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COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL II – Année universitaire 2023-2024

Licence 1ère année Droit fondamental – Semestre 2, Groupe B et Science Politique


Par
Pr Marcelin NGUELE ABADA, assisté par Dr Eric SIMO et Dr Achille Magloire NGAH

CHAPITRE I : SÉPARATION DES POUVOIRS ET RÉGIMES POLITIQUES


Le principe de la séparation des pouvoirs émerge progressivement en Angleterre,
puis aux USA et en France. Ce sont John Locke et Montesquieu qui vont, les premiers, en
faire une présentation théorique. Il existe plusieurs modèles d’aménagement des pouvoirs : un
modèle dit « souple » ou régime parlementaire et un modèle dit « strict » ou régime
présidentiel. Il n’en demeure pas moins que ces différents modèles connaissent un certain
nombre d’infléchissements en pratique, tenant notamment à une nécessaire collaboration des
pouvoirs. C’est la raison pour laquelle, il convient tout d’abord de présenter les origines et les
contours théoriques du principe (Section 1) , avant de mettre en valeur ensuite l'aménagement
contemporains des pouvoirs (Section 2).

Section 1 : Théorisation de la séparation des pouvoirs


Il faut d’abord envisager l’apport de l’expérience constitutionnelle anglaise à
l’édification de la théorie ; théorie qui fut ensuite systématisée deux auteurs majeurs.

& 1 – Les origines historiques de la séparation des pouvoirs

Dans l’histoire constitutionnelle britannique, le principe de séparation des pouvoirs a


pu trouver son origine dans la recherche constante d’une limitation des pouvoirs du
monarque. En 1066 environ, un système de monarchie absolue caractérise l’Angleterre. Mais
progressivement, la noblesse (Conseil du roi) va de moins en moins supporter les
manifestations du pouvoir arbitraire que le roi exerce sur elle. On comprend dès lors
pourquoi, au début du XIIIème siècle, Jean-sans-Terre sera fait prisonnier par les barons, le
contraignant ainsi à s’engager à respecter un pacte établissant les droits et les devoirs
réciproques du roi et de ses vassaux. Cela se traduit par la mise en place de la Grande Charte
( Magna Carta) en 1215 : elle prévoit notamment qu’aucune contribution ne serait payée par
les nobles ou par le clergé s’ils n’avaient donné leur approbation ; en cas de litige entre le roi
et l’un de ses vassaux, un tribunal arbitral, composé des plus hauts barons, devrait statuer.
Au cours du XIVème siècle, un Parlement divisé en deux chambres est consacré (le
Grand Conseil qui affirme progressivement son pouvoir financier et son droit d’initiative
législative ; réunion des représentants de la petite noblesse et des communes dans le cadre
d’une assemblée séparée, ancêtre de la Chambre des communes). Jusqu’au XV ème siècle, le
Grand Conseil (désormais Chambre des Lords), conserve une autorité certaine dans un
Parlement qui partage de plus en plus le pouvoir législatif avec le monarque. Il faut dire tout
de même que les actes importants restent pris sous l’initiative du pouvoir royal. Au XVIème
siècle, les rois d’Angleterre continuent d’exercer un pouvoir quasi absolu mais conservent le
Parlement, instrument d’opposition très efficace.

Après un certain nombre de troubles et de contestations du pouvoir royal, de 1685 à


1688, une seconde Charte des droits est adoptée en 1689, garantissant de nouveaux droits au
Parlement et étendant les libertés individuelles (Bill of rights). Le roi ne pouvait plus par
exemple suspendre l’application des lois sans le consentement du Parlement ou entretenir une
armée permanente. De ce point de vue, la coutume faisant participer le parlement au pouvoir
législatif devenait un droit absolu.

Le pouvoir royal fut encore limité par l’« Acte d’établissement » (Act of Settlement)
de 1701, qui consacra notamment le consentement du parlement avant toute déclaration de
guerre, l’indépendance des juges à l’égard de l’exécutif à travers la garantie d’inamovibilité,
et l’obligation de contreseing des décisions royales par un membre du Conseil privé. Cette
dernière disposition postulait ainsi l’existence d’un principe de responsabilité tendant à
garantir que l’action des gouvernants reste dans les limites de la loi.
Ces deux derniers textes limitent de façon considérable le pouvoir royal : il n’est plus
le détenteur exclusif de la direction des affaires du royaume. De plus, elles consacrent la place
du Parlement au sein du régime britannique ; régime qui ne se transformera en régime
parlementaire qu’au milieu du XVIIIème siècle, lorsque s’établira la coutume selon laquelle le
gouvernement doit avoir la confiance de la majorité parlementaire. Cela étant, dès la fin du
XVIIème siècle, l’émergence d’une séparation des pouvoirs exécutif et législatif octroie ainsi
à l’Angleterre son premier véritable régime constitutionnel. Cette longue émergence
historique de la séparation des pouvoirs va être théoriquement consacrée par deux auteurs,
l’un anglais et l’autre français.

& 2 – Les théoriciens de la séparation des pouvoirs


La théorie de la séparation des pouvoirs a été principalement initiée par un auteur
anglais, John Locke, puis systématisée par Montesquieu à partir de l’expérience anglaise.

A) L'invention par John Locke


Celui-ci publie en 1690, l’Essai sur le gouvernement civil. C’est la justification
théorique de la révolution anglaise de 1688. Cet auteur pose les bases d’une théorie classique
de la séparation des pouvoirs qui sera, comme on le verra, développée en France par
Montesquieu. Selon lui, trois pouvoirs doivent être distinguées dans l’Etat : législatif, exécutif
et « fédératif ». Pour ce qui concerne ce dernier pouvoir, il est chargé de régler les rapports de
l’Etat avec les puissances étrangères. Il est confié, comme le pouvoir exécutif, à l’Etat ou au
roi qui le représente. Le pouvoir législatif revient cependant à la société ; pouvoir qui est
exercé par le parlement, avec notamment pour rôle de veiller au respect des droits et libertés.
Pour que le système apparaisse effectif, les lois doivent quotidiennement être appliquées :
c’est la fonction qui est alors dévolue à un pouvoir exécutif séparé et subordonné au pouvoir
législatif.

B) La systématisation par Montesquieu (Charles-Louis de Secondat)


Sa conception est exposée dans l’Esprit des lois, publié en 1748 ; ouvrage dans
lequel il reprend le concept de séparation des pouvoirs tel qu’exposé par John Locke, à la
lumière de l’histoire constitutionnelle anglaise. Montesquieu affirme l’existence de trois
pouvoirs séparés : le législatif qui fait les lois, l’exécutif qui les applique de manière générale
et le judiciaire qui les applique de manière particulière. Chacun des trois pouvoirs doit être
attribué à un organe distinct et indépendant des deux autres. De ce point de vue, la « puissance
législative » est exercée par des représentants, la « puissance exécutive » par un monarque et
la « puissance de juger » par des « gens ordinaires » ; mais cette dernière fonction est conçue
de façon restrictive par l’auteur, qui considère les juges comme les « bouches de la loi ».
Deux points fondamentaux peuvent être tirés de la théorie de Montesquieu : il donne
tout d’abord à la théorie de la séparation des pouvoirs sa formulation moderne en substituant
au pouvoir « fédératif » de Locke un pouvoir judiciaire, détaché de l’exécutif. Il affecte
ensuite à cette division une fonction précise, qui est de garantir la liberté politique. Il affirme
en ce sens que : « les pouvoirs se limitant les uns les autres, la liberté c’est-à-dire le
gouvernement fondé sur la loi, deviendrait possible ». Il entend ainsi soutenir, à partir de la
situation observée en Angleterre, qu’un régime de liberté dépend de la consécration mais
aussi du respect effectif de cette séparation des pouvoirs. C’est à condition que chaque
pouvoir puisse défendre en permanence ses prérogatives, que « le pouvoir arrêtant le
pouvoir », le gouvernement restera modéré. Les transpositions ultérieures du principe de
séparation des pouvoirs révéleront la difficulté à faire fonctionner un modèle « pur ».

Section 2 : Typologie des principaux régimes politiques


La situation contemporaine conduit au dépassement des modèles originels et à une
présentation imprégnée de pragmatisme des systèmes de séparation des pouvoirs. Ainsi, les
notions de régime parlementaire ou présidentiel, tirés des systèmes de séparation dite
« souple » ou « rigide » des pouvoirs ne correspondent plus aux modèles « purs initiaux ». Si
l’on a parfois parlé du déclin du principe de séparation des pouvoirs, il n’en reste pas moins
qu’il continue de faciliter la compréhension des cadres contemporains d’aménagement du
pouvoir.

Dès lors, il est possible de dégager trois situations d’aménagement des pouvoirs :
selon que la séparation définit un régime parlementaire, un régime présidentiel, ou bien
s’efface devant un phénomène de hiérarchisation des pouvoirs.
Citer pour rappel l’article 16 DDHC : « Toute société dans laquelle la garantie des
droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de
Constitution ».

& 1 – Le régime parlementaire ou la séparation souple des pouvoirs


L’apparition des régimes parlementaires remonte au XVIIIème siècle en Angleterre
et au XIXème siècle en France, et ce en réaction à l’absolutisme monarchique. Malgré leur
diversité, ils reposent sur certain nombre d’éléments communs : le principe initial de la
séparation dite « souple » des pouvoirs. Cela implique une collaboration des pouvoirs
législatif et exécutif s’accompagnant de moyens d’action réciproques, permettant à chacun de
remettre en cause l’existence de l’autre (capacité de destruction réciproque).

A) Interdépendance des fonctions et moyens d’action réciproques


Il existe une interdépendance des fonctions dans le cadre d’un régime parlementaire :
même si législatif et exécutif sont dotés chacun de fonctions spécifiques, chacun peut être
amené à participer à la fonction exercée par l’autre. Le gouvernement peut jouir, notamment,
de l’initiative des lois et le parlement contrôler l’action gouvernementale.

Sur le plan institutionnel, le système parlementaire suppose un exécutif bicéphale ou


dual, divisé entre un chef de l’Etat et un chef du gouvernement. Dans cette perspective, le
chef de l’Etat est politiquement irresponsable ; quant au gouvernement, il assume devant le
parlement notamment par le biais du contreseing ministériel, la responsabilité des actes de
l’exécutif. En contrepartie de cette responsabilité politique (motion de censure ou question de
confiance), l’exécutif dispose d’un droit de dissolution, caractéristique essentielle du
parlementarisme. C’est la possibilité d’usage davantage que l’usage effectif de ces moyens de
destruction réciproque qui permet au système parlementaire de fonctionner (caractère
dissuasif : menace d’utilisation) Ce sont des moyens de pression, obligeant à une
collaboration bien comprise entre les pouvoirs.

B) Parlementarisme moniste et parlementarisme dualiste


C’est cette opposition qui est d’abord apparue dans l’histoire constitutionnelle. Dans
le régime parlementaire moniste, le chef de l’Etat ne détient pas de pouvoir autonome lui
permettant de jouer un véritable rôle politique. Le gouvernement n’est donc responsable que
devant le parlement, expression prééminente du pouvoir, conformément au parlementarisme
classique. La plupart des régimes parlementaires européens peuvent aujourd’hui être assimilés
à des régimes monistes.
Il n’en reste pas moins qu’historiquement, c’est la forme dualiste du régime
parlementaire qui a d’abord prévalu, dans la mesure où celui-ci se développait souvent dans le
cadre de monarchies constitutionnelles impliquant un partage du pouvoir entre le roi et le
parlement. Dans cette hypothèse, le gouvernement apparaît doublement responsable : non
seulement devant la représentation nationale, mais également devant le chef de l’Etat, qui est
ainsi amené à jouer un rôle politique effectif. Dans ce type de régimes des conflits entre
pouvoirs publics constitutionnels peuvent s’avérer fréquents, entraînant notamment
l’instabilité ministérielle voire un blocage des institutions. Le parlementarisme dualiste a pu
se rencontrer en GB, en Belgique ou en France notamment au XVIIIème ou au XIXème siècle.
C’est par exemple le système qui se met en place en France sous la monarchie de juillet en
application de la Charte du 14 août 1830.

C) Parlementarismes européens : rationalisés et majoritaires


Il s’agit ici d’une forme plus moderne de parlementarisme, par opposition au
parlementarisme classique. Pour mettre un terme à l’instabilité ministérielle, certains Etats
comme l’Allemagne ou la France vont mettre en place dans leurs Constitutions des
mécanismes visant à éviter des conflits institutionnels. Il s’agit de ce point de vue de
mécanismes de « rationalisation » du parlementarisme : ils tendent soit à permettre au
gouvernement, lors de sa formation, de s’assurer du soutien d’une majorité parlementaire
(investiture, vote de confiance), soit à limiter les possibilités de mise en jeu de la
responsabilité ministérielle (encadrement strict des initiatives et votes de censure).
La rationalisation vise grosso modo à limiter le jeu naturel des principaux
mécanismes du parlementarisme pour éviter les dérives du système et l’instabilité
gouvernementale. Cela implique dès lors une régulation souvent tatillonne des rapports entre
gouvernement et parlement (censure constructive en Allemagne ; exigences de délais de
réflexion ou de majorités qualifiées au parlement en France). Evoquer aussi l’aspect efficacité
de l’action gouvernementale de la rationalisation (maîtrise de la procédure législative par le
gouvernement en France notamment).
Parlementarisme majoritaire. Il s’agit essentiellement de régimes parlementaires
primo-ministériels avec une prépondérance des chefs de gouvernement respectifs (GB avec le
premier ministre, Allemagne fédérale avec le chancelier ou encore Espagne avec le président
du gouvernement). Si les éléments d’équilibre des systèmes parlementaires y figurent
toujours, ces derniers ont peu de chance de fonctionner dès lors que l’on est présence de
gouvernements dits de législature (gouvernement soutenu par sa majorité à la chambre basse,
durant la totalité du mandat de cette dernière). Cette prééminence est néanmoins compensée
par l’existence d’un véritable contrôle démocratique de la fonction gouvernementale
(questions parlementaires avec débat, commissions spéciales d’enquête, existence dans
certains cas d’une Cour constitutionnelle comme en Allemagne ou en Espagne). Au-delà du
jeu des différents modes de scrutins (bipartisme britannique par exemple), la stabilité et
l’efficacité de l’action gouvernementale y sont également assurées par les mécanismes de
rationalisation du régime parlementaire (vote de défiance constructif enAllemagne ou
mécanisme de censure constructive en Espagne).
Approfondir avec deux exemples précis : Grande Bretagne d’une part et Allemagne
d’autre part.
- Premier ministre et gouvernement de cabinet en Grande-Bretagne
La règle dans le régime britannique est que le PM et les autres membres du
gouvernement (le Cabinet) soient toujours issus du parti ou de la coalition vainqueur des
élections à la Chambre des communes. La coutume constitutionnelle impose ainsi à la Reine
d’Angleterre de choisir, comme Premier ministre, le chef de ce parti ou de cette coalition.
De nombreux facteurs politiques et institutionnels contribuent à renforcer la position
prépondérante du Premier ministre. Comme chef de la majorité, il bénéficie d’une autorité
certaine sur le gouvernement et la Chambre des communes ; autorité qui peut aller de pair
avec la popularité du titulaire de la fonction (Margaret THATCHER ou John MAJOR par
exemple). Il bénéficie presque toujours du soutien inconditionnel de sa majorité, facilité par le
système à dominante bipartiste.
Cette personnalisation du pouvoir était d’autant plus marqué que le PM britannique
pouvait avoir un usage stratégique du droit de dissolution. Il pouvait ainsi permettre à ce
dernier de provoquer des élections à un moment favorable pour son parti, ou d’obtenir le
soutien de l’électoral sur un changement majeur de politique gouvernementale. Ce recours à
la dissolution est désormais rendu difficile depuis l’adoption de la loi du 15 septembre 2011,
qui prévoit notamment une périodicité fixe pour les élections législatives. Il est vrai que le
texte laisse la possibilité à la Chambre des communes, par un vote à la majorité des deux tiers
de ses membres, d’adopter une motion prévoyant des élections législatives anticipées.
Ce déséquilibre entre les pouvoirs est tout de même tempéré par l’existence de
moyens d’action parlementaire en matière de contrôle du gouvernement. Il en est ainsi du
développement des questions parlementaires, à une d’une heure les quatre premiers jours de la
semaine. Tous les mercredi après-midi, le PM répond lui-même, et pendant trente minutes,
aux questions les plus diverses des membres de la Chambre des communes.
Il faut ailleurs évoquer les Commissions spéciales d’enquête (Select Committees) :
elles sont assistées d’experts professionnels afin d’analyser systématiquement l’activité des
départements ministériels. On en compte une quinzaine à ce jour, correspondant aux
principaux domaines de l’action gouvernementale. Elles assurent un contrôle systématique et
continu : elles peuvent citer des témoins à comparaître, recueillir toute preuve et demander
l’accès à toute information nécessaire. Elles sont compétentes pour adresser toute
recommandation à la Chambre. En pratique, elles exercent une réelle influence à la fois sur les
débats parlementaires (facilitant la tâche de l’opposition) et sur la réflexion gouvernementale.
Mise en jeu de la responsabilité du gouvernement par la Chambre des communes :
par une motion de défiance ou si un projet considéré comme essentiel par le gouvernement et
à propos duquel il a demandé la confiance est rejeté. Ce mécanisme est tout de même
d’utilisation difficile : seules deux motions de défiance sont intervenues à ce jour (1924,
contre le gouvernement de Ramsay Mc Donald ; 28 mars 1979, à une voix de majorité, contre
le gouvernement du travailliste James Callaghan).
On peut enfin souligner l’institutionnalisation du rôle de l’opposition : le chef de
l’opposition est un personnage officiel doté d’un statut politique et financier (rémunération,
prérogatives d’information, relative association à la marche des affaires publiques). Souligner
l’existence d’un véritable Cabinet fantôme (Shadow cabinet) présidé par le chef de
l’opposition, avec pour objectif de le mettre à même de gouverner en cas d’alternance
politique.
- La « démocratie du Chancelier » en Allemagne
Montée en puissance du Chancelier constatée depuis l’époque de Konrad Adenauer,
d’où cette expression. Depuis la LF de 1949, le Chancelier est considéré comme étant
l’élément moteur et le garant de la démocratie parlementaire allemande. Certains noms :
Willy Brant, Helmut Schmidt, Helmut Kohl, Angela Merkel (première femme, élue le 22
novembre 2005 et réélue en 2009, 2013 et septembre 2017) – depuis son investiture en
décembre 2021, le nouveau Chancelier allemand est monsieur Olaf SCHOLZ du parti social
démocrate.
Elu par le Bundestag sur proposition du Président fédéral, même choix lié : chef du
parti ou de la coalition ayant gagné les élections. Il choisit lui-même son équipe
gouvernementale, en respectant certains équilibres politiques et régionaux.
Le Chancelier a en principe la pleine ascendance sur l’équipe gouvernementale et sur
la majorité parlementaire, dont il est le chef. En outre, l’article 65 de la loi fondamentale
dispose que : le Chancelier fixe les lignes directrices de la politique et en assume la
responsabilité ».
Le parlement ne peut le sanctionner qu’après un vote de défiance constructif (art. 67
LF), impliquant qu’un consensus se soit dégagé sur le candidat susceptible de le remplacer
(octobre 1982 : Kohl remplace Schmidt).
Ces dispositions constitutionnelles sont renforcées par des éléments pratiques de
prééminence (mainmise sur un service commun chargé de coordonner l’action des ministères,
comprenant plus de 500 personnes).
S’il est au cœur du système politique allemand, il existe tout de même deux formes
de limitations en vue de tempérer sa prépondérance. D’abord, un contrôle parlementaire de
l’action gouvernementale en vue de vérifier sa conformité aux exigences constitutionnelles ou
aux engagements pris et objectifs fixés.
Il s’agit d’abord des questions avec débat qui portent sur les affaires les plus
importantes, en vue d’améliorer l’information des parlementaires. On peut citer ensuite les
commissions de contrôle, ainsi que des commissions d’enquête spécialisées (composées
souvent de spécialistes extérieurs au Bundestag = aide technique indispensable aux
parlementaires dans la confrontation avec le gouvernement sur des dossiers complexes).
Rôle central de la Cour constitutionnelle comme élément stabilisateur du système,
car elle limite la marge de manœuvre du Chancelier et de sa majorité parlementaire ; elle a
contribué à la « juridicisation » de la vie politique, compensant ainsi les insuffisances du
contrôle parlementaire sur l’action gouvernementale.
& 2 – Le régime présidentiel ou la séparation stricte des pouvoirs : le cas des
Etats Unis
Il est caractérisé en théorie par une indépendance organique et une spécialisation
fonctionnelle ; mais en pratique, il implique un nécessaire équilibre des pouvoirs.

A) Indépendance organique et spécialisation fonctionnelle


Le régime présidentiel apparaît aux USA avec le système politique mis en place par
la Constitution du 17 septembre 1787. Il repose sur une transposition de la théorie de la
séparation des pouvoirs de Locke et de Montesquieu ; c’est une séparation dite « rigide ».
Cela entraîne en premier lieu une spécialisation claire des compétences de chaque organe
constitutionnel (spécialisation fonctionnelle des pouvoirs). Le législatif a l’initiative et le vote
des lois ; l’exécutif est chargé de leur exécution et le pouvoir juridictionnel juge,
éventuellement en interprétant, la Constitution. De ce point de vue, le régime présidentiel ne
prévoit pas une interpénétration des compétences comme en régime parlementaire.
La distinction très nette entre les trois pouvoirs est notamment posée par l’article III,
section 1 de la Constitution de 1787 : « le pouvoir judiciaire des USA est dévolu à la Cour
suprême et à de telles cours inférieures dont le Congrès peut au fur et à mesure des besoins,
ordonner l’établissement ». A travers cette disposition, est consacrée l’existence d’un
véritable troisième pouvoir, le pouvoir juridictionnel, placé sur un même pied d’égalité que
les deux autres pouvoirs.
Les rédacteurs de la Constitution américaine ont veillé à assurer l’autonomie de
chacune des trois branches du pouvoir (art. I, section 1 : « Tous les pouvoirs législatifs
accordés par cette Constitution seront attribués à un Congrès des Etats-Unis, qui sera
composé d’un Sénat et d’une Chambre des représentants » ; art. II, section 1 : « Le pouvoir
exécutif sera conféré à un Président des Etats-Unis d’Amérique. Il restera en fonction
pendant une période de quatre ans et sera, ainsi que le Vice-président choisi pour la même
durée, élu… »).
Il n’existe pas, dans un tel régime, de moyens d’action réciproques susceptibles de
remettre en cause l’existence de tel ou tel organe législatif ou exécutif, d’où l’expression
séparation rigide : absence de dissolution d’une chambre du parlementaire ou de mise en
cause de la responsabilité politique de l’autorité gouvernementale. L’exécutif est dès lors
monocéphale puis qu’il n’est pas nécessaire d’en détacher un organe responsable devant le
parlement : la totalité du pouvoir exécutif repose ainsi entre les mains du président des USA.

B) L'équilibre des pouvoirs


L’équilibre des institutions politiques américaines est certes garanti par
l’indépendance et l’égalité de principe des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Mais il
l'est surtout à la faveur de la mise en place des divers freins et contrepoids, destinés à
permettre le bon fonctionnement du régime politique américain.
1. Les moyens d’action du Président sur le Congrès
Il faut rappeler que le Président des Etats-Unis est investi par la Constitution de
l’ensemble du pouvoir exécutif (inexistence d’un gouvernement sous forme collégiale ;
présence de simples collaborateurs, en l’occurrence les secrétaires d’Etat…). Il s’agit donc
d’un pouvoir exécutif fort. Le chef de l’Etat dispose notamment de deux types de moyens
d’action : son rôle « législatif », son droit de veto législatif.
Le rôle « législatif » du Président américain. En théorie, le Président ne dispose
pas du pouvoir législatif, se cantonnant essentiellement à un rôle d’exécution des lois votées
par le Congrès. Cependant, la pratique a mis en exergue l’existence d’un véritable rôle
« législatif » du Président. Ainsi en est-il du message sur l’état de l’Union qu’il présente au
début de chaque année au Congrès ; droit de « message présidentiel » qui contient de plus en
plus un véritable programme législatif. Il y présente notamment les priorités et objectifs à
atteindre dans le cadre de l’année à venir. Il s’agit de ce point de vue pour le Président de
mobiliser le soutien du Congrès et de l’opinion publique américaine.
Dans la pratique, les recommandations du Président apparaissent majoritairement
suivies notamment dans les périodes où il bénéficie d’une large popularité. Elles sont souvent
relayées par des parlementaires proches du Président, constituant ainsi des limites pratiques à
la conception d’indépendance stricte des pouvoirs.
Le droit de veto en matière législative. Art. I, section 4 ; c’est une pièce centrale du
système de checks and balances. C’est la « faculté d’empêcher » en ce sens que le Président a
le pouvoir de s’opposer à l’entrée en vigueur d’une loi adoptée par le Congrès. C’est ainsi que
le chef de l’Etat a dix jours pour renvoyer au parlement les textes législatifs auxquels il entend
opposer son veto. Une majorité des deux tiers doit être ensuite réunie dans chaque chambre
pour renverser le veto : c’est un veto suspensif. Par ailleurs, le Président peut, sans opposer un
veto exprès, s’abstenir de signer un texte législatif dans les dix derniers jours d’une session
parlementaire et empêcher ainsi l’intervention du texte ; pratique dite du veto de poche
(pocket veto). Un tel veto a des effets absolus : la loi ne pourra pas entrer en vigueur ; le
parlement ne pourra plus le renverser, dans l’attente de l’ouverture d’une nouvelle session
pour éventuellement reprendre la discussion du texte en cause.

2. Les moyens d’action du Congrès sur le Président


La surveillance réciproque et les interactions permanentes entre les pouvoirs
législatif et exécutif, se traduisent du côté du Congrès par l’existence de pouvoirs
d’encadrement par le Congrès de l’action exécutive, de pouvoirs d’investigation, ou encore de
pouvoirs exceptionnels de sanction.
Les pouvoirs d’encadrement. Il s’agit tout d’abord de l’intervention du Congrès en
matière budgétaire. Le Congrès dispose d’importants pouvoirs budgétaires qui lui permettent
notamment d’exiger l’approbation de l’ensemble des crédits nécessaires à la mise en œuvre de
l’action politique de l’exécutif. Cela conduit notamment le Congrès à renforcer sa pression
budgétaire sur l’exécutif et à infléchir certains de ses choix en matière de dépenses publiques.
Il faut envisager ensuite l’intervention du Congrès en matière internationale et
militaire. Le Sénat doit ratifier ainsi, à la majorité des deux tiers, les traités négociés par le
Président ; un contrôle de l’activité diplomatique de l’exécutif est ainsi effectué. Refus de
ratifier le traité de Versailles mettant en place la SDN (1918). Le Congrès doit également
« réglementer le commerce avec les nations étrangères », déclarer la guerre ou lever et
entretenir des armées. De plus le War Powers Act a été adopté en 1973 : il impose au
Président, lors de tout engagement de forces armées à l’étranger, de solliciter l’avis préalable
du Congrès ou en cas d’impossibilité, de lui transmettre un rapport détaillé sur l’opération
dans les 48 heures. Il peut, sur cette base, décider d’autoriser ou non l’intervention. Cela étant,
des forces armées peuvent être engagées sans autorisation, et ce en cas de menace grave et
imminente. Dans cette hypothèse, le Congrès doit statuer au terme d’un délai maximum de 90
jours sur la poursuite des opérations ou le retrait des forces.
Il faut enfin évoquer l’intervention du Sénat en matière de nomination aux emplois
fédéraux. Sans l’avis et le consentement du Sénat, le Président ne peut nommer à certains
postes-clés pour la conduite de son action (ambassadeurs, juges à la Cour suprême, secrétaires
d’Etat).
Les pouvoirs d’investigation à l’égard des activités du pouvoir exécutif. Il s’agit
des Commissions d’enquête du Congrès, créées pour enquêter sur des actions spécifiques du
pouvoir exécutif ; elles sont chargées de rassembler tous renseignements utiles afin de définir
une intervention législative (préparer ou affiner une proposition de loi, décider d’une mise en
accusation). Elles disposent d’importantes prérogatives : possibilité de contraindre les
membres de l’exécutif ou tout agent de l’administration à apporter devant elles leur
témoignage ou produire tous documents demandés. En cas de refus, ils peuvent être
condamnés, pour « outrage au Congrès » à des amendes, voire à des peines de prison. Il s’agit
donc d’un moyen redoutable de pression sur l’exécutif. Une des plus célèbres : Commission
d’enquête sur le Watergate (R. Nixon). Le pouvoir de ces Commissions d’enquête constitue
un moyen très efficace, pour le Congrès, de renforcement de sa fonction de contrôle.
Les pouvoirs exceptionnels de sanction. Il s’agit principalement ici du pouvoir de
destitution du Président et des fonctionnaires fédéraux. C’est la procédure d’« impeachment »
qui vise le Président, le Vice-président et tous les fonctionnaires civils ou juges fédéraux. La
procédure de destitution ne peut être utilisée qu’en « cas de haute trahison, corruption ou
autres crimes ou délits majeurs ». C’est une responsabilité pénale.
Cette procédure comprend deux étapes : le principe de mise en accusation adopté par
la Chambre des représentants à la majorité simple (définition des charges formelles retenues) ;
le Sénat, sous la présidence du président de la Cour suprême, se prononce ensuite sur un vote
sur la culpabilité de la personne accusée, à la majorité des deux tiers des présents. Cela
emporte destitution ou révocation et interdiction d’occuper tout emploi public ; ce qui
n’exclut pas toute autre procédure devant les tribunaux ordinaires.
Cette procédure n’a été déclenchée qu’une vingtaine de fois et seules deux mises en
accusation ont été pour l’instant adoptées par la Chambre des représentants : 1868, Andrew
Johnson, mais il a manqué une voix au Sénat en vue de sa destitution ; 19 décembre 1998,
accusation du président Clinton pour parjure et manœuvres d’obstruction à la justice, rejet de
ces chefs d’accusation par le Sénat le 12 février 1999. Par ailleurs, en 1974, la seule
perspective d’un jugement par le Sénat a précipité la démission du président Nixon, après un
vote positif d’accusation de la Chambre des représentants.
De façon jusqu’ici inédite, le 45ème Président des Etats-Unis, monsieur Donald
TRUMP va être soumis à deux reprises à la procédure d’impeachment. Il fut d’abord mis en
accusation par la Chambre des représentants le 10 décembre 2019, dans l’affaire dite
« Russiagate » pour « abus de pouvoir » et « entrave à la bonne marche du Congrès ». Il sera
cependant acquitté par le Sénat le 5 février 2020. La seconde mise en accusation par la
Chambre des représentants eut lieu le 13 janvier 2021, soit une semaine avant le terme normal
de son mandat, pour « incitation à l’insurrection » suite à l’assaut du Capitole (siège du
Congrès américains) par ses partisans. Il sera à nouveau acquitté par le Sénat le 13 février
2021 (57 Sénateurs ayant voté pour sa culpabilité et 43 contre ; la majorité exigée pour sa
destitution étant de 67 voix).
& 3 – Les régimes de hiérarchisation des pouvoirs
Il convient d'évacuer ici les régimes confinant à une négation de la séparation des
pouvoirs voire de l'Etat de droit. Cela renvoie généralement aux régimes autoritaires ou
totalitaires, principalement incarnés en Europe par national-socialisme allemand d'Adolf
Hitler, le fascisme italien de Mussolini ou encore le régime stalinien de l'Union soviétique.
Dans ces derniers, les organes centraux du parti unique concentrent tout le pouvoir ;
la séparation institutionnelle n’étant qu’un leurre. Un tel régime de confusion des pouvoirs
participe de la négation de l’Etat de droit. Cela se traduit principalement par le refus de
reconnaissance des droits de l’opposition ou des minorités, l’absence de réelle indépendance
du pouvoir juridictionnel et la prédominance absolue des intérêts de l’Etat sur les droits
fondamentaux de la personne humaine.
Quant à la hiérarchisation des pouvoirs, elle ne nie pas forcément l'existence de
pouvoirs séparés mais elle instaure plutôt une prédominance d'un pouvoir sur les autres. Il en est
ainsi dans le cadre du régime présidentialiste d'une part, et du régime d'assemblée d'autre
part.
A) Le « présidentialisme » africain
Cette qualification a été imaginée à l'origine pour qualifier les cas de dénaturation du
régime politique américain. En effet, aux USA, le régime politique est consubstantiel à une
culture politique et démocratique particulière issue du cadre fédéral et d’un système partisan
original. D’où le paradoxe suivant : c’est un régime qui a séduit un certain nombre de pays
dans tous les continents sans que l’on puisse véritablement l’imiter. Les pays qui ont procédé
à ce mimétisme constitutionnel, faute de réunir les conditions politiques et sociales de
l’échiquier américain, ont très vite été caractérisés par une tendance à l’hégémonie du
président élu au SUD ; la séparation des pouvoirs devenant illusoire ou ne jouant qu’au
détriment du pouvoir législatif.
C’est le cas des transpositions effectuées en Amérique centrale ou du Sud, en Asie
(Corée du Sud ou Philippines) ou en Afrique (Nigeria ou Namibie). L’illustration la plus
célèbre de la dénaturation du modèle concerne les régimes latino-américains, souvent
qualifiés de présidentialistes. Cette hégémonie présidentielle découle notamment d’un large
pouvoir d’initiative du président en matière législative, de l’attribution d’un droit de veto sur
l’ensemble de la loi ou sur une partie seulement (item veto) et de l’exercice d’un pouvoir
étendu. Cela étant certains pays (Costa Rica, Venezuela ou Républicaine dominicaine)
laissent entrevoir à l’heure actuelle un relatif rapprochement du modèle américain, en raison
notamment : du fonctionnement relativement démocratique de leurs présidentialismes ou du
retour à la démocratie.
Quelques lignes de force du « présidentialisme » dit africain
La tendance forte des régimes politiques d’Etat d’Afrique noire francophone est à la
prépondérance présidentielle voire à l’hyper-présidentialisme. En effet, quels que soient les
choix effectués en termes d’aménagement du pouvoir (séparations souple ou rigide), les textes
confortés par la pratique institutionnelle consacrent la prééminence présidentielle sur les
autres institutions. Pour le montrer, et en nous limitant aux textes, nous prendrons pour
échantillon trois Etats en Afrique de l’Ouest (Bénin, Côte d’Ivoire et Sénégal) et trois en
Afrique centrale (Congo, Gabon et RCA).
Certains Etats ont pris l’option du régime présidentiel, qui peut apparaître, à
certains égards, atténué. Il en est d’abord ainsi du choix opéré par le constituant béninois
avec la loi fondamentale du 11 décembre 1990 modifiée. Au plan de l’organisation
institutionnelle, l’exécutif est monocéphale, car les articles 41 et 54 de la Constitution
disposent respectivement que : « Le PR, est le chef de l’Etat. Il est l’élu de la nation… » ;
« Le PR est le détenteur du pouvoir exécutif. Il est le chef du gouvernement et à ce titre, il
détermine et conduit la politique de la nation… ». Il en découle donc que le Président cumule
à la fois les fonctions de chef de l’Etat et de chef du gouvernement ; il n’existe pas en principe
de structure gouvernementale autonome : les membres du gouvernement sont responsables
devant le Président. Le Parlement est monocaméral, avec la seule Assemblée nationale.
Dans la Constitution béninoise, il n’existe pas de moyens d’action réciproque (droit
de dissolution, motions de censure). Quelques mécanismes viennent cependant atténuer la
rigidité de la séparation des pouvoirs :
- le PR prononce chaque année un message sur l’état de la nation devant l’AN (art.
72) ; il peut convoquer l’AN en session extraordinaire (art. 88) ; les membres du
gouvernement ont le droit d’accès aux séances de l’AN (art. 95) ;
20
- L’initiative des lois appartient concurremment au PR et aux membres de l’AN (art.
57) ; l’AN bénéficie du droit d’interpellation du PR ou de tout membre du gouvernement et, à
ce titre, peut adopter des résolutions pour recommandation au gouvernement (art. 71) ;
l’article 113 précise les moyens d’information et de contrôle de l’AN sur l’action
gouvernementale (interpellation ; question écrite ; question orale avec ou sans débat, non
suivie de vote ; commission d’enquête parlementaire) ; responsabilité pénale du président
pour haute trahison, ou encore pour outrage à l’AN (art. 76).
Quant à la Constitution de la République de Côte d’Ivoire du 08 novembre 2016, elle
ne prévoit pas de moyens d’action réciproques. Il est vrai que l’exécutif est tricéphale (Un
Président et un Vice-Président élu en même temps que le premier ; un Gouvernement avec à
sa tête un Premier ministre), mais la prépondérance présidentielle est clairement affichée,
d’abord à l’art. 63 qui précise qu’il est le « détenteur exclusif du pouvoir exécutif », le PM est
reponsable devant lui et il met fin à ses fonctions et il ne fait qu’animer et coordonner l’action
gouvernementale ; ensuite, avec l’art. 64 qui dispose que « le PR détermine et conduit la
politique de la nation ».
Le Parlement est bicaméral et partage l’initiative des lois avec le PR. La
Constitution (art. 117) met en place l’obligation d’information du gouvernement à l’AN, qui
peut susciter des résolutions parlementaires valant recommandation au gouvernement.
Quant à la Constitution du Sénégal du 5 avril 2016 modifiée, elle consacre la
supériorité présidentielle, notamment avec la suppression du Premier ministre en 2019. Par
ailleurs, l’article 42 de la Constitution dispose que le PR « détermine la politique de la
nation ». Quant au Gouvernement, il « conduit et coordonne la politique de la nation sous la
direction du Président de la République » (art. 54) ; et les membres du Gouvernement sont
responsables devant le Président de la République.
Ce lien de subordination entre le PR et le PM est une constante des régimes
politiques servant d’échantillon. En effet, le PM y est toujours nommé et peut être révoqué par
le PR (art. 15 de la Constitution du Gabon du 26 mai 1991 modifiée ; art. 83 de la
Constitution du Congo du 20 janvier 2002 modifiée) ; certains textes précisent qu’il est
doublement responsable devant le PR et l’AN (art. 41 de la Constitution de la RCA, adoptée
par référendum le 14 décembre 2015).
Comme autre constante, on peut relever l’initiative partagée des lois entre l’exécutif
et le législatif (80, Sénégal ; 69, RCA ; 53, Gabon ; 143, Congo). On peut souligner en outre,
l’existence des moyens d’action réciproques (droit de dissolution et engagement de la
responsabilité du gouvernement, sous sa forme rationalisées) : art. 34 (dissolution du
Parlement) et 76 (responsabilité politique du gouvernement), RCA ; art. 19 (dissolution de
l’AN), art. 63 et 64 (responsabilité politique), Gabon ; art. 138 (dissolution), art. 159 et 160
(responsabilité politique), Congo.
Au-delà de ces constantes du parlementarisme, on peut noter quelques variantes dans
la répartition des compétences au sein de l’exécutif bicéphale (prépondérance présidentielle
sous couvert d’un partage apparent) :
- RCA (Constitution adoptée par référendum du 14 décembre 2015) : l’art. 22
dispose que « le PR fixe les grandes orientations de la politique de la nation » ; quant à l’art.
40, il précise que le PM « determine et conduit la politique de la nation dont les grandes
orientations sont fixées par le PR » ;
- Gabon (Constitution du 26 mai 1991 modifiée) : Aux termes de l’art. 8, le Président
« détermine, en concertation avec le gouvernement, la politique de la nation. Il est le
détenteur suprême du pouvoir exécutif qu’il partage avec le PM » ; ceci étant, l’art. 28 précise
que le « gouvernement conduit la politique de la nation, sous l’autorité du PR et en
concertation avec lui » ;
- Congo (Constitution du 20 janvier 2002 modifiée) : l’art. 64 dispose que le PR est
le chef de l’Etat et, à ce titre, « détermine la politique étrangère et de défense de la nation ».
Quant au PM, « en concertation avec le PR, (il) détermine la politique économique et sociale
de la nation » (art. 99), et est « responsable de la conduite de cette politique devant l’AN »
(art. 100).
B) Le régime d'assemblée ou régime conventionnel
Dans un régime d’assemblée, l’exécutif ne constitue pas un véritable pouvoir ; c’est
l’exécutant de l’assemblée, seule détentrice d’un pouvoir effectif. Ce fut le cas en France du
régime de la Convention et de la Constitution du 24 juin 1793 : l’exécutif était confié à un
« Conseil exécutif composé de 24 membres nommés par le « Corps législatif », et ne pouvant
intervenir que pour exécuter les décisions de l’assemblée ; ce qui privait cet organe de toute
indépendance.
On considère généralement que la Suisse est un régime d’assemblée. Il faut dire
néanmoins que le Conseil fédéral (7 membres, dont l'un est Président de la Confédération
pour un an seulement) qui est élu par l’Assemblée, constitue cependant un organe qui, par sa
nature pluraliste et sa grande stabilité (depuis 1848, on ne compte que 4 Conseillers non
réélus), détient la réalité du pouvoir exécutif. Et très souvent, l’Assemblée se cantonne à sa
fonction de contrôle.
CHAPITRE II : LE RÉGIME POLITIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU
CAMEROUN

