POUR l'heure, le directeur général de l'OMS se refuse à donner des réponses documentées aux deux questions principales que soulèvent la perspective d'une prochaine éradication de la poliomyélite. Combien de temps faudra-t-il continuer les campagnes de vaccination une fois que cette maladie aura disparu ? Que conviendra-t-il de faire des stocks de Poliovirus présents dans de nombreux laboratoires à travers le monde ? Une seule chose semble acquise. Il faudra plusieurs années - cinq selon les informations fournies à Genève - entre le recensement du dernier cas clinique de poliomyélite et la déclaration officielle de l'éradication planétaire de cette maladie virale.
En pratique, la question la plus importante sera sans doute celle de la poursuite des campagnes de vaccination. Il conviendra en effet de trouver les ressources financières et humaines pour continuer à protéger le plus grand nombre possible d'enfants contre une maladie qui de facto sera considérée comme vaincue. « On peut craindre que le fait d'afficher haut et fort, de manière peut-être prématurée, la victoire définitive contre la poliomyélite conduise à un certain relâchement dans la mise en oeuvre systématique de la parade vaccinale », estime le docteur Alain Fisch (service des urgences tropicales, hôpital de Villeneuve-Saint-Georges). « L'un des risques dans ce domaine, prévient-il, est, de manière paradoxale, que la très petite proportion des médecins opposés aux vaccins trouve dans cette annonce un argument pour proposer de ne plus vacciner contre la poliomyélite. Ceci sera toutefois difficile dans la mesure où ce vaccin administrable par voie injectable est associé à d'autres, contre la diphtérie et le tétanos. »
En France, l'obligation de la vaccination contre la poliomyélite a été instaurée en juillet 1964. Le calendrier vaccinal prévoit l'administration de trois doses à l'âge de deux, trois et quatre mois ainsi que des rappels à seize mois, six ans et onze ans. Par la suite, une dose de rappel est recommandée tous les dix ans, précaution rarement mise en oeuvre. Compte tenu des risques infectieux, très minimes mais réels, associés à l'usage du vaccin buccal, le vaccin injectable est fortement recommandé en France comme dans de nombreux pays industrialisés. Entre 1977 et 1995, on a recensé 95 cas de poliomyélite aiguë dans l'Hexagone et 14 cas entre 1985 et 1995, le dernier cas autochtone datant de 1989.
Tout comme dans le cas, encore non résolu, de la variole, le problème du devenir des stocks de virus poliomyélitique est d'ores et déjà soulevé. En 1998, l'OMS estimait que l'heure était venue d'organiser la « traque » puis le « confinement » des Poliovirus dans des enceintes de haute sécurité. Sa crainte était que des virus puissent, de manière accidentelle ou pas, se propager au sein de populations humaines non protégées et provoquer une catastrophe sanitaire majeure.
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