuses. En outre, l’intensité minimale du cou-
rant de stimulation permet de préciser la proximité de l’aiguille par
rapport au nerf. Une injection à l’intérieur de l’épinèvre, au milieu des
fascicules, comporte un risque de lésion du nerf. L’image obtenue est
celle d’un gonflement de la section du nerf. Bien que cette image ne
s’associe pas automatiquement avec une lésion nerveuse il est recom-
mandé d’interrompre l’injection lorsqu’elle apparaît.

Intérêt et apport du guidage ultrasonographique


pour le repérage des nerfs

Le guidage échographique s’est imposé car il a l’avantage princi-


pal de visualiser directement les structures nerveuses. Il est démon-
tré que cet avantage permet de raccourcir la durée de réalisation des
blocs quel que soit le site et de diminuer le nombre de ponctions ou
de tentatives. La quantité d’anesthésique local utilisé est également
réduite par comparaison avec les techniques aveugles précédemment
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 279

utilisées et le délai d’installation est raccourci. Le taux de succès n’est


pas forcément amélioré par rapport à la neurostimulation effectuée par
un opérateur entraîné mais la courbe d’apprentissage est facilitée et
la durée d’apprentissage est moindre tandis que l’apprentissage lui-
même est fiabilisé (le tuteur peut mieux guider les gestes du débu-
tant). Il n’est pas démontré que l’usage de l’échographie diminue le
risque de complications neurologiques en revanche, le risque de ponc-
tion vasculaire et donc d’injection intravasculaire est réduit. L’aspira-
tion avant injection reste de mise de même que l’arrêt de l’injection en
cas de paresthésie douloureuse.

POUR EN SAVOIR PLUS

Delaunay L, Plantet F, Jochum D. Échographie et anesthésie locorégionale.


Ann Fr Anesth Réanim, 2009 ; 28 : 140-60.

BLOCS CENTRAUX

ANESTHÉSIE PÉRIDURALE
A. Noirot, F. Bonnet

L’anesthésie péridurale consiste à administrer des anesthésiques


locaux autour de la dure-mère qui enveloppe la moelle. Par comparai-
son avec la rachianesthésie et du fait de la diffusion des AL au travers
des méninges, la quantité d’agent anesthésique nécessaire pour obtenir
un effet comparable est environ 7  fois supérieur, ce qui engendre la
possibilité d’effets secondaires spécifiques. L’anesthésie péridurale est
le plus souvent effectuée au niveau lombaire, parfois au niveau thora-
cique, exceptionnellement au niveau cervical.

Technique

Préparation du patient
Le patient est informé du mode d’anesthésie en consultation. Les
avantages et les inconvénients de la technique doivent être abordés y
compris la possibilité de complications rares et graves. Un document
écrit peut servir de support de l’information.
280 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Installation au bloc opératoire


Une prémédication habituelle (hydroxyzine, benzodiazépine) est
possible mais non indispensable.
Après pose d’une perfusion sur une voie veineuse périphérique, le
monitorage habituel (pression artérielle, fréquence cardiaque, scope,
oxymètre de pouls) est installé. La mise en place d’un matelas chauf-
fant à air pulsé est tout aussi nécessaire que lors d’une anesthésie
générale et constitue l’un des premiers gestes à l’arrivée du patient. Le
matériel nécessaire à l’anesthésie générale et une réanimation éven-
tuelle est à disposition.
Le patient peut être installé en position assise ou en décubitus laté-
ral. Dans les deux cas, il lui est demandé de faire le « dos rond » tan-
dis qu’un aide maintient la position.
L’opérateur doit porter un masque et des gants stériles enfilés après
lavage chirurgical des mains. Les aides doivent également porter un
masque. La zone de ponction est largement désinfectée et un champ
stérile est installé. Si un cathéter doit être mis en place, c’est-à-dire
dans la très grande majorité des cas, l’opérateur doit porter une casaque
stérile.

Identification de l’espace péridural


Le matériel utilisé est une aiguille de Tuohy de 18 gauge disponible
dans un set avec cathéter. Cette aiguille est munie d’un biseau à bout
incurvé qui limite le risque d’effraction de la dure-mère.
L’abord médian est le plus pratiqué. Dans ce cas, l’aiguille tra-
verse successivement les plans du ligament interépineux et du liga-
ment jaune avant de se trouver dans l’espace péridural. Le principe
est l’identification de l’espace par la différence de pression et de résis-
tance qui y règnent par rapport aux structures précédentes. L’identifi-
cation de l’espace comporte deux risques  : l’effraction vasculaire et
l’effraction de la dure-mère.
Technique :
• Identification de l’espace (L4-L5 ou L3-L4) en se repérant à partir
de la ligne des crêtes iliaques (L4) et celle des apophyses épineuses
(palpables).
• Anesthésie locale de la peau (bouton intradermique et sous-cutané).
• Introduire l’aiguille avec son mandrin, l’ouverture du biseau étant
tournée en direction céphalique, sur une distance de 2 à 3 cm en res-
pectant l’inclinaison des épineuses (angle de 30° avec le plan vertical).
• Retirer le mandrin et connecter l’aiguille à une seringue contenant
quelques millilitres de sérum physiologique.
• Continuer la progression en faisant avancer l’aiguille tenue entre
le pouce et l’index d’une main appuyée sur le dos du patient tandis
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 281

Solution

Figure 11-7 Repérage de l’espace péridural par la technique du mandrin liquide.

que l’autre main maintient la seringue en testant avec le pouce la


résistance du piston (sans l’enfoncer). La perte de résistance (après
une courte période de résistance accrue correspondant à la traversée
du ligament jaune) indique l’entrée de la pointe de l’aiguille dans l’es-
pace péridural (figure 11-7).
• Interrompre immédiatement la progression. Aspirer à l’aide du
piston pour vérifier l’absence de reflux de LCR (ponction de la dure-
mère) ou de sang (ponction vasculaire).
• Si un cathéter doit être mis en place, on peut l’introduire à ce
stade sur 3-4 cm dans l’espace péridural. Sa progression doit se faire
librement sans rencontrer de résistance et sans provoquer de douleur
ou de sensation de décharge électrique (si tel est le cas : interrompre
immédiatement le geste). Ne pas introduire le cathéter sur une trop
longue distance car il peut alors sortir de l’espace ou faire des boucles
qui peuvent rendre son extraction difficile.
• La technique du mandrin gazeux (remplissage de la seringue
avec de l’air) n’est pas recommandée  : elle peut provoquer une
pneumoencéphalie en cas de brèche de la dure-mère, des embolies
gazeuses en cas de brèche vasculaire et des blocs inhomogènes.
• La technique de la goutte pendante (progression de l’aiguille
sans mandrin mais remplie de sérum physiologique dont une goutte
saille à la base de l’aiguille et est aspirée lors de la pénétration de
l’espace péridural) n’est pas recommandée à l’étage lombaire en
position assise.

Injection de la solution d’anesthésique local


Cette injection peut être précédée d’une dose-test  : cette pratique
n’est pas obligatoire et n’a de valeur que si le test est positif. La dose-
test (en pratique, injection de 2-3 ml de lidocaïne 2  p.  100 adrénali-
née) a pour but d’identifier une brèche de la dure-mère, non mise en
évidence par un reflux de LCR (dans ce cas installation d’une rachia-
282 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

nesthésie en quelques minutes avec bloc moteur) ou d’une brèche


vasculaire (dans ce cas : tachycardie transitoire due à l’administration
intravasculaire de l’adrénaline).
Le principe est de fractionner les injections de la solution d’anes-
thésique local par 5 ml et d’en observer les effets de sorte que si une
injection est faite dans le liquide céphalorachidien ou en intravascu-
laire les conséquences sont moindres. Le principal signe d’injection en
rachianesthésie est l’installation rapide d’un bloc profond (notamment
moteur) associé éventuellement à une hypotension et à une bradycardie.
L’injection intravasculaire peut se traduire par des signes mineurs de
toxicité  : phosphènes, acouphènes, sensation de goût métallique, agi-
tation, confusion  [dans ce cas  : arrêt de l’injection, surveillance du
scope, injection d’une benzodiazépine (midazolam 1-2 mg) pour éviter
des convulsions].

Péridurale sous échoguidage (figures 11-8 et 11-9)


L’échoguidage n’est pas encore entré dans la pratique clinique en
routine pour la réalisation d’une péridurale. Cependant l’échoguidage
offre plusieurs avantages par rapport à la technique aveugle.
Il permet avec précision l’identification du niveau de ponction. À
l’aveugle l’opérateur fait souvent une erreur d’un voire de deux méta-
mères sur le niveau de ponction, d’autant plus que les repères habi-
tuels (épineuses, crêtes iliaques) ne sont pas palpables.
• Il permet de précise la distance entre la peau et l’espace péridural.
• Il permet un apprentissage plus facile.
• Il fiabilise le geste dans des conditions techniques difficiles (obèses,
déformation du rachis…) d’autant plus que l’opérateur s’est entraîné au
préalable dans les conditions habituelles.
L’échoguidage débute par un repérage sono-anatomique. La sonde
utilisée est une sonde à basse fréquence. Elle est d’abord placée en
position verticale sur la ligne des épineuses. Ceci permet de repé-
rer le sacrum puis les dernières vertèbres lombaires. La ligne des
épineuses donne une image typique en dents de scie. Une fois le
niveau de ponction identifié, par exemple L3-L4, la sonde est pla-
cée en position transversale pour mesurer la distance entre la peau
et l’espace péridural. Le ligament jaune et la dure-mère confondus
donnent un rehaussement de l’échogénicité entre l’image des deux
apophyses articulaires postérieures. L’image du ligament jaune est
séparée de celle du corps vertébral par le canal médullaire dont on
peut également mesurer la largeur. La distance entre la peau et l’es-
pace péridural est en moyenne de 5,3 cm au niveau de L3-L4 et de
5,7 cm en L4-L5 mais elle peut varier de 3,9 à 7,3 cm. Le repérage
échographique peut s’arrêter là et la ponction peut ensuite se faire
à l’aveugle en ayant l’ensemble des informations en tête. L’opéra-
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 283

Figure 11-8 Coupe échographique transverse en L4-L5, qui met en évidence


l’image de « Batman » représentée par les cônes d’ombres des épineuses, des
apophyses articulaires postérieures et du corps vertébral. Le mur postérieur du
corps vertébral (§) apparaît comme une image échogène en avant de laquelle
un rehaussement (*) représente le ligament jaune et la dure-mère confondus.

teur peut également réaliser la ponction sous échoguidage. Dans


ce cas, la sonde est tenue d’une main et positionnée en longitudi-
nale et paramédiane. L’image obtenue est celle des cônes d’ombre
des apophyses articulaires postérieures entre lesquelles on identifie
le ligament jaune vers lequel l’autre main dirige l’aiguille selon
une approche dans le plan. Il est essentiel de bien visualiser à tout
moment la pointe de l’aiguille et de suivre ainsi sa progression. Cette
technique requiert une certaine expérience.
284 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Apophyse transverse
Ligament jaune
Canal médullaire
Corps vertébral

Figure  11-9 Image paramédiane longitudinale (sagittale) montrant les apo-


physes transverses, le ligament jaune et le mur postérieur du corps vertébral
(échogènes) entre lesquels se trouve le canal médullaire.

Installation du bloc
Le bloc sensitif concerne les sensibilités tactiles, thermiques et la
nociception. Le niveau supérieur du bloc doit être repéré avec une com-
presse froide ou un glaçon (thermo-algésie) ou à l’aide d’une aiguille
(tact ou nociception). Les repères métamériques sont les suivants :
— pli inguinal : L2 ;
— ombilic : D10 ;
— pointe du sternum : D6 ;
— ligne mamelonnaire : D4.
Attention à la racine du cou (la transition se fait entre D2 et C4).
L’extension du bloc moteur au niveau du tronc est difficile à appré-
cier. Au niveau des membres inférieurs, le bloc moteur peut être quan-
tifié selon l’échelle de Bromage modifiée :
— 1 : pas de bloc ;
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 285

— 2  : bloc partiel (flexion des hanches impossible, flexion des


genoux et des pieds possible) ;
— 3  : bloc presque complet  (flexion des hanches et des genoux
impossible, flexion des pieds encore possible) ;
— 4 : bloc complet.
Pour un même anesthésique local, le bloc moteur est moins marqué
en anesthésie péridurale qu’en rachianesthésie.
Le bloc sympathique n’est pas appréciable en routine clinique, il est
plus étendu que le bloc sensitif et il est responsable de l’hypotension
et de la bradycardie qui l’accompagnent.
La différence de niveau et d’intensité entre le bloc sympathique, le
bloc sensitif et le bloc moteur est appelée bloc différentiel.
La durée et l’extension du bloc anesthésique dépendent essentielle-
ment de la dose d’anesthésique local injectée (et du type d’agent anes-
thésique). Le volume et la position du patient n’ont qu’un rôle mineur
à l’inverse de ce qui se passe en rachianesthésie.

Surveillance
• Pression artérielle (toutes les 3  min pendant l’installation du
bloc).
• Vérification du niveau supérieur du bloc sensitif.
• Évaluation du bloc moteur.
• État de conscience.
• Température.
• Administration d’oxygène au masque facial.
Les blocs centraux provoquent une sédation des patients, une séda-
tion intraveineuse de complément n’est pas nécessaire la plupart du
temps. Une sédation excessive par benzodiazépines ou morphinique
expose au risque de désaturation artérielle en oxygène, de dépression
respiratoire. La sédation ne doit jamais être utilisée pour masquer un
bloc insuffisant.
En postopératoire  : vérifier la régression du bloc moteur et l’ab-
sence d’hypotension (régression du bloc sympathique) avant la sortie
du patient.

Anesthésie péridurale thoracique


L’abord de l’espace péridural peut se faire par voie médiane
comme au niveau lombaire, cependant, l’inclinaison des apophyses
épineuses thoraciques est plus importante et l’espace interépineux
plus étroit ; l’orientation de l’aiguille par rapport au plan vertical
est donc de l’ordre de 60° et l’espace n’est parfois identifié qu’au
bout de l’aiguille. De ce fait, un abord paravertébral est souvent
préféré. L’aiguille est positionnée 2-3 cm latéralement par rapport à
286 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

la ligne médiane à hauteur d’un espace interépineux et avancée en


s’inclinant de 30° par rapport à la ligne médiane et au plan verti-
cal. La pointe de l’aiguille peut buter sur la lame quadrilatère de la
vertèbre et l’aiguille est alors réorientée vers le haut ou vers le bas
pour poursuive sa progression. L’anesthésie péridurale thoracique
est pratiquée au niveau médiothoracique (D4-D5) pour la chirur-
gie thoracique ou thoracique inférieure (D10-D12) pour la chirurgie
abdominale haute. Plus encore qu’au niveau lombaire et selon la
même technique, l’échoguidage peut améliorer le repérage de l’es-
pace péridural.

Rachianesthésie-anesthésie péridurale séquentielle


La technique consiste à repérer l’espace péridural lombaire
comme précédemment puis à introduire une aiguille de rachia-
nesthésie au travers de l’aiguille de Tuohy spécialement conçue à
cet effet. L’injection intrarachidienne est pratiquée puis un cathé-
ter péridural est mis en place pour des réinjections. L’intérêt est
de pouvoir bénéficier de l’efficacité et de la rapidité d’installation
de la rachianesthésie et de poursuivre par une analgésie péridurale
(jusqu’en postopératoire). L’inconvénient est que la position adé-
quate du cathéter péridural ne peut être testée avec fiabilité et qu’il
faut donc fractionner prudemment les doses administrées en péridu-
ral. En obstétrique (voir Chapitre 26, Analgésie obstétricale), l’in-
jection rachidienne comprend un opiacé (sufentanil) associé ou non
à un anesthésique local.

Agents anesthésiques

Anesthésiques locaux (tableau 11-III)


Les agents anesthésiques locaux commercialisés pour l’utilisation
péridurale sont la lidocaïne, la bupivacaïne, la lévobupivacaïne, la
mépivacaïne et la ropivacaïne. La plupart des solutions sont consti-
tuées par un mélange racémique d’isomères sauf la lévobupivacaïne et
la ropivacaïne qui sont des isomères lévogyres. Un bolus de 10-20 ml
est en général administré suivi par des bolus itératifs (2/3 du volume
initial) ou d’une perfusion continue (5-10 ml/h). Le choix de l’agent
anesthésique (en fonction notamment de sa durée d’action) et de la
concentration de la solution (et donc la dose) dépend de l’objectif  :
les solutions les moins concentrées (ex.  : ropivacaïne 0,2  p.  100 =
2 mg/ml) sont utilisées pour l’analgésie postopératoire tandis que les
solutions les plus concentrées (ex.  : lidocaïne 2  p.  100 = 20 mg/ml)
sont utilisées pour l’anesthésie.
Tableau 11-III Caractéristiques pharmacodynamiques des solutions d’anesthésiques locaux utilisées en péridurale

Dose max Durée (min)


Concentration Début Durée
Agent en bolus sol. adrénalinée
(p. 100) (min) (min)
(mg) (1/200 000)
Lidocaïne 1-2 500 15 80-120 120-180
Mépivacaïne 1-2 500 15 90-140 140-200
Bupivacaïne 0,5 150 20 160-220 180-240
(analgésie : 0,125)
Lévobupivacaïne 0,5 150 20 160-220
Ropivacaïne 0,5-0,75 225 20 130-180
[analgésie : 0,2]
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE
287
288 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Adjuvants
• Adrénaline  : les solutions adrénalinées (1/200 000) sont utilisées
pour diminuer la résorption plasmatique de l’anesthésique local et
augmenter sa durée d’action. L’adrénaline est également résorbée,
ce qui produit une tachycardie transitoire lors de la dose-test si l’in-
jection est intravasculaire. L’adrénaline modifie également le profil
hémodynamique de la péridurale (fréquence cardiaque plus élevée,
pression artérielle plus basse, débit cardiaque augmentée par rapport
aux effets d’une solution non adrénalinée).
• Clonidine : la clonidine est utilisée pour renforcer le bloc anesthé-
sique et prolonger l’analgésie. La posologie est variable entre 0,5 et
2 mcg/kg. La clonidine renforce également le bloc moteur et inhibe le
frisson. Les effets secondaires principaux sont la sédation, la majora-
tion de l’hypotension, la bradycardie.
• Opiacés  : les opiacés sont également utilisés pour renforcer le
bloc et prolonger l’analgésie. Les opiacés liposolubles (fentanyl 50-
100  mcg, sufentanil 5-10 mg) ont une durée d’action courte et les
opiacés hydrosolubles (morphine 2-5 mg) une durée d’action pro-
longée. Pour l’analgésie postopératoire on utilise soit des opiacés
liposolubles en perfusion continue soit de la morphine en bolus (ou
en perfusion continue). Les effets secondaires sont le prurit (surtout
en obstétrique), la rétention d’urines, les nausées et les vomisse-
ments et la sédation. La dépression respiratoire est une complication
rare (1/1 000) mais qui justifie une surveillance appropriée (séda-
tion, fréquence respiratoire  : naloxone titrée par bolus de 0,1 mg si
FR < 10/min).

Effets secondaires et complications

Effets secondaires
Hypotension artérielle – Bradycardie
L’hypotension artérielle est la conséquence du bloc sympathique
et de la diminution du retour veineux. Elle s’accompagne d’une bra-
dycardie qui se corrige en même temps que l’hypotension. Selon le
contexte, l’hypotension se traite par remplissage vasculaire (cristal-
loïdes ou colloïdes) et/ou par l’injection de vasopresseurs (éphédrine
bolus de 3-9 mg). Le remplissage expose au risque de rétention
d’urines voire d’œdème pulmonaire à la levée du bloc chez les sujets
à risque (insuffisants cardiaques). L’utilisation de vasopresseurs
expose au risque d’ischémie myocardique chez les sujets prédis-
posés. L’administration d’atropine de première intention n’est pas
recommandée.
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 289

Hypothermie
Il s’agit d’une hypothermie de redistribution liée à la vasodilata-
tion dans le territoire anesthésié (déplacement de chaleur massique du
noyau central vers la périphérie). De plus le frisson est moins efficace
du fait du bloc musculaire. La prévention par matelas à air pulsé est
justifiée.
Rétention d’urines
Elle survient lorsque la durée du bloc est prolongée, lorsque des
opiacés ont été injectés avec les anesthésiques locaux et lorsque le
remplissage vasculaire a été important. Elle peut nécessiter un son-
dage urinaire évacuateur. Elle est au mieux dépistée en postopératoire
par un contrôle échographique du volume vésical.

Complications
Convulsions
Elles sont la conséquence du passage intravasculaire accidentel des
anesthésiques locaux. La persistance des crises doit conduire à une
intubation après injection de benzodiazépines ou de propofol. Sur-
veiller le scope pour dépister des troubles du rythme cardiaque conco-
mitants.
Arrêt cardiaque
Deux mécanismes sont possibles :
— tachycardie ventriculaire suivie de fibrillation ventriculaire à la
suite de l’injection intravasculaire accidentelle (bupivacaïne-ropivacaïne).
Outre les manœuvres de réanimation habituelles le traitement repose sur
l’administration rapide d’Intralipide® (150 ml premier bolus suivi d’un
second bolus en cas de récurrence des troubles du rythme) et sur l’admi-
nistration d’adrénaline (bolus de 1 mg) ;
— collapsus avec bradycardie extrême et hypotension. Le traite-
ment repose sur le remplissage vasculaire et l’administration d’adré-
naline (titration par bolus de 0,1 mg jusqu’à 1 mg).
Extension excessive du bloc
Elle peut résulter d’une injection sous arachnoïdienne (opacifica-
tion : aspect en rails caractéristique). Elle se traduit par un bloc exces-
sif (bloc moteur ++) et trop étendu (risque d’insuffisance respiratoire
aiguë).
L’injection dans le LCR d’une dose d’anesthésique local destinée
à l’espace péridural produit une anesthésie du tronc cérébral qui pro-
voque une perte de conscience avec mydriase bilatérale, une apnée,
une hypotension et une bradycardie profondes. Il faut intuber et ven-
290 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

tiler le patient, corriger hypotension et bradycardie par une perfusion


titrée d’adrénaline et attendre la régression du bloc.

Céphalées après brèche de la dure-mère


L’incidence de brèche de la dure-mère est de l’ordre de 0,5  p.  100
à  1  p.  100. Les brèches les plus importantes se traduisent par une
issue franche de LCR mais certaines brèches sont insidieuses car non
identifiées (par exemple lors des tentatives de recherche de l’espace
péridural). Une brèche provoquée par une aiguille de Tuohy chez un
sujet jeune provoque des céphalées brutales par fuite de LCR respon-
sable d’une baisse de la pression intracrânienne et éventuellement du
fait de pneumo-encéphalie associée (bulles d’air introduites dans le
LCR migrant au niveau des citernes de la base ou de l’encéphale). Les
céphalées sont accentuées par les mouvements de la tête et la position
assise ou le procubitus. Elles s’associent à des cervicalgies (raideur
de nuque) et éventuellement à une photophobie, une hypoacousie ou
une phonophobie. Des paralysies des nerfs crâniens (oculomoteurs)
sont possibles (diplopie). Des céphalées intenses doivent être traitées
sans attendre par blood patch : l’espace péridural est injecté, au niveau
de la brèche de la dure-mère, par 20-25 ml de sang prélevés sur une
veine périphérique dans de bonnes conditions d’asepsie et injectés len-
tement. Le repérage échographique préalable de l’espace péridural est
recommandé. Laisser le patient allongé une heure environ après la réa-
lisation du blood patch avant de le lever. Le taux de succès des blood
patch est supérieur à 75 p. 100. Les autres traitements sont moins effi-
caces mais peuvent être utilisés comme adjuvants ou comme traite-
ment des céphalées moins intenses : hydratation, caféine, analgésiques
non opiacés : paracétamol (4 g/j), AINS (kétoprofène 100 mg × 2/j).
Des céphalées persistantes, non posturales, associées à une fièvre
ou à des anomalies neurologiques doivent faire rechercher un autre
mécanisme (méningite, hémorragie intracrânienne, thrombophlébite
cérébrale…).

Compression médullaire
La compression médullaire peut résulter de la survenue d’un héma-
tome ou d’un abcès médullaire. La prolongation anormale d’un bloc,
des douleurs dorsolombaires ou l’apparition d’un déficit moteur doi-
vent faire évoquer ce diagnostic et pratiquer en urgence un examen
tomodensitométrique ou une IRM pour décider d’un geste chirurgical.
En l’absence de compression, un déficit des membres inférieurs peut
faire évoquer une ischémie médullaire du fait d’une hypotension pro-
fonde chez des patients à risque (diabétiques, athéromateux).
La prévention du risque d’hématome périmédullaire repose sur le res-
pect de contre-indication  : l’anesthésie péridurale est contre-indiquée
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 291

chez les patients ayant un traitement anticoagulant efficace ou chez


ceux qui ont des anomalies de l’hémostase. En cas de thromboprophy-
laxie, il faut respecter un délai de 12 h entre l’injection d’héparine de
bas poids moléculaire et la ponction ou le retrait d’un cathéter péridural
et de 4-6 h avant l’injection suivante.

Contre-indications (réelles, relatives et supposées)


• Refus du patient : le refus du patient après information éclairée est
une contre-indication formelle.
• Sepsis : le risque théorique est l’ensemencement de l’espace péri-
dural voire la survenue d’une méningite lors d’un sepsis bactérien.
L’infection VIH traitée et les hépatites (sans insuffisance hépatocel-
lulaire) ne sont pas des contre-indications de l’anesthésie péridurale.
L’abord péridural est contre-indiqué si à proximité de la zone de ponc-
tion existe une infection locale (escarre).
• Anomalies de l’hémostase : un traitement anticoagulant efficace et
un traitement fibrinolytique sont des contre-indications absolues. Des
traitements anticoagulants et antiagrégants associés constituent égale-
ment une contre-indication. Un traitement antiagrégant par thienopyri-
dine (clopidogrel) ou inhibiteur des récepteurs GIIb/IIIa (eptifibatide,
tirofiban) est une contre-indication, un traitement antiagrégant isolé
par aspirine ou AINS n’est pas une contre-indication. Une thrombo-
pénie n’est pas en soi une contre-indication absolue mais doit être
interprétée en fonction du contexte du patient. L’anesthésie péridurale
n’est pas contre-indiquée en cas de forme mineure et asymptomatique
de la maladie de Willebrand (taux de VIIIvw supérieur à 30  p.  100).
Dans les autres cas, la décision doit être collégiale et inclure un
hématologiste.
• Maladies neurologiques (voir Chapitre  3, Stratégie de prise en
charge selon le terrain, section Maladies neuromusculaires)  : la sclé-
rose en plaque, en dehors des poussées de la maladie, n’est pas une
contre-indication. Une lésion médullaire ancienne n’est pas une contre-
indication. La présence de matériel chirurgical rachidien n’est pas
une contre-indication (sauf au site de ponction). La spina bifida n’est
pas une contre-indication absolue si elle est bien documentée avant la
ponction et si le niveau et l’étendue sont bien identifiés (le risque est
celui d’une effraction de la dure-mère) ; la myasthénie est une indica-
tion de l’anesthésie péridurale.

Indications
L’anesthésie péridurale est indiquée et pratiquée essentiellement
pour le travail obstétrical (voir Chapitre  26, Anesthésie obstétrique)
et pour l’analgésie postopératoire après chirurgie majeure (thoracique,
292 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

abdominale) dans le cadre d’une politique de réhabilitation postopé-


ratoire. En tant que technique anesthésique, l’anesthésie péridurale a
été supplantée par la rachianesthésie ou par la technique séquentielle
rachianesthésie-péridurale.

RACHIANESTHÉSIE :
CHOIX ET UTILISATION DES SOLUTIONS,
ASPECTS TECHNIQUES
M. Gentili

Structures anatomiques

La dure-mère, l’arachnoïde et la pie-mère sont les méninges qui


entourent la moelle épinière d’où naissent des racines  : antérieures
et motrices, postérieures et sensitives, baignées par le LCR jusqu’aux
ganglions rachidiens (figure 11-10).
Les plus grosses racines sont en L4, L5, S1, les plus fines sont en
S4 et S5 (facteur de toxicité).

Périoste
Espace épidural Dure-mère
(= plexus veineux) spinale
Espace Arachnoïde
sub-arachnoïdien
(LCS) Pie-mère
Septum médian
dorsal
Ligament dentelé
Fissure médiane
ventrale
Racine dorsale
et ganglion spinal
Racine ventrale

Nerf spinal

Figure 11-10 Anatomie médullaire.


(D’après Vitte E et Chevallier J-M. Anatomie. Tome 4 : Neuro-anatomie. Paris,
Flammarion Médecine-Sciences, 1998. p. 35.)
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 293

Distribution des solutions dans le LCR

Les anesthésiques locaux (AL) agissent au niveau de la moelle épi-


nière et sur les racines nerveuses. Le volume de LCR dans le canal
rachidien est d’environ 100 à 150 ml. Il est plus faible chez la femme
enceinte et le patient âgé, ce qui augmente l’extension du bloc (réduire
le volume injecté de 30 à 40 p. 100).
Les solutions d’anesthésiques locaux ont une densité variable :
— lorsque leur densité est identique à celle du LCR, elles sont
dites isobares ;
— lorsque leur densité est supérieure à celle du LCR (d >  1 013)
elles sont dites hyperbares ;
— lorsque leur densité est inférieure à celle du LCR elles sont dites
hypobares (d < 1 000).
Compte tenu de la lordose lombaire, l’extension d’une solution
hyperbare est supérieure à celle d’une solution isobare en décubitus
dorsal. L’extension des solutions hyperbares et hypobares est influen-
cée par la position du patient. Ces solutions peuvent être utilisées pour
obtenir un bloc unilatéral ou asymétrique en décubitus latéral.
L’extension du bloc anesthésique dépend principalement de la dose
d’anesthésique local déterminant également la durée du bloc (bupiva-
caïne > ropivacaïne). Les autres éléments qui influencent l’extension du
bloc sont :
— le volume de la solution injectée (↑) ;
— la vitesse d’injection (↑) ;
— la position avec les solutions hyperbares (↑ en Trendelenburg).

Réalisation pratique
• Consultation préanesthésique (anatomie, état cutané, hémostase,
hémodynamique).
• Respect des contre-indications  : infection locale, anticoagulation
efficace, utilisation d’agents antiplaquettaires, maladie neurologique
en évolution, refus du patient.
• Ponction le plus souvent entre le 4e et le 5e espace intervertébral
lombaire (terminaison du cône médullaire classiquement en L1 mais
pouvant atteindre L3) en position assise ou couchée.
• Repérer les épines iliaques postérosupérieures et tracer la ligne les
reliant qui passe au niveau du 4e ou 5e espace intervertébral.

Conditions et matériel
• Monitorage (PA, SaO2, ECG).
• Voie veineuse avec solution cristalloïde (correction, déshydratation
ou déplacement de l’utérus chez la femme gravide).
294 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

• Médicaments d’urgence et matériel d’intubation prêts.


• Masque et bonnet protecteur pour l’opérateur et son (ses) aide(s),
lavage chirurgical des mains et gants stériles.
• Désinfection cutanée large, installation d’un champ stérile.
• Aiguilles à bout conique et œillet latéral type Sprotte ou Witacre
25 ou 27 G (sujets jeunes) et 22 à 25 G chez le patient âgé (arthrose,
ligament jaune calcifié).
• Longueur de 12 à 15 cm selon la morphologie.
• Solutions anesthésiques et adjuvants stériles.

Abord
• Flexion du rachis (demander au patient de faire le « dos rond »).
• Anesthésie locale sous-cutanée (2 ml lidocaïne 1-2 p. 100).
• Introducteur fortement recommandé (facilite la manœuvre inter-
épineuse) pour les aiguilles ≥ 25 G.
• Insérer l’aiguille dans l’introducteur.
• Perception éventuelle d’un ou deux clicks (ligament jaune et dure-
mère) : profondeur de l’espace péridural variable entre 4 et 7 cm.
• Retirer le mandrin et vérifier le reflux de LCR (écoulement lent si
aiguille > 25 G).
• Injecter la solution anesthésique en évitant les fuites.

En cas de difficulté
• Sujet obèse, patient âgé et arthrosique, cyphoscoliose non corrigée.
• Abord paramédian, 1-2 cm de la ligne interépineuse.
• Voie de Taylor : abord latéral en L5-S1 (utile chez le patient âgé ou
scoliotique).
• Chez l’obèse il est possible d’effectuer un repérage préalable de
l’espace péridural puis une aiguille de 27 G (15 cm) est insérée dans
l’aiguille de Tuohy (kit « péri-rachi » combiné).
• Surtout utiliser l’échoguidage (voir Chapitre 11, section Anesthé-
sie péridurale).

Choix des solutions


• Lidocaïne : contre-indiquée car elle induit des syndromes d’irrita-
tion neurologique transitoire (paresthésie, lombalgie) et comporte un
risque de syndrome de la queue de cheval (~ 1/10 000).
• Bupivacaïne : c’est l’AL de référence ; solution iso- et hyperbare
(AMM). Doses comprises entre 5-10 mg (en ambulatoire) et jusqu’à
15 mg. Adjuvants si doses inférieures à 7,5 mg.
• Ropivacaïne : 15 mg = 10 mg de bupivacaïne, degré de bloc moteur
inférieur.
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 295

• Lévobupivacaïne : aucune différence par rapport à la bupivacaïne.


• Adjuvants : majorent l’effet analgésique :
— morphiniques (analgésie médullaire non métamérique, non
modifiée par la position, migration caudo-rostrale) ;
— morphine : 0,1 à 0,3 mg, durée de l’analgésie 16 à 24 h ;
— sufentanil : 2,5 à 5 mcg : durée 3 à 5 h (bloc du détrusor < mor-
phine) ;
— clonidine : agit sur les récepteurs médullaires α2-adrénergiques,
allonge la durée du bloc sensitif et moteur et augmente sa qualité,
majore hypotension et bradycardie ;
— adrénaline : 100 μg, agit sur les récepteurs α2-adrénergiques de
la corne postérieure de la moelle.

Surveillance

Déterminer le niveau supérieur du bloc. Le bloc le plus étendu est


le bloc sympathique, non évaluable en pratique quotidienne, respon-
sable des effets hémodynamiques, supérieur de 4 à 6  métamères au
bloc sensitif. Le bloc sensitif concerne la sensibilité thermique, algé-
sique et le tact. La sensibilité thermique s’évalue à l’aide d’un gla-
çon ou d’un objet froid. Le niveau supérieur de l’anesthésie au tact se
détermine en déplaçant sur le tronc une aiguille dont on demande au
patient s’il en a la perception. Le bloc « anesthésique » permettant un
geste chirurgical est inférieur de quelques métamères au niveau supé-
rieur de disparition du tact.
La surveillance d’une rachianesthésie porte sur la pression artérielle,
la fréquence cardiaque, la SpO2, la ventilation (dont la fréquence peut
être mesurée avec un capnomètre relié à un masque facial), le niveau
de conscience (la rachianesthésie a un effet sédatif), la température (la
rachianesthésie diminue la température centrale : réchauffer le patient
avec un matelas à air pulsé).

Contre-indications

• Refus du patient ou absence de coopération.


• Instabilité hémodynamique.
• Cardiopathies valvulaires sténosantes serrées (RA, RM).
• Sepsis et infection au niveau du point de ponction.
• Coagulopathies.
• Antivitamines K : arrêt de 3 à 5 jours avec un INR < 1,4.
• HNF : dernière injection 8 h avant ponction ; HBPM : 12 h avant
et 12 h après.
296 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

• Antiplaquettaires  : clopidogrel (Plavix®) arrêt 5  jours ; aspirine  :


pas de contre-indication.
• Inhibiteurs de l’enzyme de conversion et de l’angiotensine  II  :
interrompre le traitement 48 h avant.

Indications

Elles sont résumées dans le tableau 11-IV.

Complications

Les patients doivent être informés lors de la consultation des effets


secondaires et complications de la technique.

Immédiates
• Ponction difficile : essayer une approche latérale, s’aider de l’écho-
guidage.
• Douleur fulgurante à la ponction : interrompre la procédure, renon-
cer à l’injection, rechercher un déficit neurologique dans les heures
suivantes.
• Ponction vasculaire : retirer et réorienter l’aiguille.
• Hypotension, bradycardie avant l’injection : allonger le patient, injec-
ter de l’atropine (0,5-1 mg IV).
• Extension insuffisante ou latéralisée non souhaitée : adapter la posi-
tion du patient en cas de solution hyperbare ou hypobare pour complé-
ter l’extension.
• Bloc inefficace : conversion en anesthésie générale.
• Insuffisance respiratoire aiguë : témoigne d’une extension excessive
et d’un bloc des muscles intercostaux chez un patient ayant une patho-
logie respiratoire préexistante → intubation et ventilation contrôlée.

Tableau 11-IV Extension du niveau de l’anesthésie selon les indications chirur-


gicales

Chirurgie Niveau à atteindre


Césarienne T4-T5
Chirurgie sus-mésocolique
Chirurgie sous-mésocolique T8
Membre inférieur L1
Chirurgie périnéale L5-S1
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 297

• Hypotension-bradycardie  : ces deux évènements relèvent du


même mécanisme et surviennent le plus souvent simultanément.
Ils dépendent du bloc sympathique et de son extension et de fac-
teurs favorisants comme l’hypovolémie réelle ou relative. Le trai-
tement préventif repose sur un remplissage vasculaire préalable
(mais favorise les rétentions d’urines postopératoires) et surtout sur
l’adaptation de la dose au niveau de bloc souhaité. Le traitement
curatif repose sur l’éphédrine (3-12 mg en bolus) et sur l’adrénaline
(50-100  γ en bolus). L’atropine majore la tachycardie sans corriger
l’hypotension. La noradrénaline corrige l’hypotension mais majore
la bradycardie.
• Hypotension profonde avec bradycardie < 40/min : menace d’arrêt
cardiaque : coup de poing sternal, remplissage vasculaire rapide, bolus
d’adrénaline (50-100 mcg).
• Arrêt cardiaque  : cet accident peut survenir à tout moment en
cours de rachianesthésie mais plus volontiers en fin d’intervention
ou lors de la mobilisation. Il est favorisé par une hypovolémie et
témoigne d’une absence de réponse adrénergique à l’hypovolémie  :
administrer de l’adrénaline en bolus (50-100  mcg), entreprendre les
manœuvres de réanimations habituelles (massage cardiaque, intuba-
tion, ventilation).
• Anesthésie bulbaire  : l’extension accidentelle excessive du bloc
conduit à une anesthésie bulbaire avec perte de conscience, mydriase
bilatérale, bradycardie, hypotension profonde, arrêt respiratoire  → intu-
bation, ventilation contrôlée, perfusion d’adrénaline (0,5-1 mg/h). Récu-
pération de l’état de conscience, hémodynamique et respiratoire en
quelques heures.

Retardées
Céphalées
Consécutives à la ponction de la dure-mère qui favorise la fuite de
LCR avec baisse de la pression intracrânienne et traction sur les struc-
tures encéphaliques lors de la verticalisation : céphalées positionnelles
fronto-orbitaires avec cervicalgies, nausées qui peuvent s’accompa-
gner d’hypoacousie, de diplopie, de phosphènes.
• Facteurs favorisants : sujets jeunes, aiguilles < 25 G à biseau long,
ponctions multiples.
• Prévention : aiguilles à bout conique et œillet latéral type Sprotte
ou Witacre 25 ou 27 G (sujets jeunes).
• Traitement  : décubitus, hydratation, caféine  IV (2  amp /24  h) et
blood patch  : 15 à 20 ml de sang autologue dans l’espace péridural.
20 à 30 p. 100 d’échec ; renouvelable. Possibilité de lombalgies et de
fièvre transitoire.
298 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Complications neurologiques
• Syndromes d’irritations neurologiques transitoires (paresthésie,
lombalgie). Ils s’observaient surtout avec la lidocaïne, la position de
lithotomie et en chirurgie ambulatoire mais ils peuvent survenir avec
les autres anesthésiques locaux.
• Syndrome de la queue de cheval (syndrome déficitaire définitif)
survenant parfois en l’absence de toute paresthésie, avec lidocaïne
5 p. 100 même en single shot et les microcathéters 32 G en rachianes-
thésie continue.
• Hématomes intracrâniens (surtout sous-duraux) secondaires à une
brèche dure-mérienne : céphalées permanentes avec parfois souffrance
des paires crâniennes (IRM+++ si suspicion).
• Hématomes périmédullaires.
• Méningites bactériennes (Streptococcus solivarius, staphylocoques).

AUTRES TECHNIQUES
M. Gentili

Rachianesthésie continue ou fractionnée

Le principe est d’introduire un cathéter dans le LCR pour permettre


des injections fractionnées et répétées. L’objectif est d’adapter l’exten-
sion du bloc au niveau souhaité en réduisant la dose d’anesthésique
local. La dose bolus est de 2-3 mg pour la bupivacaïne. L’intérêt prin-
cipal et de réduire la fréquence et l’importance de l’hypotension. La
technique est bien adaptée aux sujets âgés avec un état hémodynamique
fragile.
En pratique, un cathéter péridural (22 G) est inséré à travers une
aiguille Tuohy (19 G) après franchissement de la méninge, le biseau
orienté vers le haut, 2 à 3 cm en intracanalaire.
Il existe aussi des dispositifs spécifiques commercialisés.

Rachianesthésie et péridurale combinée

L’espace péridural est repéré avec une aiguille de Tuohy. Une


aiguille de rachianesthésie est insérée dans l’aiguille de Tuohy.
Il existe des aiguilles de Tuohy avec un orifice « dorsal » évitant au
cathéter d’emprunter secondairement le trajet de l’aiguille de rachia-
nesthésie.
L’injection péridurale élève le niveau du bloc obtenu après injection
intrathécale (effet volume).
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 299

Indication : obstétrique (travail-césarienne) et chirurgie orthopédique


et traumatologique du sujet âgé ou débilité.
Le taux d’échec approche les 5 p. 100.

Rachianesthésie et ambulatoire

Technique simple, fiable et adaptée à l’ambulatoire.


Moins douloureuse et plus reproductible que les blocs périphériques.
Elle ne prolonge pas la durée de séjour ; son coût est faible.
Bien contrôler la durée du bloc pour éviter un séjour hospitalier
prolongé. Limiter le remplissage vasculaire pour éviter le risque de
rétention d’urines.
Utilisation de faibles doses de bupivacaïne (6 à 7,5 mg) ou de ropi-
vacaïne (8-1 mg) associées à un adjuvant (sufentanil, 2,5 à 5 mcg).

POUR EN SAVOIR PLUS

Bonnet F, Marret E. Indications de la rachianesthésie en 2001. Évaluation et


traitement de la douleur. SFAR. Paris, Elsevier, 2001 : 7-14.

BLOCS PÉRIPHÉRIQUES

F. Bonnet

• L’indication des blocs périphériques est conditionnée par le type


de chirurgie et le désir de récupération rapide du patient.
• L’information et la coopération du patient avant et pendant le
geste sont indispensables.
• Un vrai partenariat avec les chirurgiens est indispensable. Seront
discutés :
— la voie d’abord chirurgicale et la technique retenue (tissus et
plans concernés) ;
— la position du garrot si utilisé. La localisation la plus basse
possible doit être privilégiée ;
— le point de ponction et la position du cathéter éventuel par
rapport au champ opératoire.
300 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

• La prémédication per os ou intraveineuse est utile pour détendre


le patient pendant la réalisation du bloc.
• Tester les blocs (motricité/sensibilité) et penser à réaliser des
bloc(s) complémentaire(s) si besoin.
• Tous les blocs accessibles à la compression sont possibles sous
antiagrégant et HBPM. Les blocs profonds sont assimilables aux
blocs périmédullaires.
• Privilégier l’administration des solutions anesthésiques en débit
continu 5-10 ml/h sur cathéter périphérique, associées à des bolus
de petit volume à la demande (3 à 5 ml) avec une période réfractaire
de 20 à 60  min en fonction de la localisation du bloc. Toute nou-
velle injection doit être accompagnée de tests aspiratifs réguliers.
• Attention aux doses cumulées d’anesthésique local (AL) quand
on associe plusieurs agents. La ropivacaïne doit être préférée à la
bupivacaïne compte tenu de sa toxicité cardiaque moindre.
• La réalisation d’une technique d’anesthésie locorégionale doit
pouvoir s’intégrer dans un programme opératoire sans le retarder.
Attention donc à anticiper le délai d’installation.
• Une partie des techniques d’analgésie postopératoire peut être
réalisée en SSPI.
• Privilégier une technique de réalisation facile et rapide avec un
taux de succès élevé connu et le moins inconfortable possible pour
le patient.

BLOCS PÉRIPHÉRIQUES DU MEMBRE SUPÉRIEUR :


BLOC INTERSCALÉNIQUE, BLOC AXILLAIRE,
BLOC HUMÉRAL
X. Maschino

Anatomie du plexus brachial

Le plexus brachial (PB) est localisé dans la moitié inférieure de la


région latérale du cou, il repose sur le dôme pleural ; il passe derrière
la clavicule et occupe le creux de l’aisselle.
Il est formé par la réunion des branches antérieures des 4 dernières
racines cervicales (C5, C6, C7, C8) et de la première racine thora-
cique. Le PB a la forme d’un sablier croisé par la clavicule. Le cône
supérieur est fixe et le cône inférieur est mobile avec les mouvements
de l’épaule et du bras.
Les fibres nerveuses issues des branches rachidiennes forment trois
troncs primaires, puis trois faisceaux (médial, latéral et postérieur)
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 301

Figure 11-11 Anatomie de la région axillaire et humérale.


AH : artère humérale ; AAX : artère axillaire ; Med : nerf médian ; Rad : nerf
radial  ; Uln  : nerf ulnaire  ; MC  : nerf musculocutané  ; Ax  : nerf axillaire  ;
Cmed : nerfs cutanés médiaux du bras et de l’avant-bras.

qui, en regard de l’articulation de l’épaule, donnent naissance aux


trois nerfs principaux du membre supérieur  : le nerf médian, le nerf
radial et le nerf ulnaire. Le nerf musculo-cutané naît un peu plus haut,
du faisceau latéral (figure 11-11).

Innervation du membre supérieur

La connaissance de l’anatomie en anesthésie locorégionale (ALR)


est primordiale. En général, chaque racine sensitive innerve la zone
cutanée sous laquelle se trouvent les muscles innervés par la racine
motrice correspondante. Malgré les variations anatomiques et l’exis-
tence d’anastomoses entre les différents nerfs, certains territoires sont
toujours innervés par les mêmes nerfs (figure 11-12) :
— le nerf médian innerve toujours la pulpe de l’index ;
— le nerf ulnaire la pulpe de l’annulaire ;
— le nerf radial la tabatière anatomique ;
— le nerf musculocutané la face latérale de l’avant-bras ;
— les nerfs cutanés médiaux du bras et de l’avant-bras la face
médiale du bras et de l’avant-bras.
302
A B

Nerf axillaire
Nerf axillaire

Nerf cutané médial Nerf cutané médial


Nerf radial du bras du bras Nerf radial

Nerf cutané médial


de l’avant-bras
Nerf
TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

musculo-cutané Nerf cutané médial Nerf


de l’avant-bras musculo-cutané

Nerf radial Nerf ulnaire


Nerf ulnaire

Nerf médian
Nerf médian

Figure 11-12 Innervation sensitive du membre supérieur. A : vue antérieure, B : vue postérieure.
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 303

Choix d’une voie d’abord pour la chirurgie du membre


supérieur

Les critères de choix d’une technique d’anesthésie locorégionale


sont multifactoriels. Le choix dépend de la chirurgie, de la voie
d’abord, de l’utilisation ou pas d’un garrot peropératoire, du contexte
(traumatologie, ambulatoire, contre-indication locale) et de la prise en
charge analgésique postopératoire (cathéter périnerveux).

Bloc interscalénique
L’abord interscalénique permet de réaliser la chirurgie de l’épaule,
de la clavicule et du bras. La chirurgie de l’épaule est parmi les chirur-
gies les plus douloureuses en postopératoire immédiat et au cours de
la mobilisation active et précoce réalisée dans le cadre de la rééduca-
tion. La mise en place d’un cathéter plexique permet d’assurer une
analgésie pendant 3 à 5  jours. L’extension postérieure et le bloc du
nerf ulnaire sont parfois insuffisants, expliquant ainsi certains échecs
pour la chirurgie du coude.
L’anesthésie du nerf phrénique est pratiquement constante, ce qui
contre-indique ce bloc en cas d’insuffisance respiratoire aiguë ou
chronique sévère.

Réalisation du bloc interscalénique


Plusieurs voies d’abord ont été décrites mais seul l’abord latéral
apporte efficacité et sécurité. Le patient doit être en décubitus dorsal
la tête tournée du côté controlatéral et le bras en position antalgique
(adduction, coude fléchi, main posée sur l’abdomen). Après repérage
des chefs sternal et claviculaire du muscle sterno-cléido-mastoïdien,
on perçoit en dehors du chef claviculaire, le muscle scalène antérieur.
Encore plus latéralement, on palpe le sillon interscalénique situé entre
les muscles scalènes antérieur et moyen.
Le repérage échographique utilise une sonde de haute fréquence
qui est placée sur la face latérale du cou, perpendiculairement à l’axe
cervicocaudal, à hauteur du cartilage cricoïde. L’artère carotide et la
veine jugulaire interne sont facilement identifiables sous le sterno-
cléido-mastoïdien. En arrière se trouvent le scalène antérieur (SCA)
puis le scalène moyen (SCM) vers lesquels on redirige le champ
de la sonde. Entre les deux apparaissent les racines du plexus bra-
chial en coupe transversale, superposées les unes sur les autres, qui
sont anéchogènes et dont on cherche à améliorer la visualisation en
orientant la sonde. Ces racines sont plus ou moins enchâssées dans
le muscle scalène dont la consistance est elle-même plus ou moins
importante. Les structures nerveuses peuvent être suivies jusque dans
304 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

la région supraclaviculaire. L’aiguille est insérée dans le plan de la


sonde et progresse d’arrière en avant. Le nerf phrénique peut être
visualisé en avant sur la face antérieure du SCA et son infiltration
doit être évitée autant que faire se peut (figures 11-13, 11-14).
Réponses motrices
• Contraction du triceps (réponse de type radial à rechercher préfé-
rentiellement) : contraction du biceps (réponse de type musculocutané).
• Contraction du deltoïde (réponse de type axillaire).
• Contraction du diaphragme : aiguille trop antérieure et trop médiale.
• Haussement de l’épaule : aiguille à proximité du nerf dorsal de la
scapula donc en position trop médiale et trop postérieure.
• Contraction des muscles postérieurs de l’épaule responsable d’une
abduction avec rotation interne  : l’aiguille est trop postérieure et trop
latérale.
• Contraction musculaire de l’avant-bras ou de la main  : aiguille
trop distale dans le plan du plexus. Dans ce cas, il faut effectuer une
nouvelle ponction plus céphalique et plus médiale.

Figure 11-13 Orientation de la sonde d’échographie pour la réalisation d’un


bloc interscalénique (A) et d’un bloc supraclaviculaire (B).
VJE : veine jugulaire externe ; SCM Cl : muscle sterno-cléido-mastoïdien chef
claviculaire  ; SCM St  : muscle sterno-cléido-mastoïdien chef sternal  ; BIS  :
point de ponction.
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 305

C5
SA
C6
SM
C7

2.7

Figure 11-14 Coupe échographique transversale des racines du plexus brachial.


SA : scalène antérieur ; SM : scalène moyen ; C5, C6, C7 : racines.

En cas de bloc incomplet, le bloc du nerf cervical superficiel (infil-


tration sous-cutanée le long du bord latéral du muscle sterno-cléido-
mastoïdien au niveau de la mastoïde) est le plus souvent suffisant.
Évaluation précoce de l’efficacité du bloc
• Veinodilatation des veines du dos de la main.
• Engourdissement des doigts.
• Perte de l’abduction et de la rotation externe du bras (bloc des
nerfs axillaire et suprascapulaire).
Le nerf supraclaviculaire issu du plexus cervical superficiel, respon-
sable de l’innervation cutanée de l’épaule, doit être testé séparément
car il peut être bloqué isolément si l’aiguille est en position trop anté-
rieure et trop céphalique. En cas d’abord chirurgical deltopectoral, les
territoires issus des racines C8 et T1 doivent être bloqués soit en aug-
mentant le volume injecté (40 ml) soit en effectuant une infiltration
sous-cutanée au niveau de l’incision chirurgicale.
Effets indésirables et complications
• Parésie phrénique habituelle mais rarement symptomatique.
• Réflexe paradoxal de Bezold-Jarisch (bradycardie extrême avec
syncope vasovagale) qui répond rapidement à l’atropine et au remplis-
sage vasculaire.
• Syndrome de Claude Bernard-Horner associant myosis, ptosis
et énophtalmie, plus rare avec l’échoguidage, sans conséquences et
régressant spontanément.
• Enrouement et troubles de la déglutition (bloc du nerf laryngé
supérieur).
306 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

• Injection péridurale et rachianesthésie suspectées devant l’ap-


parition de troubles respiratoires et de troubles sensitifs du membre
opposé qui devraient disparaître avec l’échoguidage mais justifient
d’utiliser des aiguilles courtes (25 mm).
• Injection intra-artérielle dans l’artère vertébrale (repérage Doppler++).
Contre-indications spécifiques au BIS
• Paralysie diaphragmatique controlatérale.
• Pneumothorax controlatéral.
• Antécédents de pneumonectomie controlatérale (poumon unique)
et chez tous les patients incapables de supporter une diminution de
25 p. 100 de leur capacité vitale pendant la durée du bloc. Un VEMS
d’un litre ou moins est une contre-indication absolue.
Les troubles de la sensibilité dans les territoires à anesthésier repré-
sentent une contre-indication relative. L’examen neurologique complet
doit être documenté en préopératoire. Une paralysie radiale due à une
fracture de la tête humérale n’est pas une contre-indication. La chirurgie
bilatérale est contre-indiquée en raison de l’importance des doses d’anes-
thésique local nécessaires et à cause du risque de parésie phrénique et
récurrentielle bilatérale.
Protocole
En échoguidage un volume de 0,3-4 ml ⋅ kg–1 sans dépasser 30 ml
d’anesthésique local est suffisant. La mise en place d’un cathéter peut
suivre l’infiltration initiale. Trois modes d’entretien sont retenus pour
les cathéters :
— administration itérative de bolus  : 20 ml par 8  h d’un anesthé-
sique local d’action longue ;
— injection continue : 5 à 10 ml/h d’un anesthésique d’action rapide ;
— administration autocontrôlée : anesthésique local d’action rapide
au débit de 5 ml avec la possibilité de réaliser des bolus de 5 ml,
période d’interdiction de 45 min.

Bloc supraclaviculaire
L’échoguidage a redonné tout son intérêt au bloc supraclaviculaire
qui avait été délaissé au profit d’autres sites, en raison des rapports vas-
culaires et de la proximité du dôme pleural. Les indications habituelles
du bloc supraclaviculaire sont la chirurgie de la main et de l’avant-bras
et du bras. Il est moins adapté que le bloc interscalénique à la chirurgie
de l’épaule. La sonde est placée au-dessus de la clavicule, à la racine
du cou à 45° par rapport au plan sagittal. À ce niveau, la présentation
du plexus brachial est plus compacte et la jonction se fait entre les
troncs primaires et les faisceaux. Les trois troncs primaires sont bien
identifiables avec leurs branches de division, l’ensemble donnant un
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 307

aspect en grappe. Le repère important est la première côte en arrière


et l’artère supraclaviculaire en dedans. Compte tenu de la proximité de
structures « sensibles » il ne faut pas hésiter à utiliser le Doppler pour
repérer les vaisseaux et la neurostimulation pour confirmer l’identifica-
tion des troncs nerveux. Il est également important de bien visualiser
l’extrémité de l’aiguille soit en vision directe lors de l’approche dans le
plan de la sonde soit en vision indirecte par hydrolocalisation lorsque
l’approche est en dehors du plan.
Réalisation (figure 11-15)
L’aiguille est introduite dans le plan, d’avant en arrière et dirigée
vers le plexus brachial, la première côte est le repère à ne pas dépas-
ser ; 25-30 ml permettent d’envelopper les structures nerveuses encore
faiblement échogènes à ce niveau en arrière et en dehors de l’artère
supraclaviculaire (voir figure 11-13).
Complications
Pneumothorax.

Bloc infraclaviculaire
Le bloc infraclaviculaire est intéressant pour la chirurgie traumato-
logique du membre supérieur car il ne nécessite pas le déplacement du
membre pour sa réalisation. Le bras est en effet placé en adduction.
La sonde d’échographie est placée sous la clavicule et verticalement
perpendiculaire à son axe, à la jonction des 2/3 internes et du 1/3

Plexus brachial
M. scalène ant.

M. scalène moyen A.
subclavière

1re côte

Dôme pleural

Figure 11-15 Bloc supraclaviculaire.


308 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

externe de la clavicule. L’aiguille est avancée dans le plan et relative-


ment profondément. Les limites de la zone sont le poumon en dedans,
la clavicule en haut et le creux axillaire en dehors. L’échoguidage est
difficile en raison de la clavicule qui gêne au placement de la sonde
et porte une ombre sur la zone d’intérêt. Il faut s’aider d’un neurosti-
mulateur et obtenir une réponse de type médian qui est un bon repère
pour garantir le succès du bloc (figure 11-16).

Bloc axillaire
Le bloc axillaire est une des techniques d’anesthésie locorégionale
les plus utilisées en raison de sa fiabilité, de sa facilité relative de réa-
lisation et de rares complications. Ce bloc permet toute la chirurgie du
membre supérieur sauf la moitié supérieure du bras avec possibilité de
mettre en place un cathéter périneural pour l’analgésie postopératoire.
Réalisation
Le blocage sélectif de chaque nerf améliore le résultat. Le maté-
riel nécessaire est une aiguille de 50 mm à biseau court. Un volume
de 30-40 ml de solution d’anesthésique local réparti sur les différents
nerfs est suffisant pour réaliser un bloc axillaire. Le patient est en

ASC

Plèvre

Figure  11-16 Région infraclaviculaire, artère sous-claviculaire (ASC), plèvre


et image du plexus brachial entre les flèches grises.
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 309

décubitus dorsal, le bras en supination et en abduction à 90°, le coude


légèrement fléchi. Le repère principal de ponction est l’artère axil-
laire. La sonde d’échographie de haute fréquence est placée perpendi-
culairement à l’axe vasculaire. L’artère est facilement identifiée ainsi
que la ou les veines qui l’entourent. Bien qu’il existe de nombreuses
variantes anatomiques, le nerf médian se situe en avant et latéralement
par rapport à l’artère, en déplaçant la sonde vers le 1/3 moyen du
bras, son image ultrasonique peut mieux ressortir. Lorsque l’aiguille
est introduite dans le plan de la sonde, c’est la première structure
nerveuse qui est atteignable et l’injection de quelques millilitres de
la solution anesthésique « détache » le nerf de l’artère et fait ressortir
son contraste. Le nerf ulnaire est identifiable plus profondément au
bord médial de l’artère et fait l’objet d’une infiltration propre. Le nerf

Figure 11-17 Coupe transversale de la région axillaire.


M  : nerf médian, U  : nerf ulnaire, MC  : nerf musculocutané, R  : nerf radial,
A : artère axillaire, V : veine axillaire.
310 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

radial est plus ou moins visible en arrière de l’artère. Il chemine sur le


tendon du grand dorsal qui sert de repère pour réaliser son infiltration.
Il ne faut pas confondre le radial avec un renforcement postérieur de
l’écho en arrière de l’artère. Le nerf musculocutané est situé dans le
plan situé entre les muscles biceps brachial et coracobrachial ou dans
le plan musculaire du coracobrachial au sein duquel il apparaît comme
une zone plus échogène. Son trajet peut être reconstitué depuis ce site
jusqu’à son échappement du plexus brachial dans la zone infraclavi-
culaire. Chaque tronc nerveux fait l’objet d’une infiltration d’environ
5 ml de solution anesthésique, chaque infiltration améliore l’échogé-
néicité du nerf concerné dont on doit faire en sorte qu’il soit enveloppé
par la diffusion de la solution anesthésique (figures 11-17, 11-18).
Réponses motrices
• Nerf médian : flexion du poignet et des doigts ou pronation.
• Nerf ulnaire  : flexion ulnaire du poignet et des doigts ou abduc-
tion du pouce.
• Nerf radial : extension du bras, du poignet et des doigts ou supi-
nation.
• Nerf musculocutané : flexion de l’avant-bras sur le bras.

Figure 11-18 Orientation de la sonde d’échographie et de l’aiguille pour un


bloc axillaire.
AH : artère humérale, BCH : canal huméral, Ax : artère axillaire.
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 311

Une infiltration antéropostérieure du creux axillaire (4 ml), per-


met un blocage des nerfs cutané médiaux du bras et de l’avant-bras,
nécessaire pour le confort du patient si un garrot est envisagé pour la
chirurgie.
Contre-indications
Les lymphangites, les adénopathies infectieuses du creux axillaire
et les antécédents de curage ganglionnaire sont des contre-indications
spécifiques au bloc axillaire.
Complications
La morbidité du bloc axillaire est faible. En cas de ponction vas-
culaire, la région doit être comprimée pour éviter une compression
du nerf radial ou plus souvent un hématome trop important, qui, s’il
existe, disparaît en quelques jours (figure 11-19).

Nerfs du membre supérieur


Ils peuvent être sélectivement bloqués au niveau du bras et de
l’avant-bras. Le principe est d’identifier la structure nerveuse en fonc-
tion de ses rapports anatomiques osseux, vasculaires ou tendineux et
d’en suivre la progression en amont et en aval avant d’en effectuer
l’infiltration. Les zones de bloc sont le canal huméral où l’on peut
atteindre le musculocutané, le médian et l’ulnaire, le pli du coude où
il est possible de bloquer le nerf radial, le 1/3  inférieur de la face

M
CB R

GD
MC

Figure 11-19 Image échographique du paquet vasculonerveux axillaire.


CB  : muscle coracobrachial, GD  : muscle grand dorsal, M  : nerf médian,
R : nerf radial, U : nerf ulnaire, MC : nerf musculocutané.
312 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Figure 11-20 Coupe transversale du tiers supérieur du bras.


M  : nerf médian, U  : nerf ulnaire, MC  : nerf musculocutané, R  : nerf radial,
CMed  : nerf cutané brachial du bras et de l’avant-bras, A  : artère humérale,
V : veine humérale.

antérieure de l’avant-bras où l’on peut bloquer le médian et le tendon


fléchisseur ulnaire du carpe au poignet sous lequel se trouve le nerf
ulnaire (figure 11-20).

POUR EN SAVOIR PLUS

Neal JM, Gerancher JC, Hebl JR, Ifeld BM, McCartney CJL, Franco CD,
Hogan QH. Upper extremity regional anesthesia. Regional Anesthesia. 2009 ;
34 : 134-70.
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 313

BLOCS PÉRIPHÉRIQUES DU MEMBRE INFÉRIEUR


F. Marchand Maillet, Y. Ait Yahia

Indication des blocs du membre inferieur

Les données anatomiques sont illustrées par les figures  11-21A et


11-21B.
Dans le tableau 11-V, sont récapitulés les blocs du membre infé-
rieur nécessaires pour réaliser une anesthésie chirurgicale, sous
ALR périphérique seule, en fonction du site de l’intervention et
de la position du garrot (cuisse ou cheville). Les cases grisées
correspondent à des sites qui ne peuvent pas être opérés sous
ALR périphérique seule. Cependant un bloc analgésique (colonne
« analgésie ») peut être réalisé, au mieux en préopératoire (épargne
morphinique), en association avec une rachianesthésie unilatérale
ou une anesthésie générale. Lorsque le garrot est positionné à la
racine de la cuisse, les territoires sciatique et fémoral doivent être
bloqués au niveau proximal (blocs sciatique subglutéal et fémoral
à la cuisse). Pour la chirurgie distale avec garrot à la cheville, les
deux territoires peuvent être bloqués plus en aval (sciatique poplité
et saphène). Lorsque la chirurgie est courte (garrot <  30  min), le
bloc peut se limiter au territoire opéré (ex. : sciatique poplité pour
chirurgie du pied).
Dans la colonne « analgésie », sont indiqués les territoires nerveux
à analgésier lorsque la chirurgie est douloureuse en postopératoire
(DPO). Lorsque la DPO est importante et supérieure à la durée d’ac-
tion de l’AL (prothèse totale de genou, ligamento-plastie du genou et
chirurgie du pied), un cathéter analgésique (KT) est nécessaire et le
territoire prédominant sur lequel il doit être placé est indiqué dans le
tableau 11-V. Lorsque la DPO est modérée (méniscectomie sous arth-
roscopie…) une injection intra-articulaire d’AL en fin d’intervention
peut être suffisante.
Lorsque le patient est opéré en ambulatoire, l’anesthésie et l’anal-
gésie doivent être réalisées de la façon la plus distale possible afin de
favoriser l’autonomie du patient au moment de la sortie.

Contre-indications générales

• Refus du patient  : si le bénéfice/risque est en faveur de l’ALR,


tous les moyens doivent être mis en œuvre pour l’expliquer au patient.
• Infection au point de ponction.
• Troubles de la coagulation grave constitutionnels ou acquis.
314 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Nerfs ilio-inguinal
et ilio-hypogastrique

Nerf cutané latéral


de cuisse Nerf fémoral

Nerf obturateur

Nerf sural

Nerf saphène

Nerfs fibulaires
superficiel et profond

Nerf tibial

Figure 11-21 A. Dermatomes du membre inférieur. Attention à la différence


d’innervation entre dermatome, myotome et sclérotome.
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 315

Nerf cutané latéral


de cuisse

Nerf obturateur
Nerf cutané fémoral
postérieur

Nerf fibulaire
commun
Nerf saphène
Nerf sural
(br. tibiale)

Nerf fibulaire
superficiel

Nerf tibial

Figure  11-21 B. Dermatomes, myotomes et sclérotomes du membre infé-


rieur. Attention à la différence d’innervation entre dermatome, myotome et
sclérotome.
316 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Tableau 11-V Indications des blocs des nerfs du membre inférieur

Si ALR périphérique seule

Anesthésie Anesthésie
Analgésie
+ garrot cuisse + garrot cheville

Col du     Fémoral
fémur
Diaphyse     Fémoral
fémorale
Genou Sciatique en subglutéal   Sciatique + fémoral
+ fémoral (± KT)
± obturateur
Jambe Sciatique en subglutéal   Sciatique + fémoral
+ fémoral (ou saphène)

Cheville Sciatique en subglutéal Sciatique + fémoral


ou poplité + fémoral (ou saphène)

Pied Sciatique en subglutéal Sciatique poplité Sciatique (± KT) ou


+ fémoral + fémoral ou tibial post (± KT)
saphène + fibulaire
commun
  Non concerné

• Maladie neurologique non équilibrée : si le rapport bénéfice/risque


est en faveur de la réalisation d’une ALR, un examen neurologique
précis doit être consigné dans le dossier, le choix de l’ALR expliquée
au patient et son accord obtenu.
• Les adénopathies et les prothèses vasculaires proches de la zone
de ponction contre-indiquent l’ALR en neurostimulation.
• Dans les cas où la réflexion bénéfice/risque est en faveur de
l’ALR (trouble de la coagulation, maladie neurologique, adénopathie,
prothèse vasculaire…), la réalisation sous échographie doit être pri-
vilégiée.

Attention  : si une analgésie locorégionale postopératoire est envisagée


(a fortiori via un KT) pour une fracture plâtrée, le risque de syndrome des
loges doit être surveillé par un examen clinique régulier.
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 317

ALR sous échographie

• Quel volume d’anesthésique local (AL) ? L’objectif, sous échogra-


phie, est d’entourer le nerf d’AL. Chaque fois que nécessaire, l’aiguille
est repositionnée, pour optimiser la diffusion de l’AL autour du nerf.
Ainsi, l’échographie permet de diminuer les doses d’AL. Néanmoins,
plus on diminue la dose, plus on augmente le délai d’installation et
plus on diminue la durée de l’ALR. Ainsi, les volumes cités sous
échographie sont purement indicatifs mais permettent une anesthésie
chirurgicale de 2 à 3 h avec de la lidocaïne adrénalinée (5 μg/ml).
• Neurostimulation (NS) sentinelle  : la neurostimulation (réponse
motrice ou sensitive à une stimulation électrique) apporte une infor-
mation différente et complémentaire de celle fournie par l’échogra-
phie (repère anatomique et aspect du nerf). Elle permet d’identifier
les nerfs visualisés, et de s’assurer du bon positionnement de l’ai-
guille lorsque les conditions de visibilité sont défavorables. Il est donc
conseillé de disposer d’un neurostimulateur pour le cas où il serait
nécessaire.
• Dans le plan ou hors du plan des ultrasons (US) : la réalisation des
blocs dans le plan des US permet de suivre l’extrémité de l’aiguille
et son trajet plus facilement. C’est pourquoi il a été choisi de décrire
préférentiellement des blocs dans le plan des US. Néanmoins, certains
blocs peuvent être réalisés hors plan, pour atteindre plus facilement le
nerf (saphène transsartorial) ou pour des raisons d’encombrement de
la sonde (tibial à la cheville).

Blocs du plexus lombal

Bloc du nerf fémoral à la cuisse


Indications
Bloc anesthésique et analgésique (± KT)  : fracture du col en asso-
ciation avec une AG ou une rachianesthésie, chirurgie du genou en
association avec un bloc sciatique et obturateur, garrot à la cuisse pour
la chirurgie de la jambe et du pied, associé à un bloc sciatique.

Installation
Décubitus dorsal, membre allongé en position anatomique et si diffi-
culté de repérage, rotation externe et légère abduction 10 à 20°.

Techniques
• Sous échographie (figure 11-22) :
— type de sonde : linéaire haute fréquence ;
318 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Fascia lata

Aiguille A
V
N fémoral

Ventral

Médial 3.3

Figure 11-22 Bloc du nerf fémoral à la cuisse sous échographie. Aspect après


injection de l’AL et trajet de l’aiguille. N : nerf, A et V : artère et veine fémo-
rales.

— axe et position de la sonde : transversale, pli de flexion de la cuisse ;


— aspect du nerf  : nerf en coupe transversale, ovale ± aplati ou
étalé en « peigne » ;
— profondeur : jusqu’à 4 cm ;
— aiguille : 50 à 80 mm, dans le plan US ;
— repères échographiques : nerf latéralement à l’artère et la veine
fémorale ;
— neurostimulation  : contraction du quadriceps, ascension de la
rotule ;
— injection : de préférence sous le nerf, environ 20 ml.
• En neurostimulation :
— aiguille : 50 mm ou kit de pose de KT ;
— repères  : ligne entre le bord supérieur l’épine iliaque antéro-
supérieure (EIAS) et l’épine du pubis (= ligament inguinal), artère
fémorale ;
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 319

— point de ponction  : 1  cm en dehors de l’artère fémorale et 1 à


2 cm sous le ligament inguinal (figure 11-23) ;
— orientation de l’aiguille : céphalique, angle de 30 à 45° par rap-
port au plan cutané ;
— progression : parallèlement à l’axe de l’artère fémorale ;
— réponse NS : contraction du quadriceps, ascension de la rotule ;
— si KT : introduction sur 10 cm ;
— injection : 20 à 30 ml en dose unique puis montée du KT.

Bloc du nerf saphène


Indications
Anesthésie de la face médiale de la jambe jusqu’à la malléole
interne. En association avec le bloc du nerf sciatique, il est indiqué
pour la chirurgie de la face médiale de la jambe et de la malléole
interne. La variabilité de l’innervation du pied rend parfois le bloc du
nerf saphène nécessaire pour la chirurgie du bord médial du pied.
Installation
DD, membre inférieur allongé en rotation externe et légère abduction.
Techniques
• Sous échographie : bloc par diffusion dans un espace intermuscu-
laire en forme « d’entonnoir » (figure 11-24) :
— type de sonde : linéaire, haute fréquence ;

Figure 11-23 Repère du bloc fémoral. EIAS : épine iliaque antéro-supérieure.


320 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Aiguille

M sartorius
A

A
M vaste M semi-
médial membraneux
Médial

Dorsal 4.0

Figure  11-24 Bloc subsartorial du nerf saphène. Aspect après injection de


l’AL et trajet de l’aiguille. M  : muscle, A  : branches de l’artère descendante
du genou.

— axe et position de la sonde : transversale 3 à 5 cm au-dessus du


bord interne de la rotule ;
— aspect du nerf : nerf en coupe transversale, fasciculaire rarement
visible ;
— profondeur : jusqu’à 6 cm ;
— aiguille : 50 à 80 mm ;
— neurostimulation  : paresthésie face médiale de la jambe, ryth-
mée par une NS de type de sensitive (5 mA et 1 ms) ;
— repères échographiques  : muscles sartorius, semi-membraneux,
vaste médial, artère descendante du genou ou ses branches ;
— injection : environ 10 ml, « remplissage » de l’espace intermus-
culaire en « entonnoir ».
• En neurostimulation au pli inguinal : au même niveau que le bloc
du nerf fémoral (branche médiale du nerf fémoral) mais le point de
ponction se situera à 0,5  cm au lieu de 1  cm en dehors de l’artère
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 321

fémorale, la réponse souhaitée devenant la contraction du vaste médial


(face médiale de la cuisse) par stimulation du nerf moteur du vaste
médial qui est collatéral du saphène. Injection de 5 à 10  ml de solu-
tion anesthésique.

Bloc du nerf obturateur


Le nerf obturateur est facilement accessible à la sortie du foramen
obturé. À ce niveau, il est divisé en deux branches, antérieure (entre
muscles pectiné et court adducteur) et postérieure (entre muscle court
adducteur et obturateur externe).
Indications
Le bloc du nerf obturateur permet d’obtenir une anesthésie de la
face médiale du genou (voir figure 11-21). C’est un bloc de complé-
ment qui est associé à un bloc fémoral-sciatique pour la chirurgie du
genou (tribloc).
Installation
Décubitus dorsal, membre en abduction et rotation externe.
Techniques
• Sous échographie (figure 11-25) :
— type de sonde : linéaire haute fréquence ;
— axe et position de la sonde : transversale, dans le pli de flexion
de la cuisse, en dedans des vaisseaux fémoraux ;
— aspect du nerf  : nerfs en coupe transversale, aspect fusiforme,
dans les espaces intermusculaires, rarement visible ;
— profondeur : jusqu’à 6 cm ;
— aiguille : 80 mm, dans le plan US ;
— neurostimulation : voir NS ;
— repères échographiques  : muscles pectiné, adducteurs (court et
long) et obturateur externe, vaisseaux obturateurs accompagnant les
2 branches ;
— injection  : 8  ml, entre muscle pectiné et court adducteur, per-
met d’atteindre les 2 branches par diffusion ou 4 ml sur chacune des
branches.
• En neurostimulation :
— aiguille : 50 mm ;
— point de ponction  : 1  cm sous le pli inguinal, médialement à
l’artère fémorale, à mi-distance entre l’artère et le bord médial du
moyen adducteur ;
— orientation de l’aiguille : 45°, direction céphalique ;
— réponse NS : la stimulation de la branche antérieur entraîne une
contraction du long adducteur, face ventrale-médiale de la cuisse, la
322 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

M long adducteur
M pectiné
M court
adducteur

N obturateur
antérieur
N obturateur
Ventral postérieur

M obturateur externe
Médial 4.9

Figure  11-25 Nerfs obturateurs avant injection et point de ponction. M  :


muscle ; N : nerf.

stimulation de la branche postérieure, plus profonde, entraîne une


contraction du muscle grand adducteur, bord dorso-médial de la
cuisse ;
— injection : 5 ml d’AL sur chaque branche.

Blocs du plexus sacral

Le nerf sciatique est le nerf le plus long et le plus volumineux de


l’organisme. Plusieurs voies d’abord ont été décrites.
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 323

Bloc du nerf sciatique au niveau subglutéal


Ce bloc est de réalisation plus facile pour l’opérateur et plus
confortable pour le patient que la voie para-sacrée ou postérieure
à la fesse, car le nerf sciatique est au niveau subglutéal plus super-
ficiel.
Indications
Il permet d’anesthésier le territoire tibial et fibulaire. Le territoire
du cutané postérieur de la cuisse est bloqué de manière variable à ce
niveau. Seul, il permet la chirurgie et l’analgésie du pied et de la face
latérale de la jambe. En association avec un bloc fémoral et obtura-
teur, il permet la chirurgie et l’analgésie du membre inférieur à partir
du 1/3 moyen du fémur.
Installation
Décubitus latéral du côté sain. Du côté opéré, hanche fléchie à 45°
et jambe fléchie à 90°.
Techniques
• Sous échographie (figure 11-26) :
— type de sonde : sonde courbe, basse fréquence ;
— axe et position de la sonde : transversale sur la ligne joignant le
grand trochanter à la tubérosité ischiatique ;
— aspect du nerf : nerf en coupe transversale, ovale ou triangulaire,
aplati ;
— profondeur : 5 à 8 cm ;
— aiguille : 100 mm ;
— neurostimulation : voir NS ;
— repères échographiques  : grand trochanter, tubérosité ischia-
tique, muscles carré fémoral et grand glutéal ;
— injection : circonférentielle, 20 ml d’AL.
• En neurostimulation :
— repères : tubérosité ischiatique et grand trochanter ;
— aiguille : 50 à 100 mm ;
— point de ponction  : tracer la ligne reliant le grand trochanter à
la tubérosité ischiatique, le point de ponction se situe à 4 cm caudale-
ment sur la médiatrice de cette ligne ;
— orientation de l’aiguille : perpendiculairement au plan cutané ;
— profondeur : 30 à 50 mm ;
— réponse NS  : contraction des muscles de la loge antéro-
externe de la jambe et flexion dorsale du pied (fibulaire), ou
contraction des muscles de la loge postérieure de la jambe et
flexion plantaire ;
— injection : 25 ml d’AL.
324 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Aiguille
M grand glutéal

N sciatique Tubérosité
Grand ischiatique
Dorsal
trochanter
M carré fémoral
Médial 7.8

Figure  11-26 Bloc du nerf sciatique subglutéal sous échographie. Aspect


après injection de l’AL et trajet de l’aiguille. N : nerf ; M : muscle.

Bloc du nerf sciatique poplité


Indications
Toute la chirurgie du pied et de la malléole externe.
Pour la chirurgie de la malléole interne et de la jambe, un bloc du
nerf saphène (garrot cheville) ou du nerf fémoral (garrot cuisse) doit
être associé. Analgésie (± KT) du pied, de la cheville et de la jambe
(sauf partie médiale).

Attention : le délai d’installation de ce bloc est long (30 à 45 min).

Techniques
• Sous échographie : installation en décubitus latéral, flexion légère
de la hanche et du genou (figure 11-27) :
— type de sonde : linéaire haute fréquence ;
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 325

M semi-
Aiguille membraneux

M biceps
fémoral

N fibulaire N tibial
commun
Dorsal
A
Médial V 3.3

Figure  11-27 Bloc du nerf sciatique poplité sous échographie. Aspect après
injection de l’AL et trajet de l’aiguille. N : nerf ; M : muscle, A et V : artère et
veine poplitées.

— axe et position de la sonde  : transversale, au-dessus du pli de


flexion du genou ;
— aspect du nerf  : nerf en coupe transversale, aspect fasciculaire,
chercher la zone de division des contingents tibial et fibulaire ;
— profondeur : jusqu’à 6 cm ;
— aiguille : 80 mm, dans le plan US ;
— neurostimulation  : flexion dorsale (fibulaire), flexion plantaire
(tibial) ;
— repères échographiques : artère et veine poplitée, biceps fémoral
et semi-membraneux ;
— injection : 20 à 30 ml, en cocarde autour des 2 nerfs juste sous
la division (installation + rapide), là où la visibilité est la meilleure.
326 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

• En neurostimulation :
— installation : décubitus ventral, pied à 90° dépassant dans le vide
de façon à bien visualiser les mouvements du pied lors de la NS ;
— repères cutanés  : la ligne du pli de flexion du genou, le ten-
don du biceps fémoral latéralement et le tendon du semi-membraneux
médialement. Ces 3 repères forment un triangle à base caudale et à
sommet céphalique. Pour faire apparaître ces tendons, demander au
patient de plier le genou tout en s’y opposant (figure 11-28) ;
— aiguille : 50 ou 100 mm ;
— point de ponction  : sur la bissectrice de ce triangle, 7  cm au-
dessus du pli de flexion et 1 cm latéralement (voir figure 11-28) ;
— orientation de l’aiguille  : angle de 45° en direction céphalique.
Si la première réponse est le nerf fibulaire commun (flexion dorsale
des orteils), l’aiguille est ressortie de 2 à 3 cm et réorientée médiale-
ment pour stimuler le nerf tibial (flexion plantaire des orteils) ;

Intérieur Extérieur

Figure 11-28 Point de ponction pour un bloc du nerf sciatique au creux poplité.


1 : tendon du biceps fémoral ; 2 : tendon du semi-membraneux ; 3 : nerf tibial.
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 327

— remarque : la ponction ne doit pas être douloureuse (transfixion


des tendons) : reprendre les repère et repositionner l’aiguille ;
— injection (lente et fractionnée) d’un volume de 10 ml sur chaque
contingent ;
— il est possible que les 2 nerfs soient stimulés au même endroit
(avant leur séparation), 20 ml sont alors injectés d’emblée ;
— délai d’installation : 45 min à 1 h ;
— KT : l’introduction doit être facile et sur 2 à 3 cm.

Blocs à la cheville

Bloc du nerf tibial en arrière de la malléole médiale


Indications
Anesthésie et analgésie de la face plantaire du pied. En association
avec le bloc des fibulaires profond et superficiel, ce bloc permet la
chirurgie des orteils, courte ou sans garrot (ongle incarné, ablation de
matériel). Pour la chirurgie de l’hallux valgus, un KT tibial associé à
un bolus fibulaire procure une bonne analgésie.
Installation
DD, pied en rotation externe, légèrement surélevé.
Techniques
• Sous échographie (figure 11-29) :
— type de sonde : linéaire, haute fréquence ;
— axe et position de la sonde  : transversale, en arrière de la mal-
léole médiale ;
— aspect du nerf  : nerf en coupe transversale, aspect fasciculaire
en nid d’abeille ;
— profondeur : très superficielle ;
— aiguille : 25 ou 50 mm, dans le plan US ou hors plan ;
— neurostimulation : flexion plantaire ;
— repères échographiques : artère tibiale postérieure, tibia, tendon
calcanéen ;
— injection : 6 à 10 ml, en cocarde autour du nerf.
La ponction dans le plan US permet de suivre l’aiguille plus faci-
lement. Elle nécessite de surélever le pied, afin de laisser un espace
libre en arrière de la malléole médiale pour mobiliser l’aiguille.
• En neurostimulation :
— aiguille : 25 ou 50 mm ;
— point de ponction  : en arrière de la malléole médiale et immé-
diatement en arrière de l’artère tibiale postérieure (figure 11-30) ;
— orientation de l’aiguille : direction céphalique ;
328 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Aiguille

A
Tendon
Médial calcanéen N tibial Tibia

Ventral 2.7

Figure  11-29 Bloc du nerf tibial à la cheville sous échographie. Aspect


après injection de l’AL et trajet de l’aiguille. N  : nerf  ; A  : artère tibiale
postérieure.

Malléole
médiale

Artère tibiale postérieure

= Point de ponction

Figure 11-30 Repère cutané du bloc tibial à la cheville.


ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 329

— réponse NS : flexion plantaire des orteils ;


— injection lente de 5 à 10 ml d’AL.

Blocs des fibulaires superficiel et profond


Indication
Anesthésie et analgésie de la face dorsale du pied. En associa-
tion avec le bloc du nerf tibial, le bloc des fibulaires profond et
superficiel permet l’anesthésie et l’analgésie de l’avant-pied et des
orteils.
Installation
DD, pied en position anatomique.
Techniques
Les procédés techniques sont :
— aiguille : 25 ou 50 mm ;
— point de ponction : face antérieure de la cheville, dans la gout-
tière située entre les tendons des muscles tibial antérieur et long
extenseur de l’hallux (demander au patient de relever le pied et le gros
orteil pour les mettre en évidence), sur la ligne joignant les deux mal-
léoles (figure 11-31) ;
— fibulaire profond  : l’aiguille est dirigée en direction du talon,
jusqu’au contact osseux. L’aiguille est ensuite retirée de quelques mil-
limètres, une réponse en flexion dorsale des orteils à la NS peut être
recherchée et 5  ml d’AL sont injectés lentement. Ce bloc peut éga-
lement être réalisé sous échographie. Le nerf est recherché entre les
tendons des muscles tibial antérieur et long extenseur de l’hallux et
latéralement à l’artère tibiale antérieure (figure 11-32) ;
— fibulaire superficiel  : l’aiguille est retirée jusque sous la peau
et une infiltration sous-cutanée de 5  ml d’AL est réalisée jusqu’à la
malléole latérale.

Bloc du saphène par infiltration à la cheville


L’innervation du bord médial du pied est variable. Pour limiter le
risque d’anesthésie insuffisante lors de la chirurgie du pied, il est
utile d’associer aux blocs tibiaux et fibulaires une infiltration du nerf
saphène à la cheville. Le point de ponction est le même que pour les
fibulaires mais l’infiltration est réalisée avec 4 ml d’AL, en direction
de la malléole médiale comme décrit en figure 11-31.
330 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Latéral Médial

Infiltration
fibulaire Infiltration
superficielle saphène

Tendon
extenseur
du tibial
antérieur

Tendon
du long
extenseur

= point de ponction

Figure 11-31 Repères cutanés des blocs des fibulaires profond et superficiel


et saphène à la cheville.

T du long extenseur
de l’hallux

T du tibial antérieur

N A

Ventral Tibia

Médial 1.8

Figure  11-32 Aspect échographique du nerf fibulaire profond après injec-


tion. A : artère tibiale antérieure ; N : nerf fibulaire profond.
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 331

BLOCS DE LA PAROI ABDOMINALE


F. Bonnet

La réalisation des blocs de la paroi abdominale a été transformée


par l’apport de l’échographie. Ces blocs sont d’une réalisation très
facile. L’innervation sensitive cutanée, musculaire et du péritoine
pariétal de la paroi antérieure de l’abdomen provient des racines
issues des six derniers nerfs thoraciques. Avant d’arriver au niveau de
la paroi antérieure de l’abdomen, ils traversent au niveau de la paroi
latérale un espace situé entre les deux fascias des muscles oblique
interne et transverse de l’abdomen. Cet espace est appelé « plan du
fascia du transverse de l’abdomen », en anglais Transversus Abdomi-
nis Plane. Au niveau de la paroi antérieure, les rameaux rejoignent
le bord de l’aponévrose des grands droits pour donner une branche
superficielle et une branche profonde. Le cheminement des nerfs
pariétaux dans ce plan aponévrotique facilite donc leur identification
et leur blocage. Les différents blocs de la paroi abdominale et leurs
repères respectifs ont donc été totalement « revisités » par la pratique
de l’échographie.

Bloc dans le plan du muscle transverse de l’abdomen


(TAP bloc)

Technique de réalisation
La technique initiale du TAP bloc consistait à identifier au préa-
lable le triangle de Jean-Louis Petit (figure  11-33). Cet espace ana-
tomique est limité par le bord latéral du grand droit de l’abdomen, la
crête iliaque, et le bord costal. Les nerfs qui traversent cet espace sont
issus de T10, T11, T12, L1. On y trouve également parfois le nerf ilio-
hypogastrique et le nerf ilio-inguinal. L’intérêt de cette zone anato-
mique tient au fait que les muscles, oblique interne et oblique externe,
sont représentés par leur aponévrose à ce niveau. La technique à
l’aveugle consiste donc à introduire une aiguille à bout mousse après
avoir palpé le sommet de la crête iliaque et à ressentir le double res-
saut correspondant au franchissement des deux aponévroses. L’espace
de diffusion sous-jacent permet l’extension du bloc à une bonne par-
tie de la paroi abdominale homolatérale. Cette technique est en fait
limitée par le risque d’injecter dans le mauvais plan et donc de voir
l’efficacité du bloc compromise ainsi que celui de traverser la paroi
ou de pratiquer une injection intrapéritonéale ou même de perforer un
viscère abdominal (figure 11-34).
332 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Figure 11-33 Repères anatomiques limitant le triangle de Petit et zone d’in-


sertion de l’aiguille pour la réalisation d’un TAP bloc.

TA OI
OE

MP

TS

Peau

Figure  11-34 Insertion de l’aiguille pour la réalisation d’un TAP bloc qui
traverse successivement les facsia des muscles oblique externe et oblique
interne.
TA : muscle transverse abdominal ; OI : muscle oblique interne ; OE : muscle
oblique externe ; TS : tissu sous-cutané ; PM : muscle psoas major.

La technique de repérage du TAP a fait rapidement appel à l’écho-


guidage. La sonde de (7,5-12,5 MHz) peut être placée sur la ligne axil-
laire moyenne, dans le plan axial, à mi-chemin entre la crête iliaque
et le bord costal inférieur. On doit voir : la graisse sous-cutanée, l’OE,
l’OI, le muscle transverse de l’abdomen, le péritoine, les structures
intrapéritonéales. En déplaçant la sonde vers l’avant, on visualise
la gaine des grands droits et en la déplaçant en latéral, on visualise
les fascias prolongés des muscles OE, OI et du TA. Une aiguille de
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 333

150 mm, 20 G, à biseau court est introduite antérieurement, et insérée


dans le plan. L’extrémité de l’aiguille doit apparaître entre le fascia
de l’OI et du TA. L’injection d’une quinzaine de ml de la solution
anesthésique décolle le muscle transverse de l’oblique interne, faisant
apparaître une lentille hypoéchogène (figure 11-35).
Pour les blocs du quadrant supérieur de la paroi abdominale, la
sonde peut être placée parallèlement au rebord costal inférieur et obli-
quement par rapport au plan sagittal. L’aiguille (100 à 150 mm) est
introduite dans le plan, à la pointe de la xyphoïde. L’AL est déposée
entre les grands droits de l’abdomen et le muscle transverse de l’abdo-
men, ou si le transverse n’est pas visible à cet endroit, entre les grands
droits de l’abdomen et le fascia du TA.

Indications
Le TAP bloc est indiqué pour l’analgésie après chirurgie abdominale,
qu’il s’agisse de la chirurgie pariétale ou d’une chirurgie viscérale sus
ou sous-mésocolique. Le TAP bloc est le plus souvent bilatéral sauf
pour certaines interventions (appendicetomie, réfection de colostomie).

Complications
Elle s’observent essentiellement avec la technique aveugle  : ponc-
tion de viscère abdominal plein ou creux.

Figure  11-35 Échoguidage dans le plan avec coupe transverse des muscles
de la paroi abdominale. Les fascias musculaires apparaissent comme une
zone hyperéchogène. L’insertion de l’aiguille peut être suivie sur tout son tra-
jet (flèches) jusque devant l’aponévrose du muscle transverse de l’abdomen.
SC  : tissu sous-cutané ; EO  : muscle oblique externe ; IO  : muscle oblique
interne ; TA : muscle transverse abdominal.
334 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Bloc ilio-inguinal

Le bloc ilio-inguinal est le bloc pariétal le plus pratiqué. La princi-


pale indication est la cure de hernie inguinale.

Technique
Le point de ponction est situé à la jonction entre le 1/3 externe et
les 2/3 internes d’une ligne joignant l’épine iliaque antérosupérieure
à l’ombilic. Le nerf ilio-inguinal et le nerf ilio-hypogastrique che-
minent à ce niveau dans le plan aponévrotique situé entre le muscle
oblique interne et le muscle transverse de l’abdomen (figure  11-36).
La technique aveugle consistait à pratiquer une infiltration de 10 ml
de solution anesthésique complétée par une injection identique située
au point de jonction des 2/3 internes, 1/2 externe de l’arcade crurale.
L’échographie permet maintenant d’identifier le plan du muscle trans-
verse (voir ci-dessus) de diriger avec précision l’aiguille dans le plan
et d’injecter dans le bon compartiment. Ce bloc peut être complété
par un bloc du nerf génito-fémoral (jonction 1/3 interne, 2/3 externes
de l’arcade crurale) en échographie, notamment lorsqu’il s’agit d’une
réparation directe de la cure de hernie.

Ombilic

Épine iliaque antérosupérieure

Épine du pubis

Figure 11-36 Repère pour la réalisation d’un bloc ilio-inguinal ilio-hypogastrique.


ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 335

Complications
Extension de la diffusion de la solution d’anesthésique local sous
l’arcade crurale provoquant un bloc du nerf fémoral (paralysie du qua-
driceps), injection intrapéritonéale ou intravasculaire.
Indications
Cure de hernie inguinale.

Bloc des grands droits (BGD)

Le bloc des grands droits s’effectue entre le muscle grand droit de


l’abdomen et son aponévrose afin de bloquer les ramifications distales
des nerfs pariétaux qui perforent la gaine des grands droits latérale-
ment pour se diviser en un rameau cutané profond et superficiel (RCP
et RCS). Le RCP chemine entre la paroi postérieure du muscle grand
droit et sa gaine tandis que le RCS chemine entre la paroi antérieure
du muscle grand droit et la gaine.

Technique de réalisation
Deux techniques sont décrites, l’une consistant à injecter la solu-
tion d’anesthésique local entre le plan profond du muscle grand droit
et son aponévrose inférieure et la seconde (« bloc para-ombilical »)
consistant à injecter entre la face antérieure du muscle grand droit et
son aponévrose superficielle.
• Une aiguille de 50 mm est introduite à 3 à 5 cm de la ligne blanche
selon un angle de 45° et une orientation latéro-médiale. Elle franchit
le feuillet antérieur de la gaine et le corps musculaire jusqu’à rencon-
trer la résistance élastique du feuillet postérieur de la gaine où se fait
l’injection, la diffusion à ce niveau permettant une seule ponction de
chaque côté et l’injection de 20 ml de solution anesthésique.
• Une technique alternative consiste à injecter la solution d’anes-
thésique local entre la gaine antérieure des grands droits et le muscle
grand droit, après le premier ressaut signant le passage de l’aponé-
vrose superficielle. Cette technique nécessite des ponctions étagées
sur le trajet de l’incision chirurgicale. Compte tenu du risque d’in-
jection intrapéritonéale ou de brèche vasculaire, inhérent à l’injection
postérieure, la technique à l’aveugle est remplacée par l’échoguidage
avec une sonde de haute fréquence. La sonde est placée sur la ligne
médiane dans le plan transversal puis déplacée latéralement jusqu’au
bord du grand droit là où les deux feuillets de son aponévrose se rejoi-
gnent. La ponction est effectuée dans le plan de la sonde et la solution
est injectée entre le bord postérieur du muscle grand droit et son apo-
336 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

névrose inférieure ou entre la paroi antérieure de ce même muscle et


son aponévrose.

Indications
Le BGD est indiqué pour l’analgésie après chirurgie pariétale
médiane (cure d’éventration, hernie ombilicale, sténose du pylore). La
cure d’éventration est probablement sa meilleure indication.

Complications
Injection intravasculaire et intrapéritonéale.

INFILTRATIONS

M. Beaussier, M. Aissou

Les infiltrations cicatricielles sont des techniques analgésiques qui


s’intègrent dans une prise en charge multimodale de la douleur post-
opératoire.
L’infiltration consiste à injecter un anesthésique local au site même
de la chirurgie, soit directement dans la cicatrice ou à proximité
directe, soit dans une articulation (infiltration intra-articulaire), soit
encore dans une cavité (instillation intrapéritonéale ou pleurale).
L’efficacité de l’infiltration cicatricielle est basée sur le blocage
des afférences nerveuses pariétales, souvent issues de troncs nerveux
distincts.
L’infiltration cicatricielle est le plus souvent réalisée par le chirur-
gien en fin d’intervention. Son intérêt est d’autant plus net que la
chirurgie est superficielle et que la douleur postopératoire a une forte
composante pariétale, comme c’est le cas après chirurgie plastique,
abdominale, gynécologique ou thoracique.
Quelques principes généraux régissent l’efficacité des infiltrations
cicatricielles.
• Le volume d’anesthésique local doit être important afin de per-
mettre une diffusion la plus large possible.
• Les anesthésiques locaux de longues durées d’action (ropiva-
caïne, lévobupivacaïne et bupivacaïne) doivent être utilisés préféren-
tiellement.
ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE 337

• L’injection doit couvrir les plans superficiels et profonds (les fas-


cias sont plus impliqués que la peau dans la douleur et l’hyperalgésie
postopératoire).
• Si une douleur postopératoire intense est supposée durer plus de
24 h, la mise en place d’un cathéter multiperforé pour perfusion conti-
nue doit être envisagée.
L’intérêt de l’addition d’un AINS à l’anesthésique local pour l’infil-
tration cicatricielle n’a pas été démontré.
La réalisation de l’infiltration cicatricielle avant l’incision, dans un
objectif d’analgésie préventive n’a pas montré son intérêt.

L’infiltration cicatricielle en injection unique

Pour ce qui concerne les infiltrations en injections uniques, les indi-


cations les mieux documentées concernent :
— toute la chirurgie réparatrice superficielle ;
— la neurochirurgie (incision du scalp) ;
— la chirurgie thyroïdienne ;
— la chirurgie ORL (pilier amygdale) ;
— la cure de hernie inguinale ;
— la cicatrice de cholécystectomie par laparotomie ;
— les orifices de trocarts après chirurgie digestive ou gynécologique
par cœlioscopie.

L’infiltration continue cicatricielle

L’infiltration continue cicatricielle consiste à administrer en continu


l’anesthésique local via un cathéter multiperforé permettant une diffusion
homogène du produit, mis en place par le chirurgien en fin d’intervention.
Il existe des cathéters multiperforés sur une longueur de 2 à 30 cm,
s’adaptant à la majorité des tailles de cicatrices.
Le cathéter doit être positionné dans un plan profond à chaque fois
que cela est possible (position prépéritonéale, c’est-à-dire entre le
feuillet pariétal du péritoine et le fascia) pour la chirurgie abdominale,
et position sous-fasciale pour la césarienne.
La perfusion est le plus souvent continue. Elle peut être intermit-
tente, mais il faut alors prévenir l’obturation du cathéter par le main-
tien d’un débit continu minimal.
Du fait de la perfusion continue, les concentrations basses d’anes-
thésiques locaux peuvent être administrées (ropivacaïne 0,2  p.  100
ou lévobupivacaïne 0,125  p.  100). Le débit de perfusion doit être en
rapport avec la taille de la cicatrice mais doit rester élevé. Pour des
338 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

cathéters de 7,5 cm, il sera d’au moins 5 ml/h et pour des cathéters de
15 cm d’au moins 10 ml/h.
La durée de la perfusion continue est en général de 48 à 72 h.
Les indications les mieux documentées pour l’infiltration continue
cicatricielle sont :
— les laparotomies sous-costales et médianes ;
— les cicatrices de chirurgie gynécologique par voie abdominale ;
— la césarienne ;
— la chirurgie majeure du sein (incluant ou non la cicatrice de
curage axillaire) ;
— la chirurgie cardiaque (face antérieure de la sternotomie) ;
— la chirurgie du rachis ;
— la prise de greffon osseux iliaque.
Dans ces indications, la perfusion continue cicatricielle procure un
bénéfice analgésique au repos et à la mobilisation, réduit la consom-
mation de morphiniques et les effets secondaires qui lui sont associés
(NVPO et sédation) et accélère la convalescence postopératoire. En
chirurgie abdominale, la perfusion continue cicatricielle réduit la durée
de l’iléus digestif et la dysfonction diaphragmatique postopératoire.
La perfusion continue d’un anesthésique local dans une articulation
est déconseillée du fait du potentiel de toxicité de ces molécules sur
les chondrocytes lors de contacts prolongés.
La perfusion continue cicatricielle est une technique sûre, appli-
cable à la quasi-totalité des patients et dénuée d’effets indésirables
propres. Cette technique n’augmente pas le risque d’infection de site
opératoire.

Conclusion

L’infiltration cicatricielle est une technique simple, sûre et efficace


qui s’intègre dans une prise en charge multimodale de la douleur pos-
topératoire et s’adresse à pratiquement tous les types de chirurgie. La
possibilité de prolonger l’analgésie par l’administration continue de
l’anesthésique local via un cathéter multiperforé ouvre les indications
de l’infiltration à des chirurgies plus invasives et plus douloureuses. Les
bénéfices analgésiques mais aussi en termes de réhabilitation postopé-
ratoire ont été prouvés dans de nombreuses indications chirurgicales.

POUR EN SAVOIR PLUS

Beaussier M, Aissou M. Infiltrations cicatricielles en injections uniques. Neuro-


chirurgie, chirurgie ORL, thoracique, abdominale et périnéale. Ann Fr Anesth
Réanim. 2009 ; 28 : 163-73.
Chapitre 12

Voies veineuses et artérielles


M. Ott

Un abord veineux est périphérique (VVP) lorsque l’extrémité distale


du cathéter est dans une veine périphérique superficielle visualisable
et palpable. Le site de pose se situe préférentiellement aux membres
supérieurs si possible du côté non dominant.
Il faut toujours privilégier un site de pose distal et hors des plis de
flexion du membre. Il est fortement recommandé de ne pas insérer
une VVP sur un membre sur lequel un curage ganglionnaire ou une
radiothérapie ont été réalisés, ou qui présente une tumeur maligne ou
une fistule artério-veineuse (FAV).
Un cathéter veineux est profond (VVC) lorsqu’il est positionné
dans une veine qui n’est ni visible, ni palpable, mais localisable avec
des repères anatomiques osseux, musculaires et/ou vasculaires. Il est
central quand son extrémité distale se situe au niveau de la veine cave
supérieure.

VOIES VEINEUSES PÉRIPHÉRIQUES

ANATOMIE CLINIQUE

L’arcade dorsale de la main donne naissance aux veines super-


ficielles de l’avant-bras :
– la veine radiale superficielle au bord externe de l’avant-bras qui se
termine au pli du coude en se divisant en une branche interne qui est la
médiane basilique et une branche externe qui est la médiane céphalique ;
– la cubitale superficielle au bord interne de l’avant-bras qui
rejoint la médiane basilique au niveau du coude pour former la veine
340 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

basilique du bras qui est la plus grosse veine superficielle du bras et


qui se jette dans la veine humérale ;
– la radiale accessoire sur la face postérieure de l’avant-bras qui
rejoint la médiane céphalique au niveau du coude pour former la veine
céphalique du bras.