Afin de présenter le droit constitutionnel de la République du Cameroun, il convient


d'abord de présenter la genèse de la loi fondamentale, avant de mettre en exergue les
principaux pouvoirs publics constitutionnels que sont l'exécutif, le législatif et le Conseil
constitutionnel.

Section 1 : La genèse et les caractères généraux de la Constitution camerounaise

Quelles sont les grandes étapes de l'histoire constitutionnelle camerounaise ? Quels


sont les caractères généraux de la Constitution ?

Paragraphe 1 : Les principales étapes de l'histoire constitutionnelle


camerounaise

On ne peut pas dire que, depuis son accession à la pleine souveraineté le 1er janvier
1960, que le Cameroun ait connu un mouvement d’accélération des changements ou des
modifications de la Constitution. Les principales modifications ont d’ailleurs été étroitement
liées aux mutations de la forme de l’Etat. C’est ainsi que, suite au texte du 4 mars 1960, la
Constitution du 1er septembre 1961 a consacré le caractère fédéral de l’Etat (Cameroun
oriental et Cameroun occidental). La Constitution du 2 juin 1972 apparaît, quant à elle,
comme une conséquence logique de la réunification intervenue quelques semaines plus tôt.
S’agissant la Constitution en vigueur, son processus d’engendrement n’est pas sans
lien avec les soubresauts politiques qu’a connus le Cameroun au début des années 1990. Par
ailleurs, il n’est pas exagéré de dire que le texte de 1996 reprend à son compte un certain
nombre d’évolutions qui figuraient déjà dans la révision constitutionnelle du 23 avril 1991.
Pour revenir plus précisément au lien de la Constitution actuelle avec le contexte du début des
années 1990, il faut relever qu’une Conférence tripartite (partis politiques, pouvoirs publics,
représentants d’un embryon de société civile) a tout d’abord mise en place, et ses travaux se
sont déroulés du 30 octobre au 17 novembre 1991. Le contexte de l’époque transparaît dans le
préambule de la Déclaration issue des délibérations de la Tripartite : les protagonistes « ont
fait le tour des problèmes devant conduire à l’adaptation de la Constitution de la République
du Cameroun au processus de libéralisation et de démocratisation en cours dans notre pays ».
Sera par la suite créée au sein de la Tripartite une Commission chargée des
problèmes constitutionnels, d’où seront issus le Comité technique tripartite chargé de préparer
les propositions relatives à la réforme de la Constitution et le Comité de rédaction sur les
questions constitutionnelles. Cette dernière instance, composée de onze (11) membres et dont
les travaux se déroulèrent du 27 novembre 1991 au 17 mai 1993, rendit public des
propositions sous la forme d’un texte de cent soixante-sept (167) articles dit « avant-projet
Owona » (du nom de son président, le professeur Joseph Owona).
Le chef de l’Etat a ensuite institué deux instances techniques et consultatives, en
l’occurrence le Comité technique chargé du projet de révision (arrêté du 17 mai 1993) et le
Comité consultatif pour la révision de la Constitution (décret n° 94/234 du 14 décembre
1994). Installé le 15 décembre 1994 et devant travailler jusqu’au « 22 décembre 1994 au plus
tard », le Comité consultatif avait pour tâche de « donner un avis sur les propositions de la
révision de la Constitution à lui soumises par le Président de la République ».
Il est cependant difficile de mettre au clair les lignes de correspondances entre ces
différentes phases préparatoires à la révision et le projet de loi constitutionnelle finalement
déposé devant le bureau de l’Assemblée nationale le 24 novembre 1995. A posteriori, il
apparaît qu’en dépit d’un processus formellement ouvert c’est en réalité de logique
présidentielle qui l’a emporté dans la fixation des lignes de force du projet de réforme de la
Constitution. En tout état de cause, le projet fut jugé recevable par la Conférences des
présidents le 27 novembre 1995, examiné en Commission du 5 au 17 décembre et discuté en
séance plénière du 21 au 23 décembre. L’adoption définitive du texte interviendra à cette
dernière date par cent soixante (160) voix pour, deux (2) contre et huit (8) abstentions. C’est
ainsi que fut promulgué par le Président de la République, le 18 janvier 1996, la Loi
constitutionnelle portant révision de la Constitution du 2 juin 1972. La loi ainsi promulguée
fait donc office de Constitution de la République du Cameroun.
La pratique de la révision de la Constitution au Cameroun montre que les seules
initiatives de révision ayant été menées à leur terme sont présidentielles. La procédure
privilégiée d’adoption étant le Parlement, ou plutôt l’Assemblée nationale ainsi qu’on a pu
l’observer à l’occasion de l’adoption de la loi n° 2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et
complétant certaines dispositions de la loi du 18 janvier 1996 portant révision de la
Constitution du 2 juin 1972. En effet le Sénat n’ayant pas encore été mis en place, seuls les
députés réunis en session ordinaire ont été amenés à adopter cette première révision de la
Constitution de 1996, en lieu et place du Congrès du Parlement. Il faut relever sur ce point
qu’à titre transitoire et eu égard à l’objectif – devenu pesant – de mise en œuvre progressive
des nouvelles institutions de la République, l’article 67 (3) précise que : « l’Assemblée
nationale exerce la plénitude du pouvoir législatif et jouit de l’ensemble des prérogatives
reconnues au Parlement jusqu’à la mise en place du Sénat ».

Paragraphe 2 : Les caractères généraux de la Constitution camerounaise

La Constitution camerounaise peut être caractérisée par :


- la reconnaissance effective, depuis 1996, de la séparation des pouvoirs avec
l'érection d'un pouvoir judiciaire (indépendant du pouvoir exécutif et législatif). Il est vrai que
la Constitution prévoit que « le PR est garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire » (art.
37 (1)) ;
- un exécutif bicéphale avec une forte prédominance du Président de la République :
il définit la politique de la nation (art. 5(2), mise en oeuvre par le Gouvernement (art. 11(1) ; il
nomme et met fin aux fonctions des membres du Gouvernement et du PM ;
- un parlement bicaméral, mettant en avant une relative inégalité entre l'AN et le
Sénat : antériorité de la première sur la seconde ; dernier mot en matière législative, et seule
chambre à mettre en oeuvre la responsabilité politique du Gouvernement ;
- quant à la configuration générale du régime, on peut dire que le texte met en valeur
un régime à forte dominante parlementariste : exécutif bicéphale ; moyens d'actions
réciproques ; éléments de collaboration entre exécutif et législatif. Ceci étant, des éléments de
texte et ceux tirés de la pratique institutionnelle donnent à voir un système politique à
caractère présidentialiste ; le professeur Alain Didier Olinga parle à cet égard de
« présidentialisme démocratique » : PR, pilier central du système en raison de son élection au
SUD, du fait qu'il lui revient de définir la politique de la nation ; titulaire d'un large pouvoir
de nomination aux hautes fonctions politiques et publiques ; prédominance réelle sur
l'ensemble des pouvoirs publics constitutionnels, consécutive notamment au phénomène
majoritaire.

Section 2 : Un exécutif à dominante présidentielle

Le pouvoir exécutif dans la Constitution camerounaise, donne à voir une


prédominante du PR, qui se manifeste notamment dans la structure de la Constitution (titre II :
du pouvoir exécutif, avec en chapitre 1 le PR et en chapitre 2 le Gouvernement). Par
conséquent, le Gouvernement est structurellement subordonné au chef de l'Etat.

Paragraphe 1 : La prédominance du Président de la République

Cette prédominance peut être observée d'une part à travers le statut du chef de l'Etat,
et d'autre part à travers ses attributions.

A) Le statut du Président de la République

Le Président de la République fait figure de pièce centrale de l’édifice constitutionnel


camerounais, en raison tant de son statut que de ses attributions. En sa qualité de « chef de
l’Etat » (article 5 (1)), il représente ce dernier « dans tous les actes de la vie publique »
(article 8 (1)). Incarnant l’unité nationale, c’est le seul élu qui soit désigné par la nation toute
entière, c’est-à-dire par la collectivité des citoyens.

1) Le mandat

S’agissant tout d’abord de son statut, le Président de la République est élu au


suffrage universel direct et à la majorité des suffrages exprimés parmi les citoyens
camerounais d’origine, âgés de trente-cinq (35) révolus à la date de l’élection et jouissant de
leurs droits civils et politiques (article 6 (5)). Le chef de l’Etat est désigné au terme d’une
élection au suffrage uninominal majoritaire à un tour. Un scrutin à deux tours aurait été plus
judicieux dans la mesure où il aurait contribué à conférer à l’élu de la nation une légitimité
populaire davantage confortée. En tout état de cause, les modalités de désignation du chef de
l’Etat ont été précisées par la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral,
notamment sont titre IV sur les « dispositions spécifiques à l'élection et à la vacance de la
Présidence de la République ».
La Constitution de 1996 prévoyait, en son article 6 (2), que « le Président de la
République est élu pour un mandat de sept (7) ans renouvelable une fois ». Cette clause de
limitation à deux mandats présidentiels vient d’être modifiée par la révision constitutionnelle
du 14 avril 2008. En effet, si la durée du mandat présidentiel a été conservée, il est désormais
spécifié dans cette disposition que : « Il est rééligible ». On peut y voir une volonté de
préserver la libre volonté du peuple et par conséquent la nécessaire souveraineté
démocratique. A rebours de ce qui précède, la limitation du nombre de mandats présidentiels
répondait aux exigences inhérentes à la respiration démocratique de tout régime politique. On
ne peut donc qu’être circonspect devant une telle remise en cause – de ce qui a été par ailleurs
qualifié – de la « transaction constitutionnelle entre acteurs politiques » homologuée à
l’occasion des travaux préparatoires de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996. Au
demeurant, cette promotion de la non-limitation des mandats présidentiels aurait été plus
cohérente si elle s’était accompagnée de la réduction de la durée du mandat de sept (7) à cinq
(5) ans.
La vacance de la Présidence de la République. Le Cameroun – il faut le souligner
– n’a jamais connu d’alternance au sortir des urnes, c’est-à-dire un changement de majorité à
l’Assemblée nationale ou un changement au sommet de l’Etat. C’est la raison pour laquelle il
convient d’être attentif aux modalités constitutionnelles de gestion d’une transition
démocratique à la tête de l’Etat.
A ce propos, il faut rappeler que l’article 10 (3) envisage l’hypothèse de
l’empêchement temporaire du chef de l’Etat, qui ne vaut pas vacance de la Présidence de la
République. En effet, l’exercice, dans cette circonstance, de certaines prérogatives
présidentielles ne peut résulter que d’une délégation expresse accordée par le chef de l’Etat au
Premier ministre ou à autre membre du Gouvernement en cas d’empêchement du premier.
La vacance de la Présidence de la République est quant à elle réglée par l’article 6,
alinéa 4 de la Constitution (voir aussi articles 142 à 146 du Code électoral). Trois hypothèses
de vacance y sont prévues : le décès, la démission ou l’empêchement définitif. On pourrait y
ajouter la destitution du Président de la République faisant suite à une déclaration de
culpabilité prononcée par la Haute Cour de justice, pour haute trahison commise dans
l’exercice de ses fonctions. Pour revenir à l’empêchement définitif, ce dernier est constaté par
le Conseil constitutionnel ; étant entendu que les textes législatifs pertinents divergent sur ses
modalités de saisine. Il serait saisi soit par le Président de l’Assemblée nationale seul soit par
ce dernier mais après avis conforme du bureau. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel
constaterait l’empêchement définitif soit à la majorité absolue soit à la majorité des deux tiers
de ses membres. Sur une question aussi centrale dans la gestion de la transition, une telle
incertitude de rédaction n’est pas admissible et mérite d’être réglée par la Constitution ellemême.
Le Président par intérim est le Président du Sénat ou, en cas d’empêchement, son
suppléant suivant l’ordre de préséance de cette chambre. Les prérogatives du Président par
intérim sont limitées : il ne peut procéder à une révision de la Constitution, il ne peut recourir
au référendum et ne peut être candidat à l’élection présidentielle consécutive à la vacance. A
l’origine, le texte lui interdisait de modifier la composition du Gouvernement. Mais, depuis la
révision constitutionnelle du 14 avril 2008, l’article 6, alinéa 4-c) nouveau dispose que :
« Toutefois, en cas de nécessité liée à l’organisation de l’élection présidentielle, le Président
de la République par intérim peut, après consultation du Président du Conseil constitutionnel,
modifier la composition du Gouvernement ». L’introduction dans la Constitution d’une telle
clause n’est pas heureuse : on confère au chef de l’Etat intérimaire un pouvoir qui revient en
propre au Président élu, disposant en cela d’une légitimité populaire qu’il tire de son élection
par l’ensemble du collège électoral. Par ailleurs, cette nouvelle prérogative est justifiée par la
« nécessité liée à l’organisation de l’élection présidentielle ». Pourrait-on à cet égard exclure
toute entreprise de contournement de l’expression de la volonté populaire au travers d’une
reconfiguration de l’échiquier politique et gouvernemental ? En tout état de cause, la
possibilité qui est ainsi offerte au Président intérimaire de modifier la composition du
Gouvernement nous semble aller au-delà des exigences inhérentes à la simple gestion des
affaires courantes, à laquelle la mission de l’intérimaire devrait se réduire. Il n’a pas vocation
à exercer une politique personnelle et doit se contenter d’assurer la permanence et la
continuité de l’Etat.
Le délai fixé par la Constitution pour organiser de nouvelles élections présidentielles
était composé d’un minimum, vingt (20) jours et d’un maximum, quarante (40) jours. Ce délai
pouvait paraître peu raisonnable au vu des différentes contraintes inhérentes à l’organisation
d’un scrutin présidentiel. C’est la raison pour laquelle, le maximum a été rallongé à cent vingt
(120) jours à l’occasion de la révision constitutionnelle d’avril 2008. Un tel réajustement est
salutaire et bienvenu, même s’il paraît souhaitable que l’élection fût organisée dans un délai
raisonnable car il ne faut pas perdre de vue que l’intérim a vocation à rester une situation
transitoire ; le transitoire exigeant une interprétation restrictive des délais y relatifs.

2) Le statut protecteur
Le chef de l’Etat bénéficie en outre d’un statut particulièrement protecteur dans la
mesure où son irresponsabilité politique comme son immunité ont été renforcées par la loi
constitutionnelle d’avril 2008 la responsabilité du chef de l’Etat peut difficilement être engagée
dans le cadre de
l’ordre constitutionnel camerounais. En effet, si en 1996 l’article 53 était silencieux sur les cas
dans lesquels le Président de la République pouvait être jugé par la Haute Cour de justice pour
les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions, il est désormais clair, depuis la loi
constitutionnelle du 14 avril 2008, que le Président est politiquement irresponsable sauf en cas
de « haute trahison ». Dans cette dernière hypothèse – qui pourrait s’analyser en un
manquement manifestement grave aux devoirs de sa charge ou à une forfaiture – la mise en
accusation du Président répond à des conditions de majorité quasiment impossibles à
actionner. L’article 53 (2) nouveau précise à cet égard qu’une mise en accusation n’est
possible que si elle recueille la majorité des quatre cinquièmes des membres composant
l’Assemblée nationale et le Sénat, et ce au terme d’un vote identique au scrutin public. Il
s’agit là d’une majorité plus exigeante que celle qui est requise pour réviser la Constitution.
De plus, un alinéa 3 a été introduit à l’article 53 par la révision constitutionnelle
d’avril 2008 : il prévoit une immunité juridictionnelle pour ceux des actes présidentiels les
plus importants, notamment la proclamation de l’état d’urgence et de l’état d’exception, la
nomination aux emplois civils et militaires ou encore la désignation du Premier ministre et
des autres membres du Gouvernement. L’exercice de ces prérogatives présidentielles ne peut
de surcroît engager la responsabilité du chef de l’Etat « à l’issue de son mandat ». Autant dire
que la responsabilité du Président de la République est de fait neutralisée pendant l’exercice
de ses fonctions et juridiquement exclue une fois que lesdites fonctions ont cessé. La seule
responsabilité alors envisageable est politique, et consiste pour les électeurs à ne pas
renouveler le mandat d’un Président sortant.

C) Les attributions du Président de la République

Du point de vue de ses attributions ensuite, il est indéniable que le chef de l’Etat est
la « clé de voûte des institutions » camerounaises. L’amplitude de ses prérogatives se mesure
à la lecture de l’article 5 qui dispose notamment qu’« il définit la politique de la nation ; il
veille au respect de la Constitution ; il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier
des pouvoirs publics ; il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire,
de la permanence et de la continuité de l’Etat, du respect des traités et accords
internationaux ».
Il résulte de cette disposition que le Président dispose en premier lieu de pouvoirs lui
permettant d’assurer le respect de la Constitution. A cet effet, il désigne trois membres du
Conseil constitutionnel dont le Président, et l’ensemble des membres du Conseil sont nommés
par lui (article 51 (2)). Il peut saisir le juge constitutionnel de la constitutionnalité des lois
ainsi que des engagements internationaux (article 47 (3)). Il faut rappeler qu’il dispose de
l’initiative en matière de révision de la Constitution et peut soumettre au référendum « des
projets de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics ou sur la révision de la
Constitution ».
Exerçant en deuxième lieu une fonction arbitrale, il assure le fonctionnement régulier
des pouvoirs publics. A ce titre et aux termes de l’article 8, alinéas 8, 9 et 10, il exerce le
pouvoir réglementaire (notamment en adoptant des décrets s’appliquant sur l’ensemble du
territoire national), il crée et organise les services publics de l’Etat, il nomme à divers emplois
civils et militaires, il nomme le Premier ministre et les autres membres du Gouvernement, fixe
leurs attributions, met fin à leurs fonctions et préside les Conseils ministériels qui sont des
réunions périodiques de l’ensemble des membres du gouvernement habilités à y participer
autour du chef de l’Etat (article 10 (1)).
Dans ses relations avec le pouvoir législatif, le Président peut demander la réunion
des chambres du Parlement en Congrès afin de leur adresser une communication ou un
message (article 14 (4)) ; de telles communications du chef de l’Etat ne donnent lieu à aucun
débat (article 32). Il partage l’initiative des lois avec les parlementaires (article 25) ; il
promulgue les lois votées par le Parlement dans un délai de quinze (15) jours, après avoir le
cas échéant sollicité une seconde lecture du texte ou saisi le Conseil constitutionnel (article 31
(1)). Près d’un tiers des sénateurs seront nommés par le chef de l’Etat, en l’occurrence trente
(30) sénateurs sur les cent (100) futurs membres de la seconde chambre du Parlement (article
20, alinéa 2). De façon plus radicale, le Président peut dissoudre l’Assemblée nationale c’est-
à-dire mettre un terme au mandat des députés ; sous la seule réserve que cela soit justifié par
un état de nécessité et après avoir consulté le Gouvernement et le bureau des deux chambres
(article 8 (12)). Il est le garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire et nomme les
magistrats ; l’avis du Conseil supérieur de la magistrature est nécessaire pour ce qui concerne
la nomination des magistrats du siège (ceux exerçant la fonction de juge) et les sanctions
disciplinaires les concernant (article 37, alinéa 3).
Enfin, le chef de l’Etat est notamment le garant de la continuité de l’Etat, de
l’indépendance nationale et du respect des engagements internationaux du Cameroun. Sur ce
dernier aspect, il revient au Président de négocier et ratifier les traités et accords
internationaux (article 43), comme d’accréditer les ambassadeurs et envoyés extraordinaires
auprès des puissances étrangères ou auprès de lui (article 8 (4)). Il est le chef des armées et
veille par ailleurs à la sécurité intérieure et extérieure du pays (article 8, alinéas 2 et 3).
Il dispose de pouvoirs exceptionnels ou de crise prévus par l’article 9 de la
Constitution. Il peut tout d’abord proclamer par décret, si les circonstances l’exigent, de l’état
d’urgence (régi par la loi n° 90/047 du 19 décembre 1990). L’adoption d’un tel décret a pour
conséquence de conférer aux autorités administratives compétentes des pouvoirs spéciaux
largement dérogatoires aux exigences de la légalité en période normale. L’état d’urgence peut
notamment être déclenché en cas de calamités publiques, de troubles graves à l’ordre public
ou portant atteinte à la sûreté de l’Etat. Sa durée est en principe de trois (3) mois renouvelable
une fois ; au-delà de ce délai, l’Assemblée nationale est obligatoirement consultée. De plus, le
Président peut – toujours par décret – proclamer l’état d’exception et prendre toutes les
mesures nécessaires dans les hypothèses suivantes : péril grave menaçant l’intégrité du
territoire, la vie, l’indépendance ou les institutions de la République. Il en informe la nation
par voie de message. Le chef de l’Etat peut ainsi exercer une sorte de « dictature temporaire »,
ayant des effets attentatoires aux droits et libertés des citoyens. Ceci mérite d’autant plus
d’être souligné que l’exercice de tels pouvoirs exceptionnels n’est encadré ni par
l’intervention d’un juge tel que le Conseil constitutionnel afin de vérifier si les conditions de
déclenchement de ce régime d’exception sont toujours réunies, ni par la réunion de plein droit
de l’Assemblée nationale. En outre, les décrets en cause comme les actes adoptés par le
Président dans le cadre de la mise en œuvre de ces pouvoirs pourraient, en cas de recours
juridictionnel intenté contre eux, être considérés par le juge comme constitutifs d’« actes de
gouvernement », c’est-à-dire d’actes insusceptibles de tout recours contentieux et
d’engagement de la responsabilité de l’Etat.
Autre pouvoir important du chef de l’Etat : il peut demander à l’Assemblée nationale
de proroger ou d’abréger son mandat par le truchement de l’adoption d’une loi. L’article 15
pose d’abord des conditions de fond (crise grave ou lorsque les circonstances l’exigent) et
ensuite de forme (consultation du Conseil constitutionnel et des bureaux des deux chambres
du Parlement). Depuis la loi constitutionnelle d’avril 2008, il est précisé que de nouvelles
élections législatives doivent être organisées quarante (40) jours au moins et cent (120) jours -
et non plus soixante (60) jours – au plus après l’expiration du délai de prorogation ou
d’abrègement de mandat.
Il faut souligner que le Président de la République, comme les membres du
Gouvernement, les députés et les sénateurs, est tenu aux termes de l’article 66 de la
Constitution de « faire une déclaration de [ses] biens et avoirs au début et à la fin de [son]
mandat ou [son] fonction ». Une telle prescription salutaire pour la transparence et la
moralisation de la vie et du personnel politiques camerounais n’est malheureusement pas
encore effective.
Paragraghe 2) Un Gouvernement subordonné au Président de la République

Du point de vue statutaire comme de la conduite de la politique de la nation, il est


indéniable que le Premier ministre et les autres membres du Gouvernement sont étroitement
dépendants du chef de l'Etat.
A) La dépendance statutaire
Le Gouvernement de la République est l’instance constituée par le Premier ministre,
les ministres d’Etat, les ministres, les ministres délégués et les secrétaires d’Etat.
Ils sont nommés et peuvent être démis de leurs fonctions par le chef de l’Etat. Ce
dernier peut leur déléguer certains de ses pouvoirs ; le Premier ministre, ou le cas échéant, un
autre membre du Gouvernement peuvent par délégation expresse être chargés d’assurer
certains des fonctions présidentielles, en cas d’empêchement temporaire du Président (article
10, alinéas 2 et 3). Précisons également qu’un membre du Gouvernement ne peut pas exercer
des fonctions ministérielles cumulativement avec certaines autres fonctions et/ou mandat :
mandat parlementaire, présidence d’un exécutif ou d’une assemblée d’une collectivité
territoriale décentralisée (commune ou région), toute fonction de représentation
professionnelle à caractère national et tout emploi ou activité professionnelle (article 13).
Leur responsabilité pénale peut être engagée devant la Haute Cour de justice (article
53 (1), alinéa 2). Elle peut en effet l'être en cas de complot contre la sûreté de l’Etat commis
dans l’exercice de leurs fonctions. Ce privilège de juridiction ne concerne qu’un seul type
d’incrimination. On pourrait se demander si leur responsabilité peut être engagée à raison des
crimes et délits commis soit avant leur entrée en fonctions, soit pendant leur exercice. Il serait
possible de soutenir que des actes d’instruction pourraient être diligentés à leur égard sur
autorisation du Conseil ministériel, et que les poursuites ne seraient intentées sauf cas de
flagrant délit qu’une fois leur mission menée à son terme. Un tel régime implique la
suspension de tout délai de prescription ou de forclusion des poursuites éventuelles.
B) La mise en œuvre de la politique présidentielle
Le Premier ministre et les autres membres du Gouvernement peuvent être considérés
comme subordonnés au chef de l’Etat car comme l’indique l’article 11, alinéa 1 er : « le
Gouvernement est chargé de la mise en œuvre de la politique de la nation telle que définie par
le Président de la République ».
Dans la Constitution, le Gouvernement en tant que structure collégiale ne dispose pas
véritablement de compétences propres. On peut simplement noter que c’est le Gouvernement
qui fixe l’ordre du jour prioritaire de l’Assemblée, permettant la discussion préalable des
projets de loi (textes à l’initiative de l’exécutif) et des propositions de loi (textes à l’initiative
des parlementaires) qu’il a acceptés (articles 18, alinéa 4 et 20, alinéa 4). Il lui est possible de
demander à ce qu’une entorse soit faite au principe de la publicité des débats, en demandant à
la chambre concernée, à titre exceptionnel, de « se réunir à huis clos » ; la même possibilité
étant également ouverte à la majorité absolue des membres de l’Assemblée concernée
(articles 17 (1) et 22, alinéa 1er). Il peut demander l’urgence (raccourcissement des délais
d’adoption de la loi) devant les deux chambres du Parlement ; elle lui est automatiquement
accordée (articles 18 (5) et 23 (5)). A cet égard, il est possible de soutenir que dans ses
rapports avec le Parlement, le Gouvernement sert d’interface et de lien entre le Président de la
République et les titulaires du pouvoir législatif. Enfin, le Gouvernement est collégialement
responsable devant l’Assemblée nationale (articles 11 (2) et 34).
Il faut souligner le rôle singulier, parmi les membres du Gouvernement, du Premier
ministre. En effet, l’article 12 de la Constitution précise qu’il « le chef du Gouvernement et
dirige l’action de celui-ci ». Dans ce rôle de direction et de coordination de l’action
gouvernementale, il est chargé de l’exécution des lois (adoption des mesures réglementaires
nécessaires à l’application des lois) ; il dispose d’un pouvoir réglementaire et d’un pouvoir de
nomination aux emplois civils et militaires par soustraction des prérogatives éminentes du
Président dans ces domaines. Il dispose de l’administration en ce sens qu’il supervise
l’ensemble des services administratifs nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Enfin,
les autres membres du Gouvernement peuvent, par délégation, exercer certaines de ses
prérogatives.

