Les Principes D'unidroit: Une Codification de La Lex Mercatoria ?
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Élise CHARPENTIER
Pages
1 Le point de vue de la doctrine 196
2 Les opinions des arbitres 200
Conclusion 203
Annexe I 205
Annexe II 213
1. Principes relatifs aux contrats du commerce internaiiona,, Rome, Unidroit, 1994 (ci-
après cités : « Principes »). La première édition a été suivie par une seconde en 2004. Sur
le contenu de la seconde édition, voir infra, note 11.
2. Id., p. vii.
3. Voir notamment: C. KESSEDJIAN, «Un exercice de rénovation des sources du droit
des contrats du commerce international : les Principes proposés par F Unidroit», (1995)
R.C.D.I.P. 641; G. ROUHETTE, «Les codifications du droit des contrats», (1996) 24
Droits 113, 121.
É. CHARPENTIER Les Principes d’Unidroit... 195
Bien que les Principes soient une œuvre privée, l’analyse de leur
contenu révèle que, d’un point de vue matériel, les règles proposées sont
présentées comme s’il s’agissait d’une véritable codification. Les Principes
contiennent, comme la plupart des codes, des articles consacrant des prin-
cipes — telles l’obligation de se conformer aux exigences de la bonne foi
et la force obligatoire du contrat 9 — et des articles ayant un caractère plus
technique — par exemple, ceux qui sont relatifs à la monnaie de paiement
ou à la monnaie d’évaluation des dommages-intérêts 10 . Les Principes ne
sont donc pas une simple collection de règles, car ils proposent un régime
juridique cohérent applicable à la formation, à la validité, à l’interprétation,
au contenu, à l’inexécution, à la compensation, aux cessions (de créances,
de dettes et de contrats) et aux délais de prescription 11 . Les règles géné-
rales et particulières sont présentées selon un plan méthodique, incluant
des références croisées. Les Principes s’apparentent en cela aux véritables
codifications dont les règles sont inspirées de principes généraux qui relè-
vent d’un même esprit. D’ailleurs, l’article 1.6 (2) des Principes prévoit
que «les questions qui entrent dans le champ d’application des présents
principes mais que ceux-ci ne tranchent pas expressément seront réglées
dans la mesure du possible conformément aux principes généraux dont ils
s’inspirent». Ainsi, les Principes se présentent d’un point de vue formel
comme une codification : ils ont la forme d’un code.
L’analyse de la facture formelle des Principes conduit aisément à la
conclusion qu’ils peuvent être considérés de ce point de vue comme une
codification. L’évaluation de leur portée risque d’être plus nuancée en
raison de la nature variée des règles ayant servi d’inspiration au groupe de
travail. Nous pouvons en effet lire dans l’introduction des Principes que
l’objectif poursuivi était d’élaborer un ««restatement» international des
principes généraux du droit des contrats », que les Principes « reflètent des
concepts que l’on trouve dans de nombreux systèmes juridiques, sinon
tous » et, enfin, que les Principes « renferment également les solutions qui
sont perçues comme étant les meilleures, même si celles-ci ne sont pas
encore adoptées de façon générale» 12 . Or, le caractère obligatoire d’une
règle peut justement dépendre de sa source.
Rappelons que les Principes relatifs aux contrats du commerce inter-
national n’ont fait l’objet d’aucune sanction internationale ou étatique offi-
cielle par des organismes internationaux ou des pays. N’étant pas l’œuvre
d’un organe ayant un pouvoir législatif, les Principes n’ont pas, non plus,
la force obligatoire que donne la consécration législative. Selon leur préam-
bule, les Principes s’appliquent néanmoins comme ordre normatif soit
directement, lorsque les contractants les ont choisis, soit indirectement,
par exemple, lorsque les parties ont soumis leur contrat à la lex mercatoria
ou aux principes généraux du droit 13 . La première hypothèse ne soulève
pas de controverse dans la mesure où les contractants ont le pouvoir de
choisir la loi qui gouverne leur contrat. La seconde hypothèse suppose
que les Principes reprennent simplement des principes généraux du droit
international des contrats, qu’ils sont une mise en forme de la lex merca-
toria. L’introduction des Principes précise toutefois bien qu’ils regroupent
des règles existantes (principes généraux ou lex mercatoria et solutions
admises par plusieurs systèmes de droit) et des règles nouvelles (solutions
les mieux adaptées). Or, il est fort possible que certaines d’entre elles aient
un caractère obligatoire et d’autres non.