POSE ET ENTRETIEN
• Purger la tubulure de perfusion, s’assurer de son étanchéité et
conserver le raccord stérile ; vérifier la limpidité de la solution à per-
fuser et la date de péremption.
• Informer le patient et l’installer confortablement, le membre à per-
fuser en déclivité.
• Mettre en place le garrot veineux pas trop serré en position proximale
sur le membre à perfuser, choisir une veine dans une zone cutanée saine.
• Réaliser un traitement hygiénique des mains et mettre des gants
non stériles.
• Désinfecter la zone de ponction avec des compresses stériles et
laisser sécher l’antiseptique, l’utilisation de l’alcool modifié permet
d’optimiser la dilatation veineuse, ne pas dépiler.
• Prévenir le patient et piquer dans l’axe de la veine, biseau vers le
haut puis vérifier le reflux dans l’introducteur et cathétériser la veine
en faisant coulisser le cathéter.
• Libérer le garrot et retirer l’aiguille en faisant pression sur la veine
à l’extrémité du cathéter pour limiter le saignement.
• Mettre en place la tubulure de perfusion, purger et vérifier la pré-
sence d’un reflux en abaissant la poche de perfusion au-dessous du
niveau de ponction.
• Fixer le cathéter et la tubulure avec un pansement transparent
occlusif.
• La VVP doit être surveillée deux fois par jour (état local, signes
de phlébite, température, perméabilité), ne pas laisser en place un
cathéter plus de 96 heures.
• Désinfecter les embouts avant leur manipulation et utiliser un bou-
chon stérile après l’utilisation, il faut refaire le pansement uniquement
s’il est décollé ou souillé.
• Changer la tubulure utilisée après chaque administration de pro-
duits sanguins labiles.

QUE PEUT-ON FAIRE SI LA PONCTION VEINEUSE


EST DIFFICILE AUX AVANT-BRAS ?
• Chercher la veine jugulaire externe qui chemine à la face latérale
du cou de la mastoïde vers la clavicule. La ponction s’effectue en
VOIES VEINEUSES ET ARTÉRIELLES 341

Trendelenburg, tête tournée à l’opposé, en maintenant la veine entre


le pouce qui tend la veine et l’index qui fait garrot. La ponction s’ef-
fectue dans l’axe veineux à l’aide d’une seringue pour chercher un
reflux franc. C’est une bonne alternative au bloc opératoire quand
on a accès à la tête, elle permet un bon débit, mais la perfusion est
influencée par la rotation de la tête et elle est inconfortable pour un
malade éveillé.
• La saphène interne ou les veines du dos du pied sont à utiliser
pendant une courte durée (celle d’une anesthésie).
• Utiliser l’échographe pour trouver une veine, si le cathéter vei-
neux est trop court pour atteindre la veine, on peut utiliser un cathéter
artériel radial (méthode de Seldinger).
• En cas d’échec, pose d’une VVC.

COMPLICATIONS

• Complications mécaniques :
— hématome au point de ponction ;
— perfusion extraveineuse  : elle peut être grave si on injecte des
médicaments nécrosants pour le tissu sous-cutané  : thiopental, dia-
zépam, dopamine, adrénaline, CaCl2.
Astuce  : en cas de doute, mettez un garrot, si la perfusion coule
toujours alors elle passe en extravasculaire ;
— injection intra-artérielle accidentelle, surtout au niveau du coude
mais elle a été décrite au poignet avec des artères radiales accessoires
au niveau de la tabatière anatomique ; la perfusion ne coule pas, dans
ce cas utilisation d’une petite dose test de sérum physiologique peut
éviter des complications qui peuvent être très graves ;
— lésions nerveuses soit directes soit par extravasation avec un
syndrome de loges thrombotiques  : caractérisées par une douleur
locale, inflammation et existence d’un cordon induré ; on retire la per-
fusion, on met en repos la veine et on administre des pommades avec
AINS et pansements alcoolisés antiphlogistiques.
• Complications thrombotiques.

PERIPHERALLY INSERTED
CENTRAL CATHETERS (PICC)

Les PICC sont des cathéters centraux insérés par voie périphérique.
Le site d’insertion principal est la veine basilique au 1/3 moyen du
bras.
342 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Indications, avantages et inconvénients

• Si le patient a besoin d’une perfusion de plus d’une semaine il est


préférable de poser d’emblée un PICC, ce qui permet de préserver le
capital veineux périphérique ; un PICC bien entretenu peut rester en
place entre 3-6 mois.
• Douleur faible à la pose, complications infectieuses moins fré-
quentes que pour un cathéter central (KTC).
• On peut insérer un PICC si l’INR < 2 et si on a plus de 50 000 pla-
quettes/dl.
• Risque de thromboses supérieur au KTC.
Il est possible de poser des PICC au lit du malade, une radiographie
thoracique est nécessaire pour vérifier la bonne position de l’extrémité
du cathéter. Une position aberrante dans la jugulaire est suspectée
devant une douleur dans l’oreille, qui peut être confirmée par une
échographie cervicale pendant la pose.
Le repérage et la ponction s’effectuent sous échographie après
avoir mis un garrot à la racine du bras. La sonde d’échographie
est placée en transversal par rapport à la veine et la ponction se
fait en dehors du plan après une anesthésie locale. On introduit un
guide métallique dans la veine et le cathéter est glissé à l’aide d’un
désilet.

Contre-indications

La thrombose, l’infection, les brûlures, l’œdème, un curage gan-


glionnaire axillaire ou une FAV au niveau du membre concerné et les
patients en attente d’une FAV.

VOIES VEINEUSES CENTRALES

INDICATIONS

• Perfusion de solutés veino-toxique.


• Remplissage vasculaire massif par un désilet de gros calibre.
• Monitorage invasif.
• Insuffisance rénale aiguë qui nécessite une épuration extrarénale
par un cathéter de dialyse.
• Absence de capital veineux périphérique.
VOIES VEINEUSES ET ARTÉRIELLES 343

ANATOMIE CLINIQUE
La veine sous-clavière (VSC) prolonge la veine axillaire à partir
de la face latérale de la première côte jusqu’à sa confluence avec la
veine jugulaire interne (VJI) avec laquelle elle forme le tronc brachio-
céphalique. La longueur est de 3-4 cm et le diamètre de 8-9 mm. Elle
reste toujours béante en raison de l’adhérence de sa gaine aux for-
mations fibreuses de voisinage. La face antérieure de la VSC est en
contact au 1/3 interne de la clavicule ; derrière la veine on trouve le
scalène antérieur, le plexus brachial et l’artère sous-clavière ; sur la
face inférieure on trouve la première côte et la plèvre apicale.
La projection de la VJI sur la peau suit une ligne entre la mastoïde
et la jonction sternoclaviculaire. Sur la face postérieure, dans la partie
supérieure du cou on trouve le plexus cervical ; dans la partie infé-
rieure le nerf phrénique et l’artère sous-clavière surtout de côté droit
car elle monte plus par rapport à la gauche. Sur la face médiale on
trouve la carotide et le nerf vague.

GÉNÉRALITÉS SUR LA TECHNIQUE DE POSE D’UN KTC


Il est conseillé de mettre le patient en Trendelenburg pour éviter
une embolie gazeuse et pour augmenter le volume de la veine, surtout
pour la veine jugulaire interne. L’asepsie est chirurgicale : l’opérateur
doit être habillé stérilement. La ponction de la veine s’effectue le vide
à la main, le reflux veineux doit être franc.
On utilise la technique de Seldinger : une fois qu’on a trouvé la veine
on glisse dedans un guide métallique en avançant avec le bout souple. On
retire l’aiguille, on dilate le trajet peau-veine avec un dilatateur. Il peut être
nécessaire de faire une petite incision de la peau avec un bistouri pointu.

À retenir
Il ne faut jamais forcer le guide ou l’introducteur, si le guide n’avance pas le
plus souvent l’aiguille n’est plus dans la veine.

On glisse le cathéter sur le guide métallique, on récupère le guide qui


sort sur la voie distale et après on avance le cathéter dans la veine. On
fixe solidement le cathéter à la peau avec un fil non résorbable. On utilise
un pansement stérile transparent pour surveiller le point de ponction. À la
fin de la procédure il faut vérifier qu’on a un reflux dans toutes les voies
du cathéter et que la perfusion coule librement. La radiographie thora-
cique de face est obligatoire pour vérifier la position du cathéter et l’ab-
sence des complications immédiates. Le bout du cathéter doit se situer
à la jonction entre la veine cave supérieure et l’oreillette droite qui cor-
respond généralement à 1,5-2 corps vertébraux en dessous de la carène.
344 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

À retenir
Il faut toujours peser les avantages et les inconvénients de la mise en
place d’un KTC, limiter les ponctions à 3 ou 4 au maximum, penser
à enlever tout cathéter devenu inutile, poser toujours un KTC dans un
endroit équipé pour la détection et le traitement des complications.
 

VOIE SOUS-CLAVIÈRE

Technique
La veine sous-clavière (VSC) peut être abordée par voie sous-
clavière principalement selon 2  techniques décrites par Aubaniac en
1952 et Testart en 1967, ou par voie sus-clavière selon Yoffa en 1965.
• Voie d’Aubaniac. La voie sous-claviculaire vise le tronc brachio-
céphalique. L’index gauche s’enfonce dans le creux sous-claviculaire,
puis remonte en dedans, toujours au contact de la clavicule, sur la saillie
de la première articulation chondrocostale. Il redescend alors légèrement
de façon à s’enfoncer dans l’angle interne du creux sous-claviculaire.
L’aiguille est piquée au ras de l’index, obliquement en arrière et surtout
en dedans et légèrement en haut vers le creux suprasternal, en passant
entre la clavicule et la première côte. Le fait de rester dans le plan fron-
tal diminue le risque de pneumothorax. On avance ainsi le vide à la
main, lentement, pour donner au sang le temps de monter dans la serin-
gue. Si l’on bute contre un obstacle osseux, il s’agit de la côte ou de son
cartilage, il suffit de donner un peu plus d’obliquité ascendante.
• Voie de Testart. Point d’entrée plus en dehors, c’est-à-dire au
niveau de la fossette de Mohrenheim entre les muscles grand pectoral
et deltoïde. Orientation de l’aiguille visant un centimètre en arrière
de l’articulation sternoclaviculaire, ce qui impose ainsi à l’aiguille un
trajet très frontal qui n’est pas dirigé vers le poumon et qui permet de
prendre la veine en enfilade.
• Voie de Yoffa. Le point de ponction se situe dans l’angle formé
par la clavicule et le chef claviculaire du SCM. L’aiguille est dirigée à
45° dans le plan frontal et vers l’avant de 15° vers le mamelon opposé.

VOIE JUGULAIRE INTERNE

Techniques de pose
Il existe des techniques antérieures et postérieures au SCM. L’abord
antérieur est le plus utilisé. Le malade est en Trendelenburg à 15°,
avec la tête en hyperextension et en rotation légère de côté opposé.
VOIES VEINEUSES ET ARTÉRIELLES 345

• Voie de Daily (1970). Les repères anatomiques sont les insertions


sternale et claviculaire du muscle SCM et la clavicule. La ponction
s’effectue au sommet du triangle de Sédillot, entre les 2  chefs du
SCM. La direction est parallèle avec le plan sagittal, inférieure et pos-
térieure à 30° par rapport au plan frontal. Si on ne trouve pas la veine
alors il faut diriger l’aiguille vers l’extérieur avec une inclinaison de 5
à 10° vers le mamelon homolatéral.
• Voie de Boulanger (1976). L’opérateur se place à la tête du malade
ou latéralement du côté opposé au point de ponction. Le point de repère
cutané est situé entre la carotide et le bord interne du SCM à la hauteur
du bord supérieur du cartilage thyroïde. L’aiguille est dirigée en bas et
en dehors, en rasant la face postérieure du SCM, en direction de la jonc-
tion du tiers interne et du tiers moyen de la clavicule. La profondeur de
la veine est de 2-4 cm. Une fois la veine trouvée, on horizontalise l’ai-
guille, ce qui permet de descendre le guide métallique sans difficulté.

Astuce : la palpation de l’artère carotide est utile dans les 2 techniques


mais elle doit être arrêtée au moment de la ponction car la veine est
aussi comprimée. La rotation forcée de la tête de côté opposé a le même
effet sur le diamètre veineux et en plus la veine peut basculer devant
l’artère, ce qui augmente le risque d’une ponction artérielle.

APPORT DE L’ÉCHOGRAPHIE
• Avantages et inconvénients :
— courbe d’apprentissage rapide ;
— permet l’évaluation du vaisseau  : la position et le diamètre,
thrombose ou sténose ;
— moins de complications mécaniques ;
— permet un taux de réussite supérieur à la technique « à
l’aveugle », notamment lors du premier essai, ce qui améliore le
confort du patient ;
— le seul inconvénient est la perte de l’habitude de piquer selon les
repères anatomiques.
• VJI (veine jugulaire interne) : mettre la sonde de haute fréquence
(7,5-12 MHz) au niveau du triangle de Sédillot, parallèle à la clavi-
cule et perpendiculaire à la peau. La carotide interne est pulsatile et
non dépressible et dans la plupart des cas on voit en dehors la VJI.
Comment faire la différence entre les deux ? La VJI est non pulsatile,
dépressible quand on appuie avec la sonde d’échographie et son dia-
mètre varie avec la respiration ; quelquefois on peut apercevoir une
valvule intraluminale. Il existe 2 techniques pour la ponctionner :
— transversale  : mettre la VJI au milieu de l’écran et piquer au
milieu de la sonde vers la veine (insertion de l’aiguille en dehors du
346 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

plan). La progression de l’aiguille ne peut être visualisée avant qu’elle


ne rentre dans le champ. L’avantage est que la distance peau-veine est
courte et que l’on voit bien les structures de voisinage ;
— longitudinale  : piquer sous la sonde vers la veine et progresser
dans le champ. En principe le geste est plus sûr ; par contre si l’aiguille
n’est pas exactement dans l’axe de la sonde on voit juste une partie de
l’aiguille, ce qui peut donner une fausse impression de sécurité.

Astuce  : calculer la distance peau-veine avec l’échographe et ne pas


avancer l’aiguille plus que cette distance sans faire une vérification supplé-
mentaire de la position de l’aiguille VSC.

Mettre la sonde sous la clavicule dans la moitié externe, au début


elle est parallèle à la clavicule, balayer la région en cherchant la plèvre
avec l’artère et la veine axillaire qui sont au-dessus ; quand on obtient
la meilleure image, piquer en transversal.

Astuce : pour l’approche transversale une technique simple consiste à cal-


culer la profondeur de la veine, supposons qu’elle est à 2 cm. Il faut piquer
alors à une distance de 2 cm de la sonde d’échographie avec une inclinai-
son de 45°. Pendant que l’aiguille avance, on dirige le faisceau d’ultrasons
vers l’aiguille, ce qui permet de suivre les mouvements des tissus et ainsi
s’assurer de la progression de l’aiguille dans la bonne direction.

VOIE FÉMORALE

Cette voie est considérée comme une voie d’urgence car elle est
assez facile à cathétériser et le taux de complications graves est faible.
Le malade est en décubitus dorsal avec le membre inférieur en abduc-
tion et légère rotation externe. La veine se trouve à une distance de
1-2 cm à l’intérieur de l’artère fémorale.
La formule pour retenir la position anatomique est IVAN  : I c’est la
ligne médiane et en partant vers l’extérieur on trouve la Veine, l’Artère et
le Nerf fémoral. Le point de ponction se situe à 2 cm sous l’arcade ingui-
nale, qui diminue le risque d’une ponction vésicale ou d’autres viscères.
L’aiguille est inclinée à 30° par rapport à la peau. Il n’est pas conseillé de
mettre un cathéter fémoral à un malade éveillé parce que c’est très incon-
fortable et le taux des complications mécaniques est élevé.

COMPLICATIONS DES VOIES VEINEUSES CENTRALES

• Ponction ou cathétérisation artérielle  : d’habitude le sang monte


tout seul dans la seringue de ponction et il est plus rouge ; la ponction
VOIES VEINEUSES ET ARTÉRIELLES 347

carotidienne est habituellement sans gravité car on peut la comprimer,


ce qui n’est pas possible pour l’artère sous-clavière.
Astuce  : il est déconseillé de mettre du sérum physiologique dans
la seringue car il modifie la couleur du sang veineux vers le rouge vif.
• Pneumothorax qui peut être retardé jusqu’à 48  h et se manifeste
par une douleur pleurale, toux et dyspnée ou hémothorax qui sont
plus fréquents par voie sous-clavière ; pour un pneumothorax partiel
habituellement la surveillance et le repos sont suffisants, par contre,
l’hémothorax et le pneumothorax complet ou sous ventilation méca-
nique imposent un drainage.

À retenir
Il existe quelques contre-indications de la ponction sous-clavière  :
ponction bilatérale, sur un poumon unique et troubles d’hémostase.

• Embolie gazeuse surtout avec les patients dyspnéiques et qui


ne peuvent pas tolérer le décubitus dorsal ; elle peut survenir éga-
lement lors du retrait du cathéter qui doit se faire sur un patient en
décubitus dorsal et avec une compression immédiate du point de
ponction.
• Tamponnade cardiaque. La présence des signes cliniques suivants :
hypotension artérielle soudaine, tachycardie, dyspnée, douleurs tho-
raciques et des jugulaires turgescentes chez un malade porteur d’un
KTC, doit être prise en charge comme un hémopéricarde jusqu’à la
preuve du contraire.
• Ponction du canal thoracique à gauche avec chylothorax.
• Pour la SCV, pinch-off syndrome  : le cathéter est coincé entre la
clavicule et la première côte, la perfusion coule quand le malade a le
bras en abduction, le cathéter peut se fissurer.
• Une complication spécifique du cathéter fémoral et potentielle-
ment mortelle est l’hématome rétro-péritonéal.
• Infection locale du cathéter ou générale avec bactériémie.

VOIES ARTÉRIELLES

INDICATIONS

• Précision en cas d’hypo- ou hypertension extrême, instabilité


hémodynamique ou malade sous catécholamines.
348 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

• Pour la rapidité lors de variations brutales de la TA  : chirurgie


hémorragique ou phéochromocytome.
• Stabilité hémodynamique en cas de pathologie cardiaque.
• Prélèvements sanguins itératifs.

GÉNÉRALITÉS
Il faut préférer l’artère radiale en 1re intention car elle est super-
ficielle et donc facilement accessible et elle a un réseau collatéral.
Peut-être la seule contre-indication de cathétériser l’artère radiale
est l’absence du flux sanguin dans l’artère du pouce à la suite de l’oc-
clusion de l’artère radiale.
Pour un patient indemne de maladies vasculaires périphériques
– sclérodermie, thrombangéite oblitérante, syndrome de Raynaud – un
test d’Allen positif ne prédit pas les complications ischémiques.
L’artère fémorale est surtout utilisée en conditions d’urgence car
son calibre facilite la ponction ; la présence d’un souffle vasculaire
impose des précautions, la ponction d’une prothèse est formellement
contre-indiquée.
L’artère humérale ne doit pas être utilisée car il n’existe pas de
réseau collatéral.

LA TECHNIQUE
• L’asepsie est chirurgicale, si besoin utiliser l’Emla® 60-90  min
avant la pose ou une anesthésie locale avec une seringue à insuline avec
la lidocaïne non adrénalinée ou un bloc radial au niveau du poignet.
• Pour la radiale on met la main en hyperextension et on pique l’ar-
tère avec un angle de 15-30° avec la peau.
• Pour la fémorale même position et technique que pour la veine
fémorale.
• Le guide doit entrer sans difficulté et sans contrainte.
• Suturer le cathéter à la fin, pansement transparent.

LES COMPLICATIONS
• Mineures : saignement ou hématome.
• Majeures :
— la plus fréquente est l’occlusion partielle ou complète dans 1/5
des cas ;
— la plus grave est l’ischémie de la main ou l’embolisation digitale
irréversible ;
— pour l’artère fémorale, c’est l’hémorragie intra- ou rétropéritonéale.
Chapitre 13

Transfusion et remplissage
périopératoire

SOLUTÉS DE REMPLISSAGE

C. Quesnel

La volémie efficace conditionne la précharge ventriculaire, le volume


d’éjection systolique et donc le débit cardiaque (chez les patients
ayant un ventricule précharge-dépendant). La volémie est ainsi essen-
tielle au maintien de la pression de perfusion tissulaire capable d’as-
surer l’oxygénation tissulaire. De nombreuses situations conduisent à
une hypovolémie absolue ou relative, telles que l’hémorragie aiguë, la
déshydratation, le sepsis, les réactions anaphylactiques ou l’anesthésie.
Le traitement de ces hypovolémies nécessite l’administration de solu-
tés de remplissage dont le choix repose sur leur pouvoir d’expansion
volémique, leur durée d’action et leur tolérance. Ces solutés se répartis-
sent en 2 grandes catégories : les cristalloïdes et les colloïdes (gélatines,
hydroxyéthylamidons, dextrans, albumine) (tableau 13-I).

CRISTALLOÏDES

L’effet des cristalloïdes est lié au volume de liquide perfusé et à l’aug-


mentation indirecte de la pression oncotique induite par leur réabsorp-
tion lymphatique qui mobilise l’albumine endogène. Ces solutés sont :
— utilisables dans toutes les situations et en quantité illimitée ;
— sans risques allergiques ;
350

Tableau 13-I Caractéristiques des solutés de remplissage disponibles

Composition Pourcentage Durée


Osmolalité Contre-
Soluté du solvant de l’expansion d’action Effets secondaires
(mosmol/kg) indications
(mEq/L) volémique (heures)
Cristalloïdes
Nacl 0,9 p. 100 308 Na 154, Cl 154 25 1-2 Acidose métabolique –
TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

®
Ringer lactate 243 Na 130, Cl 109, 19 1-2 – TC, insuffisance
Ca 4, hépatique,
Lactate 28 hyperkaliémie
SSH 7,5 p. 100 2 500 Na 154, Cl 154 800 1-2 Acidose métabolique –
Colloïdes naturels
Albumine 4 p. 100 250 Na 154, Cl 154 80 6-8 – –
Albumine 20 p. 100 300 Na 154, Cl 154 300 6-8 – –
Tableau 13-I (suite)

Composition Pourcentage Durée


Osmolalité Contre-
Soluté du solvant de l’expansion d’action Effets secondaires
(mosmol/kg) indications
(mEq/L) volémique (heures)
Colloïdes de synthèse
Gélatines fluides
Plasmion® 320 Na 130, Cl 109, 80 3-5 Réaction Obstétrique
Ca 4, anaphylactoïde
Lactate 28 Diminution
Plasmagel® 350 Na 154, Cl 154 80 3-5 agrégation
plaquettaire
®
Gélofusine 308 Na 154, Cl 154 80 3-5
Hydroxyéthylamidons
Voluven® 308 Na 154, Cl 154 100 4-6 Allongement TCA et Troubles
TS, néphrose de hémostase
groupage sanguin
Heafusine 310 Na 154, Cl 154 150 3-6 Obstétrique
10 p. 100®
TRANSFUSION ET REMPLISSAGE PÉRIOPÉRATOIRE
351
352 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

— sans effets sur l’hémostase ;


— leur pouvoir d’expansion est limité (25  p  100 du volume per-
fusé) et de durée courte (< 1 heure) ;
— de coût faible.
• Le sérum physiologique à 0,9  p.  100 (9 g/l de NaCl) est
isotonique (308  mosmol/kg). Sa concentration en ions chlore et
sodium favorise l’excrétion rénale de bicarbonates et peut entraî-
ner une acidose hyperchlorémique en cas de volumes de perfusion
importants.
• Le Ringer lactate® est hypotonique (243  mosmol/kg). Il est
contre-indiqué en cas de traumatisme crânien ou médullaire, d’in-
suffisance hépatique et d’hyperkaliémie. Le Ringer lactate® contient
moins de chlore que le sérum physiologique, et du lactate qui est
transformé en bicarbonate par le foie, ce qui évite le risque d’aci-
dose.
• Le sérum salé hypertonique à 7,5  p.  100 (75 g/L de NaCl),
Rescueflow® (sérum salé 7,5 p. 100 + dextran) a une osmolalité de
2 500  mosmol/kg. Il a été évalué dans les états de choc hémorra-
giques et les traumatismes crâniens. Il a un pouvoir d’expansion de
800  p.  100 pendant une durée inférieure à 2  h. Son action repose
sur la mobilisation de l’eau intracellulaire induite par l’augmen-
tation de l’osmolalité, la vasodilatation précapillaire, la vasocons-
triction veineuse et l’augmentation de la contractilité myocardique.
Les études portant sur ce soluté restent limitées, et les effets secon-
daires potentiels liés à la forte variation de natrémie et d’osmo-
larité plasmatique conduisent à limiter le volume de perfusion à
4 ml/kg.

COLLOÏDES

On distingue les colloïdes naturels (albumine) et de synthèse (géla-


tines, hydroxyéthylamidons, dextrans). L’effet des colloïdes est lié au
volume de liquide perfusé et à l’augmentation de pression oncotique
dans le secteur vasculaire, induite par le soluté (loi de Starling). La
durée et l’importance de l’effet du colloïde dépend de son poids molé-
culaire, de sa vitesse de dégradation et du degré de perméabilité de la
membrane capillaire.
• L’albumine humaine à 4  p.  100 (hypo-oncotique par rapport
au plasma) et à 20  p  100 (hyperoncotique) est obtenue par fraction-
nement du plasma humain et chauffage. Le pouvoir d’expansion de
l’albumine dépend du stock endogène et de l’état d’hydratation du
patient. Pour l’albumine à 4  p.  100 il est de 80  p.  100 et pour l’al-
bumine à 20 p. 100 de 400 p. 100. Leur durée d’efficacité est de 6 à
TRANSFUSION ET REMPLISSAGE PÉRIOPÉRATOIRE 353

8 h. Il persiste un risque théorique de transmission d’agents infectieux


(prion) et le coût de ce soluté reste élevé.
• Les gélatines Plasmion®, Plasmagel®, Gélofusine® sont des
polypeptides obtenus par hydrolyse de collagène d’origine bovine.
Leur pouvoir d’expansion est de 80  p.  100, leur durée d’action de
3 à 5  h, et leur élimination rénale. Les réactions anaphylactoïdes
(histaminolibération non spécifique) représentent l’effet secondaire
essentiel de ces solutés (incidence de 0,35 p. 100).
• Les hydroxyéthylamidons ou HEA à 6  p.  100 (Voluven®,
Hyperhes®, Heafusine®) et 10  p.  100 (Heafusine®). Ces solutés
sont des polysaccharides naturels (amidons) extraits du maïs, de
poids moléculaire 130 à 240  KD. Leur pouvoir d’expansion volé-
mique est de 100 à 150  p.  100 et leur durée d’action de 3 à 24  h.
La dégradation des HEA est assurée par l’α-amylase et dépend de
leur taux d’hydroxyéthylation sur les carbones C2 et C6 qui condi-
tionne leur durée d’action. La pharmacocinétique des HEA tient
compte du poids moléculaire (PM), du taux de substitution molaire
(TSM) qui reflète le taux d’hydroxyéthylation de la molécule et du
rapport entre le taux d’hydroxyéthylation en C2 et C6 (rapport C2/
C6). Ainsi, les molécules à TSM élevé (> 0,62) et à rapport C2/C6
(>  8) ont un métabolisme ralenti et une durée de vie longue. Les
HEA peuvent augmenter le temps de saignement par interaction
avec le facteur VIII Willebrandt. La posologie ainsi recommandée
pour le  Voluven® est de 50 ml/kg/j le 1er jour puis 30 ml/kg/j les
2 jours suivants.
Il est recommandé de surveiller le TS, le TCA, le cofacteur de la
ristocétine et le facteur VIIIc lors de l’usage prolongé d’HEA et pour
une dose cumulée supérieure à 80 ml/kg. Les effets à long terme du
stockage des HEA dans le système réticulo-endothélial et sur les fonc-
tions immunitaires restent à préciser.
• Les dextrans ne sont plus utilisés en France (réactions anaphy-
lactoïdes sévères).

ORIENTATIONS THÉRAPEUTIQUES
ET SOLUTÉS DE REMPLISSAGE

Il n’existe pas à ce jour d’étude valable ayant montré la supério-


rité d’un soluté de remplissage sur les autres. Néanmoins le pouvoir
d’expansion volémique, la durée de vie et les effets secondaires des
solutés vont conditionner leurs indications. Le plasma frais congelé
n’est pas à utiliser comme un produit de remplissage.
L’utilisation de l’albumine n’est justifiée qu’en cas d’hypoprotidémie
profonde, chez le cirrhotique, chez la femme enceinte ou en cas de
contre-indication aux autres solutés.
354 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Selon le contexte :
• hémorragie :
— pertes sanguines < 20 p. 100 masse sanguine = cristalloïdes ;
— pertes sanguines ≥ 20 p. 100 masse sanguine ou PAS < 80 mmHg =
colloïdes ;
— seuil de transfusion de CG selon Hb : ≤ 7 g/dl (sujet sain) et ≤
10 g/dl (coronarien, sujet âgé) ;
— traitement rapide de la cause du saignement (chirurgie hémo-
stase, tamponnement, artério-embolisation) ;
— réchauffement, correction des troubles de l’hémostase (voir
Chapitre 35, Complications postopératoires précoces, section Hémor-
ragie postopératoire) ;
— utilisation de faibles doses de noradrénaline IVSE si néces-
saire ;
• déshydratation :
— cristalloïdes en première intention ;
— colloïdes si état de choc ;
• choc septique :
— cristalloïdes ou colloïdes ;
— vasopresseur : noradrénaline IV à la seringue électrique ;
— traitement antibiotique et chirurgical si besoin ;
• choc anaphylactique :
— adrénaline (bolus 0,1 mg, en titration puis relais IVSE) ;
— cristalloïdes ;
• traumatisé crânien :
— solutés isotoniques (cristalloïdes ou colloïdes) ;
— maintien de la pression artérielle moyenne (PAM) ≥
95 mmHg ;
— utilisation de noradrénaline si nécessaire ;
• brûlés :
— cristalloïdes isotoniques ;
— formule de Parkland, volume (ml/24 h) = 4 × p. 100 surface brûlée
×  poids (kg) ;
— perfuser 50 p. 100 du volume en 8 h, puis 50 p. 100 en 16 h ;
— au-delà de 24 h, utilisation de colloïdes ;
• femme enceinte :
— cristalloïdes ;
— albumine si hypovolémie sévère ;
— hydroxyéthylamidon (Voluven®) ;
• don d’organe :
— cristalloïdes ;
— gélatines ou HEA (uniquement si PM<  200  KD) au-delà de
3 000 ml de remplissage ;
— adrénaline pour maintenir la pression artérielle systolique (PAS)
≥ 100 mmHg.
TRANSFUSION ET REMPLISSAGE PÉRIOPÉRATOIRE 355

MODALITÉS DE REMPLISSAGE ET SURVEILLANCE

Le remplissage vasculaire doit s’effectuer sur une voie péri-


phérique de gros calibre (14 ou 16 G) ou en l’absence de capi-
tal veineux sur un cathéter central de gros calibre (type désilet,
ou voie 14 G sur un cathéter multilumière). Lors de la perfusion
de volumes importants, il est nécessaire d’utiliser un perfuseur/
réchauffeur.
Une épreuve de remplissage se déroule sur 10 min avec 500 ml de
cristalloïdes ou 200 ml de colloïdes. Chez un patient atteint d’une
cardiopathie, cette épreuve peut être simulée par un lever des 2 jambes
à 45° en décubitus dorsal.
La surveillance du remplissage est :
• clinique  : régression des signes de choc (disparition des mar-
brures, reprise diurèse >  1 ml/kg/h, régression d’une tachycardie,
correction de la PAM, amélioration de l’état de conscience) et sur-
veillance de signes de mauvaise tolérance (OAP, réaction anaphy-
lactoïde) ;
• biologique  : baisse du lactate sanguin, amélioration d’une insuf-
fisance rénale, modifications de l’hémostase (bilan systématique au-
delà de 80 ml/kg), surveillance du pH (acidose/cristalloïdes) ;
• monitorage  [privilégier les indices dynamiques (voir Chapitre 10
Monitorage hémodynamique)] :
— correction du Δ de pression pulsée (ΔPP) (< 13  p.  100) sur la
mesure de pression artérielle sanglante. ΔPP = (PPmax– PPmin)/[(PPmax–
PPmin)/2)] ;
— correction du Δ Down < 5 mmHg au bloc ;
— correction de la variabilité Δ Volume éjection systolique sur le
monitorage PICCO (<10 p. 100) ;
— Doppler œsophagien Δ de vélocité aortique maximale ;
— échocardiographie trans-thoracique correction du Δ du diamètre
de la veine cave inférieure (< 12 p. 100), augmentation de la surface
télédiastolique du ventricule gauche (STDVG > 5 cm2/m2), correction
de ΔITVAo ou ΔvpicAo (< 12 p. 100) ;
— cathéter de Swan-Ganz, indication formelle au remplissage
uniquement si PAPO < 5 mmHg ou PVC < 5 mmHg, l’augmentation
de la SVO2 (> 80 p. 100) peut permettre d’évaluer indirectement l’ef-
ficacité du remplissage.

POUR EN SAVOIR PLUS

Recommandations formalisées d’experts de la SFAR. Remplissage vasculaire


périopératoire. www.sfar.org.
356 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

PRODUITS SANGUINS LABILES

A. Godier, S. Susen

DÉFINITIONS
Les produits sanguins labiles (PSL) sont des produits préparés à
partir de dons de sang, qualifiés et transformés par l’Établissement
français du sang (EFS) ou le Centre de transfusion sanguine des
Armées (CTSA), distribués par les sites transfusionnels de l’EFS et du
CTSA ou les dépôts de sang et dont l’administration est soumise à des
règles de compatibilité immunologique.
Ils comprennent les plasmas thérapeutiques, les concentrés de glo-
bules rouges (CGR), les concentrés plaquettaires (CP), les concentrés
de granulocytes, ainsi que le sang total, d’utilisation exceptionnelle.
On distingue les produits autologues, destinés au donneur lui-même,
et aujourd’hui d’utilisation exceptionnelle, des produits homologues,
destinés à une autre personne que le donneur.
La liste et les caractéristiques des produits sanguins labiles pouvant
être distribués ou délivrés à des fins thérapeutiques est fixée par déci-
sion de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
(Afssaps) après avis de l’EFS. L’inscription d’un nouveau produit
sanguin labile se fait à l’issue d’une évaluation menée par l’Afssaps
sur demande de l’EFS, du CTSA, de tout établissement de transfusion
sanguine des États membres de l’Union européenne ou de tout fabri-
cant de dispositifs médicaux concerné.
Les produits sanguins labiles se distinguent des produits sanguins
stables. Ils ne sont pas régis par les mêmes règles puisque les produits
sanguins stables sont considérés comme des médicaments.

ÉTAPES DE LA TRANSFUSION
La transfusion est un acte médical dont la réalisation et la sur-
veillance sont déléguées aux personnels infirmiers. Un médecin doit
être toujours disponible pendant une transfusion. Plusieurs étapes doi-
vent être respectées.
En dehors du contexte de l’urgence, le prescripteur des PSL doit
informer le patient sur le bénéfice et les risques transfusionnels, ainsi
que sur le besoin transfusionnel. Cette information fait l’objet d’une
traçabilité dans le dossier.
TRANSFUSION ET REMPLISSAGE PÉRIOPÉRATOIRE 357

L’ordonnance de prescription des PSL est un acte médical qui


engage la responsabilité du médecin prescripteur. Elle comporte la
signature du prescripteur. Elle doit préciser :
— identification du service et de l’établissement demandeur ;
— nom et signature du médecin prescripteur ;
— état civil du patient  : nom de naissance, nom marital éventuel,
prénoms, date de naissance ;
— date et heure de la prescription ;
— lieu de livraison ;
— date prévue de la transfusion (éviter si possible les transfusions
nocturnes) ;
— degré d’urgence ;
— produits sanguins prescrits : type et qualificatif (en général, les
mêmes pour les CGR et les CP) et leur quantité ;
— motivation de la prescription (obligatoire pour le plasma, recom-
mandée pour les autres PSL). Les éléments permettant la justification
de la prescription doivent être consignés dans le dossier du patient.
La pratique des examens de sérologies prétransfusionnelles chez le
receveur n’est plus obligatoire depuis janvier 2006.
La validité de la recherche d’agglutinines irrégulières (RAI) doit
être vérifiée. Ses règles sont résumées dans le tableau 13-II.
Le contrôle d’identification des patients implique de vérifier la
conformité de l’identité du patient, les données d’identification de la
demande de PSL, ainsi que la carte de groupe.
Le contrôle ultime au lit du patient de la compatibilité (CULT) est
obligatoire ainsi que la traçabilité de la transfusion. Le contrôle pré-
transfusionnel ultime est en effet un élément majeur de la sécurité transfu-
sionnelle. Il permet de prévenir les accidents ABO. Il comprend 2 étapes :
— contrôle de concordance d’identité et de concordance de groupes
sanguins à la fois sur les documents, les PSL et le patient [pour tout
PSL (CGR, CP, PFC)] ;

Tableau 13-II Règles de validité de la RAI

Validité de la RAI
< 72 h entre le prélèvement (heure sur tube) et l’acte transfusionnel
24 h chez le polytransfusé
Dérogation de validité prolongée à 21 jours en cas de RAI négative
et sous certaines conditions : attestation médicale précisant l’absence,
dans les 6 mois précédents, de grossesse, transfusion ou greffe
Nouveau-né : RAI de la mère, sinon de l’enfant, puis, si RAI négative
à la naissance, RAI suivantes non obligatoires
358 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

— réalisation technique de la carte de contrôle prétransfusionnel


ultime (PTU) (pour les CGR), à conserver 2 h minimum, avec les unités
transfusées vides avec tubulures clampées non désolidarisées pour per-
mettre des analyses en cas d’accident transfusionnel immédiat. Le prin-
cipe est de ne jamais apporter à un receveur un antigène qu’il ne possède
pas, afin de prévenir le risque d’accident ABO, d’accident transfusionnel
(RAI+) et d’immunisation (Ag Rh 1, 2, 3, 4, 5 et Ag Kell).
L’urgence, quel que soit son degré, ne dispense pas de ces règles de
sécurité.
En cas de doute sur le contrôle prétransfusionnel, l’IDE en charge
de la transfusion doit pouvoir en référer au médecin. Une transfusion
de CGR non isogroupe compatible (ex. : O pour A, A ou B pour AB),
bien que possible, doit faire évoquer une erreur d’attribution et incite
à une vigilance accrue.
En attendant d’être transfusés, les PSL doivent être conservés à côté
du patient, à température ambiante, dans leur contenant, pendant une
durée inférieure à 6 h.
La surveillance clinique du patient au cours de la transfusion implique
la surveillance régulière des paramètres suivants  : pression artérielle,
fréquence cardiaque, saturation artérielle en oxygène, fréquence respi-
ratoire et température corporelle. Ces données sont mesurées avant le
début de la transfusion, au cours des 10 premières min, puis toutes les
30 min jusqu’à 2 h après la fin de l’administration de PSL.
Un suivi des receveurs doit être assuré. Si le suivi sérologique des
receveurs (VIH et VHC) a été supprimé, la RAI post-transfusionnelle
est maintenue et doit être réalisée 1 à 3 mois après la transfusion.

NIVEAUX D’URGENCE TRANSFUSIONNELLE

L’urgence vitale immédiate correspond aux situations où la trans-


fusion ne peut pas attendre le délai nécessaire à la réalisation de
l’ensemble des examens immuno-hématologiques, et conduit à la déli-
vrance des CGR O sans hémolysine (et éventuellement des PFC de
groupe AB). C’est une situation rare, rencontrée lors d’hémorragies
massives. Elle répond à des modalités précises (tableau 13-III) :
— essayer de savoir par tous les moyens les antécédents de RAI ;
— faire une demande nominative de CGR avec la mention
« urgence vitale » ;
— prélever, si nécessaire, et avant de transfuser le 1er  CGR, les
2 déterminations de groupe et la RAI (la 1re avant d’envoyer chercher
les CGR, la 2nde avant de brancher les CGR) ;
— faire acheminer rapidement les prélèvements au laboratoire et
transfuser sans attendre les résultats ;
— envoyer chercher des CGR.
TRANSFUSION ET REMPLISSAGE PÉRIOPÉRATOIRE 359

Tableau 13-III Délivrance des CGR selon le niveau d’urgence transfusionnelle

Délai
Niveau d’urgence Modalités
de délivrance
Urgence vitale immédiate Aucun Sans connaissance des résultats
IH si ceux-ci ne sont pas
immédiatement disponibles
CGR O sans hémolysine
Urgence vitale < 30 min 2 déterminations groupage
sanguin conformes
Éventuellement sans RAI
Urgence relative 2 à 3 heures Résultats IH* connus
CGR ABO compatibles
* IH : immuno-hématologie.

Le contrôle ultime de compatibilité entre le produit délivré et le


sang du patient reste obligatoire.

TRANSFORMATION DES PSL

• Déleucocytation : depuis le 1er avril 1998 tous les PSL sont déleu-


cocytés systématiquement.
• Irradiation  : pour la prévention de la réaction du greffon contre
l’hôte (GVH) post-transfusionnelle, réaction rare mais mortelle dans
90 p. 100 des cas. La GVH fait l’objet de mesures de prévention dans
les situations suivantes : déficit immunitaire congénital cellulaire, pré-
lèvement et/ou greffe de cellules souches hématopoïétiques autologues,
certaines polychimiothérapies intensives, transfusion intra-utérine et
dons dirigés intrafamiliaux.
• Cryoconservation : phénotypes très rares, poly-immunisation, situa-
tion d’impasse transfusionnelle.
• Déplasmatisation  : en cas d’intolérance aux protéines plasma-
tiques, ou d’antécédents de purpura post-transfusionnel. Cette trans-
formation nécessite un délai supplémentaire pour l’obtention des
produits.

QUALIFICATION DES PSL

• Phénotypé : le groupage est déterminé pour cinq antigènes en plus


des groupes ABO et Rh  1. Les indications des PSL phénotypés sont
les suivantes  : présence d’allo-anticorps érythrocytaires, patiente en
360 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

âge de procréer, transfusions itératives, souhaitable pour tout patient


ayant une espérance de vie raisonnable.
• Compatibilisé : on pratique au laboratoire le test de compatibilité
entre le sérum du receveur et les hématies de la poche à transfuser
lorsque l’on suspecte la présence d’allo-anticorps érythrocytaires.
• CMV-négatif : le donneur est séronégatif pour le cytomégalovirus.
Ces PSL sont utilisés dans les cas de greffes allogéniques lorsque
donneur et receveur sont CMV-négatifs.
Il faut transfuser uniquement les produits nécessaires, définis selon
les recommandations d’utilisation des produits sanguins régulièrement
réactualisées par l’Afssaps.

CONCENTRÉS DE GLOBULES ROUGES

Les concentrés de globules rouges (CGR) résultent du fraction-


nement d’un don de sang total et sont obtenus par centrifugation et
déleucocytation. Le volume est d’environ 250 ml, l’hématocrite de 60
à 80 p. 100.
Ils se conservent à 4 °C jusqu’à 42 jours. La transfusion d’un CGR
élève en moyenne le taux d’hémoglobine de 1 g/l et l’hématocrite de
2 p. 100 en l’absence de perte sanguine concomitante.
L’EFS peut délivrer des CGR :
— cryoconservés  : ils sont conservés sur une longue période ; ce
procédé est utilisé pour les phénotypes rares ;
— phénotypés : ils sont transfusés dans le but de prévenir une allo-
immunisation chez les sujets de sexe féminin, les patients antérieure-
ment immunisés et en cas de transfusions itératives ;
— irradiés ;
— compatibilisés ;
— CMV-négatifs.
Les recommandations de l’Afssaps de 2002 précisent pour la
transfusion de CGR que « la principale indication des CGR dans
le contexte de l’anesthésie est celle d’une hémorragie per- ou post-
opératoire. La valeur seuil du taux d’hémoglobine qui conduit à une
transfusion de CGR doit prendre en compte la vitesse du saignement,
la tolérance clinique du patient et les éventuelles pathologies sous-
jacentes. Après correction de l’hypovolémie, on évalue grossièrement
la nécessité de transfusion lorsqu’on retrouve les valeurs d’hémo-
globines suivantes :
— 7 g/dl chez les patients sans antécédent particulier ;
— 8-9 g/dl chez les patients ayant des antécédents cardiovascu-
laires ;
— 10 g/dl chez les patients ayant un syndrome coronaire aigu ou
une insuffisance cardiaque avérée.
TRANSFUSION ET REMPLISSAGE PÉRIOPÉRATOIRE 361

On parle de transfusion massive en cas de remplacement dans un


délai inférieur à 24  heures d’une perte sanguine équivalente à une
masse sanguine circulante ».

PLASMA FRAIS CONGELÉ

Le plasma frais congelé (PFC) homologue subit une étape de réduc-


tion en agents pathogènes par procédé physico-chimique (solvant
détergent ou bleu de méthylène). Il se conserve 1 an congelé et main-
tenu au-dessous de –25 °C.
Les recommandations d’utilisation du PFC datant de 2002 sont en
cours de réécriture et préciseront que la transfusion de PFC est indi-
quée en cas d’hémorragie associée à une coagulopathie.
• En cas d’hémorragie d’intensité modérée, l’administration de PFC
doit être guidée en priorité par les tests de laboratoire. Le temps de
Quick est potentiellement associé à un saignement anormal lorsque sa
valeur atteint 1,5-1,8  fois la valeur témoin (soit un TP de l’ordre de
40 p. 100). Le volume initial de PFC à prescrire est de 10 à 15 ml ⋅ kg–1.
• En cas d’hémorragie massive, la coagulopathie étant d’installa-
tion précoce, la transfusion de PFC débute au plus vite, idéalement
en même temps que celle des CGR. Les PFC sont transfusés en asso-
ciation avec les concentrés érythrocytaires avec un ratio PFC  : CGR
compris entre 1  : 2 et 1  : 1, en utilisant le protocole de transfusion
massive du service.
• Le PFC ne doit pas être utilisé comme soluté de remplissage.
• L’administration prophylactique de PFC avant la survenue du sai-
gnement chez un patient ayant des concentrations normales ou modéré-
ment altérées de facteurs n’est pas indiquée.

CONCENTRÉS PLAQUETTAIRES

Deux types de concentrés plaquettaires (CP) sont autorisés en


France selon la façon dont ils sont prélevés et isolés à partir du don-
neur  : le CP d’aphérèse déleucocyté, et le mélange de CP standard
déleucocyté. Les CP se conservent sous agitation douce et continue
à température régulée entre 20 et 24 °C, pour une durée maximale
de 5 jours. Après réception par les services de soins, ils peuvent être
gardés à température ambiante pour une durée maximale de 6 heures.
Néanmoins, les CP doivent être transfusés au plus tôt.
Les seuils de numération plaquettaire justifiant la transfusion dans un
contexte périopératoire ne sont pas clairement définis. On retiendra :
— 50 g ⋅ l–1 pour un acte chirurgical, puisqu’en dessous il est consi-
déré qu’il existe un risque hémorragique ;
362 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

— 100 g ⋅ l–1 pour la neurochirurgie et la chirurgie ophtalmologique


du segment postérieur de l’œil ;
— 80 g ⋅ l–1 pour la péridurale, en tenant compte des autres facteurs
de risque hémorragique.
La posologie minimale préconisée chez l’adulte, en première inten-
tion, est de 0,5 à 0,7 ⋅ 1011 plaquettes pour 7 kg de poids. La prescrip-
tion ne doit plus se faire en unité plaquettaire.
Le poids du malade et la numération plaquettaire doivent figurer
réglementairement sur l’ordonnance. Ils permettent de choisir au
mieux un CP apportant une quantité suffisante de plaquettes. Il est
recommandé de transfuser des CP  ABO compatibles et Rh  1 (Rh D)
isogroupes. Une prévention de l’allo-immunisation anti-D par injec-
tion de gammaglobulines anti-D peut être nécessaire dans certains cas.

HÉMOVIGILANCE

A. Godier, S. Susen

DÉFINITION

L’hémovigilance correspond à l’ensemble des procédures de sur-


veillance organisées relatives aux incidents et réactions indésirables
graves ou imprévus survenant chez les donneurs ou les receveurs,
ainsi qu’au suivi épidémiologique des donneurs.
Elle est un élément de la sécurité transfusionnelle. Elle implique
pour toute unité de produit sanguin labile :
— le recueil, la conservation et l’accessibilité des informations
relatives à son prélèvement, à sa préparation, à son utilisation ainsi
qu’aux effets mentionnés ci-dessous ;
— l’évaluation et l’exploitation de ces informations en vue de pré-
venir la survenance de tout effet inattendu ou indésirable résultant de
l’utilisation thérapeutique des produits sanguins labiles ;
— le signalement de tout effet inattendu ou indésirable lié ou sus-
ceptible d’être lié à l’usage thérapeutique de ce produit.
L’hémovigilance est placée sous la responsabilité de l’Agence fran-
çaise de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), auprès de
laquelle siège la Commission nationale d’hémovigilance qui propose
la réalisation d’enquêtes et formule des avis. Les correspondants
TRANSFUSION ET REMPLISSAGE PÉRIOPÉRATOIRE 363

régionaux et locaux d’hémovigilance permettent le recueil, l’analyse


et la remontée des informations en la matière auprès de l’Afssaps.

ACCIDENT TRANSFUSIONNEL

Tout médecin (mais aussi pharmacien, sage-femme ou infirmier) qui a


connaissance de l’administration d’un produit sanguin labile à un de ses
patients et qui constate un effet inattendu ou indésirable dû, ou susceptible
d’être dû à ce produit, doit le signaler sans délai au correspondant d’hémo-
vigilance de l’établissement dans lequel a été administré le produit.
Le correspondant d’hémovigilance procède aux investigations et
examens appropriés, informe le correspondant de l’établissement de
transfusion sanguine distributeur et rédige, en concertation avec lui,
une fiche d’incident transfusionnel dont copie est versée au dossier
médical du patient.
Les accidents transfusionnels sont de différentes origines. Ils sont
résumés dans le tableau 13-IV.

Tableau 13-IV Risques transfusionnels

Risques infectieux Virales (VIH, VHB, VHC, HTLV I/II, CMV,


parvovirus B19, EBV, West Nile virus)
Bactériens, syphilis
Parasitaires (paludisme, trypanosomiase)
Agents transmissibles non conventionnels
(vMCJ)
Risques immunologiques Incompatibilité érythrocytaire
Erreur ABO
Donneur O « dangereux »
Allo-anticorps immun
Allo-anticorps naturel
Incompatibilité leuco-plaquettaire
Purpura post-transfusionnel
Allergie/anaphylaxie
Réaction du greffon contre l’hôte (GVH)
Transfusion related acute lung injury (TRALI)
Immunomodulation
Complications de surcharge Transfusion associated cardiac overload
(TACO)
Hémochromatose
364 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Avec l’amélioration de la prévention des accidents hémolytiques


(dont ABO) et des accidents bactériémiques, les complications de
type œdème pulmonaire lésionnel (TRALI) ou de surcharge (TACO)
sont aujourd’hui identifiées comme des accidents majeurs respon-
sables de morbi-mortalité, dont la physiologie et la prise en charge
peuvent être améliorées par l’analyse des cas rapportés par l’hémo-
vigilance.
Parmi les risques transfusionnels, une attention particulière est
réservée au TRALI (syndrome respiratoire aigu post-transfusionnel) :
il constitue une complication rare mais gravissime de la transfusion
de PSL. Le TRALI est un œdème pulmonaire lésionnel qui survient
habituellement dans un délai de 1 à 2  heures après le début de la
transfusion. Il s’agit d’un syndrome de détresse respiratoire d’origine
immunologique probable, qui peut associer un œdème pulmonaire
bilatéral sévère, une hypoxémie majeure, une tachycardie, une cya-
nose, une hypotension et une fièvre.
Le Transfusion Associated Cardiac Overload (TACO), ou œdème
pulmonaire de surcharge, représente une autre complication pulmo-
naire de la transfusion. Le TACO est lié probablement à la fois à
l’effet de la surcharge en volume constitué par les produits sanguins
labiles et aux modifications rhéologiques induites par les concentrés
de globules rouges. Il apparaît dans les mêmes délais que le TRALI et
est parfois difficile à distinguer de celui-ci.

CONDUITE À TENIR DEVANT UNE SUSPICION


D’INCIDENT TRANSFUSIONNEL

• Arrêter la transfusion sans débrancher le PSL.


• Examiner le patient et faire une hypothèse diagnostique.
• Si la décision est prise de ne pas poursuivre la transfusion : préve-
nir l’EFS rapidement si suspicion de contamination infectieuse.
• Adresser rapidement au site transfusionnel :
— les prélèvements pour contrôle RAI, Coombs direct, compati-
bilité, recherche anticorps anti-HLA ;
— la poche du PSL en question ;
— les poches précédemment transfusées ;
— la feuille de déclaration d’incident transfusionnel ;
— le dossier transfusionnel dans la totalité ;
• Poursuivre la prise en charge du patient en fonction du type d’in-
cident.
Si un incident est suspecté même après la fin de la transfusion
(TRALI, accident allergique), la même conduite à tenir sera appli-
quée.
TRANSFUSION ET REMPLISSAGE PÉRIOPÉRATOIRE 365

SUIVI À DISTANCE APRÈS UNE TRANSFUSION

Une documentation doit être remise au patient dans laquelle on


certifie l’administration de PSL effectuée, les éventuelles réactions
aiguës survenues lors de la transfusion.
Selon la circulaire du 11 janvier 2006, il n’y a plus obligation d’ef-
fectuer les contrôles pré- et post-transfusionnels : recherche des anti-
corps VIH, VHC et des ALAT.
Il est proposé au patient un examen de contrôle 1 à 3  mois après
la transfusion pour rechercher l’apparition éventuelle d’anticorps anti-
globules rouges : la recherche d’agglutinines irrégulières (RAI).

TRANSFUSION MASSIVE

F. Bonnet

La transfusion massive correspond à une situation critique au bloc


opératoire ou dans le contexte périopératoire.

DÉFINITION

La transfusion massive se définit comme la transfusion d’au


moins une masse sanguine ou de 10  unités de CGR en moins de
24  h.  D’autres définitions ont été proposées, telles  : une demi-masse
sanguine en moins de 3  h ou un débit de transfusion supérieur à
150 ml/min. Deux éléments sont importants à prendre en considéra-
tion : le temps sur lequel se déroule la transfusion et l’environnement
(ex. : hémorragie massive) (tableau 13-V).
En condition d’isovolémie, pour obtenir un hématocrite à 27 p. 100,
une masse sanguine correspond à 6 CGR pour un sujet de 75 kg
(4 CGR pour un sujet de 50 kg). Au cours de la transfusion sanguine,
il est nécessaire d’assurer 3 priorités :
— le maintien de la volémie ;
— le maintien de la capacité oxyphorique ;
— des qualités hémostatiques du sang.
366 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Tableau 13-V Stratégie de compensation en cas d’hémorragie massive

Cristalloïdes ++++ +++ ++ ++ +


Colloïdes ++ ++ +
CGR Hte 21-24 p. 100
+++ ++++ ++++ ++++

PFC↑ TP/TCA > 1,5 Nale

++ +++ ++++ ++++

Fibrinogène Fg = 1 g/l
+++ +++
Plaquettes Pl < 50 g/l
+++ +++

0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5


Volume de sang remplacé (en unité de masse sanguine)

COMPLICATIONS DE LA TRANSFUSION MASSIVE

Ces complications découlent en partie des caractéristiques des pro-


duits transfusés. Les CGR sont conservés à 4 °C, ils ont perdu les
propriétés hémostatiques du sang car ils sont dépourvus de facteurs
de coagulation et de plaquettes et ils sont conservés dans une solution
anticoagulante, les hématies ont subi des altérations biochimiques et
morphologiques. La transfusion massive peut donc, en plus des com-
plications liées à la transfusion (transmission d’agents infectieux bac-
tériens ou viraux, accidents d’incompatibilité ABO, œdème pulmonaire
lésionnel) provoquer des complications spécifiques liées à la qualité des
produits transfusés : hypothermie, désordres de l’hémostase mais aussi
aux conditions de la transfusion : œdème pulmonaire, insuffisance car-
diaque, troubles du rythme ventriculaires, ischémie myocardique.
Les désordres de l’hémostase sont aggravés par l’hypothermie
(dépression des réactions enzymatiques de coagulation et des fonc-
tions plaquettaires), une coagulopathie de dilution et de l’état de choc
qui peut être associé à la transfusion (facteur initiateur d’une coagu-
lopathie de consommation). La perte d’une masse sanguine réduit à
40 p. 100 le taux des facteurs de coagulation. Pour 1,5 masse sanguine
le taux est réduit à 20  p.  100 ; en effet le volume plasmatique qui
représente 60 p. 100 du volume sanguin est réduit à 12,5 p. 100 après
TRANSFUSION ET REMPLISSAGE PÉRIOPÉRATOIRE 367

la perte de 1,5 masse sanguine compensée par des CGR. Un taux de


fibrinogène de 1 g/l correspond à la perte de presque 1,5  masse san-
guine. Dans les mêmes circonstances, le taux de plaquettes chute à
moins de 40 g/l bien que l’amplitude de décroissance des plaquettes
soit relativement imprévisible et variable.
Les PSL sont conservés dans des solutions citratées (CGR CPDA-1 :
1,5  mmol/u ; CGR SAG-Man 0,2  mmol/u ; PFC  : 21  mmol ⋅ l). Le
métabolisme des citrates peut être altéré par l’hypothermie, l’acidose,
un bas débit hépatique avec comme conséquence : hypocalcémie (chute
du calcium ionisé par liaison au citrate), hypomagnésémie, acidémie ou
alcalose métabolique (par métabolisation du citrate), hyperkaliémie (par
libération de potassium stocké dans les hématies), hyperosomolarité.
La nécessité d’une transfusion massive est dans un contexte donné
(par exemple la traumatologie) un facteur de mauvais pronostic.

MODALITÉS DE RÉCHAUFFEMENT DU SANG TRANSFUSÉ

Le réchauffement du sang transfusé est une nécessité absolue dans


le cadre de la transfusion massive. Il existe plusieurs types de dis-
positifs dits « à chaleur sèche » (FenwalTM), à chaleur humide et à
contre-courant (Level  1TM). Seuls ces derniers assurent le maintien
d’une température de l’infusat supérieur à 32 °C lorsque le débit de
perfusion dépasse 200 ml/min.

CORRECTION DES DÉSORDRES DE L’HÉMOSTASE


ASSOCIÉS À LA TRANSFUSION

La première mesure est la correction et la prévention de l’hypo-


thermie (voir ci-dessus) non seulement en réchauffant l’ensemble des
solutés perfusés mais aussi directement le patient.
L’administration de plasma frais congelé (PFC) et (CP) doit débu-
ter rapidement, presque en même temps que les CGR. Le ratio PFC/
CGR est compris entre 1/2 et 1/1 ⋅ 10 à 15 ml/kg de PFC augmente les
facteurs de coagulation à 30 p. 100 de la valeur normale. Le taux de
fibrinogène augmente de 1 g pour 100 ml de PFC transfusé.
La transfusion de CP est fonction de la numération : le seuil de trans-
fusion est de l’ordre de 50 g/l pour un acte chirurgical, porté à 100 g/l en
cas de traumatisme crânien, neurochirurgie, chirurgie du segment posté-
rieur de l’œil. La posologie est de 0,5 à 0,7 ⋅ 1011 plaquettes/7 kg de poids.
L’utilisation de facteur VII activé recombinant (Novoseven® 40 mcg/kg)
a été proposée pour limiter le saignement au cours des transfusions mas-
sives. Son efficacité est limitée lorsqu’il existe une acidose.
Chapitre 14

Antibioprophylaxie
en milieu chirurgical
S. El Metaoua, C. Blayau

POURQUOI ?

L’objectif de l’antibioprophylaxie est de s’opposer à la prolifération


bactérienne afin de diminuer le risque d’infection du site de l’inter-
vention. L’infection est un risque pour toute intervention en raison des
éléments suivants :
— rupture de la barrière physique cutanée ;
— intervention sur des sites non stériles ;
— mise en place de matériel étranger ;
— plaie opératoire : milieu favorable pour les bactéries (hématome,
ischémie…) ;
— induction par l’intervention d’anomalies des défenses immunitaires.

POUR QUI ?

La stratégie préventive d’antibioprophylaxie s’applique à certaines


interventions « propres » ou « propres-contaminées ». Les interven-
tions « contaminées » et « sales » relèvent d’une antibiothérapie cura-
tive (tableau 14-I).

COMMENT ?

La décision d’antibioprophylaxie doit se faire dès la consultation d’anes-


thésie. La stratégie d’antibioprophylaxie suit un certain nombre de règles :
• ABP à l’induction anesthésique : 1 h à 1 h 30 avant l’incision : pic
de concentration.
ANTIBIOPROPHYLAXIE EN MILIEU CHIRURGICAL 369

Tableau 14-I Classification d’Altemeir

Taux d’infection
Classe Types d’intervention
ATB– ATB+
Classe 1 Incision initialement fermée, 1-5 p. 100 < 1 p. 100
Chirurgie propre sans rupture d’asepsie, sans
ouverture de site contaminé
Classe 2 Ouverture d’un site contaminé 5-15 p. 100 < 7 p. 100
Chirurgie propre (hors urine ou bile
contaminée infectées), rupture minime
d’asepsie
Classe 3 Plaie traumatique – –
Chirurgie récente, contamination
contaminée par le contenu digestif,
rupture majeure d’asepsie,
urine ou bile infectées,
inflammation sans pus
Classe 4 Plaie traumatique souillée, – –
Chirurgie sale présence de tissus
dévitalisés, perforation
de viscère digestif,
inflammation avec pus

• Administration intraveineuse : biodisponibilité maximale.


• La première dose est double de la dose usuelle, avec une réadmi-
nistration toutes les 2 demi-vies, à une dose similaire, ou à la moitié
de la dose initiale.
• Durée brève :
— période opératoire, le plus souvent ;
— 24 h, parfois ;
— 48 h, de façon exceptionnelle.
• L’ABP doit cibler la ou les bactéries reconnue(s) comme le plus
fréquemment en cause des infections postopératoires respectives selon
le type de la chirurgie et le terrain.
En effet, on distingue deux types d’antibioprophylaxie :
• une antibioprophylaxie de première intention : concerne les malades
communautaires ;
• une antibioprophylaxie de deuxième intention : concerne les sujets
potentiellement colonisés par une flore bactérienne nosocomiale.
Il s’agit des :
— malades hospitalisés dans des unités à haut risque d’acquisition
de ce type de flore  : unités de réanimation, centres de long séjour
ou de rééducation… Le risque existe alors d’une colonisation par des
370 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

entérobactéries multirésistantes, ou par le SDMR (staphylocoque doré


méticilline résistant) ;
— malades soumis à une réintervention précoce pour une cause
non infectieuse ;
— malades hospitalisés depuis plus de 5 jours avant l’acte opératoire ;
— malades ayant reçu une antibiothérapie antérieure ≥ 7 jours (3 der-
niers mois).

CHIRURGIE VISCÉRALE

Antibioprophylaxie de 1re intention (tableau 14-II)

La chirurgie du tube digestif et des annexes correspond soit à une


chirurgie propre (classe I d’Altemeier) en l’absence d’ouverture du tube
digestif, soit à une chirurgie propre contaminée (classe II d’Altemeier)
lorsque le tube digestif est ouvert.
Bactéries cibles : E. coli, S. aureus, bactéries anaérobies.
NB : Le rôle pathogène de l’Enterococcus est discuté pour la chirur-
gie avec ouverture du tube digestive.

Antibioprophylaxie de 2e intention

Sujets potentiellement colonisés par une flore bactérienne nosoco-


miale.
Il faut couvrir les entérobactéries hospitalières :
— pipéracilline + tazobactam (Tazocilline®) 4 g en 30  min puis
4 g/4 h (période opératoire) ;
— et les germes éventuellement documentés ± autre antibiotique.
Si allergie aux bêtalactamines : ciprofloxacine (Ciflox®) 400 mg +
imidazolé (Flagyl®) 1 g (période opératoire).

CHIRURGIE TRAUMATOLOGIQUE ET ORTHOPÉDIQUE

Antibioprophylaxie de 1re intention (tableau 14-III)

Bactéries cibles : S. aureus, S. epidermidis, Propionibacterium, strepto-


coques, E. coli, K. pneumoniae, anaérobies telluriques.

Antibioprophylaxie de 2e intention

Sujets colonisés par une flore bactérienne nosocomiale.


Tableau 14-II Antibioprophylaxie de 1re intention en chirurgie viscérale

Produit
Acte chirurgical Posologie Si allergie Durée
de référence
Hernie avec ou sans mise en place d’une plaque prothétique Pas d’ATBP
Chirurgie vésiculaire sous laparoscopie, sans facteur de risque
Mise à plat d’un abcès sans cellulite
Excision de sinus pilonidal
Chirurgie colorectale ou appendiculaire (appendice normale) Cefoxitine 2 g à l’induction Gentamicine Période
Chirurgie de l’intestin grêle (y compris anastomose bilio- (Mefoxin®) puis 1 g/2 h (Gentalline®) opératoire
digestive) 5 mg/kg
Plaies de l’abdomen +
Prolapsus Imidazolé
(Flagyl®) 1 g
Chirurgie proctologique Imidazolé 1 g à l’induction Période
(Flagyl®) opératoire
Toute autre chirurgie digestive (chirurgie œsophagienne, Céfazoline 2 g à l’induction Clindamycine Période
gastroduodénale, pancréatique, hépatique, chirurgie des (Céfacidal®) puis 1 g/4 h (Dalacine®) opératoire
voies biliaires, cure d’éventration) 600 mg à
l’induction puis
600 mg/4 h
+
ANTIBIOPROPHYLAXIE EN MILIEU CHIRURGICAL

Gentamicine
(Gentalline®)
5 mg/kg
371
372

Tableau 14-III Antibioprophylaxie de 1re intention en chirurgie traumatologique et orthopédique

Produit
Acte chirurgical Posologie Si allergie Durée
de référence
Prothèse articulaire Céfamandole 1,5 g à l’induction Vancomycine Période
(Kéfandol®) puis (Vancocine®) 1 g opératoire
750 mg/2 h en 1 h à l’induction (24 h max)
+ Gentamicine
(Gentalline®) 5 mg/kg
TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Mise en place d’un matériel quelle que soit Céfazoline 2 g à l’induction Vancomycine Période
la technique (percutanée ou vidéo-scopie) (Céfacidal®) puis 1 g/4 h (Vancocine®) 1 g opératoire
Chirurgie articulaire par arthrotomie en 1 h à l’induction
Greffe osseuse + Gentamicine
(Gentalline®) 5 mg/kg
Ligamentoplastie
Chirurgie du rachis Céfazoline 2 g à l’induction Vancomycine Période
(Céfacidal®) puis 1 g/4 h (Vancocine®) 1 g opératoire
en 1 h à l’induction
+ Gentamicine
(Gentalline®) 5 mg/kg
Tableau 14-III (suite)

Produit
Acte chirurgical Posologie Si allergie Durée
de référence
Fracture fermée nécessitant une ostéosynthèse Céfamandole 1,5 g à l’induction Clindamycine (Dalacine®) Période
Fracture ouverte de stade I de Cauchoix (Kéfandol®) puis 600 mg à l’induction opératoire
750 mg/2 h puis 600 mg/4 h (24 h max)
Plaie articulaire
Plaie des parties molles non contuses, non souillées
Fracture ouverte de stade II ou III de Cauchoix Amox-clav 2 g à l’induction Clindamycine (Dalacine®) 48 h
Large plaie des parties molles contuse et souillée (Augmentin®) puis 1 g/2 h 600 mg à l’induction
puis 600 mg/4 h
+ Gentamicine
(Gentalline®) 5 mg/kg
en 30 min
Arthroplastie et autre intervention orthopédique Pas d’ATBP
ANTIBIOPROPHYLAXIE EN MILIEU CHIRURGICAL
373
374 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Il faut couvrir le staphylocoque doré résistant à la méticilline :


— vancomycine (Vancocine®) 1 g en 1 h (période opératoire) ;
— et les germes documentés.

CHIRURGIE ORL, STOMATOLOGIE ET CERVICO-FACIALE

Dans la chirurgie cervico-faciale avec ouverture bucco-pharyngée


(essentiellement la chirurgie néoplasique), le risque infectieux est élevé
(30 p. 100 au minimum). La durée de l’ATBP ne doit pas être supérieure
à 24 h. Au-delà de ce délai, il s’agit d’une antibiothérapie curative.

Antibioprophylaxie de 1re intention (tableau 14-IV)

Bactérie cibles  : Streptococcus, bactéries anaérobies, S.  aureus,


K. pneumoniae, E. coli.

Antibioprophylaxie de 2e intention

Sujets potentiellement colonisés par une flore bactérienne nosocomiale.


Il faut couvrir les entérobactéries hospitalières :
— pipéracilline + tazobactam (Tazocilline®) 4 g en 30 min puis
4 g/4 h (période opératoire) ;
— et les germes éventuellement documentés.
Si allergie aux bêtalactamines  : ciprofloxacine (Ciflox®) 400 mg +
imidazolé (Flagyl®)  g (période opératoire).

CHIRURGIE UROLOGIQUE

Antibioprophylaxie de 1re intention (tableau 14-V)

Bactéries cibles : entérobactéries (E. coli, Klebsiella, Proteus mira-


bilis…), Enterococcus, staphylocoques surtout S. epidermidis.

Antibioprophylaxie de 2e intention

Sujets potentiellement colonisés par une flore bactérienne nosocomiale.


Il faut couvrir les entérobactéries hospitalières :
— pipéracilline + tazobactam (Tazocilline®) 4 g en 30  min puis
4 g/4 h (période opératoire) ;
— et les germes éventuellement documentés.
Tableau 14-IV Antibioprophylaxie de 1re intention en chirurgie ORL, stomatologie et cervico-faciale

Produit
Acte chirurgical Posologie Si allergie Durée
de référence
Chirurgie rhinologique avec mise en place Céfazoline 2 g à l’induction Clindamycine (Dalacine®) Période opératoire
d’un greffon (Céfacidal®) puis 1 g/4 h 600 mg à l’induction
puis 600 mg/4 h
+ Gentamicine
(Gentalline®) 5 mg/kg
en 30 min
Chirurgie naso-sinusienne avec méchage Amox-clav 2 g à l’induction Clindamycine (Dalacine®) 24 h
Implants cochléaires (Augmentin®) puis 1 g/2 h 600 mg à l’induction
puis 600 mg/4 h
Chirurgie maxillo-faciale avec ouverture bucco-
pharyngée + Gentamicine
(Gentalline®) 5 mg/kg
Chirurgie cervico-faciale avec ouverture bucco- en 30 min
pharyngée
Chirurgie alvéolaire Prévention
Extraction dentaire en milieu non septique de l’endocardite

Chirurgie alvéolaire et vélo-palatine Pas d’ATBP


Chirurgie des glandes salivaires
Cervicotomie
Cure ganglionnaire
ANTIBIOPROPHYLAXIE EN MILIEU CHIRURGICAL

Chirurgie de l’étrier et de l’oreille moyenne


Amygdalectomie
375
Tableau 14-V Antibioprophylaxie de 1re intention en chirurgie urologique 376

Produit
Acte chirurgical Posologie Si allergie Durée
de référence
Résection endoscopique de la prostate et des Céfamandole 1,5 g à l’induction Gentamicine (Gentalline®) Période opératoire
tumeurs vésicales (Kéfandol®) puis 750 mg/2 h 5 mg/kg en 30 min
Traitement endoscopique des lithiases rénales et
urétérales (montée de sonde JJ ou urétérale,
néphrolithomie percutanée, urétéroscopie)
Cystectomie Céfoxitine 2 g à l’induction Gentamicine (Gentalline®) Période opératoire
Uréthroplastie, uréthrotomie (Mefoxin®) puis 1 g/2 h 5 mg/kg en 30 min
+ Imidazolé (Flagyl®) 1 g
Sphincter artificiel
TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Cure de prolapsus
Chirurgie scrotale ou de la verge Pas d’ATBP
Cystoscopie, fibroscopie urétérale
Lithotripsie
Néphrectomie et prostatectomie radicale
Surrénalectomie

Prothèse pénienne ou testiculaire Céfazoline 2 g à l’induction Vancomycine (Vancocine®) Période opératoire


(Céfacidal®) puis 1 g/4 h 15 mg/kg sur 1 h
Biopsie de la prostate Ofloxacine 400 mg 1 h avant Ceftriaxone 1 g Période opératoire
per os la biopsie
ANTIBIOPROPHYLAXIE EN MILIEU CHIRURGICAL 377

Si allergie aux bêtalactamines  : ciprofloxacine (Ciflox®) 400 mg


(période opératoire).

CHIRURGIE THORACIQUE ET VASCULAIRE

Antibioprophylaxie de 1re intention (tableau 14-VI)

Bactéries cibles (chirurgie vasculaire)  : S.  aureus, S.  epidermidis,


bacilles à Gram négatif.
Bactéries cibles (chirurgie thoracique)  : S.  aureus, Streptococcus
pneumoniae, H. influenzae, bacilles à Gram négatif.

Antibioprophylaxie de 2e intention

Sujets potentiellement colonisés par une flore bactérienne nosoco-


miale.
Il faut couvrir le staphylocoque doré résistant à la méticilline :
— vancomycine (Vancocine®) 15 mg/kg sur 1 h (dose unique) ;
— et les germes documentés.

CHIRURGIE GYNÉCO-OBSTÉTRICALE

Antibioprophylaxie de 1re intention (tableau 14-VII)

Bactéries cibles : S. aureus et flore digestive en cas d’incision cuta-


née, et/ou flore vaginale (flore polymicrobienne, aérobies et anaéro-
bies) en cas d’incision de l’utérus ou du vagin.

Antibioprophylaxie de 2e intention

Sujets potentiellement colonisés par une flore bactérienne nosoco-


miale.
Il faut couvrir les entérobactéries hospitalières :
— pipéracilline + tazobactam (Tazocilline®) 4 g en 30  min puis
4 g/4 h (période opératoire) ;
— et les germes éventuellement documentés ± autre antibiotique.
Si allergie aux bêtalactamines  : ciprofloxacine (Ciflox®) 400 mg +
imidazolé (Flagyl®) 1 g (période opératoire).
Tableau 14-VI Antibioprophylaxie de 1re intention en chirurgie thoracique et vasculaire 378
Produit
Acte chirurgical Posologie Si allergie Durée
de référence
®
Chirurgie de l’aorte Céfamandole 1,5 g à l’induction Vancomycine (Vancocine ) Période opératoire
Chirurgie artérielle des MI (Kéfandol®) puis 750 mg/2 h 15 mg/kg sur 1 h
Chirurgie carotidienne
avec angioplastie prothétique
et des gros vaisseaux
Dilatation avec ou sans stent
Chirurgie veineuse Pas d’ATBP
Chirurgie carotidienne sans prothèse
Amputation de membre Amox-clav 2 g à l’induction Clindamycine (Dalacine®) 48 h
(Augmentin®) puis 1 g/4 h 600 mg/6 h
TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

+ Gentamicine (Gentalline®)
5 mg/kg en 30 min
Exérèse pulmonaire (y compris Céfamandole 1,5 g à l’induction Clindamycine (Dalacine®) Période opératoire
la chirurgie vidéo-assistée) (Kéfandol®) puis 750 mg/2 h 600 mg/6 h
ou ou 2 g à l’induction + Gentamicine (Gentalline®)
Amox-clav puis 1 g/2 h 5 mg/kg en 30 min
(Augmentin®)
Chirurgie du médiastin Céfamandole 1,5 g à l’induction Clindamycine (Dalacine®) Période opératoire
Plaie thoracique (Kéfandol®) puis 750 mg/2 h 600 mg/6 h
Chirurgie du pneumothorax + Gentamicine (Gentalline®)
Décortication (patient non infecté) 5 mg/kg en 30 min
Médiastinoscopie, trachéotomie Pas d’ATBP
Drainage thoracique
Fistule artério-veineuse Vancomycine 1 g en 1 h Période opératoire
(Vancocine®) à l’induction
Tableau 14-VII Antibioprophylaxie de 1re intention en chirurgie gynéco-obstétricale

Acte chirurgical Produit Posologie Si allergie Durée


Hystérectomie et autres interventions Céfazoline 2 g à l’induction Clindamycine (Dalacine®) Période opératoire
par voie vaginale (Céfacidal®) puis 1 g/4 h 600 mg
Hystérectomie par voie abdominale + Gentamicine (Gentalline®)
Cœliochirurgie 5 mg/kg en 30 min

Césarienne Céfazoline 2 g après clampage Clindamycine (Dalacine®) Période opératoire


(Céfacidal®) du cordon 600 mg
ombilical
IVG Pas d’ATBP

Tumeur du sein : Patey Céfazoline 2 g à l’induction Clindamycine (Dalacine®) Période opératoire


Pose de gaines vectrices (Céfacidal®) puis 1 g/4 h 600 mg puis 600 mg/4 h
pour curithérapie + Gentamicine (Gentalline®)
Reconstruction mammaire 5 mg/kg en 30 min
Chirurgie plastique du sein
Fécondation in vitro Pas d’ATBP
Tumorectomie simple
Gynécomastie
Cœlioscopie exploratrice
Dispositif intra-utérin
ANTIBIOPROPHYLAXIE EN MILIEU CHIRURGICAL

Hystéroscopie
379
380 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

NEUROCHIRURGIE

Antibioprophylaxie de 1re intention (tableau 14-VIII)

Bactéries cibles  : staphylocoques (S. aureus et S. epidermidis, sur-


tout après pose de dérivation ou craniotomies), bactéries anaérobies de
la flore tellurique (surtout après plaie cranio-cérébrale).

Antibioprophylaxie de 2e intention

Sujets potentiellement colonisés par une flore bactérienne nosoco-


miale.
Il faut couvrir le staphylocoque doré résistant à la méticilline :
— vancomycine (Vancocine®) 1 g en 1 h (dose unique) ;
— et les germes documentés.

ANTIBIOPROPHYLAXIE EN CHIRURGIE
OPHTALMOLOGIQUE

Antibioprophylaxie de 1re intention (tableau 14-IX)

Bactéries cibles : staphylocoques (dont S. epidermidis), Haemophilus


influenzae, streptocoque, entérobactéries.
Pour les chirurgies à globe ouvert, une antibioprophylaxie est
recommandée en présence des facteurs de risques suivants :
— pour tous patients  : diabète, implantation d’un dispositif autre
que celui de la cataracte ;
— pour la chirurgie de la cataracte : extraction intracapsulaire, implan-
tation secondaire ;
— cas particulier : antécédant d’endophtalmie, patient monophtalme.
NB : L’antibioprophylaxie locale par quinolone n’a pas été validée.
Tableau 14-VIII Antibioprophylaxie de 1re intention en neurochirurgie

Acte chirurgical Produit Posologie Si allergie Durée


®
Dérivation interne du LCR Oxacilline 2 g à l’induction Vancomycine (Vancocine ) Période opératoire
ou cloxacilline puis 1 g/4 h 15 mg/kg sur 1 h
Dérivation externe du LCR Pas d’ATBP
Fracture de la base du crâne avec
rhinorrhée
Craniotomie
Neurochirurgie par voies trans- Céfazoline 2 g à l’induction Vancomycine (Vancocine®) Période opératoire
sphénoïdale et trans-labyrinthique (Céfacidal®) puis 1 g/4 h 15 mg/kg sur 1 h
Chirurgie du rachis :
– sans mise en place de matériel Pas d’ATBP Période opératoire

– avec mise en place de matériel Céfazoline 2 g à l’induction Vancomycine (Vancocine®)


(Céfacidal®) puis 1 g/4 h 15 mg/kg sur 1 h
Plaies cranio-cérébrales Péni A + IB 2 g préop. puis 1 g/6 h Vancomycine (Vancocine®) 48 h
(Augmentin®) 15 mg/kg sur 1 h
ANTIBIOPROPHYLAXIE EN MILIEU CHIRURGICAL
381
382

Tableau 14-IX Antibioprophylaxie de 1re intention en chirurgie ophtalmologique

Acte chirurgical Produit Posologie Si allergie Durée


Chirurgie à globe ouvert avec facteur Lévofloxacine 500 mg Période opératoire
de risque (voir ci-dessus) per os
Cataracte
Ponction de la chambre antérieure Pas d’ATBP
TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Ponction de liquide sous-rétinien


Chirurgie à globe fermé
Plaies oculaires Lévofloxacine 500 mg 500 mg IV à J1
+ 500 mg PO à J2
Plaies des voies lactymales Péni A + IB 2 g à l’induction Période opératoire
(Augmentin®) puis 1 g/2 h
Chapitre 15

Thromboprophylaxie
veineuse
B. Gafsou, E. Marret

Le risque de la maladie thromboembolique veineuse (MTEV) péri-


opératoire s’évalue à partir de deux critères :
— le risque lié au patient (tableau 15-I) ;
— le risque lié à l’acte chirurgical ou au statut médical du patient
(tableau 15-II).

Tableau 15-I Facteurs de risque liés au patient

Immobilité, alitement, paralysie des membres


Cancer et traitement du cancer (hormonal, chimiothérapie, ou radiothérapie)
Antécédents d’événement thromboembolique veineux
Âge > 40 ans
Contraception orale contenant des œstrogènes ou hormonothérapie substitutive
Traitements modulateurs des récepteurs aux œstrogènes
Pathologie médicale aiguë
Insuffisance cardiaque, insuffisance respiratoire
Maladies inflammatoires de l’intestin
Syndrome néphrotique
Syndrome myéloprolifératif
Hémoglobinurie paroxystique nocturne
Obésité (IMC* > 30)
Tabagisme
Varices
Cathéter veineux central
Thrombophilie congénitale ou acquise
* IMC : indice de masse corporelle.
384 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Tableau  15-II Risques approximatifs de thrombose veineuse profonde (TVP)


chez les patients hospitalisés

Groupe de patient Prévalence de TVP


Patients médicaux 10-20 p. 100
Chirurgie générale 15-40 p. 100
Chirurgie bariatrique
Chirurgie gynécologique majeure 15-40 p. 100
Chirurgie urologique majeure 15-40 p. 100
Neurochirurgie 15-40 p. 100
Accident vasculaire cérébral 20-50 p. 100
Chirurgie orthopédique majeure 40-60 p. 100
Polytraumatisme 40-80 p. 100
Lésion médullaire 60-80 p. 100
Réanimation 10-80 p. 100

D’une manière générale, lorsque le risque lié à l’acte chirurgical est


élevé, le risque lié au patient a peu ou pas de poids sur le risque global
de MTEV.
À l’inverse, lorsque le risque lié à l’acte chirurgical est faible, le
risque lié au patient prend toute son importance.

MOYENS THÉRAPEUTIQUES DISPONIBLES

La prévention repose sur l’utilisation de moyens mécaniques et/ou


médicamenteux.

Prévention mécanique ou physique

Ces modalités ont pour but de favoriser l’accélération du flux san-


guin au niveau des membres inférieurs et de réduire la stase sanguine.
Elles correspondent à la contention élastique, la compression pneu-
matique intermittente (CPI), la compression plantaire (CP). Elles ont
fait l’objet d’études pour la plupart non randomisées qui ont montré
une diminution modérée des évènements thromboemboliques et une
moindre efficacité en comparaison des modalités pharmacologiques.
THROMBOPROPHYLAXIE VEINEUSE 385

Leur principal avantage est l’absence d’effets secondaires de type


hémorragique qui les fait préférer chez des patients à haut risque de sai-
gnement. Leur principal inconvénient est le manque de compliance éma-
nant aussi bien du patient que de l’équipe soignante elle-même (entretien,
formation). Ils peuvent être aussi associés aux moyens pharmacologiques
mais là encore leur efficacité n’a pas été démontrée de manière formelle.

Prévention médicamenteuse

Elle a pour but de prévenir la formation du thrombus veineux et de


limiter son extension en interagissant avec les mécanismes de l’hémo-
stase physiologique.
Elle repose actuellement sur quatre classes médicamenteuses.
• Les héparines et héparinoïdes. L’héparine non fractionnée (HNF)
est un glycosaminoglycane qui se lie par une structure pentasaccha-
ridique à l’antithrombine (AT) dont elle induit une modification de
conformation permettant d’accélérer l’inhibition de la thrombine et de la
plupart des sérines protéases de la coagulation. Les données issues des
méta-analyses suggèrent que l’administration en 3 fois par jour soit plus
efficace qu’en 2  fois par jour. Il faut aussi prendre garde au risque de
thrombopénie et d’inefficacité en cas de chirurgie à haut risque.
L’héparine standard a été progressivement remplacée par les HBPM
(héparines de bas poids moléculaires) (tableau  15-III). Ces molécules

Tableau 15-III Posologie des HBPM

Chirurgie
orthopédique
HBPM Dose modérée Dose élevée
majeure
(hanche, genou)
Enoxaparine 2 000 UI (0,2 ml)/j 4 000 UI (0,4 ml)/j 4 000 UI/j
Lovenox®
Nadroparine 2 850 UI (0,3 ml)/j 2 850 UI (0,3 ml)/j 38 UI/kg jusqu’au
Fraxiparine® 3e jour puis
57 UI/kg
Daltéparine 2 500 UI (0,2 ml)/j 5 000 UI (0,2 ml)/j 5 000 UI (0,2 ml)/j
Fragmine®
Réviparine 1 432 UI (0,25 ml)/j 3 436 UI (0,6 ml)/j 3 436 UI (0,6 ml)/j
Clivarine®
Tinzaparine 2 500 UI (0,25 ml)/j 3 500 UI (0,35 ml)/j 4 500 UI (0,45 ml)/j
Innohep®
386 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

présentent une durée d’action rapide, une demi-vie courte, une réponse
dose-effet prédictible, une incidence limitée de thrombopénies, un
faible coût, et un moindre risque hémorragique. Ceci a permis d’envi-
sager l’administration de doses plus importantes chez les patients les
plus à risque comme les obèses.
• Les anti-Xa (tableau  15-IV). Ces molécules comme le fonda-
parinux (Arixtra®) ou plus récemment le rivaroxaban (Xarelto®) ont
montré une efficacité plus importante que les HBPM chez les patients
de chirurgie orthopédique, opération du genou ou de la hanche, mais
aussi, pour le fondaparinux, en chirurgie générale et chez les patients
médicaux au détriment d’une demi-vie longue, d’une adaptation
rénale et de risques hémorragiques majorés.
• Les nouveaux anticoagulants oraux  : inhibiteurs directs du
facteur Xa ou de la thrombine IIa (voir tableau 15-IV).

Tableau 15-IV Posologie des nouveaux anticoagulants avec leurs indications


reconnues

Indication
Dosage et administration
prophylactique
Inhibiteur oral PTH, PTG 110 mg PO 1-4 h après la fin
direct de la de l’intervention puis 220 mg/j
thrombine (en une prise)
Dabigatran Pour les patients insuffisants rénaux
Pradaxa® modérés ou âgés de plus 75 ans,
sous Cordarone® ou Vérapamil®,
il est recommandé de diminuer
les doses : 75 mg puis 150 mg/j
Contre-indication : insuffisance rénale
sévère
Inhibiteur indirect Chirurgie 2,5 mg sc une fois par jour
du Xa viscérale avec la première dose 6-8 h
Fondaparinux PTH, PTG, FH après la chirurgie
Arixtra® Contre-indication : insuffisance rénale
sévère
Inhibiteur PTH, PTG 10 mg par jour PO avec la
oral direct première dose à débuter 6-10 h
du facteur Xa après la chirurgie
Rivaroxaban Contre-indication : insuffisance rénale
Xarelto® sévère

L’apixaban (Eliquis®) est un inhibiteur oral direct du facteur Xa. Il est en cours d’obtention
d’une autorisation de mise sur le marché pour la thromboprophylaxie après prothèse totale de
hanche (PTH) et prothèse totale de genou (PTG). La posologie est de 2,5 mg ×  2/j à débuter
12 à 24 h après l’intervention.
THROMBOPROPHYLAXIE VEINEUSE 387

Deux d’entre eux  : le rivaroxaban et le dabigatran (Pradaxa®) ont


montré leur efficacité sans majoration du risque hémorragique asso-
ciée à une simplicité d’utilisation du fait de la prise orale sans sur-
veillance biologique chez les patients en chirurgie orthopédique
tendant ainsi à supplanter les HBPM.
• Les antivitamines K. Elles ont longtemps été utilisées dans la
prévention de la MTEV en chirurgie orthopédique majeure. Ils sont
actuellement challengés par les nouveaux anticoagulants à cause de
leur efficacité retardée, des risques de saignement majorés et la mau-
vaise compliance des patients.
L’élimination rénale concerne la plupart des anticoagulants
comme les HBPM, le fondaparinux, le dabigatran ou le rivaroxa-
ban. En cas d’insuffisance rénale sévère, il existe un risque hémor-
ragique du fait de l’atteinte rénale et par accumulation surtout en
cas d’utilisation de doses élevées. Cependant ce risque n’est pas
le même pour tous les anticoagulants. L’alternative peut alors être
représentée par l’HNF.
En cas d’insuffisance rénale, il faut adapter le dosage pour certaines
molécules (tableau 15-V).

Tableau 15-V Surveillance biologique des anticoagulants en cas de thrombo-


prophylaxie

Surveillance
HNF Numération plaquettaire avant traitement puis 2 fois
par semaine pendant 21 jours puis 1 fois par semaine
ensuite
HBPM Numération plaquettaire avant traitement puis 2 fois
par semaine pendant 21 jours puis 1 fois par semaine
ensuite
Héparinoïdes Numération plaquettaire avant traitement puis 2 fois
par semaine pendant 21 jours puis 1 fois par semaine
ensuite
AVK INR : toutes les 48 heures puis à chaque changement
de dose et 1 fois par mois après équilibre
Anti-XA – Pas de surveillance biologique en routine
fondaparinux
Inhibiteur direct Pas de surveillance biologique en routine
du facteur Xa
Inhibiteur direct Pas de surveillance biologique en routine
de la thrombine
388 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Tableau 15-VI Niveaux de risque thromboembolique et recommandations de


thromboprophylaxie chez les patients hospitalisés en milieu médical et chirur-
gical

Fréquence des accidents


Niveau de risque
thromboemboliques Thromboprophylaxie
thromboembolique
sans thromboprophylaxie
Faible Pas de
Chirurgie mineure < 10 p. 100 thromboprophylaxie
chez des patients systématique
mobiles Déambulation précoce
Patients médicaux et attentive
mobiles
Intermédiaire HBPM aux doses
Chirurgie générale, 10-40 p. 100 recommandées
urologique, HNF 2 ou 3 fois
gynécologique par jour
Patients médicaux
immobilisés Fondaparinux
Si risque de Thromboprophylaxie
saignement élevé mécanique
Élevé HBPM aux doses
PTH, PTG, fracture 40-80 p. 100 recommandées
de hanche Fondaparinux
Traumatisme majeur
Fracture vertébrale AVK (INR 2-3)
Si risque de Thromboprophylaxie
saignement élevé mécanique

L’obésité est associée à une augmentation du risque de thrombose et


la chirurgie bariatrique est une situation à risque élevé de MTEV pos-
topératoire. Les modalités d’administration de la thromboprophylaxie
ne sont pas complètement connues. La dose journalière et le nombre
d’injections (biquotidiennes) doivent être augmentés en cas de chirur-
gie bariatrique.
Les recommandations générales sont présentées en tableau  15-VI,
les recommandations pour les patients médicaux en tableau 15-VII et
les recommandations pour les patients chirurgicaux en tableaux  15-
VIII à 15-XIII.
THROMBOPROPHYLAXIE VEINEUSE 389

Tableau 15-VII Thromboprophylaxie chez les patients médicaux

Situations cliniques Thromboprophylaxie


Grands brûlés :
– avec risques additionnels HBPM ou HNF
d’ETE* : âge avancé, obésité
morbide, brûlures du membre
inférieur, traumatisme
du membre inférieur, cathéter
fémoral et immobilisation
prolongée
– haut risque de saignement Bas de contention et/ou CPI
Cancer :
– procédures chirurgicales HBPM ou HNF
– soins intensifs HBPM ou HNF
– cathéter central Aucune thromboprophylaxie
– chimiothérapie Aucune thromboprophylaxie
ou hormonothérapie
Soins intensifs :
– risque modéré d’ETE : HBPM ou HNF
patients médicaux ou période
postopératoire
– haut risque : dans les suites HBPM
d’un polytraumatisme
– haut risque de saignement Bas de contention et/ou CPI
Voyage longue distance :
– vols > 8 h Pas de procédures constrictives
Favoriser hydratation et déambulation
– facteurs de risque d’ETE Bas de contention ou injection unique
surajoutés HBPM avant le départ
– voyageurs longue distance Pas d’aspirine
Patients médicaux :
– décompensation aiguë HNF ou HBPM ou fondaparinux
de maladie de système
– contre-indication Bas de contention et/ou CPI
aux anticoagulants
* ETE : évènement thromboembolique.
390 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Tableau 15-VIII Thromboprophylaxie en chirurgie viscérale

Risque lié
Risque chirurgical Recommandations
au patient
Faible BAT*
Varices – Rien
Chirurgie abdominale non
majeure : appendice, vésicule + HBPM doses modérées
non inflammatoire, proctologie,
chirurgie pariétale
Modéré
Dissection étendue – HBPM doses modérées
et/ou hémorragique
Durée opératoire anormalement + HBPM doses élevées
prolongée
Fondaparinux 2,5 mg/j
Urgences
Élevé HBPM doses élevées
Chirurgie abdominale majeure : Fondaparinux 2,5 mg/j
foie, pancréas, colon, maladie
inflammatoire ou cancéreuse Avec BAT associés
du tractus digestif
* BAT : bas antithrombose.
Durée  : pour un cas de chirurgie abdominale majeure carcinologique, la thromboprophylaxie
doit être prolongée pour une durée totale de 4 à 6 semaines. Sinon 7 à 10 jours.
THROMBOPROPHYLAXIE VEINEUSE 391

Tableau 15-IX Thromboprophylaxie en chirurgie orthopédique

Risque lié
Risque chirurgical Recommandations
au patient
Faible
Arthroscopie du genou – Pas de prophylaxie
Lésion ligamentaire traumatologique
(extrémité distale du membre + HBPM doses élevées
inférieur sans fracture)
Trauma genou sans fracture
Modéré
Fracture extrémité distale HBPM doses élevées,
du membre inférieur (tibia surtout si risque
péroné, cheville et pied) patient
Fracture diaphyse fémorale HBPM doses élevées
Élevé
PTH* HBPM doses élevées
PTG** Fondaparinux
(Arixtra®)
Rivaroxaban (Xarelto®)
Fracture du col du fémur Dabigatran (Pradaxa®)
Apixaban (Eliquis®)
Fondaparinux
HBPM doses élevées

Polytraumatisme grave sans risque HBPM doses élevées


hémorragique

Polytraumatisme grave avec risque CPI


hémorragique
Durée de la thromboprophylaxie
* PTH et fracture de l’extrémité du fémur : 4 à 6 semaines.
** PTG : 2 semaines ; sauf en cas de facteur de risque surajouté de thrombose : 4 à 6 semaines.
392 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Tableau 15-X Thromboprophylaxie en chirurgie urologique

Risque lié
Risque chirurgical Recommandations
au patient
Faible
Rein voie percutanée – Rien
Surrénales
Urétéroscopie et chirurgie
de l’uretère
Chirurgie endos. vessie et prostate
Chirurgie de l’incontinence urinaire + HBPM doses modérées
(voie périnéale) ou BAT
Chirurgie testicule et urètre
Modéré
Élevé
Rein voie ouverte HBPM doses élevées*
Chirurgie ouverte du bas appareil Fondaparinux*
(prostate, vessie et cure
d’incontinence) +/- CPI
Curage ganglionnaire (pelvis
abdomen)
Transplantation rénale
* Durée de la thromboprophylaxie en cas de chirurgie carcinologique : 4 à 6 semaines.

Tableau 15-XI Thromboprophylaxie en chirurgie gynécologique

Risque lié
Risque chirurgical Recommandations
au patient
Faible
IVG, curetage, bartholinite, – Rien
conisation
Hystéroscopie opératoire
Ponction ovocytes
Fertiloscopie
Cœlioscopie diagnostique + BAT
ou < 60 minutes
Chirurgie bénigne du sein
Modéré
Hystérectomie vaginale – HBPM ou HNF doses
Hystérectomie cœlioscopique modérées
Cœlioscopie > 60 minutes ou BAT
Laparotomie exploratrice
Chirurgie carcinologique du sein + HBPM ou HNF doses
élevées
± BAT
Élevé
Hystérectomie voie haute HBPM*
Prolapsus ou HNF doses élevées
Chirurgie pour cancer pelvien ou fondaparinux*
(utérus, col utérin, ovaire) ± BAT
* Durée de la thromboprophylaxie en cas de chirurgie carcinologique : 4 à 6 semaines.
THROMBOPROPHYLAXIE VEINEUSE 393

Tableau 15-XII Thromboprophylaxie en chirurgie vasculaire, thoracique et


cardiaque
Risque lié
Risque chirurgical Recommandations
au patient
Faible
Médiastinoscopie Risque Rien ou BAT
faible
Risque HBPM doses faibles
élevé
Modéré
Élevé
Résection pulmonaire HBPM ou HNF doses
par thoracotomie élevées
Résection pulmonaire ou fondaparinux
par thoracoscopie ± CPI
Chirurgie de l’aorte abdominale HBPM ou HNF doses
Cure d’anévrysme aortique par voie élevées
endovasculaire ou fondaparinux
Chirurgie des artères des membres
inférieurs
Pontage aorto-coronaire HBPM ou HNF doses
(avec ou sans CEC) élevées
± CPI

Tableau 15-XIII Thromboprophylaxie en chirurgie de la tête, du cou et du


rachis
Risque lié
Risque chirurgical Recommandations
au patient
Faible
ORL – Rien
Hernie discale
Laminectomie cervicale + HBPM
sur 1 ou 2 niveaux
Modéré
Laminectomie cervicale étendue – BAT ou CPI ou HBPM
Laminectomie dorsolombaire
Ostéosynthèse du rachis + HBPM
Élevé
Neurochirurgie intracrânienne HBPM/HNF
+ BAT ou CPI
Trauma médullaire HBPM ou HNF
+ BAT ou CPI
394 TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

POUR EN SAVOIR PLUS

Geerts WH, Bergqvist D, Pineo GF, Heit JA, Samama CM, Lassen MR,
Colwell CW. Prevention of venous thromboembolism. American College of
Chest Physicians. Evidence-Based Clinical Practice Guidelines. 8th  Edition.
Chest, June 2008 ; 133 (6 Suppl) : 381S-453S.
Recommandations pour la pratique clinique. Prévention de la maladie throm-
boembolique veineuse périopératoire et obstétricale. http://www.sfar.org/_docs/
articles/209-RPC % 20MVTE.pdf/
ANESTHÉSIE SELON L’ACTE
Chapitre 16

Anesthésie de l’adulte
en chirurgie digestive
C. Vezinet, M. Movschin, D. Eyraud

L’anesthésie de l’adulte en chirurgie digestive est souvent considérée


comme une pratique anesthésique « de base ». Les interventions chirur-
gicales abdominales sont polymorphes et s’adressent souvent à des sujets
à risques. Une bonne connaissance de la pathologie et du geste chirur-
gical est indispensable pour améliorer la prise en charge périopératoire.

GÉNÉRALITÉS

ÉVALUATION PRÉOPÉRATOIRE

Respiratoire

Le rôle fonctionnel de la paroi abdominale est capital pour la physio-


logie de la ventilation. Les perturbations postopératoires de la fonction
respiratoire sont pratiquement constantes après laparotomie, même
chez les sujets antérieurement sains. Ces modifications respiratoires
sont plus liées au siège de l’incision qu’à l’intervention réalisée  : le
retentissement respiratoire est d’autant plus important que l’incision
est haute, près du diaphragme.
Les laparotomies hautes, sus-ombilicales, diminuent la capacité
vitale (CV) et le volume expiratoire maximum par seconde (VEMS)
dans les mêmes proportions et de façon majeure : amputation de 45 à
70 p. 100 à J1 postopératoire.
398 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Les laparotomies sous-ombilicales ont un retentissement respira-


toire moindre mais non négligeable : abaissement en moyenne de 30 à
40 p. 100 de la CV et du VEMS. Le retour aux valeurs préopératoires
est obtenu en 5 à 7 jours.
Les modifications des volumes pulmonaires sont secondaires à une
altération de la course du diaphragme et à un déplacement céphalique
de sa position de repos.
Ces modifications ont notamment comme conséquence la survenue
d’une hypoxémie durable mais aussi d’atélectasies voire de pneumo-
pathies.
Les facteurs de risque de complication respiratoire sont la BPCO,
l’obésité, l’âge, le sexe, et l’intoxication tabagique.
En plus de l’interruption, même temporaire, du tabagisme et du
traitement d’une infection (bronchique ou pulmonaire) si elle est sus-
pectée, on peut proposer en prévention, une kinésithérapie respiratoire
préopératoire qui diminue de moitié les complications postopératoires.
Son bénéfice sera beaucoup plus net si elle est intensive et poursuivie.
Le but de cette kinésithérapie est double : obtenir un meilleur drainage
des voies aériennes avant l’intervention, mais aussi initier le patient
aux techniques de drainages, auxquelles il devra avoir recours dans la
période postopératoire. Dans certains cas, la prescription d’aérosols
avec ou sans broncho-dilatateurs pourra aussi être bénéfique.

