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MANUEL D’ENSEIGNEMENT SUR LA SEXUALITE

Introduction

Motivation : La question de la sexualité dans le contexte africain est délicate et


complexe selon que sa perception varie d’une société à une autre. C’est pourquoi, elle a été
débattue par Woord en Daad et des organisations partenaires à l’occasion des rencontres
tenues successivement à Ouagadougou en 2007 et 2009. Au cours de la première
rencontre, une diversité de points de vue sur les questions relatives aux attitudes et
comportements des chrétiens et éducateurs scolaires en matière de sexualité a été relevée.
Pour approfondir le débat, une étude exploratoire menée auprès de l’Eglise évangélique au
Bénin, Burkina, Tchad et Cameroun dans le but de préparer une rencontre ayant pour sujet
principal la réflexion sur le sexe dans l’Eglise. Cette étude a permis d’identifier les
déterminants sociaux des comportements sexuels dans la société et dans les milieux
évangéliques et de souligner les différentes influences et les réponses actuelles de l’Eglise
au problème de gestion de la sexualité. Il en résulte que la gestion de la sexualité en Afrique
est fortement influencée par la culture, la structure de la communauté et par la société elle-
même. La demande d’écrire un document sur les fondements bibliques et théologiques sur
la sexualité résulte de la dernière rencontre.
L’objectif fixé par cette dernière rencontre est d’avoir une position claire sur la
sexualité dans la société et dans les églises. Mais quel est le problème que pose la sexualité
dans les Eglises en Afrique ?

Problématique : Hormis l’influence de l’enseignement coranique au sujet de la


sexualité sur l’éthique sexuelle en Afrique (voir annexe 1), il y a plus ou moins trois
problèmes qui nécessitent la rédaction de cet article.
Le premier problème est la pesanteur culturelle et structurelle sur la conception de la
sexualité. La sexualité est une des réalités qui conditionnent le développement existentiel de
l’Africain. Cependant, la mentalité et l’attitude africaines observées font des organes
génitaux de l’être humain des parties entourées d’un certain mythe, donc marquées de
dégoûts et d’interdits. Les prédicateurs et enseignants n’osent pas en parler dans les églises
parce que ce sujet répugne aux auditeurs et semble affecter la pudeur.
Le deuxième problème est la confrontation entre l’enseignement biblique et la
conception traditionnelle de la sexualité. Depuis la pénétration de l’Évangile dans le
continent, le langage au sujet de la sexualité tenu par le prédicateur rencontre un choc
culturel ou provoque une tension dans les esprits des interlocuteurs marqués par les
demandes de leur tradition. La preuve est que les sujets brûlants et majeurs traités lors des
dialogues pastoraux découlent des problèmes de la sexualité dans les relations humaines.
Le troisième problème est la promotion de l’éducation sexuelle dans le cadre de
l’école au moyen des médias, la démission et la fuite en avant des parents face aux
responsabilités morales, l’intrusion de l’Etat se substituant aux parents dans le domaine
moral, les revendications des libertés au nom de la démocratie. L’on assiste de plus en plus
à l’accommodation du contenu des programmes scolaires aux exigences de la vie séculière
dans les Etats modernes. Et le constat révèle que la société moderne et industrialisée n’est
plus qu’un monde de l’efficience et de fonctionnalité où la valeur de l’individu se mesure à
son utilité. Elle est placée sous le signe de l’avoir et non de l’être, d’où les déplacements des
valeurs de la sexualité sans références ni aux notices du créateur, ni à ses instructions par
rapport à sa mise en œuvre.
Toutes ces choses mettent en péril les générations montantes. C’est à ce titre que le
besoin de voir un document réfléchi et élaboré sur ce sujet s’impose aux Eglises en Afrique.
Toutefois, il convient de préciser le sens du concept clé de notre.

Essai de définition du terme : Du Latin sexus, le mot sexe, désigne l’ensemble des
caractères qui permettent de distinguer chez la plupart des êtres vivants le genre mâle et le
2

genre femelle. Il désigne aussi tout ou une partie des organes génitaux1. Le concept
« sexualité », par contre, désigne l’ensemble des phénomènes liés au sexe observable chez
les être humains ; il désigne l’ensemble de diverses modalités de la satisfaction instinctuelle
liée à la reproduction de l’espèce2. Cette définition souligne deux expressions au contenu
important, à savoir « ensemble de phénomènes liés au sexe » ou « ensemble de diverses
modalités de la satisfaction instinctuelle ». Chacune des deux expressions indique un paquet
de réalités qui consistent soit en attitude, soit en comportement, soit en acte chez les êtres
humains.
A la lumière de ces éléments, Muldworf propose une définition de la sexualité comme
fonction de reproduction, comme source de la vie affective, ou comme communication
érotique 3. Mais plus que cela, Luc-Marie Perrier propose une autre définition en ces termes :
« La sexualité est donc un concept large désignant une personne humaine dans sa
spécificité masculine ou féminine au cœur des relations sociales, au cœur de sa vie sociale,
économique, politique »4.
Théologie de la sexualité, quant à elle, est le discours de Dieu au sujet de la
sexualité. Elle est la façon logique et raisonnée de dire les données de la révélation au sujet
de la sexualité du point de vue de Dieu.

Plan : En considération de ce qui précède, et pour des raisons de logique, nous


proposons l’approche du sujet en trois points. Dans un premier temps, nous écoutons la voix
de Dieu au sujet de la sexualité avec son importance dans la Bible ; en d’autres termes,
nous commençons par le fondement théologique de la sexualité dans le plan de Dieu. Dans
un second temps, nous considérons la perception et la gestion de la sexualité dans les
sociétés africaines et comment elles constituent des défis pour les églises en Afrique. Enfin,
dans un troisième temps, nous proposons aux églises et leaders africains un canevas pour
l’éducation chrétienne sur la sexualité comme réponse biblique aux orientations sexuelles.

I. SEXUALITE DANS LE PL AN DE DIEU

Dans ce chapitre, nous voulons interroger l’Ecriture afin de comprendre la volonté de


Dieu au sujet de la sexualité : fondement scripturaire et importance de la sexualité dans le
plan de Dieu. Car seule l’Ecriture peut nous corriger, avertir, instruire et conseiller la bonne
manière de concevoir la sexualité et d’en jouir. Elle seule peut proposer tant à l’Église qu’aux
leaders une attitude et action appropriées dans ce contexte.

A. Sexualité dans la Bible

1. Création de l’homme et de la femme


a) Homme, être sexué depuis les origines
« Dieu créa l'homme à son image, il le créa à l'image de Dieu, il créa l'homme et la
femme »5. Cette parole est si claire qu’il ne faut pas y voir une invention d’homme ou un
mythe. Luther commente que sans consulter personne, souverainement « Dieu n’ordonne à
personne d’être homme ou femme, mais il agit en sorte que l’on est nécessairement l’un ou
l’autre »6. L’homme n ’est ni un ange ni Dieu mais une créature spéciale en son genre, sexué
avec le mandat de procréer comme les autres espèces vivantes. La dualité de sa nature

1
Dictionnaire Le Petit Larousse 2008 Multimedia. CD-ROOM PC.
2
Ibid.
3
Muldworf, cité par L’Association des Moralistes zaïrois, Morale et société zaïroise; actes de la première
rencontre des moralistes zaïrois du 1er au 4 Novembre 1978, (Etudes des moralistes zaïroises, Kinshasa :
Association des Moralistes Zairois, 1988), p. 57-58. A cela, il ajoute ceci : « La sexualité est à ce qu’il nous
semble, un dynamisme portant l’homme vers la femme et celle-ci vers l’homme en vue de se compléter
mutuellement, car l’homme et la femme sont chacun incomplets en eux-mêmes ».
4
Luc-Marie Perrier, Cours de Théologie morale sexuelle, dispensé à l’Institut Catholique de Bouar, 2008, p. 2.
5
Gn 1. 26-27.
6
Luther, Œuvres, tome III (Genève : Labor et Fides, 1963), p. 226.
3

montre qu’il est créé pour être ouvert à l’autre, partant aux autres. Cette ouverture à d’autres
se montre premièrement dans le mariage, ensuite dans d’autres relations. De par son statut
d’être créé à l’image de Dieu, celui qui est amour et qui aime d’un amour premier, la vocation
à l’amour est inscrite dans le cœur de l’homme. C’est pour cela que Luc-Marie Perrier dit :
« Il n’y a pas de raison rationnelle de l’amour. Nous sommes dans l’ordre du mystère, de
l’inexplicable, de l’ailleurs »7.
Le sexe de l’être humain est une création de Dieu qui la revêt de toute sa beauté et
sa bonté pour sa propre gloire. « Et cela lui a tellement plu qu’il en a dit lui-même que c’était
une très bonne créature »8, témoigne Luther. Que l’homme ne le diabolise pas dans la
mesure où le processus de sexualisation est si important que Dieu en rend l’homme
conscient et son mécanisme de fonctionnement ne dépend pas de la science. Créés des
êtres sexués par Dieu, l’homme et la femme ont la vocation d’achever leur humanité à deux,
la bénédiction et la permission de procréer ou de reproduire d’autres espèces humaines9.

b) Différentiation sexuelle
Il est écrit : « L’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils
deviendront une seule chaire »10. Il y a la différentiation de genres, mais il y a aussi
l’obligation de vivre cette différentiation dans l’acceptation l’un de l’autre, dans l’unité et la
profondeur affective, dans l’intégration l’un de l’autre dans le projet individuelle de vie. Car,
Dieu ne s’est pas trompé en différentiant les sexes ; une différentiation dans l’unité
harmonieuse. Dieu leur accorde toute leur importance. L’homme ne pourra jamais être
autrement que ce qu’il est ; il en va de même de la femme.
Bien plus, Augustin affirme : « Ils sont deux en une seule chair »11. Ce qui importe ici
est la bisexualité de la structure fondamentale de l’être humain. « Il n’existe pas d’être qui ne
soit homme ou femme. La division des sexes est non seulement un donné biologique, mais
ontologique », témoigne Robert Grimm12. « Il les créa homme et femme » est une parole
délibérative qui indique la pluralité d’êtres dans l’unité observée à l’origine. Luther écrit : «
Cette parole nous donne la certitude que Dieu a partagé les hommes en deux catégories et
a voulu qu’il y ait homme et femme, ou Il et Elle »13. Karl Barth renchérit : « L’être humain est
homme et femme […] La différentiation sexuelle est justement la seule dans laquelle
l’homme soit créé »14. L’homme a de commun avec les animaux cette différentiation
sexuelle, cependant ce qui le distingue de ces derniers est qu’il est l’image et le reflet de
Dieu. Crée à limage de Dieu, l’être humain a le devoir de bien gérer la sexualité.

c) Modèles de sexualité positive dans l’Ecriture


Gn 2.22-25 : Dieu confirme le mandat de se marier et de se multiplier qu’il avait
donné à l’homme en Gn 1.28. Le mariage d’Adam et Eve est une initiative divine, une
institution de Dieu qui faisait fonction d’officier d’état civil. Dieu assumait les fonctions
parentales en faveur des deux premiers êtres humains. Témoin de leur mariage, Dieu bénit
le couple et le déploie dans le processus de la procréation afin de peupler la terre.
Gn 24.1-67: Abraham prend l’initiative marier son fils Isaac. Il implique son serviteur
dans le processus et rend Dieu responsable du choix de la femme pour son fils. Il prend
toutes les dispositions nécessaires pour honorer les normes culturelles. Il exige que la fille
soit trouvée parmi le peuple de Dieu. L’Eternel écoute sa prière en suscitant Rébecca pour
7
Luc-Marie Perrier, Cours de Théologie morale sexuelle, dispensé à l’Institut Catholique de Bouar, 2008, p. 6.
8
Ibid., p. 225.
9
Barth, Dogmatique, troisième volume : La doctrine de la création, tome I (Genève : Labor et Fides, 1960), p.
312. Pour Barth, créé un être sexué, mais à l’image de Dieu, l’homme doit exercer ses facultés en reconnaissant
son genre et sa différence par rapport à d’autres créatures et en choisissant par une décision personnelle
d’accepter un autre genre dans sa compagnie.
10
Gn 2. 24.
11
Institut d’Etudes Augustiniennes, Dieu et son œuvre ; la trinité, Livres VIII-XV, trad. P. Agaesse et A.
Solignac (Série Œuvres de Saint Augustin, Paris : Institut d’Etudes Augustiniennes, 1997), p. 227, 229.
12
Robert Grimm, Amour et sexualité (Coll. Cahiers Théologiques, Neuchâtel : Delachaux et Niestlé, 1962), p.
16.
13
Martin Luther, Œuvres, tome III (Genève : Labor et Fides, 1963), p. 225.
14
Barth, Dogmatique, troisième volume : La doctrine de la création, tome I, p. 198.
4

son fils Isaac. La fille également est consultée par ses parents devant des témoins ; elle
donne son accord et reçoit la bénédiction de ses parents qui approuvent son mariage. Le
mariage de Rébecc a et Isaac reçoit honneur et bénédiction de tous.
Gn 29.14-20: Jacob a identifié Rachel dans la campagne révélant à ses yeux des
vertus. Il ne s’est pas jeté sur elle pour la violer ou la prendre pour femme à l’insu des
parents simplement parce qu’il l’a trouvée sur son chemin. Jacob est venu exprimer son
sentiment et son désir à Laban, le père de la fille, et demande officiellement sa main contre
les années de service que lui-même a fixées. Pendant ses années de service, il avait toutes
les occasions pour violenter Rachel, mais il s’est gardé chaste, maîtrisant ses passions
jusqu’à honorer totalement son engagement vis-vis- de la belle-famille et devant Dieu.
Mt 1.18-25 : Deux jeunes son reconnus fiancés, Joseph et Marie ; ils gèrent leurs
fiançailles dans la crainte de Dieu. Les deux se gardent chastes pour honorer les normes
sociales et celles de la loi divine. Curieusement, Joseph découvre un jour que sa fiancée est
enceinte. Il se propose de rompre discrètement leur lien sans diffamer sa fiancée et sans
compromettre son témoignage. Seule l’intervention de lange de Dieu l’a rassuré et
encouragé à s’assumer vis-à-vis de Marie qu’il a prise pour femme, mais sans la connaître
jusqu’à ce qu’elle ait accouché l’enfant qu’elle portait.
Jn 2.1-11 : Un mariage a eu lieu à Cana en Galilée, et Jésus y fut invité avec ses
disciples. L’atmosphère qui a prévalu et la carence de la boisson à laquelle Jésus a pourvu
témoignent de l’importance numérique des convives et l‘honneur que ce mariage a apporté à
la société en général.
A la lumière de ces textes, Combien sont des mariages contractés aujourd’hui qui
donnent lieu aux conflits ouverts et aux déchirures des tissus sociaux et relations
interpersonnelles ? La différentiation sexuelle est-elle bien vécue même après la chute de
l’homme et ces modèles servent-ils d’exemples pour les nouveaux engagements dans le
contexte du péché?

2. La sexualité dans le contexte du péché


a) Indications bibliques
La sexualité est créée par Dieu, elle est créée très bonne à l’origine. « Cette bonté a
deux dimensions : la vie et l’union » souligne Perrier15. Cependant, lors du parcours de
l’histoire dont nous ignorons la durée, la réalité bonne est affectée par le péché. Il est écrit
dans Gn 3.16 : « J’augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur
et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi »16. La femme a pris la
direction de la transgression en Eden, certes, mais dans l’état de chute, son épanouissement
à tous égards, y compris le désir sexuel, dépend de la volonté de l’homme. La maternité
accordée à la femme comme bénédiction à la création sera désormais une expérience
pénible pour elle. Sa liberté également partagée avec l’homme avant la chute sera
désormais conditionnée par la soumission à l’autorité de l’homme. Djitangar Edmond
commente cette idée par ces mots : « C’est le péché qui entraîne au rapport de domination
(ou de soumission) et de violence entre l’homme et la femme »17.
Le péché a transformé le caractère de l’humanité à travers toute la vie. Dans ce
contexte du péché, l’interprétation de ce texte souffre de beaucoup de mal compréhension
affectée d’un coefficient culturel en Afrique. Et toutes les conceptions erronées de la femme
et des relations humaines sont donc teintées de péché. Celle de la sexualité en dépend
entièrement. L’homme et la femme vont désormais avoir entre eux des relations marquées
par le péché, désigné par la tradition classique sous le nom de concupiscence18. Dans une
telle condition, la sexualité devient soit ennuyeuse soit oppressante pour la femme.

15
Perrier, Cours de théologie morale sexuelle, p. 8.
16
Gn 3.16.
17
Djitangar, « Pour une attention particulière de notre Eglise-famille de Dieu à la femme en son sein et dans la
société », Lettre Pastorale, 2 Février 2004.
18
Perrier, Cours de théologie sexuelle, p. 8. . « La concupiscence n’est rien d’autre que le désir teinté de
recherche de soi, le désir sexuel perturbé, détourné de sa finalité amoureuse. Elle est le désir sexuel faisant de
l’autre une occasion de plaisir personnel, le désir sexuel blessé par le péché »
5

Mt 19.3-10 nous éclaire davantage sur les problèmes de la sexualité affectée par le
péché. Face à la conception erronée de la femme et la sexualité exprimée par les pharisiens
(v. 3), Jésus-Christ a simplement rappelé la beauté et la bonté originelles de cette création
divine et l’a opposée à sa réalité dans le contexte du péché. Il leur rappelle l’idéal et la norme
de la sexualité voulue par Dieu (v. 5). Le langage de la répudiation démontre la pratique de
la sexualité en dehors de la révélation. Et pour lever l’équivoque, Jésus ordonne : « Que
l'homme donc ne sépare pas ce que Dieu a joint » (v.6). Insatisfaits de la réponse de Jésus,
ses interlocuteurs poursuivent le dialogue en demandant la justification de la lettre de
divorce autorisée par Moise. En réponse, Jésus mentionne le cœur comme source du vrai
problème de l’humanité dans sa gestion de la sexualité (v.8). La dureté du cœur humain
radicalement influencé par le péché est à l’origine des problèmes de la sexualité. Jésus
relève en plus une insuffisance dans la manière de vivre la sexualité (v. 9). Dans ce
dialogue, Jésus corrige et instruit à ses interlocuteurs en tenant compte de leur faiblesse et
leur limitation19.
L’homme gère donc la sexualité sous l’influence du péché de deux manières.
Premièrement, il y a le caractère dominant de l’homme lors des rapports sexuels avec la
femme ; c’est-à-dire que lorsque le désir du sexe surgit en l’homme, la tension qu’il vit dans
son corps l’amène souvent à reléguer au second rang les questions de santé de sa femme,
son goût, son humeur, sa disponibilité et sa participation à l’acte sexuel20. Deuxièmement, le
sentiment de la féminité constitue un handicap à la plénitude de la sexualité au sein du
couple. Cela s’explique d’abord par le fait que pendant le rapport sexuel, la femme ne se
livre pas entièrement à son amant pour connaître le sens profond de l’amour21. Ci après,
quelques exemples négatifs de la sexualité dans l’Ecriture.

b) Quelques exemples négatifs de sexualité dans l’Ecriture


Gn 4.17-26 : Contrairement au principe posé par Dieu au commencement, principe
selon lequel à l’homme Dieu a conduit une femme, Lemec, fils de Caïn, prit deux femmes :
Ada et Tsilla. Il exerce sur elles une autorité exclusive : « Ada et Tsilla, écoutez ma voix !
Femmes de Lemec, écoutez ma parole ! »
Gn 19.30-38 : Les filles de Noé prennent l’initiative d’enivrer leur père afin de
l’amener à commettre l’inceste, acte prohibé par la loi et par la société parce qu’elles
voulaient avoir une race de leur père. Cela fut fait. Sous l’effet de l’alcool, Noé connut ses
deux filles. Il est ainsi mis dans une situation inconfortable devant Dieu. L’apôtre Paul
reproche un cas analogue à l’église de Corinthe au point qu’un homme prenne la femme de
son père, vice jamais rencontré parmi les païens (1 Co 5.1).
Gn 26.34-35 : Le mariage mixte et polygamique d’Esaü donne de l’amertume à ses
parents. Le premier problème noté est qu’au lieu de prendre une femme, il en a pris deux en
dehors du peuple de Dieu. Le second problème est que les parents ne sont pas impliqués
dans le processus de son mariage. Il fait preuve d’émancipation à l’autorité de ses parents.
Gn 29.23-30 : Laban remplaça Rachel par Léa, sa fille aînée, qu’il donna en mariage
à Jacob alors que ce dernier le servit sept ans, au titre de dot, pour sa fille cadette Rachel
bien désignée au moment du choix. Un des handicaps à l’épanouissement des jeunes dans
le foyer est soit le matérialisme de leurs parents exprimée au moment du choix, soit les
exigences culturelles : c’est le cas de Laban qui dit : « Ce n’est point la coutume dans ce lieu
de donner la cadette avant l’ainée ». Et il réclame de Jacob sept autres années de service
pour Rachel, sa fille cadette.
19
Là-dessus, notons que l’infidélité n’est pas l’apanage de la seule femme ; l’homme partage avec la femme la
même nature faible encline au mal et qui le porte à être infidèle à la femme, à son engagement et à Dieu.
20
La femme peut céder à la pression de son partenaire contre sa volonté ou malgré son indisposition pratique
afin d’éviter les conflits au sein du couple. Et au fur et à mesure que l’homme progresse vers le sommet de son
excitation pendant les rapports sexuels, ils négligent ou ignorent carrément le besoin de la femme, son état
d’esprit et même la fragilité de sa santé physique.
21
Le processus de la connexion de la femme à l’élan sexuel étant lent, elle se rend vite à l’évidence qu’elle ne
pourra qu’être abandonnée en chemin sans atteindre le coït. Il en va de même lorsqu’il s’agit d’exprimer son
goût ou sa préférence lors des rapports sexuels, la femme pense qu’elle ne sera pas comprise parce que l’époux a
toujours le dessus sur elle. En effet, elle se laisse au découragement sans participer à ce moment d’intimité avec
son partenaire.
6

Mt 14.1-12 : Hérode le tétrarque prit Hérodias, femme de Philippe, son frère. Le


problème soulevé dans ce texte est l’adultère commis par un dignitaire, un administrateur de
premier rang. La norme veut que ce soit lui qui tranche les litiges de ce genre parmi son
peuple, malheureusement, il sème une confusion par ma méconduite en se rendant lui-
même coupabl e d’un acte qu’il devrait condamner.
Ces exemples instruisent suffisamment les déviances de la sexualité dans le
contexte du péché. Pourtant, dans le plan de Dieu, la sexualité revêt une importante capitale
pour l’homme et la femme.