Section 3 : Le pouvoir législatif dans la Constitution camerounaise

Il convient d'abord de présenter le statut des parlementaires et ensuite de mettre en


valeur le caractère inégalitaire du bicamérisme camerounais.

Paragrahe 1 : Le statut des parlementaires


Comment sont-ils élus d'abord ? Selon quelles modalités les chambres sont-elles
organisées ensuite ?
A) Le mode d'élection des députés et des sénateurs
Les députés sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq (5) ans,
parmi les citoyens camerounais âgés de vingt-trois (23) ans et remplissant les conditions
posées par la loi électorale. Il s’agit d’un scrutin de liste dont les modalités sont précisées par
les articles 152 et 153 du Code électoral de 2012. La chambre basse est actuellement
composée de cent quatre-vingt (180 députés) ; nombre pouvant évoluer sous l’effet de
l’intervention du législateur (article 15, alinéa 1er).
Quant aux sénateurs, ils sont élus au suffrage universel indirect sur la base régionale,
à raison de sept (7) par région et trois (3) autres sont nommés par le Président de la
République (article 20 (2)), pour un mandat de cinq (5) ans. L’on ne peut être candidat à la
fonction de sénateur que si l’on est citoyen camerounais âgé de « quarante (40) ans révolus à
la date de l’élection ou de la nomination » (article 20, alinéa 3). A propos du Sénat, la loi
constitutionnelle du 14 avril 2008 a ajouté un alinéa 6 à l’article 67, qui ouvre la possibilité de
sa mise en place préalablement à celle des régions. Dans cette hypothèse, « le collège
électoral pour l’élection des sénateurs est composé exclusivement des conseillers
municipaux ». On neutralise ainsi l’article 222(1) du Code électoral, aux termes duquel : « les
sénateurs sont élus dans chaque région par un collège électoral composé des conseillers
régionaux et des conseillers municipaux ». Il s’agit là d’un exemple de découplage entre la
désignation de représentants et l’assise territoriale devant servir de base à cette désignation.

B) L'organisation des assemblées


De nombreuses dispositions sont communes aux députés et aux sénateurs. Il en est
ainsi de la compétence législative en matière de fixation de leur « régime des immunités, des
inéligibilités, des incompatibilités, des indemnités et des privilèges… » (article 14, alinéa 6).
Ce régime permet de garantir l’indépendance de ces élus en leur assurant un statut
d’irresponsabilité et d’inviolabilité pour toutes les opinions ou votes qu’ils auront à émettre
dans l’exercice de leurs fonctions. Cette approche commune concerne également l’autonomie
fonctionnelle des deux chambres : elles désignent leurs Présidents et bureaux (articles 16,
alinéa 2-a) et 21, alinéa 2), elles fixent leurs « règles d’organisation et de fonctionnement sous
forme de loi portant règlement intérieur » (articles 17, alinéa 2 et 22, alinéa 2).
Leur est également commun le régime des sessions ordinaires et extraordinaires.
Tout d’abord chaque chambre se réunit automatiquement, en session ordinaire, au début de
chaque législature (articles 16 (1) et 21 (1)). De plus, les chambres peuvent se réunir en
session extraordinaire à la demande du Président de la République ou d’un tiers des députés
ou des sénateurs. La durée d’une telle session ne peur excéder quinze (15) jours maximum et
la réunion doit porter sur un ordre du jour déterminé ; l’épuisement dudit ordre du jour valant
clôture de la session extraordinaire (articles 14, alinéa 3-b), 16 (3) et 21 (3)). S’agissant enfin
des sessions ordinaires, elles sont au nombre de trois pour chaque chambre et d’une durée
maximum de trente (30) jours chacune (articles 16 (2) et 21 (2)). Elles sont convoquées par
les bureaux des Assemblées après consultation du chef de l’Etat ; cette dernière consultation
pouvant valoir initiative eu égard à la pratique présidentialiste du régime politique
camerounais. La répartition dans le temps de ces trois sessions a été légèrement et
logiquement modifiée par la révision constitutionnelle d’avril 2008. En effet, au lieu de se
réunir aux mois de juin, novembre et mars, les trois sessions ordinaires auront dorénavant lieu
aux mois de mars, juin et novembre (article 14, alinéa 3-a)).
Les chambres du Parlement disposent aussi d'organes de direction et de travail
parlementaire. Il s’agit tout d’abord du bureau de l’Assemblée qui est notamment chargé de
son organisation et de la présidence de ses délibérations. Il est composé du Président de
l’Assemblée, du premier vice-président, de cinq (5) vice-présidents, de quatre (4) questeurs
(qui exercent des pouvoirs notamment en matière financière et comptable) et de douze (12)
secrétaires. On trouve ensuite la Conférence des présidents qui fixe notamment l’ordre du jour
de l’Assemblée sous réserve de l’ordre du jour prioritaire déterminé par le Gouvernement, se
prononce sur la recevabilités des différents projets ou propositions de loi ou encore procède à
la répartition de ces textes entre les Commissions générales compétentes. Sa composition est
fixée à l’article 18, alinéa 2 de la Constitution : « les présidents des groupes parlementaires,
les présidents des commissions et les membres du bureau de l’Assemblée nationale ». Un
membre du Gouvernement (en général, le ministre délégué à la Présidence chargé des
relations avec les Assemblées) participe aux travaux de la Conférence. Il faut par ailleurs
évoquer les Commissions permanentes de l’Assemblée au sein desquelles les députés
procèdent à un examen approfondi des projets ou propositions de loi. Elles sont au nombre de
neuf (9), notamment : la Commission des lois constitutionnelles, des droits de l’homme et des
libertés, de la justice, de la législation, des règlements et de l’administration ; la Commission
des finances et du budget ; la Commission des affaires étrangères ou encore la Commission de
la défense nationale et de la sécurité. On pense enfin aux groupes parlementaires qui sont
composés d’au moins quinze (15) députés.
Paragraphe 2 : Le bicamérisme inégalitaire
Il est visible dans le cadre des deux fonctions principales d'un parlement : la fonction
législative et la fonction de contrôle.
A) Dans le cadre de la fonction législative
Dans l’ordre juridique camerounais, les principaux actes infraconstitutionnels à
portée générale et impersonnelle sont les lois et les décrets. Ainsi qu’on l’a vu, les seconds
sont principalement de la compétence du chef de l’Etat et accessoirement du Premier ministre.
Mais il s’agit d’un domaine de compétence dont le champ d’application se définit par
référence au domaine de la loi. En effet, l’article 27 de la Constitution dispose que : « les
matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ressortissent au pouvoir
réglementaire ». On le qualifie de pouvoir réglementaire autonome par opposition au
traditionnel pouvoir réglementaire d’application des lois. Ce pouvoir réglementaire autonome
porte sur des domaines tels que l’organisation de l’administration centrale et déconcentrée, la
procédure administrative ou encore le régime des contraventions.
Le domaine de la loi figure à l’article 26 (2) ; disposition qui identifie six (6) groupes
de matières :
- Les droits, garanties et obligations fondamentaux des citoyens (régime des libertés
publiques, sauvegarde de la liberté et de la sécurité individuelles, droit du travail, droit
syndical et régime de la protection sociale, devoirs et obligations du citoyen en fonction des
impératifs de la défense nationale) ;
- Le statut des personnes et le régime des biens (nationalité, état et capacité des
personnes, régimes matrimoniaux, successions et libéralités, régime des obligations civiles et
commerciales, régime de la propriété mobilière et immobilière) ;
- L’organisation politique, administrative et judiciaire (régime des élections
présidentielles, législatives, sénatoriales, régionales et locales, régime des consultations
référendaires, régime des associations et partis politiques, organisation, fonctionnement et
détermination des compétences et des ressources des collectivités territoriales décentralisées,
règles générales d’organisation de la défense nationale, organisation judiciaire et création des
ordres de juridiction, détermination des crimes et délits et institution des peines de toute
nature, la procédure pénale, la procédure civile, les voies d’exécution, l’amnistie) ;
- Les questions financières et patrimoniales (régime d’émission de la monnaie,
budget, création des impôts et taxes et détermination de l’assiette, du taux et des modalités de
recouvrement de ceux-ci, régime domanial, foncier et minier, régime des ressources
naturelles) ;
- La programmation des objectifs de l’action économique et sociale ;
- Le régime de l’éducation.
Signalons au demeurant une hypothèse supplémentaire d’intervention du Parlement :
l’autorisation de ratification ou d’approbation des traités ou accords internationaux ayant des
incidences sur le domaine de la loi est accordée par voie législative au Président de la
République (article 43). Autrement dit, la ratification ou l’approbation d’un tel engagement
international ne serait pas régulière en l’absence d’une autorisation législative.
La répartition des compétences entre le domaine de la loi et le domaine du règlement
n’est pour autant pas intangible. Le Parlement peut autoriser le Président de la République à
prendre des mesures dans son domaine défini à l’article 26, alinéa 2. Il s’agit des ordonnances
dont le régime est fixé à l’article 28 de la Constitution. Ce type d’actes permet à l’exécutif de
prendre rapidement des mesures dans un domaine particulier des politiques publiques. Cette
urgence de l’action s’est récemment matérialisée avec l’adoption de deux ordonnances : n°
2008/001 du 7 mars 2008 portant révision du taux du tarif extérieur commun applicable à
l’importation du ciment et n° 2008/002 du 7 mars 2008 portant suspension des droits et taxes
de douane à l’importation de certains produits de première nécessité.
Les ordonnances ne peuvent être adoptées par le chef de l’Etat que s’il y est autorisé
par une loi d’habilitation, et ce pour un délai limité et sur des objets limités. Si elles entrent en
vigueur dès leur publication, elles conservent néanmoins le caractère d’acte réglementaire (car
édictées par l’exécutif) tant qu’elles n’ont pas été ratifiées par le Parlement ; cette ratification
leur conférant une forme législative. Avant leur ratification, elles sont donc susceptibles de
faire l’objet d’un recours en annulation devant la Chambre administrative de la Cour suprême.
En cas de refus de ratification de la part du Parlement, elles deviennent caduques.
Concernant plus précisément le processus de fabrication de la loi, l’article 26 (1) de
la Constitution dispose de manière abrupte que : « La loi est votée par le Parlement ».
Derrière une telle affirmation simple existe une réalité plus complexe qu’il convient de mettre
au clair. Tout d’abord, il ressort de l’article 25 que l’initiative des lois est partagée entre le
Président de la République (projets de loi) et les membres du Parlement (propositions de loi).
Ces projets et propositions sont déposés sur les bureaux des deux assemblées avant qu’ils ne
soient examinés par les Commissions générales compétentes ; examen précédant la discussion
du texte en séance plénière (article 26, alinéa 1er).
L’examen en session plénière porte sur le texte tel qu’il a été rédigé par ses
initiateurs (article 26, alinéa 2). Le droit d’amendement (suggestion de modification du texte
(en discussion) est cependant possible (article 26, alinéa 3). Précisons à cet égard que les
amendements comme les propositions de loi peuvent se voir opposer une déclaration
d’irrecevabilité lorsqu’ils « auraient pour effet, s’ils sont adoptés, soit une diminution des
ressources publiques, soit l’aggravation des charges publiques sans réduction à due
concurrence d’autres dépenses ou création de recettes nouvelles d’égale importance ». Le
Conseil constitutionnel peut être saisi en cas de doute ou de litige sur la recevabilité d’un texte
par le chef de l’Etat, le Président de l’Assemblée concernée ou un tiers des députés ou un tiers
des sénateurs (articles 18, alinéa 3-a et b) et 23, alinéa 3, a et b)). En l’état actuel du droit
parlementaire, les textes sont adoptés à la majorité simple par l’Assemblée nationale (article
19, alinéa 1er). Il s’agit quasi exclusivement des textes de loi proposés par le Président de la
République ; l’Assemblée nationale se transformant alors en « chambre d’enregistrement » eu
égard au fait majoritaire (concordance entre majorité présidentielle et majorité à l’Assemblée
nationale).
L’article 30 prévoit que le texte ainsi adopté par l’Assemblée sera transmis au
Président de la seconde chambre qui les soumettra à la délibération, et ce dans un délai de dix
(10) jours ou de cinq (5) jours en cas de déclaration d’urgence par le Gouvernement. Le Sénat
dispose alors de trois possibilités :
- Adopter le texte : son Président le retourne au Président de la chambre basse aux
fins de transmission, dans les quarante-huit (48) heures, au Présidence de la République pour
promulgation ;
- Apporter des amendements au texte : ils doivent être adoptés à la majorité simple
pour qu’ils soient valides et transmis ensuite à l’Assemblée nationale pour un nouvel examen.
S’ils sont adoptés à la majorité simple des députés, le texte est transmis au chef de l’Etat pour
promulgation ;
- Rejeter tout ou partie du texte à la majorité absolue des sénateurs, en accompagnant
ce rejet d’un exposé des motifs. L’ensemble est retourné à l’Assemblée pour un nouvel
examen, au terme duquel le texte peut être adopté à la majorité absolue des députés et
transmis pour promulgation au chef de l’Etat.
En cas d’absence de majorité absolue, une commission mixte composée à parité de
députés et de sénateurs peut être convoquée par le chef de l’Etat afin de proposer un texte
commun sur les dispositions rejetées par le Sénat. En cas d’échec de la commission mixte
paritaire ou de non-adoption d’un éventuel texte de compromis par l’une et l’autre chambres,
le Président de la République peut soit demander à l’Assemblée nationale de statuer
définitivement soit déclarer caduc le texte en cause. Il résulte de ce qui précède que les deux
chambres sont en situation d’inégalité en matière d’adoption de la loi : le Sénat ne dispose que
d’une faculté d’empêcher, qui peut être surmonté soit par un vote à la majorité absolue des
députés soit par le dernier mot qui peut leur être conféré par le chef de l’Etat. Ce dernier
dispose d’un délai de quinze (15) jours pour promulguer les lois, sauf hypothèse de demande
de seconde lecture ou de saisine du Conseil constitutionnel. Le Président de l’Assemblée
nationale dispose d’un pouvoir de substitution d’action en cas d’inertie ou de carence
présidentielle.
Reste la question de l’adoption de la loi de finances (budget de l’Etat) sur laquelle la
Constitution fait preuve d’ambigüité. En effet, il résulte de l’article 16, alinéa 2-b) que
l’Assemblée nationale vote le budget de l’Etat au cours de l’une de ses sessions (celle de
novembre par principe). On peut de surcroît lire l’article 34 (1) que « lors de la session au
cours de laquelle le projet de loi de finances est examiné, le Premier ministre présente à
l’Assemblée nationale le programme économique, financier, social et culturel du
Gouvernement ». Ces deux dispositions laissent à penser que le budget de l’Etat est voté par la
seule Assemblée nationale ; ce qui est de fait le reflet de la réalité. Mais, l’article 26, alinéa 2-
d)-2 intègre dans le domaine de la loi (votée par le Parlement) le budget. Cette approche est
confortée par l’article 57(1) de la loi n° 2018/012 du 11 juillet 2018 portant régime financier
de l’Etat et des autres entités publiques qui évoque le dépôt du projet de loi de finances au
Parlement au plus tard quinze (15) jours avant le début de la session budgétaire ; les chambres
ayant vingt (20) jours pour se prononcer sur le texte et dix (10) jours en cas d’urgence. Une
clarification sera en tout état de cause nécessaire sur ce point car il est de tradition que le
pouvoir financier appartienne aux deux chambres du Parlement, même si l’on peut accorder à
celle représentant l’ensemble des citoyens (l’Assemblée) la priorité d’examen du budget de
l’Etat.

B) Dans l'exercice de la fonction de contrôle


Sur le plan de la responsabilité politique des membres du Gouvernement, l’article 35
de la Constitution dispose que « le Parlement contrôle l’action gouvernementale par voie des
questions orales ou écrites et par la constitution des commissions d’enquête sur des objets
déterminés ». Aussi, les membres du Parlement peuvent-ils, au cours de chaque session
ordinaire et à raison d’une séance par semaine, poser des questions aux membres du
Gouvernement, qui sont tenus d’y répondre. Par ailleurs, le Gouvernement est tenu de fournir
des renseignements aux membres du Parlement « sous réserve des impératifs de la défense
nationale, de la sécurité de l’Etat ou du secret d’information judiciaire ».
De façon complémentaire à ce qui précède, l’article 85 (4 à 6) de la loi n° 2018/012
du 11 juillet 2018 portant régime financier de l’Etat et des autres entités publiques ouvre la
possibilité aux membres du Parlement de constituer des commissions qu’enquête sur un sujet
intéressant les finances publiques et pour une durée n’excédant pas six (6) mois (renouvelable
en cas de besoin). Les membres d’une telle commission disposeraient d’un pouvoir de
contrôle sur pièces et sur place, sous réserve des sujets touchant à la défense nationale, au
secret de l’instruction et au secret médical. Les personnes sollicitées (en dehors du chef de
l’Etat) sont tenues de déférer, au risque de commettre une entrave au fonctionnement de la
commission constitutive d’un obstacle à l’exécution d’une mission de service public. La
commission est obligée de transmettre aux autorités judiciaires tout fait susceptible
d’entraîner une sanction pénale dont elle aurait connaissance. Au terme de ses travaux, elle
rédige un rapport qui peut donner lieu à débat sans vote du Parlement.
La responsabilité politique du Gouvernement est plus fondamentalement sujette à
caution devant l’Assemblée nationale (article 11, alinéa 2). Cette dernière dispose à cet effet
de trois types de mécanismes dont deux sont d’initiative gouvernementale. Tout d’abord, le
Premier ministre peut engager, après délibération du Conseil ministériel, la responsabilité du
Gouvernement par le biais qu’une question de confiance sur un programme ou sur une
déclaration de politique générale (article 34, alinéa 2). Le vote ne peut voir lieu que quarante
huit (48) heures après la question de confiance et la majorité absolue des membres de
l’Assemblée est requise pour que la confiance soit refusée au Gouvernement. Seuls sont
recensés les votes défavorables à la question de confiance, les autres votes étant comptabilisés
comme étant favorables au Gouvernement.
Ensuite, au moins soixante (60) députés peuvent déposer une motion de censure à
l’encontre du Gouvernement. Un délai de réflexion de même durée que dans la précédente
hypothèse est prévu, mais la motion de censure de ne peut être adoptée qu’à la majorité des
deux tiers de l’ensemble des députés. Son rejet interdit aux signataires de la motion d’en
déposer une nouvelle avant le délai d’un an, sauf dans l’hypothèse d’une question de
confiance sur le vote d’un texte provoquée par le Premier ministre après délibération du
Conseil ministériel. Trois cas de figure sont alors envisageables : soit aucune motion de
censure n’est déposée dans les vingt-quatre (24) heures, le texte est considéré comme adopté
et le Gouvernement reste en place ; soit une motion de censure est déposée dans les délais
mais n’obtient pas la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée, on se retrouve
dans la même situation que dans le cas de figure précédent ; soit enfin, une motion de censure
déposée dans les délais recueille la majorité requise, alors le texte est rejeté et le
Gouvernement est considéré comme étant renversé.
De ce dernier point de vue, il résulte de l’article 34 (5) que, l’adoption d’une motion
de censure ou le rejet d’une question de confiance par l’Assemblée nationale oblige le
Premier ministre à « remettre au Président de la République la démission du Gouvernement ».
Cette disposition peut tout d’abord être juridiquement neutralisée par le fait que le chef de
l’Etat soit à même de « reconduire le Premier ministre dans ses fonctions et lui demander de
former un nouveau Gouvernement » (article 34, alinéa 6). De plus, la responsabilité politique
du Gouvernement est inexistante en pratique eu égard d’une part aux conditions exigeantes de
majorité posées, par la Constitution, à son engagement, d’autre part au fait majoritaire, le
Président de la République et son Gouvernement ayant toujours été soutenus à l’Assemblée
nationale par une imposante majorité parlementaire. La seule responsabilité politique des
membres du Gouvernement qui apparaisse, pour l’instant, effective est celle susceptible d’être
activée par le chef de l’Etat. Ce dernier peut en effet, en application de l’article 10 du texte de
1996, procéder discrétionnairement à des réajustements ou à des remaniements
gouvernementaux.
Cette incontestable neutralisation des mécanismes traditionnels d’engagement de la
responsabilité gouvernementale pose avec davantage d’acuité l’épineuse question d’un
éventuel statut de l’opposition. Un tel statut serait d’autant plus souhaitable qu’il permettrait
aux formations politiques de l’opposition de bénéficier d’une tribune et de leviers permettant
de satisfaire aux exigences inhérentes à la nécessaire diversité des courants d’opinion et
pensée. Dans cette mesure, ne perdons pas de vue au demeurant que les partis et formations
politiques disposent d’un rôle constitutionnel, qui est de « concour[ir] à l’expression du
suffrage… » (article 3).
C’est la raison pour laquelle on pourrait envisager d’assouplir certains mécanismes
constitutionnels afin d’offrir davantage de marge d’action et d’expression à l’opposition.
C’est ainsi qu’une motion de censure serait signée non pas par un tiers des députés (article 34,
alinéa 3), mais par des députés représentant le seuil requis pour créer un groupe
parlementaire, à savoir quinze (15) membres. Ces députés (hors le cas d’une motion de
censure défensive en réaction à une question de confiance sur le vote d’un texte, article 34,
alinéa 4), ne seraient pas habilités à déposer une nouvelle motion de censure au cours de la
même session parlementaire, et non pas dans un délai d’un an (ce qui est excessif pour les
droits de l’opposition) comme le précise à l’heure actuelle le texte constitutionnel. Un tel
assouplissement donnerait l’occasion à l’opposition de manifester sa désapprobation à l’égard
de la politique gouvernementale sans pour autant pouvoir renverser le gouvernement, eu égard
à la majorité renforcée nécessaire pour atteindre un tel objectif (majorité des deux tiers des
membres composant l’Assemblée nationale, que l’on pourrait d’ailleurs faire évoluer pour ne
plus exiger qu’une majorité absolue des députés).
Participerait également des droits de l’opposition, l’aptitude qui serait conférée à un
groupe parlementaire de demander la constitution d’une commission d’enquête sur un objet
déterminé au cours d’une session ordinaire (ce serait ainsi un ajout à l’actuel article 35, alinéa
1er). De même serait-il judicieux de donner la possibilité à un groupe parlementaire et non
pas, comme à l’heure actuelle à un tiers des députés ou un tiers des sénateurs, de saisir le
Conseil constitutionnel (article 47, alinéa 2) et de contester la régularité d’une consultation
référendaire (article 48, alinéa 3).
Section 4 : Le Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel est une innovation de la révision constitutionnelle de
janvier 1996. Il convient dès lors de présenter le statut de ses membres et de mettre ensuite en
valeur ses attributions.
Paragraphe 1) Le statut des membres du Conseil constitutionnel
Ses membres sont au nombre de onze (11) : trois, dont le Président, sont nommés par
le Président de la République, trois par chaque Président des Assemblées après avis du
bureau, deux par le Conseil supérieur de la magistrature. En plus de ces membres nommés
pourraient exister des membres à vie, en l’occurrence les anciens Présidents de la République.
Leur mandat était initialement de neuf (9) ans non renouvelable, garantissant ainsi leur
indépendance en sus du fait qu’ils sont choisis parmi les personnalités de réputation
professionnelle établie et doivent jouir d’une grande intégrité morale et d’une compétence
reconnue. De surcroît les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont incompatibles
avec celles de membre du Gouvernement, du Parlement ou de la Cour suprême. Ces garanties
d’indépendance et d’impartialité ont été fragilisées par la loi constitutionnelle du 14 avril
2008, qui vient préciser à l’article 51 (1) qu’ils sont « désignés pour un mandat de six (6) ans
éventuellement renouvelable ». Ce raccourcissement du mandat des conseillers et le caractère
désormais « éventuellement renouvelable » de celui-ci n’exclut nullement que l’on soit à
l’avenir en présence de conseillers « accommodants » pour le pouvoir (dès lors qu’ils
exerceraient un office plus retenu qu’offensif) au détriment des droits et libertés des citoyens
et de l’intégrité de la norme constitutionnelle.
En tout état de cause, la mise en place du Conseil constitutionnel n’est pas encore
effective. Dans l’attente, il revient à la Cour suprême d’exercer les attributions à lui reconnues
par la Constitution (article 67, alinéa 4). Pour l’instant, seules deux lois et un décret ont été
adoptés le concernant : les lois n° 2004/04 du 21 avril 2004 fixant l’organisation et le
fonctionnement du Conseil constitutionnel et n° 2004/05 du 21 avril 2004 fixant le statut des
membres du Conseil constitutionnel, et le décret n° 2005/253 du 30 juin 2005 portant
organisation et fonctionnement du Secrétariat général du Conseil constitutionnel.

Paragraphe 2) Les attributions du Conseil constitutionnel


Le rôle du Conseil constitutionnel est remarquablement résumé à l’article 46 de la
Constitution : il « est l’instance compétente en matière constitutionnelle. Il statue sur la
constitutionnalité des lois. Il est le régulateur du fonctionnement des institutions ». Il peut être
saisi par les deux têtes de l’exécutif, par les présidents des deux Assemblées, par un tiers des
députés ou des sénateurs et par les présidents des exécutifs régionaux lorsque les intérêts de la
région sont en cause (article 47, alinéa 2). Il doit statuer dans un délai de quinze (15) jours ou
de huit (8) jours à la demande du chef de l’Etat (article 49). Le juge constitutionnel peut par
ailleurs donner « des avis sur les matières relevant de sa compétence » (article 47, alinéa 4).

A) Le contentieux politique et institutionnel


En tant que régulateur du fonctionnement des institutions, le juge constitutionnel
statue sur les conflits d’attribution entre les institutions de l’Etat, entre l’Etat et les régions et
entre les régions. Il est le gardien de l’expression de la volonté nationale dans la mesure où il
« veille à la régularité de l’élection présidentielle, des élections parlementaires, des
consultations référendaires. Il en proclame les résultats » (article 48, alinéa 1er). Ces
attributions sont précisées dans les alinéas 2 et 3 de la même disposition : en cas de
contestation de la régularité des élections présidentielles ou parlementaires il « peut être saisi
par tout candidat, tout parti politique ayant pris part à l’élection dans la circonscription
concernée ou toute personne ayant qualité d’agent du Gouvernement pour cette élection ». Il
faut préciser que la Cour suprême statuant comme Conseil constitutionnel a eu à connaître de
nombreux recours relatifs au contentieux des élections législatives des 22 juillet et 23
septembre 2007, et de celles du 13 septembre 2014 ou encore février 2020. S’il s’agit d’une
contestation de la régularité d’une consultation référendaire, le Conseil « peut être saisi par le
Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale ou le Président du Sénat,
un tiers des députés ou un tiers des sénateurs ».
B) Le contentieux des normes
Comme juge de la Constitution, le Conseil constitutionnel peut examiner, avant leur
mise en application, les règlements des Assemblées du point de vue de leur conformité à la
Constitution. Il est également juge de la constitutionnalité des engagements internationaux du
Cameroun, avant leur ratification ou approbation. De ce point de vue, l’article 44 précise que
« si le Conseil constitutionnel a déclaré qu’un traité ou accord international comporte une
clause contraire à la Constitution, l’approbation en forme législative ou la ratification de ce
traité ou de cet accord ne peut intervenir qu’après la révision de la Constitution ».
Le Conseil constitutionnel est enfin juge de la conformité des lois à la Constitution. Il
s’agit d’un contrôle a priori, c’est-à-dire avant la promulgation de la loi par le Président de la
République. Les conséquences d’une éventuelle déclaration d’inconstitutionnalité d’une loi
sont radicales. Ainsi que le précise l’article 50, elle est insusceptible de tout recours et elle
s’impose à toutes les autorités de la République ainsi qu’à toute personne physique ou morale.
Quant au sort de la loi inconstitutionnelle, elle « ne peut être ni promulguée, ni mise en
application ». On ne peut que souhaiter la mise en place effective de cette juridiction
constitutionnelle, couplée à une ouverture de sa saisine non plus à un tiers des députés ou un
tiers des sénateurs mais plutôt à un groupe parlementaire, à savoir quinze (15) parlementaires.
De telles évolutions permettraient ainsi à l’opposition de saisir le Conseil constitutionnel de
toutes les lois jugées importantes, avec pour effet collatéral la transformation de celui-ci en
gardien des droits et libertés des citoyens.
CHAPITRE III : LE RÉGIME POLITIQUE DE LA Vème RÉPUBLIQUE
FRANÇAISE

L’adoption de la Constitution du 4 octobre 1958, instituant la Vème République a fait


figure d’événement majeur dans l’histoire constitutionnelle française. Il s’agit en effet d’un
cycle constitutionnel qui a pour volonté de rompre avec les régimes politiques précédents,
notamment les IIIème et IVème Républiques.
Le régime mis en place en 1958 est l’un des plus longs de l’histoire constitutionnelle
française : venant après la IIIème République, au titre de la durée, la Constitution de 1958 peut
être légitimement qualifiée de vice-doyenne (expression de Didier MAUS) des institutions
françaises depuis 1789. Ce régime a également fait preuve de stabilité, de souplesse et de
faculté d’adaptation : il a notamment résisté à la grande alternance de 1981 et à trois
cohabitations (1986-1988, 1993-1995, et surtout la plus longue, 1997-2002).
Il convient de mesurer l’originalité du système institutionnel actuel en examinant
d’abord ses traits généraux, avant de faire l’analyse des différents pouvoirs publics
constitutionnels.

Section 1 : Les caractères généraux de la Constitution de 1958


Avant d’analyser la procédure et la pratique des révisions de la Constitution de 1958,
il est nécessaire de mettre en exergue les traits saillants de la nouvelle architecture
constitutionnelle.

& 1. Les lignes de force du texte de 1958


La nouvelle Constitution avait pour principal objectif, selon les termes de M. Debré
dans son discours au CE le 27 août 1958, de « donner un pouvoir à la République ». Ceci
s’est notamment traduit par la primauté accordée au pouvoir exécutif, entraînant ainsi un
cantonnement de la puissance parlementaire.
A) Un exécutif bicéphale et renforcé
Avant d’aborder l’exécutif proprement dit, il faut dire que la Vème République tend à
dépasser le régime représentatif qui a été assimilé dans les Républiques précédentes à la
souveraineté parlementaire. De ce point de vue, un système de démocratie semi-directe est
mis en place : la SN appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du
référendum (art. 3 C). Le référendum est ainsi prévu non seulement en matière
constitutionnelle (art. 89 C) mais également et surtout en matière législative (art. 11 C).
Sur le plan de la présentation formelle, la Constitution de 1958 renverse la hiérarchie
traditionnelle entre les pouvoirs publics constitutionnels : après le titre 1er consacré à la
souveraineté, le titre second concerne de manière révélatrice le PR (le Parlement en 1946).
Les statuts et les compétences respectifs de l’exécutif ont été renouvelés. C’est ainsi que le PR
redevient un acteur politique, sous les traits d’un arbitre, chargé du respect de la Constitution
et du fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que de la continuité de l’Etat (art. 5
C). Dans cette perspective, le chef de l’Etat dispose des prérogatives propres et des pouvoirs
avec contreseing. La novation porte sur les premières : art. 8, al. 1 er, 12, 16, etc. Cette
renaissance du pouvoir présidentiel sera consolidée par l’instauration de l’élection du chef de
l’Etat au SUD en 1962.
Quant au gouvernement, il n’est plus étroitement dépendant du Parlement : les
fonctions ministérielle et parlementaire sont désormais incompatibles (art. 23 C) ; la mise en
cause de la responsabilité gouvernementale est très strictement encadrée en application du
parlementarisme rationalisé (art. 49 C). De plus, le pouvoir décisionnel ne relève plus des
assemblées mais du gouvernement (cf. art. 20 C). Par ailleurs, le gouvernement dispose du
pouvoir réglementaire autonome (art. 37 C, exercice d’un pouvoir normatif propre), différent
du pouvoir réglementaire d’exécution des lois (art. 21 C). Plus fondamentalement, le
gouvernement est désormais le « maître » de la procédure législative sous la réserve des
modifications apportées par la LC du 23 juillet 2008 (cf. notamment art. 44, 45 et 49, al. 3 C).
Il peut par ailleurs se substituer au Parlement, par le biais des ordonnances (art. 38 et 47 C).
La fonction parlementaire s’en trouve dès lors solidement encadrée.

B) L’abaissement originel du Parlement


L’encadrement de la puissance parlementaire n’est que la résultante de la
rationalisation du régime parlementaire, qui postule la stabilité ministérielle et l’efficacité de
l’action gouvernementale. S’agissant tout d’abord de la fonction législative du Parlement,
pour la première fois dans l’histoire constitutionnelle française, le domaine de la loi est limité
aux matières énumérées à l’art. 34. La procédure d’adoption des lois est par ailleurs encadrée
(art. 49, al. 3 et art. 44-3). La loi est par ailleurs concurrencée non seulement par les normes
communautaires mais également par la législation déléguée (art. 38) et par les lois
référendaires (art. 11). De plus la loi est certes encore « l’expression de la volonté générale »,
mais dans le respect de la Constitution (art. 61). On peut dès lors dire, avec certains auteurs (J.
Gicquel) que la loi perd donc son infaillibilité ou son incontestabilité.
Pour ce qui concerne ensuite sa fonction de contrôle, la mise en jeu de la
responsabilité gouvernementale a été rendue difficile par la mise en place de certains
mécanismes d’encadrement de la question de confiance et de la motion de censure. Il s’agit là
sans conteste d’une réaction contre les crises ministérielles à répétition qui avaient cours sous
les IIIème (108 gouvernements s’y sont succédé) et IVème Républiques (22 gouvernements).

