Anarchisme - Wikipédia
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L'anarchisme , ou idéologie libertaire, regroupe plusieurs courants de philosophie politique développés depuis le xixe siècle sur un ensemble de
théories et de pratiques anti-autoritaires[2] fondées sur la démocratie directe et ayant la liberté individuelle comme valeur fondamentale. Le terme
libertaire est couramment utilisé comme synonyme d'anarchiste, particulièrement dans le monde francophone[N 1] à la suite de l'adoption des lois
scélérates en France[3],[4]. L'anarchisme, à la différence de l'anomie, ne prône pas l'absence de loi, mais milite pour que son élaboration émane
directement du peuple (initiative populaire par exemple), qu'elle soit directement votée par lui (référendum ou vote par des assemblées tirées au sort)
et que son application soit sous contrôle de ce dernier (mandat impératif, forces de sécurité dont les officiers sont élus[5], révocabilité des élus).
Le « A » cerclé, dans deux styles différents, symbole[1] de l'anarchisme, indépendamment du courant concerné.
Fondé sur la négation du principe de domination d'un individu ou d'un groupe d'individus dans l'organisation sociale[6], l'anarchisme a pour but de
développer une société sans classe sociale. Ce courant prône ainsi la coopération dans une dynamique d'autogestion[7]. Contre l'oppression,
l'anarchisme propose une société fondée sur la solidarité comme solution aux antagonismes, la complémentarité de la liberté de chacun et celle de
la collectivité, l'égalité des conditions de vie et l'autogestion des moyens de production (coopératives, mutuelles). Il s'agit donc d'un mode politique
qui cherche non pas à résoudre les différences opposant les membres constituants de la société mais à associer des forces autonomes et
contradictoires[8].
L'anarchisme est un mouvement pluriel qui embrasse l'ensemble des secteurs de la vie et de la société. Initialement théorisé par des penseurs
socialistes, il est habituellement classé à la gauche voire l'extrême gauche du spectre politique bien qu'il refuse par essence de s'inscrire dans le
cadre de la démocratie représentative. Concept philosophique, c’est également « une idée pratique et matérielle, un mode d’être de la vie et des
relations entre les êtres qui naît tout autant de la pratique que de la philosophie ; ou pour être plus précis qui naît toujours de la pratique, la
philosophie n’étant elle-même qu’une pratique, importante mais parmi d’autres »[9]. En 1928, Sébastien Faure, dans La Synthèse anarchiste, définit
trois grands courants qui cohabitent tout au long de l'histoire du mouvement : l'anarchisme individualiste qui insiste sur l'autonomie individuelle
contre toute autorité ; le communisme libertaire, qui de l'aphorisme « De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins » créé par Louis
Blanc, veut économiquement partir du besoin des individus, pour ensuite produire le nécessaire pour y répondre ; l'anarcho-syndicalisme, qui propose
une méthode, le syndicalisme, comme moyen de lutte et d'organisation de la société[10]. Depuis, de nouvelles sensibilités se sont affirmées, telles
l'anarcha-féminisme, l'écologie sociale[11] (et son application, le municipalisme libertaire).
En 2007, l'historien Gaetano Manfredonia propose une relecture de ces courants sur la base de trois modèles. Le premier, « insurrectionnel », englobe
autant les mouvements organisés que les individualistes qui veulent détruire le système autoritaire avant de construire, qu’ils soient bakouniniens,
stirnerien ou partisans de la propagande par le fait. Le second, « syndicaliste », vise à faire du syndicat et de la classe ouvrière, les principaux artisans
tant du renversement de la société actuelle, que les créateurs de la société future. Son expression la plus aboutie est sans doute la Confédération
nationale du travail pendant la révolution sociale espagnole de 1936. Le troisième est « éducationniste réalisateur » dans le sens où les anarchistes
privilégient la préparation de tout changement radical par une éducation libertaire, une culture formatrice, des essais de vie communautaires, la
pratique de l'autogestion et de l'égalité des sexes, etc. Ce modèle est proche du gradualisme d'Errico Malatesta et renoue avec « l’évolutionnisme »
d'Élisée Reclus. Pour Vivien Garcia dans L'Anarchisme aujourd'hui (2007), l'anarchisme « ne peut être conçu comme un monument théorique achevé.
La réflexion anarchiste n'a rien du système. […] L'anarchisme se constitue comme une nébuleuse de pensées qui peuvent se renvoyer de façon
contingente les unes aux autres plutôt que comme une doctrine close »[12].
Selon l'historien américain Paul Avrich : « Les anarchistes ont exercé et continuent d'exercer une grande influence. Leur internationalisme rigoureux et
leur antimilitarisme, leurs expériences d'autogestion ouvrière, leur lutte pour la libération de la femme et pour l'émancipation sexuelle, leurs écoles et
universités libres, leur aspiration écologique à un équilibre entre la ville et la campagne, entre l'homme et la nature, tout cela est d'une actualité
criante »[13]. L'anarchisme s'inscrit en outre dans l'histoire des mouvements sociaux et de l'art en mobilisant divers symboles.
Ordre et anarchie
« L'anarchie est le plus haut degré de liberté et d'ordre auquel l'humanité puisse parvenir. » Pierre-Joseph Proudhon[14]
« L'anarchie c'est l'ordre, et le gouvernement la guerre civile » Anselme Bellegarrigue (L'Anarchie, journal de l'ordre)[15]
Le terme « anarchisme » et ses dérivés sont employés tantôt péjorativement, comme synonymes de désordre social dans le sens commun ou
courant et qui se rapproche de l’anomie, tantôt comme un but pratique, car l'anarchisme défend l'idée que l'absence d'une structure de pouvoir n'est
pas synonyme de désorganisation sociale[17]. Les anarchistes rejettent en général la conception courante de l'anarchie utilisée par les médias et les
pouvoirs politiques. Pour eux, « l'ordre naît de la liberté »[18],[19], tandis que les pouvoirs engendrent le désordre. Certains anarchistes useront du terme
« acratie », du grec « kratos », le pouvoir, donc littéralement « absence de pouvoir », plutôt que du terme « anarchie » qui leur semble devenu ambigu.