B. Importance de la sexualité dans le plan de Dieu

1. Valeur de la sexualité
La sexualité est de l’ordre créé. Sa valeur apparaît dans le mandat de la procréation
donné par Dieu au premier couple en Eden. « Dieu les bénit, et Dieu leur dit: Soyez féconds,
multipliez, remplissez la terre »22. La raison fondamentale se trouve dans Genèse 1. 28 qui
« donne la certitude que l’homme et la femme ont le devoir et l’obligation de s’assembler
pour se multiplier. Dieu y attache une bénédiction et ajoute quelque chose à la création », dit
Luther23. Au lieu de considérer cette parole de Dieu en Genèse 1. 28 comme un simple
commandement, pour Luther, il faut la lire comme une œuvre divine qu’il n’appartient à
personne d’empêcher ou d’interdire24. D’ailleurs, Dieu a créé homme et femme avec la
capacité innée du plaisir sexuel et de la vie dans un environnement familial.
A la lumière de ce mandat et dans le contexte de la création, sa pratique aux origines
devrait échapper aux effets de la chute. Car, Dieu a déclaré très bon ce qu’il avait fait. Par la
suite, l’on observe la pratique de la sexualité dans le contexte de la chute, parce qu’il en a
résulté la conception et la procréation de la race humaine. Notons que la chute n’a pas
déformé ou modifié la valeur de la sexualité, mais elle rend plutôt difficile la condition de la
procréation chez la femme. Dieu lui-même crée en l’homme et la femme un système interne
qui crée le besoin et déclenche le désir de l’accomplissement. Comment cela se conçoit-il ?
J-P Signoret répond : « La motivation sexuelle résulte de l’action des hormones portées par
la circulation sanguine au niveau du système nerveux central »25. Il ajoute que « diverses
formations interviennent pour recevoir l’information hormonale, les messages sensoriels et
réaliser une activité adaptée »26.
Il ressort de ces idées que la sexualité revêt des aspects biologiques très
fondamentaux et des aspects socioculturels, car sa gestion requiert le contrôle par la
société. Car, ce n’est pas dans le vide, mais c’est dans un contexte socioculturel que l’on
apprend et découvre la sexualité27. Cela est la démonstration du caractère relationnel de
l’homme.

2. But de la sexualité
L’homme et la femme sont tous les deux créés pour la communion l’un avec l’autre
dans l’harmonie et la procréation. Augustin argumente : « L’éternelle vérité même par
laquelle tout a été créé, assure que devrait être donnée à l’homme une aide qui fut
semblable à lui […] Or, si l’on se demande à quelle fin il fallait que cette aide fût créée, nulle
autre probabilité ne se présente à l’esprit que la nécessité d’engendrer des enfants »28. Il
ajoute en soulignant : « Cette raison de la création et de l’union de l’homme et de la femme,
ainsi que cette bénédiction, n’ont pas cessé de valoir même après le péché de l’homme et

22
Gn 1. 27-28.
23
Luther, Œuvres, tome III, p. 226.
24
Ibid.
25
P.-P. Signoret, « Sexuel (comportement) » in Encyclopaedia Universalis, Vol. 14, p. 932.
26
Ibid.
27
Judith K. Balswick & Jack O. Balswick, Authentic Human Sexuality; an Integrated Christian Approach
(Downers Grove: InterVarsity Press, 1999), p. 17-27.
28
Institut d’Etudes Augustiniennes, La Genèse au sens littéral, Livres VIII-XII, trad. P. Agaesse et A. Solignac
(Série Œuvres de Saint Augustin, Paris : Institut d’Etudes Augustiniennes, 2001), p. 95-97.
7

son châtiment »29. Pour atteindre l’objectif fixé par Dieu au travers du sexe créé, les deux
genres sont appelés à vivre ensemble maritalement sans mépris du corps l’un de l’autre.
Déjà dès l’enfance, la personne humaine, consciente ou inconsciente, est engagée dans le
processus de la découverte de la sexualité jusqu'au jour où elle l’expérimente dans le cadre
voulu par le créateur.
Dieu ne se laisse pas embarrasser par la croissance potentielle de l’espèce
humaine ; il l’encourage au contraire en créant la différentiation sexuelle, en ordonnant en
premier lieu la procréation. Cela veut dire que le mariage est marqué par Dieu d’une bonté
essentielle à l’origine même. Cependant, pour éviter tout dogmatisme, il convient de
nuancer les positions sur cette question. Dieu a donné l’ordre de se multiplier et de remplir
la terre, certes, mais il ne rend pas tous les couples féconds pour atteindre cet objectif. Il a
créé l’homme et la femme pour leur communion, et cela en raison de la déclaration « Je lui
ferai une aide semblable à lui » qui est postérieure à l’ordre de procréer en Gn 1.28. Par
ailleurs, il accorde librement aux uns ou aux autres la grâce de participer à la procréation de
la race humaine. Il refuse aussi librement à certains couples la possibilité d’enfanter tout en
les bénissant d’une autre manière. Cela signifie que la présence des enfants dans un foyer
est une bénédiction de l’Eternel (Ps 127.3), un don de sa part en vertu de sa souveraineté et
de sa liberté.
En somme, tout usage de la sexualité autre que celui de l’accomplissement de
l’homme et la procréation pourrait paraître comme une déviance, une perturbation de l’ordre
créé ou une exception dans l’appréciation de la sexualité. Toujours est-il que, dans le plan
de Dieu, le mariage a son utilité dans la sphère physique, dans ce monde historique.

3. Limite de la sexualité (perspective eschatologique)


Dieu a crée le sexe pour le but ci-dessus mentionné : la communion entre l’homme
et la femme, ensuite la procréation. Et ce n’est que sur la terre que cela est valable ; car
dans le royaume de Dieu il n’y aura ni homme, ni femme. Contrairement à l’enseignement
biblique selon lequel dans le royaume des cieux les êtres humains seront asexués, la
croyance humaine au sujet de la sexualité résumée dans la doctrine des Sadducéens tient
qu’au-delà de l’histoire physique, la sexualité continuera de jouer son rôle dans la vie de
l’homme et de la femme. La réponse de Jésus aux sadducéens au sujet de la résurrection
éclaire mieux sur la nécessité et la fonction de la sexualité. « Quand ils ressusciteront
d’entre les morts, les hommes ne prendront pas de femmes, ni les femmes de maris, mais
ils seront comme les anges dans les cieux »30.
A la lumière de cette parole de Jésus, nous comprenons que la sexualité dans la vie
de l’homme a une fonction temporelle liée à l’histoire de la création. Or, dans le royaume de
Dieu, le besoin de la sexualité et le désir sexuel n’auront plus droit de cité car le besoin
d’augmenter le nombre des humains ne sera plus jamais une nécessité. Le cadre ne sera
plus indiqué pour l’expérimentation de la sexualité parce que la nature des êtres dans la
présence de Dieu ressemblera à celle des anges pour ne plus éprouver ces besoins. La
forme d’existence des anges n’admettra pas la possibilité d’une union physique comme
étant dans le monde. L’Église doit enseigner que, dans la perspective eschatologique, c’est
une confusion et une erreur de penser qu’au ciel la sexualité aura toujours une fonction à
assumer dans le paradis.
Certaines personnes, se fondant sur la métaphore de la relation du mariage entre
Dieu et Israèl et entre Christ et l’Église, enseignent que la relation homme-femme se
perpétuera dans l’au-delà. Or « cette relation est pour l’éternité, tandis que la relation
conjugale entre homme et femme est temporaire : dans l’éternité, il n’y a plus de mariage »31.
Nos différentes manières de percevoir la sexualité et les vices qui y sont liés relèvent
justement de l’impact du péché dans les vies individuelles et dans nos cultures.

29
Ibid., p. 97.
30
Mc 12. 25. La Bible Thompson avec Chaînes de références ; Version Louis Segond révisée, dite à la Colombe.
31
Benno van den Toren, « Mariage, célibat et concubinage », p. 4.
8

II. SEXUALITE DANS LES SO CIETES AFRICAINES

Ce chapitre s’intéresse donc aux pratiques et à la gestion de la sexualité dans les


sociétés africaines traditionnelles et sécularisées ou modernes. Notre champ d’étude se
limite à quelques pays de l’Afrique centrale et, par moments, les informations au sujet
d’autres pays du continent complètent nos données. Le chapitre prend aussi en compte la
manière dont cette perception et gestion de la sexualité constitue des défis pour les églises
africaines.

A. Sexualité dans les sociétés africaines traditionnelles


Il importe de retenir que chaque culture a sa particularité dans le domaine de la
conception de la sexualité, et cela commence dès la naissance d’un enfant. La manière dont
une culture conçoit et distingue le genre influence conséquemment sa conception de la
sexualité32. Cependant, « dans la tradition africaine, la sexualité est une chose à la fois
interdite et permise, sacré (objet de rites) et profane, dangereuse et bénéfique. En ce sens, il
n’est pas question de l’approcher, ou simplement d’en user librement hors de règles sociales
établies »33.

1. Mœurs africaines relatives à la sexualité


Dans les sociétés traditionnelles, la sexualité ne constitue pas un objet ou domaine
d’éducation communautaire en Afrique ; toutefois, la tradition y exerce un certain contrôle
avec une autorité34 encore plus ou moins reconnue par la nouvelle génération. La preuve de
cette responsabilité collective vis-à-vis de la sexualité s’observe dans le cas du constat
d’abus dans sa gestion ; cela est vu comme une déviance. Apparemment, la sexualité est
une affaire personnelle, mais sa jouissance pose un problème social et relève de la gestion
publique ; elle est règlementée socialement35.

a) Les valeurs recommandées en Afrique


En raison du contrôle collectif de la sexualité dans les sociétés africaines, quelques
valeurs qui y sont liées demeurent communément recommandées. Ces valeurs constituent
les critères d’éligibilité ou d’acceptation d’une femme ou d’un garçon dans son milieu. Il s’agit
entre autres de la virginité, la chasteté et la fidélité.
La virginité d’une fille dans sa famille est appréciée par la société, elle honore la fille
elle-même, ses parents, tout son clan et la société en général. Elle est une valeur à
entretenir par les parents de la fille et par l’intéressée elle-même. Toute la communauté y
veille car elle détermine le choix de la fille pour épouse dans le foyer. Celui qui, le jour de
son mariage, découvre que sa femme est vierge, exprime profondément sa satisfaction et sa
fierté d’avoir trouvé une femme vertueuse. Par endroits, le nouveau marié fait des cadeaux à
sa femme et à ses parents pour ce trésor qui lui est réservé. Ce cadeau peut consister un
objet, un servie pratique rendu, etc. Malheureusement, dans la société moderne avec
l’émancipation des mentalités qui libère les mœurs, la virginité n’est plus à la mode.
La chasteté est une valeur recommandée au jeune homme et à la jeune fille. Elle les
préserve du vagabondage sexuel et les prépare à une vie de fidélité dans le couple une fois

32
Voir Balswick & Balswick, Authentic Human Sexuality; an Integrated Christian Approach, p. 14-16 pour plus
d’informations sur les interférences biologique et socioculturelle de la formation du concept « genre ».
33
Buakasa Tulu Kia Mpansu, « La sexualité. Dune culture à l’autre », in Association des Moralistes zaïrois,
Morale et société zaïroise; actes de la première rencontre des moralistes zaïrois du 1er au 4 Novembre 1978, p.
63-72.
34
Vu le caractère relationnel de la sexualité, les gens en parlent lorsque la nécessité l’exige, c’est-à-dire en cas
de transgression de la norme de son usage, d’abus ou d’expression de la masculinité exagérée.
35
Vangadang Moussa Céphas, « L’analyse anthropologique de la contribution des églises protestantes dans le
processus du développement intégral de l’homme », Monographie de Licence en Anthropologie, université de
Bangui, 2011, p. 25, 29.
9

que le foyer est fondé. Très souvent, ce qui est plus suivi par la société est la chasteté de la
fille ; celle du garçon est quasiment imperceptible. Toutefois, la conduite du jeune homme
est l’objet du suivi communautaire.
La fidélité, quant à elle, demeure dans toutes les sociétés une valeur principale qui
confère à l’intéressé(e) le respect, promeut la personne aux fonctions sociales de grande
échelle. Car celui qui est fidèle dans la gestion de sa sexualité est supposé recéler une
discipline morale interne qui peut lui permettre d’assumer des charges même complexes au
sein de sa communauté.
En dépit de ces valeurs, dans les sociétés africaines, la femme n’a pas toujours une
place première aux yeux des hommes.

b) Le statut de la femme
Dans la plupart des sociétés africaines, « le statut social des femmes africaines a été
défini par plusieurs auteurs modernes comme un statut d’aliénation, d’exploitation sans frein
par les hommes », le témoigne Pierre Alexandre36. Pourtant, c’est dans ce cadre que le
mariage garde toute sa valeur. Il apparaît comme la régulation sociale par excellence de la
sexualité »37. Cependant, la motivation pour le mariage ne vise pas toujours cet objectif chez
tous les peuples. Par exemple, dans la culture marba au sud-est du Tchad, « il faut se marier
à plusieurs femmes pour avoir beaucoup d’enfants qui constituent une main-d’œuvre
abondante »38. Ici, le mariage ne vise pas exclusivement à remplir la fonction initiale prévue,
la procréation ; au-delà de cela, il y a la dimension utilitaire et économique.
Dans la plupart des cultures africaines, la femme est considérée par l’homme comme
un être inférieur. Elle est classée dans la catégorie des enfants quel que soit son âge39. Sa
faiblesse physique est supposée avoir atteint aussi son moral et son intellect. Par
conséquent, l’opinion de la femme n’est pas souvent prise en compte. Dans le contexte du
développement par exemple, « la femme finit par se faire comprendre qu’elle n’est rien et
qu’elle ne peut rien apporter pour la société »40. En cela, la femme peut être prise en
mariage pour des buts égoïstes.

c) La polygamie en Afrique
Comme ailleurs, la polygamie est acceptée dans les sociétés africaines. Elle est vue
comme un signe de noblesse, d’aisance sociale pour celui qui s’y engage. Jacques Maquet
soutient cette affirmation en ces mots : « L’Afrique est polygynique en ce sens que cette
forme de mariage y est partout socialement reconnue et qu’elle y jouit de plus de prestige
que la monogamie »41. La communauté attend de voir chez le mari polygame les preuves de
ses capacités de maintenir la cohésion familiale et l’harmonie conjugale afin d’éviter des
conflits dus à la gestion partisane ou partiale de l’amour que réclame chaque coépouse. En
cas de défaillance dans ce domaine, ce sont les personnes âgées qui approchent le mari
pour l’instruire sur les règles de la conduite d’un foyer polygame et lui conseiller une attitude
responsable. Les enfants issus de cette famille sont acceptés par la société, cependant le
droit d’hériter de leur père est plus concédé aux enfants de la première épouse.
Une chose qu’il faut reconnaître est que « les partenaires dans un mariage polygame
ne peuvent jamais être « une seule chair ». Le mari ne peut pas se donner entièrement à
une femme, parce qu’il est partagé et doit également se donner à l’autre ou aux autres. Une
épouse, à son tour, ne peut jamais se donner entièrement à son mari, parce qu’elle est
consciente que ce dernier n’est pas entièrement à elle ; elle a des concurrentes »42. Dans un

36
Pierre Alexandre, Dictionnaire des civilisations africaines, Paris : Fernand Hazan, 1968), p. 172.
37
Dadoun, « Sexualité humaine », in Encyclopaedia Universalis, vol. 14, p. 927.
38
Vangadang, p. 30.
39
Ibid., p. 29.
40
Ibid., p. 28. Le témoignage de l’auteur relate ceci : « Pour des raisons esthétiques semble-t-il, les femmes sont
soumises à un traitement dégradant qui consiste à la perforation des lèvres supérieure et inférieure dans
lesquelles on introduit un disque en bois ou en quartz poli appelé « labret ». Non seulement cette pratique
déforme complètement la bouche des femmes, mais elles perdent toutes leurs dents sauf les molaires ».
41
Jacques Maquet, Dictionnaire des civilisations africaines (Paris : Fernand Hazan, 1968), p. 333.
42
Benno van den Toren, « Mariage, célibat et concubinage », p. 6.
10

foyer polygame, l’équilibre de l’amour n’est jamais observé quel que soit le tempérament du
mari, quelle que soit la soumission d’une ou des épouses. La raison est que « le mariage
polygame ne peut donc jamais atteindre la profondeur du don de soi et de la réception du
don de l’autre comme Christ se donne à son Eglise et l’Eglise à Christ. Cet amour n’est
possible que dans un mariage monogame »43.
En dépit de cette difficulté pour l’homme, la procréation le motive à s’engager la
polygamie en Afrique.

d) Procréation comme vecteur de la pratique de la sexualité


Dans les cultures africaines comme ailleurs, deux attitudes sont observées chez les
gens par rapport à la sexualité: la désapprobation de la stérilité dans le couple et l’honneur
accordé aux partenaires fertiles dans le couple. La stérilité est vue comme une anomalie
dans le couple ou un signe de malédiction infligée à la famille, et partant au clan. Elle
constitue une préoccupation qui peut dégénérer en calomnies, insultes, fausses accusations
et des paroles semblables dont, généralement la partenaire est accusée par sa société44. Le
résultat est souvent la tendance à la polygamie ou à l’infidélité conjugale dans le but d’avoir
d’enfant, surtout un héritier, Cf. Sara, épouse d’Abraham et Agar sa servante.
Dans ce contexte, même s’il arrive que l’époux reconnu déjà viril connaisse
momentanément un disfonctionnement érectile pendant le parcours du couple pour une
quelconque raison45, ceux de sa société qui sont en informés s’en préoccupent. Cela parce
que la rupture de la sexualité au sein du couple effleure presque le deuil non prononcé dans
la famille. Cette conception matérialiste ou utilitaire du sexe explique largement les conflits
liés à la préférence du sexe ou à la procréation irresponsable dans les familles. Une telle
attitude paraît provenir de l’héritage culturel qui, par ailleurs, valorise l’excision.

e) La mutilation génitale en Afrique


La mutilation génitale féminine, est un handicap à la plénitude de la sexualité dans le
couple en Afrique. Car, la mutilation génitale consiste en une ablation des petites lèvres et
du clitoris de la femme. Elle est une pratique rituelle qui a une double fonction dans la vie de
la femme, semble-t-il. Elle permet de garder la femme fidèle à son partenaire dans le
mariage 46 et de l’intégrer dans la classe des femmes respectables dans leur société. Passer
par ce rite confère à l’intéressée un sentiment de fierté et d’acceptabilité, et une importance
psychologique et morale dans son milieu. La femme excisée est dès lors à l’abri des
moqueries que lui profère son entourage, surtout les personnes du son genre. Il se trouve
que dans la plupart des sociétés africaines, la femme qui ne connaît pas cette expérience
rituelle a de la peine à trouver un mari dans son propre milieu dans la mesure où les
hommes de ces milieux ne valorisent que les femmes excisées. Ils évitent à leur tour de
devenir eux-aussi objet de moqueries au travers de leur épouse déjà rejetée par leur société.
Or, selon la médecine, cette pratique enlève naturellement à la femme ses capacités
physiologiques lors des rapports avec son partenaire et limite son épanouissement sexuel
toute sa vie. Pendant tout rapport sexuel, la femme ne fait que subir la pression de la
masculinité, et avec beaucoup d’effort psychologique elle pourra tendre vers l’orgasme
quand son partenaire a déjà assouvi sa soif, sinon elle ne l’atteindra pas du tout. Et alors sa
frustration est profonde et continue. Sa perte du plaisir sexuel affecte également
l’épanouissement de l’homme.

