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T7-La Bruyère, Les Caractères," les Biens de fortune" Livre VI,25

25 (V)

Si vous entrez dans les cuisines, où l’on voit réduit en art et en méthode le secret de flatter votre goût et
de vous faire manger au-delà du nécessaire ; si vous examinez en détail tous les apprêts des viandes qui
doivent composer le festin que l’on vous prépare ; si vous regardez par quelles mains elles passent, et
toutes les formes différentes qu’elles prennent avant de devenir un mets exquis, et d’arriver à cette
propreté et à cette élégance qui charment vos yeux, vous font hésiter sur le choix, et prendre le parti
d’essayer de tout ; si vous voyez tout le repas ailleurs que sur une table bien servie, quelles saletés ! quel
dégoût ! Si vous allez derrière un théâtre, et si vous nombrez les poids, les roues, les cordages, qui font
les vols et les machines ; si vous considérez combien de gens entrent dans l’exécution de ces
mouvements, quelle force de bras, et quelle extension de nerfs ils y emploient, vous direz : « Sont-ce là
les principes et les ressorts de ce spectacle si beau, si naturel, qui paraît animé et agir de soi-même ? »
Vous vous récrierez : « Quels efforts ! quelle violence ! » De même n’approfondissez pas la fortune des
partisans.

Eléments de correction,analyse d'après un site intéressant pour vous aider à comprendre la

fin de la remarque 25 /

"Si vous allez derrière un théâtre, et si vous nombrez les poids, les roues, les cordages, qui font les vols et
les machines ; si vous considérez combien de gens entrent dans l’exécution de ces mouvements, quelle
force de bras, et quelle extension de nerfs ils y emploient, vous direz : “Sont-ce là les principes et les
ressorts de ce spectacle si beau, si naturel, qui paraît animé et agir de soi-même ? ” Vous vous récrierez :
“Quels efforts ! quelle violence ! ” De même n’approfondissez pas la fortune des partisans”.

Rappels sur l'oeuvre liés au Parcours

Le moraliste La Bruyère dénonce l’attitude des hommes qui se produiraient dans le monde comme
dans un théâtre, et seraient dès lors les personnages d’une immense pièce. Tout n’est que posture, jeu
de dupes et superficialité. Les hommes joueraient un rôle dans ce grand théâtre qu’est le monde. Cette
idée rejoint celle qu’a énoncée Shakespeare dans Comme il vous plaira (à la scène 7 de l’acte II de la
pièce de théâtre publiée en 1623) :

« Le monde entier est un théâtre,

Et tous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs.

Chacun y joue successivement les différents rôles

D’un drame en sept âges »

Explication:
Introduction /Les Caractères ou les Mœurs de ce siècle est une œuvre fragmentaire qui a été rédigée
durant 17 ans, par La Bruyère. Ce recueil était constitué de 420 remarques en 1688, puis de 1120 en
1694. Ces remarques sont présentées sous forme de maximes , de réflexions et de portraits. S’inspirant
de la tradition grecque (à l’instar des Fables de La Fontaine). La Bruyère a présenté son oeuvre comme
une simple continuation des Caractères du philosophe grec Théophraste. Le moraliste La Bruyère
dénonce l’attitude des hommes qui se produiraient dans le monde comme dans un théâtre, et seraient
dès lors les personnages d’une immense pièce. Tout n’est que posture, jeu de dupes et superficialité.
(Présentaion de l'extrait:) Dans,Les Biens de fortune,VI 25,La Bruyère interpelle le lecteur, notamment
le courtisan (celui qui habite à la cour).Il cherche à le persuader dans sa démonstration pratique qui se
fait en trois temps . Problématique: Par quelle stratégie l'auteur dénonce-t-il les partisans dans cette
réflexion? Celle-ci est structurée en trois mouvements qui construisent une comparaison:

1/l.1-12: Les Cuisines d' un festin -2/l.12-17:les coulisses d'un théâtre -3/l.18-21: La clausule
moralisante.

Eléments de correction de la fin de la remarque , le début ayant été correctement travaillé, analyse
d'après un site intéressant pour vous aider à comprendre :

La vision que l’auteur se fait de la cour de Versailles est pour le moins critique. Dans cet extrait, nous
entrons dans les coulisses de cet univers montré comme théâtral. C’est l’occasion d’évoquer le dessous
du «spectacle » offert par le jeu des courtisans. Comment le décrire en quelques mots ? Rien de
reluisant comme l’indique La Bruyère dans un passage significatif où il compare l'art culinaire au théâtre
par les efforts non montrés, ceux des cuisines équivalent aux coulisses.

L’auteur interpelle le courtisan à plusieurs reprises avec le pronom personnel « vous ». Cette énonciation
est un moyen pour lui de chercher à le persuader en l’impliquant dans sa démonstration qui se fait en
trois temps : l’expérimentation, la révélation, la chute.