De même, certains anarchistes auront plutôt tendance à utiliser le terme de « libertaires »[20].
Pour ses partisans, l'anarchie n'est justement pas le désordre social. C’est plutôt le contraire, soit l'ordre social absolu[21], grâce notamment à la
socialisation des moyens de production : contrairement à l'idée de possessions privées capitalisées, elle suggère celle de possessions individuelles ne
garantissant aucun droit de propriété, notamment celle touchant l'accumulation de biens non utilisés[22]. Cet ordre social s'appuie sur la liberté
politique organisée autour du mandatement impératif, de l'autogestion, du fédéralisme intégral et de la démocratie directe. L'anarchie est donc
organisée et structurée : c'est l'Ordre moins le pouvoir[23].
Étymologie
Dans un sens négatif, l'anarchie évoque le chaos et le désordre, l'anomie[29]. Et dans un sens positif, un système où les individus sont dégagés de
toute autorité[29]. Ce dernier sens apparaît en 1840 sous la plume du théoricien, socialiste libertaire, Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865). Dans
Qu'est-ce que la propriété ?, l'auteur se déclare « anarchiste » et précise ce qu'il entend par « anarchie » : « une forme de gouvernement sans maître ni
souverain »[29].
Précurseurs de l'anarchisme
Pour de nombreux théoriciens de l'anarchisme, l'esprit libertaire remonte aux origines de l'humanité[30]. À l'image des Inuits, des Pygmées, des
Santals, des Tivs, des Piaroas ou des Mérinas, de nombreuses sociétés fonctionnent, parfois depuis des millénaires, sans autorité politique (État ou
police)[31] ou suivant des pratiques revendiquées par l'anarchisme comme l'autonomie, l'association volontaire, l'auto-organisation, l'aide mutuelle ou
la démocratie directe[32].
Les premières expressions d'une philosophie libertaire peuvent être trouvées dans le taoïsme et le bouddhisme[33]. Au taoïsme, l'anarchisme
emprunte le principe de non-interférence avec les flux des choses et de la nature, un idéal collectiviste et une critique de l'État ; au bouddhisme,
l'individualisme libertaire, la recherche de l'accomplissement personnel et le rejet de la propriété privée[34]. Une forme d’individualisme libertaire est
aussi identifiable dans certains courants philosophiques de la Grèce antique, en particulier dans les écrits épicuriens, cyniques et stoïciens[35].
Certains éléments libertaires du christianisme ont influencé le développement de l'anarchisme[36], en particulier de l'anarchisme chrétien[37]'[38]. À
partir du Moyen Âge, certaines hérésies et révoltes paysannes attendent l'avènement sur Terre d'un nouvel âge de liberté[34]. Des mouvements
religieux, à l'exemple des hussites ou des anabaptistes s'inspirèrent souvent de principes libertaires[39].
Plusieurs idées et tendances libertaires émergent dans les utopies françaises et anglaises de la Renaissance et du siècle des Lumières[40]. Pendant la
Révolution française, le mouvement des Enragés s'oppose au principe jacobin du pouvoir de l'État et propose une forme de communisme[41]. En
France, en Allemagne, en Angleterre ou aux États-Unis, les idées anarchistes se diffusent par la défense de la liberté individuelle, les attaques contre
l'État et la religion, les critiques du libéralisme et du socialisme[34]. Certains penseurs libertaires américains comme Henry David Thoreau, Ralph
Waldo Emerson et Walt Whitman, préfigurent l’anarchisme contemporain de la contre-culture, de l'écologie, ou de la désobéissance civile[42].
Remonter si loin dans l'histoire de l'humanité n'est pas sans risque d'anachronisme ou d'idéologie[43]. C'est donner une définition extrêmement vague
de l'anarchisme sans tenir compte des conditions historiques et sociales de l'époque des faits[43]. Il faudra attendre la Révolution française pour
découvrir des aspirations ouvertement libertaires chez des auteurs comme Jean-François Varlet, Jacques Roux ou Sylvain Maréchal[43]. William
Godwin (1793) apparaît comme l'un des précurseurs de l'anarchisme. Pierre-Joseph Proudhon est le premier théoricien social à s'en réclamer
explicitement en 1840[44].
Principes généraux
Être gouverné
« Être gouverné, c'est être gardé à vue, inspecté, espionné, dirigé, légiféré, réglementé, parqué, endoctriné, prêché, contrôlé, estimé,
apprécié, censuré, commandé, par des êtres qui n'ont ni le titre, ni la science, ni la vertu… Être gouverné, c'est être, à chaque opération, à
chaque transaction, à chaque mouvement, noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, coté, cotisé, patenté, licencié, autorisé, apostillé,
admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé. C'est, sous prétexte d'utilité publique, et au nom de l'intérêt général, être mis à
contribution, exercé, rançonné, exploité, monopolisé, concussionné, pressuré, mystifié, volé ; puis, à la moindre résistance, au premier mot
de plainte, réprimé, amendé, vilipendé, vexé, traqué, houspillé, assommé, désarmé, garrotté, emprisonné, fusillé, mitraillé, jugé, condamné,
déporté, sacrifié, vendu, trahi, et pour comble, joué, berné, outragé, déshonoré. »
Pierre-Joseph Proudhon, Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle, 1851.