43
Ibid.
44
1 Sam 1. 1-19. L’exemple des deux femmes d’Elqana, Peninna et Anne, illustrent mieux cette réalité en
Afrique.
45
D’après les médecins, le disfonctionnement érectile peut être causé par une maladie, une fatigue du corps suite
aux travaux intenses, la non programmation du plaisir sexuel par le cerveau à cause d’autres préoccupations qui
priment, ou encore le déplaisir qui résulte de la monotonie avec la même partenaire.
46
La croyance selon laquelle l’excision garde la femme fidèle dans le mariage, après constant des faits, se
montre fausse. Car l’handicap physique dont la sexualité de la femme prend un coup durable l’amène à penser
que le partenaire de vie dans le foyer est la cause de son insatisfaction sexuelle. Cela la pousse à aller ailleurs
chercher l’expérience d’une satisfaction avec un autre partenaire. Cela veut dire que les cas d’infidélité sont plus
relevés dans les foyers dont les épouses sont excisées.
11

Fort des propos qui précèdent, chez certains peuples d’Afrique, la perception de la
femme, le silence sur la sexualité et les interdits sans explication constituent un frein au
développement de la sexualité tant dans les vies individuelles que dans les vies de famille.

2. Les pratiques déviantes de la sexualité en Afrique


a) Les tabous sexuels
On observe généralement une relativité de l’appréciation de la sexualité en Afrique.
Sujet moins tabou dans le monde, la sexualité est plus tabou dans plusieurs cultures
africaines ; cependant la place ne suffit pas pour approfondir l’analyse de chaque tabou en
vue d’en donner d’amples informations au lecteur. Le mot « tabou » est une interdiction de
caractère sacré ou d’ordre culturel qui pèse sur une personne, le comportement, le langage
ou les mœurs. Le mot « tabou » peut aussi être défini par un interdit47. En Afrique,
généralement dans le domaine de la sexualité, « les tabous volent en éclats », témoignent
les moralistes zaïrois48. Selon la conception classique de l’ethnologie, les tabous ont pour
fonction d’assurer la solidarité organique du groupe49. Cela explique plus d’une attitude
observable au sein des sociétés africaines.
Premièrement, le sexe ou l’univers de la sexualité est entouré de tabous selon les
milieux. L’attitude des gens à l’égard de la sexualité dépend largement des conditions de leur
éducation pendant l’enfance, de leur adolescence et même de leur environnement ou
consensus social. Par exemple au Tchad, les personnes qui parlent du sexe devant les
enfants ou les jeunes, bref devant les célibataires ou dans certains milieux, sont taxées de
manque de pudeur ou de grossièreté. Un discours sexué ou une parole sexuée est un
langage des initiés selon certaines sociétés. En effet, la pratique de la sexualité ne constitue
jamais un objet de communication, même pas aux candidats au mariage. Les nouveaux
mariés entrent donc dans un monde tout à fait nouveau à découvrir au prix de beaucoup de
choses telles que la méthode de contrôle des naissances, l’encadrement de la femme en
grossesse, l’accueil et l’encadrement des enfants dans le foyer, l’écoute de l’autre, etc.
Deuxièmement, le tabou sexuel pendant l'allaitement. Il est commun à toutes les
cultures africaines. En Afrique, le lait vu comme humeur féminine s'oppose au sperme
masculin. Le sperme est dangereux pour le lait, donc pour le bébé ; et inversement, le lait est
dangereux pour la virilité. Pour protéger la santé de l'enfant, le père ne doit pas avoir de
relations sexuelles avec la mère tant que dure l'allaitement : autrefoi s, cette abstinence durait
deux ou trois ans, aujourd'hui, un an seulement50.
Troisièmement, l’homosexualité51 est une pratique taboue dans les sociétés
africaines, car sa pratique se maintient dans les milieux fermés. D’après des études récentes
réalisées notamment au Cameroun rapporté par Christian Eboulé, l’homosexualité est et a
toujours été de toutes les cultures. Seule sa conceptualisation change en fonction des
univers sociaux. D’après Eboulé, l'histoire de l'homosexualité en Afrique noire démontre non
seulement son existence, mais aussi son enracinement à travers quatre grands piliers de
certaines traditions africaines. Le premier pilier concerne l'homosexualité liée aux classes
d'âge et aux jeux érotiques. On trouve cette pratique par exemple chez les Bafia du Sud du
Cameroun où l'on considérait autrefois que les garçons devaient franchir certaines étapes

47
Dictionnaire Le Petit Larousse 2008 Multimedia. CD-ROOM PC.
48
Mvumbi Ngolu Tsasa, « Crise morale et sexualité », in Association des Moralistes zaïrois, Morale et société
zaïroise; actes de la première rencontre des moralistes zaïrois du 1er au 4 Novembre 1978, p. 52.
49
Laura Lévi Makarius, Le sacré et la violation des interdits (Coll. Science de l’homme, Paris : Payot, 1974), p.
21.
50
« Anonyme, « Le tabou sexuel pendant l’allaitement » in Santé et Allaitement Maternel. Consulté le 25
Février 2011. En ligne : http://www.santeallaitementmaternel.com/se_former/histoires...
51
Il convient de signaler qu’il y au Nigeria et en Tanzanie une pratique qui prône l’homosexualité, mais dans son
contexte culturel, elle n’a rien à voir avec l’homosexualité. Il s’agit d’une femme plus ou moins âgée dans son
foyer qui, réalisant qu’elle ne plus la possibilité de procréer ou que sa famille n’a pas héritier, épouse
officiellement une jeune femme envers qui elle assume à tous égards la fonction de mari. Cependant, elle la
passe au plus jeune fils de la famille ou à un autre membre de la famille reconnu viril qui vit maritalement avec
elle afin de lui susciter un descendant. Tous les enfants nés de leur union portent le nom du mari légal, donc le
nom de la femme avec qui la jeune femme a célébré le mariage.
12

rituelles pour bénéficier d'une bonne croissance. Le deuxième pilier concerne les rites
initiatiques qui comportaient parfois des pratiques homosexuelles. Par exemple, chez le
Mevungu, les Beti et le Ko'o, chez les Bassa dans le sud et centre du Cameroun, il existe
des cérémonies initiatiques qui comprenaient notamment des attouchements à caractère
homosexuel entre femmes. Le troisième pilier concerne les pratiques homosexuelles en
l'absence d'hommes ou de femmes. D’après l’auteur, chez les Azande du Sud-Ouest du
Soudan, en République Démocratique du Congo et en Afrique australe, existent des
pratiques homosexuelles existaient parfois entre co-épouses qui disaient ne pas être
satisfaites par leurs maris. Le dernier pilier concerne l'homosexualité identitaire. Il s'agit
exclusivement d'hommes ou de femmes, qui préfèrent avoir des relations avec des
personnes du même sexe. Dans le Sud de l'actuelle Zambie par exemple, ces personnes
étaient appelées mwaami dans la langue Ila52.
Vue comme une inclination contraire aux traditions africaines, cette pratique
s’enracine de manière diffuse ou presque discrète au sein des sociétés modernes tant dans
les milieux urbains que dans les zones rurales avec l’aide des médias.

b) D’autres tabous sexuels


Dans les sociétés africaines comme ailleurs, la bestialité ou zoophilie, l’inceste et
l’infamie sont des interdits fondamentaux53. Ici et là dans les sociétés africaines, la
prostitution est un tabou, mais requise au cours de la grossesse même jusque vers le
moment de la naissance54. Par endroits dans les sociétés africaines, les rapports sexuels
entre mari et femme, soit durant toute la grossesse, soit dans ses derniers mois sont des
interdits. L’interprétation qu’on en donne est variable. Il y a beaucoup d’autres tabous
sexuels en Afrique, certes, mais pour l’intérêt de cette étude, nous en citons seulement
deux : la rupture de la sexualité à l’âge avancé et la violence faite aux femmes.
Premièrement, la rupture de la sexualité avec l’âge ou la maladie est une pratique
observée dans les foyers particulièrement de second âge, et naturellement dans les foyers
de troisième âge. Très souvent, les femmes ménopausées ne sont pas disposées à recevoir
leur mari pour les relations sexuelles pour des raisons, soit physiologiques, soit
psychologiques, soit encore culturelles. Elles décident de façon unilatérale la rupture sans
préparation aucune du partenaire, sans explication. Souvent, le mari ne fait que constater la
rupture par l’attitude de sa femme, par la manière dont celle-ci s’entoure de ses petits-fils
dans sa chambre. Rare sont les cas où c’est le mari qui prend l’initiative de rompre la
sexualité au sein du couple alors que sa femme est encore chaude ou en âge d’une
sexualité active. Les conflits peuvent naître de cette rupture sexuelle au sein du couple au
point que les époux non tempérants en viennent même à la main. Mais, c’est interdit d’en
parler ouvertement.
Deuxièmement, il y a plusieurs formes de violences faites aux femmes dont le
commun de nos sociétés refuse de parler. Les violences faites aux femmes en général et le
harcèlement sexuel en particulier sont reconnus comme des pratiques quotidiennes en
milieu scolaire ou en milieu professionnel dans l’ère moderne. D’une part, il y a une pratique
dans les camps de refugiés au Darfour, dans le sud du Tchad, au nord du Cameroun et dans
d’autres pays africains où il y a la guerre : il s’agit du troc sexuellement indigeste que
proposent les humanitaires contre leurs clientes : « ton sexe contre la nourriture »55. D’autre
part, des forces internationales chargées de sécuriser les populations infligent par endroits
aux femmes en détresse la honte et l’humiliation en les soumettant au viol déshumanisant
tant que dure leur condition56.

52
Christian Eboulé, « L'homosexualité en Afrique noire : Entre tabou et idées fausses » in Revue Bamako
Hebdo, 12/06/2010. Consulté le 25 Février 2011.
En ligne : http://www.maliweb.net/category_reply.php?NID=61822&page=1&cid=...
53
Makarius, p. 20.
54
H. Webster, Le Tabou (Paris : Payot : 1952), p. 62-63.
55
Droits de l’homme « Camps de refugiés en Afrique : Aide humanitaire ou chantage sexuellement
transmissible ? ». Mis en ligne le 16 Mai 2006. Consulté le 26 Février 2011.
En ligne : http://www.ufctogo.com/Camp-de-refugies-en-Afrique-Aide-1424.html
56
Ibid.
13

Par ailleurs, souvent évoqué dans certains pays d’Afrique, mais encore tabou, le
harcèlement sexuel est une violence, une agression dans sa pratique traditionnelle comme
moderne. Des psychiatres l’assimilent carrément à un crime, en révélant que le harcèlement,
comme le viol, est une affaire de pouvoir dans laquelle le harceleur agit à huis clos et évite
donc de s’exposer au grand jour57. En Algérie par exemple, une campagne de plaidoyer a
été engagée en 2002 et 2003 par les femmes syndicalistes, plus particulièrement les
représentantes de la Commission nationale des femmes travailleuses. Ces campagnes ont
porté le fruit qui consiste en l’adoption d’une loi et son insertion dans la constitution l’article
341 bis. Cet article stipule que « toute personne qui abuse de l’autorité que lui confère sa
fonction ou sa profession, en donnant à autrui des ordres, en proférant des menaces, en
imposant des contraintes ou en exerçant des pressions, dans le but d’obtenir des faveurs de
nature sexuelle” est réputée avoir commis l’infraction de harcèlement sexuel »58..
Dans l’Afrique traditionnelle, toute violation du tabou est sanctionnée par la
communauté ou suivi de châtiment de la part des dieux du clan ou de la tribu selon les
croyances en vigueur dans le milieu. Aussi, le coupable rencontrera quelque malheur dans
son parcours. Toutes ces différentes attitudes à l’égard du but de la sexualité (communion &
procréation) demeurent un handicap au développement à tous égards. Hormis ces attitudes,
il faut noter que les sociétés africaines développent des comportements individuel et collectif
caractérisés par la modernité.

B. Sexualité dans les sociétés africaines modernes


D’après les spécialistes des sciences sociales, la sexualité et la société sont deux
dimensions majeures de la réalité humaine qui s’offrent dans un état de compénétration et
d’imbrication telle qu’isoler l’une de l’autre entraîne déjà une interprétation déformante59.
Effectivement, les sociétés sécularisées ont une autre approche de la sexualité et de la
société.

1. Liberté et droits humains


Dans les sociétés modernes, au nom des libertés qu’apporte la démocratie plus ou
moins maîtrisée dans le continent, la nouvelle génération verse davantage dans l’immoralité
et dans la perversion sans retenue et que la société est à cet égard sans protection. Le
contexte socio-économique et socioculturel contribue davantage à cet élan d’amour sans
discipline. La quasi-totalité des jeunes brandit le droit de jouir chacun de sa liberté, y compris
le droit de jouir librement de son sexe sans restriction. Cette pratique s’observe de plusieurs
manières. Thomas d’Aquin fait observer que l’usage désordonné de la liberté sexuelle est
une espèce de luxure ; il cite entre autres, la masturbation, la bestialité, le vice de Sodome
ou la sodomie, l’emploi des pratiques monstrueuses ou bestiales pour s’accoupler60. Pour lui,
toutes ces pratiques s’opposent à la droite raison et contredisent en eux-mêmes l’ordre
naturel de l’acte sexuel qui convient à l’espèce humaine.
Le point est qu’au nom de cette liberté, des usages et comportements autrefois
condamnés ou réprimés pas les sociétés africaines sont de nos jours, tolérés, admis et
quasiment intégrés dans les mœurs des mêmes sociétés. Ce qui est paradoxal, il n’y a ni
reproche, ni code moral à l’égard de ces types de comportement sexuel en sorte que le
corps de la femme devient un article sur le marché de la sensualité et constitue une industrie
pour l’enrichissement de la famille ou tierce personne. Cest ainsi que lavortement par
exemple devient une pratique qui ne heurte pas la conscience de ceux qui le pratiquent. Ce
qui déconcerte et consterne plus l’homme de bon sens, c’est la course pour le gain au
travers de l’expérience du désordre moral. Et l’Église et les éducateurs scolaires assistent
impuissants au développement de ce qu’on peut appeler vice.

57
Mounir Kechar, « Enquête sur le harcèlement sexuel en milieu professionnel en Algérie », mis en ligne le 20
Juillet 2010. Consulté le 26 février 2011. En ligne : www.algerlablanche.com/thematiques/index.php?enquete-
sur...
58
Ibid.
59
P.-P. Signoret, « Sexuel (comportement) » in Encylopaedia Universalis, vol. 4, p. 927.
60
Thomas d’Aquin, Somme théologique, tome 3 (Paris : Cerf, 1985), p. 881-882.
14

Les moralistes gagnés pour la cause de ces pratiques, et avec l’appui d’autres
entités, proposent au marché les contraceptifs pour atteindre cet objectif.

2. Vulgarisation du programme de planning familial et du sexe sans


risque (contraception)
Notons qu’il y a ici deux comportements sexuels opposés que l’on observe en milieu
rural et en milieu urbain à l’égard du planning familial.
Premièrement, la liberté de choix rationnel appliqué au domaine de la religion est
aussi appliquée à la conduite et aux actes à poser dans la société contemporaine. C’est au
nom de cette liberté que dans la philosophie des programmes des Organisations mondiales
de la santé et unités de production, l’on observe la vulgarisation des contraceptifs61 qui vise
au moins deux objectifs plus ou moins opposés : réduction de la démographie en Afrique par
le contrôle des naissances et destruction de toute fécondation62. Toutefois, il convient de
souligner que la régulation des naissances était pratiquée traditionnellement par les sociétés
africaines au moyen des techniques primitives et efficaces. Mais l’élan que donnent la
science et la technologie à cette pratique affecte la bonté de la sexualité, même si les
contraceptifs permettent au couple de gérer une maternité responsable.
Deuxièmement, la sexualité subit de plus en plus une réduction utilitaire au sein des
sociétés modernes. Dadoun le témoigne : « Légalisation des statuts socio-économiques de
l’homme et de la femme, le recours à la contraception, le développement des connaissances
et des loisirs, mais aussi l’assaut des mass médias et la mercantilisation du sexuel tendent à
libérer la sexualité des règles traditionnelles »63. Cela veut dire que le sexe est chosifié et
rendue objet du commerce public, une source d’approvisionnement financier à la famille, à
soi-même ou à une entité donnée. C’est ainsi que les gens utilisent les contraceptifs pour se
donner toute possibilité de jouir sans risque de la sexualité64.
Notons que tous les contraceptifs ne contribuent pas à atteindre les objectifs initiaux.
Le stérilet par exemple a le rôle de détruire toute fécondation qui s’est déjà opérée dans
l’utérus. A tout cela s’ajoute le système d’éducation libre que proposent à la jeunesse
contemporaine et à nos sociétés industrialisées les éducateurs parallèles.

3. Educateurs parallèles sur la sexualité


L’expression « éducateurs parallèles » dénote les influences de l’éducation
occidentale et les mass médias, à savoir l’internet, la télévision, les journaux, le cinéma, etc.
sur le système traditionnel d’éducation en Afrique. Dans ce contexte, tout porte à
déshumaniser la sexualité et à violenter la valeur que Dieu place dans la vie humaine. Alors
que le créateur du sexe l’a revêtue d’habits de peaux en Eden, l’être humain contemporain
expose, chosifie et même banalise l’intimité de la femme au moyen des médias. En fait,
les médias affichent pour l’information et l’instruction des gens films et images
pornographiques65, vidéos, slogans ou textes publicitaires allant dans le sens de la
pornographie, etc. Puisque les parents et les éducateurs laissent des enfants à leur curiosité
légitime et incoercible, ce sont les éducateurs parallèles qui les récupèrent et les orientent au
gré de qui veut les gagner pour sa cause.