1.L’expérimentation

Ce passage reprend les idées de la philosophie du XVIIe siècle qui propose une représentation
mécanique du monde. Cette thématique est développée par deux moyens : l’effet d’optique la
prépondérance de la machinerie et le parallèle avec l’homme. Reprenons ces trois points :

a) l’effet d’optique

En premier lieu, La Bruyère convie le courtisan à une visite en le mettant en situation par l’emploi du
verbe de mouvement « aller ». Ce verbe est associé aux verbes d'observation : « nombrez » «
considérez ». La Bruyère emploie la synecdoque généralisante « derrière un théâtre » pour évoquer ce
qui n’en constitue en réalité qu’une partie, c’est-à-dire les coulisses. C’est un effet d’optique recherché
et voulu.

Transition: À côté de ce premier effet surgit le thème de la mécanique qui est récurrent chez l’auteur.

b) l’effet mécanique
Évidemment, il ne s’agit que d’une visite fictive ainsi que l’indique la conjonction de subordination « si »
répétée à trois reprises donnant un rythme ternaire, plein de solennité. La Bruyère a choisi, en outre,
de placer les longues subordonnées en apposition, « si vous allez ...» « et si vous nombrez... », « si vous
considérez... » , pour souligner leur importance , avant la principale particulièrement brève : « vous
direz »... qui produit un effet de contraste, lapidaire.

La Bruyère crée ainsi un rapport cause/conséquence qui est comparable à un automatisme corroborant
le champ lexical de la mécanique avec les termes : « machines », « mouvement », « les poids, les roues,
les cordages » « force » « extension » « ressort » « principe », « animé ». Ce thème mécanique est de
surcroît précis et détaillé. L’auteur procède ainsi par énumération en partant des pièces pour aboutir à
la machinerie : « les poids, les roues, les cordages, qui font les vols et les machines » : on notera le
rythme ternaire des pièces et l’effet persistant du particulier au général.

transition: La Bruyère effectue ensuite un parallèle entre l’homme et la machine.

c) le parallèle entre la machine et l’homme

L’auteur décrit les hommes comme de simples éléments d’un rouage : ils sont indéfinis tant par leur
désignation avec le groupe nominal « des gens » que par leur nombre « combien ». Vus des coulisses,
l’homme et la machine ne font qu’un avec le verbe « entrent » : ils participent à la même mécanisation
repérable par le terme « exécution de ces mouvements, ».

Par un parallélisme des formes, le rythme ternaire est repris pour évoquer les hommes : l’auteur
procède par gradation en s’intéressant au nombre et à la qualité, avec deux éléments
redondants : « quelle force de bras » suggérant l'effort physique et « quelle extension des nerfs »
symbolisant la détermination ; ils sont d'ailleurs présentés par un déterminant exclamatif "quelle"qui a
un effet laudateur (qui dénote l'admiration).

Le champ lexical du corps : « bras, nerfs, beau" est associé à celui de l'effort " efforts , violence" et
s’oppose aux éléments sans vie de la machine, « les poids, les roues, etc. »

Transition : C’est ainsi que la partie expérimentation s’achève pour aboutir à la conclusion.

2. La révélation

a) la forme interrogative/ On note la rupture qui passe du style indirect au style direct avec le verbe de
parole « vous direz : » qui donne plus de vivacité au récit. La Bruyère a choisi une phrase interrogative «
Sont-ce là » comprenant des redondances "les principes et les ressorts " et une proposition
subordonnée « qui paraît » donnant un effet précieux et superficiel.

b) les oppositions. D’ailleurs l’auteur construit ce passage en opposant deux verbes dire et se récrier,
l’un affirmant, l’autre démentant. Le rythme binaire créé ici sert l'opposition erreur/vérité.

La chute
La Bruyère, en deux mots, nous livre enfin la clef d’interprétation de cette longue métaphore avec la
comparaison « De même ». Il agit en moraliste en choisissant de produire un effet de rupture, il recourt
à l’impératif « approfondissez ». Il donne donc un conseil, mais ce conseil est négatif « n’approfondissez
pas » donnant une impression de malaise : le moraliste procède donc par allusion, il sous-entend que
"la fortune des "partisans" n'a pas été acquise honnêtement; que son origine est inavouable.

Conclusion:

La bruyère a commencé par révélerles cuidsines peu ragoutantes et sales où les plus luxueux festins sont
préparés; puis il a comparé cela aux coulisses du théâtre, spectacle magnifique qui cache tous les
machineries et efforts de préparation. En procédant ainsi, La Bruyère fait une argumentation tout en
nuance pour mieux dénoncer la fortune mal acquise des partisans, souvent montrés comme l'opposé
de l' honnête homme, c'est le cas dans la remarque intitulée "Périandre"(ouverture possible) .

Ou bien faire le lien avec un des textes du groupement de texte présentant la métaphore du théatrum
mundi, ex. la fable de La Fontaine évoquant l'hypocrisie à la cour, ou même le poème de Du Bellay lu
ensemble dans le groupement de texte présentant les courtisans comme des singes du roi.

(Lire aussi les portraits de Giton et Phédon, La Bruyère, Les Caractères - VI, 83-84 ).

D'après un site simplifié ici: https://www.culturellement.fr/la-bruyere-les-caracteres-ch-vi-25-analyse/

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