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La Versification

Le vers s'oppose par définition à la prose. On s'en sert lorsque le


langage quotidien n'est pas suffisant, notamment dans un contexte
religieux, mais aussi pour évoquer tout ce qui ne relève pas de la
conversation ordinaire : on trouve ainsi, depuis l'Antiquité
jusqu'au XVIIIe siècle, des traités de physique ou de philosophie écrits en
vers. La poésie, étant elle aussi un discours « autre », a souvent recours
au vers, dont il faut savoir reconnaître les spécificités.
1. Éléments de versification
La versification française est héritée de la versification latine, mais, en
français, le décompte (base de la versification) prend pour unité la
syllabe.

Les différents types de vers


Les vers les plus courants sont « pairs », c'est-à-dire qu'ils sont
formés d'un nombre pair de syllabes :
 six syllabes = hexasyllabe ;
 huit = octosyllabe ;
 dix = décasyllabe ;
 douze = alexandrin.
Certains poètes, comme Verlaine, emploient toutefois des vers impairs,
comme le pentasyllabe (vers de 5 syllabes) ou l'heptasyllabe (vers de
sept syllabes).

Compter correctement les syllabes


Pour compter correctement les syllabes, il faut tenir compte de la règle
dite des e muets :
 on compte le e lorsqu'il est placé devant une consonne ;
 on ne le compte pas lorsqu'il est placé devant une voyelle, ou bien
lorsqu'il est en fin de vers.
Exemple : « Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne »
(Victor Hugo)
Dans ce vers, les trois e sont muets : les deux premiers sont suivis d'une
voyelle, le troisième est situé en fin de vers.

Diérèse et synérèse
Deux autres phénomènes influent sur le compte des syllabes :
la diérèse et la synérèse. Ces deux phénomènes concernent
l'association de deux voyelles, dont la première est un i, un u ou un ou.
 Dans le langage courant, on a tendance à prononcer ces
associations en une seule syllabe : on dira nuit en une
syllabe, union en deux syllabes, etc.
 En versification, le poète a le choix : soit il adopte le mode courant,
effectuant ainsi une synérèse ; soit il désire une prononciation en
deux syllabes, nommée alors diérèse.
Exemple : « Vous êtes mon lion superbe et généreux » (Victor Hugo)
Dans cet alexandrin, on n'obtient les douze syllabes que si l'on
prononce li/on en deux syllabes, avec une diérèse. Ce procédé permet
d'obtenir le bon décompte, mais il permet surtout d'insister sur un mot en
l'allongeant (allongement qui est ici amplifié par le fait que le mot lion est
placé au milieu du vers).

Les rimes et les jeux de sonorités


En français, les vers s'associent entre eux, selon une récurrence de sons
dont la rime est la principale représentante. On peut classer les rimes
suivant leur richesse :
 une rime est dite riche lorsque trois sons au moins sont en
commun entre les deux vers : sombre / ombre (son [ ] + son [ ]+
son [ ], le e final étant muet) ;
 une rime est suffisante lorsque deux sons sont en
commun : orage / ravage (son [ ] + son [ ], le e final étant toujours
muet)
 une rime est pauvre si elle ne comporte qu'un son en
commun : beau / château (son [ ])
Les rimes offrent plusieurs dispositions possibles :
 rimes plates ou suivies : les rimes se succèdent selon le schéma
aabb
 rimes croisées : les rimes alternent, schéma abab
 rimes embrassées : les rimes externes encadrent les rimes
internes, schéma abba
Il arrive que la rime soit remplacée par une assonance, c'est-à-dire la
similitude d'une voyelle d'un vers à l'autre, mais avec une différence de
consonne : dans le couple farine / pastille, on a ainsi une assonance
en i. L'assonance était pratiquée au Moyen Âge, et certains poètes
modernes l'emploient de nouveau.

Remarque : à l'intérieur du vers, on trouve aussi des jeux de sonorités –


que ce soit des rimes intérieures, ou des assonances. Ainsi dans le vers
de Racine : « Tout m'afflige et me nuit et conspire à me nuire. »

Le rythme du vers
Un vers correspond à une certaine diction. La manière dont les mots et
syllabes s'enchaînent, dans le cadre du vers, donne son rythme à la
poésie.
• Les vers longs, c'est-à-dire essentiellement les décasyllabes et les
alexandrins, se partagent le plus souvent en deux hémistiches (= moitié
de vers), autour d'une césure (= milieu du vers). Par exemple, le vers
suivant : « Tout m'afflige et me nuit // et conspire à me nuire » est
composé de deux hémistiches, de six syllabes chacun.
La césure est alors une pause, un repos de la voix (qui peut
correspondre à une reprise du souffle, mais n'est pas nécessairement à
la fin d'un mot). Cette césure centrale donne donc un rythme binaire à
l'alexandrin.