Nutritionnelle

La période périopératoire avec les changements d’habitudes alimen-


taires, les jeûnes successifs (examens, intervention chirurgicale), l’hyper-
catabolisme lié au stress chirurgical, rendent le risque de dénutrition
réelle au décours de l’hospitalisation avec comme conséquences :
— une augmentation du risque opératoire ;
— un retard de cicatrisation ;
— une immunodépression favorisant l’apparition des infections.
La dénutrition peut exister dès l’admission du fait de la pathologie
(néoplasie, maladie inflammatoire du tube digestif).
Les facteurs pouvant être à l’origine d’une dénutrition doivent être
systématiquement recherchés (tableau 16-I), la présence d’un seul de
ces facteurs imposant la réalisation d’un bilan nutritionnel.
Le bilan nutritionnel s’évalue :
• sur des données anthropométriques :
— la perte de poids  : il existe un risque accru de complication
quand la perte de poids atteint 10 p. 100 du poids du corps ;
— la vitesse de la perte de poids est également à prendre en compte :
5  p.  100 en 1  mois ou 10  p.  100 en 6  mois ont le même caractère de
gravité ;
ANESTHÉSIE DE L’ADULTE EN CHIRURGIE DIGESTIVE 399

Tableau 16-I Facteurs de risque de dénutrition pré- et postopératoire

Facteurs de risque liés au patient (comorbidités)


Âge > 70 ans
Cancer
Hémopathie maligne
Sepsis
Pathologie chronique :
– digestive
– insuffisance d’organe (respiratoire, cardiaque, rénale, intestinale,
pancréatique, hépatique)
– pathologie neuromusculaire et polyhandicap
– diabète
– syndrome inflammatoire
VIH/SIDA
Antécédent de chirurgie digestive majeure (grêle court, pancréatectomie,
gastrectomie, chirurgie bariatrique)
Syndrome dépressif, troubles cognitifs, démence, syndrome confusionnel
Symptômes persistants :
– dysphagie
– nausée, vomissement, sensation de satiété précoce
– douleur
– diarrhée
– dyspnée
Facteurs de risques liés à un traitement (traitement à risque)
Traitement à visée carcinologique (chimiothérapie, radiothérapie)
Corticothérapie > 1 mois
Polymédication > 5

— l’indice de masse corporelle (IMC) : c’est le poids/taille2 dont la


valeur normale se situe entre 18,5 et 24,9 (dénutrition modérée si < à
18,5 ; dénutrition sévère si : < à 17 chez le sujet < à 70 ans, ou < à 20
chez le sujet > à 70 ans) ;
• sur des données biologiques :
— le marqueur le plus utilisé, qui répond le mieux aux critères
coût-faisabilité est le dosage de l’albuminémie ;
400 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

— une albuminémie < 30 g/l est reconnue comme un facteur pro-


nostic péjoratif.
Cependant en chirurgie digestive non oncologique, le seuil retenu
pourrait être ≤ 35 g/l pour définir une dénutrition cliniquement per-
tinente pouvant entraîner des complications postopératoires et des
conséquences médico-économiques.
La présence d’un seul de ces 3 marqueurs clinicobiologiques (IMC,
perte de poids et albuminémie) suffit à définir une dénutrition.
Une stratification du risque global est proposée et devrait être utili-
sée (grade nutritionnel : GN) (tableau 16-II).
Il est nécessaire d’intégrer cette évaluation et la stratification du
grade nutritionnel dans le dossier du patient. Si cela n’a pas été fait en
amont, il est de la responsabilité de l’anesthésiste de le faire au cours
de la consultation d’anesthésie.
Tout patient d’un grade nutritionnel 2 ou 3 doit probablement béné-
ficier d’une prise en charge nutritionnelle préopératoire  : conseils
diététiques et compléments nutritionnels (GN 2) ; compléments nutri-
tionnels, nutrition entérale ou parentérale (GN 3).
Tout patient de grade nutritionnel 4 (GN 4) doit recevoir une assis-
tance nutritionnelle préopératoire (nutrition entérale ou nutrition
parentérale) d’au moins 7 à 10 jours.
Place des pharmaconutriments en préopératoire. En chirurgie
digestive oncologique programmée, que le patient soit dénutri ou non,
il est recommandé de prescrire en préopératoire pendant 5 à 7  jours,
un mélange nutritif utilisable par voie digestive contenant une asso-
ciation de pharmaco-nutriments (ex.  : Oral Impact® par voie orale à
privilégier ou Impact® par voie entérale quand la voie orale est impos-

Tableau 16-II Stratification des grades nutritionnels (GN)

Grade nutritionnel 1 (GN 1) Patient non dénutri


Et pas de facteur de risque de dénutrition
Et chirurgie sans risque élevé de morbidité
Grade nutritionnel 2 (GN 2) Patient non dénutri
Et présence d’au moins un facteur de risque
de dénutrition ou chirurgie à risque élevé
de morbidité
Grade nutritionnel 3 (GN 3) Patient dénutri
Et chirurgie sans risque élevé de morbidité
Grade nutritionnel 4 (GN 4) Patient dénutri
Et chirurgie à risque élevé de morbidité
ANESTHÉSIE DE L’ADULTE EN CHIRURGIE DIGESTIVE 401

sible). Un apport moyen de 1 000  kcal/jour est recommandé en plus


de l’alimentation spontanée. Oral Impact® est conditionné en briquette
de 237 ml (1,41 kcal/ml) avec 3 arômes disponibles (vanille, tropical
et café).

PÉRIODE PEROPÉRATOIRE

Laparotomie

Les incisions de la paroi abdominale doivent permettre l’exploration


de la cavité péritonéale et l’accès aux organes. Un bon relâchement
musculaire est nécessaire pour faciliter le geste opératoire. Il permet
l’exposition viscérale et les gestes chirurgicaux sans traction exces-
sive. En fin d’intervention le relâchement est garant d’une fermeture
pariétale de qualité.
L’anesthésie générale (AG) est la technique la plus utilisée en
chirurgie abdominale même chez l’insuffisant respiratoire chronique.
Il est habituel de ne pas dépasser 60 p. 100 de protoxyde d’azote dans
le mélange inhalé  : au-delà de cette concentration, la diffusion de
l’anesthésique dans les cavités closes est importante, source de disten-
sion intestinale. Compte tenu de son incidence sur les NVPO, l’évic-
tion du protoxyde d’azote serait même envisageable.

Laparoscopie

Les indications de la chirurgie cœlioscopique s’élargissent.


Pour un acte chirurgical donné, l’emploi d’une technique cœlio-
scopique est le plus souvent associé à une réduction de l’intensité et
de la durée de la douleur postopératoire. L’intensité douloureuse est
cependant souvent importante (la douleur viscérale est plus sévère que
la douleur pariétale) et requiert l’emploi d’une analgésie systémique
multimodale. L’absence de l’iléus postopératoire permet de reprendre
l’alimentation orale dans un délai bref, selon l’intervention considérée
(colectomies, cholécystectomies…). Enfin, les complications respira-
toires sont réduites, mais ne dispensent pas des mesures préventives
habituelles de prise en charge. Les paramètres ventilatoires reviennent
à la normale en 24  h, au crédit d’une dysfonction diaphragmatique
moins marquée et moins durable.
Les contre-indications classiques à la chirurgie cœlioscopique sont
les rares situations interdisant l’insufflation abdominale : l’emphysème
pulmonaire bulleux, le pneumothorax spontané récidivant, la commu-
nication interauriculaire ou interventriculaire (risque d’embolie para-
doxale), l’insuffisance cardiaque sévère, l’hypertension intracrânienne,
402 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

la dérivation ventriculo-péritonéale, la hernie diaphragmatique ou parié-


tale non réductible. L’obésité, le syndrome infectieux et les antécédents
de chirurgie intrapéritonéale constituent des situations à risques, plutôt
que des contre-indications. La prudence est souhaitable en cas de glau-
come aigu.
La conversion en laparotomie doit avoir été envisagée et expliquée
au patient en préopératoire.
La chirurgie cœlioscopique impose la réalisation d’une anesthésie
générale avec intubation trachéale et ventilation contrôlée. La curari-
sation est nécessaire pour faciliter l’insufflation. La vidange de l’esto-
mac par une sonde gastrique doit être pratiquée avant l’insufflation
abdominale pour prévenir les risques de perforation gastrique. La
ventilation doit être adaptée de façon à assurer une hyperventilation
dans le but de faciliter l’élimination pulmonaire du CO2. La déperdi-
tion calorique est au moins égale à celle observée au cours des lapa-
rotomies (détente du gaz insufflé) et justifie l’utilisation de systèmes
de réchauffement. La réalisation d’une radio pulmonaire en salle de
réveil est systématique à la recherche d’un pneumothorax ou d’un
pneumomédiastin.
La chirurgie cœlioscopique représente un risque indépendant accru
de survenue de nausées et vomissements en postopératoire qui justifie
leur prévention systématique.
La chirurgie sous cœlioscopie ne met pas à l’abri de complications,
qui peuvent être liées ou non à la réalisation du pneumopéritoine :
— l’hémorragie par lésion d’un gros vaisseau, le plus souvent au
moment de l’introduction de l’aiguille d’insufflation ou du trocart. Sa
gravité peut nécessiter une conversion en laparotomie, pour un contrôle
plus rapide et plus aisé ;
— la perforation intestinale, ou des lésions des voies biliaires, qui
ne sont pas forcément détectées immédiatement, et nécessitent une
surveillance attentive des suites opératoires ;
— l’embolie gazeuse dont la fréquence se situe autour de 6 p. 1 000,
qui justifie une attitude préventive spécifique  : définition des patients
à risque, respect du protocole de mise en place de l’aiguille d’insuf-
flation, faible volume insufflé, sous pression réduite (< 15-20 mmHg).
L’hypovolémie pré- ou peropératoire devra être corrigée pour limiter
le risque d’embole de gaz sur brèche vasculaire et minimiser la dimi-
nution du retour veineux engendrée par l’hyperpression abdominale.
La symptomatologie clinique d’une embolie gazeuse est variable
en fonction de l’embole gazeux  : asymptomatique pour une embolie
minime, elle peut provoquer une insuffisance ventriculaire droite avec
état de choc, une cyanose et un emphysème facio-cervico-thoracique,
une turgescence des veines jugulaires. Les signes neurologiques (embo-
lie paradoxale) sont le plus souvent masqués par l’anesthésie générale
et deviendront évidents au réveil avec une absence de réveil et un coma
ANESTHÉSIE DE L’ADULTE EN CHIRURGIE DIGESTIVE 403

ou un réveil retardé, lent parfois agité avec crises convulsives ou signes


déficitaires par anoxie cérébrale.
En cas d’embolie de CO2 de faible importance, l’enregistrement
continu du capnogramme permet d’observer une élévation faible mais
précoce de la PETCO2. En cas d’embolie massive, le blocage des
capillaires pulmonaires entraîne une augmentation de l’espace mort
alvéolaire, un élargissement du gradient artério-alvéolaire et une dimi-
nution, voire un effondrement de la PETCO2.
Le traitement d’une embolie gazeuse avérée comporte l’arrêt
immédiat du protoxyde d’azote ; la ventilation en oxygène pur pour
chasser le CO2 dans les alvéoles pulmonaires et faciliter sa diffusion du
capillaire vers l’alvéole. En cas d’arrêt cardio-circulatoire, le massage
cardiaque externe est fréquemment inefficace sur le rétablissement de
la circulation dans un premier temps, mais essentiel pour fractionner
les bulles de CO2 dans les capillaires pulmonaires et lever l’obstacle à
la circulation pulmonaire. L’aspiration par un cathéter veineux central,
déjà mis en place, permet parfois de soustraire du gaz. La position
associant Trendelenburg et décubitus latéral gauche est réalisée pour
tenter de piéger le gaz à la pointe du ventricule droit.
En cas de succès rapide, l’amélioration peut être aussi spectaculaire
que l’accident a été soudain. Après ces mesures d’urgence, on doit
lutter très précocement contre l’œdème cérébral, prévenir l’apparition
de crises convulsives et administrer des anti-agrégants plaquettaires
afin d’éviter la cohésion des bulles par les amas de plaquettes et de
globules blancs.
En cas de réveil retardé ou a fortiori absent, le malade est traité sans
délai par oxygénothérapie hyperbare.

Apports hydriques peropératoires

Les solutés administrés en peropératoire doivent théoriquement


compenser les pertes insensibles, les pertes sanguines, la vasoplégie
anesthésique, la déplétion volémique induite par le jeûne préopéra-
toire, et une éventuelle préparation digestive.
Au cours de la chirurgie abdominale majeure (colique, hépatique,
œsophagienne, pancréatique…), des études récentes ont tendance à
montrer un bénéfice, dès la phase peropératoire, à la restriction des
apports liquidiens (4 ml/kg/h), ou à la limitation de la compensation
des pertes insensibles [bilan hydrique = (perfusions et transfusions)
– (pertes sanguines et débit urinaire) = 1 à 2 ml/kg/h]. Cette attitude
restrictive pourrait, en limitant la prise de poids peropératoire, avoir
un effet bénéfique sur les complications postopératoires, en particulier
respiratoires. Il faut cependant éviter l’écueil de se retrouver dans la
situation opposée d’hypovolémie, tout aussi délétère pour le patient
404 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

que l’état d’hyperinflation. Pour cela, une surveillance clinique rap-


prochée des paramètres hémodynamiques et de la diurèse (en tolérant
une oligurie relative) est indispensable, sans pour autant avoir néces-
sairement recours à un monitorage invasif.
En revanche, « l’hyperhydratation » doit rester la règle pour la chirur-
gie plus mineure, surtout en cas de cœlioscopie.
La meilleure attitude est de guider le remplissage sur les données de
l’hémodynamique (ΔPP ou VVE).
Le choix du soluté de remplissage, entre cristalloïdes et colloïdes,
reste controversé. Les colloïdes ont un meilleur pouvoir d’expansion
volémique et des effets bénéfiques théoriques (amélioration de la pres-
sion tissulaire en oxygène, diminution des nausées vomissements post-
opératoires…). L’utilisation d’une combinaison de ces deux types de
solutés semble raisonnable.

PÉRIODE POSTOPÉRATOIRE

Principes généraux

Le montage chirurgical et les drainages doivent être connus pour


réaliser une prise en charge postopératoire optimale. Un schéma réa-
lisé par le chirurgien en fin d’intervention constitue certainement la
meilleure transmission médicochirurgicale.
La surveillance clinique comporte outre l’examen clinique général
(température, douleurs) et abdominal (auscultation, palpation), la sur-
veillance de la cicatrice, des drainages, des sondes (gastrique, vési-
cale), des cathéters, et des stomies.
L’utilité de chaque cathéter doit être réévaluée au jour le jour, pour
être enlevé dès que possible afin de réduire le risque de complications
et d’infections nosocomiales.

Principes spécifiques

Iléus postopératoire
Toute laparotomie est à l’origine d’un arrêt du transit, iléus postopé-
ratoire, qui va perdurer de 2 à 6 jours habituellement.
La durée de l’iléus n’est pas proportionnelle à la durée de l’inter-
vention mais à son siège. Elle est allongée par la présence d’un épan-
chement intrapéritonéal (inhibition de la motricité du grêle) ainsi que
par l’administration de morphine et raccourcie par les anesthésiques
locaux par voie péridurale ou la lidocaïne par voie intraveineuse
(1 mg/kg en bolus puis 1 mg/kg/heure pendant l’intervention).
ANESTHÉSIE DE L’ADULTE EN CHIRURGIE DIGESTIVE 405

Sonde nasogastrique, ou aspiration digestive


L’emploi systématique de la sonde nasogastrique (SNG) n’est pas
recommandé. L’aspiration gastrique prévient la dilatation gastro-
intestinale, source d’inconfort et de mise en tension des sutures anas-
tomotiques hautes (œsophage, estomac), mais augmente le risque
d’inhalation pulmonaire et augmente la durée de l’iléus.
Ses indications formelles restent :
1) la chirurgie d’urgence avec occlusions (péritonites), les pancréa-
tites aiguës ;
2) les interventions de longue durée avec ventilation artificielle pos-
topératoire ;
3) les œsophagectomies, les duodéno-pancréatectomies céphaliques
(DPC), les interventions anti-reflux gastro-œsophagiens (type Nissen),
les colectomies totales.
La sonde gastrique à double lumière est mise en place après l’induc-
tion et l’intubation, par voie nasale, favorisée par l’antéflexion de la
tête. Son bon positionnement est confirmé par la réalisation d’un test
à l’air avec auscultation simultanée de la poche à air gastrique, mais
surtout par l’aspiration de liquide gastrique, et si possible en peropéra-
toire manuellement par le chirurgien.
L’extrémité de la sonde doit se situer dans la région antropylorique
(à 50 cm des arcades dentaires environ). Une bonne fixation doit être
réalisée après un dégraissage du nez en évitant un appui sur la narine,
source d’escarre.
L’aspiration doit être douce, réglée entre 20 et 30 cm d’eau. L’usage
d’une sonde naso-gastrique en cas d’estomac plein n’exclut par la
survenue d’un syndrome de Mendelson. Il est préférable d’enlever la
sonde gastrique avant une induction (séquence rapide) car elle favo-
rise la béance du cardia.

Drainages
Un drainage est un dispositif qui permet l’évacuation des liquides
pathologiques en rétention dans les cavités naturelles ou opératoires,
vers l’extérieur du corps.
Quelle que soit la position du malade, la pression négative intra-
abdominale provoque une aspiration des liquides vers les coupoles,
expliquant la constitution des abcès sous-phréniques en postopéra-
toire. Sur un malade couché, les liquides s’écoulent vers les hypo-
chondres puis vers le cul-de-sac de Douglas.
Leurs indications peuvent être :
— formelles, équivalant à un geste thérapeutique, en cas de réten-
tion de liquides pathologiques en intrapéritonéal (pus, sang), d’infection
secondaire d’une plaie initiale, ou de l’existence de zones dépéritonisées ;
406 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

— relatives, correspondant alors à un drainage de « sécurité ». Ces


drainages de « sécurité » sont mis en place à la fin d’une intervention
réglée qui s’est déroulée normalement afin de dépister l’apparition
d’une éventuelle complication (hémorragie, infection, fistule diges-
tive).
Les drainages font appel à 3  mécanismes principaux  : la gravité
(passif) ; la dépression manométrique (actif) ; la capillarité par sac de
Mikulicz (actif).
Le trajet du drainage doit être aussi direct et court que possible, afin
d’éviter l’ensemencement péritonéal à distance.
La surveillance des drainages prend en compte la persistance de leur
perméabilité, l’aspect quantitatif (compensation hydro-électrolytique
éventuelle) et qualitatif (pus, sang, bile, liquide digestif, liquide pan-
créatique, chyle faisant évoquer une complication).
Lorsque le système de drainage est passif, il est rapidement isolé
de la cavité péritonéale par des dépôts fibrineux, le recouvrement de
l’épiploon et les anses intestinales. Il devient alors inopérant. Lorsque
le drainage est actif, ces phénomènes apparaissent de façon plus tar-
dive.
Tout drain exclu devient inutile et dangereux et doit être par consé-
quent retiré. Le danger potentiel est celui d’une porte d’entrée infec-
tieuse ou d’un traumatisme mécanique pouvant aboutir à l’ulcération
voire à la perforation digestive.

Rééquilibration hydro-électrique
Les opérés quittent le bloc opératoire avec une séquestration de
liquide dans le secteur extracellulaire (troisième secteur), proportion-
nelle à l’étendue de la dissection chirurgicale. Ce troisième secteur
se redistribue vers le 2e-3e jour postopératoire et peut engendrer une
surcharge circulatoire chez les patients les plus fragiles.
En dehors des interventions les plus mineures, les patients restent le
plus souvent perfusés jusqu’à la reprise du transit.

Réalimentation postopératoire
L’assistance nutritionnelle artificielle doit être systématiquement
envisagée en postopératoire. Elle est recommandée :
• chez un patient non dénutri (GN 1 et GN 2) :
— quand les apports alimentaires postopératoires sont inférieurs à
60 p. 100 de ses besoins quotidiens depuis 7 jours ;
— probablement si les apports alimentaires prévisibles sont infé-
rieurs à 60  p.  100 des besoins quotidiens au cours des 7  jours post-
opératoires ;
ANESTHÉSIE DE L’ADULTE EN CHIRURGIE DIGESTIVE 407

• chez un patient dénutri (GN  3 et GN  4)  : dès les 24 premières


heures postopératoires, qu’il ait reçu ou non un support nutritionnel
préopératoire.
Quand elle est requise, sa durée ne doit pas être inférieure à
7 jours, et si besoin au-delà : jusqu’à reprise d’une alimentation orale
assurant au moins 60 p. 100 des besoins caloriques.
Cas particulier  : l’immunonutrition. L’immunonutrition a pour
but d’améliorer les fonctions immunitaires de l’organisme.
Elle utilise, indépendamment de leurs valeurs nutritionnelles,
des nutriments pour leurs propriétés régulatrices vis-à-vis de l’in-
flammation, de l’immunité systémique ou locale (cellulaire ou
humorale), de la cicatrisation, des synthèses endocriniennes. Ces
nutriments associent arginine, glutamine, acides gras poly-insaturés
Ω 3, nucléotides et micronutriments antioxydants (vitamines E,
C, β-carotène, zinc, sélénium). Il n’est pas possible d’établir pré-
cisément la responsabilité de l’un ou l’autre de ces nutriments, les
études cliniques les ayant utilisés sous forme de mélanges. L’apport
protéino-énergétique de ces solutés est souvent insuffisant lorsqu’ils
sont utilisés seuls en postopératoire. Il faut compléter cette immuno-
nutrition par un autre apport protéino-énergétique pour couvrir les
besoins nutritionnels du patient.
Les résultats cliniques obtenus sont principalement une diminution
des complications infectieuses, de la durée de séjour et secondaire-
ment de la mortalité pour des sous-groupes de patients encore mal
identifiés. Les études médico-économiques démontrent un bénéfice
certain. En revanche, chez les patients les plus graves ou ayant une
dénutrition importante, les résultats ne sont pas homogènes, et res-
tent à préciser. Il ne faut pas prescrire de pharmaconutriments conte-
nant de l’arginine chez le patient septique ou hémodynamiquement
instable.

L’immunonutrition est recommandée en postopératoire, qu’elle


ait été prescrite en préopératoire ou non :
—  en chirurgie digestive oncologique programmée chez le patient
dénutri (GN 4) ;
— en cas de complications postopératoires majeures ;
—  probablement en postopératoire d’une chirurgie abdominale
majeure programmée.
L’immunonutrition n’est pas recommandée en postopératoire :
—  d’une chirurgie programmée non compliquée (sauf chirurgie
abdominale majeure) ;
—  en chirurgie digestive oncologique programmée, chez le patient
non dénutri (GN 2).
408 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

PRINCIPALES COMPLICATIONS RENCONTRÉES


EN POSTOPÉRATOIRE

Chirurgicales

Hémorragies postopératoires
Le tableau clinique d’une hémorragie postopératoire peut être simple
en cas d’extériorisation par les drainages. Un saignement autour d’un
drain est plutôt en faveur d’un saignement pariétal qu’intrapéritonéal.
Une hémorragie interne peut être plus difficile à dépister : un syn-
drome hémorragique important peut être à l’origine d’une simple dou-
leur inhabituelle, d’une distension abdominale. Une hémorragie plus
modérée pourra être simplement à l’origine d’une tachycardie, d’une
chute de l’hémoglobine ou d’une chute de la saturation veineuse en O2
(SvO2), en cas de monitorage par cathétérisme de Swan-Ganz.

Épanchements septiques : péritonites postopératoires, abcès


Les sepsis intra-abdominaux postopératoires sont des complications
graves, marquées par une forte mortalité, pouvant atteindre 50 p. 100
dans le cas des péritonites diffuses.
Les abcès intrapéritonéaux se différencient du tableau des périto-
nites diffuses par une symptomatologie moins bruyante.
Un diagnostic précoce est nécessaire. Il peut être :
— simple  : s’il existe une anastomose digestive récente avec des
suites initiales simples, puis l’apparition d’une douleur, d’un syndrome
infectieux et d’une modification de l’examen abdominal (au maxi-
mum, écoulement de liquide digestif par les drains ou la cicatrice) ;
— difficile  : avec des signes digestifs peu bruyants mais anor-
maux (diarrhée, hypersécrétion gastrique, occlusion) ou extradigestifs
(troubles neuropsychologiques, manifestations cardio-pulmonaires,
hoquet, insuffisance rénale…).
Les examens biologiques ont peu d’intérêt pour affirmer le diagnos-
tic, ils peuvent cependant éliminer un diagnostic différentiel.
L’échographie et/ou la tomodensitométrie ont un intérêt diagnostic
et éventuellement thérapeutique (ponction). L’imagerie peut égale-
ment être justifiée pour vérifier l’intégrité d’une anastomose par une
opacification digestive.
Toute défaillance viscérale inexpliquée impose d’éliminer une com-
plication intra-abdominale, en envisageant éventuellement une laparo-
tomie exploratrice.
Le traitement antibiotique instauré en cas de reprise chirurgicale
doit être différent des traitements préalables, guidé par les bactéries
supposées en cause et par l’écologie du service.
ANESTHÉSIE DE L’ADULTE EN CHIRURGIE DIGESTIVE 409

Occlusions postopératoires précoces


Le tableau peut être primaire avec l’absence de reprise de transit en
postopératoire.
Il peut également être secondaire  : il faut alors y penser devant un
arrêt secondaire du transit qui peut être en rapport avec un volvulus ou
l’incarcération d’une anse, par exemple.

Complications pariétales
Elles sont représentées par les hématomes, les abcès, les éventra-
tions et les éviscérations.
L’hémostase chirurgicale peropératoire et le rôle des anticoagulants
périopératoires sont impliqués dans la survenue des hématomes.
Les abcès sont en rapport avec une contamination peropératoire, ou
avec la surinfection d’un hématome.
Les éventrations et les éviscérations se différencient anatomique-
ment par l’intégrité du péritoine ou non. Les éviscérations sont soit
couvertes par une peau intègre, soit ouvertes rendant les anses intes-
tinales directement exposées nécessitant alors une reprise chirurgicale
sans délai. Éventrations et éviscérations sont soit d’origine mécanique,
soit secondaires à une infection de paroi ou péritonéale, aiguë ou chro-
nique, ayant pu évoluer à bas bruit sans syndrome infectieux évident.

Fistules digestives
On entend, par fistules digestives, une solution de discontinuité anor-
male au niveau du tube digestif pouvant se manifester par une commu-
nication entre le tube digestif et la peau (ou un autre organe). Le plus
souvent, la fistule siège au niveau d’une anastomose digestive. Elle
peut également survenir à distance, sur une autre zone de l’intestin, ou
au décours d’une intervention non digestive, relevant à la fois des dif-
ficultés opératoires, de la qualité des tissus de l’intestin, des conditions
locales circulatoires, de la technique chirurgicale elle-même.
Les fistules peuvent s’observer sur toute la hauteur du tractus diges-
tif et de ses annexes. Chaque localisation possède des caractères spé-
cifiques avec des modalités de prise en charge particulières qui ne
seront pas détaillées ici. Le délai habituel d’apparition d’une fistule se
situe entre 5 et 10  jours. La précocité et l’importance du débit de la
fistule conditionnent la sévérité du tableau clinique.
Le tableau peut être précoce et grave avec une désunion anastomo-
tique large et précoce. Le tableau peut être plus frustre avec un syndrome
infectieux, associé à un iléus, parfois une diarrhée. L’examen clinique
retrouve alors une douleur voire une défense, soit un empâtement loca-
lisé sans signe de diffusion. L’abcès périanastomotique alimenté par la
410 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

fistule peut s’extérioriser plus ou moins rapidement par la cicatrice de


laparotomie ou par un orifice de drainage.
On peut réaliser un test diagnostic au bleu de méthylène (ou rouge
carmin) au lit du patient ou une opacification du tube digestif par
ingestion de produits de contraste en radiologie qui présente l’avan-
tage de localiser précisément la fistule.
Le traitement médical est toujours indiqué de première intention en
dehors de fistules anastomotiques larges postopératoires précoces, à
l’origine de péritonites diffuses. Afin de favoriser la cicatrisation, en
plus de la mise au repos du tube digestif (alimentation parentérale
± aspiration digestive, selon la localisation), la somatostatine pourra
être indiquée afin de diminuer le débit des sécrétions digestives
exocrines. Les soins locaux ont pour but de canaliser, tamponner et
recueillir le liquide digestif corrosif (pH basique), tout en en proté-
geant la peau.
La cicatrisation pourra être ainsi obtenue de façon médicale dans
près de 70 p. 100 des cas. Dans les autres situations, une réinterven-
tion s’imposera.

Médicales
Les complications pulmonaires sont au premier plan des compli-
cations médicales postopératoires.
Les facteurs favorisant sont : l’âge, le tabac, l’obésité, la dénutrition
et les antécédents de pathologie respiratoire mais aussi une dysfonc-
tion diaphragmatique ; une inefficacité de la toux limitée par la dou-
leur et la diminution de la clairance mucociliaire en postintubation ;
l’inhalation périopératoire (période de réveil).
Les complications respiratoires sont représentées par une large
gamme qui va de la simple désaturation artérielle à l’encombrement
bronchique, aux atélectasies et aux pneumonies infectieuses nécessi-
tant une réintubation-ventilation.
En dehors de l’antibiothérapie en cas de pneumopathie avérée, le
traitement consiste en une bonne kinésithérapie respiratoire postopéra-
toire, en termes de physiothérapie classique, de spirométrie incitative
(appareil de triflow), de pression positive expiratoire (type CPAP), ou
de ventilation non invasive. Il faut souligner l’importance d’une bonne
analgésie périopératoire qui facilite la kinésithérapie et les expectora-
tions efficaces.
Le simple changement de posture ne doit pas être négligé : en par-
ticulier la mise au fauteuil précoce est une manœuvre simple ayant un
effet marqué sur la CRF.
La fibroscopie bronchique, pour aspiration et/ou prélèvement bacté-
riologique de manière à adapter l’antibiothérapie, doit être largement
indiquée, y compris chez les patients déventilés, en vigile.
ANESTHÉSIE DE L’ADULTE EN CHIRURGIE DIGESTIVE 411

La ventilation non invasive (VNI) fait aujourd’hui partie de l’arse-


nal thérapeutique dont dispose le clinicien. Son utilisation dans les
services de réanimation chirurgicale s’est accrue ces dernières années.
L’utilisation de la VNI peut être envisagée de 2 façons :
— dans le but de prévenir la survenue d’une insuffisance respira-
toire aiguë (IRA) postopératoire, ou pour favoriser la récupération de
la fonction respiratoire chez des patients à risque (BPCO, obèse, sujet
âgé, coronarien…) : indication préventive ;
— afin d’éviter le recours à l’intubation endotrachéale une fois que
l’IRA postopératoire s’est développée : indication curative.
Les bénéfices attendus de la VNI en postopératoire de chirurgies
réputées pour modifier la mécanique ventilatoire (chirurgie cardio-
thoracique et abdominale) seraient de compenser partiellement les
atteintes de la fonction respiratoire en diminuant le travail des muscles
respiratoires, l’importance et la durée des atélectasies et en améliorant
la ventilation alvéolaire et les échanges gazeux.
En l’absence d’IRA, après laparotomie sus-mésocolique, l’applica-
tion d’une pression positive continue des voies aériennes (CPAP) a
montré une amélioration significative de la CRF, ainsi qu’une réduc-
tion significative du nombre d’atélectasies par rapport à une prise
en charge par spirométrie incitative. Cependant, l’amélioration de la
capacité vitale forcée (CVF) pourrait être uniquement significative
lors de l’application d’un niveau d’aide inspiratoire suffisamment
important (12 cmH2O).
Il était classique en chirurgie sus-mésocolique, il y a encore quelques
années, d’arguer les complications à type de distension gastro-intestinale
pour ne pas utiliser cette technique. La conférence de consensus de
2006 (SFAR, SRLF, SPLF) n’a pas retenu comme contre-indication
absolue à la ventilation non invasive la période postopératoire d’une
chirurgie abdominale, en général, et sus-mésocolique en particulier.
Les complications de distension peuvent être limitées par des
mesures préventives de bonnes pratiques, comme le maintien de l’aspi-
ration digestive, et la limitation des pressions positives d’insufflations.
En dehors de la période postopératoire, la dilatation gastrique induite
survient quand la pression d’assistance dépasse la pression d’occlusion
du sphincter supérieur de l’œsophage (25 à 30 cmH2O).
Plusieurs études ont montré la faisabilité de la VNI dans les suites
postopératoires de chirurgie abdominale, y compris sus-mésocolique,
sans augmentation des complications chirurgicales, en contrepartie.
L’intérêt clinique de la VNI curative dans le cadre d’IRA précoces
ou tardives survenant après chirurgie digestive a été peu évalué. Des
patients en situation d’IRA post-chirurgicale ont été inclus parmi
d’autres types de patients dans des études comportant également des
IRA polyfactorielles, de cause médicale en particulier, sans qu’il
412 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

soit fait mention de différences de pronostic chez ces deux types de


patients.
Le succès de la VNI dépend principalement du bon choix de l’in-
dication. En effet, il s’agit d’une technique qui ne peut être réalisée
que chez un patient coopérant sans trouble de la vigilance, en parti-
culier avec une bonne protection des voies aériennes supérieures. Le
non-respect des contre-indications peut aggraver l’état respiratoire du
patient en précipitant le recours à l’intubation. Certaines études ont
rapporté une surmortalité de l’utilisation de la VNI par rapport à une
prise en charge standard, suggérant qu’il est préférable de ne pas ten-
ter d’utiliser la VNI si toutes les conditions permettant son succès ne
sont pas réunies, en particulier la présence d’un personnel en nombre
et suffisamment formé afin d’en assurer une bonne surveillance.

CAS PARTICULIERS

CHIRURGIE RÉGLÉE

Œsophage

Il s’agit d’une chirurgie le plus souvent pour une pathologie cancé-


reuse. L’œsophagectomie reste le traitement de référence des tumeurs
inférieures à 2 cm sans extension ganglionnaire ni métastatique (T1
ou T2, N0, M0), chez les patients « en bon état général ». Malgré
des progrès significatifs, cette opération reste grevée d’une morbi-
mortalité postopératoire élevée, celle-ci est liée à l’acte chirurgical
lui-même et aux co-morbidités associées  : les suites opératoires sont
compliquées dans plus de 50  p.  100 des cas, avec une mortalité de
plus de 10 p. 100.

Acte chirurgical
La voie trans-hiatale (sans thoracotomie) comporte un temps de
dissection aveugle et donc un risque de complication (perforation car-
diovasculaire). Cette voie d’abord trouve son intérêt chez des patients
opérés pour séquelles d’œsophage caustique.
Les autres voies permettent une dissection parfaite de l’œsophage avec
curage ganglionnaire complet. La résection est suivie par l’interposition
d’un « greffon » constitué de l’estomac tubulisé, ou d’un segment colique
si l’estomac n’est pas utilisable (importance des fibroscopies préopéra-
toires).
ANESTHÉSIE DE L’ADULTE EN CHIRURGIE DIGESTIVE 413

• La triple voie (Akyama) associe une thoracotomie droite (dissec-


tion de l’œsophage), une laparotomie sus-mésocolique (tubulisation
gastrique, pyloroplastie) et une cervicotomie gauche (anastomose œso-
gastrique ou œsocolique). Elle est la voie préférentielle des tumeurs de
l’œsophage moyen ou supérieur.
• Le double abord, laparotomie, thoracotomie droite (Lewis-Santy).
Son indication concerne les localisations sous-carénaires (tiers infé-
rieur).
• L’abord unique (de Sweet) : la thoracotomie gauche ne concerne
que certaines tumeurs très basses situées.

Installation peropératoire et monitorage


Les deux premières interventions ci-dessus, les plus fréquemment
pratiquées, imposent un temps en décubitus latéral avec affaissement
du poumon supérieur. Certains ont préconisé une ventilation monopul-
monaire avec exclusion pulmonaire (intubation avec sonde à double
lumière), mais elle n’est pas nécessaire pour la bonne oxygénation
peropératoire, et il n’a jamais été prouvé qu’elle diminuait les compli-
cations respiratoires.
Si une exclusion pulmonaire est nécessaire la ventilation doit être
adaptée en conséquence (voir Chapitre 23, Chirurgie pulmonaire).
Outre le monitorage habituel en chirurgie abdominale, l’installation
comprendra une pression artérielle sanglante, un abord veineux de
gros calibre (membre supérieur gauche) et un cathéter veineux central.
Il n’est parfois pas possible de descendre la sonde nasogastrique sur
les tumeurs sténosantes, la sonde sera alors positionnée chirurgicale-
ment en fin d’intervention.

Spécificité de l’anesthésie
Une intubation « estomac plein » s’impose pour les patients atteints
d’adénocarcinome développé sur endo-brachyœsophage (reflux gastro-
œsophagien).
L’analgésie péridurale thoracique favorise la toux et la mobilisation
postopératoire précoce et à ce titre elle devrait montrer un bénéfice en
termes de complication respiratoire, chez les patients les plus à risque.

Évaluation préopératoire
Le terrain souvent alcoolo-tabagique des néoplasies de l’œsophage
(pour les épidermoïdes) implique un bilan ORL et trachéal minutieux :
recherche d’un autre cancer (bouche, larynx, poumons) ou d’une
extension locale (bronches, trachée). L’état nutritionnel doit impérati-
vement être évalué.
414 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Complications postopératoires
• Les fistules anastomotiques, heureusement rares, mais mortelles
dans 50  p.  100 des cas, nécessitent le plus souvent une reprise opé-
ratoire.
• Hémothorax : de cause souvent mixte : saignement peropératoire
et troubles de crase consécutifs. Il impose rarement une reprise chirur-
gicale.
• Chylothorax : ils sont dus à une absence de ligature du canal tho-
racique ou à son traumatisme chirurgical. Ce sont des épanchements
clairs (> 1 l) qui apparaissent dans les premiers jours postopératoires.
Le caractère chyleux peut parfois n’apparaître qu’avec la reprise de
l’alimentation orale ou entérale. Ils peuvent nécessiter une reprise
chirurgicale, après échec du traitement médical (régime sans graisse
enrichi en triglycérides à chaînes moyennes).
• Les complications respiratoires médicales postopératoires sont
de loin les plus fréquentes : atélectasies et pneumopathies bactériennes.
Qu’en est-il de la faisabilité de la ventilation invasive (VNI) dans ce
cas précis ? Y a-t-il des implications liées aux lésions nerveuses asso-
ciées, en particulier lors des dissections cervicales ? Majore-t-on le
risque de reflux digestif de l’œsophage, surtout lorsqu’il est associé à
une pyloroplastie ? La VNI est réalisable sans majoration des compli-
cations chirurgicales et même potentiellement doublement bénéfique ;
1) au niveau respiratoire, 2) au niveau local, avec une amélioration de
l’oxygénation et de la perfusion tissulaire O2 de la plastie gastrique.
La prudence s’impose particulièrement et justifie une surveillance
accrue, au sein d’une équipe entraînée, en s’assurant de la bonne tolé-
rance clinique, de l’utilisation de pressions limitées.
• Traumatismes nerveux  : les lésions des nerfs récurrents sont à
l’origine des troubles de la déglutition avec parésie des cordes vocales.
Dans les abords par triple voie, il peut en effet exister une atteinte
laryngée par traction sur le nerf récurent droit lors de la thoracotomie,
et sur le nerf récurrent gauche lors de la cervicotomie gauche. Cette
atteinte heureusement rare peut impliquer une trachéotomie dans l’at-
tente d’une récupération.

Estomac

La répercussion la plus importante de la chirurgie gastrique reste le


retentissement respiratoire. L’incision médiane sus-ombilicale est une
des incisions qui entraîne le plus une gêne au fonctionnement venti-
latoire.
La sonde naso-gastrique est maintenue 7 à 8  jours. Le contrôle de
l’anastomose n’est pas systématique avant la réalimentation.
ANESTHÉSIE DE L’ADULTE EN CHIRURGIE DIGESTIVE 415

Les complications de cette chirurgie sont le traumatisme splénique


et la plaie des voies biliaires. Les fistules sont des accidents graves.
Les hémorragies digestives précoces sont rares mais tout aussi graves.
On peut également rencontrer dans les suites de cette chirurgie des
occlusions précoces ou des abcès sous-phréniques.

Côlon

Le côlon contient en moyenne 5 ⋅ 109  germes/gramme de selles,


avec 90 à 99  p.  100 de germes anaérobies stricts. La préparation
colique consiste en un régime sans résidus strict, 3 à 5  jours avant
l’intervention, le déclenchement d’une diarrhée osmotique (risques
d’hypokaliémie), plus rarement un lavage colique rétrograde dans le
cadre de chirurgie du côlon gauche et du sigmoïde. La prophylaxie
anti-infectieuse est discutée à la fois en ce qui concerne sa nature
(antibiotiques utilisés), sa voie d’administration (orale ou parentérale),
mais l’indication d’une antibiothérapie périopératoire est absolument
admise.
Le patient est installé en position « rectum », les jambes écartées et
surélevées.
On sera donc attentif aux risques de syndrome de loge des membres
inférieurs en postopératoire, surtout chez des patients non dénutris
avec une masse musculaire importante et des interventions prolon-
gées. La mobilisation des membres inférieurs en peropératoire serait
plus dangereuse que bénéfique (risque de malposition avec compres-
sion nerveuse, et risque de faute d’asepsie).
Le risque de la chirurgie colique le plus redouté et le plus grave
est représenté par la désunion anastomotique (mortalité 30  p.  100).
Son incidence peut être réduite par la réalisation d’une stomie de pro-
tection latérale d’amont, selon l’indication initiale et/ou le risque de
fistulisation postopératoire. Il est important de différencier les anas-
tomoses colorectales et les anastomoses colo-anales. Dans ce dernier
cas, l’anastomose est sous-péritonéale et une complication locale sera
cliniquement moins évidente à dépister que dans le cas d’une anasto-
mose colorectale, où l’anastomose est intrapéritonéale avec des signes
généraux de péritonite en cas de problème infectieux. Une mécon-
naissance ou un retard diagnostic pourrait évoluer vers une cellulite
pelvienne.
En cas de chirurgie colique, s’intéressant au côlon droit, la reprise
du transit est habituellement plus longue que pour le côlon gauche.
Cas particulier  : l’amputation abdomino-périnéale. Il s’agit d’une
chirurgie majeure avec changement de position en peropératoire,
modifiant la répartition volémique. Le risque est hémorragique (dif-
ficulté de réaliser l’hémostase chirurgicale des tissus périnéaux). Les
416 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

pertes sanguines sont rarement estimées à moins de 500 ml à 1 l en


peropératoire. Il est donc nécessaire d’avoir de bonnes voies d’abord
pour le remplissage et la transfusion.

Foie

Les progrès effectués depuis 15 ans dans le domaine de la chirurgie


hépatique résultent de l’amélioration des techniques chirurgicales et
de la prise en charge périopératoire. Ils ont favorisé l’extension des
indications opératoires.
On distingue deux types de chirurgie hépatique :
— la chirurgie hépatique sur foie sain  : c’est le cas le plus fré-
quent. Cette indication concerne en premier lieu les métastases (can-
cer colorectal primitif le plus souvent) mais aussi certaines pathologies
bénignes à risque hémorragique (angiome, adénome, traumatisme
hépatique) ou tumeurs rares (carcinoïdes). Les résections peuvent alors
être très étendues jusqu’à 70  p.  100 de la masse parenchymateuse et
les clampages vasculaires peuvent dépasser 60 min, pour permettre au
chirurgien de réaliser un geste parfait, dans un champ exsangue ;
— la chirurgie hépatique sur foie pathologique : essentiellement les
carcinomes hépatocellulaires sur cirrhose. Les résections doivent alors
le plus souvent être limitées et les clampages vasculaires inférieurs à
45 min. Le risque d’insuffisance hépatocellulaire postopératoire est bien
supérieur à celui observé dans des résections identiques sur foie sain.

Évaluation préopératoire
L’anesthésiste doit pouvoir disposer des éléments suivants :
— le type de résection prévue et la technique opératoire souhaitée
(exclusion vasculaire, clampage pédiculaire) ;
— l’état du parenchyme hépatique ;
— l’échographie hépatique renseigne non seulement sur le site de la
lésion, son extension locale et ses rapports vasculaires mais aussi per-
met de suspecter une hépatopathie (stéatose, cirrhose) et de détecter ou
de quantifier une hypertension portale (bas débit portal, ascite, spléno-
mégalie) qui limite considérablement les possibilités de résection.
D’autres facteurs sont à prendre en compte :
— une coronaropathie ou une altération de la fonction cardiaque
risquant de se décompenser sous l’effet d’un clampage cave. Par
ailleurs, l’augmentation des pressions droites augmente le risque de
saignement lors de la dissection, de la résection s’il n’y a pas de clam-
page, et bien sûr lors du déclampage vasculaire ;
— l’existence d’une pathologie pulmonaire sous-jacente, par l’hypo-
xie qui peut la compliquer, peut également interférer sur la récupération
ANESTHÉSIE DE L’ADULTE EN CHIRURGIE DIGESTIVE 417

postopératoire de la fonction hépatique. L’augmentation des pressions


cardiaques droites dans ces pathologies peut aussi rendre la chirurgie
beaucoup plus risquée ;
— l’existence d’une réplication virale préopératoire (B ou C), de
l’absence de sevrage alcoolique, doivent être connues en préopéra-
toire, en particulier pour les carcinomes hépatocellulaires. Une discus-
sion pluridisciplinaire (chirurgien, hépatologue, anesthésiste) pourra
alors faire parfois différer l’acte de quelques semaines en vue de néga-
tiver la réplication ou de permettre le sevrage. Une résection en phase
d’hépatite aiguë est contre-indiquée, sauf risque de rupture tumorale.
La préparation des patients n’offre pas pour le reste de particularité
par rapport à la chirurgie abdominale non hépatique.

Phase peropératoire
L’hémorragie massive est le risque majeur : elle peut survenir pen-
dant la section du parenchyme hépatique ou lors de la plaie d’une
veine sus-hépatique ou de la veine cave inférieure. La surveillance de
la pression artérielle par voie sanglante est primordiale et toutes les
précautions des interventions à haut risque hémorragiques doivent être
prises (voie veineuse de gros calibre, appareil pour transfusion rapide
avec réchauffement). La prise de pression veineuse centrale est sou-
haitable pour maintenir la PVC inférieure à 5 mmHg au moins durant
toute la phase de dissection et pendant l’hépatectomie, s’il n’y a pas
de clampage. Cela afin de diminuer le saignement sur le champ opéra-
toire et par là même d’optimiser l’acte chirurgical.
Les clampages vasculaires peuvent être utilisés pour diminuer l’hémor-
ragie. Ils peuvent être soit continus, soit séquentiels pour améliorer la
tolérance à l’ischémie :
— le clampage du pédicule hépatique (CPH) : c’est le clampage de
la veine porte, de l’artère hépatique et de la voie biliaire. Il entraîne
une augmentation de la PA, malgré une baisse modérée de la PVC et
du débit cardiaque (Qc) mesuré ;
— l’exclusion vasculaire du foie (EVF)  : associe un CPH et le
clampage de la veine cave inférieure sus- et sous-hépatique. Elle est
parfois utilisée pour les tumeurs proches des veines sus-hépatiques
afin de prévenir une hémorragie massive ou une embolie gazeuse.
L’EVF provoque une baisse majeure de 50  p.  100 du Qc mesuré. La
mesure de la SvO2 est également souhaitable, lorsqu’une EVF est
envisagée. La tolérance à l’EVF doit être testée après une optimisation
du remplissage vasculaire, amenant les pressions de remplissage aux
limites supérieures de la normale. La tolérance se juge alors sur le
maintien de la PA, le maintien d’un Qc (à environ 50  p.  100 du Qc
mesuré en pré-EVF), et du maintien de la SvO2 supérieure ou égale à
70 p. 100, pendant une durée de 5 à 7 minutes.
418 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Phase postopératoire
Le risque postopératoire est dû à l’insuffisance hépatocellulaire et à
sa récupération, avec un risque de défaillance multiviscérale, pouvant
conduire au décès dans les cas les plus sévères.
Il dépend du déroulement de l’intervention : perte sanguine, isché-
mie myocardique…
Les hépatectomies sur cirrhose constituent une des rares indications
à l’administration « prophylactique » de PFC, afin de maintenir un
TP > 45 p. 100, et d’albumine en compensation des pertes protéiques
liées à la production d’ascite en postopératoire. De même, un taux de
plaquette ≥ 50 000 est souhaitable.

Pancréas et voies biliaires

Le pancréas est une glande exocrine (sécrétion des enzymes de la


digestion) et endocrine (insuline entre autres).
La chirurgie du pancréas et de la voie biliaire s’adresse souvent à
des patients qui présentent un ictère rétentionnel, qui en lui-même
accroît déjà la morbi-mortalité périopératoire, aggravée par des épi-
sodes d’angiocholites aiguës, subaiguës ou chroniques sur obstacles
lithiasiques ou néoplasiques (cancer des voies biliaires ou de la tête du
pancréas), ou en rapport avec un obstacle extrinsèque (kyste ou faux
kyste) sur pancréatite aiguë ou chronique.
L’incidence des infections postopératoires est également accrue
dans la chirurgie intéressant les voies biliaires, même si la bile est
normalement stérile. On sortira donc souvent du cadre de l’antibiopro-
phylaxie pour une antibiothérapie curative périopératoire, prolongée
en postopératoire. L’antibiothérapie sera adaptée aux germes retrouvés
dans les cultures de bile réalisées en peropératoire, ou bien empirique
en visant les entérobactéries avec en particulier l’E. coli par l’adminis-
tration de céphalosporines de troisième génération.
La chirurgie des voies biliaires et du pancréas impose le maintien
de la sonde naso-gastrique jusqu’à reprise du transit pour protéger les
anastomoses. L’administration de vitamine K est systématique en cas
d’ictère rétentionnel préopératoire même si l’hémostase était normale
sur la biologie préopératoire.
En postopératoire, les complications attendues sont  : un syndrome
hémorragique extériorisé par les drainages (rapports vasculaires), une
pancréatite aiguë avec risque de lâchage d’anastomose, une fistule
(pancréatique et/ou biliaire) avec collection intra-abdominale + ou –
surinfectée (nécessité du maintien du drainage jusqu’au 8-10e jour).
Ces complications surviennent rarement avant le 7e jour et nécessi-
tent une surveillance attentive des drainages.
ANESTHÉSIE DE L’ADULTE EN CHIRURGIE DIGESTIVE 419

Les différents types de chirurgie concernant le pancréas sont :


— la splénopancréatectomie gauche (SPG) qui s’adresse à des
patients non ictériques présentant une pathologie du corps ou de la
tête du pancréas : haut risque de fistule pancréatique postopératoire et
nécessité d’une vaccination anti-pneumococcique, anti-Haemophilus
et anti-méningococcique en préopératoire ;
— une duodéno-pancréatectomie céphalique (DPC), qui peut s’asso-
cier à des reconstructions vasculaires spléno-portales : exérèse de la tête
du pancréas et du cadre jéjunal ;
— une pancréatectomie totale, chirurgie à haute morbi-mortalité
postopératoire avec une insuffisance pancréatique postopératoire
totale, à l’origine entre autres d’un diabète insulinoprive.
L’octréotide (Sandostatine®), analogue de la somatostatine, diminue
l’incidence des complications (fistule, désunion anastomotique, abcès)
après résection pancréatique et peut être administrée préventivement
en périopératoire.

Splénectomie

La splénectomie peut être réalisée dans le cadre de l’urgence (trau-


matisme avec rupture splénique et hémopéritoine), ou bien dans le
cadre d’une chirurgie réglée.
Dans ce deuxième cas, il s’agit le plus souvent de splénomégalie
d’étiologie hématologique, chez des patients thrombopéniques. La
splénomégalie peut être très volumineuse (20 à 25 cm, pour une nor-
male inférieure à 10 cm) et rendre le geste chirurgical particulièrement
difficile. Un relâchement musculaire optimal sera alors d’une grande
aide pour le chirurgien et minimisera le risque de complications per- et
postopératoire.
En préopératoire, la thrombopénie, avec un rendement transfu-
sionnel aléatoire du fait de la maladie en cause et/ou de la séquestra-
tion splénique peut poser problème. Les plaquettes seront au mieux
transfusées dans les 3  h précédant l’intervention de façon à obtenir
le meilleur rendement transfusionnel. Le conseil de l’hématologue
en charge du patient pourra être précieux (immunoglobulines polyva-
lentes en préopératoire ?).
La splénectomie pose également le problème du risque infectieux.
La vaccination sera idéalement réalisée en préopératoire dans les 2 à
3  semaines précédant l’intervention. En cas de chirurgie non réglée,
cette vaccination sera réalisée 3 semaines à 1 mois après la chirurgie.
Il est recommandé de faire non seulement la vaccination anti-
pneumococcique, mais aussi anti-méningococcique et anti-Haemophilus.
Ceci ne dispensera pas la prescription d’une antibiothérapie au long
court (Oracilline®) pour une durée d’au moins 2  ans, voire à vie. En
420 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

effet, l’efficacité des vaccinations n’est que de 50 à 75 p. 100, chez le


sujet non immunodéprimé. En cas d’allergie aux pénicillines, on pourra
avoir recourt à l’érythromycine.
En postopératoire, il faudra se méfier du risque thrombotique avec
un risque de thrombose du carrefour spléno-mésaraïque, selon la tech-
nique chirurgicale. Par ailleurs, la thrombocytémie habituelle en post-
opératoire nécessite une anticoagulation préventive à haut risque, avec
l’association dès que possible d’aspirine, et éventuellement d’Hydréa®
(si la numération plaquettaire dépasse le million). Une hyperleuco-
cytose est habituelle à la phase initiale postopératoire et sans gravité.
Il est absolument nécessaire d’informer le patient de la réalisation
de la splénectomie et de ses conséquences. On lui remettra une carte
d’asplénique, qu’il gardera sur lui.

CHIRURGIE EN URGENCE

L’évaluation préopératoire doit préciser le degré de déshydratation


et d’hypovolémie clinique. Toute hypovolémie doit être corrigée avant
l’induction d’anesthésie. Tous les patients présentant une urgence
abdominale doivent être considérés comme des sujets ayant l’estomac
plein.

Péritonites

Les mécanismes de défense du péritoine peuvent être dépassés si


l’inoculum bactérien est suffisamment important et conduire ainsi à
la péritonite. L’agression péritonéale a comme conséquence l’exsuda-
tion d’un liquide riche en protéines, dans la cavité péritonéale et une
séquestration liquidienne dans les anses intestinales dilatées, secondaire
à l’iléus réflexe. Une hypovolémie en résulte.
Le retard à l’intervention chirurgicale, la qualité du geste opératoire
sont probablement déterminants dans l’évolution postopératoire ainsi
qu’une antibiothérapie initiale adaptée.
On distingue les péritonites :
— primaires, péritonites primitives spontanées (sans perforation
digestive), relativement rares, essentiellement dues à des streptocoques,
des pneumocoques ou à Candida albicans. Elles correspondent égale-
ment au tableau d’infection d’ascite du cirrhotique, et justifient d’un
traitement médical ;
— secondaires, les plus fréquentes, par perforation viscérale, ou
dues à l’extension d’un foyer infectieux développé dans les viscères
abdominaux (appendicites, cholécystites, diverticulites, salpingites…)
et les péritonites postopératoires (lâchage de suture, abcès postopéra-
ANESTHÉSIE DE L’ADULTE EN CHIRURGIE DIGESTIVE 421

toire, contamination ou perforation peropératoire méconnue, ou corps


étranger laissé en place) ;
— tertiaires de l’immunodéprimé, avec souvent des germes sélec-
tionnés par des traitements antibiotiques antérieurs, fréquemment
responsables d’une défaillance multiviscérale. Le traitement est symp-
tomatique avec une antibiothérapie large et bactéricide, et la prise en
charge des défaillances viscérales.
L’abord cœlioscopique premier des péritonites communautaires
trouvent ces indications essentielles dans les péritonites appendicu-
laires et les perforations ulcéreuses duodénales.
En dehors de ces situations, l’abord par laparotomie doit être large et
médian : il s’agit souvent d’une laparotomie médiane xypho-pubienne
pour permettre l’exploration complète de la cavité abdominale, après
prélèvements bactériologiques systématiques, et une toilette périto-
néale minutieuse.
L’antibiothérapie probabiliste doit être mise en œuvre dès le diag-
nostic établi, et prendre systématiquement en compte les entérobacté-
ries (E. coli, les bactéries anaérobies avec particulièrement Bacteroides
fragilis).
L’adaptation thérapeutique à la sensibilité aux antibiotiques des
germes isolés est recommandée. Au cours de l’évolution, la culture
des liquides de drainage est inutile. Par contre, en cas d’aggravation
secondaire, la culture du liquide de collection obtenu par ponction est
recommandée.
La durée du traitement antibiotique est conditionnée par le délai
entre la contamination péritonéale et l’acte chirurgical, l’importance
des lésions observées lors de la laparotomie, la nature de l’épanche-
ment intra-péritonéal, la sévérité initiale du tableau clinique et bien
sûr un contexte d’immunosuppression sous-jacente. Cette durée pour-
rait aller de 24 h (plaie pénétrante perforante opérée dans les 12 pre-
mières heures) à 5 jours (péritonite généralisée sans critère de gravité
particulier) voire 10 jours dans le cadre d’une péritonite stercorale ou
d’une péritonite généralisée vue tardivement.

Occlusions

L’occlusion intestinale est un arrêt du transit avec des conséquences


locales et générales secondaires à la distension intestinale. Les étio-
logies sont nombreuses.
On distingue :
• les occlusions par obstruction (tumeur, sténose inflammatoire,
corps étrangers intra-luminaux, compression extrinsèque) ;
• les occlusions par strangulation (volvulus spontané ou sur bride,
hernie étranglée, adhérence…) ;
422 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

• et les occlusions fonctionnelles (syndrome infectieux de proximité,


infection rétro-péritonéale, troubles métaboliques et/ou endocriniens).
L’intervention chirurgicale doit être précoce pour éviter le danger de
nécrose intestinale irréversible. La fréquence relative des différentes
étiologies est très variable, selon l’âge et le terrain des patients (mala-
die inflammatoire chez les sujets jeunes, cancer iléus biliaire ou vol-
vulus colique chez le sujet âgé, volvulus sur bride en cas d’antécédent
de chirurgie abdominale).
L’existence d’une strangulation impose une intervention avant la
6e  heure sous peine d’évolution vers la nécrose intestinale justifiant
alors une résection segmentaire, alors qu’une occlusion par obstruc-
tion donne un délai pouvant atteindre 12 à 24 h.
Dans les cas les moins graves (absence de syndrome septique, ou de
souffrance ischémique d’une anse après un examen clinique chirurgi-
cal soigneux), on pourra mettre en route un traitement médical (aspi-
ration digestive) en première intention, avec une surveillance clinique
rapprochée, en n’ayant recours à la chirurgie qu’en l’absence de réso-
lution de la symptomatologie.

POUR EN SAVOIR PLUS

Chambrier C, Sztark F et le groupe de travail de la Société francophone de nutri-


tion clinique et métabolisme (SFNEP) et de la Société française d’anesthésie et
réanimation (SFAR). Recommandations de bonnes pratiques cliniques sur la nutri-
tion périopératoire. Actualisation 2010 de la conférence de consensus de 1994 sur
la « Nutrition artificielle périopératoire en chirurgie programmée de l’adulte ».
Deflandre E, Joris J. Remplissage vasculaire peropératoire durant la chirurgie
abdominale : remplir ou ne pas remplir ? Le praticien en anesthésie-réanimation,
2008 ; 12 : 46-50.
Vezinet C, Eyraud D, Savier E. Anesthésie pour chirurgie hépatique. Le prati-
cien en anesthésie-réanimation, 2009 ; 13 : 418-428
Chapitre 17

Anesthésie
en chirurgie orthopédique
F. Bonnet

INTRODUCTION

La chirurgie orthopédique est le lieu d’application de nombreuses


techniques d’anesthésie locorégionale.
La pathologie traumatique concerne plutôt des patients jeunes (à
l’exception de la fracture du col fémoral) et les prothèses articulaires
s’adressent plutôt à des patients âgés.
Bien qu’il s’agisse d’une chirurgie fonctionnelle, certains actes (rem-
placement prothétique de la hanche ou du genou, chirurgie du rachis)
peuvent faire courir un risque vital. Cette chirurgie majeure nécessite
une stratégie transfusionnelle adaptée.
Le traitement de la douleur postopératoire a un impact certain sur la
rééducation fonctionnelle des patients.
La thromboprophylaxie est particulièrement importante compte
tenu d’un risque thromboembolique élevé.

CONSULTATION D’ANESTHÉSIE

La consultation anesthésique s’attache chez les sujets âgés à évaluer


l’état cardio-respiratoire mais aussi l’état cognitif et le degré d’auto-
nomie antérieur. Elle comporte une information sur le risque throm-
boembolique et sa prévention, la prise en charge de la douleur et la
politique transfusionnelle le cas échéant.
424 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

FONCTION CARDIAQUE

Deux éléments doivent être pris en compte chez les sujets âgés : le
risque de cardiopathie ischémique et la possibilité d’une insuffisance
cardiaque. La symptomatologie des cardiopathies ischémiques peut
être masquée par la mobilité limitée des patients. Compte tenu de la
faible valeur prédictive de l’ECG de repos (qui sert uniquement de
référence), l’échographie de stress (dobutamine) est l’examen clé. Il
permet également d’apprécier la fonction cardiaque. Les interactions
médicamenteuses avec des agents tels que les inhibiteurs du système
rénine-angiotensine et les antiagrégants plaquettaires doivent être
prises en compte (voir Chapitre 2, Consultation d’anesthésie).

FONCTION RESPIRATOIRE

Il est important de l’évaluer pour détecter un terrain asthmatique ou


BPCO. Une fonction respiratoire altérée doit faire préférer les tech-
niques d’anesthésie locorégionale pour faciliter la rééducation. Il est
inutile de réaliser des EFR.

CRITÈRES D’INTUBATION

La fréquence des intubations difficiles est plus élevée chez les


patients souffrant de maladies rhumatismales, en particulier  : poly-
arthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante. Ces deux affections
peuvent toucher le rachis cervical et diminuer considérablement sa
mobilité. Une intubation sous contrôle fibroscopique est très souvent à
prévoir. En raison de l’évolutivité des pathologies, une intubation pré-
cédente ne préjuge pas du degré de difficulté de la suivante. L’atteinte
rachidienne de la polyarthrite rhumatoïde peut rendre très difficile la
réalisation d’un bloc central. Ils doivent être évalués même dans le cas
où une ALR a été choisie.

RISQUE THROMBOEMBOLIQUE

Il dépend du patient (voir Chapitre 15, Thromboprophylaxie en


chirurgie) et du type de chirurgie (tableau 17-I).
Prévention par HBPM à dose élevée  (énoxaparine = Lovenox®
40 mg/j) ou tinzaparine Innohep® 3500 : 1 par jour en injection sous-
cutanée.
Dans le cadre de la chirurgie prothétique de genou et de hanche et
dans la fracture du col de fémur, il est aussi possible de prescrire du
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE 425

Tableau  17-I Risque thromboembolique en chirurgie orthopédique (D’après


RPC, SFAR, 2005.)

Risque lié
Risque lié à la chirurgie Recommandations
au patient
Arthroscopie _ Pas de prophylaxie
Chirurgie ligamentaire + HBPM doses élevées
Faible
Trauma genou
sans fracture
Fracture extrémité MI HBPM doses élevées
(surtout si risque
patient)
Modéré
Fracture diaphyse fémorale HBPM doses élevées
Rachis non neurologique
PTH, PTG HBPM doses élevées
Fondaparinux (Arixtra®)
Dabigatran (Pradaxa®)
Rivaroxaban (Xarelto®)
Élevé Fracture du col du fémur HBPM doses élevées
Rachis neurologique Fondaparinux
Polytraumatisé
Polytraumatisé avec risque CPI
hémorragique

fondaparinux (Arixtra®  : 2,5 mg/j en injection sous-cutanée) pour les


prothèses de genou ; du rivaroxaban (Xarelto® : 10 mg/j) ou du dabi-
gatran (Pradaxa®) 100 mg × 2/j (tableau 17-II).
Les mesures associées sont la contention mécanique type bas ou
chaussettes de contention de grade II adaptés à la morphologie du
patient.

RISQUE HÉMORRAGIQUE ET TRANSFUSIONNEL

Il est surtout présent dans les chirurgies prothétiques, rachidiennes


et carcinologiques.
L’idéal est de prévoir une stratégie transfusionnelle en fonction de
l’hématocrite préopératoire du patient, de l’hématocrite postopératoire
426 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

tolérable du patient et du saignement prévisible par intervention et par


chirurgien.
La consultation, si le risque hémorragique est réel, doit être pro-
grammée au moins un mois avant l’acte chirurgical afin de pouvoir
organiser une stratégie transfusionnelle adaptée et l’expliquer au
patient (érythropoïétine, transfusion auto- ou homologue…).

INTERACTION ENTRE LES TRAITEMENTS,


L’ANESTHÉSIE ET LA CHIRURGIE

Anticoagulants et antiagrégants plaquettaires

Il n’y a pas d’indication à interrompre les salicylés. Pour le clopi-


dogrel (Plavix®), 5  jours d’arrêt sont nécessaires si la mise en place
de stent coronaire ne contre-indique pas l’arrêt. Dans ce cas, il faut
reporter les interventions de chirurgie orthopédique programmées de
plusieurs mois.
Les AVK sont classiquement relayés 5  jours avant l’opération
par des HBPM à dose efficace ou par de l’héparine non fractionnée
(valves cardiaques) selon les indications. Il convient de contrôler
l’INR la veille de l’intervention.

Traitements à visée cardiologique

Il faut veiller à interrompre les traitements par inhibiteurs de l’enzyme


de conversion ou par inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine  II,
surtout en cas de risque d’hypovolémie relative (rachianesthésie) ou
vraie (hémorragie).

Traitements à visée rhumatologique

Beaucoup de patients sont sous corticothérapie et au-delà de 15 mg


d’équivalent prednisone/jour, il faut prévoir une substitution par de
l’hémisuccinate d’hydrocortisone le jour de l’intervention en préopé-
ratoire (100 mg en bolus) si l’intervention est mineure et aussi en per-
et postopératoire (100 mg en bolus suivie de 100 mg/j en IVSE pour
24 h) si l’intervention est majeure.
Les anti-TNFα utilisés dans le traitement de fond de la polyarth-
rite rhumatoïde doivent être arrêtés du fait du risque d’infection et de
retard de cicatrisation. Le délai recommandé est de cinq demi-vies
de la molécule considérée (15 j pour l’Enbrel® et 45 j pour le Remi-
cade®).
Tableau 17-II Indications/contre-indications et comparaisons des anticoagulants en chirurgie orthopédique. TIH : thrombopénie
induite par l’héparine ; PTH : prothèse totale de hanche ; PTG : prothèse totale du genou ; FC : fracture du col fémoral

AMM Durée
Agents Mécanisme Posologie Surveillance Contre-indications
Thromboprophylaxie de traitement
HNF Anti-Xa CI des HBPM 5 000 u × 2/j (PTH-PTG) TCA TIH
Anti-IIa 4 sem plaquettes
PTH PTG
HBPM Anti-Xa Toutes chirurgies 40 mg/j 4 sem plaquettes TIH
Anti-IIa PTH PTG
Fondaparinux Anti-Xa PTH/PTG/ 2,5 mg/j 4 sem ---- Insuffisance rénale
(Arixtra®) indirect FC Âge > 75 ans
Dabigatran Anti-Xa PTH/PTG 110 mg × 2 4 sem ---- Insuffisance rénale
(Pradaxa®) indirect en 1 prise Insuffisance hépatique
Prise amiodarone-AVK
ou clopidogrel
Rivaroxaban Anti-Xa PTH/PTG 10 mg/j 4 sem ---- Insuffisance rénale
(Xarelto®) indirect Insuffisance hépatique
Prise AVK, clopidogrel
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE

kétoconazole, ritonavir
427
428 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

TECHNIQUES D’ANESTHÉSIE

Fracture du col fémoral

C’est un problème de santé publique.


• Sujet âgé (> 70 ans > prédominance féminine).
• Objectif mobilisation rapide → prothèse scellée.
• Intervention urgente → interactions médicamenteuses et patholo-
gies fréquentes mais le pronostic dépend du délai entre la fracture et
l’intervention  : ne pas trop retarder l’intervention. Même s’il s’agit
d’une chirurgie fonctionnelle, elle peut avoir un intérêt palliatif dans
certains cas  : ne pas contre-indiquer systématiquement les patients
même en mauvais état général.
• Pas de supériorité démontrée de l’anesthésie locorégionale (rachia-
nesthésie) en termes de morbidité et de mortalité.
• Temps opératoire fort : scellement de prothèse (si prothèse scellée) :
risque d’hypotension voire de collapsus et d’arrêt cardiaque. Préven-
tion : optimiser la volémie, augmenter la FiO2.
• Complications  : pneumopathies, embolie pulmonaire, décompen-
sation de pathologie préexistante (cardiaque), syndrome confusionnel,
infection urinaire, perte d’autonomie.

Prothèse totale de hanche

• Âge moyen : 60 ± 5 ans (sauf pathologie rhumatismale).


• Évaluation préopératoire  : prévision transfusionnelle. Straté-
gie analgésique. Si rédux ou pathologie rhumatismale (Paget) ou
carcinologique (métastase du sein), risque hémorragique supérieur,
utilisation potentielle d’acide tranexamique dans ce cas (Exacyl®)
et de la récupération de sang épanché (sauf en chirurgie carcino-
logique).
• L’anesthésie locorégionale n’a pas fait la preuve de sa supério-
rité en termes de mortalité mais favorise la rééducation fonctionnelle.
Trois stratégies anesthésiques sont possibles :
— anesthésie générale + analgésie systémique multimodale (para-
cétamol, AINS, PCA morphine) ;
— anesthésie générale + bloc fémoral continu [(réalisé avant
l’induction et entretenu par un cathéter), ex. : ropivacaïne 2 mg/ml,
10 ml/heure] ;
— bloc central (péridural) entretenu en postopératoire par cathé-
ter. Cette dernière technique a deux inconvénients  : d’une part elle
n’assure pas un confort optimum si le patient est placé sur table ortho-
pédique, d’autre part l’ablation du cathéter doit être séquencée avec
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE 429

l’anticoagulant pour la thromboprophylaxie (risque fort, durée d’admi-


nistration 6 semaines). La rachianesthésie est une alternative. Elle a les
mêmes inconvénients peropératoires. Associer de la morphine (200-
300 γg) pour l’analgésie postopératoire.

Prothèse totale du genou

• Sujets âgés (en moyenne 75 ans).


• Intervention à fort pouvoir thromboembolique réalisée sous gar-
rot. Pertes sanguines à la levée du garrot. Risque d’hypotension à la
levée du garrot. L’utilisation d’acide tranexamique réduit le saigne-
ment (ex. : bolus 15 mg/kg avant la levée du garrot ± bolus 10 mg/kg
sur 6 heures).
• Anesthésies  : plusieurs techniques sont possibles  : anesthésie
générale + bibloc (sciatique en injection unique, ex.  : ropivacaïne
0,75  p.  100 15 ml) et fémoral avec cathéter (ropivacaïne 0,75  p.  100
30 ml + perfusion continue ropivacaïne 0,5 p. 100 10 ml/heure).
• Bibloc uniquement (sujet coopérant + sédation).
• Rachianesthésie  : bonne indication mais analgésie insuffisante  :
associer un bloc fémoral.
• Anesthésie péridurale avec cathéter  : pose les mêmes problèmes
d’interférence avec la thromboprophylaxie que dans le cas de la chirur-
gie de la hanche.

Chirurgie de l’épaule

• Différentes interventions sont pratiquées, plus ou moins délabrantes,


jusqu’à la prothèse d’épaule.
• Le patient est installé en position de « transat » d’où un risque
d’hypotension.
• Si l’intervention est peu délabrante, elle peut être pratiquée sous
bloc interscalénique avec injections complémentaires postérieures et
axillaires. Le risque est la survenue d’un syndrome « hypotension-
bradycardie » (réflexe de Bezold-Jarisch) surtout observé avec les
solutions adrénalinées (à éviter). Sinon le bloc interscalénique avec
cathéter est indiqué pour l’analgésie postopératoire.
• En cas de chirurgie délabrante certaines équipes vérifient l’inté-
grité de la fonctionnalité du plexus brachial avant d’effectuer la pre-
mière injection d’anesthésique local.
• L’analgésie postopératoire peut être assurée sur un cathéter inters-
calénique par la perfusion d’anesthésique local (ropivacaïne 2 mg/ml,
robupivacaïne 1,25 mg/ml).
430 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Chirurgie arthroscopique du genou

• Soit le geste est diagnostique et de très courte durée (sous garrot).


Il faut opter pour une anesthésie générale avec des agents de courte
durée d’action (desflurane, sévoflurane, rémifentanil). L’analgésie est
assurée par l’injection intra-articulaire d’anesthésique local (ropiva-
caïne 7,5 mg/ml 30 ml) avec un adjuvant (morphine 2 mg, clonidine
150 mcg).
• Soit il s’agit d’un geste douloureux (ligamentoplastie) qui peut
être effectué sous anesthésie générale, sous bloc central (rachianesthé-
sie) ou sous bloc périphérique (bloc sciatique + bloc fémoral + bloc
cutané latéral de cuisse + bloc obturateur). Si l’anesthésie générale
est choisie, l’analgésie postopératoire peut être assurée par un bloc
fémoral complété par une analgésie systémique (AINS + paracétamol
et/ou néfopam).

Chirurgie du rachis

• Chirurgie simple (cure de hernie discale) ou parfois majorée (lami-


nectomie, corporectomie, arthrodèse) surtout à l’étage dorsolombaire.
• Plusieurs risques  : hémorragique, neurologique (compression
médullaire) liés à la posture (compression oculaire avec risque de
cécité) auxquels s’ajoutent les complications thromboemboliques, le
risque respiratoire : inhalation, pneumopathie et la douleur postopéra-
toire souvent importante.
• L’installation se fait en décubitus ventral : bien vérifier les zones
d’appui, attention à la compression abdominale qui gêne le retour
veineux, attention à la compression oculaire en raison du risque de
cécité.
• Installer deux voies d’abord veineuses de bon calibre pour assurer
une transfusion si nécessaire parfois rapidement. Pour les interven-
tions majeures, installer un système de transfusion accélérée et/ou un
cell saver (sauf en cas de chirurgie néoplasique).
• Maintenir avec attention le patient réchauffé pendant l’interven-
tion  : maintenir une volémie adéquate  : l’hypovolémie est un facteur
de risque d’embolie gazeuse (champ opératoire au-dessus du cœur),
l’anémie et l’hypotension sont des facteurs de risque d’ischémie
médullaire et de cécité.
• Intérêt de la récupération de sang épanché pour autotransfusion du
peropératoire.
• En postopératoire  : rééducation fonctionnelle respiratoire sou-
tenue, prévention du risque thromboembolique fort, analgésie systé-
mique opiacée (morphine IV PC, patch de fentanyl transdermique) et
non opiacée (AINS + paracétamol et/ou néfopam).
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE 431

TYPE D’ANESTHÉSIE

MEMBRE SUPÉRIEUR (tableau 17-III)

Pour la chirurgie de la main, un temps de garrot inférieur à 20 min


est compatible avec des blocs distaux (poignet ou coude).
Pour la main complexe et le coude (arthrolyse), l’analgésie par
cathéter périnerveux est très intéressante. La voie infraclaviculaire
semble avoir une meilleure durée de vie.
Pour l’épaule, le choix entre une ALR single shot et un cathé-
ter interscalénique dépend de la chirurgie. Toutes les chirurgies
invasives (coiffe des rotateurs, prothèse, chirurgie à ciel ouvert,
arthrolyse…) doivent bénéficier d’un cathéter périnerveux, seules
les arthroscopies simples ou acromioplasties peuvent soutenir un
single shot.

Tableau 17-III Propositions pour anesthésie/analgésie du membre supérieur

Anesthésie Analgésie Particularités


ALR (blocs poignet, Multimodale Garrot fréquent
Main coude, huméral, systémique
simple axillaire)
ou AG
ALR (blocs Multimodale Garrot fréquent
huméral, systémique
Main axillaire)
complexe, Cathéter
avant-bras ou AG périnerveux
ou ALR + AG (axillaire, infra-
claviculaire)
ALR (blocs Multimodale Garrot fréquent
huméral, systémique Décubitus dorsal
axillaire, Cathéter ou latéral
Coude infraclaviculaire) périnerveux
ou AG (axillaire, infra-
ou ALR + AG claviculaire)

ALR (bloc Multimodale Décubitus


interscalénique) systémique dorsal, latéral
Épaule ou AG Cathéter ou position assise
ou ALR + AG périnerveux
(interscalénique)
432 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

MEMBRE INFÉRIEUR (tableau 17-IV)

Il est assez délicat de réaliser une chirurgie de genou ou de hanche


sous biblocs seuls car l’innervation est mixte (plexus sacré et lom-
baire) et nécessite de gros volumes d’anesthésiques locaux (dose
toxique). Par contre ces techniques trouvent leur place, à des concen-
trations moindres, dans l’analgésie postopératoire en privilégiant le ou
les plexus prédominants (hanche  : plexus lombaire, genou  : plexus
lombaire et sacré). Les analgésies périmédullaires sont satisfaisantes
sur le plan de l’analgésie mais sont soumises à beaucoup d’effets
secondaires (NVPO, globe vésical).

Tableau 17-IV Propositions pour anesthésie/analgésie du membre inférieur

Anesthésie Analgésie Particularités


ALR (RA, Multimodale Décubitus latéral
bloc fémoral systémique Hémorragie
antérieur) Cathéter possible
Hanche
ou AG périnerveux si prothèse
ou ALR + AG (fémoral) Importante si rédux
Rachimorphine
ALR (RA, Multimodale Garrot
bloc fémoral systémique Décubitus latéral
et sciatique) Cathéter Hémorragie
Genou ou AG périnerveux possible
et cuisse ou ALR + AG (fémoral si prothèse
antérieur +
sciatique)
Rachimorphine
ALR (RA, Multimodale Garrot
bloc sciatique systémique Décubitus dorsal
creux poplité Cathéter ou ventral
Jambe et saphène) périnerveux
ou AG (sciatique
ou ALR + AG poplité)

ALR (bloc sciatique Multimodale Garrot


creux poplité systémique Décubitus dorsal
Pied et saphène)
et avant- Cathéter ou ventral
pied ou AG périnerveux
ou ALR + AG (sciatique
poplité)
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE 433

Pour la chirurgie du pied, l’analgésie de référence reste le cathéter


sciatique par voie postérieure. Il peut être complété par un seul bloc
du nerf saphène interne si le garrot est placé au niveau du mollet.

RACHIS ET BASSIN (tableau 17-V)


Tableau 17-V Propositions pour anesthésie/analgésie du rachis et du bassin

Anesthésie Analgésie Particularités


AG Multimodale systémique Décubitus ventral
ou génu-pectoral ventral
Rachis
Hémorragie possible
si laminectomie étendue
Bassin AG Multimodale systémique Hémorragie possible

La chirurgie du rachis est assez hémorragique de par la dissection des


veines épidurales. Un risque d’embolie gazeuse existe en cas d’hypo-
volémie. Le « technicage » est superposable à celui d’une chirurgie
orthopédique hémorragique s’il existe une laminectomie étendue. La
sonde armée et la sonde naso-gastrique ne sont pas obligatoires. La dif-
ficulté réside surtout dans la bonne installation du malade. Il est possible
de mettre en place un monitorage des potentiels évoqués somesthésiques
sensitivomoteurs dans certaine chirurgie, il faut alors éviter d’entretenir
la narcose par des halogénés.
La chirurgie du bassin est très souvent une chirurgie lourde et dif-
ficile (reconstruction complexe ou carcinologie). Elle est volontiers
hémorragique et impose un « technicage » plus poussé (monitorage
invasif de la pression artérielle, sonde urinaire). L’analgésie par péri-
durale (AL et morphinique) est tout à fait indiquée, un recours à la
rachimorphine impose des fortes doses (300 à 500 μg).

SPÉCIFICITÉS ORTHOPÉDIQUES

ANTIBIOPROPHYLAXIE (voir Chapitre 14,


Antibioprophylaxie en chirurgie)

C’est une chirurgie très souvent de classe 1 d’Altemeier. Elle a


pour cible préférentielle le staphylocoque méthicilline sensible. Les
molécules utilisées sont des céphalosporines de deuxième génération
434 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

type céfamandole ou céfazoline. En cas d’allergie ou de potentielle


présence de staphylocoque méthicilline résistant, la vancomycine est
utilisée. L’antibioprophylaxie peut être continuée 48  h dans le cadre
de la chirurgie prothétique. Seules les arthroscopies diagnostiques et
la chirurgie des tissus mous ne nécessitent pas d’antibioprophylaxie.

STRATÉGIE TRANSFUSIONNELLE

Elle intéresse surtout 3  types d’intervention que sont les prothèses


totales de genou et de hanche, les rachis étendus et la chirurgie carcino-
logique majeure. La décision de transfuser en chirurgie orthopédique est
difficile à prendre en s’appuyant seulement sur les seuils transfusionnels.
En effet le saignement est très souvent d’origine veineuse ou osseuse et
donc difficile à évaluer. Il faut bien connaître les temps chirurgicaux et
anticiper sur un éventuel besoin de sang même si la situation du moment
ne l’exige pas.

Perte sanguine moyenne


Idéalement, il faut pour chaque chirurgien évaluer la perte sanguine
moyenne (PSM) par intervention, c’est-à-dire les pertes peropératoires
mais aussi les pertes postopératoires (drainage et hématome essentiel-
lement) qui peuvent représenter jusqu’à 66  p.  100 des pertes totales.
Cette évaluation s’effectue en comparant l’hématocrite initial (Hti) à J–1
au final (Htf) à J+5 (pertes non compensées) et en intégrant les culots
érythrocytaires (CE) transfusés au patient sur cette période (pertes com-
pensées).

Pertes non compensées (PNC) : formule de Gross


VST × (Hti – Htf)
PNC = = x ml de sang total (≈ 33 p. 100 d’hématocrite)
(Hti + Htf)
2
où VST (volume sanguin total) = 70 ml/kg chez l’homme et 65 ml/kg chez
la femme.

Pertes compensées (PC)


PC = n × CE transfusés = x ml de sang avec Hte à 60 p. 100
= 2 × x ml de sang avec Hte à 33 p. 100
où n = nombre de CE transfusés entre J –1 et J +5.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE 435

Perte sanguine moyenne (PSM) :


PSM = PNC + PC= ml de sang à 33 p. 100 d’Hte

Perte autorisée (Pa) par patient

Elle correspond au volume de sang total pouvant être soustrait au


patient sans descendre sous le seuil transfusionnel (Hte aux alentours
de 30  p.  100). Ce seuil peut être descendu à 24  p.  100 mais laisse
alors très peu de marge de manœuvre quant aux imprévus.
Pa = VST × (Hte consultation – 0,30) = x ml de sang à 100 p. 100 d’Hte
= 3 × x ml de sang total

Stratégie en pratique

Elle s’appuie sur la comparaison entre la perte sanguine moyenne


(PSM) et la perte autorisée (Pa) :
— si PSM > Pa : prévoir une technique d’épargne sanguine ;
— si PSM< Pa : pas de technique d’épargne sanguine.
Les techniques d’épargne sanguine sont multiples pour la chirurgie
orthopédique (transfusion homo- et autologue, érythropoïétine, récupé-
ration per- et postopératoire…). L’autotransfusion est associée si besoin
à l’érythropoïétine (EPO) mais sans perdre de vue que si cette stratégie
protège sur le plan viral et sur d’éventuelles maladies transmises (variant
de la maladie de Creutzfeldt-Jakob), elle est tout aussi risquée quant au
risque bactérien et d’erreur de manipulation. Elle ne justifie donc pas
une transfusion  plus « facile ». De plus, la mise en place de ces tech-
niques d’épargne sanguine nécessite de voir le patient un mois avant
l’acte chirurgical et de prescrire une substitution martiale par voie orale.
Il est important de savoir que l’EPO, avec une réserve martiale
suffisante « remonte » l’Hte de 2  p.  100 par semaine après chaque
injection et qu’elle est réservée au patient anémique (Hte entre 30
et 39  p.  100). Posologie 600  ui/kg/sem. Dernière injection le jour de
l’intervention si Hb ≤ 15 g/l.
Il est préférable de privilégier l’érythroaphérèse (prélèvement en une
seule fois de 2 à 3 CG avec réinjection simultanée du plasma et de la
couche leuco-plaquettaire) par rapport à l’autotransfusion classique (pré-
lèvement séquentiel de sang total, sur plusieurs semaines : au total 1 CG
et 1 PFC) en l’absence de besoin de plasma. Le rendement est meilleur
et l’organisation moins lourde pour le patient (un seul prélèvement).
La stratégie s’établit donc suivant le saignement prévisible, le seuil
transfusionnel choisi, le taux d’hémoglobine du patient et les contre-
436 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

indications aux différentes techniques. Elle doit s’astreindre à combler


le déficit entre la PSM et la Pa.
En pratique :
• si PSM < Pa : pas de techniques d’épargne sanguine ;
• si PSM > Pa :
— si Hte compris entre 30 et 39  p.  100  : EPO à J-30 et J-21 ±
érythroaphérèse à J-15 ;
— si Hte supérieur à 39 p. 100 : érythroaphérèse.
Toutes contre-indications à l’autotransfusion feront appel à la trans-
fusion homologue selon les mêmes principes de calcul.

Autres techniques

Récupération peropératoire
Ces techniques sont utilisées seulement quand le saignement pero-
pératoire est supérieur à  15  p.  100 de la volémie. Elles doivent obli-
gatoirement posséder un système de lavage-filtrage (débris d’os,
ciment…) et permettent de recueillir 50 p. 100 du sang épanché. L’hé-
matocrite du sang retransfusé est aux alentours de 45 p. 100.

Récupération postopératoire
Elle s’effectue en salle de réveil et peut être continuée jusqu’à H+6.
On doit néanmoins se limiter à un volume retransfusé de 1 000 ml et
il s’agit de sang non lavé. Cette technique permet d’économiser 2
ou 3  CE et est réservée aux interventions saignant en postopératoire
(PTG sous garrot, reprise de PTH non septique…).
Les contre-indications sont communes à la récupération per- et pos-
topératoire : infection locale ou générale, cancer, utilisation d’un pro-
duit antiseptique pendant le temps du recueil et utilisation de colles
biologiques en peropératoire (contenant des thromboplastines).

Antifibrinolytiques
L’acide tranexamique (Exacyl®) est utilisé pour la chirurgie de
hanche hémorragique, les PTH et la chirurgie du genou (PTG), la poso-
logie est de 15 mg en bolus ± 10 mg/h en perfusion sur 5-6 heures.

GARROT PNEUMATIQUE

Il est utilisé pour la chirurgie des membres et a pour but de rendre


le site chirurgical exsangue (intérêt en microchirurgie). Son indication
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE 437

est toujours chirurgicale, en effet il ne limite pas le saignement global


et est à l’origine de beaucoup d’effets secondaires.

Son utilisation

Il doit être positionné à la racine du membre (cuisse ou bras) mais


peut être mis sur l’avant-bras ou au niveau du mollet (meilleure tolé-
rance) et toujours gonflé après exsanguination déclive du membre. Le
niveau de pression de gonflage est lié au niveau de pression artérielle
systolique (PAS) :
— membre supérieur : PAS + 100 mmHg ;
— membre inférieur : PAS + 150 mmHg.
La durée d’utilisation doit être la plus courte possible car elle
directement corrélée à l’intensité des effets secondaires. Elle ne doit
en aucun cas dépasser 90  min au membre supérieur et 120  min au
membre inférieur. Si le temps opératoire est plus long, il est pos-
sible de réaliser 2  périodes successives en ménageant un temps de
repos (10  min) entre les deux ischémies mais expose au syndrome
« ischémie-reperfusion ».
Ses contre-indications sont l’artériopathie des membres, les pon-
tages artériels, thrombose veineuse évolutive, neuropathie distale, sep-
sis local important, fragilité cutanée, hypertension intracrânienne.

Ses effets secondaires

Ils sont listés dans le tableau 17-VI.

Tableau 17-VI Effets secondaires du garrot pneumatique

Effets secondaires du garrot pneumatique


Gonflage
Réversible Douleur d’ischémie précoce et intolérable (20 min) sans
anesthésie, paralysie distale, HTA, surcharge volémique
Irréversible Myopathie et neuropathie distale par ischémie-cisaillement,
thromboses veineuses, risque infectieux (ischémie-
reperfusion)
Dégonflage
Réversible Hypovolémie, hypercapnie, douleur de reperfusion
Irréversible Embolie pulmonaire, retard de cicatrisation, faiblesse
musculaire, thrombose artérielle
438 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

CIMENT

Lors de la chirurgie prothétique (hanche, genou, épaule), l’utili-


sation de « ciment » orthopédique est souvent nécessaire pour fixer
les pièces au niveau des fûts osseux préalablement alésés. Cet alé-
sage provoque l’ouverture de nombreux sinus veineux intra-osseux et
permet le passage d’emboles de natures diverses (ciment, cruorique,
air, graisse…) dans le circuit veineux lors des phénomènes de sur-
pression existant au moment du scellement des pièces prothétiques.
Ces emboles sont parfaitement visualisés en échographie transœso-
phagienne et migrent donc jusqu’à la circulation pulmonaire. Ils sont
le plus souvent asymptomatiques mais peuvent du fait de l’obstruc-
tion variable de la circulation pulmonaire être à l’origine de véritable
hypertension pulmonaire pouvant aller jusqu’à l’arrêt cardiaque par
défaillance du cœur droit. Exceptionnellement, on peut observer des
embolies paradoxales en cas de PFO.
Quelques précautions s’imposent donc lors de la mise en place de
prothèses cimentées :
— chirurgicales  : drain de Redon placé au fond de la cavité,
impaction « douce » !
— anesthésique  : normovolémie, ne pas utiliser de N2O en
période péri-scellement (risque de majorer un embole gazeux), contre-
indication si insuffisance ventriculaire droite sévère.

CONCLUSION

Une grande partie des éventuels écueils de l’anesthésie doit être


appréhendée en consultation d’anesthésie.
La chirurgie orthopédique reste le plus souvent une chirurgie fonc-
tionnelle où le rapport bénéfice/risque doit être bien évalué.
L’élaboration d’une stratégie transfusionnelle au sein de chaque ser-
vice est indispensable.
L’ALR tient une place toute particulière dans l’analgésie postopéra-
toire et dans la réhabilitation postopératoire précoce et à moyen terme.

POUR EN SAVOIR PLUS

Aubrun F, Le Guen M. Anesthésie en orthopédie. Les essentiels. Paris, Elsevier,


2007 : 365-390.
Chapitre 18

Anesthésie
en chirurgie vasculaire
E. Marret

ÉVALUATION PRÉOPÉRATOIRE

Les patients opérés d’une chirurgie vasculaire ont fréquemment une


ou plusieurs pathologies médicales qui majorent le risque de compli-
cations périopératoires notamment cardiaques (tableau 18-I).

Tableau 18-I Score de Lee

Probabilité
Facteur de risque Point de complications
cardiaques graves
Chirurgie majeure* +1 Classe II (Score = 1) 0,9 p. 100
Antécédent de coronaropathie +1 Classe III (Score = 2) 6,6 p. 100
Antécédent d’insuffisance +1 Classe IV (Score ≥ 3) 11 p. 100
cardiaque
Antécédent d’accident +1
vasculaire cérébral
Diabète +1
Créatininémie > 2 mg/dl +1
* La chirurgie vasculaire artérielle est une chirurgie majeure. Tous les patients opérés d’une
chirurgie vasculaire artérielle ont donc au minimum 1 point.
440 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

PATHOLOGIE CARDIOVASCULAIRE
(voir Chapitre 3, Anesthésie du patient cardiovasculaire)

Plusieurs territoires artériels sont fréquemment touchés par la mala-


die athéromateuse.
Les artères coronaires sont normales chez seulement 10  p.  100 des
malades de chirurgie vasculaire. L’insuffisance coronaire est la principale
cause des complications postopératoires des patients opérés en chirurgie
vasculaire. La période préopératoire est ainsi une étape importante dans
la recherche des patients à risque d’insuffisance coronaire périopéra-
toire. L’évaluation préopératoire repose sur la recherche de facteurs de
risque de coronaropathie (score de Lee) et la tolérance à l’effort (limitée
le plus souvent par la présence d’une artériopathie des membres infé-
rieurs). Un patient avec un score de Lee supérieur à 2 justifie au moins
une prescription de bêtabloquant que l’on peut commencer dès la phase
préopératoire. De plus, une échocardiographie cardiaque peut aussi être
proposée dans le but d’évaluer la fonction ventriculaire (figure 18-1).
Le reste de l’examen clinique recherche d’autres atteintes cardiovas-
culaires [HTA, insuffisance cardiaque, artériopathie des vaisseaux du
cou (auscultation des vaisseaux du cou) ou des membres inférieurs].

PATHOLOGIE RESPIRATOIRE

Une broncho-pneumopathie chronique le plus souvent post-tabagique


est retrouvée chez plus d’un quart des patients.
Les EFR préopératoires ne permettent pas de prédire le risque de
complications respiratoires postopératoires.

PATHOLOGIE RÉNALE

Une insuffisance rénale chronique est présente chez environ 10 p. 100


des patients du fait de l’hypertension artérielle (présente chez plus de
50 p. 100 des patients) et du diabète. Elle peut être aggravée en préopé-
ratoire lors de la réalisation des examens complémentaires utilisant des
produits de contracte iodés.

PATHOLOGIE MÉTABOLIQUE

Un diabète est retrouvé chez environ 10  p.  100 des patients opé-
rés d’une chirurgie vasculaire. Il augmente le risque de complications
cardiaques et peut être associé à une dysautonomie du système neuro-
végétatif (risque de stase gastrique ou d’hypotension artérielle systé-
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE VASCULAIRE 441

Antécédent de coronarographie
Antécédent d’insuffisance cardiaque
Diabète insulinodépendant
Insuffisance rénale (créat > 177 μmol/l)
Capacité fonctionnelle réduite

NON OUI

Tests non invasifs

Test négatif Test positif*

Coronarographie

Lésion(s) Lésion(s)
Chirurgie β-bloquants
non significative(s) significative(s)

Revascularisation myocardique
par stent(s) ou chirurgie cardiaque
* Une coronarographie est d’autant plus souhaitable si l’ischémie myocardique est étendue lors du test
d’effort cardiaque ou si le patient présente des facteurs de risque majeurs.

Figure  18-1 Arbre décisionnel pour l’évaluation du risque cardiaque avant


une chirurgie programmée des artères. La prescription de bêtabloquants avec
un objectif de fréquence cardiaque périopératoire (FC ≤ 80 bpm) ou la revas-
cularisation myocardique en cas de test non invasif positif sont deux stratégies
équivalentes.

mique). Une normoglycémie doit être maintenue en périopératoire car


l’hyperglycémie favorise les complications postopératoires.

GESTION DES TRAITEMENTS

Les traitements à visée cardiologique sont habituellement maintenus


jusqu’au matin de l’intervention chirurgicale. Cependant, les IEC et
442 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

les antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II (ARA  II) doivent


être interrompus 24-48 h avant la chirurgie s’ils ne sont pas prescrits
pour traiter une insuffisance cardiaque.
Les bêtabloquants ont une place de plus en plus importante chez ces
patients en périopératoire (voir Chapitre 3, Anesthésie du patient car-
diovasculaire). Leur introduction, dès la période préopératoire, diminue
la morbi-mortalité des patients ayant un risque élevé de complications
cardiaques périopératoires (score de Lee ≥  2 et/ou test d’effort car-
diaque positif).
Des antithrombotiques sont souvent prescrits chez ces patients. L’aspi-
rine est maintenue. Le clopidogrel est arrêté 5  jours avant la chirurgie
(sauf urgence). En cas de traitement curatif par héparine non fraction-
née, celle-ci est arrêtée 4 à 6 h avant la chirurgie si une ALR centrale est
envisagée avec contrôle du TCA juste avant la réalisation de l’ALR. En
cas d’HBPM, la dernière injection doit avoir lieu 12 h avant la chirurgie.
Les patients traités par statines ont un risque de complications car-
diaques périopératoires diminué. Ces traitements doivent être mainte-
nus jusqu’au matin de l’intervention. Des études sont en cours pour
évaluer le bénéfice de leur introduction en préopératoire.
La prémédication (benzodiazépine, clonidine) est importante car
l’anxiété préopératoire peut provoquer des épisodes d’ischémie myo-
cardique (silencieuse le plus souvent).

CHIRURGIE DES ARTÈRES

La chirurgie des artères justifie une antibioprophylaxie (céfamandole-


Kéfandol® 1,5 gr à l’induction puis 750 mg toutes les 2 h jusqu’à la fin
de l’intervention ou, en cas d’allergie aux bêtalactamines, vancomy-
cine 15 mg/kg puis 10 mg/kg/8  h) et l’administration d’héparine (50
à 100  UI/kg) juste avant le clampage artériel. En cas de réalisation
d’une technique d’anesthésie périmédullaire, un délai d’au moins 1 h
doit être respecté entre la réalisation de la technique d’anesthésie loco-
régionale et l’injection d’héparine.

CHIRURGIE DE LA CAROTIDE

Généralités

• Indications : sténose ou lésion ulcérée de la carotide plus ou moins


symptomatique.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE VASCULAIRE 443

• Techniques chirurgicales : endartériectomie carotidienne avec mise


en place d’un greffon synthétique (patch) ou plus rarement pontage.
Le traitement endovasculaire des sténoses carotidiennes (dilatation) est
une technique en cours d’évaluation.
• La mortalité périopératoire (jusqu’à 1 mois) est proche de 1 p. 100.
La morbidité se situe aux environs des 3 p. 100 et est principalement
liée aux accidents neurologiques.

Période peropératoire

Techniques d’anesthésie
Anesthésie locorégionale
Son intérêt repose sur la possibilité de pouvoir surveiller clinique-
ment l’état neurologique du patient.
Plusieurs techniques ont été décrites  : bloc du plexus cervical
profond et superficiel, bloc isolé du plexus cervical profond, bloc
isolé du plexus cervical superficiel voire uniquement infiltration
chirurgicale.
Le bloc du plexus cervical profond comporte un risque spéci-
fique d’injection intrarachidienne ou péridurale et d’injection intra-
artérielle (apparition de troubles neurologiques dès l’injection de
quelques ml d’anesthésique local). Il existe de plus un risque de para-
lysie phrénique.
En cas de complications neurologiques, l’intubation orotrachéale
peut être difficile. L’installation du patient doit anticiper la nécessité
d’un contrôle rapide des voies aériennes supérieures.
Anesthésie générale
Elle permet un confort optimal à la fois pour le patient et le chirur-
gien. Les agents anesthésiques diminuent la consommation du cer-
veau en (CMRO2) et diminuent ainsi le seuil d’ischémie cérébrale. De
plus, les voies aériennes supérieures sont contrôlées en cas d’accident
neurologique peropératoire.
On utilise préférentiellement des agents anesthésiques permettant
un réveil rapide du patient pour une évaluation précoce de l’état
neurologique
L’induction (propofol, thiopental, étomidate associés à du sufentanil
ou du rémifentanil) est administrée à dose titrée afin de préserver la
perfusion cérébrale et minimiser les variations hémodynamiques délé-
tères chez le coronarien.
L’entretien de l’anesthésie est aussi bien réalisable avec des agents
volatiles (desflurane ou sévoflurane) qu’avec des agents intraveineux
en mode AIVOC (propofol).
444 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

La ventilation doit être ajustée pour maintenir une normocapnie et


éviter l’hypocapnie (vasoconstriction cérébrale). L’hypercapnie n’induit
pas de bénéfice.
Il faut éviter l’hypotension pour maintenir une pression de perfusion
cérébrale notamment chez les patients hypertendus.

Monitorage
Monitorage cardiovasculaire
• Surveillance du scope avec monitorage du segment ST.
• Surveillance de la pression artérielle le plus souvent invasive.
Monitorage neurologique
Son objectif est de détecter précocement l’ischémie cérébrale sur-
venant lors du clampage de la carotide. La survenue d’une souffrance
cérébrale en début de clampage justifie la mise en place d’un shunt
carotidien.
La surveillance par l’examen clinique chez le patient vigile (ALR)
est considérée comme la méthode de référence.
L’électroencéphalogramme (EEG) mesure l’activité cérébrale pen-
dant le clampage carotidien. En cas d’ischémie, on observe un ralen-
tissement puis une diminution de l’activité électrique. Même si les
modifications sont bien corrélées aux modifications du débit sanguin
cérébral, il reste peu sensible pour détecter les épisodes d’ischémie
cérébrale (accidents sous-cortical ou de petite taille par exemple).
De plus, l’interprétation peut être faussée en cas de baisse du DSC
non liée à une ischémie cérébrale (hypothermie, approfondissement
anesthésie) ou perturbée en cas d’anomalies préexistantes en pré-
opératoire.
Le BIS n’est pas validé pour le monitorage de l’ischémie cérébrale
même s’il peut être éventuellement modifié dans ce cas.
Les potentiels évoqués somesthésiques (PES) étudient la réponse
corticale à une stimulation électrique. Ils présentent les mêmes écueils
en termes de sensibilité et de spécificité que l’EEG.
Le Doppler transcrânien mesure la vélocité sanguine au niveau
de l’artère cérébrale moyenne. Il permet de détecter les emboles
qui sont la cause la plus fréquente des complications neurolo-
giques lors de la chirurgie de la carotide. Il est cependant souvent
techniquement difficile (fenêtre osseuse variable et toute varia-
tion du diamètre de l’artère ou de l’angle du capteur modifie la
mesure).
La pression résiduelle dans la carotide clampée est supposée refléter
l’importance de la perfusion cérébrale et la perméabilité du polygone
de Willis et des axes artériels collatéraux. Ce monitorage n’est cepen-
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE VASCULAIRE 445

dant pas fiable car une pression résiduelle élevée peut être en rapport
avec un bas débit sanguin cérébral (résistances périphériques élevées)
et à l’inverse une pression résiduelle basse peut être associée à un
débit sanguin cérébral élevé (résistance faible).

Complications peropératoires
Instabilité hémodynamique
Une hypotension artérielle et/ou une bradycardie peuvent être obser-
vées lors de l’abord du glomus carotidien. Ces évènements se résolvent
par l’arrêt des manipulations chirurgicales du glomus et une infiltration
de celui-ci avec de la lidocaïne à 1 p. 100.
Une hypertension artérielle est fréquemment observée pendant le
clampage carotidien. Celle-ci est respectée sauf si elle est mal tolérée
(ischémie myocardique).

Accidents neurologiques
La survenue d’un accident neurologique transitoire peropératoire
est un facteur de risque important de complication postopératoire
(× 5).
• Facteur de risque des accidents neurologiques peropératoires :
— ATCD d’AIT répétés ou lacunes au scanner ;
— accident vasculaire cérébral récent ;
— thrombose de la carotide controlatérale ;
— mauvais réseau artériel de suppléance (polygone de Willis) ;
— plaque ulcérée ;
— chirurgie en urgence.
• Étiologie des accidents neurologiques lors de la chirurgie de la
carotide (tableau 18-II).

