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Mai-Juin 1936 Prix: 2 francs

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BILAN BULLETIN THÉORIQUE MENSUEL CE LA


fraction ltallenne de la Gauche Communiste

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SOMMAIRE

LA VICTOIRE ELECTORALE OU FRONT POPU·


LAIRE EN FRANCE

APRES LES ELECTIONS EN BELGIQUE,

LA VICTOIRE DE L'IMPERIALISME ITALIEN,

LE CONFLIT ARABO·JUIF

DE L'UNION SACREE A ZIMMERWALD, par


A. Rosmer.

LES TRAITRES A L'ŒUVRE

PROBLEMES DE LA PERIODE DE TRANSITION


(Mitchell).

CALLICARIS,

VICTOR SERGE.

.
Rédaction-Administration : O. OAVOUST, 26, rue dea Plantea, Paria (14")
Compte ohèquea postaux: Davoust Paria 161,111


BI L ·AN
Bulletin. théorique mensuel de la
Fraction italienne de la Gauche communiste

La victoire du Front Populaire


en F1•ance
Les conditions qui contresignent le triomphe du Front Populaire et son avène-
ment au pouvoir laissent planer sur la situation une terrible inconnue. Nous trou-
vons-nous devant une nouvelle période où le capitalisme essayera de se survivre
sans l'issue de la guerre mondiale et par la réelisetion d'une Union· Sacrée entre les
classes sans précédent déns l'histoire de la société bourgeoise; ou bien encore la vic-
toire du Front Populaire n'est-elle qu'un profond pressentiment de la bourqeoisie
française qui comprend que, la guerre étant inévitable, 'elle doit créer de telles con-
ditions de pourriture du mouvement ouvrier que même les catastrophes de la guerre
ne pourront faire surgir un parti révolutionnaire capable de guider les masses vers
l'insurrection. Dans l'ure sens comme dans l'autre, il est difficile de répondre claire-
ment aujourd'hui. N'oublions pas que les élections en France se sont effectuées
pendant cette période de la situation mondiale caractérisée par une détente dont per-
sonne ne sait si elle est apparente ou réelle. Ce qui eppereit totalement exclu c'est
que la nouvelle forme de domination du capitalisme que s'avère être la Front Popu-
laire se reproduise dans les différents pays démocratiques sous l'influence des évé-
nements dans l'un d'entre eux, soit l'Espagne ou la France. De même .qu'en Espagne
on y retrouve toute l'évolution de la lutte des classes de ces dernières années, de
même en Fcence le Front Populaire se constitue et se forme pendant les attaques des
différents gouvernements de « trève nationale >> qui, après le 4 février 1934 ont for-
tement entamé les conditions cf existence des masses travailleuses.
Le Front Populeire s'est avéré être le processus réel de la dissolution de la
conscience de classe des prolétaires, l'arme destinée à maintenir dans toutes les cir-
constances de leur vie sociale et politique les ouvriers sur le terrain du maintien de
la société bourgeoise.
Contre cette appréciation' qui correspond d'ailleurs aux positions centrales que
défend notre fraction. il y en a cf. autres qui peuvent se sqnihëtisei; autour de la for-
mulation suivante: le Front Po,pulaire représente évidemment un instrument aux mains
du capitalisme, mais sa base ouvrière, qui a assuré la victoire électorale a une toute
autre signification, en l'espèce il s'agit cf une réaction contre la politique d' atf eme-
ment des décrets-lois. Laissons de côté le fait que les ouvriers français ne pouvaient
nullement s'y méprendre, socialèstes et centristes surtout ayant parllé avec une lumi-
nosité éclatante sur la réconciliation des Français, les traitres à la patrie que sereient
les fascistes, sur la France forte, libre et heureuse. Nous voulons seulement insister
sur l'impossibilité de départager, dans la victoire électorale du Front Populaire les
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intentions des ouvriers d'un côté, celles opposées des dirigeants centristes et socia- le P. C. prépeie l'avènement des Soviets avec ses comités de Front Populaire. Mais
listes de l'autre. Ce qui compte dans la lutte de classe est· 1a nature et les objectifs dans cette ;tmosphère idyllique une seule note discordante : les menaces de conf lits
d'une formation politique donnée surtout lorsqu'elle se trouve au pouvoir. En Lespèce de salaires de prolétaires lassés des promesses « d'humanisation » des décrets-lois.
le Front Populaire ne peut représenter qu'une forme de domination capitaliste, la A grand peine la C. G. T. avait liquidé la menace d'une grève générale des mineurs
forme qm peut le mieux correspondre aux intérêts de la bourgeoisie. Loin de [aciliter du Pes-ae-Celeis, menace qui pouvait tomber comme un p~vé dans une mare entre
/' éclosion des luttes de classe des ouvriers elle est appelée à les embrigader dès le les deux tours électoraux. Après la victoire du Front Populaire des mouvements se
premier jour de son ascension au pouvoir et même avant évidemment. Demain, le déterminent progressivement jusqu'à embrasser ces derniers temps l'ensemble de la
Front Populaire devait-il se sentir irrcapable de mater les mouvements ouvriers par la région perisienne. Un journaliste belge a fait remarquer très justement que les ,nouve-
seule corruption et par les manœuvres? Eh bien, il aura recours à ·la violence, ainsi ments en France se sont déclenchés un peu sur le type des grèves de mai 1936 en
qu'il est arrivé en Espagne et en AUemagne notamment. Et si, par hasard, le cepi- - Belgque : en dehors et contre les syndicats, en somme comme des mouvements « sau-
talisme devait avoir recours à une vague générale de terreur, eh bien, le gouverne- vages». Le caractère même de ces grèves, l'occupation des usines, qui n'est en rien
ment du Front Populaire n'hésiterait pas à s' etf acer - comme il advint en Prusse - comparable à ce qui s'est passé en Italie, est identique à l'occupation des puits per
paisiblement pour faciliter l'arrivée des nouveaux meiirtes. les mineurs de Charleroi. lei comme là la première préoccupation des dirigeants synl-
L'élément essentiel qui prouve que la bourgeoisie [rençeise, malgré l'es sottises dicaux et socialistes est de faire cesser les mouvements qui compromettent leurs posi-
du «Temps» et de certains organes d.e droite, comprend et appuie aujourd'hui la tions gouvernementales. ·
tactique du Front Populaire est bien la position de désistement Toyal du parti radi- Dès le 11 mai des grèves éclatent au Hâvre et à Toulouse dans des usines
cal au deuxième tout: Certes, le philistin ignorant pourra lever les bras au ciel et d'aviation où les ouvriers font la grève dans l'usine !!t obtiennent saHsfaction pour ce
mettre en garde les radicaux qu/ ont fait les frais du succès de leurs cc-équipiers du qui est de la reconneissence des délégués syndicaux par les patrons et le réerigage-
Front Populaire. Mais sur un tout autre plan on peut reppeler utilement qu'en Alle- ment d'ouvriers licenciés pour avoir manifesté le Ier mai.
magne, en Italie les avertissement ne manquèrent pas aux social-démocrates qui néan-
A ,partir du 14 mai, le mouvement atteint la région parisienne. C'est à Courbe-
moins firent le lit du fascisme et furent chassés violemment par lm'. En France, le
voie, où les ouvriers font la grève dans l'usine et arrachent 0.25 fr. d'augmentation
parti radical doit faire les f.rais des succès socialistes et centristes au nom des inté-
et un contrat collectif de six mois. C'est à Villacoublay où les ouvriers obtiennent
rêts supérieurs du cepitelisme. C'est son ettitude seule qui facilita au deuxième tour des vacarrces payées, puis à Issy-les-Moulineaux, à Neuilly, à Geneoilliers.
le glisement vers la gauche qui fait du parti socieliste le parti le plus fort de France
Partout les mouvements se déclenchent en dehors d.e toute intervention des
et du P. C. une organisation avec une forte représentation parlementaire.
syndicats, spontanément, et acquièrent tous le même caractère : des grèves su sein
Que l'une ou l'autre des deux perspectives que nous avons mises en étvidence se de l'usine.
réalise et la bourgeoisie française sera toujours armée. Que le Front Populaire soit
Le jeudi 28 mai, c'est enfin la grève chez Renault, où 32,000 ouvriers se met
l'instrument pour jeter les ouvriers dans la guerre dans des conditions: où leurs sur-
tent en branle. Le vendredi et samedi les entreprises métallurgiques de la Seine en-
sauts ultérieurs seront chaotiques et confus ou qu'il soit l'instrument nouveau pour trent d.ans le mouvemnt
pulvériser le prolétariat dans l'Union Sacrée, en dehors d'üne perspective de. guerre
Ce n'est pas .par hasard que ces grandes grèves se déclenchent dans l'industrie
mondiale que la localisation des conflits inter-impérialistes éloignerait encore pour
métallurgique en débutant par les usines d'avions. C'est qu'il s'agit de secteurs qui
plusieurs années, le fait est que les prolétaires sont lourdement frappés et, dans
travaillent aujourd'hui à plein rendement, du fait même de la politique de réarmmenet
l'un cas comme dans l'autre, mis dès aujourd'hui dans Timpossibilité de résister effi-
suivie dens tous les pays. Ce fait ressenti par les ouvriers fait qu'ils ont dû déclen-
cacement à leurs ennemis de toute couleur. cher leurs mouvements pour diminuer le rythme abrutissant de la chaine; améliorer
Les conditions qui accompagnent le triomphe du Front Populaire sont donc ,il
leurs salaires; obtenir un contrat collectif de travail et la reconnaissance des sun-
celles qui voient l'anéantissement de la conscience de classe des ouvriers. Le triom- dicats par le ,patronat; des vacances payées, sur la base d'une intensification du tra-
phe du gouvernement du Front Populaire consacre la disparition de toute résistance vail en métallurgie qui se fait en fonction ._de la ... 9!!-erre. C est donc /,à un paradoxe
prolétarienne au régime bourgeois, du moins de toute résistance organisée du prolé-
douloureux dont les ouvriers ne sont pes responsables mais qui revient aux forces
tariat. Des centristes aux socialistes, tous s'efforcent de bien faire ressortir que le du capitalisme qui ont réduit les travailleurs à cette situation.
gouvernement Blum ne sera pas un gouvernement révolutionnaire, qu'il ne touchera
Mais, dès samedi, une détente se manifeste, un accord intervient chez Renaule,
pas à la propriété bourgeoise, qu'il ne faut pes que les possédants prennent ttoo au au moment où des usines sont à peine touchées par le mouvement et que le nombre
sérieux la formule centriste : [aire payer les pays. Le programme du Front Popu- des grévistes restant s'élève approximativement 4 80,000. Il est certain que la C. G.
laire porte comme premier point l'amnistie et non la révolution; l'épuration des ad- T. fera l'impossible pour arrêter l'extension du mouvement et le liquider au plus vite.
ministrations; la dissolution des Ligues et puis des mesures économiques de grands
Chez Renault qui fut l'axe du conflit dans la région parisienne, les ouvriers
ireueux que l'on exécutera, comme en Belgique M. de Man en exécute pour résor- obtiennent une promesse d'examen dans le délai le plus court du relèvement 'des
ber le chômage. Les centristes seront satis[ aits des dernières décisions du petti radi- salaires en dessous de 4 fr. ( combien sont-ils chez Reneult i ), une demi-journée de
cal, déclarant participer au gouvernement Blum et exigeant l'unité de vote de ses grève payée; aucune sanction pour fait de grève; la reconnaissance du syndicat des
élus au gouvernement. Deux bonnes décisions dira l' « Humenitë » qui s'empressera de métaux au travers de l'élaboration d'un contrat collectif au sujet duquel des pour-
crier que le Front Populaire représente enfin la revanche des Communards sur Ver- petlecs auror11t lieu entre ouvriers et patrons. Dans des entreprises moins importantes
sailles. (Gennevilliers, 15,000 ouvriers) le succès est réel, car les prolétaires obtiennent 1 fr.
Toute la presse bourgeoise louera la modération des socialistes et des centristes à 1.50 fr. <laugmentation, la reconnaissance dès délégués 'd'atelier, les heures de grè-
et l'on ne prendra pas trop au sérieux les accusations de l'extrême droite criant· que ves payées et des oecences payées. Dans presque toutes les petites entreprises le
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succès ouvrier est plus complet que dans les grandes, ieltes Renault et, semble-t-il,
Citroën pas contre les contrats collectifs qui substituent à l'initiative individuelle, l'initiative
Ap.rès l'exposition des faits, il faut .dégager leur siflrlification. Il s'agit debocd des masses, mais nous n'acceptons pas qu'ils soient autre chose qu'une consécration
d'essayer de comprendre le caractère nouveau de ces grèves. Dans le « Peuple » d'un simple rapport de force. Le gouvernement Blum s'efforcera certainement de les
Belin donne cette explication : ce sont ies patrons qui sont responsables de la forme développez· mais dans le sens belge. Et, à ce sujet, il faut mettre en garde les ou-
vriers. N'oublions pas que la C. G. T. collaborera, aux organes «techniques» du gou-
des grèves en métallurgie. On a montré aux ouvriers « les résultats qu'on obtient par
la force, par l'illéqelité, et, à tout le moine, par Eintet ptéteiion restrictive ou abusive vernement et mettra tout en œuvre pour incorporer les syndicats à l'Etat.
de la loi. Que ceux-ci n'aient pas tout à fait oublié la leçon qui leur fut donnée par Pour ce qui est des concessions consenties par la bourgeoisie aux métallurgistes
leurs employeurs, il n'y a pas lieu d'en marquer de l'étonnement». de la Seine, il faut évidemment les relier à la reprise intensive du traJ,Vail dans ces
éieblissemetüs. Mais du-fait qu'elles furent nécessaires pour liquider pacifiquement
Dans l' «Humanité» et dans le «Populaire» on fit un particulier effort pour
le mouvement, il n'est pas exclu qu'elles précipitent une déuelueiion monétaire dont
bien prouver que le Front Populaire n'était pour rien dans ces mouvements et sur-
tout dens leurs formes. li fallait à tout prix tranquilliser la bourgeoisie qui, comme le
M. Gaston [èze a prêché l'opportunité ces jours-ci avec les mêmes arguments (ré-
prouve l'article de Gallus dans l'« Intransigeant», n'était pas le moins du monde duction des frais de production, etc ... ) que l'économiste bourgeois, M. Beudhuin, le
fit en Belgique quelque temps avant la dévaluation. En tout cas, il s'avère ici claire-
effrayée. Le capitalisme comprenait par[ aitement qu'il ne pouvait être question d'une
véritable occupation des usines, mais d'une lutte ouvrière prenant pour champ de ment avec quelle force le Front Populaire éteint aujourd'hui le prolétariat français.
combat l'intérieur d.e l'usine où l'intrusion des partis du Front Populaire, de la C. Dans ses organisations de classe règne TLlnion Sacrée et quand: il déclenche entin des
G. T. est moins à craindre. En Belgique aussi les grèves des mineurs en mai 1935 eu- luttes sur les lieux de son travail, immédiatement, toutes les forces de la corruption et
rent ce caractère et /' exprimèrent clairement en refusant de recevoir dans la mine des de la démagogie interviennent pour l'aveugler et lui faire qïiittr ce chemin dangereux.
délégués officiels des syndicats socialistes, du P. O. B. ou du P. C. Non f le Front Populaire n'est pas une réaction des ouvriers, c'est une prison
De pereils mouvements sont symptômatiques et gros de dangers pour le capi- démocratique pour tous leurs mouvements; c'est une nouvelle victoire du capitalisme
talisme et ses agents. Les ouvriers sentent que leurs organisations de classe sont faussant et dénaturant toutes les libertés et institutions prolétariennes conquises ru-
dissoutes dans le Front Populaire et que leur terrain d'action spécifique devient leur dement et chèrement pa_r les travailleurs au prix de sanglantes buttes contre là bour-
lieu du travail où ils sont unis par les chaines de leur exploitation. Dans de pareil- geoisie et ses institutions démocratiques. Les récentes grèves de la région parisienne
les circonstances .une fausse manœuvre du capitalisme peut déterminer des heurts, des devront donc être préservées par les communistes internationalsites français des grif-
chocs qui peuvent ouvrir les yeux aux treueilleurs et les éloigner du Front Populai- fes capitalistes du Front Populsire, car elles en sont la négation de classe, l' éma-
re. Mais Sarraut comprit encore une fois la situetion. li laissa faire. Pas de gardes nation des ouvriers mêmes sentant l'impossibilité de faire triompher la moindre re-
mobiles, pas de brutale expulsion des travailleurs des usines. Des marchandages, et vendication de classe au sein du Front de la réconciliation des Prençeis.
puis laisser faire socialistes et centristes.
Le 30 mai, Cachin tente de lier ces mouvements de classe en opposît'ron au Front
Populaire à ce dernier. li écrit : « Le drapeau tricolore [ rate mise sur /' usine avec le
drapeau rouge. Les ouvriers sont unanimes à soutenir les tevendicetions générales :
Après les èlectiens en Belgique
Croix de Feu, Russe!'} blancs, étrangers, socialistes communistes, tous sont fraternel-
lement unis pour la défense du pain et le respect de la loi ( souligné par nous, N. di.
Pour les centristes belges, le fait historique né des dernières consulteiions élec-
d; l. R.). » Mais le «Populaire» du même jour n'est pas complètement d'accord avec
torales consiste dans l'entrevue de Léopold Ill, Roi des Belges, et de ]a:cquemotte,
cette appréciation, car epcès avoir: chanté victoire au sujet de le rentrée chez Re-
Lee chef du P. C. Ces deux augustes personnages ont échangé de profond.es réflexions
nault, il écrit : « C'est fini. C'est la victoire. Seuls dans l'lle Séguin, quelques exaltés
- il y a des sincères, mais aussi des provocateurs Croix de Feu - semblent en dou- qu'il n' appertient pa<S au commun mortel de connaitre, sur l'e, destinées du pays que
iet:», li est probable que la « victoire chez Renault n'ait pas été aprouvée par de tous deux aiment et vénèrent à leur façon. Mais cela est le côté farce ·ae ia situa-
tion politique en Belgique et il importe beaucoup d'examiner la réalité.
nombreux ouvriers qui n'ont pas voulu faire preuve de « cet esprit conciliant y, dont
Les élections du 24 mai étaient un véritable plébicisie national où aucune voix
Frachon parle dans l' « Humanité » et qui les détermina très souvent à reprendre le
profondément discordante ne pouvait se faire entendre. Des centristes aux socialistes