L'anarchisme est une philosophie politique qui présente une vision d'une société humaine sans hiérarchie, et qui propose des stratégies pour y arriver,
en renversant le système social autoritaire. L'objectif principal de l'anarchisme est d'établir un ordre social sans décideur (des dirigeants peuvent
exister, dans le sens où ils s'occuperont de l'organisation générale mais ils ne sont pas propriétaire et ils n'ont pas plus de pouvoir décisionnels que
ces camarades). Un ordre fondé sur la coopération volontaire d'hommes et de femmes libres et conscients, qui ont pour but de favoriser un double
épanouissement : celui de la société et celui de l'individu qui participe à celle-ci. Selon l'essayiste Hem Day : « On ne le dira jamais assez,
l’anarchisme, c’est l’ordre sans le gouvernement ; c’est la paix sans la violence. C’est le contraire précisément de tout ce qu’on lui reproche, soit par
ignorance, soit par mauvaise foi »[45].
La pensée anarchiste s’oppose par conséquent à toutes les formes d’organisation sociale qui oppriment des individus, les asservissent, les exploitent
au bénéfice d’un petit nombre, les contraignent, les empêchent de réaliser toutes leurs potentialités[46]. À la source de toute philosophie anarchiste,
on retrouve une volonté d'émancipation individuelle ou collective. L'amour de la liberté, profondément ancré chez les anarchistes, les conduit à lutter
pour l'avènement d'une société plus juste, dans laquelle les libertés individuelles pourraient se développer harmonieusement et formeraient la base
de l'organisation sociale et des relations économiques et politiques.
L'anarchisme est opposé à l'idée que le pouvoir coercitif et la domination soient nécessaires à la société et se bat pour une forme d'organisation
sociale et économique libertaire, c'est-à-dire fondée sur la collaboration ou la coopération plutôt que la coercition. L'ennemi commun de tous les
anarchistes est l'autorité, sous quelque forme que ce soit, l'État étant leur principal ennemi : l'institution qui s'attribue le monopole de la violence
légale (guerres, violences policières), le droit de voler (impôt) et de s'approprier l'individu (conscription, service militaire)[47].
Société sans État
Les visions qu'ont les différentes tendances anarchistes de ce que serait ou devrait être une société sans État sont en revanche d'une grande
diversité. Opposé à tout credo, l'anarchiste prône l'autonomie de la conscience morale par-delà le bien et le mal définis par une orthodoxie majoritaire,
un pouvoir à la pensée dominante. L'anarchiste se veut libre de penser par lui-même et d'exprimer librement sa pensée.
Certains anarchistes dits « spontanéistes » pensent qu'une fois la société libérée des entraves artificielles que lui impose l'État, l'Ordre naturel
précédemment contrarié se rétablirait spontanément, ce que symbolise le « A » inscrit dans un « O » (« L'anarchie, c'est l'ordre sans le pouvoir »,
Proudhon). Ceux-là se situent, conformément à l'héritage de Proudhon, dans une éthique du droit naturel (elle-même affiliée à Rousseau).
D'autres pensent que le concept d'ordre n'est pas moins « artificiel » que celui d'État. Ces derniers pensent que la seule manière de se passer des
pouvoirs hiérarchiques est de ne pas laisser d'ordre coercitif s'installer. À ces fins, ils préconisent l'auto-organisation des individus par fédéralisme,
comme moyen permettant la remise en cause permanente des fonctionnements sociaux autoritaires et de leurs justifications médiatiques. En outre,
ces derniers ne reconnaissent que les mandats impératifs (votés en assemblée générale), révocables (donc contrôlés) et limités à un mandat précis
et circonscrit dans le temps. Enfin, ils pensent que le mandatement ne doit intervenir qu'en cas d'absolue nécessité.
Les anarchistes se distinguent de la vision marxiste d'une société future en rejetant l'idée d'une dictature du prolétariat qui serait exercée après la
révolution par un pouvoir temporaire : à leurs yeux, un tel système ne pourrait déboucher que sur la tyrannie. Ils sont partisans d'un passage direct, ou
du moins aussi rapide que possible, à une société sans État, celle-ci se réaliserait par le biais de ce que Bakounine appelait l'« organisation spontanée
du travail et de la propriété collective des associations productrices librement organisées et fédéralisées dans les communes »[48].
Pierre Kropotkine voit pour sa part la société libertaire comme un système fondé sur l'entraide, où les communautés humaines fonctionneraient à la
manière de groupes d'égaux ignorant toute notion de frontière. Les lois deviendraient inutiles car la protection de la propriété perdrait son sens ; la
répartition des biens serait, après expropriation des richesses et mise en commun des moyens de production, assurée par un usage rationnel de la
prise au tas (ou « prise sur le tas ») dans un contexte d'abondance, et du rationnement pour les biens plus rares[49].
Par la suite ce refus de la propriété évolue selon les différents courants d'anarchisme, individualistes ou collectivistes. Il sert de base à l'illégalisme en
France, et à l'anarchisme expropriateur, quoique ce dernier encourage le vol des bourgeois dans le but de financer des activités anarchistes, et non
sur la base d'une opposition à la propriété en tant que telle.
Courants et modèles
Sous l'influence des communistes libertaires, dont Pierre Kropotkine et Élisée Reclus, émerge ensuite le projet d'une réorganisation de la société sur
la base d'une fédération de collectifs de production ignorant les frontières nationales. Dans les années 1880-1890, sous l'inspiration notamment de
Errico Malatesta, l'anarchisme se scinde entre insurrectionnalistes et partisans d'une conception gradualiste à la fois « syndicaliste et éducative […]
fondée sur le primat pacifiste des solidarités vécues »[44].