C) L’application de la Constitution de 1958


Il nous revient ici de mesurer l’impact de la pratique institutionnelle sur le régime
politique de la Vème République. Les institutions mises en place en 1958 ont tout d’abord fait
preuve de stabilité. Ainsi, aucune crise ministérielle stricto sensu n’a été déclenchée, en
dehors de la motion de censure adoptée contre le gouvernement Pompidou le 5 octobre 1962
(en réalité, cette motion était synonyme d’opposition au référendum relatif à l’élection du PR
au SUD). Cette remarquable stabilité va de pair avec le jeu de l’alternance : aucune majorité
parlementaire n’a véritablement été renouvelée depuis les élections législatives de 1978. Trois
cycles politiques peuvent de ce point de vue être relevés : la droite au pouvoir (1958-1981) ;
la gauche prend la relève, hormis les deux premières cohabitations de 1986-1988 et de 1993-
1995 ; le retour de la droite à l’issue des élections présidentielles et législatives de 2002.
58
Par ailleurs, l’avènement du fait majoritaire ou du phénomène majoritaire (existence
d’une concordance entre majorité présidentielle et majorité parlementaire) dès les élections
législatives de 1962 constitue une donnée explicative de la stabilité institutionnelle (aussi bien
sinon mieux que les mécanismes constitutionnels sophistiqués prévus dans le texte du 4
octobre 1958). La responsabilité politique des autorités gouvernementales a été ainsi
neutralisée ; d’où la tendance récente à la fréquente mise en cause de la responsabilité pénale
des membres du gouvernement.
On peut parler d’une pratique institutionnelle duale sous la Vème République, selon
que les majorités présidentielle et parlementaire concordent ou se contredisent (lecture duale,
logique institutionnelle duale). Dans la première hypothèse, on parle plutôt de pratique
présidentialiste et dans la deuxième de coexistence institutionnelle ou de cohabitation. C’est la
volonté populaire, exprimée dans le cadre des élections générales, qui détermine la nature du
régime : tantôt un régime présidentialiste ou parlementaire à correctif présidentiel (J.-Cl.
Colliard), tantôt un régime parlementaire dans le cadre de la cohabitation. La Vème République
s’est ainsi adaptée aux situations politiques les plus variées : l’identité des majorités
présidentielle et parlementaire, leur contrariété ; une situation de « gouvernement à majorité
relative » a même existé de 1988 à 1993.
Pour reprendre une classification arrêtée par le professeur Jean Gicquel, le régime
présidentialiste a été instauré par la pratique institutionnelle du général de Gaulle (1959-
1969). Il a été confirmé sous la présidence de G. Pompidou (1969-1974) et préservé sous
VGE (1974-1981). A partir de la présidence de François Mitterrand, on peut parler d’un
régime présidentialiste fluctuant : un présidentialisme alterné de 1981 à 1988 (affirmation de
l’autorité présidentielle de 1981 à 1986 ; résurrection de l’autorité gouvernementale et 1ère
cohabitation de 1986 à 1988) ; un second septennat avec une présidence toute relative de 1988
à 1993 et la seconde cohabitation de 1993 à 1995. Sous Jacques Chirac, on peut parler d’un
présidentialisme finalement sauvegardé : un présidentialisme installé de 1995 à 1997 ; un
présidentialisme brisé ou le parlementarisme appliqué de 1997 à 2002 (cohabitation de
législature, inédite, atypique) ; le présidentialisme restauré en 2002, renforcé depuis 2007.

& 2. La révision de la Constitution de 1958


A titre introductif, il faut dire que le champ d’application de la Constitution de 1958
a pu être étendu de deux manières : par l’interprétation de la Constitution adoptée par le CC
(création et élargissement du bloc de constitutionnalité par la décision fondatrice du 16 juillet
1971, à la DDHC de 1789, au préambule de la Constitution de 1946 et aux PFRLR) ; par la
succession des révisions constitutionnelles (accélération du mouvement depuis le début des
années 1990). Ce domaine de la Constitution est par ailleurs protégé contre les empiètements
pouvant provenir des lois, des règlements des assemblées ou encore des engagements
internationaux. Les décisions du juge constitutionnel peuvent, à cette occasion, entraîner des
révisions de la Constitution. On peut donc à juste titre parler à ce sujet d’un lien entre justice
constitutionnelle et révision constitutionnelle (L. Favoreu).
Nous évoquerons tout d’abord les différentes procédures de révision de la
Constitution de 1958 avant de parler de la pratique des révisions constitutionnelles sous la
Vème République.

A) Les procédures de révision de la Constitution


Le régime politique de 1958 distingue deux procédures de révision : une procédure
normale (art. 89 C) ; une procédure controversée ou de contournement, exceptionnelle ou
concurrente (art. 11 C).
1) La procédure normale de révision

L’initiative. Elle est partagée entre le chef de l’Etat (projet de révision) et les
parlementaires (proposition de révision).
L’initiative du PR n’est pas autonome : elle est subordonnée à une proposition du
PM et elle est finalisée par un décret soumis au contreseing ministériel. Il faut préciser que le
PR n’est pas forcément lié par la proposition du chef du gouvernement : J. Chirac a ainsi
opposé, en juin 1999, une fin de non-recevoir à L. Jospin concernant la Charte sur les langues
régionales ou minoritaires.
S’agissant du pouvoir d’initiative des parlementaires, il est conditionné en pratique
par la maîtrise par le gouvernement de l’ordre du jour des assemblées (art. 48 C). De ce point
de vue, aucune proposition de révision n’a encore abouti en pratique, et ce malgré le vote
positif de l’une des assemblées. Exemple de la période récente : vote du Sénat (régime
financier des collectivités locales en 2000 ; transposition des directives communautaires en
2001) ; adoption par l’AN (droit de vote et d’éligibilité des ressortissants non communautaires
aux élections locales en 2001 ; statut pénal du chef de l’Etat la même année). Le projet ou la
proposition ne peut être discuté devant les assemblées qu’au terme de délais précisés à
l’article 42C(6 semaines pour la 1ère assemblée saisie et 4 après la transmission du texte à la
seconde ; entrée en vigueur de cet article le 1er mars 2009).
Le vote en termes identiques par les deux assemblées. La proposition ou le projet
doit être adopté en termes identiques par l’AN et le Sénat. Cette obligation de vote identique
exclut tout recours à la procédure de la CMP. De plus, elle confère aux deux chambres du
Parlement une sorte de droit de veto, interdisant ainsi toute révision qui n’aurait pas leur aval.
Le Sénat en particulier a pu faire usage de ce droit de veto notamment en 1984 et en 1990. Le
vote est acquis dans chaque assemblée à la majorité simple des présents.
La ratification ou l’approbation définitive. Les 2ème et 3ème alinéas de l’art. 89 C
prévoient le principe du recours au référendum pour approuver définitivement le texte adopté
par les deux assemblées en termes identiques. Lorsqu’il s’agit d’une proposition de révision,
le recours au référendum est obligatoire, à l’exclusion de toute autre procédure.
Cependant, s’il s’agit d’un projet la révision peut ne pas être soumise à référendum si
le PR décide de la soumettre au Congrès du Parlement réuni à Versailles (l’ensemble des
députés et des sénateurs siégeant dans un même hémicycle). Le projet n’est alors adopté qu’à
la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le choix du chef de l’Etat entre les
deux procédures relève de sa compétence discrétionnaire.
En pratique la presque totalité des révisions constitutionnelles adoptées dans le cadre
de l’art. 89 ont été ratifiées par le Congrès du Parlement. Le principe est donc devenu
l’exception en pratique. En effet, ce n’est que le 24 septembre 2000 que le référendum sera
utilisé, pour la première fois, en vue de l’achèvement de la révision relative au quinquennat
(pour ce qui est des révisions récentes (décentralisation et mandat d’arrêt européen), c’est la
voie du Congrès qui a été utilisée).
2) La procédure controversée de l’art. 11 C
Il s’agit d’une procédure de contournement, non prévue par les textes (seule
dérogation à l’art. 89, révision des dispositions relatives à la défunte Communauté francoafricaine
et malgache ; ex-art. 85 : vote de la loi en termes identiques par le Parlement
français et le Sénat de la Communauté).
Le problème du recours à l’art. 11 pour réviser la Constitution s’est posé pour la
première fois en 1962, à l’occasion du projet de réforme relatif à l’élection du PR au SUD. Le
général de Gaulle, voulant éviter l’opposition du Sénat et d’une partie importante de l’AN, a
songé à contourner un tel obstacle parlementaire en ayant recours au référendum législatif. La
même méthode sera utilisée en 1969 s’agissant de la réforme du Sénat et la régionalisation ;
mais le texte sera rejeté par le peuple français.
Au-delà d’une intense querelle politique, le recours à l’art. 11 a surtout engendré une
importante controverse juridique. La doctrine dominante, s’appuyant notamment sur
l’existence d’un titre spécial consacré à la révision (titre XVI), a estimé que cette procédure
de contournement n’était non seulement pas prévue par la Constitution mais lui était contraire.
La doctrine minoritaire a pour sa part justifié ou tenter de justifier le recours à l’art.
11. Dans cette perspective, la thèse la plus poussée est celle de P. Lampué (RDP 1962) : il
considère que la procédure de l’art. 11 est en concurrence avec celle de l’art. 89, tout comme
avec celle relative à l’élaboration parlementaire des lois ordinaires (art. 45) ou organiques (art.
46) – argument se fondant sur la notion d’organisation des pouvoirs publics de l’art. 11 C..
Après le succès du référendum de 1962, une autre thèse a été soutenue : celle de la
coutume constitutionnelle (G. Vedel). Deux objections peuvent être apportées à cette thèse : il
n’est pas sûr qu’en matière constitutionnelle la coutume puisse contrarier le texte écrit ; de
plus, tous les éléments constitutifs de la coutume ne semblent pas réunis dans la mesure où, en
1969, le peuple français, en rejetant le texte qui lui était proposé peut avoir remis en cause la
procédure de l’art. 11.
B) La pratique de la révision constitutionnelle sous la Vème République
Si l’on met de côté la seule révision qui a été adoptée sur la base de l’ex-art. 85 C
(LC du 4 juin 1960 concernant la modification des dispositions relatives à l’éphémère
Communauté franco-africaine) et celle votée dans le cadre de l’art. 11 C (LC du 6 nov. 1962
modifiant les art. 6 et 7 C en vue d’instaurer l’élection du PR au SUD), on peut dénombrer
pour l’instant vingt-deux révisions de la Constitution de 1958. Cette utilisation fructueuse de
l’art. 89 C pose la question d’une éventuelle banalisation de la révision constitutionnelle,
voire de « la désacralisation progressive de la Constitution de 1958 » (P. Pactet) ; ceci
d’autant plus, pas moins de dix révisions ont été adoptées depuis 2000 (dont 2 en 2003, 2 en
2005, 3 en 2007 et 2 en 2008).
Section 2 : L’exécutif sous la Vème République
L’exécutif de la Vème République est bicéphale. Il est en effet composé d’une part
d’un PR, chef de l’Etat et d’autre part, d’un gouvernement avec à sa tête le Premier ministre
(le chef du gouvernement était qualifié de Président du Conseil dans les deux Républiques
précédentes).

& 1. Le Président de la République


Le PR occupe une place centrale dans l’architecture constitutionnelle mise en place
en 1958 : il est évoqué dans le titre II après celui consacré au peuple (dans la Constitution de
1946 par exemple, il était relégué au titre IV après le parlement et gouvernement). Cette
revalorisation de la fonction présidentielle est perceptible à travers le statut du chef de l’Etat
et des pouvoirs qu’il détient à ce titre.

A) Une institution stable


Le caractère central de l’institution présidentielle se retrouve dans les contours du
mandat qu’il détient et dans la difficulté qu’il y a à mettre en cause sa responsabilité.

1) Le mandat présidentiel
Le Président dispose d’un mandat électif d’une durée initiale de sept ans, réduite à
cinq ans en 2000. L’article 6, al. 1er C prévoit désormais que : « le PR est élu pour cinq ans au
SUD ». Depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008, l’alinéa 2 de cette disposition
précise que : « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ». C’est du caractère
électif de son mandat que le chef de l’Etat tire notamment son autorité. A ce niveau
également le mode d’élection du président a été bouleversé en 1962, entraînant ainsi une
transformation profonde du régime.
Rappel. En 1958, le corps électoral ne sera plus exclusivement parlementaire ; il est
élargi à d’autres élus politiques de façon à garantir une relative indépendance au chef de
l’Etat. Il s’agit d’une élection au SUI par un collège d’environ 80 000 membres. Ce dernier
élira le général de Gaulle, le 21 décembre 1958, à 78,5 % de suffrages exprimés.
Mais très rapidement, le général de Gaulle va mettre en valeur ses préférences pour
l’élection directe par le peuple. Aussi va-t-il par exemple déclarer au président du CC en 1961
que « la Constitution a comme principal avantage d’avoir rendu à l’Etat un chef : pour que
celui-ci subsiste [après son départ] il est nécessaire que son successeur soit élu au SUD »,
afin de bénéficier d’une « autorité qui le porterait au-dessus de lui-même ». L’occasion d’une
telle réforme lui en fut offerte par l’attentat dont il fut l’objet au Petit-Clamart le 22 août
1962. L’émotion populaire aidant, de Gaulle annonce l’organisation d’un référendum sur
l’élection du PR au SUD le 20 septembre 1958 ; référendum adopté le 28 octobre suivant
(révision des articles 6 et 7 C). Cette réforme va contribuer à institutionnaliser la primauté
politique du chef de l’Etat ; primauté qui ne reposait jusqu’alors que sur la légitimité
historique du général.
a) La durée du mandat
A l’origine, le PR était élu pour sept ans renouvelables (septennat instauré pour des
raisons conjoncturelles en 1873, sous la IIIème République ; expliquer). En 1958, une telle
durée du mandat avait été conservée afin notamment de garantir l’indépendance du président
vis-à-vis des députés (qui ont un mandat plus court). De Gaulle avait ainsi déclaré dans les
années 1960 que : « Dans notre République, c’est parce que le chef de l’Etat répond de
l’intérêt supérieur et permanent de la nation qu’il est élu par le peuple pour sept ans ». Cela
étant, son successeur immédiat, G. Pompidou, tentera d’instaurer le quinquennat en 1973,
mais n’étant pas assuré que le projet de loi constitutionnelle sera ratifié par le Congrès à la
majorité des trois cinquièmes, la réforme fut ajournée.
C’est finalement en 2000 que la réforme du quinquennat sera engagée et conduite à
son terme. En effet alors que M. Chirac avait plusieurs reprises marqué son opposition au
quinquennat (ce serait une « erreur »), il sera finalement contraint à proposer un projet de loi
constitutionnelle à l’approbation du peuple, le débat en ce sens ayant été relancé par VGE et
repris par L. Jospin (mai 2000). Après l’adoption du projet dans les mêmes termes par l’AN et
le Sénat au mois de juin 2000, le projet de révision est, pour la première fois, approuvé par un
référendum constituant, le 24 septembre 2000 (73 % des suffrages exprimés, record
d’abstention, un peu moins de 70 % des inscrits).
La doctrine comme la classe politique restent divisée s’agissant des conséquences de
cette adoption du quinquennat présidentiel. Certains soutiennent que cette réforme est
contraire à l’esprit des institutions ; ces dernières qui considèrent comme étant déterminant
pour le rôle de l’institution présidentielle l’existence d’un mandat stable dans le temps. Pour
d’autres, la réduction du mandat présidentiel à partir du moment elle assure une
harmonisation de la durée des mandats présidentiel et parlementaire (AN), permet d’éloigner
(sans toutefois les supprimer) les risques de cohabitation et contribue à la modernisation de la
vie politique.
b) La fin du mandat.
Le mandat présidentiel peut être interrompu avant de parvenir à son terme pour des
causes très variées. De ce point de vue, deux hypothèses sont distinguées par l’article 7 C : la
vacance de la présidence, c’est-à-dire un évènement qui laisse vacante la fonction
présidentielle (démission, de Gaulle en 1969 ; décès, G. Pompidou en avril 1974 ; destitution
pour haute trahison) ; l’empêchement en ce sens que le président est empêché d’exercer ses
fonctions soit provisoirement soit définitivement (maladie grave, disparition, etc.). Se pose
alors la question du remplacement ou de la suppléance du chef de l’Etat.
La Constitution de 1958 a prévu l’intérim présidentiel dans son article 7. Ainsi
l’empêchement provisoire ou définitif doit être constaté par le CC saisi par le gouvernement
et statuant à la majorité de ses membres. Cette procédure n’est pas prévue en cas de vacance,
même si le CC s’est saisi lui-même pour déclarer la vacance de la présidence en 1969 et en
1974. Dans ces deux hypothèses, il faut procéder à des élections présidentielles anticipées
dans les 20 jours au moins et 35 au plus après l’ouverture de la vacance ou la déclaration du
caractère définitif de l’empêchement.
Pendant cet intervalle l’intérim présidentiel est assuré par le Président du Sénat et, en
cas d’empêchement de ce dernier, par le gouvernement. Cela étant, ce président intérimaire ne
peut ni organiser un référendum sur le fondement de l’article 11 ni dissoudre l’assemblée
nationale (art. 12). De plus, aucune procédure de mise en cause de la responsabilité politique
du gouvernement ne peut être utilisée (art. 49 et 50) ; il en est de même de la procédure de
révision de l’article 89 C. Pendant les deux périodes de vacance du pouvoir présidentiel (1969
et 1974), l’intérim présidentiel a été exercé par le même homme, à savoir Alain Poher.

2) La responsabilité du Président
On devrait plutôt parler de la quasi-irresponsabilité du chef de l’Etat car sa
responsabilité, soit dépend de lui (politiquement parlant), soit est pour l’instant restée lettre
morte (pénalement parlant). Aux termes de la Constitution, le PR est irresponsable
politiquement et sa responsabilité ne peut être engagée que sur le plan pénal.
a) L’irresponsabilité politique
Ce principe est de façon lointaine issu de l’inviolabilité du monarque, et à l’époque
contemporaine de l’irresponsabilité du chef de l’Etat dans un régime parlementaire (le
gouvernement et son chef étant responsables devant le parlement). Sous la Vème République,
l’irresponsabilité politique du PR signifie qu’il n’existe, dans la Constitution, aucune
procédure susceptible de contraindre le titulaire de la fonction présidentielle à démissionner
pour des mobiles politiques.
Certains ont cependant soutenu l’existence d’une certaine responsabilité politique du
président. Cette dernière était proclamée par le général de Gaulle lui-même : avant chaque
consultation électorale ou votation référendaire majeure, il tenait à engager sa fonction,
expliquant qu’il la quitterait en cas d’échec (hypothèse où le peuple français refuserait de lui
conserver sa confiance). Le constitutionnaliste René Capitant avait ainsi pu déclarer que : la
Vème République « est un nouveau système d’institutions, parmi lesquelles la plus importante
est un PR responsable devant le SU…Cette responsabilité est la clé de voûte de tout le
système ». Pour cet auteur, cela signifie que le président doit avoir la confiance de la majorité
du peuple ; il peut tout lorsqu’il en dispose, mais au contraire sans elle « il ne peut rien et doit
se retirer ». Une telle perte de confiance peut notamment provenir d’un échec aux élections
présidentielles, d’un référendum négatif ou encore de la perte des élections législatives par sa
majorité parlementaire. Cette doctrine Capitant est assimilable à un principe constitutionnel
non écrit qui provient de « la règle fondamentale sur laquelle repose l’édifice constitutionnel
de la Vème République, à savoir que le Président est responsable devant le peuple ».
Il faut tout de même reconnaître qu’aucun des successeurs du général de Gaulle ne
s’est senti lié par une telle règle constitutionnelle non écrite : Valery Giscard d’ESTAING
(VGE) affirmait en 1978 qu’il se maintiendrait au pouvoir même en cas de victoire de la
gauche aux élections législatives ; François Mitterrand et Jacques Chirac ont assumé les
différentes cohabitations survenues dans le cours de leurs mandats présidentiels respectifs. De
ce point de vue, il n’est pas exagéré de soutenir qu’il n’existe aucune règle obligeant le PR à
démissionner en cas de perte de la confiance du peuple souverain. Seule une éventuelle non
réélection peut être considérée incontestablement comme une sanction politique (VGE en
1981). En tout état de cause, on ne peut parler de responsabilité politique du président sous la
Vème République, à partir du moment où l’effectivité d’un tel système de responsabilité
dépend, pour l’essentiel, de son bon vouloir.
b) La délicate question de la responsabilité pénale du PR.
Le principe et les modalités de mise en œuvre de cette responsabilité sont énoncés à
l’article 68 C : « le PR n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions
qu’en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en accusation que par les deux assemblées
statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité absolue des membres les
composant ; il est jugé par la Haute Cour de Justice ».
Pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions, le président n’est
responsable qu’en cas de haute trahison (notion non définie par la Constitution) ; en dehors de
cette hypothèse, il bénéficie de l’irresponsabilité qui se poursuit même après la fin de son
mandat. S’il se rend coupable de « haute trahison », il peut être mis en accusation par les deux
assemblées statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité absolue des
membres les composant. Chaque assemblée ne statue que si une résolution a été proposée par
un dixième de ses membres (58 députés ou 32 sénateurs). L’instruction de l’affaire est ensuite
conduite par une Commission composée de cinq magistrats de la Cour de cassation, qui peut
transmettre le dossier à la Haute Cour de Justice, seule compétente pour juger le président.
Elle est composée exclusivement de parlementaires (24 juges titulaires et 12 juges
suppléants ; président élu parmi les membres de la Haute Cour). Aucun chef de l’Etat n’a
encore été jugé sous la Vème République en application de cette procédure.
La question la plus délicate concerne les actes accomplis hors de l’exercice des
fonctions soit pendant la durée du mandat soit avant le début de celui-ci. La doctrine s’est
récemment divisée à ce propos : pour certains, l’irresponsabilité présidentielle ne concernerait
que les actes rattachables à l’exercice des fonctions ; pour tous les autres actes, le président est
un citoyen ordinaire, justiciable à ce titre des juridictions de droit commun (lecture combinée
des deux phrases de l’article 68 : la première énoncerait une règle de fond, l’irresponsabilité
du président pour les actes rattachables, sauf cas de haute trahison ; la seconde établirait une
règle de procédure, en cas de haute trahison, jugement du président par la HCJ).
* Une autre interprétation s’est révélée, à la faveur de la mise en cause du chef de
l’Etat en exercice, notamment dans l’affaire des « emplois fictifs de la ville de Paris ». Elle
revient à proposer une lecture « dissociée » de l’article 68. La seconde phrase de celui-ci
n’instituerait pas une règle de procédure, applicable au seul cas de haute trahison évoqué dans
la première phrase. Il s’agirait d’une règle générale, applicable à l’ensemble des actes
détachables des fonctions présidentielles (immunité pour les actes rattachables ; privilège de
juridiction pour les autres pendant la durée du mandat).
C’est à une conception assez proche que se déterminera le CC dans sa décision du 22
janvier 1999, CPI : « pendant la durée de ses fonctions la responsabilité pénale du PR ne peut
être mise en cause que devant la HCJ ». L’assemblée plénière de la Cour de cassation,
statuant sur cette question du statut pénal du chef de l’Etat, est venu nuancer la position du
CC, et ce dans son arrêt Breisacher du 10 octobre 2001. Comme le juge constitutionnel, elle
estime que le PR en exercice ne peut pas comparaître devant les juridictions pénales
ordinaires, se fondant ainsi sur plusieurs motifs : le principe de continuité de l’Etat, la
nécessité de ne pas entraver le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le respect de la
singularité et de la dignité de la fonction présidentielle (art. 5 C ; président, élu de l’ensemble
de la nation). Mais, à la différence du CC, la Cour de cassation écarte la compétence de la
HCJ pour les actes antérieurs ou détachables de l’exercice des fonctions. Enfin, l’assemblée
plénière considère qu’en contrepartie de l’inviolabilité, la prescription de l’action publique est
suspendue pendant la durée du mandat présidentiel : le président pourrait donc être poursuivi
une fois ses fonctions achevées.
Devant le caractère imprécis de l’article 68 C et eu égard aux interprétations
relativement divergentes qui en résultent (notamment entre le CC et la C. Cass.), le Président
Chirac va nommer par décret du 4 juillet 2002, une Commission de 12 membres présidée
par le professeur Pierre Avril, et chargée de mener une réflexion sur le statut pénal du
PR. Le rapport de cette Commission sera remis au chef de l’Etat le 12 décembre 2002 ; la
Commission y propose de remodeler le titre XI, avec une nouvelle rédaction des articles 67 et
68 C. En substance, cette Commission considère que le mandat présidentiel est spécifique
(mandat conféré directement par le peuple, mission spécifiée à l’art. 5 C), le chef de l’Etat
n’est donc pas un justiciable ordinaire. Le texte proposé réaffirme dès lors l’irresponsabilité
du Président pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions et son inviolabilité à
l’égard de toute action qui pourrait être menée contre lui, tant sur le plan pénal, civil ou
financier.
Mais le président ne doit pas bénéficier d’une impunité : les délais de prescription ou
de forclusion sont suspendus durant le mandat. Un mois après le terme du mandat, le
président redevient un justiciable ordinaire que plus rien ne protège ; il peut alors être
poursuivi pour des actes commis avant le début de son mandat ou durant celui-ci.
Ces principes ont été repris lors de la révision constitutionnelle de février 2007, qui
introduit dans la Constitution un nouveau titre IX relatif à la Haute Cour. En effet, l’article 67
prévoit désormais que le PR n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité (sauf
hypothèses art. 53-2 ou 68). Durant son mandat, il ne peut être requis de témoigner non plus
que de faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite devant
aucune juridiction ou autorité administrative française. En contrepartie de cette immunité
fonctionnelle, tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu. Ce qui implique, que
les instances et procédures puissent être reprises ou engagées contre lui un mois après la fin
de son mandat.
Une autre question concernait le cas dans lequel un comportement, pénalement
sanctionné ou non, accompli ou révélé durant son mandat, rend manifestement impossible la
poursuite de l’exercice du mandat présidentiel par son titulaire. Le nouvel article 68C, à la
suite de la Commission, a ainsi prévu de protéger la mission présidentielle contre son titulaire,
en mettant en place la notion de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible
avec l’exercice de son mandat ». Le président peut dans cette hypothèse être destitué non pas
à l’issue d’une appréciation pénale mais d’une décision politique. A cet égard, une initiative
de réunion de la Haute Cour (l’expression Justice a disparu) est prise par l’une des assemblées
et transmise à l’autre qui doit l’inscrire à l’ordre du jour, et l’accepte ou la refuse dans les 15
jours (décision prise à la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée en question). La
décision de destitution ou de non destitution est prise, dans un délai d’un mois, à la majorité
des deux tiers des membres de la Haute Cour (seuls sont recensés les votes favorables à la
proposition de réunion de la Haute Cour ou à la destitution ; toute délégation de vote est
interdite). La Haute Cour est présidée par le président de l’AN. Afin que soit assurée la
continuité de l’Etat, la convocation de la Haute Cour vaut empêchement provisoire du PR
(application de l’art. 7, al. 4 C) et la procédure est enfermée dans des délais brefs. Si le
Président n’est pas destitué il retrouve la plénitude de son mandat ; s’il est destitué il redevient
un citoyen et un justiciable ordinaire, susceptible le cas échéant de sanctions pénales dans les
conditions du droit commun.
B) Les pouvoirs du Président
La fonction présidentielle est définie dans l’article 5 C : le chef de l’Etat est
considéré comme le gardien de la Constitution, le garant de l’indépendance nationale, de
l’intégrité du territoire et du respect des traités ; en tant qu’arbitre il assure le fonctionnement
régulier des pouvoirs publics. Cette disposition constitutionnelle a été essentiellement conçue
autour de la notion d’arbitrage.
La distinction majeure qu’il convient ici de présenter concerne d’une part les
pouvoirs propres (dispensés de contreseing) et d’autre les pouvoirs partagés ou « normaux »
(M. Debré), qui ont besoin, pour être exercés, du contreseing du PM et, le cas échéant, des
ministres responsables (art. 19 C). Il faut dire d’emblée que ce sont les pouvoirs partagés qui
sont susceptibles de fluctuer au gré de la configuration politique du moment : en période
« présidentialiste » c’est le chef de l’Etat qui détient la réalité du pouvoir de décision, le chef
du gouvernement se contentant d’un simple pouvoir de confirmation (capitaine) ; à l’inverse,
en période de cohabitation, le PM retrouve la direction effective des affaires publiques
(arbitre). Pour autant, le PR n’est jamais réduit à un rôle formel ou protocolaire.

