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Accueil Toutes les revues France moderne et contemporaine Liste des problèmes Tome 13, numéro 1 Chirac and ‘la Françafrique’: No Longer ....
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Volume 13, 2005 Numéro 1 : La France et l'Afrique à l'ère de la mondialisation
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Chirac and ‘la Françafrique’: No Longer a Family Affair
citations à ce jour Tony Chafer
Pages 723 | Publié en ligne : 23 août 2006 Citer
62
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carré' — en Afrique subsaharienne, fondé sur une série de liens familiaux avec ses anciennes colonies. La guerre froide
L'international
Contexte du français
fourni un environnement favorable au développement de cette relation privilégiée, les ÉtatsUnis voyant
Politique africaine La présence française dans cette partie du monde est utile pour contenir le communisme. Cependant, suite à
196090
Depuis la fin de la guerre froide, la France a dû s'adapter à un nouvel environnement politique international, plus
'Le garder dans le compétitifs et moins propices au maintien de tels liens familiaux. Cet article retrace l’évolution
Famille'
des relations francoafricaines à l'ère de la mondialisation, alors que les gouvernements français ont entrepris une démarche hésitante
Africain français
processus d’adaptation politique depuis le milieu des années 1990.
Politique dans le monde
Ère
De Mitterrand à
Chirac : la recherche
pour un nouvel africain
Politique
Contrairement à la décolonisation en Indochine et en Algérie, le transfert du pouvoir en Afrique noire a été largement pacifique ; comme
Français renouvelé il n’y a donc pas eu de rupture des relations avec l’ancienne puissance coloniale. Au contraire, les années qui ont suivi
Activisme en Afrique
Les indépendances furent marquées par une intensification des liens avec la France. La rhétorique officielle souvent évoquée
Depuis 2002
Élections la grande famille francoafricaine et le terme « la Françafrique » témoignaient d'une relation symbiotique dans laquelle
« L'Afrique est vécue dans les représentations françaises comme un prolongement naturel où le monde francophone et
Conclusion
La francophilie fusionne » (Bourmaud, 2000). En fait, une grande variété de termes ont été inventés pour décrire ce phénomène.
Notes de bas de page
relation privilégiée : les pays concernés sont traditionnellement qualifiés de « pays du champ » ou
Les références le « pré carré » de la France, tandis que le réseau d'acteurs reliant la France à l'Afrique a été diversement qualifié de
‘la Françafrique’, ‘le Parisvillage africain’, the ‘complexe francoafricain’ and ‘l'État francoafricain’.1
Cet article identifiera les principales caractéristiques du contexte international qui ont rendu le développement de cette
relation « familiale » particulière possible et passer en revue les principales caractéristiques distinctives de la politique africaine française
dans la période immédiatement postcoloniale. Il expliquera ensuite pourquoi la fin de la guerre froide et les défis de
la mondialisation rendait indispensable une nouvelle approche des relations francoafricaines, même si certains au sein de la France
La communauté politique africaine a apparemment cru pendant quelques années qu'il était possible de continuer
comme avant. Le génocide de 1994 au Rwanda et l'implication de la France dans les événements qui l'ont précédé, enfin
a détruit de telles illusions et a provoqué la reconnaissance du fait que son approche traditionnelle de la politique africaine ne
n'apportait plus à la France les mêmes revenus que par le passé. Les tentatives hésitantes de Paris pour développer un
sera ensuite examinée la nouvelle politique africaine dans le contexte d'une situation internationale très modifiée,
d'abord lors du septennat de Chirac (19952002), dont une grande partie a été marquée par la cohabitation avec le Premier ministre socialiste Lionel
Jospin, puis de manière plus directe mais en pratique tout aussi incertaine, sous la direction de
son militant ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin durant les premières années de sa deuxième présidentielle
mandat. En conclusion, il sera montré que, malgré ce regain d'activisme depuis 2002, les pressions exercées sur,
et les incertitudes qui entourent la relation « familiale » de la France avec l'Afrique ne se sont pas atténuées.
La transition politique sans heurts en Afrique noire a été facilitée par le fait qu'après la Seconde Guerre mondiale, un
Une élite francophone était apparue, dépendante de son statut et de sa position d'influence sur la France. C'était la condition essentielle à la
excolonies, car c'est à cette élite loyale que la France a pu, pour l'essentiel, transférer le pouvoir à
En tant que chefs d’États petits, faibles, fragmentés et multiethniques disposant de peu de ressources naturelles pour
exploit, pas d'armée entraînée et une petite force de police locale, les nouveaux dirigeants politiques n'avaient aucun intérêt à briser
des relations avec l'ancienne puissance coloniale. De plus, l’intérêt personnel était étayé par des considérations culturelles et
affinités émotionnelles. Formés dans les écoles françaises, ils ont fait leurs armes politiques à l'Assemblée nationale du
Quatrième République, où nombre d’entre eux ont siégé comme députés et dans certains cas même comme ministres.
Pendant cette période, ils ont également noué des amitiés avec des dirigeants politiques et des responsables français et n’ont eu aucun intérêt pour
ou désir de mettre fin à leur collaboration à l'indépendance. Les deux exemples les plus connus de cette prise de position sont Léopold Sédar
Côte d'Ivoire. De son côté, la France du général de Gaulle n’avait aucune volonté de rompre ses liens avec l’Afrique. Non
Fervent partisan du régime colonial, de Gaulle considérait néanmoins le maintien d'une sphère d'influence en Afrique comme
crucial pour la grandeur française, pour sa vision de la France en tant que puissance mondiale dans le monde postcolonial.
L’attitude des ÉtatsUnis revêt ici une importance cruciale. Sur fond de guerre froide, Washington
considère la présence continue de la France, dans une partie du monde qu'elle connaît mal, comme souhaitable pour garantir que
la région n’est pas tombée dans les griffes de Moscou. Ainsi, alors que les USA voyaient le maintien d'un système français
sphère d'influence comme essentielle à l'endiguement du communisme en Afrique, la France considérait son pré carré comme un moyen de
contenir l'influence « anglosaxonne », c'estàdire américaine et britannique. En ce qui concerne les Britanniques
l'influence était concernée, la France n'aurait pas dû s'inquiéter puisque les gouvernements britanniques avaient décidé que l'Occident
L’Afrique était périphérique par rapport à ses priorités stratégiques dans le monde postcolonial, laissant la France comme seul grand pays.
