Cours de Droit Constitutionnel II 2024
Cours de Droit Constitutionnel II 2024
Le pouvoir royal fut encore limité par l’« Acte d’établissement » (Act of Settlement)
de 1701, qui consacra notamment le consentement du parlement avant toute déclaration de
guerre, l’indépendance des juges à l’égard de l’exécutif à travers la garantie d’inamovibilité,
et l’obligation de contreseing des décisions royales par un membre du Conseil privé. Cette
dernière disposition postulait ainsi l’existence d’un principe de responsabilité tendant à
garantir que l’action des gouvernants reste dans les limites de la loi.
Ces deux derniers textes limitent de façon considérable le pouvoir royal : il n’est plus
le détenteur exclusif de la direction des affaires du royaume. De plus, elles consacrent la place
du Parlement au sein du régime britannique ; régime qui ne se transformera en régime
parlementaire qu’au milieu du XVIIIème siècle, lorsque s’établira la coutume selon laquelle le
gouvernement doit avoir la confiance de la majorité parlementaire. Cela étant, dès la fin du
XVIIème siècle, l’émergence d’une séparation des pouvoirs exécutif et législatif octroie ainsi
à l’Angleterre son premier véritable régime constitutionnel. Cette longue émergence
historique de la séparation des pouvoirs va être théoriquement consacrée par deux auteurs,
l’un anglais et l’autre français.
Dès lors, il est possible de dégager trois situations d’aménagement des pouvoirs :
selon que la séparation définit un régime parlementaire, un régime présidentiel, ou bien
s’efface devant un phénomène de hiérarchisation des pouvoirs.
Citer pour rappel l’article 16 DDHC : « Toute société dans laquelle la garantie des
droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de
Constitution ».
On ne peut pas dire que, depuis son accession à la pleine souveraineté le 1er janvier
1960, que le Cameroun ait connu un mouvement d’accélération des changements ou des
modifications de la Constitution. Les principales modifications ont d’ailleurs été étroitement
liées aux mutations de la forme de l’Etat. C’est ainsi que, suite au texte du 4 mars 1960, la
Constitution du 1er septembre 1961 a consacré le caractère fédéral de l’Etat (Cameroun
oriental et Cameroun occidental). La Constitution du 2 juin 1972 apparaît, quant à elle,
comme une conséquence logique de la réunification intervenue quelques semaines plus tôt.
S’agissant la Constitution en vigueur, son processus d’engendrement n’est pas sans
lien avec les soubresauts politiques qu’a connus le Cameroun au début des années 1990. Par
ailleurs, il n’est pas exagéré de dire que le texte de 1996 reprend à son compte un certain
nombre d’évolutions qui figuraient déjà dans la révision constitutionnelle du 23 avril 1991.
Pour revenir plus précisément au lien de la Constitution actuelle avec le contexte du début des
années 1990, il faut relever qu’une Conférence tripartite (partis politiques, pouvoirs publics,
représentants d’un embryon de société civile) a tout d’abord mise en place, et ses travaux se
sont déroulés du 30 octobre au 17 novembre 1991. Le contexte de l’époque transparaît dans le
préambule de la Déclaration issue des délibérations de la Tripartite : les protagonistes « ont
fait le tour des problèmes devant conduire à l’adaptation de la Constitution de la République
du Cameroun au processus de libéralisation et de démocratisation en cours dans notre pays ».
Sera par la suite créée au sein de la Tripartite une Commission chargée des
problèmes constitutionnels, d’où seront issus le Comité technique tripartite chargé de préparer
les propositions relatives à la réforme de la Constitution et le Comité de rédaction sur les
questions constitutionnelles. Cette dernière instance, composée de onze (11) membres et dont
les travaux se déroulèrent du 27 novembre 1991 au 17 mai 1993, rendit public des
propositions sous la forme d’un texte de cent soixante-sept (167) articles dit « avant-projet
Owona » (du nom de son président, le professeur Joseph Owona).
Le chef de l’Etat a ensuite institué deux instances techniques et consultatives, en
l’occurrence le Comité technique chargé du projet de révision (arrêté du 17 mai 1993) et le
Comité consultatif pour la révision de la Constitution (décret n° 94/234 du 14 décembre
1994). Installé le 15 décembre 1994 et devant travailler jusqu’au « 22 décembre 1994 au plus
tard », le Comité consultatif avait pour tâche de « donner un avis sur les propositions de la
révision de la Constitution à lui soumises par le Président de la République ».
Il est cependant difficile de mettre au clair les lignes de correspondances entre ces
différentes phases préparatoires à la révision et le projet de loi constitutionnelle finalement
déposé devant le bureau de l’Assemblée nationale le 24 novembre 1995. A posteriori, il
apparaît qu’en dépit d’un processus formellement ouvert c’est en réalité de logique
présidentielle qui l’a emporté dans la fixation des lignes de force du projet de réforme de la
Constitution. En tout état de cause, le projet fut jugé recevable par la Conférences des
présidents le 27 novembre 1995, examiné en Commission du 5 au 17 décembre et discuté en
séance plénière du 21 au 23 décembre. L’adoption définitive du texte interviendra à cette
dernière date par cent soixante (160) voix pour, deux (2) contre et huit (8) abstentions. C’est
ainsi que fut promulgué par le Président de la République, le 18 janvier 1996, la Loi
constitutionnelle portant révision de la Constitution du 2 juin 1972. La loi ainsi promulguée
fait donc office de Constitution de la République du Cameroun.
La pratique de la révision de la Constitution au Cameroun montre que les seules
initiatives de révision ayant été menées à leur terme sont présidentielles. La procédure
privilégiée d’adoption étant le Parlement, ou plutôt l’Assemblée nationale ainsi qu’on a pu
l’observer à l’occasion de l’adoption de la loi n° 2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et
complétant certaines dispositions de la loi du 18 janvier 1996 portant révision de la
Constitution du 2 juin 1972. En effet le Sénat n’ayant pas encore été mis en place, seuls les
députés réunis en session ordinaire ont été amenés à adopter cette première révision de la
Constitution de 1996, en lieu et place du Congrès du Parlement. Il faut relever sur ce point
qu’à titre transitoire et eu égard à l’objectif – devenu pesant – de mise en œuvre progressive
des nouvelles institutions de la République, l’article 67 (3) précise que : « l’Assemblée
nationale exerce la plénitude du pouvoir législatif et jouit de l’ensemble des prérogatives
reconnues au Parlement jusqu’à la mise en place du Sénat ».