1) Les pouvoirs propres ou dispensés de contreseing


Ils sont énumérés dans l’article 19 C : la nomination du PM (art. 8, al. 1er), le
référendum législatif (art. 11), la dissolution de l’AN (art. 12), les pouvoirs exceptionnels ou
de crise (art. 16), le droit de message au parlement (art. 18), la saisine du CC (art. 54 et 61, al.
2) et la nomination des membres dudit Conseil (art. 56).
a) Les pouvoirs visant à assurer le respect de la Constitution.
Il s’agit des pouvoirs prévus aux articles 54, 56 et 61 C. Le chef de l’Etat nomme
tout d’abord (art. 56 C) un des trois membres du CC, et ce tous les trois ans ; cette décision de
nomination n’est pas susceptible de recours contentieux devant le juge administratif : c’est un
acte de gouvernement. Il désigne en outre le président du CC, qui détient une voix
prépondérante en cas de partage des voix. Mais l’actualité récente a pu montrer que si le PR
est une autorité de nomination, il ne se reconnaît pas compétence pour mettre un terme au
mandat de l’un des membres du Conseil, notamment son président (cas R. Dumas). Depuis, la
révision constitutionnelle de juillet 2008, ces nominations présidentielles sont soumises à la
procédure du nouvel article 13, alinéa 4 : avis public de la commission permanente
compétente de chaque assemblée ; pouvoir de blocage de chaque commission, lorsque
l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes
des suffrages exprimés en leur sein. Il s’agira donc désormais d’un pouvoir propre
conditionné.
Avec les articles 54 et 61, il se transforme en autorité de saisine. Il peut saisir le juge
constitutionnel afin qu’il examine soit la compatibilité avec la Constitution d’un engagement
international, soit la constitutionnalité d’une loi ordinaire non encore promulguée. Il n’a pour
l’instant jamais utilisé cette dernière possibilité. A l’inverse, le PR a déjà usé du pouvoir qu’il
tient de l’article 54 à plusieurs reprises, notamment : 11 mars 1992, TUE signé à Maastricht le
7 février 1992 ; 24 décembre 1998, traité de Rome du 18 juillet 1998 portant statut de la CPI,
saisine conjointe ; 29 octobre 2004, Traité établissant une Constitution pour l’Europe ; 13
décembre 2007, Traité de Lisbonne.
b) Les pouvoirs permettant de garantir la continuité de l’Etat, l’indépendance
nationale et l’intégrité du territoire.
L’on veut parler essentiellement des pouvoirs exceptionnels de l’article 16. C’est une
inspiration lointaine de la débâcle de mai-juin 1940. Cet article confie au PR des pouvoirs
exceptionnels en période de crise grave, lorsque certaines conditions sont réunies :
* Des conditions de fond : elles sont énoncés dans l’alinéa 1 er aux termes duquel :
« lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité du
territoire ou l’exécution des engagements internationaux sont menacés d’une manière grave
et immédiate, et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est
interrompu, le PR prend les mesures exigées par ces circonstances ». Ces conditions ont un
caractère cumulatif : il faut à la fois une menace grave et immédiate et une interruption du
fonctionnement des pouvoirs publics. Les mesures proportionnées que devrait prendre le chef
de l’Etat doivent poursuivre une finalité, que l’on trouve à l’alinéa 3 du même article : elles
« doivent être inspirées par la volonté d’assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans
les moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission ». Il s’agit d’une forme d’obligation
juridique entraînant des résultats probants au terme d’une brève période.
* Des conditions de forme : les mesures envisagées ne peuvent être adoptées qu’
« après consultation officielle du PM, des présidents des assemblées ainsi que du CC » (al.
1er). De plus, le président doit en informer la nation par un message (al. 2), et consulter le CC
sur le contenu des mesures envisagées (al. 3).
Il faut tout de même observer qu’il n’existe pas véritablement d’instance habilitée à
contrôler le respect de ces conditions, ou éventuellement à sanctionner le chef de l’Etat en cas
de transgression de ces prescriptions constitutionnelles (évoquer néanmoins la différence de
statut contentieux des mesures prises en application de l’article 16 : la décision de mettre en
œuvre cet article est un acte de gouvernement ; seules peuvent être contrôlées par le CE les
mesures qui interviennent dans le champ des compétences réglementaires). Le Président est
donc, à la limite, seul juge pour apprécier en pratique si les conditions de mise en œuvre de
l’article 16 sont réunies.
Cependant, depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008, le dernier alinéa de
l’article 16 prévoit, qu’après 30 jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et sur saisine soit
des Présidents des assemblées soit de 60 députés ou 60 sénateurs, le CC puisse examiner si les
conditions de recours à cet article demeurent réunies. Il rend alors un avis public dans les plus
brefs délais. Au terme d’une durée de 60 jours, le CC procède à un tel examen de plein droit.
Cette disposition a été, pour l’instant, appliquée une seule fois, le 23 avril 1961, à la
suite du putsch des généraux à Alger (menace sur les institutions, membre du gouvernement
prisonnier à Alger par les putschistes). Outre le fait que l’on peut s’interroger sur
l’interruption du fonctionnement des pouvoirs publics en métropole, la vraie question portait
sur le durée de la mise en œuvre des pleins pouvoirs : putsch maté avant la fin du mois
d’avril, or l’article 16 restera en vigueur jusqu’au 29 septembre 1961. Certaines des mesures
prises à cette occasion n’eurent qu’un rapport indirect voire lointain avec la condition tenant à
leur nécessaire finalité.
L’utilisation de l’article 16 a des conséquences quant au rôle des autres pouvoirs : le
parlement siège de plein droit ; l’AN ne peut être dissoute (présence d’un degré minimum de
contre-pouvoir, al. 4 et 5 de l’article 16) et aucune procédure de révision de la Constitution ne
peut être engagée (art. 89, al. 4 : « aucune procédure de révision ne peut être engagée ou
poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire »).
c) Les prérogatives visant à assurer le fonctionnement régulier des autres
pouvoirs publics constitutionnels.
C’est d’abord le cas de la nomination du PM. L’article 8, al. 1er adopte une
formulation brève : « le PR nomme le PM ». Une telle formule semble indiquer que le chef de
l’Etat dispose en la matière d’une totale marge de manœuvre. Il convient de nuancer cette
première proposition : le PM doit obligatoirement être choisi, soit au sein de la majorité
parlementaire soit, s’il n’y appartient pas, avec l’accord de cette dernière. Il s’agit donc d’un
pouvoir propre qui dépend étroitement de la conjoncture politique. C’est ainsi qu’en période
de cohabitation, le pouvoir de nomination du chef de l’Etat est entièrement lié par la volonté
de la majorité parlementaire, par hypothèse contraire à la majorité présidentielle (nomination
de la personnalité pressentie par la nouvelle majorité : J. Chirac en 1986, E. Balladur en 1993
et L. Jospin en 1997).
Le PR peut-il mettre fin aux fonctions du PM ? Juridiquement, il ne dispose pas d’un
tel pouvoir de révocation du chef du gouvernement. Il existe cependant en pratique différentes
hypothèses de démission du PM (spontanée comme J. Chirac en 1976 ; suite à une motion de
censure comme G. Pompidou en 1962 ; rejet d’une question de confiance sur le programme
ou sur une déclaration de politique générale : art. 49, al. 1er, aucun cas).
Demeure la question des « démissions-révocations », c’est-à-dire provoquées par le
PR. Ces hypothèses se sont révélées en période présidentialiste. Il existe notamment à cet
égard trois exemples indéniables de chefs du gouvernement dont la démission fut demandée et
obtenue par différents PR (J. Chaban-Delmas en 1972, M. Rocard en 1991 et E. Cresson en
1992).
C’est ensuite l’hypothèse du référendum législatif de l’article 11. Voir supra.
Rappeler simplement qu’il s’agit d’un pouvoir propre conditionné par une proposition
préalable du gouvernement ou des deux assemblées. Il apparaît dès lors neutralisé en période
de cohabitation.
C’est encore le droit de dissolution. Il s’agit d’une prérogative traditionnelle du chef
de l’Etat en régime parlementaire, mais la Vème République innove en accordant au Président
une totale liberté de décision. Il doit simplement, avant de prendre sa décision, consulter pour
avis le PM, les présidents des deux assemblées ; étant entendu qu’il n’est nullement lié par les
différents avis émis à ce titre (différence avis consultatifs ou simples et avis conformes). Il
faut noter que le décret de dissolution est un acte de gouvernement. Les élections législatives
anticipées qui en résultent doivent être organisées 20 jours au moins et 40 jours au plus après
la dissolution. Aucune dissolution ne peut être prononcée pendant l’année qui suit ces
élections (dissolution sur dissolution ne vaut).
Pour l’instant, le droit de dissolution n’a été utilisé qu’à cinq reprises et pour des
motifs différents : résolution d’une crise institutionnelle (avérée du fait de l’adoption d’une
motion de censure contre le gouvernement, 9 octobre 1962 ; potentielle le 22 mai 1981 et le
14 mai 1988, F. Mitterrand voulant mettre en harmonie majorité présidentielle et majorité
parlementaire au risque d’un prévisible blocage des institutions) ou sociale (30 mai 1968, à la
suite des troubles universitaires, sociaux et politiques de mai 1968) ; dissolution inédite et
doublement atypique du 21 avril 1997 (dissolution de convenance ou à la britannique
permettant de choisir le meilleur moment pour gagner les élections législatives ; initiative
présidentielle désavouée par les électeurs).
C’est enfin le droit de message de l’article 18. Comme la dissolution, il s’agit d’une
prérogative d’un chef d’Etat parlementaire, car ce dernier ne peut avoir accès aux chambres
en raison de son irresponsabilité politique. Il peut cependant communiquer avec elles par des
messages, dont la lecture est généralement assurée par le président de l’assemblée
parlementaire concernée. Il est écouté debout par les parlementaires et ne donne lieu à aucun
débat (séance suspendue immédiatement après la fin de la lecture du message présidentiel). Si
le Parlement n’est pas en session, et que le chef de l’Etat veut lui adresser un message, une
session est, à cet effet, ouverte de plein droit. Exemples de messages : il est d’usage que dès son
entrée en fonction, le PR s’adresse de façon simultanée aux deux assemblées (J. Chirac le
2 juillet 2002) ; en cas de survenance d’une crise majeure (de Gaulle en avril 1961 au moment
du putsch d’Alger ; F. Mitterrand en août 1990, après l’invasion du Koweït, puis en janvier
1991, lors du déclenchement de la guerre du golfe).
Cette prérogative vient d’être renforcée à la faveur de la LC du 23 juillet 2008.
Désormais, l’alinéa 2 de l’article 18 ouvre la possibilité au PR de prendre la parole devant le
Parlement réuni en Congrès. Une telle déclaration peut donner lieu à un débat non suivi d’un
vote, mais hors la présence du chef de l’Etat.
3) Les pouvoirs partagés ou soumis à contreseing
Il faut rappeler que les pouvoirs propres du PR sont limitativement énumérés à
l’article 19 C. A contrario, toutes les autres compétences sont exercées de façon conjointe ou
partagée par les deux têtes de l’exécutif, en ce sens qu’ils doivent obtenir le contreseing du
PM et, le cas échéant, celui des ministres responsables (ministres auxquels incombent, à titre
principal, la préparation et l’exécution des actes dont s’agit). En principe, la formalité du
contreseing dans un régime parlementaire signifie que le pouvoir appartient à l’autorité qui
contresigne, cette dernière étant à ce titre responsable politiquement devant le parlement.
Mais il faut souligner que la pratique institutionnelle de la Vème République est à double
tranchant : une phase de « présidentialisme » au cours de laquelle le chef de l’Etat peut
s’accaparer l’essentiel du pouvoir, et des périodes de cohabitation pendant lesquelles le PM
empêchera un empiètement de ses prérogatives par le PR. Les compétences partagées peuvent
être regroupés en trois domaines : la participation du Président à la fonction gouvernementale,
son intervention dans la fonction législative et ses rapports avec l’autorité judiciaire.

a) Le partage du pouvoir en période « présidentialiste »


Dans cette période, il est constant de dire que le chef du gouvernement n’est que le
« chef d’état-major » du PR. Dans cette perspective le partage des compétences dépend du
chef de l’Etat (dyarchie hiérarchisée selon Jean Massot), avec la réserve tenant aux
personnalités respectives des titulaires de ces deux fonctions.

- Le pouvoir réglementaire et de nomination


On renvoie ici aux pouvoirs visés par l’article 13 C. En effet, en tant qu’il préside le
Conseil des ministres (art. 9), le PR signe les décrets et ordonnances qui y sont délibérés. Les
ordonnances, traitant de questions techniquement délicates ou politiquement sensibles
(maintien de l’ordre en Algérie, mise en œuvre des traités de Rome, etc.), peuvent intéresser
le chef de l’Etat. Le Président détient ainsi le rôle majeur en la matière, et il peut ainsi, même
en période de cohabitation, refuser de signer des ordonnances délibérées en conseil des
ministres. C’est ce que fit par exemple F. Mitterrand en 1986 lorsqu’il refusa de signer trois
ordonnances : juillet (privatisations), septembre (délimitation des circonscriptions électorales)
et décembre (aménagement du temps de travail). Il faut néanmoins préciser qu’il s’agit là d’un
obstacle temporaire : il peut être surmonté par la transformation des ordonnances en question
en textes de lois soumis à l’approbation du parlement.
Pour ce qui concerne les décrets délibérés en Conseil des ministres, la véritable
difficulté réside dans le fait que la Constitution est muette sur ce que recouvre cette
expression, et aucun texte n’en établit une liste limitative. C’est ainsi que le PR peut à loisir
étendre son pouvoir réglementaire car il fixe en dernier ressort l’ordre du jour du conseil des
ministres. Le Conseil d’Etat a d’ailleurs validé une telle pratique dans son arrêt Meyet du 10
septembre 1992. Il y admet que le simple fait de soumettre au conseil des ministres un décret
rend obligatoire la signature du Président, même si cette délibération n’est prévue ou imposée
par aucun texte. Autrement dit, lorsqu’il signe un décret en conseil des ministres, le chef de
l’Etat en devient juridiquement l’auteur, et le décret ne peut plus être modifié que par lui ou
avec son accord. Il échappe donc désormais à la compétence du PM (réduction de ses
attributions réglementaires). A contrario, cela signifie que seuls les « décrets simples », non
délibérés en conseil des ministres, n’auront pas à être signés par le Président. Ils seront alors
pris par le PM qui, en application de l’article 21 C, « exerce le pouvoir réglementaire…sous
réserve de l’article 13 ».
Aux termes de l’article 8, alinéa 2 C le chef de l’Etat, sur proposition du PM et avec
son contreseing, nomme et met fin aux fonctions des autres membres du gouvernement. En
période de coïncidence des majorités présidentielle et parlementaire, le rôle du Président est
déterminant dans le choix final des membres du gouvernement, même si les suggestions du
PM sont nécessairement prises en compte. Quant à la révocation des membres du
gouvernement, elle est juridiquement possible à partir du moment où il y a accord entre les
deux têtes de l’exécutif.
L’article 13, alinéa 2 précise que le Président « nomme aux emplois civils et
militaires de l’Etat ». L’alinéa 3 en énumère un certain nombre (préfets, recteurs,
ambassadeurs, conseillers d’Etat, officiers généraux…), et l’alinéa 4 renvoie à une loi
organique la détermination des autres emplois auxquels il est pourvu en conseil des ministres.
Le chef de l’Etat nomme également par décret simple à environ soixante-dix mille emplois
publics. Mais on est en présence beaucoup plus d’une compétence formelle car le Président
n’a pas de réelle possibilité de choix : soit il y est lié par des procédures de recrutement
(concours pour les professeurs d’université par exemple), soit les promotions y sont très
strictement encadrées (magistrature, armée).
Depuis la LC du 23 juillet 2008, ce pouvoir est encadré lorsqu’il s’agit d’emplois ou
de fonctions « pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et
libertés ou la vie économique et sociale de la nation ». Dans cette hypothèse, un avis public
préalable de la Commission permanente compétente est requis ; cette dernière disposant d’un
pouvoir d’empêcher à la majorité (négative) des trois cinquièmes des suffrages exprimés au
sein de chaque Commission. Il s’agit d’emplois tels que les membres et le Président du CC,
les membres du CSA, le Président de France TV, le Défenseur des droits (art. 71-1 : veille au
respect des droits et libertés par les collectivités publiques et par tout organisme investi d’une
mission de SP ; nommé pour un mandat de 6 ans non renouvelable).
Mais il faut en principe tenir compte dans ce domaine, comme pour le pouvoir
réglementaire, de la compétence de principe du PM qui, en application de l’article 21, et sous
réserve des dispositions de l’article 13, « nomme aux emplois civils et militaires ». Cela étant,
même si le pouvoir de nomination du PR est, en règle générale, soumis à contreseing, il reste
que le véritable pouvoir en ce domaine lui revient, en période « présidentialiste » au
Président ; en dépit du fait que tous les pouvoirs visés à l’article 13 sont normalement
partagés.

- Les rapports avec le Parlement.


Le PR procède à la promulgation de la loi par voie de décret ; la promulgation étant
l’acte par lequel la loi votée par le parlement (ou par le peuple) est rendue exécutoire. Il
dispose ici d’un délai de quinze jours qui peut être suspendu par une saisine régulière du CC.
Cela étant, il peut dans ce délai demander une nouvelle délibération de la loi, qui ne peut lui
être refusée ; cette demande peut porter sur l’ensemble du texte de loi ou de certains de ses
articles. Elle fait l’objet d’un contreseing par le PM.
Cette prérogative a pour l’instant été utilisée à deux reprises : en 1983 pour la loi
relative à l’exposition universelle de Paris de 1989 (qui n’a pas eu lieu) et en 1985 à la suite
de la décision du juge constitutionnel déclarant certaines dispositions de la loi sur la Nouvelle
Calédonie contraires à la Constitution.
Conformément aux articles 29, al. 1er et 30 C, il revient au PR, sur demande du PM
ou de la majorité des députés, d’ouvrir et de clore par décret contresigné les sessions
extraordinaires du parlement, qui doivent porter sur un ordre du jour déterminé. Les PR
successifs ont toujours considéré qu’ils disposaient d’une prérogative discrétionnaire leur
permettant d’apprécier tant le contenu de l’ordre du jour et sa modification, que l’opportunité
même de la session.
Le chef de l’Etat détient également des prérogatives en matière de révision de la
Constitution. Son initiative en matière de révision se produit sous la forme d’un décret
contresigné par le PM ; décret déterminant l’assemblée devant laquelle la discussion va
s’engager ainsi que le ministre qui va défendre le projet. Il a également le pouvoir de
convoquer le Congrès du parlement à Versailles en vue de ratifier le projet de révision.

- Le chef de l’Etat et l’autorité judiciaire.


Il dispose de par l’article 17 C du droit de grâce (à titre individuel, depuis la LC de
juillet 2008 ; ce qui exclut pour l’avenir des éventuelles grâces collectives) qui consiste à
dispenser le condamné de l’exécution de tout ou partie de sa peine, sans pour autant effacer la
mention de l’incrimination au casier judiciaire de l’intéressé. Les recours en grâce sont
généralement instruits par la chancellerie et il est d’usage que le contreseing ne soit jamais
refusé au PR ni ne puisse engager la responsabilité du gouvernement devant le parlement.
La grâce ne doit pas être confondue avec l’amnistie qui fait disparaître
rétroactivement la condamnation prononcée et relève de la compétence du législateur. La
tradition républicaine depuis 1959 veut qu’au lendemain des élections présidentielles, le
gouvernement dépose un projet de loi d’amnistie de certaines infractions commises au plus
tard à la veille de l’installation à l’Elysée du nouveau Président.
En tant que garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire (art. 64 C), le chef de
l’Etat préside le CSM (art. 65 C). Cette dernière compétence lui a été enlevée par la LC de
juillet 2008 (formation compétente à l’égard des magistrats du siège, présidence du 1er
Président de la Cour de cassation ; celle concernant les magistrats du parquet, présidence du
procureur général près la Cour de cassation). Cette institution est notamment chargée de faire
des propositions et de donner des avis pour toutes les mesures importantes (promotions,
sanctions, etc.) concernant les magistrats.
La théorie du « domaine réservé ». Il s’agit d’une théorie qui a été exposée en 1959
par J. Chaban Delmas, alors président de l’AN. Pour lui, le chef de l’Etat, dans la nouvelle
conception de son rôle, devait limiter son champ d’intervention à un « domaine réservé »
constitué des affaires étrangères, de la défense nationale et, à l’époque, de l’Algérie. Or à s’en
tenir à la lettre de la Constitution, les compétences présidentielles en la matière (art. 14, 15 et
52 C) apparaissent à la fois assez classiques et étroitement imbriquées avec celles du PM (art.
20 et 21 C). Mais le fondateur de la Vème République considérait que dans ces « grandes
affaires » qui intéressent directement le destin de la nation, le PM n’a pas à intervenir, si ce
n’est à la demande du PR, qui « procède à la répartition comme il juge nécessaire ». Mais ses
successeurs ont considéré qu’il n’existait pas de véritable domaine réservé mais que le
Président pouvait évoquer n’importe quelle affaire, étant entendu que la politique extérieure et
de défense demeurait son domaine « privilégié ». Cela s’assimile à une sorte d’unité du
pouvoir exécutif avec prépondérance du chef de l’Etat. Un tel partage des pouvoirs est
relativement remis en cause en période de coexistence institutionnelle.

b) Le partage du pouvoir exécutif en période de cohabitation


Pendant cette phase de pratique institutionnelle, la fonction présidentielle se réduit à
l’essentiel et le PM dispose désormais de toutes les prérogatives « pour déterminer et conduire
la politique de la nation » (art. 20 C). Le chef du gouvernement ne doit plus rien au Président :
il est son adversaire politique et le chef de l’Etat est, de surcroît, obligé de le nommer au sein
de la nouvelle majorité à l’AN. Le PM se réapproprie la réalité du pouvoir, de façon plus ou
moins conforme à la lettre de la Constitution ; le Président étant plus ou moins réduit à un rôle
de chef d’Etat parlementaire. Il ne dispose plus que de ses pouvoirs propres, et certains
d’entre eux sont conditionnés par la nouvelle configuration politique (art. 8, al. 1er, art. 11,
etc.).
Le chef de l’Etat n’en devient pas moins inactif ; son rôle ne se réduit pas à
« inaugurer les chrysanthèmes… », comme ses homologues des IIIème et IVème Républiques.
En effet, il dispose toujours des prérogatives qu’il tient de l’article 5 C (garant de
l’indépendance de la nation, de la continuité de l’Etat, de l’intégrité du territoire et du respect
des traités). Dans les matières anciennement du domaine réservé (domaine partagé ou même
disputé), le Président conserve un certain nombre de prérogatives. F. Mitterrand a par
exemple opposé son veto à la nomination de Jean Lecanuet aux affaires étrangères et F.
Léotard à la défense nationale, lors de la première cohabitation. Par ailleurs, le chef de l’Etat
joue toujours le premier rôle en la matière dès lors qu’il lui faut notamment assurer la
continuité de la politique internationale et européenne de la France.

& 2. Le gouvernement
La Constitution de 1958 consacre son titre III au gouvernement, qui est une structure
collégiale dirigée par le PM (cf. art. 21 C) et composée de ministres ; structure à laquelle
n’appartient pas le PR. Comme ce dernier, l’autorité gouvernementale a également été
restaurée sous la Vème République. Le gouvernement est par ailleurs détaché du Parlement en
ce sens qu’il procède désormais de façon plus ou moins directe du chef de l’Etat. La
restauration de la fonction gouvernementale sera examinée à travers le statut des membres et
leurs attributions.
A) Le statut des membres du gouvernement
Il faut principalement évoquer dans ce cadre la structure gouvernementale, le régime
des incompatibilités et les contours de la responsabilité ministérielle.

1) Les différentes catégories de membres du gouvernement


La hiérarchie entre les membres du gouvernement n’est pas fixée par le texte de la
Constitution. Celle-ci est très souvent fixée par le décret de nomination du gouvernement, qui
est publié au JO. Outre le PM qui est le chef du gouvernement, les autres membres du
gouvernement sont les suivant : les ministres d’Etat, les ministres, les ministres délégués et les
secrétaires d’Etat (incidences de gradation sur l’ordre de préséance ou encore sur l’intérim du
PM en cas d’indisponibilité ou de déplacement à l’étranger).
Les ministres d’Etat. Ils disposent d’un titre honorifique leur donnant une préséance
protocolaire, une autorité renforcée et un traitement plus élevé. Autrement dit, il s’agit pour
les deux têtes de l’exécutif de valoriser la présence de certaines personnalités politiques dans
le gouvernement. Contrairement à ce qui avait cours sous les Républiques précédentes, les
ministres d’Etat disposent désormais d’un portefeuille ministériel. Il n’y en a eu aucun depuis
1993.
Les ministres. C’est la catégorie gouvernementale de droit commun, et la plus
nombreuse (cas particulier du garde des sceaux, ministre de la justice, et statut spécial du
ministre des finances). Ce sont des ministres de plein exercice qui, pour certains d’entre eux,
sont des chefs de file car entourés de ministres délégués ou (et) de secrétaires d’Etat.
Les ministres délégués. Ils sont placés auprès du PM ou d’un ministre et agissent
par délégation de ces derniers, lesquels peuvent leur adresser des instructions. Ils ont autorité
pleine et entière sur leurs services.
Les secrétaires d’Etat. C’est la dernière strate de la hiérarchie. Ils sont rattachés soit
au PM soit à un ministre. Il existe parfois des secrétaires d’Etat autonomes possédant tous les
attributs d’un ministre, en dehors du titre. Par tradition, ils ne participent au Conseil des
ministres que lorsqu’y sont traitées des questions relevant de leurs attributions.
Les structures interministérielles et les organes de conseil du gouvernement. Il
faut à titre de rappel souligner que la première structure interministérielle est représentée par
le Conseil des ministres, qui se réunit en principe tous les mercredis, sous la présidence du
chef de l’Etat. Son ordre du jour est proposé par le PM et arrêté en dernier ressort par le PR. Il
comprend traditionnellement trois parties : la partie A concerne les projets de lois,
d’ordonnances et de décrets, pour lesquels il n’y a pas lieu à délibération mais à adoption par
consensus ; la partie B est relative aux mesures individuelles (nomination des hauts
fonctionnaires, officiers généraux, et dirigeants d’entreprises publiques) ainsi que la
dissolution des conseils municipaux ; la partie C est réservée aux communications de
ministres, et traditionnellement à celle du ministre des affaires étrangères sur la situation
internationale et la politique européenne de la France.
On peut citer ensuite des conseils interministériels qui réunissent sous l’autorité du
chef de l’Etat des ministres et des collaborateurs du Président. Il existe aussi des comités
interministériels et des comités restreints qui sont présidés par le chef du gouvernement et qui
comprennent des membres du gouvernement et des hauts fonctionnaires sur des sujets
déterminés.
Comme organe technique de coordination intergouvernementale, on peut notamment
citer le Secrétariat Général du Gouvernement (SGG) qui est composé de fonctionnaires et de
chargés de mission, et il est dirigé par un secrétaire général du gouvernement. Il comporte un
service législatif et un service de documentation. Il a notamment pour mission de préparer les
conseils des ministres, de coordonner les services rattachés au PM, de transmettre les
directives de ce dernier et de conserver les archives gouvernementales.
L’organe consultatif principal c’est le Conseil d’Etat qui, dans le cadre de ses
fonctions administratives (il a également des attributions contentieuses), sert d’organe de
Conseil au gouvernement. Il est en effet saisi pour avis de tout projet de loi, d’ordonnance ou
de décret (cf. art. 37 à 39 C) ; il peut également émettre un avis sur toute autre question qui lui
est soumise par un membre du gouvernement. Au-delà des qualités rédactionnelles du texte, il
veille notamment à sa correction juridique (conformité aux exigences de la hiérarchie des
normes), de façon à prévenir le contentieux.
Il faut par ailleurs brièvement présenter le Conseil économique et social et
environnemental (depuis la révision de juillet 2008) qui est visé dans les articles 69, 70 et 71
C. Il ne peut comprendre plus de 233 membres (art. 70) dont la plus grande part est désignée
par des organisations socio-professionnelles, le gouvernement nommant le reste. Leur mandat
est de cinq ans et ils disposent d’attributions exclusivement consultatives : Le CES est
obligatoirement saisi, pour avis, par le gouvernement des projets de loi de programmation à
caractère économique, social ou environnemental ; il peut être également consulté par le
gouvernement et le parlement sur tout problème de caractère économique, social et
environnemental ; par le gouvernement sur les projets de loi de programmation définissant les
orientations pluriannuelles des finances publique.
2) Les incompatibilités
Dans l’esprit du général de Gaulle, « les fonctions parlementaires et ministérielles
devaient être absolument séparées. Si par exception un député devenait ministre, il devrait
abandonner sa carrière parlementaire ». Un double objectif était ainsi recherché : assurer la
stabilité du gouvernement et matérialiser de façon nette la séparation des pouvoirs.
Cette idée sera traduite par l’inscription dans la Constitution de l’article 23, alinéa 1
aux termes duquel : « les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec
l’exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à
caractère national, et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle ». Il faut dire
que la principale incompatibilité concerne le mandat parlementaire (y compris européen).
Ceci a pour objectif « de décourager le parlementaire tenté d’ouvrir une crise ministérielle
pour entrer au gouvernement ». C’est ce qui était qualifié de « course aux portefeuilles »
découlant, sous les IIIème et IVème Républiques, de la possibilité de cumuler les fonctions de
ministre et de parlementaire.
Il faut cependant noter qu’il résulte de la loi organique du 13 janvier 2009 portant
application de l’article 25 C qu’un parlementaire ayant accepté des fonctions
gouvernementales, peut retrouver son mandat à l’expiration d’un délai d’un mois après la
cessation desdites fonctions.
En pratique, le parlementaire est tenu, en accédant au gouvernement, de
démissionner de son mandat (ordonnance du 17 novembre 1958, portant loi organique pour
l’application de l’article 23 C). Cette ordonnance précise que le parlementaire dispose d’un
délai d’option d’un mois, durant lequel il ne peut prendre part à aucun scrutin. S’il n’a pas
opté au bout d’un mois, il sera considéré comme ayant accepté d’entrer au gouvernement, et
donc supposé avoir renoncé à son mandat parlementaire. Et c’est alors son suppléant qui prendra
sa place au parlement (évoquer l’usage initié sous Lionel JOSPIN, à propos du noncumul des
fonctions de maire et de ministre).
Les fonctions ministérielles sont également incompatibles avec celles de membre du
Conseil constitutionnel (art. 57 C).
3) La responsabilité individuelle et pénale des membres du gouvernement
Avant la LC du 27 juillet 1993, les membres du gouvernement pouvaient être jugés
par la HCJ (ancien art. 67) pour « des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et
qualifiés de crimes ou délits au moment où ils ont été commis » (art. 68, al. 2 ancien). Ce
principe était pratiquement impossible à mettre en œuvre en raison de la composition de la
HCJ et des lenteurs de la procédure.
Après une série de scandales étouffés dans les années 1980 (affaire Carrefour du
développement notamment), c’est surtout l’affaire du sang contaminé qui, suscitant un fort
émoi populaire, va contraindre les autorités compétentes à réviser la Constitution, et à créer
un titre X (De la responsabilité pénale des membres du gouvernement, art. 68-1, 68-2 et 68-3
C). Ce titre met en place une Cour de justice de la République compétente en la matière. Cette
Cour est très majoritairement composée de parlementaires (12 titulaires et autant de
suppléants) et de trois magistrats professionnels (15 membres), dont son Président (art. 68-2,
al. 1er C). L’autre innovation porte sur la saisine de la Cour : il est précisé à l’article 68-2,
alinéa 2 que « toute personne qui se prétend lésée par un crime ou par un délit commis par un
membre du gouvernement dans l’exercice de ses fonctions peut porter plainte auprès d’une
Commission des requêtes ». Cette Commission (composée uniquement de hauts magistrats
élus par leurs pairs) pourra, après examen du dossier, ordonner le classement de l’affaire ou la
transmettre au procureur général près la Cour de cassation, afin de saisir la CJR.
La CJR statue sur le fondement du Code pénal et elle est tenue de respecter le
principe classique de légalité des délits et des peines. Ses arrêts peuvent faire l’objet d’un
pourvoi devant l’assemblée plénière de la Cour de cassation.
Il est précisé à l’article 68-3 que la Cour est rétroactivement compétente pour « les
faits commis avant son entrée en vigueur » (allusion implicite à l’affaire du sang contaminé).
Par ailleurs, la chambre criminelle de la Cour de cassation a été amenée à déterminer le critère
de distinction entre les actes détachables et les actes accomplis dans l’exercice de leurs
fonctions par les membres du gouvernement (art. 68-1, al. 1er). C’est ainsi que dans son arrêt
Carignon du 27 juin 1995, elle a affirmé : « les actes commis par un ministre dans l’exercice
de ses fonctions sont ceux qui ont un rapport direct avec la conduite des affaires de l’Etat…à
l’exclusion des comportements concernant la vie privée ou les mandats électifs locaux ».
Pour la première fois sous la Vème République, ce mécanisme est allé à son terme,
dans l’affaire du sang contaminé (arrêt du 9 mars 1999) : délit d’homicide involontaire ;
relaxe de L. Fabius et de G. Dufoix et condamnation d’E. Hervé en le dispensant, cependant,
de peine. Les conditions dans lesquelles s’est déroulé ce procès et le jugement final
(politisation du mécanisme : juges parlementaires de droite contre la relaxe pure et simple de
M. Hervé, l’inverse pour les juges de gauche ; dispense de peine non prévue par le code
pénal) ont suscité une nouvelle controverse relançant l’idée d’une modification du système
mis en place en 1993. Evoquer la jurisprudence « Bérégovoy – Balladur » : ministres mis en
cause au plan judiciaire, démission (Tapie, Carignon, Longuet, Roussin, DSK, Donnedieu de
Vabre, etc.).
B) Les attributions du gouvernement
Elles se répartissent selon un mode inégalitaire entre le PM et les ministres. Le
gouvernement détient également des attributions collégiales. Il faut d’ailleurs rappeler que la
fonction gouvernementale revient, aux termes de l’article 20 C, à déterminer et à conduire la
politique de la nation.
1) Le rôle du Premier ministre
Conformément à l’article 21 C, le PM dirige l’action du gouvernement ; il en est
donc le chef. Il organise à ce titre le travail gouvernemental, il donne des instructions et
procède à différents arbitrages entre les départements ministériels, notamment en matière
budgétaire. C’est également le PM qui assure le respect de la solidarité gouvernementale et
qui est chargé d’exprimer la position d’ensemble de l’équipe gouvernementale (Responsable
de la coordination gouvernementale).
En application de l’article 21 C, il est le responsable de la défense nationale ; or l’on
sait également qu’en application de l’article 15 C, le PR est le chef des armées. Il est vrai
également que l’article 9 de l’ordonnance du 7 janvier 1959 prévoit que le PM « exerce la
direction générale et la direction des armées ». Mais, là également, il faut compter avec la
compétence exclusive du chef de l’Etat s’agissant de l’utilisation de l’arme nucléaire,
compétence posée par le décret du 14 janvier 1964. Il s’agit donc bien d’un domaine de
compétence concurrente entre les chefs de l’exécutif.
Le chef du gouvernement est aussi chargé de l’exécution des lois, par le biais du
pouvoir réglementaire subordonné, à l’inverse du pouvoir réglementaire autonome qui figure
à l’article 37 C.
Il reste à présenter une série de compétences disparates du PM : il dispose d’un
pouvoir de proposition en ce sens qu’il propose au PR la nomination et la révocation des
autres membres du gouvernement, ainsi que l’initiative d’une révision de la Constitution. Il
peut en outre demander la réunion du parlement en session extraordinaire. Il en est de même,
depuis la loi constitutionnelle du 4 août 1995, de la tenue de jours supplémentaires de séance
pendant la session parlementaire unique (de neuf mois). Il est consulté par le chef de l’Etat
avant la dissolution et avant la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels de l’article 16.
Il supplée éventuellement le PR pour la présidence du conseil des ministres en vertu
d’une délégation expresse et sur un ordre du jour déterminé (art. 21, al. 4). Il dispose de
l’initiative des lois et il peut engager la responsabilité du gouvernement sur un programme,
une déclaration de politique générale ou un texte (art. 49, al. 1 et 3). Il fait partie des autorités
de saisine du Conseil constitutionnel (art. 61 et 54 C).