pouvoir dans la région. Ainsi se dessine une répartition des responsabilités qui convient à la fois à la France et aux ÉtatsUnis pour la
durée de la guerre froide, mais qui a commencé à s'effondrer une fois la guerre froide terminée. Ceci de facto
Si un contexte international favorable était la condition sine qua non de la bonne conduite de la politique africaine française, il ne permet
pas de comprendre pourquoi elle a connu si longtemps un tel succès. Le point essentiel
voici l'approche à plusieurs niveaux, qui combinait une gamme impressionnante d'instruments politiques « officiels » avec
une gamme complexe de relations non officielles, familiales et souvent secrètes (voir Médard, 1997, pp. 2224). L'imbrication étroite de ces
éléments et leur soutien au sommet de l'État français ont été la clé de leur succès. Les canaux officiels des relations francoafricaines
comprenaient la Zone Franc, qui liait le franc français aux monnaies de plus d'une douzaine de pays africains à un taux fixe ; l'existence d'un
ministère de la Coopération indépendant, doté d'un siège au Conseil des ministres, qui est à la fois un signe visible de l'engagement
continu de la France en faveur de l'Afrique et un canal important de l'aide française au développement (dont les deux tiers sont allés
aux anciennes colonies françaises en Afrique noire); les accords de coopération culturelle, technique et militaire que la plupart des
excolonies ont signés avec la France lors de leur indépendance et qui prévoyaient que des enseignants français et d'autres
spécialistes, tels que des conseillers militaires, travaillaient pour les gouvernements africains et fixaient les
le cadre dans lequel les interventions militaires françaises ont été entreprises ; et enfin, le fait que, avec le
Depuis la création de la Ve République, la politique africaine est effectivement devenue le domaine réservé du président.
(Chafer, 2002b, p. 346). Ces liens officiels étaient accompagnés d'une série de liens semiofficiels et non officiels.
des liens familiaux incarnés par les sommets francoafricains, institués en 1973, qui réunissent le président français et les dirigeants
politiques africains et français dans une célébration annuelle de leur relation privilégiée. Leurs réunions ressemblent traditionnellement
davantage à une réunion de famille qu’à une réunion au sommet officielle, car aucun ordre du jour n’est publié et aucun communiqué final
n’est publié.
Trois autres caractéristiques ont été essentielles au succès de la politique africaine française durant cette période. Premièrement, la volonté
politique existait au sein de l’establishment politique, à gauche comme à droite, de poursuivre une politique active et interventionniste en Afrique,
sans être gênée par les sentiments de culpabilité coloniale qui ont empêché pendant de nombreuses années la GrandeBretagne de
jouer un rôle plus important sur le continent. . Pour comprendre les motivations politiques derrière la détermination à se tailler une
sphère d'influence en Afrique après l'indépendance, il faut revenir à la crise de Suez de 1956. Le retrait du soutien américain à l'opération militaire
francobritannique à Suez a servi à convaincre le gouvernement français élites qui, si la France voulait rester une puissance mondiale,
parvenir à une plus grande autonomie d’action visàvis des ÉtatsUnis. Ainsi, alors que la GrandeBretagne a décidé qu'elle ne pouvait rester qu'un
puissance mondiale en s'accrochant aux traces de Washington, les décisions françaises de développer une force de frappe nucléaire
indépendante, de construire une Europe forte sur la base de la coopération francoallemande et de maintenir une sphère d'influence
privilégiée en Afrique ont été les pierres angulaires du développement de la puissance mondiale. La politique de Gaulle visant à maintenir le
statut mondial de la France – sa grandeur – dans l'ère postcoloniale, dont il considérait désormais de plus en plus l'aube comme inévitable.
L’Afrique noire était donc l’un des piliers clés de sa stratégie de grandeur et lui, à l’instar des dirigeants politiques français qui lui ont
mise en œuvre. La stratégie de la grandeur était le produit d'une conception du pouvoir centrée sur une
un Étatnation actif et interventionniste et lié au contrôle territorial et à la force militaire. Les racines de cette conception du pouvoir remontent
à l’époque coloniale, mais elles ont continué à se manifester en Afrique noire francophone jusque dans l’ère postcoloniale : en effet, la
fréquence des interventions militaires françaises, en moyenne une par an de 1960 jusqu’au milieu Les années 1990 ont montré que la France
continuait à se considérer comme « le garant de la stabilité et une puissance hégémonique » dans la région (Brüne, 1994, p. 56). C'est cette
vision activiste et interventionniste de l'État français qui a constitué la base du « consensus gaulliste » sur la politique africaine, qui s'étendait
à tout le spectre politique des partis au pouvoir en France, de la droite aux socialistes.
Deuxièmement, les gouvernements français ont développé au cours de cette période un discours distinctif sur l’Afrique pour justifier leur
politique auprès de l’opinion publique nationale et étrangère. Cela s’est centré sur le concept nouvellement inventé de coopération.
Intraduisible en anglais, le terme désigne quelque chose de spécifiquement français qui est à la fois beaucoup plus vaste dans sa portée
et plus ambigu dans sa signification que son anglais le plus couramment utilisé.
équivalents : aide ou assistance au développement. Premièrement, elle est liée à l’expansion de l’influence française à travers le
world. As Prime Minister Georges Pompidou put it in 1964: ‘la politique de coopération est la suite de la
politique d'expansion de l'Europe au XIXe siècle’ (cited in Michel, 1993, p. 221). In this respect, it is a means
de promouvoir la langue et la culture françaises, d'assurer des marchés pour les produits français et, surtout, de projeter la grandeur française.
Deuxièmement, la notion de coopération contenait la reconnaissance du fait que cela ne pouvait plus être réalisé dans un contexte colonial.
