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La cécité ne justifie pas une curatelle renforcée

Une infirmité qui n’empêche pas une personne de se faire comprendre ne justifie pas l’ouverture d’une mesure de protection juridique.

Publié le 24 juin 2024 à 06h00 Temps de Lecture 2 min.

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Le fait qu’une personne soit aveugle justifie-t-il qu’elle soit placée sous curatelle renforcée, mesure qui lui interdit de « percevoir ses revenus et de régler ses dépenses », ces actes étant confiés à un curateur, lequel ne laisse à sa disposition que l’excédent ? Telle est la question que pose l’affaire suivante.

En 2018, M. X, 82 ans, est frappé de cécité après une infection oculaire, puis il perd son épouse, atteinte d’un cancer et de la maladie d’Alzheimer. Son fils, avec lequel il est en conflit, demande qu’il fasse l’objet d’une mesure de protection juridique, en se plaignant de factures impayées.

Le juge des tutelles du tribunal d’instance de Lens (Pas-de-Calais) place M. X sous curatelle renforcée pour cinq ans, après avoir pris en compte son « handicap visuel lourd », qui le « rend dépendant pour tout acte impliquant la vue, à savoir les déplacements, l’administratif et le budget ».

M. X sollicite la mainlevée de cette mesure, qu’il vit comme une « humiliation », lui qui a « toujours géré ses affaires ». Elle lui est refusée, mais le juge en confie la charge à une association. M. X fait appel. Il accuse son fils et sa fille d’en vouloir à son patrimoine – sa maison et plus de 220 000 euros sur ses comptes. Il dit pouvoir être aidé par Mme Y, une amie, dont son fils se méfie. Il nie avoir besoin d’une assistance en continu, son aide-ménagère lui suffisant.

Triple condition

Le 13 janvier 2022, la cour d’appel de Douai (Nord) confirme le jugement. Elle admet certes que M. X « tient un discours cohérent », qu’il « développe des capacités d’analyse correctes », et qu’il peut « exprimer son opinion clairement et sans incongruité ». Elle ajoute qu’« il a une connaissance claire de sa situation financière et matérielle ». Elle note encore qu’« aucun des certificats médicaux établis ne relève une atteinte des facultés mentales ». Mais elle considère que sa cécité « le rend entièrement dépendant de son entourage pour les actes patrimoniaux importants de la vie civile ».

M. X se pourvoit en cassation et son avocate, Me Myriam Gougeon, rappelle qu’avant de prendre la grave décision de mettre une personne sous tutelle ou curatelle, les juges doivent faire un « double constat » : d’une part, que ses facultés mentales ou corporelles sont altérées au point d’« empêcher l’expression de sa volonté » ; d’autre part, qu’elle doit être représentée « d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile » (articles 425 et 440 du code civil).

Avant de la mettre sous curatelle renforcée, ils doivent en outre expliquer en quoi elle « n’est pas apte à recevoir ses revenus et à en faire une utilisation normale ». L’avocate soutient qu’aucune de ces trois conditions n’a été remplie. Le 27 mars (2024, 22-13.325), la Cour censure l’arrêt, en constatant que « la seule altération des facultés corporelles dont souffrait M. X n’était pas de nature à l’empêcher d’exprimer sa volonté ». Elle renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Douai, différemment composée. Celle-ci dira si M. X, comme il le souhaite, peut redevenir maître de ses affaires.

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