2) Les pouvoirs du gouvernement


Il s’agit de pouvoirs collégiaux. C’est ainsi que le gouvernement, pris dans son
ensemble, dispose d’attributions déterminées par la Constitution. Au titre du pouvoir de
proposition, il peut demander au chef de l’Etat de prendre l’initiative d’un référendum. Un
certain nombre de décisions peuvent être prises par le gouvernement en conseil des ministres :
décrets, ordonnances, nomination aux emplois civils et militaires, état de siège (art. 35 C), ou
encore adoption des projets de lois.
Il faut préciser par ailleurs que le gouvernement est la pièce maîtresse des rapports
entre l’exécutif et le législatif, d’où son implication directe dans la procédure législative (droit
de déposer des amendements, art. 44, al. 1 ; détermination de l’ordre du jour prioritaire des
assemblées, art. 48 ; possibilité d’opposer l’irrecevabilité financière prévue à l’article 40 à
l’encontre des propositions de lois et des amendements parlementaires, idem pour
l’irrecevabilité de l’article 41 ; possibilité de recourir à la procédure du vote bloqué, art. 44,
al. 3 ; possibilité de donner le dernier mot à l’AN en cas de désaccord persistant entre les deux
chambres, art. 45).
Le gouvernement peut, en cas d’empêchement du président du Sénat, assurer
l’intérim présidentiel.
3) Les pouvoirs des ministres
Selon les auteurs du Code constitutionnel (M. de Villiers et T. S. Renoux), « la
Constitution ignore pratiquement le ministre, sauf quand elle prévoit la possibilité pour le PM
de [lui] déléguer certains de ses pouvoirs ». En mettant de côté la participation au
gouvernement et aux décisions adoptées collégialement par ce dernier, les ministres ont
essentiellement des attributions tenant au contreseing des actes du PM et du Président, et à la
direction de leur département ministériel.
Le contreseing. Les actes du Président, hors pouvoirs propres, sont contresignés non
seulement par le PM, mais aussi « le cas échéant, par les ministres responsables ». Il s’agit
selon la jurisprudence, de ministres auxquels incombent à titre principal la préparation et
l’application des actes concernés. Si un tel décret n’est pas contresigné par le ou les ministres
responsables, il serait illégal.
De plus, l’article 22 C précise que « les actes du PM sont contresignés, le cas
échéant, par les ministres chargés de leur exécution ». Selon la jurisprudence, il faut entendre
les ministres compétents pour signer « les mesures réglementaires ou individuelles que
comporte nécessairement l’exécution du décret ». L’absence de contreseing ne peut être, dans
cette hypothèse, légale que si l’acte réglementaire du PM n’impliquait aucune mesure
réglementaire ou individuelle d’exécution.
La direction d’un département ministériel. Les ministres ne disposent pas en
principe d’un pouvoir réglementaire. Cela ne peut être le cas que si un texte législatif ou
réglementaire les charge de prendre les mesures d’application nécessaires. Par ailleurs, ils
disposent d’un pouvoir réglementaire en tant que chefs de service, pour assurer « le bon
fonctionnement de l’administration placée sous leur autorité » (CE, 7 février 1936, Jamart).
Ce pouvoir réglementaire s’exerce par voie d’arrêtés, leur permettant d’organiser les services
qu’ils dirigent, de donner des ordres aux agents qui en dépendent et, dans une certaine
mesure, régler leur situation.
Section III : Le Parlement sous la Vème République
Il résulte de l’article 24 C que le parlement est bicaméral sous la Vème République,
car composé de deux chambres : l’Assemblée nationale et le Sénat. Ce bicamérisme est
relativement inégalitaire : le dernier mot peut être donné à l’AN en cas de désaccord avec le
Sénat, à l’exception de certaines lois organiques et des lois constitutionnelles. En outre, la
chambre haute ne peut renverser le gouvernement ; il est vrai à l’inverse qu’elle ne peut être
dissoute par le PR.
Nonobstant les critiques, dont certaines sont fondées, il reste que le Sénat apparaît
comme une chambre de réflexion permettant notamment d’améliorer l’ingénierie législative.
Il faut rappeler en outre que la rénovation du régime parlementaire, voulue par les constituants
de 1958, s’est notamment traduite, par le biais de la rationalisation, par une limitation de la
fonction législative et un encadrement de la fonction de contrôle du parlement.
D’un côté le parlement perd le monopole de l’élaboration de la loi avec la possibilité
d’adoption d’une loi par voie de référendum de l’article 11 C. Il faut ajouter que le domaine
de la loi est en principe limité (art. 34), et la loi est toujours l’expression de la volonté
générale, mais dans le respect de la Constitution et des engagements internationaux de la
France. Le travail législatif a été encadré par l’instauration d’un certain nombre de
mécanismes qui permettent à l’exécutif de maîtriser le processus de formation de la loi.
D’un autre côté la mise en jeu de la responsabilité politique du gouvernement a été
très strictement codifiée et encadrée (art. 49 C). Le gouvernement ne peut par exemple être
renversé que par une majorité absolue des députés (289 au moins sur 577).
Cet affaiblissement de la puissance législative suscite assez régulièrement des
propositions tenant à la nécessaire revalorisation des pouvoirs du parlement. De ce point de
vue, un ouvrage publié dans la deuxième moitié des années 1960 a pu être intitulé : « Un
Parlement, pour quoi faire ? ». Le Comité Vedel a quant à lui constaté que « 35 ans après
l’entrée en vigueur de la Constitution de 1958, les interrogations se multiplient sur la place,
le rôle et les conditions d’activité du parlement ».
Il est possible de constater depuis un certain nombre d’années un mouvement de
réformes ayant pour objectif de rénover et de revaloriser la fonction parlementaire : possibilité
offerte à 60 députés ou à 60 sénateurs de saisir le CC de la constitutionnalité des lois en 1974
et de celle des engagements internationaux en 1992 ; instauration d’une session parlementaire
ordinaire unique de neuf mois et d’une séance mensuelle réservée par priorité à l’ordre du jour
fixé par chaque assemblée (1995) ; vote des lois de financement de la sécurité sociale, etc.
Cette rénovation a été également proposée par le Comité Balladur et les éléments
essentiels ont été repris dans la LC du 23 juillet 2008. Il s’est agi de renforcer tant la fonction
législative que la fonction de contrôle. Fonction législative : limiter le pouvoir d’intervention
du gouvernement, la possibilité de faire adopter une loi sans vote (49-3), améliorer l’efficacité
du travail parlementaire (meilleure maîtrise de l’ordre du jour, renforcement du rôle des
commissions, etc.). Renforcement des pouvoirs de contrôle : sur certaines nominations
prononcées par le PR, sur la politique européenne, etc. Au-delà de sa fonction de voter la loi,
la Constitution précise désormais que le Parlement contrôle l’action du gouvernement et
évalue les politiques publiques.
Ceci étant posé, les développements qui suivent vont s’orienter autour d’un
triptyque : le statut des parlementaires, l’organisation du travail législatif et les fonctions du
parlement.

& 1. Les obligations et droits des parlementaires


Un mot sur le statut des parlementaires. Il est réglé par l’article 24 qui prévoit que
les députés sont élus au SUD et les sénateurs au suffrage indirect. Mais il l’est aussi par une
loi organique à laquelle renvoie l’article 25, alinéa 1 qui la charge de fixer « la durée des
pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leurs indemnités, les conditions
d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités ». C’est donc la loi organique
qui dispose par exemple que « tout citoyen qui a 23 ans révolus et la qualité d’électeur peut
être élu à l’AN » (art. LO 127, c. élect.), mais que « nul ne peut être élu au Sénat s’il n’est âgé
de 35 (30 ans depuis la loi organique du 30 juillet 2003) ans révolus » (art. LO 296 du même
code).
Les parlementaires sont astreints à un certain nombre d’obligations liées à la
détention et à l’exercice du mandat que leur a confié le peuple français. Mais ce mandat doit
être exercé en toute indépendance, d’où les mesures visant à protéger le statut de
parlementaire.

A. Les obligations
Il s’agit d’abord du régime des incompatibilités. Cette dernière expression
correspondant à l’interdiction de cumuler certains emplois ou certaines fonctions avec un
mandat parlementaire. A la différence de l’inéligibilité qui interdit d’être candidat ou d’être
élu, elle oblige seulement à choisir entre son mandat et un mandat ou une fonction qu’il
détenait déjà. Il s’agit de garantir l’indépendance de l’élu au cours de son mandat, non
seulement à l’égard des autorités publiques mais aussi des intérêts privés.

1. Incompatibilité avec une activité publique


Les fonctions publiques non électives sont en principe incompatibles avec le
mandat parlementaire. Il s’agit tout d’abord des fonctionnaires qui sont traditionnellement
subordonnés au gouvernement, alors que le mandat parlementaire nécessite une totale
indépendance à l’égard de l’exécutif. Seules y font exception, les fonctions de professeur
d’université dont l’indépendance est constitutionnellement garantie (décision du 20 janvier
1984, Libertés universitaires, PFRLR) et celles de ministre du culte en Alsace-Moselle
(assimilés à des agents publics conformément au régime concordataire de 1801, possibilité
d’exercer un mandat parlementaire comme tous les ecclésiastiques).
Concernant ensuite les autres fonctions publiques non électives, il est possible d’y
assimiler les fonctions de direction d’une entreprise nationale ou d’un établissement public,
celles de membre du CC, du CES et du CSA.
Il faut enfin rappeler que les membres du gouvernement ne peuvent, depuis 1958,
cumuler leur fonction et un mandat parlementaire.
Les fonctions publiques électives quant à elles posent la question délicate du cumul
entre plusieurs mandats électifs. Il est de tradition sous la Vème République que des
parlementaires puissent exercer en plus de leur mandat national, un ou plusieurs mandats
locaux y compris les fonctions d’exécutif local. On peut rapidement relever un certain nombre
d’inconvénients à ces situations de cumul : impossibilité de se consacrer à plein temps à un
mandat d’où le recours fréquent au système des délégations, confusion entre intérêts
nationaux ou locaux, non renouvellement de la classe politique notamment dans le sens de sa
nécessaire féminisation, absentéisme parlementaire, etc.
C’est la raison pour laquelle un régime de limitation des cumuls a été mis en place
par la loi organique du 30 décembre 1985 puis par celle du 5 avril 2000 qui a renforcé les
limitations de cumul, mais pas aussi loin que l’aurait souhaité le gouvernement de l’époque
(loi organique concernant le Sénat, donc veto de ce dernier).
A l’heure actuelle le mandat de parlementaire national est incompatible avec celui de
parlementaire européen (loi du 5 avril 2000). Tout parlementaire élu député européen cesse
par cette seule circonstance d’exercer son mandat de parlementaire national.
Le mandat de parlementaire est aussi incompatible avec l’exercice de plus d’un des
mandats suivants : conseiller régional, conseiller à l’assemblée de Corse, conseiller général,
conseiller de Paris, conseiller municipal d’une commune d’au moins 3500 habitants.

2. Incompatibilité avec une fonction privée


C’est le principe de compatibilité qui prévaut en ce domaine : le parlementaire peut
continuer à exercer une activité professionnelle dans la mesure où elle ne risque pas
d’interférer avec son mandat (avocat, notaire, agriculteur, etc.). Cela étant, les parlementaires
ne peuvent être dirigeants de sociétés nationales ou de sociétés faisant appel publiquement à
l’épargne. Il en est de même des fonctions de direction dans des entreprises vivant
essentiellement de commandes publiques, ou encore des sociétés ayant pour objet la
construction et la promotion immobilière.
De nouveaux cas d’incompatibilité ont été créés par la loi organique du 19 janvier
1995 : restriction à l’exercice de la profession d’avocat pour tous les actes qui pourraient les
mettre en contradiction avec l’intérêt public (poursuites pénales engagées pour les crimes et
délits contre la nation, l’Etat, la paix publique). Il est par ailleurs interdit à un parlementaire
de commencer à exercer une fonction de conseil qu’il n’avait pas avant le début de son
mandat.
Le contrôle des incompatibilités. Il existe un droit d’option pour le parlementaire
nommé au CC ou au gouvernement. Il est réputé avoir opté pour cette fonction dans un délai
de huit jours dans le premier cas et d’un mois dans le second. Pour les cas d’incompatibilité
liés à un mandat électoral ou à une fonction élective, le délai d’option est de deux mois, réduit
à quinze jours si l’incompatibilité survient après son élection. Pour ce qui est des fonctions
privées, le parlementaire doit dans les deux mois qui suivent sa prise de fonction, procéder à
une déclaration d’activité soumise à l’appréciation du bureau de son assemblée (appel devant
le CC). Cette déclaration doit mentionner non seulement les activités privées qu’il envisage de
conserver mais aussi celles qu’il envisage d’exercer.
S’il y a un doute ou un différend avec le parlementaire, le juge constitutionnel est
saisi soit par le bureau, soit par le parlementaire en cause, soit par le garde des Sceaux. Si le
juge estime qu’il y a incompatibilité, le parlementaire dispose d’un délai de 15 jours pour
opter, au risque d’être déclaré démissionnaire d’office.

3. La nullité du mandat impératif


Aux termes de l’article 27 C, « tout mandat impératif est nul ». A contrario, on peut
soutenir que le mandat parlementaire est représentatif : le parlementaire est chargé d’exprimer
la volonté de l’ensemble de la nation et non celle de sa circonscription ou de son département.
Il n’est donc pas le porte-parole de ses électeurs, il n’a pas à recevoir d’instructions de vote de
leur part. Son mandat est par ailleurs irrévocable, de sorte que les électeurs ne peuvent ni le
révoquer ni provoquer sa déchéance si le parlementaire ne défend pas au mieux leurs intérêts
particuliers. Dans la pratique, il est possible de soutenir que le parlementaire ne peut se
montrer indifférent aux doléances de ses électeurs. L’interdiction du mandat impératif vise, en
tout état de cause, à protéger la liberté du parlementaire.

4. La déclaration de situation patrimoniale


Cette obligation est née avec la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence
financière de la vie politique, complétée par celle du 19 janvier 1995. Elle astreint le
parlementaire à déposer dans les deux mois suivant son entrée en fonction, une déclaration,
certifiée sur l’honneur exacte et sincère, de sa situation patrimoniale. Il est également obligé
de déclarer les modifications substantielles de son patrimoine en cours de mandat et fournir
une nouvelle déclaration à l’expiration de celui-ci.
C’est une AAI (la Commission pour la transparence financière de la vie politique)
qui, depuis 1995, recueille les déclarations et apprécie les variations de patrimoine. Un
parlementaire qui n’a pas déposé l’une des déclarations ainsi prévues est inéligible pendant un
an.
B. Les droits
L’objectif de protection de l’indépendance du mandat parlementaire passe par la
mise en place d’un régime des immunités et par le bénéfice d’avantages matériels et
financiers.

1. Les immunités parlementaires


Elles contribuent à protéger les parlementaires contre les poursuites judiciaires
abusives et à leur accorder une totale liberté de pensée et d’action. Mais il vaut mieux parler
d’irresponsabilité et d’inviolabilité et non d’impunité.
L’irresponsabilité. Il faut partir ici de l’article 26, al. 1er C : « Aucun membre du
Parlement ne peut être poursuivi, recherché, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou
votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions ». C’est une immunité de fond qui protège
de façon indéfinie le parlementaire et qui répond à la nécessité pour les élus de pouvoir
défendre librement leurs opinions. Cela couvre toutes les activités liées au mandat : débats en
séance, travaux en commission, missions confiées par l’assemblée, contenu des rapports, etc.).
Mais elle ne couvre pas les activités politiques habituelles comme les discours dans des
réunions publiques ou des articles de presse…Au total, il s’agit d’une irresponsabilité absolue
(couvrant aussi bien les poursuites civiles que pénales) et perpétuelle (invoquée même après
le terme du mandat parlementaire. Cependant, elle se rapporte exclusivement aux actes
commis dans l’exercice des fonctions (exclusion de ceux qui se rattachent à la vie privée ou à
la vie publique hors assemblée).
L’inviolabilité. C’est une immunité de procédure évitant au parlementaire d’être
matériellement empêché d’exercer son mandat. Son objet est d’interdire ou de limiter les
poursuites ou les arrestations pour des actes étrangers à l’exercice des fonctions (crimes ou
délits).
Son régime a été modifié par la révision constitutionnelle d’août 1995. Ainsi la mise
en examen d’un parlementaire peut être effectuée sans aucune intervention de l’assemblée ou
de ses organes (vote de l’assemblée pendant les sessions pour engager des poursuites avant
1995, sauf flagrant délit).
En cas d’arrestation ou de mesure privative ou restrictive de liberté, c’est le bureau
de l’assemblée concernée qui doit se prononcer et donner l’autorisation (avant 1995,
assemblée elle-même pendant les sessions et bureau hors sessions). Rien de tel en cas de
crime ou délit flagrant.
Le nouvel article 26, alinéa 3 prévoit que, les assemblées conservent la possibilité de
requérir la suspension des poursuites, la détention ou des mesures privatives ou restrictives de
liberté mises en œuvre contre l’un de leurs membres si elles estiment qu’il y a un risque non
justifié d’entrave au libre exercice du mandat parlementaire.
Ces différents dispositifs ont pour but de protéger la dignité du mandat
parlementaire, sans que pour autant cette immunité soit perçue par l’opinion comme
synonyme d’une inadmissible impunité.
2. Les avantages financiers et matériels
L’indemnité parlementaire est prévue par l’article 25 C. Ses modalités sont fixées par
une loi organique (ordonnance du 13 décembre 1958). L’indemnité principale est calculée sur la
base du traitement moyen des plus hauts fonctionnaires. Elle est complétée par une
indemnité de fonction égale au quart de l’indemnité précédente (en 2007, elle se montait à
5 177 euros). Cette indemnité est imposable et soumise à la CSG depuis 1992 (net mensuel de
4966, 93 €). A cette indemnité parlementaire, viennent s’ajouter certaines autres indemnités
tenant compte en particulier des charges de secrétariat (au total, 18 000 euros par mois
environ).
Le parlementaire reçoit aussi des dotations pour ses collaborateurs afin de faire
fonctionner un secrétariat, et de rémunérer des assistants librement choisis par lui (trois depuis
1995). D’autres avantages portent sur des franchises postales et téléphoniques, cartes de
circulation et de réduction sur la SNCF ou Air France, prêts à taux privilégié, etc.

& 2. Les sessions parlementaires


Il faut distinguer trois types de sessions : ordinaires, extraordinaires et
exceptionnelles ou de plein droit.
A. La session ordinaire
Dans le système initial, le Parlement se réunissait en deux sessions ordinaires par an,
pour des périodes de trois mois environ (session d’automne : 2 octobre au 20 décembre ;
session de printemps : 2 avril au 30 juin). Mais l’on a progressivement constaté, un recours
fréquent aux sessions extraordinaires, à la demande du gouvernement, car les sessions
ordinaires s’avéraient trop courtes pour le bon déroulement du travail législatif.
C’est la révision constitutionnelle du 4 août 1995 qui viendra instituer une session
unique de neuf mois (nouvel article 28), qui commence le premier jour ouvrable d’octobre
pour prendre fin le dernier jour ouvrable de juin. Afin de permettre aux parlementaires
d’exercer leurs mandats locaux, le nombre de jours de séance, à l’intérieur de cette période, a
été limité à 120 (environ trois jours de séance par semaine, art. 28, al. 2). Il est possible de
tenir des séances supplémentaires à la demande de la majorité des membres de chaque
assemblée, ou à la demande du PM (après consultation du président de l’assemblée
concernée).
Il est encore difficile de dire si les objectifs recherchés par cette réforme (une
meilleure programmation du travail législatif, un meilleur contrôle du gouvernement) ont été
effectivement atteints. En tout état de cause, on peut noter que l’absentéisme n’a pas diminué
et les conditions de travail ne se sont pas substantiellement améliorées.

B. Les sessions extraordinaires


Comme on l’a vu, l’article 29 C prévoit qu’elles sont convoquées soit sur la demande
du PM soit sur celle de la majorité des députés. Cette demande doit porter sur un ordre du jour
déterminé. La demande des députés est doublement limitée : les sessions convoquées à leur
demande ne peuvent excéder douze jours ; ils ne peuvent solliciter une nouvelle session dans
le délai d’un mois qui suit la clôture de la précédente. L’on sait également que l’ouverture
comme la clôture de la session sont prononcées par décret du PR ; sachant qu’il peut arriver
que le chef de l’Etat refuse de convoquer la session extraordinaire qui lui est demandée.
En pratique, la quasi-totalité des sessions extraordinaires a été l’œuvre du PM. Cela
étant, depuis la réforme de 1995 sur la session unique, leur nombre a connu une diminution
sensible.

C. Les sessions exceptionnelles ou de plein droit


Trois hypothèses sont à mettre en valeur ici : tout d’abord, après une dissolution de
l’AN, la nouvelle assemblée se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit son élection
(art. 12 C). Si cette date ne coïncide pas avec la session ordinaire, une session de 15 jours est
ouverte pour permettre l’organisation de la nouvelle assemblée. Ensuite, pendant l’application
de l’article 16 C, le parlement se réunit de plein de droit ; mais si l’on se trouve en pleine
session ordinaire, il ne peut ni renverser le gouvernement ni débattre de textes législatifs.
Enfin, en cas de message du PR hors session, le parlement se réunit spécialement pour
l’entendre (art. 18 C). Il s’agit là de trois domaines où le PR dispose de pouvoirs propres.

Paragraphe 3 : Les attributions du Parlement


Ces attributions se résument à deux fonctions traditionnellement reconnues au
parlement : la fonction de législation d’une part et la fonction de contrôle du gouvernement
d’autre part. Il convient de préciser que ces deux fonctions permettent de mettre en valeur les
rapports qui sont censés exister entre parlement et gouvernement sous la Vème République
(titre V de la Constitution, le plus long).
A) L’élaboration de la loi et l’adoption des résolutions
A l’origine, la Constitution de 1958 avait innové en considérant que le domaine de la
loi n’était plus, en théorie, illimité. Des auteurs ont ainsi parlé de « révolution juridique ».
Jusqu’en 1958, l’on avait une conception formelle de la loi ; son domaine était
général. En d’autres termes, la loi est souveraine et pouvait donc se manifester sur n’importe
quel sujet. Il n’existe pas de pouvoir réglementaire autonome car l’exécutif ne peut intervenir
par décret que pour exécuter une loi. En 1958, le constituant va poser le principe d’un partage
du pouvoir normatif général entre le parlement et le gouvernement.
1) Le domaine de la loi
La Constitution de 1958 a consacré une définition matérielle de la loi, en ce sens que
la loi se caractérise par les matières sur lesquelles elle porte. En effet, certaines matières sont
réservées à la loi, et leur liste a été conçue comme étant limitative. Ces domaines essentiels de
l’action du législateur sont essentiellement énumérés à l’article 34 C (d’autres domaines sont
dispersés dans le texte de 1958 : la parité homme – femme, art. 3, al. 5 ; la déclaration de
guerre, art. 35 ; l’autorisation de ratification de certains traités, art. 53, al. 1er ; l’organisation
et le fonctionnement des collectivités territoriales, art. 72 à 74, etc.).

a) La présentation théorique du contenu de l’article 34 C


Une fois l’action du législateur cantonné à certains domaines, la Constitution de 1958
a posé une répartition horizontale des compétences au sein de ces domaines : ceux dans
lesquels le législateur ne peut que fixer des règles et ceux pour lesquels il est chargé de ne
fixer que des principes.
Les domaines où le législateur fixerait les règles. Dans ces domaines, la marge de
manœuvre du législateur serait large car il aurait la possibilité de descendre dans les détails.
Ce serait un champ de compétences dans les matières les plus importantes : le statut des
personnes, leurs libertés, leurs droits civiques ; les décisions de principe de l’organisation
économique et sociale (les nationalisations, les impôts, la création de catégories
d’établissements publics, etc.) ; la détermination des crimes, des délits et des peines, ainsi que
le statut des magistrats, le régime électoral du parlement et des collectivités territoriales, etc.
De ce point de vue, l’intervention dans ces différents domaines, du pouvoir
réglementaire ne serait que résiduelle et ne porterait que sur les points non traités par le
parlement. Elle pourrait même apparaître inutile dans les hypothèses où le texte législatif
s’appliquerait directement.
Les matières où le législateur ne déterminerait que les principes fondamentaux.
Ici le champ d’intervention du législateur serait beaucoup plus limité à des considérations
générales ; la collaboration du gouvernement est dès lors indispensable pour que la loi soit
applicable. Il s’agirait de domaines aux contours assez techniques où le gouvernement serait
chargé de mettre en œuvre les principes posés par le législateur : l’organisation de la défense
nationale, l’administration des collectivités territoriales, l’enseignement et le régime de la
propriété et des droits réels, le droit du travail, le droit syndical et la sécurité sociale.
Il faut néanmoins préciser que le domaine de l’article 34 n’est pas définitivement
cristallisé. En effet, le dernier alinéa de cette disposition prévoit que « les dispositions du
présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique ». Cette faculté
n’a jamais été utilisée.
b) La « limitation » du domaine de la loi en pratique
En pratique la frontière entre la fixation des règles et la détermination des principes
fondamentaux est apparue assez floue, et n’a presque pas été respectée par le parlement, ni
imposée par le gouvernement. Cette distinction n’a par ailleurs pas été retenue par le CC ou le
CE. Elle apparaît donc inutile car il n’y a pas de limitation horizontale variable selon les
domaines ; en réalité le rôle du législateur est toujours de fixer les grandes lignes, il n’a pas à
entrer dans les détails, et la mise en œuvre relève du pouvoir réglementaire. S’il existe dès
lors un partage horizontal, il ne joue pas à l’intérieur du pouvoir législatif mais sépare le
parlement et le pouvoir réglementaire. L’ensemble du domaine délimité par l’article 34 est
donc réservé au législateur, le pouvoir réglementaire ne peut y intervenir que de façon
subordonnée, pour assurer l’exécution des lois (sauf habilitation expresse à prendre des
ordonnances de l’article 38). En cas d’empiètement de la compétence du législateur par le
pouvoir réglementaire, ce dernier serait censuré par le Conseil d’Etat.
En principe, la compétence de droit commun reviendrait au gouvernement (pouvoir
réglementaire autonome), et le législateur ne détiendrait plus qu’une compétence
d’attribution. C’est ce qui est en théorie affirmé par l’article 37, al. 1 er C : « les matières
autres que celles qui sont du domaine de la loi ont le caractère réglementaire ». En pratique,
cette règle est limitée et contestée car la compétence du législateur est très largement définie
par la Constitution. Ce qui fait qu’il est difficile de définir le contenu du domaine du pouvoir
réglementaire autonome (domaine d’ailleurs résiduel et peu étendu : environ 1% des décrets
« autonomes »).
Surtout, l’intervention du législateur dans le domaine réglementaire n’est pas
inconstitutionnelle en elle-même, il appartient au gouvernement de défendre, s’il l’estime
opportun, le domaine qui lui est reconnu à l’article 37, al. 1er. Il dispose pour cela des
procédures des articles 37, al. 2 et 41 C (cf. infra). Aussi, son absence de réaction contre un
empiètement du législateur signifie-t-il qu’il accepte l’intervention de celui-ci au-delà du
domaine de l’article 34. C’est en ce sens qu’a décidé le CC dans une décision du 30 juillet
1982 : « par les articles 34 et 37, al. 1er, la Constitution n’a pas entendu frapper
d’inconstitutionnalité une disposition de nature réglementaire contenue dans une loi mais a
voulu, à côté du domaine réservé à la loi, reconnaître à l’autorité réglementaire un domaine
propre et conférer au gouvernement, par la mise en œuvre des procédures spécifiques des
articles 37, al. 2 et 41, le pouvoir d’en assurer la protection contre d’éventuels empiètements
de la loi ».
Au total, si le gouvernement ne s’y oppose pas, il n’y a pas de domaine interdit au
législateur. De façon concomitante, il n’y a pas de domaine réservé au pouvoir réglementaire
et celui-ci ne saurait être considéré comme le législateur de droit commun. Autre conséquence
sur le plan théorique : la définition de la loi n’est plus matérielle mais organique et formelle :
la loi est l’acte élaboré par le parlement.
c) Le contrôle de la répartition des compétences entre loi et règlement
C’est le CC qui a été chargé de défendre le domaine du pouvoir réglementaire
autonome (rôle originel de défenseur du pouvoir exécutif).
L’article 41. Le CC pourra être saisi, au cours de la procédure législative d’une
proposition de loi ou d’un amendement, estimé irrecevable par le gouvernement comme ne
faisant pas partie du domaine de la loi. C’est le gouvernement qui est seul compétent pour
soulever une telle exception d’inconstitutionnalité. En pratique, un ministre saisira en cours de
discussion le président de l’assemblée concernée. Si cette tentative de règlement amiable n’est
pas concluante (le président de la chambre ne donne pas raison au gouvernement dans les 8
jours), le juge constitutionnel peut être appelé à se prononcer par le gouvernement ou par le
président de l’assemblée. Il s’agit d’un contrôle préventif dont l’utilisation est peu à peu
tombée en désuétude (aucune à l’AN depuis 1980) car il crée au sein du parlement un climat
conflictuel peu propice aux initiatives de l’exécutif. En outre, depuis la décision du CC du 30
juillet 1982, on considère que l’article 61, al. 2 C ne peut être utilisé pour défendre le domaine
de l’article 37, al. 1er entre le vote de la loi et sa promulgation.
L’article 37, al. 2 C. Quid des normes élaborées en contradiction avec les principes
posés aux articles 34 et 37, al. 1er ? L’exécutif peut-il les modifier a posteriori ? Pour ce qui
concerne les dispositions législatives antérieures à 1958,qui auraient aujourd’hui une nature
réglementaire, elles peuvent être modifiées par décret après avis conforme du CE. La loi peut
dès lors être amendée par un décret.
Si la loi est postérieure à l’entrée en vigueur de la Constitution de 1958, le
gouvernement peut saisir le CC afin qu’il déclare qu’une loi promulguée est intervenue en
réalité dans un domaine relevant de l’article 37, al. 1er. Cette procédure de « délégalisation »
fait tomber la présomption de caractère législatif résultant de la forme législative donnée au
texte, mais elle ne contribue pas à l’annuler : le texte est irrégulier en la forme, mais il reste
applicable avec valeur réglementaire. Généralement, il s’agit beaucoup plus d’une formalité
technique préalable à l’élaboration d’un décret réorganisant une matière.
En définitive, les innovations de 1958 annonçaient un déclin des pouvoirs du
parlement. Mais le parlement sort moins affaibli de l’examen que ne le laissaient penser la
simple lecture des articles 34 et 37. La doctrine a donc à juste titre constaté que la
« révolution » n’avait pas eu lieu.
2) Le vote de la loi
Trois phases doivent être distinguées sur ce point : l’initiative législative, la
discussion de la loi, l’adoption et la promulgation du nouveau texte législatif.
a) L’initiative législative
Elle est partagée car, aux termes de l’article 39, al. 1er, « l’initiative des lois
appartient concurremment au PM et aux membres du parlement ». A priori, les projets de loi
et les propositions de lois sont placés sur un pied d’égalité.
Il faut dire que les projets de lois sont soumis à des règles plus strictes que les
simples propositions de loi. Ils sont délibérés en conseil des ministres après avis du CE (art.
39, al. 2) : un avis (juridique) est donc demandé au CE, avis qui ne lie nullement le
gouvernement (même s’il le fait dans la plupart des cas, crainte d’une censure éventuelle du
CC). Une fois inscrit à l’ordre du jour du conseil des ministres, il y sera délibéré. Enfin, le
projet de loi sera déposé sur le bureau de l’AN ou du Sénat par décret du PM, sauf s’il s’agit
d’un projet de LF ou de LFSS (obligatoirement soumis en premier lieu à l’AN), ou d’un projet
ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales et les projets de loi
relatifs aux instances représentatives des Français établis à l’étranger (membre de phrase
ajouté au dernier alinéa de l’article 39 par la révision constitutionnelle sur l’organisation
décentralisée de la République).
Les propositions de loi sont encadrées par une série de règles de fond dont le non respect
entraînerait leur irrecevabilité. Elles concernent tout d’abord les éventuelles
conséquences financières des propositions de loi et amendements parlementaires, puisque
ceux-ci « ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une
diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge
publique » (art. 40 C, utilisation très fréquente dans les premières années de la V ème
République, et plus rare à l’heure actuelle). Les règles d’irrecevabilité visent ensuite à garantir
le principe de répartition des compétences résultant des articles 34 et 37 (cf. supra,
développements sur l’article 41, 11 décisions seulement ont été rendues par le CC sur ce
fondement).

b) La discussion de la loi
Aussitôt après avoir été déposés sur le bureau d’une chambre, les projets et les
propositions de lois sont envoyés pour examen, soit à des commissions spécialement
désignées à cet effet (art. 43, al. 1er), soit, à défaut, c’est-à-dire presque toujours, à l’une des
six commissions permanentes de l’assemblée concernée. La commission a pour rôle de
préparer le travail en séance publique : elle étudie le texte, s’interroge sur son opportunité et
suggère les modifications et les amendements qu’elle juge utile. Cependant, les projets de loi
ne pourront être modifiés par les commissions, contrairement aux propositions de loi, pour
lesquelles celles-ci ont toute latitude pour élaborer une nouvelle rédaction. La discussion des
projets de lois portera, devant la première assemblée saisie, « sur le texte présenté par le
gouvernement » (art. 42, al. 1er), les amendements proposés par la commission devant
apparaître d’une manière distincte.
La séance publique. Une fois le texte examiné par la commission, il pourra être
inscrit à l’ordre du jour, soit par le gouvernement, soit, exceptionnellement, par l’assemblée
elle-même. Par le pouvoir exorbitant dont il dispose en vertu de l’article 48 C (maîtrise de
l’ordre du jour des assemblées, car fixation de leur ordre du jour prioritaire), le gouvernement
pourra différer aussi longtemps qu’il le souhaite l’examen des propositions qui n’ont pas son
agrément, et privilégier à souhait ses propres projets. Il est vrai que la révision du 4 août 1995
prévoit désormais qu’une « séance par mois est réservée par priorité à l’ordre du jour fixé
par chaque assemblée ». Mais cette niche parlementaire demeure modeste, et les projets de
lois, beaucoup moins nombreux que les propositions, continuent d’avoir de plus grandes
chances d’être discutés puis adoptés. Les propositions de loi jouent un rôle secondaire dans la
production législative : si les parlementaires en déposent beaucoup, elles ne sont pas souvent
adoptées. En effet, la très grande majorité des lois adoptées sont à l’origine des projets de lois.
Sur la centaine de lois votées chaque année, entre 80 et 90 % résultent de l’initiative de
l’exécutif. Cependant cette proportion a tendance à décroître : ainsi, entre 1997 et 2002, il y
en a eu 81 sur 221.
La discussion du texte de loi en séance publique se résume en deux phases
successives : la discussion générale, où le projet (ou la proposition) est examiné de façon
globale, puis la discussion des articles.
La discussion générale. Lorsqu’il s’agit d’un projet, la discussion générale s’ouvre
par l’audition éventuelle du gouvernement, à laquelle succèdent la présentation du rapport de
la commission saisie, puis les discours des orateurs des groupes politiques. Mais cette
discussion générale pourra être interrompue par le vote d’une motion de procédure : exception
d’irrecevabilité qui tend à faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou
plusieurs dispositions constitutionnelles ; question préalable, visant à contester l’opportunité
d’une délibération (on décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer) ; motion de renvoi en
commission, afin que soit présenté un nouveau rapport sur le texte en discussion.
La discussion des articles. Au cours de cette seconde phase, le texte va faire l’objet
d’un examen beaucoup plus serré, article par article. La discussion s’engage, devant la
première chambre saisie, sur le texte du gouvernement lorsqu’il s’agit d’un projet de loi, ou
sur le texte établi par la commission dans le cas contraire. C’est à ce stade que le texte pourra
faire l’objet d’amendements, c’est-à-dire être modifié à l’initiative du gouvernement ou des
membres du parlement (art. 44, al. 1er : « les membres du parlement et le gouvernement ont le
droit d’amendement »). Cependant, le texte examiné ne sera susceptible d’être amendé que
sous certaines conditions, et dans certaines limites.
En particulier, l’amendement proposé devra avoir un lien suffisamment étroit avec le
texte qu’il prétend modifier, et ne pas excéder une certaine ampleur. C’est ainsi que le CC a
censuré, dans une décision du 23 janvier 1987, un usage abusif de ce droit, en se fondant sur
« les limites inhérentes à l’exercice du droit d’amendement ». En fait, selon le juge
constitutionnel, ce droit ne saurait être un moyen de contourner les prescriptions
constitutionnelles relatives à la procédure législative (notamment, accélérer cette procédure en
rattachant artificiellement à un projet ou à une proposition de loi ayant suivi la voie normale
des dispositions entièrement nouvelles sous couvert d’amendement). En l’espèce, il s’agissait
d’intégrer à un « projet de loi relatif à diverses mesures d’ordre économique et social », en
fin de discussion, les 20 articles de l’ordonnance relative à l’aménagement du temps de travail
que le chef de l’Etat avait refusé de signer trois jours plus tôt.
Le gouvernement dispose néanmoins de moyens de limiter un éventuel usage abusif
du droit d’amendement (exemple récent concernant le projet de loi sur les élections régionales
et les élections de représentants au parlement européen, des dizaine de milliers
d’amendements). Tout d’abord, après l’ouverture du débat, il « peut s’opposer à l’examen de
tout amendement qui n’a pas été antérieurement soumis à la commission » (art. 44, al. 2). Il
peut ensuite exiger que « l’assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du
texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés » par lui. Cette
procédure du vote bloqué peut s’avérer très utile, notamment lorsque le gouvernement ne
dispose pas au parlement d’un soutien inconditionnel, ou lorsque l’opposition parlementaire
se montre spécialement agressive.
Ce n’est qu’à la suite de cette discussion article par article (amendement après
amendement, sauf hypothèse de vote bloqué), que le texte sera soumis à un vote d’ensemble,
et enfin, le cas échéant, adopté à la majorité des suffrages exprimés.

b) L’adoption de la loi
L’article 45, al. 1er pose le principe suivant : « tout projet ou proposition de loi est
examiné successivement dans les deux assemblées du parlement en vue de l’adoption d’un
texte identique ». Dans cette dernière phase, le gouvernement peut intervenir avant et après
l’adoption du texte.

