Les héritiers d’un défunt qui se voient attribuer la seule « nue-propriété » d’une succession ne disposent que d’une somme d’argent théorique, à la différence du conjoint survivant qui opte pour la totalité « en usufruit ». Ils ne peuvent donc pas toujours s’acquitter de leurs droits de succession sur cette nue-propriété.
Par dérogation au principe du paiement immédiat, le code général des impôts leur permet d’obtenir un « crédit de paiement différé », jusqu’au décès de l’usufruitier, s’ils proposent des garanties. Mais il leur impose d’ici là de verser des intérêts, ce qui peut être encore trop coûteux.
Il peut les dispenser du paiement de ces intérêts, à condition que leurs droits soient calculés sur la valeur de la pleine propriété des biens. Ce qui peut être pénalisant si l’usufruitier meurt au bout de quelques mois. Ils doivent choisir une option en fonction du taux en vigueur et de l’espérance de vie de l’usufruitier. Quand ils l’ont choisie, ils ne peuvent plus en changer, comme le montre l’affaire suivante.
En 2017, deux frères deviennent nu-propriétaires des biens de leur père. Le montant de leurs droits s’élève à 144 000 euros (chacun). Ils en demandent le paiement différé, « sans intérêts jusque-là ». En garantie, ils proposent une hypothèque sur un bien immobilier évalué à 1,2 million d’euros en pleine propriété.
Silence des textes
L’administration fiscale donne son accord pour le paiement différé sans intérêts sur la pleine propriété, et les informe que le montant total de leurs droits sera de 508 000 euros (au lieu de 288 000 euros). Ils font alors une demande de rectification en expliquant qu’ils se sont trompés.
L’administration la rejette, au motif que l’option prise lors de la déclaration de succession est « irrévocable ». Les frères saisissent la justice pour faire juger qu’ils peuvent changer d’option, puisque aucun texte législatif ne prévoit cette irrévocabilité, à la différence de ceux qui concernent les sociétés de personnes, ou les écrivains, scientifiques artistes ou sportifs. Ils sont déboutés, la cour d’appel de Paris jugeant à l’inverse qu’aucun texte n’autorise la révocation.
Le 13 mars 2024 (22-16.190), la Cour de cassation leur donne tort, après s’être inspirée d’une décision du Conseil d’Etat, relative à un impôt pourtant bien différent, celui des revenus mobiliers. Le Conseil d’Etat a, le 24 octobre 2014, jugé irrévocable l’option prise par un contribuable pour leur intégration dans son revenu annuel imposable, plutôt que pour un prélèvement forfaitaire unique, qui lui aurait été plus avantageux.
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