Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 15

Sébastien Fanti

Avocat au Barreau valaisan & Notaire


CAS Digital Finance Law
CAS Financial Regulation
CIPP/E, ISO 29100 LI, ISO 27001 LA & LI
Médiateur LSFin
Courrier A+
Anticipé par courriel

Dossier 007/2021 Grand Conseil du Canton du


Valais
A l’att. de sa présidente
Grand-Pont 4
CH-1951 SION

Sion, le 28 décembre 2022






Recommandation

émise

à l’attention du Grand Conseil du Canton du Valais par ses représentants légaux

au titre de l’article 37 alinéa 1 let. a

de la loi sur l’information du public,


la protection des données et l’archivage

suite à la décision de huis clos prononcée par Grand Conseil valaisan

lors de l’élection du procureur général du Canton du Valais, Nicolas Dubuis, le 5 mai 2021

***

1
I. Le Préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (ci-après le
Préposé) constate ce qui suit :

1. L’élection du procureur général s’est déroulée le 5 mai 2021.


2. Lors de cette élection qui a eu lieu secrètement (à huis clos), les personnes n’occupant pas une
fonction officielle, dont les journalistes, ont été priées de quitter la salle, avant l’élection, suite à
une décision formelle du Grand Conseil.
3. Cela signifie concrètement que de simples citoyens ont, en sus, des journalistes accrédités, dû
quitter la salle, alors qu’ils souhaitent assister aux débats du parlement cantonal.
4. Un tel processus est inusuel, puisqu’il prévaut, selon le bureau du Grand Conseil, lors d’une
naturalisation contestée ou d’une demande de grâce, notamment1.
5. À la connaissance du soussigné, et sur la base des recherches effectuées sur le site du Grand
Conseil, il semble qu’il s’agisse de la première fois qu’un Haut Magistrat du Canton soit élu en
toute opacité, soit à huis clos2.
6. Le PDF structuré de la session de mai 2021 indique (en page 550) :
- que le Grand Conseil a décidé d’un vote secret par 65 oui, 60 non et 1 abstention ;
- que le Grand Conseil a voté une première fois et que le résultat a été une parfaite parité (63
oui, 63 non et 2 abstentions) ;
- que le Grand Conseil a voté une deuxième fois et a élu Nicolas Dubuis en qualité de
procureur général (64 oui, 59 non et 0 abstention).

7. Il s’avère conséquemment que l’élection peut factuellement être qualifiée d’incertaine,


respectivement de labile, puisque lors du premier vote une seule voix suffisait à faire élire ou,
au contraire, à ne pas faire élire le seul candidat.
8. Le document précité (PDF structuré de la session de mai 2021) n’offre aucune chronologie
précise du déroulement des événements, ce qui est tout de même surprenant, à l’aune de la
gravité de l’instant, qui ne pouvait échapper à quiconque, et surtout pas aux membres du
Service parlementaire qui doivent assurer le respect des règles fondamentales et orienter avec
adéquation et exactitude les députés3, dont la plupart n’ont aucune formation juridique4.
9. Un recours a été déposé à l’encontre de l’élection du procureur général auprès du Tribunal
fédéral par sa Cour de droit public, recours qui a été déclaré irrecevable (arrêt 1C_257/2021
du 6 septembre 2021).
10. Les échanges d’écriture, de même que l’arrêt rendu au terme de la procédure permettent, in
parte qua, de pallier la retranscription lacunaire des événements liés à l’élection à huis clos du
procureur général.
11. Par écriture du 25 mai 2021, sous la plume du président du Grand Conseil Manfred Schmid et
du chef du Service parlementaire Claude Bumann, les explications suivantes ont été données
au Tribunal fédéral (cf. § III/ Rappel des faits, p. 3) :
Lors de la session de mai au début de chaque législature, le Grand Conseil élit les membres
du bureau du Ministère public, en se fondant sur l’art. 85 de la Constitution cantonale, les art.
23, al. 4, et 27 ss. de la loi sur l’organisation de la Justice (LOJ) ainsi que les art. 112 ss. du
règlement du Grand Conseil (RGC).
Avant la session, le Ministère public transmet au Grand Conseil une liste des magistrats qui se
présentent à une réélection (pièce justificative no 1).

2
Jusqu’à présent, le procureur général adjoint et les trois premiers procureurs ont toujours été
réélus tacitement, et le procureur général au scrutin secret, par exemple en 2017 (pièce
justificative no 2).
Étant donné que la réélection du procureur général a été mise en doute avant la session de
mai 2021, le bureau du Grand Conseil a fixé, lors de sa séance du 20 avril 2021, la procédure
en cas de réélection contestée et l’a rendue publique dans sa newsletter no 4/2021, envoyée à
tous les députés au Grand Conseil, ainsi qu’aux médias :
a) Réélection des membres du Ministère public qui, selon le courrier du 25 mars 2021,
se représentent pour un nouveau mandat de 4 ans. Si M. Nicolas Dubuis est élu Juge
cantonal, il démissionnera de son poste de Procureur général et seuls les quatre
membres restants du Bureau seront à réélire. Si la réélection d’un ou de plusieurs
procureurs est contestée, les magistrats non contestés seront réélus tacitement et
une décision sera prise à l’égard des procureurs contestés (par le biais du système
de vote à moins que le Grand Conseil ne décide du scrutin secret selon l’art. 107 al.
1 let. c RGC). Dans ce cas, la question posée lors du vote sera la suivante : « Êtes-
vous prêt à réélire X.Y. en tant que (fonction) pour la prochaine législature ? Oui ou
non ?» En cas de décision négative du Parlement, le poste vacant sera de nouveau
mis au concours et, en théorie, le magistrat non confirmé pourrait également postuler.
Le poste du procureur non réélu restera vacant après le 1er juin 2021.
b) L’élection du Procureur général a lieu au scrutin secret conformément à l’art. 115 al.
2 RGC. Toutefois, si M. Nicolas Dubuis est nommé juge cantonal, ce point sera
supprimé de l’ordre du jour. Le poste sera à nouveau mis au concours et l’élection
aura lieu lors d’une session ultérieure, après les évaluations menées par le Conseil
de la magistrature et la Commission de justice. Dans ce cas de figure, le Grand
Conseil est invité à prolonger le mandat du procureur général, M. Nicolas Dubuis,
jusqu’au 31 août 2021, au même titre que les 4 juges cantonaux démissionnaires,
afin d’éviter un vide au Ministère public (pièce justificative no 3).