- Avant l’adoption du texte. L’intervention du gouvernement est, dans cette


hypothèse nécessaire, dans deux cas : lorsque les deux assemblées ne parviennent par à un
accord sur le texte ; lorsqu’il craint que l’AN ne refuse d’adopter un projet ou une proposition
de loi.
En cas de désaccord entre les deux assemblées, le texte examiné fera d’abord
l’objet d’une « navette », de l’une à l’autre. Mais si, après deux lectures successives (ou
éventuellement une seule, lorsque le gouvernement a déclaré l’urgence), ce désaccord
persiste, « le PM a la faculté de provoquer la réunion d’une CMP chargée de proposer un
texte sur les dispositions restant en discussion » (art. 45, al. 2). Cette commission est
composée de sept députés et de sept sénateurs. Si cette commission parvient à établir un texte
de compromis, celui-ci « peut être soumis par le gouvernement pour approbation aux deux
assemblées » (art. 45, al. 3), aucun amendement n’étant plus recevable à ce stade, sauf accord
du gouvernement. Mais dans le cas contraire, le gouvernement « peut, après une nouvelle
lecture par l’AN et le Sénat, demander à l’AN de statuer définitivement » (art. 45, al. 4).
Cette disposition permet ainsi de conférer le dernier mot à l’AN, d’où l’absence
d’égalité du bicamérisme (pallier une éventuelle impuissance ou paralysie du travail
législatif). Mais cette suprématie de la chambre basse dépend entièrement du gouvernement
lui-même, qui conserve une totale liberté de manœuvre à chacune des étapes du processus
législatif. C’est aussi à lui qu’il appartient de donner son accord aux éventuels amendements
que pourrait proposer la CMP.
S’il craint qu’un texte de loi ne soit pas adopté par l’AN, ou qu’il y fasse l’objet
d’une obstruction systématique, le PM pourra faire usage de la question de confiance sur le
vote d’un texte, de l’article 49, alinéa 3 C. C’est ainsi qu’il « peut, après délibération du
conseil des ministres, engager la responsabilité du gouvernement devant l’AN sur le vote d’un
texte. Dans ce cas, ce texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure,
déposée dans les 24 heures qui suivent, est votée ». Ces dispositions avaient été proposées
pour discipliner une majorité acquise, mais tiède, voire réticente sur un texte particulier. Cette
arme s’est avérée d’une redoutable efficacité car aucune des motions de censure votées à la
suite de sa mise en œuvre n’ont recueilli la majorité des membres composant l’AN.
Cela étant, l’article 49-3 ne surmonte que l’opposition de l’AN. Le texte en question
devra donc être voté par le Sénat, cette disposition ne pouvant être utilisée contre la chambre
haute, puisque elle-même ne peut mettre en cause la responsabilité en votant une motion de
censure. Il reste toujours possible de combiner les dispositions de l’article 49-3 et celles de
l’article 45, alinéa 4 (dernier mot à l’AN). De ce fait, la loi pourra être considérée comme
adoptée alors même qu’elle ne l’a été, en fait, par aucune des deux chambres.
- Après l’adoption. Le chef de l’Etat, conformément à l’article 10 C, a pour charge
de promulguer la loi au JO, après avoir éventuellement demandé une nouvelle délibération au
Parlement ; et surtout après saisine du CC pour que ce dernier examine la conformité à la
Constitution de la loi en cause (art. 61, al. 2 : contrôle facultatif en théorie, mais devenu quasi
systématique en pratique, et ce, à l’initiative de l’opposition parlementaire). Il faut en outre
rappeler que le gouvernement peut utiliser la procédure de « délégalisation » de l’article 37,
alinéa 2 C.
B) Le contrôle de l’activité gouvernementale
Le contrôle du parlement sur le gouvernement concerne l’un des aspects
parlementaires du régime. Ce contrôle, au-delà des différents procédés d’information des
parlementaires, s’exerce surtout par les questions des parlementaires, par les commissions
d’enquête et de contrôle, et par le recours aux procédures de mise en cause de la
responsabilité politique du gouvernement.
1) Les questions parlementaires
Une question est, en principe, une demande d’information adressée à un ministre sur
un sujet précis. La réponse ne peut donner lieu à un vote mettant en cause la responsabilité du
gouvernement. L’on présentera successivement les questions écrites et les questions orales au
gouvernement.

a) Les questions écrites


Un parlementaire sollicite par écrit un renseignement d’un ministre déterminé, à
charge pour celui-ci de répondre dans un délai d’un mois. Si, pour des raisons d’intérêt public,
ou du fait de difficultés matérielles pour réunir la documentation technique nécessaire à la
réponse, ce délai initial est insuffisant, le ministre peut obtenir un nouveau délai d’un mois au
maximum.
Les questions écrites sont largement utilisées à la fois pour contrôler la politique du
gouvernement et la bonne marche de l’administration (les 2/3 émanent des membres de
l’opposition) et, surtout, pour obtenir des renseignements juridiques et administratifs au profit
des électeurs. Leur abondance et leur technicité font généralement qu’il n’y est pas répondu
dans les délais. Les réponses aux questions écrites sont publiées au JO.

c) Les questions orales


A l’origine une séance par semaine était réservée aux questions des membres du
parlement et aux réponses du gouvernement. Cette règle tirée de l’article 48 a évolué : depuis
la révision du 4 août 1995, il s’agit d’« une séance au moins par mois ». Deux types de
questions orales doivent être distingués :
- Les questions orales sans débat
Il s’agit d’un dialogue : l’auteur de la question dispose d’un temps très court (2
minutes) pour la poser et il peut encore répliquer très brièvement après la réponse (5
minutes).Le ministre peut reprendre la parole. Le temps total de parole, à chaque séance, est
réparti entre les groupes. Ces questions sont examinées par l’assemblée le mardi matin. Elles
rencontrent un médiocre succès. Par ailleurs, l’idée de faire de ces questions un moyen de
contrôle du gouvernement se révèle être un échec. Elles portent très souvent sur des questions
d’intérêt local.

- Les questions orales avec débat


L’exposé de la question se fait plus longuement (10 minutes) et des orateurs autres
que l’auteur de la question peuvent intervenir après la réponse du ministre. Il s’ensuit alors un
véritable débat sans qu’il puisse cependant se terminer par un vote de confiance au
gouvernement. Ces questions, en désuétude à l’AN depuis 1978, sont réapparues en 2000.
Quant au Sénat, il y recourt de temps en temps car il ne peut pas mettre en cause la
responsabilité politique du gouvernement (16 fois entre 1997 et 2002).

- Les questions au gouvernement


Avant leur constitutionnalisation par la révision de 1995, elles furent à l’origine
l’objet d’un accord tacite entre le parlement et le gouvernement. A l’AN, le début des séances
du mardi et du mercredi après-midi est consacré pendant une heure à des questions posées par
les députés. Le temps de parole est réparti entre les groupes politiques proportionnellement à
leurs effectifs. Les questions sont posées de façon alternative par un député de la majorité et
un député de l’opposition, l’auteur de la question disposant de 2 minutes et 30 secondes pour
l’exposer depuis son banc, en principe sans lire un texte. Au Sénat, la séance choisie est celle
du jeudi après-midi, deux fois par mois. Ces séances sont retransmises par France 3 et par La
Chaîne Parlementaire.
En principe, tous les ministres doivent être présents. Mais la pratique montre que les
absences sont nombreuses et surtout que peu de ministres assistent à toute la séance. En 1993,
Philippe Séguin, a contribué à rigidifier les règles de ces questions à l’AN : les ministres ne
les connaissent pas à l’avance ; elles sont « spontanées », et le temps des interventions est
strictement limité. Réserve : pour être utile, les réponses doivent avoir été préparées (les
ministres n’ont pas une vue encyclopédique de leur champ de compétence).
Il faut noter que la formule des questions au gouvernement (de 15 à 16 heures)
garantit la présence de nombreux parlementaires, heureux d’apparaître à la télévision. La
séance, faisant suite au conseil des ministres du mercredi matin, permet souvent d’expliciter
certaines décisions qui viennent d’être prises, etc.
2) Les commissions d’enquête
Elles existent au parlement depuis la Monarchie de juillet, mais leur statut a été
modifié par la loi du 20 juillet 1991, qui a supprimé la distinction précédente des commissions
d’enquête et des commissions de contrôle. Il n’existe plus que des commissions d’enquête.
Ces commissions sont créées dans une chambre par une résolution adoptée à la
majorité. Si le gouvernement n’en souhaite pas la constitution, il s’efforcera d’empêcher
l’inscription de la résolution à l’ordre du jour (rappel : il a la maîtrise de l’ordre du jour). Pour
éviter que l’opposition ne voit ses propositions de création de commissions d’enquête
systématiquement non débattues, il a été prévu depuis 1988 à l’AN que chaque groupe
pourrait obtenir chaque année l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution
tendant à la création d’une telle commission. Ceci veut dire simplement que l’opportunité de
la création de la commission sera débattue.
La Commission est composée de 30 députés ou de 21 sénateurs au maximum. Ses
membres sont désignés à la RP des groupes ; l’opposition est certes représentée mais elle n’est
pas majoritaire. Elle est formée pour recueillir des informations soit sur des faits déterminés,
soit sur la gestion d’un SP ou d’une entreprise nationale. Son examen ne peut concerner des
faits donnant lieu à des poursuites judiciaires. Si une information judiciaire est ouverte après
la création de la commission, celle-ci doit mettre fin immédiatement à ses travaux (respect de
l’indépendance de la justice, et donc de la séparation des pouvoirs).
Ces commissions sont temporaires (durée de 6 mois au maximum). Elles sont
autorisées à citer des témoins, avec le concours de la force publique en cas de besoin. Elles
ont, en outre, le droit de se faire communiquer par l’administration tous les documents non
couverts par les règles traditionnelles du secret.
Pendant longtemps, leurs travaux et leurs auditions n’étaient pas publics. Cette règle
du secret a été supprimée par la loi de 1991 précitée, qui pose le principe de la publicité. En
revanche, les conclusions de la commission ont toujours été publiques, sauf si l’assemblée
décide le contraire à la majorité. Certaines commissions ont eu un grand retentissement :
Crédit lyonnais en 1994, sectes la même année, les prisons en 2000, ou encore la principauté
de Monaco en 2001-2002 ; la canicule de l’été 2003.
Même si le gouvernement a les moyens de peser sur elles et d’entraver leur action,
leur efficacité n’est pas négligeable.
Il faut rappeler que les commissions permanentes peuvent aussi créer des missions
d’information, en principe destinées à suivre l’exécution d’une loi ; mais qui peuvent aussi
jouer un rôle d’enquête (2000, naufrage de l’Erika).

3) La mise en cause de la responsabilité du gouvernement


La LC du 3 juin 1958 énonçait parmi les « principes » qu’aurait à respecter la future
Constitution, le fait que « le gouvernement doit être responsable devant le parlement ».
L’article 20 C précise que le gouvernement « est responsable devant le parlement dans les
conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50 ». L’article 49 détermine les
procédures d’engagement de la responsabilité, alors que l’article 50 en précise les
conséquences éventuelles.
Les auteurs de ces textes ont cherché à rationaliser les mécanismes qu’ils
contiennent, en essayant d’éviter une mise en cause trop facile de la responsabilité du
gouvernement. Ces précautions se sont révélées moins utiles en raison de l’existence du
phénomène majoritaire (exécutif soutenu par une majorité parlementaire stable). Trois
procédures doivent être présentées :
a) La question de confiance (art. 49, al. 1er C)
Cette expression ne figure pas dans la Constitution, même si la procédure existe.
Le PM peut, après délibération du conseil des ministres, engager devant l’AN la
responsabilité du gouvernement sur son programme ou sur une déclaration de politique
générale. La décision (positive ou négative) est acquise à la majorité des suffrages exprimés.
Si la confiance est refusée, le PM doit remettre au PR la démission du gouvernement.
Le chef du gouvernement peut ainsi solliciter la confiance de l’AN soit au moment
de la constitution de son équipe, soit ultérieurement, au moment où il le juge nécessaire. Il le
fait au nom de l’ensemble du collège ministériel. Il n’est jamais obligé de poser la question de
confiance. Il est vrai que la Constitution utilise le présent de l’indicatif « engage », et la
majorité de la doctrine a souligné que, dans les textes constitutionnels, l’indicatif équivaut à
l’impératif. Mais la pratique de 1966 à 1973 puis de 1988 à 1993 par exemple, a montré que
les gouvernements successifs ne se sont pas estimés obligés de solliciter l’investiture de la
chambre basse (absence de tout délai dans la Constitution).
Cette procédure a été peu utilisée depuis 1958 : moins de trente fois, le plus souvent
sur une déclaration de politique générale. C’est une procédure périlleuse pour le
gouvernement (majorité relative).
b) La motion de censure spontanée (art. 49, al. 2 C)
La responsabilité du gouvernement est mise en cause ici à l’initiative des députés. La
motion doit être signée par un dixième au moins des membres de l’AN (58). Le vote ne peut
avoir lieu que 48 heures après le dépôt de la motion (délai de réflexion). Pour que la motion
soit adoptée, elle doit recueillir les voix de la majorité des membres de l’assemblée (289). Ne
sont comptés que les votes favorables à la motion, les absents et les abstentionnistes sont donc
réputés avoir votés pour le gouvernement.
Le vote d’une motion de censure comporte deux conséquences : en cas de succès, le
gouvernement doit démissionner (expédition des affaires courantes en attendant la nomination
d’un nouveau gouvernement : art. 50 C, le PM doit remettre au PR la démission du
gouvernement) ; un député ne peut être signataire de plus de trois motions de censure pendant
une même session ordinaire, ou de plus d’une pendant une session extraordinaire.
Il faut rappeler qu’une seule motion a réussi depuis 1958, le 5 octobre 1962 contre le
gouvernement Pompidou.
c) La motion de censure provoquée (art. 49, al. 3 C)
On peut parler de forme la plus raffinée et la plus brutale de la rationalisation du
parlementarisme. Cf. supra. Il faut simplement préciser que la procédure combine question de
confiance et motion de censure. Rappelons que la conséquence la plus remarquable de cette
procédure est qu’une loi peut être adoptée sans être votée par l’AN.
Cette procédure a été utilisée de façon épisodique jusqu’en 1981 : 15 fois. Seul R.
Barre y a recouru de façon répétée (discussion budgétaire en 1979, six fois ; fronde des
députés gaullistes après la démission de J. Chirac en 1976 et la création du RPR). Michel
Rocard y fit également appel à plusieurs reprises (39 fois ; majorité relative des socialistes).
Lionel Jospin ne l’a jamais utilisé. Utilisation récente par J.-P. Raffarin (réforme du scrutin
régional, mars-avril 2003 ; loi relative aux libertés et responsabilités locales, été 2004).
Le Sénat ne peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement. Mais l’article
49, alinéa 4 permet au PM de lui demander d’approuver une déclaration de politique générale.
Cela permet à un gouvernement de se réclamer de l’appui de la chambre haute, sans risque
d’être renversé par cette dernière.
Il n’existe pas de possibilité pour le parlement de mettre en cause la responsabilité
politique individuelle d’un ministre. Il serait sans doute utile d’introduire une telle possibilité
dans la Constitution, de façon à éviter des situations peu satisfaisantes comme celles de la
responsabilité pénale des membres du gouvernement (cf. affaire du sang contaminé).
La Vème république est par ailleurs marquée par un déclin de la responsabilité
politique du gouvernement devant le parlement. En revanche les alternances, à répétition
depuis 1981, montrent que le gouvernement est responsable devant les électeurs.

Section IV : La justice constitutionnelle sous la Vème République


Dans l’esprit des constituants de 1958, la tonalité générale était de créer un organe
susceptible de rationaliser le parlementarisme sans aller jusqu’à instituer une vraie juridiction
constitutionnelle. Dans son discours du 27 août 1958 présentant le nouveau texte
constitutionnel, M. Debré déclara par exemple que : « La création du CC manifeste la volonté
de subordonner la loi, c’est-à-dire la décision du parlement, à la règle supérieure édictée par
la Constitution…L’existence de ce Conseil et l’autorité qui doit être la sienne représentent
une grande et nécessaire innovation. La Constitution crée ainsi une arme contre la déviation
du régime parlementaire ».
Cependant, et comme l’a montré le doyen Louis Favoreu, une véritable révolution
juridique et politique s’est produite en 1971 et en 1974. Tout d’abord, la décision fondatrice
du 16 juillet 1971 (Liberté d’association) a déclenché le processus de changement profond de
l’institution et de son rôle. Cette décision dote la Constitution de deux déclarations de droits,
l’une de 1789 consacrant essentiellement les droits-libertés, l’autre, le préambule de la
Constitution de 1946, les droits économiques et sociaux et notamment les droits-créances. A
cette construction d’un bloc de constitutionnalité d’importance majeure, s’ajoute ensuite la
révision constitutionnelle du 29 octobre 1974, ouvrant la possibilité à 60 députés ou à 60
sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel.
C’est à partir de cette période que le CC va s’imposer comme une instance
indépendante et crédible. C’est dans la perspective de cette dynamique, que l’on doit
examiner l’organisation et le fonctionnement de cette institution, avant de s’interroger sur ses
compétences, qui lui ont permis, au cours des trois dernières décennies, de jouer un rôle
moteur dans la construction de l’Etat de droit.

Paragraphe 1 : La juridiction constitutionnelle : le Conseil constitutionnel


Le CC siège à Paris, au Palais Royal, dont l’autre aile est occupée par le Conseil
d’Etat. Il a été officiellement installé début mars 1959 et a commencé à statuer en avril. Au
cours de ses quarante-deux années d’existence, le Conseil a rendu plus de 2500 décisions.
C’est l’organisation de cette institution qu’il faut à présent mettre en exergue avant de
présenter son fonctionnement.
A) L’organisation du Conseil constitutionnel
Cette question fondamentale renvoie à deux séries de problèmes : comment est-il
composé ? Quel est le statut de ses membres ?
1) La composition
Il faudra d’abord dire quelques mots des membres du CC avant de présenter ensuite
l’institution du président du CC.
a) Les membres
Ils sont soit nommés, soit de droit.
- Les membres nommés.
Ils sont désignés exclusivement par des autorités politiques : trois par le PR, trois par
le président de l’AN et trois par le président du Sénat (art. 56 C). Cette situation correspond à
l’idée que les constituants de 1958 se faisaient du Conseil, régulateur des pouvoirs publics et
non pas Cour suprême. Les trois autorités de nomination choisissent discrétionnairement les
personnalités qu’elles souhaitent nommer sans consultation préalable et sans être astreintes à
aucune condition de capacité, de diplôme, etc. En pratique, sont souvent désignés des
membres proches ou supposés proches de leurs sensibilités politiques même si quelques-uns
d’entre eux ne peuvent être rattachés à aucun courant politique.
On y trouve tout de même une grande majorité de juristes : près de 90 % des
membres nommés depuis 1959 sont titulaires de diplômes ouvrant l’accès aux carrières de
magistrats administratifs ou judiciaires : 40 % sont docteurs en droit et 20 % agrégés des
facultés de droit. Certains des plus grands noms de la doctrine de droit public de la fin du
XXème siècle ont également fait partie du Conseil : Marcel Waline et Georges Vedel. On y a
compté aussi deux vice-présidents du CE (R. Cassin et Bernard Chenot), un ancien président
de la CJCE (Robert Lecourt).
La tendance est de plus en plus de nommer des juristes ; en témoigne la composition
de l’actuel CC : deux universitaires, trois membres ou anciens membres du CE, un magistrat
judiciaire, un avocat, un ancien secrétaire général de l’AN, un ancien président de la Cour des
comptes.
- Les membres de droit
C’est une particularité du CC que l’on trouve à l’article 56, al. 2 : « en sus des neuf
membres prévus ci-dessus, font de droit partie à vie du CC les anciens présidents de la
République ». La création de cette catégorie s’expliquait, en 1958, par des raisons
conjoncturelles : il fallait penser au reclassement de R. Coty, sur le point d’être remplacé par
le général de Gaulle. Il existait aussi des raisons de principe : si l’on veut conserver toute sa
dignité à l’institution présidentielle, clé de voûte du nouveau régime, il importe de conférer à
ses anciens titulaires une situation honorifique qui leur permette de demeurer dans l’Etat sans
pour autant repasser par la voie de l’élection.
Mais cette solution n’est pas sans soulever certaines difficultés, car conçue pour des
personnalités en fin de carrière, et qui, ayant occupé la tête de l’Etat, ne songent plus à jouer
un rôle politique actif, elle s’avère peu adaptée à des personnages plus jeunes. A ces derniers,
il est très difficile d’interdire à tout jamais de briguer un mandat électif du seul fait qu’ils ont
été présidents, et qu’ils sont pour cette raison « membres à vie » du CC. D’où une solution
intermédiaire, utilisée notamment pour VGE, qui consiste à « mettre en congé » les anciens
présidents lorsqu’ils sont par ailleurs élus, ce qui leur interdit simplement de siéger au Conseil
pendant la durée de leur mandat électif. VGE, en plus de son activité d’académicien, siège
désormais au Conseil constitutionnel en tant que membre de droit.
En tout état de cause, seuls ont siégé jusqu’ici les deux anciens présidents de la
IVème République : Vincent Auriol (mars 1959 à mai 1960) et René Coty (mars 1959 à sa
mort en 1962). Ch. de Gaulle et F. Mitterrand n’ont pas siégé après le terme de leurs
fonctions. G. Pompidou est mort en cours de mandat.
Il faut enfin observer que, à plusieurs reprises, il a été proposé de supprimer cette
catégorie de membres, notamment par le Comité Vedel pour lequel, en toute hypothèse,
l’article 56, al. 2 est tombé en « quasi-désuétude ».
b) Le président du CC
Si les autres membres du Conseil ont le plus souvent une certaine orientation
politique, on peut dire qu’il en va nécessairement ainsi de celui qui est désigné président.
Celui-ci « est nommé par le président de la République. Il a voix prépondérante en cas de
partage ». (jusqu’en 2000, le président avait toujours été pris parmi les membres nommés par
le PR). D’ordinaire, le chef de l’Etat choisit à cette place hautement stratégique l’un de ses
fidèles, du moins quelqu’un dont il peut être sûr : de Gaulle nommera successivement deux
proches (Léon Noël, de 1959 à 1965) et Gaston Palewski(1965-1974) ; Georges Pompidou
fera de même en choisissant Roger Frey (1974-1983) après avoir proposé le poste à Michel
Debré ; François Mitterrand désignera quant à lui à la présidence, Daniel Mayer (1983-1986),
Robert Badinter (1986-1995) et Roland Dumas (1995-2000).
Le président R. Dumas s’étant mis « en congé », en mars 1999, le doyen d’âge, Yves
Guéna, assurait l’intérim. Mais M. Dumas ayant démissionné le 1er mars 2000, le PR a
nommé le même jour M. Guéna comme président, alors que celui-ci avait été nommé en 1997
par le président du Sénat, René Monory. De 2003 à 2007, le président du CC est M. Pierre
Mazeaud. Après Jean-Louis Debré (2007-2016), le Président actuel est M. Laurent Fabius.
On s’est souvent demandé s’il ne serait pas plus satisfaisant de faire élire le président
du CC, afin de mieux garantir son impartialité. Il semble qu’il s’agisse d’une fausse bonne
solution car elle obligerait à procéder à une nouvelle élection à chaque renouvellement tous
les trois ans ; et parce qu’elle aurait pour conséquence, contrairement à l’effet recherché, de
faire entrer la politique au cœur même du Conseil. Le président, observait le doyen Vedel,
deviendrait alors « bon gré mal gré le chef d’une majorité », en conflit permanent avec la
minorité, pour le plus grand tort de l’institution.
En fait, la solution actuelle correspond à la configuration du système politique, le
chef de l’Etat nommant le président du Conseil, qui, lui-même, a un rôle prépondérant, non
seulement en cas de partage des voix, mais également dans le fonctionnement quotidien du
Conseil. Il est chargé à ce dernier titre de le convoquer, de fixer l’ordre du jour, de désigner le
rapporteur de chaque affaire et, naturellement, d’en présider les séances.

2) Le statut de l’institution et de ses membres


Il s’agit principalement de préserver l’autonomie du Conseil eu égard à la fonction
qu’il exerce et de garantir l’indépendance indispensable à l’exercice pas ses membres de leurs
fonctions.
a) Le statut de l’institution
Le Conseil bénéficie d’une triple autonomie. Il s’agit tout d’abord d’une autonomie
réglementaire. Certes il est vrai que des dispositions constitutionnelles et organiques
viennent poser un certain nombre de règles en matière de fonctionnement de l’institution.
Mais d’une part, ces textes laissent une marge d’appréciation au CC et d’autre part, toutes les
modifications apportées à l’ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958 (sur le CC)
lui sont obligatoirement déférées pour vérification de leur constitutionnalité.
Le Conseil a établi deux « règlements » applicables à la procédure suivie devant lui
pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs d’une part, et pour les
réclamations relatives aux opérations de référendum d’autre part.
Plus récemment, le CC a adopté un règlement intérieur en date du 27 juin 2001
organisant l’accès à ses archives. Ce règlement entendait définir un régime particulier pour
l’accès à l’ensemble des archives du juge constitutionnel. Saisi d’un moyen tendant à
l’annulation de ce règlement, le CE, ass., 25 octobre 2002, M. Brouant, s’est déclaré
incompétent pour en connaître, au motif « qu’eu égard à cet objet, qui n’est pas dissociable
des conditions dans lesquelles le CC exerce les missions qui lui sont confiées par la
Constitution, ce règlement ne revêt pas le caractère d’un acte administratif dont la juridiction
administrative serait compétente pour connaître ».
Il faut ensuite parler d’autonomie administrative en ce sens que le CC dispose
d’une administration propre placée sous l’autorité du président : un secrétaire général nommé
par décret du PR sur proposition du président du CC (presque toujours un membre du CE) ;
un service juridique composé d’un magistrat judiciaire, d’un magistrat administratif et d’un
administrateur de l’AN ou du Sénat détachés pour un temps limité ; un service
documentation ; un service de presse et d’information ; un greffier (depuis 1993) et divers
autres agents publics recrutés directement par le président. Au total, une quarante de
personnes ne dépendant que du président et du secrétaire général. Cette administration propre
du Conseil apparaît néanmoins notoirement insuffisante au regard de l’extension de sa
mission.
Il existe enfin une autonomie financière qui est organisée par un décret du 13
novembre 1959. Le budget est établi par le CC lui-même et voté sans modification ni
discussion par le parlement. Le président est ordonnateur et les paiements sont effectués par
un « trésorier » nommé par lui et responsable devant lui.
Pour l’ensemble des indemnités versées aux membres et les salaires et traitements
des personnels affectés ainsi que les diverses dépenses de fonctionnement, ce budget de
monte à environ 4 millions d’€.
b) Le statut des membres
Les garanties habituelles d’indépendance recouvrent le mandat, les incompatibilités
et l’obligation de réserve.
Le mandat. La Constitution précise que le CC se renouvelle par tiers tous les trois
ans, que la durée normale du mandat de chaque conseiller est de neuf ans, et enfin que ce
mandat est non renouvelable. Par exception à ce qui précède, l’article 12 de l’ordonnance du 8
novembre 1958 précise que, lorsqu’un membre, nommé pour terminer le mandat de son
prédécesseur, a siégé moins de trois ans, il pourra, à l’expiration de ce mandat, être nommé à
nouveau pour une durée de neuf ans.
Il s’agit à travers cette durée de mandat d’assurer aux membres du Conseil une réelle
liberté : elle leur permet d’assumer sans remords leur « devoir d’ingratitude » (D. Rousseau) à
l’égard des autorités qui les ont nommés, sachant qu’ils n’ont rien à en attendre, et qu’il ne
servirait à rien d’être complaisant.
Une fois en place, le conseiller est en principe irrévocable : rien ne peut le
contraindre au départ, si ce n’est la « démission d’office » prononcée au scrutin secret à la
majorité des membres du Conseil, pour des motifs graves, susceptibles de compromettre la
dignité de l’institution. C’est semble-t-il pour éviter une telle procédure que le président
Dumas a finalement préféré démissionner « volontairement » le 1 er mars 2000.
Les incompatibilités. Afin d’en garantir l’indépendance, les fonctions des membres
du Conseil sont incompatibles avec celles de ministre et de membre du parlement (art. 57 C) :
double incompatibilité que justifie la place d’arbitre entre les pouvoirs conférée au Conseil. Il
en est de même des fonctions de membre du CES, de dirigeant ou responsable d’un parti ou
d’un groupement politique.
L’évolution du Conseil a conduit à une extension de ces incompatibilités par la loi
organique du 19 janvier 1995 : les fonctions de membre du Conseil sont désormais
incompatibles avec l’exercice de tout mandat électif. Dans la même perspective, les
conseillers sont également soumis aux incompatibilités professionnelles applicables aux
parlementaires : ils ne peuvent être nommés à aucun emploi public, ni recevoir aucune
promotion au choix, afin d’éviter toute tentative de la part du gouvernement.
L’obligation de réserve. Les membres du CC ne peuvent, pendant la durée de leurs
fonctions, prendre position publiquement sur les questions ayant fait, ou susceptibles de faire
l’objet de décisions de la part du Conseil ou de consulter sur les mêmes questions.
Ils ont prêter serment en ce sens avant leur entrée en fonctions devant le PR « de bien
et fidèlement remplir leurs fonctions, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la
Constitution, de garder le secret des délibérations de votes, et de ne prendre aucune position
publique, de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence du
Conseil ».
B) Le fonctionnement du CC
La procédure en usage devant le CC s’est peu à peu rapprochée des procédures
juridictionnelles classiques, se conformant de plus en plus au principe du contradictoire :
désormais, le texte des saisines (depuis 1983) et les observations en défense du gouvernement
(depuis 1995) sont publiées au JO. Progressivement, depuis la révision de 1974, le Conseil
tend à s’identifier à une juridiction véritable. C’est ce qui ressort en particulier des modalités
actuelles de saisine et de jugement.
1) La saisine du Conseil
Il n’y a aucune difficulté particulière quant à la saisine du CC en matière électorale
(art. 58, 59 et 60). C’est un contentieux assez classique, et le Conseil pourra être saisi par les
électeurs, les candidats, et, dans certains cas (présidentielles, référendum), par les préfets.
S’agissant des lois organiques et des règlements des assemblées, le Conseil est
automatiquement saisi par le PM (art. 61, al. 1er C).
La réelle difficulté concerne le contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires (art.
61, al. 2), et subsidiairement, des engagements internationaux (art. 54). A l’origine, la saisine
fut volontairement réservée à quatre principaux personnages de l’Etat (PR, PM, Présidents des
deux assemblées). Le but de cette restriction était double : empêcher une contestation
permanente de la loi et à travers elle, de l’action du gouvernement ; et parallèlement, interdire
au Conseil de se transformer en une Cour suprême toute-puissance, placée au-dessus des
autorités élues.
Il faudra attendre les révisions constitutionnelles du 29 octobre 1974 (lois ordinaires)
et 25 juin 1992 (engagements internationaux), pour que le droit de saisine soit étendu à 60
députés ou à 60 sénateurs. La révision de 1974 fut à l’époque jugée dérisoire par beaucoup
d’observateurs, notamment parce qu’elle semblait en retrait par rapport à l’idée initialement
lancée par VGE de permettre au CC de se saisir d’office de toute loi qui lui paraîtrait porter
atteinte aux libertés constitutionnelles. Pourtant, ce qui avait été considéré à l’époque comme
« le degré zéro de la réforme » va rapidement se révéler une révolution, en offrant une tribune
à l’opposition parlementaire, mais surtout, en permettant au Conseil, désormais
systématiquement saisi, d’affirmer sa position, au cœur même du jeu politique et
institutionnel (gardien des droits et libertés fondamentaux).
Dans le début des années 1990, il a été proposé d’aller un peu plus loin en matière de
saisine du CC. En effet, sur la suggestion de R. Badinter, un projet de loi constitutionnelle
sera déposé en 1990 à l’initiative du Président F. Mitterrand. Il visait à créer une « exception
d’inconstitutionnalité » ouvrant l’accès du CC aux individus en matière de contrôle de
constitutionnalité des lois (projet relancé en 1993 à la suite du Rapport Vedel, mais
abandonné). En fait, il ne s’agissait pas d’une exception d’inconstitutionnalité mais d’une
« question préjudicielle de constitutionnalité ». De plus, cela ne permettait pas l’accès des
individus au juge constitutionnel. La révision constitutionnelle de 2008 a permis d’introduire
dans la Constitution française une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), entrée en
vigueur le 1er mars 2010. L’article 61-1 de la Constitution dispose à cet effet que : « Lorsque,
à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition
législative porte atteinte au droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil
constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de
cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».
Précisons enfin que le CC peut être saisi par le Haut commissaire de la République,
le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, le président du Congrès, le président d’une
assemblée de province ou dix-huit membres du Congrès, de la constitutionnalité d’une « loi
du pays » de Nouvelle-Calédonie dans les dix jours qui suivent la seconde délibération dudit
texte (en vertu de l’article 77 C et de l’article 104 de la loi organique du 19 mars 1999).
Une fois le Conseil saisi, les requérants n’ont plus la possibilité de se désister : la
saisine est définitive. C’est ce que le Conseil a rappelé dans une décision du 30 décembre
1996, dans laquelle il affirme qu’il ne statue par pour les requérants, mais au bénéfice de la
Constitution ; les éventuels désistements sont donc sans valeur et sans effet.
Cette saisine a pour conséquence de suspendre le délai de promulgation de la loi, qui,
le cas échéant, ne recommencera à courir qu’à compter de la décision du Conseil.

