L’hôtesse d’une soirée qui laisse ses invités poser des bougies allumées à même le sol ne peut prétendre qu’elle n’est pas responsable de l’accident causé par l’une d’elles. Il aura fallu six ans de procès pour que la justice aboutisse à cette conclusion de bon sens, dans l’affaire qui suit.
Le 27 décembre 2014, Mme X, invitée chez Mme Y pour y fêter Noël, en ressort grièvement brûlée : les vêtements qu’elle portait ont pris feu au contact de bougies placées « par terre » ou « sur une table basse », selon les attestations discordantes des autres convives.
En novembre 2017, Mme X assigne Mme Y et son assureur, Avanssur, afin qu’ils prennent en charge l’intégralité de son préjudice, qui se chiffrera à plus de 200 000 euros. Mme Y refuse de reconnaître toute responsabilité dans l’accident, au motif que ce ne serait pas elle qui se serait « chargée de la décoration » : elle n’aurait « ni apporté ni allumé les bougies ». Les attestations ne permettant pas de connaître l’identité des personnes qui l’ont fait, elle obtient gain de cause en première instance.
Les magistrats d’appel considèrent toutefois, le 9 décembre 2020, qu’en tant que « gardienne » des bougies elle est présumée responsable du dommage causé par ces dernières. L’article 1384 du code civil instaure en effet une présomption de responsabilité à l’encontre de celui qui a sous sa garde une chose « en mouvement », ayant provoqué un dommage. Contrairement aux juges de première instance, ceux d’appel considèrent que la bougie n’est pas une chose « inerte » puisqu’« il s’en dégage une flamme qui peut vaciller ».
Vêtement tahitien en raphia
Mais la Cour de cassation leur donne tort, le 16 juin 2022 (21-11.960), au motif qu’ils n’ont pas vérifié si Mme Y « était la gardienne » des bougies, et c’est seulement 13 avril 2023 que la responsabilité de Mme Y est reconnue. La cour d’appel d’Aix-en-Provence juge que « même si elle avait chargé d’autres personnes d’assurer la décoration (…) il lui appartenait de veiller à la sécurité des convives ».
En effet, une bougie, dont la flamme « peut vaciller », est « source de danger », surtout si elle est placée « à hauteur de vêtement ». En laissant plusieurs bougies allumées, « sans dispositif protégeant la flamme, que ce soit au sol ou sur une table basse, en tout cas (…) à portée de contact avec les vêtements des convives, Mme Y a commis une imprudence qui est à l’origine du sinistre, puisque le vêtement de Mme X a pris feu ».
Et d’enfoncer le clou : en n’ayant pas « jugé utile d’éteindre ces bougies qui étaient source de danger », en s’étant « abstenue, là où elle aurait dû, en sa qualité d’hôtesse normalement prudente et avisée, réagir », elle a « commis une faute d’imprudence et de négligence qui engage sa responsabilité civile ».
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