LE DOCTEUR Jonas Edouard Salk, qui est mort d'un infarctus, vendredi 23 juin, à La Jolla en Californie, était l'une des plus grandes et plus attachantes figures de la biologie de ce siècle. Son nom était notamment attaché à la mise au point du vaccin contre la poliomyélite, vaccin qui a permis de réduire considérablement la fréquence de cette maladie vi rale dans les pays industrialisés.
Né le 28 octobre 1914, à New York, fils d'immigrés juifs polonais, il n'a pu faire ses études dans diverses disciplines scientifiques et médicales que grâce à l'octroi de différentes bourses. C'est la mise au point par Enders des premières méthodes de culture cellulaire de virus qui, au lendemain de la seconde guerre mondiale, permit au docteur Salk de développer ses travaux sur la vaccination contre la poliomyélite, redoutable maladie virale alors très répandue. Reprenant une approche pastorienne qui consiste à réduire la virulence d'un agent pathogène tout en conservant son immunogénicité, il atteint son objectif au printemps 1954, son vaccin étant homologué l'année suivante par les autorités sanitaires de son pays.
De fortes épidémies de poliomyélite sur le sol américain permirent rapidement de démontrer l'efficacité de cette méthode préventive et accélérèrent la prise de conscience collective de la nécessité de cette vaccination. Dans les années qui suivirent, un autre chercheur américain, Albert Bruce Sabin, réussit à mettre au point un autre type de vaccin. Constitué d'un virus vivant inactivé et administré par voie orale, le vaccin Sabin apportait quelques avantages. Mais il est clair que c'est l'oeuvre initiale de Salk qui permet aujourd'hui aux organisations sanitaires internationales d'envisager l'éradication de la poliomyélite à l'échelon mondial.
Travailleur infatigable, auteur de différents essais philosophiques, le docteur Salk devait fonder au début des années 60, à La Jolla (Californie), un institut portant son nom et qui devint rapidement l'un des plus prestigieux centres de recherches sur les structures protéiques et virales. Proche du docteur Charles Mérieux, il s'intéresse de très près au développement industriel de ses recherches.
Dans la dernière période de sa vie, Jonas Salk avait trouvé avec le sida un nouveau défi qu'il entendait relever. C'est ainsi qu'il devait développer, dès la fin des années 80, un vaccin constitué de virus du sida inactivés et destiné aux personnes déjà infectées afin de leur permettre d'augmenter leur réponse immunitaire. Victime d'un infarctus, le 23 juin, à la Jolla, Jonas Salk qui souffrait du coeur depuis plusieurs années ne saura pas si l'enthousiasme qu'il manifestait pour ce vaccin antisida était ou non justifié. Quoi qu'il en soit, cet héritier clairvoyant de la tradition pastorienne a pleinement atteint la mission qu'il s'était assignée : améliorer la condition humaine.