Cette prédominance peut être observée d'une part à travers le statut du chef de l'Etat,
et d'autre part à travers ses attributions.
1) Le mandat
2) Le statut protecteur
Le chef de l’Etat bénéficie en outre d’un statut particulièrement protecteur dans la
mesure où son irresponsabilité politique comme son immunité ont été renforcées par la loi
constitutionnelle d’avril 2008 la responsabilité du chef de l’Etat peut difficilement être engagée
dans le cadre de
l’ordre constitutionnel camerounais. En effet, si en 1996 l’article 53 était silencieux sur les cas
dans lesquels le Président de la République pouvait être jugé par la Haute Cour de justice pour
les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions, il est désormais clair, depuis la loi
constitutionnelle du 14 avril 2008, que le Président est politiquement irresponsable sauf en cas
de « haute trahison ». Dans cette dernière hypothèse – qui pourrait s’analyser en un
manquement manifestement grave aux devoirs de sa charge ou à une forfaiture – la mise en
accusation du Président répond à des conditions de majorité quasiment impossibles à
actionner. L’article 53 (2) nouveau précise à cet égard qu’une mise en accusation n’est
possible que si elle recueille la majorité des quatre cinquièmes des membres composant
l’Assemblée nationale et le Sénat, et ce au terme d’un vote identique au scrutin public. Il
s’agit là d’une majorité plus exigeante que celle qui est requise pour réviser la Constitution.
De plus, un alinéa 3 a été introduit à l’article 53 par la révision constitutionnelle
d’avril 2008 : il prévoit une immunité juridictionnelle pour ceux des actes présidentiels les
plus importants, notamment la proclamation de l’état d’urgence et de l’état d’exception, la
nomination aux emplois civils et militaires ou encore la désignation du Premier ministre et
des autres membres du Gouvernement. L’exercice de ces prérogatives présidentielles ne peut
de surcroît engager la responsabilité du chef de l’Etat « à l’issue de son mandat ». Autant dire
que la responsabilité du Président de la République est de fait neutralisée pendant l’exercice
de ses fonctions et juridiquement exclue une fois que lesdites fonctions ont cessé. La seule
responsabilité alors envisageable est politique, et consiste pour les électeurs à ne pas
renouveler le mandat d’un Président sortant.
Du point de vue de ses attributions ensuite, il est indéniable que le chef de l’Etat est
la « clé de voûte des institutions » camerounaises. L’amplitude de ses prérogatives se mesure
à la lecture de l’article 5 qui dispose notamment qu’« il définit la politique de la nation ; il
veille au respect de la Constitution ; il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier
des pouvoirs publics ; il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire,
de la permanence et de la continuité de l’Etat, du respect des traités et accords
internationaux ».
Il résulte de cette disposition que le Président dispose en premier lieu de pouvoirs lui
permettant d’assurer le respect de la Constitution. A cet effet, il désigne trois membres du
Conseil constitutionnel dont le Président, et l’ensemble des membres du Conseil sont nommés
par lui (article 51 (2)). Il peut saisir le juge constitutionnel de la constitutionnalité des lois
ainsi que des engagements internationaux (article 47 (3)). Il faut rappeler qu’il dispose de
l’initiative en matière de révision de la Constitution et peut soumettre au référendum « des
projets de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics ou sur la révision de la
Constitution ».
Exerçant en deuxième lieu une fonction arbitrale, il assure le fonctionnement régulier
des pouvoirs publics. A ce titre et aux termes de l’article 8, alinéas 8, 9 et 10, il exerce le
pouvoir réglementaire (notamment en adoptant des décrets s’appliquant sur l’ensemble du
territoire national), il crée et organise les services publics de l’Etat, il nomme à divers emplois
civils et militaires, il nomme le Premier ministre et les autres membres du Gouvernement, fixe
leurs attributions, met fin à leurs fonctions et préside les Conseils ministériels qui sont des
réunions périodiques de l’ensemble des membres du gouvernement habilités à y participer
autour du chef de l’Etat (article 10 (1)).
Dans ses relations avec le pouvoir législatif, le Président peut demander la réunion
des chambres du Parlement en Congrès afin de leur adresser une communication ou un
message (article 14 (4)) ; de telles communications du chef de l’Etat ne donnent lieu à aucun
débat (article 32). Il partage l’initiative des lois avec les parlementaires (article 25) ; il
promulgue les lois votées par le Parlement dans un délai de quinze (15) jours, après avoir le
cas échéant sollicité une seconde lecture du texte ou saisi le Conseil constitutionnel (article 31
(1)). Près d’un tiers des sénateurs seront nommés par le chef de l’Etat, en l’occurrence trente
(30) sénateurs sur les cent (100) futurs membres de la seconde chambre du Parlement (article
20, alinéa 2). De façon plus radicale, le Président peut dissoudre l’Assemblée nationale c’est-
à-dire mettre un terme au mandat des députés ; sous la seule réserve que cela soit justifié par
un état de nécessité et après avoir consulté le Gouvernement et le bureau des deux chambres
(article 8 (12)). Il est le garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire et nomme les
magistrats ; l’avis du Conseil supérieur de la magistrature est nécessaire pour ce qui concerne
la nomination des magistrats du siège (ceux exerçant la fonction de juge) et les sanctions
disciplinaires les concernant (article 37, alinéa 3).
Enfin, le chef de l’Etat est notamment le garant de la continuité de l’Etat, de
l’indépendance nationale et du respect des engagements internationaux du Cameroun. Sur ce
dernier aspect, il revient au Président de négocier et ratifier les traités et accords
internationaux (article 43), comme d’accréditer les ambassadeurs et envoyés extraordinaires
auprès des puissances étrangères ou auprès de lui (article 8 (4)). Il est le chef des armées et
veille par ailleurs à la sécurité intérieure et extérieure du pays (article 8, alinéas 2 et 3).