La France, comme de Gaulle luimême l'avait reconnu, devait s'éloigner du système colonial dépassé et s'orienter vers « une
coopération féconde et amicale » (de Gaulle, 1970, p. 263). Enfin, la notion de coopération implique implicitement le sens de la responsabilité
historique constante de la France dans la promotion du développement de son ancienne « famille » coloniale, mais basée désormais
sur l'idée d'un partenariat entre États souverains pour leur bénéfice mutuel. En tant que discours, il faisait simultanément appel aux
notions de grandeur, à l'intérêt personnel pragmatique, au sens de la responsabilité historique de la France et aux impératifs moraux de
Troisièmement, et c'est le plus important, l'interdépendance étroite des intérêts de l'État, des partis et des intérêts personnels, et en fait souvent
l'estompage des frontières entre eux, ont été essentiels au succès de cette relation, qui a été
soutenu par une série de réseaux (réseaux personnels)2. Sa particularité était que, même s'il s'agissait d'une
centré dans la mesure où il dépendait des relations entre États, il était soutenu par un réseau dense de relations
des relations personnalisées et familiales. Les réseaux ont été le pionnier le plus notoire de Jacques Foccart, qui combinait son rôle de bras
droit de de Gaulle au sein du mouvement gaulliste, puis du parti gaulliste, avec ses fonctions de conseiller spécial du président pour les
affaires africaines et sa responsabilité d'assurer la liaison avec les services secrets. Jusqu'à sa destitution par le président Giscard
une série de réseaux informels et formels qui lui ont permis « d'utiliser à la fois les contacts politiques et
relations d'affaires pour accroître son influence dans les milieux français, alors que ses responsabilités officielles lui permettaient
cultiver systématiquement l'amitié des dirigeants africains » (Médard, 1997, p. 25). Le point de convergence
de ces réseaux se trouvait au sommet même de l’État français, au sein même du palais de l’Élysée, ce qui faisait que Foccart jouissait d’une
position de pouvoir exceptionnelle. Il a su mobiliser, lorsque cela était nécessaire, les ressources économiques, diplomatiques et
militaires considérables de l’État français pour soutenir ses initiatives, tandis que sa position politique assurait couverture et légitimité à ses
diverses activités, tant légales qu’illicites. Les fonds destinés à soutenir ces réseaux et leurs activités provenaient en grande partie du budget
de la coopération , qui n'était soumis ni au contrôle parlementaire ni au débat public, mais simplement approuvé par l'Assemblée nationale
(Bossuat, 2003, p. 433). Ce manque de responsabilité, un autre trait de la relation « familiale », a conduit à la corruption, les politiciens et les
fonctionnaires étant impliqués dans des activités commerciales qui ont souvent pris la forme de racket d'État.3
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Il s’agissait donc d’un type de relation particulier, pas du tout conforme aux véritables idéaux républicains français, dans lequel l’imbrication
de l’État, des partis et des intérêts personnels permettait de présenter un ensemble de politiques et d’interventions au service de
l’intérêt national plus large. dans la pratique, a apporté des avantages majeurs à certains
des groupes d’intérêts et de petites fractions de la population, en France comme en Afrique. Le prestige international de
l’État gaulliste a été renforcé par le groupe d’alliés fidèles en Afrique qui se tournaient vers la France pour obtenir son soutien et
subsistance, tandis que le parti gaulliste tirait une grande partie de son financement du recyclage d'une partie des déchets.
budget de coopération , qui a retrouvé son chemin vers les caisses du parti via l'Afrique. Un certain nombre d'entreprises
françaises, notamment la compagnie pétrolière publique Elf, créée sous de Gaulle avec pour mission de garantir l'accès de la France au pétrole,
ont atteint l'objectif stratégique qui leur était fixé en Afrique et ont également apporté de belles récompenses à leurs dirigeants et à leurs
dirigeants. Le financement du parti gaulliste4. Pour les dirigeants africains, en revanche, l’appartenance à la « famille » franco
africaine apportait un soutien économique, politique et si nécessaire militaire, dont eux et les petites élites francophones dont ils appartenaient
Cette imbrication des intérêts de l'État, des partis et des intérêts personnels dans la politique africaine française a survécu à de Gaulle
et a permis à un large éventail d'acteurs politiques et économiques d'avoir un intérêt direct dans le maintien du pré carré de la France en
Afrique. Cependant, les conditions politiques internationales et nationales dans lesquelles ces relations se sont développées ont
Un environnement politique favorable, ainsi que la volonté politique et les ressources nécessaires pour le maintenir, ont permis que
les relations spéciales décrites cidessus ont duré plus de 30 ans après l’indépendance. Cependant, tout
ceuxci ont commencé à se faire rares dans les années 1990. La fin de la guerre froide a provoqué une transition rapide vers
multipartisme en Afrique, créant un environnement politique moins stable. La fragmentation politique et l'augmentation
conflit qui a suivi dans plusieurs États d’Afrique occidentale et centrale, combiné à la crise de la dette et aux difficultés économiques.
l’échec, a menacé l’influence française et a augmenté le coût potentiel pour la France du maintien de son pré carré.
En conséquence, le rétablissement de la stabilité et de la sécurité est devenu une priorité absolue, non seulement pour la France mais aussi pour
la communauté internationale en général. Dans ce contexte, les politiques unilatérales traditionnelles à la française
Les interventions dans la politique des États africains sont devenues pleines de risques, comme l’ont démontré les situations au Rwanda
Parallèlement à ces évolutions, l’environnement politique est devenu plus compétitif à mesure que la mondialisation s’accélérait et que les
principales puissances industrielles se disputaient des avantages économiques et politiques, sans plus être contraintes par les impératifs
politiques de la guerre froide. Dans ce nouvel environnement, la France est de plus en plus préoccupée par les activités « anglosaxonnes » en
Afrique. La loi sur la croissance et les opportunités en Afrique, soutenue par Clinton
(2000) cherchaient à promouvoir le développement de nouveaux marchés et opportunités d’investissement pour les entreprises américaines.
Cet intérêt accru pour l’Afrique ne s’est pas traduit par une politique cohérente visant à étendre l’influence diplomatique ou militaire des
ÉtatsUnis, mais a donné lieu à l’impression à Paris d’une concurrence croissante entre les intérêts économiques français et américains sur le
continent5. Les craintes françaises d’une activité accrue des ÉtatsUnis en Afrique La situation en Afrique s’est encore aggravée
au lendemain du 11 septembre 2001, lorsque les ÉtatsUnis se sont tournés vers l’Afrique dans leur recherche de sources de pétrole plus
sûres que leurs fournisseurs traditionnels du MoyenOrient.6 La France est également préoccupée par le regain d’intérêt politique des États
Unis pour l’Afrique, né issue de la guerre contre le terrorisme menée par l'administration Bush et illustrée par la
Initiative pansahélienne de 2004 du Département d'État. Mais en même temps, le nouvel ordre mondial d'après 1990
qui est motivée par la mondialisation économique et dominée par l'idéologie du libéralisme international a
créé de nouvelles opportunités pour les entreprises françaises, notamment à travers la privatisation des services publics, la
l'attribution de contrats de construction et l'obtention de concessions pour l'exploitation des ressources agricoles, pétrolières et
minérales de l'Afrique. Dans ce contexte, l’exercice du pouvoir militaire et politique français en soutien aux alliés politiques, qui découle
de la notion d’État interventionniste et constitue la marque traditionnelle de la présence française en Afrique, est devenu moins important
Enfin, l’Union européenne (UE) est devenue de plus en plus importante en tant qu’acteur politique en Afrique (Krause, 2003). À la suite
de l'examen à miparcours de Lomé IV (1995), la conditionnalité politique est devenue partie intégrante de la politique de
développement de l'UE et a été pleinement intégrée comme l'un des piliers de la politique de développement de l'UE avec la signature de
l'accord de Cotonou en 2002. C'était une nouveauté depuis Lomé IV. Les accords I à III avaient été présentés comme des accords
« techniques » couvrant le commerce et l'aide au développement entre l'UE et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. La
dimension politique était considérée comme du domaine des États membres. À la fin des années 1990, la situation avait irrévocablement
style multipartisme et institutions démocratiques libérales à travers sa politique de développement, de plus en plus
empiété sur ce qui était jusqu’alors les prérogatives politiques des États membres. Cela a encore réduit l’espace pour une approche nationale
Parallèlement à ces évolutions internationales, les changements survenus à Paris affectaient également le contexte dans lequel
La politique française sur l’Afrique a été formulée. Premièrement, au lendemain de la chute du mur de Berlin et du
Lors des révolutions démocratiques qui ont suivi en Europe centrale et orientale, des questions ont commencé à être posées en France sur
l’opportunité de maintenir des relations étroites avec des régimes autoritaires dont le bilan en matière de droits de l’homme était médiocre. Des
questions ont également été posées sur la valeur et l’efficacité de l’aide française au développement, qui n’a manifestement pas réussi à
promouvoir le décollage économique en Afrique malgré 30 ans de politique de coopération (voir par exemple Brunel, 1993). Cependant,
c’est l’implication française dans les événements qui ont précédé et suivi le génocide rwandais de 1994 qui a provoqué la réévaluation la plus
Bien que les critiques nationales à l'égard de l'implication française au Rwanda aient été, comme d'habitude, relativement discrètes, le rôle
de la France a été largement condamné par les organisations non gouvernementales (ONG) internationales (voir en particulier Human
Les élites dirigeantes et certaines sections de la presse française remettaient de plus en plus en question les bénéfices que la France pourrait tirer de cette politique.