61
Le planning familial naturel, donc sans usage de contraceptif, est par conséquent une approche trop peu
adoptée de nos jours parce que les couples à l’âge de procréer le trouvent comme handicap à leur
épanouissement sexuel. Pour eux, la procréation ne doit subir aucune limite ni restriction tant que les forces du
couple le lui permettent. Par contre, dans les sociétés sécularisées, avec l’émancipation et le coût réel de la vie
quotidienne, les gens ne souscrivent pas au principe de la procréation au rythme qu’imposent la faim, la soif et le
désir sexuel éprouvés par les hommes et les femmes. En effet, plusieurs gammes de contraceptifs sont conçus et
mis en usage par qui le désire afin d’éduquer les couples à une procréation responsable.
62
Willy Pasini, Désir d’enfant et contraception (Coll. Orientations, Tournai : Casterman, 1974), p. 19-20.
63
Thomas d’Aquin, Somme théologique, p. 928.
64
Ici, la vulgarisation des contraceptifs sur le marché et dans les ménages ne heurte personne et donne le
sentiment de sécurité par rapport à la contamination des MST et l’assurance de la maternité contrôlée.
65
Balswick & Balswick, Authentic Human Sexuality ; an Integrated Christian Approach, p. 235-236. Selon ces
auteurs, la pornographie dénote l’usage du sexe pour une subjugation, agression, une dégradation, un abus, une
coercition, une domination, etc.
15

Au nom des libertés, certaines hautes autorités de quelques pays, et plusieurs Etats
de nos jours, autorisent la projection des films pornographiques et violents sans souci pour
les mineurs. En fait, ces derniers sont exposés aux images pornographiques à l’internet,
télévision, aux journaux, etc. pendant des heures de la journée ou de la soirée sous le
regard des parents démissionnaires et avec leur bénédiction. Dans sa critique de l’attitude
démissionnaire des parents vis-à-vis de l’éducation des enfants, Triollet dit : « Cinéma,
télévision, vidéo, jeux vidéo ou encore Internet sont autant de moyens de communication et
de loisirs mis à la disposition de tous don t des mineurs parfois laissés à eux-mêmes »66.
Ces mineurs en sont marqués et excités d’expérimenter la réalité avant la maturation
de leurs sens sexuels et le développement total de leurs organes sexuels. La tentation est
très forte de nos jours pour les jeunes garçons et les filles de se réaliser dans le domaine de
la sexualité même en dehors du cadre approprié pour leur sécurité. Dans son article La
sexualité. D’une culture à l’autre, Buakasa témoigne qu’« aujourd’hui, le contexte africain de
la sexualité a considérablement changé. Les facteurs de changement sont nombreux »67. Il
relève quelques facteurs de changement de la perception de la sexualité en Afrique,
notamment la culture, la globalisation, l’industrialisation et l’influence de l’argent. Vous
pouvez lire l’extrait de son argumentation en annexe.
Il convient de retenir que ni la culture (scolarisation), ni la globalisation, ni
l’industrialisation, ni même l’argent n’ont rien de mal en eux-mêmes, mais leur influence sur
la mentalité des gens par rapport à la sexualité est négative. Et cela constitue la
préoccupation des adultes avertis, éducateurs dans différents établissements et des défis
pour les Eglises contemporaines.

C. Quelques défis de la sexualité contemporaine dans les églises


africaines
L’Église en Afrique vit « une époque de crise, ‘crise’ de la société, crise de
civilisation, crise de valeurs, tout est remis en question »68, témoigne Muldworf. L’Église est
ici interpellée à lutter objectivement contre les facteurs des déviances par rapport à la
sexualité dans l’ère contemporaine. Mais quelle est la nature de c es défis ?

1. L’utilisation des contraceptifs


La promotion des contraceptifs dans les pays d’Afrique date de l’âge de la présence
du fléau mondial, le VIH/SIDA, dans le continent. Ils sont proposés par les Organisations
Non Gouvernementales comme l’OMS, l’Unicef, et bien d’autres, par le truchement du
Ministère de la Santé de chaque pays comme moyens de prévention de cette maladie. Dans
le contexte de la lutte contre le VIH/SIDA, l’utilisation de toutes sortes de contraceptifs est
conseillée et permise à qui veut librement s’en servir. Voilà une situation où l’éthique
chrétienne est engagée. Les membres de différentes Eglises se retrouvent dans ces crises
énumérées et partagent communément le sort du reste de la société. Des questions
pertinentes et pragmatiques sont posées par les paroissiens confrontés à la réalité
nécessitant l’utilisation de la contraception. Parfois ces paroissiens sont déjà abordés par les
gens animés de la soif de connaître la vérité au sujet de ces matériels ou de la volonté d’être
armés ; alors ils veulent recevoir de leurs leaders une réponse indiquée afin de mieux
répondre à qui les interroge sur cette question.
En fait, la voix de l’Église, vue comme une voix prophétique, est attendue pour la
consolation des uns, pour l’éclairage des autres, pour l’avertissement du reste. L’église est
donc appelée à dénoncer l’infanticide, car c’est un homicide. Malheureusement, cette voix
est partagée sur la question de l’utilisation des contraceptifs. Pendant longtemps l’Église a
hésité à se prononcer, à regarder en face l’enjeu de ces instruments qui sont suffisamment

66
Christophe Triollet, « Images violentes et pornographiques : la protection des mineurs ». Consulté le 4 Janvier
2011. En ligne : http://www.larousse.fr/encyclopedie/article/Images_violentes_et...
67
Buakasa, « La sexualité. D’une culture à l’autre », in Association des Moralistes zaïrois, Morale et société
zaïroise; actes de la première rencontre des moralistes zaïrois du 1er au 4 Novembre 1978, p. 63-72.
68
B. Muldworf, Vers une société érotique (Paris : Grasset, 1972), p. 9. Cité par Moralistes zaïrois, Morale et
société zaïroise; actes de la première rencontre des moralistes zaïrois du 1er au Novembre 1978, p. 81.
16

déjà vulgarisés, bien que ses membres en soient vulgarisateurs ou utilisateurs de tels ou tels
types de contraception. Au Tchad par exemple, les églises, les communautés ecclésiales de
base et les associations religieuses déclarent franchement leur position au sujet de
l’utilisation du condom face à la politique nationale de la santé. Elles ne sont pas motivées à
promouvoir ou à en faire la publicité. La raison pour les unes est que l’utilisation d’un tel
préservatif s’oppose à l’éthique biblique, pour les autres le condom encourage la conduite
infidèle et la prostitution. Un autre groupe encore désapprouve les contraceptifs parce qu’ils
limitent la procréation ordonnée à la race humaine par Dieu lui-même. Ces idées et
croyances sont communément partagées par toute l’Église et la communauté mu sulmane au
Tchad pendant longtemps. Par moments, l’utilisation du condom est permise et conseillée
seulement aux mariés en cas d’infection d’un des partenaires dans l’ordre de préserver la
santé de l’autre69. Ces attitudes sont également observ ées vis-à-vis du VIH/SIDA.

2. Le VIH/SIDA et les PV/VIH 70


Depuis trois décennies au moins, le VIH/SIDA affecte le développement
psychologique des personnes, le développement socio-économique des pays d’Afrique, les
structures sociales des peuples et affecte la spiritualité de plusieurs membres d’églises. Ce
dernier élément peut être compris dans le sens du désespoir causé par le VIH et le
sentiment d’une impossibilité du pardon de Dieu une fois qu’on le contracte. Pour beaucoup
de gens, le VIH/SIDA est un jugement de Dieu sur les hommes à cause de leurs péchés
croissant ayant atteint son apogée. Et pire encore, ceux qui le stigmatisent ne se rendent
pas compte de la pluralité des modes de transmission de cette maladie ; nombreux ne voient
que la voie sexuelle. Et c’est pour cela que son rejet par les gens est presque sans
alternative comme si ce péché est pire que le péché contre le Saint-Esprit dont parle
l’Ecriture. Le refus par les gens de la regarder la maladie en face et d’en parler ouvertement
est ainsi justifié.
Les Etats ne se sont pas engagés rapidement dans la lutte contre ce fléau ; toutefois,
ils sont les premiers aux côtés des ONGs à vocation sanitaire à poser des actes concrets
pour limiter les dégâts que cause la maladie et pouvoir arrêter l’hémorragie. Dans certains
pays, l’Eglise a hésité très longtemps à s’engager dans la lutte contre le VIH/SIDA, pourtant
elle enterre régulièrement ses membres victimes de cette maladie. L’attitude des Eglises vis-
à-vis du VIH/SIDA ne diffère pas tellement de celle adoptée devant les personnes vivant
avec le VIH/SIDA (PV/VIH). La stigmatisation de la maladie est reconnue à plusieurs
confessions religieuses dans le continent. De ce fait, les PV/VIH sont considérés comme les
plus grands pécheurs, des pécheurs impardonnables et voués à la destruction éternelle.
L’Église a également de la peine à se défaire de la pesanteur que constituent
l’influence de la culture et de la stigmatisation sur les couples et sur les sociétés africaines
en cas de disparité de la sérologie au sein du couple.

3. Disparité de la sérologie et manque de virilité dans le couple


a) Gestion de la disparité de la sérologie dans le couple
Dans le contexte des maladies sexuellement transmissibles, surtout du VIH/SIDA,
conseiller aux hommes et femmes de vérifier ou de connaître leur sérologie est une
accusation ou un outrage. Oser en parler peut créer des ennuis dans les relations en sorte
que l’on ne veut pas s’engager d ans une telle piste. Or, dans nos communautés chrétiennes,
l’expérience pastorale donne à constater la disparité des sérologies au sein de plusieurs
couples contemporains. Il y a des couples dont la sérologie du mari est positive et celle de la
69
Berdine Van den Toren et Abel Ngarsouledé, « Research Report on Sexuality and HIV/AIDS in Central
African Republic and Chad», publié par Woord en Daad, 2008, p. 44.
70
Dictionnaire Le Petit Larousse Multimédia 2008 CD-ROOM PC. Ce dictionnaire définit ainsi VIH/SIDA :
Sida est un acronyme de syndrome d’immunodéficience acquise. Maladie infectieuse contagieuse, le sida
représente la phase finale de l’infection par le VIH (virus responsable du sida). Le sida est caractérisé par un
effondrement dune certaine classe de globules blancs, supports de l’immunité cellulaire, et se traduit par la
disparition des réactions de défense de l’organisme. Il s’ensuit des infections opportunistes dues à divers germes
(bactéries, virus, protozoaires, champignons) qui se développent dans un organisme incapable de réagir. Le sigle
PV/VIH signifie Personnes Vivant avec le VIH.
17

femme saine, et vice-versa. Cette disparité constitue un sujet dont la pastorale est délicate,
souvent teintée de partialité ou d’un certain légalisme. Très souvent aussi, certains pasteurs
se refusent au partage sur une telle situation dans un couple, même celui de leurs
paroissiens.
En clair, il convient de noter que dans certains foyers, par une quelconque voie de
transmission, l’homme ou la femme a contracté le virus du SIDA. Et l’harmonie du couple en
prend un coup sur le plan de la sexualité. Les maladies préliminaires du VIH peuvent être
manifestes, mais la personne infectée va toujours nier le fait jusqu'au jour où seul le test la
dénonce comme porteur ou porteuse du virus. En nous fondant sur les témoignages des
femmes, très souvent la femme peut se dénoncer à son mari, mais avec beaucoup de
douleur en vue de le préparer à accepter le pire qui pourra un jour advenir. Et la réaction de
l’époux est très souvent l’accusation de l’épouse et son abandon qui s’ensuit. Par contre,
lorsque c’est l’homme qui contracte le VIH, il garde discrètement les résultats de ses tests et
veut continuer la vie conjugale avec sa femme sans la protéger. Au regard de cette attitude
généralement taxée de méchanceté ou crime par les épouses affectées, la femme se
rétracte et résiste aux avances de son partenaire; et voilà les points de conflits conjugaux sur
lesquels la pastorale contemporaine ne se prononce pas clairement.

b) Gestion du manque de virilité ou de stérilité dans le couple


A la disparité de la sérologie dans les couples, il y a par moments les cas du manque
de virilité du partenaire, voire la stérilité d’un des partenaires. Ce sont généralement des cas
dont on ne se rend pas souvent compte en raison de la discrétion sur la sexualité et de la
nature honteuse de l’expérience vue comme une anomalie. Il nous est donné de constater
que l’homme qui n’est pas viril cache aussi longtemps que possible sa défaillance. Et
l’intéressé n’en parle pas à ses encadreurs spirituels, c’est à peine qu’il s’en plaint auprès
des techniciens de la santé. Puisque le silence sur la réalité est tel, l’Église semble ignorer
quasiment les enjeux que révèle la virilité du partenaire ou la stérilité au sein d’un couple.
Généralement le problème est manifesté aux yeux du public lorsque l’un des partenaires
développe l’infidélité ou profère des propos malencontreux à l’égard de l’autre. La gestion de
cette situation délicate semble échapper à la vigilance de l’Église.
C’est ici que l’Église doit s’assumer : accompagner le couple concerné en l’orientant
vers les spécialistes de la santé pour des examens, suivre ce couple en lui prodiguant des
conseils appropriés fondés sur la Bible. Le but de cet engagement de l’Église est de
maintenir l’harmonie du couple, de préserver la paix familiale et sociale dans la mesure où la
stérilité ou le manque de virilité du partenaire affecte les relations à plusieurs niveaux.
Quelle leçon tirer de cette position vue que la sexualité galvanise le mariage et lui
confère toute sa dignité devant Dieu et devant les hommes ? D’ailleurs, ce n’est pas le seul
cas qui nécessite la pastorale efficace ou à la pointe, il y a également la polygamie et le
lévirat/sororat qui posent d’énormes problèmes éthiques dans les églises. Veuillez lire
quelques informations et réflexions sur ces problèmes en annexe. Quel doit être
l’enseignement à donner dans ce cadre pour corriger les erreurs et les fausses croyances
ayant terni limage et la valeur de la sexualité ?

III. REPONSES DE LA BIBLE AUX ORIENTATIONS SEXUELLES

Dans les deux premiers chapitres, nous avons analysé la sexualité dans le plan de
Dieu; nous avons aussi analysé la sexualité dans la culture africaine. Nous avons réalisé que
la sexualité représente pour les individus, pour les communautés et pour les entités une
réelle difficulté sur le plan de l’éthique chrétienne. Elle représente un domaine plein de défis
pour l’Église et pour les leaders contemporains. Il convient dans le dernier chapitre de
proposer à la lumière de l’Ecriture une ligne de conduite à l’Église et aux leaders africains
face aux différentes manières de concevoir et d’utiliser la même réalité créée par Dieu.
18

A. Le plaidoy er de l’Église
Faire le plaidoyer pour le changement de mentalité et de conduite en matière de
sexualité implique l’Église avec ses leaders et sa théologie. Cela consiste à diversifier les
réponses bibliques selon les différentes classes d’âges, repenser l’importance et la pratique
de la dot au niveau des familles afin d’encourager les jeunes à s’engager dans une sexualité
digne de louange, vulgariser les médias chrétiens en vue de donner des réponses aux
programmes négatifs des médias séculiers, développer le partenariat avec les ministères
œuvrant parmi les jeunes. L’Église avec ses différents services et ministères, sous la
direction du Saint-Esprit, doit s’investir dans l’enseignement de la vérité biblique aux jeunes
sur le célibat, le mariage et la sexualité dans le mariage, dans l’instruction des couples sur
les principes bibliques de la sexualité et les rôles assignés par Dieu à chaque personne dans
le couple. Bien plus, cette responsabilité de l’Église avec ses ministres fait appel à la
compassion et exige l’affirmation de la vérité face aux programmes d’éducation déviants.
Tout cela n’annule pas la nécessité de mettre une emphase sur l’éducation des jeunes en
matière de sexualité, sur certaines valeurs africaines.

1. Education sur la sexualité des jeunes


Ce qu’il faut faire comprendre est le statut anthropologique de la personne humaine
par rapport aux autres vivants. « La différence anthropologique apparaît précisément ici à la
fois comme un mouvement de différentiation au sein du vivant et comme un mouvement de
transcendance par rapport au vivant », dit Denis Muller71. Cela veut dire que l’homme n’est
pas seulement corps dans un monde, mais aussi un corps pensant ayant une dimension
invisible qui transcende le monde. Le caractère relationnel de l’homme et son rapport à Dieu
font que l’homme ne peut pas jouir de son sexe sans se référer aux normes établies par la
société ni prendre en compte la volonté de Dieu le créateur de cet organe. La preuve de la
singularité de cet homme dans ce monde apparaît là et son statut lui confère une dimension
relationnelle différente de celle des autres êtres vivants.
C’est pourquoi, l’Église doit instruire et les parents et les éducateurs sur la formation
ontologique de la personne humaine afin qu’à leur tour ils instruisent leurs enfants. Car,
« dans les sociétés d’abondance comme la nôtre, l’amélioration apportée à la santé des
enfants, fait qu’ils parviennent à une maturité sexuelle précoce », témoigne John Prince72. La
précocité de la sexualité relevée chez les jeunes ne doit pas laisser l’Église insensible ou
désintéressée. Elle l’appelle à s’atteler à un travail de l’enseignement contextuel sur le
fonctionnement de la sexualité des jeunes et sur son but essentiel dans le plan de Dieu.
Tandis que les cultures font un travail d’enculturation73, l’Église est appelée à procéder à
l’analyse de ces valeurs à la lumière de l’Évangile. La tradition recommande la virginité de la
fille, la chasteté du jeune garçon et la fidélité dans la conduite des deux jusqu’au mariage et
dans le mariage. L’Eglise doit récupérer ces valeurs et s’en servir pour faire passer la vérité
au sujet de la sexualité selon le plan de Dieu. Le but de cette entreprise est d’inculquer dans
le cœur et dans la vie des enfants le dépôt de la foi qui les ouvre aux vraies valeurs en
Jésus-Christ74. Que les filles préservent leur virginité jusqu’à la donner à celui que Dieu leur
a choisi pour en jouir. Car « la virginité est dans la Bible un symbole de pureté, de beauté
intérieure, toute aussi importante que la beauté physique. C’était suivant la règle un capital à
préserver jusqu'au mariage », témoigne Roger Eykerman 75. Que les garçons développent la
chasteté jusqu’à se donner seulement à la femme que leur a choisie pour la vie. Que les
filles et les garçons développent la fidélité dans leur jeunesse jusqu'au mariage.

71
Denis Muller, « L’ontologie de la personne et les enjeux du concept de nature en éthique », in Eric Fuchs et
Mark Hunyadi, Ethique et natures (Genève : Labor et Fides, 1992), p. 191.
72
John Prince, Et Dieu créa l’amour (Guebwiller : Ligue pour la Lecture de la Bible, 1986), p. 36.
73
Diocèse de Goré, Foi et tradition ; inculturer et évangéliser en profondeur, 6e Assemblée diocésaine, Donia,
27 Septembre – 2 Octobre 2004, p. 8- 9. L’enculturation *est un processus d’éducation qui vise la transmission
de valeurs à l’enfant
74
Ibid.
75
Roger Eykerman, Tabous ? Quand la Bible valorise le couple et la sexualité (Abidjan : Presses Bibliques
Africaines, 2004), p. 152.
19

De nos jours, les jeunes se cherchent et cherchent des modèles de vie à imiter ou
des moyens de subsistance par le commerce de leur sexe. Ce besoin existentiel doit motiver
l’Église à diversifier son enseignement, à mettre un accent particulier sur la sexualité de
manière à orienter les jeunes dans les voies du Seigneur. Elle est appelée à faire
comprendre aux jeunes les injonctions divines par rapport au mariage, le célibat et autres
questions relatives à la sexualité.