Il dispose de pouvoirs exceptionnels ou de crise prévus par l’article 9 de la
Constitution. Il peut tout d’abord proclamer par décret, si les circonstances l’exigent, de l’état
d’urgence (régi par la loi n° 90/047 du 19 décembre 1990). L’adoption d’un tel décret a pour
conséquence de conférer aux autorités administratives compétentes des pouvoirs spéciaux
largement dérogatoires aux exigences de la légalité en période normale. L’état d’urgence peut
notamment être déclenché en cas de calamités publiques, de troubles graves à l’ordre public
ou portant atteinte à la sûreté de l’Etat. Sa durée est en principe de trois (3) mois renouvelable
une fois ; au-delà de ce délai, l’Assemblée nationale est obligatoirement consultée. De plus, le
Président peut – toujours par décret – proclamer l’état d’exception et prendre toutes les
mesures nécessaires dans les hypothèses suivantes : péril grave menaçant l’intégrité du
territoire, la vie, l’indépendance ou les institutions de la République. Il en informe la nation
par voie de message. Le chef de l’Etat peut ainsi exercer une sorte de « dictature temporaire »,
ayant des effets attentatoires aux droits et libertés des citoyens. Ceci mérite d’autant plus
d’être souligné que l’exercice de tels pouvoirs exceptionnels n’est encadré ni par
l’intervention d’un juge tel que le Conseil constitutionnel afin de vérifier si les conditions de
déclenchement de ce régime d’exception sont toujours réunies, ni par la réunion de plein droit
de l’Assemblée nationale. En outre, les décrets en cause comme les actes adoptés par le
Président dans le cadre de la mise en œuvre de ces pouvoirs pourraient, en cas de recours
juridictionnel intenté contre eux, être considérés par le juge comme constitutifs d’« actes de
gouvernement », c’est-à-dire d’actes insusceptibles de tout recours contentieux et
d’engagement de la responsabilité de l’Etat.
Autre pouvoir important du chef de l’Etat : il peut demander à l’Assemblée nationale
de proroger ou d’abréger son mandat par le truchement de l’adoption d’une loi. L’article 15
pose d’abord des conditions de fond (crise grave ou lorsque les circonstances l’exigent) et
ensuite de forme (consultation du Conseil constitutionnel et des bureaux des deux chambres
du Parlement). Depuis la loi constitutionnelle d’avril 2008, il est précisé que de nouvelles
élections législatives doivent être organisées quarante (40) jours au moins et cent (120) jours -
et non plus soixante (60) jours – au plus après l’expiration du délai de prorogation ou
d’abrègement de mandat.
Il faut souligner que le Président de la République, comme les membres du
Gouvernement, les députés et les sénateurs, est tenu aux termes de l’article 66 de la
Constitution de « faire une déclaration de [ses] biens et avoirs au début et à la fin de [son]
mandat ou [son] fonction ». Une telle prescription salutaire pour la transparence et la
moralisation de la vie et du personnel politiques camerounais n’est malheureusement pas
encore effective.
Paragraghe 2) Un Gouvernement subordonné au Président de la République
L’initiative. Elle est partagée entre le chef de l’Etat (projet de révision) et les
parlementaires (proposition de révision).
L’initiative du PR n’est pas autonome : elle est subordonnée à une proposition du
PM et elle est finalisée par un décret soumis au contreseing ministériel. Il faut préciser que le
PR n’est pas forcément lié par la proposition du chef du gouvernement : J. Chirac a ainsi
opposé, en juin 1999, une fin de non-recevoir à L. Jospin concernant la Charte sur les langues
régionales ou minoritaires.
S’agissant du pouvoir d’initiative des parlementaires, il est conditionné en pratique
par la maîtrise par le gouvernement de l’ordre du jour des assemblées (art. 48 C). De ce point
de vue, aucune proposition de révision n’a encore abouti en pratique, et ce malgré le vote
positif de l’une des assemblées. Exemple de la période récente : vote du Sénat (régime
financier des collectivités locales en 2000 ; transposition des directives communautaires en
2001) ; adoption par l’AN (droit de vote et d’éligibilité des ressortissants non communautaires
aux élections locales en 2001 ; statut pénal du chef de l’Etat la même année). Le projet ou la
proposition ne peut être discuté devant les assemblées qu’au terme de délais précisés à
l’article 42C(6 semaines pour la 1ère assemblée saisie et 4 après la transmission du texte à la
seconde ; entrée en vigueur de cet article le 1er mars 2009).
Le vote en termes identiques par les deux assemblées. La proposition ou le projet
doit être adopté en termes identiques par l’AN et le Sénat. Cette obligation de vote identique
exclut tout recours à la procédure de la CMP. De plus, elle confère aux deux chambres du
Parlement une sorte de droit de veto, interdisant ainsi toute révision qui n’aurait pas leur aval.
Le Sénat en particulier a pu faire usage de ce droit de veto notamment en 1984 et en 1990. Le
vote est acquis dans chaque assemblée à la majorité simple des présents.
La ratification ou l’approbation définitive. Les 2ème et 3ème alinéas de l’art. 89 C
prévoient le principe du recours au référendum pour approuver définitivement le texte adopté
par les deux assemblées en termes identiques. Lorsqu’il s’agit d’une proposition de révision,
le recours au référendum est obligatoire, à l’exclusion de toute autre procédure.
Cependant, s’il s’agit d’un projet la révision peut ne pas être soumise à référendum si
le PR décide de la soumettre au Congrès du Parlement réuni à Versailles (l’ensemble des
députés et des sénateurs siégeant dans un même hémicycle). Le projet n’est alors adopté qu’à
la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le choix du chef de l’Etat entre les
deux procédures relève de sa compétence discrétionnaire.
En pratique la presque totalité des révisions constitutionnelles adoptées dans le cadre
de l’art. 89 ont été ratifiées par le Congrès du Parlement. Le principe est donc devenu
l’exception en pratique. En effet, ce n’est que le 24 septembre 2000 que le référendum sera
utilisé, pour la première fois, en vue de l’achèvement de la révision relative au quinquennat
(pour ce qui est des révisions récentes (décentralisation et mandat d’arrêt européen), c’est la
voie du Congrès qui a été utilisée).