travail « avec une partie seulement de ce qu'ils rêclanrerït'». Ceux-là seront les
e prouoceteurs », les « Croix de Feu ». jusqu'à l'extrême droite texiste, tous affichaient un programme spécifiquement capi-
taliste et se disputaient en somme ïhonneut de mieux représenter les intérêts de la
Ces Messieurs du Front Populaire ont bien mis en évidence non seulement pour
classe dominente
la bourgeoisie, mais aussi pour les ouvriers eux-mêmes, qu'il ne s'agissait pas d'évé-
Deux faits dominaient la situation. D'une part, le gouvernement Van Zeeland,
nements réoolulutionneires. Cela « une occupation révolutionnaire, écrit le « Populai-
avec ses cinq ministres socialistes, déposait le bilan d'une année de pleins pouvoirs
re», allons donc! Partout : Joie, ordre, discipline». Et l'on montre des photos d' ou-
et, cf autre part, la: bombe de Hitler avait fait du problème de fa défense nationale et
vriers dansant dans les cours des usines; on parle de parties de plaisir : « les ouvriers
des crédits militaires un élément sacré au-dessus des luttes de partis, dont la contes-
se baignent, ou jouent à la belote ou flirtent. »
tation, selon l'expression de l'ex-qeucbiste Spaak, équivalait à s'exclure de la com-
Par ces moyens tout peut rentrer dans l' ordre sans l'intervention d'un seul gar-
munauté nationale. ·
de mobile. Les prolétaires obtiennent évidemment certains avantages matériels, mais
Il ne semble pas que (es ouvriers aient été fort [iiends de la Réno,vation Natio-
dans les grandes boites beaucoup de promesses et un càntrat collectif qui, comme
nale de Van Zeelend, comme ils semblent fort peu euoir apprécié la résorption du
en Belgique, sera basé sùt un s1stème étouffoir de conciliation. Nous ne sommes
chômage du ministre De Man, le père du plan du travail. Si, d'ailleurs, l'on se donne
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la peine de percer les bulles de savon socialistes et de voir en quoi réside l'œuvre le renouvellement des moyens d'action du cepitelisme contre le prolétariat .. Et voici à
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du gouvernement d'Llnion Sacrée, l'on constate que la désaffection de couches d'ou- côté des trois partis traditionnels vont prendre place Rex et le P. C. ainsi que, spé-
utiets du P. O. B. a des bases sérieuses. cialement pour la Flandre, le mouvement nationaliste flamand de Staf Decleiq.
Après avoir dévoré les économies d'une masse de petites gens dans le krach de Examinons maintenant les traits particuliers de la nouvelle période aui s'ouvre.
la Benque Belge du Travail, le P.O.B. prépara sa collaboration ministérielle en liqui- Le P. 0, B. a mené campagne avec les Partis Catholique et Libéral pour le
dant en janvier 1935 la menace d'une grève générale des mineurs au sujet de la pen- maintien de /'Union Sacrée et de l'œuute de Rënooetion Nationale. Par contre, R.e\:!C,
sion de vieillesse. Il consacra, dès son entrée dans le gouvernement Van Zeeland la le P. C. et les netionelistes flamands ont affronté les élections avec un programme_ dé.:.
dévaluation monétaire qui amputa les salaires de 30 p.c. Lorsqu'en mal 1935, les mi- magogique de lutte contre les scandales financiers, de relèvement des conditions de
neurs de la Basse Sambre surtout du Bassin de Charleroi occupent les mines, le gou- vie des travailleurs et de-libêr~tion du peuple flamand. Dans l'ensemble tous les partis
vernement, avec l'appui direct du P. O. B. les fait déloger en les asphyxiant à l'aide se sont trouvés à leur place pour étouffer toute vision de classe des ouvriers. Rex
de gaz lacrim.ogènes. Et pendant que sous le coup de fouet dëoolueiionnisie les devenait le danger du fascisme clérical genre Dolfuss, les [rontistes flamands un na-
stocks s'épuisaient, l'activité du port d'Anvers rebondit, les seleires ne sont pas réa- zisme belqe et le Pl C. la « grande lueur» du Front Populaire». En somme, l'on
iustés si ce n'est de 2.5 p.c. dans certaines industries et parfois 5 p.c. Certes, en pourrait peut-être affirmer que R.ex, organisation deieunes dissidents du parti catho-
tenant compte de l'activité particulière qui se manifeste en métallurgie dans presque lique continue l'action de ce dernier dans des circonstances nouvellse, alors que le
tous les pays et qui trouve son explication dans la préparation à la guerre, on peut P. C. continue l'action du P. O. B. et les nationalistes flamands le vieux mouvement
dire que dens les charbonnages et en métallurgie, le chômage a diminué, mais le ni- [tontiste en pleine -décomposition, Le résultat des élections semble montrer que c'est
vellement des salaires s'est· effectué par le bas. En outre, l'expérience de la grève bien cette direction qui fut suivie car R.ex grandit au détriment des catholiques et
d'usure menée par les briquettiers du R.upel prouve combien efficace fut l'Union Sa- les centristes au détriment du P. O. B. On ne voit pas encore bien l'a croissance réelle
crée pour empêcher le succès des mouvements revendicatifs. Autre chose qui mérite d'un mouvement fasciste en Belgique. Nous trouvons-nous deoént une _croissance du
d.entrer dens la nomenclature de la situation est l'évolution du mouvement syndical fascisme au travers de R.ex ou d'une excroissance de groupements qui continuent Iec-.
belge. La ptéoccupetion dominante des ministres socialistes fut de pousser à fond tion des vieux· partis? Pour le parti catholiaue ce n'est pas un fait noœveau. Déjà
l'incorporation des syndicats à l'Etat, par le développement du svstème des commis- après les grandes grèves de 1886 se développe la propagande de l'abbé Daens en
sions paritaires. Aujourd'hui, Mertens, secrétaire national de la Commission Syndi- Flandre, qui 'cenelise lès masses· flamandes, màlgré son excommunication, derrière lé
cale, peut proclamer ouvertement que la fonction essentielle des organisations de parti catholique. Pui's, en 1887. c'est le Congrès catholique qui, toujours sous l'im-
classe est la distribution des allocations de chômage. pression des grandes grèves minières donne naissance au mouvement démocratique
En résumé, la période V an Zeeland représente pour la bourgeoisie belge une chrétien qui opposera des syndicats ouvriers aux syrvdicats socielistes: Pour le P.
accalmie tant au point de vue de la situation économique que des luttes socailes. On O. B. c'est désormais, le P. C. qui jouerait le grand rôle joué dans ce pays par les
peut affirmer qu'elle fut un période de dissolution des luttes de classe des ouvriers gauches socialistes, mais sur une échelle infiniment plus vaste et avec des tâches plus
où se reflétèrent les défaites prolétariennes qui préparent le terrain à l'Union Natio- importantes. Il n'y a vraiment que le parti libéral, le parti des industriels des grandes
nale et l'action gouvernementale du P. O. B. faisant miroiter fa résorption du chô- cités, qui reste lui-même et qui continuera à jouer le rôle cf arbitre entre socielistes et.
mage et le relèvement des salaires. La seule perspective qui pouvait conserver ce ce-
rectére à la situation belge était /' aggravation de la situation internationale et l' appro-
1
1
catholiques.
Ce que les élections du 24 mai 1936 ont apporté de nouveau c'est un terrain
che de la guerre mondiale. A défaut de celle-ci une nouvelle phase elleit s'ouvrir 1 propice à l'agitation antifasciste oui s'avère comme une nouuelle voie pour la bour-
- probablement très courte - où les possibilités de renouveau du mouvement ou- geoisie belqe. Les 21 élus de R.e; et les 18 nationalistes flamands, voilà un danger
vrier, allaient être emprisonnées dans des formes nouvelles de dissolution du pro- que les partis de gauche avec [' appui cf une fraction du parti libéral vont désormais
lëteriet. agiter. devant les masses pour leur faire accepter le prochain programme du gouver-
Ce n'est donc pas un hasard si sous V an Zeeland l'on ne parla presque pas du nement tripartite qui se prépare. -
Front Populaire et si aujourd'hui, après la oicioice électorale de Iëex, socialistes et ,Ce qui distingue profondément _la situation belge· de la situation française, c'est
centristes /' envisagent. La bourgeoisie belge est poussée par la stagnation moments- qu' on y commencera avec un enti] escisme gouvernemental alors qu'en France la
née de la situation internationale à choisir des [ormes xi-Llnicn Sacrée très accen- grande action antifasciste du front populeire trouve son débouché dans le qouoerne-:
tuées en vue de [eiré face aux difficultés de son économie qui ne peuvent pas t,:ouver ment de Léon Blum. L' antifescisme qui va së développer ici aura donc un caractère
un exutoire momentané dans le massacre mondial. D'ailleurs, une des caractéristiques tout particulier qui ne permettra pas aux manifestations des masses de se détacher
de la situation actuelle dens le monde est bien le conttesie entre la préparation so- de· l'action g9uEernementale, qui acconipàgnera celle-ci pour pulvériser jusque dans
ciale pour la quetre dans les différents pays et les solutions qui sont données à des ses tréfonds ta conscience de classe des ouvriers et leur volonté de lutte. Iëex sera
conflits tels [.; guerre italo-éthiopienne et la remilitarisation de l'a zone rhénane par peut-être le grand chenteqe du capitalisme belge _et le P. C. l'élément de pcopnlsion
îAllemeqne. · des mouvements des ouvriers qu'il faudra rattacher au P. O. B. parti de qouoeme-
Le trait caractéristique de la situation belge est donné par ceci : avant les élec- ment.
tions, le problème dominant est la défense nationale, que le coup de main d'Hitler a Tout cela se déroule évidemment sur un terrain très peu stable et où les modifi-
ietë dens le brasier de la tention internationale sans que les solutions militaires cations de la situetion mondiale seront fondamentales, car le capitalisme belqe. pas
défendues définitivement par tous les partis, y compris le P. C., soient mises en plus qu'un autre capitalisme ne peut trouver une solution aux contrastes économi-:
question. La défense nationale domine évidemment les élections, mais comme problè- ques et de classe qui l'agitent et, en dernière analyse; le seul débouché qui ·s'offre à
me dépassé par les événements. L'enjeu de la bataille électorale consiste plutôt dans· lui ne peut être que la contlagratia:n impécieliste.
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Un autre élément sur lequel il ne serait pas mauvais de jeter un peu de clarté,
est la scission qui s'est vérifiée à la veille des élections detis la Fédération Boraine
du P. O. B. Des socialistes de gauche amalgamés avec les trotskistes du P. O. B.
La victoire de l'impérialisme Italien ouvre-t-elle
de la région de Charleroi ont présenté des listes dissidentes pour protester contre la
radiation de W. Dauge, leur dirigeant, des listes électorales du P. O. B. où il était
un nouveau cours de la révolution mondiale ?
placé en ordre utile. Après avoir été exclu du P. O. B. sur une question électorale,
les gens de r « Action Socieliste .Révolutionnaire » ont découvert que le parti socia-
La position que nous avons constam- "'-Progresser dans le travail communiste
liste était un cadavre puent, un temessi de traitres et qu'il fallait suivre d'une façon ment défendue au sein du mouvement ~ns avoir procédé à un inventaire des
indépendante les enseignements de Lénine, Luxembourg, etc. Il est certain qu dans la . communiste-nous oblige à procéder, sans positions centrales mises en relief par les
région boreine W. Dauge a derrière lui de nombreux ouvriers dégoûtés dê la politi- délai, à une première analyse des situa- derniers événements c'est, à notre avis,
que réformiste (il a obtenu 7,000 voix aux élections), mais sa plate-forme politique tions italienne et internationale qui se nier la .condition fondamentale pour nous
est d'un confusionnisme outrancier ce qui est d'ailleurs pa.rfailement conforme avec sont ouvertes après la victoire militaire permettre de continuer à. œuvrer pour la
sa collaboration avec les trotskystes orthodoxes. Sur aucun problème on ne seii de l'impérialisme italien en Ethiopie. reconstruction du parti de classe du pro-
exactement ce que veut l' « Action Socialiste Rëvolutionneire » qui bénéficiera ce- Bien qu'il soit évidemment trop tôt pour létariat mondial.
pendant de l'appui de Trotsky. Deuqee fait des propositions opportunistes pour évi- dégager les tendances des situations nou- Nous nous réservons d'ailleurs de re-
velles, il y a toutefois assez d'éléments voir l'argument quand le développement
ter l'exclusion du P. O . .B. (l'acceptation du programme électoral du P. O. B. si ultérieur des situations permettra de cla-
neufs que l'ensemble des tendances et
tous les membres étaient démocteiiauement consultés et s'il était en minorité, etc ... ); partis politiques n'avaient nullement pré- rifier tous les problèmes reliés aux der-
dans de nombreux meetings du Borineqe il tient un langage très dangereux ( nous vus. Nous aussi, nous voyons apparaître niers événements et nous bornerons, ac-
aimons notre patrie, la ·Belgique, et parce que nous t aimons nous voulons renverser des événements qui, loin de confirmer les tuellement, à examiner surtout les élé-
nos exploiteurs et seulement après nous serons partisans de ra défense netineîe]. prévisions que nous avions faites, sem- ments qui se sont présentés devant nous
Enfin, ces révolutionnaires de la dernière heure s'érigent en partisans de la fondation blent acquérir une toute autre significa- et qui constituent un démenti aux prévi-
d'un nouveau parti devant regrouper toutes les forces révolutionnaires du pays tion que celle dont nous avions cru les sions que nous avions émises.
(sur quelle base, quel programme ? ) Dans ce chemin, l' « Action Socialiste Révolu- situations imprégnées.
tionnaire » enregistre d'ailleurs un premier succès par son regroupement avec le A l'encontre de la presque totalité des Il nous faudra commencer par l' exa-
autres groupements issus de la crise du men des positions centrales qu'il nou
groupe des ttotsksjstes non centristes de Bruxelles qui sont vivement désireux d' ap- mouvement qui se concentre autour de avait été possible d'émettre et de défen-
porter leur petite note confusionniste dans la grande famille de la confusion socialiste l'Internationale Communiste, nous pen- dre parce qu'elles surgissaient d'un en-
révolutionnaire. sons fermement que l'histoire ne marche semble d'événements précédents et pou-
En définitive, dans cette situation où les ouvriers sont encore une fois égarés, nullement à l'aveuglette et que bien des vaient donc être considérées comme des
manüestations accidentelles des événe- postulats en dehors desquels l'action de
écartés profondément de leur chemin de classe, emprisonnés dans de nouvelles te-
ments sont portées à disparaître puis- la classe ouvrière ne peut que s'émietter
nailles, iu Belgique offre le spectacle d'une impuissance quasi totale du mouvement ré- qu'elles n'en sont pas l'épine dorsale. et se perdre en face de la victoire de
volutionnaire où les trotskystes de toutes nuances ont galvaudé de précieuses éner- Mais que pour ce qui est de la tendance l'ennemi, parce que n'ayant pas emprun-
gies ouuriéres, où ils en galvaudent encore avec l'appui de W. Dauge, qui semble fondamentale des événements, un systè- té le chemin qui lui est propre et qui
s'engager dens le chemin de la scission syndicale dans le Borinage, alors qu'à notre me de lois existe et il n'est possible au n'est nullement dicté par les volontés des
avis, un seul groupe, très fai6le, il est vrai, la Ligue des Communistes Internationalis- prolétariat de progresser dans sa mis- hommes et des groupes ou du parti, mais
tes veut véritablement rester dans le chemin de la formation de cadres communistes sion qu'à la condition de répérer les rails par les lois ells-mêmes de l'évolution his-
et du bagage idéologique du futur parti révolutionnaire. sur lesquels avance la locomotive de la torique.
révolution communiste ; donc, de mettre Sur la base des événements qui se sont
La Ligue a adopté envers les élections, une position que nous n'approuvons pas les bâtisseurs du parti de classe à l'en- déroulés aux Indes et surtout en Chine,
et que nous avons exemitté dans l' eoeni-detnier numéro de « Bilan » ( 1). Sa poei- droit spécilique que l'histoire commande. nous avions affirmé qu'au point de vue
tion consiste à conseiller aux ouvriers de voter pour une des [otmetton» onvtières Il n'est point nécessaire d'insister beau- économique et politique, .l'impérialisme
coup pour démontrer que la guerre éthio- métropolitain trouve, dans le régime co-
qui s'opposent à la réaction- capitaliste à défaut de pouvoir se rassembler autour d'un
pienne n'est pas un de ces événements lonial arriéré, non un ennemi qui puisse
parti révolutionnaire. Nous pensions que le mot d'ordre d{ abstention se ju:;lifiait lui contester chaque pas et centraliser
secondaires destinés à se noyer dans
bien plus dans de pareilles circonstances où l'ouvrier ne trouve devant lui que des l'éclosion d'autres événements. auxquels des forces capables d'arriver à la victoi-
programmes de partis bourgeois ou au service avoué du capitalisme. Mais cela ne •,r. ils ne seraient pas reliés directement. re, mais une résistance devant inévita-
peut altérer en rien l'appréciation que nous donnons de la Ligue qui reste l' organi- Cette guerre a mis aux prises non seule, blement s'affaisser parce qu'elle repré-
sation de classe en Belqique où se reflète l! effort pénible des travailleurs pour [orger ment certains des impérialismes les plus sente un anachronisme historique qu'au-
un parti parlant le langage spécifique des luttes de classe qu'ils connurent, connais- puissants, mais elle a aussi déterminé, cime force ne pourrait. sauvegarder. Sur
sent et connaitront. dans le domaine de la lutte des classes, la trace des enseignements de nos maî-
une radicale modification des positïons tres, nous avions commencé par établir
autour desquelles les partis agissant au que l'évolution de la société capitaliste,
sein de la classe ouvrière ont pu mobili- loin de conduire à une synchronisation
( 1) Voir << Biian » n. 29 : Lettre à la Li.gue des Communistes Internationalistes ser et convoyer les masses. des exploités. parfaite du développement économique
de Belgique « Au sujet du problème du parti et de la tactique».
,..