Dans la mesure où le caractère obligatoire de la lex mercatorialä' est
reconnu, il faudrait aussi admettre, dans une certaine mesure, le carac-
tère obligatoire des Principes. L’importance du mouvement favorable à
la lex mercatoria permet en effet de penser que, lorsque les Principes
reprennent des règles faisant partie de cet ordre juridique international, ils
seront considérés comme obligatoires 15 . Les Principes auraient alors pour
intérêt de présenter la lex mercatoria de manière cohérente, de l’ordonner.
De plus, la mise en forme d’un régime juridique applicable au contrat du
16. Cette liste est accessible sur Internet à l’adresse suivante : TRANSNATIONAL L A W DATA-
BASE, Central List of Lex Mercatoria Principles, Rules and Standards, [En ligne], 2005;
[www.tldb.uni-koeln.de] (7 mars 2005).
17. Cf. la liste de la Transnational Law Database à l’annexe II et la table des matières des
Principes à l’annexe I.
18. En ce sens, voir : G. TIMSIT, « La codification, transcription ou transgression de la loi ? »,
(1996) 24 Droits 83 ; Y. DAUDET, « L a codification du droit international», Revue fran-
çaise d’administration publique, 1997, p. 197.
19. Voir, entre autres, les décisions recensées par la Transnational Law Database, dont:
Sentence CCI 2291, J.D.I. 1976 989 ; Sentence CCI 2508, J.D.I. 1977 939.
200 Les Cahiers de Droit (2005) 46 C. de D. 193
20. Voir E.S. DARANKOUN, «L’application des Principes d’Unidroit par les arbitres inter-
nationaux et les juges étatiques», (2002) R.J.T. 421, 474; voir aussi ICC International
Court of Arbitration, Paris, numéro 8873, 00.07.1997.
21. En ce sens, voir: G. ROUHETTE, loc. cit., note 3, 121 ; J. H U E T , «Les contrats commer-
ciaux internationaux et les nouveaux Principes d’Unidroit: une nouvelle Lex Merca-
toria?», Petites Affiches, no 135, 10 novembre 1995, p. 8; É. LOQUIN, « L a réalité des
usages du commerce international», (1989) R.I.D.E. 163.
22. Les décisions auxquelles nous faisons référence sont celles d’Unilex, précité, note 4.
Parmi la centaine de décisions concernant les Principes, précitées, note 1, nous en avons
exclu certaines de notre étude, dont celles qui portent sur un litige entre des contrac-
tants qui avaient choisi les Principes comme règles gouvernant leur accord, celles qui
font simplement référence aux Principes, celles qui mentionnent les Principes à l’appui
d’une solution de droit national et celles qui se réfèrent aux Principes dans le contexte
de l’interprétation de la Convention de Vienne (Convention des Nations Unies sur les
contrats de vente internaiionaee de marchandises, 11 avril 1980, Doc. NUA/Conf./97.18).
Dans toutes ces hypothèses, les tribunaux arbitraux ne sont pas amenés à se poser la
question de savoir si les Principes peuvent être considérés comme une codification.
É. CHARPENTIER Les Principes d'Unidroit... 201
23. Un arbitre souligne toutefois le caractère incomplet de la codification proposée par les
Principes : voir ICC International Court of Arbitration, numéro 9479, 00.02.1999.
24. Voir ICC International Court of Arbitration, Genève, numéro 9797, 28.07.2000 (Andersen
Consulting Business Unit Member Firms v. Arthur Andersen Business Unit Member
Firms and Andersen Worldwide Société Cooperative).
25. Voir: ICC International Court of Arbitration, numéro 7110, 00.06.1995 (décision finale
appliquant les Principes: ICC International Court of Arbitration, Paris, numéro 7110,
00.04.1998) ; ICC International Court of Arbitration, Paris, numéro 8264, 00.04.1997 ; ICC
International Court of Arbitration, Paris, numéro 9474, 00.02.1999; ICC International
Court of Arbitration, numéro 10114, 00.03.2000 ; Arbitration Institute of the Stockholm
Chamber of Commerce, Court Stockholm, numéro 117/1999, 00.00.2001 ; International
Arbitration Court at the Chamber of Commerce and Industry of the Russian Federation,
numéro 11/2002, 05.11.2002; voir aussi ICC International Court of Arbitration, numéro
9875, 00.01.1999.
202 Les Cahiers de Droit (2005) 46 c. de D. 193
certains arbitres se servent des Principes pour déterminer les règles appli-
cables du droit du commerce international 26 .