2) La procédure controversée de l’art. 11 C
Il s’agit d’une procédure de contournement, non prévue par les textes (seule
dérogation à l’art. 89, révision des dispositions relatives à la défunte Communauté francoafricaine
et malgache ; ex-art. 85 : vote de la loi en termes identiques par le Parlement
français et le Sénat de la Communauté).
Le problème du recours à l’art. 11 pour réviser la Constitution s’est posé pour la
première fois en 1962, à l’occasion du projet de réforme relatif à l’élection du PR au SUD. Le
général de Gaulle, voulant éviter l’opposition du Sénat et d’une partie importante de l’AN, a
songé à contourner un tel obstacle parlementaire en ayant recours au référendum législatif. La
même méthode sera utilisée en 1969 s’agissant de la réforme du Sénat et la régionalisation ;
mais le texte sera rejeté par le peuple français.
Au-delà d’une intense querelle politique, le recours à l’art. 11 a surtout engendré une
importante controverse juridique. La doctrine dominante, s’appuyant notamment sur
l’existence d’un titre spécial consacré à la révision (titre XVI), a estimé que cette procédure
de contournement n’était non seulement pas prévue par la Constitution mais lui était contraire.
La doctrine minoritaire a pour sa part justifié ou tenter de justifier le recours à l’art.
11. Dans cette perspective, la thèse la plus poussée est celle de P. Lampué (RDP 1962) : il
considère que la procédure de l’art. 11 est en concurrence avec celle de l’art. 89, tout comme
avec celle relative à l’élaboration parlementaire des lois ordinaires (art. 45) ou organiques (art.
46) – argument se fondant sur la notion d’organisation des pouvoirs publics de l’art. 11 C..
Après le succès du référendum de 1962, une autre thèse a été soutenue : celle de la
coutume constitutionnelle (G. Vedel). Deux objections peuvent être apportées à cette thèse : il
n’est pas sûr qu’en matière constitutionnelle la coutume puisse contrarier le texte écrit ; de
plus, tous les éléments constitutifs de la coutume ne semblent pas réunis dans la mesure où, en
1969, le peuple français, en rejetant le texte qui lui était proposé peut avoir remis en cause la
procédure de l’art. 11.
B) La pratique de la révision constitutionnelle sous la Vème République
Si l’on met de côté la seule révision qui a été adoptée sur la base de l’ex-art. 85 C
(LC du 4 juin 1960 concernant la modification des dispositions relatives à l’éphémère
Communauté franco-africaine) et celle votée dans le cadre de l’art. 11 C (LC du 6 nov. 1962
modifiant les art. 6 et 7 C en vue d’instaurer l’élection du PR au SUD), on peut dénombrer
pour l’instant vingt-deux révisions de la Constitution de 1958. Cette utilisation fructueuse de
l’art. 89 C pose la question d’une éventuelle banalisation de la révision constitutionnelle,
voire de « la désacralisation progressive de la Constitution de 1958 » (P. Pactet) ; ceci
d’autant plus, pas moins de dix révisions ont été adoptées depuis 2000 (dont 2 en 2003, 2 en
2005, 3 en 2007 et 2 en 2008).
Section 2 : L’exécutif sous la Vème République
L’exécutif de la Vème République est bicéphale. Il est en effet composé d’une part
d’un PR, chef de l’Etat et d’autre part, d’un gouvernement avec à sa tête le Premier ministre
(le chef du gouvernement était qualifié de Président du Conseil dans les deux Républiques
précédentes).
1) Le mandat présidentiel
Le Président dispose d’un mandat électif d’une durée initiale de sept ans, réduite à
cinq ans en 2000. L’article 6, al. 1er C prévoit désormais que : « le PR est élu pour cinq ans au
SUD ». Depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008, l’alinéa 2 de cette disposition
précise que : « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ». C’est du caractère
électif de son mandat que le chef de l’Etat tire notamment son autorité. A ce niveau
également le mode d’élection du président a été bouleversé en 1962, entraînant ainsi une
transformation profonde du régime.
Rappel. En 1958, le corps électoral ne sera plus exclusivement parlementaire ; il est
élargi à d’autres élus politiques de façon à garantir une relative indépendance au chef de
l’Etat. Il s’agit d’une élection au SUI par un collège d’environ 80 000 membres. Ce dernier
élira le général de Gaulle, le 21 décembre 1958, à 78,5 % de suffrages exprimés.
Mais très rapidement, le général de Gaulle va mettre en valeur ses préférences pour
l’élection directe par le peuple. Aussi va-t-il par exemple déclarer au président du CC en 1961
que « la Constitution a comme principal avantage d’avoir rendu à l’Etat un chef : pour que
celui-ci subsiste [après son départ] il est nécessaire que son successeur soit élu au SUD »,
afin de bénéficier d’une « autorité qui le porterait au-dessus de lui-même ». L’occasion d’une
telle réforme lui en fut offerte par l’attentat dont il fut l’objet au Petit-Clamart le 22 août
1962. L’émotion populaire aidant, de Gaulle annonce l’organisation d’un référendum sur
l’élection du PR au SUD le 20 septembre 1958 ; référendum adopté le 28 octobre suivant
(révision des articles 6 et 7 C). Cette réforme va contribuer à institutionnaliser la primauté
politique du chef de l’Etat ; primauté qui ne reposait jusqu’alors que sur la légitimité
historique du général.
a) La durée du mandat
A l’origine, le PR était élu pour sept ans renouvelables (septennat instauré pour des
raisons conjoncturelles en 1873, sous la IIIème République ; expliquer). En 1958, une telle
durée du mandat avait été conservée afin notamment de garantir l’indépendance du président
vis-à-vis des députés (qui ont un mandat plus court). De Gaulle avait ainsi déclaré dans les
années 1960 que : « Dans notre République, c’est parce que le chef de l’Etat répond de
l’intérêt supérieur et permanent de la nation qu’il est élu par le peuple pour sept ans ». Cela
étant, son successeur immédiat, G. Pompidou, tentera d’instaurer le quinquennat en 1973,
mais n’étant pas assuré que le projet de loi constitutionnelle sera ratifié par le Congrès à la
majorité des trois cinquièmes, la réforme fut ajournée.