1022- 1023
et politique dans le monde entier, crée machinisme et le maintiet des anciennes tester le pas. Marx est donc parfaite- qu'une autre force sociale qui puisse in-
une polarisation de l'économie indus- formes de la production. Maintes fois, ment confirmé par les événements, puis- tervenir et cette force est représentée
trielle en. certaines zones du système pro- les pianistes sociaux-démocrates ou fas- qu'aujourd'hui toute la petite production uniquement par le prolétariat et nulle-
ductif mondial, alors que d'autres zones cistes ont cru pouvoir faire litière de la est forcée de· piétiner aux ordres des ment par les régimes arriérés existant
resteront plus ou moins à l'écart de l'ex- théorie marxiste parce que la prévision grandes forces économiques de l'impéria- ùans les colonies et menacés par l'impé-
pansion de la technique de production. de la polarisation sociale autour des deux rialisme agresseur.
lisme.
Les mêmes forces qui poussent à la cour- classes fondamentales de la société et la Nous basant sur l'expérience chinoise,
se effrénée vers l'industrialisation dans disparition des formes économiques et po- Dans le domaine agraire, à I'intérieur
nous avions affirmé, pour les événements
les pays capitalistes avancés, freinent le litiques de la production intermédiaire de l'Etat capitaliste, comme dans Je do-
d'Ethiopie, cette thèse centrale: la per-
développement industriel dans les colo- ne s'était nullement réalisée. Mais, ainsi maine colonial, nous assistons à l'appui
sistance du _Jégime du Négus n'est conce-
nies. Luxembourg qui, dans ce domaine, que Luxembourg l'avait prouvé, il ne ouvert que donne le granâ impérialisme
vable qu'en fonction de l'industrialisa-
a le plus poussé l'analyse de la structme s'agissait pas, pour Marx, d'une perspec- aux formations de la petite production,
tion de l'Ethiopie et puisque cette indus-
économique du capitalisme, a bien mis tive grossière menant à une élimination mais cela au prix d'une sujétion écono-
trialisation heurte de front le mécanisme
en évidence que Je marché extra-capiba- de toutes les formations économiques de mique énormément supérieure à celle qui
même de l'économie capitaliste, dans sa
liste représente une nécessité pour le la petite production, pour arriver un existait jadis; au prix d'un vasselage
notion historique et mondiale, elle. n'est
fonctionnement du mécanisme capitaliste jour à l'opposition pure et simple des correspondant d'ailleurs à la supériorité
possible que par l'instauration de la die-
dans son ensemble: l'accumulation qui deux antagonistes: d'un côté, les grands économique détenue par la grande indus-
tature du prolétariat dans les pays im-
n'est point un attribut de l'économie ca- magnats impérialistes réduits à une poi- trie par rapport à la petite. La purifica-
périalistes. La tendance des événements
pitaliste et qui - la question du rythme gnée dans le monde entier et des masses tion sociale n'est nullement du domaine
consiste ainsi dans l'obligation de croire
mise à part - existera aussi dans l' éco- immenses de prolétaires dans tous les du capitalisme, mais du communisme. Le
possible une victoire contre I'impéria.lis-
nomie communiste, revêt son caractère pays du globe. Cette déformation banale premier, régi par ]'insolubilité de ses
me italien, dans la seule direction de
capitaliste lorsqu'elle suivra certaines des professeurs pianistes (dans le domai- contrastes, conduit directement à déter-
l'évolution de la révolution prolétarienne
lois particulières. Une de ces lois con- ne marxiste le professeur est un déîor- miner, dans le domaine social, une série
mondiale. Le régime du Négus ne peut
siste justement à rendre impossible une mateur par définition), n'était possible d'antagonismes qui forment, d'ailleurs, la
être considéré comme un pion pouvant
évolution naturelle de l'économie indus- que par la falsification de la nature mê- base de sa domination.
agir dans la direction prolétarienne pour
trielle dans le domaine agraire à l'inté- me de la théorie de Marx qui n'est pas la raison essentielle qu'il est l'ennemi des
rieur de chaque pays, et aussi une indus- un système abstrait de faits, mais la ré- L'indépendance politique ne peut être
exploités de ce pays et que son régime
trialisation appliquée au monde entier. vélation de la tendance historique qui les que l'expression sociale de la construc-
est foncièrement opposé au développe-
L'accumulation capitaliste fera que Je anime; qui n'est pas architecture écono- tion d'un appareil économique et produc-
ment économique de l'Ethiopie. Mettre
progrès industriel s'accentuera de plus mique, mais révélation du poids spécifi- tif indépendant. Dans la situation actuel-
donc le prolétariat au service de l'indé-
en plus autour des pôles que l'impéria- que des différentes parties de l'engrena- le, les bases économiques de cette indé-
·pen::lance éthiopienne signifiait le mettre
lisme détient grâce au régime de la pro- ge économique. L'expression sociale peut pendance sont représentées par l'instau-
au service de forces anachroniques qui
priété privée, et puisque la base même être autre en des époques historiques ration d'une production industrielle. Les
devaient conduire à une nouvelle victoire
de la domination sociale de l'impérialis- différentes, aussi bien que la manifesta- limites du régime capitaliste comportent,
du capitalisme international.
me exige le maintien et· non la dispari- tion économique peut ne pas être la mê- comme un anneau indispensable au fonc-
tion des différenciations économiques et me dans la métropole ou la colonie, mais tionnement du système dans son ensem- Au point de vue politique, nous avons
la tendance économique et politique res- ble, la non-industrialisation des territoi- assisté à une vérification éclatante des
de classe, nous verrons que le même
te la même et le régime se maintiendra res coloniaux. Et ici nous voudrions bien positions centrales que nous avons défen-
trust qui pourrait avantageusement li-
au pouvoir autour de positions centra- que certains professeurs planistes ne dues et que nous avons rappelées ci-des-
quider et abandonner ses installations in,
les qui, abstraitement considérées, sem- viennent pas objecter qu'une évolution sus. En effet, par la clarification assez
dustrielles dans la métropole pour en
blent être contradictoires. Poux nous li, industrielle se manifeste également dans nette apportée par la tension elle-même
construire des nouvelles à proximité des
miter à un exemple, il est évident que les colonies et toujours selon une ligne des situations actuelles et des contrastes
sources de matières premières de la co-
défendre aujourd'htù les positions de la croissante. Par rapport à l'ampleur que de classe qui lui sont inhérents, nous
lonie qu'il contrôle et possède, maintien-
lutte pour la démocratie, ou de la lutte devrait revêtir l'industrialisation des co- avons vu que, dans le domaine social et
dra des usines qui, au point de vue his-
pour l'industrialisation économique des lonies qui pourrait se placer à la source international, les répercussions de la
torique, ne sont pas rentables par rap-
colonies, signifie se fourrer dans une im- même des matières premières, la cons- guerre éthiopienne ont déterminé la pré-v
port à celles qui pourraient surgir dans cipitation du processus amenant socialis-
passe politique où le prolétariat sera truction des usines actuelles représente
la colonie. Au point de vue capitaliste,
écrasé et où le capitalisme pourra retar- ce que le capitalisme ne peut pas éviter tes et centristes à déchirer les derniers
le maintien de ces entreprises est par- voiles et à imposer aux masses l'étendard
faitement rentable, celles-ci se plaçant der à nouveau le jour de l'écroulement et, en tout cas, une bribe par rapport au
de sa domination. poids gigantesque que pourrait acquérir de l'union sacrée. Lors des événements
dans le mécanisme propre à l'économie chinois, la lutte anti-impérialiste pouvait
capitaliste et répondant aux lois de l'ac- l'épanchement naturel de ces nouvelles
Marx avait en vue le poids spécifique encore ne pas d'identifier avec les inté-
cumulation conditionnant le régime social forces économiques. La tendance qu'il
des différentes parties du mécanisme éco- rêts particuliers d'un Etat ou d'un grou-
n'est nullement difficile d'apercevoir est
de la propriété privée. Les industries res- nomique capitaliste, ce qui l'amenait à pe d'Etats capitalistes en lutte contre les
teront, par exemple, dans le Lanscashire justement celle que nous avons indiquée
con sidérer que l'économie industrielle autres. Il était encore possible de rester
et l'impérialisme anglais ne pourra con- et qui porte le même impérialisme à
était portée à avoir une importance tou- dans le vâgue et de faire apparaître la
maintenir en vie l'appareil industriel de
fier les intérêts de sa domination aux In- jours croissante jusqu'à faire dépendre lutte du « peuple » chinois sur le plan·
des qu'au mouvement gandhiste qui pré- la métropole et à ne pas en fonder un
d'elle toutes les autres formations écono- de la lutte contre tous les impérialismes.
autre dans les colonies. Au delà des limi-
conise la lutte contre l'introduction du miques qui, autrefois, pouvaient lui con- Il n'en a plus été de même dans la situa-
tes historiques du capitalisme, il n'y a
1024
1025
tion actuelle où la tension sociale est ar- pour cela il y ait une conflagration mon-
rivée à un point extrêmement plus éle- diale. A l'encontre de nombreux groupes firmer dans la contingence actuelle, il enfin, pour l'impérialisme français en
vé. Il a fallu atteindre un point plus d'opposition qui considèrent que le meil- n'en reste pas moins que, dans l'état ac- deuxième lieu. En outre, les événements
achevé et le front sanctionniste, qui a fi- leur moyen de tenir debout une organisa- tuelle de la divergence, nous n'en som- de Palestine ont, par rapport à ceux qui
ni par englober les masses des différents tion consiste à ne pas confronter avec les mes qu'à pouvoir enregistrer tout sim- ont agité précédemment les colonies ou
pays, s'est identifié avec les intérêts par- événements les positions qu'ils avaient plement que c'est sur la simple prévision les Dominions anglais, · ceci de particu-
ticuliers de l'impérialisme anglais : la précédemment défendues, nous pensons sur la date de la guerre mondiale que lier : les populations arabes, Join de blo-
Homme Fleet étant chargée d'entonner que la cohésion organisatoire et politique Gatto Mammone a eu raison. Cela est quer avec l'impérialisme anglais qui s'est
le chant de l'Internationale. qui serait gardée en se couvrant d'un pa- ~videmment trop peu et ne permet nul- opposé aux visées italiennes sur leurs
La défense de l'indépendance de rapluie pour éviter que la tornade des 1ement de dégager les; conséquences frères de ra~e, et ce qui est plus sur un
l'Ethiopie s'engrenait avec le cours du événements opère son nettoyage indis- d+événements qui, comme ceux qui se système social analogue au leur, model-
développement de la guerre mondiale et pensable, tout en laissant subsister la sont déroulés antérieurement, ont certai- lent l'accentuation de leur lutte sur le
les sanction.nistes les plus logiques de- possibilité d'écrire et de proclamer à nement une grande importance et auront rythme du contraste entre les capitalis-
vaient inévitablement prendre figure de tort et à travers des « grandes vérités », <le grandes répercussion sociales. mes anglais et italien, oe dernier faisant
jusqu'auboutistes prouvant que la défen- empêcherait l'organisme de se situer Dans les limites restreintes de cet arti. figure d'élément de plus en plus impor-
se réelle des frontières de chaque pays dans le chemin que la lutte de classe dé- .cle, nous ne pouvons qu'amorcer une dis- tant pour l'appui aux soulèvement ara-
n'était plus assurée par la droite bour- gage pour permettre la victoire du prolé- cussion qui, encore une fois, ne peut bes.
geoise, mais par les socialistes et les cen- tariat et la construction du parti de avoir une valeur réelle, ne peut représen- Parallèlement à ces événements inter-
tristes ; ceux-ci en faisant triompher - classe. ter un acheminement vers la solution des impérialistes, nous assistons, dans le do,
même avec la force armée - la cause du difficultés de la lutte prolétarienne et, maine social, à une évolution achevée
Ainsi que nous J'avons indiqué dans le qui conduit le prolétariat sous les dra-
« droit » contre l'agresseur, sauvegar- numéro 26 de « Bilan », un dissentiment par conséquent, aussi de ceux des grou-
daient la défense de la patrie contre pements de son avant-garde communiste, peaux de la défense de la patrie. Dans
s'était produit au sein de notre fraction. le domaine des rapports inter-impérialis-
l'agresseur de demain. Les aanctionnistes Ce dissentiment ne portait pas sur les qu'à la condition de s'établir sur une
ont été obligés d'aller si Join qu'en repé- base internationale. Encore une fois, tes, aussi bien que dans le domaine so-
problèmes que nous avons rappelés dans cial, nous aurons donc vu, tout récem-
rant dès maintenant les véritables alliés la première partie de cet article, mais nous trouverons-nous devant le fait que
ceux qui s'époumonnent à crier sur la né- ment, les manifestations spécifiques de
de demain, ils ont dû, en France par sur la question nouvelle qui venait de
·cessité de fonder partis et Internationale la guerre tout en n'ayant pas la guerre.
exemple, démontrer qu'il ne fallait pas surgir. Il faut commencer par affirmer
sacrifier à la perfide alliance de l'impé- et ceux qui nous accusent de sectarisme La victoire électorale du Front Populaire
que la 'pensée du camarade qui prévoyait en France, si elle n'était pas un pas déci-
rialisme italien qui se portëra demain la possibilité d'une conclusion de l'entre- parce que nous refuserions de sortir de
aux côtés de l'Allemagne, l'appui anglais -notre « tour divoire », nous laisseront sif vers la conflagration mondiale ( ce qui
prise italienne en Afrique en dehors de semble être la perspective réelle des si-
poussé par la logique des faits à être l'éclosion de la guerre mondiale, n'a pas · absolument isolés sur le travail d'inven-
l'' allié certain de la France. Les sanction- taire des notions politiques sur lesquelles tuations qui vont s' ouvrir) se place sur
eu et n'a pas encore, actuellement, la la résurrection, au point de vue intérieur
nistes ont eu particulièrement difficile à possibilité de s'épanouir sur un plan peut se déterminer, avec la reprise des
se défendre contre la droite qui pouvait luttes prolétariennes, le travail lui-même aussi bien que de la politique extérieure,
avancé qui permettn-ait d'en dégager des d'anciennes initiatives remises à neuf et
se présenter comme le défenseur de la conceptions politiques particulières et de là fondation :qes. organismes de guide
paix. La victoire électorale du Front Po- 'de la classe .ouvrière 1 qui ne pourront s'affirmer qu'à la condi-
cela parce que les événements ont dé-
pulaire en France se manifeste claire- tion de considérer le fait; accompli en
menti une partie des prévisions que ce ' Rhénanie et en Ethiopie comme du do,
ment comme un facteur contraire à l'éta- camarade avait avancées et que la diffé- I,es récents événements ont vu deux
blissement d'un compromis et comme un déplacements d'envergure dans les rap- maine des nouvelles réalités. Les nou-
renciation politique ne s'est pas faite sur veaux plans sur le soi-disant désarme-
facteur d'extrême accélération du conflit Je terrain spécifique où elJe devait se ports de forces entre les impérialismes
mondial. que tout le monde considérait comme im- ment, alors que l'industrie de guerre na-
faire - celui des considérations ayant tionalisée continue à" progresser indéfini-
trait aux questions sociales - mais sur- possibles en dehors du déclenchement du
ment; ne seront possibles qu'avec la col:
Nous en arrivons ici à l'élément de nos tout au sujet des conjectures avancées 'conflit mondial. Le réarmement de la
·laboration des impérialismes italien et ·
prévisions qui semble être démenti par quant à l'impréparation militaire des im- Rhénanie n'a pas seulement déchiré le
allemand- que l'on avait mis au ban, ou
les événements. Il nous avait· été relati- périalismes pour la guerre mondiale. . Il Traité de Locarno, mais celui de V ersail-
bien par l'entente étroite d'une constel-
vement facile de nous orienter envers les n'est donc pas possible de se baser sur les lui-même et les propositions alleman-
lation d'Etat s'opposant à l'autre restant
problèmes centraux posés par la guerre la différenciation politique qui s'était des au Foreign Office parlent ouverte-
en dehors de la Société des Nations.
en Afrique, que nous avons rappelés par- faite au sein de notre fraction, car le de- ment de détacher de la Société des Na-
Dans le domaine de la politique inté-
ce qu'il y avait un précédent historique, gré limité de sa maturation politique lui tions le Traité · de Versailles, en faisant
rieure, le gouvernement du Front Popu-
celui de la Chine particulièrement. Il de- a manifestement interdit la possibilité de 'de cela une condition pour le retour de laire ne pourra trouver une marge pour
vait. en être tout autrement pour le pro- faire jaillir de son sein un contraste ca- l'Allemagne dans la Société des Nations, rester au pouvoir qu'au travers de mani-
blème nouveau qui s'est posé, à savoir pable d'indiquer, dans l'une ou dans l'au- ce qui équivaudrait à la reconnaissance pulations monétaires, qu'elles se fassent
si, en une époque d'extrême tension des tre direction, la signification d'une situa- ouverte de l'annulation du statut issu de
au grand jour au travers de la dévalua-
rapports sociaux à l'intérieur de chaque tion que les événements auraient confir- la guerre de 1914. D'autre part, la con-
tion, ou, comme le conseille Jouhaux, au
pays et des rapports inter-impérialistes mée par la suite. Si donc, incontestable- quête de l'Ethiopie ,par l'impérialisme
travers de Pinîlation déguisée qui serait
sur l'échelle mondiale, il est possible ment, quant à la perspective d'un com- italien porte une atteinte directe à la
représentée par le réescompte des polices
darriver à une importante modification promis, c'est bien -le camarade Gatto puissance de l'impérialisme anglais, pour
d'assurances ou les traites sur Je travail.
de I'équilibre établ' Tu Versailles sans que Mammone qui voit ses prévisions se con- ce qui est de ses possessions en Afrique
d'abord, pour celles d'Asie ensuite, et, Cette nouvelle situation, qui pourrait
-r---.
l