Sans rejeter l’idée que les Principes énoncent des principes généraux
du droit commercial international, certaines décisions soulignent qu’ils
n’ont pas encore fait l’objet d’un examen minutieux mettant en évidence
les dispositions qui codifient ces principes et celles qui vont au-delà27. En
conséquence, les arbitres ont estimé qu’ils devaient appliquer les Principes
seulement dans la mesure où ceux-ci énoncent des règles que les commer-
çants reconnaissent comme gouvernant leurs relations. Dans cet esprit,
un tribunal arbitral a refusé dans une décision d’appliquer les dispositions
des Principes relatives à l’imprévision pour le motif qu’ils vont au-delà des
solutions généralement admises en cette matière 28 .
Le fait que les Principes prévoient des règles qui ne se trouvent pas
dans la lex mercatoria n’a rien d’étonnant. Les rédacteurs ne s’en sont
d’ailleurs pas cachés puisque l’introduction des Principes souligne claire-
ment qu’ils «renferment également les solutions qui sont perçues comme
étant les meilleures, même si celles-ci ne sont pas encore adoptées de façon
générale 29 ». Devant ce constat, certains arbitres hésitent à utiliser les Prin-
cipes pour régler un litige. D’autres croient, au contraire, que les Principes
peuvent servir à définir le contenu des principes du droit commercial inter-
national ou qu’ils contribuent à l’enrichissement de la lex mercatoria. Cette
dernière opinion n’est évidemment pas celle qui est généralement adoptée
par les arbitres. Il existe toutefois deux décisions particulièrement intéres-
santes à cet égard. La première est une affaire où les contractants n’avaient
pas prévu la loi applicable à leurs relations et avaient choisi de soumettre
leur différend à l’arbitrage du tribunal de la Chambre de commerce inter-
nationale. Au sujet de la loi applicable, le tribunal arbitral est arrivé à la
conclusion, sur la base de l’article 17 (1), que les règles de droit appropriées
étaient celle de la lex mercatoria. Or, l’intérêt de cette affaire se trouve
dans la définition qu’on y donne de la lex mercatoria: «the rules of law
and usages of international trade which have been gradually elaborated by
different sources such as the operators of international trade themselves,
26. Voir : ICC International Court of Arbitration, Paris, numéro 8502, 00.11.1996 ; ICC Inter-
national Court of Arbitration, Paris, numéro 7365/FMS, 05.05.1997 (Ministry of Defense
and Support for the Armed Forces of the Islamic Repubiic of Iran v. Cubic Defense
System,, Inc.), confirmé par United States District Court, S.D. California, numéro 98-
1165-B, 07.12.1998; Ad Hoc Arbitration, New York (s.d.).
27. Voir: ICC International Court of Arbitration, Paris, numéro 7375, 05.06.1996; ICC
International Court of Arbitration, numéro 10422, 00.00.2001.
28. Voir: ICC International Court of Arbitration, Paris, numéro 8873, 00.07.1997.
29. Principes, précités, note 1, p. vu et vin.
É. CHARPENTIER Les Principes d’Unidroit... 203
Conclusion
La portée des Principes d’Unidroit dépendra ultimement de la valeur
et de l’intérêt qui seront reconnus à leurs dispositions. La réception enthou-
siaste dont ils ont été l’objet jusqu’à maintenant s’explique en partie par
le fait qu’il est possible de les considérer comme une codifiation des règles
du droit commercial international. La mise en forme d’un régime juridique
applicable au contrat du commerce international que propose Unidroit avec
les Principes a en effet donné un contenu normatif clair à la lex mercatoria
dont même ceux qui y étaient plutôt favorables soulignaient le caractère
incertain. Si les Principes représentent une codification, cette dernière a
35. À l’appui de sa conclusion selon laquelle les Principes sont une codification des règles
du droit du commerce international, une décision arbitrale souligne d’ailleurs le fait que
les Principes ne sont pas V œuvre d’un État ni d’un gouvernement (voir ICC International
Court of Arbitration, numéro 7110, 00.06.1995).