Typologie
En 1928, dans l'Encyclopédie anarchiste, le Russe Voline définit « les trois idées maîtresses » : « 1° Admission définitive du principe syndicaliste, lequel
indique la vraie méthode de la révolution sociale ; 2° Admission définitive du principe communiste (libertaire), lequel établit la base d'organisation de
la nouvelle société en formation ; 3° Admission définitive du principe individualiste, l'émancipation totale et le bonheur de l'individu étant le vrai but de
la révolution sociale et de la société nouvelle »[52].
En 2007, l'historien Gaetano Manfredonia propose une relecture de ces courants sur la base de trois modèles[53].
Courants socialistes
Association
internationale
des travailleurs
(AIT)
Statuts généraux adoptés par l'Association internationale des travailleurs lors du congrès fondateur de Genève en 1866[55]
Lucy Parsons, militante
ouvrière « Plus dangereuse
que mille émeutiers » selon
la police américaine.
Les socialistes libertaires, selon les tendances, considèrent que la société anarchiste peut se construire par mutualisme, collectivisme, communisme,
syndicalisme, mais aussi par conseillisme. L'abolition de la propriété lucrative et l'appropriation collective des moyens de production est un point
essentiel de cette tendance. Par « propriété », on n'entend pas le fait de posséder quelque chose pour soi, mais de le posséder pour en tirer des
revenus du travail des autres (différent de la propriété d'usage). Ces courants, composés initialement de Proudhon (et de ses successeurs), puis de
Bakounine, étaient présents au sein de l'Association internationale des travailleurs (Première internationale), jusqu'à la scission de 1872 (où
Bakounine et Karl Marx se sont trouvés opposés). Le socialisme libertaire établit un pont entre le socialisme et l'individualisme (notamment par le
biais du coopérativisme et du fédéralisme) combattant tant le capitalisme que l'autoritarisme sous toutes ses formes.
Courants individualistes
Selon E. Armand dans l'Encyclopédie anarchiste : « Les individualistes anarchistes sont des anarchistes qui considèrent au point de vue individuel la
conception anarchiste de la vie, c'est-à-dire basent toute réalisation de l'anarchisme sur « le fait individuel », l'unité humaine anarchiste étant
considérée comme la cellule, le point de départ, le noyau de tout groupement, milieu, association anarchiste »[56].
Les individualistes nient la nécessité de l’État comme régulateur et modérateur des rapports entre les individus et des accords qu’ils peuvent passer
entre eux. Ils rejettent tout contrat social et unilatéral. Ils défendent la liberté absolue dans la réalisation de leurs aspirations.
Courants féministes
L'anarcha-féminisme ou féminisme libertaire, qui combine féminisme et anarchisme, considère la domination des hommes sur les femmes comme
l'une des premières manifestations de la hiérarchie dans nos sociétés. Le combat contre le patriarcat est donc pour les anarcha-féministes partie
intégrante de la lutte des classes et de la lutte contre l'État, comme l'a formulé Susan Brown : « Puisque l'anarchisme est une philosophie politique
opposée à toute relation de pouvoir, il est intrinsèquement féministe »[57].
Un des aspects principaux de ce courant est son opposition aux conceptions traditionnelles de la famille, de l'éducation et du rôle des genres,
opposition traduite notamment dans une critique radicale de l'institution du mariage. Voltairine de Cleyre affirme que le mariage freine l'évolution
individuelle, tandis que Emma Goldman écrit que « Le mariage est avant tout un arrangement économique […] la femme le paye de son nom, de sa vie
privée, de son estime de soi et même de sa vie ». Le féminisme libertaire défend donc une famille et des structures éducatives non hiérarchiques,
comme les écoles modernes inspirées de Francisco Ferrer.
L'anarcha-féminisme peut apparaître sous forme individuelle, comme aux États-Unis, alors qu'en Europe il est plus souvent pratiqué sous forme
collective. Autrices : Virginia Bolten, Emma Goldman, Voltairine de Cleyre, Madeleine Pelletier, Lucía Sánchez Saornil, l'organisation féminine
libertaire[58] Mujeres Libres.
Courants écologistes
L'écologie libertaire s'appuie sur les travaux théoriques des géographes Élisée Reclus et Pierre Kropotkine. Elle critique l'autorité, la hiérarchie et la
domination de l'homme sur la nature. Elle propose l'auto-organisation, l'autogestion des collectivités, le mutualisme[60]. Ce courant est proche de
l'écologie sociale élaborée par l'américain Murray Bookchin[61],[62].
Très critique envers la technologie, elle défend l'idée que le mouvement libertaire doit, s'il veut évoluer, rejeter l'anthropocentrisme : pour les
écologistes libertaires, l'être humain doit renoncer à dominer la nature.
Courants chrétiens
L'anarchisme chrétien entend concilier les fondamentaux de l'anarchisme (le rejet de toute autorité ecclésiale ou étatique) avec les enseignements de
Jésus de Nazareth, pris dans leur dimension critique vis-à-vis de l'organisation sociale. D'un point de vue social, il se fonde sur la « révolution
personnelle », soit la métamorphose de chaque individu au quotidien. Léon Tolstoï, Søren Kierkegaard, Jacques Ellul, Dorothy Day, Ferdinand Domela
Nieuwenhuis et Ivan Illich en sont les figures les plus marquantes[68].