pierre angulaire de la politique africaine française et donc de la Françafrique. Cela s’est manifesté à plusieurs niveaux.
D’abord, la période a été marquée par deux périodes de « cohabitation » politique, entre un président de gauche et un premier ministre de
droite (MitterrandBalladur, 19931995), puis entre un président de droite et un premier ministre. de gauche (ChiracJospin, 19972002). Dans
chaque cas, les premiers ministres, soucieux d’affirmer leur autorité sur la politique africaine, ont remis en cause la tradition de la Cinquième
République en matière de relations francoafricaines, considérée comme un domaine présidentiel réservé (voir cidessous). Deuxièmement,
et avec lui le réseau gaulliste qui fut l'un des piliers essentiels de la Françafrique. Par exemple, la dispute
entre les partisans de Chirac et de Balladur est à l'origine du procès des dirigeants de la compagnie pétrolière Elf.7 L'éclatement du
réseau Foccart en réseaux concurrents dirigés par des partisans de Mitterrand, Chirac et l'ancien ministre de l'Intérieur Charles Pasqua
explique sa transformation d'un réseau dont la raison d'être centrale était la promotion d'une certaine notion de l'État français et de la
non l'État » (Smith et Glaser, 1997, p. 25). Cette concurrence croissante entre réseaux rivaux et la corruption qu'elle engendre constituent une
Le système a dégénéré et une crise est apparue dans les années 1990.
Troisièmement, la classe politique française ellemême s’est fracturée. L'idéologie dominante du néolibéralisme économique et
la promotion des valeurs du marché, de la concurrence et de l’entreprise privée représente un défi à la notion de
un État interventionniste qui était au cœur de la culture politique des élites dirigeantes de la France, tant de gauche que de gauche.
Jusqu’au milieu des années 1980 (Bourmaud, 2000). Ce consensus s'est fragmenté, de sorte que, même
Même si les élites dirigeantes françaises continuent de croire à la nécessité de promouvoir « une certaine idée de la France », elles sont
néanmoins divisées entre ceux qui acceptent les valeurs du libéralisme économique et sont prêts à accepter un rôle moins
interventionniste de l'État et ceux qui, tout en reconnaissant les contraintes imposées par la mondialisation économique, ils continuent néanmoins
de croire fermement à la nécessité d'un activisme étatique pour défendre les intérêts français, en particulier dans « l'arrièrecour » de la France,
sa sphère d'influence privilégiée en Afrique. Cela a eu des conséquences sur la politique africaine française, dans la mesure où le premier
groupe attache moins d'importance que le second aux interventions françaises « à l'ancienne » et aux manifestations de la puissance française
en Afrique. Les exigences de la realpolitik garantissent que les divisions entre ces groupes ne sont ni simples ni claires lorsqu'il s'agit
de prendre des décisions sur des questions spécifiques, mais cette fragmentation de l'idéologie du gouvernement français
Les élites sont un élément important dans toute explication des difficultés et des tensions politiques qui ont
qui soustend les tentatives françaises de définir une nouvelle politique africaine depuis le milieu des années 1990. C'est également un facteur
Enfin, à mesure que la volonté politique de soutenir le pré carré africain de la France diminuait, les ressources disponibles diminuaient également.
pour le maintenir érodé. Il y a eu une forte réduction du budget de l'aide bilatérale au développement entre 1995
et 2001, tant en valeur (de 4 137 milliards d'euros à 2 653 milliards d'euros) qu'en pourcentage (la proportion de l'aide bilatérale par
rapport à l'aide multilatérale est passée de 73 % à 59,7 %) (Observatoire Français de la Coopération Internationale [OFCI], 2003) . Il en a
résulté une baisse très significative des ressources disponibles de l'État français pour entretenir la relation privilégiée francoafricaine et les
Le président Mitterrand semble signaler un changement significatif dans la politique africaine française, lorsqu’il promet, dans son discours au
sommet francoafricain de La Baule en 1990, que l’aide française serait désormais distribuée en priorité aux pays en progrès vers la démocratisation.
En pratique, la politique française n’a pas beaucoup changé, du moins au début (Cumming, 1996). Les dernières années du
La présidence Mitterrand fut ainsi à bien des égards une période durant laquelle la politique africaine française a marqué le pas.