Tableau 18-II Étiologie des accidents neurologiques lors de la chirurgie de la


carotide

Embolie (athéromateuse, fibrinocruorique ou gazeuse) survenant le plus souvent


lors de la dissection de la carotide ou au moment du déclampage
Thrombose de la carotide opérée (défaut de réalisation de l’endartériectomie)
Accident ischémique (hypoperfusion cérébrale favorisée le clampage
de la carotide, une hypotension artérielle)
Syndrome de reperfusion (accident en rapport avec une revascularisation
de zones ischémiques chronique ayant perdu leur autorégulation)
Hémorragie intracérébrale (favorisée par des poussées d’HTA et survenant
entre J1 et J5 postopératoires)
446 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

• Prévention des accidents neurologiques :


— la mise en place d’un shunt et/ou le maintien d’une pression arté-
rielle proche des valeurs hautes permet de prévenir les accidents isché-
miques en rapport avec une hypoperfusion cérébrale (tiers des accidents).
Le shunt peut cependant être aussi responsable d’épisodes emboliques ;
— l’hypocapnie, l’hypoxémie, l’hyperglycémie et/ou l’hypoglycémie
sont des facteurs qui aggravent l’ischémie cérébrale.

Période postopératoire

Des troubles tensionnels sont fréquemment observés pendant cette


période.
L’hypertension artérielle est fréquente et peut être plurifactorielle
(douleur, hypercapnie, distension vésicale) mais est surtout en rap-
port avec la dénervation chirurgicale du glomus carotidien. Elle doit
être traitée pour retrouver les valeurs tensionnelles observées en pré-
opératoire. Un inhibiteur calcique par voie intraveineuse à dose titrée
[nicardipine (Loxen®)] est efficace le plus souvent.
Une hypotension artérielle peut être aussi retrouvée en rapport avec
une hypersensibilité des barorécepteurs. Celle-ci persiste pendant 12
à 24  h. Son traitement repose le plus souvent sur l’administration
de vasopresseurs [phényléphrine (Néosynéphrine®), noradrénaline].
Une altération neurologique en postopératoire doit conduire à la
réalisation en urgence d’un écho-Doppler de la carotide à la recherche
d’une thrombose aiguë (reprise chirurgicale).
Le saignement au site opératoire peut entraîner un hématome obs-
truant les voies aériennes supérieures justifiant une reprise chirurgi-
cale. Dans ce contexte, l’intubation est souvent difficile. L’HTA est un
facteur favorisant d’hématome postopératoire.
Le risque d’infarctus du myocarde justifie une surveillance du seg-
ment ST pendant les premières heures postopératoires (SSPI ou USI)
et un dosage répété des enzymes cardiaques (troponine Ic).

CHIRURGIE DE L’AORTE ABDOMINALE SOUS-RÉNALE

Généralités

• Indications : maladie occlusive ou anévrysmale de l’aorte abdo-


minale.
• Technique chirurgicale : ces lésions sont traitées :
— soit par voie endovasculaire en cas d’anévrysme de l’aorte
avec une conformation anatomique favorable (collet à distance des
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE VASCULAIRE 447

artères rénales, artères fémorales non atteintes). Cette technique


est actuellement préconisée uniquement chez les patients fragiles
(risque opératoire élevé : cardiopathie évoluée, insuffisance respira-
toire sévère, insuffisance rénale évoluée, patient âgé et score ASA
élevé) ;
— soit par voie ouverte avec mise en place d’un tube prothétique
aorto-aortique ou d’une prothèse entre l’aorte et les artères iliaques
(pontage aorto-iliaque ou bi-iliaque) ou l’aorte et les artères fémorales
(pontage aorto-bifémoral). L’aorte peut être abordée par voie trans-
péritonéale, rétropéritonéale ou par voie cœlioscopique.
• La chirurgie de l’aorte présente un risque hémorragique important
(même les techniques endovasculaires du fait d’un risque de rupture
de l’aorte).
• La mortalité périopératoire (à 1 mois) est proche de 3 p. 100. Le
risque de complications postopératoires est important (10 à 20 p. 100),
essentiellement cardiaques et pulmonaires.

Période peropératoire

Techniques d’anesthésie
Anesthésie locorégionale
Les techniques locorégionales peuvent être réalisées pour deux rai-
sons :
— soit dans un but analgésique avec mise en place préopératoire d’un
cathéter péridural thoracique bas (D10) ou réalisation d’une rachianes-
thésie morphinique (injection de 300 à 500 μg de morphine) en cas de
chirurgie ouverte. Elles sont plus efficaces que l’analgésie systémique.
De plus, l’analgésie péridurale diminue l’incidence des complications
respiratoires ;
— soit dans un but anesthésique. Ces techniques ne se conçoivent
que chez les patients opérés d’un anévrysme de l’aorte par voie endo-
vasculaire. Elles présentent un intérêt par rapport à l’anesthésie générale
chez les patients très fragiles. On peut réaliser aussi bien une rachia-
nesthésie ou une anesthésie péridurale voire uniquement une anesthésie
locale du scarpa.
Anesthésie générale
Elle doit permettre de maintenir une stabilité circulatoire tout au
long de l’intervention.
Induction avec des agents hypnotiques à doses titrées (étomidate,
propofol) et des morphiniques à forte dose (sufentanil 0,5  μg/kg ou
rémifentanil 1  μg/kg) afin de minimiser les variations hémodyna-
miques délétères chez le coronarien.
448 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Entretien de l’anesthésie selon un mode balancé [agents halogénés


ou propofol en mode AIVOC associé à des morphiniques (sufentanil
ou rémifentanil si ALR associée)].

Équipement et monitorage
• Mise en place d’une voie veineuse périphérique de bon calibre
(risque hémorragique).
• Surveillance ECG d’au moins 2 dérivations (DII et V5) avec ana-
lyse informatisée du segment ST.
• Monitorage invasif de la pression artérielle par cathéter radial.
• Un cathéter veineux central peut être mis en place afin de surveiller
la PVC (reflet de la PAPO si pas de cardiopathie associée) et pour
l’administration si besoin des drogues sympathomimétiques en cas de
chirurgie ouverte.
• Un monitorage du remplissage et du débit cardiaque (Doppler œso-
phagien ou système PICCO, en VigileoTM) est nécessaire en cas de car-
diopathie.
• Surveillance de la diurèse (sonde urinaire).
• En cas d’anesthésie générale, monitorage de la profondeur de l’anes-
thésie (titration des hypnotiques), de la température et de la curarisation.
• Un réchauffeur de perfusion et un dispositif récupérateur de sang
(type Cell-saver®) peut être mis en place en cas d’anticipation de
pertes hémorragiques importantes.

Modifications hémodynamiques peropératoires


Le maintien d’une stabilité hémodynamique est un objectif impor-
tant car elle diminue les complications cardiaques et rénales.
Les pertes hydriques peuvent être importantes car il s’agit d’une
chirurgie abdominale « à ventre ouvert » et avec un risque hémor-
ragique. Les pertes de bases sont compensées par un apport horaire
de cristalloïdes d’environ 10 ml/kg. Les pertes sanguines doivent
aussi être compensées (cristalloïdes, colloïdes, transfusion san-
guine).
La manipulation du mésentère lors de l’abord de l’aorte peut accom-
pagner d’une libération de prostaglandines responsable d’une hypoten-
sion artérielle par baisse des résistances vasculaires périphériques. Le
traitement repose sur l’administration d’un vasoconstricteur [bolus de
phényléphrine (Néosynéphrine®) ou d’éphédrine] voire un remplissage
vasculaire.
Lors du clampage de l’aorte, on observe une augmentation de la pres-
sion artérielle, des résistances vasculaires et de la postcharge du ventri-
cule gauche avec une baisse du débit cardiaque et du volume d’éjection
systolique. En cas de maladie occlusive, il existe souvent une circulation
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE VASCULAIRE 449

collatérale qui diminue les conséquences du clampage de l’aorte. Cette


augmentation de la postcharge est habituellement bien tolérée en l’ab-
sence de cardiopathie. Elle peut être diminuée par l’administration de
vasodilatateur : augmentation des concentrations de l’halogéné ou inhibi-
teur calcique de durée d’action courte [nicardipine (Loxen®) à dose titrée].
Lors du déclampage, il existe une baisse importante des résistances
vasculaires systémiques liée à la vasodilatation du territoire ischémique
et du retour veineux lié à la séquestration sanguine périphérique. Il en
résulte une baisse de la pression artérielle et du débit cardiaque. Ces
événements doivent être anticipés par la réalisation d’un remplissage
vasculaire (500 à 1 000 ml) juste avant le déclampage et l’administra-
tion de vasoconstricteur (bolus de phényléphrine ou d’éphédrine) en
cas de baisse importante de la pression artérielle lors du déclampage.

Période postopératoire

Prise en charge standard


• Réveil sur table si patient normotherme, décurarisé avec une hémo-
dynamique correcte.
• Séjour en USC avec surveillance hémodynamique, du segment ST,
de la diurèse et de l’état circulatoire des membres inférieurs (risque de
thrombose du pontage).
• Si une sonde gastrique a été mise en peropératoire, celle-ci peut
être retirée.
• Analgésie soit à base de morphine intraveineuse (titration puis admi-
nistration en mode PCA) ou à l’aide du cathéter péridural [(ropivacaïne
0,2 p. 100 ou bupivacaïne 0,125 p. 100 avec du sufentanil (0,75 μg/ml)]
ou de la morphine (0,05 p. 100) en mode continu (5 à 10 ml/h) ou en
mode PCEA (débit de base : 5 ml/h avec bolus 3 ml/20 min).
• Surveillance biologique (NFS, troponine Ic, ionogramme sanguin).
• Le choix pour l’anticoagulation postopératoire (prophylactique
par HBPM ou curative par héparine non fractionnée) est à discuter
avec l’équipe chirurgicale.
• L’alimentation et les traitements habituels peuvent être habituelle-
ment réintroduits le lendemain de l’intervention.

Complications postopératoires
• Complications cardiaques. L’incidence de l’infarctus du myocarde
varie entre 5 à 10  p.  100. Il peut être prévenu par l’administration de
bêtabloquants en périopératoire et de l’aspirine. La troponine Ic doit être
dosée de manière répétée pendant les premiers jours postopératoires.
• Complications respiratoires. Les bronchopneumopathies repré-
sentent la complication la plus redoutée car elles sont associées à une
450 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

mortalité élevée. Les pneumopathies peuvent être prévenues grâce à


l’analgésie péridurale associée à une kinésithérapie active.
• Complications rénales. Une insuffisance rénale survient dans
3 p. 100 des cas. Aucun traitement médicamenteux prophylactique n’a
montré son efficacité pour diminuer son incidence. Le traitement reste
symptomatique.
• Complications digestives. Il s’agit principalement de l’ischémie
colique. Son diagnostic clinique peut être difficile car le tableau varie
de l’iléus persistant à l’état de choc en passant par la diarrhée san-
glante. Le diagnostic est confirmé par une recto-coloscopie. En cas
d’atteinte sévère (nécrose), une colectomie est réalisée en urgence.
• Complications artérielles par thrombose du pontage, dissection
ou embolie.

CHIRURGIE DES ARTÈRES DES MEMBRES INFÉRIEURS


(CHIRURGIE VASCULAIRE PÉRIPHÉRIQUE)

Généralités

• Indications  : lésions occlusives (athérome, thrombus) ou anévrys-


males ou pseudo-anévrysmales (post-cathétérisme cardiaque) des artères.
• Techniques chirurgicales : ces lésions sont traitées :
— soit par voie endovasculaire (dilatation avec plus ou moins la
pose d’un stent) ;
— soit par voie ouverte avec réalisation d’un pontage court-circuitant
les lésions (entre les artères iliaques, fémorales, poplitées, tibiales ou
péronières) plus ou moins associées à un geste direct au niveau de la
lésion artérielle (endartériectomie, mise à plat de l’anévrysme ou fer-
meture de la plaie artérielle post cathétérisme cardiaque). En cas de
lésions thromboemboliques, une thrombectomie à l’aide d’une sonde
de Fogarty est souvent réalisée.
La mortalité périopératoire (à 1  mois) est proche de 3  p.  100. Le
risque de complications postopératoire est important (10 p. 100) et est
dominé par les complications cardiaques.

Période peropératoire

Techniques d’anesthésie
Anesthésie locorégionale
Elle n’est envisageable que chez un patient ne présentant pas de
troubles de l’hémostase.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE VASCULAIRE 451

Certains patients peuvent avoir reçu en préopératoire des antiagré-


gants plaquettaires, de l’héparine voire des thrombolytiques en cas
d’ischémie aiguë.
Elle présente l’avantage de réaliser une vasodilatation périphérique via
le bloc sympathique et de limiter l’hypercoagulabilité, ce qui peut amé-
liorer la perfusion du membre inférieur et limiter le risque d’ischémie.
Le niveau du bloc anesthésique requis varie en fonction de l’abord
chirurgical (maximum D8 pour un pontage abordant l’artère iliaque).
Une rachianesthésie est possible si la durée de l’intervention est
prévisible de manière fiable. Sinon, un cathéter doit être mis en place
soit au niveau péridural, soit au niveau rachidien (rachianesthésie
continue).
Anesthésie générale
Elle permet un meilleur confort du patient mais doit aussi permettre
une stabilité hémodynamique pendant toute l’intervention.
Induction avec des agents hypnotiques à doses titrées (thiopental,
étomidate, propofol) et des morphiniques à forte dose (sufentanil
0,5 μg/kg ou rémifentanil 1 μg/kg) afin de minimiser les variations
hémodynamiques délétères chez le coronarien.
Entretien de l’anesthésie selon un mode balancé [agents halogénés
ou propofol en mode AIVOC ± protoxyde d’azote associés à des mor-
phiniques (sufentanil ou rémifentanil)].

Monitorage
• Surveillance hémodynamique avec un moniteur ECG ayant au moins
2 dérivations (DII et V5) et une analyse informatisée du segment ST.
• En cas d’anesthésie générale, monitorage de la profondeur de l’anes-
thésie (titration des hypnotiques).

Période postopératoire

La période postopératoire est marquée par la survenue de compli-


cations cardiaques et de complications ischémiques au niveau des
membres inférieurs.
Le cathéter utilisé pour l’anesthésie locorégionale est soit enlevé
en SSPI après contrôle de l’hémostase (ablation si hémostase nor-
male), soit laissé en place, ce qui permet d’assurer une analgésie post-
opératoire d’excellente qualité (anesthésique local et morphiniques à
faibles doses).
Le contrôle de la douleur est un point important car elle augmente
le stress chez ces patients coronariens (augmentation de la fréquence
cardiaque associée).
452 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

La troponine Ic doit être dosée de manière répétée pendant les pre-


miers jours postopératoires afin de détecter précocement les complica-
tions cardiaques qui sont le plus souvent initialement asymptomatiques.
Les traitements habituels et l’alimentation peuvent être repris le soir
même de l’intervention.

POUR EN SAVOIR PLUS

Pinaud M, Péron A, Renaud G. Évaluation du risque cardiaque en chirurgie non


cardiaque. Conférence d’actualisation de la SFAR. Paris, Elsevier, 1999  : 175-
209.
Chapitre 19

Anesthésie
en chirurgie urologique
M. Ott

GÉNÉRALITÉS

On peut classer les interventions chirurgicales :


— chirurgie rénale : tumeurs ou calculs ;
— chirurgie de la vessie : résection endoscopique de vessie (RETV)
ou cystectomie avec une dérivation des urines ;
— chirurgie de la prostate  : résection endoscopique de prostate
(REP), adénomectomie par taille vésicale ou prostatectomie radicale.

PARTICULARITÉS DE L’ÉVALUATION PRÉOPÉRATOIRE

Une préoccupation constante est la stérilité préopératoire des urines


qui permet de réduire le risque infectieux. L’examen cytobactério-
logique des urines (ECBU) doit être fait une semaine avant l’opération.
Le dépistage de nitrites par la bandelette urinaire n’est pas adapté
avant une chirurgie urologique car il existe des germes qui ne rédui-
sent pas les nitrates en nitrites comme par exemple  : Pseudomonas
æruginosa, Klebsiella pneumoniae, Proteus mirabilis, Acinetobacter
sp., les entérocoques et les levures.
L’infection urinaire ainsi que la bactériurie asymptomatique doivent
être traitées avant les interventions urologiques :
— les infections : la cystite simple doit être traitée pendant 3-5 jours,
14 jours pour la prostatite et la pyélonéphrite ;
— pas de consensus sur la durée de traitement pour une bactériurie
asymptomatique : une durée de 3 jours a été suggérée ou même la veille
de l’opération.
454 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Chez le patient sondé, une bactériurie non significative constatée


une semaine avant l’opération évolue souvent en absence de traite-
ment vers une bactériurie significative au moment de l’opération.
La fonction rénale doit être évaluée car la prévalence de l’insuffi-
sance rénale est élevée.

POSITIONS OPÉRATOIRES EN UROLOGIE

Il y en a 4  : décubitus dorsal (DD) avec souvent la table cassée


au niveau lombaire pour améliorer l’exposition chirurgicale, décubitus
ventral (DV), gynécologique et lombotomie. Pour chaque position il
existe des points de compression qui doivent être vérifiés, ainsi que
les pouls périphériques.
• DD : attention à l’installation des bras pour éviter l’élongation du
plexus brachial et la compression du nerf ulnaire au niveau du coude.
• DV  : des compressions restent possibles au niveau du visage,
notamment les yeux ; il faut enlever la canule de Guedel à cause des
compressions des lèvres et de la langue ; il faut mettre 2  billots  : un
sous la poitrine et un sous les crêtes iliaques pour améliorer l’expan-
sion abdominale et diminuer la pression d’insufflation pulmonaire en
ventilation mécanique.
• Gynécologique : les obèses peuvent mal tolérer cette position du
fait de l’ascension diaphragmatique et de la réduction de la capacité
résiduelle fonctionnelle (CRF) ; le nerf fibulaire peut se trouver com-
primé au niveau des jambières ; la flexion exagérée des cuisses et du
rachis peut conduire à des douleurs postopératoires du rachis lombaire
ou sciatiques. À la fin de l’opération la mise à plat des jambes doit
être progressive pour préserver le retour veineux.
• Lombotomie : la tête doit être dans l’axe de la colonne vertébrale,
un billot est placé sous le thorax pour dégager la tête de l’humérus, le
bras supérieur est posé sur un appui bras avec une abduction qui ne
dépasse pas 90°, la jambe déclive est fléchie et un coussin est inter-
posé entre les 2 genoux.
Les points de compression sont : les cartilages auriculaires, les yeux,
la crête iliaque et grand trochanter, le nerf fibulaire au niveau du genou.
Chaque changement de position implique un contrôle de la pres-
sion artérielle (TA) avant et après, ainsi que la ventilation pulmonaire.
Mobiliser un malade hypotendu est à risque de désamorçage cardiaque
par ↓ de la précharge cardiaque.
La position de lombotomie pose le plus de problèmes car la table
est cassée avec une stase veineuse dans les membres inférieurs.
Ainsi la précharge et le débit cardiaque diminuent. Le fait de mettre
un billot sous le flanc opposé pour améliorer l’exposition du rein
ne fait qu’aggraver les choses car la veine cave inférieure (VCI)
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE UROLOGIQUE 455

se trouve comprimée. Au niveau pulmonaire la CRF est diminuée,


le poumon supérieur est mieux ventilé et le poumon inférieur est
mieux perfusé. Les atélectasies sont fréquentes au niveau du pou-
mon inférieur.

DOULEUR EN CHIRURGIE UROLOGIQUE

Toute chirurgie avec ouverture de la paroi abdominale est doulou-


reuse en postopératoire.
On peut utiliser plusieurs techniques d’analgésie en plus de l’anal-
gésie balancée :
• l’analgésie contrôlée par le patient (PCA) avec la morphine IV ;
• l’analgésie péridurale continue qui reste le gold standard mais
qui nécessite une surveillance adéquate en postopératoire et qui a des
complications et des contre-indications spécifiques, c’est la raison
pour laquelle d’autres techniques peuvent être utilisées :
— le Transversus Abdominis Plane (TAP) block  : injection –  de
préférence sous échographie – d’un anesthésique local entre le muscle
transverse et oblique interne de l’abdomen sur la ligne axillaire anté-
rieure ; il est bilatéral pour la laparotomie médiane ou unilatéral pour
la greffe rénale ;
— le bloc paravertébral utilisé pour la lombotomie.
Le sondage urinaire est la source d’un réel inconfort, les patients
peuvent présenter un syndrome d’hyperactivité vésicale (poussées sur
sonde). Dans ce cas les médicaments antimuscariniques type oxybuty-
nine (Ditropan®) 5 mg × 3/j per os peuvent être utiles.

CHIRURGIE RÉNALE

Néphrectomie sous anesthésie générale (AG)


La voie classique est la lombotomie. Aujourd’hui on utilise de plus
en plus la cœlioscopie qui permet de réduire la douleur et le saigne-
ment. La voie antérieure transpéritonéale peut être utilisée pour les
néphrectomies élargies. Le risque hémorragique est important car le
rein reçoit 20 p. 100 du débit cardiaque (DC).
Quelquefois il existe une thrombose d’origine tumorale de la veine
rénale qui peut monter dans la veine cave inférieure. Le risque de sai-
gnement est alors augmenté et une embolie pulmonaire est possible en
périopératoire.
Une plaie de la plèvre diaphragmatique est possible, habituellement
elle est suturée par le chirurgien après une bonne expansion pulmonaire
et le drain thoracique n’est pas nécessaire. La radiographie thoracique
456 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

postopératoire doit vérifier l’absence de pneumothorax. Les plaies de


la rate ou du colon restent possibles mais rares.

Phéochromocytome

L’objectif de la préparation préopératoire est de supprimer les pous-


sées hypertensives, la tachycardie et les troubles du rythme et de res-
taurer une normovolémie. Dans ce but on utilise des α1-bloquants pour
diminuer les effets des catécholamines. Les inhibiteurs calciques ont
prouvé une utilité dans la préparation préopératoire.

À retenir
L’administration isolée de bêtabloquants est contre-indiquée car elle peut
conduire à une aggravation des symptômes, par contre ils peuvent être
associés aux α1-bêtabloquants pour lutter contre les troubles de rythme,
le labétalol n’est pas un médicament à utiliser seul car il a une activité
bêtabloquante prédominante.
 

Une atteinte cardiaque peut survenir chez un quart des malades et


donc une échographie préopératoire est obligatoire. L’ECG peut mon-
trer des troubles de repolarisation.
Pendant l’IOT, à l’incision et pendant la manipulation chirurgicale
de la tumeur même, une bonne préparation peut se révéler insuffi-
sante. En cas d’HTA on peut utiliser la nicardipine ou le nitroprussiate
de Na+. L’anesthésie halogénée présente un avantage dans ce contexte.
Pour les troubles du rythme cardiaque : esmolol, lidocaïne ou la cor-
darone.
Après la ligature du pédicule veineux il existe un risque d’hypo-
glycémie et d’hypotension artérielle qui impose un contrôle rapide et
fiable avec un KTA et qui peut nécessiter l’administration de catécho-
lamines par un KTC.
En postopératoire l’hypotension artérielle a une évolution générale-
ment favorable sous 24 h, l’hypoglycémie impose un contrôle fréquent.

Calculs rénaux

Lithotritie extracorporelle
90 p. 100 des calculs peuvent être traités de cette manière.
La grossesse, l’anévrisme de l’aorte abdominale ou rénale et les
coagulopathies constituent des contre-indications. La coagulopathie
doit être corrigée 24 h avant et 48 h après le geste.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE UROLOGIQUE 457

Une sédation est suffisante, le propofol et le rémifentanil sont des


produits adaptés.
L’anesthésie est rendue « difficile » par l’environnement qui n’est
pas toujours adapté.
Les fragments de calculs peuvent déclencher assez souvent des
coliques néphrétiques ou même une hydronéphrose. C’est la raison pour
laquelle il faut prévoir à domicile un traitement antalgique adéquat.
Les complications périopératoires sont rares : hématome rénal ou
pulmonaire et troubles du rythme supraventriculaires d’évolution
bénigne.

Néphrolithotritie percutanée (NLPC)


La durée de 2-4 h et la position de DV imposent une AG. L’urolo-
gue monte d’abord une sonde urétérale qui permet la dilatation de la
voie excrétrice qui est ainsi ponctionnée plus facilement. L’injection
de produit de contraste permet l’évaluation des cavités.
Ensuite le rein est abordé par voie percutanée, sous contrôle écho-
graphique, souvent au niveau du calice inférieur. Un fil guide est des-
cendu dans l’uretère et le trajet de ponction est dilaté.
Les complications les plus graves sont l’hémorragie et l’infection.
L’hémorragie peut être importante et difficile à évaluer au bloc. Dans
ce cas la vision devient difficile et le report de la chirurgie peut être
nécessaire. Une hémorragie veineuse persistante en postopératoire
peut se traiter par un clampage temporaire de la sonde de néphrosto-
mie, une origine artérielle peut imposer une embolisation.
Les perforations du côlon ou rate sont rares.

Urétéroscopie souple ou semi-rigide


Elle permet le traitement endoscopique de la lithiase rénale ou uré-
térale. Les méthodes de choix de lithotritie intracorporelle sont l’éner-
gie balistique ou le laser holmium. Le patient doit rester immobile
pendant l’urétéroscopie semi-rigide pour éviter les plaies urétérales
d’où l’indication d’une AG avec curarisation.

CHIRURGIE DE LA VESSIE

Résection endoscopique de vessie (RETV)

Utilisée pour les tumeurs qui ne dépassent pas la musculaire. Le


niveau de la douleur à T10 et la durée de la chirurgie font une bonne
indication pour la RA. Les complications sont l’hémorragie et la per-
foration vésicale.
458 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Perforation de la vessie. Elle peut être péritonéale ou sous-périto-


néale.
Pour la perforation sous-péritonéale, une simple sonde urinaire peut
suffire, pour une perforation péritonéale une laparotomie pour évacuer
le liquide peut s’imposer. Une douleur abdominale irradiant dans les
épaules ou la région péri-ombilicale doit faire suspecter une perfora-
tion péritonéale de la vessie. Sous AG on peut observer des modifica-
tions ventilatoires et hémodynamiques.
Le chirurgien peut constater que le liquide de lavage ne revient pas
et que le bilan entrée-sortie est négatif. La précocité du diagnostic per-
met une prise en charge rapide qui diminue la gravité.

Cystectomie sous anesthésie générale

Elle est indiquée si la tumeur dépasse la musculeuse. La vessie est


remplacée par une dérivation urinaire cutanée avec iléon terminal type
Bricker ou par une néovessie.
Pour des raisons carcinologiques il peut s’agir d’une cysto-prosta-
tectomie chez l’homme ou pelvectomie antérieure chez la femme. La
durée est de 4 à 6 h, le risque hémorragique est important et la dou-
leur postopératoire est forte.
Chez le paraplégique. Le malade paraplégique qui doit bénéficier
d’une dérivation urinaire peut présenter une hyper-réflexie auto-
nome, qui est très fréquente pour des lésions supérieures à T6 : HTA
brutale et sévère, tachycardie, sueurs profuses déclenchées par une
stimulation sous-lésionnelle. La succinylcholine est contre-indiquée
à cause d’un risque d’hyperkaliémie. Si le sympathique cardiaque
est atteint (C8 à T4), il existe un risque d’accidents vagaux lors de
manœuvres comme l’intubation orotrachéale ; l’atropine est efficace
dans ce cas.

CHIRURGIE DE LA PROSTATE

Résection endoscopique de la prostate (REP)

La REP est le traitement d’élection pour l’adénome de la prostate


de moins de 60 g, ce qui équivaut à 1 h-1 h 30 de temps de résection.
Une prostate normale pèse 20 g.
Quelquefois il peut persister une érection qui gêne l’endoscopie  :
approfondir l’anesthésie et, si besoin, injecter en IV 100 μg de Néosy-
néphrine® ou 3 à 6 mg d’éphédrine.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE UROLOGIQUE 459

Le chirurgien utilise une anse diathermique monopolaire pour résé-


quer la prostate.
Dans l’idéal le liquide de lavage ne doit pas conduire le courant
électrique, être non toxique, non hémolytique et iso-osmotique. Mais
l’idéal n’existe pas ; aujourd’hui on utilise l’eau glycocollée 1,5 p. 100
qui est hypotonique.
La RA est l’anesthésie préférée car elle est compatible avec le
niveau de la douleur à T10 et la durée de l’opération. Elle permet de
surveiller l’état neurologique du malade (voir ci-dessous). La capaci-
tante veineuse est ↑ pendant la RA ce qui protège le patient des effets
délétères d’une résorption mais qui devient visible à la levée de la RA.
Le risque hémorragique peut être important (en moyenne 500 ml)
et difficile à quantifier à cause du lavage. Le saignement ↑ en cas de
perforation de la capsule prostatique.
La prostate peut libérer l’urokinase qui provoque une fibrinolyse
qui augmente le saignement. L’hypothermie peut survenir assez rapi-
dement, favorisée par le liquide de lavage qui est froid.
En salle de réveil il faut surveiller le lavage vésical. Le bilan entre
l’apport de sérum physiologique et la sortie de sérum physiologique
doit être proche de 0. En cas d’apport plus important que de sortie,
il faut suspecter une réabsorption du liquide de lavage vésical.
• Le lavage très clair peut signifier qu’il est inefficace et que la ves-
sie est pleine de caillots de sang, elle est distendue, douloureuse et
peut provoquer une bradycardie par stimulation vagale.
• Si le saignement continue, une traction faite par le chirurgien sur
la sonde urinaire qui comprime le lit prostatique peut être utile.
Le saignement persistant peut imposer une reprise chirurgicale.

TransUrethral Resection of the Prostate (TURP) syndrome


• Il peut apparaître dans toutes les chirurgies qui utilisent le glyco-
colle : RETV, NLPC ou hystéroscopie opératoire. La fréquence est de
2-10 p. 100, il peut mettre en jeu le pronostic vital avec une mortalité
de 0,2-0,8 p. 100. Il peut survenir en péri- ou postopératoire.
Définition. L’ensemble des signes cliniques et biologiques liés au
passage du liquide d’irrigation à base de glycocolle 1,5 p. 100 dans la
circulation systémique.
Physiopathologie. La résorption du glycocolle peut être intravas-
culaire à travers les plexus veineux prostatiques ouverts pendant la
résection ou extravasculaire en cas de rupture de la capsule prosta-
tique ou de perforation vésicale.
Le passage de l’eau glycocollée dans le système vasculaire conduit
à une hyperhydratation et une hypo-Na+ de dilution avec HTA et dans
les formes graves une insuffisance cardiaque avec hypotension arté-
rielle et bradycardie.
460 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Par la suite, l’hypo-Na+ provoque une hyperhydratation interstitielle


et intracellulaire avec œdème pulmonaire et cérébral.
La gravité est corrélée avec l’osmolarité sanguine et avec la quantité
de glycocolle résorbée.
Le glycocolle a aussi une toxicité neurologique, cardiaque et rénale
directe et par ses métabolites.
Signes :
— cliniques. Ils sont quasi constants dès 3 000 ml de glycocolle
résorbé ;
— neurologiques. Agitation, bâillements, nausées, troubles visuels
qui sont caractéristiques comme la cécité transitoire, le retard du
réveil, la mydriase bilatérale aréactive, des convulsions, le coma. On
voit dans ce contexte l’avantage de la RA pour la surveillance neuro-
logique ;
— circulatoires. HTA, bradycardie ou hypotension artérielle avec
état de choc ;
— respiratoires. Dyspnée avec œdème pulmonaire ;
— digestifs. Nausées, diarrhées, vomissements ;
— rénaux. Oligurie ou anurie.
Traitement :
• préventif selon la circulaire ministérielle de 1998 :
— limiter la durée de l’intervention à moins de 60 min ;
— limiter la hauteur des poches d’irrigation à moins de 60 cm au-
dessus de la vessie ;
— utiliser des résecteurs optiques à double courant ;
— limiter l’étendue de la résection, en général une prostate de
moins de 60 g ;
— faire le bilan entrée-sortie au bloc régulièrement et alerter le
chirurgien si le bilan est négatif ;
• curatif :
— la première chose à faire est d’arrêter la chirurgie ;
— l’hypotension artérielle, l’œdème pulmonaire aigu et les convul-
sions bénéficient d’un traitement symptomatique ;
— prélever un bilan sanguin  : ionogramme complet et osmolarité,
hémostase et NFS ;
— traiter l’hypo-Na+ :
– hypo-Na+ > 120 mmol/l restriction hydrique ;
– hypo-Na+ avec des symptômes modérés (ex. : nausées, confusion)
restriction hydrique et surveillance prolongée en SSPI ;
– hypo-Na+ < 120  mmol/l avec coma ou convulsions  : correction
avec NaCl 3 p. 100 ; pour un patient de 80 kg, eau totale = 0,6 × 80
= 48 l. Le volume de sérum hypertonique à 3 p. 100 à passer sur 1 h
pour ↑ la natrémie de 1 mmol/l = 2 × 48 = 96 ml ;
– une natrémie < 110 mmol/l avec oligurie persistante peut imposer
une épuration extra-rénale.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE UROLOGIQUE 461

À retenir
Traiter le malade et non pas la natrémie, il faut arrêter la correction de la
natrémie une fois que les symptômes se sont améliorés, ne jamais dépas-
ser 8 à 12 mmol/24 h, le risque étant la myélinolyse centropontine.
 

Photovaporisation de la prostate par laser (PVP)

Le saignement est diminué et, par conséquent, on peut opérer les


malades sous antiagrégants plaquettaires.
Le sérum physiologique est utilisé pour le lavage à la place du gly-
cocolle, ce qui élimine théoriquement le risque de TURP syndrome
mais une hyperhydratation reste possible.

Prostatectomie radicale sous anesthésie générale

C’est le traitement chirurgical pour le cancer de la prostate. La laparo-


tomie par voie rétro-pubienne est la voie de référence. Le malade est
installé en hyperlordose en position de Trendelenburg. Cette position
peut être mal tolérée au niveau respiratoire car il existe une baisse de
la CRF. Il faut vérifier l’auscultation pulmonaire car l’IOT peut devenir
sélective à cause de l’ascension du médiastin.
L’hyperlordose peut favoriser :
— une rhabdomyolyse des muscles lombaires et pelviens, avec des
douleurs lombaires de diagnostic différentiel difficile en postopéra-
toire ;
— une ischémie transitoire des membres inférieurs, surtout si le
malade a une artérite, d’où l’importance de vérifier les pouls après
installation.
Aujourd’hui la cœlioscopie gagne du terrain. Le saignement moyen
diminue ainsi à 250-500 ml ; la douleur est moins importante aussi.
La diffusion du CO2 dans les tissus est plus importante par rapport à
la chirurgie intrapéritonéale car il n’y a pas de barrière anatomique.
Par conséquent l’emphysème sc est plus fréquent.

À retenir
Un gros emphysème sc au niveau du cou et du visage, ainsi que la posi-
tion de Trendelenburg, peuvent conduire à une extubation difficile, sur-
tout si le malade était difficile à intuber.
 
462 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

La position de Trendelenburg favorise une autre complication  :


l’embolie gazeuse. Il s’agit dans la plupart des cas d’une embolie de
gravité moyenne dont le diagnostic est suspecté devant une TA nor-
male et une chute brutale d’EtCO2 ; le diagnostic différentiel dans ce
cas est une fuite sur le circuit du capnographe.
Une chute brutale d’EtCO2 et de la TA peut signifier une embolie
massive.
• La première chose à faire est d’interrompre l’arrivée du CO2 : hémo-
stase et remplissage du champ opératoire avec sérum physiologique,
mettre le champ opératoire au-dessous de l’oreillette droite.
• Le décubitus latéral gauche peut aider à maintenir les bulles dans
l’oreillette droite, il faut ventiler en oxygène pur avec un volume cou-
rant important qui peut fragmenter les bulles de CO2.
• Le chirurgien doit convertir l’intervention en chirurgie à ciel ouvert.

À retenir
Le message clé est la surveillance attentive de l’EtCO2 : dans le cadre de la
cœlioscopie, l’EtCO2 est plutôt en augmentation, une diminution doit attirer
l’attention.

URGENCES EN UROLOGIE

Torsion testiculaire

Idéalement le patient doit être opéré dans les 6  h suivant l’appa-


rition de la douleur. AG ou RA, à condition d’avoir une anesthésie
au niveau de T10. La manipulation du testicule peut provoquer une
bradycardie réflexe.

Pyélonéphrite obstructive (PNO)

Le drainage des urines s’effectue par une sonde JJ, ou urétérale


si les urines sont purulentes. Pour repérer les orifices urétéraux,
l’urologue peut demander d’injecter un colorant avec élimination
urinaire.
On utilise l’indigo carmin 0,8 p. 100 ou bleu de méthylène 1 p. 100.
Dans les 2 cas on observe une fausse diminution de la SpO2. L’indigo
carmin a des effets α-mimétiques et peut provoquer une HTA contrai-
rement au bleu de méthylène qui peut provoquer une chute de la TA.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE UROLOGIQUE 463

En cas d’échec, le chirurgien fait une néphrostomie percutanée dont la


technique est similaire à la NLPC :
Il existe 2 situations particulières :
— la femme enceinte  : généralement les PNO sont à droite, avec
un pic de fréquence au 3e trimestre. L’AG avec induction en séquence
rapide est préférée à cause du syndrome infectieux, mais une RA peut
être pratiquée en l’absence de contre-indications.
Les risques de l’anesthésie  : intubation difficile, risque d’inhala-
tion, souffrance fœtale secondaire à l’hypotension maternelle, risque
d’accouchement prématuré et de retard de croissance. L’évaluation du
fœtus en pré- et postopératoire est obligatoire ;
— le patient diabétique âgé peut présenter une pyélonéphrite
emphysémateuse. Le patient se présente en état de choc septique, une
prise en charge dans un service de réanimation est obligatoire. Le
traitement chirurgical consiste dans un drainage percutané des abcès
rénaux combiné avec un drainage des voies excrétrices.
Chapitre 20

Anesthésie
en chirurgie gynécologique
A. Vigneau, L. Amasse

ANESTHÉSIE
POUR CŒLIOCHIRURGIE
GYNÉCOLOGIQUE

La cœliochirurgie s’est considérablement développée ces dernières


années. Grâce aux nouveaux matériels, les indications opératoires se
sont élargies à la chirurgie gynécologique majeure, allongeant les
durées d’intervention. Celles-ci s’adressent à des patientes de plus en
plus âgées, aux antécédents lourds.

PHYSIOPATHOLOGIE

Le pneumopéritoine et la position de Trendelenburg sont respon-


sables de modifications respiratoires et hémodynamiques.
• Modifications respiratoires :
— hypercapnie par réabsorption du CO2 insufflé à partir de la
cavité péritonéale (rapidement limité par le collapsus des vaisseaux
péritonéaux) ;
— augmentation des pressions intrathoraciques (refoulement du
diaphragme), diminution de la compliance respiratoire totale ;
— altération du rapport ventilation/perfusion (augmentation de
l’effet shunt dans les zones déclives et de l’espace mort dans la partie
antérieure du poumon), pouvant conduire à un élargissement du gra-
dient PACO2-PETCO2.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE GYNÉCOLOGIQUE 465

• Modifications circulatoires :
— diminution de l’index cardiaque par compression des gros vais-
seaux intra-abdominaux ;
— maintien voire augmentation de la pression artérielle par éléva-
tion des résistances vasculaires systémiques et amélioration du retour
veineux en position de Trendelenburg.
• Modifications des circulations régionales :
— chute importante du débit mésentérique pouvant entraîner une
ischémie sévère de la muqueuse intestinale ;
— diminution de la diurèse en partie expliquée par une diminution
de la perfusion rénale plus importante que la seule baisse du débit
cardiaque ;
— maintien de la circulation cérébrale concourant à une élévation
de pression intracrânienne.
Ces répercussions respiratoires et hémodynamiques peropératoires
sont largement compensées par les bénéfices postopératoires  : dimi-
nution du traumatisme chirurgical, de la douleur et des perturbations
respiratoires, reprise du transit plus rapide permettant une hospitalisa-
tion plus courte.

DIVERSIFICATION DES INDICATIONS

Cœlioscopie de courte durée  : bilan de stérilité, algies pelviennes,


infections, chez des femmes jeunes ASA 1...
Cœliochirurgie, indications élargies :
— traitement de la stérilité, kyste de l’ovaire, endométriose ;
— chirurgie carcinologique (colpohystérectomie élargie, lympha-
dénectomie) ;
— incontinence urinaire (Burch) : intervention de très longue durée
(au-delà de 4 h) exposant au risque de diffusion sous-cutanée du CO2.
Les contre-indications absolues sont relativement rares :
— hypertension intracrânienne aiguë (traumatisme, tumeur), dérivation
ventriculopéritonéale sans système anti-reflux, dérivation péritonéo-cave ;
— état de choc décompensé ;
— antécédent de pneumothorax spontané récidivant, emphysème
bulleux ;
— glaucome aigu à angle fermé ;
— abdomen multi-opéré (pas de véritable contre-indication mais
une difficulté chirurgicale importante).
La connaissance des risques, une technique adaptée et une surveillance
étroite permettent la cœliochirurgie chez les patientes cardiaques, insuf-
fisantes respiratoires ou obèses.
La cœlioscopie peut être réalisée chez la femme enceinte jusqu’à
20  semaines d’aménorrhée. Elle est bien tolérée sur le plan maternel
466 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

et sur le plan fœtal, toutefois les épisodes d’hypoxie et d’acidose res-


piratoire semblent plus fréquents (gazométrie artérielle pour chirurgie
de durée supérieure à 1 h).

PRÉCAUTIONS ET MONITORAGE

• Installation sur la table d’opération  : abduction des bras à 70°


maximum (risque d’étirement du plexus brachial au-delà), bras le long
du corps en cas de cœlioscopie de longue durée.
• Dispositif de réchauffement corporel (matelas à air pulsé).
• Limitation de la pression d’insufflation du CO2 à 12-15 mmHg et
inclinaison de la table d’opération à 30° (tête en bas) maximum.
• Fixation des gaines de trocart dans les cœlioscopies de longue
durée, pour éviter une fuite accidentelle de CO2 dans les tissus sous-
cutanés.
• Monitorage cardiovasculaire et respiratoire standard. Toutefois,
la pression artérielle non invasive reflète mal l’état hémodynamique
en raison de l’augmentation des résistances vasculaires. Chez les
patientes fragiles, la mise en place d’une pression artérielle invasive
permet une évaluation de la précharge-dépendance (analyse des varia-
tions respiratoires de la pression artérielle) et des contrôles gazomé-
triques répétés.

TECHNIQUE ANESTHÉSIQUE

L’anesthésie générale avec intubation et ventilation mécanique est


la règle. Actuellement, il n’est pas recommandé de réaliser les cœlio-
scopies même de courte durée, avec un masque laryngé :
— aucune sécurité en cas de régurgitation ;
— augmentation des pressions d’insufflation ⇒ risque de fuite.
Le choix des agents anesthésiques est fonction de l’état de la
patiente, de la durée prévisible de l’intervention et des préférences
de l’équipe. Il est nécessaire d’associer un hypnotique, un mor-
phinique et de maintenir une curarisation suffisante pour réduire
les pressions intra-abdominales. L’entretien à l’aide d’un halogéné
permet de diminuer favorablement les résistances vasculaires péri-
phériques.
Les réglages du respirateur doivent faire l’objet d’un soin parti-
culier, visant à limiter les pressions dans les voies aériennes et à
maintenir la PETCO2 < 45 mmHg. Dans le cadre de la chirurgie du
petit bassin, on peut augmenter la ventilation minute en jouant sur
le volume courant, la fréquence respiratoire et/ou le rapport I/E sans
gêner le chirurgien.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE GYNÉCOLOGIQUE 467

Pose d’une sonde gastrique et aspiration en cas de cœlioscopie de


longue durée.
Évacuation vésicale systématique.
En raison du grand inconfort de la cœlioscopie sous anesthésie
locorégionale, cette technique n’est pas appropriée pour ce type de
chirurgie.
Quand faut-il interrompre une cœlioscopie ?
— hémorragie non contrôlée ;
— hypercapnie sévère malgré un ajustement de la ventilation/
minute ETCO2 > 50 mm Hg : PaCO2 > 65 mmHg ;
— pH plasmatique < 7,20 (en l’absence des contre-indications de
l’hypercapnie).

PÉRIODE POSTOPÉRATOIRE

Douleurs postopératoires

L’exsufflation du pneumopéritoine doit se faire sur une patiente à


plat ou en léger Trendelenburg afin d’éviter un reflux massif du sang
veineux séquestré dans le territoire splanchnique et dans les membres
inférieurs, vers le cœur. Elle doit être aussi complète que possible,
les douleurs postopératoires scapulaires étant dues aux gaz résiduels
localisés sous les coupoles diaphragmatiques.
Avec la complexification des procédures chirurgicales, les douleurs
postopératoires peuvent être modérées à sévères, nécessitant une anal-
gésie multimodale : paracétamol, anti-inflammatoires non stéroïdiens
en première intention et morphiniques en recours.
L’infiltration péritonéale et/ou l’infiltration de la zone opératoire
d’anesthésiques locaux est une technique simple et efficace (30 ml
ropivacaïne 5 mg/ml ou lévobupivacaïne 2,5 mg/ml). Elle réduit de
façon significative la douleur scapulaire, procure une analgésie pro-
longée (de 6 à plus de 24  h selon la complexité de l’acte chirurgi-
cale) permettant une épargne morphinique.

Nausées et vomissements

Ils sont fréquents après cœlioscopie, supérieurs à 50  p.  100 dans
certaines séries. Le dropéridol (1 à 2 mg IV) est habituellement effi-
cace, sans effet secondaire notable. Les inhibiteurs 5HT3 (sétrons,
ex. : odansétron 4 mg IV) sont également efficaces.
468 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

ANESTHÉSIE POUR LAPAROTOMIE
EN CHIRURGIE GYNÉCOLOGIQUE

INDICATIONS

• Hystérectomie voie haute : incision de Pfannenstiel.


• Myomectomie.
• Tumeur maligne de l’ovaire.
• Prolapsus génital.

TECHNIQUE ANESTHÉSIQUE

Anesthésie générale

Le monitorage peropératoire est standard. Les patientes sont instal-


lés les bras en croix (abduction des bras à 70° au maximum).
Le choix des agents anesthésiques est fonction de l’état de la
patiente, de la durée prévisible de l’intervention et des préférences
de l’équipe. Il est nécessaire d’associer un hypnotique, un morphi-
nique et de maintenir une curarisation suffisante pour avoir un bon
relâchement musculaire afin de faciliter le geste opératoire. En fin
d’intervention le relâchement est garant d’une fermeture pariétale
de qualité.

Anesthésie locorégionale

Anesthésie péridurale
L’anesthésie péridurale lombaire en association avec l’anesthésie
générale procure de bonnes conditions opératoires. Dans le cas de
chirurgie gynécologique majeure (tumeur maligne de l’ovaire), elle
procure une bonne analgésie postopératoire. Elle est plus efficace que
l’analgésie systémique pour contrôler la douleur postopératoire. Elle
offre des avantages extra-analgésiques, liés à l’inhibition des réactions
neuroendocriniennes et métaboliques du stress.
L’administration continue ou l’analgésie péridurale contrôlée par le
patient (PCEA) sont plus faciles à gérer et exposent à moins de pro-
blèmes que l’administration discontinue par bolus. L’analgésie péridu-
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE GYNÉCOLOGIQUE 469

rale postopératoire est possible en dehors des USC, à condition d’avoir


formé et enseigné le personnel soignant. L’analgésie péridurale amé-
liore probablement le devenir des patients qui en bénéficient.

Transversus Abdominis Plane (TAP) block


Il s’agit d’un bloc qui s’effectue dans le plan du muscle transverse
de l’abdomen. L’injection bilatérale de 15 ml de solution anesthésique
locale (ropivacaïne, lévobupivacaïne) réduit la douleur pariétale et la
consommation d’opiacé en PCA.

PÉRIODE POSTOPÉRATOIRE

Douleurs postopératoires

La douleur postopératoire est variable selon le type de chirurgie.


Elle nécessite une analgésie multimodale qui, comme on l’a vu précé-
demment, peut associer une analgésie péridurale et une analgésie sys-
témique (paracétamol, néfopam, anti-inflammatoires non stéroïdiens
et morphiniques en recours).

Nausées et vomissements

Ils sont le plus souvent prévenus par un traitement peropératoire


associant plusieurs antiémétiques tels que sont la dexaméthasone
(4 mg IV), le dropéridol (1,25 mg) et les sétrons (odansétron 4 mg).

ANESTHÉSIE
POUR CHIRURGIE DU SEIN

ÉPIDÉMIOLOGIE

Le cancer est la principale indication en chirurgie mammaire. C’est


le plus fréquent des cancers de la femme. Plus de 40 000 cas sont
diagnostiqués chaque année. Il est responsable de 20 p. 100 des décès
470 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

par cancer. Son incidence est en forte augmentation mais grâce au


dépistage précoce et aux progrès thérapeutiques, la mortalité est stable.
La chirurgie consiste en fonction de la taille et de la localisation de
la tumeur en une tumorectomie, une quadrantectomie ou une mastec-
tomie avec ou sans curage axillaire.
La chirurgie plastique mammaire représente les autres indications
chirurgicales majeures. Elle comporte 3 grands types d’interventions :
— la chirurgie de réduction mammaire ;
— les implants mammaires ;
— la chirurgie de reconstruction mammaire après chirurgie carci-
nologique.

PÉRIODE PRÉOPÉRATOIRE

La consultation d’anesthésie n’a pas de spécificité. Il faudra évaluer


l’état psychologique des patientes, notamment le niveau d’anxiété, et
éventuellement proposer une prise en charge préopératoire psycho-
logique et administrer une forte prémédication. En cas de chimiothérapie
néo-adjuvante, il faudra vérifier l’absence d’immunodépression.

TECHNIQUE ANESTHÉSIQUE

Anesthésie générale

Le monitorage peropératoire est sans particularité, le brassard à ten-


sion est installé sur le membre controlatéral. La patiente est perfusée
au membre supérieur du côté opposé à la chirurgie, en l’absence d’an-
técédent de curage axillaire.
La curarisation n’est pas nécessaire. Le propofol a de nombreux
avantages  : narcose et réveil rapide, dépression des réflexes pharyn-
gés facilitant l’insertion du masque laryngé ou permettant l’intubation
sans curare (utilisé à dose suffisante, 2,5 mg/kg), diminution des nau-
sées et vomissements postopératoires.
Pour des interventions d’environ 1 h, sans mobilisation de la table
opératoire, la mise en place d’un masque laryngé permet une ventila-
tion adéquate dans la plupart des cas.
L’injection de bleu patenté pour le repérage du ganglion sentinelle
est responsable d’une lecture erronée de la saturation artérielle par
l’oxymètre de pouls qui se traduit habituellement par la baisse du
chiffre de la saturation artérielle de 2 à 5 p. 100.
Le bleu patenté peut être responsable de réactions allergiques rares
particulièrement sévères  : choc anaphylactique associé à des signes
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE GYNÉCOLOGIQUE 471

cutanés très impressionnants  : urticaire ou peau de coloration bleu


marine (~ 1/2 000).

Anesthésie locorégionale

Bloc paravertébral (BPV)


Le BPV est un bloc périphérique qui procure une analgésie homo-
latérale de bonne qualité sans retentissement hémodynamique ni res-
piratoire. Il consiste en l’infiltration des rameaux dorsaux et ventraux
des nerfs spinaux, et de la chaîne sympathique qui émergent du fora-
men intervertébral.
La patiente est assise ou en décubitus latéral. Le point de ponction se
situe à 3 cm de la ligne des épineuses, aiguille de Tuohy perpendicu-
laire dans tous les plans. Après contact osseux (apophyse transverse),
l’aiguille est orientée vers le haut puis la progression se poursuit avec
un mandrin liquide jusqu’à la sensation de perte de résistance (à une
profondeur de 1 à 1,5 cm de l’apophyse transverse) correspondant au
franchissement du ligament costo-transverse supérieur et identifiant
l’espace paravertébral. L’espace est cathétérisé sur 1 cm seulement
(risque d’effraction pleurale).
Pour la chirurgie mammaire, la ponction se fait en T4-T5.
L’injection de 15 à 20 ml de la solution d’anesthésique local : 4 ml
par métamère de ropivacaïne 7,5 mg/ml, lévobupivacaïne 5 mg/ml dif-
fuse dans un sens céphalo-caudal sous le feuillet pariétal de la plèvre,
ainsi les injections sur plusieurs niveaux sont inutiles.
Les complications et effets secondaires sont peu fréquents (< 5 p. 100) :
hypotension artérielle (4,6 p. 100), ponction vasculaire (3,8 p. 100), ponc-
tion pleurale (1,1 p. 100), pneumothorax (0,5 p. 100). La réalisation du
bloc est optimisée par l’échoguidage.
Les contre-indications du BPV sont l’infection locale au point de
ponction, la pneumopathie, et la prise d’anticoagulants (CI relative).
Le BPV est réalisé avant l’intervention chirurgicale, associé ou non
à une sédation. Différentes études ont montré une réduction de l’in-
tensité de la douleur postopératoire et de la consommation des antal-
giques, une mobilisation précoce, une diminution de l’incidence des
nausées et des vomissements. Ainsi, la durée d’hospitalisation est rac-
courcie. Certaines équipes réalisent les tumorectomies avec ou sans
curage axillaire en ambulatoire (consignes délivrées pour les panse-
ments et les redons).
Toutefois en raison des risques pulmonaires et du taux d’échec non
négligeable, dans le contexte de la chirurgie du sein, il est difficile de
recommander la pratique de cette technique en routine. Les indica-
tions de BPV sont à réserver à la chirurgie lourde unilatérale du sein :
472 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

mastectomie avec reconstruction immédiate, reconstruction mammaire


(association anesthésie générale + BPV).

Anesthésie péridurale
L’anesthésie péridurale thoracique procure de bonnes conditions
opératoires. Toutefois elle peut être de réalisation difficile et compli-
quée d’hypotension artérielle, de rétention d’urines ou de céphalées
consécutives à une brèche durale. L’hématome et l’abcès péridural
sont extrêmement rares mais gravissimes. Ainsi, le rapport bénéfice-
risque n’est pas en faveur de l’anesthésie péridurale, étant donné la
faible intensité de la douleur postopératoire.

Infiltrations pariétales
La chirurgie mammaire étant une chirurgie superficielle, les tech-
niques d’infiltration paraissent justifiées. Celles-ci sont simples : elles
consistent en l’injection d’anesthésiques locaux par le chirurgien dans
les berges de la cicatrice de tumorectomie, de mastectomie et/ou de
curage axillaire, de prothèse mammaire.
L’étendue de la cicatrice et des dissections peut conduire à l’injec-
tion de grands volumes d’anesthésiques locaux. L’utilisation de molé-
cules moins toxiques comme la ropivacaïne est recommandée (40 ml,
solution à 0,5 p. 100).
L’infiltration réalisée avant l’intervention n’apporte pas de bénéfice
par rapport à la même infiltration réalisée en fin d’intervention.
Ainsi, les plasties de réduction mammaire sont une bonne indication
des infiltrations d’anesthésiques locaux.

PÉRIODE POSTOPÉRATOIRE

Douleurs postopératoires

La douleur est variable selon le type de chirurgie, faible après tumorec-


tomie ou implants mammaires, modérée après mastectomie, curage axil-
laire, réduction mammaire et sévère après reconstruction mammaire.
Le traitement antalgique est administré par voie veineuse en fin
d’intervention et se poursuit par voie orale dès la sortie de salle de
réveil (efficacité comparable, coût plus faible, gain de temps infir-
mier). Après tumorectomie, l’association paracétamol-AINS est le
plus souvent suffisante. Après mastectomie ou réduction mammaire,
on peut ajouter un morphinique. Compte tenu de la sévérité des dou-
leurs après mastectomie avec reconstruction immédiate, le bloc parié-
tal et/ou la PCA morphine sont de bonnes indications.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE GYNÉCOLOGIQUE 473

Nausées-vomissements postopératoires

Les nausées-vomissements restent fréquents, générant un inconfort


d’autant plus important que la douleur postopératoire est le plus sou-
vent modérée. L’incidence est particulièrement élevée après chirurgie
mammaire, de 20 à 40 p. 100 selon les données de la littérature.
Les facteurs associés liés au terrain, présents dans la chirurgie car-
cinologique du sein, sont par ordre d’importance  : le sexe féminin
(× 2,60), l’âge jeune, l’anxiété. Les facteurs liés à l’anesthésie retrou-
vés sont l’intubation orotrachéale, les morphiniques. La prévention
repose sur le dropéridol (1-2 mg), la dexaméthasone (4 mg IV), les
sétrons (odansétron 4 mg), l’éviction du protoxyde d’azote et l’anes-
thésie intraveineuse totale au propofol.

Douleurs chroniques après chirurgie du sein

Elles peuvent être de trois types : syndrome douloureux post-mastec-


tomie, douleurs myofasciales, syndrome du sein fantôme.

Syndrome douloureux post-mastectomie


Sa prévalence, ses caractéristiques et son impact sont de mieux
en mieux connus. Ils peuvent survenir après n’importe quelle procé-
dure chirurgicale du sein (tumorectomie, mastectomie avec ou sans
curage axillaire). Le mécanisme exact n’est pas certain  : il résul-
terait de lésions nerveuses secondaires à la dissection chirurgicale
notamment dans la région axillaire. Au cours du curage axillaire,
le nerf intercostobrachial peut être lésé. C’est une branche sensitive
cutanée latérale de T1-T2. Il innerve la région axillaire et cutanée
du bras.
La douleur est de type neuropathique (association de dysesthésies,
d’allodynie et d’anesthésie ou d’hypoesthésie).
Les douleurs sont localisées dans la région axillaire, le bras,
l’épaule, ou la paroi thoracique du côté de la chirurgie jusqu’au ster-
num et peuvent se propager dans le dos et sous l’omoplate le long de
l’espace intercostal.
Elles débutent dans les jours ou les semaines qui suivent la chirur-
gie et elles peuvent persister au-delà de 3 mois après la chirurgie voire
pendant des années surtout si elles ne sont pas reconnues et traitées
par les antalgiques spécifiques : antidépresseurs tricycliques (Anafra-
nil®), gabapentine (Neurontin®), prégabaline (Lyrica®).
L’évolution des douleurs neuropathiques est compliquée par la
radiothérapie qui les aggrave et par la neurotoxicité des chimiothéra-
pies (vincristine).
474 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Douleurs myofasciales
Ce sont des contractures douloureuses musculaires du trapèze, du
deltoïde, etc. Elles provoquent un défaut d’usage de l’épaule pouvant
aller jusqu’à un véritable syndrome épaule-main et une épaule gelée.
Ces douleurs sont liées à des étirements de l’épaule en période pero-
pératoire, à des contractures musculaires prolongées. Elles sont sen-
sibles aux AINS et surtout à la rééducation précoce. Si elles ne sont
pas dépistées, elles peuvent durer plusieurs mois avec un handicap
important au niveau du bras.

Douleurs du sein fantôme


C’est la sensation que le sein opéré est encore présent = halluci-
nose. C’est une sensation normale liée à l’activité de la zone corticale
qui représente le sein. Cette sensation n’est pas douloureuse mais très
angoissante pour la patiente qui n’ose pas en parler et craint de deve-
nir « folle ».
Sur des terrains très anxieux ou dans des conditions défavorables,
l’hallucinose devient douloureuse et peut durer des années comme
dans les amputations de membres.
Ces douleurs chroniques sont maintenant connues, mais le plus
important serait de réussir à les prévenir. La préservation du nerf inter-
costobrachial lors du curage axillaire a permis de diminuer l’incidence
des douleurs après mastectomie. Les techniques d’analgésies loco-
régionales améliorent les suites postopératoires en diminuant de façon
significative l’incidence des NVPO mais leur impact sur la douleur
chronique en chirurgie mammaire n’a pas été étudié.
La prévention des douleurs chroniques pourrait justifier l’adminis-
tration de gabapentine (< 1 200 mg) ou de prégabaline (150 mg) en
préopératoire ou de kétamine (0,2 à 0,3 mg/kg) en peropératoire.
Chapitre 21

Anesthésie en chirurgie ORL


A. Houhou

La liberté des voies aériennes supérieures (VAS) et le risque d’intu-


bation difficile sont les principales préoccupations de l’anesthésie en
ORL. L’obstruction des VAS doit dans tous les cas être envisagée et
détectée avant tout acte chirurgical.
À côté des signes cliniques classiques d’obstruction (dyspnée inspi-
ratoire, tirage, cornage, dysphonie, raucité de la voix), il est essentiel
de ne pas sous-estimer une obstruction des VAS qui serait dévoilée
pendant ou après le geste chirurgical, d’où l’intérêt d’une évalua-
tion exhaustive en préanesthésie comme la recherche d’un syndrome
d’apnée du sommeil méconnu. L’enjeu est de maintenir la liberté des
VAS tout au long de l’anesthésie, pour cela les choix de la technique
d’intubation, du maintien d’une oxygénation efficace et des critères
d’extubation doivent être parfaitement maîtrisés d’autant plus qu’il
faut tenir compte de la pathologie, et des impératifs anatomiques et
chirurgicaux.

INTUBATION DIFFICILE
EN CHIRURGIE ORL

RISQUE D’INTUBATION DIFFICILE

La fréquence d’intubation difficile en chirurgie ORL est estimée à


10 p. 100 des patients atteints de pathologie ORL, elle est souvent for-
tement suspectée et bien documentée par le chirurgien lors de l’exa-
men préopératoire.
476 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

L’intubation peut être rendue difficile par un défaut d’exposition


d’une glotte normale et/ou le plus souvent par un remaniement pro-
fond de la structure laryngée voire trachéale.
En cas de difficulté prévisible, elle doit être réalisée en présence du
chirurgien ORL pouvant effectuer rapidement une trachéotomie, celle-ci
doit être réalisée d’emblée sous anesthésie locale lorsqu’il existe un
risque de rétrécissement de la filière laryngée ou à un remaniement de
la glotte, dans ce cas l’intubation sous fibroscopie n’a plus sa place.
Mécanismes et causes d’intubation difficile :
— réactions inflammatoires ou tumorales à l’origine d’une limita-
tion de l’ouverture de la bouche ;
— défaut d’extension du rachis cervical après curage cervical ou
radiothérapie responsable d’une difficulté d’exposition de la glotte ;
— tumeurs ORL saignant au contact pouvant masquer la glotte ;
— impossibilité de progression de la sonde d’intubation au-delà
des cordes vocales pouvant signer l’extension d’une tumeur en région
sous-glottique ou une sténose trachéale.

DÉPISTAGE DE L’INTUBATION DIFFICILE

La consultation d’anesthésie grâce à un interrogatoire et un examen


clinique minutieux doit permettre de prédire une intubation difficile
néanmoins la fiabilité des index utilisés n’est pas absolue.
L’interrogatoire précise et recherche  : les antécédents d’intubation
difficile, les antécédents d’intubation prolongée et/ou de trachéotomie,
les interventions ORL antérieures, les antécédents de cobaltothéra-
pie cervicale ou pharyngolaryngée, les signes cliniques d’obstruction
laryngée telle que la dyspnée, le tirage, le cornage ou le ronflement ou
l’existence d’un SAS authentifié.
L’examen clinique est réalisé sur un patient assis, de face et de
profil, bouche ouverte et fermée (voir Chapitre 6, Accès aux voies
aériennes, section Intubation trachéale difficile).
Le bilan chirurgical préopératoire (nasofibroscopie, laryngoscopie
indirecte au miroir, radiographies, tomodensitométries) permet aussi de
prédire une intubation difficile d’où l’importance d’avoir connaissance
des conclusions du chirurgien lors de la consultation d’anesthésie.

CONDUITE À TENIR DEVANT UNE INTUBATION DIFFICILE

Matériel d’intubation

Il est identique à celui utilisé dans n’importe quel bloc opératoire,


néanmoins certaines techniques ont des applications particulières.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE ORL 477

— mandrin d’Eschmann ou de Macintosh ;


— lame droite ;
— masque laryngé et Fastrach®.
Le masque laryngé est surtout utilisé en cas d’intubation difficile
imprévue et de difficulté de ventilation au masque facial. Le Fas-
trach®, lui, permet l’intubation avec un taux de succès de l’ordre de
95 p. 100, équivalent à celui de la fibroscopie, néanmoins une lésion
laryngée ou hypopharyngée peut être une cause spécifique d’échec
et doit faire préférer d’autres techniques. De plus l’usage du masque
laryngé n’est pas toujours possible du fait du geste chirurgical ou des
lésions pharyngolaryngées.

Intubation sous fibroscopie

En chirurgie ORL il est recommandé que l’anesthésiste sache maî-


triser l’intubation sous fibroscopie.

Trachéotomie

Elle est réservée aux échecs de différentes techniques d’intubation


et de la ventilation transtrachéale. Elle est réalisée de première inten-
tion sous anesthésie locale lorsque l’anesthésiste craint de ne pouvoir
extuber le patient dont la filière laryngée est trop étroite.

Ventilation transtrachéale

C’est une méthode simple qui consiste à ventiler le patient via un


dispositif traversant la membrane intercricoïdienne.
La technique de ponction consiste à repérer le cartilage thyroïde bien
reconnaissable chez l’homme (pomme d’Adam), plus haut et moins
proéminent chez la femme. La palpation du cou en descendant à partir
du cartilage thyroïde permet de repérer une autre voussure médiane, le
cartilage cricoïde qui est séparé du cartilage thyroïde par une dépres-
sion palpable d’environ 1 cm, la membrane intercricoïdienne.
La ponction est réalisée sur un plan médian strict en maintenant
fermement la glotte immobile et en aspirant l’air dans la seringue
montée sur l’aiguille suivie d’une injection de 3 à 5 ml de lidocaïne
à 2 p. 100.
Le matériel de ponction est varié néanmoins l’utilisation de cathéter
spécifique est recommandé comme le cathéter de Ravussin, cathéter
478 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

ENK de Cook® ou le Seldicath 14G de 10 cm de long mis en place


par technique de Seldinger.
L’emphysème sous-cutané est la complication la plus fréquente
(8,4 p. 100) ; il ne dépasse le cou que dans 2 p. 100 des cas.
L’administration d’O2 se fait soit de façon manuelle (injecteur de
Sanders manujet® ou de Cook modulator®) soit à l’aide d’un respira-
teur à haute fréquence (Mistral® et Moonson®).
La jet-ventilation manuelle est simple d’utilisation et efficace, uti-
lisant la pression d’alimentation d’oxygène de l’hôpital. Ce niveau
de pression génère un débit élevé au niveau de l’injecteur sur simple
pression sur la gâchette, permettant le réglage de la pression de travail
en fonction du contexte. La surveillance des amplitudes thoraciques
est impérative. Cette technique est néanmoins réservée aux indications
d’oxygénation en urgence.
L’utilisation d’un respirateur de JVHF permet de contrôler le débit
administré par le réglage du temps d’insufflation (fréquence du res-
pirateur et rapport I/E). Ce système, grâce à un capteur, repose sur
la mesure des pressions intratrachéales à la fin de chaque expiration.
En fonction d’une valeur seuil de pression préalablement établie, le
ventilateur la compare à la pression télé-expiratoire. Si celle-ci est
supérieure au seuil, l’insufflation suivante est retardée jusqu’à ce que
la pression trachéale soit passée sous le seuil. Le risque d’hypoventi-
lation est d’autant plus grand qu’il existe une obstruction partielle des
VAS. L’obstruction totale entraîne un arrêt de la ventilation (asservis-
sement de l’insufflation à la pression trachéale).
La complication la plus fréquente quelle que soit la méthode choisie
est le barotraumatisme bronchopulmonaire incluant emphysème sous-
cutané, emphysème médiastinal, pneumopéricarde et pneumothorax
(incidence 1 à 2 p. 100).
Il est important de rappeler que la jet-ventilation ne protège pas
contre l’inhalation en cas d’estomac plein.
La ventilation transtrachéale permet d’assurer une oxygénation effi-
cace lorsque l’on craint une intubation difficile ou que la ventilation
au masque facial est prévue difficile.

CRITÈRES D’EXTUBATION

L’extubation doit être réalisée sur un patient parfaitement réveillé


préalablement bien aspiré pour éviter tout risque de laryngospasme
d’autant plus qu’il existe un encombrement des VAS, et réduire le
risque d’inhalation postopératoire.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE ORL 479

OBSTACLES SUR LES VOIES


AÉRIENNES SUPÉRIEURES

ÉTIOLOGIES

• Anomalies congénitales : exceptionnelles.


• Infections  : abcès du plancher buccal, abcès amygdalien, abcès
des espaces rétropharyngiens (trimus), laryngite et épiglottite.
• Tumeurs bénignes ou malignes : sus-glottique (gêne à la visua-
lisation des cordes vocales) ou sous glottique (gêne au passage de la
sonde d’intubation).
Dans tous ces cas :
— préoxygénation difficile du fait de la dyspnée ;
— intubation difficile ;
— mode de ventilation conditionnant l’anesthésie ;
— trachéotomie parfois indispensable ;
— bonne indication de la ventilation transtrachéale si technique
maîtrisée.
• Syndrome d’apnée obstructif du sommeil (SAS) : épisodes répé-
titifs d’apnée (de plus de 10 s) par obstruction pharyngée ou hypopnée
(hypoventilation de plus de 10 s et désaturation supérieure ou égale à
4 p. 100). Il est souvent méconnu des patients bien que fréquent (3 à
6 p. 100 des adultes de 35 à 60 ans).
Le diagnostic est suspecté sur l’association : obésité, ronchopathie et
hypersomnolence diurne (intérêt de l’interrogatoire en consultation pré-
anesthésique), affirmé par la polygraphie respiratoire du sommeil et la
polysomnographie. Il faut rechercher une pathologie cardiovasculaire
associée : HTA, insuffisance coronarienne, troubles du rythme et de la
conduction. Le traitement du SAS sévère est la CPAP nasale nocturne.
Les risques anesthésiques du SAS sont :
— l’intubation difficile ;
— l’obstruction aigue des VAS à l’induction ;
— l’apnée postopératoire favorisée par les opiacés ;
— la chirurgie propre aux SAS est remise en cause, qu’il s’agisse
d’uvulo-palato-pharyngoplastie, d’avancée bimaxillaire, de réduction
vélaire ou de basiglossectomie.

SPÉCIFICITÉS DE L’ANESTHÉSIE

• Un risque d’hypoxémie à l’induction ou au réveil.


• Une ventilation au masque souvent difficile.
480 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

• Un risque d’intubation nécessitant l’usage du fibroscope.


• L’intérêt du rémifentanil en peropératoire pour favoriser une
reprise rapide de la ventilation spontanée en fin d’intervention.
• La nécessité d’une extubation prudente sur un patient totalement
réveillé.
• La nécessité d’une surveillance de la SaO2 pendant 24 h (SAS).
• L’intérêt d’une CPAP en postopératoire.
• Une stratégie d’analgésie postopératoire qui doit privilégier les
analgésiques non morphiniques.

ANESTHÉSIE POUR ENDOSCOPIE
DES VOIES AÉRIENNES SUPÉRIEURES

L’endoscopie est un acte à visée soit diagnostique  : laryngoscopie


en suspension, soit thérapeutique  : microchirurgie ou chirurgie laser
dans les pathologies tumorales ou l’ablation de corps étrangers.

TERRAIN

La majorité des endoscopies en ORL entrent dans le cadre d’un


bilan de cancer. L’association alcool, tabac, dénutrition est courante
d’où la forte probabilité de facteurs de morbidité associés  : cardio-
vasculaire (cardiopathie ischémique, HTA, anévrisme artériel) et/ou
pulmonaire (BPCO, cancer pulmonaire associé opéré ou non) et/ou
hépatique (hépatite alcoolique, cirrhose) à prendre en compte dans la
démarche et dans le choix des drogues anesthésiques.

PROBLÈMES ANESTHÉSIQUES

Risque d’obstruction des VAS

La pathologie ORL est considérée en soit comme un facteur pré-


dictif d’intubation difficile, s’y ajoutent éventuellement des difficultés
de ventilation liées à d’autres facteurs d’obstruction mécaniques des
VAS.
L’obstruction postopératoire peut être la conséquence de modifica-
tions anatomiques telles qu’un saignement, un œdème, des fragments
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE ORL 481

tumoraux et/ou d’effets résiduels d’agents anesthésiques réduisant


l’action dilatatrice des muscles du larynx.

Inhalation

Elle est peu évidente cliniquement, elle doit être suspectée devant
une désaturation artérielle prolongée.

Complications

Plaies pharyngolaryngées, plaies œsophagiennes, à l’origine de sai-


gnement abondant nécessitant une hémostase sous intubation.

Modes de ventilation

Le choix de la technique de ventilation conditionne la technique


d’anesthésie, ce choix doit donc être effectué en fonction des impéra-
tifs du chirurgien, de la présence ou non de critères d’intubation diffi-
cile et de la maîtrise par l’anesthésiste de la technique de ventilation.

Ventilation contrôlée sur intubation endotrachéale


L’intubation est réalisée avec une sonde de faible diamètre (dia-
mètre interne 4 à 6 mm) gênant peu le geste chirurgical sauf lorsque
la lésion siège au niveau de la commissure postérieure de la glotte ou
en sous-glottique.
L’anesthésie ne pose pas de problème spécifique qu’elle soit balan-
cée ou totale intraveineuse. L’AIVOC associant propofol et rémifen-
tanil semble être la technique anesthésique de choix car elle permet la
réalisation de nombreuses laryngoscopies sans curarisation.
La curarisation est nécessaire essentiellement lors des laryngoscopies
thérapeutiques (microchirurgie, laser) et des œsophagoscopies (risque
de perforation).

Ventilation spontanée
Cette technique, utilisée essentiellement pour les laryngoscopies en
suspension a pour avantage de laisser libre tout le champ opératoire,
elle nécessite une bonne coordination des équipes chirurgicale et anes-
thésiste. La difficulté consiste à maintenir un équilibre fragile entre la
profondeur d’anesthésie nécessaire et une ventilation efficace.
Elle impose un apport constant d’oxygène par voie nasale ou tra-
chéal, une bonne connaissance de la relation dose-effet des agents
482 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

anesthésique utilisés, une titration fine ainsi qu’une surveillance per-


manente de la ventilation et de la réactivité du patient.
Dans ce contexte l’AIVOC du propofol et du rémifentanil permet
de titrer la profondeur de l’anesthésie en réduisant les effets indé-
sirables de ces agents (apnée, réveil, épisodes de toux, hypotension
artérielle…), et de raccourcir le temps de réveil. Néanmoins le risque
d’obstruction complète des VAS et d’apnée est réel et doit faire envi-
sager une méthode d’oxygénation de recours de type transtrachéal
(trachéotomie incluse).
La concentration cible du propofol préconisée en mode AIVOC
est fixée initialement entre 3 et 4  μg/ml (réduite chez le sujet âgé et
terrain fragile), elle est ajustée en fonction de la réponse hémodyna-
mique et de la ventilation et du morphinique utilisé (en général 120 à
150 p. 100 de la concentration au site d’action à la perte de conscience
soit le plus souvent 4 à 6 μg/ml).
La concentration cible du rémifentanil, agent de choix pour son
délai d’action court et son élimination rapide, est fixée à 1 à 3 ng/ml
avec titration dès l’induction de l’anesthésie.

Jet-ventilation
Cette technique de ventilation est adaptable à plusieurs vecteurs
réalisant une ventilation sus-glottique ou trans-glottique ou sous glot-
tique. De plus la technique libère complètement les champs opéra-
toires.
Comme décrit précédemment l’asservissement de l’insufflation à la
pression trachéale est un élément de sécurité.
Les paramètres usuels sont une alimentation égale à la pression
murale, un temps d’insufflation de 25 à 30  p.  100 du cycle, une fré-
quence élevée (> 60/min) et un volume délivré de 50 à 250 ml.
La JVHF peut être administrée par un cathéter injecteur de quelques
mm de diamètre par voie sous-glottique par ponction percutanée ou
par voie transglottique. Le cathéter peut être introduit par l’orifice tra-
chéal chez le patient trachéotomisé.
Jet-ventilation sus-glottique
Le vecteur est porté par le canal latéral du laryngoscope chirurgical
dont l’extrémité est positionnée dans le pharynx. Cette voie expose à
une hyperinsufflation œsophagienne et/ou gastrique. La limite de cette
technique est qu’elle est conditionnée à la mobilisation du laryngos-
cope avec risque d’hypoventilation ou d’insufflation œsophagienne.
Jet-ventilation transglottique
Le cathéter généralement en téflon ou en vestiron de petit diamètre
(1 à 2 mm) inflammable résistant au laser (tubes Benjet® et Hunsa-
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE ORL 483

ker Mon-Jet®) sont introduits par voie nasotrachéale sous contrôle


laryngoscopique à l’aide d’une pince de Magill. La technique est
dépendante de la faisabilité de la laryngoscopie et du déplacement
du cathéter lors des manipulations chirurgicales (migration œsopha-
gienne).
Jet-ventilation intercricoïdienne
Développée précédemment, geste technique aisé par ponction sous
anesthésie locale ou après induction de l’anesthésie générale. Elle
est indépendante du geste opératoire laissant libre le champ opéra-
toire. Elle présente un gros avantage en postopératoire immédiat car
le cathéter peut être laissé en place, assurant un apport d’oxygène
à faible débit et même une aide inspiratoire par ventilation assistée.

PÉRIODE POSTOPÉRATOIRE

Le risque de dépression respiratoire et d’hypoxémie est d’autant


plus faible que le réveil est complet. La recherche d’un pneumothorax
est systématique après jet-ventilation. L’analgésie privilégie les antal-
giques non opiacés. Le risque de réintubation (1 à 3 p. 100) est condi-
tionné par la survenue d’un œdème ou d’un saignement.

CHIRURGIE LASER

Cette chirurgie est indiquée pour le traitement des lésions bénignes


ou malignes des VAS et des sténoses des VAS. L’utilisation du laser
impose des mesures préventives spécifiques du risque d’incendie de la
sonde et du risque environnemental (brûlures accidentelles du person-
nel, du patient, toxicité des fumées).

COMBUSTION DE LA SONDE D’INTUBATION

En cas de perforation de la sonde d’intubation ou du ballonnet par


le rayon laser, les gaz respiratoires riches en O2 ou en N2O peuvent
s’enflammer et entraîner des brûlures des VAS et des bronches dis-
tales par propagation de la flamme et des dépôts de substances carbo-
nisées sur la muqueuse.
484 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Il est recommandé d’utiliser des sondes d’intubation spécifiques


pour le laser (type Mallinckrodt®, Medical Laser Flex®, Bivona foam
cuff® ou Xomed laser shield tube®) fabriquées soit dans un maté-
riau spécial ou recouvertes par du Mérocel® dont l’humidification
est indispensable et disposant d’un double ballonnet gonflé avec du
sérum salé.
Les sondes classiques en silicone et en caoutchouc sont moins
inflammables que les sondes en PVC. Il est possible de les protéger
par recouvrement avec une bande adhésive en aluminium (risque
de brûlures à distance par réflexion du faisceau). La protection du
ballonnet peut être améliorée par un coton humide placé devant
celui-ci.
Ces complications potentielles ont fait préférer la jet-ventilation par
voie transglottique avec injecteur en téflon ou sous glottique par cathé-
ter intercricothyroïdien. La protection de l’exposition de l’injecteur
durant la laryngoscopie se fait par du coton humide. La perforation du
cathéter intercricothyroïdien peut entraîner emphysème sous-cutané et
pneumothorax.
Chez le patient intubé la FiO2 doit être inférieure à 40  p.  100, le
N2O ayant les mêmes caractéristiques d’inflammabilité que l’O2 est
contre-indiqué, les anesthésiques halogénés de par leur dégradation en
composants toxiques sont également contre-indiqués.
En cas d’incendie il est impératif de déconnecter le patient du circuit
respirateur, de retirer la sonde, d’éteindre l’incendie et de reventiler le
patient à l’oxygène pur. Un bilan lésionnel et une toilette bronchique
sont immédiatement réalisés par laryngobronchoscopie. Le traitement
des brûlures par humidification, corticothérapie et antibiothérapie est
institué dans les plus brefs délais. Le recours à une trachéotomie n’est
pas rare.

RISQUES ENVIRONNEMENTAUX

Ils sont directement liés à un mauvais centrage ou à la réflexion du


faisceau.
Règles de sécurité :
— panneau de signalisation de l’usage du laser en salle d’interven-
tion et condamnation des portes ;
— port de lunettes avec protection latérale pour le personnel ;
— protection oculaire du patient par des compresses humides ;
— port de masque pour le personnel et utilisation d’aspirateur de
fumée évitant ainsi la contamination atmosphérique par dégagement
des fumées contenant des particules virales ou bactériennes (théo-
rique).
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE ORL 485

CHIRURGIE CARCINOLOGIQUE
DES VOIES AÉRIENNES

ÉVALUATION PRÉOPÉRATOIRE

La pathologie carcinologique des VAS est souvent la conséquence


d’une intoxication alcoolo-tabagique majeure, s’y associe souvent
une dénutrition, une évaluation exhaustive de l’état général est impé-
rative. Le mode de ventilation doit être défini entre l’anesthésiste et
le chirurgien.

Évaluation de l’obstruction des VAS

Recherche de troubles fonctionnels : dysphonie, raucité de la voie,


stridor, dyspnée inspiratoire, dysphagie haute.
Examens complémentaires :
— laryngoscopie haute par l’ORL ;
— scanner pour bilan lésionnel et d’extension.
En fonction du bilan, décision collégiale de la voie d’abord trachéale
à l’induction, intubation sous fibroscopie ou laryngoscopie, intubation
sous ventilation transtrachéale ou trachéotomie.
Si l’obstruction est majeure pas de sédation ni AG avant contrôle des
VAS, O2 au masque à 100 p. 100 et trachéotomie sous anesthésie locale.

Évaluation de la fonction pulmonaire

Une BPCO est souvent associée, la recherche d’une deuxième loca-


lisation pulmonaire doit être réalisée, il faut se méfier d’une pneumo-
pathie d’inhalation liée aux troubles de la déglutition.
Recherche de troubles fonctionnels spécifiques  : toux, expectora-
tion, dyspnée expiratoire ou mixte. Radiographie du thorax (recherche
d’emphysème, examen de référence).
Il est parfois nécessaire de prescrire une antibiothérapie (pneumo-
pathie d’inhalation) et une kinésithérapie respiratoire préopératoire.

Évaluation cardiovasculaire

La recherche d’une cardiopathie ischémique et d’une sténose des


troncs artériels supra-aortiques est systématique.
486 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Évaluation de l’état général

Dénutrition fréquente liée à l’alcoolisme, au cancer et à la dys-


phagie, nécessité de rechercher et de corriger les désordres ioniques,
les carences vitaminiques. Les marqueurs de dénutrition (perte de
poids, albumine, pré-albumine) serviront de point de repère pour la
nutrition supplétive postopératoire (la correction préopératoire est
illusoire).

ANTIBIOPROPHYLAXIE

Elle est indispensable lorsqu’il existe une ouverture des muqueuses


des lambeaux libres de reconstruction. Elle est généralement diri-
gée contre les bacilles Gram positifs de la peau (staphylocoques
et streptocoques) et contre les germes anaérobies présents dans la
sphère ORL. L’association classique est  : céphalosporine et déri-
vés imidazoles. Néanmoins le taux d’infection postopératoire peut
être élevé en fonction du type d’intervention et d’une trachéotomie
préalable.

TYPES D’INTERVENTIONS

Évidements ganglionnaires

Ils sont soit isolés quand la lésion initiale a été traitée (radiothé-
rapie) ou n’a pas été retrouvée, soit inclus dans le geste chirurgical
curatif de la lésion. Ils sont dits radicaux lorsqu’il y a résection de la
veine jugulaire et du sternocléidomastoïdien, ils sont dits fonctionnels
lorsque ces structures sont conservées.
En peropératoire la manipulation du glomus carotidien entraîne des
bradycardies cédant à l’arrêt de la stimulation mécanique ou par infil-
tration de lidocaïne à 1  p.  100 ; sont également décrits des pneumo-
thorax par brèches pleurales, des embolies gazeuses par brèches
vasculaires et du fait de la position proclive et des troubles de la ven-
tilation par lésion du nerf phrénique.
Un point particulier  : des allongements du QT ont été observés
après évidements ganglionnaires radicaux droits chez les patients
alcooliques, pouvant être à l’origine de décès subits en postopératoire
(troubles du rythme) sans que toutefois la pathogénicité ne soit établie
(de tels cas ont été rapportés chez l’alcoolique en dehors de tout geste
chirurgical), il est donc conseillé de surveiller ces patients en post-
opératoire en USC.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE ORL 487

Pelvi-mandibulectomie

Résection du plancher buccal pouvant s’accompagner d’une résec-


tion mandibulaire nécessitant une reconstruction par greffe osseuse et
lambeau cutané ou musculocutané. La perméabilité des VAS est sou-
vent correcte, de rares cas de trachéotomies de sécurité transitoires pos-
topératoires ont été réalisés lors des résections étendues vers l’arrière et
reconstructions complexes.

Bucco-pharyngectomie transmaxillaire

Chirurgie des lésions de l’amygdale et de la base de langue, elle


nécessite souvent le comblement de la perte de substance importante
par un lambeau musculocutané. La trachéotomie postopératoire est
quasi systématique ainsi que la pose d’une sonde gastrique d’alimen-
tation. Il s’agit d’une intervention hémorragique.

Laryngectomie partielle

Différentes interventions sont pratiquées en fonction de la localisa-


tion et de l’extension de la lésion.

Lésion unique et/ou peu étendue


• Cordectomie simple : ablation d’une corde vocale.
• Laryngectomie frontolatérale (abord à travers le cartilage thyroï-
dien)  : ablation des deux tiers antérieurs d’une corde vocale, de la
commissure antérieure et du tiers de la corde vocale controlatérale.
Dans ces deux cas la trachéotomie postopératoire n’est pas systéma-
tique, le risque d’œdème réel postopératoire est prévenu par la pres-
cription de corticoïdes. Absence de trouble de la déglutition à la reprise
de l’alimentation.

Lésions unilatérales étendues


• Hémilaryngectomie : elle expose aux troubles de la déglutition si
l’exérèse chirurgicale emporte les aryténoïdes.
• Cricohyoïdopéxie : chirurgie sus-glottique indiquée dans les lésions
de l’épiglotte et les lésions laryngées unilatérales à extension verticale
ou horizontale. L’exérèse peut être étendue aux aryténoïdes ou à la
base de langue. Risque de la déglutition majeure.
Ces interventions sont contre-indiquées chez l’insuffisant respi-
ratoire chronique, la trachéotomie postopératoire est de mise, ainsi
488 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

que l’alimentation entérale par sonde nasogastrique et même par


gastrostomie dans certains cas. La récupération d’une déglutition
fonctionnelle est moins fréquente et plus longue pour la chirurgie
sus-glottique.

Laryngectomie totale et pharyngo-laryngectomie totale

Traitement chirurgical des tumeurs étendues du larynx et du sinus


piriforme. Trachéostomie définitive, alimentation par sonde gastrique
dès le premier jour postopératoire. Rééducation vocale et pose de pro-
thèse phonatoire avec le risque néanmoins de migration et d’inhala-
tion.

PÉRIODE OPÉRATOIRE

Après induction de l’anesthésie par voie intraveineuse, le mode


d’intubation et de ventilation fait l’objet d’un choix rigoureux. Si le
patient est trachéotomisé, l’utilisation d’une sonde de Montandon est
préconisée car elle vient s’appliquer sur le thorax sans gêner le chirur-
gien. Les incidents sont généralement d’ordre respiratoire, encombre-
ment bronchique, déplacement de canule, intubation sélective, hernie
du ballonnet. On citera aussi les bradycardies lors des dissections cer-
vicales et plus rarement pneumothorax et embolie gazeuse. L’installa-
tion doit être confortable et le temps de billot le plus court possible
afin d’éviter les lésions de compression.

PÉRIODE POSTOPÉRATOIRE

Les complications respiratoires sont essentiellement mécaniques


et infectieuses notamment en cas de trachéostomie. Le risque d’obs-
truction de la canule est réduit par l’utilisation de canule à double
chemise (Schiley), et les fausses routes salivaires avec inhalation par
des sondes à ballonnets gonflés modérément. Les surinfections bron-
chiques et/ou pulmonaires, estimées à 10 p. 100, sont associées dans
la moitié des cas à une infection du site opératoire. L’antibiothérapie
adaptée en fonction des prélèvements bactériologiques sera associée
à de la kinésithérapie respiratoire. L’infection du site opératoire est
souvent corrélée à une fuite salivaire et est le plus souvent tardive. La
nécrose des lambeaux de reconstruction impose une reprise chirur-
gicale.
Ce type de chirurgie est douloureux, l’utilisation d’opiacés par PCA
est une bonne solution mais nécessite une surveillance adaptée.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE ORL 489

STÉNOSES SOUS-GLOTTIQUES

Chez l’adulte, elles sont souvent d’origine tumorale maligne, chez


l’enfant elles sont la conséquence d’une intubation prolongée et d’une
trachéotomie. Le risque de l’anesthésie générale est d’autant plus
élevé que la sténose est serrée, longue.
L’induction et l’intubation se font en ventilation spontanée du fait
du risque d’impossibilité de progression de la sonde d’intubation au-
delà des cordes vocales et en fonction du geste chirurgical (diagnostic,
chirurgie, microchirurgie, laser) ; l’anesthésie est soit profonde avec
curarisation utilisant la JVHF, soit poursuivie en VS en utilisant du
sévoflurane chez l’enfant ou le propofol chez l’adulte.
L’induction est faite en FIO2 = 1 pour éviter l’hypoxémie ; le pro-
toxyde d’azote est proscrit. Les secrétions trachéales sont diminuées
par l’atropine, la ventilation au masque est évitée dans le contexte
d’induction en ventilation spontanée.
La résection-anastomose par voie cervicale antérieure est réservée aux
sténoses postintubation effilées et longues et aux sténoses congénitales.
Les endoprothèses trachéales en T, tube de Montgomery, se posent sous
anesthésie générale en ventilation spontanée, le tube T en silicone se
pose facilement par l’orifice de trachéostomie sous anesthésie locale.

CHIRURGIE DE L’OREILLE

Les interventions fonctionnelles des séquelles d’otites chroniques


comme la tympanoplastie, l’ossiculoplastie par prothèse ou la stapé-
dectomie (exérèse de l’étrier) sont les plus courantes.
L’antibioprophylaxie n’est pas recommandée.
Le patient doit être parfaitement immobile (microchirurgie), l’anes-
thésie doit être profonde, la curarisation n’est pas systématique. Il faut
l’éviter s’il y a indication de surveillance du nerf facial. Le champ opé-
ratoire doit être exsangue pour l’identification des repères anatomiques
en peropératoire, pour cela plusieurs méthodes chirurgicales et/ou anes-
thésiques de réduction du saignement peuvent être associées :
— application ou infiltration locale d’adrénaline (1/200 000) dans
le conduit auditif, dose non toxique ;
— position proclive (15 à 20°) permettant de réduire les pressions
artérielles et veineuses du site opératoire, imposant une capnographie
devant le risque d’embolie gazeuse, même si celle-ci est rare ;
490 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

— anesthésie profonde et stable pour diminuer la réponse sympa-


thique aux stimuli ;
— utilisation pour la ventilation artificielle d’un petit volume cou-
rant, d’un rapport I/E bas et d’une insufflation progressivement crois-
sante pour diminuer les pressions intrathoraciques (entrave au retour
veineux) ;
— hypotension contrôlée avec comme objectif une pression artérielle
moyenne (PAM) entre 60 et 70 mmHg. L’isoflurane est l’halogéné de
choix du fait de son effet dose-dépendant, de sa réversibilité rapide,
du maintien du débit cardiaque et de l’induction d’une vasodilatation
périphérique. Il peut être associé aux bêtabloquants (labétalol) ou aux
inhibiteurs calciques (nicardipine). La posologie des halogénés et des
drogues hypotensives doit être adaptée au sujet âgé et au terrain (coro-
narien, artériopathie supra-aortique) du fait du risque de bas débit céré-
bral ou myocardique, majoré lors de l’utilisation d’un bêtabloquant
(baisse du débit cardiaque).
Le contrôle des pressions intra-auriculaires est essentiel pour l’in-
tégrité de la membrane tympanique et la viabilité d’un greffon tym-
panique. Il ne faut pas utiliser le N2O qui est 34 fois plus soluble que
l’azote, sa diffusion accroît rapidement la pression intra-auriculaire et
inversement son arrêt entraîne une pression négative, cette variation
rapide de pression est à l’origine de rupture de membrane tympanique
ou de décollement de greffon.
La chirurgie de l’oreille est fréquente chez l’enfant et au même titre
que l’amygdalectomie et l’adénoïdectomie, la période postopératoire
est marquée par les nausées et les vomissements. Le traitement pré-
ventif et curatif utilise le dropéridol (1-2,5 mg), les sétrons (odansé-
tron 4 mg), ou la dexaméthasone (4-8 mg).

CHIRURGIE DU NEZ ET DES SINUS

Parmi les interventions on peut citer :


— turbinectomie (ablation des cornets) ;
— méatotomie (agrandissement des orifices sinusiens) ;
— polypectomie (exérèse de polypes nasaux) ;
— drainage sinusien ;
— ethmoïdectomie ;
— tumeur bénigne nasopharyngée (fibrome) ;
— rhinoplastie ;
— septoplastie.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE ORL 491

CHIRURGIE DES TUMEURS DES SINUS


(SARCOME, ADÉNOCARCINOME, MÉLANOME)

La chirurgie sinusienne sous contrôle endoscopique se développe et


en particulier la chirurgie du sinus ethmoïdal. Les impératifs chirur-
gicaux sont la réduction du saignement qui gêne le chirurgien et
favorise les fausses routes chirurgicales et la protection des VAS du
saignement endobuccal.
• La prévention du saignement se fait par :
— l’infiltration de solutions adrénalinées  : dilution 1/100 000 à
1/200 000 ; doses cumulées chez l’adulte à ne pas dépasser 10 ml/10 min
et 30 ml/60 (dilution 1/100 000). La dose d’adrénaline en présence d’iso-
flurane ou de sévoflurane ne doit pas dépasser 5,4 μg/kg par injection du
fait du risque de trouble du rythme cardiaque. (10 μg/kg chez l’enfant) ;
— l’administration d’anesthésiques locaux adrénalinés comme la lido-
caïne adrénalinée ou la bupivacaïne, l’intérêt est double avec la réduction
des anesthésiques généraux ;
— l’application de vasoconstricteurs locaux : oxymétazoline, phényl-
éphrine, moins efficaces, durée 5 à 10 min ;
— une anesthésie adaptée pour éviter l’hypertension et la toux,
l’hypotension contrôlée est inutile.
• Techniques d’anesthésie :
— utilisation d’une canule de Guedel pour la ventilation au masque
dans l’obstruction complète nasale (congestion muqueuse et modifica-
tions anatomiques) ;
— ALR avec bloc du nerf maxillaire supérieur pour les interven-
tions limitées des sinus, bloc des nerfs sphéno-palatin et ethmoïdal
associé à une sédation par midazolam et anesthésiques locaux dans
certaines interventions sous contrôle endoscopique ;
— si anesthésie générale, intubation orotrachéale nécessaire et tam-
ponnement pharyngé postérieur systématique. Le masque laryngé ren-
forcé est une alternative diminuant le risque d’inhalation de pus et de
sang ;
— antibioprophylaxie uniquement dans les greffes au cours des rhino-
plasties et lors de la chirurgie des tumeurs des sinus ;
— agitation postopératoire du fait de la gêne respiratoire au réveil
induite par le méchage.

CAS PARTICULIERS

• Syndrome de Fernand-Widal associant polypose nasale, asthme


intrinsèque, polypose naso-sinusienne et intolérance à l’aspirine. Les
précautions usuelles sont la proscription des AINS et des substances
492 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

histamino-libératrices, la prévention du bronchospasme peropératoire


par une anesthésie profonde par les halogénés et une prémédication
par l’hydroxyzine.
• Fibrome nasophryngé  : tumeur bénigne très vascularisée res-
ponsable d’épistaxis abondant, le risque d’hémorragie abondante per-
opératoire peut conduire à une transfusion massive. L’embolisation
préopératoire est de plus en plus réalisée.

CHIRURGIE
DES GLANDES SALIVAIRES
Elle consiste en des parotidectomies totales ou partielles avec le
risque de lésion du nerf facial et des sous-maxillectomies avec le risque
d’atteinte du nerf lingual ou du rameau mentonnier du VII. Le repérage
des trajets nerveux par stimulateur est donc nécessaire, les curares sont
proscrits.

AMYGDALECTOMIE

L’amygdalectomie est au 3e rang des interventions les plus fré-


quentes chez l’enfant (8,8  p.  100). Les indications sont l’amygdalite
aiguë récidivante, l’amygdalite chronique, le syndrome d’apnée du
sommeil et la tuméfaction unilatérale d’une amygdale.
La dissection anatomique sous anesthésie générale et intubation
orotrachéale est la technique de choix, elle permet une hémostase
soigneuse par rapport à l’amygdalectomie à l’appareil de Slüder qui
guillotine les amygdales avec un risque d’hémorragie réel. La compli-
cation potentielle est l’hémorragie précoce avant la 6e h ou tardive à la
chute d’escarre pouvant nécessiter une reprise chirurgicale.

ÉVALUATION PRÉOPÉRATOIRE

• Interrogatoire :
— antécédents personnels ou familiaux de saignement anormal ;
— prise médicamenteuse interférant avec l’anesthésie ;
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE ORL 493

— dépistage d’un syndrome d’apnée obstructif du sommeil (SAS) ;


— évaluation de terrains particuliers : allergie, asthme, drépanocytose,
syndrome dysmorphique, trisomie 21, pathologie neuromusculaire.
• Examen clinique :
— ouverture de la bouche, mobilité des dents de lait ;
— existence d’une infection aiguë ORL ;
— évaluation du retentissement cardiaque et respiratoire du SAOS.
• Examen complémentaire : sauf en cas d’anomalie du saignement
retrouvée à l’interrogatoire, la réalisation d’un bilan d’hémostase n’est
pas nécessaire (sauf chez l’enfant avant la marche qui est rarement
opéré des amygdales).

MODALITÉS DE L’HOSPITALISATION

• Anesthésie ambulatoire possible répondant à des critères très


stricts à la 6e heure :
— patients ASA 1 ou 2 avec environnement socio-familial adéquat,
domicile proche d’une structure hospitalière ;
— absence de saignement, déglutition possible sans nausées ou
vomissement répétés antalgie per os, apyrexie et VAS libres.
• Anesthésie conventionnelle : il n’est pas nécessaire d’hospitaliser
les enfants la veille de l’intervention à condition de bien prévenir les
parents des modalités du jeûne (dernier repas le soir, pas d’absorption
liquide 3 h avant l’anesthésie).
L’intervention doit être différée (> 3  sem) si l’enfant présente des
signes de spasticité bronchique, une laryngite, de la fièvre (θ > 38°).

TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES

Période préopératoire

• Visite préanesthésique obligatoire à la recherche d’une infection


de la sphère ORL.
• Prémédication conseillée habituellement par midazolam 0,4 mg/kg
par voie orale ou rectale, à réévaluer si obstruction des VAS.
• Préparation psychologique importante du patient et de la famille.

Période peropératoire

• L’amygdalectomie sous AG doit être réalisée en décubitus dorsal


avec intubation orotrachéale obligatoire. L’administration de dexamé-
494 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

thasone diminue le NVPO, la douleur postopératoire mais augment le


saignement.
• Pas d’antibioprophylaxie. Induction sous sévoflurane ou propofol
(diminue la fréquence des nausées et vomissements postopératoire).
• Intubation avec ou sans curare avec sonde préformée incurvée à
90° à ballonnet se fixant sur le menton ou masque laryngé armé (enfant
enrhumé).
• Entretien par halogéné ou propofol, analgésie par alfentanil 20 μg/kg
ou sufentanil 0,3 μg/kg.
• Extubation, enfant complètement réveillé en présence d’un méde-
cin anesthésiste. Le masque laryngé est retiré ballonnet gonflé.
• Thérapeutique adjuvante  : antibioprophylaxie non systématique,
intérêt de la dexaméthasone à la dose de 0,05 à 0,1 mg/kg qui diminue
l’incidence des nausées et vomissement, réduit les douleurs postopéra-
toires et le délai de reprise de l’alimentation.

Période postopératoire

• Surveillance en SSPI pendant 2 h.


• Prise en charge systématique de la douleur débutée 30 min avant
la fin de l’intervention par paracétamol intraveineux 30 mg/kg et
morphine 0,1 mg/kg puis en titration en fonction de l’EVA ou de
l’OPS. Poursuite dans la chambre par paracétamol, sirop de codéine
ou tramadol. Les AINS sont contre-indiqués car ils majorent le risque
hémorragique dans cette chirurgie.
• Prise en charge des nausées et vomissements (30 à 60 p. 100) par
l’odansétron 0,1 mg/kg.

COMPLICATIONS

• NVPO.
• Hémorragie précoce (6 premières heures postopératoires)  : véri-
fication systématiques des loges amygdaliennes avant la sortie de la
SSPI.
• Hémorragie tardive par chute d’escarres classiquement au 5e jour
(peut être plus tardive) justifiant une réhospitalisation et une reprise
chirurgicale éventuelle (0,1 à 2,4 p. 100).
• Les reprises chirurgicales se font toujours sur un patient à estomac
plein (sang dégluti).
• Syndrome d’apnée du sommeil chez l’enfant opéré d’obstruction
chronique des VAS.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE ORL 495

ADÉNOÏDECTOMIE

• Indications : otites séreuses persistances ou récidivantes.


• Isolée ou associée à l’amygdalectomie ou à la myringotomie.
• Geste rapide à l’aveugle (5 min), peut être complété d’une vérifi-
cation endoscopique.
• Induction au masque en décubitus dorsal, maintien en VS et mise
en position latérale de sécurité dès que possible.
• Risque de laryngospasme si anesthésie trop légère et risque d’apnée
et d’inhalation si anesthésie trop profonde. Préférer le masque laryngé
à l’intubation.

POUR EN SAVOIR PLUS

Anesthésie pour amygdalectomie chez l’enfant. Conférence d’experts. SFAR, 2005.


Fishler M. Anesthésie pour chirurgie endoscopique du larynx chez l’adulte.
Conférences d’actualisation de la SFAR. Paris, Elsevier, 2004 : 187-197.
Chapitre 22

Anesthésie
en ophtalmologie
F.-X. Donnette

GÉNÉRALITÉS

• L’anesthésie en ophtalmologie s’intéresse à une population très diver-


sifiée. Elle concerne les âges extrêmes de la vie  : le prématuré et petit
enfant (cataracte et glaucome congénitaux), l’enfant (strabisme, ptosis…),
le sujet âgé (cataracte).
• Les modalités d’anesthésie sont adaptées aux contraintes chirurgi-
cales (technique chirurgicale et demande spécifique du chirurgien) ainsi
qu’aux particularités liées au patient : anesthésie générale (AG), anesthé-
sie locorégionale (ALR), anesthésie topique (ATO), voire sédation asso-
ciée à une anesthésie locale chirurgicale.
• La prise en charge des patients est très fréquemment réalisée en
ambulatoire.