Selon Ellul, « Tout cela, que l’on voit (le conformisme, le conservatisme social et politique des Églises ; le faste, la hiérarchie, le système juridique des
Églises ; la « morale » chrétienne ; le christianisme autoritaire et officiel des dignitaires des Églises…), c’est le caractère « sociologique et
institutionnel » de l’Église, […] ce n’est pas l’Église. Ce n’est pas la foi chrétienne. Et les anarchistes avaient raison de rejeter ce christianisme »[69]. Par
ailleurs, l'anarchisme est pour Ellul « la forme la plus aboutie du socialisme »[69].
L'« anarcho-personnalisme » exprimé par Emmanuel Mounier et les « pédagogues de la libération » comme Paulo Freire au Brésil et Jef Ulburghs en
Belgique partagent des racines avec ce courant. Simone Weil y fut sensible.
Aux États-Unis, le mouvement Jesus Radicals (en)[70] s'inscrit dans cette mouvance.
L'anarchisme non violent est un mouvement dont le but est la construction d'une société refusant la violence. Les moyens utilisés pour arriver à cette
fin sont en adéquation avec celle-ci : écoute et respect de toutes les personnes présentes dans la société, choix de non-utilisation de la violence,
respect de l'éthique (la fin ne justifie jamais les moyens), place importante faite à l'empathie et à la compassion, acceptation inconditionnelle de
l'autre.
Apolitique, profondément humaniste, il vise à rassembler les hommes et les femmes pour construire une société où chacun puisse se réaliser (la
société est au service de l'individu) et en même temps incite l'individu à collaborer, à contribuer au bien-être de tous les acteurs de la société
(l'individu est au service de la société)[71],[72].
Personnalités marquantes : Léon Tolstoï, Louis Lecoin, Barthélemy de Ligt, May Picqueray, Jean Van Lierde.
Courant de droite
Crypto-anarchisme
Au xxe siècle, des courants nouveaux apparaissent, moins connus ou ayant leur autonomie propre, et n'entrant pas dans le cadre des tendances
existantes. Ces différents courants/tendances se rejoignent dans la volonté de mettre en place une société libertaire, où la liberté politique serait la
règle. C'est surtout après la Seconde Guerre mondiale qu'apparaissent d'autres courants dans différents domaines : politiques, philosophiques et
littéraires. Ils se démarquent parfois assez radicalement des doctrines anarchistes classiques.
Au sein du mouvement libertaire, d'autres courants non traditionnels sont plus ou moins bien accueillis (selon les tendances), certains étant
considérés comme un enrichissement de l'anarchisme, d'autres non. Néanmoins, les diverses tendances se rejettent parfois mutuellement, les
individualistes pouvant rejeter la composante socialiste et réciproquement (notamment dans le cas d'une organisation politique de type
plateformiste).
Pour les courants libertaires traditionnels, les courants tels que le national-anarchisme, l'anarcho-capitalisme et l'anarchisme de droite sont rejetés,
considérant que les idées de ces mouvements sont extérieures à l'anarchisme politique et historique et qu'elles n'ont aucun point commun avec les
leurs, voire qu'elles leur sont fondamentalement opposées. Les nationalistes anarchistes sont pointés du doigt pour leur promiscuité politique avec
l'extrême-droite (pour la branche proche du néonazisme) ou l'incompatibilité de défendre le nationalisme et l'internationalisme. L'anarchisme de droite
est critiqué pour son incohérence et son inexistence en tant que mouvement politique. Les critiques à l'encontre des anarcho-capitalistes contestent
la possibilité de combiner l'anarchisme et le capitalisme, ce dernier étant considéré par eux comme une source d'exploitation. L'anarchisme chrétien
est critiqué par ceux qui estiment que la religion est source d'oppression et d'aliénation.
Les « Enragés » pendant la Révolution française comptent peu d'anarchistes, à l'exception de quelques individualités, notamment Jean-François
Varlet.
Durant la Commune de Paris en 1871 on mentionne parfois Louise Michel, qui n'était alors pas anarchiste mais blanquiste.
La collectiviste Nathalie Lemel, Élie et Élisée Reclus, ou encore d'autres militants n'étaient pas anarchistes à l'époque. Ce n'était pas le cas non plus
d'Eugène Varlin, Gustave Lefrançais, Charles Ledroit, Jules Montels, François-Charles Ostyn, ou Jean-Louis Pindy, même si certains anarchistes
comme Maurice Joyeux voient un lien avec l'anarchisme[77].
En 1873, la révolution cantonale pendant la première République espagnole eut une forte influence sur le mouvement anarchiste espagnol.
Révolution mexicaine
En 1911, Le 29 janvier, le Parti libéral mexicain (PLM) d'obédience anarchiste, planifie l'invasion du territoire de Basse-Californie du Nord, pour en faire
une base opérationnelle dans la guerre révolutionnaire. Le parti déclare alors la création de la « république socialiste de Basse-Californie ».
De février à juin 1911 il prend contrôle, notamment grâce aux frères Flores Magón et avec l'aide d'une centaine d'internationalistes armés membres
du syndicat Industrial Workers of the World (Travailleurs Industriels du monde), de la majeure partie du district nord du territoire de Basse Californie,
notamment des bourgades de Tijuana (100 habitants), Mexicali (300 habitants), et Tecate. Les magonistes incitent le peuple à prendre possession
collectivement de la terre, à créer des coopératives et à refuser l'établissement d'un nouveau gouvernement. Durant cinq mois ils vont faire vivre la
3Commune de Basse-Californie3 : expérience de communisme libertaire avec abolition de la propriété, travail collectif de la terre, formation de
groupes de producteurs, etc.
En 1914, le mouvement Ghadar, animé par l'anarchiste Lala Har Dayal, développe une idée de société anarchiste enracinée dans les écrits védiques.