1026 1027
se produire au cas où une phase relati- ture économique ne déterminent de nou- 1927 en Chine. La question est bien plus se où le capitalisme pourrait arriver à
vement longue permettrait au capitalis- velles éruptions de mouvements sociaux, complexe et le prolétariat peut conquérir éviter un bouleversement universel de
me d'éviter le déclenchement de la guer- qui seront déterminés à leur tour par sa victoire mondiale à la seule condition son monde par la guerre mondiale, et si
re mondiale, ne ferait nullement dispa- l'impossibilité de régulariser une machi- d'avoir, au cours de nombreuses années · des luttes révolutionnaires devront écla-
raître la tension sociale qui a trouvé son ne économique formidablement désaxée et d'un· travail sélectif pénible, apprêté ter dans des conditions qui ne leur sont
expression politique dans la constitution par l'expansion de la technique de pro- uans chaque pays l'organisme qui se ré- pas propices à l'échelle mondiale ; en
de l'Union Sacrée et dans la position pri- duction et par l'impossibilité de dépasser vèlera lors de l'éclosiou de la situation somme, en face d'un cours bien plus ac-
se par les partis communistes qui ont oc- les limites imposées par l'histoire à l'ex- révolutionnaire. cidenté de l'évolution de la révolution
cupé la place que les. partis socialistes tension vers d'autres pays, de l'économie Le caractère des mouvements qui_ile- mondiale, une seule arme reste au prolé-
d'avant-guerre prirent seulement après industrielle. - vraienb surgir aujourd'hui en Italie ne ces- tariat: c'est que les groupements issus
l'éclosion du conflit. Pour l'Italie surtout, il est à présumer serait pas d'être une manifestation nette- de la révolution russe parviennent dès
Par contre, dans certains pays, l' Alle- que c'est seulement maintenant que com- ment internationale et nullement locale. maintenant à se mettre au travail pour
magne et l'Italie surtout, il est à prévoir menceront à se faire sentir les effets éco- Mais puisque c'est sur le domaine mon- construire, au point de vue des cadres et
que les difficultés économiques les plus nomiques d'une situation que l'entreprise dial uniquement que la partie serait des positions idéologiques et politiques,
graves ne font que commencer précisé- ethiopienne n'avait fait que révéler en jouée, il faut considérer que la situation cette unité que, demain, les situations
ment après que se sont amorties les ré- lui donnant un étouffoir provisoire. Les que traverse la classe ouvrière dans les pourront établir entre les prolétariats
percussions du développement intensif de mouvements sociaux vont donc très pro- autres pays représenterait un élément des différents pays. Il n'y a pas d'autre
l'industrie lourde, déterminée par la bablement trouver seulement aujourd'hui négatif de tout premier ordre pour la vic- chemin conduisant à cette unité que ce-
course aux armements, sur l'ensemble de les conditions qui les rendront à la fois toire révolutionnaire en Italie et dans les lui d'une discussion approfondie pour re-
l'appareil économique. Pour ce qui con- inévitables et favorables. autres pays. Les forces capitalistes que pérer dans l'ensemble des événements
cerne particulièrement la situation en Dans l'hypothèse où nous ne serions sont les centristes et les socialistes se- historiques que nous avons vécus et que
Italie, il est certain que les dernières me- donc pas à la veille immédiate de la guer- raient certainement incapables de dé- nous vivons la filière des positions cen-
sures législatives ayant pour but d'éten- re mondiale, nous assisterons quand mê- tourner à leur avantage l'essor des luttes trales qui marquent le chemin parcouru
dre l'intervention étatique jusqu'à des me à l'éclosion de mouvements sociaux en Italie, car la tension sociale dans ce par le prolétariat : lors de sa victoire en
limites extrêmement avancées représen- dont l'inéluctabilité ne dépend nullement pays ne leur permettra pas d'intervenir, Russie sur la base des positions centra-
tent aussi une tentative suprême d'oppo- des possibilités de compromis qui s'offri- mais c'est sur le terrain mondial que les les qui conduisirent à Octobre, lors des
ser une résistance à l'apparition d'une raient aux différents impérialismes pour traîtres pourraient représenter un atout défaites qui suivirent, sur la base des
crise économique bien plus grave que cel- éviter la guerre mondiale. Dans cette dans les mains du capitalismé pour la groupements qui exprimèrent une réac-
le qui existe déjà. Le capitalisme peut nouvelle éventualité, nous nous trouve- défaite de la révolution italienne et tion à l'opportunisme et aux traîtres. Ce
très bien renflouer ses difficultés et tout rions devant la perspective suivante : des l'anéantissement de ses répercussions in- chemin n'est pas arbitraire, mais condi-
en étant dévasté par une crise économi- · mouvements ayant inévitablement des ternationales. Il en serait tout autrement tionné par l'évolution de la société capi-
que très grave, supporter les frais im- objectifs révolutionnaires se déclenche- pour le cas où ces mouvements révolu- taliste et de son fossoyeur, le proléta-
menses de l'expédition en Afrique. Il y a raient dans l'état actuel du mouvement tionnaires éclataient en une situation de riat, le protagoniste de la nouvelle so-
là une chose qui peut paraître absurde prolétarien qui, dans les principaux pays guerre mondiale où le prolétariat des dif- ciété de demain.
seulement aux professeurs du planisme d'Europe, est acquis à la politique de férents pays, en face de la précipitation Notre fraction a toujours Iutté contre
qui avaient, depuis longtemps, prévu l'Union Sacrée. Et il serait vain de se des événements, aurait conquis les condi- les planistes qui construisent partis et
·l'échec italien faute des moyens finan- . dissimuler la gravité de cette situation tions favorables pour reprendre son che- Internationales avec des forces qui n'ap-
ciers indispensables." Mais, pour un mar- en disant que les ouvriers auront vite min de classe révolutionnaire. Dans cette partiennent pas au prolétariat. En face
xiste, il est tout à fait évident qu'un Etat, fait de se débarrasser des mauvais pas- hypothèse le terme extrême atteint par d'une situation extrêmement grave, no-
tout en ayant un budget en déficit, arrive teurs socialistes et centristes pour se l'évolution des situations elles-mêmes en- tre fraction demande à nouveau aux au-
à dépenser des miliiards qui ne nécessi- porter au secours des ouvriers insurgés lèverait au capitalisme une arme de tout tres groupements communistes si se refu-
tent pas une extension de l'appareil pro- dans un autre pays. Ici, la réponse de premier ordre parce que les socialistes ser à un travail de confrontation politi-
ductif. Le capitalisme, tout en étant in- l'histoire a vraiment un caractère défini- et les centristes seraient discrédités de- que est bien le meilleur moyen de prépa-
capable d'investir dans la production les tif. Le prolétariat-ne- peut fonder soudai- vant les masses et dans l'impossibilité rer les conditions pour la victoire prolé-
capitaux qui représentent une accumula- nement son parti, sauter des étapes et se de s'opposer à leurs luttes se dirigeant tarienne et communiste.
tion de la plus-value parce que la limite camper brusquement dans son retranche-- vers l'extension au travers de la matu- Tous les socialistes, en démontrant le
extrême de sa capacité productive est at- ment final quand il a été conduit à l'ex- ration extrême de la lutte de classe dans caractère de classe de la civilisation
teinte et il lui deviendrait impossible trême opposé de son chemin de classe, chaque pays - de la lutte révolution- ' bourgeoise, de la démocratie bourgeoise,
d'écouler sa production, peut cependant alors que les traitres ont pu lui enlever naire éclatée dans un pays déterminé. du parlementarisme bourgeois, ont expri-
parfaitement contingenter la production, les fondements de son action spécifique Ces considérationr sur les tendances mé cette idée déjà formulée par Marx et
détruire des stocks, employer des capi- pour le conduite à l'autel de l'union sa- nouvelles qui peuvent apparaître dans la Engels que la plus démocratique des ré-
taux à des fins destructives, créer, au crée. Dans l'immédiat après-guerre, ce situation actuelle, n'ont évidemment pas publiques bourgeoises ne saurait être au-
travers de l'Etat et par I'emprunt, des n'est pas un hasard des circonstances que un simple intérêt théorique, et la discus- tre chose qu'une machine à opprimer la
possibilités financières ne correspondant le prolétariat russe a pu vaincre et que sion que nous souhaitons voir s'établir classe ouvrière à la merci de la bour-
même pas à des capitaux existants. Mais les prolétariats des autres pays n'ont pu ne voudrait nullement mener à une dis- geoisie, la masse des travailleurs à. la
ce que le capitalisme ne peut absolument Je rejoindre, bien que les occasions d'une pute conjecturale sur les situations qui merci d'une poignée de capitalistes.
pas faire, c'est empêcher que les contras- victoire ouvrière se soient présentées s'ouvrent devant nous.Nous avons en vue (Thèses de Lénine sur la démocratie
tes inhérents à son régime et à sa struc- plus d'une fois, en 1919-20, en 1923 et en une toute autre solution. Dans l'hypothè- bourgeoise, au premier Congrès de l'I.C.
.

1028 1029
de provinces du nord-ouest (Russie Blan- ve, ce fut comme nous l'avons dit, après
Le conflit arabe-juif en Palestine che), du sud-est (Ukraine et Bessarabie)
et en Pologne. C'étaient là leurs zones de
la défaite de la première révolution russe
et par suite de I'aqqravation des pogromes
résidences. Ils ne pouvaient habiter en de- caractérisée par celui de Kitchinew. ·
L'aggravation du conflit arabo-juif en communauté parlant un dialecte judéo-es- hors des villes et surtout ils ne pouvaient Le sionisme qui tentait à assurer an peu-
Palestine, l'accentuation de I' orientation pagnol, alors que ceux émigrés en Pologne, habiter les régions industrialisées (bassins ple juif 'Un siège en Palestine et qui venait
anti-britannique du monde arabe qui pen- en Russie, en Hongrie, etc., parlent le dia- miniers et régions métallurgiques). Mais de constituer un Fonds National pour ac-
dant la guerre mondiale fut un pion de lecte judéo-allemand (Y ddisch}. La langue c'est surtout parmi ces juifs que se fit jour quérir les terres, se divisa alors au 7e Con-
l'impérialisme anglais, nous a déterminé à hébraïque qui reste pendant cette époque. la pènètration du capitalisme--au l 9e siècle grès -sioniste de Bâle en courant tradition-
envisager le problème juif et celui du mou- la langue des rabbins fut retirée du domai- et que se détermina une différenciation des naliste qui restait fidèle à la constitution
vement nationaliste pan-arabe. Nous es- ne des langues mortes pour devenir la lan- classes. de l'Etat juif en Palestine et en territoria-
sayerons cette fois-ci de traiter le premier aue des juifs de Palestine avec le mouve- Ce fut la pression du terrorisme gou- listes qui étaient pour la colonisation même
de ces deux problèmes. ment nationaliste juif actuel. vernemental russe qui donna la première ailleurs et dans le cas concrêt, en Ougan-
On sait qu'après la destruction de [éru- Pendant que les juifs de l'occident, les impulsion à la colonisation palestinienne. da offerte par l'Angleterre. '
salem par les Romains et la dispersion du moins nombreux, et partiellement ceux des Cependant les ipremiers. juifs revinrent en Seule une minorité de socialistes juifs,
peuple juif, les différents pays où ils vin- Etats-Unis, ont acquis une influence éco- Palestine déjà après leur expulsion d'Es- les Poalés sionistes de Ber Borochov, res-
rent lorsqu'ils ne les expulsaient pas de nomique et..._'1'.>o.Jitiq1ie au· travers' de leur in- pagne à la fin du 15e siècle et la première tèrent fidèles aux traditionnalistes, tous les
leurs territoires ( moins pour des misons fluence boursière et une influence intellec- colonie agricole, fut constituée en 1870 autres partis socialistes juifs de l'époque,
religieuses invoquées par les autorités tuelle par le nombre d'entre eux qui se près de Jaffa. Mais la première émigration comme 11:: parti des socialistes sionistes ( S.
catholiques que pour des raisons éco- trouvent dans les professions libérales, les sérieuse commença seulement après 1880, S.) et les Ser pistes - une espèce de re-
nomiques, notamment la confiscation de grandes masses se concentrèrent dans l'Eu- quand la persécution policière et les pre- production dans les milieux juifs des S. R.
leurs bien et l'annulation de leur crédit). rope orientale et déjà, à la fin du l Se siè- miers pogromes déterminèrent une émigra- russes - se déclarèrent pour le territoria-
en réglèrent les conditions de vie d'après cle, groupaient les 80 p. c. des juifs d'Eu- tion vers l'Amérique et vers la Palestine. lisme. La plus ancienne et la plus ,puissante
ia bulle papale de la moitié du 16e siècle, rope. Au travers du premier départage de Cette première « Alya » ( 1 ) de 1882, organisaticn juive de l'èpoqué, le Dund,
qui fit règle dans tous les pays, en les obli- la Pologne et de l'annexion de la Bessara- dite des « Biluimes », était en majorité était, comme on le sait, tout à fait négative
geant à vivre enfermés dans des quartiers bie, ils passèrent sous la domination des composée d'étudiants russes qui peuvent au sujet de la question nationale, du moins
fermés (ghetto) et en les obligeant à por- Tzars qui, au commencement du 19e siè- être considérés comme les pionniers de la à cette époque.
ter un insigne infâmant. cle, avaient sur leurs territoires les deux colonisation juive en Palestine. La seconde
« Alya » se vérifia en 1904-05, en réper- Un moment décisif nour le mouvement
Expulsés en 1290 de l'Angleterre, en tiers des juifs. Le gouvernement russe
adopta dès ses débuts une politique ré- cussion de l'écrasement de la première ré- de renaissance nationaÎe fut ouvert par la
1394 de la France, ils émigrèrent en Alle-
pressive datant de Catherine II et qui trou- volution en Russie. Le nombre des juifs guerre mondiale de 1914, et après l' occu-
magne, en Italie, en Pologne; expulsés en
établis en Palestine qui était de 12,..000 en pation par les troupes anglaises de la Pa-
1492 de l'Espagne et en 149·8 du Portugal. va son expression la plus farouche sous
1850, monta à 35,000 en 1882 et 90,000 en lestine, auxquelles s'était ralliée la Légion
ils se réfugièrent en Hollande, en Italie et Alexandre III qui envisageait la solution
1914. juive de [abotinsky, fut promulguée la dé-
surtout dans l'Epire Ottoman qui occupait du problème juif de cette façon : un tiers
C'était tous des juifs de Russie et de claration de Balfour de 1917 qui promettait
alors !' Afrique du Nord et la plus grande doit être converti, un tiers doit émigrer et
Roumanie, intellectuels et prolétaires, car la constitution en Palestine élu Foyer Na-
partie de l'Europe du sud-est; là ils for- un tiers doit être exterminé Ils étaient en- tional Juif.
mèrent et forment même aujourd'hui cette fermés dans un certain nombre de districts les capitalistes juifs de l'Occident se limi-
tèrent, comme les Rothschild et les Hirsch, Cette promesse eut sa sanction à la Con-
à un soutien financier qui leur donnait un férence de San Remo de 1920 qui mit la
bénévole renom de philanthropie, sans Palestine sous mandat anglais.
De l'Union Sacrée à ·Zimmerwald qu'il soit nécessaire pour eux de donner
de leur précieuse personne.
La déclaration de Balfour détermina une
troisième « Alya », mais ce fut surtout la
Par A. BOSBI-ER Parmi les « Biluimes » de 1882, les so- quatrième, la plus nombreuse, qui coïncida
cialistes étaient encore peu nombreux et avec la remise du mandat palestinien à
Nous insistons vivement auprès de nos lecteurs pour étendre le plus possible cela parce que dans la controverse de l'Angleterre. Cette « Alya ,» eut déjà en
la diffusion de ce livre, d'un intérêt exceptionnel. Les événements de la dernière l'époque, à savoir si l'émigration juive de- son sein des couches assez nombreuses die
guerre, l'évolution du mouvement ouvriers au cours de cette période tragique y vait être diriqée vers la Palestine ou petits bourgeois. On sait que la dernière
sont relatés et traités avec un grand souci d'Honnôteté révolutionnaire. Il y a là l'Amérique, ils ètaient pour cette dernière. immigration en Palestine qui a suivi l'avè-
une condition de tout premier ordre pour permettre une comprëhension réelle des Dans la · ;,remière émigration juive aux nement d'Hitler au pouvoir et qui est cer-
événements de 1914-18. Les sltuations ac,tuelles et celles qui se préparent ne peu- Etats-Unis, les socialistes furent donc très tainement la plus importante contient déjà
vent être affrontées par les communistes qu'après avoir pénétré la nature même nombreux et y constituèrent de bonne heu- un fort pourcentage de capitalistes.
re des organisations, des journaux et pra- Si le premier recensement effectué en
des situations qui s'ouvrirent au cours de la dernière guerre. Le livre de Rosmer
tiquement même des essais de colonisation 1922, en Palestine eu égard aux ravages de
a donc un grand intérêt, non seulement historique, mais poliitique aussi. Afin d'en. communiste.
faciliter la lecture et la diffusion, nous entamerons aussitôt que possible une polé- la guerre mondiale n'avait enregistré que
La seconde fois que se posa la question 84,000 juifs, les 11 p. c. de la population
mique, dans cc Bilan », aveo le camarade Ros,mer, lequel - tout comme nous - en de savoir vers où diriger 'I' émigra fion jui-
a reconnu l'utilité pour le mouvement ouvrrer. totale, celui de 1931 en enregistra . déjà
( l) Emigration juive. 175,000. En 1934, les statistiques donnent
..,..----