ANATOMIE – PHYSIOLOGIE

L’orbite osseuse est de forme pyramidale, les éléments nobles du


contenu orbitaire y cheminent : nerf optique, artère ophtalmique, nerfs
oculomoteurs, nerf ophtalmique, et veines (figures 22-1 et 22-2).

Physiologie de la pression intraoculaire (PIO)

Elle est mesurée par tonométrie à aplanation. Valeur normale  :


16 ± 5 mmHg, valeur pathologique > 25 mmHg.
Le bulbe étant un milieu clos, entouré d’une enveloppe inextensible, la
PIO est déterminée par la pression extrinsèque et le volume intraoculaire.
ANESTHÉSIE EN OPHTALMOLOGIE 497

M. droit latéral
Canal hyaloïdien

Sclère
Choroïde
Cristallin
Rétine
Cornée
Iris
Corps ciliaire

Ora serrata Nerf optique

Lame criblée

Corps vitré

Figure 22-1 Coupe sagittale du globe oculaire.


(D’après Vitte E. et Chevallier J.-M. Anatomie – Tome 4  : Neuro-anatomie.
Paris, Flammarion Médecine-Sciences, 1998, p. 199.)

M. oblique
supérieur

M. droit M. droit
latéral supérieur

Anneau
tendineux
commun

M. oblique
inférieur
Nerf
optique
M. droit
inférieur

Figure 22-2 Innervation de l’œil et des muscles extrinsèques de l’œil.


(D’après Vitte E. et Chevallier J.-M. Anatomie – Tome 4  : Neuro-anatomie.
Paris, Flammarion Médecine-Sciences, 1998, p. 202.)
498 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

• La pression extrinsèque : résultante de la contraction des muscles


extra-oculaires, mais aussi de tous les évènements pouvant comprimer
l’œil (masque facial, injection intra-orbitaire, hématome, manipulation
du bulbe…).
• Le volume intraoculaire dépend :
— de l’humeur aqueuse, sécrétée dans la chambre postérieure par
les procès ciliaires et filtrée dans la chambre antérieure par le trabé-
culum scléral. Cette sécrétion peut être bloquée par l’acétazolamide
(Diamox®) inhibiteur de l’anhydrase carbonique ;
— du volume sanguin choroïdien  : la vascularisation de la cho-
roïde est très importante ; sa particularité est de posséder un système
d’autorégulation aux modifications de PVC, pCO2, pO2. Ces vaisseaux
extrêmement fragiles peuvent se rompre et provoquer une hémorra-
gie potentiellement expulsive en l’absence de contre-pression, lors des
variations brutales de PIO (poussée d’HTA, diminution brutale de PIO
lors de l’ouverture du globe) ;
— du corps vitré, gel aqueux dont le volume peut être diminué par
déshydratation.

Physiologie du réflexe oculocardiaque (ROC)

L’activation du ROC provoque une bradycardie sinusale pouvant


aboutir à l’arrêt cardiaque lors de la stimulation du globe oculaire ; il
s’agit du réflexe trigéminovagal.
Les patients à risque sont les sujets présentant une hypertonie
vagale  : les enfants, les femmes, les sujets anxieux, les sujets traités
par bêtabloquants.
Le traitement est l’atropine (IV) 10 μg/kg.
La prévention est assurée par la manipulation douce du globe par
le chirurgien.
Les blocs péribulbaires permettraient de diminuer l’incidence et
l’intensité du ROC.

TYPES D’INTERVENTIONS CHIRURGICALES (tableau 22-I)

Chirurgie du segment antérieur

• Cataracte  : intervention la plus fréquemment pratiquée en oph-


talmologie. La phaco-émulsification est la technique de référence, elle
consiste en l’ablation du contenu du sac cristallinien par sa fragmenta-
tion à l’aide d’une sonde à ultrasons introduite par une petite incision,
avec une évacuation-aspiration, sans rupture de la capsule postérieure.
Un cristallin artificiel est ensuite mis en place.
Tableau 22-I Types d’interventions chirurgicales

Douleur
Durée Contrôle
Akinésie post- Anesthésie Particularités
(min) PIO
opératoire
Segment antérieur
Cataracte 10-20 ± – ± ATO
Glaucome 30 ± ++ + ALR
Myopie 15 – – – ATO Sans intervention de l’anesthésiste
Greffe de cornée 90-120 ++ ++ ++ AG/ALR±
Segment postérieur, 60-120 ++ ++ ++ ALR/AG Prévention des NVPO
décollement de rétine Si injection de gaz lourd :
Cryoapplication, éliminer le N2O, pas de voyage
photocoagulation au laser, en altitude en postopératoire
indentation, vitrectomie, Si tamponnement interne :
tamponnement interne positionnement de la tête
par silicone ou gaz lourd en postopératoire
Annexes
ANESTHÉSIE EN OPHTALMOLOGIE

Strabisme 30-60 + – + AG/ALR± Attention HTM chez l’enfant


Ptosis 45 – – ± Sédation
Dacryo-cysto-rhinostomie 60 – – + AG
499
500 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

L’hypertension oculaire qui diminue la profondeur du segment anté-


rieur peut gêner le chirurgien car il peut en résulter un prolapsus irien
ainsi qu’une difficulté à insérer l’implant. Si la capsule postérieure
est rompue, le cristallin, voire l’implant, peuvent migrer dans le vitré,
aboutissant à une augmentation des pressions intraoculaires qui peu-
vent au maximum provoquer une rupture des artères choroïdiennes
avec hémorragie expulsive, et décollement plus ou moins complet de
la rétine.
• Glaucome : la chirurgie consiste à décomprimer le globe par tra-
béculectomie, sclérectomie ou iridectomie, permettant d’améliorer la
circulation de l’humeur aqueuse.
Les complications sont exceptionnelles.
• Chirurgies de la cornée :
— correction de la myopie par kératoplastie au laser ;
— greffe de cornée transfixiante  : intervention à globe largement
ouvert, réalisée sous anesthésie générale.

Chirurgie du segment postérieur

Décollement de rétine (DR), chirurgie complexe, pouvant associer


plusieurs techniques opératoires :
— cryoapplication, photocoagulation au laser, afin de créer une
cicatrice rétinienne limitant le risque de récidive de DR ;
— indentation, cerclage, déformation externe de la sclère pour
recréer un contact avec la rétine. Le risque d’hypertonie et de douleur
postopératoire est élevé ;
— vitrectomie, broutage du vitré avec irrigation-aspiration conti-
nue ;
— tamponnement interne par silicone ou gaz lourd, injectés à
la place du vitré pour maintenir la rétine en place. L’hypertonie
oculaire postopératoire est fréquente, accompagnée de douleur et
de NVPO.

Chirurgie des annexes

• Strabisme  : intervention de l’enfant. Susceptibilité à l’hyper-


thermie maligne, chirurgie fréquemment responsable de ROC et de
NVPO.
• Ptosis.
• Dacryo-cysto-rhinostomie  : désobstruction des voies lacrymales
par communication avec les fosses nasales. Potentiellement hémorra-
gique vers l’oropharynx.
ANESTHÉSIE EN OPHTALMOLOGIE 501

CONSULTATION D’ANESTHÉSIE

Enfant

Seule l’anesthésie générale est adaptée à cette situation. Une


attention particulière sera donnée aux enfants présentant un stra-
bisme ou un ptosis congénital, qui sont considérés à risque d’hyper-
thermie maligne.

Sujet âgé

Les techniques d’anesthésie locorégionale sont indiquées préféren-


tiellement en l’absence de contre-indication (patient non coopérant,
agité, décubitus dorsal difficilement supportable, intervention longue,
morphologie du globe inadaptée (forte myopie, protrusion), refus du
patient).

Traitement anticoagulant

Un traitement par antivitamine K (AVK) ne permet pas la réali-


sation d’une anesthésie péribulbaire. La balance bénéfice/risque de
l’arrêt avec relais par héparine calcique doit être discutée au cas par
cas. Si l’interruption des AVK n’est pas recommandée, il est possible
de réaliser une anesthésie sous-ténonienne ou une anesthésie topique
(pour la chirurgie du segment antérieur, réalisable chez un patient
anticoagulé efficacement), sinon le recours à l’anesthésie générale est
nécessaire.
Les antiagrégants plaquettaires de type aspirine sont maintenus et
n’empêchent pas la réalisation d’une anesthésie locorégionale, par
contre, il est préférable d’interrompre la ticlopidine et de la relayer
par un antiagrégant d’action courte, type flurbiprofène.

Antibioprophylaxie

Les indications sont limitées aux patients diabétiques, aux


reprises chirurgicales (implants secondaires) et aux immunodépri-
més. Elle cible les staphylocoques, les corynébactéries anaérobies
et les streptocoques. La molécule de choix est une fluoroquinolone,
l’ofloxacine 400 mg donnée per os 1 h avant l’intervention (dose
unique).
502 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

TECHNIQUES D’ANESTHÉSIE

Anesthésie topique

L’anesthésie topique consiste en l’instillation de quelques gouttes de


collyre anesthésique. Elle procure une analgésie de la cornée qui per-
met de traiter une cataracte en phaco-émulsification. L’intérêt majeur
de cette technique est l’absence totale des complications liées à
l’anesthésie locorégionale. La récupération visuelle est immédiate, car
l’absence de tout bloc moteur permet d’éviter tout pansement occlusif.
L’analgésie est cependant parfois incomplète. L’éblouissement pro-
voqué par la lumière du microscope peut être douloureux. Il n’y a
aucune akinésie et aucun effet sur la PIO. La durée de l’intervention
est limitée à 10 min.

Anesthésie locorégionale

Anesthésie rétrobulbaire
Cette technique est abandonnée compte tenu des risques de compli-
cations potentiellement graves, nettement supérieurs à ceux de l’anes-
thésie.

Anesthésie péribulbaire (APB)


Il s’agit d’une anesthésie de diffusion par injection d’anesthésique
local à l’extérieur du cône musculo-aponévrotique.
Réalisation
• Installation du patient, allongé, légèrement en proclive, mise en
place d’une surveillance de la fréquence cardiaque et de la SaO2,
apport d’oxygène nasal.
• Instillation d’anesthésique local (Novésine®, Cébésine®) sur la
conjonctive de l’œil à opérer.
• Asepsie rigoureuse à la bétadine dermique (jaune) de l’œil (conjonc-
tive et paupières), utilisation de matériel stérile à usage unique.
• Préparation de la solution d’anesthésie  : Tous les AL sont utili-
sables. On retient la mépivacaïne 2 mg/ml pour la chirurgie de courte
durée et peu douloureuse, la ropivacaïne 7,5 mg/ml pour la chirurgie
de la chambre postérieure, éventuellement en association avec de la
clonidine (Catapressan®). La hyaluronidase favorisant la diffusion,
d’origine bovine, n’est plus utilisée en France.
• Sédation par bolus IV de propofol (0,5 mg/kg) permettant une
brève absence pour réaliser la ponction.
ANESTHÉSIE EN OPHTALMOLOGIE 503

Technique de ponction (figure 22-3)


• Utilisation d’une aiguille spécifique 27 G, de 3,8 cm à biseau court.
• Il existe de nombreuses techniques de ponction décrites. Celle
de Davis et Mandel préconise deux injections de 5 ml, sous- et sus-
orbitaire. La première ponction est réalisée au ras du rebord orbitaire
inférieur, au travers la paupière, à l’union 1/3 latéral-2/3 médiaux,
la seconde, diamétralement opposée, supéromédiale (1/3 médial-2/3
latéraux), directions de l’aiguille strictement postérieure.
L’injection unique réalisée au site inférolatéral est le plus souvent
efficace et vise à diminuer les risques inhérents aux ponctions mul-
tiples. L’aiguille est introduite sur une longueur maximale de 25 mm.
Après test d’aspiration, l’injection est réalisée (jusqu’à 10 ml si réalisa-
tion d’une seule injection). La constatation d’une protrusion du globe
avec fermeture de la paupière supérieure est un bon critère prédictif de
la réussite du bloc.
Compression oculaire
• Après occlusion palpébrale, elle est effectuée grâce au ballonnet
pneumatique de Honan pendant 5 à 10  min. Elle permet d’appliquer
une pression de 20 à 30 mmHg afin de favoriser la diffusion des AL
et diminue la PIO.
• Le bloc est installé en 10 min.
Complications
Les complications de l’APB sont rares. Hématomes bénins au point
de ponction, défauts partiels d’akinésie (acceptable pour de nombreuses
indications opératoires).

Pli semi-lunaire de la conjonctive

Caroncule Lacrymale

Figure 22-3 Points de ponction.


504 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Contre-indications
Les contre-indications à la réalisation de l’APB sont :
— le monophtalme ;
— le myope fort, dont la longueur axiale (LA) est supérieure à
26 mm.
La biométrie par Écho B réalisée à la demande du chirurgien en
préopératoire permet de contrôler la LA et de vérifier l’absence de
staphylome (déformation non sphérique de la sclère), augmentant le
risque de perforation.
Gestion des échecs
Absence d’analgésie → réinjection d’AL en ponctionnant un autre
site ou réalisation chirurgicale d’une anesthésie sous-ténonienne (dans
la capsule de Tenon).
Akinésie imparfaite → souvent acceptable pour l’opérateur, permet-
tant d’éviter une nouvelle ponction.

Anesthésie générale (AG)


Les particularités liées à la chirurgie sont l’absence d’accès à la tête.
L’intubation est donc de règle pour la gestion des voies aériennes.
La succinylcholine pouvant augmenter la PIO n’est pas contre-
indiquée dans le contexte d’urgence, même sur œil perforé.

POUR EN SAVOIR PLUS

Ripart J, Nouvellon E, Ben Babaali M. Anesthésie en ophtalmologie. Confé-


rences d’actualisation SFAR. Paris, Elsevier, 2002 : 323-343.
Chapitre 23

Anesthésie
en chirurgie pulmonaire
N. Liu

La chirurgie pulmonaire est souvent réalisée chez des patients âgés,


chez lesquels on retrouve une altération de la fonction respiratoire et
cardiovasculaire. La prise en charge périopératoire doit être rigoureuse
pour cette chirurgie majeure où la mortalité à un mois est proche
de 3-5  p.  100 après lobectomie et de 5 à 10  p.  100 après pneumo-
nectomie.

INTERVENTIONS

Les cancers pulmonaires primitifs ou secondaires représentent les


indications principales. Le geste chirurgical peut être une résection
atypique, une lobectomie, une pneumonectomie, une pleurectomie ou
une résection costale (associée à une thoracoplastie). La vidéochirur-
gie permet d’obtenir des voies d’abords moins invasives et elle est
utilisée pour des biopsies pulmonaires, pleurales, pour la résection
de bulles d’emphysème ou dans le traitement des épanchements pleu-
raux récidivants. La pleurectomie pour pneumothorax récidivant, la
thymectomie (myasthénie), la bronchoscopie, la résection trachéale
ou les médiastinoscopies sont les autres interventions. Les indica-
tions plus rares sont les empyèmes chroniques (secondaires à une
fistule bronchique), les résections de bulles géantes d’emphysème,
la réduction pulmonaire ou la transplantation pulmonaire. La voie
d’abord élective est la thoracotomie postéro-latérale avec un patient
en décubitus latéral. Plus rarement la voie axillaire (lobectomie supé-
rieure droite) ou la sternotomie (exérèse des métastases bilatérales)
sont réalisées.
506 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Spécificités et recommandations
• La position de l’opéré est en décubitus latéral.
• La ventilation unipulmonaire exige une intubation sélective.
• L’extubation précoce est souhaitable.
• La surveillance des drains pleuraux doit être rigoureuse.
• L’analgésie doit être optimale car la chirurgie est très douloureuse.

ÉVALUATION PRÉOPÉRATOIRE

Ce bilan permet d’évaluer la possibilité d’exérèse de la tumeur et le


risque d’insuffisance respiratoire postopératoire. Même si une lobecto-
mie est prévue, il faut toujours envisager le cas d’une pneumonectomie
décidée en peropératoire. Les patients sont souvent tabagiques, BPCO,
asthmatique ou emphysémateux. Le bilan respiratoire comprend les
épreuves fonctionnelles respiratoires et la scintigraphie ventilation/
perfusion. Il n’y a pas de critère absolu contre-indiquant la chirurgie
mais des critères prédictifs de complications postopératoires comme
la PaCO2 > 45  mmHg, PaO2 < 60  mmHg, VEMS < 75  p.  100 ou le
rapport VR/CT > 40  p.  100. La scintigraphie pulmonaire quantifie la
perfusion de chaque poumon. On peut calculer un VEMS prédictif
postopératoire qui est égal au produit du VEMS préopératoire par le
pourcentage de perfusion du poumon non opéré. La limite inférieure
acceptée pour le VEMS postopératoire est 850 ml. En plus des données
respiratoires, l’évaluation cardiovasculaire est fondamentale en raison
de la fréquente association à une hypertension artérielle, une insuffi-
sance coronarienne ou à une artériopathie périphérique.

INTUBATION SÉLECTIVE

L’intubation sélective (voir figures  23-4 et 23-5) par les sondes à


double lumière ou les bloqueurs bronchiques facilite l’acte chirurgical
en diminuant le volume et le traumatisme du poumon opéré. L’intuba-
tion sélective est impérative si l’on doit isoler les 2 poumons lors d’une
hémoptysie, d’un abcès, d’un pneumothorax (non drainé), d’une bulle
d’emphysème ou d’une fistule bronchopleurale exposant au risque de
tamponnade gazeuse. L’analyse du scanner thoracique et du compte
rendu de la fibroscopie bronchique permet de vérifier que la trachée et la
bronche souche sont libres de processus tumoral, de vérifier l’anatomie
de la trachée (déviation trachéale, sténose, diamètre) ainsi que l’angula-
tion entre la trachée et les bronches souches. Ce bilan permet de détermi-
ner la technique à utiliser pour l’exclusion pulmonaire. On dispose pour
l’exclusion des sondes à double-lumière et de bloqueurs bronchiques.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE PULMONAIRE 507

Sondes à double lumière (figures 23-1 à 23-3)

On distingue les tubes à double-lumière qui intubent la bronche


souche gauche ou droite, ces sondes peuvent avoir ou non un ergot. Ces
sondes sont constituées d’une lumière bronchique munie d’un ballonnet
distal et d’une lumière trachéale avec un ballonnet proximal. La lumière
bronchique est introduite dans la bronche souche. L’ergot se bloque au
niveau de la carène, ce qui évite un déplacement de la sonde en distalité.
Toutes ces sondes ont un mandrin semi-rigide permettant de les préfor-
mer. Ce mandrin est retiré dès que l’extrémité de la sonde est introduite

Figure 23-1 Sonde d’intubation bronchique gauche.

Figure 23-2 Sonde d’intubation bronchique droite.


508 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Figure 23-3 Sonde d’intubation sélective à double lumière (gauche sans ergot).

entre les cordes vocales (le risque de rupture bronchique ou trachéale


est de l’ordre de 2  p.  1000). Pour mettre en place une sonde à double
lumière avec ergot, il suffit de présenter la sonde devant la glotte en
positionnant l’ergot à 6 h. Dès que l’ergot a franchi les cordes vocales,
on fait progresser la sonde dans la trachée avec une rotation de 45° anti-
horaire pour les sondes gauches ou 45° dans le sens horaire pour les
sondes droites. Une résistance à la progression de la sonde témoigne que
l’ergot repose sur la carène. Le ballonnet trachéal est gonflé en premier,
le patient est ventilé et la capnogaphie affirmera la position trachéale
de la sonde. La bonne position de la sonde est vérifiée par un contrôle
fibroscopique. On introduit le fibroscope dans la lumière trachéale, on
place le fibroscope au-dessus de la carène pour vérifier que l’extrémité
de la sonde se trouve dans la bonne bronche et que l’ergot est appuyé
sur la carène. Lors de la mise en place d’une sonde à double lumière
droite, il faut vérifier que le lobe supérieur droit est ventilé. On intro-
duit le fibroscope dans la lumière bronchique et on recherche la bronche
lobaire supérieure droite. Si la lumière bronchique est positionnée dans
la mauvaise bronche, on introduit le fibroscope dans la lumière bron-
chique jusqu’à l’extrémité de la sonde, on retire la sonde après avoir
dégonflé les 2  ballonnets sous contrôle de la vue en se positionnant à
quelques cm au-dessus de la carène. Puis, on applique un mouvement
de rotation pour introduire la sonde dans la bronche souche souhaitée.
La distance entre la carène et la bronche lobaire supérieure est
en moyenne de 50 mm à gauche et de 20 mm à droite. La marge de
sécurité étant plus faible à droite (le risque d’obstruction de la lobaire
supérieure est important), il est préférable d’utiliser des sondes à
lumière bronchique gauche. La sécurité et la fiabilité de l’intubation
sélective reposent sur l’utilisation systématique de la fibroscopie bron-
chique. On dispose de sondes de 41, 39, 37 et 35 french ; en général
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE PULMONAIRE 509

pour un homme on utilise une sonde de 39 f et pour une femme une
sonde de 37  f. Pour gonfler le ballonnet bronchique, on peut s’aider
de la technique des bulles décrite par Benumof qui consiste à ouvrir le
raccord situé en aval de la branche clampée et à le relier à un flacon
de sérum ; aucune fuite (absence de bullage) ne doit se produire lors
de la ventilation du poumon opposé.

Bloqueurs bronchiques (figures 23-4 et 23-5)

Ce sont des cathéters munis d’un ballonnet permettant d’obstruer la


bronche souche souhaitée (comme une sonde de Fogarty). Le cathéter est
introduit dans la lumière d’une sonde trachéale, la position du cathéter
est vérifiée par un contrôle fibroscopique. Une fois le ballonnet en place,
il faut attendre que le poumon s’exsuffle avant de gonfler le ballonnet.
Il existe 2 types de bloqueurs : les cathéters d’ArndtTM et de CohenTM
qui s’introduisent dans une sonde d’intubation normale (∅ 8 mm). Ces
cathéters sont utilisés lorsque le patient est déjà intubé, si une ventila-
tion postopératoire est prévue (évitant une réintubation du patient), en
cas d’intubation difficile prévisible, en cas d’échec d’intubation d’une
sonde à double lumière ou lorsqu’il existe des particularités anato-
miques de la trachée ou de la bronche souche. L’inconvénient est de
ne pas pouvoir aspirer les secrétions ou le sang du poumon exclu.

Figure 23-4 Bloqueur bronchique gauche.


510 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Figure 23-5 Intubation sélective gauche.

• Bloqueur bronchique d’Arndt™  : le fibroscope est placé dans


la bronche à occlure, un lasso situé à l’extrémité du cathéter permet
de le descendre le long du fibroscope vers la bronche. L’extrémité du
cathéter avec son ballonnet sont placés et gonflés sous contrôle de la
vue. Il existe un modèle pédiatrique qui présente l’avantage d’avoir
un cathéter de diamètre plus faible, permettant de l’utiliser quand le
patient est intubé avec des sondes de faibles diamètres.
• Bloqueur bronchique de Cohen™  : il présente la particularité
d’avoir l’extrémité distale flexible orientable grâce à une mollette
qui se trouve à son extrémité proximale. Il se dirige comme un fibro-
scope avec des mouvements de rotation et de flexion de l’extrémité du
cathéter. Ce cathéter est dirigé à l’aide d’un fibroscope que l’on place
à quelques cm au-dessus de la carène.

CONSÉQUENCES DE LA VENTILATION UNIPULMONAIRE

En décubitus latéral, lorsque les deux poumons sont ventilés, la per-


fusion est de 55  p.  100 pour le poumon inférieur, 35  p.  100 pour le
poumon supérieur et 10 p. 100 pour le shunt intrapulmonaire. En ven-
tilation unipulmonaire, le shunt pulmonaire, au lieu d’être à 40 p. 100
est réduit à 20 à 30  p.  100 grâce à la vasoconstriction pulmonaire
hypoxique (VPH). La VPH permet de redistribuer le flux sanguin pul-
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE PULMONAIRE 511

monaire vers les zones bien ventilées. Lors d’une pneumonectomie, le


clampage de l’artère pulmonaire supprime le shunt. L’effet bénéfique
de la VPH peut être altéré par de nombreux agents (TNT, inhibiteurs
calciques ou bronchodilatateurs), par une hypo- ou hypervolémie, par
une hypocapnie, ou la manipulation chirurgicale du poumon par libé-
ration de prostaglandines. L’isoflurane au-delà de 1 MAC peut altérer
de façon modeste la VPH. L’almitrine a montré son intérêt (bolus de
12 μg/kg/min pendant 10 min suivi par une perfusion de 4 μg/kg/min)
lors d’une hypoxémie peropératoire en améliorant la VPH.

MONITORAGE PEROPÉRATOIRE

Le monitorage de base est sans particularité (pression artérielle


non invasive, SaO2, ECG, capnographie, température…). La pres-
sion artérielle sanglante est utilisée en fonction du terrain du patient
(hypoxémie préopératoire, coronaropathie, valvulopathie…) ou si la
chirurgie entraîne des variations hémodynamiques importantes (ster-
notomie, tumeur proche des gros vaisseaux, compression médiasti-
nale). La mesure de la PEP intrinsèque ou auto-PEP (disponible sur
certains ventilateurs) et la mesure de la pression en fin de plateau
inspiratoire permettent de détecter une hyperinflation dynamique res-
ponsable d’instabilité hémodynamique. Le monitorage de la profon-
deur de l’hypnose (index bispectral, entropie…) facilite la titration de
l’anesthésie.

INDUCTION ET ENTRETIEN DE L’ANESTHÉSIE

Comme toute anesthésie, l’objectif est de déterminer les besoins spé-


cifiques de chaque patient en titrant l’agent hypnotique et analgésique.
La stabilité cardiorespiratoire, l’extubation au bloc opératoire et la bonne
analgésie postopératoire sont les objectifs habituels. Deux techniques
sont employées : l’anesthésie générale ou l’anesthésie générale associée
à une locorégionale.

Anesthésie générale

• Ventilation à FIO2 à 100 p. 100.


• Injection de sufentanil 5 à 7 min avant la laryngoscopie.
• Titration de l’induction par du propofol, du thiopental ou de l’éto-
midate.
• Curarisation pour faciliter l’intubation, on utilisera de la succinyl-
choline en cas d’intubation difficile prévisible.
512 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

• Entretien de l’anesthésie par des halogénés ou du propofol associé


à du sufentanil.
• Prévention de l’hypothermie par utilisation d’une couverture
chauffante associée à un réchauffeur de soluté.
• Installation du patient en décubitus latéral en protégeant les points
d’appuis de manière rigoureuse.
• Les paramètres ventilatoires en ventilation unipulmonaire sont une
FIO2 adaptée à la SaO2, un Vt = 5 ml/kg, une FR = 14 à 16/min.
• Réexpansion pulmonaire manuelle sous contrôle de la vue avant la
fermeture pariétale en cas de lobectomie.
• Si une ventilation postopératoire est prévue, utiliser un bloqueur
bronchique en peropératoire ou réintuber le patient en fin d’interven-
tion avec un tube conventionnel. Il faut savoir que cette réintubation
peut être parfois difficile en cas d’œdème de la face secondaire à un
clampage de la veine cave supérieure.

Anesthésie générale associée à une analgésie péridurale


thoracique

• L’analgésie péridurale thoracique assure une excellente analgésie


per- et postopératoire, c’est la technique de référence. Le cathéter est
posé avant l’induction de l’anesthésie.
• Une bonne analgésie postopératoire permet d’entreprendre une
kinésithérapie précoce évitant les complications respiratoires.
• La ponction se fait à l’étage thoracique au niveau T4-T5, T5-T6
ou T6-T7. L’approche de l’espace péridural se fait par une approche
paramédiane ou médiane sous échoguidage.
• Respecter les contre-indications habituelles (troubles de l’hémo-
stase, refus du patient…).
En analgésie postopératoire, on peut utiliser une perfusion conti-
nue d’anesthésique locaux avec un morphinomimétique associé à des
bolus ou une auto-administration (PCEA). On peut utiliser de la ropi-
vacaïne 2 p. 100 associé à du sufentanil (0,5 μg/ml) avec un débit de
base de 5 ml et des bolus possibles de 3 ml toutes les 20 min.
• L’analgésie péridurale thoracique ne supprime pas les douleurs
d’épaule qui sont fréquentes et nécessitent l’adjonction d’AINS.
• L’analgésie péridurale thoracique est utilisée plusieurs jours
jusqu’à l’ablation des drains.
• La faisabilité de la technique dépend des possibilités de surveillance
postopératoire.
• L’analgésie péridurale thoracique diminuerait l’incidence des dou-
leurs chroniques post-thoracotomie.
L’alternative consiste à mettre en place un cathéter paraverté-
bral thoracique soit en peropératoire sous contrôle de la vue soit
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE PULMONAIRE 513

en postopératoire en échoguidage (sonde de 5 MHz, positionnée


en parasagittal, induction de l’aiguille dans le champ en visant la
base de l’apophyse transverse à hauteur du ligament intervertébral.
L’injection de la solution anesthésique provoque une dépression de
la plèvre pariétale. Après un bolus de 10-15 ml de solution anes-
thésique (lidocaïne 13 ml/ml), utiliser une perfusion continue (ropi-
vacaïne 2 mg/ml 10 ml/h ou lévobupivacaïne 1,25 mg/ml 10 ml/h
pendant 48 à 72 h).
Pour les patients souffrant d’emphysème, l’anesthésiste doit veiller
à limiter l’hyperinflation dynamique lors de la ventilation manuelle et
mécanique en limitant le volume courant et la fréquence respiratoire.
L’extubation précoce et une analgésie parfaite sont indispensables.

Maintien de l’homéostasie cardiorespiratoire

• 2 voies veineuses périphériques de bon calibre.


• Éviter un surdosage d’hypnotique ou d’analgésique lors d’une
anesthésie combinée.
• Éviter l’hypervolémie surtout lorsque le poumon est emphysémateux
ou radique.
• Les pertes sanguines peuvent être importantes, il faut disposer
d’un accélérateur-réchauffeur de sang et de produits sanguins rapide-
ment disponibles.

Incidents de la ventilation unipulmonaire

• L’hypoxie est l’incident le plus fréquent et les situations suivantes


doivent être évoquées :
— malposition du tube : contrôler par une fibroscopie dans le canal
trachéal puis bronchique ;
— obstruction du tube par des sécrétions ou du sang, broncho-aspirer ;
— bronchospasme, approfondir l’anesthésie ou β2-mimétiques ;
— compression chirurgicale, arrêter temporairement la manipula-
tion chirurgicale ;
— pneumothorax du poumon ventilé s’associant avec un collapsus,
drainage.
• Si l’hypoxie persiste, on peut s’aider des traitements suivants :
— réinsufflation intermittente du poumon opéré ;
— installation d’une CPAP à 5-10 cm d’H2O sur le poumon exclu ;
— adjonction d’une PEP à 5 cm d’H2O sur le poumon ventilé ;
— perfusion d’almitrine en l’absence d’hypertension artérielle pul-
monaire ;
— ligature de l’artère pulmonaire.
514 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Autres techniques d’analgésies disponibles

• La PCA de morphine qui calme la douleur au repos mais qui est


inefficace sur les douleurs dynamiques. Il faut toujours associer à la
PCA les adjuvants (paracétamol, néfopam et AINS en l’absence de
contre-indication).
• La rachianalgésie avec de la morphine (0,3 à 0,5 mg) associée à
du sufentanil (20 à 50  μg) permet d’obtenir une analgésie efficace
mais pendant 24 h seulement. La rachianalgésie augmente le risque de
rétention d’urine, de nausées et de vomissements.

Période postopératoire

La radiographie du thorax est systématique, permettant de vérifier


l’emplacement des drains, de rechercher un épanchement gazeux ou
liquidien pouvant être responsable d’un refoulement médiastinal. La
surveillance du drainage est capitale pour les lobectomies. Un drai-
nage insuffisant peut provoquer des atélectasies pulmonaires. Les
deux complications sont l’hypoxie et le saignement. Pour prévenir
l’hypoxie, le patient est installé en position assise, la kinésithéra-
pie respiratoire est débutée précocement. Il est parfois nécessaire de
recourir à une fibro-aspiration, une CPAP ou à la ventilation non inva-
sive. Les causes de saignement sont multiples, le diagnostic se fait par
l’évolution de l’hématocrite, des pertes sanguines mesurées dans les
drains pleuraux, du niveau de l’épanchement ou refoulement médiasti-
nal à la radio pulmonaire et des modifications hémodynamiques.

PROBLÈMES SPÉCIFIQUES DES DIFFÉRENTES


INTERVENTIONS

Pneumonectomie

Le risque d’hypoxie est limité car l’artère pulmonaire est clampée


rapidement, permettant de supprimer le shunt. Il est souhaitable d’uti-
liser une intubation bronchique opposée à l’intervention lors d’une
pneumonectomie, bien qu’une pneumonectomie gauche puisse être
réalisée avec une sonde double lumière gauche : il suffit de retirer la
sonde de quelques cm lors de la suture de la bronchique. Il faut éviter
l’hypervolémie car on augmente le risque d’œdème pulmonaire pos-
topératoire. La pose d’un drain pleural n’est pas systématique ; en cas
de drainage, il faut laisser le drain clampé ou en siphonage au bocal
d’aspiration. C’est une intervention parfois hémorragique.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE PULMONAIRE 515

Lobectomie

La voie d’abord est une thoracotomie postéro-latérale. La voie axil-


laire est parfois utilisée pour les lobectomies supérieures droites.
Le premier temps consiste à délimiter les lobes, pour faciliter la
dissection, le poumon doit être modérément insufflé. En fin d’inter-
vention, la réexpansion du poumon restant permet d’évaluer la fuite
aérique et de guider l’aérostase chirurgicale. L’insufflation du poumon
se fait sous contrôle de la vue permettant de lever les atélectasies.
Les drains sont mis en aspiration à –30 cmH2O ; l’analgésie péridurale
thoracique ne couvre pas la voie d’abord axillaire, l’administration
intrathécale de morphine relayée par une PCA peut être une alterna-
tive thérapeutique.

Thoracoscopie

Cette technique chirurgicale exige le plus souvent une exclusion


pulmonaire. Les suites opératoires sont plus simples et moins dou-
loureuses qu’une chirurgie à ciel ouvert. Toutefois, la présence d’ad-
hérences peut rendre cette chirurgie hémorragique et nécessiter une
thoracotomie d’hémostase.

Bronchoscopie rigide

Le bronchoscope rigide permet la désobstruction des voies aériennes


d’un corps étranger, de mettre en place des prothèses dans la trachée
ou dans les bronches souches. La jet-ventilation est la méthode de
référence pour l’assistance respiratoire. La curarisation facilite l’in-
troduction du bronchoscope, selon la durée on utilise de la succinyl-
choline ou un curare d’action intermédiaire. L’agent hypnotique est le
propofol à l’induction et à l’entretien. Le rémifentanil est le morphi-
nomimétique de choix pour cet acte court et non douloureux en post-
opératoire. En l’absence de jet-ventilation, il est possible de ventiler
le patient à travers le bronchoscope qui dispose parfois d’une lumière
latérale.

Résection anastomose de trachée

L’indication principale est la sténose trachéale postintubation. La


sténose se trouve sous ou à quelques cm des cordes vocales. Les scan-
ners avec reconstruction en 3  dimensions et le compte rendu de la
fibroscopie permettent d’apprécier l’importance de la sténose. Les
516 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

sténoses postintubations sont traitées dans un premier temps par une


résection au laser suivie par une dilatation de la trachée en bronchos-
copie rigide, ce qui permet d’introduire au minimum une sonde tra-
chéale longue de ∅ 6 à ballonnet. Si la sténose est trop serrée, il est
nécessaire de dilater la trachée par bronchoscopie rigide juste avant
l’intubation. Si la sonde est trop courte le chirurgien peut être amené
à réintuber le patient après avoir ouvert la trachée. Pour éviter de pol-
luer le champ opératoire par des gaz halogénés lors de l’ouverture de
la trachée, il est préférable d’utiliser un hypnotique intraveineux pour
l’entretien de l’anesthésie. La voie d’abord chirurgicale élective est la
cervicotomie parfois complétée par une sternotomie.

Médiastinoscopie

La présence d’une masse médiastinale antérieure peut provoquer


des problèmes de ventilation. Si le patient présente un syndrome cave
supérieur entraînant un œdème de la partie supérieure du corps avec
cyanose, la prise en charge des voies aériennes supérieures sera dif-
ficile. Le scanner thoracique et la fibroscopie bronchique permettent
d’évaluer le risque d’intubation difficile en rapport à un œdème ou à
une compression extrinsèque.
L’anesthésie en chirurgie thoracique nécessite une évaluation pré-
cise du patient, une excellente collaboration avec le chirurgien, de
disposer et de maîtriser la fibroscopie bronchique. La prise en charge
postopératoire doit être rigoureuse ; elle est facilitée par une bonne
analgésie.
Chapitre 24

Anesthésie
en chirurgie cardiaque
J.-B. Dolbeau, A. Ouattara

La prise en charge périopératoire du patient de chirurgie cardiaque a été


profondément modifiée pour s’intégrer dans un parcours rapide de soins
appelé par les Anglo-Saxons : Fast-track cardiac surgery. Les considéra-
tions économiques ont constitué initialement la principale motivation pour
une telle stratégie de soins qui s’est révélée efficace en termes d’épargne
de ressources et de coût global d’hospitalisation sans pour autant exposer
le patient à un risque accru de complications postopératoires. Le parcours
rapide en chirurgie défini par une hospitalisation de moins de 7  jours
impose un séjour de réanimation ou USC de moins de 48 h et une extu-
bation précoce dans les 6 h qui suivent l’admission ou parfois sur la table.

ÉVALUATIONS PRÉOPÉRATOIRES

PRINCIPALES INDICATIONS OPÉRATOIRES


Coronaropathies

Les indications sont l’atteinte pluritronculaire et/ou du tronc com-


mun. En comparaison à l’angioplastie coronaire percutanée, le risque
de resténose est moindre mais la survie à long terme n’est supérieure
que pour les atteintes pluritronculaires chez le sujet âgé de plus de
65 ans ou diabétique. La technique à cœur battant ou sous minicircu-
lation extracorporelle d’assistance est développée pour les patients à
plus haut risque opératoire.
518 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Valvulopathies

Rétrécissement aortique calcifié (RAC)


Le RAC serré se définit par une surface aortique inférieure à
0,5 cm2  ·  m–2. La forme dégénérative est la plus fréquente en Occi-
dent. Il entraîne, par le biais de l’augmentation de la pression dans la
cavité ventriculaire gauche, une hypertrophie ventriculaire gauche qui
permet initialement le maintien de la fonction ventriculaire gauche.
Cette hypertrophie s’accompagne d’une altération de la compliance
du ventricule gauche (VG) responsable d’une augmentation des pres-
sions télédiastoliques qui rend le remplissage du VG très dépendant de
la contraction auriculaire. La survenue d’une arythmie complète par
fibrillation auriculaire (FA) est souvent mal tolérée.
Les indications chirurgicales sont le rétrécissement aortique serré,
symptomatique ou accompagné d’une FEVG < 50 p. 100 ou associé à
une autre indication chirurgicale cardiaque. En cas de contre-indication,
une alternative à la chirurgie conventionnelle est l’implantation percu-
tanée de la valve aortique.

Insuffisance aortique (IA)


Les étiologies les plus fréquentes sont la dilatation idiopathique de
l’aorte, la bicuspidie aortique, la dégénérescence myxoïde ou rhuma-
tismale, la dégénérescence calcifiante, l’endocardite infectieuse, la
dissection de l’aorte ascendante et le syndrome de Marfan.
Cette pathologie est marquée par une évolution insidieuse avec
dilatation ventriculaire gauche longtemps asymptomatique et fraction
d’éjection initialement conservée. L’altération de la fraction d’éjection
reste au début réversible après remplacement valvulaire. Une dilata-
tion excessive du VG est un facteur pronostique péjoratif. L’évalua-
tion préopératoire doit systématiquement s’intéresser aux diamètres de
l’aorte ascendante. L’IA est quantifiée de 1 à 4 par l’examen échocar-
diographique réalisé en préopératoire.
Les indications chirurgicales sont l’insuffisance aortique sévère
symptomatique ou associée à une fraction d’éjection ventriculaire
gauche < 50 p. 100 ou une dilatation du VG (diamètre télédiastolique
ventriculaire gauche > 75 mm).

Insuffisance mitrale (IM)


Les principales étiologies sont la dégénérescence myxoïde ou maladie
de Barlow, l’origine rhumatismale, la dégénérescence fibro-élastique,
l’IM ischémique, l’endocardite, l’IM fonctionnelle par dilatation de
l’anneau sur cardiomyopathie dilatée.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE CARDIAQUE 519

La dilatation progressive du VG et de l’atrium gauche, liée à la


surcharge volumétrique, permet de conserver un volume d’éjection
systolique et donc un débit cardiaque mais aussi de limiter l’aug-
mentation des pressions de remplissage. La régurgitation lors de
la systole entraîne une réduction de la postcharge du ventricule
dont la fraction d’éjection sera volontiers surestimée. La phase
initiale de la maladie est asymptomatique mais une altération,
même minime, de la fraction d’éjection, témoigne d’une maladie
évoluée avec une probable altération des propriétés contractiles du
myocarde.
Si l’IM est trop évoluée, le remplacement valvulaire peut s’avé-
rer potentiellement néfaste sur la fonction systolique en rétablis-
sant une postcharge et en détruisant l’appareil sous-valvulaire. La
plastie mitrale, qui préserve l’appareil sous-valvulaire, est préférée
dans la mesure du possible au remplacement valvulaire. Une alté-
ration sévère de la fonction systolique VG et/ou un diamètre télé-
systolique du VG > 55 mm fait préférer un traitement médical si la
conservation peropératoire des cordages paraît compromise. L’IM
peut se compliquer d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP)
post-capillaire. La présence d’une HTAP constitue un facteur de
risque opératoire majeur. Les indications chirurgicales sont l’IM
sévère avec FEVG < 60 p. 100 ou DTSVG > 40 mm.

Rétrécissement mitral (RM)


L’étiologie principale est la dégénérescence rhumatismale. L’épais-
sissement des feuillets valvulaires et la fusion des commissures et
cordages entraînent une réduction de l’orifice mitrale en diastole qui
constitue un obstacle au remplissage du VG. Le remplissage ventricu-
laire dépend alors du gradient transmitral, généré par l’augmentation
de la pression atriale gauche. Ce gradient est proportionnel à l’obs-
tacle. Les phénomènes adaptatifs permettent à la maladie de rester
longtemps asymptomatique. L’apparition des symptômes précède sou-
vent la phase d’aggravation. Il existe toujours à ce stade une HTAP
d’importance variable.
Les indications opératoires relèvent des contre-indications de la val-
vuloplastie mitrale percutanée dans les cas suivants :
— dyspnée de stade 3-4 avec rétrécissement au moins modéré (sur-
face < 1,5 cm2) ;
— dyspnée de stade 2 avec rétrécissement au moins modéré asso-
cié à une PAPS > 60-80 mmHg au repos ;
— rétrécissement léger (surface < 2,5 cm2) associé à une PAPS >
60 mmHg à l’effort.
520 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Autres indications
Les autres indications opératoires sont les pathologies péricardiques
(épanchement péricardique, tamponnade, péricardite constrictive), les
pathologies de l’aorte thoracique (dissection, rupture, anévrysme), l’exé-
rèse de thrombus ou de tumeurs intracardiaques, les plaies cardiaques,
les médiastinites et les endocardites, la transplantation cardiaque.

CONSULTATION D’ANESTHÉSIE

Elle est particulièrement attentive à l’évaluation des facteurs de


risque cardiovasculaire et des pathologies associées justifiant d’une
prise en charge périopératoire spécifique  : HTA, diabète, tabagisme,
dyslipidémie, AOMI, insuffisance rénale, pathologie vasculaire céré-
brale, BPCO, syndrome d’apnée obstructif du sommeil.
D’une manière plus spécifique on effectue :
— la recherche d’un foyer infectieux (dentaire notamment) ;
— le calcul de l’EUROSCORE logistique permettant d’avoir une
estimation de la mortalité périopératoire (www.euroscore.org/logistic.
pdf/);
— un test d’Allen bilatéral à la recherche d’une contre-indication à
la pose d’un cathéter artériel radial ;
— une estimation de l’Ht per-CEC [Ht * (volume sanguin total)/
(VST+ volume du priming)] ;
— le calcul des pertes sanguines autorisées ;
— une stratégie d’épargne sanguine (EPO, récupération peropéra-
toire du sang, mise en réserve de produits sanguins labiles).
Examens complémentaires. La plupart des examens complémen-
taires ont déjà fait partie du bilan des patients soumis à une chirur-
gie cardiaque. Les informations qu’ils apportent sont utiles à titre de
référence par rapport à la période postopératoire ou pour évaluer la
cardiopathie qui fait l’objet de l’indication chirurgicale.
Ces examens comprennent les éléments suivants.
• Un bilan biologique sanguin exhaustif comportant un ionogramme
sanguin, une créatinémie, une urémie, une numération formule san-
guine, une coagulation, un groupe sanguin et rhésus, une recherche
d’agglutinines irrégulières notamment. Certains dosages comme le
BNP ont un intérêt pronostique qui n’est cependant pas supérieur à
celui fourni par les scores composites mentionnés au-dessus.
• Un électrocardiogramme (de référence).
• Une radiographie pulmonaire de face (de référence).
• L’échocardiographie est indispensable pour l’évaluation de la patho-
logie valvulaire quel que soit le geste envisagé. Elle permet notamment
l’évaluation de la fraction ventriculaire gauche dont la valeur inférieure
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE CARDIAQUE 521

à 30 p. 100 est reconnue comme un facteur de risque majeur de morbi-


mortalité périopératoire. Elle permet aussi l’analyse de la cinétique
segmentaire, de la fonction diastolique et une évaluation des pressions
de remplissage et des pressions artérielles pulmonaires. Une hyper-
tension artérielle pulmonaire (PAP > 50 mmHg) est reconnue comme
un facteur de risque de morbi-mortalité périopératoire en chirurgie
cardiaque. Elle permet la quantification d’un éventuel épanchement
péricardique. Dans un contexte de coronaropathie, l’évaluation de la
fonction systolique segmentaire sensibilisée éventuellement par une
épreuve d’effort ou l’administration de dobutamine est particulière-
ment informative sur le retentissement des sténoses coronaires et la
viabilité du myocarde sous-jacent. L’échocardiographie transthora-
cique peut être complétée par une échocardiographie transœsopha-
gienne (ETO) peropératoire dans certaines indications chirurgicales
comme les valvuloplasties aortique et/ou mitrale, les endocardites et
la dissection aortique. Soulignons que l’utilisation peropératoire de
l’ETO peut amener le chirurgien à modifier son geste dans un nombre
non négligeable de cas.
• La coronarographie documente le siège des sténoses et la qualité
du lit d’aval. Elle peut être complétée d’une ventriculographie permet-
tant l’évaluation de la fraction d’éjection. Le cathétérisme cardiaque
gauche permet l’évaluation des pressions intracavitaires et le calcul du
gradient transvalvulaire.
• L’écho-Doppler des troncs supra-aortiques permet d’identifier et de
quantifier une sténose éventuelle des artères à destinée brachiocépha-
lique. L’existence d’une sténose carotidienne aura un retentissement
sur la conduite de l’anesthésie et de la circulation extracorporelle
(CEC) mais peut aussi justifier d’un geste d’endartériectomie préalable
à la chirurgie cardiaque sous CEC. La pression de perfusion au cours
de la CEC sera volontiers maintenue à une valeur supérieure en cas de
sténose carotidienne significative.
• Le cathétérisme cardiaque droit permet notamment l’évaluation
des pressions cardiaques droites, des pressions artérielles pulmonaires,
des résistances artérielles pulmonaires mais aussi de la fonction ven-
triculaire droite. Il est indispensable dans le bilan prégreffe. Il est
de nos jours de moins en moins souvent réalisé en préopératoire de
chirurgie cardiaque toute venante.

STRATÉGIE TRANSFUSIONNELLE

Malgré tous les moyens de prévention de l’acte transfusionnel, la


chirurgie cardiaque reste très consommatrice de produits sanguins
labiles. L’incidence du syndrome hémorragique grave est estimée entre
2 et 8 p. 100.
522 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

La stratégie d’épargne sanguine débute lors de la consultation d’anes-


thésie et comporte plusieurs aspects.
• L’identification des facteurs de risque de transfusion comme l’ané-
mie, les troubles de l’hémostase, la bronchopneumopathie obstructive,
les réinterventions, la chirurgie complexe (combinée, de l’aorte thora-
cique, cure d’anévrysme VG, réfection septum interventriculaire post-
IDM) et l’urgence.
• L’utilisation préopératoire d’EPO fait partie des stratégies que l’on
peut adopter.
• En peropératoire :
— stratégie d’épargne sanguine : les antifibrinolytiques et la récu-
pération sanguine peropératoire ;
— l’application de seuils transfusionnels restrictifs  : hématocrite
entre 24 et 30 p. 100, plaquettes aux alentours de 100 000 g/l ;
— limitation du priming de CEC (mini-CEC) permettant de limiter
l’hémodilution ;
— lutte contre l’hypocalcémie, l’hypothermie, l’acidose ;
— intégration de la thromboélastographie dans l’arbre décisionnel
de la stratégie transfusionnelle.

TRAITEMENTS PRÉOPÉRATOIRES

AVK

Le risque thrombotique est évalué en fonction de l’indication. Il


est majeur en cas de valve mécanique en position mitrale. En cas
de FA, il faut rechercher des facteurs de risque thromboembolique
(insuffisance cardiaque, HTA, âge > 75  ans, diabète, ATCD d’AVC,
OG dilatée).
La stratégie suivante peut être proposée  : arrêt des AVK à J-5
et relais à J-3 au soir par une HBPM à dose curative en sous-cutanée
(Lovenox® 100  UI/kg × 2/j) avec une dernière injection à J-1 au
matin. Contrôle INR à J-1 au matin, si INR > 1,5  : 2 mg de vita-
mine K per os à renouveler si INR de contrôle le matin de l’interven-
tion supérieur à 1,5.
Cette stratégie est à reconsidérer en cas de clairance de la créatini-
némie inférieure à 30 ml/min et/ou d’un poids > 100 kg.
L’alternative est représentée par les héparines non fractionnées
avec contrôle du TCA. L’utilisation d’une héparine non fractionnée à
la seringue électrique permet d’obtenir le délai sans anticoagulation
efficace le plus court avec un arrêt de l’héparine seulement 4 h avant
la chirurgie.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE CARDIAQUE 523

Antiagrégants plaquettaires

L’attitude thérapeutique est conditionnée par la balance du risque


thrombose et du risque hémorragique. L’aspirine comme le clopido-
grel ou le prasugrel inhibent de façon irréversible l’activité plaquet-
taire. Le renouvellement du pool plaquettaire qui dépend de la qualité
de l’hématopoïèse (diminuée chez le sujet âgé) se fait en 10 jours. Il
est classique de considérer que la génération de 50 p. 100 du pool est
suffisante et donc un délai de 5 jours, du moins sur le plan théorique,
est reconnu. À l’inverse, on considère que la bithérapie Aspirine®/
Plavix® doit être poursuivie au moins dans les 15  jours qui suivent
une angioplastie, dans les 45 jours qui suivent la mise en place d’un
stent nu ou dans l’année qui suit la mise en place d’un stent actif. En
dehors de l’implantation d’un stent coronaire et du syndrome coro-
narien aigu récent, le clopidogrel (Plavix®) sera arrêté 5  jours avant
l’intervention. L’Aspirine®, quant à elle, sera poursuivie jusqu’au jour
de l’intervention en privilégiant l’utilisation peropératoire d’un anti-
fibrinolytique.

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion


et les antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II

Leur arrêt au moins 12  h avant l’intervention reste préconisé en


raison d’un risque accru d’hypotension au cours de la CEC et d’une
augmentation de la morbi-mortalité. Les biguanides sont arrêtés 24
à 48  h (12-24  h pour la metformine), avant la chirurgie en raison
d’un risque accru d’acidose lactique, surtout en cas d’insuffisance
rénale. La reprise du traitement se fait dans les 48  h. Toutefois,
des études récentes menées en chirurgie cardiaque retrouvent une
association statistique entre le maintien des biguanides et la morta-
lité périopératoire. Les bêtabloquants et les statines sont maintenus
jusqu’au jour de l’intervention et doivent être repris le plus rapide-
ment possible.

PRÉMÉDICATION

L’anxiolyse doit être suffisante et l’association de l’hydroxyzine


(0,5 à 1 mg/kg) et d’une benzodiazépine donnée la veille au soir
et le matin de l’intervention est efficace. Les benzodiazépines sont
contre-indiquées en cas de syndrome d’apnée obstructive du som-
meil et la pharmacocinétique de l’alprazolam est intéressante chez
l’obèse.
524 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

PRISE EN CHARGE PEROPÉRATOIRE

MISE EN CONDITION DU PATIENT


ET MONITORAGE PEROPÉRATOIRE

Surveillance et mise en standard

• Scope ECG 5 dérivations dont V5 et monitorage du segment ST.


• Pression artérielle non invasive avant la mise en place d’un cathé-
ter artériel permettant la mesure continue et invasive de la PA (artère
radiale le plus souvent). Idéalement, le cathétérisme artériel sera effec-
tué avant l’induction sous anesthésie locale. Un cathétérisme bilatéral
est préconisé en cas de chirurgie de l’arche aortique.
• Oxymétrie de pouls.
• Monitorage de la curarisation à l’adducteur du pouce (surtout si
extubation sur table envisagée).
• Capnographie, analyseur de gaz.
• Monitorage de la sédation par le BIS® ou l’entropie permettant
une réduction du risque de mémorisation.
• Monitorage de la pression veineuse centrale.
• Température centrale (œsophagienne et/ou rectale et/ou vésicale).
• Débit urinaire par la sonde urinaire.
• Gazométrie artérielle répétée avec idéalement le dosage du lactate.
• Voie veineuse périphérique de gros calibre.
• Voie veineuse centrale (idéalement sous échoguidage).

Monitorage hémodynamique

Il est fondamental de savoir ce que l’on cherche à surveiller avant


de choisir l’outil de monitorage. En effet il existe à ce jour de nom-
breux appareils mais aucun ne permet de monitorer la totalité des
variables susceptibles de nous intéresser.
Le monitorage du débit cardiaque n’est informatif que lorsqu’il est
couplé à celui de la saturation veineuse en oxygène, de la PVC et
de la précharge-dépendance. Ce concept a été largement développé
ces quinze dernières années avec l’abandon des indices statiques et
le développement des indices dynamiques : ΔPP, variation du volume
d’éjection (ΔVVE) notamment. Cependant ces indices dynamiques
perdent tout intérêt en cas d’arythmie cardiaque ou lorsque le thorax
est ouvert. Le cathétérisme par la sonde de Swan-Ganz, décrié à la fin
des années 1990, garde un avantage certain dans le monitorage hémo-
dynamique du cœur droit.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE CARDIAQUE 525

Cathéter de Swan-Ganz
Invasif, il permet la mesure et le calcul de nombreuses variables.
• Pressions  : pression artérielle pulmonaire et pression auriculaire
droite en continu, pression artérielle pulmonaire d’occlusion.
• Débit cardiaque : l’utilisation d’un cathéter muni d’une résistance
permet en théorie le monitorage en continu du débit cardiaque. En
réalité il existe un temps de latence très important entre les variations
du DC et l’observation de ces variations sur le moniteur de Swan-
Ganz (4 à 10 min).
Ces mesures couplées à la mesure de la pression artérielle systé-
mique permettent de calculer les résistances vasculaires systémiques
et pulmonaires, le travail systolique des ventricules.
• Gazométrique  : saturation en oxygène du sang veineux mêlé en
continu. Il peut être intéressant de coupler les gazométries veineuse
et artérielle afin de calculer la différence artérioveineuse, l’extraction
et la consommation d’oxygène. D’une façon plus anecdotique ces
mesures peuvent permettre de quantifier des shunts.
• Fraction d’éjection du ventricule droit.
Il existe différents modèles de cathéter de Swan-Ganz. Il sera choisi
en fonction des paramètres à monitorer.

Vigileo (Edwards Lifesciences, Irvine, Californie)


C’est un outil de monitorage simple qui ne nécessite pas d’abord
vasculaire supplémentaire autre que la préparation standard du patient.
Il permet le calcul en continu du volume d’éjection systolique et donc
du débit cardiaque mais aussi de la variation de ce volume d’éjection
au cours du cycle respiratoire (VVE), indice dynamique robuste de
précharge-dépendance. Par ailleurs il est possible par un cathéter spé-
cial de monitorer en continu la saturation en oxygène du sang veineux
cave supérieur dont les variations reflètent assez bien celles de la satu-
ration en oxygène du sang veineux mêlé. La combinaison de ces deux
paramètres permet donc d’appréhender l’adéquation entre la demande
et le transport en oxygène et si une expansion volémique permettra in
fine d’améliorer le transport en oxygène par le biais de l’augmenta-
tion du débit cardiaque. Les imprécisions de l’algorithme permettant
le calcul du débit cardiaque sont corrigées au fur et à mesure des nou-
velles versions du logiciel.

PiCCO (Pulsion Medical System, Munich, Allemagne)


Il permet la détermination du débit cardiaque à partir de deux tech-
niques : la thermodilution transpulmonaire et l’analyse point par point
du contour de l’onde pouls. Il nécessite la mise en place d’un cathéter
526 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

central et d’un cathéter artériel fémoral. La thermodilution transpul-


monaire permet entre autres la calibration de la constante qui permet-
tra l’analyse en continu du débit cardiaque. Ceci permet une mesure
plus fiable du débit cardiaque et de ses variations mais nécessite un
recalibrage fréquent : toutes les 2 h environ ou après chaque thérapeu-
tique modifiant le tonus vasculaire.
Le PiCCO permet le monitorage des :
— indices de fonction cardiaque  : volume télédiastolique globale,
résistances vasculaires systémiques, fraction d’éjection globale, puis-
sance cardiaque ;
— indices de précharge dépendance : ΔVES et ΔPP (tableau 24-I) ;
— indices de « fonction pulmonaire » : eau pulmonaire extravascu-
laire pulmonaire et perméabilité vasculaire pulmonaire ;
— indices d’oxygénation à l’aide d’une fibre optique spéciale
(CeVOX) placée dans une lumière du cathéter veineux central : saturation
veineuse centrale en oxygène et donc transport en oxygène et consomma-
tion en oxygène. Toutes ces mesures sont éventuellement indexées.
La plupart de ces paramètres sont calculés par la thermodilution et
leur interprétation doit être prudente. La technologie PiCCO ne per-
met pas le monitorage de la fonction ventriculaire droite et la fiabilité
des résultats fournie par la thermodilution transpulmonaire est très
altérée en cas de dysfonction ventriculaire droite ou d’insuffisance tri-
cuspidienne importante.

Échocardiographie transœsophagienne (ETO)


Non seulement elle permet une évaluation complète de la fonction
cardiaque mais elle peut aussi avoir un impact sur le geste chirurgi-
cal. L’exemple type est la chirurgie réparatrice mitrale où la répara-

Tableau 24-I Quelques indices de précharge dépendance

Indices Valeur seuil

ΔPP > 13 p. 100

ΔVES > 9 p. 100

Ic de collapsibilité VCS > 36


STDVG en TG médian < 5 cm2/m2
PAPO < 5 mmHg
PVC < 5 mmHg
PAPO : pression artérielle pulmonaire d’occlusion ; PP : pression pulsée ; PVC : pression vei-
neuse centrale ; STDVG : surface télédiastolique du ventricule gauche ; VES : volume d’éjec-
tion systolique.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE CARDIAQUE 527

Tableau 24-II Quelques valeurs en ETO

Variables Unités Valeurs anormales


Fraction de raccourcissement de % < 30
surface en TG médian petit axe
Onde S’ anneau mitral latéral cm/sec <8
E/Ea > 8 en VM (PAPO >18 mmHg)
E/Vp > 1,7 en VM (PAPO >18 mmHg)
PAPO : pression artérielle pulmonaire d’occlusion ; VM : ventilation mécanique.

tion est guidée par les constatations pré-CEC et où la validation de


la correction est réalisée par l’ETO après remise en charge. Si les
contre-indications sont respectées et l’introduction réalisée à l’aide
du laryngoscope, cet examen possède une faible morbidité (0,2 à
0,4 p. 100) (tableau 24-II).
Évaluation hémodynamique
• Fonction systolique VG globale et segmentaire :
— fraction de raccourcissement de surface en transgastrique (TG)
médian petit axe ;
— onde S’ anneau mitral en œsophagien moyen (OM) 4 cavités ;
— débit cardiaque : monitorage de l’intégrale temps vitesse (ITV)
sous Ao en TG profond et du diamètre sous-aortique en OM grand
axe (120°) ;
— évaluation de la cinétique segmentaire en TG petit axe basal,
médian puis apical  : fonction diastolique VG dont pressions de rem-
plissage, précharge-dépendance ;
— évaluation pressions de remplissage (E/Ea ; E/Vp), de la précharge-
dépendance sur l’indice de collapsibilité de la VCS.
• Fonction VD.
Intérêt spécifique à la chirurgie cardiaque (figure 24-1)
• Avant l’incision elle permet d’affiner le geste chirurgical :
— geste complémentaire sur l’évaluation ultime de la cardiopathie
(plastie mitrale par exemple) ;
— canulation veineuse et FOP ;
— canulation artérielle et athérome aortique ;
— voie d’administration de la cardioplégie et insuffisance aortique.
• Sortie de CEC  : qualité de la correction chirurgicale (plastie
mitrale notamment), de la purge, intégrité des sites de canulation (dis-
section aortique notamment), hématome compressif, cinétique seg-
mentaire après pontage aortocoronarien.
528 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

OG
OD

POST

ANT
VD VG

Coupe 4 cavités (0°) Coupe longitudinale 2 cavités (90°)

OG
AO IN F

Paroi postéro- POST


basale

VG LAT
VD VG

ANT

Coupe longitudinale Coupe petit axe transgastrique


grand axe (120°)
IVA CX CD

Figure  24-1 Principales coupes et vascularisation myocardique par les trois


artères principales en ETO.
IVA : interventriculaire antérieure ; CX : circonflexe ; CD : coronaire droite.

Oxymétrie cérébrale transcrânienne


par spectroscopie infrarouge (NIRSTM)

C’est un outil de monitorage non invasif de l’oxygénation cérébrale.


Il explore plus précisément la région antérieure du cerveau à la péri-
phérie du territoire des artères cérébrales antérieures et moyennes. La
rSO2 représente en temps réel la balance entre apport et consomma-
tion d’oxygène. Elle est considérée comme pathologique lorsqu’elle
descend en dessous de 40 p. 100 ou de plus de 25 p. 100 par rapport à
la valeur basale. Elle fait partie intégrante des stratégies de protection
cérébrale dans la chirurgie de la crosse aortique (perfusion cérébrale
sélective, hypothermie profonde) mais aussi en pédiatrie. La zone
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE CARDIAQUE 529

cérébrale monitorée est réduite et ne reflète pas forcément l’oxygéna-


tion du reste du parenchyme. Soulignons que dans l’environnement de
la chirurgie cardiaque pédiatrique, cette technologie permet d’appré-
hender la circulation systémique et tout particulièrement rénale, ce qui
constitue un sérieux avantage.

DIFFÉRENTS TEMPS OPÉRATOIRES ET SPÉCIFICITÉS

Période pré-CEC

La prise en charge du patient en chirurgie cardiaque repose sur le


concept de parcours rapide (ou fast-track cardiac surgery). L’objec-
tif est une durée d’hospitalisation inférieure à une semaine, reposant
sur la mise en place d’une stratégie médico-chirurgicale dont l’un des
pivots est l’extubation trachéale précoce (ventilation postopératoire
inférieure à 8  h). Celle-ci se prépare pendant toute la phase peropé-
ratoire avec réduction des doses cumulées d’agents anesthésiques et
optimisation de leur synergie, lutte contre l’hypothermie, analgésie
postopératoire multimodale.

Induction et entretien de l’anesthésie


Les principaux objectifs sont le maintien d’une pression de perfu-
sion systémique suffisante et d’une balance énergétique myocardique
favorable.
Hypnotiques (tableau 24-III)
• Le propofol et l’étomidate sont les hypnotiques intraveineux uti-
lisés. À l’induction l’anesthésie à objectif de concentration (AIVOC)
au propofol, associée au monitorage de la profondeur d’anesthésie
permettant une titration des besoins en hypnotiques, offre une sta-
bilité hémodynamique satisfaisante qui reste cependant inférieure à
celle observée lors de l’utilisation titrée d’étomidate. L’utilisation de
ce dernier est particulièrement intéressante lorsqu’une administration
en séquence rapide est indiquée (estomac plein). Les effets hémo-
dynamiques de l’étomidate ne sont pas dose-dépendants et ne sont pas
accentués sur le myocarde pathologique, son action sur la fonction
surrénalienne ne semble pas avoir de retentissement en postopératoire
de chirurgie cardiaque.
• La kétamine augmente indirectement la consommation en oxygène
du myocarde et possède à des doses élevées un effet dépresseur myo-
cardique direct.
• Le midazolam (Hypnovel®) administré en continu ne permet pas une
extubation précoce.
530

Tableau 24-III Hypnotiques et retentissement hémodynamique

Hypnotique Inotropisme RVS FC Baroréflexe Particularités Recommandations

Midazolam ↓ ↓ ±↑ ↓ Efficacité peu prédictible

Kétamine ↑ ↑ ↑↑ M Inhibition recapture NAD Choc


Faible dépresseur respiratoire Tamponnade
Éviter chez le coronarien
ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Étomidate M ↑ M M Effets hémodynamiques Choc


non dose-dépendants Coronarien
Pas d’augmentation des effets Estomac plein
sur le myocarde pathologique
Sévoflurane ↓ ↓ M M Pré- ou post-conditionnement

Isoflurane ↓ ↓ ↑ ↓ Phénomène controversé de vol Idem


coronarien
Protoxyde d’azote ±↓ ↑ ↑ M ↑ HTAP Peu indiqué en chirurgie
Embolie gazeuse cardiaque

M : maintien ; NAD : noradrénaline ; RVS : résistance vasculaire systémique.


ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE CARDIAQUE 531

• Les agents anesthésiques halogénés  : bien que l’intérêt clinique


du préconditionnement soit très discuté, leur utilisation à l’induction
permet l’activation des systèmes intracellulaires myocardiques de pro-
tection contre l’ischémie démontrés au moins en expérimental.
• Le protoxyde d’azote  : il augmente considérablement le volume
des emboles gazeux. Son utilisation est donc particulièrement dange-
reuse au cours de la CEC.
Opiacés
Ils permettent en luttant contre la stimulation sympathique de
conserver une balance énergétique myocardique favorable. Leur effi-
cacité est dose-dépendante, mais les fortes doses peuvent être délétères
chez le sujet insuffisant cardiaque qui possède un tonus sympathique
élevé. Leur administration en mode AIVOC permet une réduction de
la consommation. Les temps douloureux sont l’intubation, l’incision,
la sternotomie et la fermeture du sternum. Malgré des caractéris-
tiques pharmacocinétiques favorables, le rémifentanil ne se révèle pas
supérieur aux autres opiacés pour la réalisation du parcours rapide en
chirurgie cardiaque.
• Rémifentanil. Induction : 0,2 à 1 μg/kg ou cible site effet entre 3
et 10 ng/ml. Incision et sternotomie : cible entre 5 et 15 ng/ml.
• Sufentanil. Induction : 0,2 à 1 μg/kg ou cible site effet entre 0,3 et
0,6 ng/ml. Incision et sternotomie : cible entre 0,4 et 1 ng/ml.
Les myorelaxants ne sont indiqués que pour l’intubation.

Place des antifibrinolytiques


Depuis le retrait de l’aprotinine, il ne reste qu’un seul antifibrino-
lytique commercialisé  : l’acide tranexamique (Exacyl®). Il s’agit d’un
analogue synthétique de la lysine. Son utilisation en prophylactique per-
met la réduction du saignement postopératoire et à l’exposition trans-
fusionnelle. Il semble avoir moins d’effet sur l’incidence des reprises
chirurgicales. De nombreux protocoles existent. À titre d’exemple, on
peut réaliser un bolus initial de 10 à 20 mg/kg à l’induction suivi d’une
administration en continu en peropératoire à la posologie de 1 à 2 mg/
kg ou la réalisation d’un second bolus 4 à 6 h après. Il existe un risque
thrombotique théorique ainsi qu’un risque de convulsion favorisée par
l’utilisation de posologies importantes et l’existence d’une insuffisance
rénale à l’origine d’une augmentation des concentrations plasmatiques.

Antibioprophylaxie (tableau 24-IV)
La chirurgie cardiaque est une chirurgie propre (classe 1 d’Alte-
meier). La prolongation de l’antibioprophylaxie au-delà de la période
opératoire n’a aucune utilité. On peut utiliser :
532

Tableau 24-IV Temps opératoires en période pré-CEC

Pré-CEC Évolution hémodynamique Particularités Attitude thérapeutique


Pré-incision ↓ FC, PA, pré/post-charge Évaluation ETO Adapter l’analgésie
et VmO2 Vérification installation et voies Antibioprophylaxie
d’abord Antifibrinolytique
Incision ↑ FC, PA, précharge Anticiper ± approfondir
↑↑ post-charge et VmO2 l’analgésie
ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Sternotomie ↑↑ FC, PA, précharge Risque de dommages Arrêt de la ventilation


Écartement ↑↑↑ post-charge et VmO2 intrathoraciques Anticiper et approfondir
Risque de mémorisation l’analgésie
Dissection ↑ VmO2 et post-charge Hémorragique si reprise, Adaptation de la précharge
radiothérapie, médiastinite (ETO)
Dissection des greffons (AMI Stable ou ↓ ↑ précharge si prise de greffons Héparine 300 UI/kg
et/ou greffons veineux) saphènes et monitorage ACT

Canulation Stable ou ↓ Risque d’embolie gazeuse ACT > 400 s au minimum


Nécessite une anticoagulation PAS = 90 à 100 mmHg
efficace
ACT : activated clotting time ; AMI : artère mammaire interne ; VmO2 : consommation en O2 du myocarde.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE CARDIAQUE 533

• Céfazoline : 2 g à l’induction + 1 g au priming ; réinjection d’1 g


toutes les 4 h.
• Céfamandole ou céfuroxime : 1,5 g à l’induction 0,75 g au priming ;
réinjection de 0,75 g toutes les 2 h.
La vancomycine est indiquée en cas de réintervention, d’allergie
aux bêtalactamines ou de colonisation suspectée ou prouvée à SAMR.
• Vancomycine : 15 mg/kg sur 60 min effectué avant l’incision, dose
unique.
La mise en place d’un stimulateur cardiaque ou la réalisation d’un
geste endocavitaire sont soumis aux mêmes règles d’antibioprophy-
laxie.
Le drainage péricardique, la mise en place d’une ECMO ne nécessi-
tent pas d’antibioprophylaxie.

ANALGÉSIE POSTOPÉRATOIRE

La chirurgie avec sternotomie nécessite une prise en charge anal-


gésique. Il est possible d’utiliser la kétamine (bolus de 0,15 mg/kg
puis entretien à 2  γ/kg/min en peropératoire puis 1  γ/kg/min) à visée
hyperalgésique. Lors de la fermeture, un cathéter multiperforé peut
être laissé en présternal afin d’assurer en postopératoire une perfu-
sion continue de ropivacaïne à 2 mg/ml ou lévobupivacaïne 1,25 mg/
ml. Avant la fin de l’anesthésie, on administre du paracétamol associé
à du néfopam ou du tramadol. L’évaluation de l’EVA au réveil permet
au besoin de débuter la morphine en mode PCA (associée au dropéri-
dol : 2,5 mg pour 50 mg de morphine) après une titration en morphine
intraveineuse.
Il n’est pas prouvé que le néfopam augmente de par son effet tachy-
cardisant la consommation en oxygène du myocarde, d’autant plus
que cet effet s’accompagne d’une baisse des résistances vasculaires
systémiques.

PARTICULARITÉS HÉMODYNAMIQUES
DES VALVULOPATHIES

Elles sont listées dans le tableau 24-V.

TAMPONNADE

Il s’agit d’un tableau d’insuffisance circulatoire aiguë réalisant une


urgence médicochirurgicale.
534

Tableau 24-V Principales valvulopathies : attitudes thérapeutiques

IM IA
Type RM RA
Aiguë Chronique Aiguë Chronique
Précharge M, lutte contre ↓ ↑ ou ↓ ↓↓ M ↑
HTAP+++
Postcharge M ↓↓ ↓ ↓↓ ↓ M
ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

FC < 80 80-100 90 80-100 90 50-80, sinusal


Inotropisme VG M M ↑ M ↑ M ou ↑
TdR Ralentir – Ralentir – – –
Réduire/CEE Réduire/CEE
Hypotension Remplissage Éphédrine Éphédrine Phényléphrine
Phényléphrine Adrénaline Adrénaline
Noradrénaline Contre-indication à la CPIA
Dobutamine
CEE : choc électrique externe ; CPIA : contre-pulsion intra-aortique ; M : maintenir ; TdR : trouble du rythme.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE CARDIAQUE 535

L’optimisation hémodynamique de ces patients est délicate et doit


s’évertuer à conserver le retour veineux en augmentant la pression systé-
mique moyenne et en réduisant au maximum la pression dans l’oreillette
droite. Une expansion volémique est nécessaire chez le patient hypo-
volémique mais peut compromettre la circulation coronarienne chez le
patient normovolémique par le biais de l’augmentation des pressions
intracavitaires qui en se transmettant à l’espace péricardique s’opposent
à la pression de perfusion myocardique. Le massage cardiaque externe
est très peu efficace. Enfin la mise sous ventilation mécanique peut pré-
cipiter l’arrêt cardiaque par augmentation des pressions pleurales qui
se transmettent à la cavité péricardique et donc aux cavités droites. De
principe, l’induction d’une tamponnade se fait au bloc opératoire en pré-
sence d’un chirurgien habillé. On s’efforce de garder à l’induction et
jusqu’à l’ouverture du péricarde une ventilation spontanée.
Prise en charge :
• Patient en position demi-assise.
• Mise en condition standard avec 2  voies veineuses périphériques
de bon calibre, pression artérielle sanglante.
• Oxygénothérapie au masque à haute concentration 15 l/min.
• Dans le même temps :
— bilan  : NFS, plaquettes, ionogramme sanguin, créatininémie,
groupe, rhésus, RAI ;
— mise en réserve CGR ± plaquettes, PFC.
• Induction de l’anesthésie :
— chirurgien habillé, champs stérile en place, anesthésie locale
sous-xyphoïdienne ;
— kétamine : 2 à 3 mg ⋅ kg–1 IV ; maintien en ventilation spontané
jusqu’au drainage évacuateur avec une analgésie efficace. Cependant
si le risque d’inhalation semble supérieur au risque hémodynamique
on retiendra la réalisation d’une induction séquence rapide ;
— étomidate 0,35 à 0,4 mg/kg puis Célocurine® 1 mg/kg et mise
sous VM avec faible volume courant, faible fréquence et zéro de PEP.
La décompression à l’aiguille en percutanée par voie sous-xyphoïdienne,
au mieux échoguidée (échographie trans-thoracique) est une alternative
notamment dans les situations extrêmes mais reste souvent insuffisante
dans le cadre des hémopéricardes surtout s’ils sont cloisonnés.

POUR EN SAVOIR PLUS

ACC/AHA 2006. Guidelines for the Management of Patients with Valvular Heart
Disease. J Am Coll Cardiol. 2006 ; 48 : 1-148.
Hirschi M, Meistelman C, Longrois D. Anesthésie en chirurgie cardiaque en
l’an 2000 : place des nouvelles techniques et de l’extubation trachéale précoce.
Conférences d’actualisation de la SFAR. Paris, Elsevier, 2000 : 215-34.
Chapitre 25

Anesthésie
en neurochirurgie
J.-M. Devys

DÉBIT SANGUIN CÉRÉBRAL, PRESSION INTRACRÂNIENNE


ET PRESSION DE PERFUSION CÉRÉBRALE

La consommation cérébrale d’O2 (CMRO2) et le débit sanguin cérébral


(DSC) suivent normalement une évolution parallèle (notion de couplage
débit-métabolisme). La CMRO2 et le DSC sont minimaux lors d’un coma
médicamenteux et maximaux lors d’une crise convulsive. À CMRO2
constante, lors d’une anesthésie générale, l’objectif doit être de maintenir
une pression de perfusion cérébrale (PPC = PAM – PIC) permettant de
maintenir un DSC suffisant. Cet objectif est facilité par l’autorégulation
du DSC : chez le patient conscient, en l’absence de pathologie cérébrale,
le DSC reste constant pour des PPC comprises entre 50 et 150  mmHg
(= plateau d’autorégulation). La forme du plateau et les bornes de sécu-
rité peuvent varier en fonction des conditions pathologiques : hypercap-
nie, hypoxie, augmentation importante de la PIC (> 40 mmHg), en cas
de traumatisme crânien ou assimilé, ou sous l’effet d’agent anesthésique
(figure  25-1). Une mesure simple et continue du DSC étant impossible
en peropératoire, on considère que, sous anesthésie générale, en l’ab-
sence d’hypertension intracrânienne (HTIC), l’obtention d’une PAM
de 80 mmHg est la garantie d’un DSC adéquat (après l’ouverture de la
dure-mère, la PIC est équivalente à la pression atmosphérique).

CHOIX DES AGENTS ANESTHÉSIQUES


Tous les agents hypnotiques réduisent la CMRO2 ce qui, par le biais du
couplage DSC-CMRO2 entraîne une réduction du DSC (figure 25-2). Un
effet vasodilatateur direct de l’anesthésie sur les vaisseaux intracérébraux
ANESTHÉSIE EN NEUROCHIRURGIE 537

Débit sanguin cérébral


(ml/100 g/min)

100 PaCO2
C

PAM

50
D

PaO2
B
A PIC
0
50 100 150 500
Pression (mmHg)

Figure 25-1 Évolution du DSC en fonction de la PPC.


A  : Pour une PPC comprise entre 50 et 150  mmHg, le DSC est fixé à 50 ml
100 g–1 ⋅ min–1.
B : Effet de la PaCO2. Entre 20 et 80 mmHg de PaCO2, il existe une relation
linéaire entre PaCO2 et DSC. Si la PaCO2 passe de 40 mmHg à 20 mmHg, le
DSC est diminué de moitié.
C  : Effet de la PaO2. Une diminution de PaO2 sous 50  mmHg entraîne une
augmentation compensatoire du DSC.
D  : Effet de la PIC. Quand la PIC dépasse 40  mmHg, le DSC diminue pro-
gressivement.

entraînera une augmentation du DSC trop importante par rapport à la


CMRO2, et augmentera la PIC. Au-delà de ces considérations, le main-
tien d’une PPC d’environ 70  mmHg, et donc d’une PAM d’au moins
80 mmHg est l’objectif principal quels que soient les agents choisis.

Agents halogénés

Pour une concentration inférieure ou égale à la concentration alvéo-


laire minimale (CAM), tous les agents halogénés sont équivalents et
peuvent être utilisés en neurochirurgie (voir figure  25-2). Pour des
concentrations supérieures, le desflurane est l’agent le plus vasodila-
tateur et donc celui qui préserve le moins l’autorégulation du DSC.
Le sévoflurane est le moins vasodilatateur mais possède des proprié-
tés épileptogènes aux fortes concentrations (> 2  CAM). L’utilisation
538 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

isoflurane
desflurane
sévoflurane
propofol

120 DSC (%)

100

80
CMRO2
(%)
60
50
40

20

0
Éveillé 1 CAM/EC 50 1,5 CAM/EC 50

Figure 25-2 Effets des agents anesthésiques sur le DSC (points) et la CMRO2


(barres).
Tous les agents diminuent la CMRO2 de façon comparable. À toutes les
concentrations, le DSC est plus bas sous propofol, respectant l’adéquation
CMRO2/DSC.

du sévoflurane n’apporte que peu de bénéfice, par rapport à l’isoflu-


rane, en termes de délai de réveil et donc de précocité de réalisation
d’un examen neurologique postopératoire (moins de 5  min, pour des
chirurgies de plus 5 h).

Protoxyde d’azote

Du fait de ses propriétés vasodilatatrices, le protoxyde d’azote doit


être évité en cas d’HTIC et de position assise (augmentation de la
taille de bulles d’air lors d’embolie gazeuse).

Agents hypnotiques intraveineux

Tous les agents hypnotiques intraveineux peuvent être utilisés à l’in-


duction. Pour l’entretien, l’utilisation du propofol (versus halogéné)
ANESTHÉSIE EN NEUROCHIRURGIE 539

est recommandé en cas d’HTIC sévère du fait de propriétés vaso-


constrictrices intracérébrales (évite une augmentation de la PIC liée
à une éventuelle vasodilatation) et d’une préservation de l’autorégu-
lation du DSC chez le cerveau sain. Ce bénéfice semble malheureu-
sement absent sur cerveau lésé en présence de concentration élevée
(4-4,5 μg ⋅ ml–1).

Agents morphiniques

Ils sont nécessaires pour limiter les variations hémodynamiques


de l’intubation, pour l’installation de la têtière à pointe, l’incision du
scalp, de l’os puis lors de la suture. Le geste intra-parenchymateux
est quasi indolore. Les morphiniques ont le grand intérêt de permettre
une diminution de concentration des halogénés. Là encore, il convien-
dra d’éviter l’injection d’un bolus hypotenseur (perfusion continue ou
bolus titré).

Curares

Ils peuvent être utilisés sans restriction, surtout en cas d’HTIC.


L’utilisation de succinylcholine est justifiée pour faciliter l’intuba-
tion trachéale en cas d’estomac plein (attention aux contre-indications
absolues de la succinylcholine comme l’hémiplégie installée depuis
plus de 48 h).

MONITORAGE PÉRIOPÉRATOIRE
ET REMPLISSAGE VASCULAIRE

Le maintien de la PAM implique une surveillance hémodynamique,


du saignement et du volume de solutés administrés. L’équipement
standard associe deux voies veineuses périphériques, artère sanglante,
sondage urinaire avec diurèse horaire, sonde thermique (pas d’hyper-
thermie, hypothermie modérée (35 °C) en cas de souffrance cérébrale
ischémique lors d’une HTIC aiguë) ± sonde gastrique (chirurgie de
fosse postérieure, charnière cervico-occipitale ou autre chirurgie à fort
risque de trouble de la déglutition).
En cas de position assise, il faudra y associer la mise en place d’un
cathéter veineux central (mesure de PVC voire cathéter artériel pul-
monaire) et un pantalon antigravitationnel permettant le maintien
d’une pression veineuse positive sur le territoire cave supérieur. Au
mieux, on y associe une détection de l’apparition de bulles gazeuses
dans la circulation veineuse par échographie-Doppler transœsopha-
540 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

gienne. En cas d’embolie gazeuse (incidence = 10 à 80 p. 100 en posi-


tion assise) diagnostiquée sur une diminution brutale du CO2 expiré
(± hypoxémie), voire une défaillance hémodynamique, le traitement
doit associer :
• « arrosage » de la zone opératoire permettant de repérer la brèche
veineuse ;
• mesures augmentant la pression veineuse intracérébrale :
— compression des jugulaires internes ;
— augmenter la PVC (PEP à 5 cmH2O, remplissage vasculaire) ;
— vérifier le gonflage du pantalon antigravitationnel avec gonflage
de la partie abdominale ;
— décubitus dorsal (pour abaisser le site opératoire au niveau de
l’oreillette droite) ;
• limiter l’impact de l’embolie gazeuse :
— éviction du protoxyde d’azote ;
— FiO2 = 1 ;
— aspiration des bulles par le cathéter veineux central voire par le
cathéter artériel pulmonaire.
Le remplissage vasculaire (4-6  ml ⋅ kg–1 ⋅ h–1) doit éviter l’hyper-
glycémie (glycémie horaire) et être iso-osmolaire (l’hypo-osmolarité
et l’hyperglycémie sont susceptibles d’aggraver d’éventuelles lésions
neurologiques). Le NaCl 0,9 p. 100 est donc le soluté de référence. La
charge en chlore peut toutefois provoquer une acidose métabolique et
une hyperventilation spontanée.
La chirurgie intracrânienne est classiquement non hémorragique
à l’exception des chirurgies osseuses (craniosténose, méningiomes
sphéno-orbitaires étendus), des volumineuses tumeurs (méningiomes
hémisphériques) et des lésions vasculaires (malformation artério-
veineuse) qui justifient d’un monitorage strict de l’hémoglobine
peropératoire voire postopératoire. Les stratégies classiques (auto-
transfusion, récupération sanguine…) pour éviter la transfusion sont
applicables en neurochirurgie. Il est habituel d’appliquer au patient de
chirurgie intracrânienne les règles de transfusion du patient coronarien
(Hb ≥ 10 g/dl).

MESURES PRÉVENTIVES

Infection

Une antibioprophylaxie est justifiée (4  p.  100 d’infection du site


opératoire) pour les craniotomies (staphylocoque), la chirurgie endo-
nasale (hypophyse) (staphylocoque, streptocoque) et les chirurgies
urgentes (dérivations ventriculaires externes).
ANESTHÉSIE EN NEUROCHIRURGIE 541

Nausées et vomissements

Incidence de 40 à 70  p.  100 en l’absence de prévention pharma-


cologique. Les 3  médicaments classiques (dexaméthasone 4 mg,
dropéridol 0,75 mg, odansétron 4 mg) sont utilisables seuls ou en
association.

Thrombose

La chirurgie intracrânienne est à risque thrombotique élevé.


L’association bas de contention (au mieux compression pneuma-
tique intermittente) + héparine de bas poids moléculaire postopé-
ratoire est la plus utilisée et diminue de 50  p.  100 l’incidence des
thromboses.

Analgésie

Idéalement il faut soulager la douleur sans modifier la vigilance du


patient. Le paracétamol seul est insuffisant. Les anti-inflammatoires
sont efficaces mais semblent majorer le risque de saignement pos-
topératoire. Le tramadol voire la morphine sont souvent nécessaires
malgré leurs effets sur la vigilance et l’augmentation des nausées
qu’ils provoquent.

Convulsions

La prévention (ex. : Dépakine® 500 : 3 cp/j dans les jours préopéra-


toires et dans les 10-15 jours postopératoires) n’est justifiée que pour
la chirurgie sus-tentorielle.

Anti-œdémateux (corticoïdes)

• Pour les tumeurs uniquement, souvent prescrits par voie orale en


préopératoire par le chirurgien lors du diagnostic (arrêt postopéra-
toire immédiat ou progressivement sur quelques jours).
• Pour la chirurgie de la selle turcique (adénome hypophysaire) en
prévention ou en traitement préopératoire d’une insuffisance anté-
hypophysaire (exemple de protocole  : hydrocortisone 1  mg ⋅ kg–1 en
préopératoire puis 1 mg ⋅ kg–1 toutes les 8 h en postopératoire pendant
2 jours puis arrêt et bilan hormonal).
542 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

TRAITEMENT PEROPÉRATOIRE D’UNE HTIC

L’HTIC peut être définie soit par une mesure sur capteur en place ;
comme une valeur de PIC > 15 mmHg, soit par la constatation chirur-
gicale d’un cerveau tendu (dure-mère fermée) ou d’une hernie de
celui-ci à travers l’incision dure-mérienne. Les mesures permettant
une diminution de la PIC sont, par ordre de facilité de réalisation :
— hyperventilation transitoire en FiO2 1 (but : PaCO2 30-35 mmHg,
ETCO2 25-30 mmHg) ;
— pronation 30° et vérification de la position de la tête (éviter les
rotations extrêmes gênant le retour veineux) ;
— vérifier la profondeur d’anesthésie (morphinique avant l’incision
dure-mérienne, bolus IVL sur 5 min de propofol 1-2 mg ⋅ kg–1 ou de thio-
pental 3-5 mg ⋅ kg–1) ;
— NaCl 20 p. 100 : 2 à 3 amp de 20 ml en 15 min ;
— mannitol 20 p. 100 (0,25 ml ⋅ kg–1) en 15 min (attention à l’effet
diurétique osmotique (hypokaliémie) et à l’effet transitoire sur la PIC).
Ces mesures doivent s’associer à celles permettant le maintien d’une
PAM (vasoconstricteurs, correction d’une hypovolémie) permettant la
conservation d’une PPC d’environ 70 mmHg.
Malgré ces thérapeutiques médicales, il arrive que seule l’action
chirurgicale d’extension de l’incision dure-mérienne, d’évacuation de
l’hématome responsable de l’HTIC, de soustraction de LCR (dériva-
tion ventriculaire ou ponction des citernes) voire de parenchyme céré-
bral (résection tumorale ou temporale de sauvetage) permettent de
retrouver une pression intracrânienne normale.

SUIVI POSTOPÉRATOIRE

En l’absence d’HTIC non contrôlée, de chirurgie longue (> 6 h) ou très


délabrante, et en l’absence de problème hémodynamique ou respiratoire,
on peut envisager une extubation précoce, comme pour toute chirurgie.
D’une façon générale, tout trouble de conscience, retard de réveil,
crise convulsive ou déficit neurologique survenant en postopératoire
nécessite une exploration radiologique par scanner avant d’envisa-
ger d’autres explorations (natrémie, glycémie, calcémie, IRM…). Le
score de Glasgow (tableau 25-I) doit être évalué de façon rapprochée
dans les 24 premières heures postopératoires.
Les complications postopératoires les plus fréquentes, en dehors de
l’hémorragie toujours possible, sont variables en fonction des sites opé-
ratoires :
— fosse postérieure et malformation de la charnière cervico-occipitale :
trouble de déglutition et risque d’inhalation, trouble de conscience, HTIC
sur trouble de résorption du LCR ;
ANESTHÉSIE EN NEUROCHIRURGIE 543

Tableau 25-I Score de Glasgow

Ouverture Réponse Meilleure réponse


des yeux verbale motrice*
Spontanée (4) Orientée (5) Obéit à la demande verbale (6)
À la demande (3) Confuse (4) Orientée à la douleur (5)
À la douleur (2) Inappropriée (3) Évitement non adapté (4)
Aucune (1) Incompréhensible (2) Décortication (flexion à la douleur) (3)
Aucune (1) Décérébration (extension à la douleur) (2)
Aucune (1)
Total Glasgow =
* La méthode de stimulation nociceptive validée est la pression appuyée au niveau sus-orbitaire
ou la pression du lit unguéal avec un stylo. Le frottement ou le pincement de la peau doivent
être évités.

— adénome hypophysaire  : diabète insipide [diurèse à natriurèse


faible + densité urinaire de 1 000-1 005 + hypernatrémie : traitement :
Minirin® 1  amp (4 mg) IVL à renouveler, délai d’action < 15  min]
insuffisance corticotrope ;
— lésions situées au-dessus de la tente du cervelet (sus-tentorielles) :
œdème, convulsion.
En fonction de la lourdeur de la chirurgie (durée, saignement, atteinte
hypothalamique), d’autres complications peuvent survenir : perte de sel
d’origine cérébrale, SIRS, atteinte neurovégétative (hémodynamique,
température…).

CAS PARTICULIERS

• Hématome sous-dural aigu  : HTIC systématique, cependant en


l’absence de trouble majeur de la conscience, envisager l’évacuation
sous anesthésie locale en premier lieu, notamment chez le sujet âgé.
• Malformations artério-veineuses et anévrysmes intracrâniens :
que ce soit à froid ou lors d’une hémorragie sur rupture, le traitement
endovasculaire tend à remplacer la chirurgie respectivement d’éxérèse
ou de clipage. Les principes généraux d’anesthésie en neurochirur-
gie sont applicables en neuroradiologie interventionnelle. La préven-
tion de la thrombose intravasculaire peropératoire est assurée par de
fortes doses d’héparine (± aspirine, ± clopidogrel). La prévention du
vasospasme survenant le plus souvent de J4 à J10 après la rupture
de l’anévrysme est assurée par nimodipine (préférer la voie orale  :
2 cp/4 h) et par un maintien d’une PAM > 70 mmHg voire plus, une
fois l’anévrysme traité.
Chapitre 26

Anesthésie
en obstétrique
A. Salengro

ANALGÉSIE OBSTÉTRICALE :
PÉRIDURALE
ET SOLUTIONS ALTERNATIVES

DOULEUR OBSTÉTRICALE

La douleur de l’accouchement varie en fonction de l’état d’avance-


ment du travail. La MLAC (concentration d’anesthésique local mini-
male nécessaire pour soulager 50 p. 100 des patientes) est multipliée
par 3 en fin de travail par rapport au début du travail.
Pendant la première partie du travail, la douleur est principalement
d’origine utérine et les racines concernées vont de D10 à L1.
Lors de la deuxième phase du travail, la douleur s’étend à une zone
extra-utérine (annexes, ligaments) et au cours de l’expulsion, elle
concerne le périnée, le coccyx et le rectum ; les racines concernées
sont L1, L2 et S1 à S5.

ANALGÉSIE PÉRIDURALE OBSTÉTRICALE

La mise en place d’une analgésie péridurale doit se faire dans une


salle comportant un matériel de surveillance et de réanimation. La sur-
veillance per- et postanesthésique doit aussi avoir lieu dans une salle
adaptée avec un personnel en nombre suffisant.
ANESTHÉSIE EN OBSTÉTRIQUE 545

Consultation d’anesthésie

Tout acte anesthésique doit être précédé d’une consultation sauf


dans le cadre de l’urgence. Cette règle s’applique également à l’anal-
gésie péridurale. Outre les informations habituelles, la consultation
doit s’attacher à rechercher les antécédents obstétricaux particuliers
(hémorragie, césarienne…), les pathologies obstétricales en cours et
d’éventuelles difficultés pour la pose du cathéter péridural (problèmes
rachidiens, troubles de l’hémostase…). Elle doit aussi permettre de
préciser des conduites à tenir chez des patientes présentant des patho-
logies sévères ou rares. Il ne faut pas que ces patientes soient décou-
vertes à 3 h du matin par l’anesthésiste de garde pour une césarienne
en urgence ! L’anesthésiste doit également informer les patientes des
risques encourus qu’ils soient fréquents ou pas. Il incombe au médecin,
en cas de litige, de prouver qu’il a rempli son devoir d’information.

Bilan biologique

Il est recommandé de ne pas prescrire un bilan d’hémostase com-


prenant temps de Quick (TP), temps de céphaline avec activation
(TCA), dosage du fibrinogène numération plaquettaire dans le cadre
d’une grossesse normale et en l’absence d’éléments à l’interrogatoire
et à l’examen clinique en faveur de la présence d’une anomalie de
l’hémostase y compris avant la réalisation d’une ALR périmédullaire.
La normalité de la grossesse doit cependant être réévaluée de façon
répétée, notamment à l’arrivée en salle de naissance. Une grossesse
pathologique implique la réalisation d’une numération érythrocytaire
leucocytaire et plaquettaire, TP, TCA.
L’analgésie périmédullaire peut être réalisée si la numération des
plaquettes est > 75 g/l. Elle est discutée en fonction du contexte si le
chiffre des plaquettes est inférieur.
En cas de thrombopénie associée à une pré-éclampsie, une ALR
centrale peut être pratiquée sous réserve :
— que la thrombopénie soit supérieure à 75 g ⋅ l–1 ;
— que la thrombopénie soit stable (nécessité de 2 numérations pla-
quettaires) ;
— que l’intervalle de temps entre la numération plaquettaire et la
pratique de l’ALR soit le plus court possible ;
— qu’il n’existe pas de trouble associé de la coagulation ;
— que le geste ne soit pas délégué à un praticien en formation ;
— et que soit associée une surveillance neurologique tant que per-
siste le trouble de l’hémostase.
La technique la moins traumatique est, si possible, privilégiée
(rachianesthésie et absence de cathéter).
546 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Contre-indications absolues et relatives

• Refus de la parturiente.
• Troubles de l’hémostase (une exception  : les maladies de Wille-
brand mineures et asymptomatiques avec un taux de VIIIvw supérieur
à 30 p. 100).
• Risque hémorragique important  : placenta praevia antérieur, pla-
centa accreta.
• Infection locale ou généralisée.
• Traitements anticoagulants :
— administration d’héparine non fractionnée  : ponction péridurale
possible 4  h après l’arrêt d’une seringue électrique IV, 12  h après une
injection sous-cutanée préventive ou curative, après vérification du TCA ;
— en cas de traitement préventif par HBPM, ponction péridurale pos-
sible 12 h après l’injection et reprise des anticoagulants 12 h après ou 6
à 8 h après la ponction en l’absence d’administration « préopératoire » ;
— en cas de traitement curatif par HBPM, attendre 24  h avant de
réaliser la ponction et 24 h après ;
— lors d’un traitement par aspirine, la ponction péridurale est pos-
sible en l’absence de troubles de coagulation associés. Par contre, la
prise de clopidogrel, la contre-indique formellement, il faut attendre
5 jours d’arrêt avant de réaliser une anesthésie médullaire.
• État hémodynamique ou pathologie cardiaque instable  : l’analgé-
sie péridurale n’est pas contre-indiquée si l’injection d’anesthésique
local est fractionnée de façon à éviter les hypotensions.
• Pathologies neurologiques évolutives : hypertension intracrânienne,
sclérose en plaques en poussée…

Difficultés spécifiques à la parturiente

• La flexion du rachis est plus difficile à obtenir et la parturiente


peut s’agiter lors des contractions utérines.
• La rétention hydrosodée et l’élévation de la progestéronémie
modifient la résistance ligamentaire.
• Il existe une distension des veines péridurales liée à la compres-
sion aorto-cave, ce qui diminue l’espace péridural et expose au risque
de ponction vasculaire.
• Les repères osseux (crêtes iliaques) sont parfois difficiles à identifier.

Recherche d’effraction vasculaire ou de la dure-mère

Les doses d’anesthésique local injectées pour l’analgésie du travail


ne font pas courir de risque vital en cas d’injection intravasculaire ou
ANESTHÉSIE EN OBSTÉTRIQUE 547

intrathécale, mais ce n’est pas le cas si l’on doit utiliser un cathéter


péridural pour une anesthésie pour césarienne au cours du travail.
La recherche d’une effraction de la dure-mère ou d’un vaisseau
repose sur le test d’aspiration et la dose-test.
• Le test d’aspiration recherche un reflux de sang ou de LCR. Il doit
être pratiqué avant toute injection. Il n’a de valeur que positive.
• La dose-test consiste à injecter une faible dose (3 ml) d’une solu-
tion de lidocaïne à 2  p.  100 adrénalinée. Une tachycardie traduit un
passage intravasculaire, l’apparition du bloc en moins de 5  minutes
traduit une injection intrathécale. La dose test n’a de valeur que posi-
tive. Elle est peu fiable pour détecter une effraction vasculaire au
cours de la grossesse (tachycardie imputable à une contraction utérine
intercurrente). Elle peut influencer le déroulement du travail en ren-
forçant l’intensité du bloc anesthésique.
• Les contre-indications à l’injection d’adrénaline sont : une tachy-
cardie maternelle > 125  battements/min, une pré-éclampsie sévère,
une maladie cardiaque rendant la tachycardie maternelle dangereuse,
une perfusion placentaire anormale, une intoxication à la cocaïne.

Protocoles

Les solutions anesthésiques peuvent être administrées en bolus inter-


mittents injectés par le médecin anesthésiste, la sage-femme ou la partu-
riente elle-même (analgésie autocontrôlée) et/ou en perfusion continue.

Injections itératives
La première injection lente et fractionnée après test d’aspiration
doit être réalisée par le médecin anesthésiste.
Par exemple : ropivacaïne 2 mg/ml 10 ml associée éventuellement à
10 μg de sufentanil à renouveler dès la réapparition de la douleur. Les
injections de morphinique doivent être espacées au minimum de 2 h.
Après la première injection, l’anesthésiste vérifie le niveau sensitif, le
bloc moteur, la symétrie de l’analgésie, l’absence d’effets secondaires
(hypotension, troubles neurologiques) et la disparition de la douleur
(EVA < 30). Lors de chaque injection, un test d’aspiration est réalisé,
la pression artérielle est monitorée toutes les 5  min et l’efficacité de
l’analgésie contrôlée.

Seringue électrique
Après une première injection lente et fractionnée efficace, on
peut mettre en place un pousse-seringue électrique avec un mélange
de ropivacaïne 1 mg/ml et sufentanil 0,5  μg/ml à une vitesse de 8 à
548 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

15 ml/h en fonction du niveau sensitif, du bloc moteur et des besoins


analgésiques qui doivent être contrôlés régulièrement. La pression
artérielle est monitorée toutes les 20 à 30 min. Cette solution est effi-
cace mais « consomme » toujours plus d’anesthésique local qu’une
administration intermittente, pour un même résultat fonctionnel.

Analgésie péridurale autocontrôlée


(PCEA, patient-controlled epidural analgesia)
L’intérêt de cette technique est multiple :
— l’absence de hiatus d’analgésie par rapport aux injections itéra-
tives ;
— une meilleure analgésie périnéale à l’expulsion par rapport à la
seringue électrique ;
— la diminution de la dose totale administrée par rapport à l’admi-
nistration continue ;
— une diminution de la charge de travail des équipes soignantes ;
— une augmentation de la satisfaction des parturientes.
Mais cette technique ne peut pas être proposée à toutes les patientes.
En effet, certaines parturientes ne veulent pas gérer leur analgésie,
d’autres ne sont pas aptes à comprendre cette méthode (problème de
langue, agitation trop importante…).
Un bolus initial est administré par l’anesthésiste qui vérifie son effi-
cacité.
On programme ensuite une dose par bolus et une période réfractaire
(par exemple : bolus de 5 à 8 ml et période réfractaire de 10 min d’un
mélange de ropivacaïne 1 mg/ml et sufentanil 0,5  μg/ml). On peut
aussi programmer une perfusion de base continue qui ne semble pas
indispensable mais qui peut permettre de conserver un fond d’analgé-
sie (< 5 ml/h).
La surveillance des patientes sous PCEA est identique à celle des
autres méthodes.
Les recommandations à donner à la patiente sont :
— le bolus initial devrait être efficace pendant environ 2 h ;
— ne pas attendre le retour d’une douleur insupportable mais anticiper
la douleur et appuyer dès que les contractions deviennent désagréables ;
— ne pas hésiter à administrer un bolus même en fin de dilatation ;
— appeler la sage-femme ou l’anesthésiste si l’analgésie est insuf-
fisante.

