Aussi étonnant que cela paraisse, une copropriété peut être condamnée à indemniser une personne tombée d’un muret à cause… d’un chien, comme le montre l’affaire suivante.
Le 9 août 2014, Mme Y rend visite à un ami, M. X, puis sort, pour la première fois, le chien de celui-ci, Tiloup. Lorsqu’elle s’assoit sur un muret – ou qu’elle s’appuie dessus, les faits n’étant pas clairs sur ce point –, Tiloup saute sur elle. Il la fait basculer en arrière et tomber trois mètres en contrebas, dans un passage étroit conduisant aux caves d’un immeuble.
L’accident, dramatique, laisse Mme Y paraplégique. L’indemnisation de ses conséquences étant évaluée à terme à 1,8 million d’euros, l’assurance de M. X, Pacifica, ne veut pas jouer. Elle met en cause la responsabilité du propriétaire du muret : une copropriété, assurée par Allianz. Laquelle, tout comme Pacifica, refuse de payer. Elle dénonce la « faute d’imprudence » de la victime qui, selon elle, n’aurait pas dû « s’asseoir » sur le muret.
Le tribunal judiciaire de Paris, que Mme Y saisit, juge M. X « entièrement responsable » des dommages causés par son animal, et condamne la seule Pacifica à verser une provision de 30 000 euros. Mais cette dernière fait appel, et obtient, le 22 juin 2023, un partage de responsabilités. La cour d’appel de Paris confirme certes le « rôle causal » du chien dans l’accident. Elle exonère la victime de toute « faute », en jugeant qu’elle « ne connaissait pas les habitudes » de l’animal, notamment celle de « monter là ou son maître s’assoit ».
Au moins un mètre
Mais les magistrats constatent que le muret, partie commune de la copropriété, était un « ouvrage de protection des personnes contre les risques de chute fortuite dans le vide ». Et qu’à ce titre, il devait respecter les dispositions relatives aux garde-corps prévues par la norme NF P 01-012 : lorsqu’ils sont « minces » (largeur inférieure à 20 centimètres), ils doivent mesurer au moins « 1 mètre ».
Or, bien que le muret n’ait été large que de 17 centimètres, sa hauteur était de 0,72 mètre à l’endroit de la chute. La cour d’appel juge que cette « anormalité » a, elle aussi, joué un rôle « causal » dans le dommage subi par Mme Y. Elle retient la responsabilité du syndicat en vertu du principe selon lequel « on est responsable du dommage » causé par le fait « des choses que l’on a sous sa garde » (article 1242 du code civil). Mais aussi pour défaut de « mise en conformité du muret » aux normes, c’est-à-dire pour « faute » (article 1240 du code civil).
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