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« La Vénus anadyomène », Les Cahiers de Douai, Rimbaud, 1895

Comme d’un cercueil vert en fer blanc, une tête


De femme à cheveux bruns fortement pommadés
D’une vieille baignoire émerge, lente et bête,
Avec des déficits assez mal ravaudés ;

Puis le col gras et gris, les larges omoplates


Qui saillent ; le dos court qui rentre et qui ressort ;
Puis les rondeurs des reins semblent prendre l’essor ;
La graisse sous la peau paraît en feuilles plates ;

L’échine est un peu rouge, et le tout sent un goût


Horrible étrangement ; on remarque surtout
Des singularités qu’il faut voir à la loupe…

Les reins portent deux mots gravés : Clara Venus ;


– Et tout ce corps remue et tend sa large croupe
Belle hideusement d’un ulcère à l’anus.

Rappels sur la forme fixe du sonnet


Le sonnet a été introduit en France par Clément Marot qui, depuis la ville de Lyon, s’inspire de la culture et
renaissance italiennes où il puise son inspiration, notamment dans le Canzoniere de Pétrarque en 1538. Le sonnet
devient rapidement la forme privilégiée du poète amoureux.
Il comporte deux quatrains (à l’origine un huitain sur rimes croisées) et un sizain scindé en deux tercets. Les vers
étaient, tout d’abord, des décasyllabes, puis Ronsard fit de l’alexandrin un usage.
Il existe deux types de sonnet : le sonnet dit italien, caractérisé par des rimes embrassées / suivies / embrassées
(ABBA ABBA CCD EED) et le sonnet dit français, caractérisé par des rimes embrassées / suivies / croisées (ABBA
ABBA CCD EDE).
Le sonnet se définit également par la subtilité de sa narration. La volta correspond, en effet, à un tournant ou
renversement qui s’opère entre les quatrains et les tercets. De même, la pointe – ou chute – instaure dans le dernier
vers un ultime retournement qui se traduit par un effet de surprise.
Ces éléments sont à prendre obligatoirement en compte dans votre analyse.

 Pour guider votre analyse, demandez-vous en quoi les attentes avec le topos de la Vénus anadyomène
sont déjouées.
Ainsi, la problématique suivante guidera l’analyse : dans quelle mesure Rimbaud, par ce sonnet qui rompt avec la
tradition pétrarquiste, propose-t-il une écriture poétique provocante ?
Voici les mouvements qui vous guideront dans l’analyse :
1. Deux quatrains : une description de Vénus qui déjoue les codes du topos de la Vénus anadyomène
2. 1e tercet : le poète attire l’attention du lecteur / spectateur sur un détail énigmatique
3. 2e tercet : le déplacement de la volta présente une chute provocante
« Roman », Les Cahiers de Douai, Rimbaud, 1895

Distinguez les idées principales proposée par Baudelaire, puis définissez le « génie » d’après Baudelaire.

« Supposez un artiste qui serait toujours, spirituellement, à l’état du convalescent […].

Or, la convalescence est comme un retour vers l’enfance. Le convalescent jouit au plus haut degré, comme l’enfant,
de la faculté de s’intéresser vivement aux choses, même les plus triviales en apparence. Remontons, s’il se peut, par
un effort rétrospectif de l’imagination, vers nos plus jeunes, nos plus matinales impressions, et nous reconnaîtrons
qu’elles avaient une singulière parenté avec les impressions, si vivement colorées, que nous reçûmes plus tard à la
suite d’une maladie physique, pourvu que cette maladie ait laissé pures et intactes nos facultés spirituelles. L’enfant
voit tout en nouveauté ; il est toujours ivre. Rien ne ressemble plus à ce qu’on appelle l’inspiration, que la joie avec
laquelle l’enfant absorbe la forme et la couleur. J’oserai pousser plus loin ; j’affirme que l’inspiration a quelque
rapport avec la congestion, et que toute pensée sublime est accompagnée d’une secousse nerveuse, plus ou moins
forte, qui retentit jusque dans le cervelet. L’homme de génie a les nerfs solides ; l’enfant les a faibles. Chez l’un, la
raison a pris une place considérable ; chez l’autre, la sensibilité occupe presque tout l’être. Mais le génie n’est que
l’enfance retrouvée à volonté, l’enfance douée maintenant, pour s’exprimer, d’organes virils et de l’esprit
analytique qui lui permet d’ordonner la somme de matériaux involontairement amassée. C’est à cette curiosité
profonde et joyeuse qu’il faut attribuer l’œil fixe et animalement extatique des enfants devant le nouveau, quel qu’il
soit, visage ou paysage, lumière, dorure, couleurs, étoffes chatoyantes, enchantement de la beauté embellie par la
toilette. »

— Le Peintre de la vie moderne, Baudelaire, 1869

 En quoi peut-on associer la théorie de Baudelaire à Rimbaud ?