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307,000 sur une ,population totale d'un juif qui est exploité par le nationalisme fvaient fomenté les émeutes de Palestine, ture au gouvernement, c'est-à-dire à l'ex-
million 171,000. Actuellement on donne juif et l'impérialisme britannique. accusation déjà faite à propos des récents ploitation des masses indigènes.
comme chiffre 400,000 juifs 11 y a naturellement aussi des raisons de événements d'Eqypte Personne ne peut
Les arabes accusent la Grande-Bretagne
Les 80 p.c. des juifs sont établis dans nature politique qui sont à la base du con- nier que le fascisme a tout intérêt à souf-
de vouloir faire de la Palestine le Foyer
les villes dont le développement est illus- flit actuel. L'impérialisme anglais, en dépit fler sur ce feu. L'impérialisme italien n'a
National [uil, qui signifierait le vol de la
tré par l'apparition rapide de la ville cham- de l'hostilité des deux races, voudrait faire Jamais caché ses visées vers le Proche
terre aux populations indigènes. Ils ont en-
pignon de Tel-Aviv; le développement de cohabiter sous une même toiture deux Orient, c'est-à-dire son désir de se substi-
voyé à nouveau des émissaires en Egypte,
l'industrie juive est assez rapide : en 1928 Etats différents et créer même un bi-par- tuer aux puissances mandataires en Pales-
en Syrie, au Maroc pour déterminer. une
on comptait {505 entreprises dont 782 lementarisme qui prévoit un parlement dis- ffine et en Syrie. Il possi~ d'aillggrs en
agitation du monde musulman en faveur
avaient plus de 4 ouvriers, c'est-à-dire au tinct pour juives et arabes. M-éditerranée une puissante base navale et
des arabes de Palestine, afin de chercher à·
total 18,000 ouvriers avec un capital inves- Dans le camp juif, à côté de la directive militaire représentée par Rhode et les au-
tres îles du Dodécanèse. L'imp_érialis:ne an- intensifier le mouvement, en vue de l'union
ti de 3.5 millions de Livres sterüngs. temporisatrice de Weissman il y R les re-
glais, d'autre part, s'il se trouve avantagé nationale pan-islamique. Ils sont encoura-
Les juifs établis dans les campagnes re- visionnistes de Jabotinsky qui combattent
par le conflit entre arabes. et juifs, car gés par les récents événements de la Syrie
présentent seulement les 20 p.c., face aux le sionisme officiel, accusent la Grande-
Bretagne d'absentéisme, sinon de manquer d'après la vieille formule romaine divide et où l'on obligea la puissance mandataire, la
arabes qui forment les 65 p.c. de la popu- France, à capituler devant la grève géné-
lation agricole. Mais les fellahs travaillent à ses engagements, et qui voudrait ouvrir à i/npera, il faut diviser pour régner, il doit
l'émigration juive la Transjordanie, la ependant tenir compte de la puissance fi- rale, et aussi par les événements d'Egypte
leurs terres avec des moyens primitifs, les
Syrie et la péninsule du Sinaï. nancière des juifs et de la menace du mou- où l'agitation et la constitution d'un front
juifs au contraire dans leurs colonies et
Les premiers conflits qui se manifestè- ement nationaliste arabe. national unique ont obligé Londres à trai-
plantations travaillent selon les méthodes
rent en août 1929 et qui se déroulèrent ter en toute égalité avec le gouvernement
intensives du capitalisme avec de la main-
autour du Mur des Lamentations, nrovo- Ce dernier mouvement dont nous parle- du Caire. Nous ne savons si la grève gé-
d' œuvre ara:be à salaires très bas.
quèrent d'après les statistiques offici~!les, la ons plus longuement une autre fois, est nérale des arabes de Palestine obtiendra
Les chiffres que nous avons donnés ex- pareil succès. Nous examinerons ce mou-
mort de deux cents arabes et cent-trente une conséquence de la guerre mondiale qui
pliquent déjà un côté du conflit actuel. De-
puis 20 siècles les juifs ont abandonné la
juifs, chiffres certainement inférieurs à la ,J déterminé une industrialisation aux Indes, vement en même temps que le problème
réalité, parce que si dans les installations Jn Palestine et en Syrie et renforcé la arabe dans un prochain article.
Palestine et d'autres populations se sont • Gatto MAMMONE
modernes, les juifs réussirent à repousser !l>ourgeoisie indigène qui posa sa candida-
installées sur les rives du Jourdan. Bien
les attaques, à Hebron, à Safit et dans
que les déclarations de Balfour et les déci-
quelques faubourgs de Jérusalem, les ara-
sions de la Société d~s Nations préten-
daient assurer le respect du droit des occu-
pants de la Palestine, en réalité l'augmen-
bes passèrent à de vèritables ,pogromes.
Ces événements marquèrent un point
d'arrêt de la politique philo-juive de l'An-
Les traitres à l'œuvre
tation de l'immigration juive signifie chas-
gleterre, car l'empire colonial britannique
ser les arabes de leurs terres même si elles Nous publions des extraits de journaux italiens centristes et socialistes afin de
comprend trop de musulmans, y compris
sont achetées à bas prix par le Fonds Na- prouver à nos lecteurs que les Ercoli, Grieco, Nenni et Cie sont bien dignes des
tional Juif. l'Inde, pour avoir suffisamment des rai-
sons d'être prudent. Thorez, Cachin, Blum et autres polichinelles socielo-centristes de France dont nous
Ce n'est pas par humanité envers « le
A la suite de cette attitude du gouverne- avons permis à nos lecteurs d'étudier les déclamations chauvines dans noire dernier
peuple persécuté et sans patrie » que la
ment britannique envers le Fover National numéro.
Grande-Bretagne a choisi une politique
philo-juive. Ce sont les intérêts de la haute Juif, la plupart des partis juif; : les sionis-
finance anglaise où les juifs ont une in- tes orthodoxes, les sionistes généraux et Les premières directives socialo-centristes posent· le problème sous son angle de
fluence prédominante qui ont déterminé les revisionnistes passèrent à l' op-position, classe :
cette politique. D'autre part, dès le début pendant que le plus sûr appui de la politi-
que anglaise diriqêe à cette époque par le « Faites entendre votre protestation. Dites que l'avenir des masses travaiUeuess
de la colonisation juive on remarque un
Labour Part.y, fut représenté par le mou- du pays ne dépend pas d'une aventure coloniale, mais est fonction du renversement
contraste entre les prolétaires arabes et
juifs. Au commencement les colons juifs vement travailliste juif qui était l' exores- du capitalisme et de la libération du travail de I'exploitatlon patronale».
avaient employé des ouvriers juifs parce sion politique de la Confédération Géné- Appel du Parti Communiste et du Parti Socialiste Italiens
qu'ils exploitaient leur ferveur ml:ionale rale <lu Travail, organisant ~resque la to- ( « Azlone Popolare », 9-2-~5)
pour se défendre contre les incurs.cns des talité des ouvriers juifs en .Palestine.
arabes. Par après, avec la consolkluüon de Récemment, s'était exprimé. en surface
seulement. une lutte commune de mouve- \L'organe centriste commente ainsi les accords de RPme de janvier 1935 :
la situation, les industriels et les propriè-
taires fonciers juifs préférèrent à la main- ments juifs et arabe contre la puissance « Nous avions dénoncé depuis des mois la menace d'une aventure coloniale en
d' œuvre juive plus exigeante, celle des ara- · mandataire. Mais le feu couvait sous les Afrique. Nous avions dit après la conversaticn de Rome que Laval et Mussolini
bes.
Les ouvriers juifs, en constirua.it leurs
syndicats. bien plus qu'à la lutte d=s clas-
..
cendres et l'explosion consista en les év-é-
nements du mois de mai dernier.
* *
s'étaient mis d'accord aux dépens des deux peuples et que l'Italie fasciste était auto-
risée par la France à attaquer l'Abyssinie. D'autres avaient parlé des aocords de Ro-
me comme étant des accords de ·paix. Les· communistes, seulement les communistes,
ses, s'adonnèrent à la concurrence contre La presse fasciste italienne s'est insurqêe
contre l'accusation de la presse « sanction- avaient réagi contre ce mensonge, avalisé aussi par certains orqanes soclallntes et
les bas salaires arabes. Cela exr,1'.que le
caractère chauvin du mouvement ouvrier niste », comme quoi des agents fascistes avaient dit qu'en aucun cas des marchandages entre brigands militaristes peuvent cen-


1033
1032
liens au régime du Négus, à condition toutefois qu'ils « renoncent à cette forme de
duire à la ,paix, que toujours, au contraire, des accords entre impérialistes, sont des rèprèsaille rituelle » ( couper les testicules, n. d. l. r.), << La Difesa », 3-8-35
accords de rapine, des accords de guerre».
« Azione Popolare », du 16 février 1935, article leader A la veille du conflit les positions se précisent toujours davantage et tous les
« La mobilisation, c'est la guerre». organismes de l'émigration italienne, en dehors de notre fraction, signeront une « dé-
claration commune de tous les antifascistes italiens » où, entre autres, il est dit :
Sur les mêmes accords de Rome les socialistes italiens seront plus prudents pour . « Le fascisme menace la vie de la nation italienne»; « le fascisme déshonore
ne pas déplaire à Blum qui avait approuvé ces accords au Parlement français. Ils l'Italie»; « le fascisme ne représente pas l'Italie»; « le fascisme est un ennemi de
écrivent : l'Italie ». ' « Difesa », 7-9-1935.
- -
« Mais l'accord de Rome contribue-t-il effectivement et efficacement à dévelop- Enfin. ~près la séance de la Société des Nations, l'organe centriste s'exprime
per l'esprit de paix ? Que signifient les accords <le Rome ? Ils signifient le retour _ ainsi :
du fils prodigue fasciste dans l'orbite française ou franco-anglaise. Cela dans le ' « L'assemblée de la Société des Nations a infligé une sévère leçon au fascisme;
moment présent peut indirectement et directement servir la cause de la paix mieux Notre Congrès (le Congrès des Italiens) rachètera la dignité et l'honneur du peuple
que si le fascisme était dans le camp allemand aux côtés 'de Hitler. Mais il s'agit, en· italien que le fascisme essaie de couvrir d'infamie» « Difesa ·», 21-9-35.
tout cas, d'un marché. entre impérialismes qui n'a rien à faire avec notre pacifisme». ·
« Nuovo Avanti », du 30 mars 1935, sous le titre: Sur le méme argument, un même son de cloche chez les socialistes :
« La validation des accords de Rome ». « La Scciété des Nations a condamné non l'Italie, mais le gouvernement fasciste
de Mussolini» et lance le mot d'ordre de « Au dehors. Mussolini», sans toutefois
En avril 1935, la situation ne permet plus de maintenir des affirmations radica- indiquer qui devrait lui succéder. « Nuovo Avanti ». 12-12-35.
les et l'on passe à la convocation d'un « Congrès contre la guerre en Abyssinie». -
« Nous voulcns que de lui (du Congrès, n.d.l.r.) se dégage une ferme et résolue · Mars « Au dehors Mussolini», cela suppose qu'on poutre composer même avec
volonté de lutte pour empêcher la guerre, si possible pour la transformer, si elle· .· les fascistes. Voici ce qu'écrit l' organ·e centriste
éclate, en insurrection victorieuse des travailleurs». « Vos chefs vous appellent à fêter l'aube de la 14:e année du régime fasciste, à
Mais la base sur laquelle le Congrès est convoqué est bien autre que celle dont déployer vos drapeaux noirs, à donner libre cours à l'élan de votre foi. Nous, com-
on perlait en février 1935. En effet, rappel est adressé « aux groupements syndicaux, munistes, nous ne vous haïssons pas, vous souffrez avec nous la faim et l'oppression,
mutuellistes, d'assistance, culturels, sportifs, ex-combattants. etc. » et les directives vous versez votre ,ang avec les ouvriers de toute l'Italie».
de classe sont substituées par les autres qui vont d'ailleurs se préciser par la suite en « Idea Popolare », 2-11-35 :
tendent à l'appel à la nation contre la menace que fait peser sur elle le fascisme. « Dicours aux chemises noires».
D'ailleurs, dsns le manifeste lui-même nous lirons :
L'appel centriste aux fasciste arrive maintenant jusqu'aux chefs. Nous lisons :
« La lutte pour empêcher une telle guerre, c'est le devoir de tous ceux qui
Il y a aussi des chefs fascistes mécontents de l'aventure africaine, lesquels jugent
aiment leur propre pays et veulent lui épargner les massacrs, etc. »
que Mussolini a commis cette fois-ci une erreur irréparable. Les communistes. et Ies
Voir « Azione Popolare », du 6-4-35. antifascistes, Iils du peuple italien, veulent être unis dans l'action avec tous les fas-
cistes qui admettent comme eux que l'honneur, l'avenir, le sauvetage de l'Italie, exi-
L'évolution chauviniste se ptectse et le Parti Communiste (?) lance un appel gent la paix, la punition des responsables dela guerre et l'éloignement de Mussolini
intitulé '< Sauvons notre pays de la catastrophe». Voilà ce que nous y lisons entre du pouvoir. Céla le désirent les antifascistes, et la grande masse des fascistes, unis
autre : sur le front où l'on combat pour la véritable défense de l'Italie, qui est la patrie <les
<4 Pour la quatrième fois, dans le cours des derniers cinquante ans, la bour- uns et des autres. » « ldea Popolare ·», 23-11-35.
geoisie conduit nctre peuple à la guerre». Et, plus bas : « Une défaite voulue et
préparée par le peuple italien ne sera pas une _dclait.e italienne, elle sera la défaite Le projet de compromis La,val-Hoare sera âprement combattu pet les socialistes
du fascisme, elle sera la délivrance du peuple italien menacé ,par la catastrophe ». et les centristes, mais encore une fois, au nom de la patrie. Le « Comité d'action »
Encore : « des hommes comme Antonio Gramsci, le chef de la classe ouvrière, le plus écrit :
grand Italien du siècle ». Enfin : « le programme des communistes est inspiré · des « L'Italie ne possédant pas les capitaux nécessaires pour coloniser les territoires
intérêts de la patrie conquise par les travailleurs, c'est le programme de la patrie que lui concèderait le projet Laval-Hoare en Abyssinie, cette colonisation, d'ailleurs
socialiste, c'est le programme national du peuple travailleur italien». impossible pour les raisons du climat, ne pourrait être tentée qu'avec des capitaux
« AzionePopolare », du 20-4-35. étrangers à. la domination desquels serait assujettie toute la vie économique de notre
,pays. » « Idea Popolare ». 21-12-35.
La situation s'est profondément aggravée et on approche de l'éclosion de la
guerre. En août 1935, à la veille des pourparlers de Paris, les centristes publient une Lorsque le projet Hoere-Leuel s'écroule, les socialistes, sous Fe titre « Nou.~ au.'.
interview d'un étudiant ebsjssirs. Celui-ci é!ffirme « Il n'y a pas d'esclavage en Abys- rons raison, parce que nous avons raison», dans le « Nuovo Ava11ti » du 4-1-36, écri-
sinie, pas de barbarie, il y a un régime qui, une' fois que l'économie et l'agriculture vent, en réponse à Mussolini qui disait que la faute du torpillage revenait au lebou-
se seront développés, évoluera vers des formes meilleures». Le centriste répond : risme, à la franc-maçonnerie et au communisme, ce qui suit :
·« D'accord, vous avez raison», et il assure Z:Abyssin de l'appui des travailleurs ite-
y