La principale exception a été la décision de dévaluer le franc de la Communauté Financière d'Afrique (CFA) de 50 %, prise par son Premier
ministre, Edouard Balladur, en janvier 1994. Cela a entraîné une réduction immédiate du coût pour la France de son capital africain.
politique. Balladur était également à l'avantgarde de ceux qui promouvaient ce qu'on appelle la « doctrine d'Abidjan », selon laquelle le
soutien budgétaire aux États africains devenait conditionnel à la conclusion préalable d'accords d'ajustement structurel avec le Fonds monétaire
Banque. Cela a obligé les États du pré carré à restructurer leurs économies conformément aux principes
du libéralisme international (Bourmaud, 1996). Il est important de noter que l'adoption de la doctrine d'Abidjan a marqué un tournant
mettre fin à l’un des traits distinctifs de la relation « familiale » francoafricaine : l’offre de
aide financière au pays du champ sans aucune condition économique formelle. Désormais, seuls les pays entreprenant un programme de
Si la dévaluation du franc CFA en janvier 1994 a été la première nouvelle initiative politique significative envers l’Afrique en réponse à
l’environnement politique de l’aprèsguerre froide, c’est le génocide rwandais de cette annéelà qui a marqué le véritable tournant de la politique
africaine française. La France avait apporté son soutien au régime extrémiste hutu de Habyarimana de 1990 à 1994, puis l'avait quitté avec
d'autres puissances occidentales lorsque le génocide avait commencé, et avait ensuite envoyé une force d'intervention militaire au Rwanda
au cours de l'été de la même année. Présentée comme une intervention humanitaire visant à mettre un terme aux massacres et à sauver
des vies, l’Opération Turquoise a été largement critiquée par les ONG internationales pour avoir, en pratique, fourni un refuge et une voie de fuite
aux génocidaires vers le Zaïre. En conséquence, les interventions militaires françaises unilatérales et à l’ancienne en Afrique ont été
discréditées. Non seulement cela, mais la France ne pouvait rien faire pour empêcher le Front patriotique rwandais anglophone de prendre le
pouvoir en
Kigali. Le résultat fut le remplacement d'un gouvernement profrançais par un nouveau gouvernement hostile.
Il était désormais clair que la politique africaine telle qu’elle était traditionnellement conçue n’apportait plus les bénéfices escomptés.
en France. Il fallait adopter une nouvelle approche qui répondrait aux besoins du nouvel environnement politique tout en
préserver la puissance et l’influence françaises sur le continent. L'élection de Jacques Chirac à la présidence en
L’année 1995 a été l’occasion d’un tel changement. Chirac avait une longue histoire d’intérêt et d’implication pour l’Afrique, qui remontait à son
Cependant, ses premières initiatives sur l’Afrique après son élection suggéraient une continuité avec le passé plutôt qu’un changement.
Une caractéristique constante de la politique étrangère gaulliste et néogaulliste est de présenter la France comme un champion des intérêts
du tiers monde, et en particulier de l’Afrique. Conformément à cette tradition, Chirac a continué à effectuer des visites en Afrique pendant la
période de cohabitation. Sa première visite officielle à l'étranger en tant que président a eu lieu chez les alliés traditionnels de la France en Afrique :
le Maroc, apparemment pour remercier le roi Hassan II pour son don de cinq millions d'euros à sa campagne électorale, la Côte d'Ivoire, le
Gabon et le Sénégal (Verschave, 2002, p. 197). Un an plus tard, à l'occasion de la visite officielle d'Hassan à Paris, Chirac haussait
quelques sourcils en louant le roi pour son bilan en matière de droits de l'homme, au moment même où il était critiqué pour son traitement des
Tazmamart.9 Cette annéelà, il s'est également rendu en Namibie, en Angola, en Afrique du Sud et au Mozambique, et en
1999 en Guinée, au Togo, au Cameroun et au Nigeria, qu'il soutient en tant que futur membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU.
Chirac est responsable de la décision de 1997 de soutenir le leader dictatorial du Zaïre, le président Mobutu, longtemps après que ses
autres soutiens traditionnels, notamment les ÉtatsUnis et l'ancienne puissance coloniale belge, aient décidé de l'abandonner à son sort. Le
résultat fut l’isolement diplomatique français (Chafer, 2002b, p. 349). En 1997 également, il a été accusé d'avoir soutenu le retour au pouvoir de
son ami et allié, l'ancien dictateur congolais Denis Sassou Nguesso, après que la France se soit brouillée avec le président sortant
Patrick.
Lissouba, à qui elle n'avait pas pardonné d'avoir tenté de desserrer la mainmise de la compagnie pétrolière Elf sur son
pays lorsqu’il est devenu président en 1992.10 Et il a refusé de soutenir le projet de fusion du ministère de la Coopération avec le ministère
des Affaires étrangères, considéré par ses partisans comme essentiel si la France voulait réussir à moderniser sa politique africaine.
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Cependant, ces premiers signes d’intérêt de Chirac pour l’Afrique ne pouvaient cacher l’importance des changements survenus dans
l’environnement politique international et national dans lequel la politique africaine française était élaborée. Les actions militaires unilatérales
étaient désormais beaucoup plus risquées dans le contexte de la fragmentation de l'État et même
effondrement en Afrique, en raison du risque d'être entraîné dans les conflits internes du continent. Ainsi, après un
décision de fermer la base militaire française sur place, pour éviter que ses troupes ne soient entraînées dans l'imbroglio
pays.11 De plus, bien que la France ait soutenu Mobutu en difficulté jusqu’au bout, elle n’a pas envoyé de force militaire, en partie à
cause des risques politiques pour la France et en partie parce que de telles interventions unilatérales n’ont plus bénéficié de l’assentiment
Avec l'avènement d'une nouvelle période de cohabitation en 1997 qui a vu le président Chirac contraint de partager le pouvoir avec le
Premier ministre socialiste Jospin pendant toute la durée de la législature de cinq ans, la notion de l'Afrique comme domaine présidentiel
réservé, là où le président a tous deux appelé le politique et porteparole incontesté de la politique africaine française, est à nouveau
remis en question. Une illustration en est le refus de Jospin d'envoyer des troupes en Côte d'Ivoire en décembre 1999 pour soutenir le
président Konan Bédié, qui venait d'être renversé par un coup d'État militaire. Le conseiller africain du président Chirac, Michel Dupuch,
voulait intervenir en faveur de Bédié qui, avec le soutien de la France, avait succédé à Félix HouphouëtBoigny, allié de longue date de la
France, à la présidence en 1993. Mais Jospin l'a rejeté.12 Cela allait à l'encontre de la tradition de La politique africaine en tant que
domaine réservé du président et peut être considérée comme une nouvelle étape vers la normalisation de la politique française
Les pressions nationales et internationales décrites cidessus ont rendu la situation plus difficile pour la France non seulement
agir seul mais aussi parler d'une voix distinctive sur l'Afrique. Sur la scène internationale, la France a, assez
logiquement, s'est fait le champion du multilatéralisme. Non seulement c'est le seul moyen pour une entreprise de taille moyenne
puissance qui ne bénéficie pas de relations spéciales avec les ÉtatsUnis pour maintenir son influence, mais le partage du fardeau
représente également la seule possibilité de faire face aux coûts de son désir de maintenir un rôle mondial, dans un monde dans lequel les