Lors de la séance du Grand Conseil du 5 mai 2021, après la décision du huis clos, le Grand
Conseil a procédé exactement selon ce plan et le procureur général a été réélu lors d’un
deuxième scrutin secret par 64 voix contre 59 (pièce justificative no 4).
La procédure et le résultat du vote n’ont pas été contestés devant le Grand Conseil.
Le plaignant 1, membre du Grand Conseil, n’était pas présent le 5 mai 2021 et n’a pas participé
au vote.
Le procureur général réélu a été assermenté le 7 mai 2021.

12. Il est également exposé le fait que le Grand Conseil a accepté une prolongation de la séance
qui ne dure ordinairement que jusqu’à 12 heures en vertu de l’article 72 du Règlement du Grand
Conseil du 13 septembre 2021 (abrégé ci-après RGC). Le procureur général a,
conséquemment, été élu lors de la séance du matin du 5 mai 2021, qui s’est terminée à 15h36.
13. ll est piquant de relever (compte tenu des développements ultérieurs – cf. § III) que le Grand
Conseil utilise les termes « absolument antidémocratique » pour qualifier le recours déposé à
l’encontre de l’élection du procureur général.
14. Différents articles sont parus, suite à cet événement extraordinaire. Certains méritent une
attention particulière dans le cadre de la présente recommandation.

3
15. Selon le journaliste Gilles Berreau (cf. article du 12 mai 2021 dans le Nouvelliste, intitulé
« Élection du procureur : le huis clos n’est pas une spécialité valaisanne »), le bureau (du Grand
Conseil) a alors soudainement ordonné l’évacuation du public et des journalistes de la
Simplonhalle à Brigue, afin de procéder à huis clos à la réélection du procureur général Nicolas
Dubuis.
16. Un autre article sous la plume de Fabrice Zwahlen (20min.ch, Procureur général réélu de
justesse à huis clos, 5 mai 2021) évoque le fait qu’une proposition du député Aaron Pfammatter
de ne pas appliquer cette directive du Règlement (en fait l’article 76 du RGC) n’a pas été
soumise au vote du Parlement.
17. Cette photographie publiée par Grégoire Baur sur son fil Twitter (@GregBaur) permet de se
rendre compte de la situation qui prévalait suite à l’évacuation des journalistes :

18. Le huis clos a duré 2 heures selon la retranscription émanant du journaliste Jean-Yves Gabbud
pour le Nouvelliste le jour de l’élection5.
19. Le Nouvelliste quant à lui (et toujours sous la plume de Jean-Yves Gabbud) évoque le fait que
la décision relative au huis clos émane du bureau du Grand-Conseil, qui ne l’aurait de surcroît
pas explicitée aux journalistes.
20. Ces articles permettent de subodorer le fait que la décision initiale est issue du bureau, même
si par la suite il s’agit clairement selon le compte-rendu des débats d’une décision du plénum.
21. La diffusion des débats sur la chaîne régionale Canal 9 a, quant à elle, été interrompue sine
die.
22. La décision de huis clos semble, selon diverses enquêtes journalistiques, avoir été prise suite
à différentes interactions.
23. Selon le Walliser Bote du 8 mai 2021, différents proches ou familiers du procureur général
auraient partagé leur point de vue relativement au processus de réélection.
24. La journaliste Evelyne Emeri 6 soutient, quant à elle, dans un article du 19 mai 2021, que
l’élection a eu lieu sous tension.
4
25. Différents témoignages évoquent des pressions et l’existence d’un climat de peur qui auraient
favorisé le huis clos. Pour reprendre les termes exacts de la journaliste : « Ceux-ci concèdent
avoir cédé à la pression au moment de se déterminer en faveur du huis clos. Tandis que
d’autres, qui n’ont pas été importunés téléphoniquement, évoquent clairement « l’impression
d’une action organisée » et avoir voulu « donner la priorité à la protection des députés tellement
la pression était forte dans la salle », à l’image de Doris Schmidhalter-Näfen (PS/Haut-Valais),
présidente de la Commission de gestion, qui ne s’en cache pas. « Pour la transparence, le huis
clos était peut-être une erreur. Ou peut-être pas. ».
26. Les services du parlement ont manifestement été dépassés par les événements, puisqu’ils ont
commis des erreurs de communication grossières et, à ce stade, gravissimes, à l’aune des
enjeux de l’élection litigieuse7. Les autres erreurs commises seront analysées ci-après.
27. Le Grand Conseil a été interpellé par courrier du soussigné du 10 juin 2022 dont la teneur était
la suivante :
(…) Je me dois de vous adresser les présentes dans le cadre du dossier cité en exergue.
Le bureau du Grand Conseil valaisan a prononcé le huis clos en se fondant sur l’article 76 du
règlement du Parlement cantonal du 13 septembre 2001 (RS 171.100). Ont été invoqués
pour justifier ce prononcé des motifs inhérents à la protection de la personnalité du procureur
général (art. 76 al. 1 in fine).
Suite aux dénonciations reçues, il a été décidé de l’ouverture formelle d’une procédure à
l’encontre des membres du Grand Conseil pour déterminer s’ils avaient violé le principe de
transparence garanti par la Loi sur l’information du public, la protection des données et
l’archivage (LIPDA), soit une loi au sens formel qui est postérieure à l’adoption du règlement
qui est de surcroît de rang inférieur. Cette possibilité résulte de l’article 37 al. 1 let. a LIPDA :
le préposé contrôle d’office l’application du principe de transparence.
Selon l’article 6 alinéa 2 LIPDA, le huis clos peut être ordonné relativement aux séances du
Grand Conseil si un intérêt public ou privé prépondérant l’exige.
Selon les informations en notre possession, le procureur général n’a jamais sollicité le
prononcé d’une telle mesure. Il n’a pas même été interpellé préalablement à la décision du
bureau.
Avant que le résultat de ces investigations ne soit formalisé et rendu public, nous vous offrons
la possibilité de vous déterminer relativement à la légalité de la décision du bureau dans un
délai de 30 jours.
Sans nouvelles de votre part, je me permettrai de partir du principe que vous renoncez à
l’exercice du droit d’être entendu.
Dans l’intervalle et pour autant que les images existent encore (ce dont je vous prie de
m’informer) je vous recommande formellement (art. 37 al. 1 let. d LIPDA) de les conserver. Si
vous deviez ne pas souhaiter conserver ces données (pour autant qu’elles existent), il vous
est loisible d’agir conformément à l’article 54 LIPDA. »(…).
28. Il a répondu le 23 juin 2022 de la manière suivante, après avoir pris note de l’ouverture de la
procédure : « Dans cette affaire, le Grand Conseil a décidé sur proposition du Bureau et sur la
base de l’article 48 de la Constitution cantonale, d’organiser une élection à huis clos. Nous vous
rappelons que l’article 76 al. 3 du règlement du Grand Conseil prévoit que l’enregistrement est
interrompu lorsque le huis clos fait l’objet d’une délibération ou a été décidé sans celle-ci et qu’il
est, en outre, de la nature même d’un huis clos, fondé sur la Constitution cantonale, donc d’un
acte législatif supérieur à une loi, qu’il n’y ait aucun enregistrement à ce sujet qui puisse vous
être remis.
29. Pour la parfaite compréhension du lecteur, le préposé a été informé du fait qu’un enregistrement
pourrait avoir été réalisé, nonobstant le huis clos prononcé.