C’est finalement en 2000 que la réforme du quinquennat sera engagée et conduite à
son terme. En effet alors que M. Chirac avait plusieurs reprises marqué son opposition au
quinquennat (ce serait une « erreur »), il sera finalement contraint à proposer un projet de loi
constitutionnelle à l’approbation du peuple, le débat en ce sens ayant été relancé par VGE et
repris par L. Jospin (mai 2000). Après l’adoption du projet dans les mêmes termes par l’AN et
le Sénat au mois de juin 2000, le projet de révision est, pour la première fois, approuvé par un
référendum constituant, le 24 septembre 2000 (73 % des suffrages exprimés, record
d’abstention, un peu moins de 70 % des inscrits).
La doctrine comme la classe politique restent divisée s’agissant des conséquences de
cette adoption du quinquennat présidentiel. Certains soutiennent que cette réforme est
contraire à l’esprit des institutions ; ces dernières qui considèrent comme étant déterminant
pour le rôle de l’institution présidentielle l’existence d’un mandat stable dans le temps. Pour
d’autres, la réduction du mandat présidentiel à partir du moment elle assure une
harmonisation de la durée des mandats présidentiel et parlementaire (AN), permet d’éloigner
(sans toutefois les supprimer) les risques de cohabitation et contribue à la modernisation de la
vie politique.
b) La fin du mandat.
Le mandat présidentiel peut être interrompu avant de parvenir à son terme pour des
causes très variées. De ce point de vue, deux hypothèses sont distinguées par l’article 7 C : la
vacance de la présidence, c’est-à-dire un évènement qui laisse vacante la fonction
présidentielle (démission, de Gaulle en 1969 ; décès, G. Pompidou en avril 1974 ; destitution
pour haute trahison) ; l’empêchement en ce sens que le président est empêché d’exercer ses
fonctions soit provisoirement soit définitivement (maladie grave, disparition, etc.). Se pose
alors la question du remplacement ou de la suppléance du chef de l’Etat.
La Constitution de 1958 a prévu l’intérim présidentiel dans son article 7. Ainsi
l’empêchement provisoire ou définitif doit être constaté par le CC saisi par le gouvernement
et statuant à la majorité de ses membres. Cette procédure n’est pas prévue en cas de vacance,
même si le CC s’est saisi lui-même pour déclarer la vacance de la présidence en 1969 et en
1974. Dans ces deux hypothèses, il faut procéder à des élections présidentielles anticipées
dans les 20 jours au moins et 35 au plus après l’ouverture de la vacance ou la déclaration du
caractère définitif de l’empêchement.
Pendant cet intervalle l’intérim présidentiel est assuré par le Président du Sénat et, en
cas d’empêchement de ce dernier, par le gouvernement. Cela étant, ce président intérimaire ne
peut ni organiser un référendum sur le fondement de l’article 11 ni dissoudre l’assemblée
nationale (art. 12). De plus, aucune procédure de mise en cause de la responsabilité politique
du gouvernement ne peut être utilisée (art. 49 et 50) ; il en est de même de la procédure de
révision de l’article 89 C. Pendant les deux périodes de vacance du pouvoir présidentiel (1969
et 1974), l’intérim présidentiel a été exercé par le même homme, à savoir Alain Poher.
2) La responsabilité du Président
On devrait plutôt parler de la quasi-irresponsabilité du chef de l’Etat car sa
responsabilité, soit dépend de lui (politiquement parlant), soit est pour l’instant restée lettre
morte (pénalement parlant). Aux termes de la Constitution, le PR est irresponsable
politiquement et sa responsabilité ne peut être engagée que sur le plan pénal.
a) L’irresponsabilité politique
Ce principe est de façon lointaine issu de l’inviolabilité du monarque, et à l’époque
contemporaine de l’irresponsabilité du chef de l’Etat dans un régime parlementaire (le
gouvernement et son chef étant responsables devant le parlement). Sous la Vème République,
l’irresponsabilité politique du PR signifie qu’il n’existe, dans la Constitution, aucune
procédure susceptible de contraindre le titulaire de la fonction présidentielle à démissionner
pour des mobiles politiques.
Certains ont cependant soutenu l’existence d’une certaine responsabilité politique du
président. Cette dernière était proclamée par le général de Gaulle lui-même : avant chaque
consultation électorale ou votation référendaire majeure, il tenait à engager sa fonction,
expliquant qu’il la quitterait en cas d’échec (hypothèse où le peuple français refuserait de lui
conserver sa confiance). Le constitutionnaliste René Capitant avait ainsi pu déclarer que : la
Vème République « est un nouveau système d’institutions, parmi lesquelles la plus importante
est un PR responsable devant le SU…Cette responsabilité est la clé de voûte de tout le
système ». Pour cet auteur, cela signifie que le président doit avoir la confiance de la majorité
du peuple ; il peut tout lorsqu’il en dispose, mais au contraire sans elle « il ne peut rien et doit
se retirer ». Une telle perte de confiance peut notamment provenir d’un échec aux élections
présidentielles, d’un référendum négatif ou encore de la perte des élections législatives par sa
majorité parlementaire. Cette doctrine Capitant est assimilable à un principe constitutionnel
non écrit qui provient de « la règle fondamentale sur laquelle repose l’édifice constitutionnel
de la Vème République, à savoir que le Président est responsable devant le peuple ».
Il faut tout de même reconnaître qu’aucun des successeurs du général de Gaulle ne
s’est senti lié par une telle règle constitutionnelle non écrite : Valery Giscard d’ESTAING
(VGE) affirmait en 1978 qu’il se maintiendrait au pouvoir même en cas de victoire de la
gauche aux élections législatives ; François Mitterrand et Jacques Chirac ont assumé les
différentes cohabitations survenues dans le cours de leurs mandats présidentiels respectifs. De
ce point de vue, il n’est pas exagéré de soutenir qu’il n’existe aucune règle obligeant le PR à
démissionner en cas de perte de la confiance du peuple souverain. Seule une éventuelle non
réélection peut être considérée incontestablement comme une sanction politique (VGE en
1981). En tout état de cause, on ne peut parler de responsabilité politique du président sous la
Vème République, à partir du moment où l’effectivité d’un tel système de responsabilité
dépend, pour l’essentiel, de son bon vouloir.
b) La délicate question de la responsabilité pénale du PR.