Péri-rachianalgésie continue
Lors de l’analgésie obstétricale, cette technique est intéressante en
cas de travail hyperalgique ou en fin de travail notamment si la dila-
tation est rapide.
ANESTHÉSIE EN OBSTÉTRIQUE 549

En début de travail hyperalgique, du sufentanil est injecté en intra-


thécal à la dose de 5  μg car son efficacité est rapide et la durée de
l’analgésie est de 1,5 à 2 h. En fin de travail, le sufentanil utilisé seul
peut être insuffisant et doit être associé à 2,5 mg de bupivacaïne. Il est
nécessaire d’effectuer une dose test dans le cathéter péridural avant
de l’utiliser car il existe un risque théorique de passage du cathéter à
travers la dure-mère. Le relais péridural se fait à la levée de la rachia-
nalgésie.
Le risque de la péri-rachianalgésie est le passage en anesthésie
générale pour césarienne en urgence. Les effets secondaires particu-
liers à la péri-rachianalgésie sont un prurit et des épisodes d’hypoten-
sion transitoires.

Analgésie péridurale ambulatoire


Il est possible d’assurer une analgésie chez des patients qui conti-
nuent à déambuler pendant le travail (monitorage fœtal par télé-
métrie). 20 à 30 min après l’injection en bolus de ropivacaïne 1 mg/ml
associée au sufentanil 0,5 μg/ml, tester la déambulation en contrôlant
la pression artérielle, l’absence de bloc moteur et le rythme cardiaque
fœtal.

Extraction instrumentale, délivrance artificielle


et révision utérine
Injection de 5 à 8 ml de lidocaïne 2 p. 100 adrénalinée au 1/200 000
dans le cathéter péridural.
Si la patiente ne bénéficie pas d’une analgésie péridurale, il faut
réaliser une anesthésie générale avec induction en séquence rapide ou,
si l’on a le temps et qu’il n’existe pas de contre-indication, mettre en
place une rachianalgésie.
En cas de grossesse gémellaire, réinjecter systématiquement 8 ml
de lidocaïne 2  p.  100 adrénalinée après la naissance du premier
jumeau.

Adjuvants
Les adjuvants principaux utilisés dans l’analgésie péridurale sont
les morphiniques liposolubles (notamment le sufentanil) et la cloni-
dine. Ils permettent de réduire les doses d’anesthésiques locaux et
ainsi de diminuer l’incidence du bloc moteur. Ils peuvent également
permettre de gommer certaines imperfections de l’analgésie péridurale
(voir plus loin). La dose optimale de clonidine par voie péridurale est
de 75 μg en une seule injection pendant le travail (une dose supérieure
comporte un risque de bradycardie fœtale). Les effets secondaires sont
550 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

la sédation, un bloc moteur modérément accru, l’hypotension mater-


nelle. Le risque de dépression respiratoire du sufentanil ne semble
pas s’étendre au-delà de 2  h et le prurit peut être traité par 10 mg
de propofol ou par 40 mg de naloxone. Le sufentanil peut être res-
ponsable d’hypertonie utérine (qui cède à l’administration de bolus
de trinitrine).

PRISE EN CHARGE DES ÉCHECS D’ANALGÉSIE

Dans 10 à 25  p.  100 des cas, l’analgésie péridurale est incomplète
bien que le taux d’analgésie insuffisante diminue depuis l’association
de morphiniques liposolubles aux AL.

Absence totale d’analgésie

Après un examen clinique recherchant un niveau sensitif par le


chaud-froid, un bloc moteur et la symétrie de la chaleur cutanée
de la face dorsale du pied, il faut vérifier que le cathéter péridural
ne se soit pas déplacé. En effet l’espace péridural est moins pro-
fond quand la patiente est assise que lorsqu’elle est en décubitus
dorsal. Le cathéter peut donc se mobiliser lorsque la parturiente se
recouche.
Huit ml de lidocaïne adrénalinée peuvent alors être injectés de
façon lente et fractionnée et l’examen clinique recommencé 15 à
20 min après. Si aucune modification n’a lieu, replacer le cathéter.

Latéralisation

Le cathéter peut franchir un trou de conjugaison et provoquer une


mauvaise répartition de la solution d’anesthésique local. En préven-
tion, la longueur d’introduction du cathéter dans l’espace péridural
doit être limitée à 4 cm au maximum.
Si le bloc est unilatéral, réinjecter après avoir retiré un peu le cathé-
ter. Si la latéralisation persiste, reponctionner l’espace péridural.

Persistance d’un point douloureux

Si l’extension du bloc est insuffisante (< L1), administrer un volume


plus important de la solution d’anesthésique local.
Si le niveau d’analgésie est correct, associer des morphiniques
(sufentanil 10 μg) ou de la clonidine (75 μg) aux AL.
ANESTHÉSIE EN OBSTÉTRIQUE 551

EFFETS SECONDAIRES ET COMPLICATIONS


DE L’ANALGÉSIE PÉRIDURALE

Influence de l’analgésie péridurale


sur le déroulement du travail

L’effet de l’anesthésie péridurale sur le travail dépend en grande


partie de la dose d’anesthésique local administré, les doses utilisées
étaient plus importantes il y a quelques années expliquant l’impact de
cette technique sur le travail. Les effets documentés sont :
— pas d’influence sur la durée de la première phase du travail ;
— augmentation de la durée de la deuxième phase de travail ;
— augmentation du taux d’extraction instrumentale ;
— pas d’augmentation de la fréquence des césariennes ;
— pas d’effets néfastes sur le fœtus ;
— augmentation de la consommation d’ocytociques.
L’utilisation de très faibles doses d’anesthésiques locaux et leur asso-
ciation aux morphiniques diminuent le bloc moteur et réduisent ces
effets secondaires.

Hypotension

L’hypotension est moins fréquente qu’avec la rachianesthésie et


peut être prévenue par un remplissage (10 à 20 ml/kg de Ringer lac-
tate®). Elle est traitée rapidement par le décubitus latéral gauche pour
éviter la compression cave et par de l’éphédrine. En cas de bradycar-
die associée, une administration urgente d’atropine IV s’impose.

Bloc sous-dural, rachianesthésie totale

Le bloc sous-dural se caractérise par un bloc sensitif très étendu


souvent inhomogène avec une hypotension modérée. Son apparition
est différée par rapport à l’injection (5 à 90  min) et sa levée est très
lente (2 à 6 h). L’opacification du cathéter montre une image en « rail
de chemin de fer » caractéristique.
La rachianesthésie totale survient brutalement quelques minutes
après l’injection. Elle est caractérisée par un bloc sensitif, moteur et
sympathique très étendu provoquant une paralysie des muscles respi-
ratoires, puis une perte de conscience avec mydriase bilatérale et une
hypotension marquée avec une bradycardie extrême. Tous les symp-
tômes sont régressifs en 1 à 3  h mais une assistance ventilatoire et
l’administration de catécholamines sont nécessaires dans l’intervalle.
Une césarienne en urgence doit être effectuée par ailleurs.
552 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Arrêt circulatoire

La compression cave liée à l’utérus gravide provoque un obstacle


au retour veineux et rend plus difficile la réanimation de la femme
enceinte. Le massage cardiaque externe doit être effectué avec un
léger décubitus latéral gauche et, si la patiente ne répond pas au traite-
ment d’emblée, le recours à une césarienne doit être immédiat.

Brèches de la dure-mère

Elles surviennent dans moins de 2 p. 100 des anesthésies péridurales.


La fuite de LCR qui en résulte provoque des céphalées sévères et des
cervicalgies le plus souvent à caractère postural (calmées par le décubi-
tus et aggravées par l’orthostatisme). Ces symptômes peuvent s’associer
à des paralysies des nerfs crâniens (troubles de l’équilibre, surdité, para-
lysie oculomotrice avec diplopie). Les céphalées sont incomplètement
soulagées par les traitements symptomatiques et si elles sont intenses il
faut rapidement effectuer un blood patch qui consiste à injecter 20 ml
de sang prélevés au pli du coude dans l’espace péridural pour colmater
la brèche de la dure-mère. La réalisation d’un blood patch préventif en
cas de brèche accidentelle de la dure mère est discutée.

Frisson et hyperthermie

Les parturientes présentent fréquemment des frissons lors de l’ins-


tallation de l’analgésie péridurale qui sont liés à une hypothermie de
redistribution (secondaire à la vasodilatation provoquée par le bloc
médullaire).
Lorsque le travail est prolongé, au-delà de 5 à 6  h de travail, une
augmentation de température peut s’observer chez les patientes sous
analgésie péridurale (de l’ordre de 1 °C).

Lombalgies

L’analgésie péridurale ne provoque pas de lombalgies, la grossesse


et l’accouchement sont en revanche des facteurs de risque.

Complications neurologiques

Leur incidence est de l’ordre de 1 pour 2 000 anesthésies péri-


durales.
ANESTHÉSIE EN OBSTÉTRIQUE 553

• Lésions périphériques  : les atteintes monoradiculaires par l’ai-


guille ou le cathéter provoquent une paresthésie fulgurante et parfois
un déficit moteur transitoire ; les séquelles sont exceptionnelles. Les
paralysies tronculaires ou radiculaires concernent surtout les nerfs des
plexus lombaire et sacré et sont le plus souvent liées à une atteinte
mécanique au cours d’un accouchement difficile. Les compressions
posturales du nerf cutané latéral de cuisse et du nerf fibulaire doivent
être prévenues par la surveillance systématique de l’intensité du bloc
moteur et en demandant à la patiente de mobiliser régulièrement ses
jambes.
• Paraplégies  : elles peuvent être consécutives à une compression
médullaire par un hématome, un abcès. Ces événements sont excep-
tionnels (1/100 000).

ALTERNATIVES

Aucune méthode analgésique alternative n’a l’efficacité de l’analgésie


péridurale.

Morphine

Tous les morphiniques administrés par voie parentérale traversent la


barrière placentaire et peuvent modifier la variabilité du rythme car-
diaque fœtal.
La morphine a un effet sédatif important et le risque de dépression
respiratoire néonatale n’est pas nul.

Péthidine (Dolosal®)

La péthidine peut être administrée en IM par les sages-femmes sans


prescription médicale jusqu’à 200 mg.
Sa durée d’action est alors de 3 h. En IV, son délai d’action est de
3 à 5  min et sa durée de 30  min. Son métabolisme produit la norpé-
thidine, dérivé actif qui peut induire une dépression respiratoire néo-
natale et dont la demi-vie est de 60  h chez le nouveau-né. Le risque
de dépression respiratoire néonatale est maximal lorsque l’intervalle
entre son administration et la naissance est de 2 à 3 h. Une injection
de naloxone au nouveau-né est alors indispensable. Il existe égale-
ment des anomalies du comportement qui peuvent persister plusieurs
jours. L’insuffisance rénale est une contre-indication à son utilisation.
L’usage de la péthidine est donc déconseillé.
554 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Sufentanil

En PCA : dose de charge de 2,5 à 5 μg puis bolus de 2,5 μg avec


période réfractaire de 10 min.

Rémifentanil

Ce morphinique semble l’analgésique de choix car le métabolisme


et la redistribution fœtale sont rapides et aucun effet secondaire fœtal
n’est remarqué. L’efficacité maternelle est réelle mais il existe une
sédation et un risque important de désaturation artérielle en oxygène.
Une surveillance continue des patientes est donc nécessaire ainsi
qu’une oxygénothérapie.
Le protocole proposé est : PCA IV : bolus de 0,25 μg/kg avec une
période réfractaire de 2 min.

Nalbuphine (Nubain®)

Protocole : 10 mg/4 h en IVL permet d’obtenir un effet en 3 à 5 min


qui dure 3 à 6 h.
Une sédation maternelle est possible. La nalbuphine est tenue pour
responsable de la dépression respiratoire chez le nouveau-né. En post-
partum elle passe dans le lait maternel en quantité infinitésimale.

Protoxyde d’azote

Le mélange équimolaire de N2O-O2 (MEOPA) procure une satis-


faction maternelle bien que les scores EVA restent élevés. L’adminis-
tration discontinue sans morphinique ne provoque pas de désaturation
artérielle en oxygène mais l’addition d’un opiacé majore fortement ce
risque et une surveillance continue est alors nécessaire.
L’inhalation doit débuter 30  s avant les contractions si elles sont
régulières ou au moment des contractions si elles sont irrégulières et
cesser au moment où la contraction commence à céder. Lors de l’expul-
sion, 2 ou 3 inhalations doivent être prises avant chaque effort expulsif.
Les effets secondaires sont essentiellement les nausées et des malaises.

CONCLUSION

L’analgésie péridurale est non seulement une méthode antalgique de


choix mais également une anesthésie sécuritaire permettant d’effectuer
ANESTHÉSIE EN OBSTÉTRIQUE 555

les gestes nécessaires lors des complications obstétricales et d’éviter


ainsi une anesthésie générale source d’une mortalité maternelle élevée.
Cette anesthésie locorégionale comporte tout de même certains risques
qui doivent être clairement expliqués aux patientes.

ANESTHÉSIE POUR CÉSARIENNE

CÉSARIENNE PROGRAMMÉE

La mortalité maternelle liée à l’anesthésie a beaucoup diminué


depuis l’utilisation de plus en plus fréquente de l’anesthésie locorégio-
nale (ALR). Celle-ci est donc à privilégier, l’anesthésie générale étant
réservée aux contre-indications de l’ALR. Toute patiente devant être
opérée d’une césarienne programmée doit être vue en consultation
d’anesthésie afin de dépister d’éventuelles situations à risque (intu-
bation difficile, risque hémorragique…), de rechercher des contre-
indications à l’ALR et de prévoir certains examens complémentaires
ou consultations spécialisées.

Césarienne sous anesthésie locorégionale

Rachianesthésie
La rachianesthésie avec injection unique est suffisante pour per-
mettre une césarienne non compliquée. Un comprimé de cimétidine
(200 mg) ou de ranitidine (150 mg) effervescent est donné dans un
peu d’eau quelques minutes avant la ponction. Celle-ci est réalisée en
position assise, jambes posées sur un escabeau, menton sur la poitrine
grâce à une aiguille pointe crayon 27 G ou 25 G si la ponction est dif-
ficile. Une anesthésie locale de peau par de la lidocaïne 1 p. 100 peut
être faite si la patiente semble difficile à piquer (obésité, épineuses
non perçues…). L’injection intrathécale doit être lente.
Exemple de protocole  : bupivacaïne hyperbare 0,5  p.  100 10 à
12 mg + sufentanil 2,5  μg + morphine 100  μg. La morphine permet
une analgésie pendant 12 à 24 h, période la plus douloureuse.
L’inconvénient de la rachianesthésie en injection unique est
l’hypotension maternelle. Celle-ci peut être en partie prévenue
par un coremplissage par colloïdes (les HEA ayant obtenu l’AMM
chez la femme enceinte), et par l’adjonction prophylactique de
vasopresseurs dès la ponction intrathécale. Un mélange de 30 mg
556 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

d’éphédrine associée à 100  μg de néosynéphrine dans 500 ml de


Ringer lactate® adapté à la pression artérielle peut être proposée. Si
l’hypotension persiste, on peut injecter des bolus de néosynéphrine
de 50 à 100  μg si la patiente est tachycarde (>  80  bat/min) ou
d’éphédrine 6 à 9 mg.
La mise en décubitus latéral gauche systématique jusqu’à l’extrac-
tion fœtale prévient la compression de la veine cave inférieure par
l’utérus gravide.

Péri-rachianesthésie combinée
Son avantage est triple :
— limiter l’hypotension par une injection moindre d’anesthésique
en intrathécal ;
— permettre une analgésie postopératoire par le cathéter péridural ;
— permettre de pratiquer des interventions plus longues.
Ses indications sont :
— prévision d’une intervention longue (adhérences…) ;
— nécessité d’une stabilité hémodynamique (cardiopathie mater-
nelle, syndrome de compression cave important, souffrance fœtale
chronique).
Exemple de protocole : bupivacaïne hyperbare 0,5 p. 100 intrathécale
5 à 8 mg puis injection dans le cathéter péridural si niveau anesthé-
sique insuffisant d’une dose-test de 2 ml de Xylocaïne® 2 p. 100 adré-
nalinée puis 5 ml toutes les 5 à 10  min jusqu’à l’obtention du niveau
désiré (T4).
L’analgésie postopératoire peut se faire par PCEA  : ropivacaïne
1 mg/ml + sufentanil 0,5  μg/ml, bolus de 5 ml en 5  min, période
réfractaire de 15 min, dose maximale autorisée 50 mg/4 h.

Césarienne sous anesthésie générale

L’anesthésie générale est à réserver aux contre-indications de l’ALR


(voir Analgésie pour le travail) car elle expose à plusieurs risques liés
à l’état gravide de la patiente :
— syndrome de Mendelson  : le risque d’inhalation à l’induction
anesthésique et à l’extubation est majoré (voir Chapitre 3, section
Anesthésie de la femme enceinte) et le contenu gastrique est plus
acide, ce qui aggrave le syndrome de Mendelson ;
— difficultés d’intubation (voir Chapitre 3, section Anesthésie de
la femme enceinte) ;
— hypoxémie : plus précoce.
La prévention de la régurgitation acide doit avoir lieu quelques
minutes avant l’induction par un comprimé de cimétidine ou de rani-
ANESTHÉSIE EN OBSTÉTRIQUE 557

tidine effervescent. Une préoxygénation d’au moins 3 min est néces-


saire avant l’induction.
L’induction en séquence rapide doit débuter une fois les champs
chirurgicaux installés et les chirurgiens prêts à inciser. Les agents uti-
lisés sont le propofol 3 mg/kg et la succinylcholine 1 mg/kg. En cas
de pathologie cardiaque ou d’hémodynamique instable, l’association
étomidate-midazolam peut être employée. Des sondes d’intubation
d’un diamètre inférieur à la normale doivent être utilisées (6,5 ou 7).
L’anesthésie est entretenue par un mélange de protoxyde d’azote
associé à un halogéné, la curarisation est monitorée et assurée par
un curare non dépolarisant. Le protoxyde d’azote est arrêté lors de
l’hystérotomie. Dès le clampage du cordon, un morphinique est injecté.
En cas d’atonie utérine, il est préférable de diminuer la concentration
de l’halogéné voire de stopper son administration.

CÉSARIENNE EN URGENCE

Urgences

La souffrance fœtale aiguë (SFA) est liée à une hypoxémie mater-


nelle ou à une diminution du débit utéroplacentaire. Le diagnostic
de SFA (décélérations profondes, bradycardie, perte de variabilité du
RCF, pH <  7,10) impose une extraction fœtale dans les 5 à 15  min.
Certaines SFA sont prévisibles et justifient la pose d’une péridurale
prophylactique :
— utérus cicatriciel ;
— grossesses multiples ;
— présentation par le siège ;
— insuffisance placentaire (toxémie, diabète) ;
— dépassement de terme ;
— retard de croissance intra-utérin.
Certaines SFA inopinées sont d’une extrême urgence :
— procidence du cordon ;
— hypertonie utérine résistant aux dérivés nitrés. Une seringue de
trinitrine doit être disponible en permanence dans le plateau de césa-
rienne (par exemple, Nitronal® 50 μg/ml, injection de bolus de 2 ml à
renouveler au besoin) ;
— hémorragies utérines (rupture utérine, placenta praevia…) ;
— embolie amniotique ;
— éclampsie ;
— arrêt cardiaque.
L’extension d’une péridurale déjà en place peut demander trop de
temps (10 à 15 min) et l’anesthésie générale est alors nécessaire.
558 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Césarienne sous anesthésie péridurale

L’extension d’une anesthésie péridurale déjà en place est souvent


suffisante pour pratiquer une césarienne en urgence relative (dispro-
portion fœtopelvienne, dystocie cervicale, échec d’extraction instru-
mentale, SFA avec récupération entre les contractions). Une injection
de 10 à 20 ml de lidocaïne 2 p. 100 adrénalinée associée à 10 μg de
sufentanil doit être alors débutée de façon fractionnée (5 ml par 5 ml).
Le niveau anesthésié doit atteindre T4.

Césarienne sous anesthésie générale

L’indication est soit l’extrême urgence ne permettant pas d’utili-


ser le cathéter péridural, soit l’absence d’analgésie péridurale. Dans
ce dernier cas et en l’absence de contre-indication, il faut préférer la
rachianesthésie si l’extraction peut être différée de 5 à 10 min. L’anes-
thésiste doit absolument préserver le débit utéroplacentaire en main-
tenant une normocapnie, une normoxie et un état hémodynamique
stable. Son rôle est également, si possible, de calmer la patiente et
de la rassurer. La préoxygénation de 3  min peut difficilement être
réalisée dans les cas d’urgence extrême, on peut alors demander à la
patiente de respirer très profondément.

MESURES COMMUNES LORS DES CÉSARIENNES


SOUS AG OU ALR

Après le clampage du cordon, un bolus d’ocytociques (Syntocinon®


5 UI) est injecté en intraveineux, associé à une perfusion IVL de 20 UI
sur 2  h. L’ocytocine a un effet vasodilatateur, tachycardisant et peut
provoquer des céphalées, une douleur lors de l’injection et un flush
cutané. Une perfusion d’ocytocine (20  UI) sera continuée pendant
24 h. Dans le même temps, une antibioprophylaxie par céphalosporine
de 2e génération est injectée en IV (céfazoline 2 g). En cas d’allergie,
clindamycine 600 mg.

COMPLICATIONS DE LA CÉSARIENNE

Hémorragies du post-partum

Les césariennes sont plus souvent à l’origine d’hémorragies que


les accouchements par voie basse du fait d’une plus grande fréquence
d’inertie utérine.
ANESTHÉSIE EN OBSTÉTRIQUE 559

Maladie thromboembolique
Une prophylaxie thromboembolique doit être débutée en post-partum,
par HBPM, 12 h après la césarienne ou le retrait du cathéter péridural.
En cas de ponction traumatique, respecter un délai de 24 h avant la
première dose d’HBPM.

Sepsis de paroi, endométrite


La césarienne est un facteur de risque d’endométrite. Les germes
rencontrés sont des streptocoques non A, des bactéroïdes, Escherichia
coli le plus souvent. L’antibioprophylaxie systématique permet une
diminution des états septiques.

ANALGÉSIE POSTOPÉRATOIRE
La douleur après césarienne est maximale dans les 24 premières
heures.
Tous les antalgiques usuels peuvent être utilisés en cas d’allaitement.
• En cas de rachianesthésie, la morphine intrathécale permet d’at-
ténuer la douleur pendant les premières 24  h. Des antalgiques non
morphiniques (paracétamol, AINS) sont prescrits et la morphine sous-
cutanée peut être débutée 12 h après la rachianesthésie.
• En cas de retrait du cathéter péridural après la césarienne, une
injection unique de morphine 2 mg peut être réalisée en péridural.
• En cas de cathéter péridural laissé en place, une injection
d’anesthésique local ± morphinique peut être faite en mode continu ou
en PCEA mais cela demande une surveillance rapprochée de l’équipe
soignante car il existe un risque d’hypotension, de bloc moteur et de
dépression respiratoire.
Exemple de protocole PCEA  : ropivacaïne 1 mg/ml + sufentanil
0,5 μg/ml, bolus de 5 ml en 5 min, période réfractaire de 15 min, dose
maximale de 50 mg/4 h.
• En cas d’anesthésie générale, une association paracétamol (Perfal-
gan® 1 g), AINS (Profénid® 50 mg) doit être débutée en peropératoire.
Une PCA morphine est mise en place. Un relais per os est instauré dès J1.
Exemple de protocole de PCA  : morphine 1 mg/ml + droleptan
5 mg/50 ml, bolus de 1 ml, période réfractaire 7 min, dose maximale
de 15 mg/4 h.
• Quel que soit le type d’anesthésie dans le cadre d’une analgésie multi-
modale, on peut également mettre en place un cathéter multiperforé de
cicatrice de césarienne sous l’aponévrose (mis en place par le chirurgien).
Une injection continue d’anesthésique local (Aspirine® 0,2  % 10  ml/h)
pendant 24 à 48 h permet de diminuer la douleur post-césarienne.
560 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

HÉMORRAGIE DU POST-PARTUM

Elle est définie par une hémorragie issue de la filière génitale surve-
nant dans les 24 h suivant l’accouchement et dont les pertes estimées
dépassent 500 ml pour un accouchement voie basse et 1 000 ml pour
une césarienne.

FACTEURS DE RISQUES
Les facteurs de risques sont présentés dans le tableau 26-I.

DIAGNOSTIC
Clinique
Les parturientes sont surveillées systématiquement 2  h en post-
partum. Cette surveillance associe mesure de la fréquence cardiaque,
de la pression artérielle, l’examen de la coloration des conjonctives,
la surveillance de l’involution utérine par la palpation abdominale,
des pertes sanguines vaginales, toutes les 15  min et l’examen vulvo-
vaginal au terme des 2 h. L’hémorragie peut être révélée directement
par un état de choc. Si des troubles de coagulation sont déjà installés,
le syndrome hémorragique est diffus et, outre le saignement génital,

Tableau 26-I Facteurs de risques pour une hémorragie du post-partum

Prévisibles Non prévisibles


Implantation anormale du placenta Atonie utérine
Utérus fibromateux Rétention placentaire
Utérus cicatriciel Lésions de la filière génitale
Grossesse multiple Rupture utérine
Troubles de coagulation Inversion utérine
Antécédents d’hémorragie Plaies vasculaires per-césarienne
de la délivrance
Travail long
Hématome rétroplacentaire
Pré-éclampsie
Chorioamniotite
ANESTHÉSIE EN OBSTÉTRIQUE 561

associe une hémorragie aux points de ponction, une hématurie, des


hémorragies cutanéomuqueuses…

Biologique

En présence d’une hémorragie du post-partum, il faut rechercher


un trouble de coagulation, cause ou conséquence de cette hémorragie.
Les examens biologiques seront répétés tant que persiste le syndrome
hémorragique. La coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) est
le trouble de coagulation le plus fréquent mais elle peut évoluer vers
une fibrinolyse secondaire. Les résultats des tests biologiques sont les
suivants.
• Dans la CIVD isolée :
— fibrinogène < 2 g/l :
— plaquettes < 50 000/mm3 ;
— TP et TCA allongés ;
— diminution des facteurs II, V, VII, X (surtout le V) ;
— présence de complexes solubles ;
— produits de dégradation du fibrinogène (PDF) > 5 μg/ml ;
— D-dimères > 0,5 μg/ml.
• Dans une fibrinolyse secondaire à la CIVD, le fibrinogène est
très abaissé (< 0,5 g/l) et il existe en plus une diminution du temps de
lyse des euglobulines.
• Une fibrinolyse primitive est exceptionnelle et se caractérise
par :
— PDF très élevés ;
— D-dimères presque normaux ;
— plaquettes normales ;
— complexes solubles négatifs ;
— temps de lyse des euglobulines < 30 min.

CONDUITE À TENIR (figure 26-1)

Elle associe la recherche de la cause et la réanimation.

De T 0 à T 30’

Après avoir posé une sonde urinaire, le massage de l’utérus par


voie transabdominale doit être le premier geste suivi par une déli-
vrance artificielle (si le placenta n’a pas été expulsé en totalité) et
une révision utérine. Si l’hémorragie persiste, il faut réaliser un exa-
men des voies génitales sous valves ce qui peut nécessiter une anes-
562 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Hémorragie en salle de naissance

t0 Noter heure Installer monitorage Appeler aide

Oxygène Vérifier 2 déter


DA + RU Vidange vésicale + RAI
Remplissage :
Examen sous Oxytocine 2e voie ± NFS • Coag
Cristalloïdes,
valves → sutures 10-20 UI perf ± IVL ± vérifier disponibilité
colloides ± éphédrine
Massage utérin sang
± HémoCue®
Exacyl® : 1 g
t30 puis 0,5-1 g/h pdt 3-4 h
Bilan Maintien
Sonde urinaire Sulprostone : biologique complet PAM 60-80 mmHg
Diurèse horaire 500 μg + HémoCue ®
Si besoin
1 Ampoule CG pour Hb ≈ 8-10 g/dL noradrénaline :
Antibiothérapie PFC = 1:1
sur 1 h 0,5 mg/h à adapter
Réchauffement à adapter Plaquettes si < 50-100 000 Voie centrale ?
patiente + Fibri si < 1,5-2 g Voie artérielle ?
t60
Ballon de Backri

Ligatures
Embolisation
vasculaires

rFVIIa

(min) Hystérectomie

Figure  26-1 Algorithme de prise en charge de la délivrance d’après les RFE


de la SFAR.

thésie générale. Devant la persistance du saignement, une nouvelle


révision utérine peut s’avérer nécessaire.
La perfusion IV d’ocytociques (Syntocinon®) est accélérée sauf s’il
s’agit d’un placenta accreta, d’une inversion ou d’une rupture utérine.
L’effet du bolus d’ocytocine (5 à 10 UI) est immédiat et dure 45 min.
La perfusion de 20  UI prend le relais mais il ne faut pas dépasser la
dose totale de 50  UI car il existe un effet ADH-like et un risque de
rétention hydrique.
Un HemoCue® donne rapidement une idée du taux d’hémoglobine.
Un remplissage est débuté par cristalloïdes et colloïdes. Une deu-
xième voie d’abord de bon calibre est posée et un premier bilan pré-
levé (NFS, TP, TCA, fibrinogène, facteur V, recherche de D-dimères
et PDF). La banque du sang est appelée pour vérifier la validité de
la carte de groupe sanguin et la disponibilité éventuelle de produits
sanguins.
ANESTHÉSIE EN OBSTÉTRIQUE 563

De T 30’ à T 60’

En cas d’échec du Syntocinon®, la PGE2 (Nalador®), un analo-


gue de prostaglandine, est débuté. Les contre-indications du Nalador®
sont une insuffisance coronarienne, une HTA permanente et sévère,
une insuffisance cardiaque décompensée et un asthme grave. Les
effets secondaires sont des douleurs pelviennes, des vomissements,
une bradycardie. Il est administré en seringue électrique uniquement :
une ampoule de 500  μg, diluée dans 50 ml de sérum physiologique
en 1 h.
Dans le même temps, il est maintenant recommandé de commencer
une perfusion d’acide tranexamique (Exacyl®) de 1 g sur 15 min avec
un relais par 1 g/h pendant 3 h.
Les concentrés érythrocytaires sont apportés pour maintenir une
hémoglobinémie >  8 g/dl tant que l’hémorragie n’est pas contrôlée. Ils
doivent être phénotypés, déleucocytés (et CMV négatif avant l’accou-
chement) mais l’attente des RAI ne doit pas retarder une transfusion
vitale et la patiente est alors transfusée en O-. La qualité de l’expansion
volémique est jugée sur les signes cardiovasculaires, l’état de conscience
et la diurèse qui doit être maintenue > 30 ml/h. Du plasma frais congelé
est transfusé en proportion équivalente aux concentrés érythrocytaires,
des concentrés plaquettaires sont nécessaires si la numération plaquet-
taire < 50 000/mm3 et le fibrinogène doit être maintenu à un taux supé-
rieur à 2 g/l.
Une hémodynamique stable doit être maintenue avec comme objec-
tif une PAM entre 60 et 80 mmHg.
Une antibioprophylaxie à large spectre est administrée couvrant
notamment les entérobactéries, les streptocoques et les anaérobies
(Augmentin® 2 g IVL).
La patiente doit être réchauffée.

Après T 60’

Si, après 30  min de perfusion de Nalador®, la situation s’aggrave


ou ne s’améliore pas, la patiente doit être transférée pour effectuer un
geste d’hémostase (le transfert ne peut avoir lieu que si l’hémodyna-
mique est stable).
• L’embolisation des artères utérines ou d’une de ses branches
par voie endovasculaire doit être réalisée dans une salle d’angiogra-
phie disposant d’un matériel de réanimation sous la surveillance d’un
anesthésiste et de l’obstétricien. Ses indications sont : une atonie uté-
rine, une hémorragie d’origine cervico-utérine, un thrombus vaginal,
une déchirure cervico-vaginale non accessible. Elle est réalisée grâce
des particules spongieuses résorbables en 10 à 30 jours.
564 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

• La ligature des artères hypogastriques ou utérines est réalisée si


l’accouchement a eu lieu par césarienne ou s’il n’existe pas de possi-
bilité d’embolisation.
• L’hystérectomie d’hémostase est décidée en général après l’échec
des techniques précédentes.
Toute situation hémodynamiquement instable justifie une anesthé-
sie générale. Elle est réalisée avec une séquence d’induction rapide
après tamponnement de l’acidité gastrique par citrate et fait appel à
des médicaments ayant un faible retentissement hémodynamique tels
que l’étomidate.
Il existe un consensus sur l’emploi du facteur VII activé recombi-
nant (rFVIIa) (Novoseven®) en cas d’impasse thérapeutique complète
ou juste avant l’hystérectomie d’hémostase. La dose recommandée est
de 60 à 90 μg/kg qui peut être renouvelée dans l’heure qui suit. L’ad-
ministration de rFVIIa ne peut théoriquement se faire qu’en l’absence
d’acidose, d’hypothermie, d’hypofibrinogénémie et de thrombopénie.

PRÉVENTION

• Consultation d’anesthésie systématique pour les patientes à risque


afin de planifier leur prise en charge.
• Administration de fer aux patientes anémiées pendant la grossesse.
• Vérification à l’entrée en salle de travail de la validité de la carte
de groupe sanguin avec 2  déterminations phénotypées et des RAI
datant de moins de 3 jours.
• Délivrance dirigée par administration systématique d’ocytocine au
moment de la naissance et délivrance artificielle si le placenta n’est
pas décollé au bout de 30 min.
• Mise en place d’une anesthésie péridurale permettant une révision
utérine et/ou une délivrance artificielle sans le risque de l’anesthésie
générale.
• Présence sur place de l’anesthésiste et de l’obstétricien.
Il faut rappeler que la majorité des décès par hémorragie du post-
partum sont évitables et sont liées à un retard de prise en charge.

PRÉ-ÉCLAMPSIE

La pré-éclampsie survient chez 1 à 3 p. 100 des primipares et 0,5 à


1,5 p. 100 des multipares. Les facteurs de risques sont essentiellement
génétiques et immunitaires.
ANESTHÉSIE EN OBSTÉTRIQUE 565

DÉFINITIONS

Pré-éclampsie

Association d’une hypertension artérielle (PAS ≥ 140  mmHg et/ou


PAD ≥ 90 mmHg) apparue après 20 SA et d’une protéinurie >0,3 g/j
ou > 2  croix. La protéinurie peut manquer initialement mais il faut
suspecter une pré-éclampsie si l’hypertension est associée à l’un des
signes suivants :
— œdèmes d’apparition brutale prédominant aux extrémités, au
visage ;
— uricémie > 350 μmol/l ;
— transaminases élevées ;
— thrombopénie < 150 000/mm3 ;
— retard de croissance intra-utérin.

Pré-éclampsie sévère

HTA sévère (PAS ≥ 160 mmHg et/ou PAD ≥ 110 mmHg) ou signes


de gravité cliniques et/ou biologiques :
— protéinurie >3,5 g/j ou > 3 croix ;
— oligurie < 500 ml/j ;
— ASAT > 3 N ;
— douleurs épigastriques, nausées, vomissements ;
— thrombopénie < 100 000/mm3 ;
— hémolyse (diminution de l’haptoglobine, augmentation des LDH,
augmentation de la bilirubine) ;
— troubles neurologiques ;
— atteinte fœtale.

Éclampsie

Survenue de crises convulsives.

PHYSIOPATHOLOGIE

La pré-éclampsie résulte d’un trouble précoce de la placentation.


Lors de l’implantation normale de l’œuf, des cellules trophoblas-
tiques pénètrent dans les vaisseaux endométriaux, font disparaître la
couche de cellules musculaires lisses, migrent à contre-courant dans
les artères myométriales, pénètrent dans les parois de ces vaisseaux de
la lumière vers la média et remplacent les cellules musculaires lisses.
566 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

La circulation utéroplacentaire devient une circulation à haut débit


et basse pression.
Lors de l’implantation pathologique, la couche musculaire lisse
persiste, ce qui provoque une athérose aiguë, une ischémie placen-
taire et un infarctus placentaire.

Retentissement viscéral

• Hépatique :
— HELLP syndrome (hemolysis, elevated liver enzymes, low pla-
telet count) ;
— hématome sous-capsulaire.
• Neurologique  : vasospasme, ischémie, œdème, irritation du sys-
tème nerveux central provoquant céphalées voire convulsions.
• Système cardiovasculaire  : HTA, diminution du volume plasma-
tique.
• Pulmonaire : OAP lésionnel et/ou de surcharge.
• Rénal :
— albuminurie. L’hypoalbuminémie provoque une diminution de la
pression colloïde ;
— diminution de la perfusion rénale donc diminution de la diurèse ;
— augmentation de la créatininémie ;
— réabsorption d’acide urique conduisant à une hyperuricémie.

Retentissement fœtal

• Retard de croissance intra-utérin.


• Souffrance fœtale chronique (SFC) ou aiguë (SFA).
• Mort fœtale in utero.
• Hématome rétroplacentaire.
• Mort néonatale.
• Prématurité.

COMPLICATIONS

• HTA mal contrôlée avec risque d’hémorragie cérébrale.


• HELLP syndrome (5 à 20 p. 100 des PE) : hémolyse (augmenta-
tion des LDH > 600 UI/l, augmentation de la bilirubine > 12 mg/dl),
élévation des enzymes hépatiques (ASAT > 70 UI/l), thrombopénie <
150 000/mm3. Dans 30 p. 100 des cas, il apparaît en post-partum. La
complication de ce syndrome est la rupture hépatique.
• Oligurie : voire anurie.
ANESTHÉSIE EN OBSTÉTRIQUE 567

• Éclampsie : dans 30 p. 100 des cas, l’éclampsie survient en post-


partum et est possible jusqu’à 15 jours après l’accouchement.
• Hématome rétroplacentaire : décollement placentaire prématuré
provoquant une souffrance fœtale aiguë, une mort fœtale très rapide-
ment et une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD). Clini-
quement, métrorragies de sang noirâtre, contracture utérine, douleur
abdominale intense et brutale.
• CIVD  : elle apparaît dans 20  p.  100 des HELLP syndromes et
peut compliquer un hématome rétroplacentaire, une éclampsie, une
mort fœtale in utero. Elle est caractérisée par l’effondrement de l’acti-
vité des facteurs de coagulation (< 80 p. 100), du fibrinogène (< 1 g/l),
des plaquettes (< 50 000/mm3), de l’antithrombine (< 70 p. 100) et par
l’élévation des produits de dégradation du fibrinogène (>  20 mg/l) et
des D-dimères (> 1 200 ng/ml).
• Rein :
— insuffisance rénale aiguë  : 5 à 10  p.  100 des PE, mortalité de
10 p. 100 liée à une nécrose tubulaire aiguë, un OAP est associé dans
50 p. 100 des cas mais la récupération est complète ;
— syndrome hémolytique et urémique  : le plus souvent en post-
partum (1 j à 3 mois), il associe insuffisance rénale aiguë, thrombopé-
nie, anémie hémolytique, signes neurologiques avec des transaminases
normales. La mortalité est de 90 p. 100.

BILAN INITIAL

Hospitalisation ? Oui jusqu’à l’accouchement si HTA et protéinurie.

Examen clinique

Il s’agit de réaliser un examen clinique exhaustif. Associé aux exa-


mens biologiques et radiologiques, il permet d’affirmer le diagnostic,
sa gravité et d’en rechercher les complications.
• Recherche de signes fonctionnels :
— céphalées, phosphènes, acouphènes orientant vers une irritation
cérébrale ;
— douleur de l’hypochondre droit ou barre épigastrique, nausées,
vomissements évoquant une atteinte hépatique. En cas de douleur vio-
lente, il faut penser à l’hématome sous-capsulaire et si un état de choc
y est associé à une rupture hépatique ;
— dyspnée ;
— des saignements anormaux doivent faire évoquer des troubles de
l’hémostase ;
568 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

— une douleur abdominale brutale ou une hémorragie vaginale de


sang noirâtre doit faire évoquer un hématome rétroplacentaire.
• Mesure de la pression artérielle : au repos, aux deux bras, avec un
brassard adapté à la taille du bras.
• Recherche de réflexes ostéo-tendineux vifs, d’œdèmes apparus
assez brutalement notamment au niveau du visage et des mains.
• Auscultation pulmonaire à la recherche de crépitants, mesure de
la SpO2.
• Palpation abdominale à la recherche d’un « ventre de bois ».

Examens biologiques et radiologiques

Ils doivent être répétés toutes les 6 h en cas de pré-éclampsie sévère
pour décider du moment optimum de l’extraction fœtale.
• Groupe sanguin, rhésus, recherche d’agglutinines irrégulières.
• Numération formule sanguine, plaquettes.
• Rein  : ionogramme sanguin, urée, créatininémie, protidémie, uri-
cémie.
• Hémostase complète (TP, TCA, facteurs de la coagulation), fibri-
nogène, D-dimères, produits de dégradation du fibrinogène.
• Hémolyse : schizocytes, haptoglobine, LDH.
• Foie : ASAT, ALAT, bilirubine, LDH, glycémie.
• Recherche de protéinurie à la bandelette mais également au labo-
ratoire, envoi d’un échantillon et recueil des urines sur 24  h pour
recherche de protéinurie des 24 h, clairance de la créatinine.
• Quantifier la diurèse, noter le poids de la patiente.
• Échographie hépatique si douleur de l’hypochondre droit, en
urgence.
• Tomodensitométrie cérébrale si signe neurologique focalisé après
une crise convulsive.
• Radiographie pulmonaire voire dosage du BNP (brain natriuretic
peptid) si doute sur OAP.

Chez le fœtus

• Mesure du rythme cardiaque fœtal.


• Échographie avec biométrie, évaluation du score de Manning
pour détecter une souffrance fœtale (mouvements respiratoires,
mouvements fœtaux, tonus fœtal, quantité de liquide amniotique,
RCF) et mesure Doppler des artères utérines, ombilicale et céré-
brale.
ANESTHÉSIE EN OBSTÉTRIQUE 569

TRAITEMENT D’UNE PRÉ-ÉCLAMPSIE


NON COMPLIQUÉE

Il s’agit essentiellement d’une surveillance maternofœtale. L’évolu-


tion de la maladie est imprévisible et parfois très rapide.
Les traitements hypotenseurs se donnent par voie orale et visent
uniquement à éviter les hypertensions sévères car une chute trop
brutale ou trop importante de la pression artérielle peut diminuer
la perfusion placentaire et être délétère pour le fœtus. L’objectif est
d’obtenir une PAS entre 140 et 150  mmHg et une PAD entre 85 et
95 mmHg.

Alpha-méthyldopa : Aldomet®

Antihypertenseur central, c’est le traitement de première intention


en cas d’hypertension peu sévère. Son action est progressive mais son
efficacité est limitée. Il est débuté à 250 mg × 2 ou × 3 par jour et peut
être augmenté à 500 mg 3 fois par jour.

Labétalol : Trandate®

Alpha- et bêtabloquant, il est débuté à 100 mg 2 à 3 fois par jour et


augmenté jusqu’à 200 mg 3 fois par jour.

Nicardipine : Loxen®

Inhibiteur calcique, c’est un antihypertenseur puissant qui, bien


qu’il soit utilisé comme tocolytique dans la menace d’accouchement
prématuré, n’empêche pas le déclenchement ou la progression du tra-
vail. Il est débuté à 20 mg 3 fois par jour et augmenté jusqu’à 50 mg
2 fois par jour.
En cas d’HTA réfractaire à un traitement, il est préférable d’associer
les différentes classes thérapeutiques plutôt que d’augmenter la poso-
logie d’une seule molécule.

TRAITEMENT D’UNE PRÉ-ÉCLAMPSIE SÉVÈRE


ET DE SES COMPLICATIONS

Une pré-éclampsie sévère nécessite une hospitalisation dans une


maternité de niveau  3 et un monitorage pluriquotidien de la mère et
du fœtus.
570 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Remplissage

Avant l’instauration du traitement antihypertenseur pour limiter les


conséquences de l’hypovolémie et en particulier en cas d’oligurie. Il
s’agit d’un remplissage modéré (500 ml en 30  min), pour éviter le
risque d’OAP, par cristalloïdes ou albumine à 4  p.  100 selon le taux
de protidémie.

Traitement antihypertenseur : par voie intraveineuse

• Nicardipine® en titration de 1 mg toutes les 10 min jusqu’à l’ob-


tention d’une pression artérielle désirée puis entretien par perfusion
continue correspondant à la moitié de la dose de titration par heure.
On adapte le débit toutes les heures en fonction de la pression en aug-
mentant ou diminuant de 0,5 ou 1 mg. À des doses élevées, des effets
secondaires peuvent apparaître à type de bouffées de chaleur, tachy-
cardie, céphalées.
• Ou Labétalol®. On titre alors toutes les 20  min par un premier
bolus de 20 mg puis un deuxième de 20 mg puis un troisième bolus
de 40 mg… jusqu’à un maximum de 300 mg. Le relais se fait par une
perfusion de 0,1 à 0,2 mg/kg/h que l’on peut adapter toutes les heures
en augmentant ou diminuant le débit de 1 ou 2 mg/h.
Il est possible d’associer une perfusion de nicardipine à une perfu-
sion de Labétalol®.
Le cathétérisme cardiaque droit n’a plus sa place et est remplacé
par l’échographie transthoracique dont les indications sont l’OAP ne
réagissant pas au traitement, une oligurie persistante malgré le rem-
plissage, une HTA réfractaire au traitement, une pathologie cardiaque
sévère associée.

Éclampsie

Le traitement de la crise convulsive fait appel aux benzodiazépines


en dose unique (diazépam 10 mg ou clonazépam 1 mg en IVD) avec
oxygénothérapie au masque. Si les crises sont récurrentes, il faut
administrer du propofol, intuber la patiente avec manœuvre de Sellick
et extraire le fœtus en urgence.
Le traitement préventif de l’éclampsie est le sulfate de magnésium
(MgSO4). C’est un inhibiteur calcique qui possède une action anta-
goniste du récepteur NMDA, des propriétés anticonvulsivantes, toco-
lytiques et qui lève le vasospasme cérébral. Il peut être associé aux
autres antihypertenseurs sous couvert d’une surveillance adéquate.
Son mode de prescription est un bolus de 4 g en IVL sur 30 à 60 min
ANESTHÉSIE EN OBSTÉTRIQUE 571

relayé par une perfusion de 1 à 2 g/h avec réinjection de 2 à 4 g en


IVL si récidive. La durée du traitement dépasse rarement 24 h.
Ce traitement est conduit en unité de surveillance continue. La
surveillance repose sur un monitorage de base comprenant le scope,
la pression artérielle et SpO2, la mesure de la fréquence respiratoire
(>  16), la mesure de la diurèse (>  25 ml/h) et le contrôle pluriquoti-
dien des réflexes ostéotendineux.
Un dosage plasmatique peut être effectué et devient nécessaire
en cas de suspicion clinique de surdosage ou d’insuffisance rénale.
Les signes de toxicité peuvent apparaître pour une magnésémie de
2 mmol/l.
En cas de surdosage, l’antidote est le gluconate de calcium en IVD
1 g.
Ses effets secondaires sont : une potentialisation des curares néces-
sitant un monitorage du bloc neuromusculaire, un effet inotrope néga-
tif, des nausées, vomissements et des sensations ébrieuses.
Les myopathies sont des contre-indications au traitement par sulfate
de magnésium.

HELLP syndrome

Si le terme est supérieur à 32  SA ou s’il existe une SFA, inter-


rompre rapidement la grossesse. En l’absence de SFA, si le terme est
inférieur à 32  SA ou si le HELLP évolue lentement, on peut essayer
de temporiser et débuter une corticothérapie de maturation pulmonaire
qui peut aussi avoir un effet bénéfique sur le HELLP syndrome et per-
mettre de retarder l’extraction. Surveillance en post-partum en USC
pendant 48 h.

Hématome rétroplacentaire

Si l’enfant est vivant, césariser la patiente en urgence. Si l’enfant est


mort et qu’il existe déjà des troubles de l’hémostase, l’accouchement
par voie basse est préconisé.

CIVD

Traiter sa cause. Dans le même temps, en cas de manifestations


hémorragiques, apporter des concentrés érythrocytaires phénotypés
et déleucocytés afin de maintenir une hémoglobine > 7 g/dl, du fibri-
nogène (0,1 g/kg) dès que son taux est inférieur à 1 g voire 2 g, du
plasma frais congelé (20 ml/kg) et éventuellement des plaquettes si la
572 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

manifestation hémorragique persiste malgré la normalisation des fac-


teurs de coagulation. Malgré les risques thrombotiques et allergiques,
les antifibrinolytiques peuvent en dernier recours être employés si la
fibrinolyse persiste et est majeure (aprotinine 250 000 à 1 000 000 UI
en IVL en une fois).

CRITÈRES D’INTERRUPTION DE LA GROSSESSE

• HTA non contrôlée.


• Éclampsie.
• Thrombopénie évolutive.
• Coagulopathie.
• Insuffisance rénale aiguë.
• Signes d’œdème cérébral.
• OAP.
• Hématome rétroplacentaire.
• SFA.

ANESTHÉSIE DE LA PATIENTE PRÉ-ÉCLAMPTIQUE

L’évaluation de la patiente doit être la plus proche possible de l’acte


anesthésique. L’examen clinique doit évaluer en particulier la sévérité
de l’HTA, les risques hémorragiques et les conditions d’intubation. Le
bilan biologique doit dater du jour voire des heures précédentes en cas
de pré-éclampsie sévère.
L’analgésie du travail repose sur l’anesthésie péridurale en l’ab-
sence de troubles de coagulation et après un remplissage vasculaire.
En cas de signes cliniques hémorragiques associés à une thrombo-
pénie ou une baisse rapide des plaquettes, l’anesthésie périmédullaire
est contre-indiquée. Si la diminution des plaquettes survient après la
pose de la péridurale, le cathéter doit être laissé en place jusqu’à nor-
malisation des plaquettes. La dose-test adrénalinée est contre-indiquée
en cas d’HTA sévère.
Les césariennes doivent au maximum être pratiquées sous anesthésie
périmédullaire compte tenu du risque important d’intubation difficile et
des poussées hypertensives lors de l’intubation et de l’extubation. Lors
d’une péridurale ou d’une rachianesthésie, le remplissage doit être plus
important mais les hypotensions répondent correctement à l’éphédrine.
L’anesthésie générale doit donc être réservée aux contre-indications
de l’anesthésie périmédullaire et les poussées hypertensives doivent
être prévenues par un antihypertenseur associé ou non à un morphi-
nique avant l’induction. Par exemple, une association de sulfate de
magnésium (30 mg/kg) et de morphinique ou d’esmolol (1 mg/kg)
ANESTHÉSIE EN OBSTÉTRIQUE 573

associé à de la lidocaïne (1,5 mg/kg) peut être proposé sans répercus-


sion sur le fœtus. L’inhibiteur calcique et le morphinique doivent être
maintenus jusqu’à la fin de l’intervention.
L’analgésie post opératoire est sans particularité mais les AINS sont
contre-indiqués en cas d’oligo-anurie persistante.

EN POST-PARTUM

Le traitement étiologique de la pré-éclampsie est réalisé mais celle-ci


peut encore évoluer et s’aggraver dans les 15 jours suivant l’extraction
fœtale.
La patiente doit être surveillée en soins intensifs pendant 48  h s’il
existe une complication. En cas de pré-éclampsie non compliquée,
une surveillance clinique et biologique quotidienne est nécessaire. Un
relais per os du traitement antihypertenseur est effectué. Une prophy-
laxie thromboembolique est mise en place.

CONCLUSION

La pré-éclampsie est une pathologie multiviscérale qui peut évoluer


très rapidement. C’est une des premières causes de mortalité mater-
nofœtale et périnatale.
La patiente doit être prise en charge de façon multidisciplinaire et
l’anesthésiste a plus que jamais sa place car c’est sur lui que reposera,
en cas d’aggravation, la réanimation et l’anesthésie en urgence.

ANESTHÉSIE DE
LA PARTURIENTE CARDIAQUE

MODIFICATIONS HÉMODYNAMIQUES
LIÉES À LA GROSSESSE

• Les problèmes de tolérance des cardiopathies sont essentiellement


dus aux modifications hémodynamiques de la grossesse :
— augmentation du volume sanguin (jusqu’à 50 p. 100) ;
— diminution de la pression artérielle dès le premier trimestre ;
— augmentation du débit cardiaque par augmentation du volume
d’éjection systolique et augmentation de la fréquence cardiaque,
majoré encore lors du travail et de l’expulsion ;
— en post-partum, augmentation du retour veineux.
574 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

• Modifications de l’examen cardiovasculaire :


— hyperpulsatilité artérielle ;
— œdèmes des membres inférieurs ;
— souffle systolique éjectionnel au bord gauche du sternum ;
— tachycardie sinusale ;
— anomalies de la repolarisation sur l’ECG.

BILAN INITIAL

Au maximum, réalisé avant la conception.


• Contre-indications absolues à la grossesse :
— cardiopathies congénitales complexes ;
— syndrome d’Eisenmenger ;
— hypertension artérielle pulmonaire primitive ;
— cardiomyopathie dilatée hypocinétique ;
— syndrome de Marfan compliqué de dilatation de l’aorte ascen-
dante ;
— pathologies valvulaires sténosantes sévères avant leur correction.
• Signes cliniques devant éveiller la suspicion :
— épisodes de dyspnée paroxystiques nocturnes ;
— toux ;
— turgescence des jugulaires ;
— crépitants.
Les explorations seront demandées en accord avec le cardiologue et
un suivi régulier sera institué par ce dernier.

CARDIOPATHIES CONGÉNITALES

Le déroulement de la grossesse est généralement bien toléré si les


patientes ont été opérées dans l’enfance. Si une chirurgie est néces-
saire, il faut la réaliser avant la grossesse et programmer celle-ci après
un recul de 6 mois.

Shunt gauche-droit (non cyanogène)

Bien tolérées, diminution du shunt pendant la grossesse.


• Risques : insuffisance cardiaque exceptionnelle, troubles du rythme
auriculaire, endocardite.
• Conduite à tenir :
— prophylaxie antibactérienne ;
— éviter les hypotensions en cas de canal artériel non opéré.
ANESTHÉSIE EN OBSTÉTRIQUE 575

Shunt droit-gauche (cyanogène)

Il existe une majoration du shunt et donc une désaturation.


• Risques :
— thromboembolique ;
— décompensation cardiaque droite ;
— pronostic de la grossesse compromis si SaO2 < 80 p. 100 ;
— mort subite si hypotension sévère avec désamorçage de la
pompe ventriculaire gauche ;
— troubles du rythme supraventriculaire ;
— greffe oslérienne ;
— le syndrome d’Eisenmenger associe un shunt droit-gauche et
une hypertension artérielle pulmonaire fixée. La mortalité maternelle
est de 40 p. 100.
• Conduite à tenir :
— anticoagulation au troisième trimestre et un mois en post-
partum ;
— accouchement par voie basse ;
— éviter l’hypotension artérielle et l’hypovolémie en compensant
minutieusement les pertes sanguines ;
— éviter la tachycardie (préférer la néosynéphrine à l’éphédrine) ;
— prophylaxie antibactérienne ;
— interruption thérapeutique de grossesse si syndrome d’Eisen-
menger ou hypertension artérielle pulmonaire primitive. Si la patiente
parvient à terme, l’administration de NO inhalé peut être proposée
lors de l’accouchement.

Maladie de Marfan

• Risques :
— dissection aortique ;
— transmission génétique ;
— hémorragie du post-partum ;
— placenta praevia.
• Conduite à tenir :
— grossesse contre-indiquée si insuffisance aortique ou si dilata-
tion de l’aorte > 40 mm ;
— bêtabloquants et surveillance échographique régulière (men-
suelle) ;
— éviter l’HTA ;
— voie basse acceptée si diamètre aortique < 40 mm ;
— césarienne programmée à 38 SA pour éviter les efforts de pous-
sée si diamètre aorte > 40 mm.
576 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

VALVULOPATHIES

Les valvulopathies régurgitantes sont plutôt bien tolérées pendant


la grossesse car, malgré une majoration de la surcharge de volume, il
existe une diminution des résistances vasculaires.

Insuffisance mitrale

Si la fuite est importante, chirurgie conservatrice de la valve mitrale


ne nécessitant pas d’anticoagulant.
• Risque : troubles du rythme.
• Conduite à tenir :
— si l’insuffisance mitrale devient symptomatique en fin de gros-
sesse, utiliser des diurétiques et des dérivés nitrés avec prudence ;
— éviter le remplissage et l’éphédrine.

Insuffisance aortique

Conseiller aux patientes de procréer avant le remplacement valvu-


laire prothétique qui nécessitera un traitement anticoagulant.
• Conduite à tenir : éviter le remplissage et les bradycardies.

Rétrécissement mitral

Aggravation en cours de grossesse.


• Risques :
— OAP surtout au 3e trimestre et en péripartum ;
— insuffisance ventriculaire droite ;
— troubles du rythme supraventriculaire avec risque important de
complications thromboemboliques.
• Conduite à tenir :
— éviter les tachycardies, l’hypertension et une inflation hydro-
sodée trop importante en utilisant avec prudence les diurétiques ;
— bêtabloquants ;
— si décompensation réfractaire au traitement médical, valvulo-
plastie percutanée.

Rétrécissement aortique

Si surface > 1 cm2, bien toléré.


Si serré (surface > 1 cm2), correction avant la grossesse.
ANESTHÉSIE EN OBSTÉTRIQUE 577

Risque fœtal pendant une CEC : mortalité 20 à 30 p. 100.


• Conduite à tenir  : éviter l’hypotension → remplissage et éphé-
drine.

Prothèse valvulaire

• Bioprothèse : dégradation accélérée au cours de la grossesse mais


ne nécessite pas d’anticoagulation. Le pronostic maternel et fœtal est
meilleur qu’avec les prothèses mécaniques.
• Prothèse mécanique : risque de thrombose majoré au cours de la
grossesse.
Les AVK sont tératogènes au premier trimestre et le risque hémorra-
gique maternel et fœtal est important lors de l’accouchement.
Conduite à tenir : une hospitalisation à 36 SA est nécessaire pour
discuter des modalités d’accouchement avec le cardiologue et l’obs-
tétricien.
Les HBPM n’ont pas l’AMM pour les prothèses mécaniques mais
sont quand même utilisées communément par les cardiologues en
2 prises quotidiennes afin d’obtenir un anti-Xa entre 0,7 et 1,3.
L’héparine est utilisée pendant les 3 premiers mois puis relais par
AVK pour obtenir un INR entre 2,5 et 3,5 pour les prothèses aortiques
et entre 3 et 4,5 pour les prothèses mitrales puis l’héparine est reprise
1 ou 2 semaines avant l’accouchement qui doit être programmé. L’hé-
parine non fractionnée à la seringue électrique sera alors arrêtée dès
l’entrée en salle de travail ou 4 h avant la césarienne puis reprise 4 h
après la naissance. Dans ces conditions d’hypocoagulabilité, l’anes-
thésie périmédullaire semble inenvisageable mais les risques liés à
l’anesthésie générale doivent être étudiés pour chaque patiente. En cas
d’hémorragie du post-partum, des plasmas frais congelés sont trans-
fusés.

CARDIOMYOPATHIES

Cardiomyopathies dilatées et/ou hypokinétiques

Contre-indication à la grossesse surtout si fraction d’éjection du VG


< 50 p. 100.
Le syndrome de Meadows est une cardiomyopathie du péri-partum
qui provoque une insuffisance cardiaque gauche ou globale avec un
ventricule gauche non hypertrophié, dilaté et hypokinétique. Les
signes cliniques sont une asthénie, une dyspnée, des douleurs thora-
ciques, des palpitations, des embolies. L’ECG montre des troubles
du rythme, de la conduction et de la repolarisation. Le traitement
578 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

est symptomatique de l’insuffisance cardiaque (diurétiques et vaso-


dilatateurs). L’évolution est le plus souvent favorable dans les 6 mois
suivant la grossesse mais il existe un risque de récidive lors des gros-
sesses ultérieures.

Cardiomyopathies obstructives ou hypertrophiques

Bien tolérées pendant la grossesse si :


— grossesse conduite sous bêtabloquants ;
— éviter les drogues inotropes positives (notamment les β2-mimé-
tiques) et les vasodilatateurs, utiliser plutôt le vérapamil ;
— éviter toute hypotension et toute tachycardie ;
— accouchement par voie basse avec forceps et épisiotomie pour
éviter les efforts de poussée ;
— décubitus latéral gauche pendant tout le travail.
Complications : troubles du rythme, défaillance cardiaque, syncope.

TROUBLES DU RYTHME

Ils ont tendance à s’aggraver au cours de la grossesse.


Si tachycardie mal tolérée, cardioversion possible sans problème
pour le fœtus.
Si troubles du rythme supraventriculaire, vérapamil ou adénosine.
En prévention des troubles du rythme auriculaire, bêtabloquant en
première intention puis flécaïnide au-delà du premier trimestre si
besoin.

INSUFFISANCE CORONAIRE

En cas d’infarctus du myocarde, la mortalité maternelle est supé-


rieure à 20 p. 100. Le traitement comporte de la morphine, des bêta-
bloquants ou des anticalciques ; s’il s’agit d’un angor spastique, une
héparinothérapie et de l’aspirine. L’angioplastie coronaire est préfé-
rable à la fibrinolyse. La pose d’une endoprothèse nécessite la pres-
cription d’aspirine associée à la ticlopidine ou le clopidogrel, ce qui
contre-indique l’anesthésie périmédullaire pour l’accouchement.
En cas d’insuffisance coronaire connue avant la grossesse, le trai-
tement doit être poursuivi sauf les inhibiteurs de l’enzyme de conver-
sion. L’accouchement doit au mieux être programmé pour relayer le
traitement anticoagulant et permettre ainsi la pose d’une anesthésie
péridurale, bénéfique lors des efforts de poussée. Une épreuve d’effort
doit permettre de décider de la voie d’accouchement.
ANESTHÉSIE EN OBSTÉTRIQUE 579

ANESTHÉSIE ET ANALGÉSIE OBSTÉTRICALES

La consultation d’anesthésie doit être programmée suffisamment tôt


pour anticiper l’accouchement prématuré et décider d’une conduite à
tenir.
Les indications formelles de césarienne sont :
— un syndrome de Marfan avec diamètre aortique > 4,5 cm ;
— une dissection ou une coarctation aortique ;
— un rétrécissement mitral mal équilibré.
Une anesthésie péridurale ou une péri-rachianesthésie permettent
de respecter au maximum l’hémodynamique. Si une anesthésie géné-
rale est nécessaire, on peut conseiller l’utilisation d’étomidate comme
hypnotique, il faut injecter un morphinique avant l’intubation et faire
une séquence d’induction rapide.
En cas de voie basse, l’analgésie péridurale avec titration de l’anes-
thésique local associé à un morphinique permet d’éviter l’épreuve
d’effort d’un travail douloureux tout en limitant l’hypotension arté-
rielle. Son traitement par néosynéphrine à faible dose ou association
phényléphrine-éphédrine permet de limiter la tachycardie maternelle.
L’apport d’oxygène est systématique.
L’injection d’ocytocine doit être lente pour éviter les hypotensions.
Le Nalador® est contre-indiqué en cas d’HTAP ou de coronaropathie.
En cas d’arrêt cardiorespiratoire, il faut masser la patiente en décu-
bitus latéral gauche pour lever la compression cave et, s’il n’existe
pas de récupération de l’activité cardiaque au bout de 5  min chez
une patiente enceinte de 24 SA au moins, il faut extraire le fœtus en
urgence pour améliorer l’hémodynamique maternelle.

MÉDICAMENTS CARDIAQUES ET GROSSESSE

• AVK : traversent la barrière placentaire. Risque tératogène lors du


premier trimestre et hémorragique lors de l’accouchement.
• Héparine non fractionnée  : ne passe pas la barrière placen-
taire. En cas d’injection d’héparine non fractionnée, il faut attendre
8  h avant de réaliser une anesthésie périmédullaire si l’injection est
sous-cutanée et 4 h si elle est intraveineuse.
• HBPM  : seule l’énoxaparine a l’AMM pour la prévention des
complications thromboemboliques au cours des 2° et 3°  trimestres.
Un arrêt de 12 h avant une anesthésie périmédullaire est nécessaire.
• Diurétiques  : seul le furosémide est prescrit avec prudence lors
des insuffisances cardiaques congestives.
• IEC  : formellement contre-indiqués pendant toute la durée de la
grossesse.
580 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

• Bêtabloquants : non tératogènes.


• Antiarythmiques :
— digoxine : non tératogène, pas d’effet délétère fœtal ;
— adénosine  : passage placentaire faible, mais innocuité non éta-
blie ;
— flécaïnide  : traverse la barrière placentaire, innocuité non éta-
blie ;
— amiodarone : contre-indiquée ;
— vérapamil : innocuité établie.
Chapitre 27

Réanimation du nouveau-né
en salle de naissance
A. Barbier, A. Rigouzzo

Elle n’est nécessaire que chez 6  p.  100 des enfants à terme mais
chez 80  p.  100 des prématurés de moins de 1 500 g. Son but est de
prendre en charge l’adaptation respiratoire et hémodynamique des
nouveau-nés en difficulté pour éviter les séquelles neurologiques d’une
anoxie cérébrale.

SITUATIONS À RISQUE (tableau 27-I)

Prévoir la présence d’un pédiatre et/ou d’un anesthésiste. Si besoin


contacter le SAMU pédiatrique en anténatal pour un transfert immé-
diat du nouveau-né dans une structure spécialisée.

CONDUITE À TENIR EN FONCTION DE L’ÉTAT INITIAL

• L’état initial est bon, l’enfant crie et bouge :


— désobstruer la bouche et le nez ;
— sécher l’enfant pour éviter l’hypothermie ;
— et coter le score d’Apgar à 1 min (tableau 27-II).
• Si l’enfant est cyanosé, peu réactif, ne crie ou ne respire pas, entre-
prendre immédiatement une réanimation active :
— si la fréquence cardiaque (FC) est nulle ou très lente (< 80/min)
l’enfant est « en état de mort apparente » et nécessite une réanimation
immédiate (voir plus loin) ;
— si FC comprise entre 80 et 100/min, désobstruer rapidement le
nez et le pharynx et ventiler au masque initialement sous air. Habituel-
lement les pressions d’insufflations permettent le déplissage alvéolaire
582 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Tableau 27-I Situations à risque d’anoxie périnatale

Accidents imprévisibles ou difficilement prévisibles


Accidents placentaires Hématome rétroplacentaire
Décollements placentaires
Hémorragie aiguë sur placenta praevia
Accidents funiculaires Procidence ou latérocidence du cordon circulaire
serrée ou bretelle
Dystocies dynamiques Hypertonie utérine
Hypercinésie utérine
Accidents maternels Embolie amniotique
Hypovolémie ou anoxie aiguë accidentelle
Situations à risque souvent prévisibles
Pathologie maternelle Toxémie gravidique
Diabète mal équilibré
Cardiopathie ou autre pathologie mal équilibrée
Infection maternelle
Pathologie Prématurité (surtout AG < 32 SA)
de la maturité fœtale Dépassement de terme
ou du développement Retard de croissance intra-utérin
Excès de croissance fœtale
Certaines malformations dépistées en anténatal
Dystocies mécaniques Présentations anormales
Grossesses multiples
Disproportion fœto-pelvienne
Traitements maternels Morphiniques
Bêtabloquants
Sédatifs

et un retour à une saturation optimale pour un nouveau-né (87-


97 p. 100). La FiO2 sera rapidement augmentée en cas de non-réponse
à une ventilation sous air. La réponse clinique à l’oxygénation dans la
minute qui suit dicte la conduite à tenir ;
— si la situation reste mauvaise ou s’aggrave (FC < 80/min), intu-
ber et ventiler manuellement en oxygène pur (voir plus loin) ;
— si la situation s’améliore (FC > 100/min), l’enfant rosit, pour-
suivre l’oxygénation jusqu’à ce qu’une ventilation autonome efficace
réapparaisse et évaluer le score d’Apgar à 3, 5, 10 et 20 min de vie.
RÉANIMATION DU NOUVEAU-NÉ EN SALLE DE NAISSANCE 583

Tableau 27-II Score d’Apgar. Chaque item est coté de 0 à 2

Critères 0 1 2 SCORE
Fréquence < 80/min 80-100/min > 100/min
cardiaque
Respiration 0 Cri faible Cri vigoureux
Tonus 0 Extrémités Normal
Réactivité 0 Grimaces Vive
Coloration Bleu ou blanc Imparfaite Rose
TOTAL

PRÉVENTION DE L’INHALATION MÉCONIALE

L’émission de liquide méconial complique 13 p. 100 des naissances.


Parmi celles-ci, 5 p. 100 vont se compliquer d’un syndrome d’inhalation
méconiale.

Étiologies

Les étiologies principales sont les souffrances fœtales aiguës et/ou les
infections maternofœtales. Plus fréquente chez les enfants post-matures,
l’émission de méconium n’est pas toujours associée à un stress anoxo-
ischémique et peut correspondre à la simple mise en route du péristal-
tisme inhibé lors de la vie fœtale.

Conduite à tenir

• L’aspiration oro-pharyngée de l’enfant dès que la tête sort de la


filière génitale et avant même le premier cri. Cette pratique reste d’ac-
tualité même si de récentes études viennent mettre en doute l’efficacité
de ce geste quant à la prévention du syndrome d’inhalation méconiale.
• Prévention de l’hypothermie et cotation du score d’Apgar à 1 min.
• Plusieurs situations peuvent se présenter :
— enfant tonique (ventilation spontanée, bon tonus musculaire,
FC  > 100/min)  : pas d’intubation, pas d’aspiration trachéale. Renou-
veler la désobstruction rhinopharyngée et gastrique. Surveillance
simple. Enfant à revoir car le syndrome d’inhalation méconiale peut
se démasquer dans les 24 h suivant l’accouchement. Pas de prescrip-
tion systématique d’antibiotiques sauf si anamnèse infectieuse ;
584 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

— enfant hypotonique et/ou désaturation : intubation, aspiration tra-


chéale et kinésithérapie précoce (dès la salle de naissance). L’extuba-
tion en salle de naissance est possible en fonction des aspirations et de
l’état clinique de l’enfant ;
— enfant « en état de mort apparente » et nécessitant une réanima-
tion immédiate (voir plus loin).
• Les conséquences respiratoires de l’inhalation méconiale peu-
vent être extrêmement sévères  : pneumothorax, pneumomédiastin,
hypoxémie réfractaire avec hypertension artérielle pulmonaire per-
sistante.

RÉANIMATION DES NOUVEAU-NÉS


EN « ÉTAT DE MORT APPARENTE »

Le nouveau-né est inerte, cyanosé, aréactif, sans respiration spon-


tanée avec une FC < 80/min  : ventiler manuellement l’enfant après
désobstruction rapide. Il existe désormais en salle de naissance des
appareils type « NéoPuff » permettant de contrôler la pression de
ventilation lors de la réanimation et de ventiler en maintenant une
PEEP. Ce type d’appareil est surtout utilisé pour la réanimation des
grands prématurés. Ils tendent à remplacer les traditionnelles valves
« d’Ambu » (les valves néonatales sont tarées à 30 cm H2O) que l’on
réserve désormais au nouveau-né à terme ou proche du terme. Les
réanimations en salles de naissance sont débutées en FiO2 21  p.  100
et doivent être guidées par l’oxymétrie de pouls. En effet plusieurs
études ont montré l’absence de bénéfice et la relative agressivité d’une
ventilation sous 100  p.  100 de FiO2. En cas de non-réponse, la FiO2
pourra être progressivement augmentée. L’intubation trachéale est
dans ce cas souvent nécessaire.
Le diamètre interne des sondes d’intubation dépend du poids de
l’enfant :
— 2,5 mm si poids < 2 700 g ;
— 3 mm entre 2 800 et 4 000 g ;
— 3,5 mm si poids > 4 000 g.
L’intubation nasotrachéale est préférable pour limiter le risque d’in-
tubation sélective car la distance cordes vocales-carène est de l’ordre de
4 cm. En première intention, le repère nasal (en cm) est égal à 7 + poids
(en kg).
Le massage cardiaque externe (MCE) est débuté après plusieurs
insufflations pulmonaires si FC reste < 100/min : empaumer le thorax
à deux mains et déprimer le sternum de 1 à 2 cm à l’aide des 2 pouces
superposés, à une fréquence de 100 à 120/min.
L’administration intra-trachéale ou intraveineuse d’adrénaline est
rapidement indiquée si l’inefficacité circulatoire persiste  : 10  μg/kg
RÉANIMATION DU NOUVEAU-NÉ EN SALLE DE NAISSANCE 585

par voie IV ou 30 μg/kg pour la voie trachéale. La voie trachéale est


souvent la voie d’administration de choix dans ce contexte car dispo-
nible et efficace.
Le bicarbonate de sodium semi-molaire est indiqué au décours des
réanimations prolongées chez un enfant ventilé en cas d’acidose méta-
bolique documentée ; il doit être administré lentement (1  mEq/kg)
sur veine périphérique ou cathéter veineux ombilical (introduit sur 3
à 5 cm dans la veine ombilicale) et seulement après l’établissement
d’une ventilation alvéolaire efficace.
Un remplissage vasculaire rapide est indispensable en cas d’hypo-
volémie (placenta praevia, transfusion fœtoplacentaire, jumeau trans-
fuseur…).
Toute aggravation ou absence d’amélioration doit faire rechercher
un problème technique :
— extubation accidentelle ;
— mobilisation secondaire de la sonde d’intubation (sélective droite) ;
— coudure ou débranchement du circuit ;
— montage défectueux des valves ;
— débit d’oxygène insuffisant ;
— pneumothorax…
Enfin, l’arrêt des manœuvres de réanimation doit être envisagé en
l’absence de récupération clinique au-delà de la 20e minute.

PATHOLOGIES MÉDICALES FRÉQUENTES

Prématurité
• Définition :
— âge gestationnel (AG) < 37 semaines d’aménorrhée (SA) ;
— prématurissime si AG < 28 SA.
• Risque principal  : détresse respiratoire précoce par immatu-
rité pulmonaire  : c’est la maladie des membranes hyalines, d’au-
tant plus fréquente que l’âge gestationnel est bas. Son pronostic a
été transformé par la corticothérapie anténatale à visée maturative
pour le poumon fœtal et par la découverte du surfactant exogène.
En pratique, après intubation, instillation intratrachéale précoce et
aseptique (dès la salle de naissance) chez les enfants à haut risque
(< 28 SA) ou présentant une détresse respiratoire sans autre étiolo-
gie. La dose moyenne de surfactant exogène est de 150-200 mg/kg
(Curosurf® = 200 mg/kg soit 2,5 ml/kg). L’instillation se réalise,
avant la 30e minute de vie, en tournant alternativement la tête à droite
puis à gauche.
Le pronostic des MMH est d’autant meilleur que l’instillation intra-
trachéale est précoce.
586 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

De plus en plus d’équipes préconisent ensuite une extubation pré-


coce. Le relais est alors pris par des méthodes de ventilation non inva-
sive à pression continue.
• Risques supplémentaires : hypothermie, hypoglycémie, fibroplasie
rétrolentale (maintenir PaO2 entre 60 et 80  mmHg, SpO2 entre 85 et
95 p. 100), hémorragie intraventriculaire, apnées par immaturité de la
commande respiratoire.
• L’intubation systématique à la naissance n’est légitime que si l’AG
est < 28 semaines.

Troubles glycémiques

L’hypoglycémie est fréquente (10 p. 100 des nouveau-nés à terme)


surtout en cas de souffrance fœtale aiguë (SFA), retard de croissance
intra-utérin, prématurité, enfant de mère diabétique ou traitée par les
ß-bloquants, nouveau-né hypertrophique.
• Risque : souffrance cellulaire cérébrale.
• Diagnostic : Dextrostix® (glycémie < 0,45 g/l) ou Haemoglukotest®
(glycémie < 2,2 mmol/l).
• Traitement  : dépend du contexte (prématurité, hypotrophie, nou-
veau-né de mère diabétique…), de l’âge gestationnel (apport gastrique
lacté possible ou non) et de la sévérité de l’hypoglycémie.
En pratique :
— hypoglycémie modérée (1,5-2,5  mmol/l) chez un nouveau-né à
terme  : enrichissement des biberons en dextrine-maltose (2-4 g). Si
insuffisant, proposer un gavage gastrique continu avant de se tour-
ner vers une perfusion de soluté contenant du G  10  p.  100 (type
Plasmalyte® 4 G 10) ;
— hypoglycémie sévère (<1,5  mmol/l)  : apport glucosé immédiat
IV (2 ml/kg de G  10  p.  100 IVL 5  min) ou à défaut per os (3 ml/kg
de G 10 p. 100 en intragastrique) en attendant la mise en place d’une
voie veineuse et d’une perfusion continue.

Hypovolémie

• Situations à risque  : anoxie périnatale, placenta praevia, trans-


fusion fœtoplacentaire, jumeau transfuseur…
• Diagnostic  : diminution de la pression artérielle par rapport aux
valeurs normales pour le poids et l’AG.
• Traitement  : on réalise en première intention un remplissage
vasculaire avec 10 ml/kg de cristalloïdes (sérum physiologique)
voire remplissage vasculaire par 10 ml/kg de d’albumine à 5 p. 100,
ou 10 ml/kg de sang frais O Rh  négatif (irradié, CMV négatif) en
RÉANIMATION DU NOUVEAU-NÉ EN SALLE DE NAISSANCE 587

cas d’anémie (Hb  < 13 g/dl chez le nouveau-né en détresse). La


transfusion de 4 ml/kg de culot globulaire augmente l’hémoglobine
de 1 g/dl environ.
En cas d’anémie majeure, une exsanguino-transfusion est préférable
à une transfusion massive.

Effets néonatals des thérapeutiques maternelles

• Les morphiniques peuvent être responsables d’une dépression res-


piratoire postnatale chez le nouveau-né.
• Traitement : ventilation au masque, naloxone (Narcan® ampoules
de 0,4 mg/1 ml) : 10 μg/kg IV ou intratrachéal (à répéter si besoin) ou
200 μg par voie IM.
Les bêtabloquants (traitement de l’HTA des toxémies gravidiques)
peuvent avoir un retentissement sur le nouveau-né : en cas de brady-
cardie (FC < 100/min), glucagon (0,3 mg/kg IV) ou isoprotérénol
(Isuprel® 5 μg/kg IV puis 0,1-1,0 μg/kg/min).
L’effet des benzodiazépines peut être antagonisé par le flumazénil
(Anexate®) 10 μg/kg suivi si besoin d’une perfusion continue 10 μg/kg/h.

Infection maternofœtale

• Suspicion diagnostique : fièvre ou infection maternelle, accouche-


ment prématuré, SFA inexpliquée, anomalie du RCF, Apgar bas sans
cause, liquide amniotique anormal, rupture prolongée de la poche des
eaux (> 12 h).
• Traitement de première intention  : bithérapie associant amoxicil-
line (100 mg/kg/j) et aminoside (nétromycine 5 mg/kg/j en IV lent sur
1 h pendant 48 h) ; associer une C3G (céfotaxime ou ceftriaxone) en
cas d’accouchement prématuré, antibiothérapie maternelle > 48  h ou
présence de bacilles Gram négatif à l’examen direct. En cas de sus-
picion d’atteinte méningée, les posologies d’amoxicilline et de C3G
seront doublées. La ponction lombaire (PL) permettra, si elle est néga-
tive, de revenir à la posologie initiale.

Détresses respiratoires médicales

• Pneumothorax  : chez 10  p.  100 des enfants nés dans un liquide
méconial. L’évoquer devant un échec de réanimation ou une aggrava-
tion secondaire ; le confirmer si besoin par une transillumination de
l’hémithorax et/ou une radiographie de thorax. En urgence  : exsuf-
flation à l’aiguille (épicrânienne montée sur un robinet à 3  voies)
588 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

sur la ligne médio-claviculaire au 2e-3e  EIC ou sur la ligne axillaire


moyenne au niveau du 4e EIC.
• Inhalation méconiale, maladie des membranes hyalines, infection
maternofœtale (voir plus haut).
• Hypertension artérielle pulmonaire du nouveau-né (ou persistance
de la circulation fœtale)  : cyanose profonde non améliorée par l’oxy-
gène, le plus souvent au décours d’une SFA. Éliminer une cardiopathie
cyanogène par échographie. Effet souvent spectaculaire de l’adminis-
tration d’oxyde nitrique (NO).

Pathologies chirurgicales

Elles sont le plus souvent dépistées en anténatal, ce qui permet d’anti-


ciper la prise en charge à la naissance et/ou de transférer la mère dans
un centre spécialisé.

Détresses respiratoires malformatives


• Atrésie des choanes : mettre en place une canule de Guedel.
• Syndrome de Pierre-Robin : maintenir la liberté des VAS par une
canule de Guedel et/ou la position ventrale ; si nécessaire intubation,
souvent difficile, ou mise en place d’un masque laryngé.
• Hernie diaphragmatique  : intubation systématique, mise en place
d’une sonde gastrique et d’une voie d’abord veineuse (cathéter ombi-
lical ou voie périphérique), sédation analgésie et transfert en milieu
spécialisé.

Cardiopathies congénitales
• Cardiopathies cyanogènes : cyanose majorée aux cris sans détresse
respiratoire. Orientation diagnostique sur la radiographie de thorax.
Transfert indispensable car risque de décompensation brutale.
• Défaillances circulatoires aiguës  : dans les hypoplasies du cœur
gauche, les coarctations de l’aorte serrées (absence de pouls fémo-
raux), et autres malformations cardiovasculaires complexes.

Pathologies digestives
• Atrésie de l’œsophage  : diagnostic à la naissance suspecté si
hydramnios, butée de la sonde gastrique et négativité du test à l’air.
Confirmation par radiographie simple et injection d’air dans le cul-de-
sac supérieur (produit de contraste interdit). En l’absence de détresse
respiratoire, transfert en position demi-assise avec aspiration perma-
nente du cul-de-sac supérieur par une sonde de Replogle.
RÉANIMATION DU NOUVEAU-NÉ EN SALLE DE NAISSANCE 589

• Laparoschisis et omphalocèles  : emballer la moitié inférieure de


l’enfant avec les anses digestives extériorisées dans un sac à grêle, si
besoin placer l’enfant en décubitus latéral pour limiter la compression
cave.
• Occlusions néonatales  : tout vomissement bilieux doit conduire
à rechercher immédiatement une atrésie digestive haute. Il faut d’ur-
gence éliminer le diagnostic de volvulus du grêle sur mésentère
commun.

Spina bifida et myéloméningocèles


Placer l’enfant en décubitus ventral, pratiquer un examen neuro-
logique et transférer en milieu neurochirurgical spécialisé.

POUR EN SAVOIR PLUS

Tone S, Laudenbach V. La réanimation du nouveau-né en salle de travail. État


des connaissances en 2009. Conférences d’actualisation de la SFAR. Paris, Else-
vier, 2009.
Chapitre 28

Anesthésie en chirurgie
pédiatrique
I. Murat

L’anesthésie pédiatrique requiert un environnement tant matériel


qu’humain adapté à des situations très variées. Couvrant la nais-
sance jusqu’à l’adolescence (15  ans en France, 18  ans dans d’autres
pays), l’anesthésiste de pédiatrie prend en charge des nouveau-nés
(0-28  jours), des nourrissons (1-12  mois), des enfants d’âge présco-
laire (1-4 ans) puis des enfants d’âge scolaire. Ce chapitre sera centré
sur les principes généraux de prise en charge sans aborder la période
néonatale proprement dite.

PARTICULARITÉS
PHYSIOLOGIQUES DE L’ENFANT

VOIES AÉRIENNES ET SYSTÈME RESPIRATOIRE

Le cartilage cricoïde est la partie la plus étroite des voies aériennes


chez l’enfant de moins de 5  ans  ; la zone sous-glottique est le siège
électif des sténoses et des œdèmes postintubation si une sonde d’un trop
grand diamètre est utilisée. La ventilation minute rapportée au poids
est 3  fois plus élevée chez le nouveau-né que chez l’adulte pour assu-
rer un apport d’oxygène adapté aux besoins. Cette augmentation de la
ventilation minute est assurée par une fréquence respiratoire élevée car
le volume courant est identique quel que soit l’âge (6-8  ml/kg). Toute
bradycardie doit évoquer en premier lieu la survenue d’une hypoxémie
et impose de vérifier la ventilation et l’apport d’oxygène.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE PÉDIATRIQUE 591

SYSTÈME CARDIOVASCULAIRE

Le débit cardiaque dépend principalement de la fréquence cardiaque


chez le nouveau-né. La fréquence cardiaque est élevée à la naissance
(120-160/min) puis diminue avec l’âge. La pression artérielle augmente
avec l’âge (tableau  28-I). À la naissance, le sang contient une forte
proportion d’hémoglobine de type fœtal qui possède une forte affinité
pour l’oxygène. Un taux d’hémoglobine de 10 g/100 ml chez l’adulte,
14-15 g/100 ml chez le nouveau-né et 8-9 g/100 ml chez le nourrisson
de 3 mois permettent d’assurer un transport d’oxygène identique.

SECTEURS HYDRIQUES ET MATURATION RÉNALE

La filtration glomérulaire augmente rapidement après la naissance et


la maturation rénale est complète avant la fin de la première année de
vie. Le secteur extracellulaire du nouveau-né est le double de celui de
l’adulte (tableau 28-II). L’importance de ce secteur hydrique explique
la nécessité d’apporter de grands volumes de solutés isotoniques (type
Ringer lactate®) pour compenser le déficit lié au jeûne préopératoire,
une déshydratation (diarrhée, occlusion) ou la constitution d’un 3e sec-
teur. La posologie des agents anesthésiques qui se distribuent dans le
secteur extracellulaire devra être augmentée chez le jeune enfant. Les

Tableau  28-I Valeurs moyennes de la fréquence cardiaque (FC), pression


artérielle (mmHg) et fréquence respiratoire (FR) en fonction de l’âge

Âge FC (bmp) PA systolique (mmHg) FR


Prématuré 135-145 50 ± 10 55-65
Nouveau-né 125-135 60 ± 10 35-45
1 mois 120-130 80 ± 10 25-30
6 mois 110-120 88 ± 20 20-25
1-2 ans 100-110 95 ± 20 20-25
2-3 ans 90-110 95 ± 20 15-20
4-6 ans 90-105 ± 100 15-20
6-8 ans 85-100 ± 105 12-20
8-12 ans 80-90 ± 110 12-20
12-14 ans 70-80 ± 115 10-14
592 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Tableau 28-II Contenu en eau de l’organisme et données morphométriques

Prématuré Nouveau-né 1 an 3 ans 9 ans Adulte


Poids (kg) 1,5 3 10 15 30 70
Surface (m2) 0,15 0,2 0,5 0,6 1 1,7
Surface/poids 0,1 0,07 0,05 0,04 0,03 0,02
H2O totale (p. 100) 80 78 65 60
LEC (p. 100) 50 45 25 20
LIC (p. 100) 30 33 40 40
LEC : liquide extracellulaire ; LIC : liquide intracellulaire.

pertes thermiques sont augmentées chez le nourrisson car le rapport


surface corporelle/poids est 2 à 3 fois plus grand que chez l’adulte, et
les pertes par le tractus respiratoire sont augmentées.

ÉVALUATION PRÉOPÉRATOIRE

CONSULTATION D’ANESTHÉSIE

La consultation préanesthésique est obligatoire. Elle s’effectue en


présence de l’enfant et des parents.
Il est important de :
— noter le poids, la taille et l’âge de l’enfant ;
— évaluer les difficultés d’intubation prévisibles : anomalies du mas-
sif facial inférieur (micrognatisme), limitation à l’ouverture de la bouche
(arthrogrypose, ankylose temporo-mandibulaire), limitation de mobilité
rachidienne, macroglossie (trisomie 21, mucopolysaccharidoses) ;
— évaluer les difficultés d’abord veineux ;
— noter les risques potentiels d’obstruction des voies aériennes supé-
rieures  : rhinite, grosses amygdales obstructives, pathologie choanale,
macroglossie ;
— les infections des voies aériennes sont fréquentes pendant les
mois d’hiver chez le nourrisson et le jeune enfant et leur présence
augmente le risque de complications respiratoires périanesthésiques.
La décision de reporter l’acte chirurgical prévu dépend de l’âge, des
signes cliniques et de l’acte chirurgical prévu. En règle générale, il est
habituel de reporter une chirurgie non urgente chez un enfant fébrile
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE PÉDIATRIQUE 593

ou présentant des signes d’atteinte bronchique ou pulmonaire. Dans ce


dernier cas (bronchiolite à VRS par exemple), la chirurgie est repro-
grammée 4 à 6 semaines après l’épisode initial. Par contre, une simple
rhinite claire ne constitue pas une contre-indication à l’anesthésie si
l’acte prévu concerne la sphère ORL (adénoïdectomie, amygdalecto-
mie, pose d’aérateurs trans-tympaniques). Les autres actes chirurgi-
caux non urgents seront reprogrammés à la fin de la période « active »
de l’infection afin de limiter le risque de laryngospasme périopéra-
toire. Parmi les autres facteurs décisionnels, l’expérience de l’anesthé-
siste est primordiale, car l’incidence des laryngospasmes est réduite
quand l’enfant est pris en charge par un anesthésiste expérimenté.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES PRÉOPÉRATOIRES

• Les examens complémentaires ne sont pas obligatoires et ne doi-


vent être réalisés qu’en fonction du contexte clinique (antécédents
personnels et familiaux, examen clinique, acte chirurgical prévu).
• S’il s’agit d’une première anesthésie chez un enfant avant l’âge de
la marche, beaucoup d’anesthésistes réalisent un dosage d’hémoglo-
bine, une numération plaquettaire, TP, TCA, surtout s’il est prévu de
pratiquer un bloc central (caudale, rachianesthésie). Après l’âge de la
marche, en l’absence d’histoire familiale d’anomalie de l’hémostase,
aucun bilan biologique n’est en général nécessaire pour une chirurgie
réglée non hémorragique. Certains réalisent un test de falciformation
chez les enfants de race noire. Un test de grossesse est systématique
dans certains centres chez les adolescentes.
• En fonction du contexte, on peut être amené à compléter le bilan.
En particulier une échographie cardiaque est utile en cas de syndrome
polymalformatif, dans les mucopolysaccharidoses, les myopathies et
les atteintes du tissu conjonctif.
• l’ECG est très exceptionnellement réalisé. Il fait cependant partie
du bilan préopératoire en cas d’antécédents de syncope et dans les
surdités congénitales pour rechercher un syndrome du QT long.

JEÛNE PRÉOPÉRATOIRE

Le jeûne préopératoire doit être d’autant plus court que l’enfant est
jeune pour éviter la constitution d’un déficit hydrique aux dépends
du secteur extracellulaire (tableau 28-III). D’une manière générale, les
liquides clairs (eau, jus de fruit sans pulpe) peuvent être administrés
sans restriction jusqu’à 2  h avant l’anesthésie. Les solides ou le lait
seront arrêtés 4  h avant l’anesthésie chez le nourrisson de moins de
6 mois, 6 h avant l’anesthésie dans les autres cas.
594 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Tableau 28-III Durée de jeûne préopératoire en fonction de l’âge (exprimée


en heures)

Âge Lait et solides Liquides clairs


< 6 mois 4 2
6-36 mois 6 2
> 36 mois 6-8 2

Tout enfant admis en urgence doit être considéré comme ayant un


estomac plein. Pour toute intervention non urgente un jeûne minimal
de 6 h doit être respecté.

PRÉMÉDICATION

Le but de la prémédication est de faciliter la séparation de l’enfant


de ses parents, de réduire son anxiété, de faciliter l’induction anesthé-
sique. Les autres propriétés désirables sont l’amnésie, un certain degré
de sédation et un effet antisécrétoire.
Les agents de choix sont les benzodiazépines. La voie IM doit
être définitivement proscrite. Le midazolam est l’agent le plus utilisé
(voie rectale ou orale 0,4 à 0,5  mg ⋅ kg–1). Le midazolam est particu-
lièrement indiqué chez le jeune enfant car il facilite l’induction anes-
thésique, diminue les comportements négatifs postopératoires et les
épisodes d’agitation au réveil. La prémédication par benzodiazépine
doit être évitée chez l’ancien prématuré de moins de 6 mois ayant des
antécédents d’apnées.
Les morphiniques ne sont utilisés en prémédication qu’en chirur-
gie cardiaque. Chez les asthmatiques et les allergiques, l’hydroxy-
zine administrée la veille et le matin de l’intervention par voie orale
(1-2 mg ⋅ kg–1) est une alternative intéressante.

MONITORAGE

Fréquence cardiaque. Les seuils d’alarme doivent être réglés en


fonction des valeurs normales pour l’âge.
• Oxygénation. L’oxymétrie de pouls est le monitorage le plus utile
chez l’enfant. Elle permet un dépistage rapide des hypoxémies. Chez
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE PÉDIATRIQUE 595

le nouveau-né, la SpO2 doit être maintenue entre 95 et 98 p. 100 pour


éviter toute hypoxie et toute hyperoxie. L’hyperoxie expose en effet
au risque de rétinopathie chez le prématuré.
• Hémodynamique. Le brassard doit couvrir deux tiers de la hau-
teur du bras ou de la jambe. La fiabilité est souvent prise en défaut
si la PAS est inférieure à 50 mmHg. La mesure invasive de la pres-
sion artérielle peut être réalisée par l’introduction d’un cathéter court
(22  G) dans l’artère radiale après test d’Allen. Dans ce cas, il est
utile de positionner le capteur d’oxymétrie en aval du cathéter de
façon à vérifier continuellement le maintien d’une circulation d’aval
adéquate.
• Ventilation :
— en ventilation spontanée, éviter d’augmenter trop l’espace mort
du circuit (utiliser un filtre antibactérien adapté au poids de l’enfant) ;
— en ventilation contrôlée : utiliser un respirateur muni d’alarmes
(pression, débit, FIO2). Chez l’enfant de moins de 10  kg, le prélève-
ment des gaz expirés pour monitorage de la PetCO2 est plus fiable à
la partie distale de la sonde qu’à sa partie proximale. Le débit d’as-
piration du capnographe doit être le plus élevé possible chez le jeune
enfant (minimum 200 ml ⋅ min–1).
• Température. Utiliser des sondes rectales, nasopharyngées ou
œsophagiennes.
• Concentration anesthésique. Même remarque que pour le cap-
nographe. Les valeurs de MAC indiquées sur les appareils sont celles
d’un adulte jeune (voir plus loin).
• Monitorage postopératoire des apnées. Les anciens préma-
turés de moins de 60  semaines d’âge post-conceptionnel ont un
risque particulier d’apnées postopératoires quelle que soit la tech-
nique anesthésique utilisée. La surveillance postopératoire doit être
effective pendant 12 à 24  h après toute anesthésie à l’aide d’un
oxymètre de pouls et mesure de la fréquence respiratoire par impé-
dancemétrie.

PRÉPARATION DE LA SALLE
D’OPÉRATION

MATÉRIEL DE VENTILATION

Il faut disposer de masques de plusieurs tailles comportant l’espace


mort le plus faible possible. Les masques transparents à usage unique
avec bourrelet sont les plus adaptés.
596 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Les circuits d’induction français sont généralement des circuits


ouverts comportant un ballon réservoir adapté à l’âge (500, 1  000,
2  000  ml), une valve anti-retour (Ruben, Ambu, Digby-Leigh) ou
une valve expiratoire (valve de David, circuit de Jackson-Rees) et
un masque. Le débit de gaz frais doit être au moins égal à deux fois
la ventilation minute pour les circuits sans valve anti-retour (circuit
de Mapleson C, circuit de Jackson-Rees, circuit de Bain) et doit per-
mettre un remplissage adéquat du ballon pour les circuits comportant
une valve anti-retour. L’induction avec le circuit filtre pédiatrique est
actuellement utilisée chez l’enfant grâce aux machines d’anesthésie
modernes. Ce circuit permet le monitorage effectif de la ventilation
lors de l’induction si le masque facial est étanche. Les résistances des
circuits à usage unique sont actuellement très faibles.

MATÉRIEL D’INTUBATION

Les laryngoscopes doivent être munis d’une lame adaptée à l’âge :


lame droite de Miller  00 (prématuré), 0 (nouveau-né), 1 (nourrisson)
ou lame droite d’Oxford ; lame courbe de McIntosh de trois tailles à
partir de 3 à 6 mois.
Il faut disposer de sondes d’intubation de taille adaptée à l’âge
et celle de diamètre immédiatement inférieur. Il était classique de
recommander d’utiliser des sondes sans ballonnet chez les enfants
de moins de 7  ans (ce qui correspond à une sonde n°  5,5 envi-
ron). Il a été montré en 1997 que les sondes avec ballonnet n’in-
duisaient pas plus de complications respiratoires postopératoires,
limitaient les fuites, évitaient les réintubations lorsque le diamètre
était insuffisant et permettaient de réduire la pollution des blocs
opératoires. La plupart des services d’anesthésie pédiatrique uti-
lisent actuellement des sondes à ballonnet quel que soit l’âge, le
ballonnet n’étant gonflé que lorsqu’il existe une fuite. Le diamètre
interne des sondes à ballonnet est donné par la formule suivante
(tableau 28-IV) :

diamètre interne (en mm) = âge (années)/4 + 3,5

Chez l’enfant, la position de la tête pour l’intubation est une très


légère hyperextension, la tête étant surélevée par un petit support
(1-2 cm) de façon à aligner les axes oral, pharyngé et trachéal. Chez le
nourrisson, l’occiput est de grande taille, il n’est donc pas nécessaire
de surélever la tête.
La sonde d’intubation peut être remplacée par un masque laryngé
de taille adaptée pour certaines interventions (tableau 28-V).
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE PÉDIATRIQUE 597

Tableau 28-IV Diamètre interne des sondes trachéales en fonction de l’âge

Sonde avec ballonnet Sonde sans ballonnet


Âge
diamètre interne (mm) diamètre interne (mm)
Nouveau-né à terme-1 an 3,0-3,5 3,0-4,0
1-3 ans 4,0 4,5
3-5 ans 4,5 5,0
5-7 ans 5,0 5,5
7-9 ans 5,5 6,0

Tableau 28-V Taille et volume de gonflage des masques laryngés*

Taille Indication Volume de gonflage


1 < 5 kg 4 ml
1,5 5-10 kg 7 ml
2 10-20 kg 10 ml
2,5 20-30 kg 14 ml
3 30-50 kg 20 ml
4 50-70 kg 30 ml
* La pression du ballonnet doit être inférieure à 60 cmH2O.

MATÉRIEL DE PERFUSION

Il faut disposer de cathéters courts (24, 22, et 20 G), et de perfuseurs


de précision (métrisette) pour les enfants de moins de 10  kg (1  ml
= 60  gouttes) ou mieux de contrôleurs de débit (pousse-seringue ou
pompes volumétriques) pour les perfusions de précision (nouveau-né,
agents inotropes, vasodilatateurs…).

MOYENS DE RÉCHAUFFEMENT

La salle d’opération doit avoir une température comprise entre 22 et


24  °C. Les lampes chauffantes permettent de limiter la chute de tem-
pérature à l’induction anesthésique. Le réchauffement actif peut être
assuré par des couvertures à air pulsé. Les bouillottes sont formelle-
ment interdites (risque de brûlure). Chez les nouveau-nés, il est utile de
598 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

couvrir les extrémités (bonnets, chaussettes). Enfin un filtre antibacté-


rien doit être placé entre la sonde d’intubation et le circuit de ventila-
tion permettant l’humidification et le réchauffement des gaz inspirés.

APPORTS LIQUIDIENS ET
REMPLACEMENT VOLÉMIQUE

APPORTS HYDROÉLECTROLYTIQUES

Ils doivent assurer les besoins hydriques de base définis en fonction


du poids (tableau 28-VI), compenser le déficit lié au jeûne préopéra-
toire, compenser les pertes liées au traumatisme chirurgical.
Les règles simplifiées (tableau  28-VII) sont adaptées à la pratique
quotidienne lorsque la période de jeune hydrique dépasse 6 à 8 h. Les
apports d’entretien sont suffisants si le jeûne hydrique ne dépasse pas
2  h. Le soluté de base est du Ringer lactate®. Chez le nourrisson et

Tableau 28-VI Besoins hydriques de base en fonction du poids

Poids Besoins horaires Besoins/24 h


< 10 kg 4 ml ⋅ kg–1
100 ml ⋅ kg–1
10-20 kg 40 ml + 2 ml ⋅ kg–1 1 000 ml + 50 ml ⋅ kg–1
au-delà de 10 kg au-delà de 10 kg
> 20 kg 60 ml +1 ml ⋅ kg–1 1 500 ml + 25 ml ⋅ kg–1
au-delà de 20 kg au-delà de 20 kg

Tableau 28-VII Apports hydroélectrolytiques peropératoires selon l’âge et le


type de chirurgie

1. 1re heure :
– 25 ml ⋅ kg–1 chez l’enfant d’âge < 3 ans
– 15 ml ⋅ kg–1 chez l’enfant d’âge > 4 ans
2. Heures suivantes (plus item 3) :
– base : 4 ml ⋅ kg–1 ⋅ h–1
– base + traumatisme léger : 6 ml ⋅ kg–1 ⋅ h–1
– base + traumatisme moyen : 8 ml ⋅ kg–1 ⋅ h–1
– base + traumatisme sévère : 10 ml ⋅ kg–1 ⋅ h–1
3. Remplacement des pertes sanguines :
– vol/vol avec dérivés sanguins ou colloïdes
– ou 3 vol/1 vol avec dérivés cristalloïdes
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE PÉDIATRIQUE 599

le jeune enfant, on recommande l’administration de Ringer lactate®


glucosé à 1  p.  100 (B66) au-delà de la période néonatale proprement
dite l’utilisation de solutés hypotoniques est proscrite en périopératoire
pour éviter les hyponatrémies iatrogènes.

TRANSFUSION
Les valeurs normales de l’hémoglobine varient avec l’âge
(tableau 28-VIII).
Le volume sanguin total (VST) de l’enfant doit être estimé
(tableau 28-IX) et indiqué sur la feuille d’anesthésie.
La perte sanguine acceptable (PSA) doit être calculée par la for-
mule suivante :

Ht(i) – Ht(f)
PSA = × VST
Ht(m)

où Ht(i), Ht(f) et Ht(m) représentent respectivement l’hématocrite ini-


tial, final (acceptable) et moyen [(Hti-Htf)/2].