5
30. Le candidat au poste de procureur général Nicolas Dubuis (candidat à sa réélection) n’a pas
été consulté avant le prononcé du huis clos et il n’a donc pas pu exercer son droit d’être entendu
quant au processus choisi pour l’élection.
31. Le Conseil de la magistrature a émis un rapport le 24 novembre 2022 sur la gouvernance et
les ressources humaines au sein du Ministère public du Canton du Valais8.
32. Ce rapport a suscité un émoi considérable.
33. La Commission de justice a annoncé vouloir se saisir du dossier lors de sa prochaine séance
en janvier 2023 et, a fortiori, vouloir également rendre un rapport au printemps.

Les autres faits utiles ou opportuns seront repris ci-après.

6
II. Le Préposé cantonal à la protection des données et à la transparence considère
ce qui suit :

34. Le préposé peut se saisir d’office de toute affaire concernant la protection des données et la
transparence relative à des autorités valaisannes au sens de l’article 3 al. 1 let. a LIPDA. En
l’occurrence, la décision concernant le huis clos a été portée à la connaissance du
préposé par différentes sources, soit les médias, le Rassemblement citoyen valaisan, ainsi
que des citoyens. Jamais en 9 ans d’exercice de la fonction, le préposé n’avait reçu autant de
messages d’indignation de citoyens qui, tous, avaient l’impression d’avoir été littéralement
trahis par leurs représentants.
35. En vertu de l’article 37 al. 1 let. a LIPDA, le préposé contrôle d’office l’application des
dispositions sur la protection des données et le principe de la transparence. À cet effet, il peut,
en tout temps, procéder à des vérifications auprès des autorités. Selon le message9, cette tâche
est essentielle, car l’application correcte de la législation exige des contrôles réguliers auprès
de toutes les autorités qui traitent des données Lorsqu’il constate des violations de la loi, il doit
prendre les mesures nécessaires (cf. al. 3). Le message ne définit pas précisément ce que sont
les mesures nécessaires. Le rôle du préposé consistant principalement à recommander, il peut
en être inféré que c’est dans le même cadre que son intervention a lieu en l’espèce. De surcroît,
seule une recommandation s’avère pertinente dans le but principal d’éviter qu’une telle situation
ubuesque ne se reproduise. Finalement, si le Grand Conseil ne suit pas la recommandation
émise, une procédure permettra de déterminer si le droit a été correctement appliqué dans le
cas d’espèce, ce qui est spécifiquement le processus choisi par le législateur.
36. La première question à résoudre a trait à l’application des différentes normes. Selon l’article 48
de la Constitution valaisanne, les séances du Grand Conseil sont publiques (al. 1) ; il peut
toutefois décider le huis clos lorsque les circonstances l’exigent (al. 2).
37. Cette disposition constitutionnelle et légale est mise en œuvre par l’article 76 RGC. Le huis clos
est justifié pour des raisons liées à la protection d’intérêts importants de l'État ou pour des motifs
inhérents à la protection de la personnalité. Il a lieu uniquement s'il est demandé par le bureau,
par le Conseil d'État ou par dix députés. Selon le bureau du Grand Conseil10, cela exige toutefois
l’existence de motifs liés à la protection de la personnalité qui doivent l’emporter sur le droit
des citoyens à la publicité des débats parlementaires.
38. À ce stade déjà, il peut être constaté que le Grand Conseil dans sa réponse du 23 juin 2022 erre
littéralement lorsqu’il se réfère à la Constitution pour éluder l’application de la LIPDA, adoptée
elle ultérieurement. La stratégie est assez claire, puisqu’elle consiste à trouver une motivation à
une décision qui a manifestement été mal réfléchie pour user de termes pondérés. Or, il
appartenait clairement au service parlementaire d’indiquer aux membres du bureau, ainsi qu’au
plénum le fait que d’autres normes trouvaient application, ce qui ne paraît pas avoir été fait, à
l’aune des déclarations des uns et des autres. Personne n’évoque en effet l’application de la
LIPDA et certains députés ont confié au préposé leur surprise de ne pas avoir été suffisamment
renseignés à ce sujet !
39. La LIPDA est entrée en vigueur postérieurement au RGC. Il s’agit d’une loi au sens formel, ce
qui signifie qu’elle est de rang supérieur au règlement. L’article 48 de la Constitution précité
permet l’adoption de normes de rang inférieur, ce que le bureau du Grand Conseil n’a pas
manqué de souligner dans sa réponse à la motion n° 7.005. Partant, il convient de considérer
que la LIPDA l’emporte clairement sur le RGC, invoqué de manière erronée, comme source
légale principale de la décision querellée. Le fait d’avoir occulté l’examen de la situation prévalant
à l’aune des normes de la LIPDA constitue à n’en point douter un manquement grave, qui
démontre que les personnes qui ont œuvré à la préparation de la décision que le Grand Conseil
devait prendre se sont fourvoyées et ont opéré une analyse juridique partielle qui aboutira au
résultat que l’on connaît.

