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Photographie d'un cavalier et de son cheval aux JO de Tokyo.
Ce cheval, présent aux JO de Tokyo avait-il bien un père et une mère ? A.RICARDO/Shutterstock

Équitation : y aura-t-il des chevaux clonés aux JO ?

Depuis la brebis Dolly en 1996, les techniques de clonage progressent continuellement. Peu d’individus ont les moyens d’obtenir une copie génétique de leur animal de compagnie, comme le président argentin Javier Milei, qui a fait cloner son chien préféré. Il est un domaine dans lequel cette technique s’est bien diffusée : l’élevage des chevaux de sport, en Argentine notamment et dans une moindre mesure en Europe.

Parmi l’élite des joueurs de polo argentins, cloner son meilleur cheval est désormais aussi courant qu’acheter un bien immobilier. Obtenir un clone coûte environ 150 000 €.

Lentement, mais sûrement, ces clones de chevaux investissent les élevages du sport équestre de haut niveau. Tout commence lorsqu’en 2003, l’équipe italienne de Cesare Galli « crée » Prometea, la toute première pouliche copiée de sa propre mère. Le laboratoire français Cryozootech ouvre en 2005 l’ère de la naissance des étalons clones reproductifs. Ces copies de champions n’ont qu’une vocation : se reproduire. Ce laboratoire de recherche privée créé par Eric Palmer a fait naître Pieraz Cryozootech à partir du champion du monde d’endurance équestre de 1994, qui avait été castré. E. T. Cryozootech, né en 2006, devient le premier clone d’un cheval qui a participé à une édition des Jeux olympiques, à savoir celle de 1996 à Atlanta, où il a terminé 4e au saut d’obstacles.

La Fédération équestre internationale (FEI) avait légiféré en 2007 pour les interdire. Les naissances régulières poussent finalement cet organisme officiel à autoriser les clones sur toutes les compétitions qu’il gère en 2012. Depuis cette date, il est théoriquement possible de chevaucher un clone pendant les trois sports équestres des Jeux olympiques : le dressage, le saut d’obstacles et le concours complet (composé des deux épreuves précédentes plus un cross). Autre preuve majeure de leur progression, un clone a permis de remporter pour la première fois une compétition équestre de niveau national en 2013.

Verra-t-on un clone de cheval gagner aux Jeux olympiques ? Pour l’édition de 2024 à Paris, rien n’est moins certain si l’on en croit les listes des pré-sélectionnés.

L’effectif actuel des chevaux clonés reste largement inférieur en nombre par comparaison aux dizaines de milliers de chevaux de sport issus de deux parents. D’autre part, les clones de chevaux olympiques restent voués à la reproduction plutôt qu’à une carrière sportive. Statistiquement, les « chances » pour que l’un d’eux décroche le Graal olympique restent très faibles.

100 000 euros pour un embryon de pouliche

Quels que soient les résultats aux prochains JO, ces pratiques de clonage chamboulent profondément la généalogie des chevaux ! Pendant des centaines d’années, l’information généalogique des chevaux a peu évolué : un père étalon et une mère jument donnent… un poulain ou une pouliche. Historiquement transmises par l’oralité, les listes d’ancêtres de chevaux deviennent des registres écrits (nommés en anglais des stud-books), puis elles sont numérisées à partir des années 1980. Les modes de gestion numériques en généalogie des chevaux sont le sujet que j’étudie pendant ma thèse à l’université de Paris-Nanterre, au sein du laboratoire DICEN (Dispositifs d’Information et de Communication à l’Ère Numérique).

L’exactitude des informations généalogiques des chevaux relève d’un enjeu extraordinaire pour leurs éleveurs et acheteurs. Cette seule information donne une valeur faramineuse à des poulains qui n’ont encore jamais vu de piste de concours ou d’hippodrome. Les investissements montent jusqu’à 100 000 euros pour s’offrir un embryon issu d’une jument championne ! Pourtant, le propriétaire n’est même pas certain que la pouliche naisse…

À titre de comparaison, un bon cheval de course peut se négocier à partir de 150 000 €, avec des records autour du million d’euros.

Cette valeur accordée au pedigree des chevaux de sport entraîne d’inévitables tensions sur le marché de la reproduction équine. Via des technologies reproductives telles que l’insémination artificielle, les étalons les plus demandés sur ce marché peuvent avoir plusieurs milliers de descendants. Le très célèbre Diamant de Sémilly, champion de France puis champion du monde de saut d’obstacles en 2002, est père de plus de 4 500 poulains et pouliches.

Quel registre pour les clones ?

Le clone est une copie génétique imparfaite d’un seul individu, à peu près l’équivalent du jumeau d’un autre cheval.

Le clonage reproductif a pour objectif commercial affiché de rendre de nouveaux reproducteurs disponibles sur ce marché. Mais dans les faits, il risque de réduire la diversité génétique des chevaux de sport. Les chevaux les plus performants pourraient être clonés encore et encore. Imaginons que des clones reproductifs de l’étalon Diamant de Semilly (sacré meilleur étalon du monde en 2016) voient le jour : nous aurions potentiellement une dizaine de milliers de poulains tous issus du même grand-père, sur plusieurs générations.

Un autre questionnement concerne la gestion des clones dans les registres généalogiques. Chacun d’eux suit ses propres règles, une grande majorité refusant d’inscrire des clones. En Europe, deux acceptent de les enregistrer : le Zangersheide géré en Belgique, et l’Anglo-européen. Seulement, un système informatique de base de données généalogique ne prévoit généralement pas qu’un clone puisse exister. Par exemple, la base de données de l’institut français du cheval et de l’équitation, Infochevaux, inscrit le clone comme fils ou fille des deux parents du cheval cloné.

Une manière de résoudre cette problématique pourrait être d’utiliser une base de données plus souple, comme la base de connaissances participative Wikidata, qui recourt à des graphes. Ces graphes permettent de créer puis de gérer une filiation spécifique aux clones, avec une contrainte créée exprès pour eux. Cette contrainte spécifiera qu’un clone provient d’un seul « parent ».

Enfin, les avancées technologiques du clonage ont des implications éthiques évidentes. Et s’il devenait possible de cloner un champion à partir d’un simple crin de sa crinière ? Faudrait-il surveiller les meilleurs chevaux de sport 24h/24, les enfermer à vie afin d’éviter qu’ils soient prélevés d’un échantillon corporel en vue de les cloner ? Ce serait inconcevable à l’égard d’un animal aussi sensible et social que le cheval. Les avancées technologiques du clonage soulèveront sans aucun doute de nouvelles questions éthiques dans les années à venir.

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