É. CHARPENTIER Les Principes d’Unidroit... 205
ANNEXE I
CHAPITRE 3 : VALIDITÉ
Article 3.1 (Matières non traitées)
Article 3.2 (Validité par seul accord)
Article 3.3 (Impossibilité initiale)
É. CHARPENTIER Les Principes d’Unidroit... 207
CHAPITRE 4 : INTERPRÉTATION
Article 4.1 (Intention des parties)
Article 4.2 (Interprétation des déclarations et des comportements)
Article 4.3 (Circonstances pertinentes)
Article 4.4 (Cohérence du contrat)
Article 4.5 (Interprétation utile)
Article 4.6 (Règle contra proferentem)
Article 4.7 (Divergences linguistiques)
Article 4.8 (Omissions)
CHAPITRE 6 : EXÉCUTION
Section 1 : Exécution en général
Article 6.1.1 (Moment de l’exécution)
Article 6.1.2 (Exécution en une seule fois ou échelonnée)
Article 6.1.3 (Exécution partielle)
Article 6.1.4 (Ordre des prestations)
Article 6.1.5 (Exécution avant l’échéance)
Article 6.1.6 (Lieu d’exécution)
Article 6.1.7 (Paiement par chèque ou autres instruments)
Article 6.1.8 (Paiement par transfert de fonds)
Article 6.1.9 (Monnaie de paiement)
Article 6.1.10 (Monnaie non précisée)
Article 6.1.11 (Coût de l’exécution)
Article 6.1.12 (Imputation des paiements)
Article 6.1.13 (Imputation en cas d’obligations non pécuniaires)
Article 6.1.14 (Demande d’autorisation publique)
É. CHARPENTIER Les Principes d’Unidroit...
Section 2 : Hardship
Article 6.2.1 (Respect du contrat)
Article 6.2.2 (Définition)
Article 6.2.3 (Effets)
CHAPITRE 7 : INEXÉCUTION
Section 1 : Inexécution en général
Article 7.1.1 (Définition)
Article 7.1.2 (Fait du créancier)
Article 7.1.3 (Exception d’exécution)
Article 7.1.4 (Correction par le débiteur)
Article 7.1.5 (Délai d’exécution supplémentaire)
Article 7.1.6 (Clauses exonératoires)
Article 7.1.7 (Force majeure)
Section 3 : Résolution
Article 7.3.1 (Droit à la résolution)
Article 7.3.2 (Notification de la résolution)
Article 7.3.3 (Inexécution anticipée)
Article 7.3.4 (Assurances suffisantes de bonne exécution)
Article 7.3.5 (Effets de la résolution)
Article 7.3.6 (Restitution)
210 Les Cahiers de Droit (2005) 46 c. de D. 193
Section 4 : Dommages-intérêts
Article 7.4.1 (Droit aux dommages-intérêts)
Article 7.4.2 (Réparation intégrale)
Article 7.4.3 (Certitude du préjudice)
Article 7.4.4 (Prévisibilité du préjudice)
Article 7.4.5 (Preuve du préjudice en cas de remplacement)
Article 7.4.6 (Preuve du préjudice par référence au prix courant)
Article 7.4.7 (Préjudice partiellement imputable au créancier)
Article 7.4.8 (Atténuation du préjudice)
Article 7.4.9 (Intérêts pour non-paiement de somme d’argent)
Article 7.4.10 (Intérêts des dommages-intérêts)
Article 7.4.11 (Modalité de la réparation en argent)
Article 7.4.12 (Monnaie d’évaluation des dommages-intérêts)
Article 7.4.13 (Indemnité établie au contrat)
CHAPITRE 8 : COMPENSATION
Article 8.1 (Conditions de la compensation)
Article 8.2 (Compensation de dettes en monnaie étrangère)
Article 8.3 (Compensation par notification)
Article 8.4 (Contenu de la notification)
Article 8.5 (Effets de la compensation)
ANNEXE II
CHAPTER II : AGENCY
No. II. 1 - Prerequisites and effects of agency
No. II.2 - Agent acting on behalf of group of companies
No. II.3 - Agent acting without or outside his authority
No. II.4 - Principle of estoppel
No. II.5 - Attribution of knowledge to principal
CHAPTER IV : CONTRACT
Section 4 : Interpretation
No. IV.4.1 - Intentions of the parties
No. IV.4.2 - Interpretation in favour of effectiveness of contract
No. IV.4.3 - Contra proferentem rule
No. IV.4.4 - Context-oriented interpretation
No. IV.4.5 — [Inexistant]
No. IV.4.6. - Rights and Duties of the parties under « F O B » , « F A S » ,
« CIF », and « CF »
CHAPTER V : PERFORMANCE
No. V.1 - Principle of simultaneous performance
CHAPTER VI : NON-PERFORMANCE
No. VI.1 - Termination of contract in case of fundamental non-perfor-
mance
No. VI.2 - Deadline for notice of defects
No. VI.3 - Force majeure
No. VI.4 - Promise to pay in case of non-performance
CHAPTER XI : CORPORATIONS
No. XI. 1 - Foreign corporate entities
No. XI.2 - Piercing the corporate veil
No. XI.3 - Liability in case of corporate de-facto successions
No. XI.4 - Liability of corporate founders