1034 1035
turitè historique de sa conscience en s'ap- qs,e nous avons examiné dans la première
Nous sommes loin <le contester les responsabilités du labourisme et <lu commu-
puyant sur son parti - qui reste son guide partie de cette étude
nisme, qu'en partie nous revendiquons, et que nous voudrions revendiquer entière- et son ëducatçur dans la période de transi- · Nous reviendrons par la suite sur le
ment, mais le respect de la vérité nous oblige à dire que le torpillage du projet Laval- tion entre le capitalisme et Je communisme. problème de la capacité de gestion des
Hoare n'aurait pas été possible. sans 1~ concours <le Mussolini » Dans le même arti- De même le prolétariat ne peut parer à masses prolétariennes.
cle nous lisons : « Ce qui renforce notre conviction générale est que la guerre d'Afri-
* **
l'insuffisance temporaire des forces produc-
que représentera la croix sur laquelle le peuple italien clouera le fascisme. » tives que le capitalisme lui lègue qu'en re- Si le prolétariat victorieux se trouve
Voze, maintenant les conseils socialistes à Mussolini. Dans le « Nuovo Avanti » courant à l'Etat, organisme de contrainte, donc amené, de ,par les conditions histori-
du 11-1-36 au sujet des << bombes de Dolo» et sur la trace des observations de Vla- « fléau dont le prolétariat hérite dans sa ques à devoir subir un Etat pendant une
dimir Ormesson dans le «Figaro» au sujet des avantages de la méthode de coloni- lutte pour arriver à. sa domination de clas- période plus ou moins prolongée, il lui
se mais dont il devra, comme l'a fait la
setion de Liautey par rapport à celle de la violence, les socidistes écrivent : importe cependant de savoir de quel Etat
Commune, et dans la mesure du possible il s'agira.
« Si l'objectif du fascisme était le protectorat italien sur l'Abyssinie, il est évi- atténuer les plus fâcheux effets, jusqu'au La méthode marxiste permit d'une part,
dent qu'il fallait gagner l'amitié des Ethiopiens, du Négus, non attaquer, non terro- jour où une génération élevée dans une so- de découvrir la siqnification de. l'Etat dans
riser. Notre patriotisme consiste à le dire, à le crier jusqu'à ce que nous serons en- ciété d'hommes libres et égaux, pourra se les sociétés divisées en classes. d'en défi-
tendus et compris». débarrasser de tout fatras qouverncrnen- nir la nature; d'autre part, par une analyse
Nous terminerons notre aperçu par la citation d'un point des « directives de tal. » (Engels) . des e_xpériences révolutionnaires vécues
l'action socialiste» qui sont présentées comme ayant été élaborées en Italie. Bien que La nécessité de « tolérer » l'Etat pen- dans le cours du siècle dernier par le pro-
l' 013 commence par dire : dant la phase transitoire s'échelonnant en- létariat, de déterminer le comportement de
tre le capitalisme et le communisme, résul- celui-ci vis-à-vis de l'Etat bourgeois.
« Ln tâche du mouvement socialiste devra être celle d'empêcher que la crise qui te du caractère spécifique de cette pêrncde
s'ouvrira avec la chute du fascisme puisse se rétablir au travers d'un compromis qui Marx et surtout Enqels dèqaqèrent la
définie par Marx dans sa « Critique de notion de l'Etat de tout son fatras idéa-
laisse aux forces réactionnaires une possibilité de reprise ( Allemagne, Espagne) ». Gotha » : « nous avons affaire à une so- liste. Mettant à nu la véritable nature de
l'on affirmera par après : « notre mouvement résoudra sans préjugés le problème des ciété communiste non pas telle qu'elle s'est l'Etat, ils découvrirent qu'il n'était qu'un
rapports avec les partis bourgeois. Il est nécessaire d · affirmer dès maintenant que développée sur les bases qui lui sont pro- instrument d' asservissement aux mains de
nous ne nous opposons ,pas à des compromis lorsqu'ils sont nécessaires en vue d'at- pres, mais telle qu'elle vient. au contraire, la classe dominante, dans une société dê-,
teindre nos buts. Il n'est pas possible de préciser la portée et la limite d'une telle de sortir de la société capitaliste; par con- terminée; qu'il ne servait qu'à sauveqar-
entente, ni de tracer des frontières arbitraires parmi les groupes bourgeois avec: les- séquent une société qui, sous tous les tep- der les privilèges économiques et politi-
quels cette entente .pourrait être effectuée, ni fixer dès maintenant les conditions qui ports : économique, moral, intellectuel, ques de cette classe et à imposer, par la
nous lieraient dès aujourd'hui inutilement les mains». porte encore les stigmates de l'ancienne contrainte et la violence, les règles [uridi-
société des flancs de Iaquelle elle sort. » ques correspondant au mode de propriété
< Nuovo Avanti », 25-1-36. (Nous soulignons, N. d. 1. R.). et de production sur lequel ces privilèges
Nous examinerons quels sont ces stig- {>taient fondés; qu'enfin, l'Etat n'était que
Problèmes de la période de transition mates lorsque nous analyserons les catégo-
ries économiques et sociales que l' écono-
mie prolétarienne hérite du capitalisme,
l'expression de la domination d'une mino-
rité sur la maloritê de la population. La
charpente de l'Etat. en même temps aspect
Dans notre exposé introductif. nous tient en soi aucune des solutions construc- mais qui sont appelées à « dépérir » en concret de la scission en classes de la So...
pensons avoir dégagé l'idée essentielle qu'il tives du Socialisme tout comme elle ne même temps que l'Etat prolétarien. ciètê, c'était sa force armée et ses orga-
n'existe et ne peut exister aucun synchro- peut faire d'emblée table rase de toutes les Evidemment, il serait vain de se dissimu- nes coêrcitlfs, placés au-dessus de la mas-
nisme entre la maturité historique de la inégalités sociales. ler le danger mortel qu'offre, pour la révo- se du peuple, s'opposant à elle et excluant
Révolution prolétarienn et sa maturité ma- Point de départ, la collectivisation des lution prolétarienne, la survivance de cette toute possibilité, nour la classe opprimée,
térielle aussi bien que culturelle. Nous vi- moyens de production et d'êchanqe n'est servitude que constitue l'Etat, même ou- de maintenir sa propre organisation «spon-
vons dans l'ère des révolutions prolétarien- pas le socialisme, mais sa condition fon-· vrier. Mais partir de I'existence en soi de tanée » de défense armée. La classe domi-
nes parce que le progrès social ne peut se damentale Elle n'est encore qu'une solu- cet Etat pour conclure à l'inévitable dé- nante ne pouvait tolérer la coexistence de
poursuivre qu'à la condition que disparais- tion junâique aux contradictions sociales générescei"ice de la Révolution équivaudrait ses propres instruments répressifs avec une
se l'antagonisme de classe qui, jusqu'ici, et; par elle-même, ne comble nullement les à faire fi <le la dialectique historique corn- force armée du peuple.
fut le fondement de ce même progrès à déficiences matérielles et spirituelles dont me à renoncer à la Rêyolution elle-même. Pour ne prendre que des exemples tirés
une époque considérée comme la prêhis- le prolétariat hérite du capitalisme. L'His- D'autre part, subordonner le déclenche- de I'Hlstoire de la Société bourgeoise : en
toire du genre humain. toire «surprend.» le prolétariat et J'oblige 'ment de la Révolution à la capacité pleine- France, la révolution de ,février 1848 arma
Mais l'appropriation collective des ri- à réaliser sa mission dans un état d'imprê- • ment réalisée par les masses d'exercer le les ouvriers « qui se constituèrent en force
ohesses développées par la société beur- paration que le plus ferme idéalisme et le pouvoir, reviendrait à renverse! les don- dans ['Etafü» (En/gels); la bourgeoisie
geoise supprime seulement la contradiction plus grand dynamisme révolutionnaires ne nées du problème historique tel qu'il se n'eut qu'une préoccupation : désarmer les
entre la forme sociale des forces producti- peuvent transformer d' emblée en une plei- pose, à nier en somme la nécessité de ouvriers; elle les provoqua en liquidant les
ves et leur appropriation privée. Elle n'est ne capacité pour lui de résoudre tous les l'Etat transitoire tout comme celle du parti. ateliers nationaux et elle les écrasa au
rien de plus que la condition « sine qua redoutables et complexes problèmes qui En définitive, ce postulat rejoint doqlque- cours <lu soulèvement de juin. En France
non » du développement ultérieur de la So- surqissent. ment celui qui fonde la Révolution sur la encore, après septembre 1870, fut formée,
ciété. Elle ne comporte aucun automatisme Tant après qu'avant la conquête du pou- « maturité » des conditions matérielles, et en vue de la défense du pays, une garde
pour l'épanouissement social. Elle ne con-voir, le prolétariat doit suppléer à l'imma-
r l

1036
1037
nationale, composée en majorité d'ouvriers: édifiée la bourgeoisie, furent créés à l' inté-
« L'antagonisme entre le gouvernement où rieur de la société Iêodale ». La Bourgeoi- premiers matériaux historiques - juxtapo- même conditionné par celui du rapport en-
il n'y avait, ou presque, que des bourgeois sie, sur la base de positions économiques sa à la notion de destruction de l'Etat tre le prolétariat et « son» Etat.
et le prolétariat en armes, éclata aussitôt ... conquises graduellement, n'eut pas à dé- bourgeois, celle du dépérissement de l'Etat La Commune - ébauche de la dictature
Armer Paris, c'était armer la Révolution. truire une organisation politique dans la- prolétarien. L'idée de la disparition de tout du prolétariat, expérience gigantesque qui
Pour Thiers, la domination des classes quelle elle était parvenue à s'installer. Elle Etat, on la trouve déjà chez Marx, à l'état n'évita ni la défaite, ni la confusion parce
possédantes serait menacée tant que les n'eut à supprimer ni la bureaucratie, ni la embryonnaire, dans sa « Misère de la Phi- que, d'une part, elle naquit dans une pé-
ouvriers parisiens resteraient en aunes. police, ni la force armée, mais à subordon- losophie »; mais ce fut surtout Engels qui riode d'immaturité historique et que d'au-
Les désarmer fut son premier souci. » ner ces instruments d'oppression à ses fins fa développa dans « L'origine de fa Pro- tre part, il lui manqua le guide théorique,
(Engels). D'où le 18 mars et la Commune. propres, parce que la révolution politique priété » et « L'Anti-Dührinq » tandis que le parti - n'apporta que quelques éléments
Mais ayant pénétré le «' secret » de ne faisait que substituer juridiquement une par après, Lênine'Tâ commenta lumineuse- premiers esquissant· encore vaguement les
l'Etat bourgeois ( qu'il fût monarchique ou forme d'exploitation à une autre forme ment dans « l'Etat et la Révolution ». rapports entre Etat et Prolétariat.
républicain, autoritaire ou démocratique), Quant à la distinction fondamentale entre Marx, en 1875, dans sa Critique de
d'exploitation.
le prolétariat avait à définir à son égard sa destruction de l'Etat bourgeois et extinc- Gotha » dut encore s'en tenir à cette inter-
Par contre, le prolétariat était une clas-
propre politique. La méthode expérimen- se exprimant les intérêts de l'Humanité et tion de· l'Etat prolétarien, elle a été faite rogation : « Quelle transformation subira
tale du marxisme lui en donna les moyens. non des intérêts particuliers pouvant s'en- avec suffisamment de vigueur par Lénine l'Etat, dans une sociêtè communiste ? :>>
castrer dans un Etat fondé sur l'exploita- pour que nous n'ayons pas à y insister ici, (Marx vise ici la période de transition.. N.
A l'êpoque du (1: Manifeste Communiste» d'autant plus que nos considérations an- d. 1. R.) « Quelles fonctions sociales s'y
(1847), Marx avait bien marqué la nêces- tion : « Les prolétaires n'avaient rien à
sauvegarder qui leur appartenait; ils térieures ne permettent aucune êquivoque maintiendront qui soient analogues aux
sité pour le prolétariat de conquérir le à ce s'!jet. fonctions actuelles de l'Etat ? Cette ques-
pouvoir politique, de s'organiser en classe avaient à détruire toute garantie privée,
toute sécurité privée existante» (Mani- Ce qui doit retenir notre attention, c'est tion ne peut être résolue que par la science
dominante, mais sans pouvoir préciser qu'il et ce n'est pas en accouplant de mille ma-
s'agissait pour lui de fonder son propre feste). La Commune de Paris fut la pre- que le postulat du dépérissement de l'Etat
prolétarien est appelé à devenir en quelque nières le mot Peuple aû mot Etat qu'on
Etat. Il avait déjà prévu la disparition de mière réponse historique, encore bien im-
sorte la pierre de touche du contenu des fera avancer le problème d'un saut de
tout Etat avec l'abolition des classes, mais parfaite, à· 1a question de savoir en quoi
révolutions prolétariennes. Nous avons dé- puce. » (Nous soulignons, N. d. l. :R..).
il n'avait pu dépasser une formulation gé- l'Etat prolétarien · se différencierait de
l'Etat bourgeois : la domination de la ma- jà indiqué que celles-ci surgissaient dans Dans la Commune, Marx vit surtout
nérale, encore abstraite. L'expérience fran- une forme politique tout à fait expensioe,
jorité sur la minorité dépossédée de ses un milieu historique obligeant le proléta-
çaise de 1848-1851 fournit à Marx la sub- tandis que les anciennes formes étaient es-
privilèges, rendait inutile le maintien d'une riat victorieux à supporter encore un Etat,
stance historique qui allait renforcer en sentiellement répressives; .. .la forme poli-
machine bureaucratique et militaire, spécia- bien que ce ne pût être « qu'un Etat en
lui l'idée de la destruction de l'Etat bour- tique, enfin trouvée, sous laquelle il était
lement au service d'intérêts particuliers, à dépérissement, c'est-à-dire constitué de
geois, sans lui permettre cependant de dé- possible de réaliser I'èmancipation du tra-
laquelle le ,prolétariat subsistait, et son telle sorte cu'il 'commence sans délai à dé-
limiter les contours de l'Etat prolétarien vail». («La Guerre Civile»). Ce faisant,
propre armement" - pour briser toute rè- périr et qu'il ne puisse, pas ne point dé--
appelé à le remplacer. Le prolétariat ap- il posait seulement les données du problè-
sistance bourgeoise - et une forme politi- périr». (Lénine).
paraît comme -la première classe révolu- me capital de l'initiation et de l'éducation
tionnaire dans l'histoire, à qui incombe la que lui permettant d'accéder progressive- Le grand mérite du marxisme fut d'avoir des masses. qui auraient à se dégager de
nécessité d'anéantir la machine bureaucra- ment à la gestion sociale. C'est en cela que démontré irréfutablement que jamais l'Etat plus en plus de l'emprise de l'Etat, pour
tique et policière, de plus en plus centra- « la Commune ne fut déjà plus un Etat au ne fut un facteur eutottome de I'Histoire, enfin faire coïncider la mort de celui-ci
iisèe, dont toutes les classes exploiteuses sens propre du mot ». [Enqels}. Lénine mais qu'il n'était qu'un produit de la so- avec la réalisation de la Société sans clas-
s'étaient servies jusqu'ici pour écraser les souligna « qu'elle arrivait ainsi - œuvre ciété divisée en classes. - la classe pré- ses, En ce sens, la Commune posait quel-
masses exploitées. Dans son « 18 Brumai- gigantesque - à remplacer certaines insti- cédant l'Etat - tandis qu'il disparaîtrait ques jalons sur la voie de cette évolution.
re », Marx souligna que « toutes les révo- tutions par des institutions de principe es- avec les classes elles-mêmes. Si après la Elle montrait que si le prolétariat ne pou-
lutions politiques « n'ont fait que perfec- sentiellement différent » dissolution du communisme primitII l'Etat vait supprimer d'emblée le système des
tionner cette machine au lieu de la briser.» Mais l'Etat prolétarien n'en conservait avait toujçours existé sous une forme plus

-
délégations, « il avait à prendre ses pré-
Le pouvoir centralisé de l'Etat, avec ses pas moins· le caractère foncier de tout ou moins évoluée, parce qu'il se superpo- cautions contre ses propres subordonnés et
organes répressifs, remontait à la monar- Et~l restait un organe de coërcition sait nécessairement à une forme d' exploita- res propres fonctionnaires en les déclarant
chie absolue; la Bourgeoisie naissante s'en qui, bien qu'assurant la domination de la tion de I'homnre par l'homme, il n'en était sans exception et en tout temps amovi-
servit pour lutter contre la féodalité la majorité sur la minorité, ne pouvait tou- pas moins vrai qu'il devait tout aussi né- bles. » (Engels). Et pour Marx, « rien ne
Révolution .française ne fit que le débar- jours qu'exprimer l'impuissance à suppri- cessairement mourir au terme d'une évolu- pouvait ' être plus ètranqer à.l'esprit de la
rasser des dernières entraves féodales et le mer temporairement le droit bourgeois; il tion !historique qui rendrait superflues tou- Commune que de remplacer le suffrage
Premier Empire paracheva l'Etat moderne. était, suivant I' expression de Lénine un te oppression et toute contrainte, parce universel (,oour la désignation des manda-
La société bourgeoise développée transfor- Etat bourgeois sans bourgeoisie qui, sous. qu'elle aurait éliminé le « droit bourgeois» taires. N. d 1. R.) par un système de no-
ma le pouvoir central en une machine d'op- peine de se retourner contre le prolétariat, et que, suivant l' exnressïon de Saint-Simon minations hiérarchiques. »
pression du prolétariat. Pourquoi l'Etat ne
fut jamais détruit par aucune des classes
révolutionnaires, mais conquis, Marx en **
..
devait être maintenu sous le contrôle direct:
de celui-ci et. de son parti. ·
.,.
« la politique se serait résorbée toute entiè-
re dans l'économie».
Mais la science marxiste n'avait pas en-
Mais l'élaboration théorique dut s'en te-
nir là. Et quarante ans plus tard, Lénine
n'aura pas avancé en ce domaine. Dans
donna l'explication Iondamentale dàns le La théorie de la dictature du ,proléta- son « Etat et la Révolution», il s'en tien-
core ëlaborè la solution au problème de
« Manifesté » : « les moyens de production riat, ébauchée dans le «Manifeste». mais
savoir comment et par quel processus dra à des formulations banales et sommai-
et d'échange, sur la base desquels s'est qui puisa dans la Commune 'de 1871 ses·
l'Etat disparaîtrait, problème qui était lui- res, se bornera à souligner la nêcessité de
r
1038 1039