7
40. La LIPDA comporte un article 6 dont la teneur est la suivante :
Art. 6
Séances publiques
1
Sont publiques:
a) les séances du Grand Conseil;
b) les séances des législatifs municipaux et bourgeoisiaux;
c) les audiences et prononcés de jugements des autorités judiciaires, sous réserve des exceptions prévues par la législation.
2
Si un intérêt prépondérant, public ou privé l'exige, ces autorités peuvent ordonner le huis clos.

41. Le message relatif à la LIPDA ne comporte pas d’explication relative à l’intérêt public ou privé
prépondérant. Il expose par contre en ces termes l’importance pour la presse de pouvoir assister
aux débats parlementaires (notamment) :
La présence des médias est non seulement celle des journalistes de la presse écrite, mais également celle
des médias électroniques (radio, télévision, etc.) et des photographes de presse. Le droit des médias
comprend également la retransmission en direct ou en différé des débats par la radio ou la télévision. Le
bon déroulement des débats et les intérêts privés ou publics prépondérants demeurent toutefois réservés.
Dans la civilisation de l’image qui est la nôtre, on peut admettre que l’exception du bon déroulement
des débats sera appliquée de manière restrictive.
42. Les notions d’intérêts publics ou privés prépondérants sont définies, dans le champ de la
transparence, dans une fiche d’information rédigée par le prédécesseur du préposé11.
43. Ont été publiquement invoqués comme motifs pour justifier le huis clos, tantôt la protection de la
personnalité du procureur général Nicolas Dubuis, tantôt la peur, tantôt des pressions
prétendument exercées. En réalité la matérialité des motifs invoqués ne peut être formellement
démontrée. Le Grand Conseil s’est bien gardé de préciser lors de la procédure devant le Tribunal
fédéral, ou en réponse aux questions des journalistes quels droits de la personnalité auraient pu
être violés lors des débats. Le président du Grand Conseil de l’époque Manfred Schmid a
précisé : « Il s'agissait pour le bureau de protéger la personnalité des candidatures passées en
revue en plénum ». Cette déclaration laconique ne permet à l’évidence pas de déterminer quels
droits de la personnalité auraient pu être violés. Il s’agit partant d’un motif abscons et contraire
dans son absence de démonstration précise au droit. Tout d’abord le procureur général n’a jamais
sollicité le prononcé d’un tel huis clos. D’autre part il est tout simplement antinomique avec sa
fonction que son élection se déroule à huis clos, ce d’autant que celle-ci était annoncée comme
extrêmement disputée et qu’elle s’est jouée à une voix, ce qui démontre que le parlement n’a été
convaincu qu’à une courte tête. La durée du huis clos démontre également l’intensité de ces
débats. Un procureur général ne peut au demeurant bénéficier qu’à de rares et exceptionnelles
conditions de la protection de ses droits de la personnalité. Il est en effet au sens de la
jurisprudence Minelli12 une personne absolue de l’histoire contemporaine. Le Tribunal fédéral
s’est fondé, dans l’arrêt Minelli, sur la définition donnée par la doctrine des personnes de l’histoire
contemporaine jouissant d’une notoriété absolue, en raison notamment de leur position ou de
leurs fonctions, comme les politiciens, les sportifs et les artistes. Le préposé ose espérer que les
députés n’envisageaient pas, lors d’un débat, de porter atteinte à ces droits (qui peuvent être
qualifiés de résiduels) en injuriant, en invectivant, en se moquant, etc. En réalité, ils ne le peuvent
pas.
44. Des règles de bienséance doivent manifestement être respectées et il eût incombé à la
présidence de modérer le débat, ce qu’elle souhaitait, semble-t-il, ne pas faire.

8
45. Il peut à cet égard être renvoyé à l’article 11 de la loi sur l’organisation des Conseils et les rapports
entre les pouvoirs (LOCRP) du 28 mars 1996 dont la teneur est la suivante :
Art. 11
Tenue et comportement
1
Les députés respectent les règles de la bienséance parlementaire et évitent de prononcer des propos blessants ou
offensants.