I Qui palpite là, comme une petite bête...

On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans. III

— Un beau soir, foin des bocks et de la limonade, Le cœur fou robinsonne à travers les romans,

Des cafés tapageurs aux lustres éclatants ! — Lorsque, dans la clarté d'un pâle réverbère,

— On va sous les tilleuls verts de la promenade. Passe une demoiselle aux petits airs charmants,

Sous l'ombre du faux col effrayant de son père...


Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !

L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière ; Et, comme elle vous trouve immensément naïf,

Le vent chargé de bruits — la ville n'est pas loin — Tout en faisant trotter ses petites bottines,

A des parfums de vigne et des parfums de bière... Elle se tourne, alerte et d'un mouvement vif...

II — Sur vos lèvres alors meurent les cavatines...

— Voilà qu'on aperçoit un tout petit chiffon IV

D'azur sombre, encadré d'une petite branche, Vous êtes amoureux. Loué jusqu'au mois d'août.

Piqué d'une mauvaise étoile, qui se fond Vous êtes amoureux. — Vos sonnets La font rire.

Avec de doux frissons, petite et toute blanche... Tous vos amis s'en vont, vous êtes mauvais goût.

— Puis l'adorée, un soir, a daigné vous écrire !...


Nuit de juin ! Dix-sept ans ! — On se laisse griser.

La sève est du champagne et vous monte à la tête... — Ce soir-là..., - vous rentrez aux cafés éclatants,

On divague ; on se sent aux lèvres un baiser Vous demandez des bocks ou de la limonade...
— On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade.

« Ma Bohème », Les Cahiers de Douai, Rimbaud, 1895

Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;


Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Oh ! là là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !

Mon unique culotte avait un large trou.


— Petit Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse ;
— Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou.

Et je les écoutais, assis au bord des routes,


Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;

Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,


Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur !

Voici quelques pistes de réflexion qui guideront vos analyses et interprétations :


 Les enjeux du lyrisme
 La liberté du poète : une poésie de l’errance
 Une ironie et une distance critique à l'égard des anciennes formes de poésie
Attention, ce ne sont pas des mouvements !
« Une nuit », Gaspard de la Nuit, Aloysius Bertrand, 1842

J’ai rêvé tant et plus, mais je n’y entends note.


Pantagruel, livre III.

Il était nuit. Ce furent d’abord, — ainsi j’ai vu, ainsi je raconte, — une abbaye aux murailles lézardées par la lune, —
une forêt percée de sentiers tortueux, — et le Morimont1 grouillant de capes et de chapeaux.

Ce furent ensuite, — ainsi j’ai entendu, ainsi je raconte, — le glas funèbre d’une cloche auquel répondaient les
sanglots funèbres d’une cellule, — des cris plaintifs et des rires féroces dont frissonnait chaque feuille le long d’une
ramée, — et les prières bourdonnantes des pénitents noirs qui accompagnent un criminel au supplice.

Ce furent enfin, — ainsi s’acheva le rêve, ainsi je raconte, — un moine qui expirait couché dans la cendre des
agonisants, — une jeune fille qui se débattait pendue aux branches d’un chêne, — et moi que le bourreau liait
échevelé sur les rayons de la roue.

Dom Augustin, le prieur défunt, aura, en habit de cordelier, les honneurs de la chapelle ardente ; et Marguerite, que
son amant a tuée, sera ensevelie dans sa blanche robe d’innocence, entre quatre cierges de cire.

Mais moi, la barre du bourreau s’était, au premier coup, brisée comme un verre, les torches des pénitents noirs
s’étaient éteintes sous des torrents de pluie, la foule s’était écoulée avec les ruisseaux débordés et rapides, — et je
poursuivais d’autres songes vers le réveil.

1. C’est à Dijon, de temps immémorial, la place aux exécutions.

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