2. Enseignement sur le mariage et le célibat


a) Le mariage
Le terme « mariage » désigne le statut de celui qui vit maritalement avec une femme.
En Afrique contemporaine, la perception du mariage constitue un problème dans la mesure
où les différentes traditions l’ont façonnée. L’héritage de l’Afrique traditionnelle présente trois
formes de mariage : le mariage coutumier, le mariage religieux, et le mariage civil76. Toute
autre forme de mariage est vue comme une anomalie. Sur le plan théologique, la volonté de
Dieu est que « le mariage soit une alliance de deux personnes de sexes opposés qui se
confient entièrement l’une à l’autre comme partenaires pour la vie, se soutiennent
mutuellement, et se réjouissent dans cette union et dans leur relation sexuelle »77. Dans la
théologie de Paul, le mariage est la voie légale par laquelle toute personne ayant la vocation
au mariage doit entrer dans la vie à deux avec le genre opposé. C’est aussi le cadre où la
jouissance du sexe est autorisée par Dieu et permise par la société. Par conséquent, Paul
enseigne que tous les incontinents se marient (Co 7.2, 5).
Pour parler du mariage, il faut nécessairement réunir deux facteurs, savoir
l’engagement p ersonnel et l’engagement p ublic de deux personnes pour la vie. La conviction
individuelle devant motiver une personne vers l’autre et la résolution des deux de rendre leur
union publique et légale sont requises. « La nécessité d’un engagement pour la vie est
impliquée dans le but du mariage : Dieu a voulu que le mariage soit un engagement de deux
personnes qui partagent leur vie de manière exclusive »78. Et le caractère public du mariage
lui confère une dimension communautai re, car le couple a des responsabilités vis-à-vis de
celle-ci79. Dans les cultures africaines, le mariage n’est pas seulement un lien entre deux
personnes, mais toujours entre deux familles étendues, voire entre deux clans. Si
l’engagement de se marier se fait en public, les deux partenaires acceptent les
responsabilités que leur mariage leur confère à cause de leur statut qui a changé et à cause
des liens qu’ils ont désormais avec les familles et les autres relations de leur conjoint80.
Demande r aux jeunes de garder leur virginité et de vivre dans la sainteté sexuelle
jusqu'au mariage, c’est leur demande r quelque chose qui exige une grande maturité et un
contrôle de soi-même81. Et justement, le célibat exige de telle disposition d’esprit et du corps.

b) Le célibat
Le célibat désigne le statut de celui qui est à l’âge de se marier, mais qui ne l’est pas,
et ne l’a jamais été. Dans l’Afrique traditionnelle, le célibat n’est pas apprécié. Notons que le
célibat est une vocation exceptionnellement accordée par Dieu à certaines personnes. Du
point de vue de Paul, ceux qui sont appelés « célibataires » sont les continents (1 Co 7.2, 2).
Curieusement, dans l’Ancien Testament, il n’existe pas de mot correspondant à
« célibataire ». L’appel de Jérémie au célibat est un signe prophétique. Cependant, le
Nouveau Testament mentionne que Dieu peut appeler des chrétiens au célibat Mt 19.10-12),
même si le mariage reste la norme. Ce statut est imposé à d’autres par les hommes dans le
contexte du péché (cas des eunuques) ou par une maladie. D’autres par contre, à cause du
Seigneur, s’empêchent de se marier et font vœu de fidélité pour la vie (exemple de Paul). La

76
Benno van den Toren, « Mariage, célibat et concubinage », p. 3.
77
Ibid., p. 9.
78
Ibid. p. 14.
79
Ibid., p. 6-7.
80
Ibid., p. 35.
81
Benno van den Toren, « Sexualité et intimité », p. 17.
20

personne qui a la conviction de sa vocation au célibat et qui va à la conquête du sexe


opposé révèle une déviance82.
Par ailleurs, le Nouveau Testament donne au célibat une place importante dans le
contexte du royaume. C’est pourquoi, à cause du royaume de Dieu, certaines personnes
consentent volontairement à vivre sans partenaire de mariage pour expérimenter une vie
épanouie. « La grande valeur du mariage dans les Religions Africaines Traditionnelles va de
paire avec un mépris des célibataires. La valorisation du célibat dans des visions plutôt
ascétiques va de paire avec un mépris du mariage, auquel on donne pour le moins une
valeur secondaire par rapport au célibat »83. Il convient de retenir que le célibataire n’est pas
un surhomme, ni un sous-homme, moins encore un raté quant à ses aptitudes
physiologiques ou psychologiques. Le célibat donc est une possibilité évidente en vertu de la
présence de Dieu par son Esprit en l’homme. De nos jours, plusieurs raisons socio
économiques et socioculturelles conduisent certains jeunes à choisir le célibat ou à l’endurer
même contre leur gré.
Le statut de plusieurs jeunes dans nos sociétés contemporaines tend à prendre le
titre de « filles-mères » et des célibataires « avec enfant(s) »84. Cette catégorie de personnes
représente ceux qui ne sont ni mariées, ni célibataires. Pourtant, la législation des pays
africains ne reconnaît pas encore ce régime à leurs populations ; et la Bible, quant à elle,
n’en dit rien, sinon qu’elle la condamne. Le taux d’analphabétisme dans nos milieux
augmente sans cesse faute de parents responsables pour s’occuper de la scolarisation des
enfants abandonnés par les filles-mères. Imaginons les enfants qui se développent dans un
tel contexte social, quelle éducation sexuelle pourront-ils recevoir quand leurs parents les
abandonnent à leur sort ? Voilà une des raisons qui nécessitent l’enseignement sur la
sexualité et le mariage.

3. Enseignement sur la sexualité et le mariage


a) Quelques problèmes insolites
La responsabilité de l’Église est d’enseigner aux jeunes la sagesse et le
discernement des critères essentiels du choix de leur conjoint(e) avec qui la vie sera vécue à
deux. Pour une sexualité épanouie dans le processus du mariage, il faut tenir compte de
certains critères, tels que le critère spirituel, le critère moral, le critère social, le critère
physique85. Que les jeunes se posent quelques questions fondamentales devant déterminer
leur engagement dans le mariage avec l’autre genre. En fait, l’expérience pastorale en
Afrique contemporaine permet de prodiguer au moins deux conseils par rapport à la
sexualité et le mariage.
Premièrement, vu le désagrément que provoque certaines inconvenances ou
incompatibilités dans quelques foyers contemporains, il importe d’amener les fiancés, surtout
les jeunes garçons, à dire à leur fiancée la vérité au sujet de leur virilité là où il y a la
possibilité de la vérifier. Souvent, peu après la conclusion du mariage, les conflits naissent
dans les foyers où cette difficulté est identifiée et le divorce s’ensuit.
Deuxièmement, il est nécessaire de conseiller aux jeunes de vérifier leur sérologie
avant de s’engager les uns avec les autres dans le mariage à cause des dégâts de plusieurs
82
Il y a des personnes qui, sous pression ou dans l’obligation de leur institution, prêtent un serment de célibat ou
qui prétendent au célibat sans conviction. Ceux-là peuvent d’un moment à l’autre cherchent à satisfaire.
83
Ibid., p. 9-10.
84
La conséquence de ce style de vie choisi par la jeunesse émancipée est la croissance des enfants de la rue ou
enfants révoltés, la croissance du taux des maladies sexuellement transmissibles et le taux de la prostitution. Tout
cela découle de ce désordre moral tant au niveau personnel qu’au niveau social. Et l’économie des familles, de
l’Eglise et de l’Etat en prend un coup.
85
Entendons par critère spirituel l’appartenance des deux prétendants à la famille de Dieu sur la base de la foi,
l’unité ou l’identité du lieu de culte, le partage de la même éthique et de la même espérance. Le critère moral
prend en compte l’éthique de la personne, entre autres caractère, intégrité, discipline personnelle, tempérament,
ouverture à autrui, capacité d’écoute de l’autre, etc. Quant au critère social, la référence est faite à l’aptitude au
travail, l’amour pour le travail, le travail d’une main joyeuse, l’endurance, l’hospitalité, etc. Enfin le critère
physique porte sur la beauté de la personne que l’on choisit comme partenaire de vie ; cet élément est très relatif
et dépend plus de l’élément fondamental dans l’individu même, notamment l’amour. Ces indicateurs sont des
variables à considérer dans le processus du mariage et dans l’enseignement sur la sexualité.
21

ordres que causent les IST, notamment le VIH/SIDA. Faute de test préalable de la sérologie
par naïveté ou par la négligence d’un partenaire, aussitôt fondés, certains foyers sont
détruits par le VIH/SIDA. Ces expériences dans le contexte de « la maladie du siècle »
nécessitent une telle disposition pendant les préliminaires du mariage afin de préserver les
partenaires sains de toute contamination par le virus.
Car, Dieu donne à son Eglise tous les dons, y compris le don de discernement pour
le bien-être de son peuple. Bien plus, le contexte moral contemporain doit inspirer à l’Église
une pastorale appropriée et efficace.

b) Rôles des mariés


i) La communication
Dieu est le communicateur par excellence Cf Ps 109.1ss. C’est lui qui dit : « Il n’est
pas bon que l’homme soit seul ; je lui ferai une aide semblable à lui » Gn 2.18. En prenant
unilatéralement la décision de joindre une femme à l’homme avec cette déclaration « il n’est
pas bon que l’homme soit seul », Dieu résout radicalement le problème de la solitude de
l’homme en Eden. Dans la métaphore du mariage mystique d’une part entre Dieu et Israèl,
d’autre part entre Christ et l’Église, il y a toujours la communication mutuelle. Hé 1.1 dit :
« Après avoir autrefois, à plusieurs reprises et de plusieurs manières, parlé à nos pères par
les prophètes, Dieu dans ces derniers temps nous a parlé par le Fils… ».
Or, le constat révèle que dans certaines sociétés africaines, la conception de la
femme demeure un réel problème au développement de la sexualité, développement
psychologique et économique dans la famille. En effet, le domaine de la communication
souffre des pesanteurs culturelles telles que la vie des foyers chrétiens en prend un coup.
Plusieurs foyers chrétiens ne sont pas de cadre où il fait beau vivre : plus de communication
sur un ton doux et aimant entre le mari et sa femme. En cas de besoin, le mari ne fait que
donner l’ordre à sa femme et aux enfants. Par conséquent, les enfants sont terrorisés par le
tempérament des parents ; ils ne développent que la méfiance vis-à-vis de leurs propres
parents et finissent pas se verser dans la rue à la recherche de l’affection. Pourtant, c’est au
moyen de la communication que l’on peut très tôt parler avec les enfants de la sexualité en
inculquant en eux la vérité à ce sujet afin de les préserver des déviances. C’est aussi par ce
moyen que l’on peut communiquer aux enfants sa foi qui résulte de la Parole d’amour de
Dieu. Cf. Gn 22.1 ss où Abraham et Sarai ont su inculquer en Isaac leur foi en Dieu. C’est
par la communication que les époux peuvent partager leur goût, attente, préoccupation et
résoudre leurs malentendus. Tout cela ne peut se faire que dans l’amour.

ii) L’amour dans l’exercice des rôles individuels


Nous voulons parler du don de soi l’un à l’autre selon la parole de Dieu dans Gn 2.24-
25 : « les deux deviendront une seule chair ». Là-dessus, il faut comprendre que « cette
expression se réfère à la fois à l’union sexuelle et à l’unité plus globale dans le mariage. Elle
montre que l’unité sexuelle, est toujours l’expression d’une unité plus globale, parce que si
une personne se donne sexuellement, elle ouvre sa personnalité à l’autre »86. C’est ici que le
terme « connaître » employé dans la Bible (Gn 4.1) trouve sa compréhension profonde. Les
deux ont chacun un rôle intime à jouer l’un vis-à-vis de l’autre (1 Co 7.3-5). L’amour comme
socle et le lien qui sécurisent du mariage implique la communion dans l’acte sexuel, la
fidélité l’un à l’autre, l’intégrité dans les relations tant internes qu’externes et l’entraide. Il ne
suffit pas de se marier, il faut aussi assumer le rôle dévolu à soi vis-à-vis de l’autre afin de
valoriser le sens plénier de l’entraide et de la communion dans le foyer. Car, un mariage où
« les relations sexuelles n’intègrent pas une intimité de vie et de partage produisent souvent
un goût amer d’insatisfaction, plutôt qu’un sentiment de satisfaction et d’accomplissement »87
Cf Mal 2.14-15. A la lumière de sa relation avec Israèl et de celle du Christ avec l’Église,
Dieu considère l’infidélité conjugale comme une haute trahison.
La beauté des rôles individuels dans le mariage dépend essentiellement de ce que le
couple vit dans son intimité conjugale. L’amour de l’époux pour sa femme et sa joie de se
donner à elle conditionne leur relation extérieure et le service pratique qu’il lui rend sachant

86
Benno van den Toren, « Sexualité et intimité », p. 2.
87
Ibid., p. 3.
22

qu’il se sert lui-même. Il en va de même pour l’épouse dans sa soumission à son mari
comme une réponse à son amour fondamental et sans réserve pour elle. Dieu dit à Eve :
« Tes désirs se porteront vers ton mari » Gn 3.16. Ce texte souligne les responsabilités l’un
vis-à-vis de l’autre : l’amour traduit par la prise en charge de la femme par le mari et la
soumission ou la dépendance de la femme à son mari, y compris le besoin sexuel.
Encore une fois, le mariage est un cadre prévu par Dieu depuis l’origine pour
l’épanouissement temporel et l’accomplissement de l’homme. Il est pour nous un champ de
vie où nous devons apprendre à vivre à la lumière de la profondeur de l’amour entre Dieu et
son peuple. Des exemples de cette relation inconcevable humainement parlant se trouvent
dans l’expérience des prophètes avec l’indication divine, entre autres Os 2-3, Jér 2.1ss ;
3.1ss, Eph 5.31s. La dimension impénétrable de l’amour de Dieu pour Israèl infidèle
demeure un principe pour nos relations dans le mariage. Fort de ce paradigme, en quelle
circonstance le divorce est-il permis et en quel temps accorder à son ou sa conjoint(e) le
pardon en cas d’infidélité?
En considération de ce qui précède, « comment rester fidèle à notre foi en Jésus-
Christ sans graves déchirements intérieurs par rapport aux éléments de l’éducation familiale
traditionnelle qui ont structuré notre personnalité individuelle ou sociale mais qui se révèlent
être négatifs et contraire à la volonté de Dieu ? »88. La réponse est qu’il est impérativement
nécessaire d’enseigner aux jeunes les bases du mariage selon Dieu afin de leur permettre
d’éviter des ruptures intempestives ou des désagréments survenus pendant le parcours. Non
seulement l’Église en tant que corps, mais aussi les leaders d’Église, les responsables de
mouvements de jeunes et les éducateurs à différents niveaux ont la responsabilité
d’enseigner la sexualité.

B. Rôle des leaders

1. Communication verbale sur la sexualité


La sexualité est créée par Dieu pour l’accomplissement de l’homme. C’est un besoin
physiologique naturel dont la nécessité de le satisfaire s’impose à tous les êtres humains
Cependant, compte-tenu de problèmes qui y sont liés dans les vies individuelles, familiales
et communautaires, l’Église ne peut pas indéfiniment se taire sur ses enjeux. Plus qu’un
besoin physiologique, la sexualité est aussi un désir moral et une demande de la présence
du genre opposé tel que Dieu l’a créé pour répondre au mandat de la procréation89. C’est
pourquoi, les leaders et les éducateurs ont le devoir d’enseigner aux jeunes une éthique
évangélique sur le mariage comme un processus à respecter afin de maintenir la cohésion
sociale et de donner gloire à celui qui l’a institué. La nécessité d’enseigner la sexualité aux
jeunes est aussi déterminée par le fait que « le désir sexuel est inconstant, et se porte
davantage vers l’autre sexe que vers une personne déterminée »90
Dans certaines sociétés africaines comme dans la culture du peuple de Dieu, on
appelle mariage l’aboutissement d’un long processus. Dans ce processus, il y a plusieurs
étapes à suivre en vue de maintenir l’ordre social et de rendre le mariage digne
d’approbation par la communauté. Il s’agit notamment du choix de ou la fiancé(e), des
fiançailles, de la dot et de la célébration du mariage. Voir en annexe les réflexions et
informations sur les ces points énumérés.
Le rôle du leader dans l’encadrement des jeunes pour un mariage épanoui et selon
la volonté de Dieu est donc de les instruire à se préparer à cette expérience. Il ne pourra
réussir cette mission et influencer la vie de ces jeunes que par la parole et par le modèle de
sa vie.

88
Djitangar Edmond, Evêque de Sarh, « Pour une attention particulière de notre Eglise-famille de Dieu à la
femme en son sein et dans la société », Lettre Pastorale, 2 Février 2004.
89
Buakasa T.K.M., « La sexualité. Dune culture à l’autre », in Association des Moralistes zaïrois, Morale et
société zaïroise; actes de la première rencontre des moralistes zaïrois du 1er au 4 Novembre 1978, p. 63-72.
90
O. Pipper, L’Evangile et la vie sexuelle, trad. Francis Baudraz (Neuchâtel/Paris : Delachaux et Niestlé, 1955),
p. 106.
23

2. Communication non verbale sur la sexualité


La jeunesse contemporaine est en quête de modèle éthique à suivre, de repères
moraux à imiter. Ce qui est attendue des leaders, c’est de vivre l’éthique évangélique de la
sexualité. Le défi auquel ces leaders d’églises sont tenus dans les communautés africaines
est celui de l’éthique sexuelle. Evidemment, le constat fait dans la pastorale relève que le
sexe est l’une des trois grandes faiblesses (sexe – argent – orgueil) des serviteurs de Dieu
en Afrique contemporaine et le domaine où l’ennemi lutte très fort au détriment du
témoignage chrétien91.
Or, la métaphore du mariage de Dieu avec Israèl et celui du Christ avec l’Église
donnent des leçons à apprendre. Dieu a toujours montré à Israèl la constance de son amour
dans ses multiples facettes. Malgré les écarts de conduite et de comportement, voire de
parole, dans leur marche, Dieu demeure égal à lui-même montrant toujours sa sollicitude
envers son épouse. En retour, il lui réclame pratiquement la fidélité et la confiance comme
caractéristique de l’alliance avec Abraham qui lie sa descendance à Dieu. Dans le même
sillage, l’intégrité, la fidélité et la constance du Christ pour son épouse étaient déjà
observées dans ses relations avec ses disciples à qui il donnait toujours l’occasion de le voir
vivre son enseignement. Au-delà de ce modèle qu’il est pour ses disciples, Christ demeure
l’époux fidèle de l’Église, son épouse. La plénitude de son amour pour elle est démontrée au
travers du don de sa vie à la mort sur la croix et des soins qu’il prend d’elle malgré les
inconséquences qu’elle révèle.
A la lumière de ces modèles et en raison de l’autorité que lui confère son ministère, le
leader d’église est mis au défi d’être fidélité à son engagement, à son épouse, à sa parole
devant Dieu et devant le peuple, sa fidélité à la société constitue la base du succès de son
ministère parmi la jeunesse et dans la société entière. Faut-il comprendre que la fidélité
conjugale couvre un large spectre de la vie en société et devant Dieu. Elle est une « fidélité à
un engagement, fidélité à une personne, fidélité à une relation avec une partenaire humaine,
fidélité à une relation sexuelle, fidélité envers une communauté »92. Pour que les membres
de l’Église du Christ acceptent et intègrent sa parole au sujet de la sexualité, sa fidélité
conjugale est exigée. En effet, « la fidélité conjugale est une fidélité en défit des
imperfections des époux, parce que les relations les plus riches ne se développent qu’avec
le temps et à travers les crises »93. Comme l’amour couvre une multitude de péchés, la
fidélité conjugale est une dimension de l’amour qui galvanise la vie du couple. « Elle doit
même accepter certains manquements du partenaire et de la relation qui demeureront
jusqu’à la fin de leur vie »94. Le drame dans le ministère et la famille des leaders africains
contemporains est la rupture de leur vie conjugale, la surcharge de leur vie conjugale.

C. Rôle de la théologie africaine sur la question de la sexualité

1. Théologie en dialogue avec la tradition sur la sexualité


Le dialogue entre la théologie et la tradition porte ici sur l’objet de la sexualité vu par
la tradition et par la théologie. Mais qu’est-ce que la tradition ? François Alngar le définit
comme suit : « Ensemble de valeurs relatives à tous les aspects de la vie, admises par une
communauté et transmises d’âge en âge »95. La tradition est établie suite aux usages,
coutumes et habitudes temporelles d’une société donnée. Elle est une transmission par la
parole de faits historiques, coutumes, légendes etc. Elle fait autorité au sein de cette société
parce qu’elle régule la vie communautaire, censure les déviances et communique la
philosophie du peuple par rapport à un sujet donné. Tel est le cas de la tradition africaine sur
la sexualité dont nous avons parlé dans les pages précédentes.

