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Quand la fortune expose à la mise sous tutelle

Avant de priver une personne de sa capacité juridique, les juges doivent constater que ses facultés mentales sont altérées et qu’elle a besoin d’être représentée de manière continue dans les actes de la vie civile.

Publié le 12 décembre 2022 à 07h00, modifié le 12 décembre 2022 à 07h00 Temps de Lecture 2 min.

Une personne majeure, dont les facultés mentales ne sont que modérément altérées, mais dont les ressources sont importantes, risque-t-elle plus qu’une personne aux revenus modestes d’être placée sous tutelle et de perdre toute capacité juridique ? Telle est la question que pose l’affaire suivante.

En 2016, Léonie X (prénoms modifiés), devenue veuve, cesse toute relation avec ses deux filles. Pendant trois ans, elle ne voit plus que son petit-fils, Arnaud, étudiant en médecine, auquel elle fait d’importantes donations (environ 800 000 euros, qui lui permettent d’acheter un appartement et une maison). En 2019, Léonie renoue avec ses filles. Elle modifie en leur faveur plusieurs actes précédemment consentis au profit d’Arnaud (testament et assurance-vie).

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Celui-ci demande alors que sa grand-mère soit placée sous la tutelle d’un tiers, qui la représentera dans tous les actes de la vie civile, et qui empêchera la captation de ses biens. Il fournit pour ce faire le certificat d’un gériatre, selon lequel l’octogénaire présente une « altération des fonctions intellectuelles modérée, associée à un état dépressif ». La vieille dame et ses filles s’opposent à cette mesure. Elles demandent que la fille cadette soit chargée d’une « habilitation familiale ». Elles fournissent d’autres certificats, qui font seulement état d’un caractère « vulnérable et influençable ».

Patrimoine immobilier

Le 16 juillet 2020, un juge place néanmoins Léonie sous tutelle ; et, le 17 décembre 2020, la cour d’appel de Nîmes confirme sa décision. Elle explique que, si Mme X « ne présente pas un degré d’altération important de ses facultés intellectuelles et mentales », elle est « vulnérable et influençable, ainsi que démontrent les dispositions qu’elle a prises en 2017 au profit de son petit-fils et en juin 2019 au profit de ses deux filles », et qu’« elle se sent redevable de l’affection qui lui est portée ».

Elle considère que « [le] comportement [de l’intéressée] ne doit pas (…) aller à l’encontre de ses intérêts ». Elle conclut qu’« une simple mesure de curatelle renforcée n’apparaît pas suffisante, en considération de l’importance de ses revenus (environ 5 550 euros par mois) et de son patrimoine tant mobilier qu’immobilier ».

Le 12 octobre (2022, 21-12.268), la Cour de cassation, saisie par Léonie et ses filles, censure cette décision, pour manque de « base légale ». Elle renvoie les parties devant une autre formation de la même cour d’appel, afin que l’affaire soit rejugée conformément aux articles 425 et 440 du code civil.

En vertu de ces textes, les juges doivent, avant de prendre la grave décision de placer une personne sous tutelle, faire le « double » constat que ses facultés mentales sont « altérées » au point d’empêcher l’expression de sa volonté, et qu’elle doit être représentée « d’une manière continue » dans les actes de la vie civile. Il y a longtemps que la Cour de cassation impose ce double constat, et qu’elle contrôle sa prise en compte par les juges du fond.

Or ce double constat manque ici, comme l’a signalé Me Frédéric Rocheteau, avocat des requérantes ; la cour d’appel n’a, en effet, pas expliqué en quoi les troubles modérés de l’octogénaire lui imposaient, tels ceux d’une malade d’Alzheimer, une représentation « continue ». A la place, elle a invoqué la préservation de « ses intérêts » financiers et patrimoniaux – ce qu’elle n’aurait pu faire pour une personne dépourvue de fortune. Cela fait dire à Me Rocheteau : « Ce n’est pas [Léonie X] que la cour d’appel a entendu protéger mais… un patrimoine et une succession à venir. »

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