ÉtatsUnis sont la seule superpuissance.13 Cela se reflète dans sa nouvelle approche de l’Afrique. Parallèlement à sa doctrine d'Abidjan, qui
vise à partager les coûts économiques de sa politique africaine, la France a lancé en 1997 une initiative politique visant à répartir les risques
de sa politique militaire en Afrique. Appelé RECAMP (Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix), ce programme
de maintien de la paix parrainé par la France vise à permettre aux Africains d'assumer une plus grande responsabilité dans le maintien
de la sécurité et de participer plus pleinement au maintien de la paix sur le continent. Au niveau de l’UE, la France est devenue à la fin des
années 1990 le plus grand contributeur au Fonds européen de développement (OFCI, 2003), une évolution motivée en partie par son
l'intention de conserver une influence significative sur la politique de l'UE à l'égard de l'Afrique ; et au sommet francobritannique de 1998 à St
Malo a annoncé son intention de coopérer plus étroitement avec le RoyaumeUni sur la politique africaine. Enfin, la France, avec le
RoyaumeUni, a été l'un des principaux sponsors du Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), une initiative
multilatérale lancée en 2001 pour mobiliser des ressources pour un nouveau partenariat de développement entre l'Occident et l'Afrique. En
février 2002, Chirac a organisé une conférence de 13 chefs d’État africains pour soutenir le NEPAD.14 Il a également régulièrement défendu
les intérêts de l’Afrique dans des forums internationaux tels que les réunions de l’ONU, du G8 et de l’UE. Tout cela représente des signes
approche de l’Afrique. Si ces changements étaient indispensables si la France voulait maintenir son influence sur le
continent, ils sont également révélateurs de la fin des relations « familiales » à l'ancienne et d'une approche et d'un discours
La nouvelle politique africaine de la France a été résumée par le Premier ministre Jospin dans un discours à Dakar en décembre
1997 comme « ne pas faire moins mais faire mieux ». Pourtant, comme l'a montré Rachel Utley, il était à l'époque « difficile d'éviter le
l'impression que la France souhaite en faire moins et obtenir un plus grand crédit pour cela » (Utley, 2002, p. 146). La présence militaire
française en Afrique était réduite, la volonté d'intervention avait diminué et l'aide bilatérale française au développement, pendant si longtemps
l'une des pierres angulaires de sa politique de coopération , a connu un déclin soutenu sous le mandat de Jospin.15 Dans le même
temps, il présida à l’absorption du ministère de la Coopération, traditionnellement considéré par les dirigeants africains du pays du champ
comme « leur » ministère, dans le ministère des Affaires étrangères, une mesure à laquelle Chirac s’était opposé seulement deux ans
plus tôt.16 Finalement , la notion de pays du champ, jugée trop évocatrice de la notion dépassée de pays colonial français
« arrièrecour », a été abandonnée au profit de la Zone de solidarité prioritaire (ZSP). Tous les pays de la zone,
être désormais éligible à l'aide française. Cela a encore dilué les relations familiales avec l’Afrique, alors que le 44
comprenait d'anciennes colonies britanniques et portugaises qui ne faisaient pas partie de la sphère traditionnelle de la France.
influence.
Six mois après sa réélection, le nouveau ministre des Affaires étrangères de Chirac, Dominique de Villepin, s'est rendu à
Madagascar pour rétablir les relations avec le nouveau président, Marc Ravalomanana, et a organisé peu après une conférence
d'affaires à Paris pour que le nouveau Premier ministre malgache puisse informer les investisseurs. . Il a également décidé de cimenter
les relations avec le Gabon, allié de longue date et fournisseur de pétrole de la France, et s'est rendu dans six pays d'Afrique de l'Ouest
dans le but de sortir de l'impasse dans une Côte d'Ivoire déchirée par la guerre. Chirac, quant à lui, s'est rendu en Afrique du Sud pour le
Sommet de la Terre de Johannesburg, où il a déclaré son soutien à l'Afrique du Sud comme futur pays.
membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, puis en 2003 au Mali et au Niger. La même année, il prend le
mesure exceptionnelle d'inviter les dirigeants africains au sommet du G8 à Evian. Parmi les invités figuraient les présidents
Thabo Mbeki d'Afrique du Sud et Olusegun Obasanjo du Nigeria, avec qui il est en contact téléphonique régulier
contact.17
Ce nouveau schéma de visites et de contacts présidentiels est symptomatique d'un éloignement du traditionnel pré
carré comme la sphère privilégiée de l’influence française en Afrique, fondée sur la puissance politicomilitaire et le versement de
l’aide publique au développement à travers une politique de coopération. C’est d’abord le produit du nouvel environnement politique issu
de la mondialisation, qui a conduit à une réévaluation des intérêts français en Afrique. Cellesci sont de plus en plus conçues
principalement en termes d’intérêt économique, et notamment d’exploitation d’opportunités commerciales et de garantie d’un accès sécurisé
à des matières premières d’importance stratégique, notamment le pétrole. C'est ce qui explique l'importance croissante accordée à l'Afrique
du Sud, au Nigeria et à
auparavant l'Angola dans les relations francoafricaines.18 La visite du président Mbeki à Paris en novembre 2003 et sa
L'invitation à s'adresser à l'Assemblée nationale, un privilège rare pour les chefs d'État en visite, témoigne clairement de l'importance croissante
de l'Afrique du Sud dans les relations francoafricaines, qui est aujourd'hui le partenaire commercial le plus important de la France
sur le continent. L'accent mis sur les liens d'affaires est un élément clé de la nouvelle politique africaine de la France : l'invitation de
Chirac à 10 chefs d'entreprise pour l'accompagner lors de sa visite au Mali et au Niger et sa décision d'organiser une réception pour les chefs
d'entreprise à l'occasion de la visite officielle du président Mbeki au Paris était tout à fait en accord avec cette nouvelle orientation de la
Coopération et de la direction des relations culturelles du ministère des Affaires étrangères, a pour mission d'accompagner les consultants et
entreprises français dans leur conquête contrats multilatéraux; et à l'Élysée, le Service Afrique (ancienne cellule Afrique de Foccart) emploie
désormais un ancien de la Banque de France, Bernard Diguet, chargé de veiller aux intérêts commerciaux français en Afrique. En effet, le
français
des entreprises comme Bouygues, Bolloré ou la Lyonnaise des Eaux ont très bien réussi à remporter
contrats pour de grands projets de développement africains et dans la reprise des services publics que les programmes d’ajustement structurel
parrainés par le FMI et la Banque mondiale ont forcé les gouvernements africains à privatiser.19
Dans le même temps, la priorité accrue accordée aux liens économiques et commerciaux s'accompagne d'un accent renouvelé sur la
promotion de la culture française. Ainsi, la DGCID a donné la priorité à la promotion de la culture française sur les questions de développement,
un point qui se reflète à la fois dans la structure organisationnelle de la nouvelle Direction elle compte trois sections travaillant sur la promotion
culturelle et une seule travaillant dans le domaine du développement proprement dit et dans ses dépenses, dont seulement 20 %
Deuxièmement, l’abandon du pré carré en tant que point central de la politique africaine française est le produit de nouvelles réalités en Afrique.