Tous les garde-fous nécessaires existaient donc pour un débat certes engagé, mais respectueux,
sauf à considérer que les député(e)s valaisan(ne)s ne sont pas en mesure de refréner leur verbe
et qu’ils eussent émis des saillies dolosives. Le préposé ne peut croire à cette hypothèse.
46. La peur ne constitue pas un intérêt privé ou public prépondérant. Pas plus que la pression
prétendument exercée, respectivement subie. Pour reprendre la célèbre citation d’un juge
fédéral, la démocratie implique une grande liberté d'expression et les acteurs de la lutte politique
doivent avoir le cuir épais (Bernard Corboz, Les principales infractions, Berne 1997, p.179, N.9
et 10). Comme le disait Winston Léonard Spencer-Churchill, « la critique peut être désagréable,
mais elle est nécessaire. Elle est comme la douleur pour le corps humain : elle attire l'attention
sur ce qui ne va pas. ». Dans le cas d’espèce, il sied de constater que le courage a fait défaut et
que, plus grave encore, des motifs fantaisistes et ineptes ont été invoqués pour justifier le huis
clos. C’est donc par pure paresse démocratique que les députés prirent cette option. Or, un élu
l’est pour prendre des décisions, fussent-elles désagréables. A défaut, il devrait s’orienter vers
des activités tétrapilectomiques, soit moins oppressantes.
47. En bref donc, les motifs invoqués ne justifient pas à eux seuls et déjà le prononcé du huis clos. Il
s’avère ainsi, sans surprise, qu’ils sont dénués de toute pertinence. Il reste à déterminer si nous
nous trouvons en présence d’une censure qui engage la responsabilité de ceux qui y ont
concouru, respectivement du Canton du Valais.
48. Dans une démocratie, la liberté des médias revêt une importance centrale13 : elle garantit un flux
d’informations sans entraves et un libre échange d’opinions dans les médias de masse comme
la presse, la radio, la télévision et les offres en ligne. La liberté des médias est énoncée
expressément à l’article 17 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse. Elle englobe
l’en- semble du processus de travail, des recherches à la diffusion. La censure étatique est
interdite et la protection du secret de rédaction, au sens d’une protection des sources, est
assurée. Dans le cadre de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales (CEDH) adoptée par le Conseil de l’Europe et qui a valeur contraignante pour la
Suisse, la liberté des médias représente une composante importante de la liberté d’expression
fixée à l’article 10. Souvent qualifiés de « quatrième pouvoir », les médias jouent un rôle essentiel
dans un État de droit démocratique en tant qu’instruments d’information. On leur attribue aussi
souvent une fonction de gardien de l’intérêt public vis-à-vis des autorités politiques, de l’économie
et des autres détenteurs de pouvoir, sur lesquels ils exercent un certain contrôle.
Les publications des médias peuvent affecter d’autres intérêts dignes de protection. La liberté
des médias n’est donc pas illimitée. Les restrictions de ce droit fondamental sont autorisées
uniquement si elles satisfont aux exigences définies dans la Constitution fédérale (article 36) ou
dans la Convention européenne des droits de l’homme (article 10, alinéa 2). Toute restriction de
la liberté des médias doit ainsi impérativement être fondée sur une base légale, comme il en
figure dans le Code pénal et le Code civil, dans la loi fédérale contre la concurrence déloyale
ainsi que dans la loi fédérale sur la radio et la télévision.
En droit civil, c’est la protection de la personnalité qui prime. Les individus ayant subi une atteinte
à leur personnalité par des publications de médias peuvent intenter différentes actions, dont
l’aboutissement peut être un droit de réponse, une rectification, la publication du jugement ou des
prétentions financières telles que dommages-intérêts, réparation du tort moral ou remise du gain.

9
Des mesures provisionnelles sont également possibles dans le cadre de la protection de la
personnalité, telle qu’inscrite dans le droit civil, notamment sous la forme d’interdictions de
publication à titre préventif. Ce type d’actions de droit civil comporte cependant toujours un risque
de coûts importants.
Des informations inexactes, fallacieuses ou inutilement blessantes diffusées dans les médias
peuvent en outre affecter les intérêts économiques de certains acteurs du marché. Face à de
telles pratiques, la loi contre la concurrence déloyale met à la disposition des intéressés des voies
de recours tant civiles que pénales.
La radio et la télévision sont soumises à une législation spéciale. Ainsi, la diffusion des
programmes suisses de radio et de télévision, mais aussi leur surveillance sont régies
expressément par la loi fédérale sur la radio et la télévision, qui concerne également l’AIEP. Cette
loi définit des principes applicables au contenu des programmes et fixe des règles en matière de
publicité.
Outre les prescriptions étatiques, les processus d’autorégulation se penchent également sur le
contenu des médias. Les principes éthiques dans ce domaine sont fixés dans la « Déclaration
des devoirs et des droits du/de la Journaliste » du Conseil suisse de la presse. Le secteur de la
communication prévoit une autorégulation par la Commission Suisse pour la Loyauté sur la base
de règles propres.
Selon la jurisprudence conventionnelle relative à l’article 6 CEDH (en matière pénale), toute
juridiction interne prononçant le huis clos est tenue de justifier sa décision par des motifs
suffisants montrant que cette mesure est strictement nécessaire au sens de l’article 6 § 1
(Chaushev et autres c. Russie, 2016, § 24).
La CEDH a reconnu aux journalistes le rôle de chiens de garde de la démocratie. La liberté
d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, l’une des
conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun. Sous réserve du
paragraphe 2 de l’article 10, elle vaut non seulement pour les « informations » ou « idées »
accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour
celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit
d’ouverture sans lesquels il n’est pas de « société démocratique ». Telle que la consacre l’article
10, la liberté d’expression est assortie d’exceptions qui appellent toutefois une interprétation
étroite, et le besoin de la restreindre doit se trouver établi de manière convaincante (voir, parmi
d’autres, Handyside c. Royaume-Uni, 7 décembre 1976, § 49, série A no 24, Éditions Plon
c. France, no 58148/00, § 42, CEDH 2004-IV, et Lindon, Otchakovsky-Laurens et July
c. France [GC], nos 21279/02et 36448/02, § 45, CEDH 2007-IV).
La Cour a, par ailleurs, souligné à de nombreuses reprises le rôle essentiel que joue la presse
dans une société démocratique. Si la presse ne doit pas franchir certaines limites, concernant
notamment la protection de la réputation et des droits d’autrui, il lui incombe néanmoins de
communiquer, dans le respect de ses devoirs et de ses responsabilités, des informations et des
idées sur toutes les questions d’intérêt public. À sa fonction qui consiste à diffuser des
informations et des idées sur de telles questions s’ajoute le droit, pour le public, d’en recevoir. S’il
en allait autrement, la presse ne pourrait jouer son rôle indispensable de « chien de garde »
(Bladet Tromsø et Stensaas c. Norvège [GC], no 21980/93, §§ 59 et 62, CEDH 1999-III,
et Pedersen et Baadsgaard c. Danemark [GC], no 49017/99, § 71, CEDH 2004-XI). Bien que
formulés d’abord pour la presse écrite, ces principes s’appliquent assurément aux médias
audiovisuels (Jersild c. Danemark, 23 septembre 1994, § 31, série A no 29).
L’article 10 § 2 de la Convention souligne que l’exercice de la liberté d’expression comporte des
« devoirs et responsabilités ». Ces devoirs et responsabilités s’imposent aussi aux médias, même
lorsque sont concernées des questions d’un grand intérêt public. Ils peuvent revêtir une
importance particulière lorsque l’on risque de porter atteinte à la réputation d’une personne citée
nommément ou, de manière plus générale, aux « droits d’autrui ».