Drapeau attribué à la Makhnovtchina
(1918-1921), musée de Houliaïpole.
Révolution russe
Pendant la révolution russe, en Ukraine, Nestor Makhno conduit la Makhnovchina pendant trois ans (1918-1921), une armée anarchiste de guérilla
organisée sur la base du volontariat, et qui comptera jusqu'à 100 000 combattants ayant pour objectif de protéger le nouveau modèle révolutionnaire
libertaire mise en place dans le sud de l'Ukraine. Cette dernière combattit avec succès les armées blanches au côté de l'armée rouge, avant d'être
trahie par Lénine et Trotsky qui se retournèrent contre elle (voir : Armée révolutionnaire insurrectionnelle ukrainienne). Par ailleurs, en Russie, la
pensée libertaire était fortement présente lors de la Révolte de Kronstadt (mars 1921) et plus généralement dans les Soviets jusqu'à leur mise au pas
par le parti bolchevique.
En Bavière, en 1919, les anarchistes Gustav Landauer et Erich Müsham participent activement à la république des conseils de Bavière. En
Mandchourie, en août 1929, sous l'impulsion de Kim Jwa-jin et de la Fédération Anarchiste Coréenne en Mandchourie, se forme une administration à
Shimmin (une des trois provinces mandchouriennes). Organisée en tant qu'Association du Peuple Coréen en Mandchourie (APCM), elle se présente
comme « un système indépendant autogouverné et coopératif des coréens qui rassemblent tout leur pouvoir pour sauver notre nation en luttant
contre le Japon ». La structure était fédérale allant des assemblées de villages jusqu'à des conférences de districts et de zones. L'association
générale mit en place des départements exécutifs pour s'occuper de l'agriculture, de l'éducation, de la propagande, des finances, des affaires
militaires, de la santé publique, de la jeunesse et des affaires générales.
Durant la guerre 1939-45 en Italie, création par des résistants d'une république libertaire près de Carrare.
Ces expériences parviennent toutefois à réaliser, selon les anarchistes, de nombreux principes anarchistes, en particulier en matière d'éducation libre,
de libre collectivisation des terres et des usines, de liberté politique, etc.
En France
Plusieurs militants de la révolte étudiante de mai 1968 en France ayant participé au Mouvement du 22 Mars et au Gauchisme dans les années qui
suivent ont été d'abord anarchistes ou le sont restés, comme Jean-Pierre Duteuil[78].
Richard Ladmiral et Tomás Ibáñez entament une collaboration assez étroite avec la « Tendance syndicaliste révolutionnaire » impulsée par les
lambertistes de l'UNEF[80],sur le modèle de l’alliance tissée dans la région de Saint-Nazaire entre anarcho-syndicalistes – dont Alexandre Hébert était
la figure de proue – et lambertistes[80]. En Mai 68 à Nantes, des ouvriers "lambertistes" seront aux débuts du mouvement de grève générale[81] de Mai
68.
La LEA décide à la fin de l’été 1964 d'acquérir une envergure nationale, par un communiqué dans Le Monde libertaire[80] convoquant une réunion, en
octobre, à son local de la rue Sainte-Marthe[80]: une douzaine d’étudiants, y viennent, pami eux, Jean-Pierre Duteuil et Georges Brossard – fraichement
inscrits à la nouvelle université de Nanterre[80]. Venu du lycée de Nanterre, Jean-Pierre Duteuil participé à l’envahissement de la pelouse lors d’un
match de rugby à Colombes entre la France et l’Angleterre devant les caméras de télévision mais a aussi rencontré des militants anarchistes italiens
en Italie. La LEA Nanterre prône l'interruption de cours, le refus systématique de tout pouvoir, fût-il symbolique, et la critique virulente du contenu de
l’enseignement[80].
Au niveau national, la LEA est proche de la revue Noir et Rouge, animée notamment par Christian Lagant, Frank Mintz, Richard Ladmiral, Jean-Pierre
Poli, Pascale Claris et Pierre Tallet[82].
Ce congrès de Bordeaux voit le départ d’une douzaine de groupes. Alors que la FA était passée de 47 groupes en 1966 à 67 groupes l'année suivante
elle revient, à la suite de ce congrès, à 47 groupes[79]. Les expulsés, parmi lesquels Jean-Pierre Duteuil, se fédérèrent pour un temps sous le nom de
« l’Hydre de Lerne »[80].
Ils vont alors se rapprocher, en particulier au sein de l'UNEF puis du Mouvement du 22 Mars, des trostskystes des JCR (Jeunesses communistes
révolutionnaires, trotskystes), et des maoïstes de l’UJCML (Union des Jeunesses Communistes Marxistes-Léninistes)[79]. L'UGAC défend ainsi alors
une politique « frontiste » fondée sur des alliances avec des mouvements maoistes ou trotskystes[83].
C'est aussi l'époque du départ des JAC (Jeunesses Anarchistes Communistes), créées en 1967, très actives dans les lycées parisiens, fin 1967 puis
début 1968 via les Comités d’Actions Lycéens (CAL). L’UGAC produit de son côté dès 1966 une "Lettre au mouvement anarchiste international"
affirmant sa conviction que l'anarchisme doit être une simple composante du mouvement révolutionnaire[83] et elle publie à partir de 1968 le journal
Tribune Anarchiste Communiste (TAC)[79].
Un premier "Groupe anarchiste de jeunes", avait été fondé au lendemain du camping international libertaire organisé par la FIJL en 1965 à Aiguilles,
dans le Queyras[84],[85].