Dans un contexte de fragmentation et d'effondrement des États, il est de moins en moins probable que des relations bilatérales privilégiées
avec des pays individuels garantissent la stabilité et la sécurité, comme l'ont démontré les problèmes en Côte d'Ivoire et dans les Grands
Lacs. Comme nous l’avons vu, les interventions militaires unilatérales à l’ancienne ont été discréditées par les interventions
largement critiquées au Rwanda de 1990 à 1994 et ont largement cessé, pour être remplacées par des initiatives régionales de maintien et
Il est désormais reconnu que les interventions extérieures, pour être efficaces, doivent avoir lieu au niveau régional,
plutôt qu’au niveau d’un pays individuel.22 L’initiative RECAMP dirigée par la France, qui vise à fournir
le soutien aux solutions régionales aux problèmes de sécurité de l'Afrique, est une tentative de résoudre ce problème, tout en
fournir un véhicule pour maintenir l’influence française sur le continent. Il est également reconnu que si la France souhaite atteindre son
objectif de promouvoir la sécurité et la stabilité comme condition préalable au développement, elle ne peut y parvenir qu’en cultivant des relations
avec l’ensemble de l’Afrique plutôt qu’en entretenant une relation exclusive avec un pré carré privilégié. Ainsi, par exemple, les sommets
francoafricains annuels ne se limitent plus au pré carré : tous les présidents africains, à l'exception du colonel Kadhafi mais y compris, au grand
désarroi du RoyaumeUni, Robert Mugabe, ont été invités au sommet de 2003 à Paris.
Le troisième signe de la nouvelle approche de la France à l'égard de l'Afrique est l'incertitude persistante sur le montant futur du budget d'aide,
pierre angulaire traditionnelle de sa politique de coopération. Le président Chirac s'est engagé lors de la Conférence de 2002
Lors du sommet de Johannesburg, la France augmenterait le niveau de son aide jusqu'à atteindre l'objectif de l'ONU de 0,7 % du PIB national.
produit d’ici 2012. Les chiffres officiels semblent d’ailleurs suggérer une augmentation du budget d’aide depuis 2001.
Pourtant, des promesses similaires d’augmentation spectaculaire de l’aide ont été faites, et brisées, à de nombreuses reprises auparavant,
notamment sous Mitterrand ; et un examen plus attentif nous révèle que la majeure partie, sinon la totalité, de la dernière augmentation est en
pratique utilisée pour la réduction de la dette, le programme dit C2D (contrats désendettementdéveloppement), tandis que les alliés
traditionnels de la France, comme le Sénégal, ont constaté le montant des l’aide qu’ils reçoivent diminue considérablement.23 Sur les cinq pays
qui ont jusqu’à présent signé des accords C2D avec la France, aucun n’appartient au traditionnel pré carré, et sur les sept qui devraient se
24 Non seulement le budget de l’aide a diminué, mais l’ effort de coopération français a été encore plus entravé depuis que la DGCID a repris le
travailler dans la coopération au développement. Ce personnel avait souvent une connaissance approfondie et un engagement envers l'Afrique.
et faisait partie du réseau dense de liens qui unissaient la France à l’Afrique. Il en a été de même pour les coopérants, dont beaucoup
a travaillé en Afrique comme alternative au service militaire. Leur nombre a également diminué considérablement ces dernières années.
années, ce qui représente une nouvelle érosion des liens familiaux qui existaient autrefois entre la France et l’Afrique.
Par ailleurs, les coopérants disparus au profit de l'Afrique n'ont pas été remplacés par un afflux de bénévoles travaillant pour les ONG
françaises. La politique de coopération française s’est généralement concentrée sur l’aide d’État à État et le gouvernement reste réticent à
travailler avec les acteurs de la société civile comme l’ont fait les gouvernements successifs au RoyaumeUni. Les gouvernements français n’ont
jamais embrassé l’idée d’impliquer les acteurs de la société civile et les ONG dans le processus de développement ; en effet, la part de l'aide
française à l'Afrique acheminée par l'intermédiaire des ONG, qui ne représente de toute façon traditionnellement qu'une très faible part de l'aide
en volume et en proportion de l’aide totale.25 La réduction du soutien de l’État à l’Afrique n’a donc pas été
compensé par une implication accrue au niveau de la société civile ; La France n'a pas d'équivalent à la Paix
Corps et l'USAID, qui maintiennent une présence américaine significative sur le terrain en Afrique pour promouvoir
initiatives de développement.
Conclusion
La relation privilégiée francoafricaine, résumée dans le terme « la Françafrique », est née dans un contexte historique spécifique qui a pris
fin dans les années 1990. La caractéristique déterminante de cette relation était qu'elle était centrée sur l'État, même si elle était opérationnalisée
à travers un réseau dense de liens et d'affinités personnels et soutenue par une série de réseaux semiofficiels et non officiels, comme
Jacques Foccart. Cet article a montré que le contexte international et national qui a soutenu la relation pendant tant d’années a maintenant
changé, avec pour conséquence inévitable que la nature de la relation ellemême a également changé. Aujourd'hui, les liens
l'accent mis sur le rayonnement culturel , ont de plus en plus remplacé les liens d'État à État, enracinés dans le
projection de la puissance française à travers l’activisme politique et militaire, caractéristique de la politique francoafricaine.
relation.