« transformer les fonctions de l'Etat en des qui, par le renversement des rapports qui vêla au prolétariat combien s'affirmait que de toute la masse du peuple ou du
fonctions de contrôle et d'enregistrement si s'ensuivit, se trouva placé dans des condi- ~ complexe et difficile la tâche de produire moins pas au delà de certaines limites fort
simples qu'elles soient à la portée de tions d'évolution aboutissant non à son J1 un climat social où put s'épanouir l'activité étroites, tandis que pour la dictature pro-
l'énorme majorité de la population et peu dépérissement mais au renforcement de et la culture des masses. létarienne, elle est l'élément vital. l'air sans
à peu de la population toûte entière ». Il
ne pourra que se limiter, comme Engels, à
son pouvoir coërcitit et répressif. D'ins-
trument de la révolution mondiale, l'Etat
i La controverse sur la Dictature et la
Démocratie se concentra précisément sur
lequel elle ne peut pas exister». Dans le
programme de Spartacus, elle reprit _- les
énoncer ce à quoi correspondra la dispa- prolétarien était appelé à devenir inévita- ce problème dont la solution devait donner données du problème capital de l'éducation
rition de l'Etat, c'est-à-dire à l'ère de la blement une arme de la contre-révolution la clef des révolutions prolétariennes. A des masses ( dont la solution revient au
liberté véritable en même temps qu'à la mondiale. cet égard, il faut souligner que les considé- parti), en posant que « l'histoire ne nous
mort· de la démocratie qui aura perdu toute Bien que Marx, Engels et surtout Lénine rations opposées de -Lènine et-hxembourg rend pas la tâche aussi facile qu'elle l'était
signification sociale. Quant au processus eussent maintes fois souligné la nécessité sur la « démocratie prolétarienne». par- pour les révolutions bourgeoises; il ne suf-
suivant lequel s'élimineront toutes les ser- d'opposer à l'Etat prolétarien son antidote taient de la préoccupation qui leur était fit pas de renverser le pouvoir officiel au
vitudes qui seront comme l'arrière-faix du prolétarien, capable d'empêcher sa dêqênê- commune, de créer les conditions d'une ex- centre et de le remplacer par quelques dou-
capitalisme, Lénine constatera que la rescence.la Révolution russe, loin d'assu- pansion incessante des capacités des mas- zaines ou quelques milliers d'hommes nou-
« question reste ouverte du moment et des rer le maintien et la vitalité des organisa- ses. Mais pour Lénine, le concept de la dé- veaux. Il faut que nous travaillions de bas
formes concrètes de cette mort de l'Etat, tions de classe du prolétariat, les stérilisa mocratie, même prolétarienne, impliquait en haut. »
** *
car nous n'avons pas de donnée qui nous en les incorporant à l'appareil étatique et toujours celui de l'oppression inévitable
permette dë la trancher. · ainsi dévora sa propre substance d'une classe ~ur une autre classe, que ce Emporté par le processus contradictoire
. Ainsi restait: non résolu le problème de Même dans la pensée de Lénine, la no- fût la domination bourgeoise écrasant le de la révolution russe, Lénine mettait sans
la gestion d'une économie et d'un Etat tion « Dictature de l'Etat» devint prédo- prolétariat ou la dictature du prolétariat cesse l'accent sur la nêcessitê d'opposer un
prolétariens· s'exèrçant en fonction de la minante. C'est ainsi qu'à la fin de 1918, s'exerçant sur la bourgeoisie. Et la «: dé- « correctife prolétarien et des orqanes de
révolution internationale. Des principes dans sa ploémique avec Kautsky ( « Révo- mocratie» disparaissait, comme nous l'a- contrôle ouvrier, à la tendance corruptive
rèqissant la solution politique de ce pro- lution prolétarienne ») il ne parvint pas à yons déjà dit, au moment où elle se trou- de l'Etat transitoire. :..
blême," 1e prolétariat russe -se trouva dé- dissocier les deux notions opposées : Etat vait entièrement réalisée avec l'extinction Dans son rapport au Congrès des So-
pourvu au moment où il s'engagea en Oc- et Dictature du prolètariat. Il répliqua vic- des classes et de l'Etat, c'est-à-dire au mo- viets d'avril 1918 sur les « tâches actuel-
tobre 1917 dans la ,plus formidable expê- torieusement à Kautsky pour ce qui con- ment où le concept de liberté recevait sa les du pouvoir soviétique », il soulignait la
rience historique. Inévitablement les bol- cernait la définition de la dictature du pro- pleine signification. nécessité de surveiller constamment l'évo-
chéviks devaient sentir peser sur f:UX le létariat, sa signification fondamentale de A l'idée de Lénine d'une démocratie lution des Soviets et du pouvoir soviéti-
poids écrasant de cette carence théorique classe ( tout le pouvoir aux Soviets) ; mais «discriminatoire», Luxembourq (~< Révo- que : « il y a une tend.ance « petite bour-
au cours de leurs tentatives de délimiter les à la nécessité de la destruction de l'Etat lution russe ») opposait celle de la « dé- geoisie » qui transforme les membres des
rapports entre Etat et Prolétariat. bourgeois et de l'écrasement de la classe mocratie sans limites » qui représentait Soviets en «parlementaires» ou en bureau-
Avec le recul d'où nous pouvons aujour- dominante, il lia celle de la transformation pour elle la condition nécessaire d'une crates. Il faut lutter contre cela en attirant
d'hui considérer l'expérience russe, il ap- des organisations prolétariennes en organi- « participation sans entraves des masses dans l'administration, tous les membres des
paraît que très probablement, si les bol- sations étatiques. Il est vrai de dire que .
1
populaires » à la dictature du prolétariat. Soviets ». Dans ce but Lénine préconisait
ohêviks et l'Internationale avaient pu ac- cette affirmation n'avait rien d'absolu, par- Celle-ci ne pouvait se réaliser qu'au tra- · « la participation de tous les peuures à la
quérir une claire vision de cette tâche ca- ce qu'elle se rapportait à la phase de guer- vers de l'exercice total des libertés « dé- pratique de l'administration, la participa-
pitale, le reflux révolutionnaire à l'Ooci- re civile et de renversement de la domina- mocratiques » : liberté illimitée de la pres- tion gratuite de tout travailleur à l'admi-
dent, bien qu'il eût constitué quand même tion bourgeoise et que Lénine visait les se. liberté politique entière, ,oarlem.entaris- nistration de l'Etat, ses huit heures .de tra-
une entrave considérable au développe- Soviets qui se substituaient en tant ou'ins- me (bien que, par après, dans le program- vail productif une fois achevées. Il est bien
ment de la Révolution d'octobre, n'en au- frument d'oppression sur la bourgeoisie à me de Spartacus, le sort du parlementaris- difficile d'atteindre ce but, mais cette tran-
rait pas altéré le caractère internationalis- l'appareil d'Etat de cette dernière. me se trouvera subordonné à icelui de la sition est essentielle pour le socialisme. La
te, et n'aurait pas provoqué sa rupture La difficulté énorme d'une juste orienta- Révolution). nouveauté des difficultés de cette tâcha
avec le prolétariat mondial en la condui- tion dans la question des rapports entre Le souci prédominant de Luxembourg, provoque naturellement des tâtonnements,
sant à - l'impasse du « socialisme en un . l'Etat-et-le Prolétariat et que Lénine ne de ne pas voir les organes de la machine de nombreuses fautes, des hésitations __:
seul pays»: put vaincre, provint précisèment de cette étatique entraver l'êpanouissement de la tout cela est inévitable au cours de tout
Mais l'Etat soviétique ne .fut pas consi- double nécessité contradictoire de mainte- vie . politique du prolétariat et sa participa- mouvement brusque en avant. L'originalitê
déré· par les bolchéviks, au travers des ter- nir un Etat, organe de contrainte économi- tion active aux tâches .de la dictature, l' em- du moment présent aux yeux de beaucoup
ribles difficultés contingentes, essentielle- que et politique restant sous le contrôle du pêcha d'apercevoir, le rôle fondamental de .ceux qui s'appellent socialistes, réside
ment comme un « fléau dont le prolétariat prolétariat ( donc de son parti) pendant conféré au Parti, puisqu'elle alla jusqu'à dans le fait qu'on s'était habitué à opposer
hérite- et dont il devra atténuer les plus que d'autre part devait être assurée la par- opposer Dictature de classe et Dictature le capitaltsme au socialisme, mettant entre
fâcheux effets ». mais comme un organis- ti~ipation de plus en plus élargie des masses de Parti. Son énorme mérite fut. cep~n- les deux 1~ mot « bond ».
me pouvant s'identifier complètement avec à la gestion et à l'administration de la so- dant d'avoir opposé. comme Marx le. fit Que dans Je· même rapport, Lénine fut
la. dictature prclètarienne, t'est-à-dire [e ciété prolétarienne, alors que précisément pour la Commune, le contenu social de la amené à légitimer les pouvoirs dictatoriaux
Parti. cette participation ne pouvait s'exercer domination bourgeoise à celui de la .do- individuels, était l'expression non seule-
D'où résulta cette altération ,principale transitoirement qu'au · sein d'organismes rnination prolétarienne : « la domination de ment d'une sombre situation contingente
que le fondement de la dictature du prolé- étatiques, corruptifs par nature. 1- classe <le la bourgeoisie n'avait pas besoin engendrant le « communisme de ,guerre ».,.
tariat, ce n'était pas- le Parti, mais l'Etat . L'expêrtence de la révolution russe rê-r d'une instruction et d'une éducation politi- mais également du contraste déjà souligné.
1041
1040
masses exploitèes. auxquels ils facilite~ des événements (.Cronstadt) . La concep-
entre, d'une part, un regune nécessaire de faire .pour conduire elle-même directement tion de Trotsky s'y heurta tant à « l'Oppo.,
raient la posssbilitê d'organiser et de gou-
contrainte appliqué par la machine d'Etat ses affaires, pour fixer les bornes, pour se sition ouvrière », dirigée par Chliapnikov
verner l'Etat eux-mêmes »; dans quelle me-
et, d'autre part, le besoin pour la sauve- départager, pour subordonner elle-même et et Kollontaï, qui proposait de corifier aux
sure ils eussent pu concentrer en eux « le
garde de la dictature prolétarienne de di- ne pas se laisser subordonner. Pour cela, il syndicats la gestion et la dtrection de la
législatif. l'exécutif et le judiciaire », .êJ _ le
luer ce régime dans l'activité grandissante faut avant tout du savoir-faire et c'est ce production, qu'à celle de Lénine, qui con-
_centrisme ne les avait castrés 9e ~
des masses. « Autant, disait-il. nous de- qui nous fait défaut; c'est une situation qui sidérait l'étatisation des syndicats comme
vons mettre d'énergie à défendre les pou- ne s'est jamais encore vue dans l'histoire». sance revolutionnaire:.-
En toilhtat' de cause, les Soviets appa- prématurée et estimait que « l'Etat n'étant
voirs dictatoriaux des individus à de cer- A propos du Capitalisme d'Etat qu'il pas ouvrier, mais ouvrier et paysan avec
taines Hns exécutives déterminèes, autant avait fallu accepter, Lénine exhortait le rurent comme la forme russe de la ,dictatu-
re du prolétariat- Plutôt ëjîie comme sa ,for- de nombreuses déformations bureaucrati-
nous devons veiller à ce que les formes et parti : « Apprenez donc, communistes, ou-,
me spécifique, acquérant une valeur ques », les syndicats avaient à défendre les
les procédés de contrôle des masses soient vriers, partie consciente du prolétariat qui intérêts ouvriers contre un tel Etat. Mais
multiples et variés afin de parer à toute s'est charqèe de diriger l'Etat, apprenez à internationale. Ce qui est acquis, au point
de vue expéri.rnental c'est que, dans la pha- la thèse partagée par Lénine soulignait
ombre de déformation du pouvoir des So- f.aire de la sorte que l'Etat que vous avez bien que le désaccord avec la thèse de
viets et d'arracher sans cesse l'ivraie bu- pris entre vos mains agisse selon votre se de destruction de la société tsariste, les
Soviets constituèrent la charpente de l'or- Trotsky ne portait pas· sur une question
reaucratique ». gré ... l'Etat reste entre vos mains, mais de principe, mais résultait de considéra-
est-ce qu'en fait de politique économique ganisation arJllée que les ouvriers russes
Mais trois ans de guerre civile et la né- substituèrent à .la machine bureaucratique tions contingentes.
.nouvelle il" a marché selon nos désirs?
cessité vitale d'un redressement économi- et militaire et 1 autotratie et dirigèrent en- Le fait que Trotsky fut battu à ce Con-
NON ! . . . Comment a-t-il donc mârchê ?
que empêchèrent les bolchéviks de recher- suite contre les réactions des classes ex- grès, n'indiqua nullement que la confusion
La machine vous glisse sous la main : on
cher une ligne politique claire quant aux propriées. se trouva dissipée quant au rôle que les
dirait qu'un autre homme la dirige, la -rna-
rapports entre les organes êtatiques et le Quant aux syndicats leur fonction fut syndicats avaient à jouer dans la dictatu-
chine court dans une autre direction que
prelètariat. Non pas qu'ils n'eussent pas altérée dans le processu~ même de dégénê- re prolétarienne. En effet, les thèses du
celle qu'on lui a tracée».
pressenti le péril mortel qui menaçait le rescenc~ de tout l' ~pareil de la di,ctat_ure 3e Congrès de l'I. C. reproduisirent cette
Lénine, en posant comme tâche de
cours de la Révolution. Le programme du prolétarienne. Dans sa « maladie infantile» confusion en marquant, d'une part que :
Be Congrès du Parti russe en mars 1919, « construire le communisme avec des mains
( datant du début de 1920) Lénine souli- t< avant, pendant et après la conquête du
non-communistes » ne faisait que repren-
parlait du danger de la renaissance partiel- gnait toute J'itnportance des syndicats par pouvoir, les syndicats demeurent une or-
dre une des données du problème central
le de la bureaucratie qui s'effectuait à l'in- lesquels « le paru se trouvait intimement qantsation plus vaste, plus massive, plus
à résoudre par la révolution prolétarienne.
térieur du régime soviétique, et cela bien lié avec Ja classe et avec la masse et par générale que le parti et, par rapport à ce
En marquant que 1~ parti avait à diriger
que tout l'ancien appareil bureaucratique lesquels, sous la direction du parti, la dic- dernier, jouent jusqu'à un certain ,point, le
dans la voie tracée par lui, l'économie que
tsariste eût été détruit de fond en comble tature de classe Hait réalisée ». Tout rôle de la circonférence par rapport au
«d'autres» gêraient, il ne faisait qu'oppo-
par les Soviets. Le 9e Congrès de décem- conune avant 1~ conquête du pouvoir « le centre», et aussi que « les communistes et
ser la fonction <lu parti à celle, divergente,
bre 1920 traitait encore de la question bu- Parti se trouvait d'autant plus obli.gé, et .!!-5 éléments sympathisants doivent consti-
de l'appareil étatique.
reaucratique. Et au lOe Congrès, celui de
la NEP, Lénine en discuta longuement La sauvegarde de la Révolution russe et Par les anciennes métl10des et par les nou-
velles, à s'attacher à J' éducation des syn-
tuer à l'intérieur des syndicats des groupe- t
son maintien sur les rails de la Révolution ments communistes entièrement suborâon- )
pour aboutir à cette conclusion : que les dicats, à les diriger sans oublier en mê-
racines économiques de la bureaucratie so-
mondiale n'étaient donc pas conditlonnès i::_es au parti communiste dans son er.sem:- '°
par l'absence de l'ivraie bureaucratique - me temps qu'ils r~staient et r~steraient ~- D'autre part « qu' apres la conquête -
viétique ne s'implantaient pas sur des ba- longtemps l'indispensable « école du com-
excroissance ac-compagnant_inévitablement et l'affermissement du pouvoir ,prolétarien f',
ses militaires et juridiques comme dans munisme», l'école préparatoire des prolé-
la période transitoire - mais par la pré- l'action des syndicats se transporte surtou~
l'appareil bourgeois mais qu'elles partaient taires pour la réalisati~n de leur dictature,
sence vigilante d'organismes prolétariens dans le domaine de }'organisation écono-
des services; que la bureaucratie. si elle l'association indispensable des ouvriers
où pût s'exercer· l'adivité éducatrice du mique ~t ils consacrent presq~e _t~ute: leurs ~ Î
avait repoussé, surtout dans la période du 'Pour le passaqe définitif de toute l'écono-
« communisme de querre», n'avait fait Parti, conservant au travers de I'Ïnterna- forces a la construction de I édifice econo- <
ti.onale la vision de ses tâc:hes internatio- mie du pays. d'abord aux mains de la clas- mique sur les baser; socialistes, devenant -.
qu'exprimer le « côté négatif » de cette se ouvrière ( et non de professions isolées),
nalistes. Ce problème capital, les Bolche- ainsi une véritable école pratique de com-
période, avait été en quelque sorte la ran- Puis <le tous les travailleurs ».
con de la nécessité d'une centralisation ·vi;1<s ne purent le résoudre par suite d'une munisme».
série de circonstances historiques et parce La question du rôle des syndicats prit On sait que, ,par la suite, les syndicats,
dictatoriale donnant la maîtrise au fonc-
qu'ils ne diposaient pas encore du capital de l'ampleur à la' fin de 1920. Trotsky, se
tionnaire. Après une année de « nouvelle non seulement perdirent tout contrôle sur
e:,rpérimental et théorique indispensable. basant sur l'expérience qu'il avait réalisée la direction des entreprises, mais qu'ils de-
,oolitique économique». Lénine au l le
L'écrasante pression des événements con~ dans le doJl'laine des transports, considé-
Conorès, souligna avec Iorce la contradic- vinrent des organismes chargés de pousser
tion historique s'exprimant par l'obligation tingents leur fit perdre de vue l'importance rait iJUe les svndicats devaient être des or- la production et non de défendre les inté-
pour le prolétariat de prendre le pouvoir oue pouvaient représenter la conservation Ç/anismes d'Etat chargés de maintenir la rêts des ouvriers. En «compensation», le
et de l'utiliser dans des conditions d'impré- .s;!_es Soviets et S,Y!ldicats en tant'Au'orga- ) discipline du travail et d'assurer l'organi-
recrutement administratif de i'inqustrie s'o-
'•nisations se juxtaposant à l'Etat et~- ~ sation de la production il allait mê!Ile ius- péra parmi les dirigeants syndlbaux et le
paration idéologique et culturelle : << Nous
"trôlant, mais ne s'y mcorp"Orant pas~ qu' à proposer leur suppression, prétendant
avons en mains un pouvoir 'tJOlitique ab- droit de grève « théorique » fut maintenu,
solurnent suffisant: nous avons aussi des 'ex;périence russe n' démcntrer Que dans un Etat ouvrier, ils faisaient dou-
tandis qu'en fait, les grève10 se heurtaient
ble emoloi avec les orqanes de l'Etat !
ressources économiques suffisantes: mais
l'avant-qarde de la classe ouvrière qui s'est
lancée en avant n'a pas assez de savoir-
dans Que e mesure es Soviets eussent pu
r
,onstHue, suivant expression de Lénine
« l'organisation des travaillèurs et des
La disCtlési0n rebon.dit au lüe Conçirès
du Parti, en mars 1921. sous la pression .
à l'oposÎtion des directions syndicales.
. ...
1042 1043
/ Le critère sûr servant d'appui aux mar- seulement comme-le symptôme du dévelop- l'impréparation politique et culturelle du non résolue. C'est aux fractions marxistes
. xistes pour affirmer que l'Etat soviétique pement de la Révolution mondiale. prolétariat même et l'obligation que le à extraire de la Révolution russe les don-
est 11:11 Etat dégénéré, ~ a perdu toute cours historique lui imposa d'avoir à gérer nées essentielles qui permettront au prolé-
fonction proiétarienne, qui est passé au L'Etat soviétique ne pouvait dépérir dès un Etat. La. solution devait tendre, au con- tariat, dans le flux des révolutions nouvel-
"!iervice du capitalisme mOndlal. · se fonde l'instant où le parti et l'Internationale ne traire, à combler cette contradiction. les, de résoudre les problèmes de la Révo-
J concevaient plus la révolution russe com-