91
Benno van den Toren, « Sexualité et intimité », p. 8.
92
Ibid., p. 13-15.
93
Ibid.
94
Ibid.
95
François Alngar, « Foi et tradition : inculturer l’Évangile dans nos traditions », in Diocèse de Goré, Foi et
tradition ; inculturer et évangéliser en profondeur, 6e Assemblée diocésaine, Donia, 27 Septembre – 2 Octobre
2004, Annexes p. 3.
24

La théologie, quant à elle, est appelée à reconnaître certaines valeurs au sein des
traditions africaines afin d’en tenir compte dans ses entreprises. Elle doit faire sa part dans
l’affrontement de nombreux défis contre lesquels les sociétés africaines, surtout les chrétiens
africains, se confrontent. En fait, la théologie doit analyser les interdits traditionnels au sujet
de la sexualité, jusque là vue comme tabou, à la lumière de l’Évangile afin de faire apparaître
en lumière la vérité pour le bien des hommes et des femmes, surtout des jeunes.
Qu’est-ce qui mérite d’être conservé et qu’est-ce qui doit être soumis à l’autorité de
l’Évangile, qu’est-ce qui doit aussi être annulé par l’autorité de l’Évangile ? Voilà autant de
question que la théologie doit se poser et poser à la tradition en vue d’édifier la bonne vie
des chrétiens africains. Son succès dépendra de la dialectique effective et soutenue à bâtir
et du mode de commun ication du matériel de cette éthique sexuelle.

2. Repenser le mode de communication de l’éthique chrétienne de


la sexualité
Il est honnête de reconnaître que les missions chrétiennes ont proposé aux Africains
d’autres éthiques du mariage, lesquelles ne prennent pas en compte leurs réalités culturelles
en matière de la sexualité. Aussi, beaucoup d’Africains n’ont accepté que la foi chrétienne
sans embrasser la morale chrétienne du mariage et de la sexualité96. Le problème est que
certaines pratiques et quelques faits dans le domaine de la sexualité et du mariage sont
tenus pour des valeurs par la tradition de certaines sociétés africaines, tandis qu’ailleurs ils
sont des interdits.
Par ailleurs, les religions ont leur conception de la sexualité qu’elles enseignent à
leurs adeptes. Le christianisme enseigne aux hommes la notion de liberté et droits
individuels qui excluent l’autorité de la tradition97. Or, la tradition a son langage propre pour
parler de la sexualité. Plusieurs utilisent les signes, codes et paraboles pour exprimer soit le
besoin, soit le désir, soit encore un fait lié à la sexualité. Que l’on se demande si ce langage
est adéquat pour communiquer toute la vérité sur la sexualité ou non ?
C’est alors que la théologie, instruite par le modèle d’amour qu’il y a entre Dieu et
Israèl, entre Christ et l’Église, doit formuler des stratégies et méthodes de communication sur
la sexualité pour les églises africaines. Comment la théologie peut-elle s’adresser aux
chrétiens africains au sujet du célibat, du mariage, de la polygamie, du divorce, du
concubinage, de la cohabitation, du lévirat, des relations sexuelles pré maritales ou
extraconjugales, de l'homosexalité, de l’excision, de l’initiation dans le contexte des IST,
surtout du VIH/SIDA ? Comment amener les parents à repenser la pratique moderne de la
dot qui constitue un obstacle majeur à l’engagement public et honorable des jeunes dans le
mariage ? Comment amener les jeunes à la conviction que le non respect du plan de Dieu
pour la sexualité et des normes établies par la communauté compromettent la valeur de la
sexualité ? Autant de questions que la théologie doit se poser afin de parvenir à susciter des
pistes de solution inspirées par Dieu et durables pour le peuple de Dieu.
En outre, tenir un langage marqué par la vérité aidera les jeunes à développer les
« vertus », le discernement, la patience, la persévérance, la maîtrise de soi, l’intégrité,
l’honnêteté, la fidélité, le respect de l’intégrité de l’autre, le courage d’avoir une opinion, les
traits de caractère capables de les rendre forts pour résister à la tentation98. Cela est
nécessaire parce que « les jeunes attendent que l’on réponde à la question du sens, que l’on
développe autour de la sexualité et du sida autre chose que le préservatif, c’est-à-dire une
véritable éthique »99.
La bonne sexualité, telle que voulue par Dieu, ne peut se vivre que dans l’amour. Or,
l’authenticité de l’amour qui admire la sexualité du point de vue de Dieu s’explique par
l’exposition de cet amour à la sainteté divine et par le fait de voir dans autrui l’image de Dieu
appelée à être protégée et ho norée.

96
Van den Toren, « Mariage, célibat et concubinage », p. 1.
97
Buakasa, « La sexualité. D’une culture à l’autre », in Association des Moralistes zaïrois, Morale et société
zaïroise; actes de la première rencontre des moralistes zaïrois du 1er au 4 Novembre 1978, p. 63-72.
98
Van den Toren, « Sexualité et intimité », p. 24.
99
Perrier, Cours de théologie morale sexuelle, p. 18.
25

Conclusion

La conception de la sexualité au niveau de la culture et de la modernité sont pas


identiques, mais elles se complètent et influencent l’éthique individuelle, familiale et
collective dans une large sphère. L’enseignement biblique sur le mariage est pourtant si clair
qu’il rejette toute contestation ou variante à lui opposer. L’Évangile est la Parole de Dieu
écrite pour son peuple, la volonté de Dieu pour l’humanité. Cette parole est normative en tout
temps et pour toutes les générations en matière de conduite et de foi. Toutefois dans la
tradition, la sexualité présente beaucoup de déviances, entre autres l’adultère, le
concubinage, la prostitution, l’avortement, la sexualité sans l’autre (masturbation,
homosexualité), etc. Chaque société africaine a sa compréhension et son appréciation de tel
aspect ou tel autre de cette réalité. Chacun de ces éléments est une pratique non chaste et
prohibée devant Dieu. La tradition ecclésiastique épouse l’enseignement scripturaire sur ces
déviances et les déclare comme prohibées par l’Ecriture. Le canon 1398 du code de droit de
l’Église catholique datée de 1983 fait de l’avortement un des 7 cas d’excommunication. Le
prêtre doit avoir la délégation de l’évêque pour délier. Ce canon dit : Quiconque procure un
avortement, si l’effet sen suit, encourt, l’excommunication latae sententiae (par le fait
même) »100. Tout cela instruit sur la gravité des pratiques non scripturaires par rapport à la
sexualité dans les traditions africaines.
La question majeure que l’on doit se poser dans le contexte de l’Afrique plurielle est
celle de savoir comment combiner les valeurs de l’Évangile avec celles de la tradition dans la
gestion de la sexualité? Comment faire en sorte que le langage biblique sur la sexualité ne
souffre pas les pesanteurs culturelles ? La tradition doit se laisser instruire et orienter par la
théologie afin que les Africains chrétiens ne vivent pas comme s’ils sont sans code moral ou
coupés de leurs racines. Car, dans les traditions africaines, l’individu n’est pas laissé à sa
liberté absolue. La vie se vit en communauté, en collégialité ; elle est contrôlée par la
communauté et déclarée crédible ou modèle de vie par la communauté.
Bien plus, la société moderne et industrialisée est un monde de l’efficience et de
fonctionnalité où la valeur de l’individu se mesure à son utilité. Elle est placée sous le signe
de l’avoir et non de l’être. Au contraire, le mariage se fonde sur la rencontre définitive et
pérenne de deux personnes qui se reconnaissent mutuellement dans leur dignité de
personnes, et valent l’un aux yeux de l’autre pour ce qu’elles sont en elles-mêmes dans leur
unicité irremplaçable. Comment alors relever le défi du désordre sexuel et du déséquilibre
familial ?
La différence anatomique des deux genres et la disparité des conceptions de la
sexualité méritent une considération particulière des Eglises avec la collaboration des
spécialistes de la santé et des sciences sociales. Une action concertée permettra de donner
un enseignement approprié pouvant instruire les concernés sur la manière de gérer la
sexualité au sein des couples, familles et sociétés afin d’assainir les relations, de sanctifier le
nom de Dieu par le témoignage chrétien au travers d’une éthique sexuelle digne et de
donner gloire à Dieu le créateur du sexe.

Article préparé et présenté par


Abel NGARSOULEDE, FATEB, BP 988 BANGUI/RCA
pour Pasteurs, Leaders et Educateurs.

Février 2011

100
Perrier, Cours de Théologie morale sexuelle, p. 48.
26

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES DE REFERENCE

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histoire – idées – grandes figures. Bruxelles: Brepols, 1995.
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La Bible Thompson avec Chaînes de références ; Version Louis Segond révisée, dite à la
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1958.
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OUVRAGES GENERAUX

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des moralistes zaïrois du 1er au 4 Novembre 1978, (Etudes des moralistes zaïroises,
Kinshasa : Association des Moralistes Zairois, 1988
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B. Muldworf. Vers une société érotique. Paris : Grasset, 1972.
Eric Fuchs et Mark Hunyadi. Ethique et natures. Genève : Labor et Fides, 1992.
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Institut d’Etudes Augustiniennes, La Genèse au sens littéral, Livres VIII-XII, trad. P. Agaesse
et A. Solignac, Série Œuvres de Saint Augustin, Paris : Institut d’Etudes Augustiniennes,
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Genève : Guers, 1818.
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Judith K. Balswick & Jack O. Balswick. Authentic Human Sexuality; an Integrated Christian
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Laura Lévi Makarius. Le sacré et la violation des interdits. Coll. Science de l’homme, Paris :
Payot, 1974.
Luc-Marie Perrier. Cours de Théologie morale sexuelle, dispensé à l’Institut Catholique de
Bouar, 2008.
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Martin Luther. Œuvres, tome III. Genève : Labor et Fides, 1963.
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Niestlé, 1962.
27

Roger Eykerman. Tabous ? Quand la Bible valorise le couple et la sexualité.Abidjan :


Presses Bibliques Africaines, 2004.
Thomas d’Aquin. Somme théologique, tome 3. Paris : Cerf, 1985.
Willy Pasini. Désir d’enfant et contraception. Coll. Orientations, Tournai : Casterman, 1974.

ARTICLES DES REVUES ET JOURNAUX


Berdine Van den Toren et Abel Ngarsouledé. « Research Report on Sexuality and HIV/AIDS
in Central African Republic and Chad», publié par Woord en Daa d, 2008.

DOCUMENTS INEDITS
Diocèse de Goré. Foi et tradition ; inculturer et évangéliser en profondeur, 6e Assemblée
diocésaine, Donia, 27 Septembre – 2 Octobre 2004.
Edmond Djitangar, « Pour une attention particulière de notre Eglise-famille de Dieu à la
femme en son sein et dans la société », Lettre Pastorale, 2 Février 2004.
Luc-Marie Perrier. Cours de Théologie morale sexuelle, dispensé à l’Institut Catholique de
Bouar, 2008.
Moussa Céphas Vangandang. « L’analyse anthropologique de la contribution des églises
protestantes dans le processus du développement intégral de l’homme », Monographie de
Licence en Anthropologie, université de Bangui, 2011.
Benno Van den Toren. « Mariage, célibat et concubinage.
Benno Van den Toren. « Sexualité et intimité ».

SOURCES E LECTRONIQUES
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Consulté le 4 Janvier 2011.
En ligne : http://www.larousse.fr/encyclopedie/article/Images_violentes_et...
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En ligne : http://www.maliweb.net/category_reply.php?NID=61822&page=1&cid=...
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sexuellement transmissible ? ». Mis en ligne le 16 Mai 2006. Consulté le 26 Février 2011.
En ligne : http://www.ufctogo.com/Camp-de-refugies-en-Afrique-Aide-1424.html
« Anonyme, « Le tabou sexuel pendant l’allaitement » in Santé et Allaitement Maternel.
Consulté le 25 Février 2011.
En ligne : http://www.santeallaitementmaternel.com/se_former/histoires...
Dictionnaire Le Petit Larousse 2008 Multimédia. CR-ROOM PC.
Easton’s Bible Dictionary (Revised) in CD-ROOM Theophilos 3.
28

ANNEXES
29

ANNEXE 1
Sexualité dans l’islam

À la différence du christianisme, l’islam ne représente pas l’univers créé comme un


lieu de dépravation morale en attente de rédemption, mais plutôt comme le lieu où la
résolution de chaque croyant sera éprouvée. En effet, la notion de péché originel n’existe
pas dans le Coran. Après avoir désobéi à Dieu, Adam reçoit de celui-ci le pardon ; sa faute
n’est pas transmise à la génération suivante et n’entraîne pas la malédiction de la terre, qui
demeure pour l’homme « un séjour et une jouissance » (Q 7, 24). L’anthropologie islamique
reconnaît que la sexualité fait partie de cette jouissance et le Coran en parle sans détour :
« Vos femmes sont pour vous un champ de labour : allez à votre champ, comme vous le
voudrez » (Q 2, 223). Par ailleurs, il précise que le célibat des moines, invention humaine, a
été détourné de son but (Q 57, 27).
Le coran approuve la sexualité et l’amour humain qu’il considère comme un don de
Dieu. Nous lisons ceci : « Et c’est aussi l’un de Ses signes, qu’il ait créé pour vous, de vous-
mêmes, des épouses, pour que vous cohabitiez avec elles. Et Il a établi entre vous l’affection
et la tendresse »101. Le Coran qualifie les femmes des champs à ensemencer et dont il faut
jouir dans la crainte d’Allah en ayant dans l’esprit la perspective eschatologique102.
Cependant, d’après le Coran, les hommes ont la prééminence sur les femmes dans le
domaine de la sexualité103. Une telle disposition du livre saint influence inévitablement la
conception de l’homme africain de la sexualité, de son approche de la femme en cas de
besoin d’union sexuelle.
Le coran souligne clairement que les relations sexuelles sont réservées aux gens
mariés ; en dehors de ce cadre, il prescrit la chasteté aux deux genres 104. Il autorise l’époux
d’exiger l’obéissance de son épouse voire la punition dans les rapports conjugaux ou la
châtier par des coups105. Le coran dit ailleurs que « les hommes sont supérieurs aux femmes
par le fait qu’Allah en a élevé plusieurs au-dessus des autres »106.
Le coran également condamne l’homosexualité et exige le châtiment de ceux qui s’en
sont rendus coupables. Il prohibe également la prostitution et la luxure. Tous ces péchés
sont considérés comme des crimes et punis par conséquence107 .
Par ailleurs, ni le Coran, ni la Sunna ne mentionne l’avortement volontaire. La
décision d’avorter est une affaire trop sérieuse pour être laissée à l’appréciation des
individus ; c’est pourquoi l’islam en confie la responsabilité à des spécialistes du droit et de la
médecine. Le Livre saint limite à quatre le nombre de femmes avec lesquelles un homme
peut être marié simultanément108.
D’après le coran, l’homme a le devoir d’assurer la subsistance de sa famille. Il peut
exiger de son épouse l’obéissance, ce n’est pas par consentement ou par amour. Les
relations entre époux doivent se dérouler de manière équitable. Au contraire, le rôle premier
et principal de la femme est d’être une épouse, une ménagère, une mère et une éducatrice
pour ses enfants109.

101
Mahomet, Le coran, traduction nouvelle et intégrale par Edouard Montet (Paris : Payot, 1958), p. 545 (Q 30,
20). Certaines traductions rendent les mots « affection » et « tendresse » par amour et compassion ou
miséricorde.
102
Ibid., 2, 222-223 (p. 112).
103
Ibid., p. 113.
104
Ibid. 70, 30-32 (p. 781).
105
Ibid., 4, 38 (p. 164) « Quant à celles dont vous redoutez l’inconduite, avertissez-les, et relevez-les dans les
chambres à coucher, et battez-les… ».
106
Q 4.38 (p. 164).
107
A. TH. Khoury, « Sexualité » in Adel Theodor Khoury (sous dir.), Dictionnaire de l’islam; histoire – idées –
grandes figures (Bruxelles: Brepols, 1995), p. 323.
108
L. Hagemann « Ethique », in A. TH. Khoury, Dictionnaire de l’islam, p. 148.
109
Ibid. Voir Le coran 4. 37 (p. 163).
30

ANNEXE 2

Sexualité dans l’histoire de l’Église


1. A la période patristique
Cette période comprend la période de l’Église primitive et des pères de l’Église en
passant pas les apôtres. Jésus-Christ n’a pas abondé dans cet enseignement bien que ses
coreligionnaires, les pharisiens, l’éprouvèrent par cette question. Il a simplement rappelé à
leur souvenir le principe directeur de la sexualité selon l’ordre de la création et dans l’esprit
de l’Ancien Testament où Dieu, par Moise, a fixé l’éthique sexuelle110. « Au commencement,
il n’en était pas ainsi », répondait-il aux juifs111. Une réponse qui remettait en cause la
conception et l’utilisation traditionnelles du sexe dans le milieu juif. A sa suite, les apôtres ont
fait écho de son enseignement dans plus d’une circonstance et toujours en continuité avec
l’Ancien Testament. Vous trouverez que les apôtres ont évolué dans la ligne de
l’enseignement de leur Maître en matière de la sexualité à telle point que dans l’Église
primitive l’éthique sexuelle a occupé une place importante dans l’enseignement à la
communauté.
L’apôtre Paul, par exemple, a mis l’accent sur la sanctification dans ses épîtres. Il
inclue dans sa liste des péchés pouvant empêcher l’accès dans le royaume de Dieu le péché
d’ordre sexuel (1 Co 6. 9). Dans 1 Corinthiens 7, il soutient que pour éviter le désordre
sexuel, il faut que chaque personne ait son partenaire ; sinon que chacun jouisse du don
particulier ou des talents naturels qu’il tient de Dieu sans les compromettre112. Dans 1
Thessaloniciens 4, il affirme clairement sa position sur la sexualité en ces mots : « Que
chacun de vous sache posséder son corps dans la sainteté et l'honnêteté, sans vous livrer à
une convoitise passionnée, comme font les païens qui ne connaissent pas Dieu »113. D’après
cette idée de Paul, la lumière qu’apporte à l’homme la connaissance de Dieu doit le
maintenir dans l’intégrité morale en termes de gestion de son corps.
Dans le sillage des apôtres, au début de la période patristique, la conception de la
sexualité, notamment la vocation au célibat, a causé la divergence immédiate de deux
traditions : la recommandation du célibat l’encratisme par le mouvement ascétique et le refus
du baptême aux gens mariés. Certains Pères, comme Tertullien, Jérôme, Grégoire de
Nysse, exaltaient la continence ou le célibat. Cette conception a marquée la pensée des
pères de la deuxième génération (2 e et 3 e siècles), tels que Tertullien et Clément
d’Alexandrie pour qui l’activité sexuelle doit être limitée114. Toutefois, dans un contexte
apologétique, Augustin fut le premier théologien à préciser et à fixer les grandes lignes de
l’éthique sexuelle. Il a défendu l’intégrité et la beauté du mariage institué par Dieu contre les
détracteurs de la vérité tels que les manichéens et le pélagianisme115. Il affiche vis-à-vis de
la sexualité une certaine méfiance, excepté la jouissance du sexe dans son cade instruit par
le créateur. Pour Augustin, la sexualité ordonnée par Dieu avant la chute est sans alternative
aucune. La pratique du sexe dans la ligne des objectifs indiqués par Dieu à la création de
l’homme n’est pas entachée par une quelconque culpabilité. La pratique du célibat ou de la
continence et d’autres formes de l’éthique sexuelle s’inscrivent dans le contexte de la chute.
Augustin argumente que la procréation est la seule raison de la création de la femme comme
aide semblable à l’homme afin que la terre fut remplie par leur descendance116.