Pourtant, à un certain niveau, les vieilles habitudes « étatistes » ont la vie dure et les élites dirigeantes françaises restent réticentes à adopter
de tout cœur l’agenda de la libéralisation économique internationale, dans la politique africaine comme dans d’autres domaines de la
politique. Il existe toujours une cellule Afrique à l’Élysée, avec des conseillers dont la mission est de conseiller Chirac sur la politique africaine :
aucun autre continent ne bénéficie d’une telle attention présidentielle particulière. La cellule joue également un rôle clé dans le maintien des
liens de la France avec ses plus proches alliés en Afrique : Bongo (Gabon), Eyadema (Togo) et Biya (Cameroun) sont trois exemples de dirigeants
africains qui continuent d'occuper une place particulière dans les relations francoafricaines. Dans les discours présidentiels, le discours
sur la relation privilégiée perdure également26. Cependant, rien de tout cela ne peut masquer le fait que l’ancienne affectivité a disparu, alors
Les dirigeants africains ont passé le relais à une nouvelle génération de dirigeants politiques. En Côte d'Ivoire, le Président
Les partisans de Gbagbo promeuvent le nationalisme ivoirien en parlant d'une « nouvelle décolonisation » de la part de la France (Doza,
2003). Même au Sénégal, dont les liens avec la France remontent au XVIIe siècle et dont la relation particulière avec la France a été incarnée
par son premier président, devenu agrégé et membre de l'Académie française, la nouvelle génération de dirigeants politiques sous Abdoulaye
Wade a cherché diversifier les relations extérieures du pays afin de réduire la dépendance à l'égard de la France (Chafer, 2003). Plus
généralement, la nouvelle génération de dirigeants africains est de plus en plus irritée et de moins en moins disposée à accepter la politique
française.
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rôle autoproclamé de défenseur de l'Afrique sur la scène mondiale. Pendant ce temps, à Paris, les anciens de l'Afrique qui ont
travaillé pour l'ancien ministère de la Coopération , dont les carrières se sont déroulées en Afrique et qui ont à la fois incarné la relation
privilégiée francoafricaine et constitué un réservoir d'expertise sur l'Afrique, prennent leur retraite et ne
remplacé par une nouvelle génération de spécialistes de l'Afrique. De plus, avec des visas étudiants de plus en plus difficiles
pour l'obtenir, de moins en moins d'étudiants issus de l'ancien pré carré vont à l'université en France, préférant souvent
étudier aux ÉtatsUnis (Sot, 2002). En conséquence, le réseau dense de relations qui unissait la France à
L'Afrique et l'ancienne « relation privilégiée » qui soustenait cette relation ont décliné.
Face à cela, deux questions majeures se posent. La France et l'Afrique sontelles encore « une affaire de famille » ? Et si ce n'est pas le cas, estce que c'est la
La notion de Françafrique estelle toujours pertinente, rappelant une relation ancienne et étatique avec le pays du champ , à la fois
étayée et promue par un réseau dense de liens et d'affinités personnels ? Certes, les conditions qui ont permis à ces relations
privilégiées de se développer et de perdurer pendant environ 35 ans après l’indépendance ont disparu à jamais. De plus, l’ancien régime
d’aide d’avant 1990, qui visait à créer et à maintenir une dépendance, a été remplacé par un nouveau régime censé tendre vers
l’autosuffisance et promouvoir le libéralisme économique et politique. Consciente de cela, la France a adopté la « doctrine d'Abidjan »,
qui a pour effet d'« internationaliser » la dépendance économique des pays africains, dans la mesure où ils doivent avoir conclu un
accord préalable avec le FMI s'ils souhaitent solliciter l'aide française, tout en réduisant l'aide française. la liberté de manœuvre
Politique africaine. Tous les pays africains de la ZSP ayant conclu un accord avec le FMI sont désormais
éligible au soutien français. En conséquence, le terme « la Françafrique », qui résume la notion de relation familiale, est de plus en plus
inapproprié. Le vieux bloc francoafricain est définitivement éclaté et la France, sembletil, est en train d'abandonner ses anciennes relations
« familiales » avec l'Afrique au profit d'une relation au cas par cas plus pragmatique, plus intransigeante et plus à la mode. approche
Remarques
[1] Initialement inventé par HouphouëtBoigny, le terme « Françafrique » en est venu à désigner la nature illicite, souvent corrompue,
des relations francoafricaines ; voir Verschave, 1998. Les autres termes sont utilisés respectivement par
La Lettre du Continent, passim; Bourmaud, 1996, p. 433; and Dozon, 2003, pp. 231–278.
[2] L'origine du terme « réseaux » réside dans les réseaux de Résistance gaulliste coordonnés par Foccart pendant la Seconde Guerre
mondiale.
[3] See for example Pierre Péan (1984) on the relationship between Gabon's Bongo family and the Elf oil company, in ‘Procès Elf: la
[7] ‘Le retour des Mitterrand's boys sur l'Afrique’, La Lettre du Continent, 18 Jan. 2001.
[8] Le Rwanda ne faisait pas à l'origine partie de la « famille » puisqu'il s'agit d'une ancienne colonie belge.
[9] ‘Quand Hassan II cite Jean Jaurès …’, Le Monde, 9 May 1996.
[15] See http://www.senat.fr: ‘Projet de loi de finances pour 2002 Tome III’ and ‘Projet de loi de finances
[17] Africa Confidential, 6 Dec. 2002, pp. 5–6; ‘Mission spéciale Niger/Mali’, La Lettre du Continent, 23 Oct.
2003.
[18] Les relations Paris/Luanda ont été dégradées par l’affaire « Angolagate » concernant les ventes illicites d’armes à l’Angola,
[19] ‘Monopoles privés de l'eau et de l'électricité’, La Lettre du Continent, 1 Feb. 2001; ‘Bolloré/Maersk:
[21] La récente intervention militaire en Côte d'Ivoire semble contredire cela, même si cela peut s'expliquer par la nécessité de
protéger l'importante (20 000) communauté française et les vastes intérêts économiques de la France, plutôt que par un nouvel enthousiasme
français pour intervenir dans le pays. Afrique. Il bénéficie du soutien de l’ONU et de la Communauté économique des États de l’Afrique
de l’Ouest.
[22] Dominique de Villepin, discours à l'IHEDN, 13 juin 2003, disponible sur : http://www.ihedn.fr/
Pages/Pages_Actu/FICA2003_Discours.html.
[23] L'aide française au Sénégal est passée de 82 millions d'euros en 1999 à 36,3 millions en 2002 ; voir Africa Confidentiel, 25 juin 2004, p.
7.
[24] La prévision budgétaire pour 2004 est que 138,5 millions d'euros seront alloués au C2D. Les cinq premiers pays à avoir signé des
accords C2D avec la France ont été : le Mozambique, l'Ouganda, la Bolivie, la Tanzanie et la Mauritanie ; ceux qui devraient se qualifier
en 2004 sont le Rwanda, le Malawi, le Nicaragua, le Cameroun, le Ghana, Madagascar et le Honduras ; voir http://www.senat.fr/rap/
a030763/a03076314.html.
[25] Cumming, 2001, p. 150, 377 ; Smith, 2004. Selon Smith, moins de 1 % de l’aide française au développement était acheminée via des
ONG en 2001 – « cinq fois moins que ses voisins » – et seulement un quart des dépenses des ONG françaises étaient destinées à
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