2) La procédure devant le CC
C’est ce que le professeur Pascal Jan qualifie de « procès constitutionnel ». Lorsqu’il
est saisi d’une loi, le Conseil a l’obligation de statuer dans un délai d’un mois, qui peut, s’il y
a urgence, être ramené à huit jours sur demande du gouvernement (art. 61, al. 3). Ce délai est
bref : mais en réalité, le Conseil, qui suit l’actualité politique et les débats parlementaires,
anticipe les saisines et peut donc s’y préparer.
L’instruction de l’affaire est confiée par le président à un rapporteur, qui procède à
l’audition des représentants du secrétaire général du gouvernement, chargée d’assurer la
défense de la loi, et à celle des requérants (saisine ; observations du gouvernement, réplique
des saisissants, duplique du gouvernement).
Il faut noter que la loi n’est pas défendue par le parlement, qui l’a pourtant votée,
mais par le gouvernement, qui est généralement à son origine par le biais du pouvoir
d’initiative. C’est l’un des paradoxes de la Vème République où ce sont des membres du
pouvoir législatif qui contestent la loi, alors que l’exécutif est chargé de la défendre.
Sur la base de ce rapport, le Conseil, réuni en séance plénière, prend à la majorité des
membres présents une décision, qui sera publiée au JO.
Les décisions. Le Conseil est susceptible de rendre plusieurs types de décisions. Les
plus importantes, celles qui portent déclaration de conformité des lois, des engagements
internationaux et des règlements des assemblées (art. 54 et 61) sont désignées par les initiales
DC. Les décisions rendues sur examen de textes de forme législative (art. 37, al. 2) sont
désignées par la lettre L ; les décisions rendues sur examen de fin non-recevoir (art. 41) par
les initiales FNR ; celles qui sont relatives aux incompatibilités parlementaires, par la lettre I,
celles qui statuent sur la déchéance parlementaire, par la lettre D. les décisions portant sur la
constitutionnalité des « lois du pays » (art. 77) sont identifiées par les lettres LP. Enfin, toutes
les décisions du Conseil relatives au contentieux des élections ou aux votations référendaires
ne sont désignées que par leur date (et par le nom du requérant), sans autres précisions.
Toutes ces décisions sont, dans leur ensemble, insusceptibles de recours, et
s’imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives et juridictionnelles.

Paragraphe 2 : Les attributions du Conseil constitutionnel


C’est à ce niveau que se marque surtout le caractère évolutif de la situation du
Conseil constitutionnel. D’abord conçu essentiellement comme un gardien des institutions, le
juge constitutionnel va peu à peu devenir, principalement, celui de la Constitution. Il exerce
donc d’une part un contentieux des institutions et, d’autre part un contentieux des normes.

A) Le gardien des institutions


Il faut rappeler que le CC était conçu à l’origine comme « une arme contre la
déviation du régime parlementaire ». Une double tâche en résultait : d’une part, il lui
appartient de s’assurer du fonctionnement régulier des institutions issues du suffrage
universel. Il en est ainsi de sa compétence en cas d’empêchement ou de vacance, en ce qui
concerne les rapports entre le gouvernement et le parlement (protection de la compétence
réglementaire par le biais des articles 37, alinéa 2, 41 et 61), s’agissant du parlement dès lors
que le Conseil est chargé de contrôler les règlements des assemblées, d’apprécier les
incompatibilités et de prononcer la déchéance des parlementaires inéligibles.
D’autre part, et de façon plus générale, il lui appartient aussi de contrôler l’exercice
de la souveraineté, lors de l’élection présidentielle, des votations référendaires ou des
élections parlementaires.
1) Le CC et l’expression de la volonté nationale
Lors de l’élection présidentielle et des votations référendaires, c’est le peuple tout
entier qui se prononce, de manière unitaire. La volonté souveraine se manifeste alors
directement. C’est la raison pour laquelle le Conseil dispose dans ces deux hypothèses de
compétences analogues et, au fond, relativement circonscrites.
a) Le contrôle des élections présidentielles
Le CC a principalement ici un rôle « d’authentification de la volonté populaire »,
notamment en jouant un rôle très actif dans la préparation du scrutin présidentiel. Il est ainsi
consulté par le gouvernement dans le cadre de l’élaboration des textes relatifs à l’organisation
de la consultation électorale. Cela étant, il n’accepte pas d’intervenir, à la demande d’un
requérant, sur le problème de la forme et de la délivrance des formulaires de présentation des
candidats (CC, 21 janvier 1981, Krivine).
S’agissant des candidatures, c’est le juge constitutionnel qui les reçoit accompagnées
des listes de présentation dont il vérifie le nombre et la validité. C’est également lui qui publie
au JO la liste officielle des candidats, et leur attribue les signes distinctifs. De plus c’est
auprès de lui qu’est déposée la déclaration relative au patrimoine des candidats, étant entendu
que celle du candidat élu est seule publiée au JO après la proclamation définitive des résultats.
En application de l’article 7 du décret du 14 mars 1964, la liste des candidats peu être
contestée devant le CC par « toute personne ayant fait l’objet de présentation » dans les 48
heures suivant la publication au JO (CC, 17 mai 1969, Ducatel c/ Krivine).
Le CC n’intervient pas dans le déroulement de la campagne ; le contrôle de cette
dernière relève de la commission nationale de contrôle établie par le décret précité de 1964. Il
reste que c’est le Conseil qui surveille le déroulement des opérations de vote et il peut, à cette
occasion, désigner des délégués qui sont chargés d’effectuer des contrôles dans les bureaux de
vote le jour même du scrutin. En 1974 notamment, ses délégués n’ayant pas été autorisés à
pénétrer dans certains bureaux, le CC en avait annulé les opérations au moment de la
proclamation.
Par ailleurs, le juge constitutionnel a la charge de la surveillance du recensement
générale des votes, ce qui le conduit à vérifier le nombre de voix obtenues par chaque
candidat. L’article 58, alinéa 2 C lui confie la tâche d’examiner toutes les réclamations
inscrites aux PV de l’élection ainsi que les recours des électeurs ou des candidats, déposés
dans les 48 heures suivant le scrutin et concernant l’ensemble des opérations électorales. Ce
n’est qu’ensuite que le CC proclame PR le candidat ayant obtenu la majorité des voix.
En cas d’irrégularités, il peut soit procéder à des annulations partielles (ce qu’il a
déjà fait) soit prononcer l’annulation de l’ensemble de la consultation (ce qui n’est jamais
arrivé et qui demeure une hypothèse assez improbable). En effet, il semble inconcevable qu’il
puisse remettre en cause l’ensemble des résultats, tant pour des raisons juridiques, puisqu’il
faudrait que les irrégularités constatées soient suffisamment massives pour inverser le rapport
de forces ; que pour des raisons politiques : une annulation qui ne se produirait que plusieurs
jours après les résultats entraînerait des remous incontrôlables, mais également une suspicion
profonde, et peut-être définitive à l’égard du Conseil.
b) Le contrôle des opérations référendaires
Aux termes de l’article 60 C, « le CC veille à la régularité des opérations de
référendum prévues aux articles 11 et 89 et en proclame les résultats ». Le Conseil intervient
d’abord à titre consultatif dans la mesure où l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi
organique sur le CC prévoit que ce dernier est consulté par le gouvernement sur tout ce qui
concerne l’organisation du référendum. C’est ainsi qu’il peut présenter des observations
concernant la liste des organisations habilitées à utiliser les moyens officiels de propagande
(radio et télévision publiques). Il lui appartient de surcroît de veiller au bon déroulement de la
campagne électorale et notamment au respect de l’égalité d’accès à la radio et à la télévision
par les différents groupements politiques habilités.
Le Conseil intervient ensuite à titre juridictionnel car il est chargé de surveiller les
opérations de vote par l’intermédiaire de délégués, d’assumer le contrôle du recensement
général, d’examiner les réclamations et de proclamer le résultat.
Les réclamations doivent avoir fait l’objet d’une inscription au PV des opérations de
vote et ne peuvent être directement adressées au CC. En cas d’irrégularités graves, le Conseil
peut prononcer soit l’annulation partielle de certains résultats, soit l’annulation totale de la
votation.
Le contrôle de la légalité des actes préparatoires au référendum. Un certain
nombre de contentieux ont été occasionnés par le référendum du 24 septembre 2000 relatif à
la durée du mandat présidentiel, et ont contribué à l’unification du régime juridique des actes
préparatoires à l’ensemble des votations nationales. Depuis une série de décisions rendues au
courant du mois d’août 2000, le CC se considère en juge de la légalité d’actes administratifs
qui conditionnent la régularité d’ensemble des opérations électorales. Il est par conséquent
compétent, à titre exceptionnel, pour contrôler la légalité des actes mettant en cause la
régularité d’opérations électorales à venir lorsque l’irrecevabilité opposée à ces requêtes
risquerait de compromettre gravement l’efficacité de son contrôle des opérations électorales
ou référendaires ; vicierait le déroulement général du vote ; ou porterait atteinte au
fonctionnement normal des pouvoirs publics. Il faut néanmoins qu’il s’agisse d’un scrutin
national, que la disposition contestée participe directement à la régularité du scrutin et, enfin,
qu’elle soit propre à scrutin déterminé c’est-à-dire une disposition non permanente.

2) Les élections parlementaires


Suivant la tradition républicaine, c’est aux assemblées souveraines, et à elles seules,
qu’il appartenait de vérifier les pouvoirs de leurs membres, et donc de la validité de leur
élection. La Constitution de 1958 innove sur ce point, dans la mesure où elle pose le principe
de la compétence du CC pour contrôler les élections législatives et les élections sénatoriales.
Il faut rappeler que jusqu’en 1958, les parlementaires étaient les seuls juges de la
régularité de leur élection. Ainsi, au lendemain du scrutin, chaque assemblée examinait la
situation de ses membres et procédait éventuellement à l’invalidation des parlementaires qui
avaient été élus irrégulièrement (procédure de vérification ses pouvoirs). Ce système faisait
l’objet de critiques car il était de nature politique et donc subjective. Depuis 1958, il s’agit
d’un contentieux véritable, notamment parce que le Conseil est saisi, comme n’importe quelle
juridiction, d’une requête, et que son jugement peut se traduire par l’annulation de l’élection
contestée.
C’est l’article 59 C qui fonde la compétence du CC : ce dernier « statue, en cas de
contestation, sur la régularité de l’élection des députés et sénateurs ». Autrement dit, un
recours doit avoir été expressément dirigé contre une élection précise et non pas contre le
scrutin dans son ensemble.
Le Conseil peut être saisi par tout électeur inscrit dans la circonscription ou par toute
personne ayant fait acte de candidature. Le recours, qui n’a pas d’effet suspensif, doit être
introduit dans les dix jours suivant la proclamation des résultats. Une fois ce délai épuisé,
l’élection est présumée régulière. Pour être recevable, le recours ne doit avoir pour seul objet
que la contestation de la proclamation d’un candidat élu.
Une fois examiné, le recours peut être rejeté (cas le plus fréquent), ou entraîner
l’annulation de l’élection et donc l’organisation d’un nouveau scrutin dans les délais prévus
par les textes (ce qui est plus rare : à l’occasion des législatives de mai-juin 1997, seules 5
annulations ont été prononcées alors que le Conseil avait été saisi de 173 requêtes concernant
130 circonscriptions ; législatives de juin 2002 : sur 162 réclamations électorales, seules 5
opérations électorales ont été annulées).
Lorsqu’il constate l’existence d’irrégularités particulièrement graves et dont il a
établi avec certitude qu’elles ont profité au seul candidat élu, ou en cas d’erreur de comptage
des voix par le commission de recensement, rien n’interdit au CC de proclamer élu un autre
candidat, ce qui rend inutile une élection partielle (hypothèse d’école pour l’instant).
Le contrôle des actes préparatoires. Une lecture stricte de l’article 59 C pourrait
conduire à soutenir que le CC n’est pas compétent pour statuer sur la régularité des actes
préparatoires tels que la convocation des électeurs ou l’organisation de la consultation. Ce fut
la position du Conseil lui-même jusqu’en 1981. Mais afin d’éviter un déni de justice, le
Conseil va accepter d’examiner la légalité du décret de convocation des électeurs (CC, 11 juin
1981, Delmas). Ainsi, sous réserve d’une compétence résiduelle du CE, le juge
constitutionnel peut apprécier la légalité des actes préparatoires aux élections parlementaires.
Le contrôle des inéligibilités. Il faut rappeler que l’inéligibilité concerne la situation
ou l’état qui empêche d’être élu, s’opposant ainsi à la candidature. Le CC intervient ici à un
double titre : tout d’abord, il peut être conduit à statuer avant le scrutin. En effet, au moment
du dépôt de candidature, il appartient au préfet d’examiner l’éligibilité du candidat. Lorsqu’il
a un doute sur ce point, il peut saisir, dans les 24 heures, le TA qui est seul compétent pour
prononcer l’inéligibilité et qui statue dans les trois jours. Conformément à l’article LO 160 du
code électoral, cette décision pourra être contestée devant le CC à l’occasion d’une demande
d’annulation de l’élection.
Il peut ensuite intervenir après la proclamation de l’élection. Saisi d’un recours en
annulation du scrutin, il peut la prononcer sur le seul fondement de l’inéligibilité du candidat
élu ou même de son suppléant.
Dans le cadre de la législation sur le financement des campagnes électorales, le CC a
désormais le pouvoir de déclarer inéligibles pour un an à compter de l’élection, les candidats
élus ou non élus qui n’ont pas respecté les prescriptions relatives aux comptes de campagne.
B) Le juge de la Constitution
A côté de son rôle d’arbitre chargé de veiller au respect des équilibres fondamentaux
du système, le Conseil a acquis progressivement celui de gardien de la Constitution au sens
formel. Avant d’évoquer l’objet et les effets du contrôle, il convient d’abord de présenter la
notion de bloc de constitutionnalité.
1) Le bloc de constitutionnalité
Le terme de « bloc de constitutionnalité » a été systématisé et acclimaté depuis un
quart de siècle dans le langage juridique français par le doyen Favoreu. La métaphore désigne
l’ensemble des normes, à valeur constitutionnelle, auxquelles le CC pourra confronter les
textes dont il est saisi.
Dans sa décision fondatrice du 16 juillet 1971, Liberté d’association, le juge
constitutionnel a donné pleine vigueur au préambule de la Constitution de 1958, aux termes
duquel : « le peule français proclame solennellement son attachement aux DH et aux
principes de la SN tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789 confirmée et
complétée par le préambule de la Constitution de 1946 ». Cette décision a contribué à
trancher la controverse qui durait depuis le début de la Vème République : l’on se demandait
si le préambule de la Constitution de 1946 et la DDHC de 1789 reprise par celui-ci, avaient
valeur de droit positif c’est-à-dire contenaient des normes juridiques susceptibles d’être prises
en compte notamment par le juge.
Le texte constitutionnel s’enrichissait ainsi des droits et libertés fondamentaux
contenus dans la Déclaration de 1789 et le préambule de la Constitution de 1946, ce dernier
renvoyant par ailleurs à la catégorie des PFRLR. Désormais, la Constitution se composait de
quatre éléments, d’âge et d’inspiration différents, formant le bloc de constitutionnalité (le CC
parle, lui, de normes de constitutionnalité ou encore de normes de référence du contrôle de
constitutionnalité). Les quatre composantes du bloc de constitutionnalité sont les suivantes :
La Constitution du 4 octobre 1958 qui demeure la pièce maîtresse et centrale de
l’ensemble. Modifié à plusieurs reprises, ce texte constitutionnel porte essentiellement sur
l’organisation, les attributions et le fonctionnement des pouvoirs publics ainsi que les rapports
entre eux. Il concerne aussi le système des sources du droit et, à une moindre mesure les droits
et libertés fondamentaux : article 1er (laïcité, liberté de conscience, principe d’égalité et de non
discrimination à raison de l’origine, de la race ou de la religion) ; article 3 (droits civiques) ;
article 4 (partis politiques) ; article 64 (indépendance de la magistrature) ; article 66 (liberté
individuelle et protection de l’autorité judiciaire). En termes statistiques, les dispositions de la
Constitution sont les plus invoquées devant le CC et leur violation est à l’origine de plus de
60 % des cas d’invalidation.
La DDHC de 1789. C’est un élément central de la continuité constitutionnelle
française. Elle a été utilisée pour la première fois en 1973 par le CC. Ce dernier considère
qu’elle a conservé sa force juridique et ce, dans toutes ses dispositions (17 articles). Certaines
dispositions de cette Déclaration concernent l’organisation de l’Etat : la SN (art. 3), la loi,
expression de la volonté générale, à la formation de laquelle tous les citoyens ont le droit de
concourir (art. 6), séparation des pouvoirs (art. 16), nécessité d’une force publique (art. 12)
pour l’entretien de laquelle une contribution également répartie entre tous les citoyens est
indispensable (art. 13), le consentement à l’impôt (art. 14), la responsabilité des agents publics
(art. 15).
Elle contient également et surtout des dispositions relatives aux droits et libertés : le
principe d’égalité, les libertés d’opinion et de communication (art. 10 et 11), les principes
fondamentaux de droit pénal et de procédure pénale tels que la non-rétroactivité des lois, la
présomption d’innocence, le principe de légalité des délits et des peines, la nécessité des
peines (art. 7, 8 et 9), le droit de propriété (art. 17).
Le préambule de Constitution de 1946. Il réaffirme tout d’abord « les droits et
libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la DDHC de 1789 », puis « les PFRLR ». Il
« proclame en outre comme particulièrement nécessaires à notre temps les principes
politiques, économiques et sociaux », dont l’énumération détaillée constitue l’essentiel du
texte. C’est en fait une déclaration des droits économiques et sociaux : les droits des
travailleurs (droit de grève, liberté syndicale, liberté d’opinion, principe de participation à la
détermination collective des conditions de travail), un certain nombre de droits-créances (droit
à l’emploi, droit à la protection de la santé, droit à l’éducation, solidarité nationale, droit à un
revenu minimum). D’autres alinéas concernent les relations internationales (14 et 15) et le
droit d’asile (al. 4), et enfin l’alinéa 9 autorise les nationalisations.
Les PFRLR. Introduits dans le préambule de 1946 pour pallier l’absence
d’inscription en son sein de la liberté d’enseignement, ces principes ont été redécouverts par
le décision du 16 juillet 1971. Ils vont connaître dans les années 1970 un grand succès dans la
jurisprudence du Conseil, mais à partir de 1980, des conditions strictes seront posées pour que
soit admis un nouveau PFRLR :
* Il doit s’agir d’une loi républicaine, ce qui écarte la législation intervenue sous
d’autres régimes ;
* cette législation républicaine doit être intervenue avant l’entrée en vigueur du
préambule de la Constitution de 1946 (avant le 27 octobre 1946) ;
* il ne doit pas y avoir une exception à la tradition qui s’est instaurée au fil des
diverses lois intervenues car si une seule loi « s’est écartée de cette tradition », celle-ci « ne
saurait être regardée comme ayant engendré un PFRLR au sens de l’alinéa 1er du préambule
de la Constitution de 1946 » ;
* une dernière condition a été ajoutée dans une décision du 20 juillet 1993 : le
caractère suffisamment général et non contingent de la norme contenue dans les lois de la
République.
La liste des PFRLR, déjà consacrés par le CC, est assez restreinte : la liberté
d’association (16 juillet 1971) ; les droits de la défense (2 déc. 1976, Prévention des accidents
de travail) ; la liberté individuelle (12 janvier 1977, Fouille des véhicules) ; la liberté
d’enseignement (23 novembre 1977, Liberté d’enseignement et de conscience) ;
l’indépendance de la juridiction administrative (22 juillet 1980, Validation d’actes
administratifs) ; l’indépendance des professeurs d’université (20 janvier 1984, Libertés
universitaires) ; la compétence exclusive de la juridiction administrative en matière
d’annulation d’actes de puissance publique (23 janvier 1987, Conseil de la concurrence) ;
l’autorité judiciaire gardienne de la propriété privée immobilière (25 juillet 1989, TGV Nord) ;
2 principes en matière de justice des mineurs (29 août 2002, Loi d’orientation et de
programmation pour la justice) : la responsabilité des mineurs doit être atténuée en raison de
leur âge ; le « relèvement » du mineur délinquant doit être recherché par des mesures
éducatives adaptées à son âge et à sa personnalité et prononcées par une juridiction ou selon
une procédure juridictionnelle spécialisée (3 textes : loi du 12 avril 1906 sur la majorité
pénale, celle du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et l’ordonnance de 1945 relative
à l’enfance délinquante).
Les normes exclues. Si l’exclusion des règlements des assemblées et des lois
organiques du bloc de constitutionnalité ne fait plus de doute, les normes internationales et
communautaires sont dans une situation ambiguë. En principe, elles ne font pas partie du bloc
de constitutionnalité : le CC a refusé dans sa décision du 15 janvier 1975, IVG de contrôler la
conformité des lois aux traités internationaux quels qu’ils soient. Il reste que dans une
décision du 20 mai 1998, le Conseil a accepté de vérifier la conformité d’une loi organique au
droit communautaire pertinent en la matière. Il s’agit plutôt d’une intégration médiate dans le
bloc de constitutionnalité, dès lors que ces dispositions communautaires ne servent de normes
de référence qu’en raison de la mention de leur nécessaire respect dans une disposition
constitutionnelle (art. 88-3).
2) L’objet du contrôle
Quelles sont les différentes règles qu’il appartient au CC de vérifier la conformité à
la Constitution ? L’objet du contrôle, s’il est étendu, n’est pas pour autant illimité : outre les
actes qui relèvent d’autres juges, certaines normes qui lui échappent en raison de leurs
origines, qui les placent au-dessus de tout contrôle.
a) Les normes contrôlées
Rappeler le contrôle obligatoire de certaines normes par le CC : lois organiques et
règlements des assemblées (art. 61, al. 1er). Pour les autres normes en revanche, la saisine du
Conseil et donc le contrôle qu’il est susceptible d’effectuer ne sont qu’éventuels.
Les lois ordinaires. Selon l’article 61, alinéa 2, ces lois « peuvent être déférées au
CC avant leur promulgation ». Il s’agit d’un contrôle a priori : la loi est en effet contrôlée
avant sa promulgation, et donc préalablement à sa mise en œuvre. Une fois promulguée par le
PR, elle ne sera plus susceptible d’être déférée au CC : la loi produira donc des effets de droit,
même si elle est contraire à la Constitution.
Cependant, le Conseil, en interprétant largement sa compétence, a fini par contrôler
indirectement les lois promulguées. En effet, dans sa décision du 25 janvier 1985, il a admis la
possibilité de contester une loi promulguée à l’occasion de l’examen d’une loi nouvelle qui lui
a été déférée lorsque celle-ci modifie, complète, ou affecte le domaine d’une loi ancienne. Par
la suite, le CC va procéder à plusieurs reprises au contrôle au fond de textes à valeur
législative déjà promulgués à l’occasion de l’examen de lois non promulguées les modifiant.
Les engagements internationaux. Depuis la LC du 25 juin 1992, le CC est saisi des
engagements internationaux dans les mêmes conditions qu’il l’est des lois ordinaires. Les
conventions internationales peuvent donc être contrôlées avant qu’elles aient été ratifiées ou
approuvées, et aussi longtemps que la loi autorisant la ratification ou l’approbation n’a pas été
promulguée.
Seules les conséquences diffèrent : alors que la loi inconstitutionnelle est non
promulgable et inapplicable, l’engagement international déclaré contraire à la Constitution ne
disparaît pas de l’ordre juridique (accord entre plusieurs Etats). Selon l’article 54,
« l’autorisation de ratifier ou d’approuver l’engagement international en cause ne peut
intervenir qu’après révision de la Constitution ». Si l’on considère que l’entrée en vigueur du
traité est importante, il appartiendra au pouvoir constituant de réviser la Constitution.
c) Les normes échappant au contrôle
La compétence du CC ne s’étend ni aux LC, issues de la volonté du constituant
(absence de hiérarchie entre les normes constitutionnelles), ni aux lois référendaires adoptées
directement par le peuple. Concernant ces dernières, il s’est déclaré incompétent au motif que
celles-ci, « adoptées par le peuple à la suite d’un référendum, constituent l’expression directe
de la SN » (décision du 6 novembre 1962, confirmée le 23 septembre 1992).
Dans une décision récente du 26 mars 2003, LC relative à l’organisation
décentralisée de la République, le CC s’est déclaré incompétent pour contrôler une révision
de la Constitution. Les principaux motifs avancés au soutien de sa décision sont les suivants :
« Considérant que la compétence du CC est strictement délimitée par la
Constitution ; qu’elle n’est susceptible d’être précisée et complétée par voie de loi organique
que dans le respect des principes posés par le texte constitutionnel ; que le CC ne saurait être
appelé à se prononcer dans d’autres cas que ceux qui sont expressément prévus par ces
textes ;
Considérant que l’article 61 C donne au CC mission d’apprécier la conformité à la
Constitution des lois organiques et, lorsqu’elles lui sont déférées dans les conditions fixées
par cet article, des lois ordinaires ; que le CC ne tient ni de l’article 61, ni de l’article 89, ni
d’aucune autre disposition de la Constitution le pouvoir de statuer sur une révision
constitutionnelle ».
3) Les effets du contrôle
Il y a d’une part des effets répressifs (sanction prononcée en cas d’atteinte à une
norme protégée), et d’autre part des effets préventifs, organisés par le Conseil lui-même, ou
résultant de comportements spontanés des pouvoirs publics.
a) L’effet répressif
Pour les lois organiques, les lois ordinaires et les règlements des assemblées, la
conséquence de la décision de non-conformité est énoncée par l’article 62, alinéa 1er : « une
disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut être promulguée ni mise en application ». Elle
se trouve définitivement « bloquée », et ne saurait produire d’effets juridiques.
La Constitution ne parle pas d’un « texte », mais d’une « disposition » : ce qui
signifie que le Conseil, s’il est saisi de la loi (ou du règlement parlementaire) dans son entier,
pourra ne censurer qu’une partie de celle-ci (décision du 3 avril 2003, art. 4 loi sur le scrutin
régional). Et de fait, les décisions déclarant la non-conformité totale d’une loi sont peu
fréquentes, moins de 5 % de l’ensemble.
L’ordonnance du 7 novembre 1958 a permis au CC, lorsqu’il n’a censuré que
certaines dispositions d’un texte, de déclarer si elles sont, ou non, inséparables de ce dernier.
Si tel est le cas, le texte ne saurait être promulgué. A l’inverse, si la disposition censurée est
jugée séparable du reste de la loi, celle-ci pourra être promulguée par le PR, à moins toutefois
qu’il ne décide de demander au parlement une nouvelle délibération.
Pour ce qui est des engagements internationaux, il s’agit d’un effet bloquant
temporaire : l’engagement ne pourra être ratifié ou approuvé qu’après révision de la
Constitution, et ainsi, il produira des effets une fois opérée la mise en conformité de la
Constitution (l’effet bloquant peut être définitif : exemple de la Charte européenne sur les
langues régionales ou minoritaires).
L’autorité de la décision. Selon l’article 62, alinéa 2 C : « les décisions du CC ne
sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les
autorités administratives et juridictionnelles ». L’absence de recours contre les décisions du
Conseil apparente celui-ci à une juridiction souveraine, et seule une intervention du pouvoir
constituant sera susceptible de surmonter cette décision (le CC n’a pas le dernier mot). Il
s’agit d’une autorité de chose jugée (20 juillet 1988) : elles s’imposent à tous. Mais cette
autorité ne concerne que l’affaire, ou le texte particulier, sur lequel s’est prononcé le Conseil.
Cette autorité s’impose aux pouvoirs publics : au parlement, dans la mesure où il est
l’auteur de la loi, mais également à l’exécutif, et en particulier au Président, qui, quoi qu’il
pense de la décision du Conseil, ne pourra promulguer une loi non conforme.
Cette autorité « s’attache non seulement au dispositif des décisions mais aussi aux
motifs qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même ». Les autorités
juridictionnelles sont-elles soumises à l’autorité de la chose jugée par le CC. Il faut dire que,
le CC n’est pas une Cour suprême, et c’est donc volontairement que le CE et la Cour de
cassation sont tenus d’observer la primauté de ses décisions et de donner plein effet aux
« réserves d’interprétation qu’elles peuvent inclure ».
En réalité, les juridictions administratives et judiciaires ne sont pas tenues d’exécuter
les décisions du CC, dans tel ou tel cas, que si elles ont à appliquer le texte même qui a donné
lieu à vérification de conformité et à interprétation par le CC. En revanche, s’il s’agit de textes
différents, bien que très voisins, il n’y a aucune obligation d’appliquer la décision du CC.
Néanmoins on constate que très généralement les juges administratifs et judiciaires suivent
l’interprétation du CC même lorsqu’ils n’y sont pas tenus.
La jurisprudence du CC est donc de mieux en mieux prise en compte par les autorités
juridictionnelles et les divergences d’appréciation qui ont pu exister entre CE, Cour de
cassation et CC ont pratiquement disparu.
b) L’effet préventif
Il y a tout d’abord un mode organisé par le CC lui-même : la prévention organisée.
A l’occasion d’une décision reconnaissant la conformité d’une disposition à la Constitution, le
Conseil peut soumettre sa mise en œuvre à certaines conditions. C’est la technique de la
« conformité sous réserve » (réserves d’interprétation) : le texte n’est jugé conforme à la
Constitution que sous réserve d’être appliqué suivant les directives expressément énoncées
par le Conseil. La technique préventive tient donc en ce que l’interprétation du juge
constitutionnel exclut par avance les applications non conformes, et elle prévient ainsi les
atteintes à la Constitution.
Même si cette technique a connu un développement considérable dans les années
1990, il est possible de dater son apparition avec les décisions des 17, 18 et 24 juin 1959 dans
lesquelles on peut lire que : le règlement de l’AN est déclaré « conforme à la Constitution,
sous réserve des observations qui suivent… ».
Trois variantes, trois types de réserves d’interprétation peuvent être relevées :
* les réserves « neutralisantes » consistent à déclarer qu’une disposition ne peut être
appliquée d’une certaine manière, sous peine de porter atteinte à la Constitution.
* A l’inverse, l’interprétation « directive » détermine comment la disposition
contestée doit être appliquée pour être conforme : ce faisant, elle s’adresse au gouvernement
et à l’administration qui la mettront en œuvre.
* Enfin, les interprétations « constructives » manifestent avec le plus d’éclat les
pouvoirs que s’est attribué le Conseil, puisque celui-ci ne se borne pas à déterminer la façon
dont il faut lire les dispositions en question, mais il ajoute de son propre chef certains
éléments à la loi, afin de la rendre conforme à la Constitution. D’un certain point de vue, il
tend pratiquement à participer à l’œuvre du législateur.
Cet effet préventif paraît avoir alors une portée encore supérieure à l’effet répressif
du contrôle du CC, car en évitant de censurer, il définit lui-même la façon dont il faudra, à
l’avenir, comprendre et appliquer telle ou telle disposition législative.
Il existe ensuite un mode spontané, résultant du comportement des acteurs du jeu
institutionnel, qui de plus en plus souvent préfèrent anticiper les décisions du juge
constitutionnel : la prévention spontanée. Cet effet préventif « spontané » concerne pour
l’essentiel le gouvernement, puisque c’est lui qui établit les projets de loi (art. 39), dispose de
l’administration (art. 20) et assure l’exécution des lois (art. 21) : c’est donc à lui qu’il
appartient, d’abord, d’anticiper une éventuelle censure du CC. Comme le déclarait en 1989 R.
Badinter, alors président du CC : « les ministres n’aiment guère voir leurs textes censurés.
C’est désagréable et quelquefois vexant de s’entendre dire qu’on a méconnu la Constitution.
Aussi, au moment de l’élaboration des projets de lois, les experts, les conseillers qui
entourent les ministres, prennent le plus grand soin à veiller à ce qu’on ne méconnaisse pas
les dispositions constitutionnelles ».

C’est ainsi que dans une circulaire du 25 mai 1988, le PM demandait aux membres
du gouvernement « de tout faire pour déceler et éliminer les risques d’inconstitutionnalité
susceptibles d’entacher les projets de lois, les amendements et les propositions de loi inscrits
à l’ordre du jour ». La réalisation de ces objectifs passe à la fois par le secrétariat général du
gouvernement, chargé d’« un véritable rôle de veille constitutionnelle », et par le CE, dont les
formations administratives ont pour mission d’examiner la validité juridique des projets de loi
avant leur transmission au parlement.

A l’égard du législateur, cet effet préventif spontané s’avère pourtant beaucoup


moins efficace, dans la mesure où le parlement, ne disposant pas des mêmes moyens de
contrôle que le gouvernement, ne saura pas toujours ce qu’il peut faire, et ce qui risque d’être
censuré. C’est pourquoi ce sont les amendements parlementaires, qui ont pu, lors des débats,
être ajoutés aux projets de loi ou aux propositions acceptés par le gouvernement, qui appellent
le plus souvent la censure.
En tout état de cause, on ne peut que constater la situation désormais centrale du CC
et son rôle majeur dans l’élaboration et la défense de l’ordre constitutionnel.

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