1
sur cette vérification füstori ue ue l'~vo- Mais avec Rosa Luxembourg nous di- lution mondiale et de l'instauration du
lution de tat russe, de 1917 à 1936 me une étape et un chaînon de la révolu- communisme. (A suivre)
sons qu'en Russie la question de la Pie de
,.) -ic;rn de tendre vers le dépérissement de ~ tion mondiale et lui assignaient au contrai- l'Etat prolétarien et de l'édification du
re. la tâche de construire le « Socialisme
~ lui-ci, s'orienta a~ cont~aire ye1:'s s~n: ren- socialisme ne pouvait être que posée et MITCHELL
. forcement, ce qui devait condwre mevita- en un seul pays». Cela explique pourquoi
le ,poids spécifique des organes étatiques -
blement à en faire un instrument de l' op-
pression et de l'exploitation des ouvriers
et l'exploitation des ouvriers russes s'ac-
crurent avec le développement de l'indus-
Calligaris toujours déporté en Russie
russes. On assiste à un phénomène tout à
7
ait nouveau dans l'histoire, résultant d'une trialisation et des forces économiques.
pourquoi la « liquidation des classes » dé-
Sauvons-le !
situation historique sans préc-édent : l'exis-
tence au sein de la Société capitaliste d'un termina non l'éfüaiblassement de l'Etat,
Etat prolétarien basé sur la ,collectivisntion mais son renforcement, s'exprimant par le Nous sommes sans nouvelles de notre camarade. Les bourreaux centristes
des moyens de production, mais où se vé- rétablissement des trois forces formant la laisseront-ils donc un jour échapper leur proie? Les bonzes du parti itaflen ont-ils
rifie un processus social déterminant une charpente de l'Etat bourgeois : la bureau- l'intention de nous permettre seulement de ramener en Europe un cadavre? Crions
cratie, la police et l'armée permanente_ donc encore une fois que Calligaris est· tuberculeux et à un degré très élevé. Le
exploitation effrénée de la force de travail,
sans que cette exploitation puisse être rat- Ce phénomène social n'apporte dans la climat de Sibérie, les privations qu'on lui impose, le tuent aussi sûrement que la
tachée à la domination d'une classe pos- moindre mesure, la démonstration que la prison la plus- infecte.
sédant des droits juridiques sur la oroduc- théorie marxiste est fausse, qui fonde la
Le centrisme considère-t-il Calligaris comme un témoin tellement gênant de ce
tion ét y exerçant son initiative. Ce « pa- révolution prolétarienne sur la collectivi-
qui se passe en Russie qu'il ne voit d'autre moyen que de le supprimer? Qu'il parle
radoxe » social ne veut, d'après nous, être sation des forces productives et sur la né- enfin. Que l'on sache ce qu'il veut. La comédie de la « punition » de Calligaris a
expligué par f'âffirmation d~xi~ cessité de l'Etat transitoire et de la dicta- assez duré: c'est sur la. tragédie de la vie que fui fait le centrisme qu'il faut s'ex-
d_'une bureaucratie érigée en Classec]omi.::. ture du prolétariat. Ce phénomène est seu-
f ~ (deux notions qui s'exclue.nt réci'Pr0,.. leillent le fruit amer d'une situation histo-
quement du point de vue du matérialisme rique qui empêche les bolchéviks et l'Inter-
pliquer. Calligaris veut quitter le pays de Stackhanov. Il veut rejoindre ses frères,
de lutte, dans le pays de son choix et 11011 être remis entre les mains de Mussolini.
historique); mais il ne ,peut être que ~ nationale d'asservir l'Etat à une politique L'Union Soviétique, qui confine un pro lé taire aux bornes de la Sibérie pour tuer
pression d'une politiq~ qui livra l'Etat internationaliste, qui fit d'eux, au contraire, en lui tout internationalisme prolétarien, veut-elle l'obliger à préférer Je bagne
1 russe à l'emprise de la loi d'évolution ·du les serviteurs de l'Etat contre le prolêta-
capitalism_e mondial aboutissant à la querre / riat, en les engageant dans ·ta voie du
du fascisme italien à ses isolateurs de Sibérie? C'est donc là le but des bureau-
crates c·entristes qui disent à Mariottini et bien avant à Calligaris: << Si tu veux
impérialiste. Au chapitre consacré à 13 ges- socialisme nntionàr-t;es- bokneviks ne .par- quitter la Russie, va à l'ambassade italienne ». Ainsi on pourra toujours monter
tion de. l'économie prolétarienne, nous re- J vinrent pas, au travers des difficultés gi- une histoire de provocation.
viendrons sur l'aspect concret de cette ca- gantesques gui les assaillaient, à fo~
une ,politique qui les eut ,Pré.m~ La libération de Victor Serge à la suite d'une campagne menée par différents
ractéristique essentielle de la dégénérescen-
c n us10 m s e a llf entre I appareil mil>ieux, doit nous encourager à exiger, plus tort que jamais, la libération de Cal-
ce de l'Etat soviétique, en vertu de laquelle
étatioue e répression, q e aurai u Hg aris, la possibilité pour Mariottini de quitter la Russie pour le pays de son
le prolétariat russe se trouve être la proie, choix.
être dirigé seulement contre les classes dé-
non d'une classe exploiteuse · nationale.
mais de la classe capitaliste mondiale; un J possédées) .et les organï"sations de classe Dans les syndicats de France, de Belgique, nos camarades, les communistes
tel rapport économique et politique con- du prolétariat qui auraient dû exercerteiir -qui savent ce que signifie la solidarité prolétarienne, poseront le cas de l'ouvrier
tient évidemment toutes les prémices capa- < rcontrôle sur la gestlon administrative ~e Calligaris, cet émigré italien prisonnier du régime soviétique et qui, après avoir
bles demain, dans la tourmente de la guer- ..l'.t.conomie. La disparition de ces orqams- souffert dans les prisons d'Italie, apprend à souffrir moralement et physiquement
re impérialiste, de provoquer la restaura- mes obligea l'Etat ,prolétarien, sur _la bas~
dans le pays de la révolution d'Octobre.
de la réalisation du programme national, a
tion du capitalisme en Russie, si le proléta-
diriger ses organes répressifs aussi bien Nous ne savons si la Conférence du Droit d'Asile, qui s.e tiendra à Paris d'ici
riat russe, avec l'aide du prolétariat inter-
contre le prolétariat que contre la bour- peu, verra quelques délégués poser le problème du Droit d' Asilie en Russie. Mais
national. ne parvient pas à balayer les
geoisie, afin d'assurer la maff~e de l'ap- aux centristes et socialistes qui en sont les initiateurs nous tenons, dès aujour-
forces qui l'auront ,précipit,é dans le mas-
pareil économique. !,'Etat, « eau inévita- d'hui, à dire qu'ils s'enlèvent toute possibilité réelle de lutter pour la défense de
sacre.
Tenant compte des considérations que ble » se retourna contre les ouvrters bien ::,, l'ouvrier émigré de France ou de Belgique, tant qu'ils tolèreront que des ouvriers
nous avons énoncées quant aux conditions 1 que le maintien nécessaire ~ émigrés soient persécutés et emprisonnés en Russie pour « dél-it d'opinion >>, en
et à l'ambiance historique dans lesquelles d'autorité » pendant la période transltoire réalité pour opinions internationalistes.
naît l'Etat ,prolétarien, il est évident que le p'impliquât nullement l'exercice de la con- Calligaris, Mariottini et tous les autres doivent pouvoir quitter librement la
dépérissement de celui-ci ne peut se con- trainte bureaucratique.
cevoir en tant que manifestation autonome, Précisément, le problème consistait à ne Russie. Nous demandons à tous les groupes communistes de nous aider pour obte-
se limitant à des cadres nationaux, mais pas approfondir le décalage existant entre nir ce résultat.
r ~..:..

1044

Victor Serge hors des griffes du centrisme


C'est avec 101e que notre fraction a salué la libération de Victor Serge qui, la
tête haute, sans avoir capitulé devant la bureaucratie soviétique, est venu prendre
place dans les rangs du prolétariat révolutionnaire des pays d'Occident. Un parmi
tant de communistes de gauche qui gisent aujourd'hui dans les prisons, les lieux
de déportation où ils sont meurtris par les répressions, est enfin parmi nous.
Victor Serge n'a pas oublié les grand es tâches qui lui incombent du fait de
sa libération. Quelques jours après son arrivée-à Bruxelles, il écrivait une lettre
émouvante à l a cc Révolution Prolétarienne » dont nous extrayons ce passage :
1

cc J'ai laissé derrière moi, en Russie, une foule de militants durement, indéfi-
niment, implacablement persécutés pour le seul cc crime de pensée », parce qu'ils
ne vivent que pour la révolution. 1 ls remplissent les prisons, les camps de concen-
tration, les lieux de déportation. Ils y meurent. J'apporte la nouvelle de lia mort
de l'un des communistes opposants les plus doués et les plus courageux. J'ai quitté
ces hommes avec une tristesse sans bornes; je me suis arraché d'eux, mais ce ne
doit être là qu'un arrachement physique: de toute mon âme, je reste et resterai.
avec eux. Je ne veux pas, en ce moment, distinguer entre eux des tendances et des
idéologies: ils représentent tous le droit de penser dans la révolution, la dignité
humaine dans le socialisme. 11· faut penser à eux, sans cesse ».
Qui donc plus que le camarade Serge sera qualifié pour rappeler sans répit
aux travailleurs de ces pays qu'ils ont un devoir sacré de solidarité prolétarienne
à remplir; qui mieux que lui pourra être l'interprète d'ouvrier,s révolutionnaires
qui, dans les prisons de Russie, attendent de la solidarité internationale un adou-
cissement de leur sort? Nous sommes con vaincus que Victor Serge, dont on connaît
la grande probité, mettra son talent littéraire tout entier au service de cette cause.
Nous saluons donc sa venue en Europe occidentale et en lui nous saluons les
· révolutionnaires russes dont il a partagé la vie de souffrances.
Nous ne doutons pas que Serge sera parmi ceux qui s'efforceront de compren-
dre ou de vouloir comprendre la leçon des terribles événements russes. Les trois
années de déportation qu'il passa à Orenbourg auront sans doute été mises à
profit par lui pour préparer une riche contribution à l'étude du problème capital
de notre époque: celui de la révolution prolétarienne, de l'Etat prolétarien, de
leur devenie
Certes, nous n'ignorons pas que des divergences très nettes se manifesteront
entre les positions de notre traction et celles que le camarade Serge exprimera
au nom des emprisonnés communistes de Russie qui prennent comme étendard
Trotski. Mais, pourvu que l'on veuille discuter, que l'on puisse discuter et la con-
frontation des positions s'avèrera d'une utilité colossale, car elle ne fera qu'expri-
mer la confrontation des expériences du proletariat italien, qui gît aujourd'hui
sous la botte fasciste, mais dont les cadres de communistes de gauche se forgent
dans les prisons et aux îles; et les expériences douloureuses du prolétariat russe
dont le centrisme a fracassé la nuque avec la théorie du socialisme en un seul pays.
Victor Serge est un représentant authentique de tous ceux qui tiennent haut
et ferme le drapeau de l'internationalisme prolétarien en Russie et c'est pourquoi
nous espérons et lui souhaitons fraternell'ement d'avoir la force d'échapper aux
aventures de ceux qui construisent des partis et des Internationales à tour de bras,
afin de préserver le capital politique, élaboré dans les souffrances de tant de pri-
sons et de camps de concentration, d'une dilapidation dangereuse.
Victor Serge est libre, mais il faut maintenant lutter pour tous ceux qui restent
et qui attendent tout de la solidarité des prolétaires du monde entier.
EN VENTE A LA LIBRAIRIE DU TRAVAIL
17, rue Sambre-et-Meuse, Paris

Rosa LUXEMBOURG:
L'Accumulation du Capital (tome 1) 12.00

De l'Union Sacrée à Zimmerwald


par A. Rosmer Prix : 45 fr.

LISTE DE SOUSCRIPTIONS:
Report N° 26 1,035,70
LISïE 1.:0 25 (PARIS). - Un camarade
paysan, 15; Rebbio, 5.50; Dora, 1 ; Larina
saluaut Dario, 3; Pino, pour la révolution
prolétarienne, 70; Bruno D., 10; Gigi, 10.
- ïot2I 114,50

1,150.20

La Ligue des Communistes Internationalistes de


Belgique vient d'éditer la brochure de Rosa Luxem-
bourg, « Grève Générale, Part], .Syndicats». Prix:
3 francs. Elle est en vente à la Cibrairie du Travail, •
à la Librairie de la Farfalla, près des camarades de
l'Union Communiste et de notre Fraction.

La l igue des Communistes Internationalistes de


Belgique met en vente son Cahier d'Etudes n° 2:
« Les Problèmes de la Guerre », par Gehan. Prix:
fr. 2.50. S'adresser à A, Hennaut, 468, chaussée de
Waterloo, Bruxelles.

11
Bilan" est en vente
PARIS (FRANCE)
Librairie Farfalla, 260, Faubourg Saint-Antoine.
Libraire du '11rn.vail, 17, rue Sambre-et-Meuse.
Librairie Corti, 6, rue de Clichy, (9e).
Kiosque: 7, Boulevard Saint-Michel.
Kiosque: 47, Boulevard Saint-Michel.
Kiosque: Place de la. République (coin rue de la Douane).
BRUXELLES (BELGIQUE)
Kiosquc : Place de la Chapelle.

Les Arts Grnphiques, s, e., ~01, chaussée de Haccht, Bruaelles-g. Gér J. Vao Trier

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