Toutefois, certains poètes ne marquent pas la césure, et préfèrent


donner un rythme ternaire au vers. Par exemple le vers suivant :
« Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir » (Corneille) est
également un alexandrin, mais la césure, tombant sur le second
« toujours », n'est pas marquée par la voix. La présence des virgules,
ainsi que la répétition de l'adverbe, impose de dire l'alexandrin en trois
mesures de quatre syllabes chacune, au lieu de deux mesures de six
syllabes chacune ; le vers est alors appelé « trimètre » : « Toujours
aimer, / toujours (//) souffrir, / toujours mourir ».
• D'autre part, le rythme est également donné par la correspondance, ou
la discordance, entre le vers et la syntaxe (la phrase). En effet, un vers
ne correspond pas forcément à une phrase. Lorsque la phrase se
poursuit, il y a alors des phénomènes d'enjambement et de rejet :
 on appelle enjambement le fait que la phrase déborde le vers
(sans insistance sur un élément) ;
 on a un rejet lorsqu'un élément bref, lié du point de vue du sens à
un vers, est rejeté au début du vers suivant.
Exemple :
« Il est de forts parfums pour qui toute matière
Est poreuse. On dirait qu'ils pénètrent le verre »

Baudelaire

L'élément souligné est un « rejet ». Sa position le met en valeur.

 Le contre-rejet est le phénomène inverse : un élément bref


apparaît en fin de vers, alors qu'il est lié par le sens au vers
suivant.

Exemple :
« Voilà le souvenir enivrant qui voltige
Dans l'air troublé ; les yeux se ferment ; le Vertige
Saisit l'âme vaincue et la pousse à deux mains
Vers un gouffre obscurci de miasmes humains »

Baudelaire

Dans le même poème (Le Flacon), la partie soulignée est cette fois en
position de contre-rejet : elle occupe la fin du vers 2, alors qu'elle est liée
par le sens au vers 3.

2. Formes poétiques
Ces différents décomptes, ces règles permettent d'établir des types de
poèmes, appelés poèmes à forme fixe.
La structuration des strophes
Les rimes (plates, croisées ou embrassées) ainsi que les types de vers
structurent des strophes :
 tercet = strophe de trois vers ;
 quatrain = strophe de 4 vers ;
 quintil = strophe de 5 vers ;
 sizain = strophe de 6 vers ;
 huitain = strophe de 8 vers ;
 dizain = strophe de 10 vers ;
 on trouve plus rarement des septains ou des neuvains.

Quelques poèmes à forme fixe


 Le rondeau se compose de trois strophes : un quintil, un tercet, un
quintil ; chaque strophe est formée sur deux rimes seulement.
 La ballade comporte trois strophes d'un même nombre de vers, fondées
sur les mêmes rimes, plus un « envoi », strophe plus courte (la plus
fréquente est formée de trois huitains d'octosyllabes + un quatrain).
 Le sonnet est la forme qui a connu le plus de succès à partir de la
Renaissance. Il se compose de deux quatrains (en rimes embrassées) et
deux tercets fondés sur deux autres rimes. Le schéma des rimes du
sonnet est ainsi : abba abba ccd ede.
 Le pantoum apparu au XIXe siècle est une forme fondée sur
l'entrecroisement ; les rimes se croisent, le 2 e et le 4e vers de chaque
strophe deviennent les 1er et 3e vers de la strophe suivante, le 1 er vers du
poème est aussi le dernier. Le plus célèbre pantoum français
est Harmonie du soir, de Baudelaire.
Conclusion
La versification est ainsi un ensemble de règles permettant de donner un
rythme, un cadre au poème. Toutefois, les poètes ont toujours oscillé
entre l'observation de ces règles et leur mise à distance : la poésie est
un art vivant, qui ne peut se résumer à l'observation de recettes. Les
romantiques, en particulier, mais aussi les poètes contemporains,
exploitent ainsi de nombreuses directions, abandonnant parfois même la
notion de vers – que l'on songe par exemple aux Petits Poèmes en
prose de Baudelaire.

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