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J. D. Vance lors d’un rassemblement en 2022 sous le mot d’ordre « Protect America Now » (Protéger l’Amérique maintenant). Consolidated News Photos/Shutterstock

Ce que l’accession de J. D. Vance à la vice-présidence des États-Unis signifierait pour le monde

Après des mois de spéculations, James David Vance vient d'être désigné colistier de Donald Trump pour l'élection présidentielle de novembre prochain. Il apparaît désormais comme l'héritier désigné du mouvement « America First », l'homme appelé à prendre la suite de Trump quand celui-ci aura quitté la scène politique.

Vance, 39 ans, est sénateur de l'Ohio depuis début 2023. C'est son premier mandat. Son expérience en politique, et plus encore en politique étrangère, est donc très limitée.

On sait toutefois déjà qu'il se démarque nettement de la vision très reaganienne de la politique étrangère propre au premier vice-président de Donald Trump, Mike Pence. Pence avait passé une grande partie de son mandat à voyager dans le monde entier pour rassurer les alliés et les partenaires des États-Unis, prononçant des discours visant à apporter une clarification stratégique aux actions souvent imprévisibles de Trump. Qu'en serait-il si Vance venait à occuper ce poste ?

Donald Trump et J. D. Vance
Donald Trump et J. D. Vance lors de la Convention républicaine à Milwaukee, le 15 juillet 2024. Justin Lane/EPA

Un représentant de la posture « Asia First »

J. D. Vance est l'un des nombreux Républicains dits « Asia First » qui appellent à réduire l'implication des États-Unis sur le continent européen et à réorienter les ressources du pays vers l'Asie afin de contrer la montée en puissance de la Chine.

Au Congrès, il s'est positionné comme l'un des opposants les plus véhéments à la poursuite de l'aide américaine à l'Ukraine, affirmant que les États-Unis « assurent la sécurité de l'Europe depuis bien trop longtemps » et exhortant les alliés européens de Washington à accroître leur propre aide militaire à Kiev. Sa nomination par Trump a d'ailleurs été ressentie négativement en Ukraine, comme en témoigne par exemple ce tweet de l'ancienne première ministre Ioulia Timochtchenko :

En février 2022, immédiatement après l'invasion à grande échelle lancée par la Russie, Vance avait déclaré sans ambages : « Je vais être honnête : je ne me soucie guère de ce qui peut arriver à l'Ukraine. »

Pour autant, il maintient qu'il ne préconise pas que les États-Unis « abandonnent l'Europe ». Ce qu'il souhaite, c'est mettre l'accent sur ce qu'il considère comme une menace plus pressante pour les intérêts américains, à savoir la concurrence avec la Chine, car, a-t-il déclaré l'année dernière, « c'est là que se trouve le véritable ennemi ».

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Un tenant du nationalisme économique face à la Chine

Vance explique que sa position sur la Chine est le produit d'un « raisonnement reposant purement sur le nationalisme économique ». Il considère qu'un soutien accru à l'industrie manufacturière américaine est un moyen de contrer directement la montée en puissance de Pékin, affirmant que « nous devrions fabriquer davantage de nos propres produits », même au prix de « quelques points de PIB ».

Vance estime que l'augmentation des droits de douane sur les importations chinoises créera des opportunités économiques pour les États de la « Rust Belt » (la ceinture de la rouille) comme le Michigan, l'Ohio et la Pennsylvanie.

Il a même fait l'éloge de la loi CHIPS and Science Act adoptée en 2022 par Joe Biden, qui vise à stimuler la fabrication nationale de semi-conducteurs afin que les États-Unis puissent mieux concurrencer la Chine et d'autres pays, la qualifiant de « grand texte législatif ».


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Alors que les États-Unis et leurs alliés ont maintenu des relations commerciales normales avec la Chine depuis son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce en 2000, Vance a coparrainé un projet de loi qui révoquerait le statut commercial privilégié de la Chine, ce qui serait extrêmement déstabilisant pour l'économie mondiale.

Un supporter de l'AUKUS

Bien que Vance souhaite réorienter les États-Unis vers la région indo-pacifique afin de contrer la Chine, il n'a à ce jour pas beaucoup évoqué les alliances américaines en Asie.

En février de cette année, lors d'un discours à la conférence de Munich sur la sécurité, il s'est qualifié de « fan de l'AUKUS » ; pour le reste, en Indo-Pacifique, il s'est contenté de dire qu'il « essayerait de soutenir » les alliés des États-Unis dont les intérêts sont alignés sur ceux de Washington, tout en encourageant « ceux qui hésitent sur la posture à adopter » à « envisager les choses de notre point de vue ».

Il se place aux côtés de Taïwan pour des raisons économiques, affirmant que l'île que la Chine a juré de récupérer, y compris par la force si nécessaire, doit être protégée parce qu'une invasion pourrait « décimer toute notre économie ».


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Sur le changement climatique, une position fluctuante

Comme un certain nombre d'autres de ses opinions, la position de Vance sur le changement climatique a évolué lorsqu'il s'est présenté au Sénat américain en 2022.

En 2020, il a parlé du « problème climatique » auquel sont confrontés les États-Unis, mais un peu plus tard, lorsqu'il a cherché à obtenir le soutien de Trump pour sa candidature au Sénat, il s'est dit « sceptique » sur la responsabilité de l'homme dans le changement climatique.

Il a également cherché à abroger les crédits d'impôt attribués aux Américains faisant l'acquisition de véhicules électriques.

L'héritier de la vision « America First »

Par le passé, Vance a indiqué que la vision de Trump en politique étrangère était un facteur déterminant à ses yeux, et que c'est en grande partie pour cela qu'il s'était rallié à lui.

Début 2023, alors que de nombreux Républicains soutenaient les aspirations présidentielles du gouverneur de Floride Ron DeSantis, Vance a rédigé un article favorable à la candidature de Trump et faisant l'éloge de son premier mandat, affirmant qu'en politique étrangère américaine, 2016-2020 avait été « la première fois où un consensus ancien qui avait fait la preuve de son inanité avait enfin été remis en cause ».

Dans cet article, Vance saluait la « politique étrangère couronnée de succès » de Trump, qu'il considère comme « la partie la plus importante » du bilan de celui-ci, soulignant qu'il n'a « déclenché aucune guerre » et qu'il a poussé les États-Unis à « assumer davantage la responsabilité de leur propre défense ».

Par le passé, certains vice-présidents ont déploré que cette fonction n'ait qu'un rôle secondaire et que son détenteur ne dispose que de prérogatives très limitées par rapport à celles du président. Il y a fort à parier que dans une seconde présidence Trump, cela se vérifierait de nouveau.

Mais Joe Biden lui-même, qui a occupé le poste durant les deux mandats de Barack Obama (2008-2016), a montré qu'il est possible pour les vice-présidents de jouer un rôle de conseiller de premier plan, spécialement en matière de politique étrangère. Et avec le soutien de Donald Trump, un vice-président Vance pourrait également mettre à profit les quatre prochaines années pour préparer sa propre candidature à la présidence en 2028. Il faudra, au cours de ces prochains mois, suivre de près les déclarations de Vance sur les questions de politique étrangère, car elles pourraient bien être annonciatrices non seulement de ce que sera la diplomatie de Washington sur la période 2024-2028, mais aussi pour les années suivantes.

This article was originally published in English

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