Le principe et les modalités de mise en œuvre de cette responsabilité sont énoncés à
l’article 68 C : « le PR n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions
qu’en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en accusation que par les deux assemblées
statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité absolue des membres les
composant ; il est jugé par la Haute Cour de Justice ».
Pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions, le président n’est
responsable qu’en cas de haute trahison (notion non définie par la Constitution) ; en dehors de
cette hypothèse, il bénéficie de l’irresponsabilité qui se poursuit même après la fin de son
mandat. S’il se rend coupable de « haute trahison », il peut être mis en accusation par les deux
assemblées statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité absolue des
membres les composant. Chaque assemblée ne statue que si une résolution a été proposée par
un dixième de ses membres (58 députés ou 32 sénateurs). L’instruction de l’affaire est ensuite
conduite par une Commission composée de cinq magistrats de la Cour de cassation, qui peut
transmettre le dossier à la Haute Cour de Justice, seule compétente pour juger le président.
Elle est composée exclusivement de parlementaires (24 juges titulaires et 12 juges
suppléants ; président élu parmi les membres de la Haute Cour). Aucun chef de l’Etat n’a
encore été jugé sous la Vème République en application de cette procédure.
La question la plus délicate concerne les actes accomplis hors de l’exercice des
fonctions soit pendant la durée du mandat soit avant le début de celui-ci. La doctrine s’est
récemment divisée à ce propos : pour certains, l’irresponsabilité présidentielle ne concernerait
que les actes rattachables à l’exercice des fonctions ; pour tous les autres actes, le président est
un citoyen ordinaire, justiciable à ce titre des juridictions de droit commun (lecture combinée
des deux phrases de l’article 68 : la première énoncerait une règle de fond, l’irresponsabilité
du président pour les actes rattachables, sauf cas de haute trahison ; la seconde établirait une
règle de procédure, en cas de haute trahison, jugement du président par la HCJ).
* Une autre interprétation s’est révélée, à la faveur de la mise en cause du chef de
l’Etat en exercice, notamment dans l’affaire des « emplois fictifs de la ville de Paris ». Elle
revient à proposer une lecture « dissociée » de l’article 68. La seconde phrase de celui-ci
n’instituerait pas une règle de procédure, applicable au seul cas de haute trahison évoqué dans
la première phrase. Il s’agirait d’une règle générale, applicable à l’ensemble des actes
détachables des fonctions présidentielles (immunité pour les actes rattachables ; privilège de
juridiction pour les autres pendant la durée du mandat).
C’est à une conception assez proche que se déterminera le CC dans sa décision du 22
janvier 1999, CPI : « pendant la durée de ses fonctions la responsabilité pénale du PR ne peut
être mise en cause que devant la HCJ ». L’assemblée plénière de la Cour de cassation,
statuant sur cette question du statut pénal du chef de l’Etat, est venu nuancer la position du
CC, et ce dans son arrêt Breisacher du 10 octobre 2001. Comme le juge constitutionnel, elle
estime que le PR en exercice ne peut pas comparaître devant les juridictions pénales
ordinaires, se fondant ainsi sur plusieurs motifs : le principe de continuité de l’Etat, la
nécessité de ne pas entraver le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le respect de la
singularité et de la dignité de la fonction présidentielle (art. 5 C ; président, élu de l’ensemble
de la nation). Mais, à la différence du CC, la Cour de cassation écarte la compétence de la
HCJ pour les actes antérieurs ou détachables de l’exercice des fonctions. Enfin, l’assemblée
plénière considère qu’en contrepartie de l’inviolabilité, la prescription de l’action publique est
suspendue pendant la durée du mandat présidentiel : le président pourrait donc être poursuivi
une fois ses fonctions achevées.
Devant le caractère imprécis de l’article 68 C et eu égard aux interprétations
relativement divergentes qui en résultent (notamment entre le CC et la C. Cass.), le Président
Chirac va nommer par décret du 4 juillet 2002, une Commission de 12 membres présidée
par le professeur Pierre Avril, et chargée de mener une réflexion sur le statut pénal du
PR. Le rapport de cette Commission sera remis au chef de l’Etat le 12 décembre 2002 ; la
Commission y propose de remodeler le titre XI, avec une nouvelle rédaction des articles 67 et
68 C. En substance, cette Commission considère que le mandat présidentiel est spécifique
(mandat conféré directement par le peuple, mission spécifiée à l’art. 5 C), le chef de l’Etat
n’est donc pas un justiciable ordinaire. Le texte proposé réaffirme dès lors l’irresponsabilité
du Président pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions et son inviolabilité à
l’égard de toute action qui pourrait être menée contre lui, tant sur le plan pénal, civil ou
financier.
Mais le président ne doit pas bénéficier d’une impunité : les délais de prescription ou
de forclusion sont suspendus durant le mandat. Un mois après le terme du mandat, le
président redevient un justiciable ordinaire que plus rien ne protège ; il peut alors être
poursuivi pour des actes commis avant le début de son mandat ou durant celui-ci.
Ces principes ont été repris lors de la révision constitutionnelle de février 2007, qui
introduit dans la Constitution un nouveau titre IX relatif à la Haute Cour. En effet, l’article 67
prévoit désormais que le PR n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité (sauf
hypothèses art. 53-2 ou 68). Durant son mandat, il ne peut être requis de témoigner non plus
que de faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite devant
aucune juridiction ou autorité administrative française. En contrepartie de cette immunité
fonctionnelle, tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu. Ce qui implique, que
les instances et procédures puissent être reprises ou engagées contre lui un mois après la fin
de son mandat.