10
Ainsi, il doit exister des motifs spécifiques pour que les médias puissent se trouver exemptés de
l’obligation, qui leur incombe en principe, de vérifier leurs informations et de ne pas publier de
déclarations factuelles diffamatoires. À cet égard, entrent spécialement en jeu la nature et le
degré de l’imputation en cause et la question de savoir à quel point le média peut raisonnablement
considérer ses sources comme crédibles pour ce qui est des allégations qu’elles portent
(Pedersen et Baadsgaard, précité, § 78, et Tønsbergs Blad A.S. et Haukom c. Norvège,
no 510/04, § 89, 1er mars 2007).
Il y a également lieu de rappeler qu’incombe à toute personne qui exerce sa liberté d’expression,
fut-elle journaliste, « des devoirs et des responsabilités » dont l’étendue dépend de sa situation
et du procédé technique qu’elle utilise (Stoll c. Suisse [GC], no 69698/01, § 102, CEDH 2007-V).
Ainsi, malgré le rôle essentiel que jouent les médias dans une société démocratique, les
journalistes ne peuvent en principe être déliés, par la protection que leur offre l’article 10, de leur
devoir de respecter les lois pénales de droit commun. Le paragraphe 2 de l’article 10 pose
d’ailleurs les limites de l’exercice de la liberté d’expression, et ces limites restent valables même
quand il s’agit de rendre compte dans la presse de questions sérieuses d’intérêt public (ibidem).
En l’occurrence, le parlement a, implicitement, considéré que les journalistes étaient dans
l’incapacité d’accomplir leur devoir de garant de la démocratie. Ce faisant, il a méconnu les règles
professionnelles qui prévalent dans cette profession et les nombreuses cautèles qui existent dans
le contexte, de surcroît, de l’élection d’une personnalité publique de l’histoire contemporaine. Les
critiques qui ont vraisemblablement été émises lors de la séance à huis clos concernaient l’activité
professionnelle d’un procureur général en exercice. Elles portaient, selon les publications dans
les médias ayant précédé l’élection, sur des problèmes de management, le fait qu’il ne se charge
pas personnellement des grosses affaires pénales ou encore la lenteur de certaines enquêtes14.
Les allégations qui auraient pu être émises de manière dolosive auraient en toute hypothèse dû
faire l’objet de vérifications et n’auraient pu être relatées de manière brute. Les journalistes
présents auraient notamment dû confronter les allégations au principal intéressé et recueillir son
point de vue. En bref et en clair, il paraît évident que le huis clos n’a pas permis aux journalistes
d’exercer leur devoir d’information du public, dans un cas ayant suscité l’attention des citoyens.
Il est quand même fort de café pour user de termes pondérés que les député(e)s se soient crus
légitimés à élire en secret celui qui sera le garant de l’ordre public, alors que les justiciables n’ont
pas pu se forger une conviction sur l’homme qui soutiendra peut-être un jour l’accusation à leur
encontre. La violation des principes constitutionnels (art. 16, 17 Cst.) et conventionnels (10
CEDH) est donc crasse, d’autant plus crasse que la décision de huis clos n’a pas été
motivée et que les journalistes ont été expulsés de la salle, à l’instar de ce qui se produit
dans un régime dictatorial. Le Grand Conseil du Canton du Valais a notamment violé
l’article 17 al. 2 de la Constitution fédérale qui interdit la censure.
49. Eric Cottier, l’ancien procureur général vaudois a eu cette phrase lors de l’élection de son
successeur : « Je ne comprends pas très bien pourquoi on pense à protéger un candidat – qui
va être un homme public – en procédant de cette manière. Tout est dit, n’en déplaise à ceux qui
ont osé soutenir que le huis clos valaisan n’était pas une exception. Il existe en effet une
discrépance fondamentale entre un huis clos de principe constant dans son application et un huis
clos ponctuel prononcé pour des motifs ondoyants15.
50. Il est également possible de se référer à un cas presque similaire, soit la réélection en 2019 du
procureur général de la Confédération, lui aussi fortement contesté et finalement réélu pour 7
voix16. Les débats se sont déroulés publiquement et ils sont demeurés parfaitement courtois,
preuve s’il en fallait que, quelles que soient les circonstances, des élus peuvent assumer leur
fonction de manière professionnelle en toute transparence. La presse a évidemment pu couvrir
cette réélection de manière professionnelle et en accordant à chacun la parole, dans le respect
du droit d’être entendu.