Tableau 28-VIII Valeurs normales de l’hémoglobine

Âge Hémoglobine (g ⋅ 100 ml–1)


1er jour 20 (18-22)
e
2 semaine 17
3 mois 10-11
2 ans 11
3-5 ans 12-13
5-10 ans 13-14

Tableau 28-IX Volume sanguin total (VST)

Âge VST (ml ⋅ kg–1)


Prématuré 95
Nouveau-né 90
Nourrisson 80
1 an 75
> 1 an 70-75
600 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

L’hématocrite «  acceptable  » n’est pas clairement défini et dépend


de l’âge de l’enfant. En règle générale, l’objectif est d’obtenir une
concentration d’hémoglobine de l’ordre de 6 à 7  g/100  ml chez le
nourrisson et de l’ordre de 7 à 8 g/100 ml chez l’enfant plus âgé sans
atteinte cardiaque ni respiratoire.
En cas d’hémorragie, l’objectif prioritaire est de restaurer ou de
maintenir la volémie. Une perte sanguine inférieure à 10 p. 100 du
VST est compensée par du Ringer lactate® (3 vol/1 vol), entre 10 et
20 p. 100 par les colloïdes (vol/vol). Les concentrés érythrocytaires
sont généralement nécessaires pour des pertes sanguines supérieures
à 20  p.  100 du VST. Le plasma frais congelé n’est indiqué qu’en
présence d’anomalies de l’hémostase et discuté lorsque les pertes
sanguines sont supérieures à 50 p. 100 du VST.

PHARMACOLOGIE

HALOGÉNÉS

L’halothane était l’agent de référence pour l’induction anesthésique


jusqu’à l’introduction du sévoflurane. Le sévoflurane permet en effet
une induction rapide et plaisante et possède beaucoup moins d’effets
dépresseurs hémodynamiques indésirables que l’halothane. L’isoflu-
rane est peu adapté à l’induction car irritant pour les voies aériennes
supérieures. Le desflurane est contre-indiqué pour l’induction anes-
thésique. L’entretien de l’anesthésie est assuré par l’isoflurane, le
sévoflurane ou le desflurane. Un circuit à bas débit de gaz frais est
indispensable pour l’entretien de l’anesthésie afin de réduire les coûts
d’utilisation.
Il existe des différences entre adultes et enfants :
— la MAC (vol p. 100) varie avec l’âge (tableau 28-X) : les valeurs
les plus élevées sont observées chez le nourrisson de plus de 1 mois,
puis la MAC diminue avec l’âge. La MAC est plus faible chez le
nouveau-né (0-28  jours) et les variations individuelles sont grandes,
justifiant une «  titration  » des halogénés en fonction de la tolérance
hémodynamique. La MAC nécessaire pour réaliser une intubation tra-
chéale est environ 50 p. 100 supérieure à la MAC chirurgicale ;
— le rapport FA/FI est plus élevé que chez l’adulte  : pour une
même fraction inspirée, la FA correspondante est plus élevée et le
pseudo-plateau à l’équilibre obtenu plus rapidement. Ceci est surtout
vrai pour les agents solubles (halothane), les différences étant plus
faibles pour les nouveaux agents peu solubles ;
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE PÉDIATRIQUE 601

Tableau  28-X Concentration alvéolaire minimale (en vol  p.  100) des diffé-
rents anesthésiques halogénés dans 100 p. 100 O2 en fonction de l’âge

Âge Halothane Isoflurane Desflurane Sévoflurane


0-1 mois 0,87 1,60 9,16 3,3
1-6 mois 1,20 1,87 9,42 3,2
6-12 mois 0,97 1,80 9,92 2,5
3-5 ans 0,91 1,60 8,62 2,5
Adulte jeune 0,75 1,15 6,00 2,0

— les halogénés diminuent le volume courant, la ventilation minute


et la réponse ventilatoire au CO2 de façon dose-dépendante chez l’en-
fant comme chez l’adulte ; l’augmentation de PetCO2 reflète la dimi-
nution de la ventilation alvéolaire ;
— tous les halogénés diminuent la pression artérielle de façon
dose-dépendante, mais cet effet est principalement secondaire à la
dépression de la contractilité myocardique avec l’halothane et à la
diminution des résistances systémiques avec l’isoflurane, le desflurane
et le sévoflurane ;
— l’halothane diminue la fréquence cardiaque, augmente le temps
de conduction auriculo-ventriculaire surtout chez le nourrisson et
favorise la survenue de troubles du rythme ventriculaires. L’atropine
permet de diminuer l’incidence des bradycardies observées avec l’ha-
lothane. Avec le sévoflurane, l’atropine n’est pas utile car cet agent a
lui-même des propriétés vagolytiques ;
— les hépatites à l’halothane sont très rares (fréquence estimée
à 1  : 200  000 anesthésies). Le sévoflurane est le seul halogéné dont
le métabolisme ne produit pas d’acide trifluoroacétique. Il est de ce
fait l’agent par inhalation de choix pour les anesthésies répétées fré-
quentes en pédiatrie ;
— tous les halogénés sont contre-indiqués chez les sujets à risque
d’hyperthermie maligne (histoire familiale, biopsie positive, myo-
pathie de Duchenne, central core myopathie). Se méfier des jeunes
enfants porteurs d’un strabisme ou d’un ptosis des paupières (myopa-
thie débutante ?).

ANESTHÉSIQUES INTRAVEINEUX

D’une manière générale, les posologies des anesthésiques IV sont


plus élevées chez le nourrisson de plus de 1  mois que chez l’enfant.
602 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Tableau 28-XI Posologie d’induction des principaux agents IV (mg ⋅ kg–1)

Agent 0-28 jours 1-12 mois 1-6 ans > 6 ans


Thiopental 3-5 8-10 6-8 6-8
Propofol 3-5 4-6 3-5 3-4
Kétamine 1-2 2-3 2-3 2
Étomidate – 0,3 0,3 0,3

Chez le nouveau-né (0-28 jours), les doses d’induction doivent être


réduites (tableau 28-XI).

Propofol

La dose d’induction de propofol est de 50  p.  100 plus élevée chez
l’enfant que chez l’adulte, la dose d’entretien en perfusion continue
de 25 p. 100 plus élevée. La douleur à l’injection est réduite par l’ad-
jonction de lidocaïne (1 mg pour 10 mg de propofol). Le propofol ren-
force le tonus vagal, et l’administration d’atropine (10-20 μg ⋅ kg–1) est
conseillée lors de l’emploi de propofol et de morphiniques (rémifen-
tanil). Comme le thiopental, le propofol doit être titré chez le patient
hypovolémique.

Étomidate

L’étomidate est réservé aux situations hémodynamiques instables en


raison de son excellente tolérance cardiovasculaire. Ses effets sur la
fonction surrénalienne (blocage réversible des hydroxylations en 11 et
18) font déconseiller son utilisation en perfusion continue.

Kétamine

La kétamine est bien tolérée chez l’enfant mais elle est actuelle-
ment peu utilisée sauf dans les centres de brûlés. En effet, le réveil
est long, les hallucinations sont fréquentes au réveil bien que leur
incidence soit plus faible chez l’enfant que chez l’adulte. Elle a peu
d’effets dépresseurs hémodynamiques et respiratoires, ce qui rend
son usage intéressant chez le patient choqué. Son emploi nécessite
une prémédication (voire l’injection simultanée) par les benzodiazé-
pines et l’atropine.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE PÉDIATRIQUE 603

MYORELAXANTS ET ANTAGONISTES

La pharmacocinétique et la pharmacodynamique des myorelaxants


sont modifiées par l’âge :
— la jonction neuromusculaire est immature à la naissance et les
réserves d’acétylcholine sont faibles ;
— la vitesse de conduction nerveuse augmente avec l’âge et la
myélinisation progressive des fibres nerveuses ;
— le rapport masse musculaire/poids total est réduit chez le jeune
enfant ;
— le volume de distribution est augmenté chez le jeune enfant et il
suit les variations du volume extracellulaire ;
— le métabolisme hépatique est immature, ce qui augmente la
durée d’action des myorelaxants stéroïdiens chez le nouveau-né et le
nourrisson ;
— le monitorage de la curarisation fait appel aux mêmes méthodes
que chez l’adulte.
La posologie moyenne des principaux myorelaxants chez l’enfant
est indiquée en tableau 28-XII.

Succinylcholine

C’est le myorelaxant dépolarisant dont la latence et la durée d’action


sont les plus courtes. Son emploi doit être limité aux situations d’urgence
(estomac plein) en raison de ses effets secondaires. Il existe en effet un
risque d’hyperkaliémie chez les brûlés et les patients ayant une mala-

Tableau  28-XII DA 95 des principaux myorelaxants chez le nouveau-né, le


nourrisson et l’enfant (μg ⋅ kg–1). La dose d’intubation correspond à 2 DA 95,
sauf pour la succinylcholine pour laquelle il faut utiliser 3 DA 95

Agents (DCI) Nouveau-né Enfant Adulte


Succinylcholine 520 350 290
Pancuronium 72 93 77
Vécuronium 48 81 53
Atracurium 120-200 320 210
Mivacurium 65-94 103-110 80
Rocuronium 225 400 300
Cisatracurium – 55 48
604 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

die neuromusculaire. Plusieurs décès par hyperkaliémie ont été rappor-


tés chez des enfants ayant une myopathie méconnue. Les fasciculations,
habituelles chez l’adulte, ne sont pas visibles chez le jeune enfant. La
dose d’intubation est de 2 à 3  mg ⋅ kg–1 chez le nourrisson, 2  mg ⋅ kg–1
chez l’enfant et de 1 mg ⋅ kg–1 chez l’adulte. L’administration de succinyl-
choline doit être précédée par l’administration d’atropine (20 μg ⋅ kg–1).

Vécuronium

La durée d’action clinique est de l’ordre de 35 min après une dose


de 0,08 mg ⋅ kg–1 chez l’enfant de plus de 1 an, mais elle est 2 à 3 fois
plus longue chez le nouveau-né et le nourrisson de moins de 1 an. Le
vécuronium est donc un curare intermédiaire chez l’enfant mais un
curare long chez le nouveau-né et le nourrisson.

Pancuronium

Il possède un effet sympathomimétique marqué souvent gênant


pour la surveillance peropératoire (chirurgie hémorragique du nour-
risson). Sa durée d’action est longue de l’ordre de 40 à 60  min pour
0,1 mg ⋅ kg–1.

Atracurium

Ce myorelaxant est dégradé par la voie d’Hoffman et les estérases


plasmatiques. C’est le myorelaxant de choix chez le nourrisson de
moins de 12 mois car sa durée d’action est peu affectée par l’âge, et
chez l’insuffisant rénal. Après une injection de 0,5 mg ⋅ kg–1, la décu-
rarisation est complète en moins de 60  min quel que soit l’âge (la
durée de curarisation est de l’ordre de 20-30  min). L’atracurium est
utilisable en perfusion continue à la dose de 0,5 mg ⋅ kg–1 ⋅ h–1 en l’ab-
sence d’halogénés. Il faut réduire les débits d’un tiers environ avec
l’isoflurane et le sévoflurane et d’un quart avec l’halothane.

Cisatracurium

Son délai d’action et sa durée d’action sont proches de ceux de l’atra-


curium. À la différence de l’atracurium, il n’induit pas d’histamino-
libération. Après une injection de 0,15  mg ⋅ kg–1, la décurarisation est
complète en moins de 60 min quel que soit l’âge (la durée de curarisa-
tion est de l’ordre de 30 min). Le cisatracurium est utilisable en perfu-
sion continue à la dose de 0,15 mg ⋅ kg–1 ⋅ h–1 en l’absence d’halogénés.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE PÉDIATRIQUE 605

Mivacurium

Il est recommandé de ne pas dépasser 0,2  mg ⋅ kg–1 en raison du


risque d’histaminolibération pour des doses supérieures. Son délai
d’action est identique à celui de l’atracurium (environ 2  min), mais
sa durée d’action est 2 fois plus courte (environ 10 min). Il existe un
risque de bloc neuromusculaire prolongé chez les sujets présentant un
déficit congénital ou acquis en pseudo-cholinestérases. Le monitorage
de la curarisation est indispensable avant une réinjection et/ou une
perfusion continue (attendre la réapparition d’au moins une réponse
au train-de-4).

Rocuronium

Son délai d’action est le plus court des myorelaxants non dépolari-
sants. Les conditions d’intubation à 1  min sont comparables à celles
obtenues avec la succinylcholine, mais sa durée d’action est proche
de celle du vécuronium : intermédiaire chez l’enfant de plus de 1 an,
longue chez le nourrisson.

Néostigmine (antagoniste des myorelaxants


non dépolarisants)

La décurarisation chez l’enfant obéit aux mêmes lois que chez


l’adulte. L’injection de néostigmine (40  μg ⋅ kg–1) doit être associée à
l’administration d’atropine (10-20  μg ⋅ kg–1). Elle n’est indiquée que
si le patient est partiellement décurarisé (1 réponse au train-de-4, ou
mouvements visibles).

MORPHINIQUES ET ANTAGONISTES

Généralités

La demi-vie des morphiniques (sauf celle du rémifentanil) est très


allongée chez le nouveau-né, car la clairance plasmatique est faible.
L’utilisation de morphiniques dans cette tranche d’âge (quels que
soient le produit et la voie d’administration) implique la possibilité de
réaliser une assistance ventilatoire postopératoire de quelques heures
et de disposer d’une surveillance effective de la ventilation après extu-
bation. Chez le nourrisson (1-12 mois), la demi-vie est identique voire
plus courte que chez l’adulte, mais le risque de dépression respira-
toire postopératoire semble plus élevé chez le nourrisson de moins
606 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

de 3  mois pour des raisons non clairement élucidées. Le risque de


dépression respiratoire postopératoire est considérablement accru lors
de l’utilisation simultanée de morphiniques par des voies différentes
(voie systémique et épidurale en particulier).

Fentanyl

Agoniste pur 100 fois plus puissant que la morphine, il renforce le


tonus vagal et peut induire une rigidité thoracique. Sa demi-vie d’éli-
mination est considérablement allongée lors d’une perfusion continue
de plus de 2 h.
Doses  : 2-5  μg ⋅ kg–1 (chirurgie générale), 25-50  μg ⋅ kg–1 (chirurgie
cardiaque).

Alfentanil

Agoniste pur possédant un volume de distribution plus faible que


les autres agonistes, moins liposoluble que le fentanyl.
Propriétés  : latence courte (1  min), durée d’action courte (environ
20 min), possibilité d’utilisation en perfusion continue.
Doses  : 5-20  μg ⋅ kg–1 (chirurgie générale)  ; 1-2  μg ⋅ kg–1 ⋅ min–1 en
perfusion continue.

Sufentanil

Agoniste pur de grande puissance intrinsèque (5 à 10 fois plus puis-


sant que le fentanyl). Il a des propriétés similaires à celles du fentanyl,
mais sa demi-vie contextuelle plus courte que celle du fentanyl permet
son administration en perfusion continue en raison d’une accumula-
tion plus faible.
Doses : 0,2-0,5 μg ⋅ kg–1 (chirurgie générale) ; 0,01-0,03 μg ⋅ kg–1 ⋅ min–1
en perfusion continue.

Rémifentanil

Ce morphinique est dégradé par les estérases non spécifiques ubi-


quitaires. Sa demi-vie d’élimination est très courte quel que soit l’âge
(4 à 10 min). Son administration s’accompagne presque toujours d’une
bradycardie qui diminue le débit cardiaque surtout chez le nourrisson.
L’administration d’atropine est indispensable lors de l’administration
de doses élevées (> 1 μg ⋅ kg–1). Comme chez l’adulte, il faut anticiper
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE PÉDIATRIQUE 607

l’analgésie postopératoire en administrant de la morphine (0,1 mg/kg)


30  min avant la fin de l’acte chirurgical en cas de chirurgie doulou-
reuse.
Doses : 0,15-0,25 μg ⋅ kg–1 ⋅ min–1 en perfusion continue.

Morphine

C’est le morphinique de référence, utilisé principalement en posto-


pératoire. Ses effets secondaires sont identiques à ceux observés chez
l’adulte  : nausées, prurit, rétention urinaire, ralentissement du transit
intestinal, dépression respiratoire. Les signes de surdosage principaux
sont une somnolence excessive, et/ou une bradypnée.
Les doses habituelles  sont de 0,1  mg ⋅ kg–1 × 6 par voie IV  ;
1 mg ⋅ kg–1 ⋅ j–1 par voie orale (en 6 prises) ; 30-50 μg ⋅ kg–1 par voie
épidurale.
En PCA, les réglages standards sont  : dose de charge 0,05 à
0,1  mg ⋅ kg–1 (puis titration), bolus 15-25  μg ⋅ kg–1, période réfractaire
6-8 min.

Naloxone

Antagoniste des morphiniques agonistes, dénué d’effets cardiovas-


culaires et respiratoires propres. L’injection de naloxone reverse une
éventuelle dépression respiratoire mais également l’analgésie  ; la
demi-vie de la naloxone est plus courte que celle de la plupart des
agonistes.
Doses : 5-10 μg ⋅ kg–1 suivie si nécessaire d’une perfusion continue
(10 μg ⋅ kg–1 ⋅ h–1).

INDUCTION ET ENTRETIEN
DE L’ANESTHÉSIE

INDUCTION AU MASQUE

Le sévoflurane est actuellement l’agent de référence pour l’induction


par inhalation. L’induction au masque est le mode d’induction préféré des
enfants lorsqu’on leur laisse le choix. La technique habituelle consiste en
l’administration de 4 à 6 p. 100 de sévoflurane dans un mélange O2 : N2O
50 : 50. Des conditions d’intubation correctes sont obtenues en environ
4-5 min lorsque les pupilles sont en position centrale.
608 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Il est recommandé d’assister la ventilation dès que la dépression


de la ventilation est marquée et de mettre en place une voie vei-
neuse avant d’intuber. Si l’abord veineux est difficile, réduire la
fraction inspirée de sévoflurane à 4-5  p.  100. Il est important de
penser à diminuer la fraction inspirée dès l’intubation trachéale
réalisée.
Le laryngospasme est une complication classique de l’induction
au masque. Il est en général lié à une hypersécrétion (infection des
VAS) et/ou à des tentatives d’intubation avec un niveau d’anesthé-
sie insuffisant. Ces deux étiologies sont souvent liées car l’obten-
tion d’un niveau d’anesthésie satisfaisant est parfois difficile en cas
d’obstruction partielle des VAS. Le traitement consiste à oxygé-
ner et aspirer. Selon les cas on est amené à poursuivre l’induction
(sévoflurane – 100  p.  100 O2), ou à interrompre l’administration
d’halogénés et à réveiller l’enfant. Lorsqu’une voie veineuse fonc-
tionnelle est en place, l’administration de propofol (2-3  mg ⋅ kg–1)
permet le plus souvent d’approfondir l’anesthésie et d’intuber l’en-
fant rapidement.

INDUCTION INTRAVEINEUSE

La mise en place d’une crème analgésiante (Emla®) sous pansement


occlusif pendant au moins 1 h permet d’obtenir une analgésie cutanée
de la zone de ponction. Les posologies d’induction habituelles sont
indiquées dans le tableau  28-XI. L’intubation peut être réalisée sous
propofol associé à un morphinique, ou après injection de myorelaxant.
Le propofol doit être mélangé à la xylocaïne (10  mg/100  mg) pour
réduire la douleur de l’injection.
L’induction intraveineuse est obligatoire chez les enfants ayant un
« estomac plein ». Les principes de l’induction pour estomac plein sont
les mêmes que chez l’adulte : préoxygénation, séquence rapide IV par
propofol, thiopental ou kétamine, administration de succinylcholine,
pression cricoïdienne adaptée (avec le petit doigt chez le nourrisson).

ENTRETIEN DE L’ANESTHÉSIE

En règle générale, les halogénés restent largement utilisés chez


l’enfant pour l’entretien de l’anesthésie. Ils sont utilisés seuls ou plus
généralement associés à une anesthésie régionale ou une technique
d’anesthésie balancée. Les myorelaxants sont souvent inutiles chez le
nourrisson, mais ils permettent de diminuer les doses d’agents anes-
thésiques, ce qui est utile en période néonatale ou chez l’enfant avec
un état hémodynamique précaire.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE PÉDIATRIQUE 609

La ventilation doit être assistée chez le nourrisson pour tout acte


de durée supérieure à 30  min environ, car les résistances dues à
la sonde d’intubation sont très élevées lorsque le diamètre est < à
4,5  mm. La ventilation en mode pression-contrôlée est recomman-
dée chez l’enfant de moins de 10  kg car il permet une ventilation
efficace même en cas de fuite modérée. Au-delà de 10 kg, les modes
pression-contrôlée ou volume-contrôlé peuvent être utilisés. Le res-
pirateur doit comporter un circuit pédiatrique (tuyaux de faible dia-
mètre et peu compliants). Le volume courant est de 8-10  ml ⋅ kg–1,
la fréquence est identique à la fréquence physiologique, le rapport
I/E de 1/2.

ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE

PRINCIPES GÉNÉRAUX

L’anesthésie régionale est réalisée sous anesthésie générale chez


le jeune enfant. Elle assure une analgésie de grande qualité permet-
tant d’éviter l’usage des morphiniques et des myorelaxants en per-
opératoire. Elle diminue la réponse hormonale au stress. La tolérance
hémodynamique des anesthésies régionales est remarquable chez
l’enfant de moins de 8  ans, ne justifiant ni remplissage préalable, ni
emploi de vasopresseurs.
La possibilité d’une injection intravasculaire accidentelle doit être le
souci permanent ; elle justifie les précautions suivantes :
— utilisation d’une dose test d’anesthésiques locaux adrénalinés
1/200  000 (0,1  ml/kg) (sauf en regard des vascularisations termi-
nales) ;
— surveillance concomitante de l’ECG (aspect de l’onde T) et de
la pression artérielle ;
— tests d’aspiration répétés ;
— injection lente sous surveillance ECG de toute solution d’anes-
thésiques locaux.
L’injection d’air par voie caudale est strictement contre-indiquée
(risque d’embolie gazeuse).

ANESTHÉSIE CAUDALE

• Indications  : chirurgie sous-ombilicale de durée inférieure ou


égale à 90 min chez l’enfant de moins de 25 kg.
610 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Tableau 28-XIII Volume d’anesthésiques locaux pour une anesthésie caudale


(volume maximal 20 ml)

Niveau Exemple Volume d’AL


D10-D11 Orchidopexie 1 ml ⋅ kg–1
D12-L1 Hernie inguinale, chirurgie des membres inférieurs 0,8 ml ⋅ kg–1
L5-S1 Uréthroplastie 0,6 ml ⋅ kg–1

• Technique  : enfant en décubitus latéral, repérage du triangle


formé par les épines iliaques postérieures et supérieures et le hia-
tus sacré. L’aiguille est introduite à travers le hiatus, entre les
cornes sacrées selon un angle de 40 à 60°, puis est avancée de 0,5
à 1  cm dans le canal après franchissement de la membrane sacro-
coccygienne.
• Incidents : si l’aspiration ramène du sang, il s’agit en règle géné-
rale d’une effraction osseuse, une deuxième tentative peut être faite.
En cas de perforation du cul-de-sac dural, l’aspiration ramène du
LCR, ne pas injecter (risque de rachianesthésie totale).
• Matériel : aiguille à biseau court 20 ou 22 G avec mandrin.
• Doses d’anesthésiques locaux indiquées dans le tableau  28-XIII.
Ne pas dépasser au total un volume maximum de 20 ml.
• Agents utilisés  : lévobupivacaïne 0,175 à 0,25  p.  100, lidocaïne
1 p. 100, ropivacaïne 0,2 p. 100.

ANESTHÉSIE PÉRIDURALE LOMBAIRE

• Indications  : chirurgie sous-ombilicale (éventuellement sus-


ombilicale) de longue durée et/ou nécessité d’une analgésie post-
opératoire.
• Technique  : enfant endormi en décubitus latéral  ; ponction par
voie médiane ; technique du mandrin liquide. La distance peau-espace
péridural augmente avec l’âge.
• Doses d’anesthésiques locaux  : 0,75  ml ⋅ kg–1 chez l’enfant de
moins de 15  kg (bloc de 12  segments environ) ou 1,1  ml/10  cm de
taille chez les enfants plus grands. Réinjections toutes les 80-100 min
de la moitié de la dose initiale ou perfusion continue débutée environ
30 min après la dose initiale.
• Agents utilisés : les mêmes que pour l’anesthésie caudale.
• En postopératoire, lévobupivacaïne 0,1  p.  100 ou ropivacaïne
0,1 p. 100.
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE PÉDIATRIQUE 611

BLOCS PÉRIPHÉRIQUES

• Le bloc pénien ne doit être réalisé qu’avec des solutions d’AL


sans adrénaline.
• Dose : 0,1 ml ⋅ kg–1 de lévobupivacaïne à 0,5 p. 100 de chaque côté.
• Les blocs intercostaux sont souvent réalisés sous contrôle de la
vue par le chirurgien lors des thoracotomies.
Doses  : 0,5 à 1  ml de lévobupivacaïne à 0,25  p.  100 par espace.
Attention au volume total en cas de blocs multiples.
• Le bloc ilio-inguinal est réalisé sans stimulateur de nerf avec une
aiguille à biseau court.
Technique  : un quart externe trois quart interne de la ligne épine
iliaque antérieure et supérieure-ombilic  ; injection en dessous de
l’aponévrose du grand oblique.
Indications : cure de hernie inguinale et de varicocèle. Dose 0,5 ml/kg
de ropivacaïne 0,2 p. 100 ou lévobupivacaïne 0,25 p. 100.
• Bloc fémoral.
Repères  : en dehors de l’artère fémorale en dessous du ligament
inguinal, injection après le passage du fascia lata.
Indication : fracture du fémur.
Dose  : 0,5  ml/kg de lévobupivacaïne à 0,25  p.  100 ou lidocaïne à
1 p. 100.
• Bloc para-ombilical  : injection de part et d’autre de l’ombilic en
dessous de l’aponévrose des grands droits.
Indications : sténose du pylore, cure de hernie ombilicale.
Doses : 0,2-0,3 ml/kg de lévobupivacaïne à 0,25 p. 100 ou ropiva-
caïne 0,2  p.  100 en dessous de l’aponévrose plus 0,1  ml/kg en sous-
cutané, de chaque côté.
• Bloc axillaire.
Technique et indications : comme chez l’adulte.
Dose  : 0,5  ml/kg de lévobupivacaïne à 0,25  p.  100 ou ropivacaïne
0,2 p. 100.
• Les autres blocs ne sont pas d’usage courant ; ils nécessitent une
connaissance précise de l’anatomie.
612 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

PÉRIODE POSTOPÉRATOIRE

Les complications respiratoires (laryngospasme, stridor, et désatura-


tion) sont les principales complications observées au réveil. Elles sont
principalement dues à :
— l’emploi d’un tube trachéal de calibre inadapté ;
— une infection préexistante des VAS.
Le traitement des œdèmes laryngés postopératoire consiste en l’ad-
ministration de corticoïdes d’action rapide (Solu-Médrol® 1 mg/kg IV),
associée à des aérosols contenant de l’adrénaline et/ou des corticoïdes,
et oxygénothérapie nasale.
L’anesthésie ambulatoire se développe de plus en plus et est particu-
lièrement intéressante pour les actes chirurgicaux mineurs, fréquents
en pédiatrie.
L’âge limite pour ce type de pratique varie selon les structures. Tout
le monde est d’accord pour exclure les anciens prématurés de moins
de 60  semaines d’âge post-conceptionnel de la pratique ambulatoire,
ainsi que les nouveau-nés de moins de 28 jours. Pour les enfants nés
à terme, certains autorisent l’ambulatoire après 1  mois, d’autres pro-
posent 3 ou 6 mois. L’arrière-pensée des anesthésistes est centrée sur
l’incidence des morts subites du nourrisson qui diminue lorsque l’âge
augmente.
La sortie peut être autorisée au décours d’une anesthésie si :
— les paramètres vitaux sont normalisés ;
— le bloc moteur souvent observé au décours d’une anesthésie
caudale est levé ;
— la douleur postopératoire est faible ou nulle ;
— les nausées et vomissements sont peu gênants ;
— la prise de boisson doit être libre mais non obligatoire ;
— il n’y a pas de rétention urinaire ;
— le risque hémorragique est très faible ou absent. Certains
récusent pour cette raison l’anesthésie ambulatoire après amygda-
lectomie ;
— enfin, l’environnement familial doit être adapté. Il est impor-
tant que les parents aient compris les consignes de surveillance pos-
topératoire et habitent à une distance raisonnable d’un établissement
de soin.
Il est important d’assurer une prise en charge optimale de la dou-
leur postopératoire. L’évaluation de la douleur repose comme chez
l’adulte sur l’auto-évaluation chez l’enfant de plus de 6-7 ans (EVA,
ENS) et sur des scores comportementaux chez les plus jeunes. En
dessous de 4-5  ans, les échelles comportementales les plus uti-
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE PÉDIATRIQUE 613

lisées sont l’échelle de CHEOPS et surtout l’OPDS (Objective


Pain-Discomfort Scale) (tableau 28-XIV). Comme chez l’adulte, la
douleur postopératoire doit être envisagée comme une douleur pro-
grammée. Les prescriptions « à la demande » doivent être abandon-
nées car elles sont de réalisation trop aléatoire pour permettre un
traitement de fond adéquat. Les antalgiques doivent être prescrits à
heure fixe, tenant compte de la voie d’administration et des carac-
téristiques pharmacocinétiques des agents employés. Les doses
des principaux antalgiques utilisés chez l’enfant sont indiquées en
tableau  28-XV. Une prescription d’antalgiques doit être systémati-
quement remise et expliquée aux parents avant le retour à domicile.
Même après des interventions souvent réalisées en ambulatoire
(circoncision, ectopie testiculaire, amygdalectomie…), la douleur
postopératoire peut être intense et prolongée. Une prise en charge
adéquate de la douleur postopératoire réduit considérablement les
troubles du comportement fréquemment observés au décours de ces
actes chirurgicaux chez l’enfant.

Tableau  28-XIV Échelle de douleur adaptée aux enfants de moins de 5  ans


(Objective Pain-Discomfort Scale)

Observation Critère Score


Pression ± 10 p. 100 de la valeur préopératoire 0
artérielle 10 à 20 p. 100 de la valeur préopératoire 1
20 à 30 p. 100 de la valeur préopératoire 2
Pleurs Absents 0
Présents mais consolables 1
Non consolables 2
Mouvements Absents 0
Intermittents, modérés 1
Permanents 2
Agitation Calme ou endormie 0
Modérée 1
Hystérique 2
Évaluation Pas de douleur exprimée ou calme 0
verbale ou Douleur modérée (non localisée) 1
corporelle
Douleur localisée verbalement ou par attitudes 2
614 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Tableau  28-XV Posologie des principaux antalgiques qui ont une autorisa-
tion de mise sur le marché (AMM) pour une utilisation pédiatrique

AMM Dose unitaire Fréquence


Paracétamol (voie < 1 an 7,5 mg/kg 6h
orale ou IV) > 1 an 15 mg/kg
AINS
Acide niflumique 6 mois 20 mg/kg 12 h
(voie rectale)
Ibuprofène (voie 6 mois 10 mg/kg 8h
orale)
Diclofénac (voie 12 mois 1 mg/kg 8h
orale ou rectale)
Kétoprofène (voie IV) Pas d’AMM
pédiatrique
Indométacine (voie Pas d’AMM
orale ou IV) (sauf fermeture
du canal
artériel chez
le nouveau-né)
Néfopam Pas d’AMM
pédiatrique
Agonistes faibles
Codéine (voie orale) 12 mois 1 mg/kg 6h
Dextropropoxyphène Pas d’AMM
pédiatrique
Tramadol 12 ans (dossier 1-2 mg/kg 6h
en cours pour
AMM à 3 ans
forme orale)
Nalbuphine
(IV) 18 mois 0,2 mg/kg 4h
(voie rectale) 0,4 mg/kg 4-6 h
Morphine
(voie orale) 6 mois 0,1-0,2 mg/kg 4h
(IV) Nouveau-né 20-40 μg/kg/h –
en administration
continue
ANESTHÉSIE EN CHIRURGIE PÉDIATRIQUE 615

Points essentiels
• L’enfant n’est pas un adulte en réduction. L’anesthésiste doit
connaître la valeur normale des paramètres physiologiques qui varient
selon l’âge de l’enfant. Le débit cardiaque dépend étroitement de la
fréquence cardiaque chez le jeune enfant. Le volume du secteur extra-
cellulaire chez le nouveau-né est le double de celui de l’adulte. Ceci
explique pourquoi les doses d’agents anesthésiques (exprimées par rap-
port au poids) sont élevées chez le nourrisson et diminuent avec l’âge.
• La consultation d’anesthésie permet d’évaluer l’état clinique de
l’enfant, d’évaluer les risques spécifiques (apnées du prématuré) et de
dépister les contre-indications temporaires à l’anesthésie (infection des
voies aériennes).
• La prise de liquides clairs doit être autorisée jusqu’à 2  h avant
l’anesthésie pour réduire le déficit hydrique préopératoire. La prémé-
dication par midazolam facilite l’induction anesthésique surtout chez
l’enfant d’âge préscolaire.
• Il faut disposer d’un matériel d’anesthésie (intubation, ventilation,
perfusion…) spécifique à l’âge de l’enfant. L’oxymétrie est indispen-
sable pour dépister les hypoxémies périopératoires plus fréquentes chez
le jeune enfant que chez l’adulte.
• Les sondes d’intubation à ballonnet permettent de limiter les fuites
gênantes avec les appareils de ventilation à circuit filtre de plus en plus
utilisés pour réduire le coût de l’anesthésie et la pollution des blocs
opératoires.
• Les apports liquidiens obéissent à des règles de prescription adap-
tées au poids et à l’âge. Le Ringer lactate® permet de remplacer en
première intention les pertes supplémentaires (3e secteur). La masse
sanguine de l’enfant doit être calculée et indiquée sur la feuille d’anes-
thésie.
• L’induction au masque avec 4 à 6 p. 100 de sévoflurane est la tech-
nique de choix pour l’induction anesthésique chez le jeune enfant pour
la chirurgie programmée.
• La prise en compte de la douleur postopératoire est indispensable
pour améliorer les suites chirurgicales surtout dans le cadre de la chirur-
gie ambulatoire.
Chapitre 29

Anesthésie en ambulatoire
M. Maillet

L’hospitalisation ambulatoire est définie par la sortie du patient le


jour même de son admission, sans nuit d’hébergement. Cela inclut
l’ensemble des actes chirurgicaux ou médicaux, diagnostiques ou
thérapeutiques, réalisés dans les conditions techniques de sécu-
rité d’un bloc opératoire, sous anesthésie de mode variable et sans
risque majoré pour le patient. Le mode de prise en charge ambula-
toire est à privilégier dès que les conditions de sa réalisation sont
réunies.

ÉLIGIBILITÉ

L’éligibilité à l’ambulatoire repose sur l’analyse du bénéfice-risque


pour le patient, la prévisibilité de sa prise en charge et de l’organisa-
tion mise en place, en particulier la permanence et la continuité des
soins.
La sélection des actes réalisés en ambulatoire est fondée sur la maî-
trise des risques, de la durée et des suites de ces actes. Il est souhai-
table qu’il n’y ait pas de liste réglementaire, seuls les acteurs de la
structure sont à même de définir, à un moment donné, la liste des
actes ambulatoires adaptés à leur expertise et à l’organisation mise en
place.
Il est possible d’intégrer certains actes urgents dans un programme
ambulatoire, à condition de ne pas perturber le fonctionnement de
l’unité ambulatoire et de garantir le même niveau de qualité et de
sécurité au patient.
Des patients de statuts ASA I, II et III stables peuvent être éligibles
à l’ambulatoire, ainsi que des enfants âgés d’au moins 6  mois. C’est
l’analyse du rapport bénéfice-risque, au cas par cas, qui fonde le prin-
cipe de cette sélection.
ANESTHÉSIE EN AMBULATOIRE 617

Lors des consultations de chirurgie et d’anesthésie, il est recom-


mandé d’assurer les conditions de la compréhension et de l’accepta-
tion des modalités de prise en charge par le patient :
— les patients non francophones sont accompagnés d’un traducteur ;
— les mineurs sont accompagnés d’un de leurs parents ou repré-
sentant légal, en consultation ainsi que lors du séjour ambulatoire ;
— les patients atteints d’un trouble du jugement sont accompa-
gnés d’un tiers pouvant garantir le bon respect des recommandations :
jeûne, gestion et observance des traitements, continuité des soins.
Le lieu de résidence postopératoire doit être compatible avec la prise
en charge ambulatoire. La durée du transport et la distance d’éloigne-
ment de la structure ne sont pas des facteurs d’exclusion. Lors du tra-
jet du retour à son lieu de résidence postopératoire, le patient ne doit
pas conduire un véhicule et doit être accompagné par un tiers. Les
enfants de moins de 10 ans doivent être accompagnés d’un parent qui
ne doit pas être le conducteur.
Gériatrie. Le grand âge n’est pas une contre-indication en soi à
l’ambulatoire. La prise en charge ambulatoire semble diminuer l’inci-
dence des troubles du comportement postopératoire par rapport à une
hospitalisation conventionnelle. Actuellement, aucune donnée de la
littérature ne permet de privilégier une technique d’anesthésie ou un
agent anesthésique particulier. Il convient d’éviter les benzodiazépines
en préopératoire qui augmentent l’incidence des troubles du compor-
tement postopératoire.

INFORMATION

Au cours de la consultation préanesthésique, réalisée par un


médecin anesthésiste connaissant le fonctionnement de la structure
ambulatoire, une information adaptée à la spécificité de cette prise en
charge est dispensée concernant :
— le jeûne et la gestion des traitements pris par le patient ;
— les exigences liées aux différentes techniques d’anesthésie ;
— les conditions de sortie et la nécessité d’être accompagné par un
tiers pour le retour au lieu de résidence ;
— les consignes liées aux suites éventuelles de l’anesthésie ;
— les méthodes d’analgésie postopératoire ;
— les modes de recours en cas d’évènements non prévus ;
Il est recommandé d’informer le patient des effets de l’anesthésie ou
de la sédation sur les fonctions cognitives et sur la vigilance pendant
les 12 premières heures, la conduite de tout véhicule doit être pros-
crite durant cette période, voire plus pour les conducteurs de poids
lourds, machines-outils, transports en commun, etc., et en fonction du
handicap lié à l’intervention.
618 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

VISITE PRÉANESTHÉSIQUE (VPA)

Comme en hospitalisation complète, l’anesthésie ambulatoire


n’échappe pas à l’obligation règlementaire d’une VPA. Elle ne peut
être réalisée qu’à J0, mais est utilement précédée d’un appel télépho-
nique la veille. Il convient d’en assurer la traçabilité.

ANESTHÉSIE

Il n’y a pas de stratégie spécifique à l’anesthésie ambulatoire. L’en-


semble des agents d’anesthésie générale, hypnotiques, morphiniques
et curares, peut être utilisé. Il est logique de privilégier, en fonction
du patient et de l’acte réalisé, les agents d’anesthésie à durée de vie
courte et à effets secondaires réduits pour faciliter l’organisation,
notamment la gestion de la sortie.
La technique de rachianesthésie doit être adaptée à la nécessité
d’une reprise rapide de l’autonomie du patient en privilégiant les
faibles doses, l’utilisation d’adjuvants liposolubles et la technique de
latéralisation.
Les blocs périphériques, en accord avec le patient, sont des techniques
de choix, notamment pour les interventions des membres supérieurs.
Quelles que soient les modalités choisies, celles-ci doivent répondre
aux «  bonnes pratiques de l’anesthésie  », applicables en ambulatoire
comme en hospitalisation complète.

GESTION DES SUITES OPÉRATOIRES

Les douleurs et les nausées-vomissements sont les causes «  médi-


cales » le plus souvent responsables de retards à la sortie et d’hospi-
talisations non programmées. Leur contrôle est essentiel à la réussite
du séjour ambulatoire.

Douleurs postopératoires

La maîtrise de la douleur postopératoire allie anticipation, rigu-


eur de la prescription et respect de l’observance. Elle est basée sur
une stratégie multimodale (paracétamol, AINS, tramadol, néfopam)
en évitant les opiacés en raison de leurs effets secondaires (nausées,
sédation, vertiges) pouvant être un obstacle à la sortie du patient.
On aura recours chaque fois que possible aux infiltrations et blocs
périphériques, ainsi qu’à tout moyen non médicamenteux (application
de froid, posture antalgique…).
ANESTHÉSIE EN AMBULATOIRE 619

L’analgésie sera poursuivie après la sortie par des formes orales


d’agents similaires à ceux utilisés pendant le séjour, la prescription
étant faite de préférence lors de la consultation d’anesthésie, afin de
laisser au patient le temps de se fournir. Il est désormais possible,
donc souhaitable, de mettre en place une organisation du suivi de
l’analgésie par cathéters périnerveux à domicile.

Nausées et vomissements postopératoires (NVPO)

Il n’existe pas de stratégie spécifique de prévention des NVPO dans


le contexte ambulatoire. La prophylaxie des NVPO se fonde, comme
en chirurgie classique, sur l’application d’un algorithme qui tient
compte des facteurs de risque.
Outre l’utilisation des agents dont l’efficacité a été validée (dexa-
méthasone, dropéridol et ondansétron), une stratégie permettant de
diminuer systématiquement le risque de base pour tous les patients
doit être mise en place : par la prévention de la déshydratation liée au
jeûne préopératoire  ; par le recours à des techniques d’anesthésie les
moins émétisantes possibles, notamment d’anesthésie locorégionale et
par la prise en charge efficace de la douleur postopératoire selon une
approche multimodale permettant d’éviter les morphiniques.

SORTIE

La sortie du patient, quelques heures après son entrée et la réalisation


de l’intervention programmée, conclut une prise en charge ambulatoire
réussie. Autoriser cette sortie, sans aucune concession à la sécurité,
constitue le moment clé de cette prise en charge. Les critères de sortie
permettent d’évaluer « l’aptitude au retour au lieu de résidence ».

Évaluation de l’aptitude à la sortie

Il est souhaitable d’utiliser un score, reproductible et facile à mettre


en œuvre. Le plus utilisé est le PADSS, ou score de Chung (annexe), à
l’instar du score d’Aldrete utilisé pour valider la sortie de SSPI.
Les tests psychomoteurs n’ont pas fait la preuve de leur efficacité
dans cette situation.
Une réalimentation liquide et solide est favorable avant la sortie
mais ne doit pas être imposée.

Miction avant sortie


Il est possible, après anesthésie générale ou bloc périphérique, de ne
pas exiger une miction pour autoriser la sortie, en l’absence de facteur
620 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

de risque lié au patient ou au type de chirurgie sous réserve que le


patient obtienne une miction dans les 12 h.
Après une rachianesthésie on peut ne pas attendre une miction pour
autoriser la sortie sous réserve d’une estimation, au minimum clinique,
au mieux par appréciation échographique du volume vésical résiduel.

Levée du bloc
Après un bloc périphérique du membre supérieur, la sortie du patient
est possible malgré l’absence de levée complète du bloc moyennant
des mesures de protection du membre endormi, comme le port d’at-
telle ou l’écharpe, une information précise quant aux précautions à
respecter et aux risques potentiels, et la prévision d’une assistance à
domicile.
Après les blocs du membre inférieur et périmédullaire, on doit s’as-
surer des capacités de déambulation du patient avant la sortie. L’utili-
sation de béquilles peut être préconisée.

Modalités de sortie

La sortie peut être validée par la signature d’un seul praticien, le


chirurgien comme l’anesthésiste restant responsable de ses actes.
Dans tous les cas, il est souhaitable que l’opérateur revoie son patient
avant la sortie.
En cas d’absence imprévue d’accompagnant pour le retour à domi-
cile, on recherchera une alternative avant de proposer un transfert en
hospitalisation traditionnelle. En cas de refus du patient, il est recom-
mandé d’avoir formalisé une procédure de « sortie contraire à la pra-
tique de l’ambulatoire ».

Dossier de sortie
— le patient reçoit, à sa sortie, les documents nécessaires à la
continuité des soins :
— les comptes-rendus opératoire et d’anesthésie ;
— les prescriptions médicamenteuses et de soins infirmiers néces-
saires ;
— les consignes et conseils relatifs à l’intervention, les numéros de
téléphone de recours disponibles 24 h/24 ;
— les documents administratifs, arrêt de travail, bon de transport,
un courrier éventuel pour le médecin traitant ou l’infirmière libérale ;
— le rendez-vous de consultation postopératoire.
L’ensemble des modalités de sortie doit faire l’objet d’un chapitre
particulier de la charte de fonctionnement de l’unité ambulatoire
validé par l’ensemble des intervenants dans la structure.
ANESTHÉSIE EN AMBULATOIRE 621

APPEL DU LENDEMAIN

Chaque patient, avec son accord, est appelé par une infirmière de
l’unité, le lendemain (le lundi pour les opérés du vendredi) pour éva-
luer le déroulement des premières heures passées après la sortie, les
éventuels effets secondaires, l’observance des traitements, ainsi que
dispenser quelques conseils. Un questionnaire type est utilisé, les
réponses sont enregistrées, leur analyse constitue un outil d’évaluation
indispensable. Il sera complété après réception des fiches d’évaluation
de satisfaction renvoyées par les patients.

POUR EN SAVOIR PLUS

Prise en charge anesthésique des patients en hospitalisation ambulatoire. Recom-


mandations formalisées d’experts de la SFAR, septembre 2009. www/sfar.org/

ANNEXE :
POST-ANESTHESIA DISCHARGE SCORING SYSTEM
(D’après Chung  F, Chan  V, Ong  D (1995). A post-anesthetic discharge scoring
system for home-readiness after ambulatory surgery. Anesth Analg, 80 : 896-902.)

Constantes vitales < 20 p. 100 2


(pression artérielle et fréquence entre 20 et 40 p. 100 1
cardiaque, respiration)
Variation par rapport > 40 p. 100 0
au préopératoire
Déambulation Démarche assurée, sans vertige 2
Marche possible, avec assistance 1
Démarche non assurée, vertiges 0
Douleur Minime 2
Modérée 1
Sévère 0
NVPO Minimes 2
Modérés 1
Sévères 0
Saignement chirurgical  Minime 2
Modéré 1
Sévère 0
Un score au moins égal à 9 est requis pour autoriser la sortie.
Chapitre 30

Anesthésie
en dehors du bloc opératoire
C. Rémy

Quel que soit l’acte diagnostique ou thérapeutique envisagé, l’anes-


thésiste doit s’assurer du respect des conditions de sécurité requises à
toute prise en charge anesthésique.

RÈGLES GÉNÉRALES

Équipement

L’ensemble de l’équipement nécessaire à la pratique de l’anes-


thésie-réanimation ainsi qu’au traitement des éventuelles com-
plications doit être présent sur le site interventionnel, et vérifié
régulièrement :
— source d’oxygène suffisante pour la durée de la procédure,
alarme de chute de pression d’alimentation, protoxyde d’azote ;
— prise d’aspiration ;
— chariot d’anesthésie complet similaire à celui utilisé en salle
d’opération ;
— machine d’anesthésie équivalente à celle utilisée en salle d’opé-
ration avec capteurs de pression, alarmes de débranchements, capno-
graphie ;
— moyens de surveillance : surveillance continue de l’électrocardio-
gramme, de la pression artérielle, capteur de pression artérielle inva-
sive, oxymétrie de pouls ;
— défibrillateur et produits d’urgence accessibles.
ANESTHÉSIE EN DEHORS DU BLOC OPÉRATOIRE 623

Consultation d’anesthésie

Obligatoire, elle doit être réalisée si possible plusieurs jours avant


l’acte, pour permettre de prendre en compte d’éventuelles pathologies
sous-jacentes, la notion d’une allergie à l’iode, d’une insuffisance
rénale, la prise de médicaments nécessitant une interruption.
En cas d’anesthésie ambulatoire, le patient doit être prévenu, plu-
sieurs jours avant l’acte, des recommandations préanesthésiques
(jeûne, poursuite des traitements) et des conditions de retour au domi-
cile (interdiction de conduire un véhicule, personne accompagnante).

Surveillance postanesthésique

Le temps de transport du site interventionnel à la SSPI est sou-


vent prolongé. Pendant cette période une surveillance appropriée des
patients doit être poursuivie. Cette surveillance comprend un monito-
rage ECG, de la SpO2 et l’administration d’une oxygénothérapie.
Tous les patients doivent passer par la salle de surveillance post-
interventionnelle (SSPI) jusqu’à récupération complète des fonctions
vitales.

ANESTHÉSIE POUR ENDOSCOPIE DIGESTIVE

Généralités

C’est une activité très développée, avec plus d’un million d’actes
par an en France. Elle représente 15 p. 100 des actes anesthésiques.
• Les interventions simples sont souvent pratiquées en ambulatoire :
— fibroscopies œsogastroduodénales ;
— coloscopies totales.
• Les interventions complexes imposent l’hospitalisation du patient :
— cholangiopancréatographie rétrograde (CPRE), sphinctéroto-
mie ;
— écho-endoscopies ;
— interventions sur l’œsophage telles que sclérose de varices œso-
phagiennes, photocoagulation de tumeurs, dilatation et mise en place
d’une prothèse œsophagienne.

Technique anesthésique

L’anesthésie doit être adaptée au besoin du patient, et à la nature de


l’acte. Le plan minimal d’anesthésie procurant un confort suffisant au
624 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

patient et à l’opérateur doit comporter  : anxiolyse, sédation et anal-


gésie.
• Agents anesthésiques et prise en charge :
— agents anesthésiques de demi-vie d’élimination courte ;
— sédation simple : midazolam ou propofol (Diprivan®) titré, asso-
cié à un morphinique de courte durée d’action (alfentanil : Rapifen®,
rémifentanil : Ultiva®) ;
— sédation contrôlée par le patient  : technique d’auto-administra-
tion d’un agent hypnotique (propofol) ;
— anesthésie générale : en règle induite et entretenue par voie vei-
neuse, l’agent de référence étant le propofol (Diprivan®), en bolus,
perfusion continue, mode AIVOC ;
— oxygénothérapie  : par sonde nasopharyngée, masque facial,
assistance respiratoire au masque voire intubation dans certains cas.

Risques liés à l’intervention endoscopique

• Gêne à la respiration, par obstruction pharyngée par le fibroscope,


insufflation d’air dans l’estomac ou le côlon pouvant gêner la course
diaphragmatique.
• Manifestations vagales provoquées par les stimuli douloureux (bra-
dycardie, hypotension), extrasystoles voire tachycardie ventriculaire.
• Accidents hémorragiques après polypectomie lors de coloscopies.
• Perforations coliques qui se révèlent par un syndrome abdominal
aigu au réveil.
• Lésions dentaires.

Particularités de l’endoscopie digestive haute


• Titration de midazolam (de 0,5 à 3 mg) ou de propofol (1 mg/kg).
• La prolongation de l’examen peut nécessiter l’adjonction d’alfen-
tanil.
• Administration d’oxygène nasal+++.

Particularités de l’endoscopie digestive basse


• Peu douloureuse et accès à la tête sans difficulté.
• Prévention de l’endocardite chez les patients à risques (voir Cha-
pitre 14, Antibioprophylaxie).

Particularités de l’endoscopie des voies biliaires


et pancréatiques
• Intubation et anesthésie profonde car décubitus ventral.
ANESTHÉSIE EN DEHORS DU BLOC OPÉRATOIRE 625

• Mais attention à l’extubation due aux mouvements de va-et-vient


de l’endoscope.
• Les principales complications de la CPRE sont la pancréatite
aiguë et l’angiocholite.
• En cas d’obstruction biliaire, injection IV de 1  g de ceftriaxone
avant la CPRE.

ANESTHÉSIE POUR IMAGERIE


ET RADIOLOGIE INTERVENTIONNELLE

Produits de contraste

L’injection de produits de contraste iodés (PCI) induit fréquemment


des effets secondaires immédiats à types de flush, de sensation de cha-
leur, de nausées et de vomissements. Ces réactions ne sont pas tou-
jours d’origine allergique, elles peuvent être aussi simplement liées à
l’hyperosmolarité du produit. Leur gravité est variable :
— urticaire, frissons, érythème, fièvre et malaise sont le plus sou-
vent isolés, mais peuvent annoncer des complications sérieuses ;
— hypotension, tachycardie, choc anaphylactoïde, bronchospasme,
œdème de Quincke.
Le traitement des réactions induites par les PCI doit être fonction
des manifestations cliniques. En cas de réaction anaphylactoïde, adré-
naline, antihistaminiques, corticoïdes et remplissage vasculaire s’im-
posent en urgence.
La survenue de réactions aux PCI n’est pas prévisible, cependant
quelques facteurs de risque ont été identifiés : notion de réaction anté-
rieure à un PCI, asthme, terrain atopique (rhinites allergiques, allergies
alimentaires), mais non l’allergie aux poissons ou crustacés (due à des
IgE spécifiques des protéines constitutives des muscles de ceux-ci).
Une prémédication par méthylprednisolone (32 mg) et hydroxyzine
(100 mg) la veille et le matin de l’examen est proposée en cas d’anté-
cédents de réaction ou de terrain atopique. Son efficacité est contestée.
En cas d’antécédents de réactions sévères, la possibilité d’une alter-
native à l’exploration radiologique classique doit être évaluée.
Par ailleurs la prise de certains médicaments interdit l’injection de
produit de contraste (metformine), ceux-ci doivent être arrêtés plu-
sieurs jours avant l’examen radiologique.

Interventions cardiovasculaires non chirurgicales

Le statut médical du patient et ses thérapeutiques en cours doivent


être connus, le patient doit être à jeun lors de l’intervention.
626 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Sauf exception ces interventions se réalisent chez un malade éveillé


soumis à une sédation légère par voie orale quelque temps avant l’exa-
men ou par voie veineuse immédiatement avant l’examen  : midazo-
lam, morphinique.
• Les explorations hémodynamiques et angiographiques se font
sous légère anticoagulation pour éviter la formation de caillots. Les
complications du cathétérisme sont possibles :
— arythmies, liées au passage du cathéter, et disparaissant le plus
souvent à son retrait ;
— bloc auriculo-ventriculaire, le plus souvent sans retentissement
hémodynamique ;
— hématome au point de ponction artérielle chez un malade soumis à
un traitement anticoagulant. Il s’agit d’une complication assez fréquente
de l’ordre de 1 à 2 p. 100 des cas, surtout après angioplastie coronaire ;
— embolie périphérique : cérébrale ou plus rarement dans un autre
territoire vasculaire (cliniquement moins expressif). L’embolie peut
être de nature cruorique, gazeuse ou de matériel athéromateux ;
— l’infarctus du myocarde reste exceptionnel.
• L’angioplastie coronarienne percutanée nécessite une hépari-
nothérapie avant mise en place du cathéter  : 10  000 UI IV, et l’ad-
ministration de trinitrine sublinguale pour éviter le risque de spasme
coronaire. Elle comporte les mêmes complications que l’on peut ren-
contrer au cours de la coronarographie, mais aussi :
— dégât pariétal majeur (dissection étendue) de l’artère due à l’angio-
plastie ;
— occlusion de l’artère, ou d’une branche collatérale, se mani-
festant par un angor, une hypotension, une arythmie. Elle peut être
immédiate, par caillot ou spasme, le traitement en cas de spasme est la
nitroglycérine in situ ; ou différée en général dans les premières 24 h,
et nécessite alors une nouvelle angioplastie immédiate, ou la mise en
place d’une endoprothèse.

Anesthésie pour neuroradiologie

Elle s’effectue dans une structure associant neuroradiologie et neuro-


chirurgie.
Les indications de la neuroradiologie interventionnelle se sont consi-
dérablement accrues, elles regroupent les embolisations et les désobs-
tructions artérielles. La voie d’abord la plus souvent utilisée est l’artère
fémorale, associée à une voie carotidienne ou vertébrale (cathéter
coaxial). La veine fémorale est abordée pour le traitement de certaines
fistules méningées.
• Embolisations : anévrismes intracrâniens, avec mise en place dans
l’anévrisme de spires métalliques (coils) le plus tôt possible après un
ANESTHÉSIE EN DEHORS DU BLOC OPÉRATOIRE 627

accident hémorragique  ; angiomes cérébraux  : séances d’injection de


colle dans le nidus permettant la guérison ou la réduction de l’an-
giome ; fistules méningées et carotido-caverneuses post-traumatiques ;
tumeurs hypervascularisées crânio-encéphaliques, cervico-faciales et
ORL en préopératoire.
• Désobstructions artérielles : par fibrinolyse locale ou angioplas-
tie par sondes à ballonnets (risque d’embolies distales).
• Chimiothérapie intra-artérielle  : l’injection d’antimitotiques
dans les vaisseaux d’une tumeur maligne intracrânienne ou cervico-
faciale peut être associée à une embolisation.

Anesthésie
La consultation d’anesthésie permet l’appréciation des éléments
habituels, mais surtout de l’état neurologique avant le geste. La pré-
médication comprend en règle un anxiolytique ; et pour certains de la
nimodipine (Nimotop®) pour réduire le risque de spasme artériel.
L’unité de neuroradiologie interventionnelle est conçue comme
un bloc opératoire comportant une installation radiologique et un
équipement informatique sophistiqués. L’équipement anesthésique,
respirateur et moniteur, doit être disposé de manière à diminuer les
interférences avec le matériel radiologique, notamment durant les rota-
tions de l’installation mono- ou biplan, et à permettre la surveillance.
La sédation simple est réservée aux actes de très courte durée ou
en cas de nécessité d’un test d’occlusion artérielle. Le plus souvent,
il faut pratiquer une anesthésie générale du fait de la longue durée
des interventions et de la nécessité d’une immobilisation parfaite. Les
principes d’anesthésie sont identiques à ceux recommandés pour les
actes neurochirurgicaux.
La surveillance peranesthésique doit comporter une pression arté-
rielle sanglante lors du traitement des anévrismes. La mise en place
d’un cathéter artériel radial est préférée à l’utilisation de la voie laté-
rale du désilet artériel.
Le sondage vésical est systématique, et l’hypothermie doit être pré-
venue.
Un examen neurologique doit être pratiqué dès le réveil.
La surveillance postopératoire de la pression artérielle est particu-
lièrement importante après le traitement d’un anévrisme.

Problèmes particuliers
• L’antibiothérapie prophylactique n’a pratiquement pas d’indica-
tion car l’asepsie chirurgicale est la règle.
• L’héparinothérapie est systématique pour le traitement des ané-
vrismes :
628 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

— bolus de 1 000 à 5 000 unités, puis perfusion continue de 30 U/


kg/h adaptée au TCA mesuré 30  min après le bolus, puis toutes les
heures. Le TCA doit être de 4 et 6 fois le témoin ;
— arrêt à la fin de l’acte, puis reprise à la 4e heure postopératoire ;
— associée à de l’aspirine : 250 à 500 mg dès le début de l’inter-
vention sauf lorsque l’embolisation d’un anévrisme est pratiquée en
urgence compte tenu du risque important de rupture et de la possibi-
lité d’une intervention neurochirurgicale.
• Variations de la pression artérielle :
— la baisse de la pression artérielle peut être nécessaire pour
contrôler l’effet d’un test d’occlusion : nicardipine, esmolol, labétalol
peuvent être utilisés ;
— l’augmentation de la pression artérielle peut aider à améliorer
la perfusion cérébrale après occlusion vasculaire  : la néosynéphrine
permet cette augmentation de pression.
• Spasme artériel : le spasme carotidien ou vertébral, lié à la pré-
sence du cathéter, régresse le plus souvent en quelques minutes après
son retrait.
• La rupture de la paroi anévrismale, survenant dans 1 p. 100 des
cas, se traduit par une extravasation de produit de contraste. Le traite-
ment doit être immédiat : manœuvres endovasculaires et neutralisation
de l’hypocoagulabilité. Une intervention neurochirurgicale peut être
nécessaire en urgence, son pronostic est mauvais.
• Hémorragie méningée : la prise en charge immédiate dépend de
l’état neurologique qui est évalué selon l’échelle de Hunt et Hess :
— grade I  : asymptomatique ou céphalée mineure et raideur de
nuque minime ;
— grade II  : céphalée modérée à sévère, raideur de nuque, pas de
déficit neurologique autre qu’une parésie d’un nerf crânien ;
— grade III : somnolence, confusion ou déficit neurologique foca-
lisé léger ;
— grade IV  : stupeur, hémiparésie modérée à sévère, avec pos-
sibles réactions de décérébration et de perturbations neurovégétatives ;
— grade V : coma profond, rigidité de décérébration, aspect mori-
bond). Le traitement initial comprend, les mesures de réanimation
si nécessaires, la correction d’une hypovolémie. Le bilan artériogra-
phique est pratiqué sous anesthésie générale. Le traitement endovascu-
laire d’un anévrisme est suivi d’une prévention du spasme vasculaire
par nimodipine 2 mg/h en IV.

Anesthésie pour IRM

L’imagerie magnétique nucléaire génère un champ magnétique qui


interfère avec l’environnement biomédical. Le champ magnétique peut
ANESTHÉSIE EN DEHORS DU BLOC OPÉRATOIRE 629

inhiber ou modifier le fonctionnement d’un pace-maker ou d’un défi-


brillateur interne ou mobiliser des implants métalliques (clip anévris-
mal, valve cardiaque), et mobiliser des objets métalliques à distance.
Les systèmes électroniques des équipements peuvent être perturbés.
L’anesthésie des patients adultes ne concerne que certaines situations
particulières (ex. : patient de réanimation) et nécessite un équipement
adapté à l’IRM (prolongation des circuits pour maintenir les venti-
lateurs à distance, etc.). En dehors des électrodes ECG, les capteurs
(SpO2) sont placés le plus loin possible du champ magnétique. Rem-
placer les seringues électriques par un système dial-a-flow. En cas
d’urgence, extraire le patient hors du champ magnétique pour effec-
tuer l’intubation.

ANESTHÉSIE POUR SISMOTHÉRAPIE

Le traitement consiste à provoquer une crise comitiale généralisée


au moyen d’un courant électrique à administration transcrânienne.
L’anesthésiste doit connaître les effets indésirables des médicaments
pris par le patient, et leurs interactions potentielles avec les produits
anesthésiques :
— antidépresseurs tricycliques : ↑ le risque d’HTA, de troubles du
rythme et de confusion ;
— IMAO : ↑ la durée des crises ;
— lithium  : syndrome confusionnel, ↑ la durée de curarisation
(obtenir une lithiémie ≤ 0,6 mmol/l) ;
— benzodiazépines : ↑ le seuil convulsif (interrompre progressive-
ment le traitement).

Conduite de l’anesthésie

Le cahier des charges de l’anesthésie est :


— une perte rapide de conscience ;
— la prévention de l’hypertension induite par le choc ;
— l’éviction de mouvements convulsifs ;
— une interférence minimale avec l’activité critique ;
— un retour rapide de la ventilation spontanée et de la conscience.
La technique consiste à administrer :
— du propofol (1-1,5 mg/kg) ;
— de la succinylcholine (1 mg/kg).
Si la durée de la phase critique est inférieure à 30 s lors de la pre-
mière séance, l’étomidate (0,15-0,25  mg/kg) devient l’agent d’induc-
tion de choix.
Les opiacés (alfentanil, rémifentanil) permettent de réduire les
doses d’hypnotiques lorsqu’on souhaite augmenter la durée des crises.
630 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Pour éviter les myalgies postcritiques, une prescription préopéra-


toire d’aspirine ou de paracétamol peut être utile, voire d’un AINS
chez les patients jeunes.
En cas de risque élevé de céphalées (antécédent de migraines) on
peut donner un tryptan en prémédication ou du propanolol.
Les séances de sismothérapie se répètent au nombre de 3-4 par
semaine pendant 3 à 4 semaines. Les patients ne sont pas intubés sauf
en cas d’estomac plein ou de grossesse. Il faut toutefois prévoir la
mise en place d’une canule de Guedel ou de compresses roulées pour
éviter les morsures de langues.
Pour monitorer l’activité critique soit on dispose d’un EEG et d’un
EMG soit on utilise la technique de l’avant-bras isolé par un garrot
(avant l’injection de curare).

Indications d’un traitement par électroconvulsivothérapie


(ECT)

Les dépressions majeures résistantes au traitement médical restent


l’indication majeure. Cependant l’ECT est également un traitement
efficace et utile dans ces indications :
— les états maniaques aigus, ou les exacerbations symptomatiques
schizophréniques lorsque l’agitation est mal contrôlée par les théra-
peutiques médicamenteuses ;
— les troubles de l’humeur sévères concomitants à des pathologies
somatiques (démence, maladie de Parkinson…).

Contre-indications

L’hypertension intracrânienne est une contre-indication absolue


du fait du risque d’engagement cérébral, par élévation de la pression
intracrânienne lors de la crise convulsive provoquée par l’ECT.
Les contre-indications relatives relèvent de l’appréciation du rap-
port bénéfice/risque :
— risques inhérents à l’anesthésie et à la curarisation, cardiovascu-
laire, respiratoire, allergique ;
— lésions expansives intracrâniennes sans hypertension intracrâ-
nienne, proximité d’un épisode d’hémorragie cérébrale ;
— infarctus du myocarde récent ou maladie emboligène, prise
d’anticoagulant ;
— anévrismes ou malformations vasculaires à risque hémorragique ;
— décollement de la rétine ;
— phéochromocytome ;
— traitement antérieur par ECT inefficace ou ayant eu des effets
secondaires graves.
ANESTHÉSIE EN DEHORS DU BLOC OPÉRATOIRE 631

La grossesse n’est pas une contre-indication, mais justifiera une


consultation et une surveillance obstétricale, voire la présence d’un
obstétricien lors des séances d’ECT.

Risques et effets indésirables de l’ECT

• Mortalité : 1/10 000, morbidité : 1 /1 400.


• Bradycardie et hypotension transitoire (stimulation vagale cen-
trale), et secondairement tachycardie sinusale et hypertension artérielle
(relargage de catécholamines). Des arythmies cardiaques peuvent sur-
venir et disparaissent en général sans séquelles.
• Traumatisme dentaire, luxation ou fracture  ; brûlure cutanée au
niveau des électrodes.
• Paralysie des nerfs périphériques, état de mal épileptique.
• Complications liées à l’anesthésie : laryngospasme, apnée prolongée.
• État confusionnel et troubles mnésiques au réveil, fréquents géné-
ralement transitoires (midazolam 0,5-1 mg IV).

ANESTHÉSIE POUR LITHOTRITIE EXTRACORPORELLE

Définition
La lithotritie extracorporelle (LEC) consiste en la destruction in
situ de calculs des voies urinaires supérieures par des ondes de choc
produites par un générateur externe. Ces ondes sont focalisées sur le
calcul en transcutané par repérage radiologique ou échographique, et
transmises au rein par immersion partielle du corps dans l’eau ou par
une poche aqueuse au contact de la région lombaire (simple coussin
rempli d’eau dans la plupart des machines).
Le traitement nécessite l’immobilité parfaite du patient pour facili-
ter le repérage.
Une séance de LEC dure 30 à 90 min, les fragments s’éliminent par
voie naturelle.

Avant la lithotritie

Les urines du patient doivent être stériles, et les patients chroni-


quement infectés (infections à Proteus) préalablement traités par une
antibiothérapie efficace.
Les traitements anticoagulants éventuels doivent avoir été interrom-
pus, et remplacés par des traitements de demi-vie courte, arrêtés suffi-
samment avant l’examen.
En cas de pace-maker, vérification préalable.
632 ANESTHÉSIE SELON L’ACTE

Anesthésie

La lithotritie extracorporelle se pratique en ambulatoire (sauf en


pédiatrie).
Selon le type de générateur, la LEC peut être réalisée sans ou avec
anesthésie. Les lithotriteurs de première génération entraînent suffi-
samment de douleurs pour nécessiter une anesthésie, tandis qu’avec
les machines de dernière génération, une sédation analgésique suffit
(voire est inutile), car les niveaux d’énergie sont plus faibles. Propofol
ou midazolam à doses faibles, associés à un morphinique de demi-vie
courte (alfentanil) peuvent être utilisés dans ce cas.
L’anesthésie générale reste indiquée chez l’enfant et doit être induite
en dehors du lithotriteur. Elle nécessite une intubation trachéale, mais
le patient peut être laissé en ventilation spontanée.
Les appareils électroniques de monitorage doivent être parfaitement
isolés électriquement.
Les calculs coralliformes sont le plus souvent infectés et nécessitent
une antibiothérapie pré-, per- et postopératoire.

Contre-indications

• Absolues :
— grossesse ;
— anticoagulation en cours, prise d’aspirine, troubles de la coagu-
lation persistants ;
— anévrisme aortique ou rénal.
• Relatives :
— présence d’un pace-maker (selon le type de machine) ;
— obésité ;
— calcul obstructif s’accompagnant de fièvre ;
— obstruction de l’uretère en aval.

Complications

• Hématurie macroscopique systématique après lithotritie. Persiste


en général 12 à 24 h.
• Colique néphrétique : 5 à 10 p. 100. En cas de persistance malgré
les antispasmodiques, indication de la pose d’une sonde JJ.
• Hématomes rénaux : 0,1 p. 100.
• Malgré le couplage du lithotriteur à l’ECG, le risque de troubles
du rythme supraventriculaire et ventriculaire persiste  ; ainsi que le
risque de dérèglement d’un éventuel pace-maker, dont la vérification
sera systématique après la séance.
ANESTHÉSIE EN DEHORS DU BLOC OPÉRATOIRE 633

Autres indications de la LEC

À partir de l’urologie, le procédé a évolué au cours de ces douze


dernières années, vers la rhumatologie et l’orthopédie. La LEC en
rhumatologie est l’application d’ondes de choc aux tissus mous péri-
osseux à des fins thérapeutiques. Elle constitue une solution thérapeu-
tique alternative après l’échec de moyens médicaux bien conduits et
en dehors d’une indication chirurgicale. Les tendinopathies évoluant
sur un mode chronique en sont un exemple typique. Il n’y pas de
sédation contrairement à l’urologie, une anesthésie locale à la xylo-
caïne est nécessaire parfois suivant la localisation (épicondylite laté-
rale, épaule, voire tendon achilléen). La présence de l’anesthésiste
n’est pas nécessaire, et outre les contre-indications habituelles de la
LEC en urologie, cette technique est contre-indiquée aux patients por-
teurs de pace-makers, par précaution.

POUR EN SAVOIR PLUS

Steib A, Boet S, Rozov R, Rothgerber JC. Anesthésie pour endoscopie diges-


tive. Conférences d’actualisation de la SFAR. Paris, Elsevier, 2007 : 355-64.
Steib A, Collange O. Anesthésie en dehors du bloc opératoire. Paris, Elsevier,
2008 : 281-93.
PRISE EN CHARGE
POSTOPÉRATOIRE
Chapitre 31

Surveillance
post-interventionnelle
F. Bonnet

Si la morbi-mortalité de l’anesthésie elle-même est extrêmement


faible, la période postopératoire est sujette à une morbidité plus
importante qui justifie une surveillance dédiée des patients au décours
de l’anesthésie dans des unités spécialisées dénommées  : salles de
surveillance post-interventionnelles (SSPI). Ces unités réunissent
les conditions d’une densité de personnel soignant importante, de la
proximité des blocs opératoires et de la disposition d’un matériel bio-
médical permettant un monitorage serré des patients. Le passage des
patients anesthésiés par une SSPI est prévu réglementairement par le
décret « sécurité en anesthésie » du 5 décembre 2004.

ORGANISATION DES SSPI

Les SSPI sont organisées à proximité des blocs opératoires. Le nombre


d’emplacements est déterminé par le nombre de salles d’intervention. Il
est de 1,5 pour les conditions habituelles de la chirurgie. Lorsque les
interventions sont de courte durée comme en chirurgie pédiatrique ou en
chirurgie ambulatoire, le nombre d’emplacement est porté à 2 par salle
d’intervention. Le nombre de soignants est également important et le
personnel doit être dédié à la SSPI à l’exclusion de toute autre tâche. La
densité est d’une infirmière pour 4 emplacements. L’activité d’une SSPI
fluctue avec le programme opératoire et présente au cours des 24 h des
périodes de pointe et des périodes « creuses » au cours desquelles il faut
adapter les densités de personnel soignant. Un soignant ne peut cepen-
dant travailler seul en SSPI, il faut toujours prévoir au minimum 2 per-
sonnes. Le fonctionnement optimisé d’une SSPI impose un dégagement
rapide par un brancardage efficace et réactif des patients.
638 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

TRANSPORT ET EXTUBATION DES PATIENTS

Le transport des patients depuis la salle d’intervention jusqu’en


SSPI doit être monitoré (scope, SpO2, pression artérielle). Le lieu
idéal d’extubation d’un patient, lorsque ce geste est prévu en fin
d’anesthésie, est la salle d’intervention. Au passage, il est important
de souligner que l’extubation doit être effectuée sous couvert de l’en-
semble du monitorage installé pendant l’intervention et non pas après
avoir ôté ce monitorage comme c’est malheureusement d’observation
courante. En effet, l’extubation et les minutes qui suivent constituent
un moment aussi critique que la période d’intubation. L’extubation
est suivie d’une ventilation spontanée au masque dans une atmos-
phère enrichie en O2. Durant le transport, un système d’assistance
manuelle de la ventilation au masque doit accompagner le patient
ainsi qu’une source en oxygène. De plus la mobilisation du patient
depuis la table d’opération vers un chariot de transport ou du chariot
vers le lit occupé en SSPI sont des moments délicats, à risque pour le
patient (par exemple à risque d’arrêt cardiaque chez un patient sous
rachianesthésie et hypovolémique…). Cette mobilisation doit être
coordonnée impérativement par le médecin anesthésiste. Le person-
nel requis doit être en nombre suffisant pour laisser au médecin anes-
thésiste toute possibilité d’intervention sur une complication le cas
échéant, sans être occupé par une autre tâche. L’extubation peut se
faire en SSPI. Les conditions de l’extubation en SSPI sont les mêmes
que dans une salle d’intervention :
— décurarisation complète (T4/T1 > 90 p. 100) ;
— autonomie de la ventilation spontanée ;
— récupération d’un état de conscience satisfaisant avec réponse à
la commande verbale ;
— absence de problème hémodynamique et de désaturation arté-
rielle en oxygène.
Le monitorage doit rester en place au moment de l’extubation.
L’extubation se fait sous la responsabilité d’un médecin anesthé-
siste qui doit garder la possibilité d’intervenir immédiatement en
cas de problème. En postopératoire immédiat après extubation,
il est recommandé d’assurer un enrichissement des gaz inspirés
en oxygène (ventilation spontanée sur masque facial ou lunettes
nasales).

MONITORAGE EN SSPI

Tous les patients placés en SSPI doivent être monitorés, le monito-


rage minimum incluant une mesure non invasive de la pression arté-
rielle, un scope et une mesure continue de la SpO2. Les patients en
SURVEILLANCE POST-INTERVENTIONNELLE 639

ventilation contrôlée doivent bénéficier d’un monitorage adapté (para-


mètres ventilatoires : fréquence, volume courant, capnographie, FiO2,
pression et mode ventilatoire). Les autres éléments de surveillance
intermittente mais rapprochée, sont : la diurèse, la température, le sai-
gnement, les drains, l’intensité de la douleur (EVA), la sensibilité et la
motricité en cas d’anesthésie locorégionale.
Toutes les prescriptions faites en SSPI doivent être écrites par le
médecin et non indiquées uniquement oralement. Si des examens ont
été prescrits (taux d’hémoglobine, radiographie du thorax…), leur
résultat doit être connu avant la sortie du patient.
Tous les patients hypothermiques doivent faire l’objet d’un réchauf-
fement par matelas à air pulsé.
Un des premiers problèmes que doivent prendre en charge les
soignants est la sédation de la douleur. Celle-ci se fait souvent par
administration de morphine intraveineuse titrée selon des abaques pré-
établis incluant la surveillance (exemple morphine bolus IV : 2 mg si
EVA > 40, surveillance de l’EVA toutes les 5  min et nouveau bolus
toutes les 5-7 min jusqu’à obtention d’une EVA < 30).
La surveillance accompagne les patients jusqu’à la récupération
de critères d’autonomie qui permettent la sortie vers les services de
chirurgie. Les patients qui sont dirigés vers une unité de réanimation
ne requièrent pas bien entendu ces critères de sortie. Un patient peut
quitter la SSPI et regagner son unité de chirurgie (ou la salle de repos
dans le cadre d’une unité ambulatoire) si :
— son état hémodynamique est stable ;
— sa température est normale ;
— il est conscient et orienté ;
— il n’est pas algique ;
— il ne présente pas de déficit moteur ou sensitif des membres ;
— il est capable d’uriner ;
— il ne présente pas de complication chirurgicale (saignement).
Ces différents points doivent faire l’objet d’une évaluation systé-
matique avant de délivrer l’autorisation de sortie. Celle-ci est établie
par un médecin anesthésiste qui appose sa signature sur un document
prévu à cet effet.

COMPLICATIONS EN SSPI 

• Détresse respiratoire dont les causes les plus fréquentes sont  :


curarisation résiduelle, surdosage en morphinique, inhalation, état de
choc, pneumothorax.
• Syndrome confusionnel notamment chez les patients âgés, dont
les causes peuvent être  : douleur, hypoxémie, hypotension, adminis-
tration d’atropine, rétention aigüe d’urines, hyponatrémie…
640 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

• Nausées et vomissements (voir Chapitre 32, Nausées et vomisse-


ments postopératoires).
• Rétention aiguë d’urines favorisée par la durée de la chirurgie, la
localisation (périnéale), le volume des perfusions, l’état antérieur du
patient (adénome prostatique). Le diagnostic est fait par échographie
(Bladderscan®). La miction est l’un des critères de sortie de salle de
réveil, mais il n’est pas toujours exigible. Si le patient n’a pas uriné en
SSPI, ce point devrait être signalé et le contrôle de la miction devrait
être fait dans les 12 h.
• Hypotension, bradycardie, état de choc de causes multiples.
Chapitre 32

Nausées et vomissements
postopératoires
M. Dupont

Les nausées et vomissements postopératoires (NVPO) sont des effets


secondaires de l’anesthésie très fréquents et restent un problème pour
les patients et les anesthésistes. En effet, ils sont, pour de nombreux
patients, l’évènement le plus déplaisant de l’hospitalisation.

Incidence

En l’absence de prévention, un tiers des patients opérés subissent


des NVPO qui surviennent pour moitié dans les 6 heures après la fin
de l’anesthésie.

Conséquences

Outre l’inconfort, les vomissements peuvent être source d’inhala-


tion, de lâchage de suture, de rupture de l’œsophage, de syndrome de
Mallory-Weiss, d’emphysème sous-cutané, et de pneumothorax. Heu-
reusement ces incidents graves sont rares.
En revanche les NVPO prolongent le séjour en SSPI et sont facteurs
d’hospitalisation en chirurgie ambulatoire.
Le coût de ce problème est relativement élevé compte tenu de la
fréquence.

Facteurs de risque (tableau 32-I)

Les facteurs démontrés de risque de NVPO sont les suivants :


642 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

Tableau 32-I Score de prédiction des NVPO

Facteurs de risque Score d’Apfel Score de Koivuranta


Sexe féminin + +
Antécedent de NVPO + +
ou de mal des transports
+
Non-fumeur + +
Morphiniques post-opératoires + -
Durée d’anesthésie > 60 min % +

Nombre de facteurs Risque de NVPO en %


0 < 10 17
1 21 18
2 39 42
3 61 54
4 79 74
5 87

• Facteurs liés au patient :


— sexe féminin ;
— fait d’être non-fumeur ;
— enfants et adolescents ;
— antécédents de NVPO ;
— antécédents de mal des transports.
• Facteurs liés à la chirurgie :
— ophtalmologie (chirurgie du strabisme) ;
— cœlioscopie (gynécologique et digestive) ;
— ORL (chirurgie de l’oreille interne) ;
— chirurgie de la tête et du cou ;
— chirurgie de longue durée.
• Facteurs liés à l’anesthésie :
• protoxyde d’azote ;
• halogénés ;
• hypotension ;
• opiacés (relation dose-effet).
NAUSÉES ET VOMISSEMENTS POSTOPÉRATOIRES 643

Prévention

La prévention dépend du nombre de facteurs de risque. Les agents


ayant une activité préventive démontrée sont :
— la dexaméthasone (4-8 mg IV à l’induction) ;
— le dropéridol (0,625-1,25 mg IV en fin d’intervention) ;
— les sétrons (inhibiteurs des récepteurs SHT-3) ; ex. : odansétron
4 mg en fin d’intervention ;
— le propofol en anesthésie intraveineuse totale ;
— l’éviction du protoxyde d’azote.
Chacune de ces interventions réduit entre 10 p. 100 et 25 p. 100 la
fréquence des NVPO. En fonction du nombre de facteurs de risque on
peut stratifier les mesures préventives :
• 0-1 facteur de risque → pas de prévention ;
• 2 facteurs de risque → dexaméthasone + un autre antiémétique ;
• 3-4 facteurs de risque → réduction du risque (propofol, pas de
protoxyde d’azote) ; dexaméthasone + 1 autre antiémétique.
La mise en place d’une sonde gastrique ne prévient pas les nausées
et augmente le risque de pneumopathie d’inhalation.

Traitement

Les traitements actifs sont :


— odansétron 4 mg IV ;
— dropéridol 1,25-2,5 mg IV ;
— dexaméthasone 4-8 mg IV.
Les sétrons antagonisent l’effet analgésique du tramadol. Le dro-
péridol est contre-indiqué en cas de syndrome de QT long. La dexa-
méthasone possède également un effet d’épargne morphinique. Le
métoclopramide est inefficace.

Conclusion
La physiopathologie des NVPO est multifactorielle.
Leur prévention et leur traitement doivent être un souci permanent
pour les anesthésistes.
Il convient de prévoir une stratégie anti-NVPO dès la consultation
d’anesthésie.

POUR EN SAVOIR PLUS

Prise en charge des nausées et vomissements postopératoires. Conférence d’ex-


perts. Coordination P. Diemunsch. www.sfar.org/
Chapitre 33

Rétention aiguë d’urine


postopératoire
M. Dupont

Les troubles mictionnels, et notamment l’incapacité d’uriner, peuvent


être source de douleur, d’agitation, de confusion, d’hypertension arté-
rielle et finalement de retard à la sortie de SSPI.
À long terme, la surdistention vésicale, même transitoire, peut être
responsable de troubles urinaires par altération de la contraction du
détrusor.

Définition

La rétention aiguë d’urine se définit comme une impossibilité d’uri-


ner malgré une distension vésicale. L’incidence est variable (jusqu’à
50 p. 100).
L’évaluation clinique du contenu vésical est difficile, en effet la pal-
pation sus-pubienne sous-évalue le volume vésical.
La méthode de référence pour mesurer le contenu vésical était
la cathétérisation vésicale, cependant c’est un geste désagréable et
source de bactériémie.
L’échographie vésicale portable (Bladderscan®) permet actuelle-
ment d’évaluer le volume vésical avec précision.

Facteurs de risque liés au patient

• Âge supérieur à 60 ans.


• Antécédents de troubles mictionnels.
• Sexe masculin.
• Volume vésical préopératoire important.
RÉTENTION AIGUË D’URINE POSTOPÉRATOIRE 645

Facteurs de risque non liés au patient (tableau 33-I)

• Remplissage peropératoire supérieur à 1 000 ml.


• Anesthésie médullaire (anesthésiques locaux de longue durée
d’action, morphiniques, remplissage vasculaire important).
• Durée de la chirurgie supérieure à 120 minutes (remplissage vas-
culaire important, morphiniques).
• Chirurgie inguinale et anorectale.

Conséquences

Un épisode prolongé de rétention d’urine semble prédisposer à


une dysfonction vésicale postopératoire et des lésions persistantes du
détrusor.

Tableau 33-I Effets des agents de l’anesthésie sur la miction

Nom Action Remarques


Curare Aucune
Halogéné Aucune
N2O Aucune
Barbiturique Blocage du réflexe mictionnel
Kétamine Blocage du réflexe mictionnel
Morphiniques Diminue les contractions Voie médullaire,
du détrusor morphine+++
Paracétamol Aucune
Tramadol Aucune
AINS Aucune
Catapressan Relâche le col vésical
Néfopam Inhibe les contractions Contre-indiqué si trouble
du détrusor vésico-prostatique
Atropine Diminue les contractions
vésicales
Éphédrine Augmente le tonus urétral
646 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

Prévention

Aucun médicament n’a prouvé son efficacité pour prévenir ou


lever la rétention aiguë d’urine déjà présente. Cependant, quelques
consignes sont à suivre :
— conseiller au patient d’uriner avant le passage au bloc opéra-
toire ;
— prévoir un sondage préventif en cas de chirurgie de longue
durée ;
— en peropératoire, il convient de limiter le remplissage vasculaire
lors d’anesthésie médullaire et d’anesthésie générale de longue durée ;
— en SSPI, il faut vérifier le retour à la capacité d’uriner, recher-
cher un globe vésical et notamment en cas de rachianesthésie, s’assu-
rer de la récupération de la sensibilité des territoires sacrés.

Traitement

Le seul traitement actuel est le sondage évacuateur.

Conclusion

La rétention aiguë d’urine est un incident bénin mais relativement


fréquent en salle de réveil, qu’il convient de rechercher devant des
douleurs abdominales non calmées par les antalgiques, devant des épi-
sodes de confusion ou d’agitation.
Chapitre 34

Prise en charge de la douleur


postopératoire
C. Rémy

La douleur postopératoire doit être considérée comme un effet indé-


sirable et attendu de la chirurgie, de sorte qu’une analgésie efficace
apparaît comme un bénéfice clinique indiscutable. L’anesthésiste est le
principal prescripteur de l’antalgie postopératoire. Il doit s’efforcer de
faire un choix raisonné de la technique et de la surveillance de l’anal-
gésie adaptée à chaque patient. La prise en charge est ensuite multidis-
ciplinaire et nécessite des protocoles consensuels de l’équipe soignante.

JUSTIFICATION D’UN TRAITEMENT


ANTALGIQUE POSTOPÉRATOIRE

Il est encore difficile actuellement de différencier clairement vis-à-


vis de la morbidité postopératoire, ce qui revient respectivement à la
douleur, à la technique analgésique et à l’acte chirurgical. Les don-
nées actuelles ne mettent pas en évidence un retentissement majeur
de la douleur postopératoire sur les grandes fonctions vitales de l’or-
ganisme, cependant la douleur est à l’origine de perturbations hémo-
dynamiques postopératoires qui pourraient être responsables d’une
augmentation de la morbidité cardiovasculaire chez des patients à
risque, opérés de chirurgies majeures.
D’autre part, les douleurs postopératoires gênent la mobilisation, les
premiers pansements et la mise en œuvre des soins de rééducation.
La prise en charge de la douleur doit être considérée comme indis-
pensable au confort physique et psychique du patient, pour simplifier
son retour à une autonomie complète.
648 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

À plus long terme, une prise en charge optimale de la douleur pos-


topératoire pourrait éviter l’évolution vers une pathologie douloureuse
chronique car une relation entre l’intensité de la douleur postopéra-
toire et la survenue de douleurs chroniques est démontrée.

COMMENT ÉVALUER LA DOULEUR


POSTOPÉRATOIRE ?

Chez l’adulte et l’enfant de plus de 5 ans, l’évaluation par le patient


(auto-évaluation) doit être la règle chaque fois que possible.
• Les méthodes unidimensionnelles, qui ne quantifient que l’inten-
sité douloureuse, sont des méthodes simples, faciles à utiliser et à pré-
senter au malade, rapides, reproductibles, validées, et peu coûteuses :
— l’échelle visuelle analogique (EVA) est l’outil de référence
(figure  34-1). Elle se présente sous la forme d’une réglette compor-
tant une face patient et une face évaluateur, sur laquelle la ligne est
graduée de 0 à 100 mm. Une valeur d’EVA inférieure à 30 mm corres-
pond à une douleur faible, une valeur entre 30 et 60 mm à une douleur
modérée, une valeur supérieure à 60 mm à une douleur forte à intense.
10 p. 100 des patients ne peuvent pas utiliser l’EVA ;
— l’échelle numérique est aussi une valeur fiable. Le patient choi-
sit un chiffre de 0 (pas de douleur) à 10 (la pire douleur imaginable) ;
— l’échelle verbale simple est une échelle catégorielle. Par
exemple : douleur absente = 0, faible = 1, modérée = 2, intense = 3.
La consommation d’antalgiques peut constituer un indice indirect
de la douleur postopératoire. De même, le comportement du patient
lorsque celui-ci ne peut pas communiquer est un indicateur qu’il faut
savoir interpréter.
• Une approche multidimensionnelle est nécessaire chez l’enfant
de moins de 5 ans.

Pas de douleur Douleur maximale


imaginable
Face
patient

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Face
évaluateur

Figure 34-1 Échelle visuelle analogique.


PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR POSTOPÉRATOIRE 649

Tableau 34-I L’échelle CHEOPS

Critère Comportements observés Score


Cris, pleurs Absents 1
Gémissements, pleurs 2
Cri vigoureux, sanglots 3
Expression du visage Sourire, faciès résolument positif 0
Faciès neutre, expressivité nulle 1
Grimaces, faciès résolument négatif 2
Verbalisation L’enfant parle et ne se plaint de rien 0
Nulle : l’enfant ne parle pas 1
L’enfant se plaint mais pas de souffrir 1
L’enfant se plaint de souffrir 2
Attitude corporelle Corps au repos 1
Agitation, mouvements désordonnés, rigidité 2
Enfant debout dans son lit 2
Désir de toucher Non 1
la plaie Oui 2
Membres inférieurs Au repos ou rares mouvements 1
Mouvements incessants, coups de pied 2
Se met debout, s’accroupit ou s’agenouille 2

Les scores comportementaux les plus utilisés sont :


— l’échelle CHEOPS (Children’s Hospital of Eastern Ontario
Pain Scale) (tableau 34-I) ;
— l’OPDS (Objective Pain-Discomfort Scale) (voir tableau 28-XIV).

QUAND ÉVALUER LA DOULEUR


POSTOPÉRATOIRE ?

• En SSPI, l’évaluation de la douleur doit être systématique, par un


personnel soignant préalablement formé, et les données recueillies par
écrit sur la feuille de surveillance du patient. Le patient ne doit quitter
la SSPI que s’il présente un score de douleur limité à une valeur faible
préalablement définie (ex. : EVA < 30 mm).
650 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

• En salle d’hospitalisation, les soignants, incluant kinésithérapeute et


aide-soignant, doivent aussi bénéficier d’une formation sur les méthodes
d’évaluation afin d’uniformiser les pratiques. L’évaluation doit être répétée
et régulière, faite en situation de repos, mais aussi en situation dynamique
(toux, mobilisation, kinésithérapie respiratoire et motrice). Les informa-
tions sur la douleur doivent être consignées dans un document accessible
à tous les intervenants impliqués dans la prise en charge du patient.
• En cas de chirurgie ambulatoire, le patient ne sera autorisé à
quitter le secteur d’hospitalisation que s’il présente un score de douleur
limité à une valeur faible préalablement définie (ex. : EVA < 30 mm).

COMMENT PRÉVOIR LA DOULEUR


POSTOPÉRATOIRE ?

Certaines chirurgies sont réputées plus douloureuses que d’autres, et


justifient un traitement antalgique puissant d’emblée (tableau  34-II).
Cependant l’évolution vers des techniques moins invasives s’accom-
pagne d’une réduction de l’intensité douloureuse et donc d’une modi-
fication de la stratégie de prise en charge de la DPO.
D’autre part, l’intensité initiale de la douleur ne préjuge pas de son
évolution. Dans un certain nombre de circonstances, la majoration
secondaire et attendue de la douleur peut nécessiter une ré-intensifica-
tion de la prise en charge analgésique.

MOYENS DE PRÉVENTION
DE LA DOULEUR POSTOPÉRATOIRE

L’apparition de la douleur postopératoire doit être prévenue par


diverses mesures anesthésiques et chirurgicales.
Les mesures préventives générales associent :
— la préparation psychologique à l’intervention par chirurgiens et
anesthésistes (↓ anxiété) ;
— la chirurgie vidéo-assistée si elle est possible. Celle-ci a un
bénéfice démontré sur la douleur postopératoire en chirurgie abdomi-
nale et thoracique ;
— la prévention des douleurs inutiles : anesthésie locale de contact,
pas de sondage ni drainage inutile.
La prescription d’agents antalgiques s’intègre aujourd’hui dans
une stratégie d’analgésie multimodale, visant à limiter l’intensité de
PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR POSTOPÉRATOIRE 651

Tableau 34-II Intensité et durée de la douleur postopératoire en fonction du


type de chirurgie

Durée inférieure Durée supérieure


à 48 heures à 48 heures
Douleur Adénomectomie prostatique Chirurgie abdominale sus-
forte (voie haute) et sous-mésocolique
Hystérectomie (voie abdominale) Œsophagectomie
Césarienne Hémorroïdectomie
Thoracotomie
Chirurgie vasculaire
Chirurgie rénale
Chirurgie articulaire
(sauf hanche)
Rachis (fixation)
Amygdalectomie chez l’adulte
Douleur Appendicectomie Chirurgie cardiaque
modérée Hernie inguinale Hanche
Vidéo-chirurgie thoracique Chirurgie ORL (larynx,
Hystérectomie vaginale pharynx)
Chirurgie gynécologique mineure
Cœlioscopie gynécologique
Mastectomie
Hernie discale
Thyroïdectomie
Neurochirurgie
Douleur Cholécystectomie cœlioscopique
faible Résection transurétrale
de la prostate
Chirurgie urologique mineure
Circoncision
IVG/curetage
Chirurgie ophtalmologique

la douleur postopératoire. Les prescriptions doivent tenir compte de la


voie d’administration et de la pharmacocinétique des agents utilisés.
L’administration de paracétamol, d’anti-inflammatoires non stéroï-
diens, les infiltrations pariétales ainsi que les blocs tronculaires, réali-
sés avant la fin de l’acte chirurgical, ont une efficacité documentée sur
les scores de douleur postopératoire.
652 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

ANALGÉSIE PAR VOIE GÉNÉRALE

Pour tous les agents, l’administration systématique suivant un pro-


tocole préétabli est préférable à une administration à la demande.
La stratégie globale consiste à administrer les antalgiques non opia-
cés en première intention et de façon systématique. Les opiacés sont
considérés comme des antalgiques de secours quel que soit leur mode
d’administration (PCA, IV, titration). En effet les opiacés favorisent le
développement d’une hyperalgésie postopératoire qui elle-même aug-
mente les besoins en antalgiques.
Les principaux agents analgésiques sont indiqués au tableau 34-III.

Tableau  34-III Principaux analgésiques par voie générale utilisables en pra-


tique clinique

Non opioïdes
Paracétamol PO 1 g toutes les 6 h Dose toxique : 8-10 g
(Dafalgan®) Cp 500 mg ≤ 4 g/24 h en 1 prise, atteinte
des fonctions
Paracétamol IVL 15 min 1 g × 4/24 h hépatiques
injectable ≤ 4 g/24 h Effets indésirables
(Perfalgan®) allergiques : rash
cutané
Néfopam IVL lente 20 mg × 4/24 h Effets indésirables :
(Acupan®) 40 min Nausées, vomissements,
Amp 20 mg somnolence
Effets atropiniques
AINS
Ibuprofène PO 400 mg × 3/24 h Effets indésirables :
(Brufen®) Cp 400 mg ulcération
gastrique, syndrome
hémorragique
Kétoprofène Gél 50 mg 100 mg × 3/24 h Effets indésirables :
PO Cp 100 mg Puis 50 mg × – antiagrégant
(Profénid®) 3/24 h – troubles digestifs :
Kétoprofène IV Fl 100 mg 100 mg : 1 à 3 × gastralgies,
/24 h dyspepsie,
(Profénid®) IVL 20 min hémorragie
Maxi 48 h
– allergies
– insuffisance rénale,
rétention hydro-
sodée
PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR POSTOPÉRATOIRE 653

Tableau  34-III Principaux analgésiques par voie générale utilisables en pra-


tique clinique (suite)

Celecoxib PO Prémédication Pas d’effet sur


(Celebrex®) 100 mg l’hémostase
200 mg Pas de toxicité
gastrique ou aiguë
Insuffisance rénale
CI en chirurgie
cardiovasculaire
Opioïdes faibles
Codéine (C)
Efferalgan Cp eff : 1 à 2 cp/j,
codéiné® C30 mg/ > 4 h entre
(C)/paracétamol P500 mg les prises
1 à 3 prises/24 h
Tramadol
Tramadol Gél 50, 100 mg 1 à 2 gél/4 à Sujet âgé : 50 mg ×
(Topalgic®) Cp LP : 100, 6 h, max 2/24 h
150 mg 400 mg/24 h Nausées vomissements
Amp : 50 mg Ne pas associer avec
morphiniques
Nalbuphine Amp 20 mg Enfant : 0,2 mg/ Effets secondaires
Nubain® 20 mg SC (dl+), IM, kg, des morphiniques
= IV 4 à 6 ×/j Ne pas associer
Éq 10 mg > 15 ans : avec morphino+
morph. 0,3 mg/kg
Opioïdes forts
Morphine
Morphine IV Amp : 0,02 à 0,05 mg/ Effets indésirables
1 mg/ml kg, à morphiniques :
renouveler – nausées,
10 mg/ml
Morphine SC 0,08 à 0,2 mg/ vomissements
kg, 4 à 6 ×/j – rétention urinaire,
constipation
Morphine Cp 10, 20 mg Action brève : – sédation
orale : Sol buvable : 4h
– prurit
Actiskénan 10 mg/10 ml Dl durée limitée
– dépression
Sévrédol® respiratoire
Antidote : naloxone
654 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

Analgésiques non morphiniques

Chirurgie de surface peu douloureuse, ou lorsqu’une autre tech-


nique ne peut être réalisée.

Paracétamol
C’est un inhibiteur des cyclo-oxygénases (enzymes qui dégradent
l’acide arachidomique pour former des prostaglandines) agissant prin-
cipalement au niveau central.
Il est efficace sur les douleurs d’intensité faible à moyenne, mais sa
pharmacocinétique impose une anticipation de la prescription. Il doit
être donné à posologie suffisante (60 mg ⋅ kg ⋅ j–l per os en 3 à 4 prises
chez l’enfant, 1 g/6 h chez l’adulte). La prescription de la forme intra-
veineuse doit également anticiper la survenue de la douleur et n’a pas
d’avantage prouvé par rapport à la voie orale. Par voie rectale, la bio-
disponibilité est moins bonne (30  p.  100) et beaucoup moins prévi-
sible que par voie orale (80 p. 100) ou parentérale.

Néfopam (Acupan®)
C’est un antalgique de palier I, dont la puissance est 30 à 40 p. 100
celle de la morphine. Il inhibe la recapture des monoamines au niveau
central. En monothérapie, il convient pour les douleurs faibles à
modérées (EVA 30 à 60  mm); pour les chirurgies douloureuses qui
nécessitent des antalgiques plus puissants, le bénéfice de son associa-
tion reste à démontrer. La posologie est 20  mg IV lent sur 40  min à
renouveler toutes les 6  h. S’il est perfusé trop vite, le risque d’effets
indésirables est important :
— atropiniques  : tachycardie, palpitations, sécheresse buccale,
mydriase, rétention urinaire ;
— nausées, vomissements, sueurs profuses ;
— effets «  centraux  »  : confusion, hallucinations, vertiges, cépha-
lées, convulsions.
Le néfopam est à éviter en cas d’insuffisance rénale, hépatocellu-
laire sévère, ou coronaire. Il est contre-indiqué en cas d’antécédents
de convulsions, de troubles uréthro-prostatiques et de glaucome à
angle fermé.

Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)


Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont des inhibiteurs
des cyclo-oxygénases (COX) 1 et 2. Ils empêchent la synthèse des
prostaglandines qui ont un rôle pro-nociceptif. Les AINS ont un effet
analgésique propre et un effet d’épargne morphinique (30-50 p. 100)
PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR POSTOPÉRATOIRE 655

en prescription conjointe. Ils permettent ainsi de réduire l’incidence


des effets secondaires des morphiniques (nausées, vomissements,
sédation, rétention d’urines…). Les AINS sont des anti-agrégants, ils
augmentent le risque de saignement dans certaines chirurgies (ORL,
gynécologie). Ils augmentent également le risque d’insuffisance rénale
aiguë (chirurgie vasculaire). Ils sont contre-indiqués en cas d’an-
técédents d’ulcère gastroduodénal. Leur efficacité analgésique est
documentée pour différentes interventions chirurgicales (orthopédie,
chirurgie viscérale, stomatologie). Le kétoprofène (Profénid®) est le
seul AINS disponible en France par voie veineuse (150-200 mg 4 h).
La prescription des AINS doit être considérée avec prudence chez les
sujets âgés et limitée dans le temps.

Autres agents : les agents antihyperalgésiques


Ces agents ont peu ou pas d’effet analgésique immédiat mais s’op-
posent au phénomène d’hyperalgésie.
L’hyperalgésie est caractérisée par une augmentation de la percep-
tion douloureuse tandis que l’allodynie est une perception douloureuse
de stimulations habituellement non douloureuses. Ces deux phéno-
mènes sont la conséquence des lésions tissulaires et sont amplifiés
par l’usage des morphiniques. L’hyperalgésie résulte de l’activation
directe ou indirecte des récepteurs NMDA, récepteurs au glutamate
situés notamment sur les cellules post-synaptiques de la corne pos-
térieure de la moelle. Ces récepteurs peuvent être bloqués spécifi-
quement (magnésium, kétamine). La libération de glutamate peut
également être antagonisée par des antagonistes des canaux calciques
voltage-dépendants plus spécifiquement en bloquant leur sous-unité
α2δ (gabapentine, prégabaline).
Kétamine
La kétamine à dose infra-anesthésique (0,2-0,3 mg/kg) procure une
épargne morphinique de 30 à 40 p. 100 et prévient la survenue d’une
hyperalgésie. Elle doit être administrée en début d’anesthésie. À cette
dose elle ne provoque pas de syndrome confusionnel ou onirique
observé à des doses plus importantes. À un moindre degré elle pré-
vient les NVPO induits par les morphiniques. Elle pourrait diminuer
l’incidence des douleurs chroniques après chirurgie.
Gabapentine – prégabaline
Ces deux agents bloqueurs de la sous-unité α2 des canaux calciques
sont donnés en prémédication. La dose de gabapentine est comprise
entre 300 et 1 200 mg (au-delà il existe un risque de sédation postopé-
ratoire), celle de prégabaline est comprise entre 130 et 300 mg. L’effet
d’épargne morphinique est de l’ordre de 50  p.  100, comme avec la
656 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

kétamine une réduction de l’incidence des douleurs chroniques après


chirurgie est envisageable.