Au Danemark
Le mouvement des communautés libertaires se poursuit, notamment à Copenhague au Danemark, avec la commune libre Christiania, un squat
autonome/autogéré au niveau d'un quartier. La mise en place d'Écovillages : agglomérations, généralement rurales, ayant un projet d'autosuffisance
variable, reposant sur un modèle économique alternatif telle la Coopérative européenne Longo Maï. L'écologie y est prépondérante.
Dans les années 1980, des libertaires sont présents dans le mouvement des radios libres, en Belgique comme en France avec Radio libertaire.
Une combattante du PKK en
2014.
Dans les années 1990, Hakim Bey introduit le concept de Zone autonome temporaire (Temporary Autonomous Zone - TAZ) interprété comme une
forme d'organisation permettant d'accéder à l'anarchie.
Mexique
En 1994, au Mexique, insurrection zapatiste du Chiapas. Sur des bases idéologiques d'orientation socialistes autogestionnaires l'EZLN prend les
armes contre l’État mexicain et déclare l'autonomie des territoires indigènes de la région. À partir de décembre 1994, les zapatistes constituent peu à
peu des communes autonomes, indépendantes de celles gérées par le gouvernement du Mexique. Ces communes mettent en œuvre des pratiques
d'autogestion et de communalisme tel que des services de santé gratuits, la socialisation des terres, des écoles là où il n'en existait pas et un
système de justice et de police communale.
Selon Roy Krøvel, « les anarchistes internationaux et les Zapatistes ont formé un mouvement global de solidarité qui est devenu, à son tour, une
inspiration majeure du mouvement global contre le néolibéralisme[86] ». Le zapatisme a été influencé par la pensée de Michel Foucault, bien connue
du sous-commandant Marcos[87].
États-Unis
En 1999 à Seattle, lors du contre-sommet de l'OMC, un black bloc est médiatisé au niveau international. Un black bloc désigne autant une tactique de
manifestation[88], une forme d'action directe collective[89] que des groupes d'affinité aux contours éphémères[90],[91]. Avant et après une action, un
Black Bloc n’existe pas[92]. Sans organigramme, ni porte-parole, il est principalement constitué d'individus tout de noir vêtus pour se fondre dans
l'anonymat, c'est un espace décentralisé, sans appartenance formelle ni hiérarchie. Il est formé principalement d'activistes issus des mouvances
libertaires[93].
Kurdistan
En 2006, à la mort de Murray Bookchin, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) s'engage à fonder la première société basée sur un
confédéralisme démocratique inspiré des réflexions du théoricien de l’écologie sociale et du municipalisme libertaire[94]. Le 6 janvier 2014, les
cantons du Rojava, dans le Kurdistan syrien, se fédèrent en communes autonomes. Elles adoptent un contrat social qui établit une démocratie directe
et une gestion égalitaire des ressources sur la base d’assemblées populaires. C’est en lisant l’œuvre de Murray Bookchin et en échangeant avec lui
depuis sa prison turque, où il purge une peine d’emprisonnement à vie, que le dirigeant historique du mouvement kurde, Abdullah Öcalan, fait prendre
au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) un virage majeur pour dépasser le marxisme-léninisme des premiers temps. Le projet internationaliste
adopté par le PKK en 2005, puis par son homologue syrien, le Parti de l'union démocratique (PYD), vise à rassembler les peuples du Proche-Orient
dans une confédération de communes démocratique, multiculturelle et écologiste[94],[95].
En 2007, une Metaversial Anarchist Federation est créée dans le monde virtuel de Second Life par des militants de divers pays.
Période actuelle
Aujourd'hui, les anarchistes se sont organisés dans une multitude de groupes (fédération, collectif, groupe d'affinité informel, organisations, journaux,
syndicat, international, etc) et sont présents dans plusieurs mouvements sociaux non spécifiquement libertaire, sur des terrains aussi divers que :
Dès le xixe siècle, des liens sont tissés entre artistes et anarchistes. Gustave Courbet est l’ami de Pierre-Joseph Proudhon[99]. Entre 1880 et 1914,
nombreux sont les artistes et les écrivains qui s’intéressèrent à l’anarchisme. Ils collaborent à des revues ou font parfois don de certaines œuvres. On
peut citer les noms de plusieurs peintres : Camille Pissarro[100], Paul Signac[101], Maximilien Luce[102] et Henri-Edmond Cross[103], ou le critique d'art
Félix Fénéon[104].
Plus significativement, l'esprit libertaire se retrouve dans les œuvres du mouvement dadaïste[105] et du surréalisme[106].
Dans le monde francophone, des personnalités comme Albert Camus[107],[108],[109], André Breton[110], Jacques Prévert[111], Boris Vian[112],[113], Robert
Desnos[114] ou Étienne Roda-Gil[115] marquent le champ culturel d'une empreinte libertaire. Il en est de même dans le cinéma[116], avec Jean-Pierre
Mocky[117] ou Luis Buñuel[118].
De manière plus directe, c'est en Espagne que la propagande artistique au service de l'anarchisme et de la révolution sociale connaîtra un immense
essor pendant la période de la guerre civile, à travers de très nombreuses affiches syndicales et militaires, ou encore même, par le théâtre libertaire et
le cinéma de reportage.
L'anarchisme ne s'exprime pas uniquement à travers un mouvement structuré ou une œuvre. Il peut aussi se manifester dans un état d'esprit, qu'on
retrouve dans l'engagement libertaire de Georges Brassens ou à la rédaction des journaux satiriques comme Hara Kiri ou encore Charlie Hebdo. À
propos de ces derniers, Michèle Bernier, la fille du professeur Choron, définit cet esprit anarchiste de la manière suivante : "Des mécréants, de joyeux
anars sans Dieu ni maître. C’était l’humour à plein pot fait par des gens extrêmement drôles et intelligents."[119].