Une autre question concernait le cas dans lequel un comportement, pénalement
sanctionné ou non, accompli ou révélé durant son mandat, rend manifestement impossible la
poursuite de l’exercice du mandat présidentiel par son titulaire. Le nouvel article 68C, à la
suite de la Commission, a ainsi prévu de protéger la mission présidentielle contre son titulaire,
en mettant en place la notion de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible
avec l’exercice de son mandat ». Le président peut dans cette hypothèse être destitué non pas
à l’issue d’une appréciation pénale mais d’une décision politique. A cet égard, une initiative
de réunion de la Haute Cour (l’expression Justice a disparu) est prise par l’une des assemblées
et transmise à l’autre qui doit l’inscrire à l’ordre du jour, et l’accepte ou la refuse dans les 15
jours (décision prise à la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée en question). La
décision de destitution ou de non destitution est prise, dans un délai d’un mois, à la majorité
des deux tiers des membres de la Haute Cour (seuls sont recensés les votes favorables à la
proposition de réunion de la Haute Cour ou à la destitution ; toute délégation de vote est
interdite). La Haute Cour est présidée par le président de l’AN. Afin que soit assurée la
continuité de l’Etat, la convocation de la Haute Cour vaut empêchement provisoire du PR
(application de l’art. 7, al. 4 C) et la procédure est enfermée dans des délais brefs. Si le
Président n’est pas destitué il retrouve la plénitude de son mandat ; s’il est destitué il redevient
un citoyen et un justiciable ordinaire, susceptible le cas échéant de sanctions pénales dans les
conditions du droit commun.
B) Les pouvoirs du Président
La fonction présidentielle est définie dans l’article 5 C : le chef de l’Etat est
considéré comme le gardien de la Constitution, le garant de l’indépendance nationale, de
l’intégrité du territoire et du respect des traités ; en tant qu’arbitre il assure le fonctionnement
régulier des pouvoirs publics. Cette disposition constitutionnelle a été essentiellement conçue
autour de la notion d’arbitrage.
La distinction majeure qu’il convient ici de présenter concerne d’une part les
pouvoirs propres (dispensés de contreseing) et d’autre les pouvoirs partagés ou « normaux »
(M. Debré), qui ont besoin, pour être exercés, du contreseing du PM et, le cas échéant, des
ministres responsables (art. 19 C). Il faut dire d’emblée que ce sont les pouvoirs partagés qui
sont susceptibles de fluctuer au gré de la configuration politique du moment : en période
« présidentialiste » c’est le chef de l’Etat qui détient la réalité du pouvoir de décision, le chef
du gouvernement se contentant d’un simple pouvoir de confirmation (capitaine) ; à l’inverse,
en période de cohabitation, le PM retrouve la direction effective des affaires publiques
(arbitre). Pour autant, le PR n’est jamais réduit à un rôle formel ou protocolaire.
& 2. Le gouvernement
La Constitution de 1958 consacre son titre III au gouvernement, qui est une structure
collégiale dirigée par le PM (cf. art. 21 C) et composée de ministres ; structure à laquelle
n’appartient pas le PR. Comme ce dernier, l’autorité gouvernementale a également été
restaurée sous la Vème République. Le gouvernement est par ailleurs détaché du Parlement en
ce sens qu’il procède désormais de façon plus ou moins directe du chef de l’Etat. La
restauration de la fonction gouvernementale sera examinée à travers le statut des membres et
leurs attributions.
A) Le statut des membres du gouvernement
Il faut principalement évoquer dans ce cadre la structure gouvernementale, le régime
des incompatibilités et les contours de la responsabilité ministérielle.
A. Les obligations
Il s’agit d’abord du régime des incompatibilités. Cette dernière expression
correspondant à l’interdiction de cumuler certains emplois ou certaines fonctions avec un
mandat parlementaire. A la différence de l’inéligibilité qui interdit d’être candidat ou d’être
élu, elle oblige seulement à choisir entre son mandat et un mandat ou une fonction qu’il
détenait déjà. Il s’agit de garantir l’indépendance de l’élu au cours de son mandat, non
seulement à l’égard des autorités publiques mais aussi des intérêts privés.
b) La discussion de la loi
Aussitôt après avoir été déposés sur le bureau d’une chambre, les projets et les
propositions de lois sont envoyés pour examen, soit à des commissions spécialement
désignées à cet effet (art. 43, al. 1er), soit, à défaut, c’est-à-dire presque toujours, à l’une des
six commissions permanentes de l’assemblée concernée. La commission a pour rôle de
préparer le travail en séance publique : elle étudie le texte, s’interroge sur son opportunité et
suggère les modifications et les amendements qu’elle juge utile. Cependant, les projets de loi
ne pourront être modifiés par les commissions, contrairement aux propositions de loi, pour
lesquelles celles-ci ont toute latitude pour élaborer une nouvelle rédaction. La discussion des
projets de lois portera, devant la première assemblée saisie, « sur le texte présenté par le
gouvernement » (art. 42, al. 1er), les amendements proposés par la commission devant
apparaître d’une manière distincte.
La séance publique. Une fois le texte examiné par la commission, il pourra être
inscrit à l’ordre du jour, soit par le gouvernement, soit, exceptionnellement, par l’assemblée
elle-même. Par le pouvoir exorbitant dont il dispose en vertu de l’article 48 C (maîtrise de
l’ordre du jour des assemblées, car fixation de leur ordre du jour prioritaire), le gouvernement
pourra différer aussi longtemps qu’il le souhaite l’examen des propositions qui n’ont pas son
agrément, et privilégier à souhait ses propres projets. Il est vrai que la révision du 4 août 1995
prévoit désormais qu’une « séance par mois est réservée par priorité à l’ordre du jour fixé
par chaque assemblée ». Mais cette niche parlementaire demeure modeste, et les projets de
lois, beaucoup moins nombreux que les propositions, continuent d’avoir de plus grandes
chances d’être discutés puis adoptés. Les propositions de loi jouent un rôle secondaire dans la
production législative : si les parlementaires en déposent beaucoup, elles ne sont pas souvent
adoptées. En effet, la très grande majorité des lois adoptées sont à l’origine des projets de lois.
Sur la centaine de lois votées chaque année, entre 80 et 90 % résultent de l’initiative de
l’exécutif. Cependant cette proportion a tendance à décroître : ainsi, entre 1997 et 2002, il y
en a eu 81 sur 221.
La discussion du texte de loi en séance publique se résume en deux phases
successives : la discussion générale, où le projet (ou la proposition) est examiné de façon
globale, puis la discussion des articles.