11
51. Le Grand Conseil aurait, de surcroît, dû informer les journalistes présents des voies de droit qui
leur étaient offertes pour contester la décision qui signifiait pour eux l’exclusion de la salle. Ainsi
que différents journalistes l’ont relevé, aucune information ne leur a été communiquée quant
aux motifs pour lesquels ils étaient priés de quitter la salle. Comment une telle chose a-t-elle pu
se produire dans un État démocratique digne de ce nom ? Les droits des journalistes et de
manière fondamentale, le droit à l’information ont été crassement violés, lors d’une démarche
indigne d’un État de droit.
52. Nous sommes en présence d’un dangereux précédent en termes de violations des normes
démocratiques fondamentales. En clair, les députés, par leur vote, ont spolié les
valaisannes et les valaisans de leur droit d’assister au processus de nomination de la
personne qui conduit la politique pénale et criminelle les concernant. Une telle décision,
qui s’apparente à de la censure, ne doit jamais se reproduire, dans un contexte de faits
similaire.
53. Mais il y a plus. La situation actuelle et les tensions extrêmes qui en résultent sont pour partie, à
tout le moins, liées à l’absence de débat démocratique public lors de l’élection de l’un des plus
hauts magistrats du Canton du Valais. Le parlement, si prompt à pourfendre toutes les personnes
soumises à son autorité directe ou indirecte, a ainsi semé les graines de la confusion qui règne
aujourd’hui s’agissant de l’activité du procureur général.
54. Celui-ci est la principale victime de ce choix auquel il n’a nullement concouru, puisque son crédit
professionnel a été altéré et que l’exercice de sa charge s’apparente désormais à du
funambulisme. Sous prétexte de vouloir protéger sa personnalité, les députés ont manifestement
atteint l’objectif contraire en décrédibilisant son action future, rendant celle-ci impossible à
accomplir sereinement et professionnellement. À cet égard, il convient de rappeler que l’action
des tribunaux, qui sont garants de la justice et dont la mission est fondamentale dans un État de
droit, a besoin de la confiance du public pour bien fonctionner (De Haes et Gijsels, précité, § 37
; Schöpfer c. Suisse, 20 mai 1998, § 29, Recueil 1998-III ; et Sgarbi c. Italie (déc.), no 37115/06,
21 octobre 2008).
55. Se pose désormais avec acuité une autre question : est-ce qu’un magistrat qui serait réélu malgré
d’éventuels manquements à ses devoirs de fonction pourrait-il ensuite être sanctionné,
respectivement révoqué pour les mêmes faits 17 ? Le parlement ne semble pas avoir pris la
mesure des conséquences de la décision de huis clos, laquelle va générer des querelles
procédurales et fondamentales.
56. Se pose également et légitimement la question de savoir s’il n’aurait pas pu recourir contre la
décision de huis clos qui le concerne directement. En l’occurrence, il a en effet été élu de manière
secrète, à l’insu de son plein gré.
57. Conséquemment, la décision de huis clos a ainsi porté atteinte aux droits des citoyen(ne)s du
Canton du Valais, aux droits des journalistes, au droit à l’information, ainsi qu’aux droits de la
personnalité du procureur général qui doit subir une perte de crédibilité notable et durable dans
son activité quotidienne. Elle engage clairement la responsabilité du Canton du Valais.
58. Il paraît difficile de générer une telle bérézina démocratique. C’est pourtant ce qui s’est produit.
59. Pour éviter qu’à l’avenir, une telle situation ne se reproduise, il convient d’émettre des
recommandations que voici :
a. Mieux définir dans une loi au sens formel (LIPDA) les intérêts privés et publics
prépondérants qui peuvent justifier du prononcé d’un huis clos ;
b. Définir dans la LIPDA une procédure décisionnelle permettant aux députés d’avoir une
connaissance exhaustive de la pondération des intérêts en cause, suffisamment tôt avant
le vote ;

12
c. Émettre en cas de vote du huis clos une décision écrite indiquant, de manière générale, les
principaux intérêts en présence et leur pondération et la notifier formellement aux
journalistes et aux citoyens présents avec indication d’éventuelles voies de recours pour
chacun ;
d. Faire de même en ce qui concerne la personne concernée par le huis clos
e. Publier la décision dans le Bulletin officiel qui suivra la session avec indication des
éventuelles voies de droit.
f. Faire appel à des juristes spécialisés pour formaliser ces recommandations.

60. Dans sa détermination du 23 juin 2022, le Grand Conseil s’est déterminé quant à la
recommandation du préposé du 10 juin 2022, ainsi libellée :
Dans l’intervalle et pour autant que les images existent encore (ce dont je vous prie de m’informer)
je vous recommande formellement (art. 37 al. 1 let. d LIPDA) de les conserver. Si vous deviez ne
pas souhaiter conserver ces données (pour autant qu’elles existent), il vous est loisible d’agir
conformément à l’article 54 LIPDA. »(…).
Il a indiqué qu’il n’y avait aucun enregistrement qui puisse être remis au préposé. L’article 76 al.
3 RGC est évoqué. Sa teneur est la suivante : l'enregistrement et la retransmission des débats
par les médias sont interrompus. Cela ne signifie toutefois pas qu’un enregistrement n’ait pas été
tout de même réalisé, soit par les Services du parlement, soit au moyen du matériel présent dans
la salle. Le Grand Conseil est donc invité à contacter les médias électroniques qui ont œuvré le
5 mai 2021 et à vérifier concrètement qu’aucun enregistrement n’existe. Si, par extraordinaire, un
tel enregistrement devait exister, il est recommandé de le rendre public immédiatement.