Analgésiques morphiniques

Morphiniques « faibles »
• Codéine : l’analgésie est dépendante de la dose, elle est fréquem-
ment utilisée en association avec le paracétamol pour contrôler les
douleurs postopératoires modérées.
• Tramadol (Topalgic®, Contramal®, Zamudol®) (100-200  mg ×
2/24  h)  : c’est un analgésique d’action centrale, dérivé synthétique de
la codéine. Il possède un effet opioïde par fixation au récepteur opiacé
μ, sa puissance est 1/10e de celle de la morphine. C’est aussi un ago-
niste des récepteurs 5HT-3, l’action du tramadol dépend de son méta-
bolisme hépatique lui-même conditionné par le génotype des patients.
L’effet analgésique est faible chez les métaboliseurs lents (10 p. 100), il
est important mais s’associe à des NVPO chez les métaboliseurs ultra-
rapides (10  p.  00). La posologie est habituellement 100  mg trois fois
par 24 h, IV ou per os. Celle-ci doit être réduite chez le sujet âgé. Le
risque d’effets indésirables morphiniques est moindre mais persiste, la
dépression respiratoire est possible en cas de surdosage, et l’antagoni-
sation par naloxone n’est que partielle (30  p.  100). Le principal effet
secondaire est la survenue de nausées et de vomissements. Les sétrons
ne sont, dans ce cas, pas indiqués car ils antagonisent cet effet secon-
daire mais aussi l’analgésie produite par le tramadol. En monothérapie,
il convient pour les douleurs modérées à fortes (EVA : 30 à 60), et son
association aux AINS améliore l’analgésie. L’association à la morphine
est à éviter, dans la mesure où un effet antagoniste n’est pas écarté.
• Nalbuphine : c’est un agoniste des récepteurs κ chez l’adulte, elle
peut être administrée par voie intraveineuse ou sous-cutanée (20 mg ×
4/24 h). Elle est inconstamment efficace sur les douleurs fortes. Chez
1’enfant, la voie intraveineuse (en bolus et en continu) est proposée,
mais son bénéfice par rapport à la morphine n’est pas documenté. Les
effets indésirables sont ceux de la morphine à dose équi-analgésique,
et sont antagonisés par la naloxone.

Morphiniques « forts » : la morphine


Elle reste l’agent de référence pour l’analgésie postopératoire.
Le traitement de la douleur postopératoire par les morphiniques
n’induit pas d’addiction.
L’incidence des effets indésirables graves impose une surveillance
plus contraignante. Ils sont pour la plupart dépendants de la dose,
PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR POSTOPÉRATOIRE 657

indépendants de la voie d’administration et antagonisés par la


naloxone. Le plus grave est la dépression respiratoire favorisée par
l’association à un autre traitement sédatif ou à un terrain particulier
(sujet âgé, insuffisance respiratoire, enfant de moins de 5 mois) (fré-
quence ≈ 1/1 000). Les nausées et vomissements, le ralentissement du
transit, la rétention d’urines, le prurit sont aussi possibles et fréquents
et peuvent affecter le confort des patients. L’hyperalgésie est un phé-
nomène favorisé par les morphiniques dont les conséquences ne sont
pas encore complètement appréhendées.
Modalités d’administration des agonistes purs
C’est 1’administration initiale de la morphine IV et titrée par faibles
doses séquentielles qui permet le contrôle le plus rapide de la douleur
avec un relais par voie sous-cutanée ou par voie intraveineuse, sous
forme d’analgésie contrôlée par le patient (ACP ou PCA des Anglo-
Saxons). La qualité de l’analgésie nécessite la prévention des effets
secondaires de la morphine, une sélection et une information préalable
du patient.
• Voie sous-cutanée  : le pic d’action survient environ l  h après
l’injection qui doit donc être programmée toutes les 4 à 6 h
(5-10  mg), sous réserve d’une évaluation de son efficacité ou de
la survenue d’un effet indésirable. En cas d’analgésie insuffisante,
il est nécessaire de réévaluer la posologie ou le mode d’analgésie.
Chez le sujet âgé, les posologies sont réduites de 50  p.  100 et
elle doit être prudente chez l’insuffisant rénal car l’accumulation
de morphine-6-glucuronide, métabolite actif, peut conduire à un
surdosage.
• Titration intraveineuse de la morphine  : réalisée en salle de
réveil, elle a pour but d’initier rapidement l’analgésie. Elle s’effectue
sous surveillance de l’intensité de la douleur, de la fréquence respi-
ratoire et de la sédation. Le bolus est de 2 à 3 mg de morphine et la
période réfractaire de 3 à 5 min. L’objectif est d’obtenir une sédation
de la douleur en moins de 20 min. Le relais peut être pris par l’anal-
gésie autocontrôlée par le patient.
• L’analgésie contrôlée par le patient (ACP ou PCA des Anglo-
Saxons) par voie IV est une technique de titration de la dose de mor-
phine, par le malade lui-même. La seule contre-indication est le refus
du patient ou l’impossibilité de comprendre le principe de la technique
(retard psychomoteur, âge avancé, démence). La PCA n’a pas de place
avant 5  ans. Le médecin doit déterminer, pour la préparation de la
PCA par le personnel infirmier, la nature du produit utilisé, sa concen-
tration dans la préparation, l’adjonction éventuelle d’agents antiémé-
tiques, par exemple, du dropéridol à la posologie de 0,05  mg/ml de
morphine diluée (Droleptan®, ampoules à 5 mg), et les paramètres de
la PCA, qui sont :
658 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

— la dose bolus : c’est la dose reçue lorsque le patient appuie sur


le bouton poussoir. Elle doit être suffisante sans entraîner le risque
d’effets secondaires trop importants. Généralement, une dose de 1 à
2  mg de morphine permet d’obtenir un bon niveau de soulagement
pour la majorité des patients ;
— la période réfractaire  : c’est le temps pendant lequel aucune
injection de morphine ne peut se faire, même si le patient appuie sur
le bouton. Pour la morphine, un délai d’interdiction de 5 à 10  min
assure généralement une continuité de l’efficacité analgésique satis-
faisante ;
— la dose limite horaire : elle assure une sécurité supplémentaire,
mais n’est pas obligatoire. Elle est en général de 8 à 10 mg/h, soit 30
à 40 mg/4 h ;
— la perfusion continue de morphine associée au bolus intermit-
tent est inutile et dangereuse. La seule exception est la prise chronique
de morphinique préalable à la chirurgie.
Après initiation du traitement, la surveillance est effectuée toutes
les 15  min dans l’heure suivant chaque changement de prescription
puis toutes les 4 h minimum.
La PCA utilise des pompes programmées qui permettent d’établir
un historique des doses administrées et demandées.
Morphine orale  : de nombreuses équipes utilisent la morphine
orale d’absorption rapide (Actiskénan®, Sévredol®) pour traiter les
patients, éventuellement à la demande (nombre prédéterminé de com-
primés laissés à disposition pour une période donnée) lorsqu’une per-
fusion intraveineuse n’est plus nécessaire.
Chez l’enfant
La voie intraveineuse est recommandée. L’administration continue
est fréquente en pratique clinique, la surveillance doit être horaire ou
toutes les 2 h.
D’autres opiacés peuvent être utilisés pour l’analgésie postopératoire
notamment en PCA comme le fentanyl (bolus 1 mcg/kg période réfrac-
taire 5-10 min). Le fentanyl est également utilisable par voie transder-
mique avec possibilité d’auto-administration par le patient (Insys®).
Paramètres de surveillance d’un traitement morphinique
• Douleur (score EVS ou EVA).
• Vigilance à l’aide d’une échelle de sédation (ex. : échelle de Ram-
say).
• Fréquence respiratoire, en appréciant l’obstruction des voies
aériennes. La SpO2 n’apporte pas de sécurité supplémentaire par rap-
port à la surveillance clinique.
• La rétention d’urine impose un sondage évacuateur ou le recours
à la naloxone.
PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR POSTOPÉRATOIRE 659

ANALGÉSIE LOCORÉGIONALE

Les techniques d’anesthésie locorégionale sont largement utilisées


pour l’analgésie postopératoire.

Analgésies périmédullaires

Ces méthodes invasives d’analgésie doivent être réservées aux


opérés d’interventions majeures, ayant une douleur sévère ou prévue
comme telle, nécessitant en postopératoire une kinésithérapie inten-
sive respiratoire ou fonctionnelle. L’analgésie est fréquemment supé-
rieure à celle obtenue par voie générale, mais la prise en charge est
plus lourde, exigeant une surveillance rapprochée, du fait du risque
d’effets secondaires importants.

Voie intrathécale (rachianalgésie)


Par voie intrathécale les morphiniques hydrosolubles (morphine) ont
une durée d’action prolongée (12-24  h) tandis que les morphiniques
liposolubles (fentanyl, sufentanil) ont une durée d’action limitée (4-6 h)
mais initient l’analgésie postopératoire. L’injection intrathécale unique
de morphine est réservée aux douleurs intenses et de courte durée
(< 24 h). La dose habituellement utilisée en vue d’une chirurgie abdo-
minale prévue douloureuse est 300 à 500  mcg. L’analgésie obtenue
dure 12 à 24 h et nécessite une surveillance rapprochée (soins intensifs)
afin de prévenir les effets indésirables potentiellement graves (dépres-
sion respiratoire+++). Pour des chirurgies moins douloureuses (césa-
rienne, prostatectomie) la posologie doit être réduite à 100-200 mcg.

Voie péridurale
Elle permet l’administration de morphine, d’anesthésiques locaux
(AL) ou d’une association polymédicamenteuse dans le cadre d’une
analgésie multimodale.
Niveau de ponction
Il dépend du niveau du site opératoire  : thoracique haut en cas de
chirurgie thoracique, thoracique bas ou lombaire en cas de chirurgie
digestive, ou chirurgie vasculaire majeure. Parmi les molécules utili-
sables, et « combinables », on distingue :
• Les anesthésiques locaux (AL)  : la concentration des AL doit
être la plus faible possible, afin de réduire l’incidence du bloc moteur,
la toxicité systémique, et l’importance du bloc sympathique, respon-
sable d’une hypotension artérielle. On utilise le plus souvent la ropi-
660 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

vacaïne à 2 mg/ml 10 ml/h seule ou en association, la bupivacaïne ou


la lévobupivacaïne 0,625 à 1,25 mg/ml est aussi possible.
• La morphine  : 3 à 5  mg de morphine injectés en dose unique par
voie péridurale procurent une analgésie complète de 12 à 24 h. L’adminis-
tration concomitante d’opiacés par une autre voie est contre-indiquée, en
raison du risque accru et incontrôlable d’effets indésirables, en particulier
de la dépression respiratoire. Ce risque est retardé par rapport au moment
de l’injection (entre la 6e et la 18e  h après l’injection). L’administration
de morphine impose une surveillance horaire de la fonction respiratoire.
• Les morphiniques liposolubles  : fentanyl (1 à 2  μg/ml), sufen-
tanil (0,5 à 1  μg/ml). Ils permettent de réduire la concentration des
anesthésiques locaux et de renforcer l’analgésie.
• La clonidine (Catapressan®) (0,5 μg/kg/h). Elle expose au risque
de somnolence, de bradycardie, d’hypotension mais renforce l’action
des anesthésiques locaux.
Techniques d’administration
Elles peuvent être la perfusion continue, ou le mode PCEA (PCEA :
patient controlled epidural analgesia) qui, quand il est possible,
procure une analgésie adaptée aux besoins du patient, et permet de
réduire les doses administrées. Il convient de préciser sur la prescrip-
tion, outre les concentrations des diverses molécules contenues dans la
solution analgésique péridurale :
— le débit continu de base (ex. : ropivacaïne 0,2 p. 100 à 10 ml/h) ;
— la dose injectée en bolus (ex.  : bolus de 3  ml de ropivacaïne
2 mg/ml) ;
— le délai d’interdiction (ex. : 20 min) ;
— la dose maximum sur 4 h, qui n’est pas obligatoire.
Ces doses et réglages sont variables en fonction des données mor-
phologiques du patient, de son état, de la chirurgie effectuée, et doi-
vent être ajustés en fonction de l’efficacité obtenue.
Modalités de surveillance d’une analgésie
par voie périmédullaire
L’analgésie péridurale requiert une surveillance fréquente des para-
mètres respiratoires (FR) et cardiovasculaires (PA, FC) toutes les
15  min après initiation du traitement pendant la première heure puis
toutes les 2-4 h.
L’orifice de ponction du cathéter péridural doit être surveillé tous les
jours.

Blocs périnerveux périphériques


Ils sont utilisés surtout après chirurgie orthopédique, tant pour le
membre supérieur que pour le membre inférieur. La mise en place d’un
PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR POSTOPÉRATOIRE 661

cathéter permet 1’administration continue ou discontinue (à la demande


autocontrôlée) d’un anesthésique local, associé ou non à la clonidine
qui renforce l’efficacité du bloc. La bupivacaïne et la ropivacaïne sont
les AL de référence. La surveillance de ce mode d’analgésie correspond
essentiellement à la prévention des accidents liés à l’existence d’un bloc
sensitivo-moteur prolongé  : chutes, lésions nerveuses ou articulaires
liées à une position vicieuse, blessures liées à la perte de sensibilité
nociceptive d’une partie du corps, escarres en rapport avec une absence
de mobilisation. Si l’injection est correcte, les risques de complications
cardiovasculaires ou neurologiques sont minimes.

Blocs thoraciques

Le bloc paravertébral est apparu pour la chirurgie thoracique car il


a l’avantage par rapport aux blocs centraux de provoquer moins d’ef-
fets secondaires. L’analgésie est unilatérale. Les posologies sont de 5
à 10 ml/h de bupivacaïne à 1,25 mg/ml ou ropivacaïne à 2 mg/ml ou
lévobupivacaïne 1,25 mg/ml.

Infiltrations pariétales

Les infiltrations de la plaie opératoire ont été évaluées avec succès


dans de nombreuses indications (cure de hernie inguinale, cholécystec-
tomie, hystérectomie, chirurgie du sein). L’effet cliniquement significatif
de l’infiltration pariétale est indéniable mais souvent modéré et limité aux
premières heures postopératoires (4-6  h). L’infiltration comporte peu de
risques, et sa réalisation est facile. 20  ml de ropivacaïne 7,5  mg/ml (ou
40 ml à 5 mg/ml) sont classiquement infiltrés en fin d’intervention, rem-
plaçant la bupivacaïne 2,5 mg/ml, qui comporte un risque de toxicité plus
important. Dans tous les cas, les doses maximales doivent être respectées :
— bupivacaïne (Marcaïne®)  : adulte, dose maximale  : 150  mg  ;
(enfant : 2 mg/kg) ;
— ropivacaïne (Naropeine®) : dose maximale : 225 mg ; lévobupi-
vacaïne (Chirocaïne®) dose maximale 400 mg/24 h.

Instillations intrapéritonéales

La douleur après chirurgie cœlioscopique est plurifactorielle et


polymorphe. Elle est due non seulement à l’inflation du péritoine, qui
entraîne des douleurs scapulaires, mais aussi à la chirurgie qui comporte
des tractions sur les mésos ou les ligaments suspenseurs et entraîne des
douleurs viscérales. L’instillation intrapéritonéale en fin d’interven-
tion, de ropivacaïne 7,5  mg/ml (Naropeine®) ou de lévobupivacaïne
662 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

(Chirocaïne®) 5 mg/ml, au niveau du site opératoire et des zones sous-


phréniques droite et gauche, permet de diminuer les douleurs postopé-
ratoires les premières 24 h. L’effet reste modéré et limité dans le temps,
et son intérêt s’inscrit dans le cadre d’une approche multimodale.

Infiltrations intra-articulaires

Après arthroscopie du genou, une infiltration intra-articulaire peut


être réalisée par le chirurgien. L’effet antalgique est modéré (4-6  h).
L’efficacité maximale est obtenue en associant morphiniques et anes-
thésiques locaux (6 à 12 h). Les doses de bupivacaïne se situent entre
50 et 150  mg (bupivacaïne 2,5  mg/ml, 20 à 30  ml)  ; (morphine  : 1
à 2  mg). La clonidine (150  mcg) améliore et prolonge la qualité de
l’analgésie obtenue avec les anesthésiques locaux et peut être consi-
dérée comme une alternative à la morphine. Après arthroscopie de
l’épaule, l’infiltration intra-articulaire est également possible (bupiva-
caïne 2,5 mg/ml 10 à 15 ml, ou ropivacaïne), mais le bloc interscalé-
nique en injection unique ou continue est plus efficace. L’infection, le
drainage articulaire contre-indiquent cette technique.

Mise en place du traitement de la douleur postopératoire


La mise en place du traitement de la douleur postopératoire dans une
institution s’appuie sur une démarche qualité qui comprend les temps
suivants  : évaluation des pratiques, éducation des intervenants, rédac-
tion de protocoles de soins, application des protocoles incluant la sur-
veillance des traitements de la douleur, évaluation de l’efficacité. De
plus, quelques grands principes guident les traitements antalgiques :
— association des agents et techniques (analgésie multimodale) ;
— anticipation de l’apparition de la douleur ;
— adaptation à l’intensité douloureuse (titration, analgésie auto-
contrôlée) ;
— spécificité en fonction du type d’intervention provoquée ;
— prise en charge systématique des effets secondaires des traitements.

CONCLUSION

Les techniques analgésiques sont nombreuses et variées. Leur choix


dépend du caractère douloureux de l’intervention, des antécédents du
patient, des impératifs de rééducation postopératoire et des possibilités
de surveillance dans le service de chirurgie.
PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR POSTOPÉRATOIRE 663

La prise en charge correcte de douleurs postopératoires ne peut se


concevoir que dans le contexte d’une organisation multidisciplinaire.
Il est de la compétence de l’anesthésiste de savoir choisir les tech-
niques les plus appropriées, en tenant compte de la balance bénéfice/
risque, et des ressources techniques et humaines dont il dispose.

POUR EN SAVOIR PLUS

Attitudes provoquées par la prise en charge de la douleur postopératoire. http://


www.sfar.org/douleurpratique.html/
Recommandations formalisées d’experts 2008. Prise en charge de la douleur post
opératoire chez l’adulte et l’enfant. Ann Fr Anesth Reanim. 2008 ; 27 : 1035-41.
Chapitre 35

Réhabilitation postopératoire
J.-P. Fulgencio

La réhabilitation postopératoire cherche à accélérer le rétablissement


de toutes les fonctions (sans exception) d’un patient dans les suites
d’une intervention chirurgicale «  lourde  ». Il s’agit de contrecarrer les
conséquences « néfastes » postopératoires liées à la chirurgie et à l’anes-
thésie  : douleur, nausées et vomissements, rétention d’urine, alitement
prolongé, fatigue, et in fine retard au retour à domicile et au travail.
Le succès de la réhabilitation impose une prise en charge multimo-
dale  : une seule mesure ne suffit pas à modifier l’évolution postopé-
ratoire naturelle. L’ensemble des mesures doit être mis en œuvre. La
prise en charge concerne tous les temps de l’intervention : avant, pen-
dant et après. Elle implique tous les intervenants : chirurgien, anesthé-
siste, infirmière, kinésithérapeute… Quoique ses bénéfices n’aient été
établis que dans certaines chirurgies (digestive, gynécologique, uro-
logique, orthopédique), ses principes semblent applicables à tous les
types de chirurgies. Les patients doivent comprendre et adhérer aux
objectifs de la prise en charge.

En préopératoire

Les patients dénutris (perte de poids, BMI < 18) font l’objet d’une
renutrition consistant essentiellement en l’apport de suppléments
protidiques. Elle permet de diminuer la fréquence des complications
infectieuses postopératoires. L’immunonutrition (Impact®) a fait la
preuve de son efficacité dans cette indication en chirurgie digestive
carcinologique. L’utilisation de la voie entérale ou parentérale reste
possible si l’abord digestif haut est impossible (cancer de l’œsophage
ou de l’estomac).
L’arrêt du tabac est important. Même un arrêt peu de temps avant
l’intervention est bénéfique pour le patient.
RÉHABILITATION POSTOPÉRATOIRE 665

La modulation du jeûne préopératoire permet de limiter l’hypo-


volémie peropératoire en ramenant sa durée à 2  h pour les liquides
(toujours 6  h pour les solides) (voir Partie 1) jusqu’à 2  h avant l’in-
tervention limite la glycogénolyse et la néoglucogenèse liée au jeûne.
Il a été montré qu’un apport glucidique préopératoire immédiat per-
met de limiter la réponse au stress chirurgical (niveau de résistance à
l’insuline induite par la chirurgie). Enfin, une prémédication par des
antihistaminiques limite aussi l’anxiété ressentie par le patient.

En peropératoire

La technique chirurgicale utilisée est aussi de nature à limiter la


réponse au stress. Ainsi des procédures moins invasives (vidéo-chirur-
gie versus chirurgie à ciel ouvert) limitent les phénomènes algiques et
diminuent la fatigue postopératoire. La chirurgie évite autant que faire
se peut les systèmes de drainage.
L’aspiration gastrique per- et postopératoire retarde la reprise
du transit. Sauf cas spécifique (occlusion – chirurgie de l’œsophage),
il n’est pas recommandé d’utiliser une sonde gastrique en chirurgie
digestive.
La moindre utilisation du protoxyde d’azote et des morphiniques
permet de limiter les nausées et vomissements postopératoires (NVPO)
(voir Chapitre 32, Nausées et vomissements postopératoires). L’admi-
nistration péridurale d’anesthésiques locaux diminue la consommation
de morphiniques. Une politique d’optimisation du remplissage (guidé
par le monitorage) facilite la reprise du transit et diminue la morbidité
respiratoire en chirurgie digestive. Enfin, l’initiation de l’analgésie en
fin d’intervention, l’infiltration et l’instillation d’anesthésiques locaux
renforcent l’efficacité de l’analgésie.

En postopératoire

Le concept est de baser l’analgésie sur une approche multimodale


qui améliore l’efficacité et diminue les effets secondaires notamment
des opiacés (voir Chapitre 34, Prise en charge de la douleur postopé-
ratoire). Le recours à l’analgésie péridurale déjà citée est recommandé
en chirurgie lourde pour accélérer la reprise du transit et épargner
l’usage de morphiniques.
La prévention des NVPO doit être assurée systématiquement en
fonction des facteurs de risque en utilisant dexaméthasone, dropéridol
et sétrons (voir Chapitre 32, Nausées et vomissements postopératoires).
La reprise précoce de l’alimentation orale favorise la reprise du
transit. Il est recommandé de refaire boire dès le soir même après une
666 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

colectomie, et rien ne s’oppose à la reprise alimentaire dès le lende-


main. Cette reprise rapide peut être responsable d’une augmentation
de la fréquence des vomissements, mais les bénéfices attendus dépas-
sent cet inconvénient. L’alimentation, en particulier entérale, s’impose
lorsque l’évaluation préopératoire a mis en évidence une dénutri-
tion. Ici aussi, l’immunonutrition a fait la preuve de son efficacité.
Enfin, comme en préopératoire, la limitation de la prise orale impose
le recours à l’alimentation entérale ou parentérale. La mise en place
d’une sonde de jéjunostomie permet de reprendre rapidement la nutri-
tion dans les suites d’une chirurgie digestive lourde (œsophagectomie,
gastrectomie, pancréatectomie).
La limitation d’utilisation d’une sonde vésicale en postopératoire
est de nature à favoriser l’autonomie, en particulier chez les patients
âgés. Les mesures liées à l’analgésie permettent de favoriser l’autono-
mie mictionnelle. De même, la durée de perfusion intraveineuse doit
être limitée au strict minimum. Les apports hydriques intraveineux
doivent par ailleurs être limités en l’absence d’indication spécifique.
La remise en charge avec la kinésithérapie respiratoire et surtout
motrice, la verticalisation et la déambulation sont autant de mesures
qui favorisent l’autonomisation.
Toutes ces mesures qui impliquent tous les soignants autour du
patient permettent d’accélérer la récupération postopératoire et de rac-
courcir la durée de séjour hospitalier.
Chapitre 36

Complications
postopératoires précoces
C. Quesnel

PNEUMOPATHIE D’INHALATION

La pneumopathie d’inhalation est liée au passage de liquide gas-


trique dans l’arbre trachéo-bronchique. L’inhalation peut survenir de
manière passive à tous les temps de l’anesthésie et de la chirurgie par
reflux gastro-œsophagien, ou active lors d’épisodes de vomissements.
Elle est favorisée par la dépression des mécanismes de protection du
tractus respiratoire (troubles de la conscience, sédation, curarisation,
troubles de la déglutition), et survient préférentiellement à l’induction
ou à l’extubation (lorsque le ballonnet de la sonde d’intubation ne
protège plus la trachée). Son incidence est de 1,5 à 9/10 000 anesthé-
sies générales (AG). Elle est directement associée à la mortalité pour
0,15 à 0,3/10 000 AG.
Certaines situations sont plus à risque d’inhalation :
— retard de vidange gastrique (grossesse, diabète, obésité, reflux
gastro-œsophagien) ;
— anesthésie en urgence, score ASA > 3 ;
— type de chirurgie  : viscérale (syndrome occlusif) ou chez la
femme enceinte (césarienne ou révision utérine).
L’inhalation de liquide gastrique provoque une lésion directe de la
barrière alvéolo-capillaire pulmonaire avec activation de la réponse
inflammatoire pouvant conduire à un syndrome de détresse respira-
toire aiguë. Le degré de lésion alvéolaire dépend du pH, du volume
de liquide inhalé et du caractère particulaire du liquide qui favorise la
survenue d’atélectasies.
668 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

La prévention de l’inhalation repose sur :


— le respect des règles de jeûne (voir Chapitre 4, Période préanes-
thésique, section Jeûne préopératoire) ;
— une prémédication par des anti-H2 (cimétidine ou ranitidine
effervescent) sur terrain à risque ;
— l’induction anesthésique à séquence rapide sur estomac plein ;
— l’orientation vers une anesthésie locorégionale lorsqu’elle est
adaptée à la procédure chirurgicale.

DIAGNOSTIC

Le diagnostic de pneumopathie d’inhalation est avant tout clinique :


— contexte d’inhalation macroscopique (vomissement massif) ;
— désaturation périopératoire ;
— toux, dyspnée, cyanose postopératoire ;
— ronchi, diminution du murmure vésiculaire à l’auscultation.
Les examens complémentaires peuvent contribuer au diagnostic :
— gazométrie (hypoxémie, hypocapnie)  : elle témoigne de la gra-
vité de l’atteinte du parenchyme pulmonaire ;
— radiographie du thorax : elle peut être normale. Elle peut mon-
trer un infiltrat alvéolaire basal droit éventuellement associé à une
atélectasie, ce qui est fortement évocateur. La présence précoce d’in-
filtrats diffus unis ou bilatéraux témoigne de la gravité de l’atteinte et
de l’évolution à venir ;
— fibroscopie bronchique  : elle n’est pas systématique. Elle peut
permettre d’objectiver des lésions de l’arbre trachéo-bronchique
(inflammation, pétéchies) prédominant à la base droite.

TRAITEMENT

Le syndrome d’inhalation nécessite une prise en charge rapide. Les


patients doivent bénéficier d’une surveillance adaptée (salle d’hospita-
lisation, unité de soins intensifs, réanimation) qui peut être guidée par
l’évolution des patients après quelques heures de surveillance en SSPI.
Le traitement consiste en :
— surveillance (SaO2 continue, fréquence respiratoire, encombre-
ment, température) ;
— oxygénothérapie pour maintenir une SaO2 ≥ 92 p. 100 et venti-
lation invasive (VSAI ou VAC + PEP) devant des signes de mauvaise
tolérance (hypoxémie, Fr ≥ 35/min) ou non invasive si le patient peut
la tolérer ;
— fibroscopie bronchique, en cas d’inhalation massive ou d’atélec-
tasie documentée (associée au posturage et à la kinésithérapie respi-
COMPLICATIONS POSTOPÉRATOIRES PRÉCOCES 669

ratoire). Celle-ci permet un prélèvement bactériologique systématique


(PDP ou brosse) ;
— antibiothérapie, qui ne doit pas être systématique et débutée
uniquement dans les formes sévères (inhalation massive, liquide de
stase ou particulaire, patient colonisé par une flore hospitalière). Le
traitement probabiliste doit couvrir une flore communautaire (hos-
pitalisation < 5  jours, pas de colonisation connue) ou hospitalière
(hospitalisation ≥ 5   jours, colonisation connue). Comme toute anti-
biothérapie, elle nécessite une documentation bactériologique avec
réévaluation au troisième jour, et son adaptation voire son arrêt en
l’absence de germes. Pour les patients hospitalisés depuis moins de
5  jours, le choix peut être Augmentin® (1  g × 3/j) ou Claforan® (1  g
× 3/j). Pour les patients hospitalisés depuis plus de 5  jours, ou déjà
traités par antibiothérapie, ou vivant en institution, il faudra préférer
la Tazocilline® (4 g × 3/j) ou le Tiénam® (1 g × 3/j). En cas de confir-
mation bactériologique, le traitement sera à maintenir pendant 8 jours.

POUR EN SAVOIR PLUS

Hilbert G, Vargas F. Pneumopathie d’inhalation. Les essentiels 2006. Paris, Else-


vier, 2006 : 431-8.

ISCHÉMIE MYOCARDIQUE
POSTOPÉRATOIRE

ÉPIDÉMIOLOGIE

La période postopératoire est marquée par une majoration du risque


d’ischémie myocardique qui s’explique par un déséquilibre de la
balance énergétique myocardique (contraintes hémodynamiques, sti-
mulation sympathique) et un état d’hypercoagulabilité (élévation du
fibrinogène, hyper-agrégabilité plaquettaire).
L’ischémie myocardique postopératoire est asymptomatique dans
90 p. 100 des cas. Elle est diagnostiquée par le monitorage périopératoire
du segment ST et le dosage de la troponine Ic. Elle concerne près de
5 p. 100 à 10  p. 100 des patients à risque coronarien connu et est prédic-
tive d’un infarctus du myocarde (risque × 9). Les épisodes ischémiques
surviennent précocement entre la 12e et la 36e heure postopératoire.
La nécrose myocardique postopératoire est généralement sous-endo-
cardique (sous-décalage du ST persistant sur l’ECG). Elle multiplie
la mortalité du patient par 7 à 2  ans. Une gestion parfaite du risque
670 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

coronarien pendant la période périopératoire est donc essentielle. Elle


repose sur une stratégie bien établie.
Syndrome de Tako Tsubo. C’est une dysfonction ventriculaire
gauche, transitoire et réversible, qui survient en situation de stress,
notamment périopératoire. L’hypothèse est celle d’une ischémie myo-
cardique induite par une libération catécholaminergique. Le tableau
clinique comprend douleur thoracique, dyspnée et surtout signes cli-
niques de bas débit cardiaque. L’ECG montre un sus-décalage de ST
antérieur. Une élévation modérée de la troponine est observée. Le diag-
nostic repose sur l’échographie qui montre une cinétique particulière du
ventricule gauche avec dilatation apicale à chaque contraction (forme
d’amphore). Il n’y a pas de thrombus coronaire. Le traitement est pure-
ment symptomatique (anticoagulant, inhibiteurs de l’enzyme de conver-
sion, bêtabloquants). Les anomalies de cinétiques peuvent disparaître en
quelques jours (sauf complication).

TRAITEMENT

Le traitement est avant tout préventif et repose sur une gestion par-
faite de la balance énergétique du myocarde en période périopératoire :
— évaluation préopératoire du risque coronarien, suivi cardiologique et
traitements préventifs+++ (voir Chapitre 3, Pathologie cardiovasculaire) ;
— analgésie adaptée ;
— prévention de l’hypothermie au réveil ;
— transfusion si taux d’hémoglobine < 8  g/dl chez le sujet non
coronarien, < 10 g/dl chez le coronarien ;
— maintien d’un index de perfusion coronaire (fréquence car-
diaque/PAD) ≥ 1 ;
— contrôle des accès hypertensifs et des épisodes de tachycardie ;
— surveillance des marqueurs d’ischémie myocardique en période
postopératoire (patient à risque, incidents peropératoires) en dosant la
troponine Ic postopératoire et à la 4e  heure avec un suivi de la ciné-
tique pendant 5 jours en cas d’élévation > 0,3 ng/ml (figure 36-1).
Une fois diagnostiquée, l’ischémie myocardique postopératoire doit
être traitée. La stratégie thérapeutique est guidée par la valeur de la
troponine Ic, l’ECG et les signes cliniques (tableau 36-I).
Les traitements médicamenteux proposés sont :
• Aspirine (Aspégic®, CI  : allergie, saignement actif) 250  mg IVD
1 fois/24 h puis relais PO à J1 par Kardégic® 75 mg 1 fois/24 h.
• Héparine (en l’absence de risque hémorragique) IVSE 400  UI/
kg/24 h à adapter pour obtenir un TCA 2-3 × la normale pendant 48 h
puis reprise d’une anticoagulation prophylactique par HBPM.
• β-bloquants (CI  : PAS < 100  mmHg, Fc < 50/min, asthme) car-
diosélectifs :
COMPLICATIONS POSTOPÉRATOIRES PRÉCOCES 671

6
Myoglobine
X au-dessus de la normale

5 CK-MB
CK Totale
4 Troponine IC

0 4 8 12 16 20 24 48 72 96
Temps après le début de l’IDM (h)

Figure  36-1 Cinétique des marqueurs d’ischémie myocardique (d’après


Godet G et coll. Diagnostic biochimique de l’infarctus postopératoire, JEPU
2003).

— aténolol (Tenormine®, demi-vie 9  h, élimination rénale) 5  mg


IVL sur 3 min à renouveler 5 min plus tard si Fc > 60/min puis relais
PO 50 mg/12 h ;
— métoprolol (Seloken®, demi-vie 4  h, élimination hépatique)
5 mg IVL sur 3 min à renouveler 2 fois à 5 minutes d’intervalle si Fc
> 60/min puis relais PO 50 mg/6 h ;
— esmolol (Brévibloc®, demi-vie 9 min, élimination par estérase
plasmatique) dose de charge IVL 0,5  mg/kg sur 1  min puis relais
IVSE à 0,05  mg/kg/min à adapter à la tolérance clinique (PAS, Fc)
par pallier de 0,0 mg/kg/min toutes les 5 min jusqu’à 0,3 mg/kg/min.
En cas de contre-indication aux β-bloquants, utiliser : le vérapamil
(Isoptine® dose de charge de 5 mg IVL sur 2 min, répétée à 5 min si
nécessaire puis relais PO 120  mg/24  h en 3  prises) ou la clonidine
(Catapressan® 0,15 mg en 5 min IVSE puis 0,15 mg par 8 h).
• L’introduction précoce (< 24  h) d’une statine semble bénéfique
et doit être discutée avec le cardiologue (ex. : simvastatine Zocor® ou
pravastatine Vasten® 40  mg PO). Surveillance++  (risque de rhabdo-
myolyse)  : dosage CPK et transaminases, surveiller l’apparition de
douleurs musculaires.
• Un traitement par inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) peut
également être discuté avec le cardiologue en l’absence de contre-
indication (insuffisance rénale) dans les 48  h qui suivent l’épisode.
Par exemple  : ramipril (Triatec®) 5  mg × 2/j, posologie à atteindre
progressivement (sur 5 jours).
672 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

Tableau 36-I Stratégie de traitement en fonction du dosage de troponine Ic.


(D’après Coriat P, Bonnet MP. Détection et prévention des complications
coronariennes en chirurgie non cardiaque : prise en charge per- et postopéra-
toire. Congrès du JEPU, 2003 : 213-223.)

Atteinte
Troponine Pronostic Prise en charge
myocardique
0-0,2 ng/ml Nulle Bon Temps de latence (6 h)
0,3-1,5 ng/ml Dommage Menace Améliorer l’oxygénation
myocardique d’infarctus myocardique :
Analgésie
+ transfusion
+ bêtabloquants
+ aspirine
Bilan coronaire impératif à
distance de l’intervention
1,5-3 ng/ml Nécrose Risque Soins intensifs
myocardique fonctionnel : Bêtabloquants
espérance de
vie à moyen + aspirine
terme Bilan coronaire invasif
limitée impératif à distance
de l’intervention
> 3 ng/ml Nécrose Risque vital Soins intensifs
myocardique Bêtabloquants
étendue
+ aspirine
Discuter une
revascularisation si la
mise sous antiagrégants
est possible

• En cas de signes d’insuffisance cardiaque aiguë et/ou de sus-déca-


lage de ST persistant avec troponine > 3 ng/ml, une coronarographie
en urgence doit être fortement envisagée avec le cardiologue.
Après un épisode coronarien en période périopératoire un bilan car-
diologique et un suivi cardiologique doivent être organisés avant la
sortie du patient.

POUR EN SAVOIR PLUS

Coriat P, Amour J. Mécanisme et prévention des complications coronariennes de


la chirurgie non cardiaque. Les essentiels 2006. Paris, Elsevier, 2006 : 253-63.
COMPLICATIONS POSTOPÉRATOIRES PRÉCOCES 673

INSUFFISANCE RÉNALE
AIGUË POSTOPÉRATOIRE

DÉFINITION

L’insuffisance rénale aiguë (IRA) postopératoire est un facteur de


risque de mortalité qui atteint 40 et 90 p. 100 en cas d’IRA anurique.
Elle est définie par une altération brutale de la fonction rénale, avec
une diminution de 50 p. 100 du débit de filtration glomérulaire (DFG),
et une augmentation de l’urémie et de la créatininémie.

ÉTIOLOGIE

Les causes sont majoritairement prérénales (60 p. 100 des cas), liées


à l’hypoperfusion rénale par hypovolémie, hypotension, vasoplégie et/
ou diminution du débit cardiaque. Les atteintes rénales (30 p. 100 des
cas) sont d’origine ischémique et/ou toxique. Enfin les atteintes pos-
trénales sont obstructives (10 p. 100 des cas) et doivent être évoquées
en fonction du contexte opératoire (chirurgie urologique, gynécolo-
gique ou du petit bassin) avec la possibilité d’une plaie ou d’une liga-
ture accidentelles d’un uretère.

MÉCANISMES – ÉPIDÉMIOLOGIE

La majorité des IRA postopératoires sont fonctionnelles, aisément


réversibles par la restauration de la perfusion rénale avec une récu-
pération fonctionnelle ad integrum dans 75  p.  100 à  90  p.  100 des
cas. Il ne faut pas la confondre avec l’antidiurèse et l’antinatriurèse
périopératoires, observées sous l’effet de l’activation de facteurs
neuro-hormonaux (catécholamines, ADH, système rénine-angioten-
sine-aldostérone, innervation sympathique rénale) en rapport avec
l’anesthésie et la chirurgie. La classification RIFLE précise le degré
d’atteinte rénale (tableau 36-II).
Certains facteurs de risque de l’IRA postopératoire ont été identifiés.
• Liés au patient  : l’insuffisance rénale chronique préopératoire,
l’âge avancé des patients, certains traitements (AINS, IEC), les notions
d’insuffisance cardiaque congestive, d’artériopathie ou d’hypertension
artérielle, l’existence d’un diabète ou d’une bronchopathie chronique
obstructive.
• Liés à la chirurgie  : la chirurgie biliaire, la chirurgie cardiaque
(surtout en cas de circulation extracorporelle en rapport avec le débit
674 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

Tableau 36-II Classification RIFLE

Classification RIFLE Filtration glomérulaire (FG) Débit urinaire


Risque ↑ créatinine × 1,5 < 0,5 ml/kg/h
↓ FG > 25 % ×6h

Lésion (injury) ↑ créatinine × 2 < 0,5 ml/kg/h


↓ FG > 50 % × 12 h

Défaillance (failure) ↑ créatinine × 3 < 0,3 ml/kg/h


↓ FG > 75 % × 24 h ou
ou créatinine < 4 mg/dl anurie × 12 h

Perte (losse) Perte de la fonction rénale > 4 semaines


Terminale (end stage) Perte de la fonction rénale > 3 mois

constant de la pompe et l’hémolyse), la chirurgie d’urgence et la


chirurgie aortique. Au cours de cette dernière, le clampage aortique
peut être responsable d’une IRA par trois mécanismes différents  :
l’hypoperfusion rénale prolongée au clampage, les emboles d’athé-
rome et la rhabdomyolyse.
• Liés à certains événements périopératoires : les hypotensions pro-
longées, l’infection, les hémorragies massives et la transfusion mas-
sive.
• Le dépistage de l’insuffisance rénale aiguë a fait l’objet de plu-
sieurs études évaluant l’intérêt de biomarqueurs stigmates de la lésion
rénale. Parmi ceux-ci, on peut citer le NGAL (neutrophil gelatinose-
associated lipocolin), le Kidney Injury Molécule 1 (KIM-1), l’inter-
leukine 18 (IL-18).

TRAITEMENT ET PRÉVENTION

Le traitement et la prévention de l’IRA postopératoire reposent sur


le bon sens. En effet, aucun traitement spécifique n’est efficace.

En pratique, ce qu’il faut faire

• Dépister les patients à risque  : permet d’apporter une attention


particulière aux facteurs de risque d’IRA postopératoire.
• Optimisation per- et postopératoire de la pression de perfusion
rénale et de la volémie par l’hydratation avec du sérum salé : le main-
COMPLICATIONS POSTOPÉRATOIRES PRÉCOCES 675

tien d’une volémie adéquate limite le risque d’altération de la fonction


rénale par la moindre mise en jeu des systèmes de vasoconstriction.
• Limiter l’utilisation des médicaments néphrotoxiques (produits de
contraste iodés, aminosides, amphotéricine B).

En pratique, ce qu’il ne faut pas faire

• Des diurétiques  : la baisse de la diurèse peropératoire est un


phénomène d’adaptation naturelle. Même si la notion d’une diurèse
conservée au cours d’une IRA est le témoin d’une atteinte moins
sévère, son évolution n’est pas modifiée par les diurétiques. Au
contraire, la déplétion induite par la diurèse forcée peut induire une
hypovolémie, facteur d’aggravation de l’IRA postopératoire par baisse
de la perfusion rénale.
• Du mannitol : les arguments expérimentaux en faveur de son utilisa-
tion n’ont pas été retrouvés en clinique. Au contraire, la diurèse osmo-
tique induite pourrait aggraver l’IRA postopératoire par hypovolémie.
• De la dopamine  : la dopamine possède des effets vasodilatateurs
rénaux, augmente la filtration glomérulaire, la diurèse et la natriu-
rèse. Mais ces effets ne sont pas retrouvés en pratique chez l’homme.
L’augmentation de la diurèse obtenue avec la dopamine est en rapport
avec l’amélioration de l’hémodynamique systémique, comme avec la
noradrénaline.
• Des inhibiteurs calciques  : les phénomènes d’ischémie-reperfu-
sion entraînent une surcharge intracellulaire de calcium. L’effet des
inhibiteurs calciques sur la fonction rénale semble plutôt en rapport
avec la vasodilatation rénale. Mais l’amélioration des paramètres
fonctionnels rénaux peropératoires n’est pas associée à une réduction
de l’incidence des altérations rénales postopératoires. Par ailleurs, leur
utilisation est limitée par l’hypotension liée à la vasodilatation systé-
mique qu’ils entraînent.
• Des inhibiteurs de l’enzyme de conversion : ils auraient plutôt un
effet délétère en cas d’administration préopératoire. De plus, ils sont
responsables d’hypotensions peropératoires difficiles à contrôler, fac-
teurs de majoration de l’IRA postopératoire.

Formule de Cockroft pour l’évaluation de la fonction rénale


Hommes
(140 – âge (ans)) × (poids (kg) / 72) × (créatinémie (μmol/l) / 88,4)
Femmes
(140 – âge (ans)) × (poids (kg) / 72)
× (créatinémie (μmol/l) / 88,4) × 0,85
676 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

POUR EN SAVOIR PLUS

Bourgeois E, Bataille A, Jacob L. Insuffisance rénale aiguë en réanimation.


Paris, Elsevier, 2009.
Labat F, Leblanc I, Jacob L. Insuffisance rénale aiguë post opératoire. Confé-
rence d’actualisation de la SFAR. Paris, Elsevier, 1999 : 589-603.

HÉMORRAGIE POSTOPÉRATOIRE

Près d’une centaine de patients décède chaque année en France


d’une gestion imparfaite des pertes sanguines en période périopéra-
toire. L’origine du décès peut être liée à la spoliation sanguine et au
choc hémorragique, mais aussi à ses conséquences (ischémie myocar-
dique). Certaines chirurgies sont à risque :
— orthopédique (rachis) ;
— digestive (hépatique) ;
— obstétricale (hémorragie de la délivrance) ;
— vasculaire (chirurgie anévrismale).
Le saignement postopératoire nécessite une prise en charge médico-
chirurgicale rapide et efficace.

DIAGNOSTIC

• Il repose sur :
— la clinique : signes de choc (tachycardie, hypotension, oligurie,
troubles de conscience), pâleur cutanéo-muqueuse, saignement actif
du site opératoire (pansement hémorragique sur la voie d’abord, débit
sanglant important dans les drainages) ;
— la biologie : chute de l’hémoglobine (HemoCue® au lit du patient,
ou NFS), coagulopathie (CIVD, défibrination), défaillance viscérale
(élévation du lactate, acidose métabolique, hypoxémie) ;
— la radiologie : hémothorax sur la radiographie du thorax, épan-
chement intra-abdominal (échographie au lit).
• Il faut éviter certains pièges :
— la diminution de l’hématocrite peut ne pas refléter l’importance
de la spoliation sanguine  : le taux d’hémoglobine peut rester normal
en cas de saignement aigu car le saignement fait perdre du sang total.
L’hémoglobine sera diluée par tout apport liquidien exogène (hydrata-
tion, remplissage) ;
— toujours vérifier la perméabilité des drainages (+++), car ils
peuvent se boucher en cas d’hémorragie importante.
COMPLICATIONS POSTOPÉRATOIRES PRÉCOCES 677

PRISE EN CHARGE

Elle doit être rapide et conduire en priorité absolue à une reprise


chirurgicale si elle est indiquée. Le chirurgien doit donc être contacté
dès le constat d’un saignement inhabituel. La multiplication d’actes
diagnostiques est inutile voire délétère.
L’anesthésiste-réanimateur doit s’assurer systématiquement et en
parallèle des éléments suivants.
• La mise en condition du patient : 2 voies d’abord de calibre ≥ 18 G,
monitorage (scope, PA, SpO2), documents transfusionnels disponibles
(groupe sanguin, rhésus, RAI), réchauffement du patient et des solutés,
surveillance horaire de l’HemoCue® et biologique pluriquotidienne (NFS
+ plaquettes, TP, TCA, facteurs, fibrinogène, PDF, D-dimères).
• Le rétablissement d’un état hémodynamique adapté (PAS
comprise entre 80 et 90  mmHg et ≥ 120  mmHg si lésion cérébrale
associée) par :
— remplissage vasculaire (voir Chapitre 13, Transfusion et rem-
plissage périopératoire, section Solutés de remplissage) sur perfuseur/
réchauffeur ;
— vasoconstricteur (noradrénaline IVSE, en commençant à 0,2 mg/h) ;
— maintien du transport d’oxygène par la transfusion de culots glo-
bulaires (seuil transfusionnel postopératoire si hémoglobine < 8  g/dl
ou <10 g/dl si patient coronarien ou insuffisant cardiaque).
• La correction d’un trouble de l’hémostase associé :
— coagulation intravasculaire disséminée. Diagnostic : diminution des
plaquettes ≤ 50 g/l, du facteur V, du TP < 50 p. 100, d-dimères > 500 μg/l.
Traitement : étiologique, apport de PFC (15 ml/kg si TP < 35 p. 100) et
unités plaquettaires (si plaquettes < 50  g/l  ; 0,7 ⋅ 1011  plaquettes/7  kg de
poids) ;
— fibrinolyse. Diagnostic : fibrinogène < 1 g/l et PDF positifs, temps
de lyse des euglobulines (test de Von Kaulla) < 90  min. Traitement  :
apport de fibrinogène et éventuels antifibrinolytiques (Trasylol®) ;
— thrombopathie. Diagnostic  : traitement par anti-agrégant pla-
quettaire, insuffisance rénale ou hépatique, CEC. Traitement  : apport
d’unités plaquettaires ;
— maladie de Willebrand (acquise ou connue). Diagnostic : allon-
gement du TS et du TCA, baisse du facteur VIII, dosage du facteur
Willebrand et du cofacteur de la ristocétine. Traitement : injection de
desmopressine (Minirin®) IV 0,3  μg/kg × 2/24  h ou traitement sub-
stitutif (concentré FVIII Innobrand® 60  UI/kg) selon la forme de la
maladie.
• La mise en œuvre de techniques d’hémostase complémentaire :
— artério-embolisation (saignement obstétrical, rétropéritoine,
thorax) ;
678 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

— compression (pantalon anti-G si saignement sous diaphragma-


tique incontrôlable), tamponnement.
• Les traitements médicamenteux.  Il existe actuellement peu de
données ayant validé l’utilisation de ces traitements dans le contrôle
des troubles de l’hémostase lors des hémorragies postopératoires :
— fibrinogène (Clottagen® 1,5  g/100  ml), indiqué en cas de syn-
drome hémorragique avec hypofibrinogénémie < 0,8  g/l. Posolo-
gie (g) = (taux souhaité [g/l] – taux mesuré [g/l]) × 0,04 × poids (kg).
Perfusion IVL 4  ml/min. Risques  : thrombose, allergie, transmission
virale ;
— aprotinine (Trasylol® 1 M UIK/flacon de 100 ml et 0,5 M UIK/
flacon de 50  ml), antifibrinolytique. Indication  : syndrome hémorra-
gique fibrinolytique, inhibiteur compétitif de la plasmine. Posologie :
1re dose de 500 000 UI en 30 min puis 100 000 UI/h IVSE. Risques :
thrombose, allergie ;
— acide tranexamique (Exacyl® 500  mg/5  ml) analogue de la
lysine qui bloque le site de fixation du plasminogène. Posologie
15 mg/kg puis 3 mg/kg/h IVSE ;
— facteur rVII activé (Novoseven®, ampoule à 1,2  mg, 2,4  mg et
4,8  mg)  : l’utilisation de ce produit a été rapportée avec succès dans
différentes situations cliniques comme traitement de sauvetage lors
d’hémorragies incontrôlables (chirurgie cardiaque, obstétrique, chirur-
gie hépatique). La dose initiale est de 60 μg/kg IV qui peut être renou-
velée 1 fois à 60 min. Risque : thrombose. L’usage de ce médicament
se fait alors hors AMM et la validation de ces pratiques nécessite donc
des évaluations complémentaires.

FIÈVRE POSTOPÉRATOIRE

La fièvre est définie comme une température centrale > 37,5 °C. Sa


mesure peut s’effectuer par un thermomètre électronique au niveau
tympanique ou par une thermistance sur une sonde intravasculaire
ou urinaire. La température est contrôlée par l’hypothalamus pour
maintenir l’homéothermie grâce à la mise en jeu de différents méca-
nismes d’adaptation (vasodilatation et sudation, ou vasoconstriction
et frisson). En cas de fièvre, il existe généralement une élévation du
seuil thermique de référence de l’hypothalamus, induite par un agent
exogène (virus, LPS) ou endogène (cytokines pro-inflammatoires),
et médiée principalement par la prostaglandine E2. Certaines fièvres
sont liées à une thermogénèse inadaptée (coup de chaleur, hyperther-
mie maligne, syndrome malin des neuroleptiques).
COMPLICATIONS POSTOPÉRATOIRES PRÉCOCES 679

DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE

La fièvre en période postopératoire est banale. L’anesthésie est sou-


vent associée à une hypothermie. Les mécanismes mis en jeu en posto-
pératoire pour rétablir la température dépassent parfois leur objectif, avec
pour conséquence une hyperthermie. Cette hyperthermie survient préco-
cement dans les suites opératoires, ne s’accompagne d’aucun facteur de
gravité (respiratoire ou hémodynamique) et s’amende en moins de 24 h.
Dans tous les autres cas (signes cliniques associés, facteur de gravité,
délai > 24 h, température > 38,5 °C), une enquête étiologique s’impose.
Selon le délai de survenue, différentes causes seront à privilégier.
Une complication infectieuse est attribuée à l’intervention jusqu’à
30 jours postopératoires, voire au-delà en cas d’implantation de maté-
riel (orthopédie, chirurgie vasculaire).
Par ordre de gravité et de fréquence, il est logique de rechercher en
priorité :
• Une complication infectieuse « courante » :
— pulmonaire  : d’autant qu’elle survient précocement chez un
patient qui a été ventilé. Une pneumonie peut être révélatrice d’une
complication intra-abdominale en chirurgie digestive ;
— urinaire : surtout chez un patient sondé ;
— site opératoire (+++)  : le plus souvent retardé (entre le 5e et
10e  jour) à type d’abcès de paroi (parfois révélateur), d’infection pro-
fonde intra-abdominale (abcès déclive ou péritonite généralisée) ou
médiastinale. L’ischémie colique en chirurgie aortique fait exception
par sa survenue très précoce (48 h). A contrario, les infections sur maté-
riel surviennent habituellement à distance, sauf s’il s’agit d’un matériel
extériorisé (dérivation ventriculaire extérieure, drain thoracique…) ;
— cathéter : périphérique au-delà de 3 à 5 jours (voir Chapitre 12,
Voies veineuses et artérielles), ou central s’il existe.
• Une complication thromboembolique :
— embolie pulmonaire : à évoquer facilement, mais souvent confon-
due avec une pneumonie ou une poussée d’insuffisance cardiaque ;
— phlébite.
• Une complication infectieuse « rare » :
— cholécystite alithiasique ;
— sinusite ;
— endocardite ;
— colite.
• Une complication non spécifique :
— réaction post-transfusionnelle ;
— néoplasie évolutive ;
— allergie médicamenteuse : surtout aux antibiotiques, c’est le diag-
nostic d’élimination lorsque toutes les autres causes ont été infirmées.
680 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

La démarche diagnostique va s’appuyer sur le contexte périopéra-


toire et sur différents examens :
— cliniques  : examen du site opératoire (douleur, écoulement des
redons, aspect de la voie d’abord, hématome), examen pulmonaire,
abdominal (touchers pelviens) et cutané (orifices de cathéters, signes
de phlébite) ;
— biologiques (peu spécifiques)  : NFS (origine septique probable
si GB > 15  000/mm3), syndrome inflammatoire marqué et persistant
(CRP, procalcitonine, fibrinogène) ;
— bactériologiques : hémocultures (lors des frissons, série de 3 hémo-
cultures en 1 h et 1 hémoculture à 24 h), prélèvement aseptique du site
opératoire (collection à ponctionner sous échographie), ECBU. Le pré-
lèvement pulmonaire protégé (type PDP, LBA) est à réaliser en cas de
point d’appel pulmonaire ;
— imagerie : radiographie thoracique, échographie ou TDM dirigées
sur la région opérée ou vers le point d’appel spécifique (angioTDM si
suspicion d’embolie pulmonaire).

TRAITEMENT

Il n’y a pas d’urgence à traiter le symptôme « fièvre » par une anti-


biothérapie. Le bilan étiologique est en revanche nécessaire et toute
suspicion de complication du site opératoire doit être en priorité élimi-
née afin de proposer une reprise chirurgicale sans délais. L’indication
de l’antibiothérapie sera posée uniquement devant une forte suspicion
d’infection ou en présence de signes de gravité (choc) et après docu-
mentation bactériologique. La fièvre pourra être abaissée par des anti-
pyrétiques (paracétamol 1  g × 4/24  h si T  ≥ 39  °C) principalement
chez les patients ne pouvant tolérer une augmentation du métabolisme
(neurochirurgie, insuffisance coronarienne ou respiratoire), et parfois
pour le confort du patient lorsque la cause en est identifiée. Il fau-
dra toujours penser à assurer une hydratation adaptée en rapport avec
l’augmentation des pertes liée à l’augmentation de la température.
Chapitre 37

Catastrophes en anesthésie

BRONCHOSPASME

N. Lembert

Le bronchospasme peropératoire est une complication potentielle-


ment grave pouvant engager le pronostic vital. Définie comme une
réduction du calibre bronchique par constriction musculaire et/ou œdème
pariétal, sa survenue est souvent liée à l’existence d’une hyperréacti-
vité bronchique.

ÉPIDÉMIOLOGIE

L’incidence des bronchospasmes est faible, évaluée selon les


études entre 0,016 et 0,6  p.  100 mais il s’agit d’une complication
qui peut rapidement engager le pronostic vital. L’hyperréactivité
bronchique (asthme, BPCO, cardiopathies, infection virale des voies
aériennes, tabagisme…) est un facteur de risque important mais le
bronchospasme survient fréquemment en dehors de tout antécédent
respiratoire.

Même si l’incidence est moindre, le bronchospasme peut survenir


sous anesthésie locorégionale. Au cours d’une anesthésie générale, deux
tiers des bronchospasmes surviennent à l’induction contre 25 p. 100 lors
de l’entretien.
682 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

DIAGNOSTIC

Diagnostic positif

La présence de sibilants à l’auscultation pulmonaire signe le diag-


nostic.
• En ventilation spontanée les râles sibilants sont associés à une
dyspnée expiratoire.
• Chez le malade ventilé, ils sont associés à :
— une augmentation des pressions d’insufflation ;
— une modification du capnogramme avec remplacement du pla-
teau télé-expiratoire par une pente ascendante continue.
• Signes de gravité :
— silence auscultatoire ;
— désaturation artérielle en oxygène ;
— signes cliniques d’hypercapnie (hypertension, sueurs) ;
— hypotension artérielle.

Diagnostic différentiel
• Chez le patient non intubé :
— œdème laryngé ou un laryngospasme : dyspnée inspiratoire évo-
catrice+++ ;
— obstruction pharyngée.
Vérifier la liberté des voies aériennes supérieures  ; aspiration de
sécrétions pharyngées, extension cervicale, subluxation mandibulaire.

1 p. 100

1s

Figure 37-1 Capnogramme normal. Capnogramme lors d’un bronchospasme.


CATASTROPHES EN ANESTHÉSIE 683

• Chez le patient intubé :


— intubation sélective ;
— obstruction mécanique de la sonde endotrachéale (hernie du bal-
lonnet, coudure…) ;
— pneumothorax (répercussions hémodynamiques++).
Vérifier la perméabilité et la position de la sonde d’intubation, la
pression du ballonnet, la perméabilité du circuit de ventilation.

PRÉVENTION
Préparation préopératoire

• Identification des patients présentant un risque élevé de broncho-


spasme peropératoire :
— patients jeunes et plus particulièrement les nourrissons et les
enfants ;
— classes ASA III et IV ;
— antécédents d’infarctus du myocarde ;
— BPCO – asthme ;
— traitement par corticoïdes.
Chez l’enfant : les cardiopathies, l’infection respiratoire, la bronchite
chronique.
• Évaluation précise ± intensification thérapeutique en cas d’hyper-
réactivité bronchique instable.
• Reporter d’au moins 3  semaines les enfants de moins de 1  an et
les patients aux antécédents respiratoires (BPCO, asthme, mucovisci-
dose, bronchiolite…) qui présentent une infection ORL.
• Inciter au sevrage tabagique (réduction de l’hyperréactivité des
VAS dès la 48e heure).

Anesthésie
• Prémédication :
— benzodiazépines ou hydroxyzine ;
— administration de β2-mimétiques en aérosols au moins 30  min
avant l’induction.
• L’anesthésie locorégionale est la technique anesthésique de réfé-
rence chez ces patients à risque. Toutefois elle ne met pas complète-
ment à l’abri du bronchospasme.
• L’anesthésie générale doit être suffisamment profonde dès l’in-
duction pour éviter un bronchospasme réflexe lors de l’intubation ou
d’une stimulation chirurgicale :
— utiliser les curares non histaminolibérateurs : vécuronium, cisa-
tracurium ;
684 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

— privilégier les agents bronchodilatateurs, agents halogénés (sévo-


flurane ou isoflurane), propofol ;
— éviter l’intubation trachéale lorsque la chirurgie le permet : ven-
tilation au masque facial ; masque laryngé chez patient curarisé. Sinon
intubation trachéale sous couvert d’une anesthésie profonde ;
— lidocaïne IV 1 à 2 mg/kg 2 min avant l’intubation.

TRAITEMENT

Il s’appuie sur quatre mesures à mettre en œuvre simultanément.


• Interruption du stimulus chirurgical.
• Approfondissement de l’anesthésie :
— bolus IV de propofol, de kétamine, de morphiniques, de myo-
relaxants ;
— augmentation de la fraction inspirée des halogénés (bronchodi-
latation++).
• Optimisation de la ventilation :
— intubation des patients encore non intubés en l’absence de levée
rapide du bronchospasme (après approfondissement de l’anesthésie) ;
— ventilation manuelle au ballon en FiO2 = 1.
• Administration de β2-mimétiques :
— voie inhalée peu efficace car dépôt au niveau de la sonde d’intu-
bation (10 bouffées au minimum) ;
— aérosol si dispositif de nébulisation disponible ;
— voie intratrachéale  : adrénaline 100  μg ± à renouveler (jusqu’à
1 mg) ;
— voie IV : salbutamol de 0,1 à 0,5 μg ⋅ kg–1 ⋅ min–1 ; adrénaline à
0,1 μg ⋅ kg–1 ⋅ min–1 après titration par bolus de 50 μg.

CONCLUSION

La prévention et le traitement d’un bronchospasme peropéra-


toire reposent sur un large dépistage des patients exposés dès la
consultation d’anesthésie, l’instauration d’une stratégie anesthé-
sique permettant de limiter les risques au cours de l’intervention
et enfin le cas échéant, la mise en route sans délai d’une thérapeu-
tique adaptée.
CATASTROPHES EN ANESTHÉSIE 685

LARYNGOSPASME

N. Lembert

Le laryngospasme est une occlusion glottique due à une contracture


complète ou non des muscles laryngés. C’est un réflexe protecteur qui
a pour but de prévenir l’entrée d’un corps étranger dans l’arbre aérien.
Le laryngospasme est la complication la plus fréquente au moment de
l’extubation. Le réflexe est déclenché par une stimulation des struc-
tures glottiques par le passage de la sonde ou par la présence de sang
ou de salive. Il est plus fréquent chez l’enfant que chez l’adulte. Le
laryngospasme peut entraîner : hypoxie, ventilation impossible, aryth-
mie et arrêt cardiaque ou œdème pulmonaire a vacuo.
L’incidence de survenue d’un laryngospasme est corrélée à l’âge,
elle est plus importante chez le nourrisson. Elle est augmentée après
chirurgie endobuccale  ; l’amygdalectomie et l’adénoïdectomie ont
l’incidence la plus élevée (plus de 20 p. 100). Les patients présentant
une hyperréactivité des VAS liée à un asthme, un tabagisme ou une
infection des voies aériennes ont un facteur de risque multiplié par 10.
Le traitement du laryngospasme repose sur la suppression du sti-
mulus irritant, l’oxygénation du patient en ventilant en pression posi-
tive au masque facial avec de l’oxygène pur en luxant le maxillaire
inférieur et l’approfondissement de l’anesthésie par voie IV (propofol
0,25 à 1 mg ⋅ kg–1). En cas d’obstruction complète, si la SpO2 demeure
< 85  p.  100, il faut utiliser la succinylcholine, de petites doses sont
suffisantes (0,1  mg ⋅ kg–1). L’atropine (20  γ ⋅ kg–1) doit être utilisée en
cas de bradycardie associée.
La prévention repose sur l’approfondissement de l’anesthésie avant
tout geste stimulant. Il est recommandé de réaliser l’extubation en fin
d’inspiration forcée ou d’une hyperinflation afin de diminuer le risque
de laryngospasme.

POUR EN SAVOIR PLUS

Molliex S. Hyperréactivité bronchique. Conférence d’actualisation 2004. Paris,


Elsevier, 2004 : 81-90.
686 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

CHOC ANAPHYLACTIQUE

N. Lembert

Le choc anaphylactique est une réaction immunologique patholo-


gique provoquée par un contact renouvelé avec un antigène, survenant
chez un individu sensibilisé.

PHYSIOPATHOLOGIE

L’état de choc est une inadéquation entre les apports et les besoins
cellulaires en O2 responsable d’une insuffisance respiratoire cellulaire
aiguë. Schématiquement, le choc anaphylactique est lié à une dysré-
gulation des débits tissulaires locaux, il est donc qualifié de choc dis-
tributif.
Le choc anaphylactique est initialement consécutif à une diminution
du débit cardiaque par hypovolémie. Cette hypovolémie est la consé-
quence d’une hypotonie vasculaire qui provoque une vasodilatation
généralisée. Elle est associée à un défaut de distribution de l’oxygène
entre les organes ou au sein des organes eux-mêmes.

SIGNES CLINIQUES

Le choc anaphylactique peut survenir à n’importe quel moment de


l’anesthésie. Cependant, la majorité des réactions apparaît dans les
minutes suivant l’injection intraveineuse des produits anesthésiques ou
des antibiotiques. Les symptômes cliniques retrouvés chez les patients
présentant une réaction anaphylactique vraie et les patients présentant
une réaction anaphylactoïde d’origine non immunologique sont relati-
vement similaires. La distinction entre réaction anaphylactoïde et réac-
tion anaphylactique ne peut donc être établie sur les seuls arguments
cliniques.
Les signes cliniques initiaux les plus fréquemment rapportés sont
une chute importante de la pression artérielle, un rash cutané, une dif-
ficulté de ventilation, une désaturation ou une baisse inexpliquée de la
pression de CO2 expiré. Lorsque la symptomatologie est d’apparition
plus tardive, au cours de la période d’entretien de l’anesthésie, une
allergie au latex ou aux produits de remplissage doit être évoquée.
CATASTROPHES EN ANESTHÉSIE 687

Manifestations cutanéo-muqueuses

Elles constituent souvent les premiers signes d’appel. Elles intéres-


sent initialement les régions les plus riches en mastocytes (cou, face,
face antérieure du thorax) puis se généralisent rapidement. L’érup-
tion peut prendre des aspects variés  : érythème «  rouge homard  »,
éruption maculo-papuleuse. L’œdème de Quincke est visible dès que
les couches profondes de la peau sont infiltrées. Les signes cutanéo-
muqueux peuvent manquer s’il existe d’emblée un état de choc avec
collapsus cardiovasculaire.

Signes respiratoires

Ils sont présents dans environ 40 p. 100 des cas. L’infiltration œdé-
mateuse de la muqueuse et la bronchoconstriction des fibres muscu-
laires lisses peuvent engendrer une obstruction des voies aériennes
respiratoires supérieures comme inférieures. Le bronchospasme peut
être rebelle au traitement conduisant à une hypoxémie et une hypercap-
nie et finalement à un arrêt cardiaque anoxique. Un tableau d’œdème
aigu du poumon peut être également observé, secondaire à des troubles
de la perméabilité capillaire ou plus rarement à une dysfonction myo-
cardique.

Signes cardiovasculaires

Le collapsus cardiovasculaire confère souvent un caractère drama-


tique au choc anaphylactique. Il coïncide fréquemment avec le premier
signe clinique observé, mais il peut être le seul signe clinique détecté.
Des troubles de l’excitabilité et de la conduction tels que bradycardie,
bloc auriculo-ventriculaire, bloc de branche, extrasystolie et fibrilla-
tion ventriculaire sont possibles. Ces anomalies du rythme cardiaque
peuvent faire évoluer le choc vers une inefficacité cardiocirculatoire.
L’arrêt cardiaque n’est pas exceptionnel et survient parfois d’emblée
en l’absence de bronchospasme et de signes cutanés associés.

TRAITEMENT (tableau 37-I)

C’est une urgence vitale !

La sévérité des manifestations cliniques et l’efficacité des mesures


thérapeutiques peuvent varier de manière très importante d’un cas à
l’autre. Les mesures suivantes s’imposent.
688 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

Tableau  37-I Conduite à tenir devant un choc anaphylactique au cours de


l’anesthésie générale

1. Traitement initial
• Arrêter l’administration de l’antigène (antibiotique, curare…)
• Assurer le maintien de l’airway :
– administrer de l’oxygène à 100 p. 100
– intuber et ventiler si état de choc ou détresse respiratoire
• Expansion volémique (1 à 2 l de cristalloïdes en se guidant sur la pression
artérielle)
• Adrénaline en bolus (100-200 μg IV → 1 mg si collapsus)

2. Traitement secondaire
• Perfusion continue de catécholamines (adrénaline 4-8 μg/min ou
noradrénaline 4-8 μg/min)
• Corticoïdes (0,25-1 g hydrocortisone ou 1-2 g méthylprednisolone)
• Bicarbonates (0,5-1 meq/kg si état de choc persistant)

• Arrêt immédiat de l’administration du médicament ou du produit


suspect.
• Appel à l’aide et information de l’équipe chirurgicale ± interrup-
tion de l’intervention.
• Contrôle des voies aériennes voire intubation trachéale précoce
dans les formes graves.
• Administration d’oxygène pur.
• Mise en place d’une voie veineuse de bon calibre et surélévation
des membres inférieurs ou inclinaison de la table tête en bas.
• Adrénaline IV en bolus de 100 à 200  μg à renouveler toutes les
1 à 2  min jusqu’à la restauration de la pression artérielle, régression
du bronchospasme, stabilisation et/ou régression de l’angio-œdème.
Les doses doivent être augmentées rapidement en cas d’inefficacité. La
tachycardie ne contre-indique pas l’utilisation d’adrénaline ; elle est en
effet la conséquence de la vasoplégie et peut régresser avec l’adminis-
tration de cette catécholamine. Le recours à une administration continue
d’adrénaline peut être indiqué, titrée en fonction de la réponse clinique.
• Remplissage vasculaire rapide 20  ml ⋅ kg–1 en 20  min de cristal-
loïdes, répété si besoin.

Cas particuliers

Le bronchospasme régresse habituellement à la faveur de l’injection


d’adrénaline. Cependant en cas de bronchospasme persistant, ou sur-
CATASTROPHES EN ANESTHÉSIE 689

venant en l’absence d’hypotension artérielle, l’administration d’ago-


nistes β-2-adrénernergique (type salbutamol) à l’aide d’une chambre
d’inhalation adaptée au circuit de ventilation est recommandée.
Chez la femme enceinte, en raison du risque d’hypoperfusion
placentaire lié à l’adrénaline, le traitement de première intention est
l’éphédrine IV. Le recours à l’adrénaline peut être nécessaire en cas
d’inefficacité.
Chez certains patients traités par bêtabloquants, il peut s’avérer
nécessaire d’augmenter les doses d’adrénaline (bolus initial 200  μg),
suivies en cas d’inefficacité d’injection de 1  mg, voire 5  mg toutes
les 1 à 2  min. En cas d’inefficacité persistante, l’administration de
glucagon doit être envisagée (dose initiale 1 à 2,5  mg) suivie d’une
perfusion à la dose de 2,5 mg ⋅ h–1.
En cas d’arrêt cardiocirculatoire les mesures habituelles de réa-
nimations doivent être appliquées (voir plus loin, Arrêt circulatoire
peropératoire).
Un traitement de deuxième intention par corticoïdes (HSHC 200 mg
IV toutes les 6 h) est proposé dans le cadre de la prévention des mani-
festations récurrentes de l’anaphylaxie.

Évolution

Sous l’influence d’un traitement adapté et rapidement institué, l’évo-


lution est le plus souvent favorable en quelques dizaines de minutes.
L’érythème, le bronchospasme et l’hypotension sont les signes régres-
sant en premier. La tachycardie et l’œdème facial peuvent persister
quelques heures. Dans certains cas, l’hypotension ne se corrige que
partiellement, nécessitant de poursuivre voire d’accentuer le traitement.
Le monitorage en soins intensifs durant 24 à 48  h après l’accident
est nécessaire en raison du risque de réaction récurrente.
Des complications liées à des chocs prolongés et à l’anoxie sont
parfois observées : choc cardiogénique, syndrome de détresse respira-
toire, insuffisance hépatique et rénale, syndrome hémorragique, coma
végétatif. L’évolution reste mortelle dans 5 à 6 p. 100 des cas.

Rappel important
Toute réaction anaphylactoïde doit faire l’objet d’investigations complé-
mentaires immédiates et à distance (voir Chapitre 3, section Anesthésie
du sujet allergique), et d’une déclaration au service de pharmacovigilance
lorsqu’il s’agit d’un médicament ou de matériovigilance lorsqu’il s’agit
d’une réaction mettant en cause le latex. Les conclusions du bilan doivent
être transmises au patient par l’anesthésiste réanimateur prescripteur.
690 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

HYPERTHERMIE MALIGNE

N. Lembert

L’hyperthermie maligne (HM) est une complication de l’anesthésie


générale. En dépit d’un diagnostic précoce et du traitement immédiat
par le dantrolène, la mortalité de la crise reste supérieure à 5 p. 100.
La rareté de la crise, rencontrée moins d’une fois au cours d’une vie
professionnelle, et la survenue volontiers dans le cadre de l’urgence,
sont des éléments défavorables à la prise en charge optimale.

DÉFINITION – DIAGNOSTIC CLINIQUE – DIAGNOSTIC


DIFFÉRENTIEL
L’HM est une myopathie génétiquement transmise sur le mode
dominant non liée au sexe et quasiment sans expression clinique en
dehors de la survenue de la crise.
La crise survient au cours ou au décours immédiat de l’anesthésie
générale. Elle est déclenchée par les agents anesthésiques volatils
halogénés (desflurane, enflurane, halothane, isoflurane, sévoflurane)
et par la succinylcholine. La crise réalise typiquement un état hyper-
métabolique aigu avec rigidité musculaire.
Les signes cardinaux de la crise HM sont la rigidité musculaire, l’aug-
mentation de production de CO2 (augmentation du CO2 expiré+++),
l’hyperthermie et la rhabdomyolyse.
Chacun d’entre eux peut manquer et le diagnostic de la rhabdomyo-
lyse est souvent rétrospectif. C’est pourquoi, le diagnostic précoce et
la mise en œuvre immédiate du traitement sont actuellement préconi-
sés sur la base d’un faisceau d’arguments de présomption, la confir-
mation définitive du diagnostic n’étant obtenue que secondairement
à partir de l’examen spécifique d’un spécimen musculaire. D’autres
signes peu spécifiques peuvent être associés : tachycardie, tachypnée,
arythmies, instabilité hémodynamique, myoglobinurie, cyanose, mar-
brures, spasme massétérin, acidose mixte…

Trismus après succinylcholine

Une augmentation du tonus des masséters peut être observée après


l’administration de la succinylcholine. Il se définit comme une rigi-
CATASTROPHES EN ANESTHÉSIE 691

dité des muscles masséters pouvant gêner l’intubation alors que les
autres muscles sont relâchés. Cette réaction a été longtemps consi-
dérée comme un signe précurseur de l’hyperthermie maligne. Si un
trismus existe lors de la crise d’hyperthermie maligne, cette augmenta-
tion de tonus des masséters ne signifie pas l’apparition d’une HM. En
revanche, sa survenue doit attirer l’attention de l’anesthésiste-réanima-
teur et impose obligatoirement la recherche des autres signes d’hyper-
thermie maligne (hypercapnie, tachycardie, acidose métabolique).

TRAITEMENT DE LA CRISE

• Demander de l’aide. Le pronostic vital est en jeu.


• Arrêt immédiat de l’administration de tout agent volatil halogéné
et de la succinylcholine. Hyperventilation en oxygène pur.
• Administration initiale de dantrolène à la dose de 2,5 mg/kg IVD,
en étant prêt à augmenter rapidement la posologie par incréments de
1 mg/kg jusqu’à 10 mg/kg. Chaque flacon contient 20 mg de dantrolène
et 3 g de mannitol. Chaque flacon doit être dilué dans 60 ml d’eau stérile
sans conservateur. Ne jamais associer dantrolène et inhibiteurs calciques.
• Réanimation symptomatique :
— prévention de l’hypovolémie par expansion volémique à l’aide
d’un soluté sans lactate ni potassium (sérum salé isotonique ou bicar-
bonate 14/1 000) ;
— prévention de l’insuffisance rénale par tubulopathie aiguë par
une expansion volémique ± une alcalinisation ± l’utilisation de diuré-
tiques afin d’assurer une diurèse supérieure à 2 ml/kg/h ;
— refroidissement du patient gravement hyperthermique par arrêt des
moyens de réchauffements  ; perfusion et irrigation des cavités opéra-
toires, de la vessie ou de l’estomac par du sérum salé glacé ; aspersion/
évaporation cutanée à l’aide d’une couverture à air pulsé réglée à 30° ;
— traitement de l’hyperkaliémie aiguë par l’hyperventilation, le
bicarbonate et l’insuline (10 UI dans 50 ml de G 50 p. 100 titré selon
l’hyperkaliémie). L’hyperkaliémie menaçante peut aussi être traitée
par le chlorure de calcium (entre 2 et 5 mg/kg).

APRÈS LA CRISE

En raison de la grande fréquence de la recrudescence immédiate des


crises (30 p. 100), une fois le processus morbide enclenché, la prise en
charge postanesthésique comprend :
— maintien du patient en ventilation artificielle jusqu’à élimination
du dantrolène (puissant relaxant musculaire) ;
— surveillance d’au moins 48 h en réanimation ;
692 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

— traitement d’entretien par le dantrolène sur la base minimale de


4  mg/kg/jour pendant 24-48  h. Après cela, donner la même dose par
voie orale pendant 24 h ;
— surveillance de la gazométrie artérielle, des enzymes muscu-
laires, de la kaliémie, de la calcémie, de la myoglobinémie, de la
myoglobinurie, de l’hémostase et de la température jusqu’au retour
aux valeurs normales. La température centrale doit être monitorée
jusqu’à normalisation stable ;
— information du patient et de sa famille en ce qui concerne l’HM
et les précautions anesthésiques. Le référer à un centre de diagnostic
afin d’obtenir la confirmation du diagnostic et d’organiser la préven-
tion familiale (tableau 37-II).
Anesthésie des patients susceptibles d’HM :
— vérification de la procédure et de la disponibilité des moyens ;
— purge de tout le circuit ventilatoire par 10  l/min d’O2 pur pen-
dant 10 secondes ;
— dosage préopératoire des CPK ;
— contre-indication de l’association dantrolène et inhibiteurs cal-
ciques du fait d’interactions circulatoires graves et de plus, un effet
hyperkaliémiant ;
— éviction totale des agents déclenchants  : halogénés et succi-
nylcholine ;
— monitorage, capnographie et température ;
— tous les autres agents anesthésiques, en particulier, tous les
agents anesthésiques locaux et la néostigmine peuvent être utilisés.

Tableau 37-II Centres de diagnostic pour l’hyperthermie maligne

CHRU de Lille :
Professeur Krivosic-Horber
Tel : 03 20 44 62 70
Fax : 03 20 44 49 07

Faculté de médecine de Marseille :


Docteur Kozak-Ribbens
Tel : 04 91 25 50 90
Fax : 04 91 25 65 39

Hôpital Robert-Debré à Paris :


Professeur Nivoche
Tel : 01 40 03 22 69
Fax : 01 40 03 22 37
CATASTROPHES EN ANESTHÉSIE 693

ARRÊT CARDIAQUE
PEROPÉRATOIRE

C. Quesnel

L’incidence de l’arrêt cardiocirculatoire (ACC) au bloc opératoire


varie selon les études de 7 à 23  cas/10  000 procédures chirurgicales.
L’anesthésie est impliquée dans moins de 20 p. 100 des cas. Les ACC au
bloc opératoire sont liés : à une hypoxie, aux effets adverses des agents
anesthésiques, à une hypovolémie, aux défaillances cardiaques (ryth-
mique, ischémique), à une complication chirurgicale (plaie vasculaire,
embolie fibrino-cruorique, gazeuse ou de ciment selon le contexte).
Les facteurs de risques d’ACC d’origine anesthésique sont : l’âge >
84 ans, le score ASA > 2, l’anesthésie en urgence.

DIAGNOSTIC D’ACC AU BLOC OPÉRATOIRE

Le diagnostic est rapidement établi sur :


— l’absence de pouls carotidien ou fémoral pendant plus de
5 secondes ;
— la chute rapide de la PetCO2 < 10 mmHg ;
— l’absence de pression artérielle (informative si invasive) ;
— le tracé du cardioscope (asystolie, fibrillation ventriculaire, rythme
sans pouls) ;
— sous ALR, le tableau clinique est complété par une perte de
connaissance avec arrêt respiratoire.

CONDUITE À TENIR

• Arrêter l’administration de tous les agents anesthésiques.


• Ventiler en FiO2 1 à une fréquence de 12  insufflations/minute et
un volume courant de 6 ml/kg.
• Éliminer rapidement une cause ventilatoire à l’ACC par un test de
ventilation manuelle (problème sur le circuit, obstruction ou déplace-
ment de sonde, pneumothorax, bronchospasme).
• Entreprendre un massage cardiaque externe (MCE) continu  :
100  compressions/minute avec une dépression thoracique de 5  cm
(massage interne si thorax ouvert).
694 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

• Faire cesser toute manœuvre chirurgicale non indispensable à la


réanimation.
• Appeler du renfort. L’anesthésiste en charge du patient coordonne
la réanimation et le rôle de chaque intervenant.
• Relever l’horaire de survenue de l’ACC.
• Traiter l’ACC selon le tracé du scope (figure 37-2).
• Remplacer tous les solutés glucosés par du NaCl à 0,9 p. 100.
• Surveiller l’efficacité de la procédure de réanimation (PetCO2
> 10  mmHg, courbe de pression artérielle invasive avec une PAD >
35 mmHg).
• Compléter la mise en condition du patient si nécessaire par des
abords artériel et veineux périphérique voire profond en privilégiant la
voie fémorale (en l’absence de contre-indication).

RÉANIMATION APRÈS RÉCUPÉRATION DE L’ACR

• Annuler ou limiter le geste chirurgical selon la situation.


• Maintenir un état hémodynamique correct (PAD ≥ 65  mmHg) en
guidant le traitement (amines, remplissage) par un monitorage adapté
(échocardiographie, Döppler œsophagien, cathéter de Swan-Ganz).
• Maintenir une normoxie et une normocapnie (hypocapnie délé-
tère).
• Corriger les troubles métaboliques (hyperkaliémie, acidose, hyper-
glycémie).
• Lutter activement contre l’hyperthermie puis maintenir une hypo-
thermie modérée dans les 24 premières heures (T° ≥ 34 °C et < 36 °C)
qui semble améliorer le pronostic neurologique.
• Évaluer dans les 48 h l’état neurologique du patient (pas de séda-
tion systématique).

SITUATIONS PARTICULIÈRES

En complément de la procédure préalablement décrite, certaines


situations ont quelques spécificités.
• ACC sous ALR :
— bloc sympathique total sur ALR périmédullaire  : associer rem-
plissage et adrénaline ;
— asphyxie sur apnée (extension céphalique du bloc) : intubation,
ventilation ;
— injection IV d’anesthésiques locaux  : procédure habituelle de
réanimation des ACC ;
— en l’absence de ventilation artificielle préalable, il y a habituel-
lement un arrêt respiratoire associé.
CATASTROPHES EN ANESTHÉSIE 695

Fibrillation ventriculaire Asystolie, rythme sans pouls (RSP)

MCE MCE
100/min 100/min
V° 12/min, FiO2 1, Vt 6 ml/kg V° 12/min, FiO2 1, Vt 6 ml/kg

CEE 1 × 360 J Adrénaline 1 mg IVD/3 min


ou DSA (seringue 10 mg/10 ml de sérum physio)

Pouls, rythme ? Pouls, rythme ?

Adrénaline 1 mg IVD/3 min


(seringue 10 mg/10 ml Atropine 1 mg IVD si RSP
de sérum physio)

Pouls, rythme ?
Pouls, rythme ?

Si ACC > 15 min, acidose métab,


CEE 1 × 360 J
hyperkalémie
ou DSA
bicarbonate 84 ‰ IVD, 1 ml/kg
voie séparée de l’adrénaline
Pouls, rythme ?

Amiodarone 300 mg IVD*


(seringue 300 mg/10 ml
de sérum physio)

CEE 1 × 360 J
ou DSA

Pouls, rythme ?

Si ACC > 15 min, acidose métab,


hyperkalémie
bicarbonate 84 ‰ IVD, 1 ml/kg
voie séparée de l’adrénaline

* 2e bolus d’amiodarone de 150 mg IVD

Figure  37-2 Algorithme de traitement de l’ACC selon le type de tracé au


cardioscope.
696 PRISE EN CHARGE POSTOPÉRATOIRE

• ACC pendant la cœliochirurgie :


— extubation lors de l’insufflation : réintuber ;
— désamorçage par hyperinsufflation accidentelle  : exsuffler et
remplir ;
— embolie gazeuse  : exsuffler, remplir, aspirer les bulles par un
cathéter central (s’il est déjà en place) ;
— plaie vasculaire  : hémostase chirurgicale, remplissage adapté,
transfusion.
• ACC chez la femme enceinte :
— surélever la fesse droite et déplacer l’utérus sur la gauche ;
— proposer une césarienne en urgence si l’enfant est viable (délai
ACR < 15 min).
• ACC en décubitus ventral :
— débuter le MCE en décubitus ventral ;
— retourner le patient en décubitus dorsal dès que possible pour
poursuivre la réanimation.

À noter
• Limiter les fortes doses d’adrénaline dans l’asystolie (bolus IV de
5  mg) qui semblent augmenter la probabilité de retour à une activité
cardiaque mais ne modifient pas le pronostic. L’incrémentation des
doses (bolus de 5  mg) reste cependant proposée dans l’asystolie pro-
longée (> 15 min).
• L’utilisation de la vasopressine (bolus IV unique de 40 UI) est une
alternative possible à l’adrénaline dans les TV/FV réfractaires aux CEE,
cependant ce médicament n’est pas disponible en France.
• En cas d’ACC d’origine coronarienne, une angioplastie doit être
réalisée en urgence (pas de thrombolyse).
• En l’absence de récupération d’une activité cardiaque après 30 min
de réanimation bien menée, les chances de survies sont quasi nulles.
Néanmoins chaque situation doit être appréciée en fonction de facteurs de
protection cérébrale (hypothermie, « préconditionnement » anesthésique).
• Au décours de l’ACC, une information claire et précise doit être don-
née à la famille par l’anesthésiste et le chirurgien en charge du patient.

POUR EN SAVOIR PLUS

Carli P, Thirion C. Arrêt cardiaque, actualités et recommandations internatio-


nales. Conférences d’actualisation de la SFAR. Paris, Elsevier, 2002 : 437-448.
ANNEXES
Chapitre 38

Anesthésie :
vie professionnelle
F. Bonnet

Comme toutes les autres spécialités, l’anesthésie-réanimation


regroupe plusieurs sociétés savantes dont l’objectif est à la fois
de favoriser l’expression scientifique, de participer à la formation
continue et à l’organisation de la vie professionnelle.
La Société Française d’Anesthésie-Réanimation (SFAR) est une
association selon la loi 1901, reconnue d’utilité publique. Elle a pour
but l’étude, l’avancement et l’enseignement de l’anesthésie et de
la réanimation. Son siège social est 74 rue Raynouard 75016 Paris
(www.sfar.org).
Elle organise des réunions scientifiques dont le Congrès national,
mais aussi des réunions d’experts pour l’élaboration de recommanda-
tions pour la pratique clinique. Elle publie mensuellement une revue,
les Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation et des acta des
manifestations scientifiques qu’elle organise. Elle octroie des bourses
de recherche et des prix. La SFAR est gérée par un conseil d’admi-
nistration composé de membres élus. Elle est organisée en comités
consacrés à des sujets d’intérêt (comité des référentiels, comité vie
professionnelle, comité évaluation et maîtrise du risque, comité dou-
leur et anesthésie locorégionale, comité réanimation, comité solida-
rité) et en groupes de travail. Elle est consultée par les autorités de
santé et peut être amenée à donner des avis sur les conditions d’exer-
cice de la spécialité. Elle peut également être le promoteur d’études
épidémiologiques telles que l’enquête sur la pratique de l’anesthésie
en France ou celle sur la prise en charge de la douleur.
D’autres sociétés savantes ou groupes d’intérêt recouvrent des
aspects spécifiques de la profession. On peut ainsi citer  : l’Associa-
tion des Anesthésistes-Réanimateurs Pédiatriques d’Expression
Française (ADARPEF  ; www.adarpef.org)  ; le Club d’Anesthésie-
700 ANNEXES

Réanimation en Obstétrique (CARO) ; l’Association Francophone


des Anesthésistes-Réanimateurs en Chirurgie Orthopédique et
Traumatologique (AFARCOT  ; www.alrf/afarcot)  ; le club d’Anes-
thésie Locorégionale Francophone (ALRF  ; www.alrf.asso.fr)
ainsi que les Clubs des Anesthésistes-Réanimateurs en ORL, Neuro-
chirurgie (ANARLF  ; www.invivo.net/anarlf), Chirurgie Cardiaque
(ARTECC), Chirurgie Vasculaire (ANARCHIV), Histoire de l’Anes-
thésie (CHAR), Organisation, Management et Gestion en Anesthésie
(OMEGA), la Société Francophone pour l’Informatique et le Moni-
torage en Anesthésie-Réanimation (SFIMAR), le Groupe d’Intérêt en
Hémostase Périopératoire (GIHP) le Club d’Infectiologie en Anes-
thésie-Réanimation (CIAR), etc. Chacune de ces associations a pour
vocation de développer les connaissances et les échanges sur un sujet
particulier.
Le Collège Français des Anesthésistes-Réanimateurs (CFAR)
est l’organisme représentatif de l’ensemble des instances de la pro-
fession. Les membres de son bureau sont notamment nommés par
les autres organismes tels que la SFAR ou les syndicats profession-
nels. Le CFAR joue un rôle important dans la formation continue des
médecins anesthésistes. Il délivre un agrément aux réunions et autres
manifestations susceptibles de répondre aux critères de la FMC. Le
CFAR est également agréé pour effectuer l’évaluation des pratiques
professionnelles.
La profession est également organisée en syndicats parmi lesquels
le Syndicat National des Anesthésistes-Réanimateurs de France
(SNFAR ; www.snfar.org), le Syndicat National des Praticiens Hos-
pitaliers en Anesthésie-Réanimation (SNPHAR, www.snfar.com)
et le Syndicat National des Médecins Anesthésistes-Réanimateurs
des Hôpitaux non Universitaires (SNMARHU). Ces syndicats jouent
un rôle de défense des intérêts des professionnels qu’ils représentent
et d’interlocuteurs vis-à-vis des pouvoirs publics.
Enfin les internes sont représentés par diverses organisations dont
l’Association des Jeunes Anesthésistes-Réanimateurs (AJAR) qui
diffuse l’enseignement théorique du DES d’anesthésie sur son site
(www.anesthésiste.org).
ABRÉVIATIONS

AAH : Agent anesthésique halogéné


AC/FA : Arythmie complète par fibrillation auriculaire
ACC : American College of Cardiology
ACCP : American college of chest physicians
AG : Anesthésie générale
AHA : American Heart Association
AI : Aide inspiratoire
AINS : Anti-inflammatoires non stéroïdiens
AIVOC : Anesthésie intraveineuse à objectif de concentration
ALR : Anesthésie locorégionale
APB : Anesthésie péribulbaire
APD : Anesthésie péridurale
ARAII : Antirénine-angiotensine II
ASA : American Society of Anesthesiology
AT : Antithrombine
AVC : Accident vasculaire cérébral
AVK : Antivitamine K
BAT : Bas antithrombose
BAx : Bloc axillaire
BIC : Bloc interscalénique
BIS : Index bispectral
BNP : Brain Natriuretic Peptide
BPCO : Bronchopneumopathie chronique obstructive
BSC : Bloc supraclaviculaire
CA : Concentration alvéolaire
CAM : Concentration alvéolaire minimum
CGR : Concentrés de globules rouges
CHEOPS : Children’s Hospital of Eastern Ontario Pain Scale
CIVD : Coagulation intravasculaire disséminée
CMRO2 : Consommation cérébrale en oxygène
CP : Concentrés plaquettaires
CPI : Compression pneumatique intermittente
CRF : Capacité résiduelle fonctionnelle
CTSA : Centre de transfusion sanguine des armées
DC : Débit cardiaque
DCI : Dénomination commune internationale
DPO : Douleur postopératoire
DSC : Débit sanguin cérébral
702 ABRÉVIATIONS

DSU : Débit sanguin utérin


ECG : Électrocardiogramme
EFS : Établissement français du sang
ETO : Échographie transœsophagienne
FA : Fibrillation auriculaire
FC : Fréquence cardiaque
FEVG : Fraction d’éjection du ventricule gauche
GABA : Acide gamma aminobutyrique
GVH : Réaction greffon contre hôte
HBPM : Héparine de bas poids moléculaire
HEA : Hydroxyéthylamidon
HNF : Héparine non fractionnée
HTA : Hypertension artérielle
HTAP : Hypertension artérielle pulmonaire
HTIC : Hypertension intracrânienne
HVG : Hypertrophie ventriculaire gauche
IAo : Insuffisance aortique
IC : Index cardiaque
IEC : Inhibiteur de l’enzyme de conversion
IM : Insuffisance mitrale
IMC : Index de masse corporelle
IOT : Intubation orotrachéale
IRA : Insuffisance rénale aiguë
JVHF : Jet-ventilation à haute fréquence
LCR : Liquide céphalo-rachidien
LEC : Lithotritie extracorporelle
MET : Metabolic Equivalent
MLAC : Concentration d’anesthésique local soulageant 50  p.  100
des patients en péridurale ou rachianesthésie
MTEV : Maladie thromboembolique veineuse
N2O : Protoxyde d’azote
NFS : Numération formule sanguine
NMDA : N-methyl-D-Aspartate
NYHA : New York Heart Association
OAP : Œdème aigu du poumon
OG : Oreillette gauche
PAD : Pression artérielle diastolique
PAM : Pression artérielle moyenne
PAS : Pression artérielle systolique
PB : Plexus brachial
PCA : Analgésie contrôlée par le patient
ABRÉVIATIONS 703

PEA : Potentiels évoqués auditifs


PEP : Pression expiratoire positive
PetCO2 : Pression partielle en CO2 de fin d’expiration
PIC : Pression intracrânienne
PICC : Peripherally Inserted Central Catheters
PM : Pace-maker
PPC : Pression de perfusion cérébrale
PSL : Produits sanguins labiles
RAC : Rétrécissement aortique calcifié
RAI : Recherche d’agglutinines irrégulières
RAo : Rétrécissement aortique
REP : Résection endoscopique de prostate
RGO : Reflux gastro-œsophagien
RIFLE : Risk of renal dysfunction/Injury to the kidney/Failure of kid-
ney function/Loss of kidney function/End stage renal failure
RM : Rétrécissement mitral
SA : Semaine d’aménorrhée
SAM : Déplacement antérieur de la valve mitrale en systole
SAS : Syndrome d’apnée du sommeil
SCM : Sternocléidomastoïdien
SDMR : Staphylocoque doré méthicilline résistant
SFA : Souffrance fœtale aiguë
SNS : Système nerveux central
SSPI : Salle de surveillance post-interventionnelle
TACO : Transfusion Associated Cardiac Overload
TCA : Temps de coagulation activé
TIH : Thrombopénie immuno-allergique à l’héparine
TP : Taux de prothrombine
TRALI : Transfusion Related Acute Lung Injury
TS : Temps de saignement
TURP : Syndrome de résection transurétrale de prostate
USC : Unité de surveillance continue
VACI : Ventilation assistée contrôlée intermittente
Vd : Espace mort
VES : Volume d’éjection systolique
VG : Ventricule gauche
VJI : Veine jugulaire interne
VNI : Ventilation non invasive
VPC : Ventilation en pression contrôlée
VSC : Veine sous-claviculaire
Vt : Volume courant
INDEX

A Bloc
– paravertébral (BPV), 471
Accident transfusionnel, 363 – sous-dural, 551
Agents antiplaquettaires, 12 Blood patch, 290, 297
AINOC (anesthésie inhalatoire BPCO, 45
à objectif de concentration), Brèches de la dure-mère, 552
155 Bronchopneumopathies chroniques
AIVOC, 181, 206 obstructives, 41-42
Albumine, 352 Bupivacaïne, 264, 287
Alfentanil, 184
Allergies, 8 C
Allergique, 72
Analgésie CAM (concentration alvéolaire
– contrôlée par le patient (PCA), minimale), 152
657 Cardio-défibrillateur implantable, 38
– péridurale, 544 Cardiomyopathie(s)
– – autocontrôlée, 548 – diabétique, 58
– – thoracique, 512 – dilatées, 577
Anaphylaxie, 72 – hypertrophique obstructive, 34
Antagonistes – obstructives, 578
– de l’angiotensine II, 11 Cardiopathie(s)
– des récepteurs de – congénitales, 574
l’angiotensine II, 29 – ischémique, 57
Antibioprophylaxie, 13, 108, 368 Carotide, 442
Anticoagulants, 12 Cathéter veineux central, 237
Antivitamines K, 387 Césarienne, 555
Anti-Xa, 386 Chirurgie
Aorte abdominale, 446 – laser, 483
Apports hydriques peropératoires, – du sein, 469
403 Chlorhydrate de kétamine
Asthme, 41-42, 44 (Kétalar®), 169
Atracurium, 199 Choc
– hémorragique, 93
B – septique, 92
Ciment, 438
Bêtabloquants, 24, 29 Circuit d’anesthésie, 114
Biguanides, 13 Cisatracurium, 199
Bilan biologique, 10 Classe de Mallampati, 139
BISTM, 256 Classification ASA, 14
706 INDEX

Clonidine, 29 Gélatines, 353


Clonidine, 288 Grade de Cormack et Lehane, 139
Cœliochirurgie, 464
Colloïdes, 352 H
Consultation(s)
– d’anesthésie, 5 HBPM, 385
– itératives, 16 HELLP syndrome, 566, 571
– en urgence, 16 Hématome rétroplacentaire, 567
Contrôle glycémique, 62 Hémorragie
Cristalloïdes, 349 – massive, 366
Critères d’intubation difficiles, 9 – du post-partum, 560
Hémovigilance, 362
D Héparines, 385
Hydroxyéthylamidons, 353
Décurarisation, 203 Hypertension artérielle, 58
Délivrance artificielle, 561 Hypotension maternelle, 555
Dénutrition, 399 Hypoxémie, 229
Desflurane, 149
Diabète, 56 I
Diurétiques, 11
Informations écrites concernant
E l’anesthésie, 15
Inhibiteurs de l’enzyme
ECG, 10 de conversion, 11, 29
Échocardiographie Insuffisance
– de stress (par injection – aortique (IA), 35, 518, 576
de dobutamine), 23 – coronarienne, 18
– transœsophagienne (ETO), 526 – hépatocellulaire, 52
Échographie, 274 – mitrale (IM), 37, 518, 576
Éclampsie, 567, 570 Intubation
Électrocardiogramme d’effort, 22 – difficile, 13, 476
Embolie gazeuse, 402 – sélective, 506
Endocardite, 13, 33 – trachéale, 133
Endoprothèse coronaire (stent), 27 – – difficile, 138
Épisode ischémique peropératoire, Isoflurane, 149
28
Estomac plein, 87 J
États de choc, 92
Étomidate, 168 Jet-ventilation, 482
Jeûne préopératoire, 593
F
K
Femme enceinte, 82
Fentanyl, 184 Kétamine, 655
Fonction rénale, 49
Formule de Cockcroft, 79 L

G Laparoscopie, 401
Laparotomie, 401
Garrot pneumatique, 436 Lidocaïne, 264, 287
INDEX 707

M Pré-éclampsie, 564
Prématurité, 585
Maladie(s) Prémédication, 15
– de Marfan, 575 Propofol (Diprivan®), 165
– des membranes hyalines, 585 Protoxyde d’azote, 149
– neuromusculaires, 63
– de Parkinson, 70 R
– thromboembolique veineuse
(MTEV), 383 Radiographie pulmonaire, 10
Manœuvre de Sellick, 90 Réaction anaphylactique, 72
Midazolam (Hypnovel®), 172 Réalimentation postopératoire, 406
Mivacurium, 199 Recommandations de l’American
Morphine, 185, 656 College of Cardiology
Myasthénie, 64-65 et l’American Heart
Myopathies, 63 Association, 19
Rémifentanil, 181
N Rétrécissement
– aortique, 33, 518, 576
Nalbuphine, 187 – mitral (RM), 36, 519, 576
Naloxone, 188 Révision utérine, 561
Nausées Risque(s)
– et vomissements, 180 – thromboembolique, 13
– – postopératoires, 9 – transfusionnels, 363
Néfopam, 654 Rocuronium, 199
Néostigmine, 203 Ropivacaïne, 264, 287
Neuropathie
– dysautonomique, 59 S
– périphérique, 59
Scintigraphie myocardique
O au thallium/dipyridamole, 23
Sclérose en plaques, 69
Obésité et anesthésie, 100 Score
Œsophage, 412 – d’Apgar, 583
– Epworth, 103
P – de Lee, 439
– simplifié de Lee, 20
Pace-maker, 38 Sévoflurane, 149
Paracétamol, 654 Statines, 12
PCA, 657 Succinylcholine, 195
Péridurale, 179 Sufentanil, 183
Peripherally Inserted Central Sugammadex, 203
Catheters (PICC), 341 Sujet âgé, 77
Péri-rachianalgésie continue, 548 Sulfate de magnésium, 570
Péri-rachianesthésie combinée, Swan-Ganz, cathéter de, 525
556 Syndrome
Péritonites postopératoires, 408 – douloureux post-mastectomie,
Pertes sanguines, 14 473
PiCCO™ (Pulsion Medical – d’Eisenmenger, 575
System), 525 – de Meadows, 577
Post-tetanic count (PTC), 201 – de Tako Tsubo, 670
708 INDEX

T Vasoconstriction pulmonaire
hypoxique (VPH), 510
Tabagisme, 8 Vécuronium, 199
Thiopental (Pentothal®), 161 Ventilation
Thromboprophylaxie veineuse, 383 – au masque, 129
Train-de-quatre (Td4), 200 – non invasive (VNI), 411
Tramadol, 656 Voie(s)
Transfusion – aériennes, 129
– massive, 365 – artérielles, 347
– et remplissage, 349 – fémorale, 346
TURP syndrome, 459 – jugulaire interne, 344
– sous-clavière, 344
V – veineuses
– – centrales, 342
Valvulopathie et cardiomyopathie, 32 – – périphériques, 339
Photocomposition Nord Compo, Villeneuve-d’Ascq
Achevé d’imprimer en Italie sur les presses de L.E.G.O. S.p.a. – Lavis (TN)
Dépôt légal : octobre 2012

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