La discussion générale. Lorsqu’il s’agit d’un projet, la discussion générale s’ouvre
par l’audition éventuelle du gouvernement, à laquelle succèdent la présentation du rapport de
la commission saisie, puis les discours des orateurs des groupes politiques. Mais cette
discussion générale pourra être interrompue par le vote d’une motion de procédure : exception
d’irrecevabilité qui tend à faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou
plusieurs dispositions constitutionnelles ; question préalable, visant à contester l’opportunité
d’une délibération (on décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer) ; motion de renvoi en
commission, afin que soit présenté un nouveau rapport sur le texte en discussion.
La discussion des articles. Au cours de cette seconde phase, le texte va faire l’objet
d’un examen beaucoup plus serré, article par article. La discussion s’engage, devant la
première chambre saisie, sur le texte du gouvernement lorsqu’il s’agit d’un projet de loi, ou
sur le texte établi par la commission dans le cas contraire. C’est à ce stade que le texte pourra
faire l’objet d’amendements, c’est-à-dire être modifié à l’initiative du gouvernement ou des
membres du parlement (art. 44, al. 1er : « les membres du parlement et le gouvernement ont le
droit d’amendement »). Cependant, le texte examiné ne sera susceptible d’être amendé que
sous certaines conditions, et dans certaines limites.
En particulier, l’amendement proposé devra avoir un lien suffisamment étroit avec le
texte qu’il prétend modifier, et ne pas excéder une certaine ampleur. C’est ainsi que le CC a
censuré, dans une décision du 23 janvier 1987, un usage abusif de ce droit, en se fondant sur
« les limites inhérentes à l’exercice du droit d’amendement ». En fait, selon le juge
constitutionnel, ce droit ne saurait être un moyen de contourner les prescriptions
constitutionnelles relatives à la procédure législative (notamment, accélérer cette procédure en
rattachant artificiellement à un projet ou à une proposition de loi ayant suivi la voie normale
des dispositions entièrement nouvelles sous couvert d’amendement). En l’espèce, il s’agissait
d’intégrer à un « projet de loi relatif à diverses mesures d’ordre économique et social », en
fin de discussion, les 20 articles de l’ordonnance relative à l’aménagement du temps de travail
que le chef de l’Etat avait refusé de signer trois jours plus tôt.
Le gouvernement dispose néanmoins de moyens de limiter un éventuel usage abusif
du droit d’amendement (exemple récent concernant le projet de loi sur les élections régionales
et les élections de représentants au parlement européen, des dizaine de milliers
d’amendements). Tout d’abord, après l’ouverture du débat, il « peut s’opposer à l’examen de
tout amendement qui n’a pas été antérieurement soumis à la commission » (art. 44, al. 2). Il
peut ensuite exiger que « l’assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du
texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés » par lui. Cette
procédure du vote bloqué peut s’avérer très utile, notamment lorsque le gouvernement ne
dispose pas au parlement d’un soutien inconditionnel, ou lorsque l’opposition parlementaire
se montre spécialement agressive.
Ce n’est qu’à la suite de cette discussion article par article (amendement après
amendement, sauf hypothèse de vote bloqué), que le texte sera soumis à un vote d’ensemble,
et enfin, le cas échéant, adopté à la majorité des suffrages exprimés.
b) L’adoption de la loi
L’article 45, al. 1er pose le principe suivant : « tout projet ou proposition de loi est
examiné successivement dans les deux assemblées du parlement en vue de l’adoption d’un
texte identique ». Dans cette dernière phase, le gouvernement peut intervenir avant et après
l’adoption du texte.
2) La procédure devant le CC
C’est ce que le professeur Pascal Jan qualifie de « procès constitutionnel ». Lorsqu’il
est saisi d’une loi, le Conseil a l’obligation de statuer dans un délai d’un mois, qui peut, s’il y
a urgence, être ramené à huit jours sur demande du gouvernement (art. 61, al. 3). Ce délai est
bref : mais en réalité, le Conseil, qui suit l’actualité politique et les débats parlementaires,
anticipe les saisines et peut donc s’y préparer.
L’instruction de l’affaire est confiée par le président à un rapporteur, qui procède à
l’audition des représentants du secrétaire général du gouvernement, chargée d’assurer la
défense de la loi, et à celle des requérants (saisine ; observations du gouvernement, réplique
des saisissants, duplique du gouvernement).
Il faut noter que la loi n’est pas défendue par le parlement, qui l’a pourtant votée,
mais par le gouvernement, qui est généralement à son origine par le biais du pouvoir
d’initiative. C’est l’un des paradoxes de la Vème République où ce sont des membres du
pouvoir législatif qui contestent la loi, alors que l’exécutif est chargé de la défendre.
Sur la base de ce rapport, le Conseil, réuni en séance plénière, prend à la majorité des
membres présents une décision, qui sera publiée au JO.
Les décisions. Le Conseil est susceptible de rendre plusieurs types de décisions. Les
plus importantes, celles qui portent déclaration de conformité des lois, des engagements
internationaux et des règlements des assemblées (art. 54 et 61) sont désignées par les initiales
DC. Les décisions rendues sur examen de textes de forme législative (art. 37, al. 2) sont
désignées par la lettre L ; les décisions rendues sur examen de fin non-recevoir (art. 41) par
les initiales FNR ; celles qui sont relatives aux incompatibilités parlementaires, par la lettre I,
celles qui statuent sur la déchéance parlementaire, par la lettre D. les décisions portant sur la
constitutionnalité des « lois du pays » (art. 77) sont identifiées par les lettres LP. Enfin, toutes
les décisions du Conseil relatives au contentieux des élections ou aux votations référendaires
ne sont désignées que par leur date (et par le nom du requérant), sans autres précisions.
Toutes ces décisions sont, dans leur ensemble, insusceptibles de recours, et
s’imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives et juridictionnelles.
C’est ainsi que dans une circulaire du 25 mai 1988, le PM demandait aux membres
du gouvernement « de tout faire pour déceler et éliminer les risques d’inconstitutionnalité
susceptibles d’entacher les projets de lois, les amendements et les propositions de loi inscrits
à l’ordre du jour ». La réalisation de ces objectifs passe à la fois par le secrétariat général du
gouvernement, chargé d’« un véritable rôle de veille constitutionnelle », et par le CE, dont les
formations administratives ont pour mission d’examiner la validité juridique des projets de loi
avant leur transmission au parlement.