110
Lév 18-20.
111
Mt 19. 4-8.
112
1 Co 7. 1-7.
113
1 Th 4. 3-5.
114
Jean-Yves Lacoste (sous dir.), Dictionnaire critique de théologie (Paris : Quadrige/PUF, 1998), p. 1006.
115
Ibid., p. 1006-1007.
116
Institut d’Etudes Augustiniennes, La Genèse au sens littéral, p. 115-117.
31

2. Au Moyen Age et à la Réforme


a) Au Moyen Age
Les théologiens du Moyen Age n’ont pas tout perdu de l’héritage augustinien dans le
domaine du mariage. Ses grandes lignes leur ont servi de support d’argumentation, sauf
chacun a ajouté son opinion selon ses convictions. D’aucuns comme Grégoire le Grand et
bien d’autres ne sont pas favorable à la sexualité. Pour Grégoire le Grand, dans tout acte
sexuel il y a péché du fait même du plaisir qu’il cause. D’autres comme Thomas d’Aquin sont
favorables à la sexualité. Thomas d’Aquin a une vue favorable de la sexualité, puisqu’il tient
que le plaisir sexuel est naturel. Fort de cela, il n est pas question de lui donner un caractère
peccamineux bien que l’acte sexuel empêche la contemplation117, estime-t-il. Contre ceux
qui accordent plus de crédibilité et de valeur à la virginité qu’à la chasteté conjugale, au
mariage, Thomas dit : « La virginité n’est pas supérieure au mariage »118. Cependant, il
établit un certain jugement de valeur entre la virginité et le mariage par rapport à leur utilité. Il
écrit : « La virginité est ordonnée au bien de l’âme en sa vie contemplative, qui est de
« penser aux choses de Dieu ». Le mariage, au contraire, est ordonné au bien du corps, qui
est la progression du genre humain »119. Il dit cela certes, cependant, il propose une solution
selon laquelle une personne mariée peut être meilleure qu’une vierge pour deux raisons : 1)
être satisfait du don tenu de Dieu sans accuser son prochain qui n’en a pas de pareil ; 2) ne
pas regretter le don accordé par Dieu d’avoir la vocation soit au mariage soit au célibat. Ce
qui régule la condition de chacun, c’est que Christ lui-même compense la perte de l’un ou de
l’autre120.
En clair, pour Thomas, toute union sexuelle n’est pas illicite ; c’est-à-dire que seul
tout acte sexuel conforme à l’ordre de Dieu et à celui de la raison n’est pas coupable. Il écrit :
« de même que l’alimentation peut être sans péché, lorsqu’elle a lieu avec la mesure et
l’ordre requis, selon ce qui convient à la santé du corps, de même l’acte peut être sans
aucun péché lorsqu’il a lieu avec la mesure et l’ordre requis, selon ce qui est approprié à la
finalité de la génération humaine »121. La sexualité est donc un don de Dieu dont il faut jouir
sans regret, ni désordre passionné, mais dans la norme voulue par Dieu.

b) A la Réforme
Les Réformateurs, réagissant contre l’attitude catholique à l’égard du mariage, n’ont
pas tout perdu de l’héritage d’Augustin. Ils n’ont pas aidé à équilibrer la pensée médiévale de
la sexualité, certes, cependant ils donnent plus d’importance à la satisfaction sexuelle dans
le mariage qu’ils respectent. Pour les Réformateurs, l’objet de leur combat est l’erreur
théologique de l’Église catholique faisant du mariage un sacrement. Luther écrit : « Aucun
texte de l’Ecriture ne permet de considérer le mariage comme un sacrement. Non seulement
cela, mais les traditions qui ont la prétention de l’exalter ainsi le réduisent en réalité à une
pure moquerie »122. Selon Luther, les mariages des infidèles n’étaient pas moins vrais ni
moins saints que ceux célébrés par l’Eglise aujourd’hui. Dans son apologie contre la doctrine
catholique du mariage, il fait comprendre que le mot « sacrement » n’est que la traduction du
terme grec mystère qui est employé dans le contexte de la description de l’union entre Christ
et l’Église. Et ce mystère du mariage spirituel de Christ avec l’Église, soutient-il, est compris
comme étant l’amour qui anime Christ envers l’Église au point de se sacrifier pour elle et les
soins dont il l’entoure123.
Dans le même contexte, Luther soutient fortement que se marier « n’est pas une
question laissée au libre arbitre, ou un conseil, mais une chose nécessaire et naturelle que
tout ce qui est homme doit avoir une femme et tout ce qui est une femme doit avoir un

117
Lacoste, p. 1107.
118
Thomas d’Aquin, Somme théologique, tome 3 (Paris : Cerf, 1985), p. 862.
119
Ibid. L’auteur explique que le mariage appartient à la vie active, car l’homme et la femme dans le mariage ont
nécessairement à « penser aux choses du monde ».
120
Thomas d’Aquin, Somme théologique, p. 862.
121
Ibid., p. 865.
122
Martin Luther, Œuvres, tome II (Genève : Labor et Fides, 1966), p. 232.
123
Ibid., p. 235.
32

mari »124. D’après le Réformateur, le mariage est une obligation divine parce qu’il figure
dans le mandat donné au premier couple en Eden.
Luther combat contre l’obligation des vœux de chasteté, contre l’interdiction absolue
du divorce parce que ces prescriptions briment la liberté et oppriment les consciences au
nom d’une loi qui n’a pas de fondement dans l’Ecriture. D’après lui, le mariage est certes
une institution de Dieu, mais son instituteur même ne lui a pas conféré un tel statut. Selon le
Réformateur, le mariage appartient plutôt à l’ordre de la création. C’est pourquoi,
argumente-t-il, « l’union de l’homme et de la femme est de droit divin et elle subsiste même
si, d’une manière ou d’une autre, elle s’est faite en opposition avec les lois des hommes.
Celles-ci doivent lui céder le pas sans aucun scrupule »125. Car, soutient-il, il n’est donné à
aucun homme le pouvoir d’interdire ce que Dieu a institué ou de dissoudre ce qu’il a uni de
son propre chef126. Dans son apologie contre la position et les pratiques de l’Église
catholique, Luther soutient fortement que se marier « n’est pas une question laissée au libre
arbitre, ou un conseil, mais une chose nécessaire et naturelle que tout ce qui est homme
doit avoir une femme et tout ce qui est une femme doit avoir un mari »127. D’après le
Réformateur, le mariage est une obligation divine parce qu’il figure dans le mandat donné au
premier couple en Eden.
Dans le cas du manque de virilité de l’homme constaté dans le foyer, Luther tranche
clairement et déclare ceci :
Si une femme apte au mariage épouse un mari inapte, si elle ne peut pas en
prendre publiquement un autre et si, de plus, il lui répugne de forfaire à
l’honneur […] alors, que cette femme dise plutôt à son mari : regarde, cher
époux, tu n’arrives plus à me donner mon dû et tu m’as frustrée de mo n jeune
corps ; de plus, tu as compromis mon honneur et le salut de mon âme, et il
n’y a devant nul mariage entre nous ; permets donc qu’un mariage secret
m’unisse à ton frère ou à ton plus proche parent, toi-même gardant le titre
d’époux pour que ton bien ne passe pas à des héritiers étrangers ; permets
que je te trompe avec ta volonté comme tu m’as trompée san s ma volonté128.

L’opinion du Réformateur est claire ; il autorise à l’épouse le divorce et le remariage


pour avoir été trompée par le mari inapte. Car, argumente-t-il, dans le cas du refus du droit
de jouissance du sexe à sa femme, c’est se moquer d’elle129 . Cependant, il ne dit rien de la
stérilité de l’épouse habituellement accusée par sa société même sans vérification, ni
preuve.
Comme Luther, Calvin soutient le principe selon lequel la morale relève d’abord de la
responsabilité personnelle, donc de la liberté ; ce n’est que secondairement, pour éviter de
trop de désordres que les lois de l’Etat peuvent intervenir en ce domaine130. Pour Calvin, le
mariage est la voix légale et autorisée pour la jouissance du sexe. Il soutient véhément qu’il
ne convient pas, par une imposition d’un quelconque vœu de chasteté, d’empêcher les
jeunes de vivre pleinement leur sexualité et de contraindre les veuves à comprimer leur désir
sexuel alors qu’elles sont encore à l’âge de se remarier. Il déplore le sort de ces femmes que
l’Église catholique maintient sous le danger d’incontinence :
C’est une chose bien plus insupportable encore, que de pauvres jeunes filles,
avant qu’elles aient eu le loisir de se connaître elles-mêmes, avant qu’elles
aient pu faire essai de leurs forces, soient non seulement induites par

124
Luther, Oeuvres, tome III, p. 226.
125
Martin Luther, Œuvres, tome II, p. 237.
126
Ibid., p. 236.
127
Luther, Oeuvres, tome III, p. 226.
128
Luther, Oeuvres, tome III, p. 228.
129
Ibid.
130
Eric Fuchs, « Sexualité » in Isabelle Engammare (sous dir.), Encyclopédie du protestantisme (Paris/Genève :
Cerf/Labor et Fides, 1995), p. 1448.
33

adresse et par des pratiques artificieuses, mais encore contraintes par force à
s’engager dans ce maudit et malheureux esclavage131.

Compte-tenu des enjeux du choix unilatéral et des conséquences qui s’ensuivent,


Luther donne son opinion plus prononcée sur cette question :
Quand les fiançailles se font sans que le père et la mère ou les remplaçants
du père le sachent et y consentent, on doit s’en tenir à celle que le père veut,
car, si la jeune fille est trompée, cela est néanmoins de sa faute. Elle devrait
en effet savoir qu’un enfant doit soumission et obéissance à son père et
qu’elle n’a pas le droit de se fiancer sans que ce dernier le sache, de sorte
que toutes ces promesses secrètes cessent et disparaissent par le pouvoir
des parents et par l’obéissance qui leur est due132.

Comme Luther, Calvin défend l’idée selon laquelle l’Église n’a aucun droit d’interdire
le mariage et la jouissance du sexe.

131
Jean Calvin, Institution de la religion chrétienne, tome troisième, trad. par. Charles Icard (Genève : Guers,
1818), p. 247.
132
Martin Luther, Œuvres, tome III, (Genève : Labor et Fides, 1963), p. 235.
34

ANNEXE 3
L’homme et la femme dans leur particularité
Extrait de Dr Paul Popenoe, fondateur de l’Institut Américain des Relations
Familiales à Los Angeles, in James C. Dobson, Le mariage et la sexualité (Deerfield :
Miami, 1992), p. 81-82.
Selon Dr Paul Popenoe, les hommes et les femmes diffèrent considérablement
dans la manifestation de leur désir sexuel133.
1. L’homme et la femme ont les mêmes besoins en matière de valeur personnelle et de
sécurité affective, mais ils comblent généralement ces besoins de manière différente surtout
si l’épouse est une femme au foyer à plein temps. L’homme tire son estime du respect
d’autrui, tandis que la femme a besoin de l’amour d’autrui pour être à l’aise.
2. La femme a une constitution plus vigoureuse, peut-être à cause de cette différence
chromosomique. Normalement, son espérance de vie dépasse de plusieurs années celle de
l’homme.
3. Les sexes diffèrent dans leur métabolisme de base : celui de la femme est généralement
plus faible que celui de l’homme.
4. Ils se différencient par la structure de leur squelette : la femme a en principe une tête plus
courte, un visage plus large, un menton moins saillant, des jambes plus courtes et un tronc
plus long. Habituellement, l’index de la femme est long que son auriculaire. Les garçons
gardent leurs dents plus longtemps que les filles.
5. Les femmes ont un estomac, des reins, un foie et un appendice plus grands, mais des
poumons plus petits.
6. Sur le plan des fonctions, la femme en a plusieurs et non des moindres qui manquent
totalement à l’homme : la menstruation, la grossesse, la lactation. Celles-ci influent toutes
sur son comportement et ses sentiments. Elle dispose dune plus grandes variété
d’hormones que l’homme. La même glande n’a pas le même comportement d’un sexe à
l’autre : la thyroïde de la femme est plus grande et plus active, elle se développe durant la
grossesse, ainsi que durant les règles ; elle la prédispose davantage aux goitres, améliore
sa résistance au froid, est responsable de sa peau lisse, de son corps relativement moins
poilu, et de la fine couche de graisse sous-cutanée qui constituent les éléments essentiels
de sa beauté. Elle contribue aussi à son instabilité émotionnelle : elle rit et pleure plus
aisément.
7. Le sang de la femme contient davantage d’eau, 20 % de globules rouges de moins.
Comme ceux-ci fournissent l’oxygène aux cellules du corps, elle se fatigue plus vite et elle
est plus sujette aux évanouissements. Aussi sa vigueur constitutionnelle est-elle
essentiellement à la longue échéance. Quand pendant la guerre, on a fait passer la journée
de travail dans les usines britanniques de 10 à 12 heures, les accidents des femmes ont
augmenté de 50 %, alors que ceux es hommes restaient au même niveau.
8. La force physique des hommes dépasse de 50 % celle des femmes.
9. Le cœur des femmes bat plus vite : 80 pulsations par minute, contre 72 pour les hommes :
leur pression artérielle (inférieure de 0,10 à celle des hommes) varie de minute en minute,
mais elles sont beaucoup moins sujettes à l’hypertension, du moins jusqu’après la
ménopause.
10. Leur capacité vitale ou leurs capacités respiratoires sont plus faibles dans un rapport de
7 pour 10.
11. Elles supportent mieux que les hommes les hautes températures : leur métabolisme
ralentit moins.

133
James Dobson, Le mariage et la sexualité (Deerfield : Vida, 1982), p. 76-77.
35

ANNEXE 4
Facteurs de changements et de déviances par rapport à la sexualité
Extrait de Buakassa Tulu Kia Mpansu134

Dans son article La sexualité. Dune culture à l’autre, Buakasa témoigne


qu’« aujourd’hui, le contexte africain de la sexualité a considérablement changé. Les facteurs
de changement son nombreux ». Il s’agit notamment la culture, la globalisation,
l’industrialisation et l’influence de l’argent.
La scolarisation, comme un des aspects de la culture, a été introduite par la
colonisation en tant que tout autre cadre éducatif différent des systèmes traditionnels
d’éducation en Afrique. Elle a sa philosophie, ses fins, ses méthodes, ses programmes et
ses résultats. Elle assure une condition essentielle de transfert de connaissances et
technologies, y compris la sexualité. « Elle propose d’autres considérations des valeurs,
d’autres visions du monde et modalités de maîtrise du monde. Ainsi, elle modifie la
conception de l’homme et donne à la femme de prendre une autre conscience d’elle-
même »135. Ses programmes imposent aux jeunes une longue durée, et par conséquent une
longue attente d ans le domaine de la sexualité. A cause de sa longue durée, la scolarisation
prolonge et repousse l’âge du mariage, modifie l’appréciation de celui-ci par le scolarisé
émancipé vis-à-vis de la tradition136.
A la scolarisation, il faut ajouter la globalisation dans le contexte duquel il y a « la
rencontre obligée des cultures et traditions opérées à la suite du brassage des groupes
sociaux et individus au sein des mêmes et nouveaux ensembles sociaux, religieux,
économiques ou culturels nationaux »137. Au cours de cette rencontre, les coutumes et
traditions particulières, jusque là vues comme référence et cadre d’éducation et de gestion
des hommes, sont relativisées et rendues folkloriques138, à la faveur de nouvelles valeurs. La
sexualité n’est plus soumise aux règles sociales établies.
Autre facteur de changement de conception contemporaine de la sexualité est
l’industrialisation. Buakasa écrit : « La politique sexuelle arrêtée par l’industrie de
l’Occident qui fabrique les contraceptifs, est orchestrée principalement par la Banque
Mondiale. Cette politique prend corps chez nous principalement avec la propagande et les
enseignements de « naissances désirées », suivis de l’emploi des contraceptifs signalés ci-
dessus »139. Dans la société anonyme, les contraceptifs « libère » les jeunes filles et les
femmes qui ne redoutent plus la grossesse et leur permet d’avoir des relations sexuelles à
volonté. Désormais, « la sexualité est en voie d’échapper au contrôle social traditionnel »,
affirme Buakasa140.
En fait, hormis les facteurs susmentionnés, l’influence de l’argent sur la jeunesse
affecte de façon indéniable la mentalité des jeunes qui ne se contiennent plus dans la
discipline des seuls parents. L’Église comme peuple d’espérance renferme des membres qui
travaillent dans les industries de production des contraceptifs, dans les ONGS qui font la
promotion de ces instruments, ou bien ceux qui en font l’expérience.

134
Buakasa, « La sexualité. D’une culture à l’autre », in Association des Moralistes zaïrois, Morale et société
zaïroise; actes de la première rencontre des moralistes zaïrois du 1er au 4 Novembre 1978, p. 63-72.
135
Ibid.
136
Ibid. Dans la tradition, le mariage est précoce et cette précocité est valorisée, et cela contrairement aux
sociétés modernes où la précocité du mariage est indigne.
137
Ibid.
138
Ibid.
139
Buakasa, « La sexualité. D’une culture à l’autre », in Association des Moralistes zaïrois, Morale et société
zaïroise; actes de la première rencontre des moralistes zaïrois du 1er au 4 Novembre 1978, p. 63-72.
140
Ibid.
36

ANNEXE 5

Quelques défis de la sexualité pour l’Église en Afrique


1. Polygamie
La polygamie est considérée dans plusieurs sociétés africaines comme signe de
noblesse, alors que le traitement des polygames dans l’Église demeure un réel problème
dans la pastorale africaine. Nous en voulons pour preuve, la consultation théologique tenue
à Moundou au sud du Tchad en Août 1981 par deux instituts bibliques à l’intention des
pasteurs, évangélistes et missionnaires. A l’ordre du jour, il y avait uniquement le traitement
des polygames dans l’Église. Toutes les dénominations membres de l’Entente des Eglises et
Missions Evangéliques au Tchad (EEMET) y avaient pris part pendant quatre jours. Les
résolutions de cette consultation n’avaient pas requis l’unanimité des participants. Oui/mais,
oui/non, oui ou non, était le résumé des discussions lors de cette consultation. Pour les uns,
tous les polygames n’ont pas le droit d’exercer une responsabilité dans l’Église ; d’ailleurs
Dieu n’agrée pas leurs dîmes et offrandes. Pour d’autres, on ne peut pas mettre tous les
polygames sur le même banc des accusés ; il faut étudier les cas et les traiter séparément
avant de leur appliquer la mesure disciplinaire. L’explication est que les polygames dans
l’Église ne viennent pas tous du même contexte culturel ou arrière-plan religieux. Un autre
groupe tenait que les polygames venus du paganisme avec un tel statut dans le
christianisme peuvent participer à la sainte cène, donner à Dieu leur dîme et offrandes
diverses, mais ils ne sont pas autorisés à assumer une responsabilité dans l’Église.
Cependant, tous les participants tenaient le même langage au sujet des chrétiens qui
sont devenus polygames ou des femmes qui s’engagent dans un lien de mariage avec un
polygame après avoir reçu la lumière de l’Évangile et le don du Saint-Esprit. Ils n’ont part ni à
la sainte cène, ni à une responsabilité dans l’Église et n’ont pas la liberté de donner dîme ou
offrande à l’Église. Ils peuvent faire des libéralités suivant la direction de l’Esprit à certaines
catégories de personnes dans l’Église ou aux œuvres chrétiennes. Ils sont encouragés à
exceller dans l’exercice de l’hospitalité et à pratiquer d’autres œuvres bonnes141.
L’enjeu du traitement de ce groupe comme les premiers apparaît dans l’appréciation
du degré du mal vu dans la polygamie ou l’indignité de la personne aux yeux des hommes et
devant Dieu. En dépit de l’étiquette qu’on lui affiche et du sentiment discriminatoire à son
endroit, ses services, ses dons et dîmes sont acceptés et acceptables par le peuple de Dieu,
mais ils sont supposés désapprouvés par Dieu. Alors, quelle est la norme pour la pastorale
appropriée dans ce cas ? Tout lecteur épris de compassion et de justice pour ce groupe peut
y répondre en proposant un canev as d’enseignement dans un autre article.
Ce qui est observé dans un foyer polygame se vit sous un autre angle dans un
mariage circonstanciel ou selon la règle traditionnelle.