On peut aussi évoquer l'esprit anarchiste de militants plus ou moins anonymes, comme Constant Couanault, ouvrier des cuirs et peaux en région
parisienne, secrétaire adjoint de la Confédération générale du travail - Syndicaliste révolutionnaire (CGTSR) dans les années 1930[120] et qui a sauvé
des enfants juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Indépendamment de son militantisme, son attitude peut s'interpréter sous les traits de l'esprit
anarchiste : "Constant (Couanault) envoie bouler tel voisin antisémite, Constant bouffe du curé et du patron, Constant houspille les gosses
froussards."[121].
Critiques
Selon le philosophe et historien des idées politiques d'orientation libérale Philippe Nemo, une société anarchiste est impossible à la fois sur le plan
théorique et dans la pratique. Il constate que, tout au plus, on a pu observer uniquement « de brefs exemples historiques » mais aucune réalisation
durable. Il estime que cette impossibilité est définitive en se basant sur les questions posées au xixe siècle par Lord Acton concernant la politique :
qui doit exercer le pouvoir et quelles doivent être ses limites. Selon lui, la réponse anarchiste, en particulier des anarchistes socialistes, qui réunit un
pouvoir sans limitation, exercé par le peuple dans son ensemble, sans que ce pouvoir soit confisqué par un individu ou un groupe d'individus, est
fondamentalement instable. Pour Nemo, cette solution ne peut pas durer car elle tend à devenir soit un système totalitaire (prise de contrôle du
pouvoir par un individu ou un groupe) soit une démocratie libérale (limitation des pouvoirs exercés par tous). À l'inverse de la réponse anarchiste,
selon Nemo, ces deux réponses sont stables puisque, dans le premier cas, les pouvoirs de l'État sur tous permettent facilement son maintien au
pouvoir, tandis que dans le second, le « libéralisme rend possible l'existence d'opposants politiques, faisant vivre la démocratie »[122].
Le politiste Édouard Jourdain, indique que « Dans la lignée de la réception aux États-Unis de la French Theory, marquée principalement par des
auteurs comme Foucault, Deleuze et Derrida, certains théoriciens ont entrepris de critiquer un anarchisme marqué par la philosophie des Lumières en
se tournant vers le post-structuralisme ou le postmodernisme »[123]. Ainsi selon Jourdain, des auteurs tels que Saul Newman (en) et Todd May (en) se
réclamant du postanarchisme critiquent des conceptions de « l'anarchisme classique ». Une d'entre elles concerne la conception essentialiste de la
nature humaine et de la subjectivité : celle-ci étant par essence bonne, l’abolissement du pouvoir en réalisant l'humanité "naturelle" permettrait une
société harmonieuse[123].
Bibliographie
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Notes et références
Notes
Références
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faire ?)
.
10. [[Sébastien Faure|Sebastien Faure]], « La Synthèse
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rtal.issn.org/resource/issn/0027-2671) ,
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89. Francis Dupuis-Déri, Black Blocs : bas les masques,
Mouvements, no 25, janvier-février 2003, pp. 74-80, texte
intégral (http://classiques.uqac.ca/contemporains/dupuis_deri
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masques.pdf) [archive].
5) ,
98. (en) David Goodway, Anarchist Seeds beneath the Snow: Left-
Libertarian Thought and British Writers from William Morris to
Colin Ward, Liverpool University Press, 2006, page 9.
10.1177/095715589400501509 (https://dx.doi.org/10.1177/0957155894005015
) (Ce texte a été aussi été republié dans le tome neuvième des
œuvres de Boris Vian, pages 1101 à 1108) : Gilbert Pestureau,
faisant référence au traitement de l'antimilitarisme dans
L'Équarrissage pour tous, et du racisme américain dans une
des Chroniques du menteur, « Impressions d'Amérique »,
indique : « On peut estimer pourtant que la provocation
libertaire et l'éthique anarchiste sont inadmissibles à propos
de sujets aussi douloureux que les camps de la mort ou la
tragédie du peuple noir. L'humoriste répondra que c'est le seul
moyen de supporter l'inacceptable ». Gilbert Pestureau conclut
son analyse par ces mots : « Il témoigne d'une méfiance
tonique contre les idéologies triomphantes, ou les systèmes de
pensée organisés, et ce désengagement est part de son
originalité ; ne serait-il d'ailleurs pas en cela « postmoderne » ?
À coup sûr, son pacifisme anarchisant et sa revendication de
l'épanouissement de l'individu furent déterminants dans la
gloire qui le saisit en 1968. »
121. Cité par I. Jablonka, Histoire des grands-parents que je n'ai pas
eus, Seuil 2012, p. 219
122. Philippe Nemo, Histoire des Idées Politiques, PUF, 2003, p. 23-
24.
130. Histoire vivante, RTS Deux, 16 octobre 2016, lire en ligne (htt
p://www.rts.ch/docs/histoire-vivante/a-voir/7997043-ni-dieu-ni
-maitre-une-histoire-de-l-anarchisme-episodes-1-2-et-2-2.htm
l) [archive].
3%A9) [archive]).
1908726/) [archive]).
Voir aussi
Articles connexes
Concepts
Anarchie
Anarchisme insurrectionnaliste
Anarcho-capitalisme
Anarcho-communisme
Anarcho-syndicalisme
Anthropologie anarchiste
Antiautoritarisme
Antiétatisme
Anticonformisme
Antipartisme
Autogestion
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Démocratie directe
Fédéralisme
Individualisme libertaire
Libertaire
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Libre examen
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Libertarisme de gauche
Marxisme libertaire
Municipalisme libertaire
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