13
III. Se fondant sur les considérants susmentionnés, le Préposé cantonal à la
protection des données et à la transparence, recommande ce qui suit :

1. Le Grand Conseil du Canton du Valais adopte lors de sa prochaine session les dispositions
légales permettant de formaliser les présentes recommandations :
a. Mieux définir dans une loi au sens formel (LIPDA) les intérêts privés et publics
prépondérants qui peuvent justifier du prononcé d’un huis clos ;
b. Définir dans la LIPDA une procédure décisionnelle permettant aux députés d’avoir une
connaissance exhaustive de la pondération des intérêts en cause, suffisamment tôt avant
le vote ;
c. Émettre en cas de vote du huis clos une décision écrite indiquant, de manière générale, les
principaux intérêts en présence et la notifier formellement aux journalistes et aux citoyens
présents avec indication d’éventuelles voies de recours pour chacun ;
d. Faire de même en ce qui concerne la personne concernée par le huis clos ;
e. Publier la décision dans le Bulletin officiel qui suivra la session avec indication des
éventuelles voies de droit ;
f. Faire appel à des juristes spécialisés pour formaliser ces recommandations.

2. Le Grand Conseil du Canton du Valais rend immédiatement public un éventuel enregistrement


des débats.

3. Si l’autorité entend s’écarter de la présente recommandation, elle est invitée à rendre une
décision sujette à recours au sens de l’article 5 LPJA (art. 54 al. 2 LIPDA).

4. La présente recommandation est publiée immédiatement compte tenu des violations des droits
fondamentaux et des garanties démocratiques constatées.

5. La présente recommandation est rendue sans frais (art. 55 al. 1 LIPDA)

Sébastien Fanti
Signature
Sébasti numérique de
Sébastien Fanti
en Fanti Date : 2022.12.29
09:02:49 +01'00'

14
1Cf. article 76 al. 2 du Règlement du Grand Conseil du 13 septembre 2001 (abrégé ci-après RGC - RS 171.100), les séances
ont lieu d'office à huis clos lorsque le Grand Conseil délibère sur le prononcé du huis clos, sur les recours en grâce, les
demandes de naturalisation en cas de demande de refus, les demandes de levée de l’immunité ou d'autorisation de poursuivre
un membre du Conseil d'État. Cet article sera commenté au § II de la recommandation.

2 La recherche a été opérée sur le site du Grand Conseil au moyen des termes « élection huit clos magistrat » & « élection huis
clos procureur » ; le journaliste Gilles Berreau évoque également dans son article du 12 mai 2021 (article intitulé « Élection du
procureur : le huis clos n’est pas une spécialité valaisanne »), publié dans le Nouvelliste, le fait qu’il s’agirait d’un événement
unique ; il convient de distinguer, déjà à ce stade de l’analyse, le huis clos du vote à bulletin secret.

3Cf. notamment : article 31 de la loi sur l’organisation des Conseils et les rapports entre les pouvoirs du 28 mars 1996 (RS
171.1) et les articles 50 et 51 du RGC.

4 Voici selon l’article 50 RGC, les tâches qui incombent au Service parlementaire :

Tâches
1
Le service parlementaire soutient, en fonction des moyens alloués, les organes du Grand Conseil, les commissions et les
députés dans l'exécution de leur travail parlementaire.
2
Il en assume les travaux d'ordre administratif.
3
Il leur apporte un appui scientifique.
4
Il gère la documentation et leur fournit l'appui nécessaire en matière d'information et de communication. Il est notamment
responsable de l'enregistrement littéral des délibérations, de leur traduction simultanée et de leur publication.

5 https://www.lenouvelliste.ch/valais/valais-nicolas-dubuis-reelu-de-justesse-comme-procureur-general-1071411

6 https://www.lematin.ch/story/valais-deputes-intimides-par-le-pere-du-procureur-general-346702658994

7 Selon le compte rendu du direct effectué par le Nouvelliste (https://www.lenouvelliste.ch/valais/valais-nicolas-dubuis-reelu-de-


justesse-comme-procureur-general-1071411) : « Couac dans la communication du Grand Conseil - A la fin des débats du
Grand Conseil, un résumé des débats et les résultats des votes est diffusé et posté sur le site du Parlement cantonal. A 13h50,
une première version a été envoyée. Elle indiquait que Nicolas Dubuis avait été élu juge cantonal... Une correction a été publiée
à 15h51 pour rétablir les faits... Nicolas Dubuis est donc bien procureur général. ».

8 Le rapport est accessible à cette adresse :


https://www.vs.ch/documents/10166929/0/CDM_Rapport+sur+le+MP+et+annexe_24.11.2022.pdf/4eddf17a-6be7-f5b3-d3cf-
f1c0db863b8a?t=1669615603826&v=1.0

9 Message accompagnant le projet de loi sur l’information du public, la protection des données et l’archivage (LIPDA), p. 18.

10 https://parlement.vs.ch/app/fr/search/document/34527

11https://www.vs.ch/documents/515865/1233856/Intérêts+publics+et+privés+prépondérants.pdf/743ed649-3376-47bb-9f94-
92b085bc75f9?t=1456915969136

12 ATF 127 III 481

13 La régulation des médias en Suisse et la jurisprudence de l’AIEP, Entre liberté des médias et protection du public, p. 41 à 44 ;
https://www.ubi.admin.ch/inhalte/pdf/Dokumentation/Artikel/Artikel_FR/UBI_Jubilaeumsbroschuere_FR.pdf

14 https://www.lenouvelliste.ch/valais/nicolas-dubuis-veut-passer-de-procureur-general-valaisan-a-juge-cantonal-1059848

15Pour une analyse de l’application du huis clos dans le Canton de Vaud, cf. la motion 22_MOT_43 David Raedler & Jessica
Jaccoud.

16Pour un compte-rendu exhaustif des débats : https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/amtliches-bulletin/amtliches-bulletin-die-


verhandlungen?SubjectId=47368

17Cf. à cet égard Alfio Russo, Les modes de désignation des juges, Étude de droit constitutionnel suisse et comparé, Neuchâtel
2020.

15

Vous aimerez peut-être aussi