2. Le lévirat/sororat
La loi hébraïque obligeait un homme à épouser la veuve de son frère mort sans
descendant mâle. Cette pratique est appelée lévirat. En ethnologie, le lévirat est la coutume
selon laquelle la ou les épouses d’un homme deviennent à sa mort les épouses de son frère,
de ses frères142. Comme la polygamie, le lévirat dans certaines sociétés africaines est aussi
règlementé par le groupe social, parce qu’en Afrique, la femme est la propriété du groupe
familial, partant du clan. Vangadang le confirme pour le peuple marba en ces mots : « Elle
est considérée comme un bien matériel pour la famille de son époux. Ainsi, quand le mari
meurt, la femme et les enfants sont donnés en héritage au même titre que les biens
matériels du défunt »143. Le but est de s’occuper des orphelins ou de perpétuer le nom du
141
Suite à cette disparité d’attitude des dénominations envers les polygames et de leur traitement par l’Église,
l’on observe curieusement dans certains milieux l’émergence des communautés des polygames, créées par des
polygames et constituées des polygames. Les motifs de leur émergence varient d’un contexte à l’autre, certes,
mais elles sont créées sur fond de colère, de révolte, de revendication de l’autonomie ou de responsabilité dans
l’Église.
142
Dictionnaire Le Petit Larousse 2008 Multimédia. CR-ROOM PC.
143
Vangadang, p. 25.
37

défunt, parce que le lévirat lie la femme au clan de son époux. Coutume très pratiquée avant
les indépendance s, le lévirat est une pratique moins acceptée par et dans les sociétés
modernes. Sa pratique devient un sujet de débat entre la tradition et la modernité.
Il se trouve que certains membres d’églises, hommes et femmes, sont fortement liés
par et à cette pratique malgré les injonctions de leur éthique chrétienne. Il en va de même
pour le sororat qui est le système où la sœur cadette de l’épouse décédée vient remplacer
celle-ci auprès du mari. De nos jours, cette pratique est plus relevée en milieu rural qu’en
milieu urbain où toute acceptation d’une charge est déterminée par le standing économique
de la personne. Les hommes, contraints par les exigences de la tradition, s’engagent à
prendre en plus de leur épouse la ou les veuves du frère défunt. Il y en a qui, sous les
regards impuissants de leur église et leaders, sont rendus victimes la pression du groupe
social. Et les églises voient faire, laissent faire par les uns ou les autres.
C’est justement en ce moment de persécution ou de déviation par rapport à la norme
biblique que l’Église est appelée à faire preuve de présence auprès des victimes pour les
fortifier et les encadrer. C’est aussi l’occasion pour l’Église de donner des enseignements
contextuels afin de corriger les erreurs dans les cœurs et libérer les âmes africaines des
liens du mal et de la pesanteur culturelle. Car, en dépit des déviations que nous impose la
tradition et des défis qu’elle révèle pour le témoignage chrétien, la voie de Dieu demeure
immuable pour servir de norme en matière de foi et de conduite dans ce monde moderne.

3. Pratiques non conformes à l’Évangile


Nous n’aurons jamais assez parlé des pratiques non conformes à l’Évangile dans cet
article. Nous prenons ici au moins trois exemples qui méritent une attention particulière à la
lumière de l’Évangile et de la théologie, à savoir la polygamie, le lévirat et le veuvage.
Premièrement, dans les sociétés africaines modernes, comme nous l’avons signalé
dans les pages précédentes, la polygamie a plusieurs interprétations. Et le consensus
communautaire l’accepte telle dans ses différentes explications, sans prendre le soin de
s’interroger sur le bien-fondé de cette pratique, ni sur ses enjeux pour la société en général,
et pour la femme en particulier. Or, selon le bon sens même, la polygamie bafoue les droits
et la dignité de la femme créée à l’image de Dieu comme l’homme144. L’Ecriture dit.
« Homme et femme il les créa ». Le singulier confirme l’unité de l’homme et l’unité de la
femme, l’un destiné pour l’autre au commencement. C’est dans cette unité qu’est prévue
l’opération de devenir une seule chair. Le calcul divin « les deux deviendront une seul
chair », souligne essentiellement le domaine intime de l’être. Il ne s’agit pas d’une fusion de
deux êtres en une seule, ni d’une perte de l’un dans l’autre, ni même d’une juxtaposition de
deux personnes, mais fondamentalement d’une rencontre radicale de deux émotions
distinctes qui s’interpénètrent sur le terrain de l’affect. Dans ce contexte, il n’y a pas de place
pour la polygamie.
Deuxièmement, le lévirat imposé à un chrétien vivant déjà avec une femme ou à une
chrétienne est une insulte de la dignité de la personne ainsi chargée par sa société ou
tradition. Car, ses droits et sa dignité sont aussi bafoués par la soif et le désir égoïste des
hommes. Il se trouve que chez les marba, « lorsque la femme refuse d’être donnée en
héritage, elle quitte la famille de son défunt mari et doit restituer la dot qui est un bien
commun à tous les membres de la famille »145. Curieusement, cette pratique se perpétue
dans nos sociétés bien qu’elle ne soit pas conforme à l’Évangile. Cette pratique porte
atteinte au fondement théologique du mariage. Il est écrit : « Au commencement, Dieu créa
l’homme et la femme », c’est-à-dire un homme pour une femme et une femme pour un
homme. Dieu n’a pas répudié Israèl qu’il considère toujours comme son épouse, Christ non
plus n’a répudié l’Église son épouse pour se donner à une autre épouse. C’est la dureté et la
limitation de l’être humain qui l’amènent à donner une certaine importance au lévirat. Or, la
personne que la tradition envoie sous un autre toit qui ne lui est pas destiné ne s’épanouira
pas sur tous les plans.
Troisièmement, le veuvage est aussi un autre rite que les sociétés africaines
perpétuent après la mort du ou de la partenaire. La Bible dit clairement que le lien de

144
Diocèse de Goré, Foi et tradition ; inculturer et évangéliser en profondeur, p. 17.
145
Ibid. p. 25.
38

mariage est pour la vie des deux personnes, car le lien de mariage unit une personne à une
autre de leur vivant. Dès qu’intervient la mort, ce lien est rompu et rien ne peut empêcher le
veuf ou la veuve de se remarier si le désir l’y engage et la force le lui permet. Aucun délai
n’est fixé dans l’Ecriture auquel l’on doit se conformer. Aussi, le veuvage n’est soumis à
aucun rite indiqué dans l’Ecriture146.
Autres défis à la fois latents et patents que l’Église en Afrique est appelée à relever
par l’enseignement relèvent des facteurs complexes, à savoir scolarisation, urbanisation,
industrialisation, argent. L’urbanisation croissante qui exige des heures de séparation entre
parents et enfants dans les ménages. Ces enfants abandonnés pour des raisons
professionnelles manquent d’affection, d’éducation et de sécurité dans les familles. Puisqu’ils
se forment sur tous les plans sans encadrement et sans repère, ces enfants sont parfois
abusés et maltraités par les adultes recrutés pour la cause, mal vus par les parents comme
s’ils étaient des ennemis. L’urbanisation engendre un autre phénomène social, l’exode rural
qui verse les jeunes et les bras valides dans les villes à la recherche d’emploi et de
nouveaux modes de vie.
Ce mouvement de masse crée d’autres situations socioculturelles telles que le
brassage des cultures, la promiscuité faute d’habitat adéquat et de moyens pour se prendre
en charge, le phénomène des enfants de la rue. Il en résulte le viol de filles par leurs
employeurs, la pauvreté ou la misère dans les villages fautes de bras valides et même dans
les villes faute de compétence pour telle ou telle activité, la prostitution, l’exposition à
l’influence d’autres éducateurs parallèles (internet, télévision, presses, etc.). Par voie de
conséquence, le braquage à mains armées, la prévalence du VIH/SIDA dans les villes, la
croissance de l’effectif des orphelins, tout cela devient le lot quotidien pour les sociétés
africaines.

146
Il se trouve que dans la pratique, le veuvage imposé ou consenti par la personne concernée entraîne et/ou
provoque la cupidité. Généralement, le soin pris pour le revêtement de la personne au terme d’un délai donné,
l’investissement dans le matériel sort de la logique quand on se rend compte de la manière dont les gens émettent
des réserves vis-à-vis de leurs bien-aimés malades.
39

ANNEXE 6

Principales étapes du processus du mariage


1. Choix de la fi ancée
Responsabilité des parents : Dieu est celui qui a institué et célébré le mariage du
premier couple. Il l’a authentifié par les bénédictions dont ce mariage est accompagné. Il
passe aux parents la responsabilité de marier leur fils et de donner l eur fille en mariage à qui
la demande. Dans l’histoire sainte, le choix de la fiancée est une responsabilité partagée par
les parents et le jeune homme ; il requiert le consentement des deux parties : parents du
garçon et ceux de la fille (Gn 24.8). Par la suite, on relève quelques exceptions, à savoir
Samson qui prit une philistine sans écouter ses parents et pour sa propre ruine (Juges 14.1-
16.31), Esaü qui prit deux femmes sans l’implication de ses parents et dont les femmes
rendirent la vie amère à ses parents. Gn 26.34-35 raconte les propos de sa mère: « Je suis
dégoûté de la vie à cause de ces femmes hittites. Si Jacob épouse aussi une des filles de ce
pays, cela ne vaut plus la peine que je vive » Cf. 27.46-47.
Critères de choix : Dieu a donné à l’homme la sagesse et l’intelligence afin d’exercer
le discernement des critères essentiels du choix de leur conjoint(e). Pour une sexualité
épanouie dans le processus du mariage, il faut tenir compte de certains critères, tels que le
critère spirituel, le critère moral, le critère social, le critère physique. Entendons par critère
spirituel l’appartenanc e des deux prétendants à la famille de Dieu sur la base de la foi, l’unité
ou l’identité du lieu de culte, le partage de la même éthique et de la même espérance. Le
critère moral prend en compte l’éthique de la personne, entre autres caractère, intégrité,
discipline personnelle, tempérament, ouverture à autrui, capacité d’écoute de l’autre, etc.
Quant au critère social, la référence est faite à l’aptitude au travail, l’amour pour le travail, le
travail d’une main joyeuse, l’endurance, l’hospitalité, etc. Enfin le critère physique porte sur la
beauté de la personne que l’on choisit comme partenaire de vie ; cet élément est très relatif
et dépend plus de l’élément fondamental dans l’individu même, notamment l’amour. Ces
indicateurs sont des variables à considérer dans le processus du mariage et dans
l’enseignement sur la sexualité.
Ces exemples offrent aux leaders et éducateurs des menus importants pour
enseigner aux jeunes les normes sociales et bibliques à suivre pour un mariage réussi et
épanoui. Cette phase requiert une inculturation préalable afin d’asseoir la base de la foi et de
la confiance en Dieu. Entendons par inculturation le processus d’incarnation de l’Évangile au
sein d’une culture donnée à l’instar de Dieu qui s’est fait homme dans une culture pour le
salut des hommes de toutes les cultures147. Et la lumière qu’apportent la foi et l’Évangile
conduiront les jeunes dans le processus du choix de leur partenaire et pendant les
fiançailles.

2. Les fiançailles
Il y a deux éléments importants à mentionner dans cette partie : le cadre du choix et
la durée des fiançailles.
Parlant du cadre du choix du fiancé ou de la fiancée, il convient de noter que le
partenaire de vie dans le mariage doit être dans le Seigneur, appartenir à la famille de Dieu,
donc enfant (2 Co 6.14-16). Curieusement, les mariages inter raciaux, inter tribaux, inter
confessionnels (Cf. Jg 14.3) ne constituent pas une préoccupation majeure sur laquelle il
faut élaborer une réflexion. Le seul critère qui vaut est l’appartenance de la personne à la
famille de Dieu. Nous en voulons pour preuve le cas d’Isaac et Rebecca à propos duquel
Abraham exige à son serviteur par serment de prendre pour son fils Isaac une femme de sa
propre patrie. L’éthique d’Abraham déterminée par son alliance avec Dieu l’empêche de
compromettre la relation de sa descendance avec le Dieu saint par un mariage avec une
païenne (Gn 24.3-4).

147
Diocèse de Goré, Foi et tradition ; inculturer et évangéliser en profondeur , 6e Assemblée diocésaine, Donia,
27 Septembre – 2 Octobre 2004, p. 9-13.
40

En effet, l’exigence de Dieu d’épouser une personne parmi ses enfants est d’éviter
toute confusion, corruption, idolâtrie et donc perversion de la vie devant lui et dans la vie de
ses enfants. Quelques fois, pour certaines raisons d’ordre social ou culturel, la sagesse veut
que le jeune homme se marie avec une fille de son propre milieu. Notons que dans la Bible,
la fiancée est parfois appelée « épouse » et se trouve liée par les mêmes obligations de
fidélité vis-à-vis de celui qui l’a choisie.
Au sujet de la durée des fiançailles, il convient de dire qu’elle est indéterminée, même
dans l’Ecriture. Dieu n’a pas laissée une norme devant régir la gestion des fiançailles. Cet
élément est très relatif et dépend des circonstances ou contextes. Un regard sur Gn 24.1-
67 permet d’être sobre sur une décision à prendre. Ce texte dit qu’aussitôt après le
versement des cadeaux aux parents de Rebecca et l’obtention de l’accord de la fille. Le cas
de Jacob et Rachel dans Gn 29.18-21 est juste l’opposé de cette pratique. C’est après sept
ans de service qui équivalent à sept ans de fiançailles que Jacob réclame Rachel pour
femme pour la consommation du mariage. Dans Matthieu 1.18, la durée des fiançailles entre
Joseph et Marie semble avoir une durée relative.
En effet, les leaders d’églises et des mouvements des jeunes doivent prendre le soin
d’instruire les parents sur leur attitude vis-à-vis des enfants pendant leur croissance et sur la
nécessité de leur accorder une attention particulière par rapport à leurs intentions sexuelles.
L’encadrement spirituel doit résoudre le problème des fluctuations que développent certains
jeunes dans des moments de crise émotionnelle. Un autre élément d’une importance relative
est la dot dans le processus du mariage.

3. Le mohar148 en hébreu, traduit par ‘dot’ qui signifie « cadeaux ».


La dot n’est pas une pratique universelle dans le processus de mariage, cependant
elle est très ancienne. Dans la tradition des peuples, entérinée par la Bible, le fiancé ou son
père était tenu de verser au père ou au tuteur de la fille une compensation d’ordre
économique parce que la fille représente une main-d’œuvre pour ses parents. Cette
compensation est nommée mohar. Elle scelle l’alliance et lie les deux familles.
A proprement parler, la dot est un cadeau fait à la fiancée ou au fiancé par son père.
Sa nature est très variable. Elle consistait en années de service (Gn 29.18, Ex 3.1), en terres
(Jg 1.15, 1 Rs 9.16), serviteurs (Gn 24. 59, 61) ou en d’autres biens. C’est seulement quand
cette condition était remplie que le mariage était conclu et la jeune fille était livrée à son
maître.
Du point de vue juridique, du moins dans les sociétés où cette pratique est en
vigueur, c’est le paiement complet du mohar qui scelle le mariage. Parfois, le transfert
solennel de l’épouse dans la maison de son mari peut différer, par exemple en raison de la
minorité de l’un des deux jeunes mariés ou pour des raisons d‘études comme c’est le cas de
nos jours. Toutefois, la fille est une épouse au sens légal du terme (Dt 22.24, 2 Sa 3.14) ;
aussi son viol est puni comme un adultère (Dt 22.23-27). Dans l’ère contemporaine, le
matérialisme vient coupler avec la cupidité des parents pour modifier le contenu du mot dot
et affecter sa valeur. Or, dans la pratique biblique du mariage, c’est à la fin de la période
retenue par consensus et fort de ces préliminaires socio-juridiques, que le mariage est alors
organisé.

4. La célébration du mariage
Cette phase renferme également quelques étapes selon les coutumes africaines.
Cependant, pris sous l’angle biblique et théologique, il y a deux éléments essentiels pour
rendre le mariage concret et lui rendre toutes ses valeurs. Il s’agit de la célébration et de la
consommation du mariage.
Premièrement, en Israèl et chez les peuples voisins, les cérémonies de mariage sont
organisées par les parents du jeune homme à son domicile ou chez les parents de la fille Cf.
Gn 29.22. La fête des noces organisée par le père de l’époux, est l’occasion des
réjouissances populaires considérables (Mt 22.1ss, 25.1ss, Jn 2.1ss). On peut voir en cela
l’avant-goût des noces que Christ au ciel prépare pour l’Église, son épouse. Or, le mariage,
dans nos sociétés contemporaines, est souvent une occasion de disputes parce que

148
« Easton’s Bible Dictionary (Revised) » in CD-ROOM Theophilos 3.
41

l’homme et la femme ont brûlés les étapes. De nos jours, l’Eglise est le lieu indiqué et neutre
où les cérémonies de mariage peuvent et/ou doivent être organisées. Exception est faite
pour les cas spécifiques que l’Eglise peut étudier et délibérer à propos. Généralement, les
parents et les amis bénissent les mariés et leur souhaitent du bien (Gn 24.60, Rt 4.11).
Deuxièmement, la consommation du mariage est la phase ultime tant attendue par
les nouveaux mariés avec l’approbation des deux familles et de toute la communauté,
surtout la bénédiction de l’Église. Généralement, les mariés sont escortés jusqu’à la
chambre nuptiale, souvent par les parents (Gn 29.23) afin de leur donner l’occasion
d’expérimenter la joie, la grandeur et la profondeur de ce don de Dieu qui est la sexualité149.
Cette phase exige par endroits (coutumes en vigueur dans certaines parties du Proche-
Orient) l’examen des preuves de la virginité de la jeune mariée (Dt 22.13-21). Ici, il importe
de noter que « le but du lien conjugal n’est pas de garantir la présence d’un partenaire
sexuel, mais de permettre de vivre ce fait paradoxal qu’on ne devient vraiment soi que dans
le service d’un autre »150. On parlerait de la découverte de soi et de l’autre dans cette
communion intime de deux êtres.

149
Benno van den Toren, « Sexualité et intimité », p. 1.
150
Pipper, L’Évangile et la vie sexuelle, p. 107.
42

TABLE DES MATIERES

Introduction .......................................................................................................................... 1
I. SEXUALITE DANS LE PLAN DE DIEU ........................................................................ 2
A. Sexualité dans la Bible ....................................................................................................... 2
1. Création de l’homme et de la femme ................................................................................... 2
2. La sexualité dans le contexte du péché ................................................................................ 4
B. Importance de la sexualité dans le plan de Dieu .................................................................. 6
1. Valeur de la sexualité .......................................................................................................... 6
2. But de la sexualité ............................................................................................................... 6
3. Limite de la sexualité (perspective eschatologique) ............................................................. 7
II. SEXUALITE DANS LES SOCIETES AFRICAINES ................................................... 8
A. Sexualité dans les sociétés africaines traditionnelles ........................................................... 8
1. Mœurs africaines relatives à la sexualité.............................................................................. 8
2. Les pratiques déviantes de la sexualité en Afrique ............................................................. 11
B. Sexualité dans les sociétés africaines modernes ................................................................ 13
1. Liberté et droits humains ................................................................................................... 13
2. Vulgarisation du programme de planning familial et du sexe sans risque (contraception) .. 14
3. Educateurs parallèles sur la sexualité ................................................................................. 14
C. Quelques défis de la sexualité contemporaine dans les églises africaines........................... 15
1. L’utilisation des contraceptifs............................................................................................ 15
2. Le VIH/SIDA et les PV/VIH ............................................................................................. 16
3. Disparité de la sérologie et manque de virilité dans le couple ............................................ 16
III. REPONSES DE LA BIBLE AUX ORIENTATIONS SEXUELLES ......................... 17
A. Le plaidoyer de l’Église................................................................................................... 18
1. Education sur la sexualité des jeunes ................................................................................. 18
2. Enseignement sur le mariage et le célibat .......................................................................... 19
3. Enseignement sur la sexualité et le mariage ....................................................................... 20
B. Rôle des leaders ................................................................................................................ 22
1. Communication verbale sur la sexualité ............................................................................ 22
2. Communication non verbale sur la sexualité ...................................................................... 23
C. Rôle de la théologie africaine sur la question de la sexualité ............................................. 23
1. Théologie en dialogue avec la tradition sur la sexualité ..................................................... 23
2. Repenser le mode de communication de l’éthique chrétienne de la sexualité ..................... 24
Conclusion ........................................................................................................................... 25
BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................. 26
ANNEXES ........................................................................................................................... 28
TABLE DES MATIERES .................................................................................................. 42

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